4-924/2

4-924/2

Sénat de Belgique

SESSION DE 2008-2009

11 FÉVRIER 2009


Proposition de loi relative à la réforme de la cour d'assises


AVIS DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA JUSTICE


(approuvé par l'Assemblée générale du 4 février 2009)


I. INTRODUCTION

Le Conseil supérieur a pris connaissance de la « Proposition de loi relative à la réforme de la cour d'assises », déposée par Monsieur Philippe Mahoux au Sénat le 25 septembre 2008 (pièce 4-924/1).

Comme la réforme visée aura un impact sur le fonctionnement général de l'ordre judiciaire, le Conseil supérieur a décidé, le 23 octobre 2008, d'émettre d'office un avis sur cette proposition de loi.

Le groupe de travail de la commission d'avis et d'enquête réunie qui a préparé l'avis s'est réuni dix fois, à savoir les 1er, 8, 16, 17 et 23 décembre 2008 et les 5, 8, 10, 14 et 19 janvier 2009.

Les personnes suivants ont été entendues par le groupe de travail: les professeurs Raf Verstraeten et Benoît Frydman (coprésidents de la Commission sur la réforme de la cour d'assises), les présidents de la cour d'assises Michel Jordens et Luc Maes, les membres du ministère public Yves Liégeois (procureur général) et Pierre Morlet (premier avocat général) et les avocats John Maes, Piet Van Eeckhaut et Jean-Louis Berwart. Madame Karin Gerard, présidente de cour d'assises a déposé une note.

Le 26 janvier 2009, le rapport du groupe de travail a été approuvé par la commission d'avis et d'enquête réunie. Le 28 janvier 2009, l'avis a été approuvé par l'assemblée générale du Conseil supérieur de la Justice.

II. LIGNES DE FORCE DE L'AVIS

La cour d'assises occupe une place particulière dans l'ordre judiciaire. Bien que le jury populaire présente des avantages indéniables, ses inconvénients sont de nature telle (e.a. procédure d'une autre époque, fonctionnement fastidieux et cher, respect des garanties fondamentales acceptées internationalement) que son existence même est controversée. Ces dernières années, la cour d'assises est de plus en plus remise en question.

La proposition de loi vise plusieurs modifications, modernisations et allégements de la procédure pour compenser ces inconvénients.

Le Conseil supérieur estime toutefois que la modification de certains aspects essentiels de la procédure d'assises, comme l'introduction du délibéré conjoint sur la question de la culpabilité, l'obligation de motiver la décision et la création d'une forme d'appel de cette décision, gomme à ce point la spécificité et la raison d'être de cette procédure unique que la procédure s'en trouve vidée de sa substance.

Si l'on veut toucher aux éléments essentiels de la cour d'assises, il faut nécessairement se demander si cette institution a encore quelque utilité, sinon légitimité, et ne pas écarter a priori la question d'en envisager la suppression. Le Conseil supérieur ne se prononce pas sur cette opportunité, mais constate qu'elle résoudrait de manière automatique et claire un grand nombre de problèmes fondamentaux dans l'actuelle procédure d'assises tels que l'absence de motivation de la décision et de recours ainsi que la charge importante pour les tribunaux.

III. CONTEXTE GENERAL ET INTERNATIONAL

1. La proposition de loi s'inspire des propositions formulées dans le rapport final de la « Commission Réforme de la cour d'assises », installée fin novembre 2004 par le ministre de la Justice, Madame Laurette Onkelinx. La Commission avait reçu pour mission de réfléchir sur la pertinence et la qualité des actuelles procédures d'assises et, le cas échéant, de formuler des propositions de réforme.

La Commission a développé deux orientations fondamentales possibles dans son rapport intermédiaire du 8 mars 2005: une proposition de suppression de la cour d'assises en sa forme actuelle et son remplacement par une alternative innovante sous la forme d'un « échevinage », d'une part; et d'autre part, une modernisation de la cour d'assises.

La Commission a ensuite développé plusieurs propositions de réforme dans un rapport intermédiaire du 8 novembre 2005. Le rapport final a été transmis le 23 décembre 2005 au ministre de la Justice.

2. Les propositions-clés de la Commission de réforme de la cour d'assises figurant dans son rapport intermédiaire du 8 novembre 2005 ont été intégralement reprises dans la proposition de loi. L'avis du CSJ suit dès lors la structure de ce rapport intermédiaire.

3. Lors de l'élaboration de son avis, le Conseil supérieur est parti de l'hypothèse de travail de respecter autant que possible la philosophie de base au cœur de l'institution du jury.

4. Dans un cadre international élargi, on observe que beaucoup de pays présentent un système où les citoyens, d'une manière ou d'une autre, participent à l'administration de la justice pénale.

Il s'agit soit de pays où le jury populaire existe sous sa forme pure, comme dans beaucoup de pays anglo-saxons, soit de pays où un jury populaire statue seul sur la question de la culpabilité puis avec les juges professionnels sur la peine (par ex. la Belgique et l'Autriche) ou encore de pays où les juges professionnels et jurés se prononcent ensemble et en même temps sur la question de la culpabilité et sur la peine (le système de l'échevinage, comme il en existe différentes variétés en France, en Italie et en Allemagne).

Enfin, il y a également des pays où la justice pénale est entièrement dévolue aux juges professionnels, sans la participation de juges non professionnels (par exemple aux Pays-Bas) (1) .

Dans une étude portant sur l'opportunité d'introduire une participation laïque dans la procédure pénale néerlandaise, le Professeur Theo De Roos conclut, en se basant entre autres sur une comparaison entre le modèle anglo-saxon, le modèle mixte allemand et danois ainsi que le modèle d'assises belge et français: « [traduction libre] Dans tous ces pays, soit un débat est mené autour d'une adaptation du système, soit d'importantes réformes ont été réalisées récemment. On peut déduire de la discussion menée autour de la réforme qu'apporter des modifications au système existant implique toujours des concessions sur certains principes importants, comme la souveraineté du peuple qui serait représenté par le jury (non professionnel). Un point frappant est qu'aucun des cinq pays n'a vu naître de véritable mouvement pour la suppression, même si le maintien de l'élément non professionnel est bel et bien critiqué. Mais ce qui choque le plus dans une approche historique et culturelle du phénomène de la justice non professionnelle, c'est l'ancrage historique et idéologique du système choisi une fois pour toutes dans presque tous les pays, et la réticence à abandonner ce système même s'il suscite encore autant d'objections. Il semble que, partout, on cherche à adapter le système existant, en respectant l'impératif de continuité, et que les partisans de la suppression ne trouvent pas beaucoup d'écho. De plus, il est frappant que le propre choix national soit souvent taxé de fondamental et d'essentiel. » (2) .

IV. CONSIDÉRATIONS SUR LA PROPOSITION DE LOI

1. Cadre spécifique

Propositions-clés

— Création d'un mandat spécifique et d'un cadre permanent pour les présidents de cours d'assises au niveau des cours d'appel.

— Les présidents d'assises seront nommés pour un mandat de 5 ans, renouvelable deux fois, par le Roi (ministre de la Justice), sur proposition du Conseil supérieur de la justice.

— Suppression des deux assesseurs.

Le Conseil supérieur n'est pas partisan de ces propositions.

Création d'un mandat spécifique et d'un cadre permanent pour les présidents de cours d'assises au niveau des cours d'appel

Un mandat spécifique n'est pas souhaitable. Il arrive souvent que ce ne soit qu'après une dizaine d'affaires que l'on sache vraiment si un magistrat est aussi un bon président d'assises. S'il s'avère que ce n'est pas le cas, le système actuel permet au président d'assises de réintégrer facilement sa fonction habituelle. Avec la création d'un mandat spécifique, cette souplesse disparaît et le premier président perd en outre une partie de son rôle de manager.

Le Conseil supérieur est toutefois partisan d'une formation spécifique pour les présidents d'assises. Cette formation devrait comprendre, notamment: les techniques d'interrogatoire, les connaissances en matière de médecine légale, le management d'audience, la résistance au stress, la communication verbale et non verbale et l'empathie. On pourrait même envisager un certificat obligatoire, par analogie avec ce qui est exigé dans l'exercice de la fonction, par ex., de juge d'instruction et de juge de la jeunesse.

Il y lieu, enfin, de remarquer que, dans certaines juridictions, il existe déjà une certaine forme de spécialisation. Ainsi, les magistrats du tribunal de première instance ont déjà constitué sur base volontaire un pool d'assesseurs, afin de perturber le moins possible l'organisation du tribunal. Le parquet général dispose également d'un pool de spécialistes, qui font des assises, tout comme la cour d'appel dispose d'un pool de présidents de cours d'assises.

Les présidents d'assises seront nommés pour un mandat de 5 ans, renouvelable deux fois, par le Roi (ministre de la Justice), sur proposition du Conseil supérieur de la Justice

La réglementation actuelle, qui stipule que pour chaque affaire en assises, le premier président de la cour d'appel désigne un président, est une réglementation souple et suffisante.

