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18 JUILLET 2008
I. Introduction
La proposition de résolution visant à lutter contre les mutilations génitales féminines a été déposée le 29 janvier 2008. Conformément à l'article 24, § 1er, du règlement du Sénat, la commission des Relations extérieures et de la Défense a décidé de demander l'avis du Comité d'avis pour l'Égalité des Chances entre les femmes et les hommes sur cette proposition de résolution.
Le Comité d'avis a examiné la proposition de résolution en question au cours de ses réunions des 29 avril, 7 mai, 25 juin et 18 juillet 2008. Des auditions ont été organisées les 29 avril et 7 mai. Les personnes suivantes y étaient présentes: Mme Els Leye, vakgroep Uro-gynaecologie, Faculteit Geneeskunde en Gezondheidswetenschappen (UGent); Mme Khady Koita, présidente de EURONET-FGM; Mme Céline Verbrouck, avocate; Mme Khadidiatou Diallo, présidente du Groupement pour l'abolition des mutilations sexuelles féminines (GAMS-Belgique); Mme Myriam Ilunga, médecin et formatrice à la Fédération laïque des centres de planning familial; Mme Katinka in 't Zandt, psychologue à la Free Clinic.
Sur la base des éléments recueillis lors de ces auditions, le Comité d'avis a élaboré un avis qui a été discuté et adopté lors de la réunion du 18 juillet 2008.
II. Exposé introductif de l'auteur de la proposition de résolution
Mme Zrihen souligne que la lutte contre les mutilations génitales féminines n'est pas uniquement une question d'actualité: l'Organisation mondiale de la Santé considère que « toutes les interventions incluant l'ablation partielle ou totale des organes génitaux externes de la femme ou la lésion des organes génitaux féminins pratiquée pour des raisons culturelles ou religieuses ou pour toute autre raison non thérapeutique » sont des atteintes fondamentales à l'intégrité physique et psychique des femmes.
Les mutilations génitales féminines sont pratiquées dans de nombreux pays, mais ne sont pas liées spécifiquement à une culture religieuse ou à une option philosophique. Elles sont pratiquées tant par les chrétiens et les musulmans que par les animistes, ...
Les pays européens accueillent des communautés originaires de ces pays. Un certain nombre de statistiques ont permis d'évaluer que de nombreuses jeunes filles sur notre territoire sont en situation de danger. D'une part, ces filles n'ont pas le choix d'accepter ou non une excision; d'autre part, les pratiques présentent de nombreux risques.
La sénatrice précise que les mutilations génitales féminines sont effectuées le plus souvent entre 4 et 12 ans. Souvent, la jeune fille est envoyée dans son pays d'origine pour qu'elle y soit excisée selon la tradition.
Les mutilations génitales ont de très graves conséquences sur la santé des femmes. Elles entraînent des complications immédiates telles que des infections, des douleurs psychiques et des déstructurations de l'identité. L'excision et l'infibulation occasionnent également des complications obstétricales. Sans aide appropriée, la femme infibulée et l'enfant qu'elle porte sont menacés de mort au moment de l'accouchement car le dégagement de l'enfant est bloqué par la cicatrice de l'infibulation.
De nombreuses associations s'opposent à ce type de pratique: l'Organisation mondiale de la Santé, l'UNICEF et des associations comme le GAMS-Belgique dénoncent tant la pratique que la médicalisation des pratiques mutilatoires car elle leur donne un caractère officiel. En d'autres termes, la médicalisation tend à légitimer ces pratiques et est un moyen redoutable pour assurer leur maintien.
Consciente du problème que posent les mutilations génitales féminines, le groupe PS a déposé une proposition de résolution qui tente de compléter une proposition antérieure (doc. Sénat, nº 3-523/2).
En plus de l'arsenal législatif belge, européen et international, des mesures concrètes doivent être prises. En Belgique, il existe un Plan d'action national de lutte contre les violences entre partenaires 2004-2007; les auteurs de la proposition de résolution souhaiteraient que l'ensemble des violences faites aux femmes intègre de manière claire les mutilations génitales féminines. Il faut qu'il y ait une poursuite sur le territoire belge des auteurs de mutilations génitales féminines.
En ce qui concerne la sensibilisation et la formation, il faut qu'il y ait la volonté de systématiser les efforts d'information auprès des professionnels de l'éducation et de la santé, à la fois par des brochures et des réunions d'information. Il faudrait également pouvoir vérifier l'intégrité physique des enfants, tout en étant extrêmement sensible au fait que ce constat ne peut en aucun cas être traumatisant.
Il faut soutenir les associations qui oeuvrent pour ces mêmes objectifs.
En outre, il faut prendre en charge les frais médicaux lorsqu'il s'agit de remédier aux conséquences néfastes des mutilations génitales féminines.
Enfin, sur le plan international, il est nécessaire de mobiliser tous les efforts politiques et diplomatiques, de sensibiliser les ambassades et les consulats belges présents dans les pays qui connaissent un nombre élevé de femmes victimes de mutilations génitales féminines. Une femme qui fait état de ce type de pratique devrait pouvoir recevoir un visa particulier pour pouvoir la protéger, ainsi que ses enfants.
