5-125/1

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Sénat de Belgique

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2010

9 SEPTEMBRE 2010


Proposition de loi visant à réglementer les techniques d'épilation au laser ou à la lumière pour des raisons esthétiques

(Déposée par Mme Nele Lijnen et M. Guido De Padt)


DÉVELOPPEMENTS


La présente proposition de loi reprend le texte d'une proposition qui a déjà été déposée au Sénat le 7 mai 2009 (doc. Sénat, nº 4-1316/1 - 2008/2009).

L'épilation de certaines parties du corps est une coutume séculaire bien ancrée. Toutefois, les techniques d'épilation ont sensiblement évolué ces dernières années. À l'heure actuelle, l'on opte de plus en plus pour l'épilation définitive visant à désactiver les follicules pileux. Celle-ci consiste à focaliser un flux de chaleur sur la zone du corps à traiter. Il existe différentes techniques à cet effet: l'épilation à l'aiguille électrique, l'épilation au laser, l'épilation à la lumière pulsée intense (IPL) ou l'épilation à la lumière pulsée variable (VPL).

Le traitement des poils indésirables au moyen de l'épilation à l'aiguille électrique consiste à introduire une aiguille le long de la tige pilaire et à déclencher ensuite une petite impulsion électrique qui détruit le follicule pileux (1) . Si l'épilation à l'aiguille a pour avantage de pouvoir traiter toutes les pilosités, de quelque couleur que ce soit, elle présente aussi plusieurs inconvénients: les séances de traitement sont longues, le traitement est douloureux, la peau a besoin d'une période de « récupération », et l'effet n'est pas permanent.

Lorsqu'un laser est utilisé à des fins épilatoires, le faisceau de lumière monochromatique qu'il émet joue un rôle particulier. En effet, certaines couleurs de lumière monochrome ont une action spécifique et sont efficaces jusqu'à une certaine profondeur. La lumière monochrome du rayonnement laser est absorbée par le pigment du poil jusqu'au bulbe pileux qui est détruit par la chaleur produite. Pour pratiquer une épilation au laser, il est expressément recommandé de faire preuve d'une grande précision car le risque de dépigmentations, de brûlures et/ou de cicatrices est réel. Cette méthode est de surcroît inefficace pour les poils blancs, blonds ou gris sur une peau trop sombre.

La lumière pulsée intense (IPL ou lampe flash) n'est pas un laser mais fonctionne à peu près suivant le même principe, c'est-à-dire à la manière d'un flash lumineux. Contrairement au laser, les lampes flash émettent une lumière à large spectre. Celle-ci est dirigée à travers un saphir vers les follicules pileux. Ce traitement convient à différents types de peaux puisque le spectre de couleurs des flash lumineux est absorbé par différentes couleurs de poils. Étant donné que la peau réfléchit une grande partie de cette lumière, elle a tendance à réagir de manière moins virulente, ce qui réduit considérablement les risques de lésions cutanées, bien que le risque de problèmes de pigmentation ne puisse pas être (totalement) exclu. Un deuxième avantage du traitement est qu'il est très rapide et quasiment indolore.

Enfin, il existe aussi une deuxième variante du traitement à la lumière pulsée, mais il s'agit, cette fois, de lumière pulsée variable (VPL). Cette méthode utilise la lumière pulsée pour détruire les cellules de croissance. Elle permet aussi de régler la température et l'intensité de manière à concentrer toute l'énergie dans les follicules, ce qui permet de détruire davantage de cellules de croissance en un nombre moindre de séances et ainsi de réduire le coût. En outre, l'IPL est quasiment indolore et permet de traiter non seulement les peaux sombres, mais aussi les pilosités fines ou à tendance claire. Le principal avantage de ce traitement est qu'il est sans danger pour la peau.

Si les techniques actuelles d'épilation définitive offrent de nombreuses possibilités, elles sont aussi soumises à des limitations et à des mesures de précaution (2) .