Le premier président est le mieux placé pour veiller à ce que l'on désigne les personnes qui conviennent le mieux et que l'organisation de sa cour ne soit pas mise en péril.

Suppression des deux assesseurs

Une cour d'assises avec trois magistrats n'est pas un luxe, certainement pas lorsque des décisions judiciaires doivent être prises.

La suppression des deux assesseurs compliquera considérablement la tâche du président pour les procès d'une certaine ampleur. Pour assurer le poids d'une audience pendant des périodes allant de 5 jours à plusieurs mois, le président doit pouvoir bénéficier d'un soutien suffisant. À cet égard, le rôle des assesseurs ne doit pas être sous-estimé: ils doivent non seulement participer aux délibérations sur la peine, mais aussi contribuer à la rédaction d'arrêts relatifs à des questions de procédure et surtout aux intérêts civils, alors que le caractère juridique et technique des affaires ne cesse de croître.

Qui plus est, les aspects psychologiques et humains ne sont pas négligeables dans les affaires les plus importantes et il est utile de pouvoir compter sur l'assistance d'assesseurs.

De plus, la présence de trois magistrats procure au citoyen une plus grande confiance. Les droits de la défense sont également mieux garantis, puisqu'un assesseur peut avoir une autre opinion que le président. Les assesseurs peuvent également être un facteur de raison si des difficultés se présentent entre le président et une ou plusieurs parties. En outre, l'assistance technique d'un ou de deux référendaires est souhaitable.

Enfin, le Conseil supérieur approuve l'option de faire assister (comme assesseurs) le président de magistrats du siège ayant une expérience des audiences correctionnelles et qui ont été mis à la retraite à 67 ans ou prépensionnés. Cela les intéresserait d'ailleurs certainement.

2. Composition du jury

Propositions-clés

— Réduction du nombre de jurés de 12 à 8.

— Extension de la fourchette d'âge pour être juré de 25 à 65 ans.

— Suppression de la faculté de récuser des jurés sans motif.

— Réforme du système des listes.

— Organisation d'une séance d'information au profit des jurés.

— Constitution du jury de jugement au moins 8 jours avant le début du procès.

— Rejet d'une clause imposant la parité sexuelle au sein du jury.

Réduction du nombre de jurés

Le Conseil supérieur n'est pas favorable à cette proposition.

La proposition découle logiquement de la proposition de réduction du nombre de magistrats professionnels, à savoir la suppression des deux assesseurs. Comme le Conseil supérieur n'est pas partisan de cette suppression, il ne voit donc pas le moindre avantage à revoir le nombre de jurés.

De plus, il existe d'autres désavantages à la réduction du nombre de jurés. Ainsi, la personne du président d'assises risque de jouer un rôle trop dominant dans la délibération. Pour le groupe des jurés également, on peut affirmer que plus le groupe est petit, plus grande est l'influence d'un individu au sein de ce groupe et plus grand le risque d'influence.

Maintenir à 12 le nombre de jurés présente enfin également l'avantage de permettre une exacte majorité des deux tiers, ce que le nombre de 8 ne permet pas.

Fourchette d'âge entre 25 et 65 ans

Le Conseil supérieur est partisan de l'adaptation de la fourchette d'âge, mais d'une autre manière, notamment une fourchette d'âge entre 28 et 63 ans.

Cette fourchette d'âge correspond à la fourchette d'âge d'un magistrat du siège. Dans la pratique également, celui-ci aura 28 ans minimum (après 5 années d'études universitaires, 1 année d'expérience dans une fonction juridique, 1 année entre l'inscription au concours d'accès au stage judiciaire et le début du stage et trois années de stage judiciaire). L'âge et l'expérience de la vie qui sont requis pour l'exercice de la profession de juge peuvent en effet également être demandés aux jurés. Par ailleurs, le Conseil supérieur opte pour un âge maximal de 63 ans. Comme la liste préparatoire des jurés est composée tous les quatre ans, celui qui à ce moment-là aura atteint 63 ans maximum, aura maximum 67 ans lorsqu'il fera partie d'un jury. L'âge de 67 ans correspond à l'âge de la retraite des magistrats du siège (exception faite du régime des magistrats de la Cour de cassation).

Parallèlement à l'attention accordée à une répartition équilibrée des âges du jury, il y a lieu également d'être attentif au risque de déséquilibre social et professionnel au sein du jury. Il arrive effectivement très souvent que les chômeurs et les pensionnés soient proportionnellement surreprésentés dans le jury. Ceux qui exercent une profession indépendante ou libérale se retrouvent fortement sous-représentés dans le jury. Cela est dû plus que probablement aux faibles indemnités attribuées aux jurés. Peut-être qu'un autre système d'indemnisation serait la solution.

Suppression de la possibilité de récuser des jurés sans motif

Le Conseil supérieur n'est pas favorable à cette proposition.

Parfois, il est difficile de révéler les motifs de la récusation, par exemple lorsqu'un candidat juré a un casier judiciaire.

La question de savoir si la partie civile doit pouvoir également récuser des jurés, comme l'accusé et le ministère public, est une question complexe. D'une part, cela semble tout à fait logique compte tenu de la tendance d'attribuer davantage de droits à la partie civile. D'autre part, cela pose quelques problèmes fondamentaux et pratiques, comme la violation de la vie privée des candidats jurés et l'augmentation nécessaire du nombre de candidats jurés. Il se pourra en effet qu'il y ait plus de récusations (de l'ordre de 18 à 36 — selon le nombre de jurés suppléants — contre 12 à 24, comme c'est le cas actuellement) si la partie civile peut récuser un même nombre de jurés que l'accusé et le ministère public.

S'il y a plusieurs parties civiles, se pose en outre la question de savoir si elles peuvent chacune séparément récuser le même nombre de jurés que l'accusé et le ministère public ou si ce nombre s'applique conjointement à toutes les parties civiles (ce par analogie avec le cas où il y aurait plusieurs accusés; ceux-ci ne peuvent en effet pas dépasser ensemble le nombre de récusations auxquelles un accusé a droit).

Même dans cette dernière hypothèse se pose alors la question de savoir si l'accusé n'est pas préjudicié par rapport à la partie civile et au ministère public, puisque ces deux derniers ont souvent des intérêts communs et devraient donc pouvoir ensemble récuser deux fois plus de jurés que l'accusé. L'équilibre qui est garanti dans les règles actuelles, notamment celle selon laquelle l'accusé et le ministère public peuvent récuser un même nombre de jurés (la partie civile ne peut pas récuser de jurés), serait rompu.

D'un point de vue pratique, ces diverses hypothèses ne facilitent pas la réalisation du droit de récusation pour la partie civile.

Réforme du système des listes

Le Conseil supérieur n'est pas favorable à l'ensemble des réformes proposées.

La réforme proposée du système des listes comporte plusieurs aspects, actuellement régis par les articles 217 à 241 du Code judiciaire.

Le Conseil supérieur n'a aucune objection aux propositions suivantes:

— la nouvelle condition légale pour être repris sur la liste des jurés, notamment ne pas avoir encouru de condamnation à une peine de prison de plus de 4 mois ou à une peine de travail de plus de 60 heures (art. 217);

— les articles 218 à 220, qui restent inchangés;

— l'ajout de l'arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale (art. 221);

— l'adaptation à la réforme de l'État, l'ajout des membres du Conseil supérieur sur la liste des personnes que le bourgmestre doit rayer de la liste des jurés et l'ajout de la disposition relative aux condamnations antérieures des jurés potentiels (art. 224). Par ailleurs, le point 4º devrait également reprendre les magistrats suppléants et les membres des tribunaux de l'application des peines;

— les articles 225 à 227, qui restent inchangés;

— l'article 229, qui reste inchangé;

— la suppression de la distinction entre jurés effectifs et suppléants, entraînant la suppression de l'article 233;

— l'ajout de l'arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale à l'article 234;

— la suppression de la différence entre les jurés effectifs et de complément à l'article 236;

— la suppression de la différence entre les jurés effectifs et de complément à l'article 239.

