5-1382/1

5-1382/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2011-2012

6 DÉCEMBRE 2011


Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à un droit commun européen de la vente (COM (2011) 635)


Contrôle de subsidiarité


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE LA JUSTICE PAR

M. DELPÉRÉE


SOMMAIRE

  • ANNEXES 1: NOTES ET DOCUMENTS COMMUNIQUÉS PAR LES EXPERTS LORS DES AUDITIONS DU 30 NOVEMBRE 2011
  • 1. Commentaires du BEUC sur l’analyse d’impact de la Commission européenne concernant la proposition de droit commun européen de la vente
  • 2. Proposition de règlement pour un droit commun européen de la vente. Position de la FEB
  • 3. Proposition de règlement relatif à un droit commun européen de la vente. Examen au regard du principe de subsidiarité et de proportionnalité. Avis de Tests-Achat
  • 4. Proposition de règlement relatif à un droit commun européen de la vente COM (2011) 635. Déclaration commune de Test-Achats / Test-Aankoop et Unizo
  • BIJLAGEN 2: AAN DE COMMISSIELEDEN OVERGEZONDEN SCHRIFTELIJKE BIJDRAGEN
  • 1. Advies van professor Patrick Wéry over het voorstel voor een Europese Verordening betreffende een gemeenschappelijk Europees kooprecht (Com (2011) 635)
  • 2. Avis de l’OBFG sur la proposition de règlement relatif à un droit commun européen de la vente
  • 3. Lettre de M. E. Boydens, Président de l’OVB, du 29 novembre 2011
  • 4. Position de l’OVB relative au Livre vert de la Commission européenne sur un droit européen des contrats

  • I. INTRODUCTION

    La Commission européenne a adopté, le 11 octobre 2011, une proposition de règlement relatif à un droit commun européen de la vente (COM (2011) 635), fondée sur l'article 114 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

    Conformément à l'article 5 du Traité sur l'Union européenne et aux dispositions du Protocole nº 2 sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité, tout Parlement national peut, dans un délai de huit semaines à compter de la date de transmission d'un projet d'acte législatif, adresser aux présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission un avis motivé exposant les raisons pour lesquelles il estime que le projet en cause n'est pas conforme au principe de subsidiarité. Ce délai expire le 12 décembre 2011.

    La commission de la Justice a consacré ses réunions des 23, 30 novembre et 6 décembre 2011 à l'examen de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à un droit commun européen de la vente. Elle a procédé à une série d'auditions lors de sa réunion du 30 novembre 2011 et récolté une série d'avis écrits (1) .

    II. DISCUSSION

    M. Delpérée souligne que le présent examen de subsidiarité est un test pour le Sénat. Il faut respecter la procédure et les délais fixés. L'intervenant souhaite que la commission organise de brèves auditions et récolte certains avis écrits pour qu'elle puisse prendre position en connaissance de cause. Il serait enfin intéressant de savoir quel est l'avancement des mêmes procédures dans les autres Parlements des vingt-sept États membres de l'Union.

    M. Mahoux précise que l'objectif n'est pas de formuler des remarques sur le contenu de la proposition de règlement mais de remettre un avis sur la subsidiarité sensu stricto et éventuellement sur la proportionnalité. L'intervenant pense qu'il serait utile de connaître la position des autres parlements nationaux. À titre d'exemple le parlement finlandais considère que le règlement « ne pose pas tant un problème de subsidiarité en droit européen de la vente, mais qu'il interfère avec les droits nationaux des consommateurs ».

    Le ministre souligne que le thème qui nous intéresse ici a déjà été examiné également à plusieurs reprises par le Conseil des ministres européen et qu'à ce niveau-là aussi, la question s'avère fort sensible. D'une part, il y a ceux qui défendent ce nouveau droit commun européen de la vente au motif qu'il procurera davantage de sécurité. Au sein du Parlement européen aussi, nombreux sont ceux qui sont favorables à ce nouveau droit européen. Ils font valoir que celui-ci pourrait être appliqué à tous les contrats au niveau communautaire, ce qui permettrait de renforcer la sécurité et la protection. D'autre part, il y a de nombreux pays qui adoptent un réflexe national, alimenté en particulier par les organisations de consommateurs, qui craignent une diminution de la protection et la perte de droits acquis.

    Le ministre souligne qu'il s'agit en l'espèce d'un système facultatif qui coexiste à côté des vingt-sept systèmes nationaux. Il s'agit donc en un certain sens d'un vingt-huitième système.

    Il faut toutefois être réaliste. Beaucoup de contrats revêtent un caractère international, et la tendance ne va certainement pas s'inverser. L'intervenant attire l'attention sur le volume considérable des ventes et des achats réalisés par le biais d'Internet. Dans ce monde numérique, le droit belge des consommateurs n'est plus guère appliqué et le phénomène est loin de se cantonner aux frontières de l'Europe. Il faut veiller à protéger le consommateur en tenant compte de l'évolution des contrats dans le futur.

    Il importe donc de convaincre les organisations de consommateurs actives en Europe de la nécessité d'adopter ce nouveau droit car il permettra de garantir, dans la plupart des contrats, une meilleure protection, y compris du consommateur.

    C'est le grand défi que nous devons relever.

    Adopter d'emblée une attitude négative n'est pas la solution.

    Au vu de l'importance du débat, le ministre peut marquer son accord sur l'organisation d'auditions. Il précise que le Conseil des ministres n'aura pas tranché la question en décembre, mais que le Parlement européen pourrait bien mettre la pression. Nombreux sont ceux en effet au sein de ce Parlement qui souhaiteraient faire progresser le dossier.

    M. Mahoux souligne qu'il convient d'être attentif aux délais prévus par la procédure et d'avoir la garantie que l'avis sera bien transmis en temps et en heure, ce d'autant plus que la procédure prévoit l'envoi de l'avis par la représentation belge à l'Union européenne.

    M. Van Rompuy demande qui se chargera de rédiger un éventuel avis. Il ne suffit pas que chacun exprime son avis; il faudra aussi rédiger un texte qui fasse l'objet d'un consensus. Souhaite-t-on simplement transmettre un rapport à l'Europe ou veut-on formuler un avis qui soit le reflet d'une vision commune ? Dans cette dernière hypothèse, il est important de définir, d'un commun accord, qui rédigera cet avis. L'intervenant se base en cela sur l'expérience acquise au sein d'autres commissions.

    Mme Defraigne répond qu'il est effectivement prévu d'émettre un avis, qui sera rédigé à l'issue des auditions.

    III. AUDITIONS

    À l'issue du premier échange de vues, la commission a décidé de procéder à une série d'auditions et de récolter certains avis écrits. Le texte des avis écrits figure en annexe au présent rapport.

    Audition de:

    — Mme Goyens, directrice générale du Bureau européen des unions des consommateurs (BEUC);

    — M. Stefaan Verhamme, conseiller adjoint à la Fédération des entreprises de Belgique;

    — M. Gilles de Halleux, EU Public Affaires Advisor, Test Achats.

    A. Exposé de Mme Boyens, directrice générale du Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC)

    Mme Boyens précise que le BEUC est une fédération d'organisations de consommateurs en Europe. Le Beuc regroupe quarante-deux organisations situées dans trente-et-un États différents, parmi lesquels vingt-six sont membres de l'Union européenne. Le membre belge du BEUC est l'association « Test Achats ».

    Le BEUC n'est pas favorable à la proposition de règlement relatif à un droit commun européen de la vente car ce n'est pas un outil approprié pour régler les problèmes identifiés par la commission. Cet outil comporte en outre de nombreux risques.

    Le BEUC estime qu'il n'y a aucune raison de dévier de l'approche traditionnelle pratiquée au sein de l'Union européenne et qui vise à harmoniser le droit des consommateurs des États membres. L'Union vient de se doter d'une directive relative au droit des consommateurs (2011/83/UE) qui a été publiée au Journal officiel de l'Union européenne le 22 novembre 2011. Ce texte, qui vise un très haut niveau de protection des consommateurs en matière de vente, doit encore être transposé par les États membres. Il faut dès lors laisser le temps à cet instrument d'être appliqué sur le terrain avant de remettre l'ouvrage sur le métier en proposant un nouveau règlement en matière de vente.

    Le BEUC s'est associé à l'Union européenne des petites et moyennes entreprises, la Fédération européenne des notaires et les chambres de commerce pour exprimer ensemble les réserves par rapport à l'instrument proposé par la Commission. Le BEUC estime que la Commission européenne n'a pas respecté les principes de subsidiarité et de proportionnalité dans le présent dossier.

    L'intervenante parcourt ensuite la note « Commentaires du BEUC sur l'analyse d'impact de la Commission européenne concernant la proposition de droit commun européen de la vente » publiée en annexe au présent rapport (2) .

    Échange de vues

    M. Delpérée constate que la proposition de règlement vise le contrat de vente. N'est-ce pas une première étape qui risque d'en appeler d'autres pour tous les types de contrats ? On risque ainsi de faire voler en éclat tout notre Code civil ou à tout le moins tout le droit des contrats. Il est dès lors important que les Parlements nationaux s'expriment sur une initiative qui prépare l'avenir.

    Mme Goyens le reconnaît. Au départ, la Commission avait intitulé son texte « proposition de droit commun des contrats ». On s'est ensuite recentré sur la vente mais cette dernière notion est floue. En effet, la proposition vise également les produits digitaux qui s'apparentent normalement à des prestations de service. Le risque exprimé par le préopinant est réel.

    M. Delpérée se demande si on ne va pas, dans un avenir proche, vouloir régler de la même manière le contrat d'assurance.

    M. Boyens répond que le programme de travail de la Commission européenne pour 2012 prévoit des travaux relatifs à des instruments optionnels en matière d'assurance. C'est une évolution qui n'était pas annoncée. L'intervenante trouve cette évolution risquée car dans le domaine de l'assurance il n'existe aucune tradition d'harmonisation européenne alors qu'un tel travail existe en droit des consommateurs.

    B. Exposé de M. Verhamme, conseiller adjoint à la FEB

    L'intervenant commente la note « Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à un droit commun européen de la vente — Position de la FEB » (laquelle est annexée au présent rapport) (3) .

    Échange de vues

    Mme Faes voit dans la proposition à l'examen plusieurs points positifs incontestables, moyennant certains observations.

    L'intervenante souligne que l'objectif aujourd'hui prioritaire est d'effectuer le test de subsidiarité. Elle se réfère à l'article 5 et demande aux experts leur position à cet égard. Le règlement Rome I règle également cette matière entre les États membres.

    M. Verhamme répond que lorsque la Commission européenne a rédigé le Livre vert, elle a examiné en détail les pistes permettant de réduire progressivement les seuils sur le plan du droit des contrats entre les États membres. Plusieurs options ont été envisagées. L'une des possibilités était d'élaborer une directive visant une harmonisation complète, à transposer au niveau national. Une autre piste était d'élaborer un règlement ayant effet direct dans les États membres. L'option de la directive a été rejetée par la plupart des États membres parce qu'ils trouvaient qu'elle interférait dans le droit national des contrats et craignaient qu'ils n'aient eux-mêmes plus du tout voix au chapitre. Finalement, le droit national des contrats a été maintenu et l'on a élaboré en parallèle un règlement secondaire gérant les litiges transfrontaliers. Bien entendu, les États membres gardent la possibilité de déclarer que le règlement secondaire s'applique également aux litiges nationaux. ‎La Commission européenne n'a donc pas atteint son objectif, qui était d'abaisser les seuils et d'aboutir à une législation identique sur le plan du droit des contrats au sein de l'Europe. Pour l'intervenant, l'instauration de cet instrument facultatif n'implique donc aucune violation du principe de subsidiarité.

    M. Delpérée relève que le préopinant opère une distinction entre les ventes à l'intérieur des frontières, qui restent soumises au droit national, et les ventes transfrontalières, qui tomberont sous le régime du nouveau règlement européen. L'intervenant ne comprend pas pourquoi les orateurs parlent dans ce cas de régime optionnel. En effet, on est soit dans une vente interne et c'est le droit national qui s'applique, soit dans une vente transfrontalière et c'est le règlement qui trouve à s'appliquer. Qui peut choisir ? En quoi y-a-t-il option ?

    M. Verhamme répond qu'il existe plusieurs dispositions du droit international privé déterminant le droit qui s'applique en cas de litiges transfrontaliers. Ces dispositions continuent d'exister. Le règlement introduit seulement un instrument facultatif supplémentaire, qui ne peut s'appliquer qu'aux litiges transfrontaliers. Un éventuel conflit avec le règlement Rome I sur la loi applicable aux obligations contractuelles ne peut donc survenir qu'en cas de litiges transfrontaliers. En outre, l'instrument qui est ici proposé est facultatif. Les entreprises ne sont pas obligées d'opter pour cet instrument dans le cadre de contrats transfrontières. Deux entreprises peuvent continuer à déterminer entre elles le droit qui sera d'application. L'instrument proposé n'est pas contraignant pour elles.

    Mme Goyens pense que le fait d'introduire un instrument optionnel va mener à une discrimination à rebours des entreprises nationales. Les entreprises étrangères vont pouvoir, si elles le souhaitent, conclure des ventes avec les consommateurs belges sous le régime optionnel, par hypothèse moins protecteur que le régime belge. Les entreprises belges qui vendent en ligne à des consommateurs belges devront par contre respecter les règles belges plus contraignantes. Elles vont dès lors faire pression sur le législateur belge pour lui demander d'aligner le droit belge sur le régime optionnel. C'est un risque réel.

    L'intervenante pense que les systèmes juridiques nationaux ne sont pas mûrs pour une intégration des régimes du droit des contrats. Superposer un régime optionnel aux régimes nationaux c'est ajouter une couche supplémentaire dans notre arsenal de normes. Cela augmente la complexité du système et risque d'être contre-productif en terme de construction européenne.

    M. de Halleux fait remarquer que les contrats de consommation sont toujours des contrats d'adhésion. Croire que le consommateur peut faire un choix, c'est méconnaître la manière dont les choses fonctionnent. Si on laisse le choix entre un droit plus protecteur et un droit moins protecteur, le professionnel choisira toujours le régime le moins protecteur pour le consommateur.

    Selon M. Verhamme, on donne ici l'impression que des abus en matière de protection des consommateurs seraient possibles en ce sens que les entreprises procéderaient à une comparaison entre le droit national et le régime européen, pour opter en fin de compte pour le système qui leur convient le mieux. L'intervenant tient à souligner que les deux systèmes garantissent un niveau de protection du consommateur très élevé. En outre, l'instrument optionnel a été mis en place dans l'idée de maintenir le niveau actuel de protection du consommateur, et même de l'accroître encore. Le consommateur ne risque donc nullement d'être entièrement livré à l'arbitraire du vendeur. L'intervenant estime dès lors que les organisations de défense des consommateurs doivent éviter de donner l'impression qu'avec la mise en place de l'instrument européen en question, ces derniers seraient abandonnés à leur sort.

    C. Exposé de M. Gilles de Halleux, EU Public Affairs Advisor Test Achats

    M. de Halleux présente l'avis écrit de Test Achats qui est publié en annexe (4) .

    Échange de vues

    M. Delpérée rappelle le cadre de l'examen de subsidiarité. Les commissaires doivent examiner la proposition de règlement européen à l'aune d'une série de critères: la compétence de l'Union européenne, la nécessité de légiférer, l'adéquation de la réforme et la proportionnalité. Telle est la trame de l'avis que la commission doit préparer.

    La proposition de règlement est justifiée par les divergences entre les droits nationaux et les lacunes qui y existent. L'intervenant doute que l'ajout d'un régime optionnel supplémentaire soit de nature à supprimer les divergences entre les vingt-sept droits nationaux. Au contraire, en « ajoutant une couche », on augmente les divergences. De même, le règlement ne fait que se superposer aux droits nationaux sans en combler les lacunes.

    M. de Halleux pense que le règlement en projet complexifie le paysage légal. Il a aussi des conséquences non négligeables par rapport aux instruments de droit international privé. Ainsi, le règlement (CE) nº 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) prévoit, à son article 6, que pour les contrats de consommation, les consommateurs ne peuvent être privés de leurs dispositions impératives nationales. Comment le règlement sur le droit commun européen de la vente va-t-il s'articuler avec le règlement Rome I ? La Commission n'a pas fourni de réponses satisfaisantes sur ce point.

    M. Van Rompuy a encore quelques observations à formuler.

    Il se réfère à l'étude d'incidence annexée à la proposition de règlement, où l'on peut lire: « the differences in legislation were the main difficulty in cross-border trade [for] 36 % of the respondents. » Plus de 80 % des entreprises pratiquant le commerce transfrontalier indiquent d'elles exportent, pour cette raison, vers moins de pays de l'Union européenne. Le manque à gagner qui en résulte est estimé à un montant de 26 à 124 milliards d'euros, ce qui constitue une estimation assez large aux yeux de l'intervenant. L'on peut en tout cas affirmer que les différences de législation jouent un rôle, en particulier pour un pays dont l'économie repose en grande partie sur les exportations, comme c'est le cas de la Belgique. En effet, un petit pays a un petit marché intérieur. Il faut donc se demander si un petit pays ne se trouve précisément pas avantagé par la proposition de règlement à l'examen par rapport aux plus grands pays. En effet, à l'heure actuelle, les entreprises des grands pays peuvent, dans les limites d'un système légal unique, évoluer sur un grand marché comptant jusqu'à quatre-vingt millions de consommateurs, tandis que celles de notre pays ne peuvent, dans le cadre de notre système national, toucher que dix millions de consommateurs.

    Une deuxième remarque générale porte sur la question de savoir si les entreprises européennes ne seront pas désavantagées dans le développement du commerce en ligne par rapport aux entreprises américaines par exemple, dans l'hypothèse où la piste d'un régime européen serait écartée. En effet, le monde de la vente en ligne est dominé par les entreprises américaines.

    Mme Faes est consciente que la proposition relative à un droit européen de la vente contient indubitablement une série d'opportunités. Cela sort toutefois du cadre du débat relatif au test de subsidiarité et de proportionnalité. L'intervenante demande dès lors que l'on recentre le débat sur le contrôle de subsidiarité.

    M. de Halleux fait remarquer que le premier facteur pour l'implantation d'une société de e-commerce, c'est le régime fiscal. Ce sont souvent les petits pays tels que le Luxembourg qui sont les plus attractifs pour ces sociétés. Les chiffres n'attestent pas que la fragmentation de la législation est la cause de la résistance des consommateurs pour opérer des transactions transfrontières. Les consommateurs préfèrent les transactions locales car les recours sont facilités en cas de litige.

    Mme Goyens pense qu'il y a une grande différence entre le système américain et le système européen. Tout comme en Europe, il existe aux États-Unis des régimes de droit des contrats différents selon les États fédérés. Par contre, c'est la même langue qui est utilisée dans tout le pays, ce qui permet au commerce transfrontalier de se développer, même en l'absence de régime fédéral de droit de la consommation.

    En ce qui concerne l'évaluation d'impact de la proposition de règlement, l'intervenante signale que l'opportunité d'un recours pour mauvaise gouvernance est à l'examen. La manière dont ont été libellées les questions posées par la Commission lors de l'étude d'impact frisent la manipulation.

    M. Verhamme renvoie à l'étude d'incidence et aux chiffres évoqués par M. Van Rompuy. L'intervenant sait que ces pourcentages sont contestés par les associations de consommateurs. D'après lui, il ne s'agit toutefois pas des chiffres exacts mais du message qui est exprimé, à savoir que la diversité des droits des contrats nationaux fait effectivement obstacle au commerce transfrontalier, et ce tant pour les entreprises que pour les consommateurs. L'intervenant ne peut adhérer au raisonnement selon lequel l'obstacle au commerce transfrontalier serait non pas le droit des contrats national mais la distance ou le régime fiscal. Il existe en effet divers obstacles mais cela ne signifie pas que la proposition visant à lever l'un d'entre eux doit être rejetée pour autant. La proposition faisant l'objet du présent rapport ne peut certes pas lever tous les obstacles, mais elle supprimera au moins une barrière au commerce transfrontalier. Le fait que d'autres obstacles subsistent n'est pas un argument.

    Mme Khattabi pense que l'on glisse très facilement d'un débat sur le contrôle de subsidiarité vers un débat sur l'opportunité de la proposition de règlement. Le contrôle de la subsidiarité s'opère selon un canevas. On ne peut remettre en question le débat sur la subsidiarité en avançant des éléments de fond et d'opportunité.

    M. Van Rompuy souligne qu'en plus du contrôle de subsidiarité, l'on pourrait également mener un débat d'opportunité, en l'occurrence dans le cadre de l'initiative Barroso.

    L'intervenant peut se rallier aux arguments développés par Mme Goyens à propos des statistiques et du problème de compétitivité.

    Peut-être le règlement proposé n'est-il pas non plus la bonne méthode de régulation. Quid des compétences au cas où l'on voudrait modifier ultérieurement le droit des contrats proposé ?

    M. de Halleux réagit à la dernière remarque du préopinant. Les auteurs de doctrine parlent de risque de fossilisation du droit des contrats. Le risque est réel que si des problèmes importants se posent sur notre marché national, le législateur belge ne sera plus compétent pour le régler.

    L'intervenant renvoie ensuite à la Déclaration commune du 30 novembre 2011 entre Test Achats et Unizo (voir annexe (5) ). Les deux organisations y expriment leurs inquiétudes vis-à-vis de la proposition de règlement relatif à un droit commun européen de la vente. M. de Halleux en déduit que la position défendue par la Fédération des entreprises de Belgique ne reflète pas le point de vue de l'ensemble des petites et moyennes entreprises flamandes.

    IV. PRÉSENTATION DU PROJET D'AVIS PRÉPARÉ PAR LE RAPPORTEUR

    M. Delpérée présente le projet d'avis suivant: « Projet de conclusion du Sénat sur la proposition de règlement européen sur un droit commun de la vente (COM (2011) 635) ».

    Section 1re: Les textes

    L'article 5, § 3, alinéa 2, du Traité sur l'Union européenne (TUE) établit deux règles.

    La première est une règle d'action. Elle est formulée à l'intention des institutions de l'Union. Celles-ci doivent respecter « le principe de subsidiarité conformément au protocole sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité » (6) .

