5-1670/4

5-1670/4

Sénat de Belgique

SESSION DE 2011-2012

19 JUIN 2012


Projet de loi-programme


Procédure d'évocation


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES PAR

MME THIBAUT


I. INTRODUCTION

Le projet de loi qui fait l'objet du présent rapport relève de la procédure bicamérale facultative et a été déposé initialement à la Chambre des représentants par le gouvernement (doc. Chambre, nº 53-2198/001). Il a été adopté par la Chambre des représentants le 14 juin 2012, par 78 voix contre 49. Il a été transmis au Sénat le 15 juin 2012 et évoqué le même jour.

En application de l'article 27, 1, alinéa 2, du règlement du Sénat, la commission des Affaires sociales, qui a été saisie des articles 6 à 39 et 105 à 129, a entamé la discussion de ce projet de loi avant le vote final à la Chambre des représentants.

La commission des Affaires sociales a examiné le projet de loi en question lors de ses réunions des 12 et 19 juin 2012 en présence de M. Vincent Van Quickenborne, vice-premier ministre et ministre des Pensions, Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de Beliris et des Institutions culturelles fédérales, Mme Sabine Laruelle, ministre des Classes moyennes, des PME, des Indépendants et de l'Agriculture, et Mme Monica De Coninck, ministre de l'Emploi.

II. EXPOSÉS INTRODUCTIFS

1. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE LA MINISTRE DES CLASSES MOYENNES, DES PME, DES INDÉPENDANTS ET DE L'AGRICULTURE

Mme Sabine Laruelle, ministre des Classes moyennes, des PME, des Indépendants et de l'Agriculture, indique que les dispositions de titre 5, « Meilleur recouvrement des cotisations sociales », visent à élargir les possibilités de perception dont disposent les organismes percepteurs des cotisations sociales de travailleurs indépendants.

Dans le chef de l'auteur d'un acte ou d'un certificat d'hérédité, une obligation d'information (avis) est introduite. Cette obligation d'information est inspirée de celle qu'a le notaire en cas d'aliénation d'un bien immobilier.

Le mécanisme à introduire consiste à ce que les personnes sollicitées pour dresser un acte ou un certificat d'hérédité, doivent en aviser les organismes percepteurs des cotisations sociales. À partir de ce moment-là, ces derniers disposent d'un délai de 12 jours pour indiquer s'il y a des dettes en matière de cotisations sociales dans le chef du défunt ou de ses ayants droit.

De cette manière, il est évité qu'à l'avenir, des valeurs soient libérées au profit de l'ayant droit d'un défunt avant qu'il soit déterminé si le défunt et/ou l'ayant droit a encore ou non des dettes de cotisations exigibles. Ce dernier élément doit ressortir de l'acte ou du certificat d'hérédité.

Ces dispositions vont de pair avec des dispositions similaires en matière de dettes fiscales — qui se trouvent dans les articles 154 au 164 de la loi programma du 29 mars 2012 (Titre 9 Finances, Chapitre 2: Mesures pour une meilleure perception) — et en matière de dettes de cotisations dans le régime des travailleurs salariés qui fait objet du même projet de loi programme.

Le Titre 6, chapitre premier concerne l'instauration d'une cotisation spéciale de sécurité sociale pour les pensions complémentaires. Dans l'accord gouvernemental, la règle des 80 % concernant la déductibilité fiscale des cotisations patronales pour les pensions complémentaires est liée à la pension la plus haute du secteur public. Les cotisations patronales pour les pensions complémentaires ne seraient déductibles fiscalement qu'à la condition et dans la mesure où, d'une part, la somme de la pension légale et de la pension complémentaire n'excède pas 80 % du dernier salaire brut et, d'autre part, la somme de la pension légale et de la pension complémentaire ne soit pas supérieure à la pension la plus élevée du secteur public.

Lors de la concertation sociale menée au sujet de l'exécution de la réforme des pensions, il a été convenu de remplacer la mesure fiscale par une mesure parafiscale. On instaure une cotisation spéciale de sécurité sociale en cas de tel dépassement. Pour les travailleurs, cette cotisation bénéficiera à la Gestion globale de l'ONSS et pour les indépendants, à la Gestion globale du statut social des travailleurs indépendants.

Le chapitre 1er du titre 6 du projet de loi-programme contient des dispositions légales qui instaurent la cotisation spéciale de sécurité sociale pour les pensions complémentaires. À cet égard, un système transitoire et un système définitif sont prévus, en date du 1er janvier 2016.

Concrètement, pour le régime des travailleurs indépendants, la cotisation spéciale ne concerne que les « dirigeants d'entreprise » puisque cette cotisation n'est due que sur les primes du 2e pilier versée par une société au profit de travailleurs indépendants.

Dans le système transitoire, la cotisation est due si une société verse des primes du 2e pilier au profit d'un de ses dirigeants indépendants, dont le montant dépasse 30 000 euros sur base annuelle. La cotisation s'élève alors à 1,5 % de la partie qui dépasse 30 000 euros.

Dans le système définitif (en principe à partir de 2016), SIGEDIS sera en mesure de déterminer au 1er janvier de chaque année si, pour un dirigeant d'entreprise, l'objectif de pension est ou non dépassé compte tenu notamment des réserves déjà constituées. En cas de dépassement, la cotisation spéciale de 1,5 % sera due sur les primes du 2e pilier que la société verse au profit de ce dirigeant.

2. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE LA VICE-PREMIÈRE MINISTRE ET MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES ET DE LA SANTÉ PUBLIQUE, CHARGÉE DE BELIRIS ET DES INSTITUTIONS CULTURELLES FÉDÉRALES

A. Titre 6 — Affaires sociales

I. Chapitre 1er

Le gouvernement estime qu'il est légitime de réserver un traitement privilégié aux versements effectués afin de constituer un second pilier de pension pour les travailleurs. Toutefois ce traitement peut et doit être modulé en fonction de l'importance de ce 2e pilier afin de s'assurer que l'on reste bien dans le cadre de l'objet prévu — la constitution d'un complément de pension — et d'éviter ainsi que le 2e pilier ne devienne en fait un moyen détourné d'éviter le paiement des cotisations dues sur la rémunération normale.

