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M. Mohamed Daif (PS). - L'article 5, § 1, du Code de la nationalité, abrogé par la loi du 6 août 1993, a été rétabli dans la rédaction suivante par la loi du 6 avril 2000 : «Les personnes qui sont dans l'impossibilité de se procurer un acte de naissance dans le cadre des procédures d'obtention de la nationalité belge, peuvent produire un document équivalent délivré par les autorités diplomatiques ou consulaires de leur pays de naissance».
L'application de cet article diffère d'une commune à l'autre. Certaines communes acceptent que le document délivré par les autorités diplomatiques tienne lieu d'acte de naissance. Mais, pour des personnes originaires du même pays de naissance, d'autres communes exigent un acte de naissance délivré dans le pays d'origine et muni de toutes les légalisations requises. Or, ces candidats à la nationalité belge se trouvent dans l'impossibilité physique de se procurer cet acte puisqu'ils résident sur le territoire belge.
Les termes «impossibilité de se procurer un acte de naissance» avaient suscité beaucoup de questions lors des discussions de la nouvelle loi à la Chambre et au Sénat. J'ai cru comprendre, M. le Ministre, que lors de ces débats, vous avez considéré que les personnes se trouvant «dans l'impossibilité de se procurer un acte de naissance» sont les personnes nées à l'étranger, résidant sur notre territoire et éprouvant de sérieuses difficultés à se procurer ce document, difficultés liées notamment à l'éloignement.
J'attire votre attention sur le fait que la notion d'impossibilité de se procurer un acte de naissance n'a fait l'objet d'aucune explication dans votre circulaire du 6 mai 2000 aux communes. Il serait souhaitable que cette notion soit précisée car actuellement, la marge d'appréciation laissée aux communes provoque une situation d'inégalité des citoyens devant la loi.
Enfin, vous savez que la procédure pour acquérir la nationalité par déclaration ou par acquisition est gratuite. Or, certaines communes demandent des sommes d'argent à titre de frais d'ouverture des dossiers. Je souhaiterais connaître votre position face à cette situation.
M. Marc Verwilghen, ministre de la Justice. - La question posée par M. Daif me permet de donner une réponse qui est naturellement dans la foulée des travaux que nous avons menés aussi bien au Sénat qu'à la Chambre. J'espère que cette réponse permettra de lever les derniers doutes.
J'aborderai en premier lieu la notion d'impossibilité de se procurer un acte de naissance. Comme précisé dans les travaux préparatoires de la loi du 1er mars 2000 modifiant certaines dispositions relatives à la nationalité belge, cette notion a été reprise de l'article 70 du Code civil. Dans le cadre du mariage, elle n'a pas donné lieu jusqu'ici à des difficultés d'interprétation insurmontables, la formule relative à l'acte de mariage étant comparable à celle relative à l'acte de naissance. L'impossibilité pour un des futurs époux de produire son acte de naissance, impossibilité qui, dans le cadre du mariage, est appréciée par le juge de paix, a été notamment précisée comme suit dans les Pandectes belges : « Il n'est pas nécessaire qu'il (l'acte de naissance) n'ait pas été dressé ou qu'il ait été détruit ; l'éloignement, la difficulté des communications, l'état de guerre avec le pays où l'acte a été reçu peuvent être considérés comme des empêchements suffisants à la production de l'acte de naissance ».
La notion d'impossibilité pour un futur époux de se procurer son acte de naissance et le mécanisme permettant en ce cas de suppléer l'acte de naissance par un acte de notoriété datent en réalité du Code Napoléon et se justifient par « la faveur due au mariage ».
La loi du 1er mars 2000 reprend simplement la notion d'impossibilité de se procurer l'acte de naissance, mais pour un étranger qui veut acquérir ou se voir attribuer la nationalité belge, et prévoit que cet acte pourra alors être remplacé d'abord, non par un acte de notoriété, mais par un « document équivalent délivré par les autorités diplomatiques ou consulaires » du pays de naissance. La loi du 1er mars 2000 utilise ainsi une notion connue pour éviter qu'un étranger désireux d'obtenir la nationalité belge en soit empêché à la suite de l'impossibilité de produire son acte de naissance, de la même manière que le Code civil, depuis 1804, permet à un futur époux de se marier nonobstant l'impossibilité où il se trouverait de produire son acte de naissance.
La loi du 1er mars 2000, conformément à l'accord de gouvernement, favorise ainsi l'obtention de la nationalité belge, en permettant à l'étranger désireux de l'obtenir, de remplacer son acte de naissance par un « document équivalent délivré par les autorités diplomatiques ou consulaires » du pays de naissance.
Nous avons donc inclus dans nos travaux la plus grande souplesse possible. Nos services doivent suivre ce qui a été décidé.
J'en viens à la notion de document équivalent. À peine de contredire les termes exprès de l'article 5 du Code de la nationalité belge ainsi que l'économie générale de la loi du 1er mars 2000, il va de soi que le document équivalent délivré par les autorités diplomatiques ou consulaires de leur pays de naissance, peut valablement être produit par les étrangers se trouvant dans l'impossibilité de se procurer leur acte de naissance. S'il appartient, non plus au juge comme dans le mécanisme de l'article 70 du Code civil, mais à l'officier de l'état civil d'apprécier l'impossibilité pour l'étranger de se procurer son acte de naissance, il ne saurait toutefois, une fois cette impossibilité constatée, refuser le dépôt d'un document équivalent délivré par les autorités diplomatiques ou consulaires du pays de naissance. Sur ce point non plus, il ne peut y avoir de discussion.
Enfin, en ce qui concerne la redevance exigée par certaines communes, je renvoie ici à la réponse que j'ai donnée en son temps à Mme Nyssens. Il va de soi que, puisque la procédure est gratuite, les administrations ne sont pas autorisées à exiger certains paiements comme c'est le cas actuellement.
M. Mohamed Daif (PS). - Je remercie M. le ministre de sa réponse. Je regrette néanmoins que concernant la définition de l'impossibilité, le mot « éloignement » ne figure pas dans la circulaire que j'ai citée.
Ne pourrait-on adresser aux services concernés une circulaire pour rappeler cette définition, la notion d'éloignement étant fondamentale ? Vous savez comme moi, monsieur le ministre, que l'accord de gouvernement prévoyait justement de favoriser l'obtention de la nationalité belge et que la difficulté majeure est, nous le savons tous, de se procurer cet extrait d'acte de naissance. Les gens qui vivent ici sont concernés par l'éloignement. Les responsables communaux leur conseillent de s'adresser à leur famille, mais celles-ci se trouvent également en Belgique. Je ferai état de la réponse que vous nous avez donnée aujourd'hui mais j'espère que vous allez rectifier ou redéfinir, à l'intention des communes, cette notion d'impossibilité.
M. Marc Verwilghen, ministre de la Justice. - Je voudrais répondre à M. Daif que mes services ont été contactés à plusieurs reprises par des fonctionnaires de l'état civil; ils ont posé des questions qui rejoignaient les siennes. On leur a répondu dans le même sens; ces problèmes sont donc résolus. Je veux souligner que les demandes d'explications étaient plutôt exceptionnelles, ce qui démontre que les autres services avaient bien compris ce qu'était la volonté du législateur. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de leur réécrire à ce sujet. Si je constatais, dans un avenir proche, qu'il subsiste des problèmes, je rédigerais une nouvelle lettre mais je ne crois pas que cela s'impose pour l'instant.