    La seconde est une règle de contrôle. Elle s'adresse aux institutions des États membres. « Les parlements nationaux veillent au respect du principe de subsidiarité conformément à la procédure prévue dans ce protocole ».

    Le protocole nº 1 annexé au TUE s'attache à définir le rôle des parlements nationaux dans l'Union européenne. Il précise, dans son article 2, alinéa 3, que « les projets d'actes législatifs émanant de la Commission sont transmis directement par la Commission aux parlements nationaux, en même temps qu'au Parlement européen et au Conseil ».

    Ce protocole ajoute, dans son article 3, alinéa 1er, que « les parlements nationaux peuvent adresser aux présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, un avis motivé concernant la conformité d'un projet d'acte législatif avec le principe de subsidiarité, selon la procédure prévue par le protocole sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité » (7) .

    Le protocole nº 2 est, pour sa part, consacré à « l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité » et au système de contrôle de l'application de ces principes (préambule du protocole).

    Il précise, notamment dans son article 6, alinéa 1er, que « tout parlement national ou toute chambre de l'un de ces parlements peut, dans un délai de huit semaines à compter de la date de transmission d'un projet d'acte législatif dans les langues officielles de l'Union, adresser aux présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission un avis motivé exposant les raisons pour lesquelles il estime que le projet en cause n'est pas conforme au principe de subsidiarité. Il appartient à chaque parlement national ou à chaque chambre d'un parlement national de consulter, le cas échéant, les parlements régionaux possédant des pouvoirs législatifs ».

    Par ailleurs, l'on ne saurait ignorer que la Belgique a assorti la signature du traité de Lisbonne d'une déclaration « relative aux parlements nationaux ». Elle porte le nº 51. « La Belgique précise », dans des termes qui prennent quelque liberté avec l'état du droit parlementaire, « qu'en vertu de son droit constitutionnel, tant la Chambre des représentants et le Sénat du Parlement fédéral que les assemblées parlementaires des communautés et des régions agissent, en fonction des compétences exercées par l'Union, comme composantes du système parlementaire national ou chambres du Parlement national ».

    Section 2: La procédure

    En vertu des textes qui viennent d'être rappelés, le Sénat a été saisi, le 12 octobre 2011, d'une proposition de règlement européen du 11 octobre 2011 sur un droit commun de la vente (COM (2011) 635).

    La proposition a été transmise à la commission de la Justice. Celle-ci en a délibéré au cours de ses réunions des 22 et 29 novembre et 6 décembre. La commission a procédé à des auditions dont on trouvera le compte rendu en annexe au rapport (doc. Sénat, nº 5-1382/1). Elle a également reçu des contributions écrites du professeur Patrick Wéry, de l'Ordre des barreaux francophones et germanophone (Benoît Kohl et Denis Philippe) et du OVB (Eddy Boydens); celles-ci sont également reproduites en annexe au rapport (8) .

    Il est rappelé que le délai fixé pour rendre un avis sur le respect du principe de subsidiarité expire le 12 décembre 2011.

    Section 3: Considérations méthodologiques

    Deux préceptes méthodologiques doivent guider une assemblée parlementaire lorsqu'elle est amenée à donner un avis sur la conformité d'un projet d'acte législatif avec le principe de subsidiarité. Le premier est d'ordre juridique, le second est plus politique.

    D'un point de vue juridique, il s'indique de donner à la vérification de conformité son sens premier, à savoir la confrontation de deux normes — d'une part, les dispositions d'un texte en projet et, d'autre part, celles du traité, en l'occurrence le principe de subsidiarité. Cette comparaison doit déboucher sur une appréciation en droit de la validité de la démarche législative entreprise. S'il devait apparaître au terme de cette analyse que le texte en projet ne s'inscrit pas dans la perspective de la subsidiarité et si cette appréciation devait être partagée par d'autres assemblées parlementaires, il reviendrait à l'auteur du texte de procéder à un nouvel examen de sa proposition.

    D'un point de vue politique, il appartient évidemment à une assemblée parlementaire de se prononcer selon les critères d'appréciation politique qui sont normalement les siens — tant il est vrai que des élus sont, par principe, amenés à apprécier une proposition en fonction de critères proprement politiques —. Au même titre que la Chambre des représentants, le Sénat n'a pas manqué d'insister — à l'occasion de l'examen du projet-pilote conçu par la COSAC à propos du « troisième paquet ferroviaire » — sur le caractère politique du contrôle qui devait être réalisé à ce moment.

    Le contrôle de subsidiarité offre à l'assemblée l'occasion d'exprimer l'idée qu'elle se fait de l'organisation générale des pouvoirs dans l'Union européenne. Elle lui donne l'opportunité d'indiquer comment il y a lieu, selon elle, de comprendre les dispositions du traité qui veulent que la décision politique soit prise « le plus près possible des citoyens de l'Union » (préambule du protocole nº 2).

    Dans ces conditions, l'assemblée parlementaire gagne à se poser trois questions différentes lors d'un contrôle de subsidiarité (9) .

    a) La question de la compétence. En concevant un acte législatif, les autorités européennes sont-elles restées dans le champ d'activités qui leur revient ? Peuvent-elles trouver dans les traités un titre pour intervenir en ce domaine ?

    b) La question de la pertinence. Tel qu'il est conçu, l'acte législatif répond-il adéquatement au problème qu'il entend résoudre ? La mesure envisagée est-elle appropriée ? Permet-elle ou facilite-t-elle la réalisation du but recherché par les institutions européennes ?

    c) La question de la proximité. L'acte législatif en projet respecte-t-il à suffisance les initiatives et les interventions des autorités nationales ? Les mêmes résultats n'auraient-ils pu être atteints à l'entremise des États membres ? « Les dimensions ou les effets de l'action envisagée » justifiaient-ils une intervention européenne en ce domaine ?

    Par contre, il ne revient pas aux assemblées parlementaires de s'exprimer, en opportunité, sur le fond de la proposition de règlement et d'en souligner les avantages ou les inconvénients (10) .

    Section 4: L'objet de la proposition de règlement

    La proposition de règlement européen relatif à un droit commun européen de la vente vise à contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur par la création d'un corps uniforme et volontaire de règles en matière contractuelle.

    Elle s'adresse tant aux entreprises qu'aux citoyens. Les premières doivent être associées au développement d'un commerce transfrontalier. Les seconds doivent être encouragés à procéder, dans des conditions accrues de commodité et de sécurité, à des achats transfrontaliers. La proposition concerne donc tant les contrats de vente conclus entre entreprises que les contrats conclus entre une entreprise et des consommateurs.

    Un droit qualifié d'autonome et d'uniforme verrait ainsi le jour. Il présenterait un caractère facultatif. Il ne serait applicable que pour autant que les parties engagées dans des transactions transfrontalières y souscrivent. Ce serait un « second régime de droit contractuel » qui aurait vocation à s'inscrire au sein du droit national de chacun des États membres, à côté d'un premier régime qui resterait celui du Code civil (articles 1582 à 1701) et des lois impératives qui visent à organiser le régime de la consommation.

    L'adoption de ce système optionnel permettrait d'éliminer un certain nombre d'obstacles résultant des divergences entre les systèmes juridiques relatifs au droit des contrats, en particulier du contrat de vente. Il pourrait montrer la voie à suivre pour l'harmonisation du droit des obligations, en général.

    Section 5: L'analyse de conformité

    Eu égard aux observations méthodologiques qui ont été formulées, la commission de la Justice du Sénat a examiné à trois points de vue la proposition de règlement européen qui a été soumise à son contrôle.

    1. En ce qui concerne l'analyse de compétence, elle relève que les traités ne contiennent pas de dispositions particulières permettant d'adopter un régime juridique qui s'intègre dans le droit des États membres sans pour autant en modifier les dispositions essentielles.

    Or, la législation en projet n'a pas pour objet de se substituer aux législations nationales. Elle n'entend pas non plus harmoniser leurs dispositions. Elle entend créer un nouveau véhicule juridique qui coexiste et entre, dans une large mesure, en concurrence avec celui que contient chacun des droits nationaux.

    Les auteurs de la proposition fondent leur intervention sur l'article 114, § 1er, TFUE. Cette disposition vise à assurer le « rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui ont pour objet l'établissement et le fonctionnement du marché intérieur ». Il est précisé au paragraphe 3 du même article, que, dans les propositions qu'elle formule notamment en matière de protection des consommateurs, la Commission doit prendre pour base « un niveau de protection élevé ».

    La proposition ne s'inscrit pas, cependant, dans la perspective du rapprochement des dispositions législatives nationales. Les auteurs auraient dû choisir une autre base légale, tel l'article 352, TFUE, qui autorise l'Union à prendre des « mesures appropriées » pour autant qu' « une action de l'Union parai(sse) nécessaire, dans le cadre des politiques définies par les traités, pour atteindre l'un des objectifs visés par les traités, sans que ceux-ci n'aient prévu les pouvoirs d'action requis à cet effet ».

    Dans ce cas, il appartiendrait aux auteurs de la proposition de recueillir l'adhésion unanime des États membres. En faisant erronément référence à l'article 114 TFUE, ils introduisent une distorsion dans le processus législatif européen (11) . De manière incidente, ils déplacent également le centre de décision politique au sein de l'Union.

    2. En ce qui concerne l'analyse de pertinence, la commission de la Justice constate qu'en ce qui concerne les opérations transfrontalières, l'intervention des autorités européennes peut avoir un effet que des législations nationales ne sauraient atteindre dans un système juridique confiné au droit interne. Elle peut contribuer à rendre les transactions transfrontalières plus simples et plus sûres pour cinq cents millions de personnes.

    Cet objectif est valable. Il fait partie de ceux que l'Union européenne peut et même doit poursuivre. Il est néanmoins permis de se demander si les moyens utilisés sont les plus adéquats pour atteindre cet objectif. La législation envisagée pourrait, en effet, offrir à un ensemble d'acteurs économiques un moyen commode de contourner les dispositions impératives qui sont inscrites dans les législations nationales ?

    Le professeur Patrick Wéry — qui remet une étude sans nul doute favorable à la proposition de règlement — ne manque pas de le souligner: « Selon l'exposé des motifs, « conformément à l'article 114, paragraphe 3, TFUE, le droit commun européen de la vente garantirait un niveau élevé de protection des consommateurs en instituant son propre corps de règles impérativement qui maintiendraient ou amélioreraient le degré de protection dont jouissent les consommateurs grâce au droit de la consommation en vigueur au niveau de l'Union ». »

    Il ajoute, cependant: « Il est permis de douter de l'exactitude de cette assertion au regard du droit positif belge. L'exemple des clauses abusives dans les contrats entre vendeurs professionnels et consommateurs est éloquent ». Et de conclure que la proposition assure « une protection moins poussée » que celle du droit belge, tel qu'il s'exprime notamment dans la loi du 6 avril 2010 relative aux pratiques du marché et à la protection des consommateurs.

    Cette conclusion incite à considérer que la proposition de règlement n'atteint pas les objectifs qu'elle s'était pourtant donnée à bon escient.

    3. En ce qui concerne l'analyse de proximité, il est permis de se demander si les auteurs du projet de règlement européen démontrent à suffisance que l'acte législatif qu'ils proposent peut satisfaire à une analyse de subsidiarité.

    Alors qu'il leur revient d'apporter la preuve de ce qu'une intervention européenne serait plus efficace dans le domaine du droit de la vente et servira mieux le développement du marché unique, ils restent en défaut d'avancer des analyses chiffrées qui appuient leur position de principe.

    L'affirmation selon laquelle « l'Union est la mieux placée pour remédier au problème de la fragmentation juridique » (note du professeur Wéry) ne saurait à elle seule suffire, sauf à considérer par une sorte de pétition de principe que, dès l'instant où des législations différentes existent dans les États membres, un règlement européen semble plus indiqué pour établir un régime juridique uniforme en la matière.

    Les auteurs ne semblent pas tenir compte de l'impact de la directive 2011/83/UE sur les droits des consommateurs (JO UE, 22 novembre 2011) qui doit encore être transposée en droit interne. Ils ne montrent pas comment il est possible de concilier les dispositions du règlement en projet avec celles du règlement nº 593/2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I).

    Les auteurs n'apportent pas non plus la preuve qu'un vingt-huitième régime — dit « optionnel » —, se surajoutant aux vingt-sept régimes juridiques applicables dans les États membres et entrant en concurrence avec eux, servira mieux les intérêts des producteurs et ceux des consommateurs.

    L'harmonisation de la législation relative à la protection des consommateurs est une réussite. Elle doit atteindre plus sûrement et plus efficacement ses buts qu'un régime minimal de protection, proposé à titre facultatif.

    Section 6: La conclusion de la commission de la Justice

    Compte tenu des observations qui précèdent, notamment celles qui portent sur la compétence des autorités de l'Union européenne, la commission de la Justice est d'avis que la proposition de règlement qui a été soumise à son contrôle s'expose à critique au regard du principe de subsidiarité. Elle organise la concurrence entre des régimes juridiques distincts alors qu'elle devrait avoir pour objectif de combattre les effets préjudiciables qui résultent de législations différentes ou, à tout le moins, de les atténuer. Elle devrait être revue pour rencontrer les différentes objections qui viennent d'être mentionnées. »

    V. DISCUSSION

    MM. Vanlouwe et Van Rompuy sont d'avis qu'une discussion approfondie doit avoir lieu préalablement à la prise d'une décision. La brièveté des délais ne doit pas faire obstacle à une réflexion sérieuse relative à un avis éventuel.

    M. Courtois note que le projet de conclusion — qui est circonstancié — conclut à la violation du principe de subsidiarité. Quel est dans ce cas l'intérêt de vouloir aller plus loin dans un examen du dossier sur le fond, tenant compte des délais très brefs dans lesquels le Sénat doit se prononcer ?

    Mme Khattabi pense que la commission a fourni un travail sérieux et complet dans le cadre d'un contrôle de subsidiarité. Les remarques complémentaires qui seraient formulées visent le fond du dossier, ce qui sort du cadre de l'examen de subsidiarité.

    M. Delpérée souligne que le texte qu'il a présenté n'est pas un avis personnel. La proposition de texte traduit un certain nombre de préoccupations exprimées lors des discussions et des auditions ainsi que dans les contributions écrites que les commissaires ont reçues.

    Le présent examen ne s'inscrit pas dans l'initiative Barroso. C'est un examen qui s'inscrit dans le cadre de l'article 5 du Traité sur l'Union européenne et des protocoles nos 1 et 2, en respectant les délais qui y sont prévus. Il ne faut pas ouvrir un débat plus large que celui dont la commission est saisie.

    Enfin, c'est au Sénat qu'il appartient de se prononcer, en séance publique, et le délai pour remettre la conclusion expire le 12 décembre 2011.

    Mme Defraigne précise que le document de travail préparé par le rapporteur repose sur les discussions antérieures et les auditions. L'avis à préparer pour la séance plénière ne porte que sur la question de la subsidiarité. Si la commission veut également formuler des remarques de fond, elle peut le faire dans un délai raisonnable. Cependant, pour être recevable, l'avis sur la subsidiarité doit être remis dans le délai prévu. Si le Sénat veut être efficace, il ne peut laisser passer le délai. Elle est convaincue que la commission dispose de tous les éléments pour vider la question de la subsidiarité.

    M. Mahoux rappelle que la commission n'a pas à se positionner sur le fond du problème.

    VI. ANALYSE DU PROJET DE CONCLUSION ET DISCUSSION

    Section 1re: Les textes

    MM. Mahoux et Bousetta proposent de supprimer dans le dernier alinéa de la section les mots « , dans des termes qui prennent quelque liberté avec l'état du droit parlementaire, ». M. Mahoux relève en effet que ce membre de phrase vise un commentaire alors que le reste de la section vise à rappeler les textes sur lesquels se base l'avis.

    M. Delpérée fait remarquer que le membre de phrase attire l'attention sur la présentation illogique des assemblées des communautés et régions comme étant des composantes du Parlement national. C'est une formule ridicule sur le plan institutionnel. Quoi qu'il en soit l'intervenant peut accepter la suppression de ce membre de phrase si cela facilite la recherche d'un consensus.

    Une majorité des membres de la commission soutient la modification proposée (Pour: 7 — Contre: 0 — Abstentions: 2).

    Sections 2 à 4

    Pas de remarques.

    Section 5: L'analyse de la conformité

    MM. Mahoux et Bousetta proposent de remplacer, au point 3, alinéa 3, les mots « dès l'instant où des législations différentes existent dans les États membres » par les mots « sans considération pour les garanties contenues dans les législations des États-membres ».

    M. Mahoux précise que l'objectif d'uniformisation du règlement est certes louable mais cela ne peut se faire qu'en tenant compte des garanties contenues dans les législations des États membres. Il renvoie aux auditions. L'objectif d'uniformisation doit se faire en tenant compte du contenu protectionnel des législations nationales.

    M. Delpérée soutient la modification proposée. Il suggère en outre de remplacer le mot « semble » par le mot « serait ».

    Une majorité des membres de la commission soutient la modification proposée (Pour: 7 — Contre: 0 — Abstentions: 2).

    M. Mahoux relève, au point 3, alinéa 5, que le rapporteur écrit « Les auteurs n'apportent pas non plus la preuve qu'un vingt-huitième régime — dit « optionnel » —, se surajoutant aux vingt-sept régimes juridiques applicables dans les États membres et entrant en concurrence avec eux, servira mieux les intérêts des producteurs et ceux des consommateurs. ». L'intervenant ne pense pas qu'il faille apporter ce type de preuve en cas d'initiative de type communautaire. Le problème de la subsidiarité ne se pose pas par rapport aux personnes visées (les producteurs et les consommateurs) mais par rapport aux compétences des États membres ou de la Commission européenne. L'argument des intérêts des consommateurs et des producteurs relève plus du principe de proportionnalité que du principe de subsidiarité.

    M. Delpérée fait remarquer que la proposition de conclusion se base sur trois points: l'analyse de la compétence, l'analyse de la pertinence et celle de la proximité. Il admet que le troisième argument est moins fort que les deux premiers.

    M. Mahoux souligne qu'une initiative communautaire qui n'abolit pas les législations des États membres peut être une étape vers une harmonisation. La proposition de règlement crée un cadre optionnel qui pourrait être un modèle.

    M. Delpérée fait remarquer que dans une telle hypothèse, on n'est plus en présence d'un régime optionnel.

    M. Mahoux pense que cela reste une option car les États ont le choix entre ce qui peut être un élément d'harmonisation ou, au contraire, décider de ne pas aller vers l'harmonisation.

    Section 6: L'avis de la commission

    Mme Defraigne pense que la conclusion de l'avis devrait être formulée de manière plus catégorique. Pour répondre aux exigences de la Commission européenne, il semble préférable de mentionner que la proposition de règlement sur un droit commun de la vente viole le principe de subsidiarité.

    La majorité des membres se rallient à cette suggestion.

    M. Laeremans trouve que la phrase « la proposition de règlement organise la concurrence entre des régimes juridiques distincts alors qu'elle devrait avoir pour objectif de combattre les effets préjudiciables qui résultent de législations différentes ou, à tout le moins, de les atténuer. » est une formulation assez malheureuse. En effet, l'objectif doit être de mieux harmoniser entre elles les législations existantes. Dans des matières qui sont transfrontalières pour ainsi dire par définition, il est bon d'harmoniser entre elles les législations, ce qui ne signifie pas pour autant que celles-ci doivent être identiques. L'intervenant propose de remplacer les mots « de combattre les effets préjudiciables qui résultent de législations différentes ou, à tout le moins, de les atténuer » par les mots « de mieux harmoniser entre elles les législations existantes ».

    Une majorité des membres de la commission rejette la modification proposée (Pour: 1 — Contre: 7 — Abstentions: 1).

    M. Van Rompuy maintient que la discussion relative à la subsidiarité, d'une part, et celle concernant l'opportunité, d'autre part, sont liées. Pour pouvoir se prononcer définitivement sur le principe de subsidiarité, il convient d'examiner ce que l'on souhaite atteindre grâce à cette proposition. À cet égard, se pose la question de savoir si ce nouveau règlement répond de manière adéquate à la problématique en discussion, ce qui soulève inévitablement la discussion quant au fond.

    L'avis sur la subsidiarité doit cependant être rendu dans un délai différent de celui prévu pour l'avis dans le cadre de l'initiative Barroso.

    L'objet de la proposition est de faire en sorte que les obstacles au libre-échange puissent être levés. Les consommateurs n'achèteront que si leur niveau de protection est suffisamment élevé. La question qui se pose est de savoir si le règlement à l'examen offre un niveau de protection du consommateur supérieur à celui prévu par la législation nationale. Il faut mener ce débat, qui porte en fait sur le fond, dans le cadre du contrôle de subsidiarité.

    Sur le plan juridique, l'intervenant estime que l'on peut ramener le problème à la question du rapport entre trois réglementations, à savoir la réglementation à l'examen, la directive nº 2011/83/UE et le règlement Rome I.

    L'intervenant propose dès lors de remplacer la dernière phrase de la proposition de conclusion par la phrase suivante: « Afin de pouvoir se prononcer définitivement sur le principe de subsidiarité, il convient de préciser les liens entre la directive nº 2011/83/UE, le règlement Rome I et la présente proposition de règlement. »

    En outre, l'intervenant annonce d'ores et déjà qu'il fera une déclaration avant le vote en séance plénière sur la nécessité d'élaborer un règlement général au Parlement afin que le contrôle de subsidiarité puisse avoir lieu dans des conditions optimales, sans qu'il faille décider dans la précipitation. À cet égard, il faut tenir compte du fait que le contrôle de subsidiarité et le contrôle du fond sont presque toujours indissociablement liés. Par ailleurs, l'intervenant émet certaines réserves sur plusieurs points mentionnés dans la proposition de conclusion, comme la discussion sur la question de savoir si l'article 114 peut servir de base juridique à la réglementation à l'examen.

    L'intervenant dit pouvoir souscrire à la proposition de conclusion à l'examen moyennant cette explication de vote et l'acceptation de sa proposition de modification de texte.

    M. Delpérée admet qu'il n'est pas toujours simple de faire une distinction nette entre le contrôle de la subsidiarité et le contrôle d'opportunité.