Dans ce cadre, le gouvernement a prévu la mise en place d'une cotisation patronale de 1,5 % sur la partie du versement au 2e pilier qui entraîne le dépassement de la pension publique maximale telle qu'elle est définie à l'article 39, alinéa 2, de la loi du 5 août 1978 (plafond Wijninckx) soit actuellement un montant de 6 160,86 euros/mois.

L'article 24 met en place une solution temporaire dans laquelle on prévoit une cotisation supplémentaire sur la partie des primes qui dépassent 30 000 euros/an en faisant l'hypothèse que cela correspond en moyenne au niveau pour atteindre le plafond visé.

La cotisation sera assimilée aux autres cotisations sociales, y compris en termes de déclaration, et son produit sera versé à la gestion globale des travailleurs salariés.

L'article 25 établi que cette modalité reste en vigueur jusqu'à la mise en place du système définitif.

L'article 26 définit les modalités du système définitif. On prévoit de prélever la cotisation de 1,5 % sur les primes d'une année donnée si le stock de capital accumulé dans le 2e pilier du travailleur au début de l'année en question est telle la somme des droits déjà acquis dans le 1er pilier et de la rente que générerait ce capital accumulé dans le 2e pilier était supérieur à un certain pourcentage de la pension publique maximale. Ce pourcentage correspond à la proportion de la carrière effectuée par le travailleur.

L'article 26 définit aussi les différents schémas que l'on va utiliser: les modalités de calcul simplifiée pour les droits acquis au niveau du 1er piler (50 % du salaire plafonné, actuellement environ 44 000 euros), les modalités de conversion du capital en rente sur base des paramètres de la FSMA, la pension publique maximale de référence (plafonds Wijninckx) et la durée de carrière de référence (45 ans).

L'article 27 prévoit que le système définitif entre en vigueur au plus tard le 1er janvier 2016 mais que le Roi peut anticiper cette date si les conditions techniques le permettent.

II. Chapitre 2

Dans le but d'assurer un meilleur recouvrement des cotisations sociales, un article 41sexies est inséré dans la loi du 27 juin 1969 révisant l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs.

Cet article prévoit une procédure obligatoire d'information de l'ONSS, à charge du notaire chargé de la liquidation d'une succession, avant qu'il soit procédé à la restitution, au paiement ou au transfert aux ayants droit du défunt, des avoirs détenus ou dus.

Ce nouveau système présente l'avantage de pouvoir être mis en œuvre plus rapidement parce qu'il repose sur une application existante aisément adaptable, y compris par le notariat (on parle « d'extension de la 4e voie » car la 4e voie est un outil existant à l'ONSS et connu des notaires qui leur impose par exemple déjà une obligation (ainsi qu'aux huissiers) d'interroger l'ONSS en cas de ventes de biens).

Un système identique est instauré dans la section de la loi-programme relative aux travailleurs indépendants de sorte que les notaires auront une obligation du même ordre à l'égard de l'INASTI.

Ces deux procédures d'information sont, enfin, calquées sur une procédure similaire qui vient d'être mise en place, au niveau fiscal, par la loi-programme adoptée le 29 mars dernier.

La cohérence est donc garantie entre tous ces textes qui entreront d'ailleurs en vigueur à la même date, soit le 1er juillet prochain.

2.1. Article 35

Cet article détermine la procédure applicable à la communication entre les notaires et l'ONSS relativement aux dettes d'un défunt ou de ses ayants droit.

Celle-ci a lieu via l'expédition d'un avis par le biais de la Banque carrefour de la sécurité sociale (BCSS) (toutes les garanties sont évidemment prévues: signature électronique; identification de manière à ce que seules les personnes habilitées aient accès aux moyens avec lesquels la signature est créée, etc.) ou par tout autre moyen permettant de signer l'avis et de conférer date certaine à son envoi s'il ne peut être effectué via la BCSS (dans ce dernier cas, le texte prévoit (§ 9) que l'avis est établi conformément au modèle arrêté par le ministre des Affaires sociales ou son délégué. Ce modèle est en cours de rédaction par l'ONSS).

Si l'acte ou le certificat dont question n'est pas dressé dans les 3 mois à compter de l'expédition de l'avis, ce dernier est considéré comme non avenu.

Avant l'expiration du 12e jour ouvrable qui suit la date d'expédition de l'avis par le notaire, l'ONSS peut notifier à ce notaire l'existence dans le chef du de cujus ou d'une autre personne mentionnée dans l'avis d'une dette à son égard, ainsi que le montant de cette dette dans le chef de chaque débiteur.

Les dettes qui sont susceptibles d'être notifiées, sont:

— toutes les créances en principal et accessoires de l'ONSS qui sont couvertes par un titre;

— toutes les créances en principal et accessoires qui résultent des déclarations qui ont été faites à l'ONSS (par un employeur).

Le notaire doit faire mention, dans le certificat d'hérédité qu'il établit, de l'absence de notification de dettes par l'ONSS ou du paiement des dettes notifiées ainsi que du montant concerné (paiement intervenu ou à intervenir). (Il doit également conserver les données 10 ans).

Cet article détermine également la responsabilité des notaires dans le cadre de cette procédure. Ceux-ci sont en effet personnellement responsables des dettes à l'égard de l'ONSS s'ils ne procèdent pas à la notification prévue ou s'ils délivrent un certificat d'hérédité portant des mentions inexactes relatives à l'absence de notification ou au paiement des dettes.

Cette responsabilité est limitée, selon les cas, à la valeur de la succession s'agissant du de cujus, à la valeur des avoirs qui échoient à l'ayant droit dont l'identité est mentionnée dans l'acte ou le certificat ou, enfin, au montant non recouvré du fait des inexactitudes.

2.2. Article 36

L'entrée en vigueur de cette disposition est fixée à une date déterminée par le Roi, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, et au plus tard le 1er juillet 2012.

Ceci a pour conséquence que cette disposition s'appliquera à tous les dossiers de succession que les notaires recevront à partir du 1er juillet 2012.

III. Chapitre 3 (art. 37-38)

Le chapitre 3 vise à prolonger une modalité technique établie depuis 2009 pour garantir que le versement du Financement Alternatif pourra se faire comme prévu dans le projet de budget qui vous a été soumis.

Le titre 9 du projet de loi-programme qui concerne la santé publique, porte sur la norme de croissance et les médicaments.

