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M. Richard Miller (MR). - Le 2 mars 2011, le ministre pakistanais des minorités religieuses a été abattu par des hommes armés à Islamabad. Cet homme de confession catholique était le seul ministre non musulman de l'État pakistanais. Il s'agit du deuxième personnage politique ayant été assassiné au Pakistan depuis le début de l'année. En effet, le 4 janvier 2011, le gouverneur de l'État du Penjab a lui aussi été tué.
La raison de l'assassinat de ces deux hommes politiques pakistanais de haut rang est évidente : leur position critique à l'égard de la loi interdisant le blasphème. Cette loi, promulguée en 1986, déclare que « toute remarque dérogatoire vis-à-vis du Prophète sacré [...] à l'écrit ou à l'oral, ou par représentation visible, ou toute imputation ou insinuation, directe ou indirecte [...] sera punie de la mort ou de l'emprisonnement à vie, et aussi passible d'une amende ».
Alors que la République islamique du Pakistan est un État à population majoritairement musulmane, d'autres minorités religieuses se côtoient et près de trois millions de Pakistanais sont de confession chrétienne, soit près de 2% de la population du pays. Ces derniers sont occasionnellement victimes de pogroms, tels que des attaques dirigées contre des églises ainsi que des massacres de fidèles. Ils sont souvent interdits d'accès à de hauts postes administratifs. De surcroît, la Constitution pakistanaise empêche que tout non-musulman ne devienne président ou premier ministre.
Une Pakistanaise de confession chrétienne, Asia Bibi, a été condamnée à mort en novembre 2010 pour avoir « insulté » le prophète Mahomet, désobéissant ainsi à la loi contre le blasphème. Emprisonnée à la suite de ses déclarations, elle risque la peine de mort et attend actuellement le verdict d'une instance supérieure.
La situation actuelle est alarmante et une injustice profonde apparaît dans le pays. Cet État membre de l'ONU, ayant pris l'engagement de respecter la Déclaration universelle des droits de l'homme, dont l'article 2 interdit toute discrimination sur base religieuse, ne respecte pas la Charte des Nations unies, ni dans sa Constitution ni dans la pratique.
Monsieur le ministre, mes questions sont les suivantes :
Avez-vous contacté l'ambassadeur du Pakistan en Belgique pour lui demander sa position à l'égard de ces assassinats ?
Que prévoit concrètement l'État pakistanais afin d'assurer aux minorités chrétiennes, hindoues, bouddhistes ou autres, une réelle liberté religieuse, sans crainte de persécution ?
Par quels moyens la Belgique et l'Union européenne peuvent-elles pousser le Pakistan à opter pour une liberté religieuse complète ?
L'État pakistanais envisagerait-il de changer l'article de sa Constitution afin que les autres minorités puissent participer à des fonctions qui jusqu'à présent leur ont été interdites ?
Si la Cour suprême du pays confirme la peine de mort prononcée à l'encontre d'Asia Bibi, quelle sera la réaction de notre pays ?
La Belgique peut-elle accueillir cette femme ainsi que ses cinq enfants, afin que sa famille et elle puissent vivre sans crainte de persécutions ?
M. Steven Vanackere, vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères et des Réformes institutionnelles. - Sans avoir convoqué l'ambassadeur du Pakistan, j'ai condamné avec fermeté l'assassinat du ministre pakistanais pour les minorités, M. Shahbaz Bhatti, et le meurtre, en janvier dernier, du gouverneur du Punjab, M. Salmaan Taseer.
J'ai appelé le gouvernement pakistanais à traduire en justice les responsables de ces actes de violence, à redoubler d'efforts pour protéger les défenseurs des droits de l'homme et à réviser les lois controversées sur la diffamation de la religion.
La liberté de religion est garantie par la Constitution pakistanaise et les minorités pakistanaises bénéficient d'une certaine forme de reconnaissance. Ainsi, des sièges leur sont réservés au parlement. Cependant, l'Islam a le statut de religion d'État, et la Constitution impose aux lois d'être en conformité avec la charia. Dans la pratique, les minorités ne sont pas protégées dans la mesure où elles font l'objet de nombreux abus et obstacles, tant de la part des autorités que de la majorité musulmane de la population.
La Belgique travaille avec les autres membres de l'Union européenne au développement et au renforcement de mesures visant à promouvoir la liberté de religion ou de conviction, tant dans le cadre de relations bilatérales qu'au sein des Nations unies. Toujours de concert avec l'Union européenne, la Belgique interroge également le Conseil des droits de l'homme à Genève et l'Assemblée générale des Nations unies à New York. Ainsi, nous avons fait une déclaration au Conseil des droits de l'homme, actuellement en session, pour signaler notre préoccupation sur le sort des minorités religieuses au Pakistan et appeler ce pays à réformer sa législation sur la diffamation de la religion.
Le développement d'une réelle liberté religieuse et la lutte contre les persécutions au Pakistan implique notamment une réforme de la loi sur le blasphème, ce qui est pour l'instant exclu dans ce pays. Le gouvernement civil actuel, relativement faible, n'est pas en mesure de mettre une telle politique en oeuvre. Aucune modification de la Constitution en vue de permettre aux minorités d'accéder à des fonctions jusqu'à présent interdites n'est à l'ordre du jour, et je trouve cet état de fait extrêmement regrettable.
L'affaire Asia Bibi étant encore en cours, je resterai assez discret. Je ne spéculerai pas sur la décision de la Cour suprême pakistanaise, mais je peux vous garantir que l'Union européenne et la Belgique suivent cette question de près et se préoccupent de l'avenir de cette personne et de sa famille en cas de grâce. Vu la situation, vous comprendrez que notre discrétion sous-tend notre espoir de résultat favorable dans ce cas particulier.
M. Richard Miller (MR). - Ma réplique est tout à fait positive. Depuis que j'ai l'honneur d'adresser des demandes d'explications à M. le ministre, je suis constamment d'accord avec ses réponses.
Je salue son engagement dans la défense des minorités religieuses et chrétiennes. J'apprends avec plaisir qu'il a dénoncé avec vigueur les deux assassinats que j'ai évoqués.
Enfin je prends bonne note de sa réponse concernant cette malheureuse personne.
(De vergadering wordt gesloten om 14.45 uur.)