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3 JUILLET 1997
À la suite des événements qui ont marqué notre pays depuis le mois d'août 1996, notre commission a décidé, au mois d'octobre de l'année dernière, d'intensifier le débat, qu'elle menait déjà en son sein depuis le début de cette législature, sur la structure et la collaboration des différents corps de police.
La commission s'est efforcée d'avoir un aperçu du fonctionnement global des services de police en Belgique et d'en tirer des conclusions, afin de formuler des propositions concrètes visant à restructurer les services de police.
Pour réaliser cet objectif, la commission a organisé des visites et procédé à une série d'auditions. Elle a également effectué un voyage d'étude aux États-Unis et au Royaume-Uni, pour examiner la manière dont fonctionnent les systèmes policiers de ces pays. Au cours des auditions, la commission a examiné la manière dont fonctionnent actuellement les différents services de police de notre pays. À partir de la fin du mois de mai, elle s'est penchée sur les constatations qu'elle avait faites et elle a débattu de la restructuration nécessaire des services de police. La commission a fondé ses débats sur les recommandations émises dans le rapport d'enquête parlementaire sur la manière dont l'enquête, dans ses volets policier et judiciaire, a été menée dans l'affaire « Dutroux-Nihoul et consorts » (1).
Le rapport comprend trois parties.
La première partie débute par un aperçu historique de l'évolution des divers services de police et de la politique de l'État en matière de police. Un tel aperçu est indispensable pour replacer dans leur contexte les différences de structures que l'on constate aujourd'hui ainsi que l'attitude des autorités politiques compétentes.
La première partie comprend également une synthèse des auditions. Une première série d'auditions a été consacrée au fonctionnement actuel des services de police. Dans le souci de respecter la compétence de la commission de la Justice, la commission n'a pas abordé de manière approfondie le fonctionnement de la police judiciaire. La deuxième série d'auditions a été consacrée à l'examen des propositions de réforme qui avaient été formulées par les différents services de police, lesquelles sont également analysées dans la première partie.
Les constatations de la commission sont groupées dans le troisième volet de la première partie du rapport. Elles sont suivies d'une série de recommandations relatives à la restructuration future du système policier.
La deuxième partie du rapport contient un compte rendu détaillé des auditions que la commission a tenues, ainsi qu'un rapport sur le voyage d'étude et les conclusions ponctuelles de la délégation qui y a pris part.
La troisième partie, enfin, contient les annexes, où figurent les différents documents que les intervenants entendus ont remis à la commission. Cette partie contient également la note que les professeurs Van Outrive et De Valkeneer ont rédigée à la demande de la commission (Analyse des défaillances du système policier et propositions concrètes concernant la restructuration des services de police).
La commission tient à les remercier pour le temps et les efforts qu'ils ont consacrés à la rédaction de cette analyse.
Il est évident que les recommandations et les propositions élaborées dans le présent rapport sont générales, provisoires et partielles.
Générales parce que le rapport se limite à établir les orientations générales en matière de principes et de structures sans entrer, à ce stade, dans les détails concrets.
Provisoires parce qu'il est encore trop tôt pour clore le débat dès à présent. Par contre, ce rapport doit permettre au Parlement d'ouvrir un débat en profondeur avec le Gouvernement au sujet de la restructuration des services de police.
Partielles puisque notre commission n'a pas étudié en profondeur un certain nombre d'aspects, soit parce que ceux-ci ne relèvent pas de sa compétence, soit parce que le Parlement les étudie sous d'autres angles dans d'autres commissions. C'est ainsi que la commission ne s'est pas penchée sur la réforme de la magistrature ni sur celle de la procédure pénale, toutes deux tout aussi nécessaires. La commission ne peut pas non plus anticiper sur les conclusions de la commission d'enquête sur la criminalité organisée du Sénat. Ainsi faudra-t-il se référer pour une définition précise de la notion de « criminalité organisée » à la description que cette commission d'enquête en donnera dans son rapport final.
Le Parlement a été longtemps absent du débat sur la façon dont les services de police sont organisés dans ce pays. Le but du présent rapport est de constituer un premier pas pour faire entrer le Parlement dans cette discussion, avant même que toute décision soit prise par l'Exécutif.
Depuis la dernière réforme de l'État, le Sénat n'exerce plus de contrôle politique direct sur le Gouvernement. Cette situation lui permet d'autant plus de se consacrer à son rôle de chambre de réflexion. Comme nous l'avons déjà indiqué, le présent rapport est loin d'être exhaustif ou définitif. Il veut cependant répondre au double défi qui est posé au Sénat, à savoir celui qui consiste à développer son rôle de chambre de réflexion tout en cherchant à participer au débat sur la réforme du système policier.
La commission a organisé les auditions et les visites suivantes :
Mercredi 23 octobre 1996
le ministre de la Fonction publique
MM. De Smet, président, et Canneel, administrateur général du Comité supérieur de contrôle
sur le Comité supérieur de contrôle
Mardi 29 octobre 1996
le lieutenant général De Ridder, commandant de la gendarmerie
M. Van Keer, président national du Syndicat national du personnel de la gendarmerie
M. Schonkeren, président fédéral de la Fédération syndicale de la gendarmerie belge
M. Aerts, président national du Syndicat progressiste pour le personnel de la gendarmerie
M. Clemmens, président national du Syndicat général pour les services de la gendarmerie
Mercredi 30 octobre 1996
M. Canneel, administrateur général du Comité supérieur de contrôle
M. Vermeulen, administrateur général adjoint du Comité supérieur de contrôle
Mardi 5 novembre 1996
MM. Paul Vandeneede et Ivan Chenot, commissaires en chef au Comité supérieur de contrôle
Mercredi 27 novembre 1996
M. De Troch, commissaire de police en chef d'Alost, président de la Commission permanente de la police communale
M. Warny, commissaire de police en chef de Namur, membre du conseil d'administration du Service général d'appui policier
M. Adam, commissaire de police de Bassenge, vice-président de la Fédération royale des commissaires de police et commissaires de police adjoints de Belgique
Mercredi 4 décembre 1996
les commissaires de police de Bruxelles, Anvers, Gand, Charleroi et Liège et M. E. Herman, président de l'Association des chefs de corps des polices urbaines de la Région de Bruxelles-Capitale
Mardi 7 janvier 1997
Mme S. Fowler (attachée F.B.I.) et M. F. Alexander (représentant D.E.A.)
M. E. Van Molle, officier de liaison auprès de l'ambassade de Belgique à Washington
sur le fonctionnement des services de police spécialisée aux États-Unis
Mercredi 15 janvier 1997
MM. Troch, président, Pyl, vice-président, et Cornet, membres du Comité permanent de contrôle des services de police, sur l'enquête sur l'organisation et le fonctionnement du Comité supérieur de contrôle par la Commission permanente de contrôle des services de police
Mardi 21 janvier 1997
MM. H. Meers, R. Scharff et J. Wiertz, commissaires d'arrondissement
le Comité permanent de contrôle des services de police
sur le fonctionnement des services de police
Mercredi 5 février 1997
M. F. De Mot, directeur général de la Police générale du Royaume au Ministère de l'Intérieur
Mardi 25 février 1997
MM. Fitzsimmons et Tolman, officiers de liaison auprès de l'ambassade britannique à Bruxelles
Mercredi 5 mars 1997
les bourgmestres, commissaires de police et commandants de brigade de gendarmerie compétents des communes d'Enghien, Pont-à-Celles, Oostkamp et Dilbeek
Mercredi 7 mai 1997
M. Ch. De Vroom, commissaire général aux délégations judiciaires
Mardi 13 mai 1997
le lieutenant général W. De Ridder, chef de corps de la gendarmerie
Mercredi 14 mai 1997
des représentants du Front commun syndical de la magistrature et des services de police
Mardi 20 mai 1997
M. R. Van Reusel, commissaire en chef de la ville de Bruxelles
M. C. De Troch, président de la Commission permanente de la police communale en Belgique, et M. Ph. Warny, membre du conseil d'administration du Service général d'appui policier
des représentants du Front commun syndical de la magistrature et des services de police
Mercredi 21 mai 1997
les professeurs L. Van Outrive (K.U.L.) et C. Devalkeneer (U.C.L.)
Mardi 15 octobre 1996
État-major de la gendarmerie
Mercredi 13 novembre 1996
Service général d'appui policier (S.G.A.P.)
du 14 au 23 avril 1997 au Royaume-Uni et aux États-Unis
Il est impossible de comprendre la complexité de la situation actuelle sans retracer l'évolution des services de police et des politiques de l'État en la matière.
Le 19 novembre 1830, le gouvernement provisoire dissout la « maréchaussée » et la remplace par la « Gendarmerie nationale ». C'est une adaptation symbolique, qui ne change pas grand-chose à la structure et à l'organisation de cette force de police militaire (4). Même si l'article 120 de la nouvelle Constitution prévoyait que l'organisation et l'équipement du corps devaient être réglés par la loi, les compétences en question sont restées régies pendant des années par la loi française du 28 Germinal de l'An VI (17 avril 1798), par le « Règlement général sur la police, la discipline et le service de la Maréchaussée » hollandais du 30 janvier 1830 et par une série de décrets de 1814.
L'absence de contrôle, national et central surtout, sur le fonctionnement de la gendarmerie, qui est organisée de manière militaire et dont on estime qu'elle est trop autonome, pose déjà problème. La magistrature estimera rapidement que la gendarmerie a un caractère trop militaire et qu'elle est trop axée sur le maintien de l'ordre pour pouvoir effectuer un travail judiciaire sérieux.
Dans les grandes villes, c'est principalement l'armée qui est pourtant chargée dans un premier temps du maintien de l'ordre. La gendarmerie n'y est donc pas la force de l'ordre la plus importante, mais elle est parfois envoyée en renfort. Progressivement, toutefois, elle reprend la tâche de l'armée en raison des troubles sociaux qui éclatent à partir de 1886 et de l'instauration du service militaire obligatoire.
Dès avant 1914, l'on renforce sensiblement ses effectifs et ses compétences, même si le Parlement émet régulièrement de sérieuses critiques concernant sa manière d'agir lors d'opérations de maintien de l'ordre public.
L'entre-deux-guerres est très troublé, tant à cause de la contestation socio-économique qu'en raison de l'agitation politique autour du régime de l'époque. De ce fait, on s'intéresse beaucoup plus au maintien de l'ordre public et au contrôle politique qu'à la lutte contre la criminalité. Dès lors, la gendarmerie qui, à dater de 1925, prend également le nom de rijkswacht en néerlandais se développe en tant que force d'intervention, toujours militaire, répressive et de plus en plus autonome. Cela se fait là encore au mépris des critiques parlementaires, mais apparemment avec l'aval de dirigeants politiques et de ministres de tutelle, qui dirigent la gendarmerie au moyen d'arrêtés royaux. Une nouvelle loi votée par le Parlement se fait toujours attendre, en dépit des insistances régulières.
Après la seconde guerre mondiale, cette évolution se maintient imperturbablement, mais cette fois, en liaison avec des troubles politiques et idéologiques plutôt que socio-économiques. La création de brigades spéciales de recherches et de renseignements (dites B.S.R.) dans chaque district revêt une grande importance. Elle fait suite à une simple décision gouvernementale prise le 3 août 1945. La mission est définie comme suit : « recueillir des renseignements complémentaires, nécessaires au cours normal des enquêtes judiciaires, et surveiller plus activement les étrangers, les suspects et les milieux subversifs » (5). Seulement 486 gendarmes sont affectés aux B.S.R., sur un effectif d'un peu plus de 12 000 et contre près de 4 000 membres des unités mobiles (6).
Le 2 décembre 1957, une nouvelle loi sur la gendarmerie voit pourtant le jour. La possibilité d'intervenir d'autorité, l'intervention d'office et l'indépendance vis-à-vis des autorités civiles, « qui n'ont de prise sur elle que par voie de réquisition », sont maintenues. Et tout cela se fait, une nouvelle fois, nonobstant les critiques de bon nombre de parlementaires de toutes tendances. Cette fois, les critiques visent non seulement les interventions et le caractère militaire, mais aussi les statuts (notamment le régime disciplinaire), les réorganisations, les lacunes du travail judiciaire, la formation, l'ampleur de la réglementation étendue par voie d'arrêtés royaux et l'absence de contrôle administratif et parlementaire. Beaucoup de ces critiques sont également formulées aujourd'hui par le « syndicat maison », le « Syndicat national du personnel de la gendarmerie », qui a succédé à la « Fraternelle de la gendarmerie ».
Après les troubles provoqués par la loi unique en 1960-1961, le drame de Zwartberg en 1965-1966, « Leuven Vlaams » en 1968 et l'intervention chaque fois remarquée de la gendarmerie, tous les partis réitèrent leurs critiques concernant le maintien de l'ordre ... mais aussi, cette fois, le fonctionnement des B.S.R.
La commission d'enquête parlementaire du Sénat, dite commission Wijninckx, ne fournit guère d'informations sur le fonctionnement de la gendarmerie. L'affaire du commandant François (vente de stupéfiants pour combler un trou dans la caisse des informateurs) attire l'attention. Mais c'est une nouvelle fois, par voie d'arrêtés royaux et de règlements internes pris en exécution de la loi de 1957, que l'on réalise une extension aussi bien de l'équipement (notamment informatique) et des effectifs que des compétences, surtout du commandant de corps ... En 1976, un blocage des recrutements est décrété pour les services publics. Le 27 décembre 1973, la gendarmerie se voit conférer par la loi un statut propre, tout en continuant à faire partie intégrante de l'armée.
Le 5 octobre 1979, le chef de corps, F. Beaurir, défend la « noble rivalité » entre les services de police. On accorde désormais incontestablement plus d'attention à la lutte contre la criminalité, en particulier contre le trafic des stupéfiants. Le corps continue à se développer et, surtout, à s'ériger lui-même en police nationale. De nombreuses divisions spécialisées sont créées. La gendarmerie est omniprésente, y compris dans certains autres services de police, dans les services de renseignements et au sein des ministères concernés. Lorsque le terrorisme sévissant dans les pays voisins entraîne en 1982 la création du Groupe interforces antiterroriste (G.I.A.), que la bande dite du Brabant sévit en 1982-1985, et les C.C.C. en 1984-1985, de même qu'après le drame du Heysel en mai 1985, la gendarmerie est une nouvelle fois renforcée. Et ce, alors qu'elle ne sort pas grandie de ses interventions lors du drame du Heysel et des grèves de 1985-1986 et de 1987 dans les charbonnages. Le rapport de la commission d'enquête parlementaire sur le drame du Heysel, effectivement, n'était guère flatteur, notamment, pour le corps.
En tout cas, les divers syndicats de la gendarmerie qui ont été créés depuis formulent de plus en plus de critiques. En janvier 1988, le ministre de la Justice Jean Gol déclare « utiliser et non pas contrôler la gendarmerie ».
En avril 1988, la première « commission sur les tueries du Brabant » entame ses travaux à la Chambre. Elle remet son rapport le 30 avril 1990. Elle y critique surtout le fonctionnement autonome, militaire et hiérarchique de la gendarmerie, qui nuit, notamment, au travail des enquêteurs, et le fait que le commandant de celle-ci exerce de larges compétences. Dans le cadre du Plan de la Pentecôte du 5 juin 1990, le gouvernement prévoit de transférer les compétences concernant la gendarmerie du Ministère de la Défense nationale aux Ministères de l'Intérieur et de la Justice. Le transfert a été réalisé par la loi du 18 juillet 1991. L'on parle à cet égard d'une « démilitarisation » (7).
En mai 1993, la gendarmerie entame, de sa propre initiative, la mise au point de 14 projets de « services de police de base de qualité » qui avait déjà été annoncée dans la déclaration gouvernementale de juin 1992, sous la dénomination « Plan de Pentecôte II ». Lesdits projets sont devenus opérationnels en 1994. Par le biais de ces projets, la gendarmerie s'est engagée, de manière ciblée et avec toute sa spécialité, sur le terrain du service de police local et est devenue une copie conforme de la police communale, alors que, de 1988 à 1994, le gouvernement avait proposé que l'on assure la complémentarité des deux corps. À partir du mois d'avril 1994, l'on a également commencé à restructurer le corps de la gendarmerie : à Bruxelles, les groupes mobiles ont été réduits à quatre escadrons et les hommes en surnombre ont été transférés aux brigades, lesquelles doivent aussi participer de façon plus formelle au travail judiciaire; les brigades bénéficient d'une plus grande autonomie et doivent également s'occuper du travail de base et entretenir des contacts avec la population; les nouveaux (méga)districts coïncident désormais avec les arrondissements judiciaires; l'on supprime le niveau des « régions ».
La gendarmerie est bien entendu associée également à toutes sortes d'initiatives de coordination et de collaboration, ainsi qu'à de nouveaux projets comme le S.G.A.P. (service général d'appui policier) et les O.I.P.G. (points de contact internationaux dans les régions frontalières, établis dans des casernes de gendarmerie). Selon la directive toute récente du ministre de la Justice (24 février 1997), l'on procédera à une répartition des tâches entre la gendarmerie et la police judiciaire « en vue de régler la collaboration et la coordination en ce qui concerne les missions de police judiciaire entre les divers services de police ».
Dans le sillage du discours tenu par A. Thonissen en 1885, le procureur Van Iseghem, qui deviendra par la suite président de la Cour de cassation, plaide une nouvelle fois, en 1886, en faveur d'une police judiciaire distincte près les parquets (8). Six ans plus tard, le ministre de la Justice, F. Lejeune, fait une nouvelle proposition, qui s'inspire de la « brigade de sûreté » française. Le 3 mai 1893, le procureur général Van Schoor soumet un projet de loi au gouvernement. Et cette proposition n'est pas la dernière. Elles ne cessent de se succéder jusqu'au début de 1914. Les arguments sont invariablement que les polices communales et rurales ne sont pas en mesure d'effectuer un travail judiciaire convenable et que la gendarmerie est trop militaire et trop accaparée par le maintien de l'ordre. Les réactions sont à peu près unanimes : les hommes politiques, les magistrats et les policiers ne veulent pas entendre parler d'un projet de (nouvelle) police d'État, qui renforcerait encore l'emprise du pouvoir central sur les services de police. On formule en revanche toutes sortes de contre-propositions qui visent à conférer davantage de compétences judiciaires aux services de police existants.
Le 17 avril 1919, la loi sur la police judiciaire est votée. Toutes les résistances se sont apparemment évanouies. Les arguments avancés sont les suivants : l'augmentation du banditisme armé et les formes modernes de criminalité; la nécessité également de se protéger contre des groupements politiques de gauche et de droite... Du travail de renseignement politique donc... en même temps que du travail judiciaire... Du reste, les critiques se font jour peu à peu dans les parlements, notamment quand, en 1928, la police judiciaire se voit attribuer les relations avec les services de police politique et de renseignements étrangers. On ne se plaint pas de son travail judiciaire.
Après la Deuxième Guerre mondiale, la police judiciaire stagne : ce n'est que très progressivement que l'on augmente les effectifs et que l'on améliore les équipements. Malgré une politique d'élargissement à partir des années 70, ce service de police souffre en permanence d'un manque d'effectif. En outre, il participe de nouveau aux missions relatives à la sûreté de l'État et gère toujours les contacts de police internationaux. On s'engage également dans la lutte contre la drogue. L'affaire Graindorge, puis l'affaire Reyniers, viennent ternir un moment l'image du service.
Le Parlement n'évoque son sort qu'à l'occasion de l'examen des budgets. Il est initialement question des insuffisances du recrutement, de la formation et de la rémunération. À partir de la fin des années 60, la critique se fait plus vive concernant le manque de moyens et l'absence d'organisation face à la criminalité. Dès 1962, on réclame la création d'une véritable brigade nationale. Pour le reste, la police judiciaire mène une existence plutôt discrète.
À partir de 1988, les déclarations gouvernementales et le rapport de la première commission sur « les tueurs du Brabant » ne lui adressent plus qu'un seul signal clair : elle est en sursis. La commission sur les tueurs du Brabant n'émet pas beaucoup de critiques, mais elle dénonce nettement le manque d'effectifs et les problèmes de logistique administrative et technique, ainsi qu'un manque de cohésion centrale et le pouvoir insuffisant du commissaire général. La commission recommande cependant la création à long terme d'une seule police judiciaire.
Cette police n'est pas épargnée non plus par le Plan de la Pentecôte, qui prévoit de renforcer l'autorité du ministre de la Justice et les pouvoirs du commissaire général sur un corps à direction centralisée; il faut pouvoir engager et promouvoir du personnel ayant un degré de formation plus élevé, et améliorer nettement la formation.
Le 2 septembre 1991 commence effectivement la publication d'une série d'arrêtés royaux très importants, et elle se poursuit au début de 1992... On crée de nouvelles sections chargées de la lutte contre la délinquance financière. Il s'agit donc d'une réforme importante qui se réalise sans le Parlement. Mais le même Plan de la Pentecôte confirme une fois de plus l'existence de la police judiciaire près les parquets. Le deuxième Plan de la Pentecôte, qui date de 1992, en fait autant. La note relative à la répartition des tâches avec la gendarmerie a déjà été mentionnée et nous y reviendrons.
Si la police judiciaire est associée du moins formellement, et pas toujours de manière réelle à une série d'initiatives de coopération, telle que le S.G.A.P. et la concertation pentagonale, elle reste étrangère à d'autres initiatives telles que l'O.O.P.13, les Z.I.P. et les P.I.O.F.
En 1830, la Belgique était un pays essentiellement rural et la police locale, qui était composée principalement de gardes champêtres recrutés parmi les anciens militaires, était mal formée, mal équipée et, surtout, sous-payée (9). Dans les toutes petites communes, la « police » était souvent assurée par le bourgmestre seul. Ce n'est que vers 1850 que l'on a vu apparaître des corps de police dans certaines villes comme Liège, Anvers, Louvain et Bruxelles. L'on recrutait très souvent les policiers parmi les anciens matelots et les militaires retraités. L'on a créé au sein de la police de Bruxelles une section judiciaire qui allait, en fait, remplir des missions nationales. Dans les années 1880, cette section était encore un modèle en matière de discipline et de technologie de communication. Les services de garde avaient pour mission de surveiller les « classes dangereuses » (10).
L'on n'a inscrit aucune disposition relative au statut de la police communale ou rurale dans la Constitution, mais la loi communale du 30 mars 1836 a défini une série de principes qui sont toujours d'application. Cette loi attribue au conseil communal la compétence de requérir la police et confère aux bourgmestre et échevins le droit de faire respecter les règlements de police. En tant que responsable du maintien de l'ordre, le bourgmestre obtient le droit de requérir d'autres services de police. La loi provinciale du 30 avril 1836 attribue la même compétence au gouverneur. Les commissaires, leurs adjoints et les gardes champêtres ont la qualité d'officier de police judiciaire de par la loi, mais, pour le reste, celle-ci ne définit pas les missions de la police communale. En ce qui concerne certaines missions de maintien de l'ordre et le travail judiciaire, l'on se réfère dès lors encore à d'anciens textes français de 1789 et de 1790 et à des dispositions diverses du Code d'instruction criminelle de 1808, du Code pénal de 1789 et des décrets de 1806. Il s'ensuivra que l'on va se quereller pendant des décennies à propos de l'autonomie du bourgmestre vis-à-vis du pouvoir central, et de l'autonomie de l'armée et de la gendarmerie pour ce qui est des questions de maintien de l'ordre.
La modification apportée à la loi communale en 1842 a réduit l'autonomie des « magistrats communaux » et diverses circulaires ont étendu le contrôle exercé par l'autorité centrale. Ces circulaires soulignent surtout que le bourgmestre est le représentant du pouvoir central (11). Les bourgmestres des grandes villes supportent mal le contrôle du pouvoir central, et ce d'autant moins qu'ils font de plus en plus souvent appel à leur propre police municipale pour maintenir l'ordre. Cependant, la qualité du travail est contestée par les autorités supérieures (12).
Au cours des vingt dernières années du XIXe siècle, l'on a amélioré l'organisation des polices communales des villes et communes importantes. On les a développées et, parfois, on les a déjà amenées à se spécialiser. Toutefois, dans la plupart des cas, la police locale ne peut pas assurer seule le maintien de l'ordre dans les grandes villes. La compétence territoriale est respectée strictement. La question de la formation continue à poser un problème, tout comme la question du statut des policiers, qui est défini par la commune. Entre-temps, grâce aux adaptations de la loi communale opérées en 1887 et en 1905, le bourgmestre accroît son influence sur sa police.
Le principe du maintien de la police locale et celui du maintien de la police sous l'autorité locale furent appuyés par l'organisation des commissaires et commissaires adjoints qui fut déjà créée vers 1880, par l'organisation des policiers urbains et ruraux subalternes, qui fut créée plus tard, et par la « Commission parlementaire sur la police rurale » (13), que le gouvernement créa en 1904. Les intéressés étaient hostiles à l'idée de développer une police nationale qui pourrait prendre de trop grandes dimensions.
En 1924, le Parlement adopta enfin une loi spécifique sur la police rurale, après quoi il ne fut, très longtemps, plus question de celle-ci. Les gardes champêtres ne reçoivent cependant pas toutes les compétences judiciaires.
Dans la période qui précéda la Seconde Guerre mondiale, le nombre de corps de police communale ne fit que croître. Les corps devinrent progressivement polyvalents, surtout dans les grandes villes. Il y eut toutefois peu de dispositions légales. En 1935, l'on instaura l'obligation de posséder le « brevet » pour pouvoir être nommé officier. L'on imposa de plus en plus de normes nationales. La compétence du bourgmestre sur le plan du maintien de l'ordre fut limitée une nouvelle fois et, en juin 1934, l'on créa un service de « Police générale du Royaume » au sein du Ministère de l'Intérieur. Ce service fut chargé de réunir toutes les informations relatives à la police administrative.
La police communale se trouva dans une position difficile tout au long de cette période, et sa tâche ne fut pas aisée. Lorsqu'elle n'était pas le jouet des oppositions politiques locales, elle était souvent isolée et abandonnée à son sort par les autorités. Le Parlement ne se préoccupa pas davantage de cette police, sauf pour souligner la nécessité de préserver l'autonomie communale.
Le 10 avril 1954, une commission gouvernementale déposa un rapport relatif à une enquête sur les questions concernant la police. Ce rapport fut très critique à propos du recrutement, du régime disciplinaire et, plus particulièrement, de l'organisation et du contenu de la formation des membres de la police communale. La commission proposa de créer une inspection nationale similaire à celle du corps des pompiers. Elle plaida pour des contacts plus fréquents entre les deux ministres de tutelle. Mais ce rapport resta lettre morte. La loi sur la police communale qu'il réclamait n'a jamais vu le jour.
Dans l'intervalle, plusieurs fraternités apolitiques de policiers virent le jour, qui traitèrent généralement de questions morales et matérielles. Elles luttèrent et manifestèrent pour obtenir des salaires et des pensions plus décents. Elles trouvèrent toutefois peu d'écho au sein du Parlement. Il est beaucoup question d'équipement, de formation, de statuts et de salaires, non pas à l'initiative du Parlement, mais sous la pression des syndicats de police indépendants. Ces syndicats n'obtiennent toutefois pas grand-chose. Les syndicats traditionnels, qui commencent à être bien représentés au sein de la police communale, parviennent, eux, à obtenir quelque résultat. Au sein des organisations professionnelles, la question « police communale ou police nationale » est en permanence à l'ordre du jour.
Depuis que la loi communale a été modifiée par la loi du 25 juin 1969, les corps de police peuvent collaborer les uns avec les autres en matière de police administrative. Toutefois, comme les bourgmestres manifestent des réticences à l'endroit d'une telle collaboration, la coopération intercommunale ne donne pas grand-chose dans la pratique (14).
La loi du 26 juillet 1971 organisant les agglomérations et les fédérations de communes dispose, en exécution de la Constitution modifiée en décembre 1970, que « les agglomérations et les fédérations encouragent la coordination des activités des communes, et notamment la coordination technique des services de police communale ». Il n'est question de la police ni dans les lois des 14 février 1961 et 23 juillet 1971 concernant la fusion des communes et la modification de leurs limites, ni dans l'arrêté d'exécution du 17 septembre 1975. Cependant, l'arrêté royal du 5 janvier 1972 relatif au personnel communal a gelé toutes les nominations nouvelles et dispose que chaque agent reste compétent dans son ancienne juridiction. La loi du 29 juin 1976 a imposé la création d'un corps de police et l'instauration de la fonction de commissaire de police en chef dans toutes les communes de plus de 10 000 habitants. L'arrêté royal du 22 juillet 1976 a apporté des adaptations à la situation nouvelle. La situation des gardes champêtres au sein des nouveaux corps de police communale n'est toutefois pas réglée de manière satisfaisante, ce qui donne lieu à des contestations.
L'opération de fusion des corps de police était mal préparée et a soulevé bien des difficultés. L'on a manqué ainsi une occasion d'assainir en profondeur et de procéder à un minimum de restructuration. Le gel des recrutements bloquait tout. De plus, on ne voulait pas toucher à l'autonomie communale... l'on estimait qu'il y avait déjà eu assez de restructurations déjà... et l'on s'est contenté de prendre quelques timides arrêtés royaux de nationalisation et de formuler quelques vagues recommandations à propos de l'encadrement. Il s'avère par ailleurs que l'écart entre l'effectif réel et l'effectif organique atteint parfois 25 %. Tous ces facteurs entraînent une stagnation des effectifs et des cadres. Les corps des grandes villes et des communes importantes sont les seuls à s'étendre et à introduire (ou réintroduire) une police de quartier. Au lendemain des fusions, il restait 306 communes dotées d'une police rurale et 170 communes seulement disposent effectivement d'un corps de police communale, alors que 281 communes devraient en avoir un.
Bien que la loi du 8 août 1980 dispose que la tutelle administrative sur les communes de plus de 20 000 habitants doit être transférée à la Région flamande, le Ministère de l'Intérieur reste à ce jour l'instance de tutelle dominante. Cette situation est source de contestations en matière de maintien de l'ordre.
L'on a assisté ensuite à un déferlement d'arrêtés royaux incohérents relatifs à des questions statutaires et à la formation des policiers. Le 25 juin 1969, le législateur a modifié la loi communale pour étendre quelque peu les compétences des polices, leur conférer un droit de poursuite dans d'autres communes.
Le Parlement s'est, certes, quelque peu intéressé au problème de la formation; ce sont quand même une fois de plus les syndicats qui, résolument, se sont attaqués le plus, parfois en désaccord avec les autres organisations professionnelles, aux problèmes de la police communale. Le problème de la représentativité se pose en permanence et les syndicats non traditionnels éprouvent encore des difficultés à se faire entendre.
Une proposition de loi relative à la police communale déposée par M. Cardoen fut contrée par un projet de loi du ministre Nothomb. Ce projet a donné naissance à la loi du 11 février 1986 qui fut publiée au Moniteur belge le 6 décembre de la même année, avec huit arrêtés royaux. Comme la proposition de loi Cardoen, la loi du 11 février 1986 a pour objet de définir avec précision le statut juridique de la police communale. Face à l'aggravation de la petite criminalité et du sentiment d'insécurité dans la population, cette loi souligne et précise le rôle essentiel que joue la police communale dans la protection des personnes et des biens. L'autonomie communale est affirmée une fois de plus. La police communale continue à assurer des tâches administratives et judiciaires. L'organisation, la gestion et les missions de la police communale, du chef de corps et du bourgmestre sont définies avec plus de précision. La distinction entre police rurale et police communale ou municipale est maintenue et l'on veille à doter, autant que possible, les deux polices de structures parallèles. Les grands syndicats déplorent les similitudes entre la loi Nothomb et la loi relative à la gendarmerie ainsi que la nationalisation excessive. Pour le reste, les budgets de la police communale furent réduits, alors que d'autres services et, en tout cas, la gendarmerie, reçoivent des moyens abondants dans le cadre du développement d'une politique dite de sécurité.
La déclaration gouvernementale de mai 1988 du gouvernement Martens VIII indique explicitement que la police communale sera maintenue. La première commission relative aux tueurs du Brabant s'est intéressée très peu à ce service de police, mais elle a brièvement noté dans son rapport qu'il constitue une importante source d'information.
Il fallut attendre le Plan de la Pentecôte du 5 juin 1990 pour que l'on s'intéresse encore à la police communale, cette fois dans la fonction de police de première ligne. L'on mit très fortement l'accent sur la mission de responsable du maintien de l'ordre public et de la sécurité qui revient au bourgmestre. Le ministre de l'Intérieur rédigea une note sur la revalorisation de la fonction de la police communale et des tables rondes sont organisées en novembre et décembre 1990. Ces tables rondes ont été clôturées le 28 juin 1991 par le colloque « police en mouvement » (15). On avance aussi l'idée d'une coopération supracommunale ou zonale. On mettra sur pied des projets-pilotes subventionnés. Les bourgmestres acceptent difficilement cette atteinte à l'autonomie communale. On formule par ailleurs des propositions pour améliorer le recrutement et la formation. Une série d'arrêtés royaux et de circulaires ont été publiés à ce sujet. Les propositions portent également sur l'amélioration de l'organisation et de l'équipement. Dans cette optique, le « fonds de sécurité » de 1987 est remplacé par trois arrêtés nouveaux relatifs au subventionnement : les communes reçoivent une aide financière si elles complètent leur cadre. On insiste également sur la politique de prévention et on crée le Secrétariat permanent à la politique de prévention (S.P.P.). Dans le courant de l'année 1991, on subventionne une trentaine de projets locaux. Toutes ces initiatives associent pleinement la police communale à une politique de sécurité locale : rapprocher la police du citoyen et renforcer sa présence dans la rue; améliorer le service; intensifier la prévention; accompagner les groupes particuliers, etc. (16). On annonce également la suppression de la distinction entre police communale et police rurale. Dans l'intervalle, la P.G.R. devient une direction générale à part entière. La loi du 5 août 1992 sur la fonction de police est également importante, cela va de soi, pour la police communale.
Au total, le ministre de l'Intérieur renforce continuellement, par le biais du financement et de la réglementation, l'autorité qu'il exerce sur la police communale. Il semble que les autorités locales soient de plus en plus dépendantes de l'autorité fédérale dans le domaine administratif. Cette évolution n'est-elle pas en contradiction avec le Plan initial de la Pentecôte ? D'un autre côté, l'instauration des Z.I.P. (arrêté royal du 6 avril 1995), la concertation pentagonale locale et l'organisation de la collaboration entre les corps auraient permis d'instaurer un certain contrepoids sur les plans de l'autorité et du contrôle (17). Mais tout cela ne clarifie guère les choses, en tout cas pour les responsables politiques locaux.
Le deuxième Plan de la Pentecôte du 5 juin 1992 annonce qu'un arrêté royal fixera les obligations minimales des communes en matière de sécurité, notamment en ce qui concerne le cadre organique de la police (arrêté royal du 9 mai 1994) et les contrats de sécurité, qui doivent servir à renforcer la prévention en matière de petite criminalité et l'aide aux victimes. Dans le cadre de cette politique de sécurité, annoncée par le ministre de l'Intérieur en septembre 1994, la police communale a tantôt une fonction complémentaire de première ligne et tantôt une fonction identique à celle de la gendarmerie. Le 25 janvier 1995, le successeur du ministre publie très vite un document de travail intitulé « vers une nouvelle collaboration entre les services de police ». Il poursuit dans la ligne de l'identité et de la collaboration totale des deux services de police pour ce qui est du service de base au niveau local. Il entend conserver toute la structure de collaboration et insiste à nouveau aussi sur le rôle du bourgmestre en la matière. On mentionne également une série de composants de ce qu'on appelle à présent la police de proximité. On peut lire dans l'accord de gouvernement Dehaene II que le bourgmestre aura davantage d'autorité sur les brigades locales de la gendarmerie et que les conseils communaux devront approuver les accords conclus dans le domaine du service de police de base.
La représentation de la police communale a toujours posé problème. L'arrêté royal du 5 avril 1995 installe une commission permanente de la police communale, en application de la nouvelle loi communale. Cette commission, qui compte 17 membres, dispose d'une compétence consultative. Elle pourra compter sur un crédit annuel de 15 millions pour rémunérer six fonctionnaires de police détachés à temps plein et couvrir ses frais de fonctionnement. En 1996, on publie pas moins de 19 arrêtés royaux, arrêtés ministériels et circulaires relatifs à la police communale, le tout en vue d'appliquer des mesures annoncées (18). Au début de janvier 1997, le Parlement a adopté la loi modifiant la nouvelle loi communale, la loi du 2 décembre 1957 sur la gendarmerie et la loi du 27 décembre 1973 relative au statut du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie. Cette loi vise à renforcer l'autorité du bourgmestre sur la gendarmerie ainsi que son droit de requérir celle-ci. Elle prévoit par ailleurs un échange d'informations et impose une coordination des activités de la police communale et de la gendarmerie. Elle précise enfin que la politique communale en matière de sécurité doit être approuvée par le conseil communal.
En mars 1997, le ministre de l'Intérieur publie une note relative à la modernisation de la police communale qui a été approuvée par le Conseil des ministres. Cette note annonce une fois de plus la suppression de la distinction entre police communale et police rurale. Elle annonce également la création des grades de chef de police (dans les corps de taille modeste) et de « commissaire de zone » (dans les Z.I.P.). La note traite aussi de la sélection, de la désignation et de la nomination (temporaire) des chefs de corps et des commissaires en chef (nouvelle procédure de sélection et de nomination), et d'un profil de base. On pourra prendre des mesures temporaires pour permettre aux communes de restructurer leur corps, notamment en mettant en congé les agents de plus de 55 ans. La formation sera revue et on introduira la planification de carrière. On annonce donc une fois de plus une sérieuse intervention du pouvoir fédéral par voie de modifications légales et d'arrêtés royaux. Y aura-t-il une large concertation à ce sujet avec les instances et les personnes concernées ?