Afin de sensibiliser les différents partenaires à l'approche des vacances, il est prioritaire de lancer des campagnes de sensibilisation.
III. Auditions
III.1. Auditions du 29 avril 2008
III.1.1. Exposé de Mme Céline Verbrouck, avocate
Mme Verbrouck cite la définition des mutilations sexuelles féminines donnée en 1997 par l'OMS: « Les mutilations sexuelles féminines désignent toutes les interventions aboutissant à une ablation partielle ou totale des organes génitaux externes de la femme et toutes autres mutilations de ces organes pratiquées pour des raisons culturelles ou autres et non à des fins thérapeutiques ».
L'OMS propose également une classification, bien que parfois contestée, des mutilations génitales féminines. Ainsi, il existe plusieurs types de mutilations génitales féminines:
— type I: excision du prépuce avec ou sans excision de la totalité ou d'une partie du clitoris;
— type II: excision du clitoris avec excision partielle ou totale des petites lèvres;
— type III: excision de la totalité ou d'une partie de l'appareil génital externe et suture ou rétrécissement de l'ouverture génitale (« infibulation »);
— type IV: diverses pratiques non classées: percement, étirement, cautérisation, ...
Ce que l'on ignore souvent, c'est qu'une même personne — adulte ou enfant — peut être excisée à plusieurs reprises, à différents degrés pour diverses raisons. L'intervenante souligne l'importance de ces cas, surtout lors des demandes d'asile.
La majorité des excisions se pratiquent sur le continent africain, mais il apparaît également dans d'autres pays, même en Belgique. L'on estime qu'il y a 135 millions de femmes et de filles excisées au monde. Il y aurait 3 millions de nouveaux cas chaque année. Il n'existe pas de statistiques officielles pour la Belgique. Une première étude faisait état de 200 petites filles à risque en Wallonie et à Bruxelles; le docteur Els Leye estime qu'il faut compter chaque année plus de 500 fillettes menacées d'excision. Des fonds et des moyens n'ont toutefois jamais été débloqués afin de financer des études précises.
En ce qui concerne les conséquences des mutilations génitales féminines pour la santé, elles sont immédiates vu qu'elles se pratiquent sans anesthésie, le plus souvent dans des conditions sanitaires déplorables. Elles causent de nombreuses complications physiques et psychiques immédiates et à long terme. Une femme excisée peut avoir des problèmes durant toute sa vie, notamment des douleurs, des problèmes lors des rapports sexuels ou lors de l'enfantement, des problèmes de stérilité ou encore d'incontinence. Il n'est pas rare d'être confronté à un enfant mort-né. Tous ces problèmes peuvent avoir une incidence sur le statut social de la femme.
Pour ce qui est des conséquences psychologiques, elles seront abordées lors d'une autre audition par une psychologue. Mme Verbrouck signale toute de même qu'il est très difficile pour une femme mutilée d'aborder les questions intimes liées à la sexualité.
Il est essentiel de garder à l'esprit que les mutilations génitales féminines sont considérées et reconnues depuis longtemps comme une forme de torture par l'Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT). En février 2008, différentes agences de l'ONU (OHCHR, UNAIDS, UNDP, UNECA, UNESCO, UNFPA, UNHCR, UNICEF, UNIFEM, WHO) ont fait une déclaration commune afin d'éliminer les mutilations sexuelles féminines (Eliminating Female genital mutilation. An interagency statement, World Health Organization, 2008). Dans cette déclaration, il est rappelé que les mutilations sont une torture. S'agissant d'une torture, de nombreuses conséquences, notamment juridiques, s'y attachent.
Bien que différentes raisons, notamment culturelles, soient invoquées pour justifier les mutilations génitales féminines, aucun argument n'est recevable en leur faveur. Le fait d'avoir adopté en Belgique une législation spécifique permet d'évacuer le débat du relativisme culturel. Il n'est plus possible de parler d'une excuse liée à la culture: la torture ne peut en aucun cas être une forme de culture.
Différents instruments internationaux touchent à la question des mutilations par le biais de la non-discrimination: la Déclaration universelle des droits de l'homme (1948), la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, la Convention internationale des droits de l'enfant (1989), la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (1986) et la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant (1990). Les deux derniers textes, africains, sont liés aux pays les plus concernés par le problème.
De plus, l'Union africaine a adopté en 2003 le Protocole de Maputo. Les états signataires du Protocole se sont engagés à prendre toutes les mesures appropriées, y compris au niveau législatif pour lutter contre toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et toutes les formes de violence, en particulier les mutilations génitales féminines. Actuellement, un comité interafricain, regroupant des ONG du monde entier qui luttent contre les excisions, milite activement pour la ratification par les états de ce protocole.
Outre le rôle de la pression politique internationale, il y a également du travail au niveau de la coopération au développement. Il faut aussi soutenir les associations locales et oeuvrer pour le reclassement des exciseuses.
Depuis 2001, une disposition du Code Pénal belge vise spécifiquement les mutilations génitales. Malheureusement, aucune application concrète de ce texte n'est connue à ce jour. Selon Mme Verbrouck, cela est dû au fait qu'il y a des freins à l'application concrète de cette disposition. En France, la situation est contraire: différents procès ont eu lieu, sans pour autant qu'il y ait de disposition spécifique.