— L'épilation au laser ou la photoépilation présentent des contre-indications en cas d'épilepsie, d'hypersensibilité à la lumière, d'exposition récente au soleil ou de séance récente de banc solaire, de cancer de la peau, de réaction chéloïde (= bourgeon charnu) de la peau à la suite d'une brûlure, ainsi qu'en cas d'utilisation d'un pacemaker, d'un défibrillateur interne et de certains médicaments rendant la peau hypersensible à la lumière (du jour). En vue d'éviter tout risque de complication, il est également déconseillé de suivre un traitement d'épilation définitive pendant la grossesse.

— Certains traitements de photoépilation et d'épilation au laser entraînent une chute rapide des poils (dans les jours suivants). Le client pourrait avoir l'impression que le traitement a été très efficace, alors que la croissance des poils n'est que ralentie dans un premier temps et que plusieurs séances sont nécessaires.

— Le nombre de séances dépend de la couleur de la peau et des poils, de la zone à traiter, de la phase de croissance, de l'épaisseur du poil et de la densité pileuse. Il faut compter quatre à huit séances pour l'épilation au laser et en moyenne de trois à six séances pour la photoépilation. Les rapports médicaux considèrent que l'épilation définitive est réussie lorsque 80 à 90 % des poils ont été réduits. Il est interdit d'arracher les poils entre les séances.

— L'épilation définitive actuelle ne fait qu'éliminer l'effet de la pilosité et pas la cause. Il s'ensuit que les follicules « endormis » dans le corps peuvent être réveillés en cas de troubles hormonaux, provoquant alors une repousse des poils.

— Pour éviter d'abîmer une peau saine et pour obtenir un rendement optimal lors d'une épilation au laser ou d'une photoépilation, il est conseillé d'éviter la lumière du soleil, le « bronzage sans soleil », les accélérateurs de bronzage et le banc solaire trois à six semaines avant le traitement. Toute exposition au soleil doit être évitée après le traitement. Le non-respect de cette consigne peut entraîner une hypopigmentation ou une hyperpigmentation (3) de la peau.

— Bien que la photothérapie convienne quel que soit le type de peau et la couleur de pilosité, les résultats sont meilleurs lorsque la couleur des poils est plus sombre que celle de la peau. Pour les poils blancs et durs, on aura recours à l'épilation à l'aiguille électrique.

— Il existe actuellement de nombreuses marques d'appareils IPL sur le marché présentant des niveaux de qualité différents (4) . Les meilleurs appareils sont dotés d'un saphir, d'un système de refroidissement par eau, d'un flash d'une surface comprise entre 2 et 12,5 cm2 et d'une lampe flash sûre, à combiner avec l'application d'un gel (5) .

— Une consigne de sécurité importante à respecter lorsque l'on utilise la technique de la lumière pulsée est qu'il faut un filtre efficace pour neutraliser les sections indésirables du spectre lumineux des IR (infrarouges) et des UV (ultraviolets).

— Certains appareils sont moins efficaces et nécessitent plus de séances que la moyenne.

L'incompétence peut occasionner des lésions chez le patient (ampoules, brûlures, infections, décolorations de la peau, cicatrices) (6) . Le praticien doit posséder une connaissance approfondie de la technique ainsi que des compétences pratiques. Quant au patient, il a tout intérêt à se procurer des informations claires, précises et succinctes sur les techniques d'épilation définitive. Il pourra ainsi prendre sa décision en connaissance de cause, respecter les mesures de précaution et réagir de manière appropriée aux effets négatifs éventuels de la thérapie d'épilation définitive.

À l'heure actuelle, la pratique de l'épilation définitive au moyen de la thérapie au laser et à la lumière se situe dans un vide juridique.

— La thérapie au laser qui relève de la pratique médicale est réglée par l'arrêté royal nº 78 du 10 novembre 1967 (7) . Conformément à l'arrêté royal en question, seuls les médecins ou les autres praticiens d'une profession des soins de santé agréés en vertu dudit arrêté sont autorisés à pratiquer pareils actes. Les traitements au laser pratiqués par des personnes non autorisées se situent dans l'illégalité et peuvent dès lors donner lieu à des sanctions pénales. Il importe de préciser à ce propos que tout médecin diplômé en médecine a le droit d'exercer toutes les branches de la médecine.

