4-1613/1 (Sénat) 52-2617/001 (Chambre)

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Sénat et Chambre des représentants de Belgique

SESSION DE 2009-2010

27 JANVIER 2010


Les priorités de la Présidence espagnole de l'Union européenne


RAPPORT

FAIT AU NOM DU COMITÉ D'AVIS FÉDÉRAL CHARGÉ DES QUESTIONS EUROPÉENNES PAR

MME MATZ (S) ET M. DE CROO (CH)


Le Comité d'avis fédéral chargé des questions européennes s'est réuni le mercredi 27 janvier 2010 en vue d'examiner les priorités de la présidence espagnole de l'Union européenne (UE) au cours du premier semestre de 2010.

Il est de coutume que le Comité d'avis fédéral invite, au début de chaque présidence, un représentant du pays en question pour exposer les priorités de la présidence.

La présidence espagnole a été représentée par M. Diego Lopez Garrido, secrétaire d'État espagnol à l'Union européenne. M. Olivier Chastel, secrétaire d'État belge aux Affaires européennes, a assisté à la réunion.

1. Exposé introductif de M. Diego Lopez Garrido, secrétaire d'État espagnol à l'Union européenne

Introduction

L'Espagne assure la présidence du Conseil de l'Union européenne à compter du 1er janvier 2010, à un moment stratégique pour l'Europe.

Avec l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, s'ouvre une nouvelle étape reposant sur un cadre juridique approprié pour la mise en œuvre d'une Europe plus forte, plus unie et plus efficace pour répondre aux inquiétudes des citoyens. Il appartient maintenant de renforcer la reprise économique naissante, de faire de l'Europe un véritable acteur global sur la scène internationale et de parvenir à ce que l'Union s'ancre profondément chez ceux qui lui apportent sa légitimité, les citoyens européens.

Voici les quatre priorités autour desquelles le programme de la présidence espagnole s'articule:

— la pleine application du Traité de Lisbonne;

— la coordination des politiques économiques afin de favoriser la relance et une croissance durable dans toute l'Europe: lancement de la stratégie Europe 2020;

— le renforcement de la politique extérieure de l'Union pour en faire un véritable acteur global;

— la promotion d'une Europe des droits et des libertés au service des citoyens.

Ces priorités s'inscrivent dans le programme du trio de présidences formé par l'Espagne, la Belgique et la Hongrie, et apportent une suite au travail réalisé par la Suède, précédemment à la tête du Conseil de l'UE. En outre, ces priorités ont fait l'objet de consultations auprès du Parlement européen et ont été définies en tenant compte du travail de la nouvelle Commission.

Les initiatives exposées au cours des mois prochains seront enrichies par les analyses et propositions du groupe de réflexion qui doit présenter au cours de ce semestre ses conclusions pour l'horizon 2020-2030.

Ce programme de travail évoque, dans un premier temps, l'approche politique des quatre priorités majeures, puis expose de manière plus détaillée les divers objectifs opérationnels pour chacune des formations du Conseil.

Une rapide et pleine application du Traité de Lisbonne

Le Traité de Lisbonne est entré en vigueur le 1er décembre 2009. Il incombe désormais de l'appliquer avec détermination et rigueur. Il s'agit de la principale responsabilité de la présidence espagnole. Les citoyens européens doivent percevoir dès que possible la nouvelle étape franchie par l'Union.

— La mise en œuvre des nouvelles institutions de l'Union européenne

L'Espagne apportera tout son soutien aux nouveaux hauts responsables afin qu'ils puissent exercer leurs compétences dans les meilleures conditions possibles. En outre, elle assumera le rôle qui lui incombe en tant que présidence tournante au niveau de la structure institutionnelle établie par le Traité.

Eu égard aux aspects relationnels avec les nouvelles institutions qui ne sont décrits ni dans le Traité ni dans ses modalités d'applications, la présidence espagnole s'engage également à assurer une pratique équilibrée et européenne.

La présidence espagnole dirigera les diverses formations du Conseil et collaborera avec le président du Conseil européen dans l'élaboration de l'ordre du jour ainsi que dans la formulation des décisions et conclusions.

Elle établira une relation de coopération permanente avec la haute représentante, plus spécialement en ce qui concerne les domaines liés aux relations extérieures qui demeureront sous la responsabilité de la présidence tournante, tels la politique d'élargissement, le commerce, la justice et les affaires intérieures.