    En ce qui concerne le renvoi à l'impact de la directive 2011/83/UE, il ne faut pas inverser les choses. Il est difficile de reprocher de ne pas tenir compte, dans le cadre de l'analyse de la subsidiarité du règlement sur un droit européen de la vente, d'une directive dont le délai de transposition n'est pas encore échu. C'est en fait la proposition de règlement sur le droit commun de la vente qui est prématurée par rapport à la transposition de la directive

    Enfin, on peut s'interroger sur la base juridique sur laquelle la Commission fonde la proposition de règlement. Est-ce l'article 114 du TFU qui est d'application ? L'intervenant note que les avis tant du Parlement autrichien que celui du Bundesrat allemand formulent des remarques à ce sujet. Ces deux avis n'étaient pas encore connus au moment où cette question a été évoquée lors des auditions.

    Une majorité des membres de la commission (Pour: 1 — Contre: 6 — Abstentions: 2) rejette la modification de texte proposée.

    M. Vanlouwe a l'impression de devoir conclure à la hâte, alors que le texte de la proposition de règlement a été transmis dès le 11 octobre 2011 par la Commission européenne. Ce n'est pas un reproche, mais il faut reconnaître que la mise à l'ordre du jour en commission de la Justice est intervenue tardivement. Après les auditions en commission, le Sénat doit à présent formuler une conclusion en quelques jours à peine. Or, le dossier en question est très important et mériterait une discussion approfondie, tant en ce qui concerne la subsidiarité que sur le fond du dossier. Qui plus est, la proposition de conclusion de M. Delpérée n'est disponible qu'en français. La commission de la Justice devrait tirer les leçons d'une telle façon de travailler.

    Le groupe de l'intervenant s'abstiendra lors du vote sur la proposition de conclusion, car la commission a travaillé dans la précipitation et n'a pas fourni de traduction. M. Vanlouwe estime qu'il faudra, à l'avenir, s'y prendre autrement pour la formulation de tels avis à la Commission européenne.

    VII. VOTES

    La conclusion telle que modifiée est adoptée par 6 voix et 3 abstentions.

    Confiance a été faite au rapporteur pour la rédaction du présent rapport.

    Le rapporteur, La présidente,
    Francis DELPÉRÉE. Christine DEFRAIGNE.

    ANNEXES 1: NOTES ET DOCUMENTS COMMUNIQUÉS PAR LES EXPERTS LORS DES AUDITIONS DU 30 NOVEMBRE 2011

    Commentaires du BEUC sur l'analyse d'impact de la Commission européenne concernant la proposition d'un droit commun européen de la vente

    En octobre 2011, la Commission européenne a adopté sa proposition de règlement relatif à un « droit commun européen de la vente » (mentionné ci-après sous l'appellation DCEV).

    L'analyse d'impact de la Commission pour le règlement proposé n'est pas convaincante. Le BEUC estime que la Commission n'a pas fourni suffisamment de preuve montrant la nécessité de cet instrument ni pour poursuivre le développement du marché unique, ni pour apporter les avantages supposés aux consommateurs et aux entreprises.

    Les hypothèses de départ de l'analyse d'impact sont douteuses, des problèmes réels de première importance sont omis et l'argument de la croissance économique n'a pas été démontré. Par ailleurs, les principaux acteurs qui, selon la Commission, devraient bénéficier de la proposition — à savoir les consommateurs et les petites et moyennes entreprises représentées au niveau européen par le BEUC et l'UEAPME — s'opposent tous les deux à la proposition.

    Compte tenu du fait que les questions fondamentales concernant le choix politique de la Commission restent sans réponse, le BEUC demande instamment aux législateurs de l'UE qu'ils étudient, en collaboration avec les parlements nationaux, les objections que nous soulevons ci-dessous, qu'ils demandent à la Commission de répondre à ces questions et qu'ils révisent les fondements de la proposition.

    Nous regrettons que plusieurs décideurs, y compris des députés européens, souhaitent interrompre les débats sur la nécessité de cet instrument. Ils demandent d'agir rapidement, cette démarche n'est pas la bonne.

    Considérant que les questions fondamentales reprises ci-dessous restent sans réponse, le BEUC demande instamment aux législateurs de l'UE de ne pas se précipiter dans une décision ni de limiter le débat au contenu du règlement proposé, mais de réfléchir à ce qui suit:

    1) La Commission prétend que les entreprises qui réalisent des ventes dans d'autres pays doivent dépenser de grosses sommes d'argent (environ 10 000 euros) en conseils juridiques afin de s'adapter aux lois nationales de chaque pays de l'UE.

    Les professionnels dépensent-ils réellement cet argent ? L'Eurobaromètre indique clairement que ce n'est pas le cas.

    1.1. L'hypothèse ne tient pas la route

    L'hypothèse de départ du règlement proposé est que les opérateurs dépensent des sommes considérables, notamment de l'ordre de 10 000 euros en conseils juridiques pour s'adapter aux lois de protection des consommateurs (12) de chaque État membre de l'UE, mais les éléments de preuve que la Commission avance ne sont pas clairs du tout. En effet, le Flash Eurobaromètre 321 qui accompagne la proposition indique le contraire:

    — 45 % des entreprises qui ont répondu (les personnes impliquées dans des ventes transfrontières) ont déclaré que le droit des contrats n'avait aucune incidence sur leur décision de vendre à travers les frontières. De toute évidence, ces entreprises n'ont pas dépensé 10 000 euros par État.

    — 37 % ont déclaré que le droit des contrats avait un impact, minime, mais pas significatif sur leur choix. Par conséquent, 82 % des entreprises reconnaissent que le droit des contrats n'a pas d'impact majeur sur leur décision de vendre dans les autres États Membres (13) .

    Aussi, il semble peu vraisemblable que ces 82 % aient dépensé 10 000 euros par pays pour obtenir des conseils juridiques.

    Pourquoi un professionnel dépenserait-il des dizaines de milliers d'euros pour obtenir des avis juridiques sur les différences entre les droits des contrats ? En quoi est-ce nécessaire ? Si les commerçants souhaitent réellement connaître en détail le droit des contrats étranger, ils peuvent y parvenir de façon beaucoup moins onéreuse, via une association professionnelle, ou éventuellement la Commission.

    1.2. Le véritable prix à payer par les entreprises en raison des différentes lois de protection des consommateurs n'a pas été évalué

    Dans l'analyse d'impact, la Commission n'a pas tenu compte de l'évidence: les opérateurs n'ont pas été interrogés sur les sommes qu'ils ont réellement dépensées en conseils juridiques pour les questions relatives au droit des contrats. En revanche, on leur a demandé d'estimer combien ils économiseraient en « frais de transaction » (par exemple, frais juridiques, recherche et traduction de la loi étrangère) si un instrument optionnel était disponible.

    Plus de la moitié des commerçants qui effectuent des transactions d'entreprise à consommateurs (B2C) ont répondu qu'ils ignoraient l'importance de ces coûts, et il semblerait que les autres enterprises l'aient deviné.

    C'est pourquoi nous demandons aux législateurs de fournir plus de preuves sur la base des éléments manquants indiqués ci-dessus et en particulier d'interroger les commerçants sur leurs frais réels.

    1.3. Y a-t-il une obligation légale pour les entreprises de s'adapter aux lois relatives à la protection des consommateurs des 26 autres États membres ?

    D'après la législation européenne de droit international privé relative aux obligations contractuelles (Rome I (14) ), les entreprises peuvent déjà valablement choisir la loi qu'elles souhaitent utiliser pour un contrat transfrontalier avec un consommateur. Dans la pratique, le choix s'avère le plus souvent favorable à leur propre pays de résidence. A priori, il n'y a aucune obligation légale pour les entreprises d'adapter leurs conditions contractuelles à la législation du pays de résidence habituelle du consommateur. Il semble que c'est uniquement en cas de litige et dans l'hypothèse ou les règles impératives du pays de résidence habituelle du consommateur semblent mieux le protéger que la loi initiale du contrat, qu'une entreprise serait confrontée à un droit de protection des consommateurs étranger.

    Par conséquent, un commerçant qui réalise des ventes à travers l'UE n'est pas tenu d'adapter de manière anticipée les conditions contractuelles aux législations relatives à la protection des consommateurs des autres États membres. Cela ne signifie pas que le BEUC cautionne la situation actuelle, mais cela montre que la Commission ne présente qu'une facette de celle-ci.

    Le BEUC a demandé (15) à plusieurs reprises à la Commission de justifier sa position et de s'expliquer sur sa présentation des conséquences de l'article 6 du règlement Rome, mais nous n'avons pas reçu de réponse.

    2) Quel est le lien entre les soi-disant « coûts d'opportunité » et la croissance économique ? Quels sont les facteurs susceptibles de justifier que le potentiel de nouvelles ventes transfrontalières, pour des montants de 26 à 180 mlliards d'euros par an, viendrait s'ajouter aux ventes existantes au lieu de simplement les remplacer ?

    La Commission déclare qu'actuellement le commerce « perdu » coûte à l'économie européenne entre 26 et 180 milliards d'euros chaque année (ce qu'on appelle les « coûts d'opportunité ») (16) . Ce montant est une estimation du supplément de ventes transfrontalières qui seraient réalisées par les entreprises sous un régime de droit commun européen de la vente.

    Mais quel est le lien entre ces coûts d'opportunité et la croissance économique ? Quelles sont les raisons de croire que ce nouveau potentiel commercial viendrait s'ajouter aux ventes existantes, au lieu de simplement remplacer les ventes actuelles ?

    3) Dans quelle mesure les différences entre les législations nationales de protection des consommateurs sont-elles importantes dans les domaines qui affectent les contrats de vente à distance ?

    La récente directive concernant les droits des consommateurs (17) harmonise entièrement des éléments clés de la vente à distance, y compris les contrats en ligne (par exemple, l'information précontractuelle, les formalités contractuelles, le droit de rétractation, les délais de livraison, le transfert des risques). Cette directive sera mise en œuvre d'ici à l'automne 2013. Après sa transposition en droit national, les différences entre les législations des contrats de consommation dans les États Membres se limiteront principalement à deux domaines, qui ont déjà été harmonisés au niveau minimal: les garanties légales (18) et les clauses contractuelles abusives (19) .

    La plupart des questions qui seraient potentiellement couvertes par le DCEV, mais qui sortent du champ d'application de l'acquis de la législation relative à la protection des consommateurs ne sont pas particulièrement pertinentes pour la pratique quotidienne du droit civil des contrats de consommation, comme l'interprétation des contrats de consommation et les dommages intérêts pour non-exécution.

    Il s'agit d'un aspect fondamental qui n'a pas été correctement pris en compte dans l'analyse d'impact.

    La Commission devrait réellement évaluer la nécessité d'un droit commun européen de la vente pour les contrats d'entreprise à consommateurs, à la lumière de la nouvelle directive sur les droits des consommateurs.

    4) Quelles sont les véritables raisons pour lesquelles les entreprises refusent de vendre à des consommateurs résidants dans d'autres États Membres ?

    La Commission européenne déclare que les différences de législations contractuelles sont un obstacle important aux échanges transfrontaliers et que, par conséquent, elles privent les consommateurs des avantages du commerce électronique:

    « Le commerce électronique facilite la recherche d'offres ainsi que la comparaison des prix et d'autres conditions, quel que soit le lieu où le professionnel est établi. Or, lorsque les consommateurs tentent de passer commande auprès d'un professionnel établi dans un autre État membre, ils sont souvent confrontés à la pratique commerciale du refus de vente, qui s'explique souvent par les différences existant en droit des contrats ». (20) .

    Le BEUC considère que cette hypothèse est en contradiction avec les propres conclusions de la Commission. Le dernier Flash Eurobaromètre 321 qui accompagne la proposition de la Commission montre que près de 90 % des professionnels n'ont jamais refusé de vendre à des consommateurs étrangers en raison des différences entre les règles de droit des contrats de consommation des autres pays européens (21) . En outre, la même étude révèle que, pour 80 % des opérateurs, les différences liés au droit des contrats ne constituent pas un obstacle de réaliser des ventes dans d'autres pays européens (22) .

    Par ailleurs, il est important d'établir une distinction claire entre les échanges transfrontières B2B (business to business) et B2C (business to consumer): dans les relations contractuelles avec les consommateurs, les entreprises bénéficient déjà d'un large acquis du droit matériel harmonisé de la consommation et des règles de conflit de lois.

    Au lieu d'introduire une législation aussi complexe qu'un DCEV, on pourrait considérablement progresser en organisant des campagnes de sensibilisation pour les entreprises. En particulier pour les PME, afin de les informer notamment sur les conséquences réelles des dispositions existantes dans la législation applicable aux situations transfrontières, sur le moyen judicieux d'introduire le choix de la clause de droit aux contrats transfrontières, les contrats d'entreprises aux consommateurs et la dimension de risque restant dans ce contexte (par exemple, le risque d'être poursuivi en justice par les consommateurs dans un pays étranger et l'application éventuelle de meilleures normes de protection des consommateurs).

    5) Les PME ont-elles besoin d'un droit commun européen de la vente pour étendre leurs activités dans d'autres États membres ?

    Dans sa proposition, la Commission européenne déclare que « les divergences entre droits des contrats, ajoutées aux coûts de transaction supplémentaires et à la complexité accrue qu'elles génèrent à l'occasion de transactions transfrontières, découragent un grand nombre de professionnels, notamment les PME, de conquérir les marchés d'autres États Membres. Elles ont également pour effet de restreindre la concurrence sur le marché intérieur. »

    Comme l'a souligné une seconde (23) lettre conjointe du BEUC et de l'EUROPMI (l'Union européenne de l'artisanat et des petites et moyennes entreprises) envoyée aux représentants permanents des États membres en octobre 2011, un instrument optionnel n'apportera pas de valeur ajoutée aux consommateurs ou aux PME dans le marché intérieur et n'encouragera ni les entreprises ni les consommateurs à profiter du marché intérieur, mais entraînera plutôt une confusion et des complications supplémentaires pour tous les acteurs du marché (24) .

    Les principaux problèmes auxquels les PME sont confrontées quand elles réalisent des ventes transfrontières ne sont pas liés aux divergences entre les droits des contrats, mais à d'autres obstacles réels et importants, tels que les barrières administratives pour accéder aux marchés nationaux, les différences de régimes fiscaux, les problèmes de langue ou les préférences des consommateurs pour les commerces locaux.

    Cette constatation est corroborée par les résultats d'un Flash Eurobaromètre récent (nº 300), dans lequel près de 80 % des commerçants ont déclaré que l'harmonisation du droit de la consommation dans l'UE ferait « peu ou aucune différence pour leurs échanges transfrontières » (25) .

    Selon l'analyse d'impact, seulement 7 % des sociétés ont considéré « la nécessité de s'adapter et de se conformer aux règles différentes de protection des consommateurs en vigueur dans le droit des contrats étranger » comme un élément important pour leur décision de vendre à des consommateurs d'autres pays européens (26) .

    Si certaines PME ont l'impression que les divergences entre les dispositions contractuelles nationales les empêchent d'offrir leurs produits à des consommateurs situés dans d'autres États membres, c'est souvent parce qu'elles ne sont pas suffisamment informées sur le contexte législatif applicable aux contrats transfrontaliers B2C.

    Les informations existantes montrent que les entreprises ont besoin d'être formées non seulement sur le cadre juridique applicable aux contrats transfrontières B2C, mais aussi sensibilisées aux obligations légales envers les consommateurs dans leur propre pays: 82 % des opérateurs ont estimé qu'ils connaissaient bien les obligations légales découlant de la législation de protection des consommateurs en vigueur dans leur pays, mais seulement 26 % connaissaient la période exacte pendant laquelle les consommateurs ont le droit de renvoyer un produit défectueux, et parmi ceux qui utilisent la vente à distance, 27 % pouvaient correctement énoncer la durée du délai de réflexion pour la vente à distance dans leur pays (27) .

    Cette ignorance ne sera pas résolue par le DCEV. Au contraire, en ajoutant une nouvelle législation complexe, les PME devront investir davantage de ressources pour en savoir plus sur leurs obligations au titre du régime optionnel proposé, alors qu'elles méconnaissent la législation de protection des consommateurs de leur propre pays.

    Enfin, lorsque les entreprises ont été interrogées sur la probabilité qu'elles utilisent le droit commun européen de la vente (28) , il n'a pas été indiqué que pour de nombreuses matières, elles devront encore se référer aux législations nationales (voir par exemple, le considérant 27 de la proposition, qui répertorie les matières restant en dehors du champ d'application du DCEV, et pour lesquelles les lois nationales sont par conséquent d'application). Cette omission a un impact fondamental sur les réponses, parce que les entreprises auraient pu croire qu'elles peuvent compter sur un ensemble unique de règles, alors que ce n'est pas le cas d'après la proposition de la Commission. Par ailleurs, la proposition rendrait la situation encore plus complexe que sous le règlement Rome I, parce que si les entreprises décident d'appliquer le DCEV, elles devront tenir compte non seulement de ces règles, mais aussi des lois nationales pour les matières non couvertes par l'instrument européen, alors qu'au titre de l'article 6 (2) de Rome I, les entreprises peuvent s'appuyer sur un système juridique en choisissant la loi.

    6) Les consommateurs n'achètent-ils pas à l'étranger parce qu'ils s'interrogent sur leurs droits ?

    La Commission européenne prétend que « les différences entre législations nationales amènent souvent les consommateurs à s'interroger sur les droits qui sont les leurs dans les situations transfrontières. Par exemple, l'une de leurs principales préoccupations est de connaître les voies de recours dont ils disposent lorsqu'un produit acheté dans un autre État membre n'est pas en conformité avec le contrat. Nombre de consommateurs sont, par conséquent, dissuadés d'acheter des produits et des services hors de leur marché national ».

    Cependant, du point de vue des consommateurs, les données existantes montrent que les principaux problèmes qui les dissuadent d'acheter à l'étranger ne sont pas les obstacles liés au droit des contrats, mais le manque de recours efficaces: la principale question du consommateur est: « Que faire et vers qui se tourner en cas de problème" ? ». Cette réalité est confirmée par les données du dernier tableau de bord de la consommation de la Commission: l'année dernière, 62 % des consommateurs n'ont pas acheté en ligne à l'étranger parce qu'ils craignaient la fraude, ils ne savaient pas quoi faire en cas de problème (59 %) ou s'inquiétaient au sujet de la livraison (49 %) (29) .

    En outre, une des principales raisons qui expliquent pourquoi les consommateurs n'achètent pas de marchandises en provenance d'autres pays, à part les obstacles mentionnés ci-dessus, est qu'ils ne voient pas la nécessité d'acheter des produits dans d'autres pays alors qu'ils peuvent trouver ce dont ils ont besoin localement (30) .

    La Commission européenne souligne que 44 % des Européens déclarent ne pas acheter à l'étranger car ils ne connaissent pas précisément les droits qui sont les leurs (31) . Les éléments de cette conclusion (citée dans le memo de la Commission du 11 octobre), publiés dans l'Eurobaromètre 299a seulement le 22 novembre 2011, ne montrent pas le type de droits auxquels les consommateurs faisaient référence. D'après notre expérience, les consommateurs s'inquiètent davantage de leur droit d'obtenir réparation que des règles de fond.

    En ce qui concerne les objections du BEUC quant à la validité de l'étude d'impact, les résultats de l'Eurobaromètre 299a sont un élément important: par rapport à la question de savoir si les consommateurs seraient plus disposés à acheter s'il y avait des règles européennes uniformes, le sondage indique que soit des règles européennes uniformes seraient d'application, soit la loi du vendeur (32) .

    Toutefois, dans le questionnaire aux entreprises utilisé pour l'analyse d'impact de la Commission, l'hypothèse est que les commerçants doivent adapter leurs conditions contractuelles à la législation du consommateur (33) (voir également ci-dessus point 1.3), alors que dans le questionnaire adressé aux consommateurs, ces derniers ont été invités à répondre sur la base de l'hypothèse que la législation du commerçant s'appliquerait à leurs transactions transfrontières (34) .

    Les preuves de la Commission se fondent par conséquent, sur des réponses des entreprises et des consommateurs induites par des hypothèses contradictoires.

    7) Le règlement proposé offre-t-il un niveau élevé de protection des consommateurs, mettra-t-il les consommateurs en confiance pour acheter des produits dans d'autres pays de l'UE ?

    La Commission souligne que la proposition présente un très haut niveau de protection des consommateurs qui diminuera peu, voire pas du tout, par rapport aux normes nationales existantes.

    Ce point doit être clarifié. En fait, un grand pourcentage des règles proposées pour les contrats de consommation proviennent de l'acquis de la législation de protection des consommateurs, et en particulier de la directive concernant les droits des consommateurs qui vient d'être adoptée et qui harmonise totalement les principaux éléments des transactions en ligne des consommateurs.

    Par conséquent, les consommateurs n'ont pas besoin d'un DCEV pour être mieux protégés dans les domaines déjà couverts par la directive concernant les droits des consommateurs. Une fois que les dispositions de cette directive auront été transposées dans les législations nationales au cours des deux prochaines années, ces règles s'appliqueront dans toute l'Europe et en ce qui concerne les ventes en ligne aux consommateurs, les entreprises bénéficieront d'un niveau très élevé d'harmonisation dans presque tous les domaines importants.

    Le seul niveau de protection vraiment élevé dans le texte proposé est le libre choix des voies de recours en cas de non conformité d'un produit et la longue période de la garantie légale. Cependant, c'est un domaine qui est déjà harmonisé par une règle minimale, à savoir par la directive sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation de 1999.

    8) Les consommateurs bénéficieront-ils d'un choix élargi et de prix plus compétitifs ?

    La Commission affirme qu'un nombre réduit de ventes transfrontières entraîne la diminution des importations et de la concurrence entre les opérateurs, ce qui peut déboucher sur une limitation du choix des produits et sur une augmentation des prix du marché.

    Cependant, comme déjà expliqué ci-dessus, le faible niveau des transactions transfrontières n'est pas une conséquence des différences entre les législations nationales des contrats. À l'inverse, d'autres obstacles réels et importants tels que les difficultés pour les petites entreprises d'accéder aux marchés nationaux en raison de barrières administratives et des différences des régimes fiscaux, des obstacles culturels comme la langue et la culture numérique, de faibles niveaux de pénétration du haut débit, de la discrimination territoriale des lois de propriété intellectuelle, des difficultés des consommateurs d'accéder aux recours, de l'absence d'accès ou d'un accès difficile à des moyens de paiement électronique sont un frein au développement du commerce transfrontalier.