B. Titre 9 — Santé publique

I. Article 122 (norme de croissance)

Comme convenu dans l'accord de gouvernement, la norme de croissance pour l'objectif budgétaire des soins de santé est fixée à 2 % + 40 millions pour la création d'emplois dans le non-marchand en 2013 et à 3 % à partir de 2014. Il reviendra au législateur de déterminer si les 3 % resteront la norme à partir de 2015.

II. Médicaments

En matière de médicaments, le projet de loi-programme exécute les décisions prises par le gouvernement, d'une part, dans le cadre du contrôle budgétaire de mars 2012 et, d'autre part, en novembre 2011, en prévoyant certaines modalités complémentaires nécessaires à la bonne exécution de ces décisions.

L'article 126 fait suite à la décision dans le cadre du contrôle budgétaire en introduisant les médicaments biosimilaires dans les objectifs de prescriptions « bon marché » pour les médecins fixés par l'article 73, § 2, de la loi relative à l'assurance obligatoire. Ces médicaments biologiques moins chers seront dorénavant également considérés comme des médicaments « moins chers » au sens de cet article, ce qui encouragera les médecins à les prescrire.

Une économie limitée -de l'ordre de 390 000 euros en base annuelle- sera générée en 2012 par cette disposition, mais l'impact en sera élargi progressivement par l'arrivée dans les prochaines années de nouveaux médicaments biosimilaires en ambulatoire.

L'article 123 vise également à réaliser des économies grâce aux médicaments biosimilaires, mais cette fois à l'hôpital.

Cet article permet en effet de fixer une base de remboursement forfaitaire qui peut éventuellement être supérieure au coût du médicament le moins cher, en l'occurrence le biosimilaire. Cette exception au principe selon lequel le remboursement ne peut jamais être supérieur au prix permet de ne pas pénaliser les médicaments les moins chers lors de l'application de la technique du remboursement forfaitaire par traitement qui va être utilisée pour les EPO en 2012.

L'article 125 précise quant à lui les modalités de communication des prix des médicaments encore sous brevet dans un panel de pays européens qui devaient initialement être fixés par le Roi avant le 1er avril 2012.

Les pays sélectionnés sont les pays de la zone euro dont les systèmes de soins de santé et les standards de vie sont comparables à ceux de la Belgique.

Il est en outre précisé que la communication ne concerne que les médicaments remboursés depuis plus de 5 ans et pour lesquels il n'y a pas encore de générique. De cette manière, l'on vise uniquement les médicaments déjà bien implantés sur le marché et pour lesquels les frais de recherche et de développement sont déjà en bonne partie amortis.

Dans la mesure où l'objectif est de pouvoir suivre l'évolution des prix et non pas les prix eux-mêmes, il est en outre demandé de communiquer en juillet 2012 les prix valables au 1er janvier 2011, et au 1er janvier 2012.

L'article 127 qui touche aux cotisations sur le chiffre d'affaires vise à mieux tenir compte de la spécificité financière des médicaments faisant l'objet d'un « contrat », lorsque cela résulte en un remboursement d'un montant à l'INAMI.

En effet, de cette façon, le coût réel pour l'assurance soins de santé est diminué d'un montant à charge de la firme pharmaceutique et la partie ristournée ne doit donc pas être soumise aux cotisations sur le chiffre d'affaires. Cette mesure est nécessaire pour l'exécution correcte du budget 2012 puisque 2011 est la première année pendant laquelle des remboursements ont eu lieu dans le cadre de contrats.

L'article 128 quant à lui permet la bonne exécution de 2 décisions relatives aux pharmacies prises dans le cadre du budget 2012.

À l'occasion de la fixation du budget de l'assurance soins de santé pour 2012, il a en effet été décidé de récupérer à hauteur de 15 millions d'euros auprès des officines ouvertes au public les ristournes que les firmes pharmaceutiques leur octroieraient dans le cadre de la mesure de substitution couplée à la délivrance obligatoire du médicament moins cher pour les traitements aigus avec un antibiotique ou un antimycosique.

Le gouvernement a en outre accepté d'indexer complètement l'honoraire du pharmacien à partir du 1er avril 2012 mais de prendre des mesures compensatoires pour un montant de 2 787 000 euros puisque la décision budgétaire était d'octroyer une demi-indexation à tous les secteurs.

L'article 128 introduit dans ce but une cotisation pour les pharmaciens sur toute délivrance d'un médicament, avec un effet budgétaire total de 17 787 000 euros.

La cotisation est fixée à 0,32 euro par conditionnement vendu. Il est cependant tenu compte de la capacité de négociation accrue des officines en vue de meilleurs conditions commerciales en fonction de leur taille. La tranche de 20 % des officines les plus petites bénéficie donc d'un tarif réduit, à savoir 0,20 euro par médicament vendu, et la tranche de 20 % des officines les plus grandes a un tarif majoré de 0,38 euro par médicament vendu.

Les modalités de perception, avec une avance et un solde, sont similaires à celles utilisées pour les cotisations à charge des firmes pharmaceutiques.

III. Oxygénothérapie

Enfin, la possibilité pour le Roi de prévoir un remboursement pour toutes les dépenses annexes liées à l'oxygène est reportée par l'article 129 à une date à déterminer par le Roi et la date d'abrogation des dispositions existantes est postposée d'un mois, soit au 1er juin 2012, ceci afin de coïncider avec les mesures qui sont en cours d'exécution pour l'oxygène. L'impact en 2012 sera atteint malgré ce report d'un mois étant donné l'impact supérieur en base annuelle des modalités choisies.

3. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE LA MINISTRE DE L'EMPLOI

Mme De Coninck, ministre de l'Emploi, indique que le projet de loi-programme comporte trois volets en matière d'emploi.

En exécution des notifications du contrôle budgétaire de mars 2012, on entend renforcer la professionnalisation et le contrôle des entreprises de titres-services en instaurant un certain nombre d'obligations nouvelles. Certaines d'entre elles requièrent une adaptation de la législation alors que d'autres peuvent être réglées simplement par voie d'arrêté royal.

À l'heure actuelle déjà, la réglementation prévoit qu'une entreprise — en l'occurrence une entreprise de titres-services — s'engage à ne pas compter, parmi les administrateurs, les gérants ou les personnes ayant le pouvoir d'engager l'entreprise, des personnes physiques à qui l'exercice de telles fonctions est défendu en vertu de l'arrêté royal nº 22 du 24 octobre 1934 relatif à l'interdiction judiciaire faite à certains condamnés et faillis d'exercer certaines fonctions, professions ou activités. Cette disposition vaut aussi pour les personnes qui ont été déclarées responsables des engagements d'une société faillie ou qui ont été impliquées dans une faillite ou une liquidation. Le problème est que cette réglementation ne s'applique qu'aux personnes physiques. Une première mesure consiste donc à étendre cette réglementation aux personnes morales.