En concertation directe avec le président du Conseil européen et la haute représentante, la présidence participera au bon déroulement des Sommets organisés avec des pays tiers prévus au cours du semestre, et pour la préparation desquels l'Espagne s'est déjà beaucoup investie.

Elle collaborera également de manière permanente avec la nouvelle Commission européenne et le Parlement européen, qui représentent les pièces maîtresses de la nouvelle organisation institutionnelle. En outre, conformément à ce schéma, l'intégration rapide au Parlement des eurodéputés supplémentaires est indispensable.

— Le lancement du Service européen pour l'action extérieure

Le Traité de Lisbonne jette les bases de la création du Service européen pour l'action extérieure, l'instrument devant doter d'une plus grande cohérence et efficacité l'action extérieure de l'Union.

La création de ce service, composé de fonctionnaires de la Commission, du secrétariat général du Conseil et des États membres, reflète également la volonté de l'Union de renforcer son rôle sur l'échiquier international.

Il reviendra à la présidence espagnole de collaborer avec la Haute représentante et le Parlement européen afin de favoriser l'adoption des normes juridiques nécessaires pour constituer le Service européen pour l'action extérieure, et d'assurer rapidement sa mise en œuvre.

La présidence espagnole assurera la transition vers cette nouvelle structure en soutenant le travail de la haute représentante à l'aide de son réseau diplomatique jusqu'à ce que soit déterminé, dans chaque cas, le déploiement du nouveau Service européen.

— La clause de solidarité

Le Traité de Lisbonne jette la base juridique nécessaire afin que les États membres et l'Union se prêtent une assistance mutuelle en cas d'attaque terroriste, de catastrophe naturelle ou d'origine humaine, qui surviendraient à l'intérieur des frontières de l'Union.

Il s'agit d'un instrument novateur visant à renforcer la protection des citoyens européens.

Son développement requiert une proposition conjointe de la Commission européenne et de la haute représentante, dont les efforts seront pleinement soutenus par la présidence espagnole.

La reprise économique et la création d'emploi: Europe 2020

La présidence espagnole coïncidera avec un contexte de reprise économique suite à une crise d'une envergure inédite, tant à l'échelle européenne qu'internationale.

— La sortie de crise

Il est nécessaire de consolider la reprise économique initiée, en suivant de près son évolution, afin d'éviter qu'un retrait prématuré des mesures de soutien au secteur financier et de stimulation de la demande ne la compromette.

Néanmoins, la présidence espagnole est également consciente de la nécessité du retrait de ces mesures dès que la situation économique le permettra. Ce retrait devra être effectué de manière coordonnée, structurée, transparente et progressive, en tenant compte des critères communs mais également de la situation macrofinancière de chaque pays.

Le retrait des incitations fiscales fera l'objet de toutes les attentions, étant donné que la crise a sensiblement endommagé la situation budgétaire de la majorité des États membres. L'application du pacte de stabilité et de croissance permettra la mise en marche de processus d'assainissement budgétaire nécessaires pour la viabilité sur le long terme des finances publiques de l'UE.

— Pour une croissance durable et équilibrée: Europe 2020

Succédant à la stratégie de Lisbonne, la nouvelle stratégie pour la croissance et l'emploi, intitulée Europe 2020, sera l'instrument de coordination idéal pour structurer le nouveau modèle de croissance dont nous avons besoin.

La réflexion sur la nouvelle stratégie devra conduire à son adoption lors du Conseil européen du printemps 2010, en comptant sur le soutien de l'ensemble des institutions européennes ainsi que sur celui des partenaires sociaux.

Lors de l'élaboration de la nouvelle stratégie, les aspects relatifs à l'amélioration de sa gouvernance seront éminemment pris en compte, afin que cette stratégie fasse preuve d'une plus grande efficacité et soit pleinement assumée par les États membres. L'accent sera également porté sur la dimension extérieure de la stratégie, en définissant comme objectifs la lutte contre le protectionnisme et la conclusion des négociations de Doha.

La nouvelle stratégie fera la part belle à la viabilité du modèle économique européen sous trois volets:

La viabilité économique: l'Europe fait face à un monde global composé d'économies émergentes disposant d'importants avantages comparatifs au niveau des coûts. L'économie européenne doit fonder son avantage comparatif sur la compétitivité, l'innovation et la connaissance. La nouvelle stratégie donnera un élan renouvelé à l'investissement dans la recherche, le développement et l'innovation, et pour lequel le nouveau plan européen pour l'innovation s'avérera essentiel.

