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23 SEPTEMBRE 2010
La présente proposition de loi reprend le texte d'une proposition qui a déjà été déposée au Sénat le 18 octobre 2007 (doc. Sénat, nº 4-308/1 - 2007/2008).
Certains couples, face à l'impossibilité pour eux de donner naissance à un enfant, se tournent vers la solution que leur proposent les mères porteuses ou la technique de la gestation pour autrui.
Quatre situations peuvent voir le jour:
1) soit un couple dont la femme est affectée d'une stérilité l'empêchant non seulement de porter l'enfant, mais également de le concevoir et dont l'homme est fertile. La mère porteuse est alors inséminée artificiellement avec le sperme du père. L'ovule de la mère porteuse étant utilisé, elle est donc la mère génétique de l'enfant à naître;
2) soit un couple dont la femme est affectée d'une stérilité l'empêchant non seulement de porter l'enfant, mais également de le concevoir et dont l'homme est également stérile. La mère porteuse est alors inséminée artificiellement avec le sperme d'un donneur;
3) soit un couple dont la femme ne peut mener une grossesse à terme mais est fertile et dont l'homme est lui aussi fertile. Les ovules de cette femme sont fécondés avec le sperme du père via la fécondation in vitro. Les embryons sont ensuite transférés dans l'utérus de la mère porteuse. La mère porteuse n'est donc pas liée génétiquement à l'enfant à naître. L'enfant est alors celui du couple commanditaire sur le plan génétique;
4) soit un couple dont la femme ne peut mener une grossesse à terme, mais est fertile et dont l'homme est par contre stérile. Les ovules de cette femme sont fécondés avec le sperme d'un donneur via la fécondation in vitro. Les embryons sont ensuite transférés dans l'utérus de la mère porteuse. La mère porteuse n'est donc pas liée génétiquement à l'enfant à naître. L'enfant est alors celui du couple commanditaire sur le plan génétique.
Cette technique de la gestation pour autrui est vieille comme le monde puisque déjà dans la Rome antique, la gestation pour autrui faisait partie des mœurs. L'expression « ventrem locare » désignait le procédé qui permettait de solliciter les services d'une femme fertile pour donner un enfant à une femme qui était stérile ou qui mettait au monde des enfants mort-nés.
Dans la Bible également, on cite l'exemple de Sarah qui, se sachant stérile, aurait « donné » sa servante Agar à son époux Abraham afin qu'elle leur fit un enfant dénommé Ismaël.
De même, une longue tradition historique indique que, dans des familles romaines jusque dans des familles bourgeoises fortunées de Paris au XIXe siècle, les mères porteuses ont toujours existé. Mais les valeurs de la société ont changé, de sorte que, bien qu'elle soit incontestablement la plus ancienne de toutes les méthodes de procréation médicalement assistée, et certainement la plus naturelle puisque l'artifice médical est facultatif, la gestation pour autrui suscite encore de vives réprobations de la part de certains.
En effet, les avis ont toujours divergé quant à cette solution. Faut-il accepter qu'une femme utilise son corps au bénéfice d'une autre ? Le respect de l'intégrité physique et le principe de solidarité sont-ils ici deux principes antagonistes ou deux principes qui peuvent se concilier ?
Certains pays interdisent cette pratique. En France par exemple, l'article 16-7 du livre I du Code de santé publique énonce que « toute convention portant sur la procréation et la gestation pour le compte d'autrui est nulle ». En Suisse, l'article 24novies de la Constitution fédérale interdit le recours à des mères porteuses. En Allemagne, la médiation de mères porteuses est interdite en vertu de la loi modifiée le 27 novembre 1989 sur l'adoption. Le Canada, quant à lui, interdit la rétribution des mères porteuses, les intermédiaires et les mères porteuses mineures.
D'autres pays l'autorisent à des conditions strictes: la Grande-Bretagne, mais aussi la Chine qui définit clairement les cas dans lesquels cette procédure sera autorisée. Les intermédiaires sont punissables mais aucune restriction n'est prévue concernant un éventuel dédommagement financier accordé à la mère suppléante. La Russie a également légalisé cette pratique en 1995. Cette loi ne spécifie pas non plus de limite aux paiements et compensations financières versées à la mère de substitution.