Une deuxième mesure est dictée par le souci d'accroître la professionnalisation des entreprises de titres-services. À l'heure actuelle, il est relativement aisé de créer une telle entreprise. Un arrêté royal instaurera l'obligation pour l'entreprise ayant introduit une demande d'agrément de présenter un plan d'entreprise. Elle devra par ailleurs verser un cautionnement de 25 000 euros, qui pourra servir dans le cas où elle connaîtrait des difficultés de paiement auprès de l'ONSS, de l'ONEm ou du fisc. Le Roi déterminera ce qu'il adviendra de ce cautionnement dans le cas où l'entreprise met volontairement fin à ses activités dans le cadre des titres-services, fait faillite ou perd son agrément.

En outre, il est prévu de retenir, partiellement ou non, la valeur d'échange d'un titre-service s'il est constaté que l'entreprise ne remplit plus les conditions d'agrément. Dans le cas où des infractions sont constatées dans une entreprise, il s'écoule encore un certain temps avant que l'agrément soit retiré. Entre-temps, l'entreprise a néanmoins encore validé des titres-services. À titre de mesure conservatoire, un montant de l'intervention de l'État fédéral pour chaque titre-service transmis à la société émettrice aux fins de remboursement sera bloqué sur un compte de l'ONEm. Ce montant servira pour l'apurement des dettes éventuelles. Toutefois, si l'ONEm juge qu'il s'agit d'une infraction grave, la valeur d'échange des titres-services sera retenue complètement. La cessation complète du paiement existe d'ores et déjà, mais, dans de nombreux cas, elle ne constitue pas la mesure appropriée. En effet, une telle cessation empêche l'entreprise de continuer à honorer ses obligations, comme le paiement des salaires, par exemple. Elle empêche tout fonctionnement et ne peut dès lors être appliquée que dans les cas graves. C'est pourquoi il est plus efficace d'appliquer une retenue partielle de 5 euros car elle permet à l'entreprise de continuer à fonctionner et à payer les salaires. Grâce à la retenue partielle, les pouvoirs publics ont l'assurance que les cotisations sociales seront payées. Si l'entreprise se met en règle, la retenue est restituée, déduction faite, évidemment, des dettes éventuelles auprès de l'ONSS, de l'ONEm ou du fisc.

Désormais, les sommes dues inférieures à 2 500 euros et les sommes pour lesquelles il existe un plan d'apurement seront également considérées comme arriérés et le fait, pour une entreprise, d'avoir de tels arriérés constituera une infraction aux conditions d'agrément et pourra entraîner le retrait de celui-ci, ce qui était impossible jusqu'à présent. Il ne saurait toutefois être question de procéder systématiquement au retrait de l'agrément en cas de petites dettes, mais il est clair que, combinés à d'autres manquements éventuels, les arriérés pourront justifier une décision de retrait de l'agrément. Le retrait automatique demeurera possible, mais uniquement aux conditions actuelles, à savoir la présence de dettes supérieures à 2 500 euros et l'absence de plan d'apurement.

Le gouvernement a également décidé de restreindre le nombre de titres-services pouvant être achetés à 7,5 euros à 400 par utilisateur à partir de 2013; au-delà de 400 titres-services, l'utilisateur pourra encore commander 100 titres supplémentaires, titres pour lesquels il paiera un euro de plus à l'unité. Il est dès lors prévu dans la loi que le prix et l'intervention fédérale dans le titre-service pourront varier en fonction de son utilisation. Par ailleurs, on ancre dans la loi la possibilité de moduler la valeur d'échange des titres-services afin d'inciter les entreprises à favoriser la stabilité et la qualité de l'emploi de leurs travailleurs. On analysera les pistes possibles en vue d'atteindre effectivement cet objectif.

Un deuxième chapitre concerne les mesures de contrôle du chômage temporaire.

Les nouvelles mesures imposent l'obligation à tous les employeurs de communiquer chaque mois à l'Office national de l'Emploi le premier jour de suspension effective de l'exécution du contrat de travail. Cette obligation vaut tant pour le régime de suspension pour cause d'accident technique pour les ouvriers que pour la suspension résultant de causes économiques, pouvant s'appliquer à la fois aux ouvriers et aux employés.

Jusqu'à présent, cette obligation ne s'appliquait qu'en cas de suspension du contrat de travail pour cause d'intempéries. Une obligation similaire existait toutefois déjà dans le secteur de la construction en cas de suspension pour des motifs d'ordre économique. Combinée à l'obligation imposée à l'employeur de fournir des données plus spécifiques, la généralisation proposée permettra de lutter plus efficacement contre la fraude et les abus éventuels.

Le chapitre trois concerne le droit pénal social.

La loi du 20 juillet 2001 visant à favoriser le développement de services et d'emplois de proximité prévoit d'ores et déjà une série de sanctions pénales en cas d'infraction au règlement des titres-services. À présent, ces sanctions sont insérées dans le Code de droit pénal social. L'objectif est en effet de regrouper toutes les dispositions pénales dans le Code de droit pénal social afin qu'elles forment un ensemble cohérent. Mais cette insertion est bien plus qu'un exercice formel. En effet, elle permettra aussi d'infliger des sanctions administratives, ce qui n'est pas le cas actuellement.

En principe, la gravité des sanctions ne change pas. Pour les entreprises, les sanctions se situent, en principe, au niveau 2 ou 3, mais pour certaines infractions, les sanctions passent au niveau 4. Il s'agit des situations où l'entreprise abuse du système pour s'enrichir en acceptant plus de titres-services que le nombre d'heures de travail effectuées ou encore effectue des activités pour lesquelles elle n'a pas l'agrément ou des activités qui ne sont pas autorisées dans le régime des titres-services.