Le Conseil supérieur n'est pas partisan des propositions suivantes:

— L'adaptation de la fourchette d'âge selon les modalités prévues aux articles 217 et 222 (voir ci-dessus). La suppression de la récusation discrétionnaire (voir ci-dessus) et, partant, les adaptations proposées à l'article 223, à savoir la suppression des points 3º, 7º, 8º et 9º de cet article;

— La transmission par la députation permanente de la liste provinciale des jurés au président de la cour d'assises (au lieu du président de la province) (art. 228). Cette proposition découle logiquement de la proposition du cadre permanent du président de la cour d'assises. Comme le Conseil supérieur n'est pas partisan de ce cadre permanent (voir ci-dessus, au « chapitre 1er: cadre spécifique »), il n'est pas non plus partisan de cette proposition d'adaptation de l'article 228;

— l'établissement de la liste définitive des jurés, la suppression de certaines personnes de la liste provinciale et la clôture de la liste définitive par le président de la cour d'assises (au lieu du président du tribunal de première instance) (art. 230, 231 et 232). Le Conseil supérieur n'est pas partisan de cette proposition pour la même raison que celle invoquée concernant l'article 228;

— la suppression du 2e alinéa de l'article 232. Comme cette suppression découle logiquement de la proposition de suppression des points 7º à 9º de l'article 223 et que le Conseil supérieur n'est pas partisan de cette proposition, il n'est pas non plus partisan de la proposition de supprimer le 2e alinéa de l'article 232. L'adaptation de l'article 235: le Conseil supérieur n'est pas partisan de cette proposition pour la même raison que celle invoquée concernant l'article 228;

— l'adaptation de l'élaboration de la liste particulière des jurés pour chaque affaire d'assises (art. 237). Le Conseil supérieur n'est pas partisan de cette proposition pour la même raison que celle invoquée à l'article 228. Qui plus est, le Conseil supérieur est favorable à ce que l'on porte le nombre minimum de jurés sur la liste définitive à 60 (au lieu de 32 dans la proposition). On évite ainsi de toucher au nombre minimum actuel de jurés, en ce sens que ces 60 jurés seront repris sur une liste unique et pas sur deux listes, comme le stipule l'actuel article 237, vu la proposition judicieuse de supprimer la distinction entre jurés effectifs et suppléants et jurés de complément;

— l'adaptation de l'article 238. Le Conseil supérieur n'est pas partisan de cette proposition pour la même raison que celle invoquée à l'article 228. Le Conseil supérieur est toutefois favorable à l'adaptation qui découle de la proposition de supprimer la distinction entre jurés effectifs et jurés de complément;

— l'adaptation de l'article 240. Le Conseil supérieur n'est pas partisan de cette proposition pour la même raison que celle invoquée à l'article 228;

— l'adaptation des articles 240bis et 241, à savoir la composition du jury avant l'audience proprement dite (voir ci-dessous).

Organisation d'une séance d'information au profit des jurés

Le Conseil supérieur est partisan de cette proposition, dans la mesure où cette réunion d'information serait exclusivement réservée aux jurés tirés au sort et pas à tous les candidats jurés repris sur la liste.

Constitution du jury de jugement au moins 8 jours avant le début du procès

Le Conseil supérieur n'est pas partisan de cette proposition.

Bien que l'idée soit bonne de composer le jury à l'avance, le Conseil supérieur estime que composer celui-ci 8 jours avant le début du procès est excessif. Dès le moment où le jury est composé, les jurés ont des droits mais également des obligations. Le jury assume en effet le rôle de juge. Ainsi, les jurés ne peuvent communiquer avec qui que ce soit avant que leur déclaration ait été faite et ils doivent se prononcer sur base des charges invoquées et des moyens de la défense. Dès lors, plus le jury est composé à l'avance, plus grand est le risque que les jurés prennent déjà connaissance de l'affaire avant l'ouverture des débats et qu'ils soient influencés par des sources d'information extérieures (comme les médias) ou par les parties au procès.

Une proposition meilleure serait dès lors que la cour d'assises débute le premier jour ouvrable qui suit la composition du jury. On perpétue ainsi la pratique actuelle d'organiser la composition du jury un vendredi matin. La séance d'information au profit des jurés pourrait alors être organisée le vendredi après-midi, ce qui permettrait de commencer l'affaire le lundi suivant. Le week-end devrait suffire aux jurés pour organiser leur agenda et prendre les dispositions pratiques nécessaires, tout en limitant les risques évoqués.

Enfin, le Conseil supérieur n'est pas partisan de la proposition de faire juger les faits par la cour d'appel, dans le cas de crimes terroristes après la constatation par le président de l'échec d'au moins deux tentatives de composer un jury. Tout d'abord, cela porte atteinte au principe du système du jury pour les faits graves, qui ont également souvent un contexte politique (même s'il ne s'agit pas de crimes politiques au sens technique du terme). En outre, la proposition risque d'encore réduire la disposition des citoyens à siéger dans un jury. Si la chambre des mises en accusation juge que l'affaire doit être déférée devant la cour d'assises, il faut alors l'organiser en conséquence et convoquer, le cas échéant, plus de candidats jurés.

Rejet d'une clause imposant la parité sexuelle au sein du jury

Le Conseil supérieur est partisan de cette proposition.

3. Le délibéré conjoint

Propositions-clés

— Le président de la cour d'assises et le jury délibèrent ensemble tant sur la culpabilité que sur la peine.

— Le principe d'un double délibéré est toutefois conservé.

— En ce qui concerne la culpabilité, les règles de majorité sont adaptées proportionnellement à la réduction du nombre de jurés et de magistrats.

— Le président ne participe pas à la décision sur la culpabilité, sauf lorsque la majorité pour condamner n'est pas suffisamment qualifiée, comme c'est déjà le cas actuellement.

— En ce qui concerne la peine, les règles actuelles de délibération sont maintenues.

Le président de la cour d'assises et le jury délibèrent ensemble tant sur la culpabilité que sur la peine

Le Conseil supérieur n'est pas partisan de cette proposition.

Le Conseil supérieur estime qu'il est préférable de ne pas toucher à la règle actuelle en vertu de laquelle le jury délibère seul et décide seul de la question de la culpabilité, car il s'agit là d'un aspect essentiel de la procédure en assises. En y touchant, la nature de la procédure en assises, et plus encore, la raison d'être même de la cour d'assises, s'en trouverait trop fortement atteinte. Le président d'assises, pour qui dire le droit est une activité professionnelle -contrairement aux membres du jury, qui n'ont pas d'expérience dans ce domaine —, risque en effet, même involontairement, d'exercer un rôle trop dominant dans la délibération. On risque ainsi de perdre la spécificité et le caractère propre de la procédure d'assises, notamment une justice rendue par le « peuple ».

Cela n'empêche que l'on puisse se montrer quelque peu compréhensif à l'égard du ratio legis de cette proposition, notamment apporter une assistance technique et juridique au jury. Les expériences concrètes montrent que ce n'est certainement pas superflu. Pour y parvenir, il serait toutefois préférable de penser à un autre type de réforme, notamment celle décrite ci-dessous.

Il reste avant tout primordial que le président de la cour d'assises ne participe pas au délibéré même. Si le jury a encore des questions juridiques, autres que les questions juridiques visées à l'article 312bis C.I.cr. (3) , ne nécessitant pas de répondre aux éléments de fait de l'affaire, on pourrait prévoir que la Cour, en présence des parties, puisse se rendre dans la chambre où le jury délibère pour répondre à ces questions. Il est crucial ici que le président ne puisse répondre que par une formulation générale et abstraite aux questions du jury, sans entrer en détail dans l'affaire. L'actuel article 343, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle pourrait être adapté dans ce sens.

Enfin, on peut ajouter que, pour autant que la présence du président au délibéré repose partiellement sur le fait qu'elle serait jugée utile, si pas nécessaire, à la rédaction de la motivation de l'arrêt, le Conseil supérieur peut maintenant déjà noter qu'il a développé une alternative à la rédaction de la motivation (voir à ce propos le chapitre 4: « La motivation »).

Le principe d'un double délibéré est toutefois conservé

Le Conseil supérieur est partisan de cette proposition.

En ce qui concerne la culpabilité, les règles de majorité sont adaptées proportionnellement à la réduction du nombre de jurés et de magistrats

Le Conseil supérieur n'est pas partisan de cette proposition.

Comme le Conseil supérieur n'est pas partisan de la limitation du nombre de magistrats et de jurés (voir ci-dessus), les règles de la majorité ne doivent pas être adaptées.

Le président ne participe pas à la décision sur la culpabilité, sauf lorsque la majorité pour condamner n'est pas suffisamment qualifiée, comme c'est déjà le cas actuellement

Le Conseil supérieur est partisan de cette proposition.

Il a déjà été exposé ci-dessus que si le président participait au délibéré portant sur la question de la culpabilité, il y a un risque que le président n'exerce un rôle trop dominant dans la prise de décision.

Il y a toutefois lieu de rappeler que le Conseil supérieur n'est pas partisan de la suppression des assesseurs (voir ci-dessus), ce qui a pour corollaire que, lorsque la majorité en faveur de la condamnation n'est pas suffisamment qualifiée, en plus du président, les assesseurs devront participer à la décision autour de la question de la culpabilité.

En ce qui concerne la peine, les règles actuelles de délibération sont maintenues

Le Conseil supérieur est partisan de cette proposition.

4. Motivation

Propositions clés

— La cour d'assises doit motiver sa décision.

— Cela s'applique tant à la condamnation qu'à l'acquittement.