— Pour les utilisations du laser qui ne relèvent pas de la pratique médicale, il n'existe aucune réglementation légale. Il convient toutefois de se référer à l'article 37ter de l'arrêté royal nº 78 qui dispose que « le Roi peut, sur avis du Conseil supérieur d'hygiène, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, réglementer des activités professionnelles qui peuvent comporter un danger pour la santé et qui sont réalisées par des praticiens dont la profession n'est pas reconnue dans le cadre du présent arrêté. »

En 2006, le groupe de travail ad hoc « Laser » du Conseil supérieur d'hygiène (CSH) a rendu un avis (8) sur la problématique de l'application du laser dans le cadre de l'épilation. Dans un avis rendu la même année, l'Académie royale de médecine préconise de considérer le traitement par lumière polychromatique comme un acte médical, à l'instar du traitement par laser.

Le CSH partage ce point de vue. Par ailleurs, il affirme que « l'épilation en tant que telle ne doit pas par définition être considérée comme un acte médical (...). Une épilation mécanique à l'aide d'une pince ou à la cire peut difficilement être considérée comme un acte médical, a fortiori si l'épilation n'a qu'un but esthétique sans pathologie sous-jacente ».

Si on se limite à l'épilation pour des raisons purement esthétiques, sans pathologie sous-jacente, le CSH est d'avis que l'on peut abandonner le concept d'acte médical stricto sensu, même en cas d'utilisation du laser ou d'un appareil IPL. Compte tenu des effets induits par l'utilisation d'un tel appareil et des problèmes pouvant survenir, le CSH demande avec insistance que l'emploi du laser et des appareils IPL à des fins d'épilation soit réglementé au niveau légal.

Cela signifie concrètement que des épilations d'ordre esthétique à l'aide de lasers de classe IV et d'appareils de type IPL peuvent être pratiquées par des paramédicaux ou des spécialistes en soins esthétiques. Plusieurs conditions y sont toutefois encore attachées. Les traitements ne peuvent ainsi avoir lieu que dans des centres laser et IPL reconnus à cette fin et qui satisfont à un certain nombre de normes. Ces centres laser et IPL peuvent faire partie d'une institution plus grande ou constituer des entités isolées. La personne responsable d'un centre d'épilation par laser ou par IPL doit être un médecin compétent en la matière, mais il peut aussi s'agir d'un spécialiste indépendant en soins esthétiques ou d'un paramédical qui a suivi une spécialisation, ou encore d'un tiers qui emploie des spécialistes en soins esthétiques ou des paramédicaux spécialisés. La réalisation de tous les autres traitements non épilatoires et d'une épilation dans le cadre d'une pathologie sous-jacente au moyen de la thérapie au laser ou à la lumière est un acte médical qui reste réservé à un médecin. Le médecin doit toutefois avoir suivi une formation complémentaire relative à l'utilisation des appareils. Pour conclure, le CSH conseille aux pouvoirs publics d'organiser une formation professionnelle officiellement reconnue en matière d'utilisation du laser ou de l'IPL. À l'heure actuelle, les médecins suivent une formation qui leur permet d'acquérir les bases de la dermatologie, mais pas de la thérapie au laser ou à la lumière pulsée. Les dermatologues ne reçoivent pas non plus, durant leur spécialisation, de formation spécifique consacrée aux appareils au laser ou à la lumière pulsée. Médecins généralistes et dermatologues doivent donc avoir recours à des cours proposés par les fournisseurs de ces appareils. Un spécialiste en soins esthétiques a acquis des connaissances de base en épilation au cours de sa formation.

Enfin, les paramédicaux possèdent des connaissances élémentaires du corps humain et/ou de la peau. Les spécialistes en soins esthétiques et les paramédicaux qui ont l'intention de faire l'acquisition d'un appareil d'épilation au laser doivent, comme les médecins, suivre une formation technique chez le fabricant du matériel. C'est la raison pour laquelle il faudrait étudier les possibilités de prévoir une formation reconnue et uniforme aux niveaux communautaire et régional.