    Par conséquent, il est malaisé de savoir dans quelle mesure le DCEV pourrait réellement inciter les entreprises à proposer leurs produits dans d'autres États membres et ainsi offrir plus de choix aux consommateurs à travers l'Europe si tous ces obstacles continuent à freiner le commerce électronique transfrontalier.


    PROPOSITION DE RÈGLEMENT POUR UN DROIT COMMUN EUROPÉEN DE LA VENTE

    Position de la FEB

    La FEB se rallie au constat de la Commission européenne selon lequel il y a toujours, au sein de l'Union européenne « sans frontières », plusieurs entraves (35) aux activités transfrontalières. Le potentiel économique qu'offre le marché unique de 500 millions d'européens n'est pas encore suffisamment exploité par les entreprises et les consommateurs. L'existence de différents régimes en matière de droit des contrats au sein des États membres entrave sans aucun doute le fonctionnement du marché intérieur, comme l'indiquent plusieurs études européennes (36) .

    La FEB souscrit aux objectifs de la proposition de règlement pour un droit commun européen de la vente (ci-après appelée proposition). En effet, la création d'un cadre juridique identique en matière de droit des contrats peut faciliter et stimuler les échanges transfrontaliers. La conclusion de contrats de vente avec des partenaires établis dans d'autres États membres devrait être rendue plus simple, plus sûre et moins onéreuse tant pour les entreprises que pour les consommateurs.

    La FEB formule toutefois plusieurs remarques critiques au sujet du contenu et de l'impact de cette proposition. Un règlement ayant pour objet l'introduction d'un instrument optionnel, à titre de régime secondaire qui coexisterait avec le droit national des contrats, est une approche totalement neuve. Cette proposition requiert une analyse approfondie et prudente, à laquelle la FEB est disposée à contribuer sur une base constructive.

    L'instrument doit rester optionnel

    La FEB souligne l'importance du principe de la liberté contractuelle entre entreprises. Cet instrument optionnel ne peut affecter cette liberté et ne peut, à terme, déboucher sur une application obligatoire du droit commun européen de la vente. Les entreprises doivent rester libres de déterminer le droit applicable, surtout dans les relations B2B. Les entreprises, et plus particulièrement les PME, doivent pouvoir continuer à utiliser les contrats et les conditions générales qu'elles connaissent. La FEB est opposée à une application obligatoire de cet instrument pour les entreprises.

    Conflit avec le droit international privé ?

    La base légale de cette proposition se trouve dans l'article 114 du Traité sur le fonctionnement de l'UE. La grande ambiguïté au niveau du droit international privé consiste à déterminer le lien entre cette proposition et l'article 6 du règlement de Rome I (37) . Cette disposition stipule que la protection du consommateur sur la base du droit national reste applicable si elle est plus élevée que le droit choisi comme étant d'application au contrat de vente. Si cela devait impliquer que l'entreprise doit, dans les différents États membres, vérifier s'il n'y a pas infraction au niveau national des règles sur la protection des consommateurs, même si le droit commun européen de la vente est d'application, la proposition ne serait, dès lors, porteuse ni de simplification ni de sécurité juridique pour les entreprises.

    Ou le règlement pour un droit commun européen de la vente prime-t-il sur le règlement de Rome I et sur le régime national de protection des consommateurs ? La protection des consommateurs prévue au niveau national peut-elle être ignorée lorsque des parties ont déclaré que le droit commun européen de la vente s'appliquait à leur contrat ? Quel est l'impact de cet ajustement pour les entreprises, les juges nationaux et les consommateurs européens ?

    Il est indispensable que la base légale et son lien avec le règlement de Rome I soient précisés d'une manière qui répond aux besoins de la pratique. La FEB insiste également sur la clarification de la valeur ajoutée de cet instrument dans les relations B2B par rapport à l'application actuelle de la Convention de Vienne sur la vente (38) .

    (In)sécurité juridique

    L'idée de base est que cette proposition doit garantir la sécurité juridique pour les entreprises dans le cadre de contrats de vente transfrontaliers. L'application identique d'un seul régime européen au sein de tous les États membres peut apporter une sécurité juridique plus importante que la coexistence de plusieurs régimes nationaux.

    Cet instrument couvre les principaux volets du droit des contrats, mais il ne prévoit aucun régime en matière de compétence juridique, de transfert et de réserve de propriété, de représentation en justice, ... Dans ces domaines, le droit national est toujours applicable. L'instrument optionnel peut difficilement être considéré comme un régime secondaire à part entière au sein du droit national, parce qu'il ne comprend pas de réglementation complète. Il faut en tous cas éviter que le droit commun européen de la vente revienne dans la pratique à une réglementation additionnelle, car cela ne ferait que croître les coûts de mise en conformité des entreprises.

    On s'interroge par ailleurs sur la faisabilité d'une application et d'une interprétation identiques par les juges nationaux des différents États membres. Et quel en sera l'impact et le coût pour les organisations judiciaires nationales ? Une interprétation uniforme par la Cour de justice sera la plupart du temps nécessaire, mais cela prend beaucoup de temps. La proposition mentionne la création d'une base de données commune de décisions judiciaires, mais nous doutons que cela puisse suffire à garantir la sécurité juridique.

    Une protection des consommateurs poussée et complexe

    Afin que les entreprises optent pour le droit commun européen de la vente, il faut qu'il y ait suffisamment d'incitants. Cette proposition contient, à juste titre, un niveau élevé de protection des consommateurs. Il convient cependant de trouver le bon équilibre entre les intérêts des consommateurs et ceux des entreprises. Dans la proposition, la protection des consommateurs est trop poussée dans certains domaines, comme le libre choix des moyens de réparation par le consommateur ou la longue liste de clauses abusives.

    La protection des consommateurs doit rester « conviviale ». À cet égard, la FEB attire l'attention sur l'importance croissante du commerce électronique. Si des commerçants souhaitent proposer leurs produits en ligne sur la base du droit commun européen de la vente, le consommateur doit pouvoir marquer son consentement au moyen d'un seul clic de souris. Cet accord ne peut représenter un obstacle additionnel lors de la vente, pas plus que la communication d'informations précontractuelles. L'instrument optionnel doit permettre qu'un colis commandé aujourd'hui puisse être livré demain, sans être retenu pour des formalités contractuelles. Les entreprises et les consommateurs veulent une simplification, et non des exigences formelles complexes.

    Dès que les entreprises estimeront que la protection des consommateurs est trop poussée ou trop complexe, cela les incitera probablement à ne pas opter pour cet instrument.

    En ligne avec le principe de subsidiarité et de proportionnalité

    Sachant que la proposition est essentiellement axée sur la réglementation des contrats de vente transfrontaliers, la FEB n'a pas d'objection à ce que la Commission européenne prenne une initiative. Les objectifs visés pourront plus aisément être atteints par l'Union européenne plutôt que par les États membres, de sorte que cette proposition est conforme au principe de subsidiarité, tel qu'inscrit à l'article 5 du Traité CE. La proposition concorde également avec le principe de proportionnalité. Elle ne va pas trop loin pour réaliser les objectifs fixés, aussi longtemps qu'elle reste un instrument optionnel dont l'application est choisie librement par les parties concernées.

    Conclusion

    Pour la FEB, un cadre légal uniforme concernant le droit des contrats peut renforcer les échanges transfrontaliers au sein du marché intérieur européen. Il représentera pour les entreprises, et en particulier les PME, une source d'économies sensibles dans la prise de conseils juridiques. L'augmentation du commerce transfrontalier peut également élargir le choix des produits pour le consommateur à des prix plus concurrentiels.

    Il ne semble toutefois pas possible de réaliser ces avantages potentiels sans apporter une solution aux remarques critiques qu'appelle la proposition. L'instrument optionnel n'offre de valeur ajoutée que s'il se fonde avec certitude sur la base légale appropriée, s'il génère la sécurité juridique de manière cohérente, s'il est simple à appliquer et s'il établit un équilibre entre les intérêts du consommateur et ceux de l'entreprise. La proposition actuelle ne répond pas suffisamment à ces conditions. La FEB estime donc nécessaire que les institutions européennes revoient la proposition de règlement pour un droit commun européen de la vente. »


    PROPOSITION DE RÈGLEMENT RELATIF À  UN DROIT COMMUN EUROPÉEN DE LA VENTE

    EXAMEN AU REGARD DU PRINCIPE DE SUBSIDIARITÉ ET DE PROPORTIONNALITÉ

    Résumé de l'avis de Test Achats

    La présente contribution expose les premières observations de Test Achats sur la proposition de règlement du Parlement au Conseil relatif à un « droit commun européen de la vente » (Com (2011) 635 final) adoptée par le Collège des commissaires européens le 11 octobre 2011.

    Cette proposition de règlement européen suscite pour Test Achats les plus grandes craintes. En effet, ce texte européen arrête un corps de règles alternatives réglementant certaines transactions de ventes de produits ou de services lorsque les parties en font le choix (ou « second régime de droit contractuel »). Ces produits et services seraient ainsi soumis à un régime juridique propre et autonome par rapport aux 27 systèmes juridiques nationaux sans avoir besoin de respecter les dispositions impératives de l'un ou l'autre État membre.

    La Commission européenne n'a présenté aucun élément convaincant établissant que les disparités entre les droits nationaux entravent le marché intérieur et que le nouveau droit alternatif de la vente aurait un impact significatif sur le commerce transfrontière.

    Test Achats considère que cette manière de légiférer serait hautement toxique pour le droit de la consommation car il s'agirait d'une « solution substitutive » aux droits nationaux qui contournerait l'application des règles impératives internes figurant dans la législation de chaque État membre et donc en réduirait fortement l'effectivité.

    Cette manière de légiférer nous semble de nature à heurter le principe de subsidiarité et de proportionnalité. En effet, il n'y a pas de compétence de l'Union européenne permettant de mettre en place un ensemble de règles alternatives à la législation nationale. La duplication de la législation nationale, notamment les contrats domestiques, avec un ensemble unique de règles n'est pas une mesure proportionnée pour faire face aux obstacles au commerce dans le marché intérieur. La concurrence entre ce droit optionnel et les systèmes nationaux obligera à terme les États à revoir à la baisse le contenu de leur droit national afin de permettre à leurs commerçants locaux d'être concurrentiels. Par conséquent, ce processus conduira nécessairement à un nivellement par le bas des droits des consommateurs.

    Avis de Test Achats

    La présente contribution constitue les premières observations de Test Achats sur la proposition de règlement du Parlement au Conseil relatif à un « droit commun européen de la vente » (Com (2011) 635 final) adoptée par le Collège des commissaires européens le 11 octobre 2011.

    I. Considérations préliminaires sur le respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité

    Les principes de subsidiarité et de proportionnalité régissent strictement l'exercice des compétences de l'Union européenne. Plus spécifiquement, dans les domaines qui ne relèvent pas de la compétence exclusive de l'Union européenne, le principe de subsidiarité entend, d'un côté, protéger la capacité de décision et d'action des États membres, et, de l'autre côté, légitime l'intervention de l'Union si les objectifs d'une action ne peuvent pas être réalisés de manière satisfaisante par les États membres « en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée ».

    Il résulte de ces principes que toute initiative qui est prise au niveau européen doit remplir, selon nous, plusieurs exigences fondamentales:

    — premièrement, qu'il existe une compétence conférée à l'Union européenne pour adopter l'initiative envisagée et par voie de conséquence, que l'action envisagée soit nécessaire pour atteindre des objectifs fixés par les traités;

    — deuxièmement, lorsqu'il existe une compétence non-exclusive de l'Union européenne, que les objectifs de l'action envisagée ne puissent pas être atteints de manière suffisante par les États membres en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée;

    — troisièmement, que la mesure envisagée soit adéquate, c'est-à-dire appropriée a priori pour permettre ou faciliter la réalisation du but recherché par les institutions européennes;

    — enfin, que l'action envisagée n'excède pas par sa nature ce qui est nécessaire pour atteindre le but recherché et donc le législateur européen privilégie la voie qui affecterait de façon moins préjudiciable les compétences des États membres (39) .

    L'article 5 du protocole nr. 2 sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité prévoit que « Les projets d'actes législatifs sont motivés au regard des principes de subsidiarité et de proportionnalité. Tout projet d'acte législatif devrait comporter une fiche contenant des éléments circonstanciés permettant d'apprécier le respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité. Cette fiche devrait comporter des éléments permettant d'évaluer son impact financier et, lorsqu'il s'agit d'une directive, ses implications sur la réglementation à mettre en œuvre par les États membres, y compris, le cas échéant, la législation régionale. Les raisons permettant de conclure qu'un objectif de l'Union peut être mieux atteint au niveau de celle-ci s'appuient sur des indicateurs qualitatifs et, chaque fois que c'est possible, quantitatifs. Les projets d'actes législatifs tiennent compte de la nécessité de faire en sorte que toute charge, financière ou administrative, incombant à l'Union, aux gouvernements nationaux, aux autorités régionales ou locales, aux opérateurs économiques et aux citoyens soit la moins élevée possible et à la mesure de l'objectif à atteindre ».

    Le respect du principe de subsidiarité est susceptible d'un contrôle à posteriori (après l'adoption de l'acte législatif), à travers un recours juridictionnel à la Cour de justice de l'Union européenne. Un tel recours peut être introduit par un État membre éventuellement au nom de son parlement national ou d'une chambre de celui-ci. En vue d'exercer un tel recours avec succès, il est donc essentiel pour les parlements nationaux en amont de procéder de manière rigoureuse au contrôle de subsidiarité et de proportionnalité.

    II. Examen de la proposition de règlement

    1.1. La proposition de règlement est proposée sur une base légale erronée

    Les traités ne prévoient pas de compétences spécifiques pour créer des instruments du droit privé dont relève le droit des contrats et donc a fortiori aucune compétence exclusive. Par le passé, les directives d'harmonisation des législations relatives à la protection des consommateurs ont été adoptées sur la base de l'article 114 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ex article 95) relatif au rapprochement des législations.

    La Commission européenne entend faire adopter la présente initiative sur cette même base légale de l'article 114 du TFUE. Cette base n'est pas correcte car la présente législation n'a pas pour objet d'harmoniser les législations des différents États membres mais vise à organiser leur contournement. Par le passé, la Cour de Justice de l'Union européenne a considéré que cette base légale ne couvre pas l'activité législative qui a pour objet de mettre en place des dispositions destinées à coexister avec d'autres réglementations sur le même sujet (40) . Au contraire, ces types de mesures devraient être adoptés en vertu de la compétence fonctionnelle établie à l'article 352 TFUE (ex article 308 TCE) (41) .

    Or, l'article 352 TFUE nécessite l'unanimité des États membres tandis que l'article 114 TFEU requiert une simple majorité qualifiée. Dans ce contexte, en prenant l'article 114 du TFUE comme base juridique à la place de l'article 352 TFUE, la Commission européenne porte préjudice aux équilibres organisés par le traité. Ce non-respect de la base légale porte préjudice aux prérogatives des États membres et rentre donc dans le champ de l'examen de subsidiarité et de proportionnalité.

    Il nous semble opportun que chacune des Chambres législatives fédérales énonce dans son avis motivé qu'elle estime que la proposition de règlement est proposée sur une base légale erronée et que ceci porte préjudice aux équilibres organisés par les traités et par voie de conséquence aux compétences des États membres.

    1.2. Absence de preuves établissant la nécessité de légiférer

    Le respect tant de la compétence que du principe de subsidiarité figure parmi les circonstances soumises à l'obligation de motivation conformément à l'article 296, deuxième alinéa du TFUE. En ce sens, l'article 5 du protocole numéro 2 sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité prévoit que les projets d'actes législatifs contiennent: « Les raisons permettant de conclure qu'un objectif de l'Union peut être mieux atteint au niveau de celle-ci s'appuient sur des indicateurs qualitatifs et, chaque fois que c'est possible, quantitatifs ».

    La Commission européenne soutient dans l'exposé des motifs que les disparités entre les droits nationaux des contrats et les règles de droit international privé entravent le fonctionnement du marché intérieur des biens et des services. Il vous incombe donc de vérifier dans le cadre du contrôle de subsidiarité et de proportionnalité que cette nécessité est correctement reflétée par des indicateurs qualitatifs et quantitatifs avancés par la Commission européenne pour justifier l'adoption de cette nouvelle législation.

    Or, il apparaît que l'Étude d'Impact qui accompagne la proposition de règlement ne fournit en aucune mesure des preuves tangibles quant à la nécessité d'introduire un instrument optionnel applicable aux transactions entre entreprises et consommateurs en vue d'améliorer le fonctionnement du marché intérieur. En effet, selon les données mêmes figurant dans l'analyse d'impact de la Commission européenne (42) , seules 7 % des entreprises considèrent que « le besoin de s'adapter et de suivre les différentes règles sur la protection du consommateur dans les droits des contrats étrangers » a un impact important sur leur décision d'effectuer des ventes transfrontalières à des consommateurs d'autres pays de l'Union européenne. Quant aux consommateurs, toutes les données disponibles, y compris celles de la Commission européenne, confirment que les disparités entre les droits nationaux des contrats n'influencent en aucun cas l'attitude des consommateurs en ce qui concerne les achats dans un autre État membre. Au contraire, le tableau de bord des marchés de consommation de la Commission (43) révèle que le manque de transactions transfrontalières s'explique essentiellement par des raisons d'ordre pratique: 62 % des consommateurs font état d'une crainte de la fraude, 59 % s'inquiètent de ce qu'il y aurait lieu de faire en cas de problème et 49 % sont préoccupés par la livraison. Aucun de ces facteurs n'est lié au droit des contrats, et le « droit commun européen de la vente » ne répondrait à aucune de ces préoccupations.

    Par ailleurs, la Commission européenne n'a présenté aucun élément convaincant à l'appui de sa position selon laquelle ce nouvel instrument européen du droit des contrats stimulerait le commerce transfrontière. Dans un Eurobaromètre Flash publié récemment (nº 300), près de 80 % des détaillants ont indiqué à la Commission qu'un droit de la consommation harmonisé dans l'UE n'aurait que « peu ou pas d'influence sur leurs échanges transfrontières ». Selon l'Eurobaromètre Flash 321, près de 90 % des détaillants n'ont jamais, ou rarement, refusé d'effectuer des ventes transfrontalières à des consommateurs étrangers en raison de règles différentes sur la protection du consommateur dans le droit des contrats d'un autre État membre de l'UE.

    Test Achats, comme la plupart des autres organisations de consommateurs européennes, n'est pas convaincu que les différences entre les règles nationales de protection des consommateurs soient la cause du mauvais fonctionnement du marché intérieur. Il existe d'autres obstacles réels et majeurs qui empêchent actuellement les consommateurs et les PME de tirer parti du marché intérieur comme les obstacles administratifs et les différences de régimes fiscaux qui entravent l'accès des petites entreprises aux marchés nationaux, les obstacles culturels tels que la langue et les compétences numériques, les faibles taux de pénétration de la large bande, les limites territoriales de la législation sur la propriété intellectuelle, les difficultés de l'accès aux recours, l'accès limité ou inexistant aux moyens de paiement électronique. En outre, de nombreux consommateurs préfèrent tout simplement les commerces locaux, comme l'a encore démontré récemment l'enquête de la Commission (44) sur les obstacles au marché intérieur du point de vue des citoyens.

    L'étude d'Impact repose donc sur une analyse biaisée tant des réticences des consommateurs à procéder à des achats transfrontières que des bénéfices escomptés par la mise en place d'une législation alternative aux législations des 27 États membres.

    La Commission européenne reste donc en défaut de fournir des données qui démontrent que le commerce transfrontière est entravé de manière significative par les différences entre les règles nationales de protection des consommateurs.

    Il nous semble opportun que chacune des Chambres législatives fédérales énonce chacune dans son avis motivé qu'elle estime que l'entrave au marché intérieur consécutive à la fragmentation de ces législations n'est pas établie à suffisance et par voie de conséquence la législation proposée n'est pas adéquatement justifiée au regard des principes de subsidiarité et de proportionnalité.

    1.3. Absence d'étude de l'incidence indirecte de la législation envisagée sur les droits nationaux

    La proposition de règlement est susceptible d'avoir un impact très important, soit directement, soit indirectement, tant sur les règles nationales de droit des contrats, que sur les règles nationales du droit de la consommation en vigueur dans les 27 États membres. Or, aucune des informations fournies par la Commission dans son exposé des motifs n'adresse cette question de l'impact que la nouvelle législation sur les législations nationales. Cette lacune a pour effet de rendre très difficile l'appréciation par les Parlements nationaux du respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité dans le délai de huit semaines pour la présentation de leur avis motivé. Ce manquement contrevient aux principes définis à l'article 5 du protocole nº 2 aux Traités sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité.

    Il nous semble opportun que chacune des Chambres législatives fédérales énonce dans son avis motivé qu'elle estime que la Commission européenne n'a pas correctement rempli son obligation procédurale d'information relativement à l'impact de la législation proposé sur les législations nationales et qu'elle n'a donc pas respecté l'article 5 protocole nº 2 au Traités sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité.

    1.4. Caractère dommageable de la législation envisagée vis-à-vis de la législation nationale

    Nous avons compris que la technique de l'« instrument optionnel » est perçue favorablement par certains responsables européens car elle permettrait de contourner les difficultés relatives à l'harmonisation maximale des droits des consommateurs en créant un régime autonome de droit communautaire. Cette approche permettrait également d'outrepasser les résistances du Conseil et du Parlement européen à la généralisation de la reconnaissance mutuelle et du principe du pays d'origine. Test Achats ne partage pas cet optimisme et considère au contraire que cette technique est de nature à porter préjudice à la protection des consommateurs.