— Il n'y a aucune obligation de répondre aux conclusions sur la culpabilité.

— Le président rédige la motivation, laquelle doit être approuvée par les jurés qui portent la décision.

— Le vote a lieu en délibération, mais pas au scrutin secret.

La décision doit être motivée

Le Conseil supérieur est partisan de cette proposition.

Comme la Cour européenne des droits de l'homme a condamné très récemment l'État belge pour violation du droit à un procès équitable parce que la condamnation de l'accusé n'était pas (suffisamment) motivée/individualisée dans une affaire d'assises (Taxquet vs. Belgique 13.01.09, nº 926/05), le maintien de la législation actuelle, à savoir l'absence de motivation de la décision de la cour d'assises, n'est plus une option.

La motivation peut également se justifier par l'article 149 de la Constitution qui dispose que « tout jugement est motivé ». Comme le pouvoir constituant ne prévoit pas d'exception pour la cour d'assises, on peut en déduire qu'il est indiqué également que les arrêts de la cour d'assises doivent être eux aussi motivés.

La motivation permet également d'exercer par la suite un contrôle sur la décision, ouvrant ainsi la voie de l'introduction d'une possibilité de recours. En effet, sur quelle base le condamné devra-t-il ou pourra-t-il autrement s'appuyer pour interjeter appel de sa condamnation s'il n'existe pas la moindre motivation et que, en d'autres termes, il ne sait donc pas sur la base de quels motifs la décision a été prise ? Le même problème se pose au niveau de l'instance qui devra, en appel, prendre connaissance de l'affaire. Comment peut-elle apprécier la décision du premier juge si elle ne connaît pas les motifs de cette décision ?

Il découle naturellement de ce choix une nécessité de revoir l'article 342 C.I.cr., du moins la première phrase de son quatrième alinéa, qui dispose que la loi « ne demande pas compte aux jurés des moyens par lesquels ils se sont convaincus ».

Motivation tant pour la condamnation que pour l'acquittement

Le Conseil supérieur est partisan de cette proposition.

Toutes les parties (tant l'accusé, la partie civile que le ministère public) ont le droit de savoir sur la base de quels motifs l'accusé a été condamné ou acquitté.

On peut encore ajouter que cela va indéniablement soit rendre la décision plus compréhensible et acceptable pour les parties soit leur donner l'occasion d'envisager en connaissance de cause un recours ou un pourvoi en cassation.

En outre, cette obligation découle également de l'arrêt Taxquet précité, rendu par la Cour européenne des droits de l'homme.

Pas d'obligation de répondre aux conclusions sur la culpabilité

Le Conseil supérieur est partisan de cette proposition.

Il existe différentes possibilités de satisfaire à l'obligation de motivation, à savoir soit par une motivation étendue incluant la réponse aux conclusions, soit par une motivation sommaire sans obligation de répondre aux conclusions.

Il est ici encore une fois suffisant de se référer à l'arrêt Taxquet précité, dans lequel la Cour européenne rappelle sa jurisprudence constante sur ce point: « Les décisions judiciaires doivent indiquer de manière suffisante les motifs sur lesquels elles se fondent. L'étendue de ce devoir peut varier selon la nature de la décision et doit s'analyser à la lumière des circonstances de chaque espèce » et « Si l'article 6, § 1er, oblige les tribunaux à motiver leurs décisions, cette obligation ne peut se comprendre comme exigeant une réponse détaillée à chaque argument ».

Par cet arrêt, la Cour européenne montre clairement qu'une motivation étendue n'est pas nécessaire.

D'un point de vue pratique, cette obligation de réponse aux conclusions devrait d'ailleurs entraîner de sérieux problèmes, certainement s'il peut être admis que le nombre et le volume des conclusions s'en trouveraient probablement accrus fortement, avec pour corollaire négatif un allongement considérable (des semaines voire des mois) du délai de rédaction d'un arrêt. En tout cas, cette option n'entraînera pas un allégement de la procédure en assises mais, au contraire, un alourdissement. Du point de vue des principes, on peut également signaler le risque que la procédure essentiellement orale devant la cour d'assises ne finisse par être réduite à une procédure écrite.

Une motivation sommaire de la décision suffit donc, à savoir ne reprendre dans l'arrêt que de manière simple et succincte les éléments concrets (décisifs) qui fondent la réponse à la question de la culpabilité. Il peut donc suffire de n'indiquer que les éléments sur lesquels le jury s'est basé pour rendre son jugement. Il ne faut pas répondre aux questions de droit, celles-ci devraient avoir déjà fait l'objet d'une décision, puisque pour traiter les questions de procédure visées à l'article 312bis du C.I.cr. une audience préliminaire est organisée (cf. infra). Il ne faut par ailleurs pas rédiger une motivation par question posée au jury, mais uniquement une motivation par condamnation (par analogie avec la motivation au tribunal correctionnel).

Le président rédige la motivation, laquelle doit être approuvée par les jurés qui soutiennent la décision

Le Conseil supérieur est partisan de cette proposition.

Il est effectivement préférable de confier la rédaction de la motivation au président et aux assesseurs, compte tenu également de la complexité croissante des affaires. La rédaction se fait naturellement sur base des éléments que le jury leur communique.

Le Conseil supérieur souhaite ici encore rappeler qu'il n'est pas partisan d'une délibération du président et des assesseurs avec le jury autour de la question de la culpabilité, pour éviter toute forme d'influence (voir ci-dessus). C'est pourquoi le Conseil supérieur a une proposition alternative à la rédaction de la motivation.

La rédaction de la motivation pourrait être organisée de telle manière que, pendant la délibération, le (chef du) jury consigne les arguments déterminants. Le jury prendrait ensuite la décision et la communiquerait à l'audience.

Immédiatement après, le président, les assesseurs et le jury se rendraient à nouveau en chambre des délibérations où les magistrats professionnels rédigeraient la motivation en se basant sur les arguments consignés par écrit et des explications éventuelles. Une fois la motivation rédigée, elle serait soumise à l'approbation des jurés. La motivation serait enfin jointe à l'arrêt définitif.

S'il s'avère, après communication des arguments en vue de la rédaction de la motivation, que l'accusé a été jugé coupable, mais que le jury s'est trompé au fond, la cour peut toujours faire application de l'article 352 C.I.cr., qui prévoit la possibilité de surseoir à l'arrêt et de renvoyer l'affaire devant un autre jury.

On crée ainsi une double garantie: d'une part, les magistrats professionnels ne sont pas présents à la délibération, laissant ainsi toute autonomie au jury, et, d'autre part, il y a la garantie que, si le jury s'est trompé, une nouvelle procédure pourra être engagée devant un nouveau jury.

L'article 352 C.I.cr. alinéa 1er, devrait de préférence être adapté comme suit: « Si, dans le cadre de la rédaction de la motivation, hormis le cas de l'article 118 de la loi du 18 juin 1869 sur l'organisation judiciaire, les juges sont unanimement convaincus que les jurés, tout en observant les formes, se sont trompés sur la preuve, la cour déclarera qu'il est sursis au jugement et elle renverra l'affaire à la prochaine audience, pour qu'elle soit soumise à un nouveau jury, dont aucun des premiers jurés ne pourra faire partie ». On évite ainsi que les juges professionnels soient obligés de rédiger une motivation dont ils sont eux-mêmes convaincus qu'elle va à rencontre des règles générales de la preuve en matière pénale. Un exemple pourrait être que la décision du jury s'appuie uniquement sur les déclarations d'un témoin anonyme. Il ne s'agit bien entendu pas du cas où, par exemple, les juges professionnels ont une autre opinion sur la fiabilité de l'un ou l'autre témoignage.

La question se pose de savoir si l'art. 352 C.I.cr. a encore une raison d'être, si on crée une possibilité de recours contre les arrêts de la cour d'assises. Le Conseil supérieur pense que oui, notamment pour les cas où il est indéniablement question d'une violation de la loi ou d'une violation des règles générales de la preuve en matière pénale. De surcroît, les conséquences de l'application de cet article seraient différentes du cas d'un éventuel recours (circulaire), dans ce sens que l'affaire serait également soumise à un nouveau jury, mais que ce dernier se prononcerait à nouveau en première instance.

Le scrutin n'est plus secret

Le Conseil supérieur n'est pas partisan de cette proposition.

Il semble logique que les jurés à l'origine de la décision doivent avaliser la motivation rédigée par les magistrats professionnels.

Ce n'est naturellement pas sans effet sur le secret du scrutin, qui ne doit pas pour autant être nécessairement levé.

Le Conseil supérieur souligne sa proposition alternative concernant la rédaction de la motivation, consistant lors de la délibération à déjà faire consigner (par le chef du jury par exemple) les arguments décisifs pour les expliquer ensuite aux magistrats professionnels. Le secret du scrutin serait ainsi garanti, du moins vis-à-vis du monde extérieur, y compris des magistrats professionnels. Quant aux jurés entre eux, il y a lieu de remarquer que — scrutin secret ou non — l'attitude de la plupart des jurés vis-à-vis de la question de la culpabilité apparaîtra généralement déjà évidente pendant la délibération.