Aux États-Unis, il existe septante agences qui exercent, dans les États où la pratique est autorisée, le recrutement de mères porteuses « idéales ». Elles servent d'intermédiaires entre les couples stériles et les mères porteuses et assurent le suivi médical de la grossesse.
Tout est clairement déterminé: le contrat, l'existence de l'agence, mais il n'existe aucun contrôle d'aucune sorte sur ce type d'activités. C'est un juge qui officialise que les parents adoptifs sont les parents qui doivent figurer dans l'acte de naissance. L'hôpital est obligé de suivre la décision du tribunal.
Moins de 20 % des mères porteuses acceptent de donner leurs propres ovocytes car elles ressentent un sentiment d'abandon plus fort puisque l'enfant est de leur sang.
Le prix des services offerts par les agences s'élève en général à 50 000 euros, frais médicaux et juridiques compris, un tiers environ revenant à la mère porteuse.
Chez nous, aucune disposition légale ne prohibe la maternité de substitution, mais une convention de mère porteuse est considérée comme contraire à l'ordre public et, en conséquence, frappée de nullité absolue. Si un couple recourt malgré tout à une mère porteuse, celle-ci serait considérée comme la mère de l'enfant, car l'acte de naissance, qui mentionne comme telle la femme qui a accouché, a la primauté sur l'acte de reconnaissance de la mère biologique.
Ces différentes orientations favorisent inévitablement l'émergence d'un tourisme procréatif vers les pays dans lesquels la gestation pour autrui n'est pas interdite. Ce phénomène ne fera que croître avec le développement des nouvelles technologies grâce auxquelles fleurissent sur l'Internet les annonces les plus folles. Des couples acharnés ou désespérés sont en effet prêts à aller au bout du monde pour voir se réaliser leur projet de procréation.
Exemple d'annonce: « Bonjour ! J'aimerais être mère porteuse, à 33 ans je possède une excellente santé malgré mon surplus de poids. Je suis de la région de Sherbooke (Québec). Je peux cependant demeurer chez le couple pour les derniers mois de la grossesse et ainsi vivre pleinement toutes les émotions de cet heureux événement. Écrivez moi si vous êtes intéressés à l'adresse suivante: [email protected] Merci ! Connie F. »
C'est pourquoi, le 3 mars 2003, au Conseil de l'Europe, une proposition de recommandation a été déposée à l'initiative de parlementaires de différents pays dans le but de ne plus laisser la pratique des mères porteuses dans l'ombre et d'ouvrir le débat au sein de l'Assemblée sur l'insécurité juridique dans laquelle tant les parents que la mère porteuse et l'enfant se trouvent actuellement.
Le Conseil des ministres de la Communauté européenne est également invité à approfondir cette question et à élaborer des recommandations appropriées aux États membres.
L'objectif de la présente proposition de loi est, quant à lui, d'interdire par principe toute convention, à titre gratuit ou à titre onéreux, sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui.
Le caractère lucratif de l'opération est évidemment à proscrire. La maternité ne constitue point un métier dans l'exercice duquel la femme disposerait commercialement de son corps.
De plus, le recours aux mères porteuses sans conditions précises aboutirait à la banalisation et à l'instrumentalisation de la grossesse. Or, nul n'ignore l'importance de la vie in utero pour l'équilibre de l'enfant à naître.
On sait que les récepteurs se forment dans la bouche du foetus dès la douxième semaine, suivi par un développement graduel des sens olfactif, gustatif, auditif et visuel (le fœtus ouvrirait les paupières dès la vingtième semaine).
L'utérus n'a rien d'une chambre noire. Il s'apparenterait plutôt à un bain sensoriel où les battements de cœur de la mère, sa voix et ses borborygmes se mélangent aux bruits de l'extérieur. On sait aussi que le nouveau-né préfère dès la naissance la voix de sa mère à toute autre voix ou son.