Une autre nouveauté est la fixation d'une disposition pénale visant les utilisateurs et les travailleurs. On ne peut en effet exclure l'éventualité que des utilisateurs ou des travailleurs soient aussi impliqués dans des infractions à la réglementation des titres-services. L'objectif ne saurait être évidemment de sanctionner ces personnes de façon systématique et automatique. Les mots « sciemment et volontairement » ont donc toute leur importance. Il faut donc que l'intéressé participe activement à la commission de l'infraction et qu'il en ait pleinement conscience. Pour qu'il y ait sanction, il faut donc un élément intentionnel solide.

4. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE M. VINCENT VAN QUICKENBORNE, VICE-PREMIER MINISTRE ET MINISTRE DES PENSIONS

A. Pensions coloniales

Depuis le début des années 90, un différend oppose la Belgique et les États-Unis sur l'interprétation de la convention sur la sécurité sociale conclue en 1982 entre eux. Selon les États-Unis, cette convention requiert que la Belgique indexe les pensions coloniales que des citoyens américains reçoivent sur base de la loi du 16 juin 1960. La Belgique ne partage pas cette opinion. Pour elle, l'accord porte uniquement sur les deux assurances légales de pensions pour les travailleurs salariés et les indépendants.

Récemment, les États-Unis ont annoncé qu'ils lanceraient une procédure d'arbitrage internationale en se fondant sur l'article 20 de la convention de 1982. Comme la Belgique n'est pas sûre de gagner cette procédure car l'accord de 1982 n'est pas tout-à-fait clair, comme dans de telles affaires une décision « ex aequo et bono » n'est pas exceptionelle et comme une procédure d'arbitrage internationale est très onéreuse (environ 800 000 euros), le gouvernement propose d'accorder l'indexation des rentes de pension aux citoyens américains, qui sont encore en vie.

L'indexation prendra la forme suivante: le montant que perçoivent les citoyens américains encore en vie est majoré pour atteindre le montant auquel il se chiffrerait s'il avait toujours été indexé. À partir de ce niveau, il est indexé pour l'avenir. Il n'y a donc pas d'indexation pour le passé.

B. Garantie de revenus aux personnes âgées (GRAPA)

Le deuxième chapitre contient deux modifications à l'article 4 de la loi du 22 mars 2001 instituant la garantie de revenus aux personnes âgées (loi GRAPA), qui visent à adapter le champ d'application personnel de la loi GRAPA.

En premier lieu, une nouvelle catégorie de bénéficiaires de la GRAPA est créée. Il s'agit des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée. Ce sont des personnes qui relèvent de l'application de la directive 2003/109/CE du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée. Cette directive impose en effet aux États membres de traiter les ressortissants de pays tiers résidents de longue durée de la même manière que leurs propres ressortissants, notamment sur le plan de la protection et de l'aide sociales. La GRAPA constitue une forme d'aide sociale.

Deuxièmement, il est prévu que les ressortissants de pays tiers qui ne sont pas résidents de longue durée ne pourront bénéficier d'une GRAPA que s'ils perçoivent une pension belge en vertu d'un emploi d'au moins 312 jours (= 1 an dans la législation relative aux pensions). Actuellement, cela est déjà possible après 1 jour.

Cette mesure est prise pour fermer la porte aux abus. En effet, le montage suivant a déjà été constaté à plusieurs reprises sur le terrain. Des personnes âgées de nationalité étrangère qui résident légalement en Belgique, par exemple en vertu du regroupement familial, sont employées quelques jours, fictivement ou non. Elles introduisent ensuite une demande de pension de travailleur salarié sur la base de ces quelques jours de travail. Une fois que la pension — certes extrêmement limitée — leur a été allouée, elles introduisent une demande de GRAPA. Parfois, ce sont les CPAS eux-mêmes qui élaborent une telle construction pour faire supporter certaines charges financières par l'État fédéral.

C. Fonds pour les pensions de la police intégrée

Une loi du 24 octobre 2011 a modifié l'administration du financement du Fonds pour les pensions de la police. En théorie, depuis le 1er janvier 2012, les communes ne doivent plus payer les cotisations patronales et personnelles au secrétariat social SSGPI, mais à l'office Nationale de la Sécurité Sociale pour les administrations provinciales et Locales (ONSSAPL). L'ONSSAPL transférerait alors les sommes au Service des Pensions du Secteur Public (SdPSP), qui gère le Fonds.

Cependant, les agences concernées n'ont pas pu finaliser à temps la préparation administrative de l'exécution de cette réforme, surtout en ce qui concerne les flux informatiques. Actuellement, les cotisations sont encore payées au secrétariat sociale SSGPI. D'un point de vue formelle, cette pratique est illégale. Pour cette raison, le chapitre 3 introduit les dispositions nécessaires pour rendre cette pratique, de nouveau et temporairement, légal.

D. Banque de données Pensions complémentaires

Le chapitre 4 apporte trois modifications à l'article 306 de la loi-programme (I) du 27 décembre 2006, qui est le fondement légal de la banque de données relative aux pensions complémentaires (BD2P).

Ces modifications sont apportées afin d'encadrer deux mesures inscrites ailleurs dans le projet de loi-programme: d'une part, la sanction fiscale prévue pour non-respect de l'obligation de fournir des renseignements à la banque de données BD2P et, d'autre part, la cotisation spéciale de sécurité sociale pour les pensions complémentaires (dite « cotisation Wijninckx »).

Concrètement:

— la force probante des données transmises à la BD2P est modifiée;

— un droit de recours spécial en faveur de l'employeur à l'égard de son organisme de pension est inscrit dans la loi,

— et la mission de la BD2P est étendue.

E. Externalisation des engagements de pension individuels internes

L'accord de gouvernement prévoit qu'à l'avenir, les promesses de pension internes ne seront plus possibles et qu'il faudra externaliser les engagements de pension internes existants.

Lors des négociations sociales sur la mise en œuvre de la réforme des pensions de décembre 2011, il a été convenu que les engagements de pension individuels internes existants financés sur la base de provisions au bilan pourraient être maintenus en interne mais seraient soumis à une redevance unique de 1,75 % ou à une taxe spéciale de 0,6 % pendant trois ans. Il était effectivement apparu lors de la concertation sociale que l'externalisation obligatoire des engagements de pension internes n'était pas évidente au plan économique pour les entreprises. En effet, les entreprises concernées (essentiellement des PME) devraient pour cela ou bien céder des actifs ou bien contracter des emprunts.