OBJECTIF

L'épilation au moyen d'un traitement par laser et par lumière pulsée est manifestement en vogue. Il n'y a hélas aucun cadre légal clair en la matière. Dès lors, plus l'utilisation de ces appareils se généralise et leur popularité va croissant, plus nombreux sont les patients à présenter des lésions encourues pendant un traitement de ce type. Il s'impose de réglementer ces pratiques si l'on veut arriver à une meilleure efficacité et réduire le nombre de plaintes. L'objet de la présente proposition de loi est de réglementer les traitements par laser ou par lumière pulsée qui ne relèvent pas de la pratique médicale.

Nele LIJNEN.
Guido DE PADT.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

L'épilation définitive au moyen d'un appareil au laser ou à lumière pulsée doit être pratiquée par des dermatologues, des médecins, des spécialistes en soins esthétiques et des paramédicaux, étant entendu que le patient doit être en possession d'une attestation dermatologique déclarant sa peau saine.

Art. 3

La réalisation de tout traitement non épilatoire et de toute épilation dans le cadre d'une pathologie sous-jacente au moyen d'un traitement par laser ou par lumière pulsée constitue un acte médical qui reste réservé à un médecin.

Art. 4

Un traitement par laser ou par lumière pulsée ne peut avoir lieu que dans des centres reconnus qui peuvent faire partie d'institutions plus grandes ou fonctionner en tant qu'entités isolées.

Seuls les centres d'épilation au laser ou à la lumière pulsée doivent être dirigés par un médecin compétent, un spécialiste en soins esthétiques ou un paramédical ayant suivi une spécialisation.

Un tiers peut également assumer cette responsabilité à condition qu'il emploie des spécialistes en soins esthétiques ou des paramédicaux ayant suivi une formation à cet effet.

Art. 5

Quiconque applique un traitement consistant à effectuer une épilation permanente au moyen de lumière pulsée ou d'un laser informe son patient de l'évolution, des conséquences et des risques potentiels du traitement.

Chaque patient reçoit une déclaration comprenant une explication complète et en signe un double pour réception.

La déclaration mentionne clairement les données de l'organisation de contrôle qui centralise les plaintes et le nom d'un dermatologue auquel l'on peut s'adresser en cas de problèmes.

Art. 6

Le Roi fixe les normes de sécurité et de qualité auxquelles doivent répondre les appareils au laser ou à la lumière pulsée.

Art. 7

Le Roi règle les modalités d'application du traitement par laser ou par lumière pulsée dans les centres reconnus.

Art. 8

Les fonctionnaires du Service public fédéral Santé publique désignés par le Roi peuvent effectuer des contrôles à tout moment.

20 juillet 2010.

Nele LIJNEN.
Guido DE PADT.

(1) Tifara (2008). Definitief ontharen. http://www.ontharen.be/definitief-ontharen/.

(2) Tifara (2008). Definitief ontharen. http://www.ontharen.be/definitief-ontharen/.

(3) L'hypopigmentation ou l'hyperpigmentation consiste en l'apparition de tâches blanches et/ou brunes sur la peau.

(4) Raats, L. « Een haartje betoeterd » in: Knack, 14 juillet 1999.

(5) Tifara (2008). Definitief ontharen. http://www.ontharen.be/definitief-ontharen/.

(6) De Gendt, T., « Ontharing met lasers maakt steeds meer slachtoffers » in: De Morgen, 23 août 2005; Finoulst, M., « De gevaren van het schoonheidssalon », in: Knack, 5 mai 2004.

(7) Arrêté royal no 78 relatif à l'exercice des professions des soins de santé (1967). http://www.vlaamsartsensyndicaat.be/uploads/b87_kb-nr-78--uitoefening-van-de-gezondheidszorgberoepen--kb-10-11-19671473.pdf.

(8) Conseil supérieur d'hygiène. Avis relatif à l'impact sur la santé publique de l'utilisation du laser dans le cadre de l'épilation, 2006, https://portal.health.fgov.be/pls/portal/docs/PAGE/INTERNET_PG/HOMEPAGE_MENU/ABOUTUS1_MENU/INSTITUTIONSAPPARENTEES1_MENU/HOGEGEZONDHEIDSRAAD1_MENU/ADVIEZENENAANBEVELINGEN1_MENU/ADVIEZENENAANBEVELINGEN1_DOCS/8160_LASER_102006_FR.PDF.