5-89COM

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Commission des Relations extérieures et de la Défense

Annales

MARDI 5 JUILLET 2011 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Demande d'explications de Mme Marie Arena au vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères et des Réformes institutionnelles sur «la situation politique au Maroc» (nº 5-1111)

Mme la présidente. - M. Olivier Chastel, ministre de la Coopération au développement, chargé des Affaires européennes, répondra.

Mme Marie Arena (PS). - Depuis les révolutions tunisienne et égyptienne du début de cette année, le Maroc connaît également des manifestations pacifiques de citoyens. Ces derniers réclament la limitation des pouvoirs de leur monarque, le Roi Mohammed VI, ainsi que des réformes concernant la liberté d'expression, la lutte contre la corruption, les droits sociaux, etc. Parmi les acteurs principaux de ces actions, il y a le Mouvement du 20 février, constitué de nombreux jeunes. Il est représenté dans plusieurs villes du Maroc : Rabat, Casablanca, Tanger, Safi, etc.

Si les premières manifestations ont connu une répression limitée, lors des rassemblements du mois de mai, les forces de sécurité s'en sont prises violemment aux citoyens, provoquant la mort d'un manifestant. La presse a également été malmenée par les forces de l'ordre. Récemment, la Commission européenne a d'ailleurs appelé le Maroc « à la retenue dans l'usage de la force et au respect des libertés fondamentales ».

Au mois de mars, le Roi Mohammed VI a prononcé un important discours dans lequel il promettait des réformes constitutionnelles prévoyant notamment la séparation des pouvoirs et le renforcement des pouvoirs du premier ministre. Pour ce faire, une Commission Consultative de Révision de la Constitution, la CCRC, comptant dix-huit membres issus de la classe politique et de la société civile a été instaurée. La CCRC devait faire, pour la fin du mois de juin, des propositions pour la réforme en question, en concertation avec les conseillers du Roi. Les autorités ont indiqué que la CCRC prendrait contact avec les organisations qui ont organisé les manifestations du 20 février et du 20 mars.

Dans son discours du 17 juin, le souverain a présenté les grandes lignes de la nouvelle Constitution, laquelle a été présentée à la population dans le cadre d'un référendum populaire. Le Mouvement du 20 février s'est dit très insatisfait des réformes proposées et a appelé à manifester à nouveau. Ces manifestations ont malheureusement donné lieu à des heurts avec la police ainsi qu'avec des groupes soutenant les réformes royales. Selon les autorités, le taux de participation au référendum aurait été proche des cent pour cent mais, de l'avis du Mouvement du 20 février et de certains spécialistes, ce score n'est pas conforme à la réalité.

Que pense le ministre des Affaires étrangères des résultats du référendum ? La Belgique reconnaîtra-t-elle cela comme étant une démocratie, à l'instar de ce que nous avons fait en Tunisie ?

Que comptent faire la Belgique et l'Union européenne pour que les manifestants ne fassent pas l'objet de violences de la part les autorités ? Des mesures diplomatiques ont-elles été prises à ce sujet ?

Malgré les propositions de réformes, la contestation continue car les manifestants les jugent insuffisantes. Que comptent faire la Belgique et l'Europe pour promouvoir le dialogue et instaurer la démocratie au Maroc ?

M. Olivier Chastel, ministre de la Coopération au développement, chargé des Affaires européennes. - Je vous donne lecture de la réponse du ministre des Affaires étrangères.

Comme le fait remarquer à juste titre Mme Arena, la vague de contestation qui a déferlé sur le monde arabe en ce premier semestre 2011 n'a pas épargné le Maroc.

Le Roi Mohammed VI a réagi aux manifestations de masse qui se sont déroulées à travers tout le pays le 20 février en annonçant, le 9 mars, une grande réforme constitutionnelle qui donnerait plus de pouvoir au premier ministre et au parlement et qui serait soumise à référendum le 1er juillet.