La présidence espagnole concentrera ses efforts sur la promotion de la R&D des entreprises et sur le développement technologique en augmentant la recherche fondamentale du secteur public et le partenariat public-privé. Le développement des secteurs technologiques émergents, la mise en place des technologies de l'information, ainsi que le développement de l'innovation dans les PME feront également l'objet de toutes les attentions.

La viabilité sociale: les effets de la crise se sont singulièrement fait sentir sur le marché du travail. La nouvelle stratégie doit accorder une attention toute particulière à l'emploi, en augmentant la participation, la formation et l'employabilité des travailleurs en vue de garantir l'inclusion sociale. Une force de travail adaptée aux nouvelles sources de croissance économique, participant pleinement à un marché de travail moderne, est la garantie du maintien du modèle social et des régimes de retraite en Europe. En outre, il faut parvenir à une égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, en éliminant toute forme de discrimination.

En matière d'éducation et de formation, la présidence européenne encouragera une meilleure adaptation des capacités des travailleurs aux besoins du marché du travail. Elle veillera également à améliorer la qualité de l'éducation, à favoriser l'excellence dans les universités et la formation professionnelle.

Concernant la modernisation du marché du travail, il est nécessaire de progresser dans la voie de la flexibilité et de la sécurité de manière équilibrée, en contribuant ainsi à un fonctionnement plus efficace de celui-ci.

En outre, la présidence dynamisera l'Agenda social européen afin de renforcer le modèle social européen.

La viabilité environnementale: l'économie européenne doit se tourner définitivement vers un modèle économique faible en émissions afin de lutter contre le changement climatique et générer de nouvelles sources de croissance économique. Cette transition doit avoir pour objectifs fondamentaux la réduction des émissions de CO2, l'utilisation d'énergies renouvelables et l'augmentation de l'efficacité énergétique. La priorité maximale sera également accordée aux initiatives visant à conserver la biodiversité.

La viabilité environnementale aura un impact particulier sur la politique énergétique européenne et sur le plan d'action dans le domaine de l'énergie pour 2010-2014, qui sera adopté lors du Conseil européen du printemps.

De même, l'Europe devra disposer d'une stratégie coordonnée d'approvisionnement énergétique, en renforçant les infrastructures afin d'améliorer l'interconnexion des États membres et de diversifier les sources d'énergie.

— La réforme de la surveillance du système financier

Le nouveau modèle économique, viable et équilibré requiert un système financier européen plus efficace. C'est pourquoi il est nécessaire d'accroître la qualité de sa régulation et de sa surveillance, ainsi que de progresser dans l'intégration du système financier. Dans cette perspective, en matière de surveillance financière la présidence espagnole assumera les quatre objectifs suivants:

L'adoption du nouveau cadre de surveillance financière européenne: le nouveau système, décidé lors du Conseil européen de décembre 2009, sera composé du Comité européen du risque systémique (CERS) en charge de la surveillance des risques macrofinanciers ainsi que du Système européen de surveillance financière (SESF) responsable de la surveillance microfinancière des établissements individuels. La mise en œuvre de ces deux instruments prendra effet à la fin de l'année 2010, il reviendra donc à la présidence espagnole d'entamer les négociations avec le Parlement s'agissant de leur pleine introduction.

L'adoption des réformes législatives en cours sera caractérisée par une attention toute particulière portée sur la réglementation applicable aux fonds de gestion alternatifs (hedge funds et organismes de capital-risque), sur l'amélioration de l'adéquation des fonds propres des établissements de crédit ainsi que sur la réglementation de leurs politiques de rémunération, sans oublier la simplification du régime juridique des cahiers des charges des commandes publiques et l'autorisation de cotisation sur les marchés réglementés.

L'articulation d'une réponse conjointe européenne en matière de gestion de crise: la crise financière a fait ressortir le besoin de doter l'Europe d'instruments harmonisés pour faire face à de futures crises bancaires transfrontalières. La présidence espagnole entend développer de nouvelles mesures législatives en matière d'harmonisation et de coordination.

