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Mme Marie Arena (PS). - En Belgique, l'administration provisoire de biens représente environ 80 000 dossiers. Si ces dossiers ne sont pas tous problématiques, heureusement, la condamnation, le 10 octobre 2013, de l'avocat Burlion à trois ans de prison fermes, a ravivé la polémique autour de la gestion, floue, de trop nombreux dossiers d'administration provisoire des biens de personnes fragiles.
Dans neuf cas sur dix, l'administration provisoire est déléguée à un avocat sur décision du juge de paix. Un avocat peut se voir octroyer un nombre illimité de cas à gérer. J'ai notamment appris qu'un avocat gérait plus de trois cents dossiers à lui seul. J'ai du mal à croire qu'il fait son travail correctement.
La loi permet à l'avocat désigné par le juge de paix de s'octroyer 3% du revenu brut de l'administré. En outre, il dispose de la liberté de facturer des prestations exceptionnelles. Il arrive qu'elles fleurissent et même qu'elles explosent.
Les prestations exceptionnelles doivent être agréées par le juge de paix du canton où la personne protégée réside. Elles deviennent malheureusement parfois trop fréquentes dans le chef d'avocats malveillants.
Divers acteurs se mobilisent pour qu'il soit mis fin au flou juridique et M. le secrétaire d'État Crombez, que je félicite, s'est saisi du dossier.
Madame la ministre, quelles sont les actions menées par le gouvernement pour éviter ce type de dérives ? Avez-vous été saisie de cette problématique ? Le cas échéant quelle suite y avez-vous réservée ? Comment envisagez-vous de protéger les victimes des pratiques malhonnêtes de certains avocats ?
Le paradoxe est qu'en principe, l'administration provisoire des biens est une décision prise dans l'intérêt des personnes fragiles. Or ces personnes sont parfois abusées par le système censé les protéger.
Pourriez-vous imaginer de limiter le nombre de dossiers suivis, de contrôler davantage les pratiques de gestion et de facturation, voire de contrôler les pratiques qui sont actuellement d'application dans les justices de paix ?
Mme Annemie Turtelboom, ministre de la Justice. - Le Code civil prévoit des garde-fous pour prévenir les situations que vous dénoncez. Le juge de paix doit désigner l'administrateur provisoire en tenant compte de la nature et de la composition des biens à gérer, de l'état de santé de la personne à protéger et de sa situation familiale.
La rémunération de l'administrateur provisoire est fixée par le juge de paix. Son montant ne peut dépasser trois pour cent des revenus de la personne protégée, majorés des frais exposés sous le contrôle du juge de paix. Toutefois, sur présentation d'états motivés, le juge de paix peut lui allouer une rémunération en fonction des devoirs exceptionnels accomplis. Pour le surplus, l'administrateur provisoire ne peut recevoir ni rétribution ni avantage, de quelque nature ou de qui que ce soit, en rapport avec son mandat d'administrateur provisoire.
L'objectif du législateur était de rendre la rémunération transparente. À ce propos, je citerai un document parlementaire de la Chambre des représentants de 1999 : « Il faut, d'une part, être conscient qu'à défaut d'une rémunération raisonnable, on ne trouvera plus de candidats pour s'occuper des dossiers les moins intéressants et, d'autre part, éviter au maximum que l'appát du gain soit la motivation principale de l'administrateur provisoire ».
La loi du 17 mars 2013 réformant les régimes d'incapacité et instaurant un nouveau statut de protection conforme à la dignité humaine, publiée au Moniteur belge le 14 juin 2013, devrait entrer en vigueur le 1er septembre 2014.
Elle modifiera en profondeur le régime des incapables en remplaçant notamment le régime de l'administration provisoire. Plusieurs modifications seront apportées au régime actuel.
Le choix de l'administrateur sera laissé en priorité à la personne à protéger. Une personne qui n'est pas placée sous protection judiciaire pourra déposer devant le juge de paix ou devant un notaire une déclaration dans laquelle elle fait connaître sa préférence en ce qui concerne l'administrateur ou la personne de confiance à désigner si le juge de paix ordonnait une mesure de protection judiciaire. Le Roi pourra subordonner l'exercice de la fonction d'administrateur à certaines conditions, notamment en limitant le nombre de personnes dont on peut être l'administrateur.
Par ailleurs, concernant la rémunération de l'administrateur, le nouvel article 497/5 du Code civil précise et complète le régime actuel. La décision du juge de paix allouant une rémunération à l'administrateur devra désormais être spécialement motivée. Les éléments à prendre en compte pour l'évaluation de la rémunération seront la nature, la composition et l'importance du patrimoine géré, ainsi que la nature, la complexité et l'importance des prestations fournies par l'administrateur.
Si le juge de paix constate que l'administrateur vient à faillir à sa mission, il pourra, par décision spécialement motivée, refuser d'allouer une rémunération ou allouer une rémunération inférieure.
Par devoirs exceptionnels, il faut entendre les prestations matérielles et intellectuelles qui ne s'inscrivent pas dans le cadre de la gestion quotidienne du patrimoine de la personne protégée.
Enfin, le Roi pourra déterminer les revenus qui servent de base à l'évaluation de la rémunération. Il pourra fixer certains frais de manière forfaitaire et fixer le mode de calcul de l'indemnité relative aux devoirs exceptionnels.
Mme Marie Arena (PS). - Dans quel délai les modifications législatives seront-elles apportées ?
Mme Annemie Turtelboom, ministre de la Justice. - Ces dispositions sont déjà votées par la Chambre et le Sénat. Seule une légère modification a été apportée à la loi de coordination pour la réforme de la Justice mais en principe les mesures s'appliqueront à partir du 1er septembre 2014.
Mme Marie Arena (PS). - Je note que plusieurs difficultés actuelles ont été prises en compte, notamment en ce qui concerne la désignation de l'administrateur de biens. Il est important que la personne à protéger ait son mot à dire dans le choix de la personne qui veillera sur ses intérêts.
On prend également en considération le nombre de dossiers traités. Actuellement, un nombre excessif de dossiers à traiter complique considérablement la táche de l'administrateur.
La possibilité de revoir la décision de l'administrateur de biens constitue également une avancée. Vous avez attribué cette mission au juge de paix. Cette procédure s'appuiera-t-elle sur le rapport annuel rendu par l'administrateur de biens ou sur d'éventuelles plaintes déposées par l'environnement ou la personne concernée ?
Mme Annemie Turtelboom, ministre de la Justice. - Je vérifierai dans le rapport et je vous répondrai par écrit.
Mme Marie Arena (PS). - Cette donnée est importante. Actuellement, les juges de paix, eux-mêmes débordés, sont dans l'incapacité d'examiner tous les rapports annuels qui leur sont transmis par les administrateurs de biens. Dès lors, la demande de changement d'administrateur n'est pas toujours prise en considération. Il conviendrait donc de revoir cette question. J'attendrai votre réponse avec intérêt.
Mme Annemie Turtelboom, ministre de la Justice. - Nous pourrions examiner cet aspect au moment de la discussion de la loi de coordination au Sénat.
M. le président. - J'ajoute que les compétences des juges de paix ont encore été étendues, ce qui donne une idée de l'ampleur de la táche.