5-1974/1 | 5-1974/1 |
20 FÉVRIER 2013
La présente proposition de résolution reprend le texte d'une proposition qui a déjà été déposée au Sénat le 26 octobre 2007 (doc. Sénat, nº 4-329/1 - 2007/2008).
Au cours de la législature 1995-1999, la commission d'enquête parlementaire instituée dans le but d'élaborer une politique en vue de lutter contre les pratiques illégales des sectes et le danger qu'elles représentent pour la société et pour les personnes, particulièrement les mineurs d'áge, a consacré un examen approfondi au phénomène des « sectes », à leur fonctionnement, aux différentes méthodes de recrutement et aux pratiques utilisées par les organisations sectaires.
Les dangers que les activités des sectes représentent pour la société en général et pour les mineurs en particulier, et les abus déjà constatés ont eux aussi été largement évoqués dans le rapport de la commission d'enquête parlementaire du 28 avril 1997.
La législation actuelle présente des lacunes que les sectes tentent d'exploiter. Le rapport de la commission d'enquête parlementaire a ainsi démontré que les sectes utilisent souvent des méthodes de recrutement trompeuses ou abusives.
De nombreuses organisations ne dévoilent pas, du moins dans un premier stade, leurs véritables objectifs. Ainsi, les groupes qui visent l'exploitation financière ne dévoileront pas leurs véritables intentions. D'autres mouvements recrutent de nouveaux membres en recourant à des « organisations-écrans » (des organisations qui ne portent pas le nom du mouvement, mais qui opèrent sur ses ordres). En effet, celles-ci organisent souvent des activités annexes qui, à première vue, n'ont rien à voir avec leur objectif final.
Des questionnaires de personnalité, des conférences culturelles, des cours de yoga ou d'arts martiaux, des formations professionnelles, etc., sont des exemples de ce type d'activités. Le nouveau rapport parlementaire « Suivi des recommandations de la commission d'enquête parlementaire « sectes » (1) » du 23 mars 2006 (doc. Chambre, nº 51-2357/001) fait également état de cette technique consistant à agir discrètement et sous une couverture quelconque.
Ces activités se déroulent généralement en des endroits renommés ou prestigieux, comme de grands hôtels, des locaux universitaires, des lieux de culte reconnus, etc. De cette manière, ces activités acquièrent aux yeux du public une certaine respectabilité, voire une légitimité.
Ce n'est qu'assez longtemps après avoir pris connaissance des « activités annexes » de l'organisation que l'adepte est confronté au véritable profil du mouvement. Les organisations sectaires utilisent donc un éventail d'écrans qui facilitent les conversions: masques religieux, culturel, écologique, médical, scientifique, etc.
L'une des méthodes de recrutement trompeuses ou abusives utilisées par les sectes consiste également à infiltrer des entreprises en y donnant des cours et formations, qui n'ont souvent aucun lien avec les activités principales de l'entreprise visitée, mais qui représentent seulement une manière de fournir aux travailleurs de l'entreprise des informations sur la secte.
Les travailleurs des entreprises en question sont souvent assez impuissants face à ces situations parce que la visite de l'entreprise par la secte a été autorisée par les dirigeants de l'entreprise, qui sont ou non déjà convaincus ou convertis. Comme les travailleurs dépendent de leur entreprise, qui représente leur gagne-pain quotidien, ils sont de facto obligés de se laisser approcher par des organisations douteuses.
Ce problème de la dépendance est également évoqué dans le rapport parlementaire « Suivi des recommandations de la commission d'enquête parlementaire « sectes » » du 23 mars 2006. À la page 9 de ce rapport parlementaire, il est souligné que dispenser une formation aux employés d'une société peut s'avérer une manière particulièrement efficace de recruter de nouveaux adeptes. Le formateur peut en effet se prévaloir d'être reconnu par la direction de l'entreprise.
Ce nouveau modus operandi de certaines sectes a également été constaté en France.
Le quatrième rapport annuel (2) de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) (3) , qui est placée sous l'autorité du premier ministre français, pointe un changement de stratégie des groupes sectaires, soucieux d'avancer dans l'ombre sans signe extérieur de prosélytisme.
L'auteur cite le passage suivant de la synthèse du rapport:
« Le rapport souligne l'inquiétante présence des groupes qui attirent les foules aux moyens de stages de développement personnel, ou d'ateliers de formation professionnelle. Le contexte est porteur car les métiers évoluent et les individus recherchent une optimisation de leurs capacités. On assiste à l'émergence de métiers non reconnus, obtenus au terme de « stages de reconstruction personnelle. » (4) . »
Les sectes essaient aussi, parfois avec succès, d'infiltrer l'administration sous le couvert de cours et de formations.
Une question parlementaire et un courrier adressés à la présidente du Vlaams Parlement ont permis d'établir que les services du Parlement flamand ont déjà été victimes de telles manœuvres d'infiltration.