    1.4.1. Aucune valeur ajoutée pour les consommateurs et un effet négatif sur la confiance des consommateurs

    Test Achats craint qu'un instrument optionnel ait un effet très négatif sur la confiance des consommateurs. Actuellement, les consommateurs sont protégés par les règles de leur pays d'origine. Bien qu'il ne soit pas toujours facile pour eux de connaître l'ensemble de leurs droits, ceux-ci ont dans l'ensemble une bonne compréhension des règles qui sont les plus importantes pour eux.

    La vie du consommateur risque d'être grandement compliquée si demain il est contraint de tenir compte de deux systèmes de règles concurrents dont il devra comprendre les avantages et inconvénients. Ceci pourrait conduire à une perte de confiance des consommateurs non seulement pour leurs achats transfrontières mais également pour leurs achats domestiques.

    1.4.2. Mise en péril des règles nationales impératives de protection de la partie faible dans les États membres

    Les règles actuelles de conflit de loi donnent entièrement satisfaction aux consommateurs qui procèdent à des achats transfrontières au sein de l'Union européenne. Pourtant, si l'on suit le raisonnement exposé dans la proposition de règlement (45) , l'instrument optionnel court-circuitera ces règles de droit international privé en ce compris les règles du règlement « Rome I » (46) (dont notamment l'article 6.2. qui interdit de déroger aux dispositions impératives de la loi du pays de la résidence habituelle du consommateur pour les contrats de consommation). Or, un tel changement serait hautement intrusif car il permettrait le contournement de règles impératives internes figurant dans la législation de protection des consommateurs des 27 États membres.

    Si le principe de base d'un instrument optionnel, c'est la liberté de contrat plutôt que la préservation de la justice sociale et de l'équité, il est très probable que l'instrument optionnel se traduira par moins de protection sociale car il n'y aura plus de place pour des règles impératives strictes au niveau national. Il est évident qu'un instrument optionnel, même s'il contient une protection des consommateurs d'un niveau très élevé, n'est pas susceptible de fournir le plus haut niveau de protection sur tous les sujets. Par conséquent, un tel instrument optionnel peut rapidement conduire à un nivellement par le bas et au dumping social (47) .

    1.4.3. L'application de l'instrument optionnel risque d'être imposée au consommateur

    La plupart des contrats conclus par les consommateurs avec les professionnels sont des contrats d'adhésion. Ils sont unilatéralement prédéfinis par les professionnels et ne font pas l'objet d'une négociation avec le consommateur. C'est afin de contrebalancer ce déséquilibre que le droit de la consommation impose une série de dispositions impératives qui prévalent à la volonté des parties contractantes.

    La proposition de règlement laisse entendre que l'application de l'instrument optionnel à un contrat découlerait du choix des parties contractantes. Si, en théorie, ce choix pourrait être déféré soit aux deux, soit seulement à l'une des parties (consommateur ou professionnel), dans la pratique, dans un contexte B2C, ce choix sera toujours imposé aux consommateurs par les professionnels pour contourner l'application de règles nationales impératives plus protectrices (qui deviennent ainsi paradoxalement optionnelles). Nous ne voyons guère comment un consommateur pourrait réellement faire un choix informé entre les deux régimes. Dans les faits, le consommateur se verra systématiquement imposé le système offrant le niveau de protection le plus bas. Il y a ainsi un risque que le consommateur soit privé du bénéfice de droits ou de standards existant dans son système national par l'instrument optionnel.

    1.4.4. Risque d'extension de l'application de l'instrument optionnel aux contrats domestiques

    Même si un « instrument optionnel » est présenté en première place comme un moyen de faciliter les transactions transfrontalières, la proposition de règlement prévoit dans son article 13 que chaque État membre peut étendre le mécanisme aux contrats de consommation nationaux. Il y a donc un risque important que la législation nationale soit contournée même pour les transactions domestiques.

    Cette extension pourrait intervenir insidieusement même en l'absence de l'exercice de cette option. En effet, même si les contrats domestiques sont en dehors du champ d'application de l'instrument optionnel, la concurrence entre ce droit optionnel et les systèmes nationaux obligera à terme les États à revoir à la baisse le contenu de leur droit national afin de permettre à leurs commerçants locaux d'être concurrentiels. Par conséquent, ce processus conduira nécessairement à un nivellement par le bas des droits des consommateurs, ce que Test Achats ne peut accepter.

    1.4.5. Le risque de prolifération d'instruments optionnels

    Si un premier « instrument optionnel » est adopté par les institutions européennes, il y a un risque sérieux que d'autres instruments optionnels soient à terme également adoptés dans d'autres domaines (par exemple les services, les assurances, la location de la propriété privée, etc.). En effet, ce mécanisme pourrait apparaître comme la panacée pour contourner la résistance du Conseil et du Parlement européen à une harmonisation complète. Ceci conduira inévitablement à encore plus de confusion chez les consommateurs en ce qui concerne leurs droits et est de nature à créer de grandes difficultés juridiques pour l'avenir. Par ailleurs, une telle évolution aura pour conséquence un affaiblissement important des compétences législatives au niveau des États membres.

    Le programme de travail de la Commission européenne pour 2012, adopté le 15 novembre 2012, annonce que la Commission européenne a décidé de légiférer sous la forme d'un instrument optionnel dans le domaine du droit des services d'assurance en vue de « faciliter les échanges transfrontière pour certains produits financiers (en particulier les assurances) en développant le droit des contrats européen dans le domaine des services financiers » (48) . Or, la commercialisation de « produits financiers européens » alternatifs aux produits conformes à la législation nationale heurtera nécessairement le caractère impératif des protections instaurées dans ces législations nationales et créera donc une brèche dans le dispositif de protection des consommateurs de ces pays, ce que nous ne pouvons admettre. Il nous apparaît en effet évident que le caractère simplifié de telles législations optionnelles signifiera de facto qu'il s'agira de régimes juridiques moins protecteurs du consommateur que les dispositions figurant dans les droits nationaux de pays connaissant un haut niveau de protection des consommateurs (tel que le droit belge). De facto le pouvoir de réglementer tous les produits financiers commercialisés sur leur territoire échappera aux autorités nationales qui se trouveront démunies face à la déferlante de produits européens. Nous considérons que les consommateurs de ces pays ainsi que les États membres n'ont rien à y gagner, bien au contraire. Ainsi, si demain des assurances simplifiées ou des crédits hypothécaires simplifiés pouvaient être offerts à la vente en recourant à ces droits optionnels européens, on assisterait rapidement à un basculement du marché dans son ensemble vers ces législations au rabais.

    1.4.6. Conclusion

    Il nous semble opportun que chacune des Chambres législatives fédérales énonce dans son avis motivé que la duplication de la législation nationale proposée par l'initiative à l'examen n'est pas compatible avec les principes de subsidiarité et de proportionnalité. En effet, il y a un risque sérieux que le droit européen de la vente mette en péril des règles nationales impératives de protection de la partie faible dans les États membres. La duplication de la législation nationale, notamment les contrats domestiques, avec un ensemble unique de règles n'est pas une mesure proportionnée pour faire face aux obstacles au commerce dans le marché intérieur. La concurrence entre ce droit optionnel et les systèmes nationaux obligera à terme les États à revoir à la baisse le contenu de leur droit national afin de permettre à leurs commerçants locaux d'être concurrentiels. Par conséquent, ce processus conduira nécessairement à un nivellement par le bas des droits des consommateurs.


    Pour plus d'informations:

    Gilles de Halleux

    EU Public Affairs Adviser

    Test Achats

    Association belge des consommateurs

    Rue de Hollande 13

    1060 Bruxelles

    Tél. : + 32 (0)2 542 33 38

    Portable: +32 (0) 496 57 13 44

    Fax: + 32 (0)2 542 33 67

    E-mail: [email protected]

    www.test-achats.be


    AU MINISTRE DE LA JUSTICE AUX CHAMBRES LÉGISLATIVES AUX AUTORITÉS EUROPÉENNES

    Le 2 décembre 2011

    Concerne: Proposition de règlement relatif à un droit commun européen de la vente COM (2011) 635

    Déclaration commune de Test Achats/Test-Aankoop et Unizo

    Test Achats, Unizo et UCM sont très inquiets de la proposition de la Commission européenne du 11 octobre 2011 d'un règlement européen qui vise à favoriser le commerce transfrontière à l'aide d'un code européen de la vente qui serait alternatif aux législations nationales. Si nos organisations sont résolument engagées à soutenir les mesures visant à améliorer le fonctionnement du marché unique et à faciliter les transactions transfrontalières pour les consommateurs et les PME, nous considérons que cette proposition ne permettra pas d'atteindre ces objectifs et n'apportera pas de valeur ajoutée aux consommateurs ou aux PME dans le marché intérieur.

    Cette proposition de règlement vise à mettre en place un corps de règles alternatives réglementant certaines transactions de ventes de produits ou de services lorsque les parties en font le choix (ou « second régime de droit contractuel » ou « droit optionnel »). Ces produits et services seraient ainsi soumis à un régime juridique propre et autonome par rapport aux 27 systèmes juridiques nationaux sans avoir besoin de respecter les dispositions impératives de l'un ou l'autre État membre. Il s'agit donc d'une « solution substitutive » aux droits nationaux offerte aux parties contractantes.

    Pour Test Achats, UCM et Unizo, cette initiative n'est pas réellement de nature à encourager les entreprises, les indépendants et les consommateurs à tirer parti du marché unique mais, au contraire, elle générerait une duplication de la législation qui est de nature à alimenter la confusion et engendrer des complications supplémentaires pour l'ensemble des acteurs du marché.

    Selon l'analyse d'impact de la Commission européenne (49) , notamment, seules 7 % des entreprises considèrent que « le besoin de s'adapter et de suivre les différentes règles sur la protection du consommateur dans les droits des contrats étrangers » a un impact important sur leur décision d'effectuer des ventes transfrontalières à des consommateurs d'autres pays de l'Union européenne. Quant aux consommateurs, toutes les données disponibles, y compris celles de la Commission européenne, confirment que les disparités entre les droits nationaux des contrats n'influencent en aucun cas l'attitude des consommateurs en ce qui concerne les achats dans un autre État membre. Au contraire, le tableau de bord des marchés de consommation de la Commission (50) révèle que le manque de transactions transfrontalières s'explique essentiellement par des raisons d'ordre pratique: 62 % des consommateurs font état d'une crainte de la fraude, 59 % s'inquiètent de ce qu'il y aurait lieu de faire en cas de problème et 49 % sont préoccupés par la livraison. Aucun de ces facteurs n'est lié au droit des contrats, et le « droit commun européen de la vente » ne répondrait à aucune de ces préoccupations.

    La Commission européenne n'a présenté aucun élément convaincant à l'appui de sa position selon laquelle ce nouvel instrument européen du droit des contrats stimulerait le commerce transfrontalier (51) .

    Il existe en revanche d'autres obstacles réels et majeurs qui empêchent actuellement les consommateurs et les PME de tirer parti du marché intérieur, comme les obstacles administratifs et les différences de régimes fiscaux qui entravent l'accès des petites entreprises aux marchés nationaux, les obstacles culturels tels que la langue et les compétences numériques, les faibles taux de pénétration de la large bande, les limites territoriales de la législation sur la propriété intellectuelle, les difficultés de l'accès aux recours, l'accès limité ou inexistant aux moyens de paiement électronique. En outre, de nombreux consommateurs préfèrent tout simplement les commerces locaux, comme l'a encore démontré récemment l'enquête de la Commission (52) sur les obstacles au marché intérieur du point de vue des citoyens.

    Par ailleurs, cette manière de légiférer nous semble de nature à heurter le principe de subsidiarité et de proportionnalité. En effet, il n'y a pas de compétence de l'Union européenne permettant de mettre en place un ensemble de règles alternatives à la législation nationale. Dupliquer de la législation nationale, notamment les contrats domestiques, avec un ensemble unique de règles n'est pas une mesure proportionnée pour faire face aux obstacles au commerce dans le marché intérieur.

    En outre, nous partageons les analyses suivantes:

    — la proposition de droit optionnel de la vente ne contribuera en rien à clarifier l'application des règles de droit dans les relations entreprise-consommateurs que du contraire puisqu'elle a pour effet de dupliquer l'ensemble des règles susceptibles de s'appliquer à une transaction de vente;

    — la vie du consommateur risque d'être grandement compliquée si demain il est contraint de tenir compte de deux systèmes de règles concurrents dont il devra comprendre les avantages et inconvénients. Ceci pourrait conduire à une perte de confiance des consommateurs non seulement pour leurs achats transfrontaliers mais également pour leurs achats domestiques;

    — la promotion de l'utilisation d'un tel code alternatif de la vente nécessitera des campagnes massives d'information et réclamera des interprétations multiples (et coûteuses). Il est dès lors peu probable que les petites entreprises et les consommateurs soient enclins à utiliser cet instrument. Il en résultera que cette initiative européenne ne devrait pas avoir un effet significatif pour la promotion des achats transfrontaliers entre consommateurs et entreprises;

    — en ce qui concerne le niveau de protection des consommateurs, cette proposition de règlement rencontrera les mêmes obstacles que ceux rencontrés par la directive droit des consommateurs. Il est très difficile d'imaginer un droit alternatif qui susciterait les faveurs tant des consommateurs que des entreprises. C'est également la raison pour laquelle il est peu probable que ce système ait un réel impact sur le commerce transfrontière;

    — en ce qui concerne les relations entre entreprises («  Business to Business »), un droit optionnel de la vente n'aurait également aucune valeur ajoutée. Dans ce domaine la règle de la liberté des contrats prévaut et il est très important que cette liberté soit préservée. Il n'existe aucune preuve que les règles contractuelles constitue un obstacle aux activités transfrontières entre entreprises. Un système de droit alternatif est donc inutile.

    Le « caractère facultatif » de cet instrument en ce qui concerne les PME ne correspond pas à la réalité commerciale — que ce soit d'un point de vue économique ou juridique. Comment le principe de sécurité juridique pourrait-il être garanti si d'importantes dispositions nationales applicables aux contrats, comme le transfert de propriété, ne sont pas couvertes par cet instrument, entraînant une application en parallèle de la législation nationale et, par conséquent, un fardeau et des complications supplémentaires ? Pour ces différentes raisons, les signataires de la présente considèrent que la proposition de la Commission européenne relative à un droit commun européen de la vente ne présente aucune valeur ajoutée tant pour les consommateurs que pour les entreprises. En conséquence, ces organisations recommandent que le gouvernement Belge n'apporte pas son soutien à l'adoption de cette initiative européenne et que chacune des Chambre législatives fédérales adopte un avis motivé dans le cadre du contrôle de proportionnalité et de subsidiarité exposant les raisons pour lesquelles elle estime que ce texte ne respecte pas ces principes.

    Ivo Mechels

    Head Press and Advocacy Test Achats

    Karel Van Eetvelt

    Administrateur délégué de UNIZO

    Christophe Wambersie

    Secrétaire Général de UCM

    ANNEXES 2: CONTRIBUTIONS ÉCRITES COMMUNIQUÉES AUX MEMBRES DE LA COMMISSION

    Avis du professeur Wéry relatif à la proposition de règlement européen sur un droit commun de la vente (Com (2011) 635)

    Plan

    1. Introdution

    A. Observations d'ordre général

    2. D'importantes innovations

    3. Des exclusions difficilement justifiables

    4. Des textes dont la portée pourrait aller au-delà des ventes transfrontières

    B. Quelques qualités qui peuvent être reconnues à la proposition

    § 1er Des qualités formelles

    5. Un style et une formulation plus modernes

    § 2. La consécration de solutions nouvelles par rapport au droit de la vente du Code civil belge

    7. Des solutions nouvelles

    8. La résolution par voie de notification

    9. L'annulation par notification

    10. La contravention anticipée

    11. Le changement imprévisible de circonstances

    12. La conception moniste de l'obligation de délivrance

    13. Droit de réduire le prix

    C. La protection du consommateur contre les clauses abusives

    14. L'objectif: un degré élevé de protection des consommateurs

    15. Les clauses abusives dans la loi du 6 avril 2010

    16. Une protection moins poussée prévue par la proposition

    17. Une démarche à étendre à d'autres dispositions impératives

    18. « Un renard libre dans un poulailler libre ? »

    19. Pas d'application partielle du règlement

    1. Introduction

    Le présent avis est rendu dans l'urgence. Il ne nous a pas été possible de procéder à une étude systématique et approfondie de la proposition de règlement européen sur un droit commun de la vente, notamment au regard des principes de subsidiarité et de proportionnalité.

    Selon l'exposé des motifs,

    « La proposition est conforme au principe de subsidiarité énoncé à l'article 5 du traité sur l'Union européenne (TUE).

    L'objectif de la proposition, à savoir contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur par la création d'un corps uniforme et volontaire de règles en matière contractuelle, a une dimension transfrontière manifeste et ne peut être réalisé de manière suffisante par les États membres dans le cadre de leurs systèmes nationaux.

    Tant que les divergences entre États membres en matière de droit des contrats continueront d'induire des coûts supplémentaires importants pour les transactions transfrontières, l'objectif consistant à réaliser le marché intérieur en favorisant le développement des échanges transfrontières pour les professionnels et les achats transfrontières pour les consommateurs ne pourra être pleinement atteint.

    En adoptant des mesures non cordonnées au niveau national, les États membres ne pourront pas supprimer les coûts de transaction supplémentaires ni les difficultés juridiques causées par les divergences entre droits nationaux des contrats, auxquels les professionnels sont confrontés dans leurs échanges transfrontières à l'intérieur de l'Union. Les consommateurs continueront de disposer d'un choix réduit de produits en provenance d'autres États membres et d'y avoir un accès limité. Il leur manquera également la confiance qu'ils éprouveraient s'ils connaissaient leurs droits.

    L'objectif de la proposition pourrait donc être mieux réalisé au niveau de l'Union, conformément au principe de subsidiarité. L'Union est en effet la mieux placée pour remédier au problème de la fragmentation juridique grâce à une action dans le domaine du droit des contrats qui rapprochera les règles applicables aux transactions transfrontières. De plus, au fur et à mesure de l'évolution des tendances des marchés, qui incitera les États membres à légiférer chacun de leur côté, par exemple en réglementant le marché naissant des contenus numériques, les écarts de législation entraînant des coûts de transaction supplémentaires et des disparités dans la protection des consommateurs sont susceptibles de se creuser ».

    Toujours selon cet exposé des motifs, « La proposition est conforme au principe de proportionnalité énoncé à l'article 5 du TUE.

    Le champ d'application de la proposition est limité aux aspects véritablement problématiques dans les transactions transfrontières et ne s'étend pas à ceux qui peuvent être mieux traités par les législations nationales. En ce qui concerne le champ d'application matériel, la proposition contient des dispositions régissant les droits et obligations des parties au cours du cycle de vie du contrat, mais elle ne touche pas, par exemple, aux dispositions relatives à la représentation, qui sont moins susceptibles de faire l'objet d'un litige. Quant au champ d'application territorial, la proposition vise les situations transfrontières dans lesquelles se posent les problèmes de coûts de transaction supplémentaires et de complexité juridique. Enfin, le champ d'application personnel est circonscrit aux transactions dans lesquelles surviennent le plus fréquemment des problèmes liés au marché intérieur, à savoir les relations entre professionnels lorsqu'au moins l'une des parties est une PME, et les relations entre professionnels et consommateurs. Les contrats conclus entre des particuliers et ceux conclus entre des professionnels dont aucun n'est une PME ne sont pas inclus, aucun besoin d'action pour ces types de contrats transfrontières n'ayant été constaté. Le règlement laisse aux États membres la latitude de proposer aux parties de recourir au droit commun européen de la vente également dans un contexte purement national et pour des contrats conclus entre professionnels dont aucun n'est une PME.

    Par rapport à d'autres solutions possibles analysées, la proposition est une mesure proportionnée, eu égard à la nature facultative et volontaire du droit commun européen de la vente. En effet, son application est subordonnée à une convention entre les parties contractantes lorsque l'une et l'autre considèrent que ce droit pourrait utilement régir une transaction transfrontière donnée. Le droit commun européen de la vente étant un corps facultatif de règles uniquement applicables dans un contexte transfrontière, il peut également aplanir les obstacles au commerce transfrontière sans perturber les ordres et traditions juridiques profondément ancrés dans les États membres. Il constituera un régime facultatif s'ajoutant au droit des contrats préexistant, sans le remplacer. La mesure législative se bornera donc à ce qui est nécessaire pour créer de nouvelles possibilités pour les professionnels et les consommateurs sur le marché unique ».

    On peut se réjouir de cette proposition de règlement qui devrait faciliter la conclusion de ventes transfrontières. Dans un article paru au Journal des tribunaux, j'avais d'ailleurs, faisant écho au Livre vert du 1er juillet 2010 de la Commission, marqué mes préférences pour l'option 4 d'un instrument optionnel en droit des contrats.

    Le présent avis se bornera à mettre en évidence quelques points forts de la proposition qui vont assurément dans le sens des principes de subsidiarité et de proportionnalité (B). On attirera aussi l'attention sur certaines faiblesses du texte proposé et sur certains risques qui pourraient compromettre ces principes (C).

    Avant toutes choses, il nous paraît utile de formuler quelques observations d'ordre général (A).

    A. Observations d'ordre général

    2. D'importantes innovations

    2.1. En optant pour ce droit commun de la vente, les parties à une vente transfrontière ne feront pas un saut complet dans l'inconnu. Et ce pour une triple raison.

    Primo, on retrouve les questions classiques que soulève le droit de la vente (conclusion, vices de consentement, obligations des parties, sanctions de l'inexécution, transfert des risques ...).

    Secundo, le texte de la proposition intègre une partie de l'acquis communautaire concernant la protection des consommateurs dans les contrats conclus avec les vendeurs professionnels.

    Tertio, les réponses que donne la proposition aux difficultés classiques que pose, en pratique, le contrat de vente correspondent, dans une certaine mesure, à celles que donne le droit positif belge dans le Code civil et dans la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises.

    2.2. Si l'adoption par les parties à la vente de ce système optionnel n'est pas un saut complet dans l'inconnu, il faut toutefois se garder de penser que le droit belge de la vente et le texte de la proposition coïncident en tous points. En optant pour le règlement européen du droit commun de la vente, les parties se trouveront confrontées à maints égards à des règles différentes de celles auxquelles les juristes belges sont habitués.