Par la suite, le gouvernement a décidé d'étendre également la mesure de l'externalisation aux engagements de pension individuels internes financés sur la base d'une assurance dirigeant d'entreprise. À partir du 1er juillet 2012, le financement sur la base d'une assurance dirigeant d'entreprise deviendra impossible. Les assurances existantes peuvent toutefois subsister et pourront éventuellement être transformées, d'une façon fiscalement neutre, en une assurance d'engagement individuel de pension (assurance EIP).

En plus d'augmenter les recettes publiques, cette mesure poursuit également une finalité sociale qui est parfaitement en accord avec la réforme des pensions complémentaires par la LPC. Elle vise en effet à augmenter la protection sociale de dirigeants d'entreprise indépendants par la constitution externe de leurs droits de pension et, partant, à les protéger contre le risque d'insolvabilité de l'entreprise.

Ce chapitre constitue le volet social de la mesure d'externalisation. Le volet fiscal est réglé par le chapitre 7 (Finances) du projet de loi-programme.

F. Réforme de la pension des travailleurs salariés

La loi du 28 décembre 2011 portant des dispositions diverses a reformé, entre autres, la pension des travailleurs salariés. Les articles 108, 113 et 127 de cette loi donnaient au Roi la compétence de prendre des mesures d'exécution, qui pouvaient également contenir des modifications, compléments, remplacements et abrogations de dispositions légales en vigueur. Ces arrêtés royaux devaient être pris avant le 30 avril 2012 et devaient être confirmés par le Parlement avant le 31 juillet 2012. Conformément, l'article unique du chapitre 6 propose la confirmation de l'arrêté royal du 26 avril 2012 portant exécution, en matière de pension des travailleurs salariés, de la loi du 28 décembre.

III. DISCUSSION GÉNÉRALE

1. Emploi

M. Ide peut souscrire aux différentes mesures proposées par la ministre de l'Emploi mais constate que le gouvernement n'a pas recueilli, pour de nombreuses dispositions, l'avis du Conseil national du travail.

De plus, il n'a pas été tenu compte de la future redistribution des compétences entre le fédéral et les Régions en matière d'emploi, qui a été convenue dans l'accord sur la réforme de l'État. Il aurait été plus élégant d'en tenir compte, même si, jusqu'à nouvel ordre, la législation fédérale reste applicable en cette matière.

Mme Monica De Coninck, ministre de l'Emploi, ne conteste pas que l'avis du Conseil national du travail n'a pas été demandé pour certaines dispositions. Cela s'explique par l'urgence des dispositions à l'examen. Elle souligne toutefois que les dispositions légales nécessiteront l'adoption d'arrêtés d'exécution qui, durant leur phase d'élaboration, seront bel et bien soumis au Conseil national du travail, afin que les partenaires sociaux puissent se prononcer sur les mesures avant leur entrée en vigueur.

En ce qui concerne l'imminente redistribution des compétences entre le fédéral et les Régions, la ministre estime qu'elle ne peut pas être invoquée pour entraîner un immobilisme politique. Tant que l'autorité fédérale reste compétente — et cela durera sans doute encore deux ans — elle continuera à assumer pleinement ses responsabilités, par exemple en ce qui concerne la réglementation du secteur des titres-services.

2. Santé publique

Mme Temmerman renvoie à la liste des pays qui est utilisée pour comparer les prix des médicaments et qui figure à l'article 125 du projet. Elle concerne notamment l'Allemagne, la France, les Pays-Bas, l'Irlande, la Finlande et l'Autriche, qui sont tous des pays relativement prospères. L'intervenante suggère de supprimer quelques-uns de ces pays prospères de la liste et d'y inscrire également quelques pays moins prospères, comme la Grèce ou l'Espagne. La liste serait ainsi plus équilibrée.

L'intervenante est favorable à une forfaitarisation du prix des médicaments et au principe d'un prix aussi bas que possible. Où en est-on à cet égard ? Les mesures qui avaient été inscrites dans la loi-programme précédente, et en particulier la prescription d'antibiotiques et d'antimycosiques sous le nom du principe actif, ont-elles déjà été évaluées entre-temps ? Peut-on d'ores et déjà faire état d'une réduction des prix ? Divers problèmes sont en effet signalés par des pharmaciens sur le terrain parce que la période de référence d'un mois est trop courte pour constituer un stock suffisant. C'est la raison pour laquelle l'intervenante souhaite porter cette période à 3 mois.

Le gouvernement a-t-il demandé une évaluation à la Commission nationale pharmaco-mutualiste ? Dans l'affirmative, quand cette évaluation sera-t-elle disponible ? Les résultats pourraient-ils également être communiqués aux parlementaires ?

Mme Onkelinx, vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de Beliris et des Institutions culturelles fédérales, répond que la liste des pays qui figure à l'article 125 du projet à l'examen se justifie, parce qu'il s'agit à chaque fois de pays qui sont des piliers de la zone euro et dont le niveau de vie est comparable à celui de la Belgique. La mesure proposée concerne des spécialités pharmaceutiques remboursables qui sont encore protégées par un brevet, raison pour laquelle cette question est très sensible pour le secteur pharmaceutique. La ministre estime néanmoins que la communication des prix se justifie légitimement en soi, mais comme cette mesure est mise en œuvre pour la première fois, elle fera également l'objet d'une évaluation dans le cadre plus large du secteur concerné. Sur la base de ces informations, les prix des médicaments en Belgique peuvent en effet être adaptés dans l'optique de la maîtrise des dépenses.

La ministre reconnaît que le délai d'un mois est probablement trop court; c'est d'ailleurs la raison pour laquelle la comparaison avec les trois médicaments les moins chers est maintenue alors que la loi, au sens strict, ne prévoyait que deux médicaments à partir du 1er juin 2012. D'autre part, la ministre a également décidé qu'en cas de force majeure, les pharmaciens pourront recourir à d'autres médicaments que les trois meilleur marché. Elle signale d'ailleurs que l'utilisation de médicaments de substitution est assez limitée par rapport à ce qui se passe dans d'autres pays. La mesure sera évaluée en septembre 2012.

M. Ide constate que l'article 122 du projet de loi-programme prévoit que la norme de croissance dans les soins de santé pour 2013 par rapport à l'objectif budgétaire global pour 2012 est fixée à 2 %. Pour 2014, la norme de croissance par rapport à l'objectif budgétaire global de 2013 sera fixée à 3 %. L'intervenant est toutefois d'avis qu'on peut faire mieux encore et il suggère de suivre ici le point de vue de la Cour des comptes ainsi que les principes de la croissance économique. Qui plus est, il est gênant que la norme de croissance légale reste ancrée à 4,5 %. Il faut y renoncer.

