5-361/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2010-2011

20 OCTOBRE 2010


Proposition de résolution relative à la situation des lévriers Galgos et à l'absence de législation de protection animale en Espagne

(Déposée par Mme Christine Defraigne)


DÉVELOPPEMENTS


La volonté de lutter contre les violences, et les souffrances qui en découlent, sont un des grands progrès de notre société. Au travers la rédaction de propositions de loi et de lois, les politiques belges ont exprimé à maintes reprises leur ferme intention de protéger les êtres les plus faibles, vulnérables à l'agressivité des plus forts.

Consciente que les animaux sont des êtres sensibles à part entière, doués de mémoire et ressentant la douleur, il faut étendre la protection juridique (notamment leur bien-être et leur protection) aux animaux qui sont sous notre responsabilité.

Le chapitre XI de la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux énonce les dispositions pénales, notamment l'article 35, alinéa 2: « Sans préjudice de l'application éventuelle de peines plus sévères prévues dans le Code pénal, est puni d'un emprisonnement d'un mois à six mois et d'une amende de 26 euros à 1 000 euros ou d'une de ces peines seulement, celui qui se livre, sauf pour des raisons de force majeure, à des actes non visés par la présente loi, qui ont pour conséquence de faire périr sans nécessité un animal ou de lui causer sans nécessité des lésions, mutilations, douleurs ou souffrances. »

À titre complémentaire, le tribunal peut, accessoirement à une condamnation du chef d'une infraction, interdire définitivement ou pour une période d'un mois à trois ans la détention d'animaux d'une ou plusieurs espèces (article 40 de la loi du 14 août 1986).

Actuellement, l'histoire des Galgos (1) est celle d'une machine de course. En Espagne, les courses de chiens sont devenues un réel business. Le nombre de naissances de Galgos le prouve: plus de 20 000 chiots par an.

Chaque année, selon la tradition, ce sont des milliers de Galgos que les chasseurs espagnols torturent, massacrent et abandonnent sans regret après services rendus. La façon de les tuer dépend des prestations de l'animal: les moins « chanceux » sont éliminés dans d'atroces souffrances. Leur mort est d'autant plus atroce qu'ils ont mal travaillés (ceux qui n'atteignent pas la vitesse requise sont punis par l'arrachement ou la fracture des pattes, certains sont pendus, brûlés vifs ou attachés derrière des véhicules rapides, d'autres sont vendus comme amorces pour la capture des requins ou servent d'appâts vivants pour l'entraînement des chiens de combats). L'inspiration de ces chasseurs est inépuisable.

À notre époque, dans notre société civilisée, comment l'ancienneté d'une tradition peut-elle justifier une telle barbarie ? Comment peut-on, en notre âme et conscience, tolérer que de nos jours l'on puisse faire souffrir et tuer un animal ? Le souci de prendre en compte la sensibilité, et partant la souffrance des animaux, doit être moteur de changement de nos pratiques. Il est d'ailleurs réconfortant de penser que des progrès éthiques et humanistes existent.

Je rappelle qu'en Espagne, il n'existe pas de loi visant à la protection animale. C'est donc en toute impunité que les chasseurs « galgueros » torturent leurs chiens en justifiant leur comportement barbare au nom d'une ancienne tradition espagnole: « plus leur mort est atroce et lente, plus le Galgo souffre avant de mourir, meilleur sera le chien suivant ». Pour ces chasseurs, le Galgo n'a pas le statut d'animal de compagnie, il s'agit plutôt d'un « bien de consommation » dont on se débarrasse lorsqu'il n'a plus d'utilité. Mais en tout état de cause, l'ancienneté et la pratique constante d'une tradition ne peuvent légitimer la barbarie qu'elle perpétue. Les droits et libertés de chacun ne sauraient transgresser les valeurs qui régissent notre société.

Plusieurs associations de protection des Galgos dénoncent le traitement fait envers ces chiens: ils n'ont pas de vie. Ils restent dans leur chenil et n'en sortent que pour se rendre au champ de courses. Leur nourriture est jetée au milieu du groupe: ceux qui ne sont pas assez rapide n'ont alors rien à manger. Les conditions sanitaires sont épouvantables; ils subissent également un entrainement interminable afin de développer leurs muscles et doivent parfois courir avec des os brisés. Les conditions de vie de ces chiens sont réellement lamentables, voire inexistantes.

L'espérance de vie des lévriers espagnols est d'environ treize ans; ici, ils sont consumés à l'âge de deux ans et demi, les entraîneurs préférant avoir chaque année de nouveaux chiens dans l'arène. Plus ils sont jeunes, meilleurs ils sont.

L'auteur de la présente proposition de résolution considère que, même si la cause animale n'est pas une priorité par rapport aux souffrances humaines, elle dépend de la volonté humaine. Elle formule l'espoir que cette tradition culturelle d'un autre âge ne puisse s'opposer victorieusement à la sensibilité de l'Homme du XXIe siècle.

Christine DEFRAIGNE.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION


Le Sénat,

A. considérant la place primordiale des animaux dans notre société moderne;

B. considérant que le rapport entre l'homme et le chien a acquis une très grande importance;

C. considérant que le bien-être animal constitue une des priorités en matière animale en Belgique;

D.  considérant le nombre d'associations belges préoccupées par le sort des Galgos en Espagne;

E. considérant que l'ancienneté et la pratique constante d'une tradition ne peut légitimer la barbarie qu'elle perpétue;

F. considérant que la sensibilité à la souffrance d'autrui ne s'arrête plus de nos jours à la souffrance humaine;

G. considérant qu'en ne réagissant pas face à la torture que subissent ces chiens et à leurs conditions de vie désastreuses, on pervertit l'éthique à transmettre à nos jeunes;

H. considérant que l'Espagne est une démocratie;

I. considérant que les Galgos peuvent vivre une dizaine d'années;

J. considérant que la cruauté envers un animal est condamnée dans plusieurs pays d'Europe;

K. reconnaissant que l'homme a une obligation morale de respecter toutes les créatures vivantes;

L. constatant que les attitudes à l'égard des animaux de compagnie varient considérablement, en raison parfois d'un manque de connaissances ou de conscience,

Demande au gouvernement:

a. d'interpeller le gouvernement espagnol sur le sort et la situation des Galgos;

b. d'inviter l'Espagne à signer et à ratifier la Convention européenne pour la protection des animaux de compagnie;

c. d'inciter l'Espagne à se doter sans délai d'une législation de protection animale pour que soient garantis le bien-être et la protection des animaux;

d. d'inciter le gouvernement espagnol à interdire la torture et la cruauté envers un animal, même si elle est édictée par une ancienne tradition;

e. de soumettre la question aux institutions européennes, de manière à ce que des démarches adéquates puissent être entreprises et à ce que des moyens soient mis en œuvre pour amener l'Espagne à respecter le droit des animaux de compagnie;

f. de transmettre la présente résolution au gouvernement de l'Espagne ainsi qu'à l'ambassadeur d'Espagne en Belgique.

1er septembre 2010.

Christine DEFRAIGNE.

(1) Les Galgos sont les lévriers espagnols utilisés pour la chasse et les courses de vitesse.