Il va de soi que la police communale est évidemment armée par la circulaire OOP 6 de mars 1988 relative au système des appels urgents 101, l'OOP 7 d'août 1988 sur le maintien de l'ordre lors des matchs de football, l'OOP 13 d'avril 1990 sur la coordination des missions de police administrative, bien entendu aussi par la concertation pentagonale et la charte de sécurité, les Z.I.P., la directive du 24 février 1997 relative à la collaboration et à la coordination des missions de police judiciaire entre les services de police, ainsi que par le S.G.A.P. Elle reste curieusement absente de la collaboration internationale entre les services de police.
1. Il y a eu dans le passé quelques rares tentatives de réforme générale. Plus récemment, on a reconnu l'existence d'un problème policier et on a ensuite enregistré pas mal d'initiatives en vue d'améliorer la coordination et la collaboration entre les différents services.
On note de temps à autre des propositions tendant à faire absorber la police rurale par la gendarmerie. En juillet 1851, le ministre de la guerre, M. Jacques, dépose une proposition de loi qui vise à renforcer la police générale (gendarmerie), la police communale et rurale, ainsi que la police forestière en réunissant ces quatre corps au sein d'une seule organisation. Une brigade de gendarmerie à pied doit regrouper l'ensemble des forces de police existantes par canton judiciaire. La gendarmerie à cheval fournirait des détachements pour intervenir là où l'ordre public serait menacé (19). La volonté de préserver le principe de l'autonomie locale et le spectre d'une police unique aux mains du pouvoir exécutif font échouer le projet.
Le problème de l'équilibre entre les différents services de police n'est découvert que tardivement, même si la question préoccupe les bourgmestres des grandes villes depuis le début du siècle, à la suite surtout des difficultés liées au maintien de l'ordre... La commission d'enquête de 1953 ne se risque manifestement pas à aborder le problème.
Après la Seconde Guerre mondiale, des voix s'élèvent en faveur d'un statut uniforme et d'une école nationale de police pour les officiers.
À partir de 1972, toutes les déclarations gouvernementales font état d'un problème policier. On annonce toutes sortes d'initiatives dans le domaine de la répartition des tâches, de la coordination et de la collaboration. On crée même des groupes de travail et des commissions, mais sans résultat.
Le 17 décembre 1981, le ministre de l'Intérieur déclare qu'il faut revoir fondamentalement notre système policier, à l'inclusion de la police communale, de la gendarmerie et des services de renseignements. Il n'est toutefois certainement pas question alors d'une police unique, mais bien d'une répartition des tâches et d'une coordination, ainsi que de la nécessité d'éviter la concurrence et les conflits. Les gouvernements ont d'autres chats à fouetter; il est apparemment difficile de réunir toutes les parties autour de la table et on manque assurément d'études préparatoires et d'alternatives cohérentes. Les services de police, chacun en ce qui le concerne, sont surtout gratifiés de mesures quantitatives. Il est clair que les hommes politiques ne sont pas prêts à discuter des véritables besoins de restructuration. Mais même quand ils formulent des propositions consistantes, les parlementaires se heurtent à la mauvaise volonté du gouvernement. En outre, celui-ci les met souvent devant le fait accompli. Le rapport de 23 millions sur « Les services de police en Belgique » réalisé par Team Consult, à la demande du gouvernement, témoigne d'une préférence pour une force de police unique et un seul ministre chargé de la Sécurité (unité d'autorité, d'opération, de formation et de carrière, de méthode et d'équipement). Ce rapport a fait surgir de nombreuses critiques, notamment en raison des bases lacunaires du projet (20).
À partir de 1988, le problème policier n'est plus seulement le problème de la police mais également celui des hommes politiques. Dans l'accord de gouvernement de Martens VIII, figurent au chapitre de la sécurité du citoyen pas mal de points qui traduisent un surcroît d'intérêt pour les questions policières. Il n'y est pas question d'une loi globale sur la police, comme le demandait un des partis de la coalition. Il est par contre question d'un code de conduite uniforme.
On ne remet pas en cause l'existence de trois corps séparés : il s'agit uniquement de mesures visant à améliorer la collaboration et la coordination. À côté de cela, le gouvernement s'intéresse à l'amélioration de la qualité et à l'allégement des missions, à la prévention et aux projets locaux. L'organisation d'un contrôle parlementaire des services de police et de sécurité devient également un point important.
La première commission dite des tueurs du Brabant constate que les polices de recherche sont inégalement développées, qu'il y a de nombreux problèmes de communication et des lacunes en matière de législation générale relative à la recherche et à l'enquête judiciaire, comme en matière de police scientifique. Elle conclut qu'il faut conserver trois services de police, mais elle recommande, à long terme, la création d'un seul service de police pour les missions judiciaires. L'on met également en évidence le rôle central que doit jouer l'arrondissement administratif et judiciaire en tant que niveau de gestion pour les trois services. Il faut redynamiser l'Institut national de criminalistique et de criminologie. Il faut uniformiser les compétences et les méthodes policières.
Dans le Plan de la Pentecôte qui suivra, on ne prévoira certes pas de loi générale sur la police, mais on annoncera une concertation pentagonale, qui sera concrétisée le 19 septembre 1991 par le biais d'une circulaire d'abord. Ensuite, l'initiative sera prise dans le cadre de la loi sur la fonction de police. On annonce la création de services communs. L'arrêté royal du 11 juillet 1994 sur le S.G.A.P. met en oeuvre cette proposition. Le contrôle parlementaire des services de police et de renseignement (les comités P et R) devient également réalité, comme prévu, grâce à la loi du 18 juillet 1991. Par ailleurs, on continue à estimer souhaitable une uniformisation des statuts, mais sans résultat à ce jour. Dans l'intervalle cependant, le ministre de l'Intérieur s'active depuis longtemps à promouvoir la collaboration et la coordination par le biais, notamment, des circulaires OOP 6, 7 et 13 concernant le maintien de l'ordre et la répartition des tâches de police administrative, et de la circulaire du 5 février 1992 concernant les Z.I.P. Du reste, le document de travail du 25 janvier 1995 est suivi d'un autre document sur les Z.I.P., le 6 avril 1995.
La loi du 5 août 1992 sur la fonction de police est évidemment très importante pour l'ensemble des services de police. La loi charge les deux ministres compétents de coordonner la gestion des services de police et de définir la politique policière générale, c'est-à-dire de répartir les tâches prioritaires mais sans exclusives..., d'après l'exposé des motifs.
Depuis le début de 1992, le gouvernement Dehaene Ier poursuit dans la même ligne avec son deuxième Plan de la Pentecôte. Sous Dehaene II, il n'en va pas autrement avec la note déjà mentionnée et intitulée « vers une nouvelle coopération de la police ». Mais il est dit cette fois que, dans le cadre de l'ancrage local de la fonction de police, la coordination doit être fondée sur l'identité de la police communale et de la gendarmerie. Pour le reste, on s'en tient toujours au maintien des trois services de police existants. Mais on ne voit pas toujours très clairement comment le pouvoir fédéral conçoit finalement la collaboration entre les services de police (21).
2. En ce qui concerne le potentiel humain et l'accroissement des moyens, ou peut remarquer que, depuis les années septante, on assiste à un relèvement significatif des exigences de recrutement et de formation au sein de l'ensemble des corps de police. Ce phénomène est le plus marquant à la police communale (recrutement au niveau 2 pour les agents et au niveau 1 pour les officiers; allongement et créations des cycles d'instruction pour les différentes catégories de personnel). Il s'observe également à la gendarmerie, qui a une tradition ancienne, héritée de son origine militaire, en matière de formation de ses personnels, qui dispose d'un dispositif impressionnant en ce domaine et qui a pu s'ouvrir à un personnel hautement qualifié pour occuper des fonctions spécialisées (juriste, ingénieur, psychologue). La police judiciaire a connu, ces dernières années, un relèvement significatif de ses conditions de recrutement et a mis en place des cycles de formation (passage au niveau 2+ pour les inspecteurs et la création d'un centre de formation). De plus, plusieurs fonctionnaires de police ont entrepris, avec ou sans le soutien de leurs corps respectifs, des études supérieures ou universitaires.
Il convient de souligner que cette amélioration qualitative des personnels a été souhaitée aussi bien par le politique, le judiciaire que les citoyens eux-mêmes. Elle est le résultat d'une volonté de disposer d'un personnel compétent et respectueux des libertés fondamentales. Ce phénomène n'est pas propre à la Belgique; il s'observe, également, à l'étranger. Par ailleurs, la situation économique a eu pour effet d'attirer des candidats beaucoup plus formés vers les services de police. L'accroissement régulier des effectifs, alors que dans beaucoup de services publics les recrutements étaient et sont toujours bloqués, a rendu le secteur policier attractif en termes d'emploi et a permis un certain écrémage des postulants.
D'une manière générale, l'on peut donc affirmer que le système policier belge dispose, maintenant, d'un potentiel humain de qualité. Il n'est pas exagéré, à cet égard, d'affirmer qu'en une vingtaine d'années, une véritable révolution culturelle s'est produite. Désormais, la formation n'est plus subie, mais vécue comme une nécessité par les acteurs eux-mêmes et les responsables policiers. L'époque où l'on considérait dans les corps de police que le métier ne pouvait s'apprendre que sur le terrain nous paraît révolue. Il importe d'être attentif à ne pas, au travers d'une réforme, compromettre les efforts entrepris. À cet égard, il échet d'éviter, à tout prix, l'écueil de voir émerger des super-polices et des sous-polices. Une telle approche serait désastreuse, principalement pour la police communale qui risquerait, à terme, de se voir privée de la possibilité de recruter un personnel de qualité et, par voie de conséquence, serait amenée à devoir niveler par le bas ses niveaux de formation. Il convient, au contraire, que les réformes valorisent le potentiel humain actuel.
Depuis les années soixante, les services de police ont bénéficié de moyens humains et matériels supplémentaires. Selon les périodes, ce mouvement fut plus significatif pour l'un ou l'autre corps. Ainsi, la fin des années soixante et le début des années septante sont marqués par deux extensions successives du cadre organique de la gendarmerie. Au cours de la période 1975-1985, la police judiciaire près les parquets connaît, à son tour, deux extensions de son cadre. Pour la police communale, c'est au cours des années nonante, grâce notamment aux contrats de sécurité et à des mesures destinées à favoriser la création d'emploi au niveau local, que ses effectifs vont croître de manière substantielle.
Concomitamment, les moyens matériels vont être renforcés au travers soit d'accroissement budgétaire pour la gendarmerie et la police judiciaire près les parquets, soit de fonds fédéraux ou de contrats de sécurité en ce qui concerne la police communale.
Enfin, l'augmentation des moyens humains et matériels a permis d'entreprendre un processus de modernisation au sein du système policier.
L'allocation de cet accroissement budgétaire a permis aux services de police de disposer, tant sur le plan humain que sur le plan matériel, de moyens acceptables.
Les problèmes structurels ne sont pas les mêmes partout et ils dépendent de la taille des communes. Il y a lieu de distinguer la situation des petites communes, à caractère véritablement rural, des communes moyennes, des grandes communes et des grandes villes.
Dans les petites communes rurales qui, souvent, sont encore dotées d'une police rurale, la gendarmerie assure depuis des années une grande partie du service de police de base. Dans les communes de taille moyenne ainsi que dans les grandes communes, une partie importante de ce service est assurée par les corps de police communale. La plupart des grandes communes parviennent à organiser elles-mêmes une permanence 24 h sur 24. Dans le cas des communes de taille moyenne, cependant, ces permanences ne peuvent être organisées que par le biais d'une collaboration entre plusieurs corps de police communale, collaboration qui est facilitée par l'aide de la gendarmerie. Les corps de police communale des grandes agglomérations sont les seuls à avoir développé également un service juridique à part entière.
1.1. Les petites et moyennes communes
Le problème de la collaboration des polices s'est posé pour cette catégorie de communes surtout au niveau des relations police communale/gendarmerie, étant donné que les autres opérateurs, comme la police judiciaire et d'autres, ne se manifestent pas souvent sur le terrain à ce niveau-là.
Il se fait que c'est précisément à cet échelon-là que les problèmes de dysfonctionnement ont été abordés depuis quelque temps déjà et ont trouvé un début de solution grâce à l'installation des Z.I.P.
Suite à la politique du ministre de l'Intérieur et aux incitants financiers, la plupart des communes ont déjà souscrit à une charte de sécurité, ou sont sur le point d'achever les négociations à cet effet.
Les auditions des commissaires d'arrondissement ont permis de déceler quelques réticences de certaines communes (en l'occurrence du Limbourg) qui ont trop investi dans la collaboration policière inter-communale pour se reconvertir en peu de temps en Z.I.P. Parfois l'attitude de la gendarmerie ne facilite pas la collaboration.
Il est même tout à fait impossible pour certaines communes (par exemple les Fourons) de faire partie d'une Z.I.P.
L'on a aussi déploré l'absence de collaboration des délégués du parquet à la concertation pentagonale locale. C'est surtout au niveau de la répartition des missions judiciaires selon les spécialisations des corps de police et leurs desiderata que les problèmes se situent.
Pour le reste, les auditions des commissaires d'arrondissement et des participants à certaines Z.I.P. ont révélé une satisfaction, si pas au sujet de la collaboration entre corps de police, du moins au sujet de la satisfaction des desiderata des habitants au niveau de l'accueil des plaintes et les interventions 24 heures sur 24.
Certains problèmes restent toujours en suspens : l'emploi conjoint des fréquences radio, le « covoiturage » dans les patrouilles mixtes, le manque d'accès à toutes les données figurant dans les banques de données de la gendarmerie et de la justice (par exemple, le casier judiciaire).
Certains observateurs ont également soulevé le problème de la taille des Z.I.P., en se demandant si le personnel qui s'y trouve suffit à assurer l'ensemble des tâches.
Ils soulignent également que les gendarmes sont devenus indispensables dans beaucoup de communes rurales.
Dans les grandes villes, le problème se pose autrement car dans ces villes, différents corps de police opèrent sur un pied d'égalité.
Dans la plupart d'entre elles se trouve le siège d'un tribunal de première instance, voire d'une cour d'appel, ce qui entraîne l'existence d'une importante brigade de police judiciaire.
La police communale, quant à elle, y dispose d'une infrastructure équivalente à celle de la gendarmerie : elle dispose d'un staff, d'un centre informatique, d'une brigade judiciaire, d'une section anti-émeute, etc. Elle couvre donc aussi bien le domaine de la police de base que celui de la police spécialisée, et reste donc en concurrence avec la gendarmerie, ce qui demande une plus grande coordination que dans les autres communes, où la police communale est inférieure en nombre et en moyens, et où elle dépend dès lors de la gendarmerie pour accomplir ses missions.
La concurrence entre les différents corps est naturelle dans un pareil contexte et les commissaires des grandes villes l'acceptent comme un mal nécessaire. Ils ont toutefois le sentiment que depuis que la gendarmerie a découvert les vertus de la police de base, elle essaie de s'accaparer ce créneau dans les seuls domaines qui l'intéressent, par exemple, la poursuite des trafics de drogue, mais non les constats d'accidents de roulage. Ils prétendent même que, pour atteindre ses objectifs, la gendarmerie ne recule pas devant une certaine déloyauté vis-à-vis des engagements pris. Cette attitude explique selon eux qu'ils deviennent de plus en plus méfiants afin de ne pas être relégués en deuxième zone, là où la police communale a toujours joué un rôle prépondérant grâce à la combinaison entre le préventif et le répressif.
Problèmes ponctuels relevés
a) Le premier problème qui saute aux yeux est la délimitation territoriale des compétences des polices communales.
L'exemple le plus frappant en a été cité par M. De Mot (P.G.R.) au sujet de l'enquête sur la disparition du baron Bracht. La police de la ville d'Anvers détenait la bonne piste et est allée enquêter jusqu'en Campine, hors de son territoire, afin de ne pas « perdre » l'affaire. Malheureusement, la patrouille a été interceptée par la gendarmerie, qui l'a mise en garde à vue pendant toute la nuit.
b) La structure des deux polices est tout à fait différente. Au niveau du commandement, le bourgmestre est le chef politique (= élu démocratiquement) de sa police, tandis que la gendarmerie dispose d'un général à la tête d'un état-major structuré.
M. De Mot (P.G.R.) a aussi cité le fait des implications financières : la gendarmerie dispose d'un budget propre, ce qui lui laisse une plus grande marge de manoeuvre.
c) Les Z.I.P. n'étaient pas aussi nécessaires dans les grandes villes, puisque leur objectif premier, c'est-à-dire apporter une aide policière de première ligne à la population 24 heures sur 24, y était déjà rencontré par la seule police communale.
La concurrence avec d'autres corps de police se faisait donc sentir plutôt au niveau de la police spécialisée.
Les commissaires des grandes villes suspectent la gendarmerie de vouloir « profiter » des Z.I.P. pour s'accaparer également le niveau de la police de base, pour prendre en mains en fin de compte tous les domaines d'activité dans la perspective d'une police unique. Ainsi a-t-on vu la gendarmerie proposer au ministre de l'Intérieur de diriger pendant cinq ans la réforme des polices dans les villes dans le cadre d'une superstructure à élaborer.
Un problème ponctuel de collaboration semble exister à Charleroi, où presque aucune coordination ne semble être possible. La gendarmerie y a en plus une tout autre approche des phénomènes de grande criminalité : alors que la police s'attaque aussi aux petits dealers, qui dérangent la tranquillité publique, la gendarmerie ne s'intéresse qu'aux filières.
d) La formation devrait être unifiée ou être commune. Les commissaires renvoient aux conclusions de la commission Langendries, installée sous le ministère de M. Nothomb, et qui prenait pour exemple le modèle allemand, qui envoie tous les jeunes policiers méritants suivre une formation spécialisée identique pour tout le pays, après une période de stage dans la police de base.
L'on a d'ailleurs constaté ce problème également au niveau des petites communes : la formation différente amène d'autres réflexes devant des situations identiques, ce qui rend la collaboration sur le terrain très aléatoire.
e) L'informatique semble être sans conteste la plus grande pierre d'achoppement dans les relations entre corps de police.
Tous les systèmes ne sont pas compatibles mais on y travaille au S.G.A.P., où la gendarmerie est toutefois majoritaire en nombre et en qualité.
Les informations ne sont pas communiquées d'office entre les différents corps.
La police de Bruxelles se plaint également du fait que lorsqu'elle établit des statistiques dans les 19 communes, la gendarmerie refuse de lui communiquer les données ayant trait aux 18 autres communes.
À défaut d'auditions spécifiques de représentants de la police judiciaire puisque notre commission n'est pas compétente pour examiner le fonctionnement de la police judiciaire , il n'a pas été possible de savoir si les mêmes problèmes existent entre ce corps et les autres corps (gendarmerie et police communale).
En ce qui concerne les infos dures, il y a eu des problèmes lors du lancement du système POLIS par la gendarmerie. Alors que les polices communales travaillaient avec les mêmes tables de code, la gendarmerie a refusé, ce qui les a amenés à élaborer leur propre système, incompatible avec celui de la gendarmerie.
Au niveau de la quête d'informations, des « comités de rédaction » avaient été initiés par le ministre de l'Intérieur au niveau de chaque arrondissement, mais ils sont devenus sans objet, à défaut de collaboration de la gendarmerie, qui prétendait vouloir éviter du double emploi, en favorisant ses propres Bureaux de district de recherche (B.D.R.), filiales du B.C.R.
En général, le Comité P trouve que la police communale devra améliorer ou remédier à un certain nombre de points faibles et de dysfonctionnements si elle veut jouer ou continuer à jouer un rôle significatif :
beaucoup de corps de police communale sont accaparés par des tâches purement administratives;
le statut de la police communale ne permet pas au personnel une évolution favorable au niveau de sa carrière, ni la flexibilité, ni la mobilité du personnel;
dans de nombreux cas, la relation entre les corps de police et leurs autorités pose problème et est parfois dramatique;
dans de nombreuses communes, la relation entre les chefs de corps et les bourgmestres est très mauvaise et « le flot de nominations politiques des chefs de police » a ici un effet inverse;
d'une manière générale, la police communale présente une structure de cadre déséquilibrée, ce qui en fait une police confuse;
l'application du statut disciplinaire pose de graves problèmes : certaines communes et certains corps sont devenus inactifs, avec toutes les conséquences que cela entraîne.
Quant aux Z.I.P., le Comité P est d'avis qu'elles contribueront certainement à renforcer la sécurité et l'efficacité du service policier, mais il y a toutefois quelques problèmes fondamentaux :
le concept des Z.I.P. ne repose pas sur un cadre légal;
les Z.I.P. doivent faire face à des problèmes tant qualitatifs que quantitatifs;
des différences peuvent apparaître au niveau des statuts entre les partenaires d'une même zone.
Une audition a été organisée afin d'entendre des délégués de la police communale appartenant à diverses organisations représentatives, dont l'influence sur l'évolution de la police communale n'est pas négligeable.
Il s'agit :
de M. De Troch, commissaire en chef de la police d'Alost, et de M. Warny, commissaire en chef de Namur, parlant au nom de la Commission permanente de la police communale de Belgique;
de M. Adam, commissaire de police de Bassage, parlant au nom de la Fédération royale des commissaires de police de Belgique;
Les exposés se sont focalisés sur le point de vue de la Commission permanente de la police communale. La création de cette commission s'est révélée aller de soi dans le paysage policier.
Bien qu'avec ses 18 000 agents, elle constitue le plus grand corps de police en termes de personnel, la police communale n'était pas un interlocuteur au niveau fédéral, parce que morcelée en 584 corps communaux, qui avaient tous leur propre conception de la police.
Au niveau fédéral, l'importance de la police communale allait croissant à mesure que le problème de la sécurité prenait de l'ampleur, et on envisageait de profondes réformes.
Il était dès lors nécessaire que la police communale puisse prendre place à la table des négociations en tant qu'entité pour éviter de se faire asphyxier par les deux autres corps.
La création de la Commission permanente, prévue par l'article 228 inséré dans la loi communale, a enfin permis à la police communale de communiquer ses avis et de communiquer ses points de vue au ministre compétent.
Si certains accents varient d'une commune à l'autre, en fonction de la taille de celles-ci, il n'en demeure pas moins que la Commission permanente adopte régulièrement une position de base unanime.
Après le succès des Z.I.P., auquel la Commission permanente a contribué, il est question, aujourd'hui, d'une restructuration globale des trois corps de police. Il fallait en arriver là, mais les événements de la fin de l'été 1996 ont activé le processus.
La compétence générale ratione materiae de la police communale représente, dans le paysage policier actuel, un gage important de travail de qualité et la Commission permanente s'emploie dès lors à la préserver.
La Commission permanente espère recevoir trois garanties dans cette perspective :
1. La réalisation d'une structure fédérale de la police communale, financée par le niveau fédéral et servant d'organe d'appui à l'ensemble des corps communaux. Dans ce cadre, il faudrait aussi prévoir un régime légal sur la mobilité entre le niveau fédéral et le niveau local.
2. Le renforcement du S.G.A.P., une fois que les mesures visées au point 1 auront été prises.
3. La simultanéité entre l'engagement pris par le Gouvernement de concrétiser les garanties à l'égard de la police communale et les autres réformes.
Il a été dit au cours de l'échange de vues que la mobilité devait être assurée non seulement entre les différents niveaux, mais aussi sur le plan horizontal, entre tous les corps de police.
En ce qui concerne le financement du niveau local, on constate que l'autorité fédérale intervient déjà d'une manière satisfaisante pour l'infrastructure.
La police unique peut être un danger, mais il ne doit pas nécessairement en être ainsi. La Commission permanente n'envisage cependant pas une police unique, mais une structure unique. Au niveau local, gendarmerie et police travailleront ensemble, sous l'autorité du bourgmestre, au sein des Z.I.P.
Il ne peut y avoir de hiérarchie entre les deux niveaux.
La police rurale doit être absorbée par la police communale urbaine.
On doit créer des structures de concertation entre les différents niveaux et les différents corps. C'est ce que les problèmes liés au transport de fonds ont mis en évidence.
Chaque corps doit conclure des accords concrets avec la gendarmerie pour éviter que celle-ci ne se débarrasse de certaines tâches ingrates sur la police. La gendarmerie attire de plus en plus le service de police de base à elle. Cela n'est pas acceptable.
Il faut également tenir compte du fait que les corps de police communale ne sont pas tous en mesure de fournir un service efficace dans tous les domaines. Comme la gendarmerie devra venir en aide dans une plus ou moins grande mesure selon le cas, il y aura lieu de tenir compte de ces inégalités dans les accords que l'on conclura avec elle.
Et si cela ne suffisait pas, le niveau fédéral devra intervenir.
Interrogé sur les projets de réforme, M. De Troch déclare que la Commission permanente élabore son modèle en partant des problèmes qui se font jour : il y a, d'une part, des problèmes de sécurité généraux et, d'autre part, des problèmes spéciaux. C'est la raison pour laquelle on a opté pour deux composantes.
Il existe actuellement trois services, dont deux offrent un service complet.
Deux de ces services fonctionnent au niveau fédéral et le troisième est organisé par commune.
Chaque structure doit collaborer avec les autres au moyen d'une relation de partenariat à son niveau.
La composante fédérale comprend également un volet à l'échelon de l'arrondissement, pour l'accomplissement des missions judiciaires, car c'est à cet échelon que les parquets donnent leurs ordres.
Au sein d'un même niveau, l'intégration se fera progressivement pas l'intermédiaire de mesures d'alignement.
M. Warny est d'avis que les deux niveaux devront se charger des enquêtes judiciaires, étant entendu que les affaires complexes iront bien évidemment au niveau fédéral.
Le S.G.A.P. ne saurait répartir les tâches en la matière : c'est un service d'appui et non un service opérationnel.
La police communale appartiendra entièrement au premier niveau. Si une enquête dépasse le cadre territorial de la commune, elle sera confiée au second niveau.
Les services spécialisés de la gendarmerie et la police judiciaire appartiennent au second niveau.
La gendarmerie vient en aide aux communes qui ne peuvent assurer le premier niveau.
Il faut déterminer qui portera la responsabilité à l'échelon de l'arrondissement. Ce sera à l'autorité fédérale de le faire.
Ce responsable devra répartir le travail entre les membres du personnel. Les magistrats ne pourront pas s'immiscer dans ces questions. Il est vrai que les magistrats siégeront dans les structures de concertation.
On pourrait répartir les membres de la police judiciaire entre la structure fédérale et les structures locales.
Le gros problème est celui de la dispersion des enquêtes judiciaires entre les parquets. À cause de cette dispersion, on ne peut par exemple pas combattre sérieusement le phénomène de la criminalité, à moins d'agir par le biais d'un intermédiaire appartenant à une structure fédérale, éventuellement en utilisant les statistiques uniformisées d'un parquet fédéral.
La commission a visité l'état-major de la gendarmerie le 15 octobre 1996.
Les exposés généraux faits à l'état-major de la gendarmerie concernaient, d'une part, la restructuration après la démilitarisation et la modification de la culture d'entreprise et, d'autre part, la description de quelques services opérationnels qui se trouvaient sous le feu de l'actualité, à savoir le B.C.R., la ligne 0800 pour la pédophilie, le système P.O.L.I.S., ...
La commission a ensuite entendu le commandant de la gendarmerie, le lieutenant général De Ridder, ce qui a permis d'approfondir certains aspects de la politique de la gendarmerie.
Enfin, les syndicats de la gendarmerie ont été entendus.
2.1. Le point de vue de la direction de la gendarmerie
§ 1er . La restructuration, la démilitarisation et la modification de la culture d'entreprise
Il va de soi que la démilitarisation, faisant suite à la loi du 24 juillet 1992, a entraîné une profonde réorganisation, par la disparition des liens avec le ministère de la Défense nationale.
Cela a entraîné des conséquences immédiates, tant en termes de personnel que de logistique. On a profité de la volonté politique d'adapter la philosophie de base de la gendarmerie à la modification des idées en matière de service policier pour opérer un revirement dans la conception de la culture d'entreprise.
Ce dernier aspect est presque immédiatement devenu prédominant et a entraîné dans son sillage les problèmes de personnel et de logistique.
a) La nouvelle culture d'entreprise
L'on se démarque désormais du caractère purement répressif de la gendarmerie, en introduisant la notion de community policing, que l'on pourrait traduire librement par « service de police destiné à la collectivité ».
Cette notion, d'origine anglo-saxonne, qui est devenue un lieu commun dans les milieux policiers, était à l'époque assez révolutionnaire, surtout au sein de la gendarmerie, laquelle contrairement aux collègues de la police communale n'assurait pas de service de police de base, si ce n'est dans les zones rurales.
Si la gendarmerie voulait réussir dans son projet en mettant également sur pied un pilier « service de police de base » (décrit par le général De Ridder comme étant « l'oeil de la gendarmerie »), elle devait naturellement modifier la formation de son personnel, de manière à lui apprendre principalement à communiquer avec la société.
Le général De Ridder renvoie au rapport de la Commission de l'Intérieur et des Affaires administratives du Sénat, qui a été consacré à l'époque à l'installation et au fonctionnement des Z.I.P. (doc. Sénat nº 1-306/1 et suivants), et dans lequel il a démontré la nécessité de cette nouvelle notion de service de police de base.
Depuis lors, à sa grande satisfaction, de nombreuses communes ont adhéré à une Z.I.P., sans que cela engendre de difficultés insurmontables.
Leur succès s'explique entre autres par le sens des responsabilités des commandants de brigade.
Comme le général Van Belle l'a dit, l'état-major général n'est plus là pour donner des ordres linéaires, mais surtout pour former les unités locales.
b) Politique du personnel et structures internes
Une restructuration aussi intéressante n'était pas pensable sans que l'on agisse radicalement sur les structures internes.
Comme il fallait oeuvrer dans les limites d'une enveloppe budgétaire inchangée, avec une plus grande présence sur le terrain, il a bien fallu procéder à une réorganisation en ramenant le nombre des niveaux de directions de cinq à trois, à savoir l'état-major, le district et la brigade.
Cela a permis de libérer des hommes pour les envoyer dans les brigades. Les légions mobiles ont également fait l'objet d'un dégraissage et ont été transformées en une réserve générale, chargée d'intervenir pour maintenir l'ordre.
Selon le colonel Duchâtelet, un meilleur fonctionnement est désormais synonyme de meilleur service à la population.
Cela impliquait le passage à une gestion de corps appropriée et à un profond changement des mentalités.
En ce qui concerne la gestion de corps, on a conçu un nouveau logo et, beaucoup plus fondamentalement, une charte des valeurs, que chacun doit respecter au sein de la gendarmerie, quel que soit le niveau auquel il opère. Cette charte prévoit notamment le respect des droits de l'homme.
Cette charte n'est pas un document informel sans plus, elle est rendue contraignante sous peine de sanctions, sanctions qui, de surcroît, sont effectivement prises.
C'est ainsi que de lourdes peines ont pas exemple été prononcées récement pour violence excessive lors d'une intervention contre des manifestants.
L'on s'efforce de créer un climat de travail positif par le biais de campagnes d'information ciblées parmi le personnel.
On procède à une analyse des programmes fédéraux en vue de les convertir en programmes plus concrets à l'intention du personnel.
En matière de recrutement et de formation, on a également changé de cap.
Pour la première fois, les officiers sont recrutés au niveau universitaire, sans passer par l'école militaire. On tâche ainsi d'attirer des personnes qui ont une attitude un peu plus critique à l'égard de leur corps et de leur mission que ceux qui ont une formation purement militaire. Les sous-officiers peuvent accéder plus facilement au rang d'officier. Le recrutement de femmes occupe une place importante dans la politique du personnel. Il y en a pour l'instant 405, dont 1 officière.
La tradition militaire du mess a été maintenue, mais on ne sert plus d'alcool en dehors des repas.
La procédure pénale militaire a été supprimée et remplacée par une procédure plus conforme au droit classique applicable aux agents de l'État.
En ce qui concerne ce dernier point, un sénateur émet des objections, car la loi qui règle le contrôle des services de police n'est pas respectée, alors qu'elle oblige la gendarmerie à transmettre tous ces faits au Comité P.
Pour le reste, on s'efforce également de maintenir autant que possible l'équilibre linguistique. Il n'y a pas de cadres linguistiques, mais la proportion est de 53,7 % de néerlandophones contre 45,1 % de francophones et 1,2 % de germanophones.
Étant donné que les moyens budgétaires sont restés constants et que l'on a mis un plus grand nombre d'hommes à contribution, il a fallu prendre des mesures d'organisation pour faire face au problème.
Par suite de la suppression de la structure militaire, l'on a pu centraliser certains services, qui, dans une entreprise militaire, doivent être présents à chaque échelon. Ce sont surtout les aspects logistiques qui ont pu être centralisés : les réserves et les services d'appui (Ca Log).
a) Le Bureau central de recherches (B.C.R.)
Le lieutenant-colonel Berckmoes et le major Decraene expliquent selon quels principes leur service fonctionne.
À leurs yeux, leur service n'est pas un service opérationnel, mais bien un service d'appui puisqu'il se borne à recueillir des données et à coordonner l'action des véritables services d'appui opérationnels (tels que POSA et le service d'identification).
Le B.C.R. s'occupe d'analyser les phénomènes, de rassembler de la documentation, de reconnaître préventivement et signaler les phénomènes nouveaux et met son expérience à la disposition des intéressés.
Il a conclu des accords avec le magistrat national, avec le cabinet du ministre de la Justice et avec le S.G.A.P., et tire ses informations de ses propres informateurs, de la police judiciaire et de la police communale.
D'autre part, le B.C.R. rend, au moyen du système POLIS, ses propres informations « dures » accessibles à la police judiciaire et à la police communale, qui peuvent y accéder plus ou moins facilement selon qu'elles disposent d'un matériel informatique plus ou moins approprié.
Le général De Ridder pense qu'il est inutile de charger le S.G.A.P. des tâches précitées, parce que cette démarche équivaudrait à créer un quatrième service de police à côté des trois services existants.
Les informations « douces » ne sont pas d'office rendues disponibles, et ce, afin de protéger la confidentialité des informateurs. En ce qui concerne les relations avec les informateurs, le général De Ridder prétend que les pratiques du style « donnant-donnant » sont autorisées, mais seulement s'il y a eu une décision en ce sens d'un magistrat. Il faudrait en tout cas qu'une initiative législative soit prise dans ce domaine.
Le changement du statut des informations, qui, de « douces », deviennent « dures », a lieu à l'occasion de l'établissement d'un procès-verbal.
Le major Decraene répond à un sénateur que les informations nouvelles, obtenues après la rédaction d'un procès-verbal, n'aboutissent pas automatiquement dans la banque de données « dures ». De ce fait, certains sénateurs craignent qu'il ne soit possible de procéder à des enquêtes parallèles.
b) Banque de données P.O.L.I.S.
Selon les déclarations du général De Ridder, P.O.L.I.S. est une banque de données concernant des missions judiciaires, et gérée par la gendarmerie. 80 % de la police communale et l'ensemble de la police judiciaire ont accès à ce système.
Ces différents corps échangent des données entre eux.
Au sein de la gendarmerie, la procédure, allant du procès-verbal à la saisie encodée dans le fichier, est stricte.
Toutefois, la gendarmerie dispose encore de quelques banques de données plus anciennes, mais de moindre importance. Tout comme les banques de données importantes, celles-ci sont gérées conformément à la loi sur la protection de la vie privée. Elles concernent notamment les listages de la gestion du personnel de la gendarmerie, certaines données relatives à l'analyse des phénomènes, des statistiques en matière de vols de voitures, etc.
c) Ligne 0800 pour les cas de pédophilie
et Cellule disparitions
La ligne 0800 a été créée à la demande du juge d'instruction de Neufchâteau, auquel toutes les informations utiles sont envoyées directement. Il lui appartient de les transmettre à ses confrères.
La Cellule disparitions constitue un instrument plus permanent et interne à la gendarmerie, créé à la demande du Gouvernement.
Elle s'occupe du suivi des dosssiers au moyen des données que lui transmet le B.C.R., et joue le rôle d'organe consultatif spécialisé pour les brigades confrontées à ce genre de problème.
Certains sénateurs s'inquiètent du fonctionnement des centraux 101. Ils craignent qu'en raison de son quasi-monopole sur ceux-ci, la gendarmerie ne renforce son emprise sur les polices et n'en arrive en fin de compte à décider qui fait quoi, en se réservant bien entendu les tâches qu'elle estime être d'une importance stratégique.
Le général De Ridder donne d'abord un aperçu de la situation actuelle : la gendarmerie gère uniquement les centraux d'un certain nombre de villes moyennes, comme Tournai, Louvain, Bruges, Turnhout, Verviers ainsi que les centraux ruraux. Dans les grandes villes, les centraux sont cogérés.
Il signale que ce n'est pas la gendarmerie qui essaie de se préserver. Il ne demanderait pas mieux que de voir les corps de police communale participer à la gestion des centraux 101. Seulement, le prix élevé en matière de personnel semble les effrayer.
e) Sécurité générale des réseaux
Certains sénateurs s'inquiètent de la sécurité des réseaux. Le général De Ridder ne voit pas de grandes difficultés, puisque les programmes ont été écrits par des gendarmes et qu'il y a des codes d'accès pour les utilisateurs ainsi que des listes de ceux-ci.
Le seul problème important, à ses yeux, c'est que des organisations criminelles pourraient s'infiltrer dans le système. La gendarmerie est ici confrontée à un défi nouveau; si elle veut empêcher l'infiltration, elle devra procéder à un tri des membres de son personnel, ce qui est une affaire délicate eu égard à la protection de la vie privée.
2.2. Le point de vue des syndicats
La commission a entendu les syndicats afin de vérifier de quelle façon le personnel de la gendarmerie a accueilli les bouleversements précités qui ont eu lieu dans le corps.
Il s'agit de :
Le S.N.P. (Syndicat national du personnel de la gendarmerie) président : M. Van Keer.
La F.S.G.B. (Fédération syndicale de la gendarmerie belge) président : M. Schonkeren.
Le S.P.P.G. (Syndicat progressiste pour le personnel de la gendarmerie) président : M. Aerts.
Le S.G.S.G. (Syndicat général pour les services de la gendarmerie) président : M. Clemmens.
