5-230COM | 5-230COM |
M. Richard Miller (MR). - La thérapie par chélation comporte l'administration d'une substance qui se combine à des produits chimiques métalliques pour augmenter leur excrétion par les reins. La forme la plus courante est une série d'injections intraveineuses contenant un agent chélateur et une variété d'autres substances. Les médecins qui recommandent et pratiquent la thérapie par chélation - laquelle fait partie de leur pratique médicale constante - affirment qu'elle est efficace comme traitement de l'autisme, de maladies cardiaques et de nombre de maladies rares.
Le Urine Toxic Metals Test (UTMT) qui est utilisé laisse penser au patient qu'il est empoisonné par le plomb ou le mercure. La procédure est en fait une analyse « provoquée » dans laquelle l'agent chélateur est administré avant que l'échantillon sanguin soit obtenu. Cela augmente le taux de plomb, de mercure et/ou d'autres métaux lourds dans l'urine. Le rapport de l'analyse, dont une copie est remise au patient, déclare que ses « valeurs de référence » sont pour des échantillons non provoqués. Toutefois, si un niveau d'analyse excède les valeurs de référence - ce qui est habituel, semble-t-il - il est rapporté comme « élevé » même s'il devait être considéré comme non significatif. Le patient est alors avisé de subir une « désintoxication » avec la thérapie de chélation, d'autres traitements intraveineux et des suppléments diététiques que le praticien peut vendre !
Or, madame la ministre, en consultant quelques sites relatifs à cette thérapie, on peut lire qu'aucun diagnostic de toxicité par le plomb ou le mercure ne doit être posé à moins que le patient présente des symptômes d'empoisonnement par des métaux lourds ou un taux plus élevé de ces métaux dans le sang sans avoir subi de provocation. Et même si le taux est élevé - ce qui peut se produire dans un environnement de travail insécurisé ou si l'on emploie de la peinture contenant du plomb - ce qui doit être fait habituellement est d'éviter toute exposition future.
La thérapie par chélation est en outre dangereuse ; elle conduit à un appauvrissement généralisé en sels minéraux, voire à des intoxications graves. Selon les sites que j'ai consultés, plusieurs enfants auraient dû être hospitalisés et deux décès auraient été constatés.
En France cette « thérapie » est portée par une association, appelée « Fil d'Ariane ». La principale responsable de cette association aurait été récemment radiée de l'Ordre des médecins, elle n'a donc plus le droit d'exercer la médecine en France...
Le principe est que cette association envoie les parents faire des analyses de sang et d'urine dans un unique laboratoire réputé compétent pour les faire ! Les analyses montrent à chaque fois qu'il faut entreprendre un traitement de choc à base de divers produits très coûteux.
Le discours des tenants de cette théorie s'articule autour de quelques points récurrents : les médecins se « tiennent » tous, quiconque contredit la thérapie fait partie du « complot » orchestré par les entreprises pharmaceutiques et les médecins, etc. Il s'agit donc d'un discours qui me paraît sectaire.
Madame la ministre, que savent vos services à propos de cette thérapie par chélation ? Quelle appréciation portent-ils sur celle-ci ? Dispose-t-on d'une évaluation ?
Que pensez-vous d'une telle pratique qui inscrit la Belgique dans une sorte de filière avec le Canada et l'Allemagne ? Les tests pratiqués sur les patients belges sont envoyés exclusivement dans un laboratoire allemand, comme s'il n'y avait pas de laboratoires en Belgique.
La thérapie consistant en une série d'opérations de chélation, le coût final est exorbitant. Madame la ministre, je souhaiterais avoir votre avis sur cette thérapie.
Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de Beliris et des Institutions culturelles fédérales. - Les services du SPF Santé publique n'ont pas encore été confrontés à l'exercice de cette pratique dans notre pays. Aucune analyse de cette dernière n'a donc pu être effectuée jusqu'à présent. Si vous connaissez des professionnels qui y recourent, n'hésitez surtout pas à le signaler.
J'ai en effet fait de la lutte contre les professionnels de santé indélicats et de la protection des patients une de mes priorités pour 2013. À cet égard, les services du SPF Santé publique poursuivent systématiquement, via les commissions médicales provinciales, et dénoncent systématiquement aux autorités judiciaires et aux instances disciplinaires tout comportement déviant ou toute pratique répréhensible de la part de professionnels de santé ou de personnes qui se présentent comme tels. Mon administration a d'ailleurs mis particulièrement l'accent sur les dérives sectaires dans les soins de santé.
Voici environ un mois a été organisé un congrès et une cellule a été créée au sein de l'administration. Elle est chargée d'analyser les risques et la politique de contrôle des professions de soins de santé, en collaboration avec l'Ordre des médecins. Cette cellule se met actuellement en place et me fera des propositions sous peu, notamment en ce qui concerne les pratiques ne relevant pas d'une médecine fondée sur les faits (evidence-based medicine) et réalisées par des médecins.
La problématique des pratiques s'écartant de la médecine occidentale est cependant peu aisée. Notre système de soins de santé promeut les pratiques médicales fondées sur les faits, les seules à bénéficier du système de l'assurance maladie, sans exclure toutefois l'exercice de pratiques qui s'en écartent mais qui relèvent en quelque sorte de la liberté thérapeutique des professionnels de santé. La frontière n'est pas toujours simple à établir. De même, il relève de la liberté des patients de s'orienter en toute conscience vers ce type de pratique, que ce soit dans notre pays ou dans d'autres, conformément aux directives européennes garantissant une libre circulation des services, des professionnels de la santé et des patients.
Il faut cependant lutter efficacement et sévèrement contre les professionnels de santé ou les personnes se présentant comme tels qui cherchent à tromper les patients ou à abuser de leur faiblesse et qui, par exemple, tentent de les détourner de la médecine classique. Il y a également lieu de lutter contre toute pratique ou technique qui s'avérerait dangereuse pour le bien-être des patients en question. On est vraiment au coeur de ce travail pour le moment. Je demanderai toutefois à mon administration d'être particulièrement attentive à cette pratique de chélation et aux plaintes éventuelles.
M. Richard Miller (MR). - Je vous remercie, madame la ministre, pour votre réponse. C'est effectivement un sujet auquel il faut être très attentif.
J'ai posé cette question en tant que parlementaire parce que des personnes m'ont informé de certains faits. J'ai ensuite procédé à quelques recherches sur internet. À la limite, je peux conseiller à ces personnes d'envoyer des éléments d'information à votre administration.
Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de Beliris et des Institutions culturelles fédérales. - Si ces personnes ont eu affaire à un professionnel ou à un non-professionnel qui a pratiqué la chélation, elles doivent le dénoncer. Un simple courrier suffit pour démarrer le processus. Mais nous n'avons reçu aucune plainte.
M. Richard Miller (MR). - Je confirme quand même que les propos de ces personnes m'ont effrayé.
Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de Beliris et des Institutions culturelles fédérales. - Je vous suggère dès lors de m'envoyer une copie.