Le lancement du plan d'action pour les services financiers présenté par la Commission pour la période comprise entre 2010 et 2015, qui détaille les priorités de la politique financière européenne ayant un impact sur le secteur et qui permettra une plus grande intégration et une meilleure surveillance du système financier européen.

L'Europe, un acteur global, responsable et solidaire

— Une nouvelle étape dans la politique extérieure, de sécurité et de coopération européenne

L'Europe ne peut en aucun cas laisser passer l'opportunité historique de jouer un rôle éminent dans la constitution du nouvel ordre international. Le Traité de Lisbonne offre les outils pour y parvenir: faire que l'Union renforce les relations avec ses voisins et partenaires stratégiques, consolide son leadership dans les instances internationales, assume ses responsabilités dans les zones de conflit et s'engage fermement dans la promotion de la paix, la défense des droits de l'homme et l'éradication de la pauvreté.

Il s'agit de consolider l'unité d'action de l'Union, d'augmenter sa visibilité et de développer une authentique politique étrangère commune dotée d'objectifs ambitieux et d'interventions efficaces.

La présidence espagnole travaillera en étroite collaboration avec le président du Conseil européen et avec la haute représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité afin de tirer profit de l'ensemble des possibilités offertes par le nouveau Traité.

Divers moyens de communications en continu seront établis auprès des nouveaux responsables afin d'assurer une réponse plus rapide de l'UE face aux crises qui peuvent survenir sur toute zone de conflit potentielle.

La présidence espagnole s'efforcera tout particulièrement de soutenir le développement de la politique de sécurité et de défense commune et de parvenir à ce que l'UE soit renforcée dans son rôle de référence internationale en matière de gestion de crise. Dans la même optique, le travail sera poursuivi afin d'accroître les capacités civiles et militaires de l'Union avec une attention spéciale portée au renforcement de l'action de l'Agence européenne de défense.

Dans le domaine de la coopération au développement, la présidence espagnole défendra le respect de tous les engagements internationaux portant sur la lutte contre la faim et la pauvreté, le financement pour le développement et l'efficacité de l'aide. Elle travaillera ardamment à l'adoption d'une position européenne ambitieuse en vue de la conférence des Nations unies sur les Objectifs du Millénaire pour le développement.

Au cours de sa présidence, l'Espagne contribuera également à renforcer la relation stratégique privilégiée entretenue par l'Union européenne et l'Afrique, à partir de la coopération renouvelée dont les bases ont été jetées lors du sommet de Lisbonne.

L'Union va continuer à contribuer, de manière croissante, au multilatéralisme actif et efficace pour la résolution des problèmes globaux, en particulier, à travers le renforcement du système des Nations unies. Et la présidence espagnole plaidera tout particulièrement pour la consolidation du Conseil des droits de l'homme et l'abolition de la peine de mort.

La présidence prendra également part à la lutte contre le changement climatique en accord avec la capacité de leadership global dont l'Union a fait preuve pour relever ce défi.

Plus concrètement, au cours de ce semestre, il revient de veiller à un avancement important de l'accord qui sera obtenu lors de la Conférence sur l'accord-cadre des Nations unies sur le changement climatique à Copenhague.

En dernier lieu, la présidence espagnole favorisera la conclusion rapide des négociations commerciales se déroulant dans le cadre des négociations de Doha de l'OMC.

— Une nouvelle dimension dans la relation avec les États-Unis et le Canada

Le dialogue entre l'UE et les États-Unis sera renforcé en vue de la consolidation d'un marché transatlantique mieux implanté et d'une coordination plus ambitieuse permettant d'apporter une réponse aussi bien aux principales questions internationales qu'aux problèmes et défis globaux et, plus spécialement, à la lutte contre le terrorisme.

— Un saut qualitatif dans les relations avec l'Amérique latine et les Caraïbes

La coopération entre l'UE et l'Amérique latine et les Caraïbes, des régions de plus en plus présentes sur la scène internationale, devra être renforcée. La présidence espagnole souhaite que soit franchi un véritable saut qualitatif dans cette relation de coopération.

— Des relations de voisinage fortes et équilibrées

La prospérité et la stabilité de l'Europe et celle de ses voisins sont étroitement liées. L'Espagne mettra l'accent sur la défense du caractère unitaire de la politique européenne de voisinage ainsi que sur l'avancée stable de sa dimension méditerranéenne et orientale.