Les questions suivantes leur ont été soumises :
1. Que pensez-vous du fonctionnement interne de la gendarmerie ?
2. Que pensez-vous des relations gendarmerie-police judiciaire ?
3. Que pensez-vous des relations gendarmerie-police communale et Z.I.P. ?
4. Que pensez-vous des relations gendarmerie-autorités judiciaires ?
5. Que pensez-vous du contrôle parlementaire sur la gendarmerie ?
6. Que pensez-vous de la double tutelle Justice/Intérieur ?
7. Que pensez-vous du S.G.A.P. ?
8. Quelles sont vos propositions de réforme ?
Ces questions ont reçu différentes réponses selon le syndicat, mais, dans de nombreux domaines, les critiques ou les constatations étaient parallèles.
a) Le fonctionnement interne de la gendarmerie
En ce qui concerne le fonctionnement interne de la gendarmerie après la démilitarisation, tout le monde s'accorde à dire qu'il faut distinguer ceux qui travaillent dans les casernes et ceux qui sont occupés dans les districts et les brigades.
Depuis toujours, il y a eu peu d'officiers dans les districts et brigades et cela se ressent dans les relations quotidiennes au sein des effectifs : l'ambiance y est beaucoup moins tendue et beaucoup moins sévère. Tout est consacré au travail sur le terrain, c'est-à-dire surtout aux missions judiciaires.
La démilitarisation n'y a pas changé grand-chose.
Là où règne ce climat détendu, les contacts avec la police communale peuvent, en général, être qualifiés de très bons.
Les problèmes surgissent lorsqu'apparaît la distinction entre officiers et simples agents de police et ceci ne se limite pas seulement au corps.
Ainsi, à l'échelon le plus bas, à savoir la brigade, le commandant a généralement le grade d'adjudant; celui-ci doit, la plupart du temps, affronter un certain mépris de la part des officiers de la police communale, qui sont en grande majorité des universitaires. Cela ne facilite pas les relations avec la police communale, surtout lors des négociations au sein des Z.I.P.
Même à la gendarmerie, les officiers constatent que les relations entre les sous-officiers et gendarmes des grades subalternes posent problème.
C'est avant tout dû au fait que les officiers, en dépit de la démilitarisation, se sentent toujours supérieurs, formés pour commander des troupes. Ils ne s'occupent pas du travail sur le terrain et se démarquent donc ici de leurs subordonnés. Le problème se pose maintenant en particulier parce que le travail judiciaire devient l'aspect primordial du travail.
Si le sentiment militaire s'est quelque peu émoussé, c'est surtout parce que depuis la chute du mur de Berlin, la mission de la gendarmerie n'est plus la défense du territoire et parce que, dans le nouveau concept, les postes d'officiers sont confiés à des universitaires.
Ceux-ci ont une tout autre optique, qui n'est pas celle d'une autorité aveugle.
Une partie des officiers toutefois sont toujours issus de l'école militaire, où ils sont formés pour commander des troupes. Ces officiers sont aujourd'hui frustrés lorsqu'en tant que cadre, ils doivent assumer des fonctions administratives.
Afin d'éliminer les dernières traces du militarisme, les syndicats plaident pour la suppression des grades militaires et pour leur remplacement par des grades équivalents à ceux attribués aux autres membres du personnel de l'État.
Au sein du groupe des anciens officiers, il y a un groupe particulièrement mécontent, à savoir les capitaines-commandants qui ne peuvent plus accéder au grade de major comme ils en avaient la possibilité lorsqu'ils relevaient de la hiérarchie militaire. Il subsiste toutefois une solution pour ce groupe.
En ce qui concerne la discipline militaire, on trouve l'autre extrême dans la Réserve générale où la démilitarisation ne s'est pas encore imposée et où les jeunes gendarmes sont toujours traités comme des recrues. Leur vie familiale est souvent mise sous pression. L'horaire de travail de ces jeunes gendarmes les contraint à acquérir, avec le peu qu'ils gagnent, un véhicule pour effectuer les trajets domicile/caserne. Lors de missions de maintien de l'ordre, leurs journées de travail sont parfois de 14 à 15 heures et il arrive même qu'ils ne soient pas ravitaillés durant ces heures.
La discipline au sein de la Réserve générale est très sévère.
De nombreuses plaintes ont été déposées sur les procédures disciplinaires arbitraires, qui comportent en appel un conseil d'enquête où les officiers sont en nombre dominant.
En ce qui concerne la réglementation destinée à compenser des prestations irrégulières, c'est-à-dire les indemnités accordées pour le travail de nuit et le travail de week-end, on a exclu, pour des raisons purement budgétaires, les commandants de brigade du rôle de chef de permanence mobile de sorte qu'il ne leur est plus possible d'avoir un petit supplément financier.
Ces commandants gagnent par conséquent souvent moins que leurs surbordonnés, ce qui les démotive.
La plupart des gendarmes se plaignent aussi de l'ampleur des tâches administratives par rapport au travail de terrain. D'autres estiment qu'il n'est que normal que, dans le cadre de sa responsabilisation, un commandant de brigade gère lui-même ses budgets.
L'engagement de femmes pose aussi certains problèmes. D'aucuns estiment que les mesures positives qui doivent favoriser leur intégration sont insuffisantes. Par exemple, lors de missions de maintien de l'ordre, aucun équipement sanitaire spécifique n'est prévu.
L'accès des femmes a en outre engendré des frictions parce que, selon certains, la discrimination positive a pour résultat de fait d'abaisser les seuils pour les épreuves d'admission et la formation de base, ce qui démotiverait les instructeurs. Ceux-ci devraient en outre être mieux indemnisés.
La compression des frais de fonctionnement constitue aussi une cause de démotivation pour certains.
C'est ce qui freine certaines enquêtes, par exemple, lorsqu'il n'y a pas de crédits pour payer les heures supplémentaires. Les restrictions de carburant font qu'il y a moins de patrouilles motorisées.
Une dernière observation concernait l'indemnisation insuffisante pour l'utilisation du véhicule personnel en cas d'accident sur le chemin du travail. Aucune assistance juridique n'est prévue, même pas en cas d'accident avec issue fatale.
b) Relation gendarmerie/police judiciaire
Depuis toujours, les gendarmes appartenant aux unités territoriales n'ont eu que des contacts sporadiques avec la P.J., c'est-à-dire lors de constats ou lors de visites de la P.J. à la gendarmerie.
Les gendarmes ont toujours eu l'impression qu'on les regardait de haut.
Récemment, la rivalité est devenue bien réelle parce que la P.J. exigeait la priorité sur d'autres officiers de police judiciaire.
La note de consensus n'a pas apporté grand-chose, puisque la base de la P.J. l'a immédiatement remise en question.
Pendant tout un temps, une partie de la P.J. a fait campagne pour être intégrée dans une police fédérale, ce qui lui aurait permis de prendre ses distances vis-à-vis des parquets. Aujourd'hui, la tendance s'est inversée.
Cette attitude pourrait participer d'une tendance naturelle à vouloir poursuivre personnellement une enquête que l'on a commencée, même au mépris des limitations en matière de territorialité et de compétence.
En ce qui concerne les B.S.R., des remarques ont été formulées sur l'inégalité du statut, surtout en matière d'indemnisation des petits frais supplémentaires, qui est beaucoup plus intéressante à la P.J. où ces frais sont calculés au forfait et par mois alors qu'ils sont calculés par jour presté à la B.S.R.
c) Relation gendarmerie/police communale et Z.I.P.
En règle générale, la collaboration semble être assez bonne.
S'il y a un changement, il est surtout dû à une différence de « culture d'entreprise ».
Il y a simplement une gradation selon qu'il s'agit de zones rurales ou de zones urbaines. Les petits corps de police ne sont pas toujours enclins à assurer un service continu, parce que cela ne s'est jamais fait.
Dans les communes de taille moyenne, l'on est confronté à un problème parce que les commissaires de police sont en général des universitaires, tandis que les commandants de brigade ne le sont pas. L'on ne peut toutefois sous-estimer la formation de ces derniers : ils ont suivi l'enseignement secondaire supérieur ainsi qu'une formation de trois ans en tant que sous-officier d'élite avant d'avoir réussi l'examen d'adjudant. Il serait bon de revaloriser la fonction de commandant de brigade en le faisant accéder au niveau 1.
Il est vrai qu'il existe, dans les villes, entre le commissaire de police et le commandant de brigade, une rivalité au sommet qui se reflète au niveau de la base. La circulaire nº O.O.P.13, relative à la répartition des tâches entre les deux corps, n'a pas vraiment remédié à cette situation.
La création des Z.I.P. contribue clairement à un rapprochement des deux corps et à une meilleure entente entre eux.
Pour une meilleure entente, il est nécessaire que le commandant de brigade ait davantage de garanties en ce qui concerne la présence effective du nombre de gendarmes qui lui sont attribués et à laquelle il s'est engagé à l'égard des autorités communales dans le cadre de la charte de sécurité. Il doit également disposer du personnel nécessaire pour pouvoir exécuter les missions fédérales.
Enfin, il convient de souligner l'importance de mesures complémentaires, par exemple la mise à la disposition des mêmes fréquences radio.
d) Relation gendarmerie/instances judiciaires
Ces contacts sont en général assez bons.
Le manque de direction effective de la part des parquets fait toutefois l'objet de plaintes. Le magistrat adopte parfois à l'égard des gendarmes, qui, en général, ne sont pas des officiers, une attitude laxiste, de sorte que leur motivation n'est pas bien grande. La justice est considérée comme étant un autre monde.
Les contacts avec le magistrat de service sont également parfois tendus parce que celui-ci laisse généralement les gendarmes décider eux-mêmes des mesures à prendre.
Le procédé qui consiste à transférer les dossiers d'un service de police à un autre, sans aucune explication, suscite aussi beaucoup de mécontentement. Les policiers ne sont pourtant pas imperméables aux explications, mais ils ne les reçoivent pas.
Pas mal de frustrations sont également dues aux méthodes de travail dépassées des parquets, qui n'utilisent pas suffisamment les moyens informatiques. C'est probablement dû en partie au manque de moyens nécessaires ou à leur répartition inadéquate.
Les magistrats aussi sont insuffisamment au courant des systèmes informatiques qui existent dans les services de police, et les procédures que ceux-ci impliquent.
Le gendarme ne veut plus servir de tampon entre le public et la magistrature, à laquelle il est souvent associé.
Sa tâche ne consiste pas à combler les lacunes qui existent dans la justice, par exemple en recevant les plaignants si les magistrats refusent de le faire.
Les procès-verbaux inutiles, dont le gendarme sait qu'ils finiront quand même par être classés, sont également source d'énervement. Le gendarme doit en effet donner au plaignant l'impression que son affaire sera examinée de façon approfondie.
Les plaintes que des gendarmes déposent concernant des faits qui portent atteinte à leurs droits restent sans effet, le gendarme concerné n'est pas toujours informé des suites qui y sont données.
e) Contrôle parlementaire sur la gendarmerie
La visite que la commission a rendue à l'état-major de la gendarmerie a été accueillie favorablement. Le général De Ridder demande d'ailleurs lui-même a être entendu régulièrement à l'occasion de la discussion annuelle de son budget.
Les syndicats eux aussi estiment qu'il est tout à fait normal que le Parlement fasse usage de son droit.
En effet, conformément à l'article 35 du règlement interne de la gendarmerie, le Parlement a le droit d'y envoyer des délégations.
D'après les syndicats, cela faisait 33 ans que la gendarmerie n'avait plus eu la visite d'une commission parlementaire.
f) La double tutelle Justice/Intérieur
Les représentants syndicaux de la gendarmerie n'ont pas d'objections particulières à l'existence d'une tutelle double, si ce n'est qu'ils se demandent si pareille tutelle est bien utile.
Il est d'autant moins utile que deux ministres soient chargés de la tutelle que les tâches de police administrative et celles de police judiciaire se chevauchent constamment et qu'il est impossible de les démêler en détail.
À condition d'être bien dirigé et d'être bien développé, ce service peut être l'amorce d'une intégration meilleure et plus rapide des services de police.
Il y a en effet quelques crises de développement, ce qui donne parfois lieu à des frictions entre les délégués des différents services.
C'est ainsi que certains officiers de la police communale estiment qu'il ne leur incombe pas d'effectuer des travaux d'exécution, alors qu'on le considère comme normal de la part d'un gendarme, bien que celui-ci soit lui aussi officier de police judiciaire et ait des qualifications de fonction.
Tant le B.C.R. que la brigade nationale de la police judiciaire utiliseraient des canaux parallèles pour recueillir des informations.
Sur le terrain, l'on ne perçoit pas encore l'influence du S.G.A.P., sauf auprès des services de police spécialisés, qui font surtout appel au S.G.A.P. en tant qu'expert.
La différence de statut des officiers de polices délégués a également fait l'objet de quelques plaintes.
Il faut éviter qu'un seul service de police ne domine le S.G.A.P., ou, tout au moins, éviter de donner cette impression.
D'aucuns critiquent le fait que ce service organise pour certains hauts fonctionnaires de police, sous prétexte de relations internationales, des voyages qui n'ont rien à voir avec l'intérêt professionnel.
L'on admet généralement que l'harmonisation des statuts est un objectif inéluctable. Plus les services collaborent, comme au sein des Z.I.P., et exécutent les mêmes tâches, plus les différences suscitent des frictions.
La définition de pareil statut unique est bien entendu une opération complexe et nécessitera beaucoup de moyens financiers, parce qu'il faudra trouver le plus grand dénominateur commun : personne ne veut subir de pertes financières à la suite de cette opération.
La gendarmerie est en général convaincue de l'utilité d'une police unique offrant des services de première ligne et des services de deuxième ligne. Elle pose cependant comme condition formelle que les deux types de services soient réunis au sein d'un seul corps et ne soient pas dispersés.
Dans une première phase, il faut qu'il y ait fusion sous la direction d'un administrateur neutre. La logistique, qui comprend notamment les banques de données, doit, elle aussi, être unifiée.
Il faut surtout parvenir à une formation uniforme.
Ensuite, il faut immédiatement commencer à démanteler de manière naturelle, le cadre des officiers au sein de la gendarmerie , pour que les militaires laissent la place à des jeunes officiers ayant une mentalité nouvelle.
Le statut syndical est un point important.
Outre le problème de la reconnaissance des petits syndicats, il y a également celui du caractère corporatiste de l'ensemble des syndicats de la gendarmerie qui est imposé par la loi.
Certains petits syndicats estiment que ce corporatisme mène à des aberrations et ils citent le cas d'un syndicat qui propose également des assurances à ses membres. Selon eux, ceux qui organisent ces activités se mettent ainsi dans des situations illégales et, assez étrangement, ils ne sont pas rappelés à l'ordre par la hiérarchie.
Il faut que l'inspection générale travaille de manière plus ouverte. Actuellement, ce service ministériel mène des enquêtes, sans être soumis à aucune règle. Si cette enquête concerne un gendarme, ce dernier n'en est parfois pas avisé, et il ignore à fortiori quelles suites y sont données.
En outre, il y a des revendications syndicales typiques telles que le droit de parole des gendarmes et la création d'un service social.
Un syndicat estime qu'il faut se garder d'appliquer trop rapidement des techniques de management moderne à la gendarmerie, car l'on perd trop souvent de vue que ces techniques ne peuvent pas lui être tout simplement transposées. Une notion telle que le profit n'a pas sa place à la gendarmerie et les gendarmes ne doivent pas s'engager dans une lutte pour la compétitivité.
Après avoir entendu les quatre syndicats, l'on a organisé un échange de vues, au cours duquel on a abordé divers thèmes ainsi que des sujets nouveaux.
En ce qui concerne le rôle des commandants de brigade au sein des Z.I.P., les syndicats soulignent une nouvelle fois que ceux-ci ont des compétences propres qu'ils doivent pouvoir exercer pleinement. Ceci requiert une adaptation tant de leur part, parce qu'ils doivent apprendre à tenir compte également des aspects budgétaires et de gestion de leurs décisions, que de la part du district, où le commandant de district n'accepte pas toujours que son subordonné joue un rôle indépendant.
Il faudrait également s'occuper de leur statut pécuniaire, ils perdent entre 8 000 et 12 000 francs nets par mois parce qu'ils sont exclus des services de nuit et de week-end.
L'on souligne une nouvelle fois que les commandants de brigades demandent davantage de respect de la part de la police communale également.
Malheureusement, des jeunes officiers qui ambitionnent le poste profitent, selon les syndicats, au sein du corps de la position de faiblesse du commandant de brigade par rapport au commissaire de police.
Les gendarmes ne sont pas contre une participation plus importante des bourgmestres, mais ceux-ci ne peuvent pas aller trop loin.
Il est évidemment difficile de respecter des accords conclus avec le bourgmestre si le commandant de brigade ne dispose pas d'effectifs suffisants. Il faut renforcer soit les brigades, soit la Réserve générale, qui pourrait alors décharger les brigades de leurs tâches fédérales.
En ce qui concerne le rôle spécifique du commandant de brigade, il faut prêter attention à la pratique et à la formation des cadres.
Ceci rejoint la nécessité de formation en général.
b) Formation et chances de promotion
Cette formation est étroitement liée aux chances de promotion au sein de la gendarmerie.
En ce qui concerne la formation de base, l'on est parvenu à un accord : cette formation sera complétée dans le sens souhaité, autrement dit, l'on prévoira des stages, un accompagnement par des maîtres de stage et des cours plus axés sur la pratique. Il faut également davantage de professeurs extérieurs à la gendarmerie à l'École royale de la gendarmerie.
Il faut également valoriser le diplôme de cette École de la gendarmerie vis-à-vis de l'extérieur : il faut délivrer un diplôme officiel. Si un gendarme veut quitter le corps, il ne peut rien faire de sa formation, même pas entrer à la police communale ou à la police judiciaire.
Pour ce qui est de la sélection et de la formation, l'attention est attirée une fois de plus sur la nécesssité de respecter les critères d'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Pour promouvoir cette égalité, l'on a rendu l'épreuve d'admission plus facile en ce qui concerne les capacités physiques. Cette épreuve évalue le potentiel et non les capacités du moment. Mais si, après la formation, il s'avère que certaines femmes ne répondent pas aux attentes, l'on n'hésite cependant pas à les faire réussir, parce que la formation coûte tellement cher que l'on ne peut se permettre aucun échec.
Les conditions d'admission et la formation contribueront également à un changement de mentalité.
Il faudrait donc les adapter dans le sens souhaité.
Il faudrait moins favoriser la formation à l'École militaire.
Le schéma suivant a été proposé par un syndicat :
formation de base (qui donne accès à l'école des cadres) : sont admis les titulaires d'un diplôme de l'enseignement supérieur qui ont réussi un examen d'entrée;
école des cadres : sont admis les titulaires d'un diplôme de l'enseignement universitaire ou supérieur non universitaire, sans autres conditions. Les autres peuvent être admis juqu'à l'âge de 43 ans s'ils ont deux ans d'expérience. Les universitaires reçoivent une formation de 24 mois qui est axée sur les fonctions de management et de développement de projets. Les autres peuvent adhérer après 8 mois au cadre moyen, avec la possibilité d'atteindre le cadre supérieur plus tard, s'ils remplissent des conditions supplémentaires.
c) Réorganisation des services de police
La réorganisation dans le sens d'une structure policière plus uniforme est une préoccupation importante pour les sénateurs, qui est partagée par les syndicats.
Les relations entre les B.S.R. et les parquets souffrent du fait que les enquêteurs sont traités de manière hautaine.
Alors que les membres des B.S.R. ont bénéficié d'une formation supplémentaire en matière de techniques de recherche et de reconnaissance de produits (drogues), celle-ci n'est pas toujours appréciée.
L'absence de véritable direction de l'enquête de la part des juges d'instruction leur joue également des tours.
De plus, sont venues s'ajouter récemment les frictions avec la police judiciaire, ce qui ne facilite certainement pas le travail policier.
Réunir la B.S.R. et la P.J. au sein d'un seul organe fédéral serait un avantage. Les syndicats ne voient pas d'un bon oeil le mouvement inverse, qui consisterait à intégrer la B.S.R. à la police judiciaire.
Il serait néfaste de couper la B.S.R. de ses racines.
L'on sait par expérience que malgré sa compétence, la P.J. n'a pas de liens avec la police de base. En outre, elle n'est pas bien structurée.
La P.J. est trop dépendante des parquets et elle ne peut pas établir de P.V. initiaux. Les grands corps communaux ont donc dû créer leur propre service de recherche, parce que la police judiciaire ne peut pas agir à leur demande. Tout doit se faire par le biais du magistrat du parquet.
Si, à leurs yeux, la P.J. ne doit pas nécessairement être intégrée dans la gendarmerie, elle doit néanmoins fonctionner dans la même structure que le service de police qui dispense le service de base.
L'échange d'informations entre les divers services de police ne sera jamais parfait.
D'aucune craignent, en outre, une nouvelle réorganisation alors qu'ils n'ont pas encore digéré la précédente.
d) Liberté syndicale et politisation
Si le principe de la liberté syndicale n'est pas contesté, seul un nombre limité de syndicats sont toutefois reconnus au sein de la gendarmerie.
En vertu de la loi sur la gendarmerie, seuls certains syndicats corporatistes sont autorisés. Pourtant, des voix s'élèvent pour faire lever cette limitation, de sorte que les gendarmes puissent s'affilier à des syndicats interprofessionnels.
Les syndicats dits représentatifs, qui disposent actuellement de permanents, envisagent de se faire financer par la gendarmerie, ce qui est mal pris par les autres.
En ce qui concerne la représentativité, les délégués avancent les chiffres suivants (gendarmes actifs) :
le S.N.P.G.D. : 65 %, soit 7 900 membres;
la F.S.G.B. : 22 %, soit 3 650 membres;
le S.G.S.G. : 7,5 %, soit 1 000 membres;
le S.P.G. : quelques centaines de membres.
La politisation des gendarmes en tant qu'individus n'est pas contestée non plus, puisque la loi reconnaît aux gendarmes le droit de s'affilier à un parti, à condition de faire preuve de discrétion.
Une telle affiliation n'est pas répréhensible en soi dès lors qu'elle ne prend pas le pas sur les qualifications objectives.
Les gendarmes qui s'affilient à des partis d'extrême droite sont exclus des syndicats.
e) Protection des gendarmes qui témoignent
Il s'est avéré trop souvent que des gendarmes qui témoignent devant des commissions parlementaires ou devant la justice contre la gendarmerie ou des collègues étaient victimes de mesures de rétorsion ou de mesures disciplinaires abusives.
Il est urgent de légiférer en la matière.
Comme exposé ci-dessus, l'audition du commissaire général de la police judiciaire n'a pu avoir lieu en 1996, comme pour les autres corps de police. Le présent texte reprend l'essentiel de l'exposé qu'a fait M. De Vroom, en dernière analyse, sur les propositions pour une réforme (voir la Partie 1.II.B. du présent rapport).
M. De Vroom souligne que la police judiciaire n'a pas attendu les événements de l'affaire Dutroux pour formuler des propositions de réforme.
La police judiciaire a deux options :
La première est celle d'une modification de la loi organique qui s'impose (pour autant qu'on ne l'abolisse pas). Jusqu'à présent, cet avant-projet n'est pas passé au Conseil des ministres.
La seconde est celle de la note de consensus datant de septembre 1996. Elle n'a pas recueilli l'adhésion du personnel et de certains magistrats.
Le ministre a reconsidéré le problème, ce qui a donné lieu à une nouvelle note de consensus.
Entre-temps, trois notes ministérielles avaient vu le jour :
une sur la recherche proactive,
une sur l'analyse stratégique,
une sur le projet de répartition des tâches.
Les trois notes ont fait l'objet d'une synthèse avec les conclusions des 5 groupes de projet qui travaillent depuis 1996.
En ce qui concerne l'ensemble des services de police, la police judiciaire a également mis au point un projet. Il résulte de travaux ayant abouti en septembre 1996:
que ce que la Commission Dutroux a dénoncé était déjà connu à cette époque;
tout le monde a fait des fautes;
la coordination n'a jamais été aussi mauvaise que maintenant.
La plus importante constatation est à son avis que l'information circule mal aussi bien à l'intérieur des services de police qu'entre ces services.
Il s'attarde ensuite sur la soi-disant « guerre des polices ». La cause en est selon lui l'absence de vision globale sur la police.
Le ministre de l'Intérieur et celui de la Justice ont chacun une vision différente sur les corps qu'ils ont sous leur tutelle.
Cette dichotomie, qui s'est accrue depuis une décennie, est une des causes majeures du dysfonctionnement des polices.
Même l'amélioration de l'information à l'intérieur d'un corps n'empêchera pas ces dysfonctionnements, si l'on ne s'attaque pas à ce problème global, qui consiste à régler la circulation d'informations entre corps de police.
Le troisième problème important est celui de la magistrature. Il prend comme exemple le Brabant wallon, où la magistrature s'est enfermée dans une espèce de coquille, en tenant sa propre documentation, et en s'isolant, de telle sorte qu'il n'y ait plus de communication avec l'extérieur.
La solution du problème des polices passe inévitablement par l'enlèvement de pareils obstacles de la part de la magistrature.
Un autre problème est le développement inconsidéré des cellules spécialisées. Ces cellules sont en quelque sorte l'équivalent des task-forces américaines. L'avantage de celles-ci est qu'elles peuvent bien déterminer leurs objectifs, la durée de leur travail et leurs budgets. Ce n'est pas le cas dans les cellules belges existantes.
De plus, l'échange d'informations avec des services de police dont émanent les membres de ces cellules, n'a pas été mis au point. Cela fait que la police judiciaire ne dispose pas par exemple des informations de la cellule anti-hormones de Gand et vice-versa.
Un autre aspect est le niveau d'information, catalogué de nos jours par les catégories d'informations dures et douces.
Si, par exemple, un policier reçoit une information sur un assassinat, il peut adopter deux attitudes : ou bien il fait une communication d'information douce à son gestionnaire d'informations, ou bien il fait un P.V.
Il est d'avis que le travail sur des informations douces doit passer par un contrôle de la magistrature, sinon la tentation est trop grande que les services aient recours à la « couverture » de l'information douce pour se soustraire à un quelconque contrôle sur « leurs » enquêtes.
Encore un autre aspect de la « guerre des polices » est le fait de la méfiance, non pas entre la police judiciaire et les autres policiers en uniforme, mais avec ceux qui font le même travail de police criminelle, les B.S.R. et les brigades judiciaires de la police communale. Quand on met ces gens ensemble dans une cellule sous un même commandement, comme à Neufchâteau, cela fonctionne bien. Les problèmes ne relèvent donc pas des différences entre hommes mais sont à attribuer au système.
Cela prouve qu'au niveau du système, deux services coexistent : la police judiciaire et les B.S.R. qui font exactement la même chose. Un magistrat fait le choix entre ces deux, non pas selon des critères préétablis, mais simplement selon ses affinités avec tel ou tel enquêteur, ou suivant la capacité de tel ou tel service.
Si par exemple, il y a lieu de perquisitionner à 20 endroits différents, le magistrat d'un petit arrondissement judiciaire s'adressera plus volontiers à la gendarmerie.
L'on remarque également cette absence de cohérence au niveau ministériel, par exemple s'il s'agit d'établir des circulaires en matière de police. Les cabinets des ministres de l'Intérieur et de la Justice, qui doivent rédiger ces circulaires, sont souvent surchargés et délèguent la rédaction à la gendarmerie qui est la mieux équipée en services d'état-major. Ceci amène les autres polices à devenir tributaires des initiatives de la gendarmerie dans ce domaine. Il est en effet très difficile pour ces autres corps de dissuader les cabinets d'accepter ces textes les yeux fermés.
Le S.G.A.P. a été créé, d'une part, pour améliorer la collaboration et la coordination des services de police générale et, d'autre part, pour la coordination des politiques menées par les ministres compétents.
Le S.G.A.P. dispose d'un conseil d'administration au sein duquel siègent des représentants de la gendarmerie, de la police judiciaire et de la police communale. En dessous, il y a une direction chargée de la gestion journalière, Quatre sections composent ce service :
la section « soutien opérationnel »;
la section « collaboration policière internationale »;
la section « télématique »;
la section « soutien en matière de politique policière ».
La section « soutien opérationnel » a pour mission d'assister de manière coordonnée, rapide et précise les services de police dans l'accomplissement de leurs missions opérationnelles. À cet effet, divers services centraux spécialisés ont été créés au sein de cette section (signalements, identification judiciaire, registre de l'armement, crime organisé, groupe mixte antiterroriste...).
La section « collaboration policière internationale », point de contact de tous les correspondants étrangers, organise la représentation des services de police à l'étranger, participe à la préparation des accords concernant la collaboration policière internationale, coordonne les activités des services chargés de l'exécution des accords internationaux.
La section « télématique » donne des avis sur :
la coordination des applications opérationnelles en matière d'informatique et de télécommunications;
la mise au point d'applications nouvelles en matière d'informatique et de télécommunications.
La section « soutien de politique policière » a trois grands axes : un service de statistiques policières, un service d'échange de données et un service de soutien à la concertation pentagonale.
Enfin, le S.G.A.P. a une importante mission de formation. L'objectif est d'améliorer, de manière coordonnée, le niveau de formation des agents de police et de promouvoir la coordination opérationnelle.
Le S.G.A.P. se distingue des autres services d'appui politique, comme l'Administration de la politique criminelle et le Secrétariat permanent pour la politique de sécurité et de prévention, parce qu'il a une mission spécifique :
1. rassembler et systématiser des informations,
2. pour les services de police,
3. échange d'idées.
Il ressort de l'échange de vues que les représentants des différents services de police se disent raisonnablement satisfaits du fonctionnement du S.G.A.P.
Il faut cependant signaler que la plupart des membres du personnel du commissariat général près la police judiciaire ont été transférés au Service général d'appui policier avec les conséquences que l'on imagine pour le fonctionnement du commissariat général même. M. De Vroom souligne que l'on n'a pas fait de même pour le B.C.R. de la gendarmerie, lequel est lui aussi un service d'appui. Le général De Ridder rétorque que le B.C.R. remplit une mission de coordination, de surveillance et d'appui des enquêtes judiciaires et que le Service général d'appui policier ne doit pas assumer de telles tâches. Sans le B.C.R., la gendarmerie serait incapable de remplir ses missions judiciaires de manière satisfaisante. Si l'on devait transférer le B.C.R., le général exigerait que l'on en fasse autant pour la 23e brigade de la police judiciaire. M. De Vroom souligne que la 23e brigade est un service opérationnel et que l'on ne peut pas en dire autant du B.C.R.
L'on a créé le S.G.A.P. pour qu'il serve de lien entre les trois services de police. Il est clair que les autres services de police devront renoncer à terme aux missions qu'exécute le Service général d'appui policier, ce qui permettra aux chefs de corps des trois services de police de formuler des propositions communes concernant leurs besoins aux ministres compétents.
Pour ce qui est du personnel, l'on formule deux plaintes. D'une part, il y a trop peu de personnel pour mener à bien l'informatisation, et, d'autre part, la police communale est trop peu représentée au sein du S.G.A.P. Cela est principalement dû aux possibilités limitées des corps de police communale, qui sont trop petits pour pouvoir détacher du personnel. L'on escompte que les zones interpolices résoudront le problème.
Ces auditions ont eu lieu avant la réunion du Conseil des ministres du 6 décembre 1996 où l'on a pris la décision de principe de transférer le C.S.C. à la P.J.P.
5.1. Audition du ministre de la Fonction publique, M. A. Flahaut
M. le ministre a expliqué à la Commission que trois sortes de suspicions ou de critiques le concernant circulent parmi le personnel du C.S.C.
qu'il aurait la volonté de « tuer » le C.S.C.
qu'il aurait l'intention d'enlever la qualité d'officier de police judiciaire aux agents du C.S.C.
qu'il n'aurait pas l'intention de résoudre les problèmes relatifs au bâtiment et aux barêmes.
Il expose que l'organisation de cours de formation est à la base de sérieuses discussions : cours organisés par le ministère de la Justice qui constituent une conditions d'accès à la qualité d'officier de police judiciaire. Dans un premier temps, les agents du C.S.C. ont refusé de participer à ces cours. Motif : ils ne voulaient pas entraver leurs propres travaux. Par la suite, ils ont accepté de les suivre avec pour conséquence qu'ils ne pouvaient clôturer leurs dossiers ».
M. le ministre constate que le C.S.C. connaît une surcharge de travail considérable. Selon lui, il est en quelque sorte victime de sa compétence et du fait qu'il est considéré parfois comme une réserve pour la police judiciaire.
M. le ministre estime qu'il serait intéressant d'envisager, en faveur du C.S.C., une possibilité de refuser certaines missions.
Quant à l'avenir du C.S.C., s'il devait devenir dépendant du ministre de la Justice, il deviendrait sans doute une brigade séparée de la police judiciaire, mais dans ce cas, il faudrait alors un autre outil pour assurer le bon fonctionnement du contrôle administratif.
En ce qui concerne les moyens humains et financiers de fonctionnement du C.S.C., le ministre déclare que des économies lui ont été imposées comme à tous les autres départements.
En ce qui concerne les nominations politiques de responsables du C.S.C., M. le ministre déclare n'avoir participé à aucune d'elles et n'a remarqué aucune tentative d'influence dans les affaires qui ont été citées dans la presse.
Pour lui, tous les fonctionnaires du C.S.C. travaillent correctement.
5.2. Audition de M. Desmet, président du C.S.C.
M. Desmet estime que nombre de difficultés rencontrées par le C.S.C. ont pour origine une querelle de personnes relative à la répartition des compétences.
Selon lui, le bloc de compétences relatif aux enquêtes administratives devrait être très important. M. Canneel concentre le C.S.C. essentiellement sur les enquêtes judiciaires, avec pour conséquence que les enquêtes administratives sont délaissées. Le contrôle des marchés publics est dès lors presque inexistant.
M. Desmet résume la genèse du conflit l'opposant à M. Canneel de la manière suivante : « à son arrivée au C.S.C., M. Canneel était déjà directeur général et M. Desmet lui promit à l'époque qu'il recueillerait toujours son avis avant de prendre une décision. De son côté, M. Canneel adopta l'attitude inverse, diffusant une circulaire sans en informer son président, circulaire ayant pour objet de réduire le rôle du président à celui d'une simple « boîte aux lettres ». »
Dans une lettre datée du 20 mai 1991 par laquelle il lui communiquait le point de vue du Collège des procureurs généraux, M. le Premier ministre Jean-Luc Dehaene invitait M. Canneel à retirer sa circulaire controversée. Cette circulaire est l'un des points dont M. Canneel a pris ombrage.
Actuellement, M. Desmet déclare se trouver dans une position délicate : d'une part, il dirige le Comité, mais, d'autre part, il n'a pas les moyens de coercition pour imposer son autorité. Il ne peut prendre des sanctions concernant les missions judiciaires, c'est là une situation malsaine, dit-il.
M. Desmet estime que si le président du C.S.C. n'est pas officier de police judiciaire, il n'en a pas moins une mission légale à remplir qui est celle d'être le maître des enquêtes et des contrôles administratifs.
M. Desmet déclare qu'il a l'impression qu'il faut, pour assurer le bon fonctionnement du C.S.C., non pas tellement le réorganiser, mais plutôt disposer de personnes de bonne volonté.
En ce qui concerne les relations du C.S.C. avec la police judiciaire, M. Desmet estime que la matière spécialisée à l'extrême, qui relève de la compétence du C.S.C., nécessite un organe spécifique unique et que la police judiciaire n'est pas à même de s'en occuper, faute de formation.
Sur le plan de la gestion des moyens humains et financiers, M. Desmet considère qu'un cadre d'environ 100 enquêteurs peut difficilement exercer un bloc de compétences aussi larges que celles attribuées au C.S.C. et ce, d'autant plus que les 100 enquêteurs ne sont tous disponibles.
Il faut savoir notamment que sur les cent enquêteurs, trois sont détachés au cabinet du ministre Flahaut, deux à la S.N.C.B. et deux à la cellule chargée d'enquêter sur le blanchiment de l'argent, et ce sans compter les personnes en maladie ou en congé sans solde.
5.3. Audition de M. Canneel, administrateur général du C.S.C.
M. Canneel explique que les origines des dysfonctionnements, connus par le C.S.C., se situent notamment à différents niveaux :
· au niveau d'une structure de direction inadaptée : structure de direction mal définie, mauvaise répartition du pouvoir entre les divers organes;
· au niveau d'une absence totale de contrôle disciplinaire : M. Canneel constate que 90 % des enquêtes traitées par le C.S.C. sont judiciaires. « Il déplore l'absence d'un statut approprié au contrôle de ces missions judiciaires assurées par les enquêteurs. La seule sanction consiste actuellement en un avertissement par le Procureur général et en cas de récidive en une citation à comparaître devant la Chambre du Conseil de la Cour d'appel »;
· en ce qui concerne la politisation, M. Canneel estime qu'il y a lieu d'insérer dans le statut des agents du C.S.C., les incompatibilités entre la fonction d'enquêteur et un quelconque mandat politique, voire la postulation d'un tel mandat. M. Canneel explique qu'il existe une section centrale qui a été érigée suite au refus de certains magistrats d'accepter les directives et les injonctions ministérielles de passer par le président pour la distribution des affaires; cette section a surtout été créée pour les dossiers du juge d'instruction Bulthé. Selon M. Canneel, cette section centrale est vouée à disparaître;
· l'absence totale de politique d'enquête a pour conséquence que les enquêteurs doivent s'occuper de tout un tas de broutilles, tandis que des enquêtes administratives majeures sont délaissées.
Quant à l'avenir du C.S.C., M. Canneel estime que les compétences mixtes (administratives et judiciaires) vont de pair, à tel point que, si l'on crée une brigade nationale, comme d'aucuns en ont émis le souhait, il resterait un vide au niveau du volet administratif, qu'il faudrait alors combler par la création d'un autre corps du genre « inspection générale de l'Administration ». Toujours, selon M. Canneel, le maintien d'un seul service qui cumule les deux fonctions administratives et judiciaires, peut s'avérer fructueux pour autant que les structures de direction soient revues. Il répète que la fonction du président est une fonction de l'ordre administratif, n'impliquant aucunement une mission judiciaire. La mise du comité sous la tutelle d'un magistrat national lui semble être une meilleure garantie pour son bon fonctionnement.