    Parmi les différences, il convient de citer:

    — le moment auquel la propriété est transférée;

    — le moment auquel les risques sont transférés à l'acheteur;

    — l'abandon de la distinction entre les obligations de délivrance et de garantie des vices cachés au profit d'une obligation de conformité du bien au contrat;

    — l'admission élargie de la contravention anticipée;

    — l'admission de la théorie de l'imprévision;

    — l'admission de l'annulation et de la résolution par voie de notification;

    — la consécration du droit de réduire le prix comme sanction autonome à part entière;

    — l'application de certains remèdes (droit de suspendre l'exécution; résolution du contrat) à toute hypothèse d'inexécution, en ce compris celle pour lesquelles le débiteur peut se prévaloir d'une exonération;

    — la protection des consommateurs contre les clauses abusives, qui est moins poussée qu'en droit positif belge;

    — le régime de la tierce décision obligatoire (fixation du prix de vente par un tiers).

    Certaines de ces différences seront brièvement abordées ci-dessous.

    2.3. Plus fondamentalement, une différence essentielle mérite d'être relevée quant à l'office du juge dans le contentieux contractuel. Alors que l'annulation des contrats, leur résolution ou la réfaction du contrat pour exécution partielle sont, en principe, l'œuvre du juge en droit belge (cfr par exemple, les articles 1117, 1184, 1644 du Code civil), la proposition de règlement consacre une déjudiciarisation de ces remèdes: l'annulation et la résolution s'opèrent par voie de notification à l'autre partie; la réduction du prix peut être décidée unilatéralement par le créancier.

    Une question importante, que n'aborde pas explicitement le texte de la proposition, ne manquera pas de se poser: une partie pourra-t-elle encore préférer la voie longue de la procédure judiciaire en annulation ou en résolution ? Il serait regrettable de priver la victime de l'inexécution, notamment le consommateur, de la possibilité de faire vider la contestattion par un juge. Un avantage parmi d'autres à la voie judiciaire: s'il obtient gain de cause, le créancier sera investi d'un titre exécutoire qu'il pourra mettre à exécution contre la partie adverse.

    2.4. Une autre différence fondamentale mérite d'être mise en évidence.

    Le droit belge des obligations distingue traditionnellement l'inexécution qui est imputable à une faute du débiteur et celle qui ne lui est pas imputable. La distinction est importante, car elle permet de déterminer les remèdes applicables à l'inexécution. L'exception d'inexécution (droit de suspendre l'exécution de ses propres prestations) et la résolution des contrats ne peuvent être mises en œuvre qu'en présence d'une inexécution fautive du débiteur. Si l'inexécution résulte d'un cas de force majeure, la victime de l'inexécution ne pourra recourir à l'exception d'inexécution ou à la résolution du contrat: ce sont alors les règles de la théorie des risques qui s'appliqueront (suspension ou dissolution de plein droit du contrat, selon que l'empêchement est temporaire ou définitif).

    Bien que l'annexe de la proposition de règlement distingue également selon l'origine de l'inexécution, elle lui accorde moins d'importance. Aux termes de l'article 106, alinéa 4, en effet, « Si l'inexécution du vendeur bénéficie d'une exonération, l'acheteur est fondé à recourir à l'un quelconque des moyens d'action énumérés au paragraphe 1 sans pouvoir exiger l'exécution en nature et des dommages et intérêts ». En d'autres termes, le droit de suspendre le paiement du prix, la résolution par voie de notification ou encore le droit de réduire le prix sont accessibles à l'acheteur, même lorsque l'inexécution bénéficie d'une exonération.

    3. Des exclusions difficilement justifiables

    Certaines questions sont assez curieusement laissées en dehors du champ d'application du texte de la proposition. Contrairement à ce qu'on peut lire dans l'exposé des motifs, ces questions sont problématiques. Elles suscitent un important contentieux et donne lieu à des réponses nationales loin d'être convergentes.

    On songe tout particulièrement à l'illégalité du contrat et à ses sanctions (nullité absolue avec, en droit belge, l'application des adages « Nemo auditur suam propriam turpitudinem allegans » et « In pari causa turpitudinis cessat repetitio »).

    On pense aussi au mécanisme de la représentation, qui est pourtant d'une application très fréquente en matière de vente et qui, contrairement à ce qu'affirme l'exposé des motifs, provoque un important contentieux.

    La proposition de règlement laisse aussi en dehors de son champ d'application la difficile question du concours des responsabilités. En d'autres termes, il n'indique pas si une partie peut, et si oui à quelles conditions, réclamer réparation de son préjudice non pas sur la base des moyens d'action résultant du contrat, mais sur la base du régime de la responsabilité civile extracontractuelle (art. 1382 et suivants du Code civil).

    4. Des textes dont la portée pourrait aller au-delà des ventes transfrontières

    La proposition de règlement contient de nombreuses dispositions qui ne sont pas spécifiques au contrat de vente.

    Citons ainsi les textes relatifs:

    — aux vices de consentement;

    — aux clauses abusives;

    — aux moyens d'action applicables à l'inexécution des obligations;

    — à l'imputation des paiements;

    — à l'exécution des obligations par un tiers;

    — à l'interprétation des conventions;

    — à la possibilité pour les parties à la vente de faire bénéficier un tiers d'une stipulation pour autrui.

    Ces textes pourraient être appliqués sans difficulté à d'autres contrats nommés. Ils pourraient, du reste, trouver leur place dans un règlement relatif à un droit commun des contrats. En ce sens, cette proposition de règlement européen relatif à un droit commun de la vente pourrait préfigurer un futur Code européen des contrats.

    B. Quelques qualités qui peuvent être reconnues à la proposition

    § 1er Des qualités formelles

    5. Un style et une formulation plus modernes

    La qualité d'un texte législatif doit tout d'abord s'apprécier sur un plan formel. La présente proposition présente d'évidentes qualités sur le plan légistique.

    Le style adopté par ses rédacteurs est, dans l'ensemble, clair et assez sobre. Il contraste assez heureusement avec la rédaction de certains textes du Code civil qui mériterait d'être dépoussiérée (par ex. l'article 1604, alinéa 2, ou encore l'article 1653).

    6. Un plan plus cohérent

    Les dispositions s'enchaînent logiquement selon un plan assez cohérent.

    Après quelques dispositions introductives essentielles (partie I), la proposition se poursuit comme suit:

    — partie II: formation du contrat;

    — partie III: appréciation du contenu du contrat;

    — partie IV: obligations et moyens d'action des parties à un contrat de vente ou à un contrat de fourniture de contenu numérique;

    — partie V: obligations et moyens d'action des parties à un contrat de services connexes;

    — partie VI: dommages et intérêts; intérêts de retard;

    — partie VII: restitution;

    — partie VIII: prescription.

    Les auteurs de la proposition ont veillé à suivre une séquence chronologique de la vie du contrat de vente. Ils ont aussi veillé, dans la mesure du possible, à procéder aux regroupements qui s'imposaient. À cet égard, on peut, par exemple, relever l'heureuse initiative qui consiste à regrouper dans une seule partie les « obligations et moyens d'action des parties à un contrat de vente ou à un contrat de fourniture de contenu numérique » (partie IV). Le même constat peut être formulé à propos des « obligations et moyens d'action des parties à un contrat de services connexes ».

    Il sera ainsi plus aisé aux parties qui auront fait choix du règlement optionnel d'identifier les dispositions applicables aux difficultés auxquelles la vente transfrontière peut être confrontée.

    § 2. La consécration de solutions nouvelles par rapport au droit de la vente du Code civil belge

    7. Des solutions nouvelles

    La proposition de règlement consacre des solutions nouvelles. La doctrine majoritaire appelait la plupart d'entre elles de ses vœux.

    On peut, par exemple, relever que

    — la résolution du contrat opère par voie de notification;

    — l'annulation du contrat opère aussi par voie de notification;

    — la proposition consacre la théorie de l'anticipatory breach (contravention anticipée);

    — la proposition autorise le juge à tenir compte du changement imprévisible de circonstances;

    — la proposition abandonne l'approche dualiste du Code civil qui distingue l'obligation de délivrance de la chose vendue et l'obligation de garantie des vices cachés;

    — la proposition consacre un remède nouveau: le droit de réduire le prix.

    8. La résolution par voie de notification

    L'article 1184 du Code civil, aux termes duquel la résolution doit être demandée en justice, embarrasse la doctrine et la jurisprudence belges contemporaines. Les nécessités de la pratique ainsi que l'efficacité de la sanction ne sont, en effet, guère conciliables avec le caractère judiciaire de la résolution.

    On connaît la réponse ambiguë que la Cour de cassation de Belgique a donnée à la question de savoir si un créancier peut, en l'absence de clause résolutoire expresse ou de disposition légale particulière l'y autorisant, faire l'économie de ce recours judiciaire préalable. Dans ses arrêts du 2 mai 2002, la Cour déclare: « cette règle (i.e. article 1184 du Code civile) ne fait pas obstacle à ce qu'une partie à un contrat synallagmatique décide, de sa propre autorité et à ses propres risques, de ne plus exécuter ses obligations et de notifier à son cocontractant qu'elle considère le contrat résolu; que [...] l'appréciation de la régularité de cette décision unilatérale est soumise au contrôle du juge par l'introduction ultérieure d'une demande tendant à la résolution judiciaire; que, lors de l'appréciation des conséquences de la résolution et des droits que les parties peuvent invoquer, le juge appelé à statuer sur la résolution judiciaire peut décider, comme c'est le cas en l'espèce, qu'eu égard au manquement de son adversaire, la partie cocontractante n'a pas commis de faute en considérant unilatéralement le contrat comme résolu ».

    L'interprétation à donner à ces arrêts divise la doctrine. Certains y voient un rappel par la Cour de cassation de la nécessité pour le créancier, en l'absence de disposition légale particulière ou d'un pacte commissoire exprès, de s'adresser au juge pour obtenir la résolution de la convention. D'autres y voient une consécration, fût-ce en termes maladroits, de la résolution unilatérale en droit belge.

    L'annexe I de la proposition déjudiciarise la résolution. Le créancier, victime d'une inexécution, peut, en effet, résoudre la vente, sans intervention judiciaire préalable, par notification à l'autre partie (voir art. 114, 115 et 118 en faveur de l'acheteur; articles 134, 135 et 138 en faveur du vendeur; articles 155 et 157 pour les contrats de services connexes).

    La résolution devrait ainsi gagner en efficacité.

    Une autre différence importante doit être soulignée. Alors qu'en droit belge, la résolution se prescrit, en principe, par dix ans (art. 2262bis, § 1er, du Code civil), l'article 119 « (« Perte du droit de résolution ») prévoit que « 1. L'acheteur perd le droit de résolution prévu par la présente section s'il n'a pas notifié la résolution dans un délai raisonnable après la naissance de ce droit ou à compter de la date à laquelle il a eu ou est censé avoir eu connaissance de l'inexécution, la date la plus tardive étant retenue ». Le texte ajoute toutefois que « ce paragraphe ne s'applique pas si l'acheteur est un consommateur ou si aucune exécution n'a été offerte ou tentée ».

    9. L'annulation par notification

    Partant du principe que « Nul ne peut se faire justice à soi-même », le droit belge subordonne l'annulation du contrat à une décision judiciaire.

    L'annexe I de la proposition de règlement déjudiciarise cette sanction. « L'annulation est effectuée par notification au cocontractant » (article 52).

    La nullité y gagne en efficacité.

    Il importe toutefois de noter qu'aux termes de l'alinéa 2 de l'article 52, « L'annulation n'est effective que si elle est notifiée dans le délai, à compter du moment où la partie qui annule le contrat a eu connaissance des circonstances pertinentes ou a pu agir librement, mentionné ci-après:

    a) six mois en cas d'erreur; et

    b) un an en cas de dol, menaces ou d'exploitation déloyale ».

    Il y a là une différence notable par rapport au droit belge, qui peut avoir des effets pervers au détriment notamment des consommateurs. Aux termes de l'article 1304 du Code civil, l'action en nullité du chef de dol, d'erreur ou de violence se prescrit, en règle, par dix ans, ce délai ne courant, dans le cas de violence, que du jour où elle a cessé et dans le cas d'erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts.

    10. La contravention anticipée

    Le créancier dispose-t-il de certains moyens, lorsque l'exécution de l'obligation étant différée par la présence d'un terme ou d'une condition, il nourrit légitimement des craintes quant aux capacités ou à la volonté de son cocontractant d'honorer ses engagements dans le futur ?

    À ce jour, la réponse du droit belge est largement négative. Comme l'énonce l'article 1186 du Code civil, en sa première partie, « ce qui n'est dû qu'à terme ne peut être exigé avant l'échéance du terme ». Quelques rares dispositions légales viennent toutefois au secours du créancier confronté à risque d'inexécution. On peut notamment citer, dans le Code civil, l'article 1613, aux termes duquel le vendeur « ne sera pas non plus obligé à la délivrance, quand même il aurait accordé un délai pour le payement, si, depuis la vente, l'acheteur est tombé en faillite ou en état de déconfiture, en sorte que le vendeur se trouve en danger imminent de perdre le prix; à moins que l'acheteur ne lui donne caution de payer au terme » (déchéance légale du terme suspensif affectant l'obligation de payer le prix de vente) ainsi que l'article 1653, aux termes duquel « si l'acheteur est troublé ou a juste sujet de craindre d'être troublé par une action soit hypothécaire, soit en revendication, il peut suspendre le payement du prix jusqu'à ce que le vendeur ait fait cesser le trouble, si mieux n'aime celui-ci donner caution, ou à moins qu'il n'ait été stipulé que, nonobstant le trouble, l'acheteur payera » (exception timoris en faveur de l'acheteur craignant un risque d'éviction).

    Ces textes ont une portée exceptionnelle et sont loin de couvrir toutes les hypothèses de contravention anticipée.

    L'annexe I de la proposition de règlement comble cette lacune grâce à plusieurs dispositions.

    Au chapitre relatif aux moyens d'action à la disposition de l'acheteur:

    — article 113 (« Droit de suspendre l'exécution »), alinéa 2: « L'acheteur qui doit s'exécuter avant le vendeur et croit raisonnablement que ce dernier ne s'exécutera pas à l'échéance peut suspendre l'exécution de ses obligations aussi longtemps qu'il peut raisonnablement persister dans sa croyance »;

    — article 116 (« Résolution pour inexécution anticipée »): « Dès lors que l'inexécution serait de nature à justifier la résolution, l'acheteur est fondé à résoudre le contrat avant l'échéance prévue pour l'exécution si le vendeur a déclaré qu'il ne s'exécuterait pas ou s'il est par ailleurs manifeste qu'il ne s'exécutera pas ».

    Au chapitre 13 relatif aux moyens d'action à la disposition du vendeur:

    — article 133 (« Droit de suspendre l'exécution »), alinéa 2: « Le vendeur qui doit s'exécuter avant l'acheteur et croit raisonnablement que ce dernier ne s'exécutera pas à l'échéance peut suspendre l'exécution de ses obligations aussi longtemps qu'il peut raisonnablement persister dans sa croyance. Toutefois, le vendeur perd son droit de suspendre l'exécution si l'acheteur donne des assurances suffisantes d'exécution correcte ou fournit une garantie suffisante ».

    — article 136 (« Résolution pour inexécution anticipée »): « Dès lors que l'inexécution serait essentielle, le vendeur est fondé à résoudre le contrat avant l'échéance d'exécution si l'acheteur a déclaré qu'il ne s'exécuterait pas ou s'il est manifeste par ailleurs qu'il ne s'exécutera pas ».

    11. Le changement imprévisible de circonstances

    La Cour de cassation belge n'admet pas la théorie de l'imprévision. Cette dernière autoriserait le juge à dissoudre le contrat ou à le réviser, lorsque des circonstances imprévisibles viennent bouleverser l'économie contractuelle, rendant ainsi l'exécution des obligations pour une partie beaucoup plus onéreuse ou difficile.

    Une partie importante de la doctrine regrette cette intransigeance, qui isole la Belgique par rapport à de nombreux droits nationaux.

    La proposition de règlement consacre, pour les ventes transfrontières, le « changement de circonstances » dans l'article 89 de l'annexe I. En effet, « Lorsque l'exécution devient excessivement onéreuse en raison d'un changement exceptionnel de circonstances, les parties ont l'obligation d'engager des négociations en vue d'adapter le contrat ou d'y mettre fin ». « Si les parties ne parviennent pas à un accord dans un délai raisonnable, un tribunal peut, à la demande de l'une ou l'autre partie:

    (a) adapter le contrat afin de le mettre en conformité avec ce que les parties auraient raisonnablement convenu au moment de la conclusion du contrat si elles avaient tenu compte du changement de circonstances; ou

    (b) mettre fin au contrat à une date et selon des modalités que le tribunal fixera ».

    12. La conception moniste de l'obligation de délivrance

    Le Code civil distingue, au chapitre consacré aux obligations du vendeur, celle de délivrance (articles 1604 à 1624) et celle de garantie, laquelle inclut la garantie des vices cachés (articles 1641 à 1649).

    De ce fait, les vices de la chose sont soumis à des régimes différents selon qu'ils sont apparents ou cachés. Deux exemples parmi d'autres. Primo, l'action en garantie des vices cachés doit être introduite à bref délai (article 1648). Secundo, l'acheteur ne peut, selon la thèse dominante, réclamer la réparation ou le remplacement de la chose affectée d'un vice caché (argument tiré des termes de l'article 1644).

    Ce système dualiste, source de bien des difficultés, est abandonné par la Convention de Vienne pour les ventes internationales de marchandises. Il est délaissé aussi pour la vente de biens de consommation par un vendeur professionnel à un consommateur (article 1649bis et suivants du Code civil). C'est dans une conception moniste aussi que s'engage la proposition de règlement. Les articles 99 et suivants prévoient, en effet, une obligation générique de conformité du bien ou du contenu numérique au contrat, laquelle inclut notamment l'absence de défauts apparents et de défauts cachés.

    13. Droit de réduire le prix

    Pour l'heure, la réduction du prix consécutive à l'exécution partielle ou défectueuse du débiteur n'est pas reconnue en droit belge comme remède autonome à part entière.

    Le Code civil ne contient aucune allusion à la réfaction dans les textes généraux relatifs aux obligations conventionnelles. On ne trouve pas davantage de texte général admettant la réduction du prix dans le titre VI « De la vente » du Code civil.

    Quelques textes admettent toutefois une réduction de prix: art. 1617 et suivants (pour une erreur de contenance de l'immeuble vendu), art. 1644 (l'action estimatoire en présence d'un vice caché grave), art. 1637 (en cas d'éviction partielle de l'acheteur), art. 1649 quinquies, § 3 (pour la garantie légale des biens de consommation en cas de vente d'un bien de consommation d'un vendeur professionnel à un consommateur).

    On constate toutefois que ces différents textes particuliers n'englobent pas tous les cas d'inexécution partielle ou défectueuse dans la vente et que, d'autre part, ils ne prévoient pas les mêmes règles.

    La proposition de règlement a le mérite de contenir une disposition générale consacrée à la réfaction: l'article 120 (« Droit de réduire le prix »). Aux termes de son premier paragraphe, « L'acheteur qui accepte une exécution non conforme au contrat peut réduire le prix. La réduction doit être proportionnelle à la différence entre la valeur de ce qui a été reçu au titre de l'exécution au moment où elle a eu lieu, et la valeur de ce qui aurait été reçu si l'exécution avait été conforme ».

    Un autre mérite s'attache à ce texte. La proposition de règlement institue la réfaction en moyen d'action de l'acheteur à part entière: il ne se confond pas avec les autres remèdes, notamment le droit pour l'acheteur d'obtenir des dommages et intérêts.

    C. La protection du consommateur contre les clauses abusives

    14. L'objectif: un degré élevé de protection des consommateurs

    Selon l'exposé des motifs, « Conformément à l'article 114, paragraphe 3, TFUE, le droit commun européen de la vente garantirait un niveau élevé de protection des consommateurs en instituant son propre corps de règles impératives qui maintiendraient ou amélioreraient le degré de protection dont jouissent les consommateurs grâce au droit de la consommation en vigueur au niveau de l'Union ».

    Il est permis de douter de l'exactitude de cette assertion au regard du droit positif belge.

    L'exemple des clauses abusives dans les contrats entre vendeurs professionnels et consommateurs est à cet égard éloquent.

    15. Les clauses abusives dans la loi du 6 avril 2010

    La loi du 6 avril 2010 relative aux pratiques du marché et à la protection des consommateurs contient plusieurs articles portant sur l'interdiction et la nullité des clauses abusives dans les contrats entre une entreprise — laquelle inclut notamment le vendeur professionnel tel qu'entendu dans la proposition de directive — et un consommateur.

    Comme l'y autorise la directive 93/13, le législateur belge est allé au-delà de ce qu'imposait le législateur européen. La liste de clauses abusives figurant à l'article 73 est plus étendue que ce qu'impose le prescrit européen. Un seul exemple parmi d'autres: l'exigence de réciprocité des clauses pénales. La clause pénale qu'une entreprise prévoit en sa faveur pour sanctionner un manquement du consommateur est nécessairement nulle si le contrat ne comporte pas aussi une clause pénale destinée à sanctionner les manquements contractuels de l'entrepreneur envers le consommateur (article 74, 17º).

    La loi du 6 avril 2010 ne différencie, par ailleurs, pas les clauses selon qu'elles ont été négociées individuellement avec le consommateur ou qu'elles ont été imposées par l'entreprise, sans possibilité pour le consommateur de les négocier.

    Enfin, la clause qui figure dans la liste noire de l'article 74 est nécessairement nulle, sans possibilité de rémission. La loi belge ne distingue pas des clauses qui seraient nécessairement abusives et d'autres qui seraient seulement présumées abusives.

    16. Une protection moins poussée prévue par la proposition

    L'annexe de la proposition de règlement s'écarte des solutions reçues en droit belge sur ces trois points.

    L'article 83 induit une distinction à faire entre les clauses ayant fait l'objet d'une négociation individuelle et celles qui n'en ont pas fait l'objet, lorsqu'il dispose que: « Dans un contrat entre un professionnel et un consommateur, une clause contractuelle proposée par le professionnel et n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle au sens de l'article 7 est abusive aux fins de la présente section lorsqu'elle crée, au détriment du consommateur et en violation du principe de bonne foi et de loyauté, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat ».