Certains spécialistes avancent que le contenu psychique de la mère, ses élans de joie, d'excitation, de stress ou de tristesse, modifieraient le goût des hormones transmises au foetus et de là influenceraient son état psychocomportemental. L'enfant in utero ressent tout sur le mode sensoriel, il emmagasine toutes ces informations dans sa mémoire subconsciente et dans sa mémoire cellulaire car chaque cellule s'informe en même temps qu'elle se forme.
L'enfant in utero n'a pas la possibilité de faire un tri entre ce qui est profitable, bénéfique, et ce qui est nocif pour lui. C'est à la future mère de faire ce choix.
Sur le plan physique, l'enfant construit son corps avec des matériaux apportés par le sang de sa mère. À elle donc de proscrire les substances nuisibles telles que l'alcool, tabac et autres drogues et de privilégier une alimentation diversifiée et équilibrée.
C'est donc pendant la période prénatale que l'être humain construit les toutes premières bases de sa santé, de son affectivité, de ses capacités relationnelles, de ses capacités cognitives, voire de sa créativité.
Le rôle du père est également important tout au long d'une grossesse. En effet, il peut communiquer avec l'enfant par la voix, le toucher et surtout lui donner joie et confiance à travers une mère heureuse et en sécurité. Un proverbe chinois dit à ce propos « si la mère porte l'enfant, il appartient au père de porter la mère et l'enfant ». Or, toutes les mères porteuses ne seront pas soutenues par un homme bienveillant, d'autant plus que s'il est présent physiquement, pourquoi s'impliquerait-il dans la grossesse puisque l'enfant ne sera pas le sien ?
Les risques étant ce qu'ils sont, la technique de la gestation pour autrui ne doit pas être utilisée n'importe comment. Elle doit, si on la légalise, être limitée à des situations exceptionnelles. En effet, des couples désespérés de ne pouvoir concevoir un enfant eux-mêmes n'ont plus d'autre solution que de recourir à une mère porteuse.
L'auteur a donc décidé de prévoir des exceptions très strictes quant à l'utilisation de cette pratique. Il importe de veiller à ce que le droit ne soit pas anachronique par rapport aux pratiques de la société et de ne pas fermer la porte de manière absolue à des couples qui n'ont plus d'autre espoir.
Seul le cas d'un couple dont la femme ne peut mener une grossesse à terme mais est fertile et dont l'homme est lui aussi fertile, est visé par le présent texte. Il sera permis dans certaines conditions de féconder les ovules de la femme du couple avec le sperme de son partenaire via la fécondation in vitro. Les embryons seront ensuite transférés dans l'utérus de la mère porteuse. La mère porteuse n'est donc pas liée génétiquement à l'enfant à naître. L'enfant est celui du couple commanditaire sur le plan génétique.
Au rang des arguments favorables à cette pratique, on peut noter:
— l'idée de solidarité entre les femmes stériles animées par un désir d'enfant et les femmes qui acceptent d'accéder à ce désir;
— la certitude apaisante pour le couple stérile de ce que l'enfant porté en utérus tiers n'en sera pas moins leur véritable enfant génétique puisque conçu à partir de leurs propres gamètes;
— le fait que l'enfant conçu à partir des gamètes du couple ou à partir de celles d'un proche possèdera un génome déterminant ses caractères physiques et psychiques aussi semblables que possible du leur;
— le droit des couples stériles de recourir aux techniques médicales existantes pour satisfaire leur désir d'enfant;
— la pratique de longue date de la gestation pour autrui conçue selon ses modalités naturelles par de nombreuses sociétés traditionnelles;
— le risque du rejet de la gestation pour autrui dans la sphère du non-droit qui amènera nécessairement le développement de pratiques clandestines qui n'offrent aucune garantie contre le risque de dérive commerciale;
— le principe de la libre disposition de son corps, comme par exemple le don d'organes au profit d'autrui qui rencontre la faveur générale.
De plus, les médecins rencontrés sont en faveur d'une position claire qui évite de les mettre dans une position difficile quand ils décident d'accéder à la demande d'un couple voulant faire appel à une mère porteuse.