Quant aux moyens, M. Canneel admet qu'il y a effectivement surcharge. Selon lui, en cas de surcharge, la priorité doit être accordée au judiciaire. Dans les faits, la mission supplétive du comité qu'est la mission d'enquête judiciaire, supplante la mission principale du C.S.C. (les enquêtes administratives). Souvent même les enquêteurs sont sollicités par le parquet et les juges d'instruction, en appui d'une enquête judiciaire qui est menée ailleurs.
5.4. Audition de M. Vermeulen, administrateur général adjoint du C.S.C., adjoint bilingue de l'administrateur général
M. Vermeulen explique qu'il y a des raisons structurelles qui permettent d'expliquer les dysfonctionnements au sein du C.S.C. Il cite, « notamment, l'absence de véritable gestion qui a eu pour effet que l'on a délaissé des priorités et que le service s'est retrouvé submergé par un flot d'enquêtes mineures, ce qui a permis de camoufler des dossiers gênants. Dans certains cas, des procureurs ont même ordonné des missions qui, évidemment, ne pouvaient être refusées mais dont il était clair, dès le départ, qu'elles ne relevaient pas de la compétence du C.S.C. Tout cela pour entraver le déroulement de certaines enquêtes ou pour éviter que certaines d'entre elles ne démarrent. »
M. Vermeulen estime également que des enquêtes sont influencées par le biais de la répartition des dossiers, des moyens de fonctionnement, etc. Il considère qu'il s'agit d'interventions politiques déguisées.
En ce qui concerne l'avenir du C.S.C., M. Vermeulen déclare que si l'on veut qu'il survive, il faudra en faire un véritable service de police. M. Vermeulen croit d'ailleurs que l'ancienne structure du C.S.C. fonctionnait parfaitement. Le service était alors dirigé par un seul fonctionnaire qui était en même temps officier de police judiciaire.
Monsieur Vermeulen déplore le manque de moyens de fonctionnement.
Il souligne également l'influence néfaste de l'envoi d'enquêteurs en formation : cela a permis notamment de freiner certaines enquêtes judiciaires, et ce, d'autant plus que la formation délivrée aux enquêteurs n'est pas adaptée aux besoins qu'ils rencontrent lors des enquêtes.
5.5. Audition de M. Chenot, commissaire en chef au C.S.C.
Monsieur Chenot explique qu'il existe une inadéquation totale entre les nombreuses tâches demandées au C.S.C. et les moyens en effectifs et en matériel mis à sa disposition. Il explique ensuite qu'une deuxième cause de dysfonctionnement est le conflit qui oppose ses deux principaux dirigeants, M. Desmet et M. Canneel, conflit qui se cristallise au travers des circulaires contradictoires émises par M. Canneel en 1989 et ensuite en 1991.
M. Desmet a réagi à ces circulaires par une circulaire de 1992 basée sur l'article 1er et l'article 35 de l'arrêté organique, qui a été approuvée par le Collège des procureurs généraux ainsi que par le Premier ministre Dehaene.
Toujours est-il que les fonctionnaires enquêteurs reçoivent actuellement des ordres contradictoires qui les placent dans une situation impossible.
Pour ce qui est de l'avenir, M. Chenot estime qu'il faut maintenir la double compétence du C.S.C., puisque les enquêtes administratives de taille sont en général les antichambres d'affaires judiciaires. Pour pouvoir atteindre cet objectif, il est impératif que les effectifs soient augmentés.
M. Chenot estime encore qu'à l'avenir, l'organisation du C.S.C. doit être dirigée par un magistrat permanent unique et non par un collège de magistrats. Cette solution permettrait de restaurer l'unité de l'autorité.
Par contre, en ce qui concerne le choix des enquêtes à ouvrir, M. Chenot estime qu'il préfère que l'on conserve un système collégial. La matière est tellement importante que les décisions doivent être collégiales même s'il n'y a qu'un seul président et ce, pour éviter toute suspicion de manipulation.
En ce qui concerne la politisation, M. Chenot fait remarquer qu'elle est apparue en 1988 avec l'arrivée des nouveaux dirigeants, M. Canneel et M. Vermeulen. Ce n'est qu'à partir de ce moment là que le degré de syndicalisation a augmenté considérablement, ce qui est une manifestation d'autodéfense. La politisation s'est aussi répandue en matière de promotions. Il signale également que la réduction constante du budget alloué au C.S.C. risque d'aboutir à son asphyxie, « l'on peut se demander si cela n'est pas le véritable objectif de certains décideurs politiques ».
Pour ce qui est des moyens humains et budgétaires, M. Chenot déplore les restrictions, qu'il ne comprend pas bien dans la mesure où le C.S.C. fait preuve de rentabilité, puisqu'au cours des deux dernières années, il a récupéré pas moins de 154 millions pour l'État. Il souligne également que certains enquêteurs sont détachés du corps mais continuent à être rémunérés par le budget du C.S.C.
5.6. Audition de M. Vandeneede, commissaire en chef au C.S.C.
Selon M. Vandeneede, les dysfonctionnements du C.S.C. ont pour origine principale l'absence d'unité d'autorité. Le conflit existant entre le président et l'administrateur général a une influence néfaste sur les enquêtes, ce conflit s'étend d'ailleurs à tous les échelons, ce qui démotive les enquêteurs chargés des enquêtes au jour le jour.
M. Vandeneede souligne encore le problème des compétences du C.S.C. ainsi que l'insuffisance des moyens qui ne permet pas au service de fonctionner convenablement.
En ce qui concerne la politisation, M. Vandeneede fait observer que le ministre compétent favorise généralement le candidat présenté à l'unanimité par le Conseil de direction. Il en a toujours été ainsi dans les services du Premier ministre. Il va de soi que l'on ne peut empêcher personne d'avoir des convictions politiques. Il importe de savoir si ces convictions portent préjudice aux enquêtes. C'est pourquoi certains enquêteurs sont contrôlés ou ne sont pas chargés de certaines enquêtes.
Quant à l'avenir, M. Vandeneede estime qu'il y a obligation de restaurer au plus vite une unité d'autorité. Il souhaite également une spécialisation accrue des activités du C.S.C., il pense plus particulièrement à un service spécialisé en matière de corruption. Pour lui, c'est un domaine suffisamment étendu pour permettre la spécialisation.
M. Vandeneede prône également l'instauration d'un dialogue avec le parquet afin que les suites réservées à un dossier soient répercutées aux enquêteurs du C.S.C. À l'heure actuelle, deux tiers de tous les dossiers doivent être renvoyés au parquet et au département ministériel concerné sans que l'on ait pu y donner suite.
En ce qui concerne les moyens budgétaires et humains, M. Vandeneede se livre à une étude précise de laquelle il conclut qu'une extension de personnel est absolument nécessaire pour les besoins des enquêtes. Il conclut également à un manque de moyens de communication totalement dommageable et il cite, par exemple, l'accès aux banques de données de la Fonction publique, au registre de commerce et aux banques de données de la gendarmerie.
La réorganisation des services de police doit obéir à un principe fondamental, à savoir que les services de police doivent agir sous l'autorité et le contrôle des autorités administratives et judiciaires compétentes.
Les lignes de force de la nouvelle structure policière sont les suivantes :
1. Partir de problèmes de sécurité concrets.
2. Une responsabilité univoque et une solution simple.
3. Une structure policière double, intégrée de manière fonctionnelle, comprenant une composante locale et une composante fédérale.
4. Une autonomie maximale de la composante locale.
5. L'intégration des moyens d'action et des responsabilités des deux composantes.
6. Pas d'absorption de la police communale par la gendarmerie.
7. Pas de création d'une police criminelle fédérale.
Une telle police devrait disposer, pour pouvoir fonctionner, d'un droit d'action et de préférence, ce qui est inacceptable.
De plus, une telle police saperait la police communale en tant que service de police à part entière.
Enfin, elle n'éliminerait pas la concurrence entre les première et deuxième lignes. Par ailleurs, la concurrence entre la gendarmerie et la police de première ligne se traduirait par une lutte acharnée.
8. Une décision politique claire sur l'objectif à court terme.
La proposition visant à créer un nouveau modèle policier est axée sur :
une police de première ligne au niveau local;
une police fédérale intervenant au niveau supralocal en tant que police spécialisée avec décentralisation à l'échelon de l'arrondissement;
Le maintien du S.G.A.P. comme organe d'appui des autres services.
Les deux services de police doivent conserver leurs compétences générales et effectuer des missions tant « proactives » que « réactives ».
Ils doivent, selon le cas, s'échanger leurs informations ou les communiquer aux autorités administratives et judiciaires.
Outre le S.G.A.P., il doit y avoir une police communale pour faire contrepoids à la police fédérale.
Les deux niveaux sont équivalents. Des protocoles scellent leur collaboration.
Problèmes ponctuels pour la police communale :
1. Statut uniforme dans toutes les communes. Pourquoi le département de l'Intérieur ne verserait-il pas les traitements comme le fait le Ministère de l'Éducation pour les professeurs ? La subvention pourrait éventuellement être partagée, comme au Grand-duché de Luxembourg (40 % par la commune, 60 % par l'État).
2. L'âge de la pension doit être uniforme. Au besoin, il conviendrait d'affecter à des tâches administratives de police qui continuent à travailler au-delà de cette limite d'âge.
3. Informer la population du fonctionnement des services (relations publiques). Il faut revoir les relations avec la presse à propos des fuites.
4. Il faut tout uniformiser au sein de la Z.I.P., par exemple, les fréquences radio, et il convient en outre de le faire dans la réciprocité. Il convient de lancer, dès que possible, le système P.I.P.O.G.
5. La coordination doit pouvoir être imposée et les chefs de corps doivent personnellement être investis de compétences minimales leur permettant d'infliger des peines disciplinaires.
6. La formation doit être linéaire : chacun doit recevoir la même formation de base et suivre, par la suite, une formation pour accéder à chaque niveau supérieur.
Il faut notamment veiller à organiser la promotion sociale pour permettre aux agents en service de suivre des études universitaires à l'instar de ce qui se fait dans la gendarmerie. À compter du 1er janvier 1999, tous les commissaires à partir de la classe 17 devront en effet être porteurs d'un diplôme universitaire.
7. En ce qui concerne les agents détachés, il y a lieu de prévoir une clause de retour, comme c'est le cas à la gendarmerie et à la P.J.
8. Le S.G.A.P. et la P.G.R. devraient devenir autonomes et leur personnel devrait être doté d'un statut identique. Le B.C.R. doit être intégré dans cette structure.
9. La documentation des services de police doit être uniformisée, au besoin en s'inspirant du modèle de la gendarmerie.
10. Il faut améliorer les méthodes de travail.
11. On doit motiver le personnel de police.
La Commission permanente de la police communale a fait une proposition de modèle, basé sur un service de première ligne qui assure la police de base et un service de deuxième ligne qui assure la fonction de police spécialisée au niveau fédéral avec une décentralisation par arrondissement judiciaire. Maintien du S.G.A.P. au profit des deux services.
Mission des services
Première ligne : compétence de base (ensemble des tâches qui ne requièrent pas des compétences, des moyens, des méthodes ou des effectifs spécialisés ou plus importants).
Deuxième ligne : traitement approfondi des faits et phénomènes ainsi que le complément de la première ligne; soutien logistique spécialisé; formation et recyclage du personnel.
Les deux services conservent leurs compétences en matière de police administrative et judiciaire en exécutant des tâches policières de nature proactive et réactive.
Les deux services sont tenus d'organiser l'échange de leurs informations.
Un autre intervenant plaide pour une harmonisation des statuts; on pourrait envisager de faire rémunérer les policiers communaux directement par la tutelle (ministère de l'Intérieur).
L'augmentation de la mobilité devrait être envisagée et encouragée.
L'harmonisation de la formation pour les policiers communaux est également souhaitable, ainsi qu'une réforme des méthodes de travail (développement, par exemple, d'un formulaire-type pour les tâches de base comme les constats de vol).
La délégation propose d'étendre quelque peu le pouvoir du policier par rapport au juge pour suppléer à l'excédent de dossiers pour lesquels une instruction est ouverte automatiquement.
Il est proposé de créer un Secrétariat interdépartemental à la sécurité et aux polices. Il serait chargé d'appliquer les politiques déterminées par les ministres de l'Intérieur et de la Justice, d'assurer l'analyse et la direction stratégique des polices, d'assurer la coordination générale des services de police, de contrôler et d'autoriser les budgets fédéraux de tous les services de police, de coordonner et de diriger le fonctionnement des services communs (informatique, documentation, formation, etc.).
Ce secrétariat intégrerait le S.G.A.P. existant. Sa structure de décision comprendrait des représentants de tous les corps de police existants.
Il serait également question d'établir un double échelon de police (première et deuxième ligne).
Les intervenants insistent également sur l'importance d'une répartition des tâches très claire, ainsi que sur une formation de base homogène.
Les exigences d'une police de qualité dans un État démocratique doivent tendre vers un service de police intégré, sous l'autorité d'un service de direction et de la justice, et la facilité du contrôle de cette police.
La gendarmerie plaide pour une responsabilisation des chefs de corps, une exigence de qualité intégrale, la transparence et la définition de buts généraux.
Une police intégrée doit comprendre deux niveaux : un niveau fédéral et un niveau local. Comme maillon entre eux, il faut un niveau intermédiaire, qui doit correspondre à l'arrondissement judiciaire.
En tout cas, une police intégrée est une nouvelle police.
Sur le plan judiciaire, un niveau de recherche devrait exister au niveau de la Z.I.P., mais aussi au-dessus de ce niveau et au niveau fédéral. Un service de recherche, à quelque niveau que ce soit, doit oeuvrer dans le prolongement du service de police de base. Au niveau fédéral la recherche devrait s'occuper principalement de proactivité. Ce qui n'exclut nullement qu'un tel service s'enrichisse d'un service d'investigation, à condition que ce soit lié à un dossier ponctuel et que les membres d'un service soient détachés d'un service local (par exemple le « National Crime Squad » au Royaume-Uni).
Il est nécessaire et prioritaire de régler la circulation d'informations entre corps de police. Le travail sur les informations douces doit passer par un contrôle de la magistrature, sinon la tentation est trop grande que les services aient recours à la « couverture » de l'information douce pour se soustraire au moindre contrôle sur « leurs » enquêtes.
Il existait un centre au niveau de la police judicaire composé de plus ou moins 1 200 000 dossiers. ce mode de documentation est dépassé, et il y a moyen d'en gérer les données d'une façon dynamique par le biais du S.G.A.P. Le service ainsi projeté au sein du S.G.A.P., appelé dans son projet S.D.I. (Service de documentation et d'information) conserverait l'information dure des dossiers judiciaires qui sont constitués sur base de formulaires uniformes. Il devrait en plus disposer d'index pour l'information douce.
Chaque service de police doit ainsi, pour des actions d'observation, d'infiltration ou d'engagement d'informateurs, savoir que ses collègues travaillent sur telle ou telle affaire concrète. Ce système devrait comporter un système de « flagging », qui indique la personne à contacter pour l'obtention de renseignements, voire pour apporter des informations.
Ce même service devrait également entretenir les contacts internationaux pour les affaires judiciaires. Les contacts opérationnels doivent être pris nécessairement par les policiers.
Un secrétariat interdépartemental effectuerait le travail de logistique pour les deux ministres de tutelle. Les initiatives doivent être prises par les deux ministres conjointement, quand bien même l'on considère que la tutelle de deux ministres découle d'une nécessité démocratique.
Une police unique n'est pas nécessairement antidémocratique, mais les dérives d'un tel service monolithique risquent d'intervenir plus tôt. Il y a donc lieu de maintenir éventuellement diverses polices, sans que cela n'entraîne la duplicité des ministres compétents.
Le secrétariat interdépartemental proposé serait dès lors composé des délégués (et non des chefs) des différents services de police, des représentants des magistrats du parquet et des juges d'instruction. Chaque ministre pourrait alors donner une impulsion à ce secrétariat pour qu'il entreprenne une étude sur n'importe quel aspect du paysage policier.
Sur la base de tous ces éléments, on en arrive à structurer le paysage policier futur selon deux blocs
Le premier bloc serait la police criminelle fédérale, soit une fusion de la police judiciaire, des B.S.R., des laboratoires scientifiques, du Comité supérieur de contrôle et de l'O.C.D.E.F.O. Une police criminelle doit s'inscrire dans un cadre légal, ce qui n'est pas le cas actuellement pour les B.S.R.
La fusion de la police judiciaire et des B.S.R. ne serait pas lourde de conséquences : il n'y pas d'obstacles financiers, leur culture est la même. Il faut que leur direction dépende de la magistrature et du ministre de la Justice. Ce lien avec la magistrature est important, parce que celle-ci constitue une garantie de contrôle. Lorsque le policier rend compte à des magistrats, il rend compte au pouvoir judiciaire et ce, sur la manière dont les inculpés sont poursuivis.
L'autre bloc important de la nouvelle structure policière sera la police de première ligne. Au niveau de la police criminelle, il s'impose de tisser des liens organiques avec celle-ci. Les gens de terrain sont des éléments précieux dans le paysage policier. Il faut conserver cet atout en laissant les policiers communaux près de leurs quartiers et de leur bourgmestre. Une police nationale du genre de celle qui existe en France, serait trop éloignée du citoyen et des pouvoirs locaux. Dans cette optique, les Z.I.P. sont à remettre en valeur.
Des équipes mixtes devraient intégrer les policiers spécialisés locaux. Les dossiers seraient constitués selon le même schéma dans tout le pays. Une copie du dossier serait remis aux enquêteurs locaux spécialisés. Il faut évidemment ne pas utiliser ces équipes hyper-spécialisées pour tous les travaux. Il faut valoriser au mieux leur potentiel en ne leur confiant que des affaires à la hauteur de leurs compétences.
Les policiers destinés à la police judiciaire ou aux brigades judiciaires de la police communale, voire à la police fédérale criminelle intégrée devraient passer par une formation unique. Tout le monde serait ainsi formé ensemble dans des écoles décentralisées par province. Dans de tels centres, on peut observer les candidats, quitte à les sélectionner à la base, comme au Royaume-Uni, où on les met en internat pendant 4 semaines pour déceler leur comportement en groupe, leur éventuel caractère violent, etc. Cette observation permet de les orienter vers des services où ils seront les plus appropriés (futurs infiltrants, observateurs, spécialistes financiers, etc.)
Après cette formation de base, on les orienterait vers trois centres nationaux.
Les uns continueraient alors leur formation dans les centres provinciaux, tandis que les autres iraient vers :
l'école de criminologie, qui formerait des rechercheurs fédéraux et
l'école de gendarmerie qui posséde un savoir-faire en matière de maintien de l'ordre public, de circulation routière, de police des frontières, etc.
Il s'agit, de par la formation commune, de permettre des passerelles. Il y a en effet des phénomènes de fatigue qui se manifestent. Il se réfère à l'ancien article 2bis dans les dispositions statutaires de la police judiciaire qui permettait à de bons éléments de la police communale de transiter vers la police judiciaire sans examen. Cette disposition a malheureusement été abrogée et c'est d'autant plus regrettable que l'on voit très souvent un mouvement dans le sens inverse, où des majors de gendarmerie deviennent commissaires de police. La police judiciaire ne dispose pas de cette dernière passerelle.
En ce qui concerne les budgets, ils doivent être distincts pour la police de base et la police criminelle. Cela permettra une certaine autonomie des grands ensembles, qui doivent toutefois rendre compte de leur gestion aux deux ministres de tutelle conjointement.
Un autre projet important en gestation concerne l'analyse opérationnelle et stratégique.
Depuis septembre 1996, il y a une analyse opérationnelle à trois niveaux :
dans les arrondissements,
au niveau de la cour d'appel,
au niveau national.
Les juges d'instruction ne doivent pas considérer ces analyses comme des synthèses de leurs dossiers. Les analystes étudient plutôt des phénomènes ciblés. Tous les policiers doivent savoir ce que ces analyses signifient et peuvent apporter. Une analyse stratégique demande aussi un échange d'informations. La situation ou l'absence d'informations fausse l'analyse.
Il faut enfin des statistiques cohérentes, qui font défaut en Belgique. Un tel service pourrait se retrouver par exemple au département de la Justice.
Le front commun syndical propose une réforme en profondeur de la police belge. Cette réforme a pour objectif essentiel d'instaurer dans notre pays un nouveau paysage policier conçu en maintenant la pluralité des services. En aucun cas, il ne s'agit d'aboutir à la création d'un service de police unique. Cela implique que les lois de base organisant les différents corps de police actuels et notamment la loi sur la fonction de police doivent être révisées.
Le front commun lance une double dynamique :
1. Une dynamique naturelle découlant d'une formation policière de base commune qui créera une même culture policière. Les diverses formations policières seront dispensées sous la tutelle pédagogique d'un conseil académique composé, entre autres, des membres des différents corps concernés (y compris la magistrature). Les formations suivies seront sanctionnées par des diplômes légaux reconnus sur l'ensemble du territoire (État, régions, communes, ...).
Une formation complémentaire sera organisée pour les futurs magistrats, lesquels accompliront ensuite un stage, tant dans une unité de police de base que dans une unité de police criminelle. De cette manière, les magistrats connaîtront les services de police dans leur formation et dans leur fonctionnement.
2. Une dynamique de collaboration de tous les services de police à l'intérieur d'une même vision policière imprimée par le Secrétariat interdépartemental des services de police.
Cette vision s'inscrira dans un mécanisme de collaboration qui préservera la plénitude des compétences policières et judiciaires des membres de chacune des composantes. Coexisteront une police de base (principalement en uniforme) et une police spécialisée (de seconde ligne) qui bénéficieront d'une compétence territoriale nationale.
Ces deux composantes seront complémentaires et fonctionneront selon un schéma structurel qui garantira une collaboration effective et harmonieuse.
Une procédure légale stricte réglera le statut de l'information, sa collecte et son échange entre les deux composantes, sous le contrôle des autorités judiciaires compétentes.
Avant tout, il convient d'élaborer les cadres légaux indispensables à l'implantation du nouveau paysage policier. Celui-ci sera composé des structures suivantes :
1. Création d'un Secrétariat interdépartemental pour la police (S.I.P.)
Ce S.I.P. constitue la pierre angulaire du futur paysage policier.
Le secrétariat interdépartemental de la police (S.I.P.) est compétent pour la conception de la stratégie policière globale par le biais de directives contraignantes dans le cadre de la mise en application des décisions émanant des autorités compétentes (tutelles, Collège des procureurs généraux, procureurs du Roi).
Le S.I.P. est placé sous la tutelle des ministres de la Justice et de l'Intérieur.
Le S.I.P. doit établir chaque année un rapport d'évaluation en ce qui concerne la stricte application de ses directives contraignantes. Ce rapport d'évaluation est adressé aux ministres de tutelle, au collège des procureurs généraux, ainsi qu'à toutes les instances concernées. Le non respect de ces directives contraignantes entraînera des mesures qui peuvent conduire jusqu'à la révocation du chef de corps concerné.
Il est également compétent pour :
la politique policière globale;
édicter les principes généraux de la coordination commune des différentes composantes de police et surtout éviter les doubles emplois;
arbitrer et régler les conflits éventuels.
Le S.I.P. dispose également de subdivisions compétentes notamment pour les matières suivantes :
la politique du recrutement et de la formation qui doit être mise en oeuvre par l'académie de police fédérale;
la police de base;
la police spécialisée;
le service de soutien policier (B.C.F.);
l'appui à la gestion;
le personnel;
la logistique.
la collaboration policière internationale;
l'application des techniques particulières (sous le contrôle de la magistrature);
information flow (collecte, modes de traitement et de diffusion).
2. Création de l'Académie de police fédérale
L'Académie de police fédérale est chargée de la mise en oeuvre de la politique de recrutement et de formation (conditions de diplômes, examens de recrutement uniformes, pour tous les fonctionnaires de police et cadres auxiliaires). Elle est organisée sur la base d'un réseau de structures décentralisées (provinces ou autres) qui se voient confier ainsi une part de la gestion et de la direction, sous la tutelle du conseil académique.
Elle décerne des diplômes légaux reconnus au niveau fédéral, régional et/ou communautaire et elle assure les formations, recyclages, et les stages spécifiques pour les magistrats. Enfin, l'Académie est également compétente pour la formation permanente.
3. L'organisation de la police de première ligne
La police de première ligne se compose des polices communales et des brigades territoriales de la gendarmerie qui seront maintenues en tant qu'entités autonomes. Ces services conservent leurs compétences de police générale au sens de l'article 15 de la loi sur la fonction de police. Une des missions de ces services est d'assurer la politique de sécurité locale qui doit aboutir à un rapprochement avec le citoyen.
Là où elles existent, les Z.I.P. semblent actuellement offrir une garantie suffisante pour une collaboration entre les deux services de première ligne. Le bourgmestre doit être la figure centrale effective de la politique de sécurité locale. Il doit en être le responsable.
Dans les Z.I.P., il faut que la collaboration entre les polices communales et les brigades de gendarmerie se base sur une charte de sécurité et sur une répartition objective du temps de travail et non sur une simple répartition des tâches.
Dans le cadre des activités de cette police de première ligne, selon des critères définis par le S.I.P., on peut disposer de sections judiciaires locales sans que celles-ci fassent double emploi avec la police criminelle.
Dans le cadre de la politique locale de sécurité, afin de permettre aux bourgmestres des communes intégrées dans une Z.I.P. d'assurer leurs obligations contractuelles, il est primordial que les autorités de tutelle prennent leurs responsabilités en matière d'encadrement et d'équipement au profit de la police communale et de la gendarmerie, pour permettre à ces services d'appliquer la politique locale de sécurité.
4. L'organisation d'une police de seconde ligne (police criminelle)
La police criminelle exercera ses missions essentiellement à l'égard des crimes et des délits qui, par leur ampleur, leur complexité, leur organisation, leur dimension ou leur caractère délicat, exigent des recherches et des enquêtes spécialisées, soutenues ou prolongées. Les laboratoires techniques et scientifiques, parties intégrantes de cette police criminelle, assureront leurs missions au profit de tous les services de police. De même, la police criminelle assurera les opérations undercover au profit de tous les services de police.
Dans un premier temps, cette police criminelle résultera de l'intégration des membres des B.S.R. et de la police judiciaire. Ce cadre pourra être complété par des volontaires issus des brigades judiciaires des polices communales.
Par la suite, la police criminelle sera composée essentiellement de membres issus de la police de base. Après sélection, ces candidats issus de la police de base devront satisfaire à une formation judiciaire complémentaire organisée par l'académie de police.
Une filière de recrutement directe complétera le cadre sur la base de capacités techniques ou scientifiques ou sur base de diplômes à déterminer.
5. Le bureau central fédéral (B.C.F.)
Le B.C.F. n'a aucune vocation opérationnelle. Il remplacera le S.G.A.P. et intégrera le B.C.R. et la P.G.R. Cela implique que les services assumant aujourd'hui au sein du S.G.A.P. et du B.C.R. une quelconque vocation opérationnelle (G.I.A., D.V.I, Cellule Disparition, ...) devront être intégrés. Sa direction sera exercée par un conseil de direction composé de responsables de chaque division.
Les compétences du B.C.F. sont déterminées par les directives prises par le S.I.P. dans les domaines suivants :
1. la division centrale des opérations spéciales qui est chargée de recevoir la notification et la centralisation des activités relevant des techniques particulières;
2. la division chargée de la gestion de la documentation nationale et internationale de la coopération policière internationale en sa qualité de point de contact national;
3. la division télématique;
4. la division chargée des statistiques policières et de la collecte et l'échange de données dans le cadre de la politique de prévention relevant de la police administrative.
Les matières reprises aux points 1, 2 et 3 sont soumises au contrôle d'un magistrat fédéral désigné à cet effet.
6. Le groupe d'opérations spéciales (G.O.S.)
Hormis la gestion des informateurs, ce groupe d'opérations spéciales est chargé de l'exécution opérationnelle des techniques particulières de police visées dans la circulaire ministérielle du 24 avril 1990. Il est impératif que cette circulaire soit traduite au plus tôt dans une loi.
En matière d'observations et d'arrestations délicates, le front commun considère que l'E.S.I. (en ce compris les Posa) a acquis un savoir-faire indiscutable. Il serait donc naturel d'attribuer ces deux techniques particulières à ce service, lequel fait partie intégrante de la police de base.
En ce qui concerne les techniques undercover (infiltration, pseudo-achat, envoi contrôlé, saisies différées, etc.), celles-ci relèvent des compétences de la police criminelle. Le personnel affecté à l'accomplissement de ces techniques particulières constituera le « groupe d'opérations spéciales » qui agira systématiquement sur réquisition et sous la supervision d'un magistrat national désigné à cet effet. Ce magistrat est également compétent pour assurer la supervision de la division centrale des opérations spéciales instaurée au sein du B.C.F. Le G.O.S. agira au profit de tous les services de police.
En ce qui concerne la gestion des informateurs, sur le plan national, elle sera confiée à la « division centrale des opérations spéciales » créée au sein du B.C.F. Les polices de base et la police criminelle, sur la base de la procédure actuellement en vigueur, continueront à en assurer la gestion locale.
7. La conduite des enquêtes judiciaires
Pour le front commun, il est indispensable que la conduite des enquêtes judiciaires (informations et instructions) reste aux mains des magistrats du parquet et des juges d'instruction. Pour effectuer efficacement cette direction des enquêtes, il est essentiel que les magistrats puissent se spécialiser grâce à une formation appropriée. En outre, des moyens humains et matériels supplémentaires doivent rectifier la situation actuelle qui peut être qualifiée de catastrophique et qui rend illusoire la conduite effective des enquêtes.
8. Contrôle
Chaque composante doit disposer d'un contrôle interne. De plus, il est impératif que subsiste un contrôle externe, garanti par le Parlement, afin d'assurer le respect des droits constitutionnels et des libertés fondamentales des citoyens, ainsi que l'impartialité, l'efficacité et la coordination des services de police.
À court terme, il est indispensable de procéder à une harmonisation des statuts tant à l'égard des membres des deux corps composant la police de base, qu'à l'égard des deux services qui composeront la police criminelle. Toutefois, cette harmonisation ne pourra porter atteinte aux droits acquis. Aucun fonctionnaire de police ne pourra être préjudicié sur le plan pécuniaire. Les dispositions statutaires les plus favorables devront servir de référence.
Des dispositions devront donner aux fonctionnaires de police des droits identiques (droits d'association et protection du travail) à ceux des autres citoyens du pays. Le Gouvernement devra s'engager à respecter et à appliquer les traités internationaux en la matière (entre autres la résolution 690 du Conseil de l'Europe, la charte sociale, ...).
Enfin, il est impératif de consolider le principe d'une police qui soit le reflet de la société dans toute sa diversité et dans le strict respect des droits de l'homme.
Les lignes de force d'un nouveau système policier en Belgique s'articuleraient sur une structure capable de répondre aux besoins individuels et collectifs de sécurité tout en assurant un équilibre entre les services en présence.
Le nouveau système policier reposerait sur trois piliers : la police fédérale, les polices urbaines et la police criminelle.
Les polices relèveraient de quatre types d'autorités : un ministre chargé de la sécurité (qui aurait la tutelle sur l'ensemble des polices en lieu et place des deux ministres actuels), les bourgmestres des entités possédant une police urbaine, les bourgmestres des entités ne possédant pas de police et les autorités judiciaires.
Les statuts et les fonctions devraient étre intégrés, de même que la formation et les critères de recrutement.
Des lieux de concertation seraient mis en place, notamment des « carrefours » où l'information pourrait être échangée.
La concertation pentagonale serait redéfinie; des structures de coordination provinciales et fédérales devraient étre instituées.
Enfin, il conviendrait de repenser le contrôle exercé sur les services de police. Le Comité P devrait fonctionner avec un nombre réduit de membres (un président et un vice-président), mais il lui serait adjoint un conseil composé de policiers, de magistrats, de bourgmestres et d'experts.
Un service d'audit devrait pouvoir réaliser des inspections sur le contrôle de l'organisation.
Le professeur Van Outrive émet, sur les trois premiers points, une série de propositions alternatives à celles du professeur De Valkeneer.
Sur le plan de l'organisation, il met l'accent sur une série de principes tels que, notamment : un service de police intégré, une possibilité de contrôle, un cadre légal précis, la responsabilité et la décentralisation.
Les autorités compétentes sont considérées différemment. Le professeur Van Outrive préconise un secrétaire d'État à la police, qui constituerait le lien entre les deux ministres, d'une part, et entre la Justice et le Collège des procureurs généraux, d'autre part.
Une direction générale de la police est installée, subdivisée en plusieurs administrations : police de recherche fédérale et locale, police administrative fédérale (circulation, frontières ...), police de Bruxelles, police intercommunale, services d'assistance (S.G.A.P., police scientifique, mais aussi politique du personnel, etc.).
Au niveau local, le professeur Van Outrive préconise une forme de délégation des bourgmestres à un seul d'entre eux, qui exercerait la gestion et le contrôle quotidiens. En cas de désaccord entre les bourgmestres, le gouverneur de province pourrait intervenir. Ce système devrait permettre d'exercer librement un contrôle démocratique au niveau local.
Sur un troisième point, à savoir la structure organisationnelle, le professeur Van Outrive se démarque du professeur De Valkeneer.
Il n'est en effet pas partisan d'une police fédérale qui travaillerait au niveau local. Il considère que dans les grandes villes et les grandes communes, la police communale actuelle suffit à assurer le service local.
Pour ce qui concerne les Z.I.P., il considère que certaines devraient être élargies, sans toutefois qu'elles ne deviennent trop grandes, car alors le risque de divergences de vues entre les bourgmestres augmenterait également.
Quant aux missions judiciaires, le professeur Van Outrive estime qu'elles devraient pouvoir être correctement remplies par une police locale polyvalente, de sorte qu'un important effectif fédéral ne serait pas vraiment nécessaire.
Le professeur Van Outrive se déclare d'accord avec les trois derniers points du travail du professeur De Valkeneer, pourvu que les termes « ministre de la Sécurité » et « police fédérale » soient remplacés par « secrétaire d'État » et « police intercommunale ».
La commission est consciente de l'évolution fondamentale du paysage policier qui s'est déroulée en Belgique depuis le plan de la Pentecôte et du nombre de réformes positives qui ont déjà eu lieu depuis cette date et qui ont déjà permis une évolution législative, un certain changement de mentalité et de méthode et des restructurations importantes allant dans le bon sens. Il s'agit notamment :
en ce qui concerne la gendarmerie :
sa démilitarisation et sa réorganisation interne plus simple et plus décentralisée;
le développement de la police de proximité (community policing) ;
la modernisation de culture de type de management;
les adaptations de formation des membres de la gendarmerie;
l'organisation d'une inspection indépendante sous l'autorité du ministre;
le renforcement du concept de police de base;
le renforcement de la police spécialisée;
le renforcement de la qualité du service presté au profit de la population et de son système d'évaluation.
en ce qui concerne la police communale :
le renforcement de ses effectifs, de la formation;
la mise sur pied des Z.I.P. susceptibles de mieux coordonner l'action de police de base;
le renforcement de la qualité des commissaires et des exigences du recrutement;
les contrats de sécurité se mouvant en contrats de société et appliquant un renforcement de la politique locale en matière de prévention et de sécurité;
les projets en matière de modernisation de la police communale.
en ce qui concerne la coordination entre services :
la mise sur pied des concertations pentagonales;
la mise sur pied du Service général d'appui policier;
l'adoption de la loi sur la fonction de police;
la création du Comité P;
les contrats de sécurité et de société.
Le bilan de ces multiples actions est relativement positif; il n'en demeure pas moins, à la suite des auditions organisées, de la lecture des différents rapports du Comité P, de l'analyse poussée des relations entre les services de police et des conclusions des différentes commissions parlementaires, que de multiples dysfonctionnements importants existent et mettent à mal l'efficacité et l'action policière dans notre pays.
En raison de l'évolution historique et de la répartition initiale des compétences entre les trois services de police généraux, il n'est pas étonnant qu'ils présentent des structures totalement différentes.
La gendarmerie compte 16 000 hommes, gère de manière autonome un budget d'environ vingt-neuf milliards, possède une structure fédérale très hiérarchisée et un état-major fort développé. Elle adopte des méthodes de management moderne et un personnel mobilisable dans l'ensemble de la Belgique. Elle développe des missions tant de police judiciaire que de police administrative et a un ancrage local de plus en plus important grâce à l'organisation des Z.I.P. et au développement des principes de la « community policing ».
La police judiciaire compte environ 1 400 hommes. Elle n'a pas de budget autonome et n'a pas de réelle structure centrale de direction. Elle est morcelée par arrondissement en 22 brigades judiciaires largement autonomes et dépendant d'autorités judiciaires dont l'organisation ne s'est guère modernisée. La majeure partie du commissariat général a été transférée au Service général d'appui policier.
La police communale est répartie en 584 corps. Elle a un statut autonome, une formation spécifique, elle exerce sous l'autorité d'un bourgmestre ses missions de police administrative et, le cas échéant, judiciaire, dans un territoire limité. Elle n'est représentée que depuis peu dans un nouvel organisme appelé « Commission permanente de la police communale de Belgique ».
Les rapports de force entre les corps de police sont dès lors loin d'être équilibrés et expliquent en partie le malaise qui existe entre eux.
La gendarmerie possède une logistique importante, une stratégie et des atouts structurels, qui lui confèrent une position avantageuse.
Les articles 14 et suivants de la loi sur la fonction de police déterminent, de manière uniforme, les tâches que les services de police doivent remplir dans l'exercice de leurs missions de police administrative et de police judiciaire.
L'identité des missions confiées aux services de police généraux engendre constamment la possibilité de chevauchements dans l'exercice de ces missions, qu'elles soient de police judiciaire ou de police administrative, qu'il s'agisse de missions de police locale ou de police spécialisée.
La coexistence des trois services réguliers, ayant initialement des tâches spécifiques mais s'étant vu de plus en plus assigner des missions identiques, a eu pour effet, au fil du temps, de créer des doubles emplois ainsi que des concurrences et des conflits contre-productifs.