Une attention particulière sera accordée à l'application progressive du statut avancé avec le Maroc et au renforcement des relations avec Israël, la Tunisie, l'Égypte et la Jordanie. Tous les efforts pour parvenir à une solution globale dans le conflit israélo-arabe seront soutenus, sans laisser aucune place à la passivité.

La consolidation de la relation euro-méditerranéenne sera favorisée à travers le développement des grands projets de l'Union pour la Méditerranée et la mise en œuvre de ses structures institutionnelles.

La présidence veillera également à poursuivre la mise en œuvre du Partenariat oriental afin de faciliter le rapprochement progressif de ces six pays et de l'Union européenne.

De plus, la présidence incitera au développement d'une relation stratégique avec la Russie fondée sur une vision franche et constructive de notre interdépendance commune. Dans ce cadre de coopération croissante, elle assurera la continuité de l'application des feuilles de route pour les quatre espaces communs de l'Union et de la Russie.

— L'élargissement de l'Union. L'élan européen dans les Balkans occidentaux

La présidence espagnole soutiendra avec détermination, la poursuite du processus d'élargissement de l'UE, conformément au consensus renouvelé, défini par le Conseil européen de décembre 2006. Les négociations d'adhésion seront principalement intensifiées avec la Croatie en vue de leur aboutissement rapide, d'autre part, un rythme approprié sera maintenu dans les négociations menées avec la Turquie, et l'éventuelle demande d'adhésion de l'Islande sera examinée. Les perspectives d'intégration d'autres pays des Balkans occidentaux seront également à l'ordre du jour.

— Le regard tourné vers l'Asie. Le renforcement de la coopération pour faire face à l'agenda global

La présidence proposera le renouvellement d'une relation toujours plus étroite entre l'UE et le Japon ainsi qu'une attention particulière à la coopération avec la Chine, l'Inde et l'ANASE, et avancera dans la relation avec le Pakistan en maintenant l'engagement ferme de l'Union envers la sécurité, le renforcement démocratique et le développement économique et social en Afghanistan.

Une Europe des droits et des libertés, une Europe pour les citoyens

Le renforcement de l'Union européenne dépend, en grande partie, du développement des droits et des libertés de ses citoyens. Rapprocher l'Union des citoyens, en encourageant la participation à la vie communautaire, constitue un objectif stratégique qui requiert la mise en marche de diverses initiatives.

— Le droit d'initiative citoyenne

Grâce au droit d'initiative citoyenne, établi pour la première fois dans le Traité de Lisbonne, les citoyens des États membres pourront demander à la Commission de soumettre des propositions législatives sur des thèmes pour lesquels ils considèrent qu'une réglementation à échelle européenne doit être instaurée. La présidence espagnole travaillera afin de rendre effectif cet instrument de démocratie directe dès que possible.

— La charte des droits fondamentaux

Le Traité de Lisbonne reprend la charte des droits fondamentaux, établissant ainsi son caractère juridiquement contraignant. Cet instrument réaffirme les droits, libertés et principes reconnus dans l'Union qui, ainsi, les rend plus visibles et assure leur protection de manière plus efficace.

— L'adhésion à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

L'Europe doit se trouver à l'avant-garde de la défense et de la promotion des droits de l'homme. Conformément au mandat du Traité de Lisbonne, la présidence espagnole lancera le processus d'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du Conseil de l'Europe.

Cette adhésion reflète l'engagement ferme de l'Union envers le respect des droits de l'homme et représentera une garantie supplémentaire pour sa protection effective.

— Le renforcement de la dimension sociale de l'Europe

Dans un contexte de crise économique qui met à l'épreuve la cohésion sociale et le niveau de bien-être atteints par les sociétés européennes, l'Union doit représenter une véritable garantie de protection pour nos citoyens. Nous devons œuvrer pour renforcer l'aspect social du projet européen à travers la consultation des États membres, des partenaires sociaux et de la société civile. La communication que la Commission présentera pour le nouvel Agenda social européen couvrant une période comprise entre 2011 et 2015 viendra compléter le contenu de la stratégie Europe 2020, intégrant la protection, l'inclusion et l'intégration sociale comme pierre angulaire du dispositif.

— La lutte contre la violence à caractère sexiste

Améliorer la capacité de l'Europe à éradiquer la violence à caractère sexiste est primordial. La création d'un Observatoire européen pour l'élaboration d'un diagnostic commun concernant ce terrible problème, ainsi que l'adoption d'une ordonnance européenne de protection des victimes, seront deux initiatives essentielles encouragées par la présidence espagnole pour parvenir à des avancées concrètes en la matière.