En conclusion, entre l'interdiction pure et simple et le laxisme, une voie médiane demeure possible, via une interdiction de principe pour éviter d'aboutir à une commercialisation du corps humain et à une banalisation de la grossesse, avec néanmoins des exceptions prévues à l'attention des couples qui n'ont plus d'autres solutions. La présente proposition de loi traduit cette orientation.
Article 3
Une convention portant sur une gestation pour autrui est en principe nulle pour contrariété à des règles d'ordre public, notamment pour les raisons suivantes:
— le consentement de la gestatrice ne sera pas un consentement éclairé en raison des risques imprévisibles liés à la grossesse et à l'accouchement, ainsi qu'aux séquelles physiques, physiologiques et psychologiques qui peuvent en résulter;
— le principe de l'indisponibilité du corps humain qui interdit que le corps humain fasse l'objet d'une convention;
— le principe de l'indisponibilité de l'état des personnes qui fait obstacle à ce que la volonté individuelle interfère dans les règles de l'établissement de la filiation;
— le droit de la femme d'établir sa filiation à l'égard de l'enfant auquel elle donne naissance qui reconnaît à toute femme le droit indisponible et inaliénable d'établir sa maternité à l'égard de l'enfant qu'elle met au monde sans qu'on puisse l'obliger à renoncer à sa maternité d'une manière ou d'une autre (Hottois, Missa, Nouvelle encyclopédie de biomédecine, De Boek Université).
Article 4
Cet article interdit toute rémunération, toute transaction directe ou toute intervention d'un intermédiaire, que ce soit sous forme de mandat, de portage ou de contrat sui generis entre une mère porteuse et un couple stérile.
Si la finalité de l'acte se déplace de l'altruisme vers la recherche de bénéfice, il y a effectivement un risque que les femmes les plus défavorisées soient « utilisées » et que ce soit le besoin et non plus la solidarité qui conduise ces femmes à se séparer de leur enfant. Le corps humain, mais aussi l'enfant à naître rentreraient dès lors dans le commerce en dépit de leur caractère inviolable et sacré. De plus, le droit en général se montre très réticent à ce qu'il soit passé un contrat sur les droits de la personnalité dont fait partie la maternité, ou sur le potentiel génétique de l'individu en général (Le Bris, Sonia, Nouvelle Encyclopédie de Biomédecine, De Boek Université).
À ce propos, citons l'article 21 de la Convention européenne pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine qui énonce que « le corps humain et ses parties ne doivent pas être en tant que tels source de profit ».
Article 5
Cet article prévoit des exceptions au principe d'interdiction du recours à une mère porteuse. En effet, dans certaines situations, le recours à une mère porteuse constitue pour le couple stérile l'ultime solution pour concrétiser leur désir de procréation.
§ 1er. Les conditions d'accès à cette technique sont très précises et doivent être constatées par écrit par un médecin gynécologue. Ces exceptions sont à la portée de couples stériles tels que définis à l'article 2 dans des situations spécifiques:
— la femme stérile doit être atteinte d'une incapacité physiologique d'être enceinte (elle a subi une hystérectomie ou est atteinte d'une anomalie de l'utérus);
— une grossesse risque de mettre en danger la santé de la mère ou de l'enfant, par exemple par la prise chronique de médicaments nuisibles au foetus.
§ 2. L'auteur a en outre mis au rang des conditions les éléments suivants en ce qui concerne la mère porteuse:
a) La mère porteuse doit être célibataire, divorcée ou veuve. En effet, si cette dernière est mariée, on se heurte de front à la loi sur la filiation. En vertu de l'article 315 du Code civil, si la gestatrice est mariée, son mari sera présumé être le père de l'enfant. Ce n'est pas le but recherché puisque ce n'est pas l'homme du couple stérile. De plus, l'article 332 du Code civil n'autorise pas le père biologique à contester la paternité du mari de la gestatrice, l'action en contestation de paternité étant réservée au mari, à la mère et à l'enfant.