L'article 409 du Code Pénal stipule que « quiconque aura pratiqué, facilité ou favorisé toute forme de mutilation des organes génitaux d'une personne de sexe féminin, avec ou sans consentement de cette dernière, sera puni d'un emprisonnement de 3 ans à 5 ans ». La tentative est punissable et il existe des circonstances aggravants lorsque la mutilation est pratiquée sur une mineure, dans un but de lucre ou quand il y a une situation de dépendance en général.
Lorsqu'une personne a connaissance d'une mutilation, l'article 458bis du Code Pénal précise qu'elle peut la dénoncer au Procureur du Roi. Cette faculté est problématique pour les juristes et les militants anti-excision. Même si l'article 422bis du Code Pénal prévoit le délit de non-assistance à personne en danger, cela ne concerne que les cas de danger futur. Pour le moment, il n'existe dans la législation belge aucune obligation de dénonciation d'une mutilation qui se serait pratiquée récemment.
Maître Verbrouck souligne l'importance de l'article 10ter du Code de Procédure Pénale concernant l'extranéité: en Belgique, il est possible de poursuivre n'importe quel auteur d'une excision, même si celle-ci s'est pratiquée à l'étranger. Enfin, le délai de prescription (10 ans) ne commence à courir qu'à partir du jour où la victime a atteint l'âge de 18 ans.
La proposition de résolution examinée propose de relancer un plan d'action national. Par conséquent, l'intervenante la soutient et est convaincue qu'il faille agir de façon urgente, car il n'existe plus de déclaration d'intention de lutte contre les mutilations génitales en Belgique. Il ne faut d'ailleurs pas oublier que la Belgique s'y est engagée lorsqu'elle a signée les conventions susmentionnées.
De plus, il y a des excisions qui se pratiquent en Belgique, même si aucune plainte n'a été déposée. Il y a des bruits de couloir et certains médecins affirment réinfibuler une femme à sa demande, sans savoir que, ce faisant, le médecin tombe sous le coup de la loi pénale belge, s'agissant d'une mutilation. Il est donc nécessaire de former et d'informer les médecins. Il ne faut pas oublier non plus le risque réel que courent les fillettes qui sont envoyées dans le pays d'origine dans le but d'être excisées. C'est dans ce cadre que le GAMS-Belgique met en place une campagne afin de dissuader les parents d'agir de telle façon.
Mme Verbrouck résume son message principal comme suit: « Vouloir, c'est pouvoir ». Si nous nous donnons les moyens, il est possible d'éradiquer cette pratique néfaste. Toutes les actions sont complémentaires. L'action prioritaire concerne l'éducation et l'information, notamment à l'égard des médecins, de l'ONE, des enseignants. Des systèmes d'alerte beaucoup plus efficaces et connues du grand public devraient exister pour permettre que le pire n'arrive au jeunes filles, que ce soit en Belgique ou à l'étranger.
La campagne d'information doit également se tourner vers les avocats et les magistrats, qui sont souvent peu conscients de la problématique des mutilations génitales et même des facultés que leur donne la loi pénale de poursuivre ici. Ainsi, il y a un manque flagrant d'actions dans le secteur de l'aide à la jeunesse: il existe en Belgique tout un système de protection d'enfants en danger. Celui-ci ne fonctionne pas suffisamment dans le cas de risque d'excision. Au Canada, par contre, un système de médiation avec les familles et de suivi par les magistrats a été développé afin de protéger les enfants.
En ce qui concerne les demandeurs d'asile, des engagements internationaux contraignants ne sont actuellement pas respectés.
L'avocate cite l'exemple du Burkina Faso pour illustrer ce qu'elle veut dire avec « Vouloir, c'est pouvoir ». Ce pays africain a mis en place diverses mesures qui ont eu pour conséquence une réelle diminution de la pratique des mutilations génitales féminines.
Mme Verbrouck estime qu'il est nécessaire de débloquer des moyens financiers pour la recherche afin de pouvoir évaluer de façon beaucoup plus précise les populations à risque dans notre pays. Cela peut certainement se faire via les maternités ou grâce aux données disponibles via l'Office des étrangers et le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA), même si ceux-ci craignent la médiatisation de la possibilité d'obtenir l'asile pour des raisons de mutilation. Il existe cependant un réel besoin de statistiques.
Par rapport à la mise en œuvre de la loi pénale, l'intervenante répète qu'il n'y a pas, à sa connaissance, de cas en Belgique de plainte ou de poursuite pour mutilation, que ce soit en Belgique ou à l'étranger. Pour mettre fin à cette situation, elle pense qu'il faille créer une cellule spécifique qui permettrait de recevoir des appels à l'aide et des dénonciations de membres de famille, de médecins ou d'enseignants. Ainsi a été créé au Burkina Faso un numéro vert qui reçoit les plaintes et les dénonciations spécifiques par rapport aux mutilations. Cela permet également au dénonciateur de rester anonyme derrière un organisme qui se porte partie civile au nom de l'enfant victime. Ce système existe aussi en France.