On peut parler aujourd'hui de deux types de problèmes principaux : un premier problème entre la gendarmerie et la police communale, avec pour enjeu le service policier de base dans les villes et les communes, et un deuxième problème entre la gendarmerie et la police judiciaire, avec pour enjeu la criminalité organisée et complexe.
a) Double emploi en matière de police administrative locale
En développant un service de police de base, la gendarmerie a fini par concurrencer la police communale et par engendrer des chevauchements malheureux.
Comme l'a d'ailleurs souligné le Comité P, depuis 1988, la politique gouvernementale en matière de service policier de base a entamé un sérieux changement de cap. Au départ, si l'intention était de faire jouer la complémentarité des services avec une police de première ligne et une police de seconde ligne, aujourd'hui, on a plutôt opté pour un système d'égalité au sein duquel les deux services de police garantissent le service policier de base sur le même terrain.
Ni la première, ni la deuxième solution ne sont, en fait, idéales.
En effet, le principe de la complémentarité n'est presque plus applicable parce que la police communale n'est pas à même d'assumer complètement et partout le rôle de service de police de première ligne. Dans ce cas, la gendarmerie se sait indispensable pour fournir le service policier de base. Là où la police communale est très développée, elle est en concurrence avec la gendarmerie lorsque celle-ci se dirige sur le terrain du service de police de base.
Par contre, la police de proximité est inapplicable sur la base d'un concept de deuxième ligne.
La gendarmerie, issue d'une structure militaire et originairement peu apte à assumer cette tâche, a saisi l'occasion pour renforcer ses points faibles et exploiter ses points forts. La structure fédérale de la gendarmerie reste cependant un handicap pour appliquer les principes de la police de proximité au niveau local.
Cette problématique a reçu un début de solution grâce à la mise sur pied des Z.I.P., qui permettent une répartition des tâches au niveau local tout en maintenant, par ailleurs, l'existence de deux corps différents ayant des autorités et des logiques différentes.
b) Double emploi en matière de recherche relative à la criminalité complexe et organisée
La P.J.P. était originairement la police spécialisée en matière judiciaire alors qu'historiquement, la gendarmerie était chargée du maintien de l'ordre. Ces dernières années, le travail judiciaire de la gendarmerie s'est profondément renforcé : en témoignent le rôle croissant des brigades dans le travail judiciaire, le développement du B.C.R. (Bureau central de recherche), de la recherche stratégique, des groupes Diane et Posa auxquels on fait également de plus en plus appel pour des missions judiciaires.
La gendarmerie s'investit de plus en plus dans la collecte d'informations et le travail de recherche approfondi, tout en conservant ses missions de maintien de l'ordre public. Elle est dès lors en mesure d'accomplir le travail de police locale qui lui a été confié récemment, surtout dans les grandes villes.
La P.J.P. se sent aujourd'hui de plus en plus menacée dans ses spécialisations et l'épisode des discussions relatives à la note de consensus le démontre à souhait. La gendarmerie semble vouloir se spécialiser dans le plus de domaines possibles et dispose des moyens de réaliser cet objectif.
Un grand nombre de tâches que la P.J.P., les B.S.R. et les brigades judiciaires de la police communale remplissent sur la base de la loi sur la fonction de police sont tout à fait parallèles. Ainsi, les trois services conservent souvent des unités opérationnelles identiques pour la lutte contre la drogue et les délits de moeurs.
À l'instar de l'E.S.I. de la gendarmerie, les plus grands corps de la police communale mettent des équipes d'intervention spéciale en place. En matière de criminalité organisée, il est peu logique d'avoir deux corps de police compétents dans les mêmes matières ayant des services de recherche stratégique distincts et des informations gérées séparément.
La déclaration gouvernementale de juin 1995 qui précisait que la continuité des réformes inspirées du plan de la Pentecôte serait assurée par une spécialisation accrue des services de police et par le renforcement de la coordination indispensable des services de police a constitué la base de deux tentatives du nouveau ministre de la Justice visant à résoudre le problème de la concurrence, d'abord par une note de consensus relative à la spécialisation et à la répartition des tâches, puis, très récemment, par une directive. Concrètement, l'on demandait dans cette note aux services de police de se perfectionner dans des domaines déterminés et d'y acquérir une certaine spécialisation. De telles initiatives ont constitué des étapes importantes dans la solution du problème de la concurrence, mais elles requièrent toujours une coordination et une collaboration. La criminalité complexe et organisée constitue inéluctablement un ensemble qui présente une forte cohérence interne. Si l'on charge un service exclusivement de la lutte contre le trafic de stupéfiants et un autre du problème du blanchiment, on se voit confronté à une nouvelle nécessité de coordination, le magistrat portant, selon la directive, une responsabilité importante en la matière.
Il n'existe pas encore à proprement parler, au niveau de l'ensemble de nos corps de police, de politique criminelle fédérale claire, définie démocratiquement, à tel point qu'il est difficile de définir ce que recouvre cette notion.
L'absence de politique criminelle fédérale a en tout cas empêché non seulement une approche scientifique de la criminalité, permettant de cibler les objectifs à atteindre, de réquisitionner les moyens appropriés pour l'éradiquer et de définir les stratégies adéquates, mais surtout des choix politiques libres en matière de priorités. Il faut bien reconnaître que le développement pour la gendarmerie d'une stratégie de politique criminelle s'explique par la passivité des autorités politiques et judiciaires en cette matière. Cela crée une absence d'harmonisation des pratiques entre les services de police.
La loi du 4 mars 1997, qui institue le Collège des procureurs généraux et offre la possibilité de développer une politique criminelle sous la direction du ministre de la Justice, comble cette lacune.
Pour les raisons citées ci-dessus, l'analyse stratégique s'est développée de façon non harmonisée au sein de la gendarmerie et de la police judiciaire. Comme cette analyse devrait profiter à l'ensemble des services de police, elle devrait être centralisée.
De plus, il n'y a pas actuellement d'instrument permettant la statistique intégrée (c'est-à-dire que celle-ci devrait être collectée, encodée, de la même manière dans tous les sites d'où les informations parviennent). L'outil statistique qui permettrait à un service d'établir des études est même absent au sein de certains corps.
Par ailleurs, au niveau local, les concertations pentagonales permettent une ébauche de politique criminelle locale qu'il faudra renforcer.
Diverses mesures positives ont été prises au niveau du Ministère de l'Intérieur (comme les contrats de sécurité, les contrats de société ou les contrats de prévention...). Grâce au système des contrats de sécurité, l'on peut organiser la politique de sécurité au niveau local de façon harmonisée. Des mesures structurelles permettant de régler le problème global de façon permanente font cependant défaut.
En ce qui concerne les contrats de sécurité, l'évaluation est en cours. Les investissements augmentent chaque année et s'élèvent, pour certaines communes, à plus de 150 millions par an. Ce système est toujours contractuel et non stabilisé dans la durée. Il n'est pas non plus appliqué uniformément. Or, chaque commune a droit à un service de qualité aux normes identiques en termes de service à la population (victime, prévention, etc.).
Une politique de sécurité intégrale n'a donc pas encore été réalisée.
Il faudrait également un véritable renforcement de la politique locale en matière de prévention et de sécurité. La politique de prévention est essentiellement définie au niveau fédéral ainsi que les contrats de prévention et les autres accords de sécurité qui sont imposés au niveau fédéral. Bon nombre d'initiatives dans ces domaines émanent du Secrétariat permanent à la politique de prévention. Il n'existe pas encore de manière structurée permettant d'opérer un choix politique au niveau local au sein des conseils communaux ou des conseils de prévention malgré les nouvelles initiatives positives.
De plus, une grande partie des éléments sociaux d'une politique de sécurité (jeunesse, pauvreté, intégration, aide sociale, aide aux victimes) est répartie entre tous les niveaux de l'État fédéral sans qu'il y ait, à ce stade, de coordination suffisante.
c) Tutelles de deux ministres (Intérieur et Justice)
La présence de deux ministres de tutelle ne facilite pas toujours la coordination dans ce domaine.
5. Attentes de la population en matière de sécurité
Une politique de sécurité doit se baser notamment sur les attentes de la population.
Bien qu'il y ait déjà eu une première amorce de concertation structurelle par l'intermédiaire du moniteur de sécurité et malgré les efforts individuels de certaines communes, il est difficile de connaître précisément les attentes de la population en la matière.
À l'occasion de l'élaboration des contrats de sécurité, il a fallu, lors de la discussion que ceux-ci ont suscitée au conseil communal, s'informer des besoins de la population sur le plan de la sécurité à l'intérieur des Z.I.P.
De même, au niveau communal, la politique de prévention est peu débattue. La population n'a pas toujours l'impression d'être associée, écoutée pour tous les petits problèmes de sécurité qui se posent tous les jours.
Ces données récoltées peuvent pourtant utilement aider à fixer des priorités tenant compte des besoins de la population.
Au niveau fédéral, le Parlement s'est peu impliqué dans la politique des polices, ce qui a fait que la plupart des mesures ont été prises par le pouvoir exécutif. À la suite notamment des problèmes internes du Comité P, le Parlement a fait peu appel aux services dudit comité, bien que la loi l'y autorise.
La commission constate que c'est en partie grâce au pouvoir exécutif que la gendarmerie a obtenu une autonomie très large par le biais d'instruments réglementaires spécifiques (arrêtés royaux ou ministériels, directives internes, circulaires).
Ceci a minimisé le rôle du Parlement dans le processus décisionnel. En dehors du Comité P, le Parlement n'a jamais exercé un contrôle efficace et systématique sur les services de police.
On peut dire, en résumé, qu'il faudrait, à présent, renforcer l'« emprise » du Parlement sur les services de police sur deux points.
Premièrement, le Parlement ne participe pas assez aux choix fondamentaux en matière de politique de sécurité et de politique criminelle. De même, il n'a presque jamais été associé aux décisions relatives à l'organisation structurelle de notre police, ni à son fonctionnement.
Deuxièmement, le Parlement n'a jamais pu vérifier si les services de police mettaient en oeuvre les priorités politiques et, dans l'affirmative, comment ils le faisaient. À l'heure actuelle, les instruments politiques pour le faire font certes défaut.
Au niveau local, la loi ne donne pas explicitement de compétences au conseil communal dans le domaine de la police, si ce n'est par le biais du vote du budget communal.
Il existe dès lors une déficience du contrôle du conseil communal sur la police.
Il revient en fin de compte au bourgmestre de déterminer les grandes orientations à donner à son corps de police.
C'est au chef de corps de la police communale d'en assurer l'exécution et de mettre en oeuvre le service de police dans le respect de la loi et les limites de ses responsabilités.
Dans les faits, on constate souvent une très grande latitude laissée au chef de corps ou une tendance de certains bourgmestres à ne pas prendre une part active dans la décision, et ce, notamment en raison de leur manque de disponibilité. La plupart d'entre eux ne peuvent en effet être présents à la maison communale plus qu'une partie de la journée. On constate que la loi sur la fonction de police a voulu accentuer la responsabilité des autorités sur leur service et donc, celle du bourgmestre sur la police communale. Cela suppose que tous les bourgmestres soient conscients des responsabilités qui leur incombent en matière de police.
Le législateur a établi très clairement que les services de police sont des organes d'exécution soumis à l'autorité et à la responsabilité des pouvoirs publics. Cela signifie que ces fonctionnaires de police exercent leur mission et agissent sous l'autorité des autorités hiérarchiques et conformément aux ordres et aux directives qu'elles donnent.
L'article 6, alinéa 1, de la loi de 1992 sur la fonction de police dispose en effet que « les services de police exercent leur mission conformément aux ordres, instructions et réquisitions des autorités compétentes, sans préjudice des compétences et des obligations qui découlent, pour certains fonctionnaires de police, de leur qualité d'officier de police judiciaire auxiliaire du procureur du Roi et de l'auditeur militaire. »
Même dans les situations où les services de police sont amenés à agir de leur propre initiative, ils restent soumis à cette autorité et leurs actions ne peuvent dépasser les limites des politiques établies par elle.
Au vu de cette analyse, on peut constater que les notions d'autorité et de direction peuvent faire l'objet d'interprétations diverses. Celles-ci peuvent être la source, dans la pratique, de difficultés de relation entre autorité et service de police ainsi qu'entre services de police qui ne relèvent pas nécessairement des mêmes autorités et dont le rapport à ces mêmes autorités n'est pas de même nature.
b) Missions de police administrative
En ce qui concerne les communes l'autorité hiérarchique sur la police communale revient incontestablement au bourgmestre. À l'égard du chef de corps, le bourgmestre dispose d'une autorité fonctionnelle directe relative à la police administrative, à l'organisation du corps et à la répartition des tâches de police administrative et judiciaire.
Les autorités qui n'exercent pas d'autorité directe sur un corps de police s'adressent à lui par le biais de réquisitions. Ainsi, le bourgmestre peut requérir la gendarmerie et le ministère public peut imposer certaines tâches au corps de police. Cela est également valable pour les réquisitions qui tendent à prêter main-forte.
Lorsque le service de police requis ne se conforme pas au souhait de l'autorité requérante, celle-ci peut toujours s'adresser au bourgmestre et lui demander d'exercer son autorité hiérarchique et de donner l'ordre d'exécuter les missions. Pour respecter les principes de bonne administration et d'unité de commandement, le bourgmestre n'adressera ses ordres qu'au chef de corps.
Les ordres ou directives des autorités ayant une autorité hiérarchique ont priorité sur les réquisitions des autorités qui disposent d'un droit de réquisition.
Concrètement, ceci signifie que des conflits peuvent apparaître entre les ordres que le bourgmestre donne à son chef de corps et les réquisitions que lui donne le procureur du Roi. Il appartient aux autorités, et non aux services de police, de régler ce conflit. Ainsi, cette disposition est importante; elle devrait rendre impossible le fait que certains services renvoient les apostilles sans accomplir les devoirs pour lesquels ils ont été requis, faute de temps ou de moyens.
c) Missions de police judiciaire
Certains magistrats se plaignent des problèmes d'effectifs qu'ils rencontrent dans le cadre de leurs enquêtes. Ils demandent que leur soit attribuée une équipe d'enquêteurs, et s'entendent répondre que ceux-ci sont indisponibles parce qu'ils effectuent d'autres missions.
Tout comme le bourgmestre quand il doit requérir la force publique, le juge d'instruction qui dirige l'enquête se trouve confronté à l'exercice de l'autorité hiérarchique propre à l'agent-enquêteur.
L'article 6 de la loi sur la fonction de police prévoit que lorsqu'il est impossible de se conformer à ces recommandations et indications parce que leur exécution porterait atteinte à l'exécution d'autres missions de police, l'autorité requérante en est informée dans les meilleurs délais. Cette disposition ne dispense pas les services de police de l'obligation d'exécuter les réquisitions.
Dans l'un et l'autre cas, la définition des responsabilités en la matière devient malaisée. Mais surtout, la mission n'est pas effectuée. Il en résulte donc une absence de service policier.
La loi récente du 3 avril 1997 détermine plus clairement la relation bourgmestre/pouvoir requis mais laisse en suspens la question de la relation bourgmestre/magistrature. La présente analyse tend à le prouver.
La collecte d'informations est un élément fondamental de l'action policière pour ce qui est de l'accomplissement des tâches de police judiciaire.
La commission a constaté que dans ce domaine, les trois services de police travaillent en parallèle. Chaque service a développé son propre système d'information.
Il s'ensuit que les différents corps de police ne s'échangent pas facilement les informations dont ils disposent et que ce processus n'est pas suffisamment coordonné. La police judiciaire et la police communale se plaignent en particulier de l'accès au système Polis de la gendarmerie. La gendarmerie affirme cependant que 80 % des corps de police communale ainsi que l'ensemble de la police judicaire ont accès à son système d'information.
L'absence d'un échange d'informations sérieux est dû en partie au fait que l'on ne dispose pas d'un système informatique uniforme.
L'information joue en outre un rôle important dans la concurrence à laquelle se livrent les polices. La connaissance est synonyme de pouvoir. Les informations statistiques ont une importance déterminante pour l'élaboration de la politique policière et les informations judiciaires sont essentielles au succès d'une instruction judiciaire.
Enfin, l'on ne saurait perdre de vue qu'à côté des informations qui ont été enregistrées, il existe un éventail d'informations douces que chaque service contrôle comme il l'entend et qui ne figurent pas dans les banques de données. Si l'on veut réglementer l'échange d'informations, il faut également résoudre le problème de l'échange d'informations douces, et ce, non seulement entre les services de police, mais aussi au sein de ces services eux-mêmes.
En 1994 déjà, l'on avait attiré l'attention sur le besoin aigu de centralisation de l'information et d'uniformisation des systèmes informatiques. Une telle mission a été confiée à la section de télématique du S.G.A.P. À côté de cela, ce service devrait également jouer le rôle de pivot en matière d'échange d'informations.
Jusqu'à présent, le S.G.A.P. n'a pas pu assumer cette mission très importante parce que certains services de police, par exemple, le B.C.R., ont conservé leurs propres systèmes de documentation et d'information, ce qui est notamment dû à un manque de volonté de collaboration. En outre, ce service ne dispose pas du personnel et des moyens nécessaires pour pouvoir assumer pleinement sa tâche.
L'état-major général de la gendarmerie prétend que celle-ci ne peut pas effectuer comme il se doit ses missions judiciaires sans le B.C.R.
En effet, l'on ne saurait perdre de vue que les services qui s'occupent de la centralisation de l'information sont indispensables pour les services opérationnels.
On peut également constater qu'il n'existe, jusqu'à présent, aucune loi qui établit un statut de l'information et qui organise une obligation d'information entre les services.
En ce qui concerne le traitement des appels urgents, le ministre de l'Intérieur avait incité, en 1988, par voie de circulaire, à l'intégration des centres chargés de recevoir ce type d'appels formés sur les réseaux d'appels.
Les problématiques soulevées sont de différents ordres. Elles peuvent se résumer de la façon suivante : tout d'abord, il semble que la gendarmerie gère de fait seule une grande partie des centres d'appels urgents, principalement dans les régions rurales. Cela provoque au sein des corps de police communale le sentiment que, sur le territoire de nombreuses polices rurales ou urbaines de petite importance, la gendarmerie prend expressément en charge la plupart des interventions urgentes. Les gendarmes soulignent toutefois que certaines polices communales se retranchent trop souvent derrière la faiblesse de leurs effectifs pour ne pas affecter du personnel aux centrales et ne pas prendre en charge d'appels urgents. De leur côté, cependant, de nombreux commissaires en chef qui ont conclu un accord relatif aux appels urgents mais qui ne sont pas en mesure de fournir du personnel pour gérer leur centrale rurale, se plaignent de la façon dont la gendarmerie applique la répartition des tâches convenue dans l'accord. Le noeud du problème réside donc selon eux dans le fait que de tels accords ne peuvent convenablement fonctionner que s'ils sont appliqués avec loyauté.
Comme on le voit, l'opérationnalisation d'une integration des appels urgents, si elle répond à une nécessité, engendre de nombreuses difficultés pratiques. Celles-ci peuvent être souvent facilement résolues si les deux partenaires à l'accord travaillent réellement en confiance mais peuvent devenir de véritables obstacles à toute collaboration s'il n'y est pas remédié d'une façon ou d'une autre.
Il ressort qu'une telle intégration exige de la part des deux services une totale transparence, ce qui ne semble parfois pas être le cas dans certains endroits. La gestion mixte des centres peut mener à une telle transparence mais elle impose des charges financières que certains ne souhaitent pas ou ne sont pas en mesure actuellement de supporter.
c) Communication uniforme entre patrouilles de police
Par ailleurs, les patrouilles ne disposent pas de système de communication uniforme.
Cet état de choses devrait s'améliorer considérablement lors de la mise en place du système Astrid.
Il semble qu'il faille mettre en exergue le fait que certains problèmes qui entravent une bonne collaboration sont le manque de communication au sein des services eux-mêmes.
Ce problème a été mis plus en avant par les syndicats de la gendarmerie. Lors des réunions de service, l'information ne circule pas toujours de façon efficace, ce qui ne favorise pas le contact personnel et ne permet pas de débat contradictoire.
La lecture des rapports du Comité P nous permet de dire que le même problème se pose à l'intérieur de certains corps de la police communale.
Suite à l'extrême professionnalisation de la fonction policière qui s'est traduite, d'une part, par un relèvement des conditions de recrutement et de formation et, d'autre part, par l'émergence d'un véritable savoir policier, on assiste, depuis les années 70, à un renforcement significatif des exigences de recrutement et de formation au sein de l'ensemble des corps de police.
Selon le professeur L. Van Outrive, ce phénomène est surtout marquant à la police communale.
La gendarmerie dispose déjà d'un dispositif complet en ce domaine et a su s'ouvrir à un personnel hautement qualifié pour occuper des fonctions spécialisées (juristes, ingénieurs, psychologues). La police judiciaire a connu également, ces dernières années, un phénomène identique, quoi que, peut-être, plus tardif.
La formation est dispensée par des écoles qui se situent au niveau provincial. Le contenu des matières enseignées peut donc varier d'une entité à l'autre et entre différentes écoles. Il est souvent reproché que les membres formateurs, c'est-à-dire des chargés de cours, ne sont pas suffisamment formés au véritable travail policier de terrain, ceux-ci n'étant même, parfois, pas policiers eux-mêmes.
En ce qui concerne le contenu des matières, depuis quelques années, les programmes se sont améliorés au niveau de la pédagogie, de la psychologie. Cependant, de nombreux policiers communaux ont constaté l'inadéquation de ces matières avec le travail qu'ils sont censés accomplir sur le territoire de la commune.
À la gendarmerie, la formation est maintenant considérée comme un tout et chaque branche est acquise avec l'application pratique. Les liens entre la théorie et la pratique sont déterminés plus clairement. De plus, l'instauration de stages prépare mieux les candidats. Par contre, le fait que la formation soit dispensée à l'intérieur même de la gendarmerie est susceptible de renforcer le caractère fermé de l'esprit de corps et ne favorise pas l'ouverture vers d'autres services de police, la magistrature ou les autorités civiles. Ceci est encore accentué par le fait qu'il n'y a pas beaucoup des formateurs externes. Toutefois, il est important de signaler que, sur ce dernier point, les choses ont évolué ces dernières années.
Concomitamment à ces changements internes, plusieurs fonctionnaires de police ont entrepris, avec ou sans le soutien de leurs corps respectifs, des études supérieures ou universitaires.
Cette amélioration qualitative des personnels a été souhaitée aussi bien par le politique, le judiciaire, que les citoyens eux-mêmes. Elle est le résultat d'une volonté de disposer d'un personnel compétent et respectueux des libertés fondamentales. Ce phénomène n'est pas propre à la Belgique; il s'observe également à l'étranger.
Actuellement, il n'existe pas un système de formation commune. Ainsi, chaque corps dispense-t-il ses propres cours au sein de son service, ce qui ne favorise pas l'ouverture vers les autorités politiques ou judiciaires ainsi que vers les autres services de police.
Le fait qu'ils n'existe presque aucune formation externe aux différents corps, favorise souvent des réflexes corporatistes.
L'organisation des formations communes aurait permis, tout à la fois, un rapprochement des pratiques, mais également de meilleurs contacts entre les services, grâce aux relations nouées lors de ces formations. Une trop grande disparité dans le niveau des formations empêche, dans un certain nombre de cas, la mise en place d'une relation positive entre les corps, dans laquelle chaque intervenant soit placé sur un pied d'égalité.
Bien que l'arrêté royal du 11 juillet 1994 prévoie en son article 7 que le S.G.A.P. a pour « mission d'examiner comment et dans quelle mesure les divers programmes de formation des services généraux peuvent être alignés l'un sur l'autre ou rendus communs... », il n'a pu remplir cette tâche puisque cette division « formation » n'a jamais été créée en tant que telle. En effet, il fut convenu que cette division se trouverait au niveau du Conseil d'administration. La charge que représente cette fonction aurait exigé que la formation devienne une division à part entière, avec un chef de division.
1. La collaboration en matière de police judiciaire
La commission n'a pas approfondi ce sujet de manière détaillée parce que cette matière doit être examinée par la Commission de la Justice. Elle ne communique que ce qu'elle a appris au cours des auditions à ce sujet.
Il ressort du rapport Dutroux qu'une collaboration efficace s'établit plus aisément entre hommes de terrain qu'entre les autorités hiérarchiques. Une concurrence ou un esprit de rivalité apparaît quand deux services différents sont chargés d'une même mission ou disposent des mêmes compétences.
Par contre, lorsque des membres de différents services sont chargés d'une même enquête, l'atmosphère de travail devient très positive et la collaboration s'installe effectivement. Mais il est difficile pour chacun de se considérer sur un pied d'égalité à partir du moment où chaque membre du personnel relève d'un statut différent.
2. Le problème des Z.I.P.
Les zones interpolices constituent actuellement un important moyen d'augmenter l'efficacité des services de police.
Sous réserve de la réalisation des chartes de sécurité, elles contribuent certainement à renforcer la sécurité et l'efficacité du service policier. Toutefois il subsiste quelques problèmes fondamentaux.
a) Absence de statut légal
Un principe important des zones interpolices est qu'elles ne sont pas reprises dans une loi. En d'autres termes, elles ne sont pas obligatoires. Il en découle que la seule base légale du système est l'acceptation de la délimitation territoriale par chaque conseil communal des communes qui font partie de la zone concernée. Cette délimitation une fois acceptée, une deuxième étape portant plus sur le contenu de la charte de sécurité doit être franchie. Mais cet aspect doit aussi être élaboré de façon contractuelle, ce qui rend une concertation approfondie et préalable indispensable.
L'absence de critères réglant la répartition de la gendarmerie entre les différentes zones constitue également un problème.
b) Autonomie insuffisante au sein de la gendarmerie
On peut constater une autonomie insuffisante des commandants de brigade par rapport aux commandants de district et des commandants de district par rapport à l'état-major général de la gendarmerie. Cette absence d'autonomie rend parfois difficile la négociation d'accords de collaboration sur le terrain. Certains accords conclus au niveau local sont, en effet, remis en cause par la hiérarchie. Les syndicats et la commission permanente de la police communale prétendent que si une réelle autonomie était laissée aux gendarmes dirigeants, on pourrait concevoir qu'ils puissent utiliser celle-ci pour mener une politique locale de coopération plus adaptée aux exigences de la région où ils doivent intervenir.
c) Disparité dans les statuts
Une diversité de statuts rend parfois difficile une collaboration entre les corps dans la mesure où notamment certains agents ne sont pas rémunérés de la même façon.
Un problème se pose notamment parce que la police locale est dirigée par un officier-commissaire alors que les commandants de brigade sont généralement des sous-officiers. Des différences de rémunérations et, surtout, de rétributions de prestations, subsistent, ce qui entame la volonté de certains corps de véritablement s'impliquer dans le phénomène Z.I.P. Le concept Z.I.P. ne change donc en rien les différences financières, disciplinaires et autres qui existent entre les services de police auxquels on fait toutefois appel pour effectuer le même travail sur le même terrain et au même moment.
d) Problème d'effectifs
Il convient de régler le problème de la gestion de ces territoires où la densité de la population est, non seulement faible, mais où la densité policière est telle que seule la création de zones très étendues peut conduire à l'obtention de l'effectif idéal du personnel. En outre, l'absence de critères objectifs sur base desquels la répartition des effectifs de la gendarmerie est dispersée sur les différentes zones, est ressentie comme un problème.
3. La concertation pentagonale
La concertation pentagonale constitue un moyen d'aboutir à une politique de sécurité intégrée. Néanmoins, il convient de rester attentif à certaines évolutions.
La concertation pentagonale passe d'une proposition logique 2-3 (basée sur la loi de la fonction de police (deux autorités de police et trois services de police) à un dialogue à cinq.
De nombreuses formes de concertation souffrent de formalisme. Ainsi, la rédaction de certains accords ne s'effectue pas dans une forme adaptable et avec la possibilité d'effectuer le suivi de leur exécution.
L'exigence d'équivalence qui émane surtout des services de police va à l'encontre des séparations traditionnelles du système; l'autorité face au service, l'administratif face au judiciaire, l'autorité face à la direction et le niveau réglementaire face au niveau exécutif.
Cela représente un travail important pour le parquet qui, dès lors, n'est pas toujours à même de l'exécuter avec efficacité.
Il est également nécessaire d'établir des méthodes modernes de gestion de la concertation qui implique un certain changement de mentalité et de formation au sein des parquets.
Au niveau de l'arrondissement, le procureur du Roi se retrouve rapidement face à une vingtaine de bourgmestres et à une quarantaine de chefs de corps. Une telle forme de concertation risque de devenir inefficace.
4. Service général d'appui policier
Le S.G.A.P. a été créé par l'arrêté royal du 11 juillet 1994. Les objectifs visés par la création de ce service étaient très ambitieux et peuvent être résumés comme suit :
· Contribuer effectivement à une meilleure collaboration et coordination des services de police générale et éliminer au maximum tout double emploi;
· Assister les ministres de la Justice et de l'Intérieur dans la mission qui leur est confiée par l'article 9 de la loi sur la fonction de police.
Il s'agit donc d'améliorer la coopération et d'assurer la coordination entre les services généraux.
Toutefois, au vu des différentes auditions, il faut constater que le S.G.A.P. n'a pu jouer son rôle de coordinateur de façon optimale et ce, à plusieurs égards :
1. Il faut tout d'abord se poser la question de savoir s'il est opportun de régler des problèmes fondamentaux de coopération et de coordination par le biais d'un arrêté royal. Une opération d'une telle envergure doit être entreprise avec circonspection, avec beaucoup de soin et par le biais d'une participation maximale. D'où la question de savoir s'il n'aurait pas été préférable de recourir à une loi.
2. Bien que l'arrêté royal du 11 juillet 1994 prévoie en son article 7 que le S.G.A.P. a pour « mission d'examiner comment et dans quelle mesure les divers programmes de formations des services généraux peuvent être alignés les uns sur les autres ou rendus communs... », il n'a pu remplir cette tâche puisque cette division « formation » n'a jamais été créée en tant que telle. En effet, il fut convenu que cette division se trouverait au niveau du Conseil d'administration. La charge que représente cette fonction aurait exigé que la formation devienne une division à part entière, avec un chef de division.
3. Un autre problème soulevé à plusieurs reprises est le fait que les policiers travaillant au S.G.A.P. ne soient pas nommés mais détachés de leur corps d'origine. Ceci favorise parfois l'esprit de corps où chacun a tendance à défendre les intérêts propres à son service plutôt que les missions qui sont confiées au S.G.A.P., les services communs aux trois corps de police. Ceci, de plus, entraîne une cohabitation de différents statuts au sein du S.G.A.P. et ne contribue pas à l'émergence d'un esprit de service commun.
4. Sans doute le point le plus préoccupant au niveau du S.G.A.P. est-il qu'il n'a jamais pu jouer son rôle de centralisateur de l'information nationale et internationale afin de desservir tous les services avec les données qu'il aurait dû recueillir. Ce point ne peut s'expliquer par le fait que certains services jouant le même rôle ont continué à coexister à côté du S.G.A.P.
À ce propos, il faut faire la distinction entre l'information utile à tous les services et l'information opérationnelle. Le B.C.R. et la brigade nationale de la P.J. rassemblent également des informations que nécessitent des missions opérationelles. Le S.G.A.P., qui n'est qu'un service d'appui policier, ne s'occupe pas de ces dernières informations.
L'arrêté royal de juillet 1994 en son article 5 prévoit pour sa part que la division télématique a pour mission de fournir des avis à propos :
a) de la coordination entre les applications opérationnelles informatiques et de télécommunication de caractère général... en vue d'aligner plus adéquatement ces applications les unes sur les autres et de prévenir les doubles emplois;
b) du développement de nouvelles applications opérationnelles informatiques et de télécommunication de caractère général... avec comme objectif final la mise sur pied d'une structure télématique commune destinée à tous les services de police générale qui tient compte des besoins spécifiques de chaque service de police.
Cette division n'a pu remplir cette tâche importante de service d'appui policier faute de personnel et de moyens affectés à ce travail. Cela a comme conséquence que chacun des services de police a conservé son propre système qui n'est pas toujours compatible avec celui des autres. Ceci est sans nul doute un obstacle à une collaboration performante des corps entre eux.
L'absence de collaboration entre services ne peut expliquer à elle seule certains dysfonctionnements dans les enquêtes, ni certaines lenteurs, ni certaines incohérences.
Les services de police constatent également un retard important des parquets dans la gestion des dossiers pénaux, ce qui entraîne une démotivation des corps de police, accentuée par un classement sans suite fréquent.
L'absence de « retour » de la part du parquet quant aux procès-verbaux entraîne un sentiment de frustration chez les policiers.
À plusieurs reprises, les services de police auditionnés ont constaté la méconnaissance par certains magistrats du parquet de la réalité de l'enquête de police. Les moyens employés par les services sont méconnus. Les substituts sont ainsi censés contrôler des méthodes que certains d'entre eux ne connaissent pas ou peu. La directive relative à la recherche proactive vise à résoudre une série de ces problèmes.
Il y a donc parfois un certain manque de contrôle de la part des parquets ainsi qu'une absence de direction réelle de certains juges d'instruction.
La cause du manque de contrôle effectif de la part des parquets et de l'absence de direction réelle par certains juges d'instruction réside indubitablement dans le volume de travail et le fait qu'ils ne disposent pas de moyens suffisants pour mener leur tâche à bien.
Mais le manque de moyens ne suffit par ailleurs pas seul à expliquer ces mauvaises relations. Il est aussi important de mettre en exergue le manque de formation performante, de pratique, de connaissance véritable du fonctionnement d'un corps de police par les magistrats. Tant et si bien qu'une très large autonomie peut s'installer au sein des services et que ceux-ci peut décider ou non de transmettre des informations capitales aux autorités judiciaires.
L'organisation des enquêtes suit, dès lors, parfois d'autres voies hiérarchiques que celles qui sont normalement prévues. Il arrive que des juges d'instruction soient complètement coupés des informations qui auraient été nécessaires pour diriger l'enquête.
Les autorités judiciaires n'ont pas toujours eu la disponibilité suffisante et ne se sont pas toujours suffisamment impliquées dans la gestion efficace de la police judiciaire.
Le commissaire général de la police judiciaire a eu à peine l'occasion de se concerter avec le Collège des procureurs généraux sur les problèmes structurels de son corps.
Il semble également que la magistrature n'a pas suffisamment exercé sa mission de contrôle fonctionnel à l'égard des autres services de police.
Enfin, les parquets n'ont pas développé un parténariat suffisant avec les autorités hiérarchiques du services de police et n'ont pas mis au point des procédures claires d'arbitrage entre ces service et les parquets et juges d'instruction en ce qui concerne le dégagement d'effectifs et de logistique.
Selon l'avis des professeurs consultés, l'enquête cristallise désormais les passions. Elle possède ces caractères d'immédiateté, de rapidité et de simplicité qui se marient parfaitement avec la dynamique de la diffusion de l'information. Le procès est devenu quant à lui, bien souvent éloigné des faits, lent et complexe. Soucieux de conquérir le « marché », des élucidations, les corps de police ont parfois pris conscience du rôle que les médias pouvaient avoir à cet égard. L'image qu'ils donnent d'eux-mêmes est parfois devenue un élément fondamental dans leur stratégie. Elle est de nature à conditionner les rapports tant avec le public qu'avec les autorités politiques ou judiciaires, soit les partenaires-clés de la police.
Ce phénomène a pour effet de concentrer les efforts sur une délinquance possédant une probabilité d'élucidation élevée et susceptible d'attirer l'attention tant du public que des médias. Des pans importants de la criminalité peuvent dès lors être laissés en friche et ne font l'objet d'investigations que lorsque les auteurs sont surpris en flagrant délit.
Tant de la part de la police que de la part de la magistrature, il y a parfois, face aux médias, un manque cruel de respect du secret professionnel et de la vie privée de personnes qui font l'objet d'une enquête judiciaire. Un minimum d'efforts doivent être consentis à cet égard pour maintenir le principe de la présomption d'innocence.
La loi sur la fonction de police crée un cadre légal au sein duquel la fonction de police est exercée. La structure et l'organisation des services de police continuent toutefois à être réglées séparément. La loi règle la direction, l'autorité et le contrôle des services de police. La loi règle la coordination et la collaboration entre les services de police. Enfin, la loi règle la responsabilité civile des fonctionnaires de police.
Selon la loi, la police administrative regroupe les activités de maintien de l'ordre, tandis que la police judiciaire a pour tâche de rechercher les infractions et leurs auteurs.
Dans la pratique, le concept de maintien de l'ordre est large et imprécis. En adoptant une approche négative, l'on dira qu'il a pour finalité d'empêcher les troubles et, inversement, qu'il consiste à assurer la tranquillité publique. Dans les faits, la police administrative s'exprime au travers d'une multitude de missions : la prévention de la délinquance, la régulation du trafic routier, le maintien et/ou le rétablissement de l'ordre à l'occasion d'une manifestation, la protection des institutions publiques, etc.
Les articles 14 et suivants de la loi sur la fonction de police déterminent, de manière uniforme, les tâches que les services de police doivent remplir dans l'exercice de leurs missions de police administrative et de police judiciare. Aux termes de ces dispositions, il reste néanmoins particulièrement difficile d'effectuer un recensement exhaustif des missions de police administrative et judiciaire assignées aux services de police. En effet, « le concept de l'ordre public, objet de la police administrative, est susceptible d'embrasser une multitude de réalités concrètes, tandis que l'inflation des dispositions pénales a considérablement élargi le champ de la police judiciaire » (De Valkeneer, C., Le droit de la police, De Boeck, Université, 1991).
De plus, le caractère général et abstrait des termes utilisés rend difficile l'établissement de critères de distinction pertinents pour différencier les activités policières relevant des missions de police administrative ou de police judiciaire.
Il faut également tenir compte du fait que ce contenu est encore complété par la loi sur la gendarmerie, par la loi sur la police judiciaire et par la loi communale pour la police communale.
