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20 DÉCEMBRE 2010
La présente proposition de loi vise à lutter contre le manque de cohérence en matière de maintien des sanctions infligées par un centre public d'action sociale (CPAS) et à appliquer une règle cohérente dans ce domaine. Le demandeur d'aide dont le droit au revenu d'intégration a été suspendu peut en effet aller s'établir dans une autre commune et y introduire une nouvelle demande de revenu d'intégration. Le CPAS qui devient ensuite compétent n'est pas tenu de maintenir la sanction initiale, ce qui peut entraîner une inégalité de traitement.
Même si l'intéressé reste dans la même commune, il peut introduire, auprès du CPAS qui a prononcé la suspension du revenu d'intégration, une nouvelle demande d'aide sociale (financière), mais cette fois en application de la loi organique du 8 juillet 1976 des centres publics d'action sociale (loi CPAS). L'auteur souhaite également que la sanction puisse être maintenue dans pareil cas. Dans le cadre de l'aide sociale, la personne dont le droit au revenu d'intégration a été suspendu ne pourrait pas bénéficier d'une aide financière directe en espèces (pour la durée de la suspension), mais elle pourrait néanmoins prétendre à une assistance en nature et/ou à caractère social, médical ou autre.
Le 1er octobre 2002, la loi concernant le droit à l'intégration sociale (loi DIS) a remplacé la loi du 7 août 1974 instituant le droit à un minimum de moyens d'existence. La loi DIS a pour but de garantir le « droit à l'intégration sociale » et de permettre à tout un chacun de faire partie intégrante de la société. L'intégration sociale peut prendre la forme d'un emploi, d'un projet individualisé d'intégration sociale (PIIS) ou d'un revenu d'intégration, cumulativement ou non (article 2 de la loi DIS).
Lorsqu'elle n'a pas (encore) la possibililté d'obtenir un emploi, la personne nécessiteuse a droit à une intervention financière: le revenu d'intégration. L'octroi du revenu d'intégration implique également une série d'obligations pour le bénéficiaire comme pour le CPAS. Le centre s'engage ainsi à « communiquer à toute personne qui en fait la demande toute information utile au sujet de ses droits et obligations en matière d'intégration sociale » (article 17 de la loi DIS). De son côté, le bénéficiaire est tenu de « fournir tout renseignement utile à l'examen de sa demande » (article 19, § 2, de la loi DIS).
En cas de changement dans la situation du bénéficiaire du revenu d'intégration, celui-ci est tenu de faire déclaration immédiate du nouvel élément susceptible d'avoir une répercussion sur le montant qui lui a été accordé. À défaut d'une telle déclaration, le CPAS peut revoir sa décision pour cause « d'omission, de déclarations incomplètes et inexactes de la personne » (article 22, § 1er, de la loi DIS). Cela concerne notamment les personnes qui perçoivent un revenu d'intégration et qui omettent de déclarer des revenus issus du circuit du travail régulier ou du travail au noir.
Conformément à l'article 30 de la loi DIS, en omettant de déclarer ou en faisant des déclarations inexactes ou incomplètes, on s'expose à une suspension partielle ou totale du revenu d'intégration. La pratique nous apprend toutefois que les sanctions infligées par les CPAS dans le cadre de la loi DIS actuelle ne sont pas toujours appliquées de manière cohérente. L'auteur de la présente proposition pense concrètement au cas d'une personne qui a bénéficié d'un revenu d'intégration en tant que personne avec charge de famille (une femme et deux enfants) et qui a été sanctionnée d'une suspension de douze mois pour avoir travaillé au noir. Accompagné de l'un de ses enfants, l'intéressé est alors parti s'établir immédiatement dans une autre commune, où il a de nouveau obtenu un revenu d'intégration en tant que personne avec charge de famille, alors que la suspension était toujours en cours. La même aide a été accordée à la partenaire qui est restée dans la première commune. La présente proposition de loi vise à mettre fin à ces formes de « shopping au revenu d'intégration ». Elle prévoit en effet que la suspension soit obligatoirement maintenue par le centre qui devient ultérieurement compétent, et ce pour toute la durée d'application de la sanction.