Dans cette optique, il est utile d'étudier la question de contraindre les professionnels et les citoyens à dénoncer un cas de mutilation. Il est vrai que cela est extrêmement difficile à mettre en pratique, car l'on se heurte aux organisations professionnelles, notamment celle des médecins, et aux questions du secret médical. En France, la loi a précisé que le médecin dénonciateur n'encourait aucune sanction disciplinaire. En Belgique, une telle disposition ne pourrait passer que dans un cadre plus large de toutes les violences sur les enfants.
C'est néanmoins dans le domaine de l'accès aux soins que la Belgique a le plus de retard et est sans doute en violation avec la directive 2003/9/CE du Conseil de l'Union européenne du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les États membres. Bien que cette directive ait été transposée dans un arrêté royal (25 avril 2007), elle n'est pas encore concrètement mise en œuvre. En principe, toute personne qui arrive en Belgique dans le cadre de l'asile doit être informée dans les 15 jours des soins médicaux possibles. Contrairement à la directive, l'arrêté royal du 25 avril 2007 parle de 30 jours.
Quels sont les soins médicaux possibles ? Il s'agit notamment de la chirurgie réparatrice. Il n'est pas possible de réparer une mutilation génitale, mais des chirurgies précises permettent de traiter les douleurs et les conséquences négatives des mutilations, tel que les kystes. La chirurgie réparatrice est également un outil de prévention et de sensibilisation puissant pour la lutte contre les mutilations.
En outre, la directive 2003/9/CE impose de permettre l'accès aux soins avec une attention particulière pour les victimes de torture, ce qui vaut pour les femmes excisées, car la mutilation a été reconnue comme une forme de torture par l'OMCT. En conséquence, il faut mettre en place des mesures spécifiques pour les femmes qui viennent d'arriver d'un pays où les excisions sont pratiquées couramment. Il faut proactivement lui expliquer comment elle peut avoir accès aux soins et lui permettre de recevoir des traitements physiques et psychologiques.
La dernière obligation de la directive européenne concerne la formation spécifique pour les personnes qui accueillent les demandeurs d'asile. Pour l'instant, aucune formation spécifique n'a été dispensée dans les centres Fedasil et de la Croix-Rouge. Il est donc clair qu'il n'existe pas de véritable mise en œuvre de cette directive du Conseil de l'Union européenne.
Au niveau du traitement des demandes d'asile, maître Verbrouck est convaincue qu'il faille imposer une formation aux agents traitants du CGRA qui interrogent ces femmes. Une femme excisée n'est pas toujours capable d'évoquer son histoire; les agents ignorent souvent les conséquences physiques de l'excision. Cela peut conduire à des décisions négatives absurdes alors qu'il y a un risque réel et objectif de mutilation en cas de retour au pays d'origine. Or, il est de notre devoir de protéger une femme qui risque d'être torturée dans son pays.
Les mutilations génitales féminines sont expressément incluses dans les conventions internationales comme un motif d'asile, qui exige une protection maximale. Depuis quelques mois, non seulement le statut d'asile existe dans la loi belge, mais également le statut de protection subsidiaire. Ce dernier statut ne peut s'appliquer aux victimes de mutilations génitales féminines, sauf s'il s'agit d'accorder un statut temporaire et provisoire pendant l'examen d'une demande d'asile pour permettre à une femme ou un homme de faire venir des enfants qui sont toujours en danger dans le pays d'origine.
Les principes directeurs du Haut Commissariat aux Réfugiés sont également peu respectés, certainement du fait qu'ils ne sont pas contraignants. Ils imposent théoriquement de tenir compte de l'ensemble des discriminations et des traitements moins favorables à l'égard des femmes. Ce n'est pas parce qu'une femme a déjà été mutilée, qu'elle ne risque plus d'être victime de persécutions dans son pays. La mutilation est un indice qu'elle fait l'objet de persécutions, telles que le mariage forcé, les violences conjugales, l'interdiction d'exercer une profession, ... L'accumulation de ces craintes peut justifier une protection sous l'angle de l'asile.
Vu l'absence de prévention et de contrôle systématique en Belgique, un réel danger subsiste dans le fait que les autorités d'asile, directement confrontés à ces femmes, ont tendance à se substituer à d'autres institutions pour exercer eux-mêmes les contrôles. Les institutions de protection ne devraient pas coïncider avec celles qui doivent effectuer le contrôle, qui devrait être fait de façon systématique par les ONE, les Plannings familiaux et les contrôles médicaux scolaires.
En conclusion, Mme Verbrouck souligne que tout le monde est acteur pour lutter contre les mutilations génitales féminines. En premier lieu, les parlementaires peuvent mettre la question sur la table des débats politiques et renforcer les aspects légaux et judiciaires. Par ce biais, ils sont capables de donner les moyens d'action nécessaires aux associations locales au Sud et en Belgique.
Les gouvernements aussi se sont engagés à protéger les droits humains en mettant en œuvre les conventions internationales. Ils doivent prévoir des actions et des stratégies afin d'améliorer l'accessibilité aux soins et à l'éducation, ainsi que des campagnes d'information et de sensibilisation. En outre, il faut assurer des ressources suffisantes pour le travail de prévention et oeuvrer en faveur de la coopération des ministères compétents.