b) Aucune limite d'âge n'est fixée pour les membres du couple stérile. En effet, le médecin est libre d'apprécier la situation du couple, ses antécédents, son parcours et leur santé respective. Chaque cas est unique et il est délicat d'imposer une limite d'âge de manière absolue. Par contre, en ce qui concerne la mère porteuse, il est exigé qu'elle soit majeure et âgée de maximum quarante-cinq ans (sa santé doit être préservée, une grossesse à un âge avancé pouvant avoir des conséquences dommageables).
c) La mère porteuse ne doit pas, dans la mesure du possible, être une proche du couple stérile. Le but est d'éviter des conflits ultérieurs et dommageables tant pour les adultes que pour les enfants de la famille. Mais ce recours à une proche ne doit pas pour autant être exclu systématiquement. En effet, on l'a vu, la gestation pour autrui est autorisée à des conditions strictes et ne peut en aucun cas être rémunérée. Les candidates pour devenir mère porteuse ne se bousculeront donc pas au portillon. Ce sera dans la majorité des cas une proche du couple stérile qui se portera volontaire. Il ne faut donc pas fermer cette porte sinon l'objectif d'aider les couples stériles ne pourra plus être rencontré. Leurs chances de trouver une candidate seraient réduites à néant.
d) La consultation d'un médecin psychiatre s'impose à la mère porteuse. Ce médecin pourra la conseiller, évaluer ses motivations, la préparer aux obstacles qu'il faudra surmonter et auxquelles elle n'avait peut-être pas pensé. Toutes les dérives possibles seront envisagées à ce stade et la mère porteuse pourra s'engager envers les siens en pleine connaissance de cause.
e) Une information complète sur les risques pour la santé physique et psychique liés à la grossesse doit être donnée. La bonne santé de la mère porteuse constitue un élément important. Elle doit être apte à assumer physiquement la grossesse.
§ 3. Vu l'importance de l'acte, la convention passée entre les parents et la mère porteuse et qui détermine, entre autres, les modalités de la grossesse ainsi que les engagements de chacune des parties, doit être souscrite devant le notaire. Le notaire constituera, comme le psychiatre, un garde-fou à l'égard de ce genre de pratique. Cette convention doit être conclue avant d'entamer le processus de fécondation in vitro ou d'insémination artificielle, c'est-à-dire avant de commencer quoi que ce soit, en d'autres mots avant la stimulation ovarienne dans le chef de la femme du couple stérile ou de la mère porteuse pour récolter les ovocytes et/ou avant la récolte du sperme du mari.
Cette convention ne peut recouvrir que le cas d'une mère porteuse de l'enfant conçu à partir des gamètes des deux membres du couple stérile.
Cette convention doit évidemment être passée à titre gratuit pour éviter toute commercialisation ou attirance du gain.
Elle doit être remise au centre qui procédera à la fécondation in vitro ou l'insémination artificielle pour le mettre au courant de l'accord entre la mère porteuse et le couple stérile.
Si la mère porteuse ou le couple stérile ne respecte pas ce qui était prévu dans la convention, ils risquent de devoir payer des dommages et intérêts à la partie lésée.
§ 4. La personne qui se propose de porter en elle un enfant pour le compte d'un couple doit être prise en charge financièrement par le couple pour tout ce qui concerne les frais médicaux liés à la grossesse, ainsi que les frais juridiques, comme la conclusion de la convention devant le notaire par exemple. C'est la moindre des choses, d'autant plus qu'elle n'est pas payée pour ce qu'elle fait.
Article 6
Le sort de l'enfant né d'une mère porteuse doit être réglé par la loi. Le vide juridique actuel risque de provoquer à tout moment, au sein des couples et des familles, des catastrophes tout à fait dommageables pour l'enfant et les parents.
L'auteur a prévu que tant dans le cas d'une mère gestationnelle (la femme du couple a donné ses ovules et le père ses spermatozoïdes), que dans le cas d'une mère porteuse traditionnelle (la femme du couple est stérile et si les ovules de la mère porteuse ont alors été utilisés), les parents de l'enfant sont les deux membres du couple stérile, même si c'est la mère porteuse qui a accouché de l'enfant.
Le nom du père est inscrit dans l'acte de naissance et le nom de la mère prendra la place de celui de la mère porteuse comme cela sera convenu dans la convention prévue à l'article 5, § 3.