    Les articles 84 et 85 énumèrent deux catégories de clauses abusives: celles qui sont « toujours abusives » (article 84, qui énumère 11 cas) et celles qui sont « présumées abusives » (article 85, qui énumère 23 cas). On relèvera par exemple qu'est seulement « présumée abusive » la clause qui a pour objet ou pour effet « d'exiger du consommateur qui n'exécute pas ses obligations qu'il paie un montant disproportionnellement élevé à titre de dommages et intérêts ou qu'il effectue un paiement stipulé en cas d'inexécution » (article 85, e). Une telle clause pénale qui imposerait au consommateur de payer un montant disproportionnellement élevé est, à l'heure actuelle, nécessairement nulle selon la loi du 6 avril 2010 (article 74, 24º).

    Une comparaison systématique de la liste noire de l'article 74 de la loi du 6 avril 2010 et des listes des articles 84 et 85 de la proposition devrait être entreprise. À première vue, il semble toutefois que certaines clauses abusives de la loi du 6 avril 2010 ne figurent plus comme telles dans le texte européen. Il en va par exemple ainsi du texte prescrivant la réciprocité des clauses pénales.

    17. Une démarche à étendre à d'autres dispositions impératives

    L'exercice devrait être entrepris à propos des autres dispositions impératives du droit belge. On songe, par exemple, à la loi du 1er septembre 2004 qui a inséré dans le Code civil aux articles 1649bis et suivants les textes relatifs à la garantie légale des biens de consommation.

    Il conviendrait aussi de s'assurer de la parfaite correspondance du texte proposé avec la directive relative aux droits des consommateurs 2011/83 du 25 octobre 2011.

    18. « Un renard libre dans un poulailler libre ? »

    On pourrait objecter que l'adhésion des parties au droit commun de la vente se fait sur une base volontaire. Le consommateur est libre de refuser que la vente transfrontière soit régie par celui-ci. En ce cas, c'est le système actuel de protection des consommateurs, notamment le dispositif résultant de la loi du 6 avril 2010, qui s'appliquera.

    Mais n'y a-t-il pas lieu de craindre qu'en pratique, le vendeur professionnel dictera sa volonté au consommateur et que confronté à une offre de contrat d'adhésion, le consommateur n'ait pas de marge de négociation ? Au demeurant, l'expérience prouve que la plupart des consommateurs n'attachent guère d'attention aux clauses applicables à leurs conventions et notamment à celles relatives au droit applicable.

    19. Pas d'application partielle du règlement

    Il nous paraît utile de formuler une dernière remarque à propos de l'article 8, alinéa 3, de la proposition de règlement.

    Aux termes de celui-ci, « Dans les relations entre professionnels et consommateurs, le droit commun européen de la vente ne peut être appliqué partiellement, mais uniquement dans son intégralité ».

    Cette formulation laisse perplexe compte tenu de l'article 1er (« Liberté contractuelle ») de l'annexe I. On peut y lire que « Les parties sont libres de conclure un contrat et d'en déterminer le contenu, sous réserve des règles impératives applicables. Les parties peuvent exclure l'application de l'une quelconque des dispositions du droit commun européen de la vente ou déroger à leurs effets ou modifier ceux-ci, sauf indication contraire de celles-ci ».

    Même si c'est dans une moindre mesure, la liberté contractuelle gouverne donc aussi les ventes transfrontières conclues entre un vendeur professionnel et un consommateur. Pourvu qu'elles ne méconnaissent pas les dispositions impératives (art. 27, 29, al. 4, 47, 81, 102, al. 5 ...), les parties peuvent aménager le contrat à leur guise. Elles pourraient, par ce biais, introduire, sous la forme de clauses contractuelles, des dispositions tirées du droit actuel de la vente.

    Patrick Wéry

    Professeur ordinaire à l'UCL

    Président du Centre de droit privé de la Faculté de droit et de criminologie (53)

    Le 30 novembre 2011.

    Avis de l'OBFG sur la proposition de règlement relatif à un droit commun européen de la vente

    Il a été demandé à l'OBFG de remettre un avis portant sur la compatibilité de la proposition de règlement relatif à un droit commun européen de la vente avec les principes de proportionnalité et de subsidiarité.

    Préambule

    La proposition de règlement relatif à un droit commun européen de la vente publiée le 11 octobre 2011 par la Commission européenne (54) vise à améliorer l'établissement et le fonctionnement du marché intérieur en facilitant le développement du commerce transfrontier pour les entreprises, d'une part, et des achats transfrontières pour les consommateurs, d'autre part.

    Cette proposition, à caractère facultatif, concerne à la fois les contrats conclus entre entreprises (B2B) et les contrats conclus entre entreprise et consommateur (B2C), dans leurs relations transfrontalières uniquement et couvre tout le cycle de vie du contrat de vente. Cette proposition constituerait un droit autonome et uniforme en matière contractuelle, applicable à la condition que les parties au contrat y consentent. En effet, elle vise à créer un second régime de droit contractuel au sein du droit national de chacun des États membres.

    Cette proposition est le résultat des travaux lancés depuis la Communication de la Commission concernant le droit européen des contrats de 2001 (55) , et notamment de ceux ayant abouti à la publication en 2009 d'un projet académique de Cadre Commun de Référence (56) .

    1. Appréciation au regard du principe de proportionnalité

    Le principe de proportionnalité signifie que les moyens mis en œuvre par la norme à adopter doivent être aptes à réaliser l'objectif visé, et que l'Union européenne ne doit pas, dans l'exercice de ses compétences, faire plus que ce qui est nécessaire pour atteindre ses objectifs (57) .

    L'outil optionnel constitue un important facteur de réalisation du marché intérieur. Il constitue une première étape vers l'égalisation des conditions de la concurrence contractuelle. Il est également de nature à permettre une meilleure ouverture des marchés de la vente de biens meubles (et des services annexes) dans l'Union Européenne, ce qui est souhaitable.

    En effet, cet outil contribue notamment à:

    a) La sécurité juridique

    Il est parfois risqué de contracter sur la base d'un droit dont on ne connaît pas les tenants et aboutissants. À seul titre d'exemple, dans certains pays européens (notamment le Portugal) la prescription est de six mois en matière de vente; elle est actuellement de dix ans dans notre pays; les citoyens belges qui contractent, en particulier les consommateurs ou les petites et moyennes entreprises, ne soupçonnent pas des délais aussi brefs (58) . Une prescription unique dans l'union européenne garantirait une meilleure prévisibilité du droit.

    b) La confiance

    Le choix du droit applicable constitue toujours un point délicat de la négociation contractuelle. L'existence d'un régime européen, basé sur les principes qui gouvernent nos systèmes juridiques, pourra constituer un instrument de ralliement plutôt qu'un instrument de défiance. Il permet de dépasser les obstacles auxquels la recherche du droit applicable (actuellement différent dans les vingt-sept États membres) mène inévitablement en droit international privé, nonobstant l'uniformisation des règles de conflits de lois par l'adoption en 2008 du règlement « Rome I » (59) .

    c) La modernisation du droit

    Notre Code civil, qui est plus que bicentenaire, ne correspond plus tellement dans sa structure et dans son régime, au droit contemporain. L'adoption du règlement optionnel, qui renferme un projet de droit commun moderne et accessible de la vente, simplifierait les transactions transfrontalières.

    Par exemple, notre droit ne permet pas à une partie de résoudre le contrat sans l'intervention du juge, sauf clause dérogatoire expresse. Les parties doivent donc, même en cas de faute grave, attendre plusieurs années pour que leurs relations contractuelles soient résolues, même si la jurisprudence a quelque peu assoupli la solution de l'article 1184 du Code civil.

    De même, la dualité du régime de la garantie des vices cachés de la vente et de l'obligation de livraison d'une chose conforme peut paraître anachronique, lorsqu'on la compare avec les régimes uniformes établis par la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises ou par la directive sur certains aspects de la vente et de la garantie des biens de consommation.

    d) Un régime juridique approprié et impartial.

    Le droit anglo-saxon influence très fort notre droit; il suffit de constater que les conditions générales de vente sur internet sont toutes en langue anglaise; or, le droit anglo-saxon est régi par des concepts fort différents, ce qui rend plus difficiles les relations entre contractants de droit continental et de droit anglo-saxon; la création d'un droit civil européen permettra de créer des règles tenant mieux compte des différents systèmes juridiques européens.

    S'agissant du fait que les droits des consommateurs seraient moins bien protégés qu'au niveau national, l'outil optionnel semble a priori accorder une protection au consommateur au moins équivalente à celle du droit interne belge en telle sorte que l'on peut difficilement prétendre que le consommateur soit préjudicié si l'outil optionnel venait à être choisi par les parties (60) .

    Le principe de proportionnalité n'est donc pas mis à mal car les avantages pour le marché intérieur sont appréciables et le préjudice envers le consommateur inexistant.

    Le CCBE a d'ailleurs estimé que le consommateur était surprotégé par le projet (61) .

    2. Appréciation au regard du principe de subsidiarité

    Aux termes du principe de subsidiarité, l'Union européenne ne met en œuvre que les actions que les États ne pourraient conduire (62) .

    En l'espèce, les États nationaux pourraient difficilement créer un cadre européen. Les règles harmonisées en matière de conflits de lois mènent habituellement à la sélection du droit de l'un des différents systèmes juridiques. Or, ces différents systèmes juridiques sont, pris individuellement, insuffisants à répondre aux besoins du marché intérieur et ne suppriment pas les coûts de transaction (transaction costs) liés, pour la ou les parties contractantes, à la diversité de tels systèmes au travers de l'Union européenne.

    À titre de comparaison, certains pays d'Europe de l'est, à l'époque communiste, avaient édicté un code applicable aux relations internationales; mais ces codes variaient d'un pays à l'autre, ce qui constituait tout sauf un code commun.

    Seul le législateur européen, assisté en l'espèce d'éminents experts et s'inspirant de solutions déjà présentes dans d'autres modèles d'harmonisation européens (Principes Européens de Droit des Contrats, Cadre Commun de Référence Européen, Convention de Vienne sur la Vente internationale de marchandises, Principes Unidroit, etc.), peut établir un tel instrument.

    Conclusion

    La proposition de règlement relatif à un droit commun européen de la vente publié le 11 octobre 2011 par la Commission européenne respecte le principe de proportionnalité et le principe de subsidiarité.

    L'OBFG regrette cependant que le législateur européen se soit arrêté au milieu du gué alors qu'il avait proposé une solution plus intégrée (63) . Pour l'OBFG, le champ d'application de l'instrument ne devrait pas être limité aux contrats de vente et de services accessoires, stricto sensu, mais être envisagé dans une large mesure en visant le droit des obligations en général (64) . L'instrument devrait concerner à la fois les contrats conclus entre consommateurs et entreprises (B2C), les contrats conclus entre entreprises (B2B) (65) mais églement ceux conclus entre consommateurs, exclus de la proposition actuelle (66) . L'OBFG défendait également l'idée que l'adoption d'un corps de règles européennes uniformes sous la forme d'un règlement, non pas optionnel, mais se substituant à la diversité des règles nationales, serait de nature à rencontrer mieux encore les objectifs identifiés par la Commission européenne — renforcement du marché intérieur et accroissement de la protection du consommateur —, tout en garantissant aux entreprises et aux consommateurs la sécurité juridique de leurs transactions internes ou transfrontalières.

    Pour l'OBFG, le projet d'instrument optionnel, quoique constituant une avancée importante dans le processus d'harmonisation du droit européen des contrats, pèche dès lors par manque d'ambition, tant par la nature de l'instrument choisi que par son champ d'application.

    Pour l'OBFG,

    Benoît KOHL

    [email protected]

    Denis PHILIPPE

    [email protected]

    Bruxelles, 28 novembre 2011.

    Voorstel voor een verordening betreffende een gemeenschappelijk kooprecht — COM (2011) 635

    Geachte mevrouw,

    Ik ontving goed uw brief van 24 november 2011.

    U vroeg ons om een advies te bezorgen met betrekking tot het voorstel voor een verordening betreffende een gemeenschappelijk Europees kooprecht.

    Het is misschien aangewezen dat u vooreerst kennis neemt van het advies dat wij destijds overmaakten aan de commissaris bij de Europese Commissie inzake het groenboek voor een Europees contractenrecht. Ik laat u als bijlage kopie van ons advies van 28 januari 2010.

    Zoals u kan merken heeft de OVB in januari 2010 standpunt ingenomen en toen reeds duidelijk gesteld voorstander te zijn van een opt-in instrument voor Europees contractenrecht en gesteld dat het een passende oplossing is om het optioneel instrument in te lassen als een tweede regeling in het interne recht van de lidstaten. Dit is ook het spoor dat de commissie nu volgt in de ontwerpverordening. De OVB verwelkomt dit punt.

    Wat de regeling van de opt-in betreft (art. 8 van de ontwerpverordening), meent de OVB ook dat de geldigheid van de opt-in zelf, zoals in het Ontwerp wordt voorgesteld, inderdaad dient te worden beoordeeld op basis van de gekozen regeling zelf. Dit is in overeenstemming met de techniek die gebruikt wordt in het internationaal privaatrecht.

    De OVB heeft wel ernstige twijfels bij het nut van de « Standard Information Service » voorgesteld in artikel 9 van de ontwerp-Verordening en de strikte vormvereisten die daarvoor worden voorgesteld.

    2. In het antwoord op het groenboek heeft de OVB ook aangedrongen op een ruime materiële werkingssfeer (dit wil zeggen de rechtsvragen die geregeld worden door het instrument), omdat elke lacune in de regeling leidt tot de toepassing van de anders toepasselijke nationale wetgeving, die grotendeels niet-geharmoniseerd is, en dus tot een verminderd belang van het instrument. Het doel van het facultatief instrument in acht genomen, is het belangrijk dat het instrument een volledige set van regels geeft, ook met betrekking tot minder belangrijke aspecten van het verbintenissenrecht. In het ontwerp « CESL » (Annex I van de ontwerpverordening) zijn er evenwel een aantal materies niet geregeld die wél binnen het domein van de lex contractus vallen in de Rome-I-verordening en belangrijk zijn in dit opzicht, zoals:

    — de vraag of er samenloop mogelijk is met extracontractuele aansprakelijkheid;

    — regels inzake munteenheden (zie DCFR III-2:109);

    — regels inzake verrekening of schuldvergelijking (DCFR III-6:1);

    — regels inzake overdraagbaarheid van de schuldvordering tot betaling van de prijs (DCFR III-5:105);

    — regels inzake hoofdelijkheid of andere vormen van pluraliteit van schuldenaars;

    — regels inzake vertegenwoordigingsbevoegdheid (DCFR II-6);

    — regels over de vraag of bij een koop-verkoop de rechten van de verkoper jegens zijn leverancier mee overgaan op de koper;

    — regel of de verkoop al dan niet nietig is bij onmogelijkheid van nakoming of bij beschikkingsonbevoegdheid van de verkoper (DCFR II-7:102 maakt duidelijk dat de verkoopovereenkomst in die gevallen wel geldig is);

    — regel over het gevolg van factuur of orderbevestiging die gericht is aan een professioneel en door deze niet tijdig is geprotesteerd (vgl. DCFR II-4:201);

    — regels inzake de contractuele geldigheid van eigendomsvoorbehoud (cf. richtlijn Betalingsachterstand bij handelstransacties).

    3. In het antwoord op het groenboek heeft de OVB erop aangedrongen het instrument beschikbaar te maken ongeacht de hoedanigheid van de partijen: onderneming, consument of private persoon. De OVB betreurt dan ook dat in het Ontwerp van verordening het instrument enkel ter beschikking wordt gesteld voor 1º consumentenovereenkomsten en 2º B2B overeenkomsten met KMO's. Met name:

    — is het jammer dat het niet beschikbaar is voor transacties tussen niet-professionelen, zoals bijvoorbeeld verkoop via e-Bay;

    — is de beperking tot KMO's mede gezien de definitie die daarvan wordt gegeven in artikel 7, 2 van de Ontwerp-Verordening onwerkbaar en discriminerend. Voor een on-line-aanbieder bijvoorbeeld is het vaak onmogelijk te weten hoeveel werknemers de kandidaat-koper heeft en wat de balans is, en dit zou ook niet relevant mogen zijn.

    Het lijkt ons strijd met het discriminatieverbod om het gebruik van dit instrument te verbieden aan grote ondernemingen en aan private personen onderling.

    De OVB dringt erop aan dat de EU die beperkingen zou afschaffen, en dat, mocht dit niet gebeuren, België er voor zou kiezen om ze krachtens de aan de lidstaten gegeven optie (art. 13 b)), niet zou behouden.

    4. In het antwoord op het groenboek heeft de OVB erop aangedrongen het instrument beschikbaar te maken voor zowel grensoverschrijdende als interne transacties. Het ontwerp beperkt het gebruik van het instrument evenwel tot grensoverschrijdende transacties, maar geeft de lidstaten de optie om het gebruik ook toe te laten voor interne transacties (art. 13 a) van de verordening). De OVB betreurt dit. Verschillende behandeling van nationale contracten en grensoverschrijdende contracten kan niet worden gerechtvaardigd. Bovendien is het voor bepaalde transacties steeds moeilijker om een onderscheid te maken tussen nationale transacties en grensoverschrijdende transacties (bijvoorbeeld in e-commerce). Een beperking tot grensoverschrijdende contracten zou kunnen leiden tot de artificiële toevoeging van een grensoverschrijdend element om het contract grensoverschrijdend te maken. Bovendien betekent dit dat enkel aanbieders gevestigd buiten de EU de mogelijkheid hebben om onder één enkel regime te verkopen in alle lidstaten. Dit staat op gespannen voet met het discriminatieverbod in het Europees recht zelf. Mocht deze beperking gehandhaafd blijven, dient België de optie uit te oefenen het gebruik ook toe te laten voor interne transacties, omdat anders Belgische aanbieders gediscrimineerd worden vergeleken met buitenlandse aanbieders, wat strijdig zou zijn met artikel 10 van de Grondwet.

    5. Wat de structuur van het voorgestelde CESL betreft, valt op dat het ontwerp géén algemene regels betreft inzake nakoming en niet-nakoming van contractuele verbintenissen. De meeste regels worden voor elke verbintenis besproken; dit leidt tot ofwel dubbele regels ofwel een schakelbepaling waarbij andere regels mutatis mutandis moeten worden toegepast (bijvoorbeeld art. 155, 157, 90 I-II, 12 III-IV). Dit leidt tot rechtsonzekerheid en het zou veel beter zijn om een algemene regeling inzake nakoming en niet-nakoming van contractuele verbintenissen te hebben in plaats van een gefragmenteerde regeling. Bovendien is de OVB er voorstander van om het optioneel instrument stap voor stap uit te breiden naar andere soorten overeenkomsten dan koop-verkoop; wat evenwel vereist dat de regels nu ook voor overeenkomsten in het algemeen worden geschreven en niet specifiek in termen van koper en verkoper. Zo ook is de regeling inzake ontbinding een stuk te ingewikkeld of minstens gebruikersonvriendelijk door de fragmentatie van de regeling.

    6. De OVB heeft eerder het standpunt ingenomen dat het instrument een duidelijk hoog niveau van consumentenbescherming moet bieden (optie 4, 4e alinea). Het ontwerp biedt zo'n duidelijk hoog niveau, dat de OVB nu vragen stelt of de regeling niet te laks is voor consumenten.

    Daarbij is niet zozeer problematisch dat aan de verkopers strenge verplichtingen worden opgelegd, maar eerder dat geen enkele diligentie wordt gevraagd van de consument-koper. Zo bijvoorbeeld is het ook in het algemeen belang dat een koper binnen een redelijke termijn na zichtbaarheid gebreken in de gekochte zaak moet melden; het ontwerp houdt echter geen enkele kennisgevingsplicht in voor de consument. De consument moet ook niet binnen een redelijke termijn na wanprestatie kiezen voor een ontbinding van de overeenkomst (art. 119a). De consument moet omzeggens nooit een vergoeding betalen voor gebruik van goederen wanneer de consument van de overeenkomst afziet (art. 45 en 173). De consument kan ook genieten van een vrij lange periode waarin geen interest wegens wanbetaling verschuldigd is (art. 167 II) en van een verbod op kapitalisatie van interest zelfs na 12 maanden. Aldus zijn er toch ernstige risico's van misbruik door consumenten.

    Met oprechte hoogachting,

    Eddy Boydens

    Voorzitter

    Standpunt van de Orde van Vlaamse Balies (OVB) inzake het Groenboek van de Europese Commissie voor een Europees contractenrecht

    Geachte Commissaris,

    De Orde van Vlaamse Balies (OVB) is de wettelijke beroepsorganisatie van de meer dan 9300 Vlaamse advocaten in België.

    Inzake het Groenboek van de Europese Commissie over beleidsopties voor de ontwikkeling van een Europees contractenrecht voor consumenten en ondernemingen (COM (2010) 348/3), formuleert de OVB volgende bedenkingen:

    1. Resultaten van de werkzaamheden van de deskundigengroep

    De OVB zou publicatie van de resultaten van de werkzaamheden van de deskundigengroep op de website van de Europese Commissie verwelkomen.

    2. Juridische aard van het instrument

    Wat betreft de juridische aard van een mogelijk instrument van Europees contractenrecht opteert de OVB voor een verordening tot vaststelling van een facultatief instrument voor Europees contractenrecht (optie 4 van het Groenboek). Dit facultatieve instrument zou een « opt-in » instrument moeten zijn, hetgeen betekent dat de partijen kunnen kiezen voor de toepassing van het instrument. Alle partijen moeten deze keuze maken. Hieruit vloeit voort dat de aanbieder niet verplicht kan worden de keuze tussen het nationale recht en het facultatieve instrument aan te bieden aan zijn medecontractant.