5. Voie de recours

Propositions-clés

— Pas de recours de pleine juridiction.

— Contrôle unique par la Cour de cassation, lequel est étendu suite à l'obligation de motivation.

— Enregistrement des débats afin de permettre également le contrôle de la cassation sur la violation de la force probante des témoins.

Le Conseil supérieur estime que l'on ne peut plus défendre le fait qu'un arrêt de la cour d'assises ne soit susceptible d'aucun recours. Aujourd'hui, seul le pourvoi en cassation est possible, puisque la cour d'assises décide à la fois en première instance et en dernière instance, la Cour de cassation examinant uniquement la légalité et la régularité de la décision.

Le Conseil supérieur est dont partisan par principe de la possibilité d'interjeter appel. Tout d'abord, parce que cela est souhaitable dans une perspective européenne (CEDH (4) ) et internationale (PIDCP (5) ). Ensuite, parce qu'il ne semble pas logique que l'on ait actuellement la possibilité pour des plus petits délits, comme une affaire de vol par ex., de faire contrôler la décision du juge de première instance par un juge de l'appel, alors que ce n'est pas le cas pour les délits plus graves, que la cour d'assises tranche.

Pas de recours de pleine juridiction

Le Conseil supérieur n'est pas partisan de cette proposition.

Si l'on part du principe que l'institution du jury doit être respectée autant que possible, même en degré d'appel, le Conseil supérieur voit plusieurs options pour organiser une forme d'appel:

— un recours de pleine juridiction ou un appel « circulaire » (comme en France). Cela implique de devoir recommencer le procès de A à Z devant une autre cour d'assises, un autre jury populaire, d'autres magistrats professionnels, etc.;

— un recours devant une chambre composée d'un magistrat professionnel et de deux magistrats non professionnels (ledit système de l'échevinage), comme il en existe actuellement dans les juridictions du travail par exemple ou les tribunaux de l'application des peines;

— un recours comme précisé dans les deux points précédents mais associé à un premier tri des affaires par une sorte de « leave to appeal », consistant à soumettre la demande de recours à l'approbation d'une (chambre spéciale d'une) juridiction compétente ou d'un collège distinct (par exemple composée de plusieurs magistrats des cours d'appel et de la Cour de cassation). Cette autorisation est donc octroyée ou refusée par une chambre spéciale de la cour d'appel, qui vérifie par un examen sommaire si les arguments pour interjeter appel sont fondés ou si le recours est introduit dans le but de faire traîner une affaire.

Si on opte pour que la motivation devienne obligatoire et qu'on souhaite l'assortir d'une forme de contrôle via un appel, il n'y a, d'après le Conseil supérieur et d'un point de vue strictement juridique et théorique, qu'un moyen valable d'y parvenir, à savoir, par le biais du recours de pleine juridiction ou de l'appel « circulaire ».

Cette première option entraîne cependant de grandes objections de principe et pratiques. Sur le plan des principes se pose la question de la légitimité d'un nouveau traitement par un nouveau jury. En effet, un jury populaire puise sa légitimité dans le fait qu'il incarne la souveraineté du « peuple ». Pourquoi ce même « peuple » devrait-il se prononcer une seconde fois sur la même affaire ? Cela ne semble pas logique. D'un point de vue pratique se pose la question de savoir si l'appareil judiciaire pourra absorber la charge de travail supplémentaire qui découlera de l'augmentation du nombre d'affaires en assises (qu'est-ce qui retiendra une personne condamnée à vie de faire appel ?). Faut-il rappeler que l'organisation de chaque affaire en assises est lourde pour toutes les personnes concernées et que les procès d'assises les plus complexes peuvent durer des semaines, voire des mois ?

Vu la complexité de la problématique et les désavantages liés à l'ensemble des options précédentes, le Conseil supérieur estime qu'une question s'impose: ne vaudrait-il pas mieux envisager une suppression de la cour d'assises ?

En cas de suppression, les affaires qui sont actuellement traitées par la cour d'assises pourraient en effet être traitées par des chambres spéciales du tribunal correctionnel et seraient par conséquent automatiquement susceptibles de faire l'objet d'un appel « normal », comme c'est le cas pour les autres affaires correctionnelles.

Contrôle unique par la Cour de cassation, lequel est étendu suite à l'obligation de motivation

Le Conseil supérieur n'est pas partisan de cette proposition.

La proposition de prévoir une voie de recours spécifique, soit le seul contrôle par la Cour de cassation, mais étendu suite à l'obligation de motivation, ne suffit pas. Si cette voie de recours est peut-être plus étendue que le pourvoi classique en cassation, elle ne constitue pas un recours à part entière. En outre, la Cour de cassation ne connaît pas du fond d'une affaire alors que ce serait ici le cas pour la motivation.

Si l'on veut introduire la possibilité d'un recours, il faut prévoir un recours digne de ce nom et ne pas se limiter à une sorte d'appel allégé.

Enregistrement des débats afin de permettre également le contrôle de la cassation sur la violation de la force probante des témoins

Le Conseil supérieur n'est pas partisan de cette proposition puisqu'il n'est pas partisan du contrôle étendu de la Cour de cassation.

L'enregistrement automatique n'est donc pas nécessaire et ne doit être effectué que si les parties en font la demande dans leurs conclusions. La cour rendra alors un jugement intermédiaire (procédure par analogie avec la demande de tenir l'audience à huis clos).

Si l'enregistrement est accordé, il devrait être possible de la faire tant de façon visuelle qu'audio.

6. Compétence

Propositions-clés

— La compétence de la cour d'assises est déterminée selon une liste positive et définitive en fonction de critères objectifs.

— Des crimes passibles d'une peine privative de liberté à perpétuité sont toujours renvoyés devant les assises; les crimes ayant entraîné la mort avec l'intention de la donner ainsi que, par extension, certains crimes ayant entraîné la mort sans intention de la donner, mais avec une violence particulière.

— La Constitution doit être adaptée à la nouvelle règle de compétence.

— Le tribunal correctionnel peut appliquer des peines criminelles pour les crimes qui relèveront de sa compétence.

— La correctionnalisation par les juridictions d'instruction en raison de circonstances atténuantes est supprimée.

Les propositions partent de l'idée d'une redéfinition complète des compétences de la cour d'assises sur la base de la constatation que la technique actuelle de la correctionnalisation systématique de la majorité des crimes n'est plus souhaitable. Par ailleurs, la compétence d'appréciation souveraine pour le renvoi au tribunal correctionnel ou à la cour d'assises mettrait en péril le principe d'égalité. De plus, l'application quasi automatique de la correctionnalisation par les juridictions d'instruction serait aussi en contradiction avec le principe de légalité.

— La compétence de la cour d'assises est déterminée selon une liste positive limitative, sur base de critères objectifs.

— Les crimes passibles de l'emprisonnement à perpétuité vont toujours à la cour d'assises; ainsi que les crimes avec une victime décédée et l'intention de tuer et, par extension, certains crimes avec une victime décédée, sans l'intention de tuer, mais avec tout de même une cruauté particulière.

Les deux premières propositions sont débattues en même temps en raison de leur interconnexion. Le Conseil supérieur n'est que partiellement partisan de ces propositions. Il suggère une solution intermédiaire.

1. Dans l'état actuel de la législation, en vertu de l'article 150 de la Constitution, tous les crimes doivent être renvoyés devant la cour d'assises. La loi du 4 octobre 1867 sur les circonstances atténuantes stipule toutefois que toute une série de crimes peuvent être portés devant le tribunal correctionnel par le biais de la correctionnalisation. Il s'agit en l'occurrence des délits énumérés par l'article 2 de la loi du 4 octobre 1867 et plus exactement de:

— tous les crimes dont la peine prévue par la loi n'excède pas les 20 ans de réclusion;

— le crime visé à l'article 347bis du Code pénal, lorsque la prise d'otages n'a causé aux otages qu'une incapacité permanente physique ou psychique, quel que soit l'âge de la personne prise comme otage;

— le crime visé à l'article 472 du Code pénal, qui, par application de l'article 473 du même Code, est puni de la réclusion de vingt ans à trente ans, si les violences ou les menaces n'ont eu pour la victime d'autres suites qu'une incapacité permanente physique ou psychique;

— le crime visé à l'article 510 du Code pénal, qui, par application de l'article 513 du même Code, deuxième alinéa, est puni de la réclusion de vingt ans à trente ans, du fait que le feu a été mis pendant la nuit;

— le crime visé à l'article 518, 1er alinéa, du Code pénal, qui, par application du 2e alinéa du même article, est puni de 22 ans de réclusion;

— le crime visé à l'article 530, dernier alinéa, du Code pénal, qui, par application de l'article 531 du même Code, est puni de vingt à trente ans de réclusion si les violences ou les menaces n'ont pour la victime d'autres suites qu'une incapacité permanente de travail personnel;

— le crime visé à l'article 375, dernier alinéa, du Code pénal.