Article 7
Tant pour les cas d'une mère gestationnelle que pour les cas d'une mère porteuse traditionnelle, un ajout à l'article 56, § 1er, alinéa 2, du Code civil s'impose pour que la personne qui assure la direction de l'établissement hospitalier dans lequel la mère porteuse a accouché ou son délégué, soit tenu de donner à l'officier de l'état civil avis de l'accouchement avec, en annexe, un exemplaire de la convention passée avec le couple devant notaire.
Article 8
Puisque l'article 312 du Code civil énonce que l'enfant a pour mère la personne qui est désignée comme telle dans l'acte de naissance, l'article 57 du même Code est également modifié pour que l'officier de l'état civil, dans l'acte de naissance, mentionne, sur base de l'avis de l'accouchement envoyé par l'hôpital et de la convention passée devant notaire entre la mère porteuse et les parents, que la femme du couple stérile est la mère de l'enfant qui vient de naître.
Article 9
Si par exemple le couple se rend compte que la mère porteuse leur a remis un enfant qui n'a pas été conçu à partir de leurs gamètes, ils disposent des actions en contestation mises à leur disposition par le Code civil en son article 312, § 2, pour l'action en contestation de maternité et en son article 332 pour l'action en contestation de paternité.
Article 10
L'objectif de cet article est d'empêcher que la femme du couple stérile ne se détourne de l'enfant pour la raison décrite à l'article 10 ou même pour une autre raison, dans la mesure où elle a jusque là considéré cet enfant comme le sien. C'est l'intérêt de l'enfant qui doit prévaloir.
Ce principe est inspiré de l'article 332, alinéa 5, du Code civil.
La mère porteuse n'aura pas la possibilité d'utiliser l'action en contestation de maternité à l'encontre de la femme du couple. Elle est tenue par la convention.
L'homme du couple ne peut pas non plus se décharger de ses responsabilités pour quelle que raison que ce soit, s'il a toujours considéré l'enfant comme le sien.
Article 11
Toute infraction aux dispositions légales qui précèdent est évidemment punissable.
Christine DEFRAIGNE. |
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
Pour l'application de la présente loi, on entend par:
1º « couple stérile »: un homme et une femme concubins ou mariés non séparés de fait qui ne sont pas aptes à la génération;
2º « père et mère »: les deux membres du couple stérile mariés et non séparés de fait ou concubins;
3º « mère porteuse »: la gestatrice, donc la femme qui porte l'enfant conçu à partir de gamètes d'un couple stérile ou d'un donneur ou de ses propres gamètes avec l'intention de le remettre au couple stérile après la naissance;
4º « mère porteuse traditionnelle »: mère porteuse inséminée artificiellement avec le sperme du père ou d'un donneur;
5º « mère porteuse gestationnelle »: mère porteuse d'un enfant conçu à partir des gamètes du couple stérile via la fécondation in vitro.
Art. 3
Toute convention ayant pour but ou effet direct ou indirect de réaliser une gestation pour le compte d'autrui est nulle.
Art. 4
Il est interdit de rétribuer une personne de sexe féminin pour qu'elle agisse à titre de mère porteuse, d'offrir de verser une rétribution ou de faire de la publicité pour le versement d'une telle rétribution.
Il est interdit de servir d'intermédiaire ou de faire appel à un intermédiaire, sous une forme quelconque, en vue de la conclusion d'une convention visée à l'article 3.
Art. 5
§ 1er. Par dérogation à l'article 3, un couple stérile peut recourir à une mère porteuse si un médecin gynécologue constate par écrit que la femme de ce couple est dans l'impossibilité physiologique d'être enceinte du mari non séparé de fait ou du concubin, ou qu'elle se trouve confrontée au très grand risque qu'une grossesse ferait courir à sa propre santé ou à celle de l'enfant.