Ce découpage théorique se révèle particulièrement difficile à appliquer dans la pratique policière, dans la mesure où celle-ci forme un tout « difficilement dissociable qui s'accommode mal des distinguo juridiques tirés d'un principe déterminé de répartition des pouvoirs » (De Valkeneer, idem supra ).
Pendant très longtemps, la distinction entre les deux s'est faite au départ de l'établissement ou non d'un procès-verbal. Aussi longtemps que la police n'établissait pas de procès-verbal, elle faisait donc de la police administrative, et ce, même si elle faisait de l'observation de délinquants connus qui ne commettait aucun méfait à ce moment-là. Par contre, elle faisait de la police judiciaire lorsque, à l'occasion d'une manifestation publique relevant de la police administrative, elle constatait un délit débouchant sur l'élaboration d'un procès-verbal.
Si traditionnellement la recherche des infractions était essentiellement réactive, elle se manifeste de plus en plus sous une forme proactive en s'attachant à découvrir des faits non encore dénoncés, voire non encore commis mais sur le point de l'être ou en préparation. Cette seconde approche se distingue de la police réactive à plusieurs égards.
D'une part, elle fonctionne sur les modes de l'anticipation et de la définition de choix préalables. Dans les faits, on constate toutefois que ces derniers émanent très largement des services de police qui déterminent, à leur niveau, les priorités et les cibles.
D'autre part, la police proactive soulève un certain nombre de problèmes de légalité. En effet, de l'analyse des textes Code d'instruction criminelle, loi sur la fonction de police il ressort que cette forme de police n'a pas réellement été envisagée. À défaut d'encadrement légal, on peut se demander s'il est légitime de procéder à des investigations, le cas échéant, susceptibles de constituer une atteinte à la vie privée, antérieurement à la constatation de faits délictueux.
Dans une circulaire du ministre de l'Intérieur, la recherche proactive est définie comme la recherche, la collecte, l'enregistrement et le traitement de données et de renseignements sur la base d'une présomption raisonnable de faits délictueux à commettre ou déjà commis, mais pas encore manifestés et qui, compte tenu de leur perpétration dans le cadre d'une organisation criminelle ou de leur nature, constituent une infraction grave à la loi, dans le but de parvenir à en poursuivre les auteurs.
La distinction entre les polices réactive et proactive n'est pas uniquement d'ordre méthodologique. Elle produit, compte tenu du vide législatif en ce domaine, un déplacement du centre de gravité de l'enquête du judiciaire vers la police. C'est, en effet, à ce niveau que les choix sont réalisés, les informations rassemblées, stockées et comparées et les dossiers constitués. Le judiciaire n'intervient plus qu'à l'issue de ce processus afin de formaliser un dossier dont la constitution lui a très largement échappé. Il est ainsi privé tant de la direction que du contrôle de l'enquête.
a) Les techniques spéciales de recherche
Pour une définition exhaustive de la notion de « techniques spéciales de recherche », nous renvoyons à la commission d'enquête sur la criminalité organisée.
La technique de la circulaire ministérielle confidentielle constitue un fondement légal très fragile. Il s'avère que ceux qui sont chargés d'interpréter et d'évaluer la circulaire ministérielle relative aux techniques spéciales de recherche (y compris au sein des juridictions) ne possèdent pas toutes les connaissances suffisantes leur permettant de définir les rôles et les responsabilités de toutes les personnes qui sont concernées par l'application de cette circulaire.
Il n'y a pas, actuellement, un cadre légal qui envisage, non seulement le volet des autorisations à donner pour la mise en oeuvre de certaines techniques spéciales, et celui du suivi de ces techniques au niveau de l'enquête, mais aussi le volet contrôle de légalité de ces techniques spéciales. Notre système doit être doté d'une loi qui permette à la fois la protection des citoyens, mais aussi la protection des policiers. Puisque cette question n'est pas réglée par la loi, il y a des différences de pratiques et une incertitude règne quant à savoir exactement ce qui doit figurer dans un dossier comme, par exemple, l'identité des agents infiltrants ou des pseudo-acheteurs dans le service de police ou l'identité d'un témoin anonyme ou d'un informateur extérieur. Cela engendre également une absence de ligne de conduite lorsque des problèmes de compétence se posent.
Les opérations qui recourent à des techniques particulières d'enquête sont couvertes par la confidentialité et les magistrats doivent assurer le suivi des informations qui sont découvertes au cours de l'observation. Il faut cependant reconnaître que tel est rarement le cas. Il semble donc que, même si le recours à des techniques particulières d'enquête peut, dans certains cas, se révéler indispensable, elles ne pourraient être faites sous le couvert d'un magistrat, ce qui n'est actuellement pas le cas et pourrait mener à des dérapages faciles.
b) Police technique et scientifique
La matière de la police technique et scientifique est actuellement attribuée à la police judiciaire, service de police auquel ressortissent déjà actuellement les laboratoires de police technique et scientifique. Ceux-ci ont, au fil des ans, acquis une grande expérience dans ce domaine. Il n'est plus à démontrer que la police technique et scientifique est d'un intérêt capital dans le cadre des recherches effectuées lors d'enquêtes judiciaires. La police scientifique a fait l'objet d'une attention particulière, tant de la Commission d'enquête parlementaire sur le grand banditisme que du Gouvernement (plan de la Pentecôte). Le résultat en fut la création d'un Institut national de criminalistique et de criminologie, dont l'une des missions est la centralisation des informations et des spécialisations en matière de police scientifique. Selon les conclusions du Comité P, il apparaît que cet institut ne répond pas encore pleinement aux demandes et attentes des policiers et des magistrats. De plus, en fonction d'opportunité ou de nécessité, des équipes dites de « police technique » sont apparues dans certains corps de police, dans le but de récolter des preuves indiciaires sur les lieux, concurrençant parfois de la sorte les laboratoires dépendant de la police judiciaire.
En vertu de la loi communale, chaque commune doit disposer d'un corps de police et possède une autonomie relativement importante quant à son organisation. Depuis une vingtaine d'années, on assiste toutefois à une érosion progressive de l'autonomie communale en ce domaine, particulièrement pour tout ce qui a trait au recrutement et à la formation du personnel. Tout comme la gendarmerie, les polices communales ont des missions générales de police judiciaire et administrative. Toutefois, leurs compétences sont en principe limitées au territoire de la commune.
Néanmoins, les gouverneurs de province peuvent les étendre au territoire d'autres communes, moyennant proposition des conseillers communaux des entités intéressées. Le pouvoir fédéral encourage les aurorités communales à collaborer et à unir leurs moyens en matière de police. Le personnel subalterne est nommé par le conseil communal, les commissaires adjoints par le gouverneur de province et les commissaires et les commissaires en chef par le Roi.
Au travers des réflexions sur l'autonomie communale, c'est essentiellement la personne du bourgmestre qui est visée.
La commission a pu constater au travers des auditions et à la lecture du rapport du Comité P de 1996 que les relations entre le bourgmestre et le chef de corps dans certains corps de police ne sont pas toujours optimales.
Dans beaucoup de cas de problèmes relationnels, il est apparu que le manque de connaissances, de compétences ou de capacités était à l'origine des conflits. Certaines relations semblent être dominées par des dissensions personnelles qui font apparaître que les deux parties n'étaient pas toujours conscientes de leurs droits et devoirs mutuels. Dès lors, certains problèmes de fonctionnement policier, au niveau de la politique à suivre et de l'organisation, sont apparus.
La commission constate qu'il est absolument nécessaire que le bourgmestre bénéficie d'une certaine formation en ce qui concerne la politique en matière de police. Une amélioration de leur statut leur permettant de consacrer plus de temps à leur fonction de bourgmestre semble également indiquée.
Depuis quelques années, le corps a assimilé la connaissance et le savoir-faire du management moderne.
En vue d'organiser le service de police de base suivant les principes de la police de proximité, des projets pilotes ont été mis sur pied dans les unités de base. Cette approche est maintenant développée à toutes les unités, sur la base de l'expérience ainsi acquise. Comme toute l'approche s'inscrit très largement dans le cadre d'une culture en mutation, l'ensemble de l'organisation mettra encore beaucoup de temps à assimiler cette culture.
Par le passé, on a constaté à la gendarmerie que les relations entre les cadres et les exécutants n'étaient pas toujours très bonnes, ceci étant très souvent dû au manque de connaissance du travail et du terrain qui se manifestait parfois chez les officiers formés militairement.
Alors que les maréchaux des logis et les adjudants accentuaient leurs tâches de police et donc les voyaient comme prioritaires, force était de constater que, dans le passé, les officiers accordaient une trop grande importance aux aspects militaires de leur mission et ne s'occupaient pas assez de l'investissement dans l'enquête, des contacts avec la population ou de la construction avec la population d'une collaboration au niveau du travail de voisinage.
Aujourd'hui, nous constatons que, du fait que les officiers sont formés autrement, qu'ils sont recrutés plus directement en provenance des universités mais surtout parce qu'ils sont plus concernés directement dans le travail policier, la distance entre les deux groupes diminue et la collaboration et la compréhension mutuelles augmentent aussi sensiblement.
Concrètement, mieux vaudrait oeuvrer à supprimer les grades militaires. La structure fédérale fortement hiérarchisée de la gendarmerie est restée un handicap pour une mise en oeuvre rapide des principes de la police de proximité. C'est la raison pour laquelle la dynamique de rénovation entamée depuis 1992 dans le sens d'une approche axée davantage sur la population (ce qu'on a appelé le service de police de base qualitatif) doit être soutenue par un nivellement et une simplification des structures (de 5 à 3 niveaux) et par un réseau de projets locaux d'améliorations. Pourtant, la volonté d'accorder l'autonomie à la base et de recourir à une approche plus ouverte et individualisée se heurte parfois à d'anciens réflexes d'ingérence aux échelons supérieurs et à des demandes de directives de la part des commandants de brigade.
Il paraît important de rappeler les conclusions de l'audit des services de police réalisé par la société « T.C. Team Consult » en avril 1987, qui avait formulé plusieurs remarques importantes sur la structure de la police judiciaire.
« La P.J.P. constitue un corps de policiers compétents, fiers de leur métier et de leurs spécificités, partagés sur les avantages et les inconvénients de fonctionner sous la direction, l'autorité et la surveillance des procureurs du Roi et des procureurs généraux... L'organisation de la P.J.P. est un de ses points les plus faibles : absence de structure centrale et de direction professionnelle; dépendance à une magistrature partiellement absente des problèmes de la P.J.P. »
La structure actuelle de la P.J. ne lui permet pas toujours d'assumer des enquêtes qui exigent des ressources en personnel et en matériel dépassant les moyens disponibles au sein d'une seule brigade ou pour lesquelles sont nécessaires des investigations multiples en dehors de l'arrondissement.
L'éclatement actuel de la P.J.P. en 22 brigades autonomes et 4 antennes entraîne souvent une absence de planification stratégique et d'uniformité opérationnelle qui est indispensable. Le cadre légal actuel ne permet pas de confier cette responsabilité au commissariat général, tandis que les autres instances ne sont pas en mesure d'assumer ces décisions, ni les procureurs généraux, ni le comité régulateur, qui est avant tout organe de concertation.
De plus, il faut relever que, comme elle ne remplit aucune mission administrative, la police judiciaire ne dispose bien souvent pas d'informations douces ou de base.
De plus, la P.J.P. n'est pas en mesure de contrôler ses ressources en personnel et en matériel, qui dépendent entièrement du ministère de la Justice. Plusieurs correctifs ont été apportés au cours de ces dernières années mais la structure actuelle ne permet pas de responsabiliser entièrement les autorités policières.
Les statuts des divers services de police présentent des différences considérables. Ainsi la rémunération, le régime des pensions et l'âge de la retraite ainsi que le régime des prestations extraordinaires sont-ils différents. La commission constate que les corps sont en quelque sorte jaloux des avantages sociaux des autres corps. Cela peut donner lieu à certaines tensions, surtout lorsque ces corps travaillent sur le même territoire (Z.I.P.).
Cette différence de statut peut aussi entraver l'harmonisation des divers corps. L'incidence budgétaire pourrait être considérable, surtout si on conservait le régime le plus favorable pour l'appliquer à l'ensemble des corps.
L'organisation interne étant de la compétence des autorités communales, elle varie d'un corps à l'autre en fonction de la taille et des caractéristiques de chaque commune. Les corps les plus importants connaissent un haut degré de spécialisation et de division du travail. Des différences entre statuts peuvent ainsi apparaître au sein des différentes communes. À titre d'exemple, les officiers de la police communale sont payés selon la classe de la commune. Ceci n'est pas de nature à favoriser la mobilité du personnel. Au niveau des cadres moyens et de base, il y a eu, à ce sujet, une harmonisation au niveau des salaires. Le même phénomène se produit en ce qui concerne les indemnités de nuit. Il peut apparaître des différences flagrantes entre ces diverses rétributions. Dès lors, au sein d'une même Z.I.P., les partenaires de celle-ci se voient rétribuer de manière différente, ce qui peut engendrer des conflits. Le même conflit existe également entre les partenaires gendarmes et les policiers communaux d'une même Z.I.P.
La gendarmerie connaît un statut bien organisé qui a été acquis lorsqu'elle était encore militaire.
Les auditions ont révélé une cause d'incompréhension, et même de malentendus entre certains commandants de brigade et des commissaires de police, qui réside dans le fait que les deux sont officiers de police judiciaire, auxiliaires du procureur du Roi, mais les conditions de diplôme auxquelles ils doivent satisfaire ne sont pas les mêmes, alors que ces fonctionnaires de police ont parfois, sur le lieu de travail, les mêmes compétences et les mêmes missions. À ce sujet, on peut encore citer, à titre d'exemple, le fait que tous les contacts avec les parquets devaient se faire via les districts. La première conséquence est que certains commissaires de police se sont mis à considérer les commandants de brigade comme des exécutants. Cela a pu conduire, dans certaines communes, à une rupture et la conséquence est telle que certains commissaires ne sont plus prêts à considérer comme des égaux leurs collègues qui commandent une unité de police de base de la gendarmerie.
Un point de friction interne, qui n'est pas encore éliminé et qui, selon les syndicats de la gendarmerie, doit être abordé de manière urgente est relatif aux perspectives d'avenir pour toutes les catégories du personnel mais, surtout, pour les capitaines-commandants.
Il semblerait que des efforts doivent être faits pour élaborer plus clairement leurs possibilités d'avenir et leur prouver que leur travail est très important pour la construction future d'un corps de police moderne.
À l'exception des grands corps de police, il n'existe pas, au sein de la police communale, de formes de contrôle interne, comme c'est le cas dans la police judiciaire ou dans la gendarmerie. Comme la plupart des corps de police sont trop petits pour organiser ce type de contrôle, il y a là une lacune qui est partiellement comblée, en pratique, par le Comité P qui procède régulièrement à des enquêtes de contrôle. Il n'appartient en fait pas au Comité P d'effectuer ces contrôles, lequel doit faire office d'organe de contrôle parlementaire externe pour ce qui est du fonctionnement global des services de police. La plupart des enquêtes de contrôle qui sont effecutées ne font pas partie de la mission légale du Comité P.
L'inspection générale de la gendarmerie est un service ministériel qui mène des enquêtes de sa propre initiative à la demande du ministre, de l'autorité compétente ou à la suite de plaintes. Ce service d'inspection interne travaille directement pour le ministre de l'Intérieur et est tout à fait extérieur au corps de la gendarmerie. Toutefois, ce service d'inspection interne n'extériorise guère les résultats de son travail. Les relations avec l'organe de contrôle externe, le Comité P, sont très délicates et devront être clarifiées à l'avenir.
Le 30 mars 1995, une inspection générale a également été organisée à la police judiciaire. Ce service a à sa tête un magistrat nommé pour cinq ans.
Les résultats de l'inspection générale de la police judiciaire sont, eux aussi, transmis uniquement au ministre de la Justice ou à l'autorité qui a demandé le contrôle.
En résumé, l'inspection interne pour autant que celle-ci existe se limite à une enquête quant au fonctionnement du service de police et aux manquements du policier individuel.
L'inspection interne n'a pas pour mission de vérifier si, et de quelle façon, les décisions éventuelles en matière de politique sont exécutées, que ce soit au niveau fédéral ou au niveau local.
Sans revenir sur l'historique du Comité supérieur de contrôle, la commission constate que cette institution a évolué, ces dernières années, sous l'impulsion, non pas du législateur, mais de l'intérieur même du Comité supérieur de contrôle et de son administration, modifiant de ce fait l'outil initialement institué par le gouvernement par l'arrêté royal du 30 octobre 1910 et l'arrêté royal du 29 juillet 1970, portant règlement organique.
Cette évolution porte en son sein les principaux dysfonctionnements qui ont pu être répertoriés au travers des auditions des membres du Conseil supérieur de contrôle.
Ces dysfonctionnements peuvent être cernés :
au niveau de la structure bipolaire de direction;
au niveau de l'absence de politique d'enquête;
au niveau des compétences du C.S.C. (enquêtes administratives enquêtes judiciaires);
au niveau de l'absence de véritable contrôle disciplinaire des enquêteurs;
au niveau des moyens financiers et humains;
au niveau de la politisation du C.S.C.
a) Au niveau de la structure bipolaire de direction
1. Le statut et la compétence du président
En vertu de l'article 1er de l'arrêté royal, le Comité supérieur de contrôle, le collège et l'administration exercent leurs attributions sous l'autorité du président.
Le président exerce l'autorité fonctionnelle du Comité supérieur de contrôle.
Magistrat du siège, le président n'a pas la qualité d'officier de police judiciaire et son activité au sein du Comité supérieur de contrôle ne constitue qu'une activité accessoire et à temps partiel.
2. Statut d'administrateur général
En vertu de l'article 34 de l'arrêté royal du 29 juillet 1970, l'administrateur général, chef de l'administration, dirige l'administration du Comité supérieur de contrôle (services administratifs et services d'enquêtes). Officier de police judiciaire, auxiliaire du procureur du Roi et de l'auditeur militaire, l'administrateur général se doit d'assurer durablement le bon fonctionnement de l'administration, il lui appartient de maintenir à la disposition du président un outil administratif pleinement capable d'assumer les missions qui lui sont confiées.
L'administrateur général, sous l'autorité du président, assure la direction effective du Comité supérieur de contrôle, sous la surveillance du ministre qui a le Comité dans ses attributions, et est donc responsable de l'organisation et du fonctionnement interne, en ce compris la gestion du personnel, sa carrière, ses affectations internes et la discipline (sauf en ce qui concerne les missions judiciaires). Il est également responsable de la gestion et des moyens, tant financiers que matériels, mis à la disposition du Comité supérieur de contrôle.
L'administration du Comité supérieur de contrôle s'est progressivement mue, sous l'impulsion de son administrateur général et jusqu'en 1993 avec l'assentiment du Gouvernement, en un service national spécialisé de police judiciaire.
Ces pouvoirs confèrent donc à l'administrateur général la direction opérationnelle du Comité supérieur de contrôle et, par conséquent, il peut interférer dans la mise en oeuvre de l'autorité fonctionnelle du président.
3. Conséquences
Fonctionnant sous l'autorité du président et la direction de l'administrateur général et, en ce qui concerne les enquêtes judiciaires, sous l'autorité des parquets, le Comité supérieur de contrôle et son service d'enquête ne font plus l'objet d'aucun contrôle. S'il est déjà difficile de distinguer la nuance entre « autorité » et « direction », le fait même d'avoir institué une responsabilité partagée aux destinées du Comité supérieur de contrôle, a conduit à une segmentation des activités, faisant disparaître, du même coup, le contrôle réciproque qui aurait normalement dû être opéré par le partage des compétences initialement prévues.
Outre une fonction de contrôle réciproque, le partage des compétences devait avoir pour objet de mener à bien, de concert, les missions administratives, d'une part, et les missions judiciaires, d'autre part. Cependant, les auditions ont permis à la commission de constater que même en privilégiant l'exécution des missions judiciaires, comme ce fut le cas jusqu'en 1991, ou l'inverse depuis lors, le Comité supérieur de contrôle est incapable de s'organiser de façon cohérente et homogène.
Le décalage structurel du Comité supérieur de contrôle a encore été accentué par des querelles personnelles l'opposant à l'administrateur général.
Les tiraillements existant au sein du Comité supérieur de contrôle se sont cristallisés par l'existence de circulaires contradictoires émanant tant du président que de l'administrateur général, circulaires qui placent les enquêteurs en situation particulièrement difficile, aux dires même des personnes auditionnées : « une des conséquences de ce conflit est que les enquêteurs reçoivent des ordres contradictoires, ce qui les met dans une situation impossible ».
Des lignes directrices, perpétuellement contradictoires, les tiraillements directs entre les deux organes d'autorité, rongent véritablement les corps d'enquête, qui en appellent à une autorité unique.
b) Au niveau de l'absence de politique d'enquête
Conséquence directe de la structure bicéphale de direction du Comité supérieur de contrôle : l'absence réelle d'une politique globale d'enquête.
L'arrêté royal du 29 juillet 1970 réformant le Comité supérieur de contrôle a méconnu de manière profonde la spécificité d'un service de police qu'il aurait dû allouer au Comité supérieur de contrôle. Il est difficilement concevable, pour un service de police, c'est-à-dire un corps d'enquêteurs ayant la qualité d'officier de police judiciaire, auxiliaire du procureur du Roi et de l'auditeur militaire, de remplir ses missions sous l'autorité d'un président, magistrat, qui n'exerce cette fonction qu'en ordre subsidiaire et à temps partiel, qui n'a aucune compétence de police et ne mène pas une politique d'enquête. Dès lors, il est apparu à la commission que la politique d'enquête se résume à ceci : le président confirme ou infirme les propositions des commissaires en chef. Le service d'enquêtes gère le quotidien.
En fait, comme en droit, l'autorité du président est amputée des prérogatives essentielles comme le pouvoir de direction et d'organisation du service. D'une part, la fonction de président, telle qu'elle est conçue, ne lui permet pas de développer une politique de priorité d'action et, d'autre part, même s'il l'établit, il ne possède pas les moyens pour la mener à bien.
En conséquence, vu le nombre élevé de dossiers judiciaires et l'ampleur de certains d'entre eux, vu l'absence de règles de sélectivité, vu l'effectif réduit, les enquêteurs doivent s'occuper d'un tas de « broutilles ».
Selon les témoignages, les conséquences sont préoccupantes : « L'absence d'une véritable gestion, qui a fait que l'on a délaissé les priorités et que le service s'est trouvé submergé par un flôt d'enquêtes mineures, ce qui a permis de camoufler des dossiers gênants ... »
« Actuellement le C.S.C. examine toutes les affaires dont il est saisi, sans limite. Le C.S.C. devrait établir des priorités et procéder à des enquêtes en fonction de celles-ci. Cela simplifierait considérablement les choses pour les enquêteurs sur le terrain. »
c) Les enquêtes administratives et les enquêtes judiciaires
Organe supérieur et spécialisé de contrôle administratif et budgétaire, mais également service spécialisé de police administrative, l'administration du Comité supérieur de contrôle s'est progressivement mue, sous l'impulsion de son administrateur général et avec l'assentiment du Gouvernement jusqu'en juillet 1993, en un service national spécialisé de police judiciaire.
Les mutations de l'administration du Comité supérieur et les conséquences qui s'en sont suivies concernent les questions de compétence de chacun des acteurs et sont aussi liées à la reconnaissance de la qualité d'officier de police judiciaire, auxiliaire du procureur du Roi et de l'auditeur militaire, par la loi du 26 avril 1962 (modifiée par la loi du 8 juillet 1969), à certains agents du service d'enquêtes et au chef de l'administration. Si cette attribution avait sans doute pour but de donner aux enquêteurs les pouvoirs d'investigation les plus larges pour l'accomplissement de leurs missions, elle a eu aussi pour conséquence d'entraver l'exercice de la mission administrative de ceux-ci. De facto, les enquêtes judiciaires ont pris le pas sur les enquêtes administratives.
Cette mutation de l'administration du Comité supérieur de contrôle en un service national de police judiciaire, dans une structure inadaptée, est d'autant plus problématique qu'en ce qui concerne les enquêtes judiciaires, aucune disposition législative ou réglementaire ne règle explicitement le rôle du président.
En 1993, selon certains témoins, c'est le revirement. D'après eux, le président et le Gouvernement veulent alors recentrer l'activité sur les enquêtes de contrôle administratives, cependant sans réelle répercussion sur le terrain.
M. Canneel explique que, selon lui, le noeud du problème est la discordance entre ce que le comité est en droit et ce qu'il est en fait. En droit, il s'agit d'un organe administratif dont les enquêteurs ont, par ailleurs, la qualité d'officier de police judiciaire. En fait, la réalité se présente inversement. La majorité (plus ou moins 90 %) de ses actions est constituée par des contrôles judiciaires. Il s'agit donc d'abord d'un service de police judiciaire doté d'une structure et d'un appareil administratifs.
« Selon les chiffres de 1994, sur 148 enquêtes, 95 ont donné lieu à des enquêtes judiciaires et 53 à des enquêtes administratives » (Audition de M. Vandeneede, p. 151).
d) Le contrôle disciplinaire
L'autorité du président au niveau disciplinaire est lacunaire. L'arrêté royal organique n'a pris aucune règle particulière concernant la surveillance et le contrôle disciplinaire sur les enquêteurs. En vertu du statut des agents de l'État, le pouvoir disciplinaire revient à l'administrateur général et au ministre de tutelle. Mais dans l'exercice de leurs attributions de police judiciaire, les enquêteurs relèvent de la surveillance des procureurs généraux et de leur seule compétence lorsqu'ils ont commis une négligence. Lorsque l'on sait que près de 90 % des activités sont judiciaires, les procureurs généraux ont quasi le monopole de la discipline et, au vu des peines disciplinaires qui vont de l'avertissement à l'injonction, le tout s'apparente, comme le constate l'administrateur général, à une quasi-absence de discipline.
« Le président se trouve dès lors dans une position délicate : d'une part, il dirige le comité mais, d'autre part, il n'a pas de moyen de coercition pour imposer son autorité. »
e) Au niveau de la politisation du Comité supérieur de contrôle
Au travers des auditions qu'elle a effectuées, la commission a pu constater que le phénomène de politisation intervient à deux niveaux :
1) au niveau de la composition du Comité supérieur de contrôle :
Plusieurs personnes concernées ont stigmatisé la politisation du Comité supérieur de contrôle (en particulier MM. Vermeulen, Canneel et Chenot).
D'aucuns déclarent qu'elle a une influence directe sur la répartition et le traitement de dossiers délicats. M. Vandeneeden fait remarquer que « certains enquêteurs sont contrôlés ou ne se voient pas confier certaines enquêtes à cause de leur conviction politique ». M. Chenot impute d'ailleurs la politisation à la nouvelle direction en place depuis 1988 avec MM. Canneel et Vermeulen.
M. Canneel propose d'insérer, dans le statut des agents du C.S.C., des incompatibilités entre leur fonction d'enquêteur et un quelconque mandat politique, voire même la postulation d'un tel mandat.
2) au niveau de la gestion politique des dossiers.
Aux dires de M. Vermeulen, les enquêtes sont influencées par le biais de la répartition des dossiers, des moyens de fonctionnement, etc.
D'autres intervenants se sont demandé si les restrictions dont fait l'objet le C.S.C. ne cachent pas une volonté politique de limiter ses pouvoirs (Audition de M. Chenot).
La commission a constaté qu'il y avait une inadéquation totale entre les nombreuses tâches confiées au C.S.C. et les moyens, tant en effectifs qu'en matériel, qui lui sont alloués.
Avant de s'engager dans toute réflexion portant sur la réforme des polices, il convient tout d'abord d'analyser ce que les citoyens et, ensuite, ce qu'un État attendent d'un service de police et d'en définir clairement les missions.
Au préalable, il faut souligner que les services de police ne sont pas un but en soi mais qu'ils doivent répondre aux besoins spécifiques de la population et des autorités qui les commandent. Ceci implique qu'ils ne décident pas eux-mêmes de la politique de sécurité.
Ensuite, une fois que les missions d'un service de police sont définies, il convient d'analyser les principes de base qui doivent encadrer leur action.
Enfin, une fois le cadre d'action déterminé, il convient d'analyser les réformes nécessaires à mettre sur pied pour rencontrer concrètement dans la pratique les principes de base déterminés au préalable.
La question de la restructuration des polices ne peut donc être débattue qu'en fin de processus et constitue la résultante des réflexions antérieures.
Il est en effet absurde de parler de restructuration sans s'être penchés sur les besoins de la population, la philosophie de l'action policière et les conditions d'exercice d'une police efficace, professionnelle, contrôlée démocratiquement et acceptée par la population.
Jusqu'ici, les quelques tentatives, passées et actuelles, visant à restructurer l'appareil policier ont souvent été motivées par d'assez vagues soucis d'efficacité, tandis que les détracteurs de ces mêmes réformes mettaient, eux aussi, en avant l'efficacité pour justifier le statu quo. Dans un cas comme dans l'autre, l'on se focalisait sur les questions de structures et d'organisation pour faire l'économie d'un débat sur les objectifs à assigner à une organisation policière moderne. On a, ainsi, inversé, en quelque sorte, la démarche en mettant en avant le type d'organisation alors que cette dernière devrait être, en fait, subordonnée à la réalisation des objectifs fixés. La structure est, en définitive, secondaire et ne constitue qu'un moyen pour atteindre les buts assignés.
Il existe deux grands types de besoins de sécurité dans un État : ceux de la population et ceux des autorités.
Pour pouvoir établir adéquatement ce que l'on attend d'une police, il faut donc partir d'abord de la population, ensuite des autorités spécifiques de l'État et non des corps de police eux-mêmes.
1. Les attentes de la population
Une nouvelle approche policière doit se baser prioritairement sur les besoins et attentes de la population... ce qui constitue une véritable révolution copernicienne en la matière... En effet, jusqu'à présent, nombre de réformes ou de restructurations ont trop souvent été motivées, soit par certains intérêts spécifiques des corps de police eux-mêmes, soit par les impératifs des autorités publiques elles-mêmes... mais très rarement par les sentiments d'insécurité ou par les attentes des citoyens eux-mêmes dont la satisfaction doit être un objectif prioritaire d'un service de police. Les citoyens sont, en effet, les premiers bénéficiaires d'un service de police, ils doivent également en être les utilisateurs prioritaires.
Partir des besoins de la population doit être effectivement un autre principe de base pour une nouvelle organisation policière. Ce principe correspond d'ailleurs à une police de proximité bien conçue et adaptée aux principes de notre État de droit.
L'apparition de cette conception plus axée sur la population coïncide avec la nécessité de repenser notre organisation policière telle qu'elle s'est peut-être mal développée au cours de l'histoire.
L'ensemble des événements qui portent ou sont susceptibles de porter atteinte au citoyen relèvent de la sécurité individuelle. Rentrent dans cette catégorie, toutes les infractions (vol, escroquerie, agression physique, meurtre...) et les troubles à l'ordre public qui lui causent un préjudice, ainsi que la prévention de ces derniers.
La satisfaction des besoins de la population en termes de sécurité passe par une présence rassurante de proximité, par un traitement rapide et approprié des demandes des citoyens et par une amélioration des taux d'élucidation. Ces trois objectifs impliquent une grande disponibilité dans le temps et l'espace, et une bonne connaissance de la population sans laquelle l'on ne peut rassembler l'information nécessaire à l'élucidation des faits commis. Leur réalisation suppose une assez large déspécialisation des personnels et des structures qui doivent être soit déconcentrées et dotées d'une autonomie suffisante pour s'adapter aux réalités du terrain, soit décentralisées tout en possédant le degré d'intégration nécessaire pour leur assurer un niveau correct d'opérationnalité.
Selon le professeur Van Outrive, il ressort de certaines études universitaires que bon nombre de personnes s'inquiètent, certes, de la petite criminalité au sens étroit du terme, mais se plaignent également de l'insécurité routière, de la conduite en état d'ébriété, des problèmes d'environnement tels que la pollution et les nuisances accoustiques, ainsi que du mauvais éclairage et de la dégradation de leur zone d'habitat. On trouve également que la police doit être là pour aider les citoyens, les victimes, certes, mais aussi ceux qui se trouvent dans des situations de conflits interpersonnels. Les missions informatives et préventives sont, elles aussi, jugées importantes, de même que le règlement non routinier mais humain des problèmes.
Comment reconnaître les besoins de la population ?
Pour partir des besoins de la population et se baser sur une véritable demande sociale, il est indispensable d'imaginer de nouvelles méthodes pour interroger systématiquement la population sur l'insécurité et les sentiments de cette nature et, notamment, des témoins privilégiés (milieux associatifs, enseignants, éducateurs, assistants sociaux,...), qui savent précisément quels sont les problèmes qui se posent dans certains quartiers et à qui ils se posent. Ce n'est pas à la police à préciser à elle seule les besoins de la population, ce qui ne signifie pas qu'elle ne doit pas savoir ce qui se passe dans la société.
S'il est indispensable de partir de la population et de sonder le sentiment d'insécurité des citoyens et d'y répondre, il est indispensable que les autorités chargées de veiller à l'intérêt général puissent également faire valoir leur vision de l'insécurité qui peut être totalement différente du « sentiment d'insécurité » des citoyens.
Les autorités, soit administratives, soit judiciaires, sont en effet les deuxièmes utilisateurs et bénéficiaires des services de police et leurs attentes sont également fondamentales.
Tout d'abord, la collectivité a ses propres besoins qui ne recoupent pas nécessairement ceux des citoyens. Ainsi, des types de criminalité portent atteinte à l'organisation de la société sans pour autant générer une victimisation directe. Le blanchiment d'argent, les différentes formes de trafic, les fraudes en général engendrent des préjudices très importants pour la société et sont même de nature à la déstabiliser sans pour autant atteindre directement, et donc intéresser, le citoyen individuellement. Par conséquent, la nécessité de ce genre de travail de police ne se reflète pas toujours dans les questions qui sont posées directement par les citoyens.
De même, en matière de maintien de l'ordre, une série d'événements ou de tâches intéressent directement la collectivité. Il en va, ainsi, par exemple, des grandes opérations de maintien de l'ordre ou des contrôles frontaliers.
La satisfaction des besoins collectifs de sécurité implique à la fois des exigences de spécialisation et d'adaptabilité.
Ces besoins de sécurité ne sont pas imperméables les uns aux autres. Ils peuvent être étroitement liés et interagir. Ainsi par exemple, le vol de voiture peut avoir des dimensions à la fois individuelles et collectives, aussi bien sur le plan judiciaire que de celui de l'ordre public. Cette même infraction peut tantôt être simplement l'expression d'un acte individuel, tantôt s'inscrire dans le cadre d'un trafic international complexe faisant intervenir d'autres formes d'activités criminelles (blachiment, traite des êtres humains...). Sur le plan de l'ordre public, le vol de voiture peut conduire à la mise en place de stratégies préventives tant sur le plan de la protection directe (patrouilles) que de la protection indirecte (la mise en place de mesures destinées à empêcher le maquillage des véhicules).
a) Attentes de l'autorité administrative
L'autorité administrative a besoin d'un service de police qui peut intervenir lorsque l'ordre public est menacé ou perturbé.
Ce concept de maintien de l'ordre est large et imprécis. En adoptant une approche négative, l'on dira qu'il a pour finalité d'empêcher les troubles et inversement, qu'il consiste à assurer la tranquilité publique. Dans les faits, la police administrative s'exprime au travers d'une multitude de missions : prévention de la délinquance, régulation du trafic routier, le maintien et/ou le rétablissement de l'ordre à l'occasion de manifestations, la protection des institutions publiques, etc.
Ce service doit être en mesure de remplir toutes ces missions (prévention, ...) et l'autorité administrative doit disposer d'un service qui est capable de faire appliquer la loi et de prévenir toute une série de troubles sociaux (urbanisme, environnement, ...). Les critères les plus importants sont l'accessibilité, la disponibilité et la qualité du service.
b) Attentes de l'autorité judiciaire
L'autorité judiciaire a des désirs spécifiques (voir annexe 4). La police judiciaire a pour fonction de rechercher les infractions et leurs auteurs. Traditionnellement, elle est dite répressive. Théoriquement, celle-ci débute lorsque la police administrative n'a pu empêcher la commission d'une infraction. Cette conception, très présente chez les auteurs du Code d'instruction criminelle de 1808, d'ailleurs toujours d'application, a prévalu tout au long du XIXe siècle et une bonne partie du XXe siècle. Selon cette approche, et malgré l'utilisation quelque peu ambiguë, dans les lois, de l'expression « recherche des infractions », la police judiciaire ne débute qu'au moment où une infraction a été constatée. Par conséquent, les investigations ne trouveront leur légitimité qu'à partir de cet instant. Depuis quelques années, tant en Belgique qu'à l'étranger, la police judiciaire s'est faite plus précoce. Sans attendre la constatation d'une infraction, des investigations sont entreprises afin de découvrir des faits ou des activités délictueuses existantes ou en voie de préparation. Cette nouvelle approche est désignée par le vocable de « recherche proactive ».
L'exercice de la police judiciaire se déroule au travers d'actes d'enquête dont certains sont expressément organisés par la loi. À côté de ceux-ci, les services de police ont recours à de multiples techniques ne faisant l'objet d'aucune réglementation précise hormis au travers d'instructions générales du ministre de la Justice (recours à des indicateurs, observations, infiltration du milieu). Toutes ces techniques répondent certes aux attentes des autorités judiciaires mais devraient pouvoir, afin de ne pas être attentatoires à la vie privée, être insérées dans un cadre légal.
L'autorité judiciaire, dans cette matière, a besoin d'un service de police efficace qui puisse l'aider à remplir au plus vite sa mission au niveau de la recherche des infractions au sens strict et de la recherche proactive.
On peut faire la distinction entre une affaire simple qui n'exige pas de formation specialisée et qui peut donc être exécutée par la police de première ligne, et les affaires plus complexes qui exigent une connaissance professionnelle particulière et doivent être suivies par un service spécialisé de seconde ligne qui puisse également s'occuper de la recherche proactive, insérée dans un cadre légal strict, car celle-ci produit, compte tenu du vide législatif en la matière, un déplacement du centre de gravité de l'enquête du judiciaire vers la police.