Par ailleurs, l'intervenant se demande pourquoi la communication des prix ne concerne que les spécialités pharmaceutiques remboursables qui sont encore protégées par un brevet, et pas tous les médicaments. Il renvoie à la discussion du projet à l'examen en commission des Affaires sociales de la Chambre (doc. Chambre, nº 53-2198/012), d'où il est ressorti que d'autres groupes politiques se posent également cette question, notamment en ce qui concerne les médicaments génériques. L'amendement qui a été déposé à ce propos à la Chambre (doc. Chambre, nº 53-2198/009, amendement nº 3) a en effet pu compter sur un soutien important, même s'il a finalement été rejeté.

M. Ide est lui aussi curieux de savoir quelles économies la substitution de médicaments permettra de réaliser. Il pense qu'elles seront relativement faibles, car les prix des antibiotiques et des antimycosiques sont assez bas dans notre pays. Entre-temps, les pharmaciens se plaignent. Au Danemark, dont le système a servi d'exemple pour la situation belge, un pharmacien peut renvoyer un médicament lorsqu'il apparaît qu'il n'est plus le moins cher, alors que ce n'est pas le cas chez nous. La période de référence est en outre relativement courte et les marges servant à définir le médicament bon marché sont également réduites. Selon l'intervenant, il conviendrait d'élargir quelque peu ces marges afin d'éviter qu'un pharmacien ne se retrouve avec, sur les bras, un médicament faisant partie de la catégorie des trois moins chers à un moment donné, avant d'en être exclu de justesse quelques semaines plus tard. Les pharmaciens sont là pour délivrer des médicaments, et non pour s'occuper de tâches administratives inutiles.

Mme Onkelinx, vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de Beliris et des Institutions culturelles fédérales, défend la norme de croissance dans les soins de santé telle qu'elle a été fixée par l'article 122 du projet de loi-programme. Il sera en effet déjà difficile de se maintenir dans ces normes de 2 % (pour 2013) et de 3 % (pour 2014), vu le vieillissement de la population.

Quant à la substitution de médicaments, la ministre est convaincue qu'elle aura un impact favorable sur le budget des soins de santé. En effet, le prix de 400 médicaments a déjà baissé depuis que la mesure est entrée en vigueur. La possibilité de renvoyer des médicaments, telle qu'elle existe au Danemark, fera très certainement partie de l'évaluation qui aura lieu en septembre 2012.

La ministre rappelle que, même si l'obligation de communiquer les prix ne concerne pas les médicaments génériques, ces derniers sont quand même soumis à de nombreuses autres mesures qui sont toutes axées sur la maîtrise des dépenses de soins de santé.

M. Ide souligne que si 400 médicaments ont vu leur prix baisser, c'est aussi parce que beaucoup de ces médicaments viennent précisément de perdre la protection que leur assurait le brevet. De plus, les prix n'ont baissé que de quelques centimes d'euro.

L'intervenant maintient que la communication des prix devrait s'appliquer à tous les médicaments, en ce compris les génériques. En effet, certains médicaments génériques sont plus chers qu'à l'étranger.

M. du Bus de Warnaffe a deux questions concrètes à poser.

La première concerne la prescription de médicaments biosimilaires dans les hôpitaux. L'article 123 du projet crée une valeur de référence légèrement supérieure au prix des médicaments biosimilaires afin d'inciter les hôpitaux à prescrire ces médicaments et à réaliser ainsi des économies. L'intervenant souscrit pleinement à cette idée. Le dispositif de l'article 123 mentionne cependant également d'autres médicaments, qui sont encore protégés par un brevet. N'instaure-t-on pas ici une concurrence entre les médicaments biosimilaires et les médicaments qui sont encore protégés par un brevet ?

L'article 125 du projet concerne la communication des prix de certains médicaments dans quelques pays de référence et aura un effet immédiat sur le prix pratiqué en Belgique. Il faut toutefois être conscient du fait que cette mesure aura aussi un effet immédiat sur le prix de ces médicaments dans d'autres pays, par exemple en Inde, car le prix belge y est utilisé comme référence. En effet, la Belgique est un important producteur de médicaments. La ministre a déjà fait savoir qu'elle souhaitait mener une concertation à ce sujet. Cette concertation aura-t-elle lieu dans le cadre de la plateforme qui existe entre les pouvoirs publics et le secteur pharmaceutique, au sein de laquelle sont représentés les ministres de la Santé publique, des Affaires sociales, des Finances, de la Politique scientifique et de l'Économie, ainsi que certains services publics fédéraux et pharma.be ?

Mme Onkelinx, vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de Beliris et des Institutions culturelles fédérales, répond que l'article 123 du projet a une portée générale et permettra à l'avenir au ministre de la Santé publique, d'une part, d'utiliser le principe d'une base fixe pour le remboursement de toute une série de médicaments et, d'autre part, de procéder à un remboursement majoré pour les médicaments les moins chers. À ce stade, l'autorisation générale ne sera cependant utilisée que pour une seule classe de médicaments, à savoir celle des EPO. Il s'agit en effet d'une classe très homogène: il existe 5 médicaments qui ont le même effet thérapeutique et qui ne diffèrent que légèrement l'un de l'autre. Les hôpitaux peuvent choisir librement entre ces médicaments et donc entre des prix différents. Il est exact qu'une concurrence est instaurée entre différentes classes pour les hôpitaux. On espère effectivement réaliser une économie à cet égard, car on constate aujourd'hui une consommation qui ne se justifie pas. En effet, il existe des médicaments qui produisent le même effet thérapeutique sur le patient tout en coûtant beaucoup moins cher. Un tel gaspillage des deniers publics doit être évité.

En ce qui concerne l'article 125, la ministre explique que la plateforme de concertation qui a été créée entre le secteur pharmaceutique et le gouvernement a pour objectif d'organiser une réflexion sur les grands principes de la politique en matière de médicaments et de permettre une harmonisation en la matière. Ce n'est cependant pas l'endroit où les mesures d'exécution de cette disposition doivent être discutées. Les mêmes acteurs seront néanmoins associés à la politique des médicaments étant donné que des négociations doivent être menées avec pharma.be. En effet, cette organisation — et en particulier l'organisation faîtière qui représente les grandes entreprises exportatrices — défend les intérêts des médicaments qui sont encore protégés par un brevet. Les arrêtés d'exécution feront également l'objet d'une concertation entre les représentants des différents ministres concernés.