§ 2. En cas de recours à une mère porteuse conformément au § 1er, celle-ci répond aux conditions suivantes:
a) être célibataire, divorcée ou veuve;
b) être majeure et être âgée de moins de quarante-cinq ans;
c) ne pas être apparentée au couple, sauf s'il s'agit d'une soeur ou d'une parente au quatrième degré du mari, du concubin ou de l'épouse;
d) s'être entretenue au moins une fois avec un psychiatre;
e) être informée par un médecin gynécologue de tous les risques pour la santé que peut occasionner une grossesse et prouver par un certificat rédigé par un médecin gynécologue que la grossesse envisagée est normalement exempte de risques prévisibles tant pour sa santé que pour celle de l'enfant.
§ 3. Une convention est conclue entre le couple stérile et la mère porteuse. Elle est rédigée dans un acte authentique, avant le début du processus de fécondation in vitro ou d'insémination artificielle devant le notaire à qui sera remis l'attestation médicale du couple stérile prévue au § 1er de l'article.
La convention prévoit que l'enfant sera conçu à partir des gamètes des deux membres du couple.
Cette convention est conclue à titre gratuit. Elle est remise au service compétent du centre de médecine de la reproduction, visé par l'arrêté royal du 15 février 1999 fixant les critères de programmation applicables au programme de soins « médecine de la reproduction » et qui réalise la fécondation in vitro ou l'insémination artificielle.
Toute partie à la convention qui ne respecte pas les obligations mises à sa charge s'expose à des dommages et intérêts.
§ 4. Les frais afférents à la grossesse ou à tous les autres examens médicaux exigés par la présente loi sont à charge du couple stérile.
Art. 6
En cas de recours à une mère porteuse gestationnelle ou traditionnelle, le nom du père est inscrit dans l'acte de naissance et la convention décrite à l'article 5, § 3, prévoit que le nom de l'épouse ou de la concubine du père figure dans l'acte de naissance comme étant la mère.
Art. 7
Dans l'article 56, § 1er, alinéa 2, du Code civil, modifié par la loi du 30 mars 1984, les mots « avec en annexe, en cas de naissance dans le cadre de la loi du ... relative aux mères porteuses, un exemplaire de la convention passée devant notaire, » sont insérés entre les mots « accouchement, » et « au plus tard ».
Art. 8
L'article 57 du même Code, modifié par la même loi, est complété par un alinéa 2, libellé comme suit:
« En cas de recours à une mère porteuse conformément à la loi du ... relative aux mères porteuses, l'année, le jour, le lieu de naissance, le nom, les prénoms et le domicile de la mère et du père mentionnés comme tels dans la convention passée devant notaire; ».
Art. 9
Le père et la mère disposent de l'action en contestation de maternité en vertu de l'article 312, § 2, du même Code et de l'action en contestation de paternité en vertu de l'article 332 de ce même Code.
Art. 10
Dans le même Code sont apportées les modifications suivantes:
A. L'article 312 est complété par les dispositions suivantes:
« § 4. En cas de naissance dans le cadre de la loi du ... relative aux mères porteuses, l'action en contestation n'est pas recevable si elle émane de la mère qui a élevé l'enfant comme le sien.
§ 5. L'action en contestation n'est pas recevable si elle émane d'une mère porteuse au sens de la loi du ... relative aux mères porteuses. ».
B. Dans l'article 332, l'alinéa suivant est inséré entre les alinéas 5 et 6:
« En cas de naissance dans le cadre de la loi du ... relative aux mères porteuses, l'action du père est irrecevable s'il a élevé l'enfant comme le sien. »
Art. 11
§ 1er. Quiconque aura incité, soit dans un but lucratif, soit par don, promesse, menace ou abus d'autorité, une mère porteuse à abandonner son enfant à naître est puni d'un emprisonnement d'un an à cinq ans et d'une amende de 500 à 20 000 euros, sauf si les conditions prévues à l'article 5 de la loi sont respectées.
§ 2. Le fait, dans un but lucratif, de s'entremettre entre un couple stérile désireux d'avoir un enfant et une mère porteuse acceptant d'abandonner son enfant à naître est puni d'un emprisonnement de trois à cinq ans et d'une amende de 500 à 20 000 euros. La peine minimale sera la réclusion si les faits ont été commis à titre habituel ou dans un but lucratif.
20 juillet 2010.
Christine DEFRAIGNE. |