Par conséquent, les missions des services de police prévues dans la loi sur la fonction de police doivent être redéfinies en profondeur, non seulement pour répondre adéquatement aux besoins établis par les citoyens et les autorités administratives et judiciaires mais également pour rencontrer l'extrême diversité des tâches remplies et à remplir par une police de base et par une police spécialisée.
1 er principe. La confiance du citoyen
Si l'on veut renverser la logique et partir du citoyen, il faut estimer que l'un des objectifs essentiels de toute organisation policière est d'être basée sur la confiance des citoyens. Si la structure de la police et si les méthodes et les actions policières ne sont ni légitimées, ni acceptées ni appréciées par la population, on crée une police perçue comme un corps extérieur étranger, peu crédible et, surtout, peu susceptible d'adhésion. Comme on le verra notamment dans le principe relatif à la police de proximité, il est indispensable de créer une synergie d'acceptation et un partenariat entre le service de police et la population.
La confiance du citoyen présuppose un contrôle démocratique, une transparence d'action, une efficacité et un professionnalisme, une rigueur et une disponibilité, une polyvalence des tâches... autant de principes que nous allons développer.
2 e principe. Existence d'un standard minimal de prestations et d'exigences identiques
Il est indispensable que tous les corps de police, quels qu'ils soient, et dans quelque commune ou arrondissement qu'ils se trouvent, soient obligés de développer un standard minimal de prestations de service tout à fait identiques, que ce soit en termes de permanence 24 heures sur 24, de type de service d'aide, etc. Aussi ne doit-il plus y avoir de différence entre les personnes vivant dans une petite commune rurale et les personnes vivant dans une ville. La politique en matière de police, doit toutefois être adaptée aux circonstances mais les minima doivent être les mêmes. La qualité et la disponibilité du service de police doit être la même, ce qui impliquera généralement la nécessité, pour les corps de police des petites communes et les communes rurales, de se regrouper structurellement et définitivement au sein d'une zone territoriale plus large et ce, afin de rassembler les effectifs.
Par ailleurs, dans les grandes villes où cela n'a pas encore eu lieu, les corps de police devront se scinder en petites entités qui se consacreront à des quartiers spécifiques et y fonctionneront en harmonie avec la vie sociale. Le plan fédéral peut proposer, pour l'ensemble des services de police locale, des normes minimales ainsi que des principes de gestion, d'action et d'organisation.
3 e principe. La transparence
La transparence doit être un principe de base de toute action policière. La transparence de l'action de la gestion et de l'évaluation des services de police est une condition indispensable à son efficacité, à sa légalité, à son contrôle démocratique et, surtout à la confiance du citoyen.
La gestion des services de police, leurs rapports d'inspection, les plans locaux de sécurité et de prévention, les méthodes d'actions, doivent être les plus transparents possibles et accessibles à chaque citoyen. Des publications systématiques doivent être opérées en la matière.
4 e principe. Un contrôle interne et un contrôle démocratique rigoureux et permanent
Intimement lié au premier, le principe d'accountability , c'est-à-dire l'obligation pour un service de police de rendre des comptes en toute transparence, est indispensable dans le cadre d'une police véritablement démocratique. Il s'agit, pour chaque service de police, de devoir rendre des comptes et de légitimer son action sur base des éléments suivants :
respect du plan fédéral et du plan local,
qualité et professionnalisme,
efficacité,
effectivité,
éthique et respect des droits de l'homme,
légalité,
qualité du management,
qualité de la gestion budgétaire.
Ces différents points doivent être constamment et strictement évalués et contrôlés en toute transparence, d'une part, par les autorités hiérarchiques et une inspection interne très rigoureuse et, d'autre part, par les organes démocratiques locaux et fédéraux, qui, jusqu'à présent, n'ont pas toujours eu la possibilité de contrôle effectif et transparent sur les forces de police. Le contrôle externe existant était surtout le fait des bourgmestres au niveau local et du Comité P au niveau fédéral.
Le principe d'accountability exige donc, sans préjudice des inspections internes, propres à chaque composante :
* l'organisation d'un service d'inspection indépendant pour l'ensemble des services de police, chargé d'organiser notamment :
des audits obligatoires réguliers (tous les deux ou trois ans) de chaque corps de police imposant un contrôle de qualité permanent, tant en matière de management qu'en matière de satisfaction de la population, d'efficacité, d'efficience, etc.;
des audits thématiques de chaque corps de police;
la supervision annuelle du suivi des plans fédéraux et locaux, etc.
* Le renforcement et l'organisation d'un véritable contrôle démocratique s'exerçant en toute transparence sur l'ensemble des services de police, tant par les conseils communaux que par le Parlement fédéral.
* Le renforcement des missions du Comité P qui doit faire en sorte qu'il exerce un contrôle externe sur les services de police. Le fonctionnement actuel du Comité P ne donne pas entièrement satisfaction. Dès lors, il faut, dans un proche avenir désigner des personnes non seulement qualifiées au niveau professionnel mais également trés indépendantes. Éventuellement, on pourrait confier au Comité P la mission développée ci-dessus.
Le principe d'accountability ne peut être mis en oeuvre sans une clarification des objectifs en matière de sécurité, une évaluation constante de ceux-ci et une nécessité d'une stratégie et de plans clairs en la matière (voir principe nº 7). Il suppose également l'information constante du Comité P, par l'inspection interne, en ce compris la notification de tous les cas de plaintes avec la description sommaire de type de problème.
Le principe d'accountability suppose la publicité de tous les rapports d'inspection et leur discussion publique, la transparence du fonctionnement d'un corps de police, l'accessibilité aux documents y afférents. Il implique également le droit du citoyen de déposer des plaintes directement à cet organe d'inspection.
5 e principe. Le respect de la loi et des droits de l'homme
Les corps de police étant habilités à exercer la contrainte publique, il est indispensable qu'une police démocratique doive évoluer dans un cadre strict de neutralité et d'objectivité, imposant des conditions d'action à préciser ainsi qu'un contrôle indépendant.
Tout en étant indispensables au respect des libertés démocratiques et des droits de l'homme, le maintien de l'ordre, la sécurité des citoyens et la répression des délits impliquent nécessairement l'usage de la contrainte. La recherche d'une meilleure efficacité de nos services de police préventive et de l'appareil répressif ne peut donc, en aucune façon, signifier un affaiblissement des libertés individuelles et collectives. À cet égard, il faut étre particulièrement attentif aux droits de ceux qui sont souvent les plus vulnérables face aux différentes contraintes qui peuvent être exercées à leur encontre, comme les femmes et les enfants. Il faudrait également apporter une attention particulières à la formation et la sensibilisation en matière d'approche saine de ces problèmes pour les services compétents.
Les allochtones constituent par ailleurs un autre problème, dans la mesure où ils sont souvent visés comme groupe.
Dans ce cadre, il faut renforcer le recrutement tant des femmes que des personnes d'origine étrangère au sein des services de police.
Les moyens et pouvoirs reconnus aux polices administratives et judiciaires, aux autorités chargées de l'action publique, doivent être utilisés dans la stricte mesure où ils sont indispensables à l'exercice des missions pour lesquelles ils ont été attribués, notamment en ce qui concerne l'usage de la force dans les commissariats et lors des arrestations.
Les atteintes aux droits et libertés individuelles dénoncées par le Comité P dans son rapport de 1994 sont inacceptables. Aussi, un renforcement des directives en la matière et d'une sensibilisation sur ce point dans la formation initiale et continuée doit-il s'opérer même si, depuis 1995, une amélioration substantielle est apparue (voir rapports annuels du Comité P de 1995 et 1996).
6 e principe. L'efficacité et le professionnalisme. La responsabilité et le management
Les services de police doivent se voir imposer un professionnalisme rigoureux et un concept de qualité totale du service. Ceci implique un contrôle et un audit de qualité constant, une formation initiale et continuée poussée, un management efficace.
Quelle que soit la structure choisie, chaque corps de police doit être géré par une structure de direction responsable qui inscrit son action dans un cadre légal déterminé et coercitif. Chaque structure de direction doit assurer une déconcentration ou une décentralisation importante du pouvoir afin de responsabiliser au maximum les différents chefs de service et les agents de base.
Par souci de responsabilisation et de mobilité, il est souhaitable d'inscrire l'action des chefs de corps dans le cadre d'un mandat, limité mais renouvelable, et faisant l'objet d'une évaluation.
Toute centralisation trop excessive du pouvoir de direction est à bannir pour éviter toute déresponsabilisation et toute non-adéquation par rapport aux besoins du terrain. Les structures de direction doivent donc être organisées et formées sur base des exigences modernes d'un management efficace, laissant beaucoup de place à l'initiative des services décentralisés.
Le management policier présente incontestablement certaines caractéristiques spécifiques. Il passe par une connaissance et une maîtrise des facteurs suivants :
1º avoir une connaissance approfondie de sa propre organisation et des organisations environnantes importantes pour elle (le système politique, le ministère public, les structures de concertation, les autres services de police, ...);
2º gérer la complexité de l'ensemble des normes juridiques et les rapports d'autorité juridiques formels;
3º connaître la personnalité, la vision, les expériences et les ambitions des managers de police;
4º gérer le contexte politique et administratif, c'est-à-dire identifier l'arsenal de moyens de pression et d'influence pertinents dont on dispose pour piloter des décisions.
Le management policier consiste à construire et à développer un modèle de gestion.
Cette planification de la gestion prend la configuration suivante :
identifier et analyser des problèmes de sécurité qui relèvent du champ d'action de la police;
désigner concrètement ce que la police peut réaliser et comment elle peut contribuer à la résolution de ces problèmes;
déterminer les ressources humaines et matérielles nécessaires à la réalisation des objectifs et être attentif à la maîtrise des coûts;
déterminer le système technique à mettre en oeuvre pour atteindre les résultats.
La mesure des performances de l'efficacité, quant à elle, met en oeuvre un processus d'évaluation des résultats permettant de rétroagir sur les activités réalisées au sein du service de police concerné ainsi que de réajuster ou de redéfinir les projets eux-mêmes qui les finalisent.
7 e principe. Des objectifs et une politique claire : nécessité d'inscription de l'action policière dans le cadre d'un plan fédéral et d'un plan local de politique criminelle et de politique de sécurité débattus démocratiquement
La complexité, la multitude ou la fragmentation, l'imprécision des directives et des attentes, permettent des latitudes excessives, des apathies ou des contradictions au sein des différents corps de police. L'action policière doit s'inscrire dans le cadre d'une stratégie de politique criminelle et de politique de sécurité claire, déterminée par les autorités politiques fédérales et locales, fixée annuellement ou pluriannuellement, tant sur la base des attentes exprimées par les citoyens et sondées officiellement que sur la base des attentes exprimées par les autorités administratives et judiciaires compétentes.
Les forces de police ont un rôle d'exécution. La loi sur la fonction de police part du principe qu'il faut faire une distinction entre les autorités de police et les services de police. Les services de police sont toujours des organes d'exécution qui opèrent sous l'autorité et la responsabilité des autorités. Les services de police ne peuvent donc pas déterminer de façon tout à fait indépendante la politique qu'ils suivront ni leurs méthodes. Ils devront cependant très souvent intervenir et prendre des mesures de leur propre initiative, mais toujours dans les limites des lignes politiques tracées par les autorités compétentes. Aucune direction de police, quelle qu'elle soit, ne peut avoir la compétence de fixer, sans contrôle démocratique, les axes prioritaires de son action policière ni les axes prioritaires de la politique de recherche criminelle.
Elles doivent donc inscrire leur action dans un cadre légal et réglementaire selon une stratégie et des objectifs prioritaires, cohérents, qui doivent correspondre aux besoins de la population et des institutions et doivent dès lors être établis démocratiquement par les représentants élus par les citoyens.
Jusqu'à présent, le politique et, plus précisément, le pouvoir législatif, ne s'est jamais véritablement approprié de manière permanente le débat sur la sécurité, la politique criminelle et la stratégie policière, alors qu'il s'agit d'un débat essentiel dans une société démocratique qui doit être au coeur des préoccupations des mandataires des différentes assemblées. Les choix stratégiques tout comme l'organisation policière ne peuvent plus être laissés sans transparence à l'exécutif, voire aux différentes structures de direction des forces de police. L'assemblée législative doit être en la matière l'organe d'orientation par excellence qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être.
La politique de sécurité et la politique criminelle doivent être, désormais, élaborées annuellement par les autorités compétentes sur base de besoins ciblés et définis et de la population et des autorités concernées et présentées aux assemblées législatives concernées qui doivent prendre la décision finale en matière d'orientation générale et adopter des objectifs clairs et précis, ce qui a généralement fait défaut jusqu'à présent.
Cette stratégie doit, tout d'abord, être une stratégie fédérale collective et donc, être fixée par le Parlement fédéral dans le cadre d'un plan fédéral de politique criminelle et d'un plan fédéral de sécurité qui assurent enfin une coordination, une harmonisation entre arrondissements, entre communes et entre autorités judiciaires ainsi qu'une efficacité jamais opérationalisée.
Cette stratégie doit également répondre aux spécificités locales et aux besoins particuliers de la population locale et des spécificités locales. Elle doit donc être fixée complémentairement au niveau local par le conseil communal.
Il est donc indispensable d'avoir, à l'avenir, un plan de politique criminelle et de politique de la sécurité fédérale préparé par les ministres respectifs et présenté ensemble, voté au Parlement et applicable à l'ensemble des forces de police et des autorités judiciaires et, d'autre part, un plan local de sécurité et de politique criminelle voté par le conseil communal.
Il faut réintroduire la mission fédératrice, prospective et politique dans le monde policier. Ces plans doivent être débattus, soit chaque année, soit au moins tous les deux ans.
Le plan de politique criminelle et de politique de la sécurité fédérale
Ce plan doit avoir deux volets :
Ce plan doit tout d'abord comprendre la politique des poursuites et de la recherche dont les priorités sont déterminées par le ministre de la Justice, sur avis du collège des procureurs généraux, sur la base d'une analyse stratégique des phénomènes criminels et des statistiques qui devraient être discutées au Parlement. Il doit comprendre un volet précis relatif à la criminalité organisée, basé sur une analyse stratégique de l'évolution de la gravité de la nature et de l'ampleur du phénomène ainsi que des secteurs à risque, sur base de l'ensemble des informations et statistiques des services spécialisés. À ce sujet, la Commission d'enquête sur la criminalité organisée du Sénat établira ses recommandations spécifiques.
Une politique criminelle claire doit reposer sur les principes suivants :
être nourrie à partir des données fournies par l'ensemble des corps de police;
fournir une évaluation du phénomène criminel au niveau national tout en tenant compte des spécificités locales;
proposer, à partir d'analyses effectuées par le monde scientifique et par les divers services de police ou d'appui, les stratégies permettant de lutter efficacement contre le phénomène criminel;
proposer une liste de priorités qui devra faire l'objet d'un débat parlementaire.
Pour répondre à ces besoins, le collège des procureurs généraux vient d'être institué (loi du 4 mars 1997). Il est chargé :
º de la mise en oeuvre cohérente et de la coordination de la politique crimiminelle déterminée par les directives visées à l'article 143ter du Code judiciaire, et dans le respect de leur finalité;
º du bon fonctionnement général et de la coordination du ministère public.
Le deuxième volet du plan, comprenant la politique policière et la politique de prévention, doit être élaboré par le ministre de l'Intérieur, notamment sur la base des recommandations du Secrétariat permanent à la prévention et, notamment, sur certains points concernant la prévention, après discussion au sein d'une conférence interministérielle de la sécurité impliquent tous les ministres concernés.
Ce plan doit être discuté au Parlement fédéral, qui approuve les orientations principales en la matière.
Le plan de politique criminelle et de sécurité locale
Ce plan doit, tout d'abord, comprendre la politique des recherches et des poursuites fixée au niveau de l'arrondissement par le procureur du Roi, après une discussion au sein des structures de concertation sur base d'une analyse stratégique de la criminalité locale et des statistiques, dans le respect des directives fédérales.
Ce plan doit également prévoir toute la politique préventive déterminée en accord avec l'ensemble des partenaires concernés. Celle-ci doit donc être fixée complémentairement au niveau local par le conseil communal. Les chartes de sécurité constituent de bonnes bases de restructuration.
Ce plan doit prévoir les principes de management et d'organisation de l'action policière applicables à tous, et notamment la formulation des objectifs, les capacités en logistique et en personnel et les méthodes d'évaluation.
8 e principe. Une approche globale de la sécurité
Par ailleurs, cette stratégie doit avoir une approche globale de la problématique de la sécurité. Une stratégie de politique criminelle et de politique policière doit avant tout s'appuyer sur une approche essentiellement préventive qui implique une extension claire des missions des services de police sur ce point et une coordination renforcée des différentes politiques des différents niveaux de pouvoir concernés : les autorités fédérales en ce qui concerne la politique de sécurité, les Communautés, Régions (enseignement, santé, jeunesse, immigration, emploi, etc.) et provinces en ce qui concerne les matières non-fédérales. Ces politiques doivent être négociées par l'ensemble des partenaires et débattues démocratiquement. Par ailleurs, il est indispensable d'organiser une collaboration réellement efficace entre le secteur public et associatif présent sur le terrain, entre le secteur non marchand et marchand.
Il faut donc instituer un lieu institutionnel de concertation permanent entre les Communautés, les Régions et les acteurs et dès lors mettre sur pied une conférence permanente interdépartementale de la prévention au sein de laquelle l'on coordonnera la politique des différentes autorités. Toute approche préventive doit respecter la spécificité des compétences de chacun niveau (fédéral, États fédérés, secteurs public, associatif, marchand et non marchand).
9 e principe Principe de la police de proximité ou « Community Policing »
Notre police doit reposer sur le concept de la police de proximité, principe qui commence à se développer en Belgique. En effet, la première condition d'un service de police moderne qui fonctionne bien, c'est que la police poursuive une intégration optimale dans la communauté. La police de proximité est, à la fois, une stratégie philosophique et organisationnelle qui permet à la police et à la population locale de coopérer étroitement et afin de résoudre crimes, délits, et d'éviter le sentiment d'insécurité, les désordres sociaux, la délinquance de quartier. Des contacts étroits permanents et personnels constituent ici une première exigence. Une police intégrée socialement peut disposer de plus d'informations sociales. Celles-ci permettront sans nul doute de signaler des conflits et des problèmes et de les éviter.
Pour implanter ce concept, les services de police doivent aussi mettre sur pied et développer un principe de management et engager une collaboration étroite avec la population afin de dépasser l'apathie ou le rejet que celle-ci ressentira souvent à l'égard de la police.
Une telle police permet d'offrir à la population un service proche, compétent, décentralisé et personnalisé, attentif à ses attentes et aux problèmes de la communauté.
La police de proximité implique une présence de terrain renforcée au moyen d'agents de quartiers formés, intégrés, qui entretiennent des contacts quotidiens avec la population et, donc, un renforcement du travail de terrain, impliquant le transfert des tâches administratives à d'autres agents. Le concept de la police de proximité vise également à insérer la police dans une politique relative aux problèmes de société.
La police de proximité demande un travail de partenariat avec les représentants de la société civile pour tenter de trouver des solutions nouvelles et créatives en vue de résoudre la délinquance et les problèmes de société.
En effet, le rapport entre la police et la population doit être basé sur le partenariat.
Certes, il faut rendre la police plus accessible en installant des antennes ou des bureaux de quartier en communiquant à la population, avec ou sans techniques de relations publiques, l'exécution des projets qu'on a d'avance décidé à l'intérieur de son propre corps ou service. Dans ce cadre, l'on pourrait généraliser et renforcer le fonctionnement des commissions communales de sécurité et les conseils de prévention, qui ont été instaurés par le ministre de l'Intérieur. La police pourrait ainsi se concerter avec des représentants de la société afin d'analyser les problèmes, éventuellement avec l'aide d'experts ou de témoins privilégiés; et élaborer ensuite les mesures nécessaires et les faire appliquer; tout en décidant en même temps comment on va évaluer les résultats. À cette occasion, il faut définir le rôle exécutif de chacun, donc aussi de la police.
Pour résumer, on peut affirmer que le service de police de base basé sur la philosophie de la police de proximité doit avoir « une vision, une philosophie ou un concept de l'exécution des tâches de police, qui est essentiellement axée sur les sentiments et les problèmes d'insécurité de la population dans un territoire donné par une police, accessible et abordable qui a pour but de résoudre les problèmes d'insécurité, en concertation avec les autorités locales et la population et toutes les instances et organisations qui peuvent y contribuer. » Elle requiert de la part de la police une attitude ouverte, et, de la part de la population, au souci de la qualité et une disponibilité à collaborer avec la police.
10 e principe Le respect des spécificités des missions de police administrative et de police judiciaire
Notre système et notre culture imposent de maintenir sans cloisonnement les spécificités claires exigées par la différence intrinsèque entre les missions de police administrative et les missions de police judiciaire en raison, notamment, de la différence de nature des contrôles fonctionnels et donc des autorités chargées de les exercer.
Ce respect des spécificités ne doit pas signifier qu'il faille cloisonner à la base les structures compétentes en matière de police administrative et de police judiciaire, car elles doivent échanger les informations dont elles disposent. L'intégration locale des missions de police judiciaire et de police administrative reste donc indispensable.
Ceci ne signifie pas que l'on ne peut procéder, au niveau local, à la spécialisation d'unités distinctes en matière judiciaire.
Cependant, la spécificité des missions nécessiterait l'existence d'autorités de contrôle différentes. La deuxième ligne au niveau fédéral doit en particulier être dotée de directions relativement autonomes gérées différemment selon notamment le rôle qu'il convient de donner aux autorités judiciaires.
11 e principe La complémentarité entre les services de police ou la répartition claire des compétences
Toute organisation policière doit être basée sur une répartition claire des tâches. Toute organisation future visant à donner à des corps différents des missions tout à fait identiques, sur des territoires identiques, doit être évitée irréversiblement. Désormais la répartition des compétences doit se faire de manière précise et coordonnée sur base de critères objectifs, le but étant d'avoir des services complémentaires et non plus concurrents.
La répartition des tâches implique les conséquences suivantes :
1. Au niveau local, il ne peut y avoir différents corps de police et donc n'y avoir qu'une seule police locale compétente pour un territoire déterminé et pour toutes les tâches de police locale. Cette police locale doit être compétente tant pour la police administrative que pour la police judiciaire.
2. Il n'est plus possible d'avoir, en ce qui concerne la criminalité complexe et organisée, au niveau des arrondissements ou au niveau fédéral, des services concurrents exécutant les mêmes tâches. Il faut réunir, au sein d'une même structure, toutes les compétences relevant des missions de police judiciaire en de répression de la criminalité organisée ou complexe.
3. Il y a lieu de réunir, au sein d'une même structure, tous les services de police administrative spécialisée, dépassant les limites d'une commune et supprimer la diversité des polices spécialisées.
4. Il y a lieu de répartir clairement, dans la loi, les missions de la police locale et des polices spécialisées de seconde ligne. Il peut y avoir cependant des accords conclus entre les autorités de police fonctionnelles par rapport aux tâches que la police de première ligne exécutera pour le compte du niveau fédéral et vice versa.
Il faut également répartir clairement les missions entre les unités de police administrative locale et la structure spécialisée de deuxième ligne ainsi qu'entre les missions des unités de recherche locale et la structure de police criminelle spécialisée de deuxième ligne. La répartition des tâches implique donc une répartition claire entre la police de première ligne et celle de seconde ligne.
En aucune façon la police de deuxième ligne ne peut se trouver à un niveau hiérarchique supérieur à celui de la police de première ligne car ces deux services fonctionnent séparément, mais de manière complémentaire. Cependant, l'absence d'un lien hiérarchique ne peut être un obstacle à une exécution optimale des tâches. Les rapports entre les services de première ligne et de seconde ligne doivent être basés sur le principe du partenariat impliquant la création de task-forces. La police additionnelle ne peut réquisitionner un service de police locale. Cela n'exclut toutefois pas l'existence d'accords en vertu desquels la police de première ligne accomplit certaines tâches en faveur de la police de seconde ligne et, à ce moment, sous sa direction.
12 e principe Importance d'une police locale forte
En raison de l'importance du principe d'autonomie communale dans notre système démocratique et de la nécessité d'avoir une politique locale criminelle et de sécurité spécifiques pour une collectivité réduite, il s'avère indispensable quelque soit le modèle adopté, d'avoir une police de base autonome et contrôlée démocratiquement. Celle-ci doit assurer l'ensemble des tâches policières qui ne requièrent pas des compétences, des moyens, des méthodes ou des effectifs spécifiques importants pour accomplir une intervention. Ce service doit être polyvalent.
Si l'on veut effectivement assurer la sécurité et favoriser le sentiment de sécurité et d'accessibilité, il est indispensable que la police soit organisée formellement à un niveau se rapprochent le plus possible de la population. C'est la meilleure façon, pour elle, de vivre les problèmes locaux, de les connaître et d'y remédier.
Elle doit avoir les tâches suivantes :
En ce qui concerne les tâches policières préventives, ce service doit établir et entretenir un contact permanent avec la population qui implique l'accessibilité et la disponibilité, l'écoute et la visibilité, participer à la réalisation d'actions de prévention, exécuter des missions de surveillance et de sécurisation, prévenir et faire connaître les situations qui risquent de poser des problèmes.
En ce qui concerne les tâches policières répressives, ce service doit assurer l'exécution des interventions de police administrative et judiciaire, organiser l'assistance policière, (en ce compris l'accueil des victimes et le renvoi vers des organismes et institutions spécialisées) et effectuer des recherches et enquêtes limitées au niveau local.
En outre, un service de police de première ligne a le devoir de communiquer les informations recueillies dans le cadre de ces activités de police préventive et répressive et de répondre aux besoins ainsi qu'aux demandes formulées par les autorités administratives et judiciaires compétentes et par la police de deuxième ligne.
Cette dernière, appelée police additionnelle, doit de son côté assurer un retour d'information vers la police locale, selon les modalités prévues sous le principe nº 14.
Chaque police de base doit développer ses missions de police administrative et ses missions de police judiciaire.
La police locale doit en effet conserver la compétence judiciaire qui lui permet d'intervenir sur le plan pénal en tant qu'organe de l'autorité. Réduire la police locale à une simple garde municipale diminuerait son autorité.
Il est d'ailleurs un fait que la petite criminalité doit se traiter au niveau local ou zonal.
Il peut arriver que, grâce à ses bons contacts avec la population, elle détecte une piste qui mène à un crime grave.
Aucune instance policière supérieure ne doit avoir un contrôle ou un pouvoir hiérarchique sur une police locale, en dehors des instances politico-administratives ou judiciaires.
Toute police locale doit toutefois s'insérer dans le cadre d'une politique fédérale claire et doit dès lors, sur base des principes énumérés dans le point 7, respecter les plans fédéraux et les directives respectives des ministres de l'Intérieur, pour les missions de police administrative, et du ministre de la Justice, pour les missions de police judiciaire.
Ces plans ou directives, dont l'exécution doit être contrôlée par un service d'inspection commun, peuvent notamment imposer des standards minimum pour la gestion, et des plans d'action concernant l'organisation et de gestion.
13 e principe Nécessité d'une structure de police spécialisée de deuxième ligne
Dans toute structuration policière, il est évident qu'un service de police locale polyvalent est incapable de remplir toutes les fonctions spécialisées ainsi que les fonctions exigeant des spécialisations pointues ou des moyens d'envergure.
Il est donc indispensable d'avoir une structure de deuxième ligne chargée d'assurer complémentairement le traitement approfondi des faits et phénomènes complexes ainsi que la continuation des interventions en première ligne qui requièrent des compétences, des moyens, des méthodes ou des effectifs spécifiques plus importants ainsi que le soutien logistique spécialisé, et, surtout, la recherche en matière de criminalité organisée ou plus complexe, ainsi que la coopération internationale dans le cadre d'un service d'appui commun, compte non tenu de la tâche du niveau local de police de coopérer avec les services de politce locaux du pays voisin.
Cette police additionnelle doit être composée de deux services de police largement autonomes (police administrative et police criminelle) et d'un service d'appui.
14 e principe Nécessité d'une centralisation de l'information et d'une similarité des réseaux de communication
A) L'efficacité de l'action policière dépend principalement de l'échange d'informations entre services de police et entre les services de police locale et de police additionnelle.
Ce système doit permettre un encodage rapide sous une forme simplifiée dont l'alimentation dépendra essentiellement des polices de première ligne. Il doit en outre permettre un traitement des statistiques susceptibles d'offrir des informations stratégiques qui doivent être accessibles à tous les services.
Il est dès lors indispensable de mettre sur pied un système informatique central sous l'autorité du magistrat national, centralisant notamment l'ensemble des informations dures recueillies par chaque service de police. Chaque service doit être obligé d'introduire ses informations dures dans le réseau. Ce réseau central doit être directement et exclusivement accessible par l'ensemble des services de police et des autorités judiciaires et être organisé au niveau fédéral.
En ce qui concerne les informations douces, il est indispensable d'organiser un système de « flagging » à l'instar du système anglais permettant à tout enquêteur de repérer le nom des enquêteur chargés d'un dossier déterminé qui auront dû, au préalable, se signaler et signaler le type de dossier sur lequel ils travaillent au sein d'un réseau centralisé d'information.
Les enquêteurs peuvent dès lors se reconnaître et échanger les informations.
Il serait par conséquent indispensable d'organiser également dans la loi le statut de l'information et les modalités de centralisation et d'échange des informations.
La collecte et le stockage d'informations et de photos dans le cadre des missions administratives et du contrôle de celles-ci doivent être réglés par la loi.
La commission pour la protection de la vie privée et le Comité P exercent un contrôle à ce sujet.
Les autorités judiciaires ont accès à ces informations.
Enfin, il y a lieu de consacrer suffisamment d'attention à la protection de l'information, qu'elle soit « douce » ou « dure ».
B) Par ailleurs, il est nécessaire de mettre sur pied un réseau de communication entre services de police. Le projet « Astrid » est donc indispensable.
15 e principe Principes de responsabilité et de direction claire
Dans la réforme policière aucune équivoque ne peut exister entre les rôles des différentes autorités hiérarchiques et fonctionnells exercées par les corps de police. Il convient donc de préciser les rôles des différentes autorités tant au niveau fédéral que local en ce qui concerne les missions de police administrative et judiciaire.
Les autorités responsables de la politique générale et de son suivi au niveau des structures policières sont le ministre de la Justice pour les missions de police judiciaire et le ministre de l'Intérieur pour les missions de police administrative.
1. Au niveau fédéral, le ministre de l'Intérieur doit être responsable de l'ensemble de la politique fédérale de sécurité. À cet égard, il exerce son autorité fonctionnelle sur les services de police pour les matières qui relèvent de sa compétence.
Le ministre de la Justice détermine la politique criminelle après avis du Collège des procureurs généraux, qui définit la politique de recherche et la politique des poursuites. À cet égard, il exerce son autorité sur les services de police dans leur fonction de police judiciaire.
La structure de direction de la police de deuxième ligne assure la gestion des corps de police sous l'autorité de leurs autorités fonctionnelles respectives.
Dans l'exercice des missions de police judiciaire, la structure de direction se trouve sous l'autorité du ministre de la Justice et du Collège des procureurs généraux pour l'exécution de la politique criminelle. Pour ce qui est de l'exercice des missions de police administrative la structure de direction est sous l'autorité du ministre de l'Intérieur.
Le ministère public assure la direction de l'information judiciaire.
Le juge d'instruction doit assurer la direction réelle de l'instruction.
2. Au niveau local, la politique générale de sécurité doit être définie au niveau du Conseil communal (en complément à la politique de sécurité définie au niveau fédéral). Cette autorité politique exerce à ce sujet un contrôle démocratique sur l'exécution par la police locale de la politique.
Le bourgmestre doit avoir la responsabilité fonctionnelle en ce qui concerne les missions de police administrative. Dans l'exécution de cette mission, le bourgmestre relève toutefois du ministre de l'Intérieur et du gouverneur, qui sont ses autorités de tutelle. La direction, l'organisation et la répartition des tâches du corps de police doit appartenir au chef de corps. Le chef de corps doit relever des autorités judiciaires (procureur du Roi) pour l'exécution ponctuelle des missions de police judiciaire.
3. Les gouverneurs de province sont quant à eux responsables de la coordination et de l'appui logistique des options de la politique administrative dans leur province, sous la tutelle du ministre de l'Intérieur.
Tenant compte de ce cadre, les autorités judiciaires exercent un pouvoir de réquisition et de contrôle qui leur est propre sur les unités de recherche locales et fédérales. Elles ne sont toutefois qu'associées à la gestion de ces services.
Quelle que soit la structure adoptée, un des points essentiels de la réforme sera de permettre à chaque autorité fonctionnelle de pouvoir exercer effectivement son autorité sans connaître d'obstacles en provenance des autorités hiérarchiques.
16 e principe Organisation d'un partenariat entre la police et le pouvoir judiciaire
Autant les autorités judiciaires doivent garder un contrôle strict et fonctionnel sur l'exercice des missions de police judiciaire, autant il est indispensable que se développe de plus en plus un partenariat entre le corps de police exerçant des missions de police judiciaire et les autorités judiciaires, impliquant un respect mutuel.
Si ce n'est pas aux autorités judiciaires à assurer la gestion d'un corps de police, il conviendrait cependant d'imaginer des formules originales permettant de renforcer l'implication et l'intérêt des magistrats dans la gestion des corps de police et d'assurer une information constante sur ce point. Aussi serait-il intéressant de prévoir le cas échéant le détachement dans certaines directions des corps de police spécifiquement chargées des missions de police judiciaire, de magistrats, du parquet, gens de liaisons.
Par ailleurs, il est indispensable de désigner une autorité judiciaire chargée, en partenariat avec l'autorité hiérarchique du corps de police, d'arbitrer les conflits de mise à la disposition de moyens et de personnel existant entre les gestionnaires des corps et les autorités judiciaires (parquets et juges d'instruction), et de faire l'arbitrage entre les différentes demandes, le cas échéant, des juges d'instruction. Les magistrats doivent collaborer intensément également avec les autorités administratives. Il est préférable qu'ils accordent, de commun accord, les priorités de la politique de sécurité avec les priorités du travail judiciaire.
17 e principe Renforcement des collaborations
a) Il est indispensable qu'entre agents de police locale et police fédérale existent de nombreux lieux de concertation. Elle doit avoir lieu tant au niveau local qu'au niveau de l'arrondissement ou au niveau provincial, et tant au niveau des missions de police administrative que judiciaire. Elle doit avoir lieu tant entre les ministres de tutelle qu'entre les autorités administratives (bourgmestres, gouverneurs), les autorités judiciaires (procureur général, procureur du Roi) et chefs de corps de police. Ce faisant, l'on permettra, à la fois, la circulation adéquate de l'information, une synergie et une coordination suffisantes des actions et l'élaboration d'une véritable politique de sécurité au niveau fédéral et local. La circulation adéquate de l'information et la synergie impliquent un décloisonnement aussi large que possible. Par ailleurs, ces lieux de concertation devront être l'endroit où les besoins de sécurité collectifs et individuels fédéraux et les besoins de lutte contre la criminalité se rencontreront. Il faudra redonner un nouveau souffle à la concertation.
b) En dehors de cette collaboration structurelle, il ne faut pas négliger le phénomène des task-force comme cas de figure, dans lesquels les services de recherche de première et de deuxième ligne peuvent collaborer.
18 e principe Une formation identique et une procédure de recrutement commune
Une formation unique permet en effet de développer une culture policière commune, un système d'exigences et de qualités identiques et une sensibilité aux droits de l'homme, à l'obligation de rendre des comptes, à l'exercice de missions orientées vers la population. Une formation unique permettra également de créer des possibilités futures de mobilité pour les agents. Il serait souhaitable d'opter pour un système de formation unique de base, par niveau, géré au niveau provincial selon des standards d'organisation identique pour l'ensemble des policiers qui se destinent à entrer, le cas échéant, dans des structures de police différentes, sans préjudice des formations spécialisées spécifiques organisées sous forme de modules. Cette formation de base devrait comprendre, quel que soit le niveau d'étude, des stages et périodes de présence sur le terrain, en patrouille, et du travail de proximité obligatoires pour tout policier.
Il est également souhaitable d'assurer une procédure de sélection identique selon des critères communs. Chaque chef de corps ou chaque commune pourra choisir son personnel dans le cadre d'une réserve de recrutement. Il est en outre indispensable que le personnel sélectionné soit promu sur base d'une comparaison objective des titres et mérites.
19 e principe Mobilité du personnel et unicité des statuts
La mobilité constitue un facteur important de motivation et d'efficacité. Elle doit permettre à chaque agent de se trouver là où son service est le plus approprié. Les agents devraient pouvoir passer de la première à la deuxième ligne en cours de carrière, ou vice-versa, ou d'un service de police à un autre, ce qui renforcera la collaboration et un esprit homogène d'entreprise.
Les statuts doivent être harmonisés si l'on veut assurer la mobilité d'un service de police à l'autre en fonction de la carrière, éviter les problèmes de démotivation liés à l'accomplissement de missions semblables sous des statuts différents. Il conviendra, dès lors, d'arriver à terme à l'existence d'un statut unique.
20 e principe Statut disciplinaire unique
1. Il serait souhaitable de parvenir à un statut disciplinaire commun bien élaboré pour tous les fonctionnaires de police.
2. L'affaire disciplinaire doit être introduite à l'initiative de l'autorité hiérarchique ou fonctionelle, le cas échéant à l'initiative du Comité P.
3. Les sanctions disciplinaires mineures à préciser devront pouvoir être infligées par le supérieur hiérarchique.
4. Les sanctions plus lourdes devraient pouvoir être infligées par le biais d'un collège de discipline qui fonctionnera de manière décentralisée, qui est présidé par un membre du pouvoir judiciaire.
5. Il faut créer une possibilité de suspension immédiate par mesure d'ordre et prévoir clairement qui est compétent en la matière.
6. Tout procès-verbal dressé à l'encontre d'un fonctionnaire de police ou toute plainte déposée contre celui-ci dans l'exercice de ses fonctions doit immédiatement être transmis(e) au Comité P.
