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M. Josy Dubié (ECOLO). - Le 18 mai dernier, madame la ministre, je vous ai interrogée à cette tribune sur les circonstances ayant conduit à l'arrestation du citoyen belge Bahar Kimyongür, arrêté aux Pays-Bas le 28 avril dernier par des policiers en civil néerlandais, qui lui ont signifié qu'il était sous le coup d'un mandat d'arrêt international délivré par les autorités turques. Bien entendu, ce mandat avait aussi été signifié aux autorités belges, qui n'en avaient pas informé M. Kimyongür. Comme vous le savez, la Belgique n'extrade pas ses ressortissants. Cependant, puisqu'il a été arrêté en Hollande, M. Kimyongür risque d'être extradé vers la Turquie, pays dont il dénonce depuis des années les violations des droits de l'homme, en particulier dans l'univers carcéral. Si M. Kimyongür était finalement extradé vers ce pays, son intégrité physique serait en danger, comme le confirment des rapports récents d'organisations de défense des droits humains sur la persistance de violations de ces droits et sur le recours persistant à la torture en Turquie.
Le 18 mai dernier, j'évoquais dans ma question l'hypothèse, sur la base d'indices concordants, que ce citoyen belge ait pu être « livré » par les autorités belges à la justice néerlandaise.
Vous avez nié avec force cette hypothèse, affirmant que « je disais n'importe quoi ! » ; je me réfère aux Annales du Sénat, nº 3-165, page 21.
Or, il ressort des conclusions du procureur du Roi néerlandais à l'issue de la première comparution de M. Kimyongür, le 13 juin dernier, qu'au moins un contact a bel et bien été pris par les autorités belges avec les autorités néerlandaises pour leur signaler l'arrivée imminente de M. Kimyongür sur leur territoire. Je vous cite un extrait de ce rapport :
`Voorts is gebleken dat er op 27 april 2006 overleg heeft plaatsgevonden tussen het Belgische OM en het Nederlands Landelijk Parket. Tijdens dat overleg heeft de Belgische collega medegedeeld over info te beschikken dat de heer Bahar, die nog niet onherroepelijk is veroordeeld voor lidmaatschap van een terroristische organisatie, mogelijk op zaterdag 29 april 2006 naar Nederland zou komen voor een bezoek aan een DHKP/C-festival in Den Bosch. Daarnaast is er op gewezen dat de heer Bahar internationaal gesignaleerd staat op vraag van Turkije.'
Il ressort donc, madame la ministre de la Justice, du témoignage du procureur du Roi néerlandais que vous n'avez pas dit la vérité lors de votre réponse à ma question orale du 18 mai et que M. Bahar Kimyongür a bel et bien été « livré » à un pays étranger d'où il risque d'être extradé vers la Turquie.
Je vous pose donc une nouvelle fois la question : le gouvernement belge s'engage-t-il à tout mettre en oeuvre pour que l'un de ses citoyens ne soit pas extradé vers un pays ne respectant pas les droits de l'homme ?
Le hasard faisant bien les choses, j'ai reçu hier, comme l'ensemble de mes collègues, un projet de loi - nº 2506/001 du 19 mai 2006 - que vous avez déposé à la Chambre des représentants en vue de modifier la loi belge concernant les extraditions. Je lis dans l'article 4, paragraphe 2, au sujet des étrangers vivant en Belgique : « L'extradition ne peut davantage être accordée s'il existe des risques sérieux que la personne, si elle était extradée, serait soumise dans l'État requérant à un déni flagrant de justice, à des faits de torture ou des traitements inhumains et dégradants ».
J'adhère évidemment à ce texte. Mais si la Belgique ne peut extrader un étranger, il me semble qu'elle doit aussi mettre tout en oeuvre pour éviter qu'un de ses concitoyens ne soit extradé à partir d'un pays étranger vers un pays où sa santé, voire sa vie, pourraient être menacées.
Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre de la Justice. - J'ai pris connaissance comme vous, via la presse, des informations suivant lesquelles les autorités judiciaires belges auraient communiqué aux autorités judiciaires hollandaises le fait que M. Bahar Kimyongür pourrait quitter la Belgique pour se rendre aux Pays-Bas, à une manifestation culturelle de DHKC.
Comme vous le savez, ma qualité de ministre de la Justice ne m'autorise pas, en vertu du principe de séparation des pouvoirs, à avoir accès à des pièces relevant de dossiers judiciaires. Je ne puis donc ni confirmer ni infirmer cette information.
De mes contacts avec le Parquet fédéral, je sais cependant que dans le cadre de la recherche de Fehriye Erdal en fuite depuis le 27 février dernier, des informations sont régulièrement échangées avec une série d'autres pays et bien entendu avec les autorités judiciaires des Pays-Bas. Toutes les hypothèses de travail sont examinées pour retrouver Fehriye Erdal et celles-ci conduisent parfois à des demandes de vérification aux Pays-Bas.
Une nouvelle fois, je ne partage absolument pas votre thèse selon laquelle la Belgique aurait livré M. Kimyongür aux Pays-Bas, afin de faciliter son extradition vers la Turquie. Lorsque M. Kimyongür a décidé de quitter le territoire belge et de se rendre aux Pays-Bas, personne ne l'y a contraint et c'est de son plein gré qu'il a fait ce voyage. Ce monsieur était d'ailleurs un homme libre puisque son arrestation immédiate n'avait pas été prononcée par le tribunal correctionnel de Bruges, le 28 février dernier.
La Belgique, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, reste attentive au sort des citoyens belges, via des contacts diplomatiques qui ne relèvent pas de mes compétences de ministre de la Justice.
M. Josy Dubié (ECOLO). - Je remercie Mme la ministre de cette réponse beaucoup plus nuancée que son intervention voici quelques jours.
Je ferai tout de même une remarque. Après toutes les péripéties juridictionnelles auxquelles M. Kimyongür est confronté, la décision finale appartiendra au gouvernement néerlandais. Il s'agira alors d'une décision politique. C'est pourquoi je repose la question à laquelle vous n'avez pas répondu, madame la ministre : le gouvernement belge s'engage-t-il à tout mettre en oeuvre pour que l'un de ses citoyens ne soit pas extradé vers un pays qui ne respecte pas les droits de l'homme ?
Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre de la Justice. - J'ai déjà répondu à cette question, madame la présidente.