Les organisations professionnelles peuvent être considérées comme un troisième acteur, car elles sont souvent concernées par la problématique. Les ONG sont directement en contact avec les populations concernées.
Il y aurait peut-être également un travail à faire tant au niveau des leaders religieux et séculaires, des fournisseurs de soins, des exciseuses, des hommes, qu'au niveau des Nations unies et d'autres organisations internationales. Ainsi, le ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner aurait déposé une demande pour que la problématique des mutilations génitales féminines devienne une compétence des Nations unies, au lieu de tomber sous la responsabilité de l'OMS comme il est le cas aujourd'hui, car cela ne concerne pas uniquement les aspects médicaux.
Enfin, chaque individu doit être acteur à son niveau. Dans ce sens, la proposition de résolution à l'examen est très complète et reçoit le soutien de l'oratrice.
III.1.2. Exposé de Mme Els Leye, Vakgroep Uro-gynaecologie, Faculteit Geneeskunde en Gezondheidswetenschappen, UGent
Avant de faire quelques suggestions visant à compléter ou à modifier la résolution, Mme Leyre fait un bref tour d'horizon des initiatives relatives aux mutilations génitales féminines qui ont déjà été prises en Belgique jusqu'à ce jour.
La première initiative est le manuel clinique de l'accouchement, rédigé par Fabienne Richard e.a. en 2000 (1) . Ce livre comprend un manuel clinique pour l'accouchement et traite uniquement de la prise en charge clinique des femmes présentant une infibulation.
En 2001, l'article 409 du Code pénal a subi une modification incriminant formellement les mutilations génitales à l'égard des femmes et des filles (2) .
Une troisième initiative concerne l'étude réalisée en 2004 par le Centre international de santé reproductive(ICRH) sur la législation pertinente en matière de mutilation génitale. Il s'agissait d'une étude approfondie sur la mise en œuvre de la législation dans cinq pays européens dont la Belgique. Un tableau synoptique de la législation existante dans les 15 États membres de l'époque de l'UE a également été dressé (3) . Une mise à jour de cette étude est actuellement en cours, une fois encore avec le soutien de la Commission européenne. Elle donnera un aperçu de la législation pertinente dans tous les États membres de l'UE. L'attention sera de nouveau focalisée sur cinq pays, et un atelier sera organisé pour ceux qui doivent mettre la loi en œuvre.
Une autre initiative a vu le jour dans notre pays: le « Projet de plan d'action national en matière de lutte contre les mutilations génitales féminines », élaboré en 2006-2007 à l'initiative de Mme Mandaila Malamba qui était à l'époque secrétaire d'État aux Familles et aux Personnes handicapées. Aucun accord ne s'étant dégagé sur ce projet, celui-ci n'a pas été publié. Mme Leye a publié ses observations à ce sujet dans un article du Jaarboek seksuele gezondheid 2006 de Sensoa (4) .
Une enquête a été réalisée en 2007 auprès d'un certain nombre de gynécologues flamands (5) afin de mieux cerner leur connaissance de la problématique des mutilations génitales féminines.
Pour finir, elle attire l'attention sur le travail que les ONG fournissent sur le terrain. Le GAMS (Groupement pour l'abolition des mutilations sexuelles féminines), qui a entrepris le travail de prévention en Belgique, a été créé en 1996. Il se concentre surtout sur la formation de professionnels, sur la prise de contacts avec les communautés africaines de notre pays, l'organisation de campagnes d'information, la coopération à l'élaboration d'une politique, etc.
L'étude qui a été réalisée en 2004 en Belgique et dans d'autres pays membres de l'UE sur la législation pertinente a également tenté d'évaluer l'ampleur du problème dans notre pays. Combien de filles risquent d'être mutilées ? Combien de femmes sur le territoire belge ont subi des mutilations génitales ? Les chiffres publiés dans l'étude sont abondamment utilisés, mais Mme Leye veut quand même ajouter quelques précisions fondamentales en ce qui concerne la méthodologie suivie. En effet, les chiffres sont basés sur des chiffres de l'Institut national de Statistique (INS) et datent de 2001. Ils ne sont donc pas très récents. De plus, les groupes de population repris dans les chiffres de l'INS sont ventilés par nationalité. Cela engendre des difficultés d'interprétation. Au Sénégal, par exemple, les mutilations concernent environ 20 % de la population féminine totale. Toutefois, l'appartenance à un groupe ethnique détermine si la mutilation a lieu ou non. Une répartition selon le groupe ethnique fournirait dès lors des chiffres plus précis qu'une répartition basée sur la nationalité. Pour conclure, les chiffres de l'INS ne tiennent compte ni des illégaux ni des demandeurs d'asile.
Il est clair que des données chiffrées correctes sont nécessaires afin d'éviter des citations erronées, d'une part, et afin de procurer une bonne base de départ aux ONG et aux travailleurs de la prévention, d'autre part. Des données chiffrées leur permettront, en effet, d'évaluer l'impact de leurs interventions et de mieux justifier la demande de fonds.