L'expérience nous enseigne que le recours à la correctionnalisation se fait effectivement de façon massive, de sorte qu'il faut admettre que les crimes énumérés ci-dessus sont pratiquement toujours portés devant le tribunal correctionnel.

2. La proposition de loi se base sur une approche tout à fait différente. La compétence de la cour d'assises n'est pas définie comme dans la loi du 4 octobre 1867, c'est-à-dire en excluant un certain nombre de crimes, mais par la rédaction d'une liste positive et limitative de crimes devant obligatoirement être renvoyés devant la cour d'assises.

Ces crimes sont énumérés dans la nouvelle version proposée de l'article 217 du Code d'instruction criminelle (page 27 de la proposition de loi). Il s'agit des crimes et délits contre la sûreté de l'État, des violations graves du droit humanitaire, des infractions terroristes ayant entraîné la mort d'une ou plusieurs victimes, de prises d'otages, de viol ayant entraîné la mort, d'homicide volontaire, de torture ayant entraîné la mort, d'enlèvement ou détention de mineurs ayant entraîné la mort, de meurtre commis pour faciliter le vol ou l'extorsion, d'incendie ayant entraîné la mort d'une victime et de meurtres commis pour faciliter la destruction ou le dégât.

La technique suivie par la proposition de loi a deux conséquences: d'une part, ces crimes doivent obligatoirement être renvoyés devant la cour d'assises. D'autre part, les crimes qui ne figurent pas sur cette liste ne peuvent pas être portés en assises et devront obligatoirement être traités par le tribunal correctionnel. Le tribunal correctionnel se voit confier la compétence de prononcer les peines criminelles prévues dans la loi pour ces faits.

Importante conséquence de la proposition de loi: les tentatives punissables, à l'exception des cas de connexité, ne doivent plus être portées devant la cour d'assises.

3. Le Conseil supérieur se rallie à l'idée que la correctionnalisation systématique à travers l'admission de circonstances atténuantes n'est absolument pas satisfaisante. Le Conseil supérieur craint lui aussi que cette application quasi automatique de la correctionnalisation puisse être contraire au principe de légalité et, le cas échéant, au principe d'égalité.

Le Conseil supérieur a toutefois de sérieuses réserves quant à la proposition visant à soustraire, systématiquement, à la cour d'assises les tentatives punissables de faits relevant de celle-ci. En effet, il peut arriver que certains faits doivent être, d'un point de vue légistique, qualifiés de tentative punissable mais que, d'un point de vue sociétal et compte tenu des circonstances particulières qui les caractérisent, il soit souhaitable d'avoir tout de même la possibilité de les porter devant la cour d'assises. Le texte de la proposition de loi ne permet pas une telle possibilité.

Par ailleurs, le Conseil supérieur est également sensible aux remarques qui ont été formulées à plusieurs reprises lors des auditions et qui consistaient à dire qu'il devrait également être possible que des crimes qui figurent sur cette liste et qui devraient dès lors être traités par la cour d'assises puissent, le cas échéant, être portés devant le tribunal correctionnel. Nonobstant les arguments pertinents de la Commission « Réforme de la cour d'assises », le Conseil supérieur comprend le souhait d'organiser de façon plus souple l'attribution éventuelle d'une affaire à la cour d'assises, en tenant compte des particularités de l'affaire.

Par conséquent, le Conseil supérieur de la Justice opte plutôt pour une solution intermédiaire permettant d'une part d'organiser le renvoi vers la cour d'assises de façon souple et mettant fin d'autre part — pour une bonne partie — à l'insatisfaisante technique susmentionnée de la correctionnalisation systématique.

Le Conseil supérieur partage bien l'avis de l'auteur de la proposition de loi consistant à dire que le but ne peut être d'élargir davantage les compétences actuelles de la cour d'assises.

Le Conseil supérieur estime dès lors qu'il serait souhaitable, d'une part, de conserver légalement les compétences théoriques actuelles de la cour d'assises, mais de permettre d'autre part à la chambre des mises en accusation de renvoyer ces crimes au tribunal correctionnel par l'admission de circonstances atténuantes.

De façon schématique, la proposition du Conseil supérieur revient donc à dire:

— pour les faits qui sont actuellement correctionnalisables et qui, dans la pratique, sont aussi systématiquement correctionnalisés, cette possibilité théorique de correctionnalisation serait levée et ces faits seraient renvoyés d'office au tribunal correctionnel, lequel pourra alors infliger la peine prévue par la loi;

— pour les faits qui ne sont aujourd'hui pas correctionnalisables en vertu de la loi du 4 octobre 1867, la chambre des mises en accusation se verrait confier la possibilité de les renvoyer devant le tribunal correctionnel.

Les crimes qui sont directement envoyés devant le tribunal correctionnel ne doivent pas être définis comme des délits mais bien comme des crimes relevant de la compétence du tribunal correctionnel.

La Constitution doit être adaptée à la nouvelle règle de compétence

Le Conseil supérieur est partisan d'une adaptation de la Constitution et de certaines lois, non pas comme proposé dans la proposition de loi, mais en fonction de la proposition du Conseil supérieur exposée au point précédent.

Il faut tout d'abord modifier la Constitution.

À cet égard, le Conseil supérieur fait observer qu'une proposition a déjà été introduite le 24 avril 2007 en vue de la révision de l'article 150 de la Constitution. Selon cette proposition, l'article 150 de la Constitution serait modifié comme suit: « Le jury est établi pour les affaires criminelles prévues par la loi, ainsi que pour les délits politiques et de presse, à l'exception des délits de presse inspirés par le racisme ou la xénophobie. ». Le Conseil supérieur estime que cette modification de la Constitution suffit. Avec cette modification, la définition des compétences de la cour d'assises et du tribunal correctionnel revient pleinement à la loi.

Puisque le Conseil supérieur ne part pas d'une liste positive de crimes devant impérativement être confiés à la cour d'assises, la version proposée de l'article 217 du Code d'instruction criminelle doit être adaptée selon le principe suivant: tous les crimes doivent être portés devant la cour d'assises, à l'exception de la liste de crimes figurant actuellement sous l'article 2 de la loi du 4 octobre 1867.

Une autre possibilité consiste à définir la compétence de la cour d'assises sous l'article 217 proposé et à dire que la cour d'assises est compétente pour tous les crimes dont la peine prévue par la loi excède les 20 ans de réclusion, à l'exception des crimes qui, aujourd'hui, sont déjà énumérés dans l'article 2 de la loi du 4 octobre 1867, troisième alinéa, 2º à 7º. Ces six cas concernent en effet systématiquement des crimes qui en théorie peuvent être punis par plus de vingt ans de réclusion, mais qui sont correctionnalisables. L'avantage de cette dernière définition est que la compétence de la cour d'assises est définie de façon positive.

La correctionnalisation par les juridictions d'instruction sur base des circonstances atténuantes est supprimée

Le Conseil supérieur est partiellement d'accord avec cette proposition.

Par conséquent, la juridiction d'instruction ne retient pas de circonstances atténuantes pour les crimes qui, en vertu de la définition exposée au point précédent, sont directement portés devant le tribunal correctionnel.

Ce qui n'empêche toutefois pas la juridiction de jugement de pouvoir retenir des circonstances atténuantes. L'effet de réduction de peine des circonstances atténuantes peut être réalisé par les juridictions de jugement de la même manière qu'il l'est aujourd'hui par les juridictions d'instruction.

À cet égard, le Conseil supérieur se joint à la Commission pour faire le constat que les peines prévues dans la loi pour ces crimes ne sont, d'un point de vue sociétal, plus adaptées à notre époque et sont perçues comme excessives, ce qui devrait à l'avenir donner lieu à une révision globale des peines prévues dans le Code pénal et dans les lois spéciales.

En ce qui concerne les crimes qui, conformément à la définition susmentionnée, sont confiés à la cour d'assises, le Conseil supérieur propose que la chambre des mises en accusation puisse retenir des circonstances atténuantes et par conséquent que ces faits puissent être renvoyés devant le tribunal correctionnel, et plus précisément devant une chambre à trois juges.

La loi du 4 octobre 1867 et la correctionnalisation qui y est prévue sont par conséquent maintenues, avec, toutefois, un champ d'application restreint, c'est-à-dire uniquement pour les crimes qui sont confiés à la cour d'assises en vertu de l'article 217 du Code d'instruction criminelle. Le fait que la technique de la correctionnalisation soit perçue dans un certain sens comme peu souhaitable ne contrebalance pas, selon le Conseil supérieur, les avantages que ce système — appliqué de façon restreinte — implique en permettant, le cas échéant, de renvoyer ces crimes vers le tribunal correctionnel.