À la suite du travail effectué par la commission ad hoc nommée par le Roi et chargée de travailler à la réforme de la constitution, le Roi Mohammed VI a annoncé, le 17 juin dernier, les grandes lignes de la nouvelle Constitution, approuvée à une large majorité à l'occasion du référendum qui a eu lieu le 1er juillet.

Cette nouvelle Constitution renforce effectivement les pouvoirs du premier ministre, met en place les fondements d'une régionalisation démocratique, officialise la langue amazigh, le berbère, et octroie plus d'indépendance à la justice.

Le Roi Mohammed VI demeure toutefois le commandeur des croyants, chef suprême et chef d'état-major général des forces armées royales. Ce rôle politique central du Roi continue à être contesté par le Mouvement du 20 février, qui a boycotté les consultations menées par la commission chargée de préparer la réforme constitutionnelle et qui a appelé au boycott du référendum du 1er juillet.

Le mouvement du 20 février, qui a poursuivi sa mobilisation lors des derniers mois, a de nouveau appelé les Marocains à descendre dans la rue le dimanche 3 juillet afin d'exiger des réformes allant plus loin que celles proposées par le Roi et des actions concrètes des autorités marocaines concernant la corruption. Ces manifestations ont rassemblé plusieurs milliers de personnes dans plusieurs grandes villes du Maroc, notamment à Casablanca, à Rabat et à Tanger.

En ce qui concerne l'attitude des autorités marocaines à l'égard des manifestants, si un cas mortel a bien été enregistré lors des manifestations du 29 mai à Safi, la plupart des manifestations organisées au Maroc depuis le mois de février se sont déroulées de manière pacifique, sans heurts violents entre forces de l'ordre et manifestants.

À la suite de l'importante répression policière déployée lors des manifestations du 29 mai, la Commission européenne s'est effectivement exprimée par le biais de la porte-parole du commissaire Füle, qui a appelé « à la retenue dans l'usage de la force et au respect des libertés fondamentales ».

Lors des manifestations suivantes, les forces de l'ordre se sont tenues à distance et la plupart des heurts qui se sont produits ont opposé manifestants favorables à la réforme constitutionnelle proposée par le Roi et manifestants adversaires de celle-ci.

Concernant la position de la Belgique et de l'Union européenne vis-à-vis du processus de réforme en cours au Maroc, la Haute représentante Catherine Ashton et le commissaire Füle se sont exprimés, au nom de l'Union européenne, le 2 juillet pour saluer les résultats du référendum et souligner que les réformes contenues dans cette nouvelle Constitution sont une réponse significative aux aspirations légitimes exprimées par la population marocaine.

La position de la Belgique est alignée sur celle de l'Union européenne. Nous estimons que les réformes proposées par le Roi représentent des avancées concrètes et significatives en matière de démocratie. En outre, les résultats du référendum montrent qu'une grande partie de la population adhère à la nouvelle Constitution proposée.

J'ai moi-même salué les discours du Roi Mohammed VI du 9 mars et du 17 juin ainsi que la tenue du référendum annoncée dans des communiqués officiels.

Dès le départ, notre ligne politique a été d'encourager cette initiative démocratique du souverain marocain, tout en prêtant une attention particulière à l'adhésion de la population marocaine à cette initiative royale ainsi qu'à l'adéquation entre cette initiative et les aspirations démocratiques exprimées par la population lors des manifestations du 20 février et des mois suivants.

Dans mon communiqué du 4 juillet relatif au référendum du 1er juillet, je me suis félicité des avancées en matière de séparation des pouvoirs, de respect des libertés publiques et des droits fondamentaux contenues dans la nouvelle Constitution et j'ai appelé les autorités marocaines à les mettre rapidement en oeuvre afin d'offrir des réponses concrètes aux aspirations démocratiques exprimées, ces derniers mois, par la population marocaine.

Mme Marie Arena (PS). - Le ministre des Affaires étrangères doit rester vigilant car un référendum qui se solde par 98% de « oui » me semble particulièrement orienté. Il faudra être très attentif à l'évolution de la situation au Maroc dans les semaines à venir.