— L'Union européenne en tant qu'espace commun de liberté, de sécurité et de justice

Le programme de Stockholm, qui intensifie le développement de l'espace de liberté, sécurité et justice pour la période comprise entre 2010 et 2014, constitue un instrument indispensable afin que l'Europe puisse faire face de manière efficace aux menaces de nature transnationale telles la délinquance organisée, le trafic de drogues, le terrorisme ou la traite des êtres humains.

Pour sa prise d'effet, la présidence espagnole prônera l'adoption du plan d'action correspondant dans lequel seront décrits aussi bien les priorités politiques de l'Union dans ce domaine que les mesures d'application et les instruments de contrôle de son exécution.

En outre, nous, membres de l'Union, nous devrons convenir d'une stratégie européenne de sécurité intérieure, en favorisant la définition d'un modèle européen regroupant les principes directeurs et les lignes stratégiques de l'UE dans ce domaine.

— Le développement d'une politique européenne d'immigration et d'asile

La présidence espagnole encouragera une politique commune d'immigration et d'asile, en développant une approche globale relative à l'immigration et au Pacte européen sur l'immigration et l'asile. Il faut œuvrer afin que celui-ci atteignent ses objectifs: une immigration légale organisée, la lutte contre l'immigration illégale et la traite des êtres humains ainsi que le contrôle des frontières extérieures de l'Union, tout en intensifiant la coopération avec les pays d'origine et de transit. Dans ce contexte, une attention particulière sera portée aux mineurs non accompagnés.

Une fois l'intégration de ce thème au programme de Stockholm, l'Union pourra commencer l'adoption des premières décisions dans ce domaine, qui devront prendre en compte la prévention, la protection et le retour des mineurs dans leur famille ou dans des institutions de tutelle de leur pays d'origine.

La présidence espagnole donnera également un élan aux politiques d'intégration des immigrés, fondées sur les valeurs de l'Union, l'éducation, le dialogue interculturel ainsi que sur l'accès et le développement de la diversité dans l'emploi.

2. Échange de vues

Trio de présidences de l'Union européenne et présidence permanente du Conseil européen

M. Herman De Croo, président du Comité d'avis fédéral chargé des questions européennes, relève que l'Espagne est le premier des trois pays qui forment le trio de présidences pour la période comprise entre janvier 2010 et juin 2011. Les deux autres pays sont la Belgique et la Hongrie. Comment va-t-on évaluer le fonctionnement de ce trio ? Le principe du trio peut renforcer la présidence mais peut-être aussi l'affaiblir à cause de la nécessité de trouver un compromis entre les trois pays.

Ensuite, le Traité de Lisbonne a introduit le poste de président permanent du Conseil européen. Comment le président permanent va-t-il se comporter vis-à-vis de la présidence tournante ? Le chef de gouvernement aura assurément un rôle moins important, mais les ministres compétents pourront toujours jouer pleinement le leur au sein des conseils spécialisés.

Mme Juliette Boulet, députée, demande également quelle est la valeur ajoutée d'une présidence en trio, notamment en ce qui concerne la relation avec le président permanent du Conseil européen.

M. Diego Lopez Garrido, secrétaire d'État espagnol à l'Union européenne, estime que la présidence tournante doit occuper une position plus stratégique entre le président permanent et les différents conseils spécialisés. La présidence tournante doit donner des impulsions à la politique de l'Union et faire office de médiateur, par exemple dans les relations avec le Parlement européen, et a un rôle à jouer comme carrefour entre les diverses institutions et les divers acteurs.

Quant à la relation avec le nouveau président permanent du Conseil européen, elle devra être évaluée au cours de l'année et adaptée si nécessaire. Elle est toutefois excellente à l'heure actuelle.

C'est aux trois partenaires du trio de présidences qu'il revient de poser les jalons d'une concertation permanente entre la présidence tournante, le président du Conseil européen et le président de la Commission européenne. Il leur appartient aussi de développer le principe de la concertation au sein du trio. Les trois pays sont des pionniers dans ce domaine, mais la coopération s'est avérée particulièrement fructueuse jusqu'à présent.