Maintenant que la compétence de la cour d'assises serait définie de façon positive sous l'article 217 du Code d'instruction criminelle, l'article 2 de la loi du 4 octobre 1867 doit également être réécrit.

Il faut avant tout comprendre que cet article ne s'applique désormais plus qu'aux faits qui doivent impérativement être soumis à la cour d'assises. Par ailleurs, il faudra aussi clairement indiquer sous l'article 2 de la loi du 4 octobre 1867 que la chambre des mises en accusation est la seule compétente pour renvoyer devant le tribunal correctionnel des faits qui doivent en principe être confiés à la cour d'assises. Il ne semble pas souhaitable de permettre à la chambre du conseil d'en décider à ce niveau déjà.

Enfin, le Conseil supérieur peut adhérer à l'option de conserver la correctionnalisation sur base des causes d'excuse atténuantes. Concernant les affaires d'assises, il s'agit en fait de la problématique de la provocation. Il convient d'examiner si, contrairement aux circonstances atténuantes, il est possible d'avoir déjà un débat sur l'existence des ces causes d'excuse atténuantes devant la chambre du conseil ou uniquement devant la chambre des mises en accusation. À cet égard, il convient de noter que la proposition de la Commission ne confie cette appréciation qu'à la chambre des mises en accusation.

Le tribunal correctionnel peut imposer des peines criminelles pour les crimes qui relèveront de sa compétence

Le Conseil supérieur est partisan de cette proposition.

Il convient de prévoir qu'en cas de renvoi devant le tribunal correctionnel d'un fait revenant en principe à la cour d'assises, la peine à prononcer par le tribunal correctionnel peut s'élever à maximum 20 ans, puisque c'est aussi la peine maximale pour le premier groupe de crimes qui sont directement confiés au tribunal correctionnel. Cette peine reste une peine criminelle.

7. Allégement et modernisation de la procédure

Propositions-clés

— Le règlement de la procédure est directement confié à la chambre des mises en accusation.

— La compétence du président d'engager une enquête complémentaire préalablement à l'audience est supprimée.

— La possibilité pour le président de la cour d'assises d'interroger l'accusé avant le début des débats est supprimée.

— Une audience formelle préliminaire est organisée, en l'absence du jury, en vue de: traiter les questions de procédure visées à l'article 312bis du Code d'instruction criminelle; établir la liste des témoins; traiter d'éventuelles requêtes de parties ou des initiatives d'office du président de procéder à une enquête complémentaire.

— Une enquête de moralité multidisciplinaire est rédigée sous la responsabilité du SPF Justice et exposée à l'audience.

— Les parties ont droit à un nombre limité de témoins de moralité à l'audience; le président peut en outre juger la valeur ajoutée des témoins cités.

— Le président dispose d'un droit d'évaluation marginal portant la possibilité de refuser des témoins qui n'ont manifestement aucun rapport avec les faits à charge de l'accusé ni avec sa culpabilité ou son innocence.

— L'obligation de « lire » l'acte d'accusation est remplacée par un exposé succinct de l'accusation.

— La possibilité de formuler des « remarques » après les témoignages est supprimée.

— Le système des questionnaires ne doit pas être maintenu

— Au besoin, il peut y avoir réouverture.

Le règlement de la procédure est directement confié à la chambre des mises en accusation

Le Conseil supérieur n'est pas partisan de cette proposition parce qu'elle n'offre pas vraiment de valeur ajoutée. C'est la raison pour laquelle il est favorable au maintien du système actuel.

L'intérêt de la réglementation actuelle, telle que décrite à l'article 133 du Code d'instruction criminelle qui prévoit qu'après une instruction judiciaire, c'est d'abord à la chambre du conseil de décider si les charges sont suffisamment fondées, réside en ce que le juge d'instruction fait systématiquement rapport. Pour la chambre des mises en accusation, il n'y a pas d'obligation de rapport pour le juge d'instruction.

De plus, le ministère public et la partie civile (en cas de non-lieu) et l'inculpé (en cas d'irrégularités, de manquements ou de nullités) perdraient un degré d'instance.

Enfin, la simplification envisagée n'impliquera pas une économie de temps importante.

À ce propos, le Conseil supérieur souhaite attirer l'attention sur un autre problème, lorsque, dans le cadre du traitement par la chambre du conseil (article 133 du Code d'instruction criminelle), le ministère public a requis une ordonnance de prise de corps d'exécution immédiate et que l'affaire est envoyée à la chambre des mises en accusation sans que la chambre du conseil n'ait pris de décision sur la question. Selon l'article 135 du Code d'instruction criminelle, le ministère public et la partie civile peuvent interjeter appel contre toutes les ordonnances de la chambre du conseil, mais comme il n'est en l'occurrence pas question d'ordonnance, l'appel n'est pas possible.

C'est la raison pour laquelle il conviendrait de stipuler que le ministère public a la possibilité d'interjeter appel dans ce cas de figure également. Et ce, par analogie avec l'article 26, § 4, de la loi relative à la détention préventive qui stipule que dans les cas où l'ordonnance de la chambre du conseil a pour effet la mise en liberté de l'inculpé, le procureur du Roi peut, dans les vingt-quatre heures, interjeter appel de la décision en tant qu'elle concerne la détention préventive. Le suspect reste détenu jusqu'à l'expiration dudit délai. L'appel a un effet suspensif.

Attention cependant: cette proposition vaut uniquement dans le cadre de la procédure de l'article 133 du Code d'instruction criminelle et si le ministère public demande la prise de corps. La possibilité d'interjeter appel ne doit également revenir qu'au ministère public. Si la chambre du conseil rejette la demande, il s'agira bien entendu d'une ordonnance et le ministère public pourra interjeter appel sur la base de l'article 135 du Code d'instruction criminelle.

Enfin, du point de vue légistique, il est recommandé que les règles relatives à la prise de corps soient entièrement reprises dans la loi relative à la détention préventive, étant donné les parallèles existants.

La compétence du président d'engager une enquête complémentaire préalablement à l'audience est supprimée

Le Conseil supérieur n'est pas partisan de cette proposition.

Il est important que l'affaire soit tout à fait en état avant l'audience. C'est la raison pour laquelle il est préférable d'élucider le maximum de points possibles avant l'audience (contestations d'expertises, exceptions, etc.). Cela permet d'éviter beaucoup de problèmes ultérieurement.

De plus, la compétence souveraine et discrétionnaire dont dispose le président pour arriver à la vérité via des débats oraux est l'une des caractéristiques spécifiques de la procédure d'assises. Par conséquent, cette compétence dont dispose le président ne peut être limitée.

La possibilité pour le président de la cour d'assises d'interroger l'accusé avant le début des débats est supprimée

Le Conseil supérieur n'est pas partisan de cette proposition.

L'interrogatoire préalable peut certainement être utile. Tout d'abord pour vérifier si l'accusé a bien un avocat. À défaut, un avocat commis d'office pourra lui être attribué. Ensuite, pour expliquer le déroulement du procès, une visite de la salle d'audience peut être organisée éventuellement, afin de mettre l'accusé un peu à l'aise. Il arrive parfois aussi que l'accusé fasse, durant l'interrogatoire par le juge, de nouvelles déclarations qui peuvent amener le président à ordonner aux enquêteurs d'entendre l'accusé une nouvelle fois.

Enfin, il peut être utile de signaler à l'accusé l'éventuelle présence de la presse au début de l'audience et de vérifier s'il est d'accord de paraître à visage découvert.

Une audience formelle préliminaire est organisée, en l'absence du jury, en vue de: traiter les questions de procédure visées à l'article 312bis du Code d'instruction criminelle; établir la liste des témoins; traiter d'éventuelles requêtes de parties ou des initiatives d'office du président de procéder à une enquête complémentaire

Le Conseil supérieur est en partie partisan de cette proposition.

Idéalement, les questions de procédure sont préalablement purgées par la chambre des mises en accusation, mais parfois celles-ci ne sont pas posées aux juridictions d'instruction ou bien peuvent être invoquées à tout moment en raison de leur caractère d'ordre public.

Dans ce cas, une audience préliminaire est certainement utile pour pouvoir régler, avant le début des débats sur le fond de l'affaire, un certain nombre de questions, telles que les questions de procédure visées à l'article 312bis du Code d'instruction criminelle (par exemple: les nullités). Cela évitera qu'il faille le faire durant le procès et que le jury doive « subir » ces débats techniques, qui peuvent durer des heures ou même des jours, alors qu'il ne doit pas se prononcer sur ces aspects.

La question qui se pose est toutefois celle de savoir si cette audience préliminaire doit également porter sur la fixation des listes de témoins, le traitement des demandes éventuelles des parties ou les initiatives du président en matière d'enquêtes complémentaires. Le Conseil supérieur pense que non.