Mme Leye aborde ensuite la législation spécifiquement consacrée aux mutilations génitales féminines. Il ressort de l'étude qu'une législation spécifique n'est pas plus efficace que l'incrimination des mutilations génitales féminines dans le cadre de la loi pénale générale. On constate cependant que l'application de la loi pose problème. Les personnes chargées d'appliquer la loi n'ont pas les connaissances requises sur les mutilations génitales en général, ni sur les actions qu'elles peuvent entreprendre lorsqu'on leur fait part d'un risque ou qu'une victime de mutilations s'adresse à elles. C'est pourquoi il est très important de prévoir une formation à l'attention de ces groupes cibles, comme la police, les pédiatres, les médecins en général et les médecins de confiance en particulier.
Dans le cadre de la législation spécifique, on fait très souvent référence au Burkina Faso parce que le nombre de femmes mutilées dans la catégorie d'âge de 15 à 44 ans y est en diminution. Il faut toutefois nuancer. Un rapport de l'UNICEF sur les mutilations génitales féminines publié en 2005 indique que l'âge auquel l'excision est pratiquée au Burkina Faso est en diminution (6) . On suppose qu'il s'agit là d'un effet secondaire indésirable de la législation, l'idée étant que si elles sont plus jeunes les filles ne porteront pas plainte contre leurs parents ou contre les exciseuses.
Un des problèmes de la législation spécifique concerne les formes de mutilations génitales féminines qui sont rendues punissables. L'on peut malgré tout déceler plusieurs lacunes dans la loi. L'enquête menée auprès des gynécologues flamands a montré qu'il régnait une grande confusion à propos de la réinfibulation ou de la suturation après un accouchement. La législation ne mentionne pas spécifiquement cette situation et il n'existe à ce sujet aucune directive émanant par exemple de la VVOG (Vlaamse Vereniging van Obstetrie en Gynaecologie). Les gynécologues sont donc confrontés à un vide juridique en ce domaine. Il apparaît en outre qu'ils ne savent pas toujours clairement ce qu'ils doivent entendre par « réinfibulation ». S'agit-il d'une opération qui consiste à refermer comme avant l'accouchement ou à refermer un peu moins ? Mme Leye se demande s'il incombe bien à la loi de définir cette intervention avec précision. Un groupe d'experts pourrait tout aussi bien apporter quelques éclaircissements et élaborer une directive nationale à ce sujet.
La législation belge ne prévoit pas d'âge minimum pour la réalisation de mutilations génitales féminines. Toute femme qui demande une excision est passible de sanctions. Qu'en est-il des opérations vaginales esthétiques ? Dans bon nombre de cas, ces interventions ne diffèrent pas de celles qu'une femme africaine pourrait demander, si ce n'est que les premières sont considérées comme esthétiques, et les secondes comme une mutilation. Nous nous trouvons ici sur le plan légal dans une zone d'ombre. Mme Leye craint également d'éventuelles répercussions sur les campagnes de prévention en matière de mutilations génitales féminines. En effet, une femme africaine pourrait se demander pourquoi elle ne peut pas se faire exciser alors qu'une femme européenne peut se faire pratiquer un lifting des lèvres ou une réduction de l'ouverture vaginale, parce que ces interventions sont considérées comme esthétiques. Il est indispensable de délimiter le cadre légal, médical et éthique à cet égard.
Enfin, se pose le problème des incisions symboliques. D'après la définition actuelle, une incision symbolique fait partie des mutilations génitales féminines de type IV. Toutefois, des voix s'élèvent pour que l'incision symbolique ou la piqûre ne soit pas considérée comme une mutilation. L'incision symbolique consiste simplement en une petite incision ou piqûre, de manière à faire couler quelques gouttes de sang; lors de cette intervention, rien n'est excisé. Cette pratique est fort répandue en Somalie, par exemple, où l'on est disposé à renoncer à l'infibulation mais où l'on veut aussi tenir compte de la tradition. C'est la raison pour laquelle d'aucuns mettent l'accent sur les incisions. Mme Leye estime que la Belgique aiderait considérablement les travailleurs de la prévention si elle leur adressait un signal clair en interdisant toute forme de mutilation génitale, y compris les incisions symboliques.
Le projet de Plan d'action national de lutte contre les mutilations génitales féminines date de 2006-2007, mais aucun accord n'a été obtenu à l'époque. La première question qui se pose est donc celle de savoir si un suivi a été prévu. Il faudrait également développer une série d'indicateurs qui devraient permettre d'évaluer le plan d'action dans l'avenir.
Le réseau européen pour la prévention et l'éradication des mutilations génitales féminines, EURONET-FGM, mène actuellement une action coordonnée dans 15 pays européens en vue de développer un plan d'action national de lutte contre l'excision.
Ensuite, Mme Leye formule quelques suggestions par rapport aux connaissances et à la formation des professionnels. Ce qui importe avant tout, c'est de déterminer les groupes cibles. La proposition de résolution en mentionne quelques-uns, mais la police aussi est un groupe cible important, de même que les centres de médecins de confiance. Il faut en outre identifier les besoins des groupes cibles en matière d'informations mais aussi réfléchir à la manière dont on peut y répondre. Au niveau national, il est nécessaire de renforcer la coordination entre les différents acteurs qui sont déjà actifs dans notre pays, de manière à savoir avec précision qui fait quoi. Il serait également indiqué de répertorier les initiatives existantes et de mesurer leur impact. Mais, pour prendre pareilles mesures au niveau national, il faudrait situer les besoins en matière d'information et de formation dans le cadre général d'autres pratiques traditionnelles néfastes. De cette manière, on pourrait mettre en place une formation visant à la fois l'excision, les mariages d'enfants et la violence liée à l'honneur.