Sur la base des attentes et des principes décrits ci-dessus, la commission estime qu'il convient de réformer profondément les structures policières de l'État belge selon une stratégie à terme qui doit permettre de rendre les nouvelles structures opérationnelles après une phase de transition de cinq ans. Le modèle présenté constitue donc un objectif à atteindre qui nécessitera un ensemble de mesures de rapprochement progressives afin d'éviter un choc trop rapide qui créerait des tensions et une inefficacité à éviter.
Pour qu'une réforme des services de police soit possible, il est indispensable, pour le modèle final, de raisonner sans a priori, d'avoir une mission novatrice faisant table rase des noms, des structures existantes pour en formaliser de nouvelles, dénommées et organisées différemment selon une autre philosophie.
Toutes les cartes étant rebattues, plusieurs membres du personnel et plusieurs chefs de corps seront déplacés et redéployés entre les futures structures.
Il est évident qu'une réflexion de ce type n'est possible qu'à plusieurs conditions :
1. L'existence d'une réforme radicale rapide de l'organisation judiciaire, de la formation des magistrats, du management des parquets;
2. L'existence d'un plan pluriannuel progressif de restructuration des corps de police sur base d'objectifs clairs partagés massivement par l'ensemble des mandataires politiques;
3. Une volonté de transcender les esprits de corps et de s'affranchir d'une certaine peur des changements.
La commission propose, dès lors, des orientations relatives à un modèle de synthèse s'intégrant, selon elle, dans le cadre du concept de « police intégrée » telle que définie dans le rapport de la commission Dutroux, et répondant concrétement aux principes énumérés dans le chapitre II. Ainsi, la Commission propose-t-elle une restructuration basée sur trois concepts complémentaires :
une police décentralisée;
une police fédérale
une police intégrée.
Notre choix du principe de la police de proximité comme fil-conducteur de base pour définir le contenu de l'action policière a pour conséquence que c'est sur le plan local qu'il faut développer le plus la police.
a) Pour que l'organisation policière soit démocratique et efficace, il faut satisfaire à l'exigence importante d'une décentralisation poussée et d'une déconcentration du pouvoir afin d'éviter qu'une seule direction ne détienne tous les rênes du pouvoir policier, à la fois central et local, à la fois relatif aux missions de police judiciaire et aux missions de police administrative.
b) Une organisation policière démocratique et efficace exige ensuite des structures de direction assez autonomes selon la spécialisation de leur mission. L'exercice effectif du contrôle des autorités judiciaires sur les missions de police judiciaire est difficilement compatible avec l'existence d'une seule direction, régissant de manière verticale l'ensemble des agents de police.
c) En raison des spécificités, et des attentes de la population locale ainsi que des traditions liées à une psychologie belge fortement attachée à l'autonomie communale, toute structure policière doit être basée sur une police locale, contrôlée démocratiquement par les conseils communaux, dirigée par un bourgmestre et exerçant son action selon les directives établies dans un plan local policier, respectant les directives générales et le plan fédéral de politique policière, qui fait l'objet d'un audit régulier et approfondi organisé par le service d'inspection des services de police.
Cette police fédérale est chargée du service de police spécialisée, tant pour les missions de police administrative, que pour les missions de police judiciaire. Elle est composée de deux services de police spécialisés et d'un service d'appui. Elle se trouve sous l'autorité du ministre de la Justice en ce qui concerne l'aspect police judiciaire et sous l'autorité du ministre de l'Intérieur en ce qui concerne l'aspect police administrative. Le ministre de la Justice est responsable de la politique criminelle et, après avoir demandé l'avis du collège des procureurs généraux, de la politique de poursuite et de recherche. Le ministre de l'Intérieur est responsable de la recherche de la sécurité intégrale.
Il est évident qu'il existe une nécessité de coordination et de partenariat très étroits entre la police locale et les polices fédérales. L'échange d'informations et la coordination ente le niveau local et le niveau fédéral doivent être bien structurés, de préférence non par le biais d'officiers de liaison, mais plutôt par des mesures organisationnelles et individuelles. Ceci est de toute manière plus aisé au sein d'une seule structure qu'entre deux ou trois corps.
Le modèle de police intégrée à les avantages suivants :
il permet de respecter l'autonomie communale et les spécificités de la demande locale;
il implique l'existence de pouvoirs déconcentrés et autonomes susceptibles d'exercer les meilleurs contre-pouvoirs en matière policière.
Il est plus facile à gérer, il impose les éléments indispensables d'intégration suivants pour éviter l'ensemble des dysfonctionnements constatés :
l'existence d'une stratégie fédérale et d'un plan fédéral de politique policière, criminelle et de recherche;
une formation identique, par niveau et spécialisation pour l'ensemble;
un statut unique pour l'ensemble des agents et un droit disciplinaire identique, ainsi qu'un seul collège disciplinaire;
une procédure de sélection de base identique;
une police au niveau local intégrant les missions de police judiciaire et les missions de police administrative;
une police additionnelle au niveau fédéral en matière administrative, criminelle et d'appui;
une centralisation de l'ensemble de l'information;
un seul organe d'appui et de coordination au niveau fédéral;
un seul service d'inspection interne;
une coordination constante entre la police locale et la police spécialisée;
une mobilité constante.
La collaboration entre le niveau local et le niveau fédéral doit se faire sur la base d'un principe de complémentarité et non de concurrence. La complémentarité est possible lorsque les tâches sont clairement définies tant entre le local et le fédéral, qu'entre l'administratif et le judiciaire. À la suite des réflexions précitées la commission propose d'élaborer, pour la police locale et pour la police fédérale, la structure suivante :
1.1. Territoire des polices locales
Le critère géographique constitue une ligne souple de démarcation des compétences. Les différentes polices locales devraient être organisées, soit sur base du territoire communal, lorqu'il s'agit d'une grande commune ou d'une commune moyenne, disposant actuellement d'une police urbaine, soit sur base d'un territoire regroupant différentes communes dans le cadre d'une zone inter-police lorsqu'il s'agit de régions plus rurales ou de petites communes.
Le nombre total de polices locales serait dès lors réduit par rapport aux 584 polices communales actuelles. Dans le cadre d'une Z.I.P., les actuelles polices locales deviendraient des districts de la police de la zone.
Les polices locales seraient restructurées à partir des structures de la police communale et par l'adjonction de certains des membres de la police judiciaire près les parquets (pour renforcer les unités de recherche locale) et du personnel existant de la gendarmerie (pour renforcer les unités de police administrative) Elles seront mises sous la direction d'un seul officier de police.
1.3. Missions de police administrative et judiciaire
Chaque police locale, dirigée par un commissaire, exercerait, à la fois, les missions de police administrative et de police judiciaire ce serait notamment la police de quartier et la police d'intervention qui seraient chargées des missions de police administrative, alors qu'une unité de recherche s'occuperait de la mission de police judiciaire. De plus, chaque police locale développerait des missions de police de base, telles que celles-ci sont définies au chapitre II.
En ce qui concerne les missions de police judiciaire, les unités locales de recherches s'occupent des phénomènes délictueux au niveau local et s'appuie fortement pour le faire sur les unités de police administrative, beaucoup mieux formées et beaucoup plus spécialisées, devraient se voir reconnaître l'exclusivité de toutes les premières constatations et devraient pouvoir être compétentes pour l'ensemble de la criminalité qui se déroulent sur le territoire local. Cependant, lorsqu'il s'avère qu'il s'agit d'une criminalité qui touche à la criminalité organisée ou d'une criminalité complexe qui demande un appui spécifique des méthodes, des moyens, des spécialisations plus importantes ou d'une criminalité transcommunale, il appartiendra soit au parquet, soit au juge d'instruction, de faire appel à la police fédérale criminelle qui, dans ce cas, viendra en appui et ne reprendra pas l'affaire à son compte mais continuera, dans la mesure des possibilités, sous forme d'une coordination efficace, à suivre l'enquête en impliquant des policiers locaux (principe des task forces). La police criminelle fédérale ne devrait nullement être un second F.B.I. mais une structure d'appui et de complémentarité spécialisée avec un effectif pointu mais relativement réduit.
L'interaction entre les unités locales de recherche et la police criminelle fédérale sera d'autant plus grande qu'en raison de la mobilité des policiers, la police criminelle fédérale devrait être, à terme, composée de préférence d'officiers en provenance des unités locales de recherche qui, par ailleurs, après un certain temps de carrière, pourraient refaire une rotation vers les unités locales.
Au niveau de la police administrative, en cas d'événement majeur ou de cas spécifique, si les autorités locales estiment avoir besoin d'aide et que leur effectif n'est pas assez important, le bourgmestre peut demander l'appui de la police fédérale administrative et la réquisitionner. Il peut également conclure, dans certains cas, des accords de collaboration avec elle.
Autorités administratives
Le principe de base est le maintien de l'autonomie communale et le rôle clé du bourgmestre dans la fonction de police de base.
Les polices locales doivent continuer à étre dirigées par un commissaire exerçant ses activités sous l'autorité du bourgmestre, qui garde toutes ses compétences actuelles et qui conserve le droit de requérir la police fédérale en cas de besoin d'effectifs supplémentaires en matière d'ordre public ou d'intervention. Aucune autorité policière du niveau fédéral ne peut imposer une autorité structurellement hiérarchique à la police locale.
Lorsque la police locale est organisée sur la base d'une zone interpolice, il est institué un collège de bourgmestres dont la présidence est exercé par tour de rôle, sauf si le collège y déroge lui-même. Ce collège joue principalement un rôle de coordination.
À l'intérieur d'une zone interpolice, un service de police spécifique continue à exister pour chaque commune, lequel est e.a. compétent pour la police de quartier et assure au moins un point de contact; ce service est sous l'autorité du bourgmestre et sous le contrôle du conseil communal.
En ce qui concerne le recrutement et la nomination des policiers, le bourgmestre et le conseil communal garderaient la liberté de nommer les personnes de leur choix pour peu qu'elles aient suivi la formation et subi les procédures de sélection organisées de manière uniforme par le niveau fédéral. Ils doivent également veiller à l'application des plans locaux.
Si les bourgmestres gardent leurs prérogatives actuelles, ils seront néanmoins tenus d'appliquer les dispositions et les directives décidées par le ministre de l'Intérieur notamment sur base d'un plan fédéral approuvé par le Parlement et qui peuvent concerner certaines méthodes, certaines priorités, certains principes de management, etc. Dans ce cas, pour les missions, les prestations ou les restructurations imposées par l'État fédéral, un financement fédéral complémentaire pourrait avoir lieu.
Autorités judiciaires
Les autorités judiciaires (procureur du Roi) doivent continuer à exercer, voire renforcer leur contrôle sur les missions de police judiciaire exercées par les unités de recherche locale. Ils doivent veiller à ce niveau à l'application du plan fédéral de politique criminelle. Les unités de recherche locale travaillent sous la direction du magistrat, du parquet ou du juge d'instruction.
À ce titre, les parquets devraient être associés plus étroitement à l'organisation des polices locales pour tout ce qui concerne l'exercice des missions de police judiciaire.
S'il s'agit d'une police établie sur la base de la commune, l'organe démocratique de contrôle est le conseil communal, et s'il s'agit d'une Z.I.P., l'organe démocratique de contrôle doit être un conseil des conseillers communaux, composé d'une délégation de chacun des conseils communaux concernés. La loi communale devra renforcer leurs prérogatives.
Les policiers locaux seraient formés désormais d'une manière totalement identique aux autres policiers et certains d'entre eux pourraient être spécialisés selon les mêmes exigences. Ils auraient un statut unique leur permettant d'exercer leur carrière pour une période déterminée dans l'une des deux autres polices de seconde ligne avant de revenir, le cas échéant, dans une police locale.
2. La police additionnelle au niveau fédéral
Au niveau fédéral, l'existence d'une composante de police additionnelle s'impose. Elle devrait être composée de services spécialisés et d'un service commun d'appui accessible à tous les services de police (polices locales et fédérales).
Étant donné les problèmes qui se sont posés dans le passé en matière de coordination, de détermination de la politique à suivre et de l'information, il faut éviter, dans une nouvelle structure policière, de laisser subsister plusieurs services de police totalement autonomes.
Le débat sur les concurrences et les doubles emplois devient alors superflu.
Il est évident qu'il existe une nécessité de coordination et de partenariat très étroits entre la police locale et les polices fédérales. L'échange d'informations et la coordination entre les deux niveaux doivent être bien structurés par des mesures organisationnelles et individuelles. Ceci est de toute manière plus aisé au sein d'une structure qu'entre deux ou trois corps (voir le chapitre 3. Une police intégrée).
La commission a entrevu une solution possible, qui rencontre les propositions de la Commission « Dutroux », lesquelles préconisent la création d'une structure de police intégrée.
2.1. La structure : une police additionnelle composée de trois directions
A. Il est proposé que la police additionnelle se compose de trois directions relativement autonomes au sein de la même structure :
une direction pour le service de police criminelle fédérale;
une direction pour le service de police administrative fédérale;
une direction pour un service d'appui commun.
La volonté d'assurer l'existence au sein de cette police additionnelle de trois directions relativement autonomes s'explique par les raisons suivantes :
1. Une organisation policière démocratique et efficace qui respecte la spécificité respective des missions de police judiciaire et de police administrative et des tutelles respectives à leur égard (voir principe nº 10) exige des structures de direction relativement autonomes au niveau de la police de seconde ligne selon la spécialisation de leur mission. L'exercice effectif du contrôle des autorités judiciaires sur les missions de police judiciaire spécialisée est peu compatible avec l'existence d'une direction unique qui régit de manière verticale l'ensemble des services de police. Cela risque de créer des conflits d'autorité entre les autorités fonctionnelles et hiérarchiques, ce qui est à bannir pour le futur.
En raison de l'existence d'une double responsabilité ministérielle et de la spécificité d'autorités fonctionnelles différentes sur la police, il est indispensable d'avoir une structure qui permette l'exercice effectif de cette responsabilité et de ce contrôle directement sur chaque direction respective.
Aussi faut-il structurer les directions pour identifier clairement la sphère de compétences des ministres et des autorités compétentes. Une absence de clarté en la matière risque d'aboutir dans les faits à un certain effacement de la tutelle des autorités judiciaires sur ceux qui exercent des missions de police judiciaire spécialisée, au profit d'une logique plus administrative et sécuritaire, ce qui ne correspond en rien à la nécessité d'un renforcement du contrôle réel des autorités judiciaires tel que le souhaite la Commission Dutroux.
2. Par ailleurs, des structures de direction différentes permettront de créer un partenariat étroit entre la direction du service de police judiciaire et les autorités judiciaires. Ce partenariat est indispensable si l'on veut arriver à une implication efficace des autorités judiciaires dans la direction de la police criminelle spécialisée, voire au détachement d'un magistrat au sein de cette direction, ce qui éviterait les conflits entre autorités fonctionnelles et hiérarchiques et permettrait un arbitrage constant entre les impératifs de gestion interne et les demandes des autorités judiciaires.
3. Le respect de l'autonomie et du contrôle judiciaire et la logique de répartition des missions spécialisées entre une police d'intervention et une police de recherche exigent par contre certes une interaction mais en tout cas une certaine autonomie de direction d'une structure de police criminelle fédérale. En effet, au niveau de la spécialisation des tâches, soit de la police administrative (interventions d'envergure, ...), soit de la police judiciaire (recherche en matière de criminalité organisée), il existe peu de similitude. En outre, les philosophies d'action, à ce stade, sont totalement différentes. Il s'agit notamment, d'un côté, d'utiliser la force pour maintenir l'ordre et faire appliquer la loi dans des cas déterminés; de l'autre, de rechercher des infractions très spécialisées selon des garanties juridiques précises. Il serait dès lors peu heureux de confondre ces différences, même s'il existe certes des synergies claires entre les missions qui pourront être concrétisées dans les services communs ou lors des réunions de collaboration.
4. Par ailleurs, avec des directions distinctes, chaque fraction est moins complexe et plus facile à diriger.
5. Enfin, pour éviter une trop forte concentration des pouvoirs, il est souhaitable en la matière d'avoir des directions relativement autonomes.
B. Bien que les directions de ces deux services de police doivent être assez autonomes, il sera indispensable qu'ils travaillent de manière intégrée. Aussi faut-il prévoir l'existence d'un coordinateur fédéral nommé par le gouvernement chapeautant, sous l'autorité du comité fédéral, la police additionnelle. La mission et l'autorité de ce coordinateur visent à contrôler et à assurer la coordination et la collaboration d'une façon intégrée des trois directions, l'échange d'informations et, le cas échéant, l'organisation de missions conjointes.
Par ailleurs, par souci d'intégration, ces trois directions devraient être situées aux mêmes endroits. Des concertations quotidiennes devraient avoir lieu, non seulement entre les directions sous l'autorité du coordinateur, mais également au niveau des arrondissements entre les chefs de corps.
Par ailleurs, les représentants de ces trois directions devront être constamment partie prenante dans le cadre des concertations triangulaires. En ce qui concerne l'exercice de leurs missions respectives, chaque direction dépendra de son autorité hiérarchique au sein du comité fédéral. Par contre, en ce qui concerne l'obligation de coordination, chaque direction dépendra du coordinateur fédéral qui travaillera sous l'autorité du comité fédéral.
2.2. Compétence territoriale, composition, missions et direction et autorité de la police au niveau fédéral
L'on peut décrire comme suit la compétence territoriale de la police au niveau fédéral, ainsi que sa composition, ses missions et la façon dont elle est dirigée et sous quelle autorité.
Pour les missions de police judiciaire, la police au niveau fédéral est spécialisée pour la criminalité organisée et la criminalité complexe qui dépasse le niveau local.
Cette mission est organisée au niveau fédéral et déconcentrée en unités organisées dans chaque arrondissement judiciaire; les policiers sont donc facilement mobilisables.
Les missions de police administrative sont aussi organisées au niveau fédéral et déconcentrées en fonction des nécessités et notamment au niveau provincial ou au niveau des arrondissements.
1º Au niveau fédéral, le service de police criminelle devrait regrouper une partie des membres de la police judiciaire près les parquets et les B.S.R. (l'autre partie pouvant venir renforcer les effectifs des unités de recherche locale), les enquêteurs du Comité supérieur de contrôle, des membres des services locaux, pour constituer un service anti-corruption, ceux de l'O.C.E.D.E.F.O., ainsi que les agents travaillant dans les services d'appui, notamment en matière d'analyse criminelle et d'observation.
On pourrait également envisager d'adjoindre certains agents de l'administration fiscale (I.S.I. et douane).
Elle comprendra également les laboratoires techniques et scientifiques et l'Institut de criminalistique.
L'intégration du Comité supérieur de contrôle dans la police judiciaire, qui a été décidée par le gouvernement, a clairement anticipé sur cette décision. Cette décision s'inscrit d'ailleurs dans le prolongement de l'évolution de fait dans le cadre de laquelle le Comité supérieur de contrôle s'est vu de plus en plus chargé de missions judiciaires. Cela permet également que le bon groupe d'enquêteurs dont dispose le Comité supérieur de contrôle devienne un véritable service anti-corruption. Cette évolution doit être garantie par la loi.
À terme, ce service de police fédéral devrait s'alimenter par mobilité ou détachement de personnel des services de police locale et vice-versa, ce qui éviterait de l'isoler du reste du système policier avec lequel il est indispensable qu'elle conserve des contacts étroits.
2º Pour les missions administratives, le service de police administrative fédéral devrait entre autres être recrutée parmi l'actuelle réserve générale de la gendarmerie, l'escadron spécial d'intervention et les unités provinciales de circulation. Elle devrait, en outre, recevoir des membres de la police maritime, de la police aéronautique et de la police des chemins de fer.
3º La direction services d'appui devrait être composée des services d'appui actuellement existants (S.G.A.P., B.C.R.).
1º Le service de police criminelle fédérale constitue une composante additionnelle spécialisée qui doit prendre appui sur la composante de base. Elle intervient, soit à la demande des services de première ligne, soit à la demande des autorités judiciaires, sous forme d'un appui aux services de police de première ligne, lorsqu'il s'agit de la criminalité organisée ou d'une criminalité complexe qui dépasse les limites d'une commune. Elle est également chargée de la répression de la grande criminalité organisée et/ou internationale. En raison de la complexité et de l'importance de cette problématique, il est en effet indispensable de disposer d'un personnel spécialisé, susceptible d'être déployé tant en fonction des besoins géographiques que des matières à traiter. Le rapport de la Commission sur la criminalité organisée sera très clair sur ce point.
En matière de criminalité organisée, la police fédérale pourrait être organisée en services spécifiques selon chaque grand phénomène de criminalité (criminalité financière, drogue, etc.), avoir des unités de recherche stratégique, un central d'information alimenté et directement accessible à l'ensemble des autres unités de recherche.
Le service de police criminelle fédérale exercera ses missions judiciaires essentiellement à l'égard des crimes et des délits qui, par leur ampleur, leur complexité, leur organisation, leur dimension, leur caractère délicat, exigent des recherches et des enquêtes spécialisées soutenues ou prolongées. Lorsqu'une intervention est demandée, elle travaillera prioritairement en collaboration avec l'unité de recherche locale ou avec les autres services de police concernés ou désignés par les magistrats. Dans les grandes villes, des task forces permanentes par grand phénomène criminel pourraient être constitués entre la police locale et additionnelle.
La police fédérale pourra assurer les missions de police technique et scientifique (c'est-à-dire la collecte, l'identification, l'analyse des indices et des traces matérielles) au profit de tous les services de police, sous le contrôle qualitatif de l'Institut national de criminalistique et de criminologie.
Cette direction devra également, sous le contrôle d'un magistrat national et dans le cadre d'une loi claire, gérer les informateurs.
2º La direction du service de la police administrative fédérale est chargée, en ce qui concerne les missions administratives, de mener les missions du maintien de l'ordre et de la sécurité, qui requièrent des compétences, des moyens, des méthodes ou des effectifs spécifiques plus importants et d'appuyer, en matière de police administrative, sur la base des réquisitions ou des accords conclus, les polices locales.
Elle s'occupe principalement du maintien de l'ordre public et de la police de la circulation, hors agglomération.
Elle doit également reprendre les missions des polices spécialisées.
3º C'est au niveau de la police additionnelle que devrait être désormais situé et intégré comme une troisième direction un service d'appui commun aux polices spécialisées et aux polices locales, dirigé de manière autonome et contrôlé par un magistrat national. Ce service d'appui devrait comprendre :
1. Un service opérationnel commun. Celui-ci serait chargé de l'exécution opérationnelle des techniques particulières visées dans la circulaire ministérielle du 24 avril 1990. Il est impératif que cette circulaire soit traduite dans une loi. Ce service agira systématiquement sur réquisition sous la supervision d'un magistrat national. Ce service sera composé de membres de la police administrative fédérale et de membres de la police criminelle fédérale spécialisée dans la gestion de techniques comme l'observation, les arrestations délicates, l'infiltration, le pseudo-achat, l'envoi contrôlé, ... Ce groupe agira au profit de toutes les composantes.
2. Un service « centralisation de l'information et des statistiques ». Celui-ci devra intégrer toutes les informations dures en provenance de l'ensemble des services et fusionner le système d'information du B.C.R. et du S.G.A.P.
Cette section n'aura aucune vocation opérationnelle. Elle sera chargée de la centralisation de l'information et de la documentation nationale et internationale.
Ce service veillera à ce que l'information circule adéquatement entre toutes les composantes de police et veillera à recueillir toutes les informations collectées par ces mêmes composantes.
Il doit mettre au point un système informatique d'information accessible exclusivement à toutes les polices locales et fédérales, au parquet et aux juges d'instruction et alimenté constamment par ceux-ci.
Cette section sera en outre chargée d'harmoniser les différents outils informatiques existants (P.O.L.I.S., A.S.T.R.I.D., P.I.P., ...) ainsi que les outils permettant la communication entre les différents corps.
Elle sera également chargée de collecter les différentes données et statistiques policières utiles à l'élaboration d'une politique criminelle et de prévention.
3. Un service « coopération internationale ». Cette section aurait les mêmes missions que le service C.P.I. du S.G.A.P., c'est-à-dire :
1) Constituer un point de contact pour tous les correspondants étrangers;
2) Organiser la représentation à l'étranger de toutes les composantes;
3) Informer les différentes composantes des accords conclus et des renseignements qui les intéressent;
4) Participer à la préparation des accords relatifs à la coopération policière;
5) Veiller à ce que les points de contact ou de coordination existants ou encore à créer en exécution d'accords internationaux de coopération policière assurent leur fonction au bénéfice de toutes les composantes;
6) Coordonner les activités des services chargés de relations avec :
Interpol (B.C.N.);
L'organe central chargé de la coopération policière internationale visé à l'article 39, § 3, de la Convention de Schengen;
La partie nationale du système d'information Schengen (N.S.I.S.);
L'autorité centrale d'Europol;
Le service chargé de la gestion et des relations avec les officiers de liaison belges à l'étranger.
Chacune des trois directions de la police additionnelle doit se trouver sous l'autorité d'un staff de direction dirigé par un directeur général.
1º La direction du service de police criminelle fédérale doit être sous l'autorité du Collège des procureurs généraux. Le Collège des procureurs généraux désigne, en son sein, la personne chargée, avec un représentant du ministre de la Justice, d'exercer au quotidien le contrôle de cette structure et de s'assurer du respect des directives et du plan de politique criminelle du ministre de la Justice, et qui, à ce titre, siègent au sein du Comité fédéral des polices.
Le service de police criminelle fédérale doit en outre être dirigé d'une manière solide, structurée et professionnelle. Le cadre organique doit être national et faciliter la mobilité du personnel.
Un représentant du parquet pourrait être détaché par le ministre de la Justice pour faire partie de la direction du service de la police fédérale, ce qui renforce les liens et le partenariat avec les autorités judiciaires.
Dans chaque arrondissement, chaque brigade sera placée sous la direction opérationnelle et fonctionnelle d'un commissaire.
La direction juridique restera attribuée au procureur du Roi qui pourra également détacher un magistrat pour faire participer au management de la brigade d'arrondissement.
2º Pour les missions administratives, la police ou la structure fédérale administrative fédérale est sous l'autorité du ministre de l'Intérieur qui désigne une personne qu'il délègue au sein du Comité fédéral des polices pour exercer son contrôle sur la direction fédérale.
3º Le service d'appui commun devra être dirigé par un directeur général sous l'autorité d'un magistrat national.
4º Les trois directeurs généraux se trouveront sous l'autorité du coordinateur fédéral pour tout ce qui concerne la coordination entre les trois directions, ainsi que la collaboration de façon intégrée des trois services de police.
Par contre, en ce qui concerne l'exercice de leurs missions exclusives :
la direction de la police administrative se trouvera sous l'autorité du représentant du ministre de l'Intérieur, siégeant dans le Comité fédéral des polices;
la direction de la police criminelle se trouvera sous l'autorité d'un représentant du ministre de la Justice et du procureur général, siégeant dans le Comité fédéral;
la direction du service d'appui se trouvera sous l'autorité du magistrat national, siégeant dans le Comité fédéral.
2.3. Rapports entre la police locale et la police additionnelle
Le partenariat entre la police additionnelle et la police locale est fondamental. Aussi faudra-t-il tout d'abord prévoir une loi qui impose et organise l'échange d'informations constant et mutuel entre la police locale et la police de deuxième ligne grâce à un système central d'information situé au sein du service d'appui au niveau de la police additionnelle (voir principe nº 14). Par ailleurs, des tasks forces permanentes ou ponctuelles pourraient être créées entre la police locale et fédérale. Enfin, les concertations permanentes doivent avoir lieu selon les modalités prévues au principe nº 17.
2.4. Un Comité fédéral des polices
Pour répondre au besoin de coopération et d'intégration, il est indispensable de créer une instance de coordination au niveau fédéral, dépendante des deux ministres de tutelle, que l'on pourrait appeler le Comité fédéral des polices. Ce comité serait chargé de faire exécuter de manière globale, structurée, la politique définie par les ministres (plan de politique criminelle, plan de sécurité) mais également de surveiller la coordination générale, de l'action policière, d'assurer l'autorité sur les trois directions et le coordinateur fédéral et d'assurer la gestion administrative d'un certain nombre de services communs liés au concept de police intégrée.
Ce comité travaillera en étroite collaboration avec, d'une part, le Collège des procureurs généraux et le service pour la politique criminelle et, d'autre part, le S.P.P. et la P.G.R.
Le collège de direction serait présidé par une personne désignée par le Conseil des ministres et serait composé :
d'un représentant du ministre de l'Intérieur, qui serait chargé à la fois de faire exécuter les directives fédérales et le plan fédéral en matière de prévention, sécurité et police administrative ainsi que du contrôle sur la police fédérale administrative;
d'un membre du collège des procureurs généraux et d'un représentant du ministre de la Justice, tous deux chargés spécifiquement de s'occuper de la problématique policière et de faire exécuter les directives fédérales et le plan fédéral en matière de politique criminelle et de police judiciaire, ainsi que du contrôle sur la police fédérale criminelle;
d'un représentant des polices locales;
de deux bourgmestres;
du coordinateur fédéral;
d'un magistrat national.
Ce comité fédéral serait chargé des missions suivantes :
la coordination de l'exécution uniforme des politiques déterminées par chaque ministre mais dont la direction et le suivi de l'exécution relèvent exclusivement de l'autorité de leurs représentants spécifiques qui dirigent respectivement la direction « police administrative » et la direction « police judiciaire » et qui veillent à l'exécution des directives et plans fédéraux.
les arbitrages en cas de conflits entre polices ou entre polices et autorités fonctionnelles;
l'organisation de services non opérationnels communs à l'ensemble des services de police (service d'inspection unique, service de la formation et du recrutement, conseil disciplinaire, etc.);
l'autorité sur les trois directions et le coordinateur fédéral;
l'exécution de la réforme des services de police.
1. La section « police administrative » et la section « police judiciaire »
Elles seraient compétentes pour l'exécution des stratégies par le biais des directives contraignantes dans le cadre de la mise en application des décisions émanant des autorités compétentes respectives (ministres, collège des procureurs généraux). Ces sections devraient établir annuellement un rapport d'évaluation en ce qui concerne la stricte application de ses directives contraignantes.
Ce rapport d'évaluation sera adressé aux ministres de tutelle et au collège des procureurs généraux.
La section « police administrative » est sous l'autorité du représentant du ministre de l'Intérieur, la section « police judiciaire » est sous l'autorité du représentant du ministre de la Justice et du procureur général désignés au comité fédéral. Les directives sont applicables à l'ensemble des polices.
2. Section formation et recrutement
a) Formation
Cette section sera chargée d'harmoniser les différentes formations en vue d'arriver à une formation commune et d'établir des programmes de formation par niveau.
Elle assurera la coordination, sera chargée de dispenser ces différents programmes de formation, elle devra être décentralisée par province. Des programmes spécifiques (pour les polices spécialisées) devront être dispensés ainsi que des formations particulières à l'attention des magistrats.
Dans le cadre de la formation, une unification s'impose. La situation actuelle crée une dispersion des moyens préjudiciable à la mise en place d'un enseignement de qualité. À cet égard, il existe, aujourd'hui, pas moins de cinq écoles qui forment les futurs officiers de la police communale et huit écoles qui forment les agents de police, une école pour la police judiciaire près les parquets et une école de la gendarmerie.
Ces différents centres devraient être regroupés.
C'est pourquoi il est indispensable d'établir une formation de base commune obligatoire pour tous les fonctionnaires de police et dispensée par des écoles de police. Celles-ci seront chargées de mettre en oeuvre les programmes établis au niveau du Comité fédéral des polices (section formation et recrutement). La formation de base sera commune. En effet, il n'est plus à démontrer l'urgence de programmes communs à l'ensemble des composantes de la police : ceux-ci profiteront sans nul doute à la réalisation d'une même culture policière.
b) Recrutement
Une procédure de recrutement uniformisée sera également organisée : tous les futurs fonctionnaires de police devront réussir un examen identique pour accéder à une réserve de recrutement. Une fois qu'un besoin se fera sentir au niveau d'une composante, celle-ci pourra aller choisir le candidat qui répond le mieux à ses attentes dans cette réserve. De cette manière, la procédure de sélection est objective puisque chaque candidat aura dû passer un examen de même niveau que son collègue. Incontestablement, les disparités dans le recrutement seront ainsi évitées.
Il est créé, au niveau du comité fédéral, un comité de discipline composé de représentants des différentes composantes de police, ainsi que de magistrats. Il est présidé par un membre du pouvoir judiciaire.
Ce collège sera chargé d'appliquer un statut disciplinaire unique et pourra être saisi par toute autorité fonctionnelle ou hiérarchique en cas de manquements importants, et par le Comité P, le cas échéant.
Il sera nécessaire d'avoir, au sein du comité fédéral, un service budgétaire qui planifie, sous l'autorité finale des deux ministres, les moyens (logistique, personne) à affecter aux différentes directions de police additionnelle et, le cas échéant, en cas de missions fédérales aux polices locales.
5. Un service d'inspection unique
Ce service, dirigé par un inspecteur général, devra inspecter systématiquement l'ensemble des polices locales et des services de police additionnelle selon les critères et les modalités prévues au principe nº 3.
Ce comité fédéral serait placé sous la tutelle des ministres de la Justice et de l'Intérieur, chacun pour les matières qui relèvent de leur compétence.
Enfin, le comité fédéral jouera un rôle clé dans l'exécution des propositions de restructuration.
Ainsi, sa mission primordiale consiste en l'accompagnement et le suivi de la réforme du système policier.
Il sera responsable de l'harmonisation de la législation et de la réglementation existantes, de l'assistance et de l'information des différents services lors de la réconversion progressive.
En dernier lieu, il est chargé du suivi des modifications réalisées.
Compte tenu de l'ampleur de la réforme, il faudrait pendant la période de transition tenir compte au maximum des intérêts des agents actuels au sein des corps de police.
Le présent rapport a été approuvé par 9 voix et 2 abstentions.
Les rapporteurs, | La présidente, |
Ludwig CALUWÉ, | Joëlle MILQUET. |
Jean-Marie HAPPART.
Schéma général de l'organisation proposée des services de police
(1) Doc. Chambre, 1062/1-96/97.
(2) Ce texte est constitué d'extraits de la note préparée par les professeurs De Valkeneer et Van Outrive à la demande de la commission « Analyse des défaillances du système policier et propositions concrètes concernant la restructuration des services de police » (annexe 4). La même problématique est traitée dans l'exposé de P. Pyl, vice-président du Comité permanent de contrôle des services de police (voir IIe Partie).
(3) Cette partie est basée sur les publications suivantes :
L. Van Outrive, Y. Cartuyvels, P. Ponsaers, Sire, ik ben ongerust Geschiedenis van de Belgische politie 1794-1991
, Leuven, Uitgeverij Kritak, 1992.
(L. Van Outrive, Y. Cartuyvels, P. Ponsaers, Les Polices en Belgique Histoire socio-politique du système policier de 1794 à nos jours
, Bruxelles, Éditions Vie Ouvrière, 1991.)
V. Pasmans, S. Stuyts, Coördinatie tussen politiediensten,
Brussel, Uitgeverij Politeia v.z.w., 1996.
C. Fijnaut, Een kleine geschiedenis van de huidige organisatie van het Belgische politiewezen
, Arnhem, Gouda Quint b.v., Antwerpen, Kluwer Rechtswetenschappen, 1995.
(4) E. Huyttens, Discussions du Congrès National de Belgique, 1830-1831, Bruxelles, 1844, T.III, pp. 13-14.
(5) Cabinet du ministre de la Défense nationale, Réorganisation de la gendarmerie, Bruxelles, 1945.
(6) Donnée fournie par le commandement de la gendarmerie.
(7) V. Pasmans, S. Stuyts, op cit., p. 49-51.
C. Fijnaut, op cit., p. 87. L'auteur parle avec prudence de démilitarisation « externe ».
(8) P. Van Iseghem, Révision du Code d'instruction criminelle , Bruxelles, 1887, pp. 5-17.
(9) L. Malliet, « De veldwachter, die onbekende een historische studie over de wetgeving op de landelijke politie van de provincie Brabant in de periode 1791-1969 », Licentiaatsverhandeling Criminologie, KULeuven, 1980, pp. 33-85.
(10) M.S. Dupont-Bouchat, « La police à Saint-Gilles au XIX e siècle », dans Cahiers Bruxellois, T. XXVIII, 1987, pp. 67-78.
(11) A. Macar, « Les institutions communales », dans Les Novelles, corpus juris Belgici, Lois politiques et administratives, T 1, Bruxelles, 1933, p. 494.
(12) L. Keunings, « Geheime politie en politieke politie in België (1830-1914) », dans Panopticon, jg. 9, nº 2, mars-avril 1988, pp. 128-157. L. Keunings, De geschiedenis van het Brusselse politiekorps (van 1831 tot 1914), dans Driemaandelijks Tijdschrift van het Gemeentekrediet van België, juillet 1983, nº 145, pp. 153 et suivantes.
(13) Commission parlementaire sur la police rurale, Bruxelles, 1904, pp. 15-29 et 154-184.
(14) L. Van Outrive, De Gemeentepolitie, een evaluatief onderzoek in de provincie Limburg, Antwerpen, Kluwer, 1985, pp. 17-20.
(15) L. Tobback, Herwaardering van de gemeentepolitie. Voorstellen en initiatieven van de minister van Binnenlandse Zaken, Brugge, Politeia vzw, 1991.
(16) T. Vanden Broeck, C. Eliaerts, Community Policing, Brussel, Uitgeverij Politeia vzw, p. 64.
(17) C. Fijnaut, op. cit., pp. 88-90.
(18) Voir « De Politieofficier L'officier de police » de 1997, nº 1, p. 7.
(19) F. Van Kalken, Commotions populaires en Belgique (1834-1902), Bruxelles, 1936, p. 42.
(20) L. Van Outrive, De doorlichting doorgelicht , dans Panopticon, 10e année, nºs 3 et 4, mai/juin et juillet/août 1989, pp. 238-251 et 321-331.
(21) C. Fijnaut, op. cit., pp. 99-100.