Rôle des parlements nationaux au sein de l'Union européenne

M. Herman De Croo, président du Comité d'avis fédéral chargé des questions européennes, évoque le rôle qui est dévolu aux parlements nationaux au sein de l'Union européenne depuis l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne. Ce rôle est-il bien réel et peut-il influencer la politique ?

M. Diego Lopez Garrido, secrétaire d'État espagnol à l'Union européenne, juge que les relations entre le Parlement européen et les parlements nationaux (voire régionaux) sont de la plus haute importance en vue de renforcer le lien entre le citoyen et l'Union européenne. Il y a encore un long chemin à parcourir dans ce domaine. À l'heure actuelle, nombreux sont les parlements nationaux qui, par réflexe intergouvernemental, considèrent encore le Parlement européen comme un adversaire potentiel plutôt que comme un allié.

Par ailleurs, il est évident que le contrôle de la subsidiarité, la possibilité de saisir la Cour de justice et le rôle du Comité des régions ont donné plus de pouvoir aux parlements nationaux. C'est maintenant à ces derniers de déterminer comment ils peuvent utiliser au mieux ce nouveau pouvoir. À cet égard, il est intéressant de voir comment la Belgique est parvenue à organiser ces nouvelles compétences par le biais d'une convention interparlementaire, compte tenu des nombreux parlements que compte le pays.

Politique extérieure de l'Union européenne

M. Herman De Croo, président du Comité d'avis fédéral chargé des questions européennes, a appris que les priorités se dirigeaient principalement vers l'Afrique et l'Amérique du Nord et du Sud. Mais quelle est la position à l'égard de la Turquie ?

M. Diego Lopez Garrido, secrétaire d'État espagnol à l'Union européenne, répond que l'Espagne est favorable à l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. Cette adhésion ne sera toutefois possible que si toutes les conditions sont remplies. Il est clair qu'il y a encore beaucoup à faire, notamment dans le domaine des droits de l'homme et des droits des travailleurs. La présidence espagnole ambitionne toutefois d'ouvrir deux ou trois nouveaux chapitres dans les négociations d'adhésion.

Europe 2020 (Stratégie EU2020)

Mme Vanessa Matz, présidente du Comité d'avis fédéral chargé des questions européennes, demande comment la présidence espagnole va organiser le débat sur la stratégie Europe 2020 avec une Commission européenne fraîchement installée. Quel est le rôle du président européen à cet égard ? Le Sommet de printemps du 11 février prochain sera-t-il décisif ?

Dans le cadre de la stratégie Europe 2020, l'on parle souvent aussi d'une politique énergétique durable. Dans quelle mesure ladite politique sera-t-elle verte ? À ce propos, dispose-t-on d'ailleurs de plans concrets concernant la régulation des marchés énergétiques ?

Mme Juliette Boulet, députée, voudrait savoir si et dans quelle mesure la politique européenne en matière de développement est compatible avec la stratégie Europe 2020, et comment il serait possible de les harmoniser davantage.

M. Diego Lopez Garrido, secrétaire d'État espagnol à l'Union européenne, reconnaît que la politique énergétique constitue un élément important de la stratégie européenne. À l'heure actuelle, l'Union européenne est vulnérable et dépend de pays tiers, tels que la Russie, pour son approvisionnement en énergie. Il est vrai en outre que l'on ne peut pas parler actuellement d'un marché énergétique commun. De nombreux réseaux nationaux ne sont pas encore interconnectés; il subsiste encore bon nombre de liens manquants. Il s'agit en premier lieu de remédier à ce problème. D'où l'importance que l'on attache aujourd'hui à plusieurs projets européens visant à créer des réseaux internes à l'Union.

Pour ce qui est de la stratégie Europe 2020, il convient d'établir au plus vite une feuille de route en vue de mettre sur les rails la stratégie en question. Un rapport spécial du président Van Rompuy est attendu prochainement dans ce domaine.

Il est toutefois d'ores et déjà clair que la différence avec la stratégie de Lisbonne doit résider dans la force contraignante. La stratégie de Lisbonne contenait essentiellement des recommandations qui n'étaient malheureusement que rarement assorties d'un quelconque moyen de contrainte. Au contraire, la stratégie Europe 2020 doit fixer des objectifs contraignants, ce qui nécessite cependant un certain courage politique.