Un autre point sur lequel Mme Leye souhaite mettre l'accent est la proposition qui vise à soumettre les petites filles à risque à un examen gynécologique, que l'on considère souvent comme le moyen par excellence, y compris dans d'autres pays, pour faire respecter la loi et faciliter le dépistage des cas. Personnellement, Mme Leye se dit quelque peu réservée à l'égard de cette mesure, qu'elle juge trop répressive. Étant donné que les mutilations génitales féminines relèvent essentiellement de la tradition, la répression n'est pas, selon elle, le moyen le plus adéquat d'y mettre un terme. Il faut en priorité faire changer les comportements et centrer les actions sur cet objectif.
Elle se déclare quelque peu surprise par l'optique de cette proposition et d'autres mesures répressives comme celle qui consiste à empêcher les parents de se rendre en Afrique. On ne devrait d'ailleurs pas se limiter aux parents de « filles à risque », mais il faudrait cibler par exemple tous les parents originaires d'un pays où la quasi-totalité des femmes sont excisées. Mme Leye demande que l'on fasse preuve de prudence dans l'application de mesures répressives.
Si l'on optait malgré tout pour le dépistage gynécologique, on devrait créer un cadre juridique à cet effet et examiner avec plusieurs experts comment ce dépistage pourrait effectivement être mis en place.
Il reste aussi le problème des modalités pratiques de ce dépistage. On entend souvent dire que Kind en Gezin pourrait le faire. Pour cela, il faudrait que les médecins de Kind en Gezin soient parfaitement formés pour réaliser ce dépistage. Il est facile de reconnaître une infibulation, mais ça l'est déjà beaucoup moins pour une mutilation de type I, si bien qu'il faut pratiquer un examen gynécologique précis. On peut donc se demander si tel est bien là le moyen que l'on souhaite employer pour lutter contre l'excision. En outre, Kind en Gezin suit les enfants jusqu'à l'âge de six ans. Comment faire pour atteindre aussi les enfants plus âgés ?
Dans le domaine des soins de santé, il y aurait lieu, selon Mme Leye, d'élaborer un certain nombre de directives concernant la réinfibulation, la chirurgie reconstructrice et la chirurgie esthétique vaginale. La chirurgie reconstructrice est une technique chirurgicale assez récente par laquelle on tente de reconstituer le clitoris. En 2007, un groupe de travail a été créé à ce sujet lors d'une conférence qui s'est tenue à Bruxelles, en présence de plusieurs experts européens et africains. Les gynécologues africains étaient vraiment demandeurs d'une formation relative à ces techniques. Il faut donc certainement stimuler la recherche dans ce domaine. Enfin, l'intervenante demande que l'on élabore un protocole à l'intention des médecins de confiance et d'autres personnes concernées lorsqu'il y a un cas à risque. En effet, dans la pratique, ils ne savent pas ce qu'il faut faire lorsqu'un cas à risque est signalé. Les médecins de confiance eux-mêmes hésitent beaucoup à faire intervenir la police ou la justice. Ils préfèrent d'abord agir en médiateur, mais ils ne peuvent le faire que s'ils ont une connaissance approfondie du problème.
Sur le plan international, Mme Leye souligne qu'il est important de mettre au point un protocole pour les ambassades, la Coopération technique belge (CTB), la direction générale de la Coopération au développement (DGCD) et d'autres intervenants encore afin de protéger les jeunes filles qui voyagent et de sensibiliser les candidats à l'immigration. Elle plaide aussi pour l'organisation d'une table ronde avec la CTB afin de discuter des priorités dans le cadre de l'appui de projets en Afrique. La reconversion des exciseuses est l'une des stratégies possibles, bien qu'un certain nombre de publications mettent en cause l'utilité de cette reconversion. Comment peut-on être sûr en effet qu'elles ne continuent pas à pratiquer clandestinement des excisions s'il existe toujours une demande dans ce sens ?
Enfin, Mme Leye propose que l'on mise l'essentiel des actions sur la modification des comportements et non sur la répression, ce qui veut dire qu'il faut accentuer le soutien aux ONG qui accomplissent le véritable travail de prévention. On peut les aider aussi en consacrant des études à cette problématique.
Mais le plus important est encore de déterminer l'ampleur du problème en Belgique et en Europe, d'identifier les initiatives existantes et de mesurer leur impact.
Il faut déterminer les besoins des communautés de praticiens et des professionnels concernés.
Enfin, il faut en priorité protéger les petites filles qui courent un risque.
III.1.3. Exposé de Mme Khady Koita, présidente de EURONET-FGM
Mme Koita souhaite revenir sur l'aspect culturel et social des mutilations génitales féminines, qu'elle préfère appeler « mutilations sexuelles féminines » car le clitoris est avant tout un organe sexuel et non génital.