    Het instrument, zoals het Groenboek voor ogen heeft, is een optionele regeling die zou worden ingevoegd in het nationale recht van iedere lidstaat. De OVB is van mening dat dit een passende oplossing is, maar vestigt de aandacht op het belang de nodige zorg te besteden aan een ruime materiële werkingssfeer (dit wil zeggen de rechtsvragen die geregeld worden door het instrument) en aan de wijze waarop de werkingssfeer in het facultatieve instrument wordt geformuleerd. Iedere beperking in dit kader (het niet regelen van bepaalde vragen van contractenrecht) zal leiden tot de toepassing van de anders toepasselijke nationale wetgeving, die grotendeels niet-geharmoniseerd is, en dus tot een verminderd belang van het instrument. Het doel van dit facultatieve instrument zal evenmin worden bereikt wanneer niet duidelijk blijkt wat de erdoor geregelde onderwerpen allemaal zijn en welke regels van nationaal recht dus allemaal buiten toepassing blijven indien partijen kiezen voor het instrument.

    3. Toepassingsgebied ratione personae

    Wat betreft het toepassingsgebied van het instrument ratione personae is de OVB voorstander om het facultatief instrument beschikbaar te maken ongeacht de hoedanigheid van de partijen: onderneming, consument of private persoon. Om redenen van coherentie en rechtszekerheid geeft de OVB de voorkeur aan één enkel instrument dat beschikbaar zou zijn voor contracten tussen ondernemingen én voor contracten tussen ondernemingen en consumenten, met aangepaste, maar coherente regels. Dit impliceert uiteraard dat de regels van verbintenissenrecht voor de bescherming van de consument deel uitmaken van het instrument. Er zullen, voor de bescherming van de consument, tevens regels nodig zijn die duidelijk aangegeven welke regels van dwingend recht zijn voor contracten tussen ondernemingen en consumenten, en daarnaast ook bijkomende regels specifiek van toepassing op consumentencontracten. Een overzichtelijk onderverdeling in het instrument kan hierin bijkomende duidelijkheid scheppen.

    De OVB gaat eveneens akkoord met de stelling dat het facultatieve instrument een duidelijk hoog niveau van consumentenbescherming moet bieden (optie 4, 4e alinea).

    4. Territoriale toepassingsgebied

    Wat betreft het territoriale toepassingsgebied (punt 4.2.2), is de OVB van mening dat het facultatieve instrument ook moet spelen bij nationale transacties. Verschillende behandeling van nationale contracten en grensoverschrijdende contracten kan niet worden gerechtvaardigd. Bovendien is het voor bepaalde transacties steeds moeilijker om een onderscheid te maken tussen nationale transacties en grensoverschrijdende transacties (bijvoorbeeld in e-commerce). Een beperking tot grensoverschrijdende contracten zou kunnen leiden tot de artificiële toevoeging van een grensoverschrijdend element om het contract grensoverschrijdend te maken.

    5. Materieel toepassingsgebied (werkingssfeer)

    Op het vlak van de materiële werkingssfeer (punt 4.3) rijzen twee vragen: de soorten contracten en de aangelegenheden die gereguleerd worden.

    Een facultatief instrument is enkel nuttig indien het regels bevat voor ten minste 1 type van bijzondere overeenkomsten. Immers, indien het instrument enkel algemene regels van verbintenissenrecht bevat, zal het anders toepasselijke nationaal recht met betrekking tot bijzondere overeenkomsten worden toegepast en zullen de regels van het instrument in verschillende jurisdicties tot op voor elk land verschillende hoogte opzij gezet worden. Het Groenboek somt een aantal mogelijkheden op, zoals koop-verkoop, dienstencontracten, leasing van roerende goederen, etc.

    Het lijkt de OVB aangewezen dat een facultatief instrument niet onmiddellijk toepasselijk zou zijn op een ruime waaier van contracten, maar dat het instrument zich eerst toelegt op 1 of enkele soorten overeenkomsten. Voorkeur zou gegeven moeten worden aan die contracten waarvan wordt vastgesteld dat deze reeds vaak grensoverschrijdend worden gesloten of waar het ontbreken van een gemeenschappelijk instrument frequente grensoverschrijdende transacties belemmert. Indien geopteerd wordt voor koop-verkoop van goederen, moet dit koop op afbetaling omvatten en zou het dus aangewezen zijn rekening te houden met het feit dat koopovereenkomsten vaak gelieerd zijn met kredietovereenkomsten, leasingcontracten (huur-koop) en/of overeenkomsten van persoonlijke borgstelling.

    Het facultatieve instrument zou zeker die aangelegenheden opgesomd in punt 4.3.1 van het Groenboek dienen te omvatten (de OVB veronderstelt dat dit ook voorwaarden en tijdsbepalingen omvat). Het doel van een facultatief instrument in acht genomen, is het belangrijk dat het instrument een volledige set van regels geeft ook met betrekking tot minder belangrijke aspecten van het verbintenissenrecht. Deze verdieping moet prioriteit hebben over een verruiming van de werkingssfeer tot andere bijzondere overeenkomsten of zelfs tot niet-contractuele relaties. Het is onrealistisch om het maximum aantal artikelen dat het facultatieve instrument mag bevatten, te bepalen.

    Met betrekking tot restitutie en niet-contractuele aansprakelijkheid (punt 4.3.2), is de OVB van mening dat deze momenteel niet onder het toepassingsgebied van het instrument zouden moeten vallen. Sommige vraagstukken die zich op de kantlijn tussen contractenrecht enerzijds en restitutie en niet-contractuele aansprakelijkheid anderzijds bevinden zullen echter ook aangekaart moeten worden in het instrument om het een voldoende uniform toepassingsgebied te geven in alle lidstaten. Zo zou het instrument de regels met betrekking tot nietigheid zowel als de ontbinding van overeenkomsten, met inbegrip van restitutie van de reeds geleverde prestaties, moeten bevatten. Deze vragen kunnen niet overgelaten worden aan het nationale recht van de lidstaten. Dit is waarschijnlijk ook zo voor de gevolgen van de ontbinding van een contract, met inbegrip van restitutie.

    6. Andere opties in het Groenboek

    Aangaande de andere opties voor het instrument uiteengezet in het Groenboek, voornamelijk opties 5 tot 7, stelt de OVB dat het facultatieve instrument eerst getest zou moeten worden. Het facultatieve instrument zou op termijn, indien het over voldoende reikwijdte beschikt met betrekking tot het materiële toepassingsgebied, ook de basis kunnen vormen voor ten minste een gedeelte van het « instrumentarium » voor de Europese wetgever (optie 2). Het instrumentarium zou dan bestaan uit reeds operatieve modelregels en de terminologie die hieruit voortvloeit. Indien het facultatieve instrument beperkt blijft tot contractenrecht (zie supra) zou het goed zijn het instrumentarium verder te ontwikkelen in de domeinen van niet-contractuele aansprakelijkheid, restitutie en aspecten van het eigendomsrecht.

    7. Rol van de advocatuur

    Ten slotte is het essentieel voor het succes van het project, ongeacht de vorm waarvoor geopteerd wordt, dat het eindresultaat gebruikersvriendelijk is en gericht op toepassing in de praktijk. De OVB verzoekt de Commissie om daarbij gebruik te maken van de expertise van de advocatuur en dit met betrekking tot alle aspecten van het project, met inbegrip van selecteren en verfijnen van die onderdelen van de DCFR die de basis zouden kunnen vormen van een toekomstige instrument.

    Bedrijven zullen niet voor een toekomstige instrument opteren tenzij het aan hun noden voldoet en de advocatuur kan bijstaan met het omzetten van deze noden naar een instrument.

    8. Besluit

    De Orde van Vlaamse Balies is voorstander van optie 4 van het Groenboek: een verordening tot vaststelling van een facultatief instrument voor Europees contractenrecht. Dit facultatief instrument (opt-in) zou beschikbaar moeten zijn zowel voor contracten tussen ondernemingen als voor contracten tussen ondernemingen en consumenten, en dit zowel voor nationale als voor grensoverschrijdende contracten.

    Wat betreft de werkingssfeer zou dit instrument zich kunnen toeleggen op koop-verkoop, met een volledige set van regels en een hoog niveau van consumentenbescherming. De OVB wenst hierbij te benadrukken dat de nodige aandacht dient besteed te worden aan de afbakening van het materiële toepassingsgebied. De Orde is steeds bereid om verder als gesprekspartner te fungeren.

    Met oprechte hoogachting,

    Jo Stevens

    Voorzitter


    (1) Ces annexes sont disponibles en version électronique sur le site du Sénat (http://www.senat.be).

    (2) Ces annexes sont disponibles en version électronique sur le site du Sénat (http://www.senat.be).

    (3) Ces annexes sont disponibles en version électronique sur le site du Sénat (http://www.senat.be).

    (4) Ces annexes sont disponibles en version électronique sur le site du Sénat (http://www.senat.be).

    (5) Ces annexes sont disponibles en version électronique sur le site du Sénat (http://www.senat.be).

    (6) L'article 5, § 3, TFUE, précise qu' « en vertu du principe de subsidiarité, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l'Union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres, tant au niveau central qu'au niveau régional et local, mais peuvent l'être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, au niveau de l'Union ».

    (7) Pour un commentaire de ces dispositions, voy. F. Delpérée et F. Dopagne, Le dialogue parlementaire Belgique-Europe, avant-propos de W. Martens, Bruxelles, Bruylant, 2010.

    (8) Ces annexes sont disponibles en version électronique sur le site du Sénat (http://www.senat.be).

    (9) Sur ce thème, voy. Le principe de subsidiarité, Bruxelles, Bruylant, 2000 et L'Europe de la subsidiarité (dir. M. Verdussen), Bruxelles, Bruylant, 2000.

    (10) « N'y a-t-il pas lieu de craindre, écrit le professeur Wéry, qu'en pratique, le vendeur professionnel (ne dicte) sa volonté au consommateur et que, confronté à une offre de contrat d'adhésion, le consommateur n'ait pas de marge de négociation ? » (voir note publiée en annexe)

    (11) Dans son arrêt C-436/03, la Cour de justice de l'Union européenne a relevé qu'un règlement « qui laisse inchangés les différents droits nationaux existants, ne saurait être regardé comme ayant pour objet de rapprocher les droits des États membres ». Elle a également souligné qu'une proposition ayant « pour objet de créer une forme nouvelle de société coopérative qui se superpose aux formes nationales » ne pouvait s'autoriser de l'article 95 du traité CE (actuel article 114 TFUE).

    (12) Analyse d'impact de la Commission européenne, p. 12.

    (13) Flash Eurobaromètre 321, droit européen des contrats, transactions avec les consommateurs, p. 20.

    (14) Règlement (CE) no 593/2008 du 17 juin 2008 sur le droit applicable aux obligations contractuelles (Rome I).

    (15) Lettre adressée à Mme Paraskevi Michou, Directrice de la DG Justice, le 30 mars 2011 (Ref.: X/2011/080 — 6 juillet 2011).

    (16) Analyse d'impact de la Commission, Annexe V, p. 2.

    (17) Directive 2011/83/UE.

    (18) Directive 1999/44/CE du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation.

    (19) Directive 93/13/CE du 5 avril 1993 sur les clauses contractuelles abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs.

    (20) COM (2011) 365 final, 11 octobre 2011, Exposé des motifs, p. 4.

    (21) Flash Eurobaromètre 321, droit européen des contrats, transactions avec les consommateurs, octobre 2011; p. 29 et 83.

    (22) Idem, p. 29 et 82.

    (23) La première lettre commune exprimant nos objections communes avec les Notaires européens (Conseil des Notariats de l'Union européenne) à l'égard de cette initiative a été envoyée le 1er juin 2011 au Parlement européen en vue du vote en plénière du rapport d'initiative de la commission des affaires juridiques (rapporteur Mme Wallis, ADLE, R.-U.) sur un droit européen des contrats pour les consommateurs et les entreprises. Les trois organisations ont déclaré qu'un instrument optionnel pour les contrats de consommateurs n'apporterait pas de valeur ajoutée — ni aux consommateurs ni aux PME, mais aurait un effet négatif sur l'essor du marché intérieur et la confiance des consommateurs et des PME pour se lancer dans des transactions transfrontières ». (An « optional instrument » is not what consumers and SMEs need avec l'EUROPMI et le Conseil des Notariats de l'Union européenne, (Ref.: X/2011/086 — 15/07/11), disponible sur http://www.beuc.eu en anglais uniquement).

    (24) Droit commun européen de la vente — Réunion du Conseil Justice et Affaires intérieures, 28 octobre 2011, lettre commune avec l'EUROPMI envoyée aux représentations permanentes des États Membres le 25 octobre 2011, disponible sur www.beuc.ue.

    (25) Flash Eurobaromètre no 300, « Retailers » attitudes towards cross-border trade and consumer protection », p. 124.

    (26) Document de travail de la Commission, analyse d'impact accompagnant la proposition, p. 13, note 55 faisant référence au Flash Eurobaromètre no 331, droit européen des contrats, transactions avec les consommateurs, octobre 2011, p. 62.

    (27) Flash Eurobaromètre no 300, « Retailers' attitudes towards cross-border trade and consumer protection », p. 32-38.

    (28) Par exemple, à la question 5: « Si vous étiez en mesure de choisir, pour TOUTES vos transactions transfrontières avec des consommateurs d'autres pays de l'Union européenne, un seul et unique droit européen des contrats, dans quelle mesures serait-il probable que vous l'utilisiez ?

    (29) Tableau de bord de la consommation, 5e Édition.

    (30) Études qualitatives d'Eurobaromètre, « Les obstacles au marché intérieur du point de vue des citoyens », septembre 2011, p. 37.

    (31) MEMO/11/680 « Droit commun européen de la vente à caractère facultatif: foire aux questions ».

    (32) Il convient de noter que même dans cette hypothèse douteuse, 31 % seulement des consommateurs ont déclaré qu'ils seraient plus disposés à acheter s'il y avait des règles européennes uniformes et 29 % ont déclaré qu'ils seraient encore moins disposés à acheter (Eurobaromètre 299a, question 7, p. 12).

    (33) Par exemple, Q2: Quel impact les obstacles potentiels suivants ont-ils sur votre décision de réaliser des ventes avec des consommateurs d'autres pays de l'UE ? (...) la nécessité de s'adapter et de se conformer aux différentes règles de protection des consommateurs dans les lois contractuelles étrangères (Flash Eurobaromètre 299).

    (34) Par exemple Q7. Actuellement, quand vous achetez un bien ou un service auprès d'un vendeur/prestataire à l'étranger, votre transaction risque d'être régie par le droit du vendeur/prestataire. Si dans le cas de telles transactions, des règles européennes uniformes étaient applicables, quel que soit le lieu où est établi le vendeur/prestataire, seriez-vous plus disposé, également disposé ou moins disposé à effectuer des achats transfrontières ? (Flash Eurobaromètre 299a).

    (35) Principaux obstacles juridiques: recueillir des avis juridiques sur le droit étranger, règlement des litiges transfrontaliers, respect de la législation étrangère en matière de protection des consommateurs, ... Autres obstacles: langue, distance, TVA, coûts de transport, logistique, culture, stabilité politique et économique.

    (36) Voir: Flash Eurobarometer 321, European contract law in consumer transactions, Analytical Report 2011.

    (37) Article 6 règlement 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I).

    (38) Convention des Nations unies conclue à Vienne le 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises.

    (39) L'Union européenne ne doit pas, dans l'exercice de ses compétences, faire plus que ce qui est nécessaire pour atteindre ses objectifs. Ainsi, dans la mesure du possible, elle doit: d'un point de vue formel, privilégier les moyens d'actions les moins contraignants pour les États membres (ex: la directive par rapport au règlement); sur le fond, éviter de prendre des législations excessivement détaillées.

    (40) Case C-436/03 (European Parliament v Council) of 2 May 2006. Extrait du sommaire: « le règlement no 1435/2003, relatif au statut de la société coopérative européenne (SEC), vise à mettre en place une forme juridique nouvelle se superposant aux formes nationales de sociétés coopératives, (...). Ce règlement, qui laisse inchangés les différents droits nationaux existants, ne saurait être regardé comme ayant pour objet de rapprocher les droits des États membres applicables aux sociétés coopératives. Par conséquent, l'article 95 CE ne pouvait constituer une base juridique appropriée pour l'adoption dudit règlement, qui a ainsi été adopté à bon droit sur le fondement de l'article 308 CE ».

    (41) Le règlement nº 1435/2003 relatif au statut de la société coopérative européenne fut adopté sur la base de l'article 308 du traité instituant la Communauté européenne.

    (42) Commission Staff working document, Impact Assessment, p. 13; EB 321, pg 62.

    (43) Mars 2011.

    (44) Dans le rapport complet de l'étude qualitative de l'Eurobaromètre sur « Les obstacles au marché intérieur du point de vue des citoyens » de septembre 2011, la principale raison invoquée par les consommateurs qui n'achètent pas de biens dans d'autres pays est qu'ils ne ressentent pas le besoin d'acheter ces biens à l'étranger alors qu'ils peuvent les trouver localement.

    (45) Exposé des motifs de la proposition, page 7.

    (46) Pour mémoire, le règlement Rome I limite le « choix de la loi » par les parties lorsque: — une meilleure protection accordée par la législation du pays de résidence habituelle du consommateur concernant les contrats de consommation (article 6.2); — d'une manière générale, par les lois de police (article 9); — et quand l'ordre public du for est en jeu (article 21).

    (47) J. Rutgers, « An Optional Instrument and Social Dumping », European Review of Contract Law, 2006, 199–212: « within the Member State Contract law does not only aim at regulating the market but also pursues other policies particularly within the context of the Welfare Sate for instance the protection of the weaker parties. If these aspects of contract law are ignored in the attempts to create a harmonised contract law within Europe, an optional instrument may result in social dumping (...) [which] refers to a situation of reduced social protection. In addition, such an optional instrument does not do justice to the aims of the EC, such as a harmonious, balanced and sustainable development of economic activities and raising the standard of living and the quality of live (Article 2 EC) [Art. 3 TEU] ».

    (48) Programme de travail de la Commission pour l'année 2012, 15.11 2011, COM(2011) 777 final, VOL. 2/2, p. 36 (FR),/ p. 28 (EN): « Title: European contract law instrument in the area of insurance services/European contract law instrument in the area of insurance services ».

    (49) Commission Staff working document, Impact Assessment, p. 13; EB 321, p. 62.

    (50) Mars 2011.

    (51) Dans un Eurobaromètre Flash publié récemment (no 300), près de 80 % des détaillants ont indiqué à la Commission qu'un droit de la consommation harmonisé dans l'UE n'aurait que « peu ou pas d'influence sur leurs échanges transfrontaliers ». Selon l'Eurobaromètre Flash 321, près de 90 % des détaillants n'ont jamais, ou rarement, refusé d'effectuer des ventes transfrontalières à des consommateurs étrangers en raison de règles différentes sur la protection du consommateur dans le droit des contrats d'un autre État membre de l'UE.

    (52) Dans le rapport complet de l'étude qualitative de l'Eurobaromètre sur « Les obstacles au marché intérieur du point de vue des citoyens » de septembre 2011, la principale raison invoquée par les consommateurs qui n'achètent pas de biens dans d'autres pays est qu'ils ne ressentent pas le besoin d'acheter ces biens à l'étranger alors qu'ils peuvent les trouver localement.

    (53) Je remercie Florence George et Pierre Bazier, assistants au Centre de droit privé pour leur relecture de cet avis et leurs intéressantes suggestions.

    (54) COM(2011) 635 final.

    (55) COM(2001) 398 final.

    (56) C. Von Bar, E. Clive et H. Schulte-Nölke (éd.), Principles, Definitions and Model Rules of European Private Law. Draft Common Frame of Reference (DCFR), Munich, Sellier, 2009

    (57) Sur ces principes, voy. récemment M. Wathelet, « Principe de proportionnalité: utilisation disproportionnée ? », JT, 2007, p. 313 et s.

    (58) En matière de garantie des biens de consommation, les délais de recours du consommateur ont été harmonisés (Directive 99/44/CE, article 5). Le champ d'application du projet d'instrument optionnel est cependant plus large.

    (59) Règlement (CE) no 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), JO, 4 juillet 2008, L.177/6.

    (60) Réserve faite toutefois de certains mécanismes protecteurs de la partie faible en matière de contrats de services (par exemple le mécanisme de l'action directe).

    (61) CCBE position paper concerning the feasibility study carried out by the Expert Group on European Contract Law, 24 juin 2011, no 6.2.

    (62) Appliqué à la politique de protection des consommateurs, ce principe implique que les autorités européennes ne doivent intervenir que si les droits nationaux n'assurent pas tous un niveau de protection élevé tel que prévu par le Traité CE. Depuis l'adoption du Traité de Maastricht en 1992, la protection des consommateurs constitue une compétence législative autonome de l'Union européenne, indépendante d'une politique du marché intérieur. Force est cependant de constater que le principal moteur de toute législation d'harmonisation en matière de protection des consommateur demeure l'objectif d'établissement et de fonctionnement du marché intérieur.

    (63) Position de l'OBFG sur le droit européen des contrats (janvier 2011).

    (64) Dans son état actuel, et par comparaison au projet académique de Cadre commun de référence, le texte ne comporte plus de règles générales relatives à l'inexécution des obligations: les conséquences de l'inexécution contractuelle sont traitées de manière séparée pour chaque type de contrat (vente ou service) et, au sein de ceux-ci, pour chacune des parties (vendeur ou acheteur; fournisseur du service ou client). L'adoption de règles plus générales permettrait de disposer d'un socle commun en droit des contrats permettant bien plus aisément, dans un stade ultérieur, d'élargir son champ à d'autres contrats spéciaux.

    (65) Dans son état actuel, la proposition ne vise, dans les relations B to B, que celles dans lesquelles une des parties au moins est une PME (voy. article 7).

    (66) Selon le projet de règlement (considérant 21), « cela ne devrait toutefois pas remettre en cause la faculté des États membres d'adopter une législation permettant d'appliquer le droit commun européen de la vente aux contrats entre professionnels dont aucune partie n'est une PME. En tout état de cause, dans les transactions entre professionnels, ceux-ci jouissent d'une liberté contractuelle totale et sont encouragés à s'inspirer du droit commun européen de la vente pour rédiger leurs clauses contractuelles ». Par identité de motifs, il semble devoir en être de même pour les contrats librement conclus entre consommateurs. L'OBFG plaide pour que le législateur belge offre à ces catégories de personnes la possibilité d'opter pour le droit commun européen de la vente.