L'article 30 de la loi DIS énumère les cas susceptibles d'être sanctionnés d'une suspension de paiement du revenu d'intégration. Or, le manque de collaboration du bénéficiaire du revenu d'intégration n'y figure pas. Il peut seulement entraîner le retrait du droit au revenu d'intégration, ce qui n'est pas toujours ressenti comme une sanction. La présente proposition de loi prévoit la possibilité de suspendre également dans ce cas le paiement du revenu d'intégration.
Dans son arrêt nº 74/2004 du 5 mai 2004, la Cour constitutionnelle a jugé que l'article 60, § 1er, alinéa 2, de la loi CPAS ne violait pas les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'il n'a pas assorti l'obligation d'information et de collaboration à charge des demandeurs d'aide sociale envers le CPAS d'une sanction administrative applicable à ceux d'entre eux qui ont effectué des déclarations fausses ou incomplètes, et traiterait par conséquent de la sorte différemment ces derniers et les demandeurs de revenu d'intégration se trouvant dans la même situation, qui peuvent, quant à eux, se voir appliquer les sanctions prévues par l'article 30, § 1er, de la loi DIS, sans préjudice de la récupération des prestations sociales indûment perçues, conformément à l'article 24 de ladite loi.
En vue de tenir compte de l'arrêt en question, l'on prévoit d'introduire dans la loi CPAS une sanction pour le cas où « l'intéressé omet de fournir lesdits renseignements et/ou éléments ».
Notons en outre qu'un bénéficiaire frappé de suspension dans les cas précités peut toujours prétendre à l'aide sociale (en vertu des articles 1er et 57 de la loi CPAS). Le droit à l'aide sociale doit en effet être accordé quelle que soit l'erreur ou la faute du demandeur de l'aide (Conseil d'État, 28 février 1994, nº 46 316, CPAS Coxyde, Arr. CdÉ, 1994, n.p.).
Le fait d'être frappé d'une suspension du revenu d'intégration en raison d'une négligence manifeste, d'une part, et de pouvoir malgré tout prétendre à une aide financière sur la base d'une autre réglementation, d'autre part, va à l'encontre du sens de la justice. La présente proposition de loi prévoit, dans pareils cas, que le bénéficiaire frappé d'une suspension du revenu d'intégration ne puisse pas recevoir une aide financière directe en espèces, et ce pendant toute la durée de la sanction.
Cela ne remet donc pas en cause le droit à l'aide en nature (par exemple, le paiement direct du loyer, la distribution de colis alimentaires, etc.) et à l'aide sociale, médicale, etc.
Guido DE PADT. |
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
Dans l'article 30 de la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l'intégration sociale, les modifications suivantes sont apportées:
1º dans le paragraphe 1er, alinéa 1er, les mots « , ou s'il fait des déclarations inexactes ou incomplètes ayant une incidence sur le montant du revenu d'intégration, le paiement de ce dernier » sont remplacés par les mots « , s'il fait des déclarations inexactes ou incomplètes ayant une incidence sur le montant du revenu d'intégration ou s'il fait preuve d'un manque de collaboration, le paiement du revenu d'intégration »;
2º dans le paragraphe 3, alinéa 1er, les mots « peut, s'il y a lieu, être poursuivie » sont remplacés par les mots « est poursuivie ».
Art. 3
L'article 60, § 1er, de la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d'action sociale, est complété par un alinéa 2 rédigé comme suit:
« Si l'intéressé omet de fournir lesdits renseignements et/ou éléments, l'octroi de l'aide sociale sous la forme d'une aide financière directe en espèces peut être suspendu partiellement ou totalement pour une période de six mois au plus ou, en cas d'intention frauduleuse, de douze mois au plus. La présente disposition est applicable obligatoirement pour la durée de la sanction infligée lorsque l'intéressé a été frappé d'une suspension en vertu de l'article 30, § 1er, de la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l'intégration sociale. »
25 novembre 2010.
Guido DE PADT. |