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9 JUILLET 2009
On assiste depuis quelques années à une multiplication des sondages d'opinion politique lors des périodes qui précèdent chaque élection. Pour les observateurs de la vie politique, ces enquêtes d'opinions ne sont en aucune façon signifiantes, tout au plus peuvent-elles donner une indication sur une tendance à un instant donné.
Mais pour le grand public, qui n'est pas toujours conscient du caractère relatif et approximatif de ce genre d'enquête, la tentation est grande de les considérer comme la relation exacte de la réalité.
C'est pour éviter ce dernier écueil que la loi du 18 juillet 1985 relative à la publication des sondages d'opinion et à l'octroi du titre d'« institut de sondage d'opinion » organisait de manière restrictive le régime des sondages d'opinion politique en périodes électorales.
En son article 5, cette loi prévoyait l'interdiction de la divulgation, de la diffusion et du commentaire de sondages d'opinion politique par quelque moyen que ce soit à partir du trentième jour précédant la date des élections.
Mais cette disposition a été abrogée par la loi du 21 juin 1991. Finalement autorisés, les sondages électoraux ont malheureusement connu un développement plus quantitatif que qualitatif.
L'objet de la présente proposition de loi est de revenir partiellement à la situation d'antan: il s'agit en effet ici d'interdire les sondages d'opinion politique en « période critique ». Est considérée comme période critique, la période des quarante jours qui précède chaque scrutin électoral, qu'il soit européen, fédéral, communautaire, régional ou communal.
Les derniers scrutins électoraux ont démontré, d'une part, le manque de fiabilité des sondages électoraux et, d'autre part, que la diffusion de ces sondages peu de temps avant les élections étaient de nature à influencer significativement le résultat de ces dernières.
En dehors de cette « période critique », la présente initiative n'a pas pour objet de contester l'utilité des sondages d'opinion électoraux mais plutôt leur représentativité.
Il s'agit en effet de demander à ceux qui réalisent des sondages d'opinion, d'entourer ces enquêtes d'opinion de plus de garanties en terme de représentativité et de relativité. Dès lors nous proposons deux modifications d'importance applicables en dehors de la « période critique ».
La première modification a pour but d'améliorer la dimension qualitative des sondages d'opinion. Bien que le sondage soit un outil de mesure quantitative qui vise à donner une image juste d'un phénomène social inaccessible à la simple perception de celui qui souhaite l'appréhender, cette tendance à représenter l'ensemble du réel s'accompagne malheureusement d'une tendance inverse à l'appauvrissement du contenu.
Le sondage électoral est très particulier: il s'intéresse à la fois aux opinions et à un comportement de vote. Bien que le sondage ne mesure que les intentions de vote à un instant particulier avant l'élection, il est systématiquement compris comme un système prédictif.
Le sondage électoral a une seconde particularité essentielle qui est de donner une image d'un phénomène qui est lui-même un système de comptage statistique. La précision relative du sondage est sanctionnée par le résultat réel de l'élection. C'est d'ailleurs la seule enquête d'opinion dont on peut tester la validité. L'objet du présent texte est de faire en sorte que l'enquête prévisionnelle corresponde le mieux possible au résultat réel de l'élection que la première est censée éclairer.
Les sondages électoraux utilisent la méthode aléatoire. La loi de Gauss permet de calculer ces derniers. Dans ce type de sondage, la marge d'erreur d'une enquête dépend d'abord du nombre de personnes interrogées. Par exemple, pour un intervalle de confiance de 95 %, elle est d'un maximum de plus ou moins 3,2 % pour 1 000 sondés.
Concrètement, cela signifie que si 50 % d'un échantillon de 1 000 personnes a répondu A à une question, il y a 95 chances sur 100 pour que cette même réponse A soit effectivement donnée dans l'ensemble de la population par un pourcentage situé entre 46,8 % et 53,2 %. Le plus probable est cependant que la réponse se situe très près de 50 %.
Enfin, la marge d'erreur ne décroît pas proportionnellement au nombre de personnes interrogée: elle est d'un maximum de plus ou moins 4,5 % pour 500 enquêtés, 3,2 % pour 1 000, 2,2 % pour 2 000, 1,6 % pour 4 000 mais encore 1 % pour 10 000.
Pour les élections du 8 octobre 2006, de nombreux sondages ont été réalisés durant la période préélectorale (3 mois) pour tenter de saisir tant les grandes orientations de l'électorat vis-à-vis des partis que le poids de candidats locaux. On constate que dans tout ces sondages, sur base d'un intervalle de 95 %, la marge d'erreur était supérieure à 3 % et pouvait aller jusqu'à 6 %.
Au lendemain de ces élections, de nombreuses voix se sont élevées pour rétablir l'interdiction des sondages préélectoraux au motif que ces derniers étaient peu fiables, qu'ils pouvaient donc avoir une influence sur les résultats électoraux et que leur multiplication les rendaient incontrôlables.
En dehors de la « période critique », la méthode envisagée dans la présente proposition de loi n'est pas l'interdiction totale des sondages d'opinion politique, ces derniers peuvent en effet être utiles dans la mesure où ils peuvent apporter un éclairage significatif sur le choix de l'électeur, sans pour autant préempter celui-ci. Pour ce faire une exigence de qualité s'impose dans la réalisation de ces sondages.
Afin de rencontrer cette exigence qualitative, le présent texte propose d'autoriser, en dehors de la « période critique », uniquement les sondages électoraux dont la marge d'erreur est inférieure à 2 %.
La seconde modification a pour objet d'informer le public sur le caractère purement indicatif et non prédictif des sondages électoraux. Pour ce faire, il est proposé que chaque sondage réalisé en période comporte la mention suivante: « Les sondages ne font pas une opinion, il l'éclairent ! ».
Enfin, le texte prévoit un dispositif répressif qui inflige une amende et une interdiction de pouvoir réaliser des sondages d'opinion politique pour les contrevenants.
Philippe MAHOUX. |
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
Il est interdit de réaliser, de divulguer, de diffuser ou de commenter, par quelque moyen que ce soit, un sondage d'opinion politique dans la période critique des quarante jours qui précèdent la date d'une élection européenne, fédérale, communautaire, régionale ou communale.
Art. 3
En dehors de cette période critique, il est permis de réaliser, de divulguer, de diffuser ou de commenter, par quelque moyen que ce soit, des sondages d'opinion politique dans la mesure où leur marge d'erreur est inférieure à 2 % pour un intervalle de confiance de 95 %.
Art. 4
Les sondages d'opinion politique réalisés conformément à l'article 3 doivent obligatoirement comporter la mention suivante: « Les sondages ne font pas une opinion, ils l'éclairent ! ».
Art. 5
Toute violation des dispositions prévues aux articles précédents est punie d'une amende de 1 000 euros à 13 000 euros et d'une interdiction de pouvoir réaliser des sondages d'opinions politique en Belgique pour une durée allant de 13 mois à trois ans.
Art. 6
La présente loi entre en vigueur le jour de sa publication au Moniteur belge.
8 juin 2009.
Philippe MAHOUX. |