En ce qui concerne la fixation de la liste des témoins, le Conseil supérieur estime qu'il vaudrait mieux conserver le système actuel et qu'il ne faut pas imposer de limites quant au nombre de témoins.

Concernant le traitement des demandes éventuelles des parties ou les initiatives prises d'office par le président en matière d'enquêtes complémentaires, il vaudrait mieux conserver le système actuel. Le Conseil supérieur n'est pas pour la limitation du pouvoir discrétionnaire du président par la suppression de sa compétence (art. 298 du Code d'instruction criminelle) de demander unilatéralement la réalisation d'enquêtes complémentaires avant le début des débats — et donc sans débat contradictoire.

Une enquête de moralité multidisciplinaire est rédigée sous la responsabilité du SPF Justice et exposée à l'audience

Le Conseil supérieur n'est pas partisan de cette proposition.

La réglementation actuelle, qui prévoit que l'enquête de moralité soit effectuée par les services de police, fonctionne bien. Il serait donc préférable de la conserver. En outre, cette enquête peut aussi fournir des éléments qui peuvent s'avérer importants pour la qualification des faits. La proposition n'implique donc pas de valeur ajoutée.

Les parties ont droit à un nombre limité de témoins de moralité à l'audience; le président peut en outre juger la valeur ajoutée des témoins cités

Le Conseil supérieur n'est pas partisan de cette proposition.

Comme indiqué préalablement, le Conseil supérieur n'est pas pour la limitation du nombre de témoins à citer. Les droits de la défense doivent être pleinement garantis.

Le président dispose d'un droit d'évaluation marginal portant la possibilité de refuser des témoins qui n'ont manifestement aucun rapport avec les faits à charge de l'accusé ni avec sa culpabilité ou son innocence

Le Conseil supérieur n'est pas partisan de cette proposition.

Comme indiqué préalablement, les droits des parties doivent être pleinement garantis. Il n'y a pas d'objection à ce que le président puisse déterminer le moment idéal pour auditionner un témoin, mais c'est aller trop loin que de lui conférer la possibilité de refuser des témoins. Les témoins valablement cités doivent pouvoir être entendus.

L'obligation de « lire » l'acte d'accusation est remplacée par un exposé succinct de l'accusation

Le Conseil supérieur n'est pas partisan de cette proposition.

La lecture de l'acte d'accusation signifie pour les membres du jury un premier contact avec l'affaire et constitue une introduction utile.

De plus, étant donné que la proposition de loi part de la supposition que cet acte ne reflète pas « objectivement » les faits puisqu'il vient du procureur général, il est singulier de considérer qu'un « résumé » oral de cet acte, toujours par le procureur général, reflète plus « objectivement » la réalité des faits.

La possibilité de formuler des « remarques » après les témoignages est supprimée

Le Conseil supérieur n'est pas partisan de cette proposition.

Il est exact que la possibilité de formuler des « remarques » consécutivement aux témoignages implique le risque qu'on plaide déjà avant l'heure, mais ce n'est certainement pas toujours le cas. Si cependant cela arrive, le président peut toujours intervenir en vertu de son pouvoir discrétionnaire.

Le système des questionnaires ne doit pas être maintenu

Le Conseil supérieur n'est pas partisan de cette proposition.

Il est préférable de conserver les questionnaires mais les questions doivent être, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme (arrêt Taxquet vs. Belgique), libellées de façon suffisamment précise et individualisée. De plus, les questionnaires ne sont pas un obstacle au devoir de motivation. Bien au contraire, s'ils sont suffisamment précis et individualisés, ils faciliteront même la rédaction de la motivation.

Au besoin, il peut y avoir réouverture des débats en vue d'un débat sur une qualification alternative

Le Conseil supérieur n'est pas partisan de cette proposition.

La proposition part en effet du principe que le président est présent lors du délibéré du jury et pourrait de cette manière prendre connaissance de l'éventuelle nécessité d'une requalification par rapport à la qualification telle que formulée dans la décision de renvoi. Étant donné que le Conseil supérieur n'est pas partisan du délibéré conjoint, il ne voit pas comment cette proposition pourrait être réalisée.

V. CONCLUSION/CONSIDÉRATIONS FINALES

1. En son rapport intermédiaire du 8 mars 2005 (voir chapitre 3), la Commission de réforme de la cour d'assises a inventorié les avantages et inconvénients du maintien de la cour d'assises.

Les principaux arguments pour le maintien de la cour d'assises sont résumés comme suit:

— participation directe du citoyen dans l'exercice de la jurisprudence pour la condamnation des crimes les plus graves;

— le jury est l'un des piliers constitutionnels de la démocratie;

— la cour d'assises est l'institution la plus connue et la plus populaire de notre organisation judiciaire et la population y est très attachée (68 % d'après le dernier baromètre de la justice);

— l'appareil judiciaire est obligé, compte tenu de la participation de douze citoyens choisis au hasard, de se prononcer dans un langage clair, simple et accessible à tous;

— les débats d'une procédure en assises sont toujours très approfondis;

— l'affaire est examinée minutieusement et avec le plus grand soin;

— les décisions du jury sont généralement mieux acceptées;

— la procédure d'assises laisse une véritable place à la victime;

— vu la méfiance certaine à l'égard de l'appareil judiciaire, la population ne comprendrait pas que l'on porte atteinte à l'institution du jury.

Les principaux arguments pour la suppression de la cour d'assises sont résumés comme suit:

— la procédure d'assises actuelle n'est plus de ce temps et ne garantit pas toujours une justice de qualité;

— seul 0,01 % des affaires pénales est traité devant la cour d'assises;

— les raisons historiques de l'institution du jury ont toutes disparu;

— la méfiance éventuelle à l'égard des magistrats professionnels n'est plus fondée vu la démocratisation du recrutement des magistrats professionnels et les fortes exigences associées à leur recrutement;

— le coût élevé et le caractère long et pesant de la procédure d'assises;

— dans les affaires d'assises, les victimes subissent parfois une double victimisation douloureuse;

— le jury n'est pas toujours représentatif, plus particulièrement parce que différentes catégories de profession ne sont de facto pas représentées;

— l'ignorance des jurés en matière juridique comporte des risques sérieux (par exemple: des notions comme provocation, complicité et force majeure);

— le jury n'est pas familiarisé avec les évolutions relatives à l'obtention illégitime de preuves ou à la problématique du droit de la preuve en général;

— la procédure orale présente des risques, entre autres parce que la quantité souvent importante de témoins peut entraîner la prolixité mais également l'irrationalité;

— l'absence de motivation de la question de la culpabilité est intolérable;

— il est inacceptable que la cour d'assises statue en première et dernière instance.

2. Après avoir pesé le pour et contre, une majorité des membres de la Commission de réforme s'est exprimée en faveur de la suppression de la cour d'assises.

3. Le Conseil supérieur est d'avis, comme la Commission, que les arguments en faveur de la suppression de la cour d'assises sous sa forme actuelle pèsent plus lourd que les arguments qui plaident en faveur de son maintien.

4. Le Conseil supérieur remarque enfin que, si la cour d'assises était supprimée sous sa forme actuelle, deux alternatives peuvent s'envisager: une professionnalisation du procès pénal sans la moindre participation du citoyen ou l'introduction d'une forme d'« échevinage » où la participation du citoyen dans la procédure se traduirait par un apport substantiel de juges non professionnels, spécialisés ou non.

5. Il n'incombe pas au Conseil supérieur de la Justice, dans le cadre de cet avis, d'opérer un choix entre, d'une part, une professionnalisation intégrale du procès pénal et, d'autre part, un système d'« échevinage ». Le Conseil supérieur souhaite uniquement signaler que les arguments en faveur de la suppression de la cour d'assises semblent pertinents et qu'un débat de fond sur ce point est souhaitable, sans anticiper sur le choix ultérieur qui incombe au législateur et à lui seul.


(1) Voir à cet égard M. Preumont, « La participation des citoyens au jugement des affaires pénales dans divers systèmes juridiques — approche de droit comparé », Journal des procès, 2003, no 466, pp. 7 à 11 incluse.

(2) Theo De Roos, « Is de invoering van lekenrechtspraak in de Nederlandse strafrechtspleging gewenst ? », novembre 2006, pp. 99-100.

(3) Les parties doivent, avant qu'il soit procédé à la lecture visée à l'article 313, définir les moyens visés à l'article 235bis qu'elles soumettent par conclusion au juge des faits. La cour statue immédiatement à ce sujet. La demande en cassation de cet arrêt est introduite avec la demande contre l'arrêt final, visé à l'article 373.

(4) La Belgique n'a toutefois toujours pas ratifié le protocole complémentaire de la CEDH.

(5) Lors de l'adoption du PIDCP, la Belgique a néanmoins émis des réserves en ce qui concerne les cours d'assises.