Il est d'ailleurs faux d'affirmer que cette éventuelle force contraignante ne repose sur aucune base juridique. En effet, l'article 5 du Traité de Lisbonne évoque clairement une coordination au niveau européen des politiques économique, sociale et en matière d'emploi. L'on ne peut donc qu'évoluer vers une politique européenne commune en la matière.

L'importance de la stratégie Europe 2020 s'explique aussi par une autre raison. Si l'on ne concrétise pas une union économique, notamment par le biais de cette stratégie, l'union économique et monétaire est, elle aussi, vouée à disparaître. Il ne faut pas oublier en effet que l'on a introduit une union monétaire en Europe sans avoir une union économique solide. Cela pose problème, car il est impossible de maintenir une union monétaire sans mener une politique économique commune.

En ce qui concerne le développement durable, il est évident que cet objectif doit faire partie intégrante de la stratégie Europe 2020. La politique en la matière constitue en effet un facteur crucial pour la réussite de cette stratégie.

Égalité entre les femmes et les hommes

Mme Vanessa Matz, présidente du Comité d'avis fédéral chargé des questions européennes, se réjouit des projets de création d'un Observatoire européen pour l'égalité des sexes. Serait-il possible d'en savoir un peu plus à ce sujet ?

M. Diego Lopez Garrido, secrétaire d'État espagnol à l'Union européenne, fera prochainement une communication plus détaillée à cet égard. Il est cependant clair que l'initiative en question s'inscrit dans le cadre plus large de la promotion de l'Europe du citoyen, où tous les citoyens, quelle que soit leur nationalité, ont les mêmes droits et obligations. Cela implique néanmoins également la nécessité de devenir européen non seulement dans sa tête, mais aussi dans son cœur. Pour créer ce sentiment européen, il faut dès lors donner un véritable contenu à la citoyenneté européenne et l'Observatoire précité peut y contribuer.

L'égalité entre les femmes et les hommes, ainsi que la lutte contre la violence au sein du couple, seront une priorité pour la présidence trio. Tant l'Espagne que la Belgique et la Hongrie tâcheront de leur réserver une place importante dans l'agenda politique. La violence à l'égard des femmes est l'un des plus grands scandales de la société actuelle et constitue une forme de terrorisme à domicile. C'est pourquoi un tel observatoire doit être créé, pour donner une visibilité au problème et protéger les victimes.

Force d'intervention rapide de l'Union européenne

Mme Juliette Boulet, députée, se réfère à l'aide déployée après le violent séisme qui a frappé Haïti. Cela a de nouveau mis en exergue la demande de création d'une force d'intervention rapide européenne, les fameux « casques blancs ». Où en est ce dossier ?

Au nom de la présidence espagnole, M. Diego Lopez Garrido, secrétaire d'État espagnol à l'Union européenne, est un fervent défenseur de la création d'une force d'intervention rapide permanente européenne, qui puisse intervenir sur le plan civil et apporter une aide humanitaire urgente. Une première impulsion a été donnée en ce sens avec l'envoi, par l'Union européenne, de trois cent cinquante secouristes pour faire face à la catastrophe d'Haïti. La démarche doit être pérennisée et la présidence espagnole fera les propositions requises à cet effet. Par ailleurs, il est tout à fait logique qu'une composante civile soit créée parallèlement à la coopération militaire organisée sous la forme des « Battle Groups ».

Régulation des marchés financiers

Mme Vanessa Matz, présidente du Comité d'avis fédéral chargé des questions européennes, demande de plus amples explications sur les propositions avancées jusqu'à présent en ce qui concerne la régulation, au niveau européen, des marchés financiers.

M. Diego Lopez Garrido, secrétaire d'État espagnol à l'Union européenne, se réfère à la proposition qui a été formulée par la Commission européenne et qui fait l'objet d'un accord politique entre les États membres au sein du Conseil. Cet accord porte aussi bien sur le contenu de la régulation que sur la supervision elle-même. Il appartient à présent à la présidence espagnole, et éventuellement aussi à la présidence belge, de faire en sorte de parvenir à un accord avec le Parlement européen. Ce dernier est connu pour avoir une vision très pro-européenne en la matière. Il soutient ainsi entièrement la création d'une véritable autorité de contrôle européenne, dotée d'une compétence transfrontalière européenne à part entière, un projet qui suscite quelques réticences chez de nombreux États membres.

Les présidents-rapporteurs,
Vanessa MATZ (S). Herman DE CROO (Ch).