3. Pensions

M. Ide voudrait savoir quel sera l'impact budgétaire des dispositions relatives à la sécurité sociale coloniale, prévues aux articles 105 à 107 du projet, et combien de personnes sont concernées. Le ministre ne craint-il pas que l'on crée ainsi un précédent et que d'autres pays réclament un régime similaire ?

Qu'est-ce qui garantit que l'externalisation des engagements de pension serait moins risquée ? En effet, les assureurs peuvent aussi faire faillite. Quel est le bénéfice de l'opération ?

L'intervenant aimerait aussi savoir quelles seront les recettes générées par les mesures proposées en matière de pensions complémentaires. Ces mesures ont-elles un effet rétroactif ? Ont-elles un impact sur le deuxième pilier de pensions ? Ce pilier occupe une part de plus en plus importante dans la constitution des pensions, et l'on impose une charge supplémentaire aux entrepreneurs dans ce domaine.

M. Vincent Van Quickenborne, vice-premier ministre et ministre des Pensions, répond que les dispositions proposées relatives à la sécurité sociale coloniale concernent seulement 90 personnes et ne créent aucun précédent. Aucun autre pays n'a jamais demandé pareil régime, et il est très peu probable que cela arrive à l'avenir. Le coût budgétaire est de 27 000 euros, soit beaucoup moins que le coût d'une éventuelle procédure d'arbitrage.

Selon le ministre, l'externalisation des engagements de pension est nettement moins risquée que la gestion interne. Beaucoup d'entreprises — principalement des PME — font malheureusement faillite, mais cela reste exceptionnel chez les assureurs. Dans le cas rencontré récemment, il était question de faillite frauduleuse. Une telle chose est extrêmement rare, car les institutions de retraite professionnelle sont soumises à un contrôle beaucoup plus strict, vu la compétence de la FSMA (Autorité des services et marchés financiers).

En ce qui concerne les dispositions relatives aux pensions complémentaires, on prévoit des recettes de l'ordre de 5 millions d'euros. Ces mesures ont été envisagées au cours d'une concertation avec les partenaires sociaux, notamment avec la Fédération des Entreprises de Belgique, qui défend les intérêts de ceux qui organisent le deuxième pilier de pensions.

Mme Thibaut se demande sur quels éléments objectifs sont basées les dispositions relatives à la garantie de revenus aux personnes âgées (GRAPA), prévues aux articles 108 à 110 du projet de loi. Existe-t-il des statistiques qui justifient la mesure proposée ? Le ministre ne craint-il pas que les personnes qui n'auront plus droit à la GRAPA demandent un revenu d'intégration ? Le ministre a déclaré à la Chambre des représentants que les CPAS étaient demandeurs de la mesure proposée. Or, dans une lettre adressée aux parlementaires, les CPAS affirment précisément le contraire. L'intervenante s'oppose dès lors à cette mesure.

M. Vincent Van Quickenborne, vice-premier ministre et ministre des Pensions, renvoie à la longue discussion consacrée à cette question en commission des Affaires sociales de la Chambre (voir doc. Chambre, nº 53-2198/016, p. 34 et suivantes) et à la position adoptée en la matière par la secrétaire d'État à l'Asile et la Migration, à l'Intégration sociale et à la Lutte contre la pauvreté. Cette dernière a confirmé que la mesure n'aurait aucun impact sur les CPAS, dès lors qu'elle ne toucherait que 32 personnes par an au maximum et que celles-ci sont déjà soumises à une législation plus stricte en matière de regroupement familial.

En substance, on exige seulement que les personnes qui pourraient prétendre à la GRAPA aient travaillé au moins pendant 312 jours, alors qu'aujourd'hui, elles peuvent déjà en bénéficier après n'avoir travaillé qu'un seul jour. Cette condition semble finalement très raisonnable, surtout en comparaison avec la législation en vigueur dans d'autres pays.

IV. DISCUSSION DES ARTICLES

Article 122

Amendement nº 1

M. Ide et Mme Sleurs déposent l'amendement nº 1 (doc. Sénat, nº 5-1670/2), qui vise à remplacer l'article 122 par ce qui suit:

« Pour l'année 2013, ce montant est majoré d'une norme de croissance réelle égale à l'augmentation prévue du PIB telle qu'estimée par le Bureau fédéral du plan, ainsi que de 55 % du montant obtenu en appliquant l'augmentation prévue de l'indice santé au cours de l'exercice concerné, et de 40 millions d'euros. À partir de l'année 2014, le montant total de l'objectif budgétaire annuel global correspond au montant de l'objectif budgétaire annuel global de l'année précédente, majoré d'une norme de croissance réelle égale à l'augmentation prévue du PIB au cours de l'exercice concerné telle qu'estimée par le Bureau fédéral du plan, ainsi que de 55 % du montant obtenu en appliquant l'augmentation prévue de l'indice santé au cours de l'exercice concerné. »

L'amendement nº 1 est rejeté par 10 voix contre 1.

Article 125

Amendement nº 2

M. Ide et Mme Sleurs déposent l'amendement nº 2 (doc. Sénat, nº 5-1670/2), qui vise à apporter les modifications suivantes dans l'article 125:

— dans la première phrase, remplacer les mots « dont le principe actif est, au 1er janvier de l'année concernée, remboursable depuis plus de 5 ans et moins de 12 ans et pour lesquelles il n'a pas encore été fait application de l'article 35ter » par les mots « et c) »;

— dans la dernière phrase, remplacer les mots « dont le principe actif est, au 1er janvier de l'année concernée, remboursable depuis plus de 5 ans et moins de 12 ans et pour lesquelles il n'a pas encore été fait application de l'article 35ter » par les mots « et c) ».

L'amendement nº 2 est rejeté par 10 voix contre 1.

V. VOTES

L'ensemble des articles envoyés à la commission des Affaires sociales est adopté par 10 voix et 1 abstention.


Confiance a été faite à la rapporteuse pour la rédaction du présent rapport.

La rapporteuse, La présidente,
Cécile THIBAUT. Elke SLEURS.