IDEAS est une société coopérative qui affirme travailler selon les préceptes de L.R. Hubbard, pilier de l'église de Scientologie. Le lien avec cette dernière est mentionné clairement sur le site web de la société qui précise qu'IDEAS travaille sous licence de M. Hubbard. IDEAS dit avoir pour mission d'aider les organisations publiques et privées en leur proposant des solutions pour l'organisation, le personnel, le marketing, les finances, la gestion de la qualité, les technologies de l'information et les relations publiques.
Elle affirme que ces solutions sont basées sur son expérience pratique et sur des moyens efficaces tels que des formations, de la consultance et de la gestion de projets. Sur son site web (www.ideas-reality.com), IDEAS affirmait jusqu'il y a peu disposer de références dans le secteur public et mentionnait notamment les SPF Affaires sociales, Intérieur et Défense ainsi que le Vlaams Parlement.
Interpellée à ce sujet par la députée flamande Margriet Hermans, la présidente du Vlaams Parlement a reconnu qu'IDEAS avait effectivement essayé d'infiltrer l'administration.
« Pour les formations à l'utilisation des suites bureautiques courantes, le Vlaams Parlement fait appel aux services de formation du fournisseur HP, qui engage à son tour des formateurs. Or, il s'est avéré qu'un des formateurs engagés n'était autre que le managing partner d'IDEAS, qui a donné des cours d'informatique, les deux derniers remontant au début de l'année 2005. Les services du Vlaams Parlement ont prié IDEAS de retirer le nom de leur institution des références figurant sur le site web », explique Margriet Hermans.
« Mon collaborateur a suivi un cours donné par le managing partner d'IDEAS, qui est membre actif de l'Église de Scientologie », témoigne la députée Margriet Hermans. « Le cours même était irréprochable, mais les explications constantes sur la scientologie qu'il contenait étaient exagérées. »
La présidente du Vlaams Parlement, Mme Vanderpoorten, a indiqué qu'elle trouvait la firme trop douteuse pour lui confier encore d'autres táches pour le compte du Parlement flamand.
Interrogé au Sénat par le sénateur Luc Willems (question orale nº 3-1385), le ministre de l'Intérieur Patrik Dewael a déclaré au nom du gouvernement qu'IDEAS n'était pas fondée à invoquer l'administration fédérale comme référence (5) . Ces références devaient être retirées.
C'est pourquoi l'auteur de la présente proposition de résolution veut demander au gouvernement de donner aux travailleurs la possibilité de refuser de suivre des cours et formations, lorsque ceux-ci sont donnés par des organisations sectaires et ne présentent aucun lien évident avec leurs táches quotidiennes.
| Jean-Jacques DE GUCHT. | |
| Nele LIJNEN. |
Le Sénat,
A. Considérant que la législation actuelle présente encore des lacunes que les sectes tentent d'exploiter;
B. Sachant que le rapport de la commission d'enquête parlementaire révèle que les sectes utilisent souvent des méthodes de recrutement trompeuses ou abusives. Ainsi, les sectes qui visent l'exploitation financière ne dévoilent pas leurs véritables intentions et organisent des activités annexes qui, à première vue, n'ont rien à voir avec leur objectif final;
C. Compte tenu du fait que les sectes tentent aussi d'infiltrer l'administration en y donnant des cours et formations qui n'ont aucun lien avec les activités principales de l'entreprise visitée;
D. Compte tenu qu'en France, le dernier rapport de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires relève également ce changement de stratégie des groupes sectaires;
E. Considérant que les travailleurs des entreprises visitées sont pratiquement impuissants face à ces situations. En effet, la visite de l'entreprise a été autorisée par les dirigeants de l'entreprise, qui sont ou non déjà convaincus, et les travailleurs dépendent de leur entreprise, qui représente leur gagne-pain quotidien. Ils sont donc obligés de facto de se laisser approcher par des organisations douteuses,
Demande au gouvernement:
1. de donner aux travailleurs la possibilité de refuser de suivre des cours et formations sur le lieu de travail, lorsque ceux-ci sont donnés par des entreprises ayant des liens avec des organisations sectaires;
2. d'améliorer la protection légale de la neutralité philosophique, religieuse et idéologique du lieu de travail, afin d'empêcher les tentatives d'infiltration et de recrutement par des organisations sectaires dans les entreprises.
20 juillet 2010.
| Jean-Jacques DE GUCHT. | |
| Nele LIJNEN. |
(1) http://www.iacsso.be/51K2357001.pdf.
(2) http://www.miviludes.gouv.fr/rubrique.php3 ?id_rubrique=117.
(3) http://www.miviludes.gouv.fr/.
(4) « Lobbying et « thérapeutes » tendent à prendre la place des traditionnels gourous », Metrofrance.com, 25 janvier 2007.
(5) http://www.senaat.be/www/?MIval=/publications/viewSTBlok&COLL=H&DATUM=02/01/2007&DOSID=50347543&MINID=250&LEG=3&NR=202&VTYPE=mvid&LANG=nl.