Les mutilations sexuelles féminines sont pratiquées depuis très longtemps, notamment chez les Phéniciens, les Hittites et dans l'Egypte des pharaons. À l'époque, le clitoris était offert au Nil en offrande pour la fertilité et la fécondité. Dans certaines ethnies de l'Afrique noire, la croyance subsiste qu'une femme qui possède encore son clitoris ne peut avoir d'enfants, car ils meurent lors de l'accouchement si leur tête touche le clitoris. Il en va de même pour l'homme: si son pénis touche le clitoris, il mourra. Par conséquent, l'excision a souvent eu lieu juste avant le mariage ou avant l'accouchement.
À l'époque, il s'agissait d'un rite de passage: grâce à l'excision la jeune fille devenait adulte. Aujourd'hui, et ce depuis plus de 50 ans, il n'y a pratiquement plus de rite de passage. Les raisons pour les mutilations sexuelles sont actuellement complètement différentes: il faut mutiler les petites filles pour qu'elles arrivent vierges au mariage, pour qu'elles soient chastes et fidèles à leur mari et surtout pour qu'elles ne soient pas gourmandes en relation sexuelle. Bref, il s'agit de contrôler la sexualité de la femme.
Vu que l'excision n'est plus un rite de passage, les petites filles sont parfois excisées quand elles n'ont que trois jours. Beaucoup de parents ne connaissent plus la signification originelle de l'excision. À la demande pourquoi ils mutilent ainsi leur fille, les parents répondent souvent qu'il faut le faire le plus tôt possible pour qu'elle ne sente pas la douleur et, surtout, pour qu'elle ne s'en souvienne pas. Il va de soi que les problèmes physiques et psychologiques (l'anxiété, la dépression, ...) suite à une excision sont nombreux.
EURONET-FGM est un réseau européen dont 34 associations officielles sont membres. Le réseau coordonne tout le travail réalisé au niveau européen. En 2007, le réseau a lancé une campagne européenne dont l'objectif est d'aider au développement et à la mise en place de plans d'action nationaux. Le réseau souhaiterait que le 25 novembre 2008 soit organisé une journée européenne contre les mutilations génitales féminines. Tous les membres du réseau organiseront à cette occasion un événement dans leur pays respectif afin de présenter leur plan d'action national. Dans chaque pays, la lutte est différente car chaque pays a ses spécificités.
Quel travail est effectué sur le terrain ? Mme Koita travaille à la Palabre, qui est une association récemment créée. A Gand, il y a deux associations, l'une gambienne, l'autre somalienne qui se préoccupent de la question. Sur le terrain, toutes les associations sont complémentaires. En ce moment, il est nécessaire de travailler sur le changement de mentalité et de comportement, en premier lieu celui des populations africaines. Ensuite, il est important de former, d'informer et de sensibiliser la population autochtone.
Il faudrait remettre à l'étude le projet de plan d'action national contre les mutilations génitales féminines qui avait été proposé en 2006-2007 par Mme Mandaila Malamba, secrétaire d'état à la famille et aux Personnes handicapées. Dans le cadre de ce plan, Mme Koita propose une collaboration prolongée avec les associations sur des projets de 3 ou 5 ans.
L'intervenante estime que la formation des médecins-généralistes, et en particulier celle des gynécologues, est prioritaire. Ils doivent être capables de reconnaître les mutilations et savoir aborder le sujet avec les patientes. Les femmes qui ont subi une excision éprouvent parfois le besoin de parler à quelqu'un de ce qui leur est arrivé. Il faut mettre des modules de formation obligatoires dans les formations d'infirmières, de sage-femmes et dans toutes les formations médicales et médico-sociales.
Les associations s'adressent également aux jeunes dans les écoles: ils sont les parents de demain et, à ce titre, ils faut les convaincre de cesser les mutilations sexuelles féminines.
Dans le plan d'action national devrait être souligné l'importance de la recherche, qui permet de savoir combien de personnes sont victimes d'excision. De plus, Mme Koita insiste sur l'obligation de signalement, qui permet donc de constituer des statistiques. Le médecin qui dénonce une mutilation génitale doit être dans la faculté d'expliquer à la famille qu'il a agi de cette façon pour protéger les autres enfants de cette même famille. Le relativisme culturel n'est absolument pas à sa place dans ce contexte.
Il faut expliquer que les mutilations sexuelles féminines sont contraires aux droits humains. En misant sur l'intégrité et la dignité personnelle, il est possible d'éradiquer les excisions.
Mme Koita revient sur le Protocole de Maputo, qu'elle considère comme un outil extraordinaire. Elle demande aux états européens de l'utiliser dans leurs relations avec les pays africains afin d'éliminer les mutilations.
Enfin, l'oratrice soutient la proposition de mettre en place un numéro vert. Il ne faut toutefois pas oublier que le changement de mentalité est primordial.
III.1.4. Échange de vues
Mme Temmerman souhaite compléter les exposés des intervenants précédents en partageant sa propre expérience en tant que gynécologue. Cela fait quatre ans que le cursus de base des médecins flamands comprend un module relatif aux mutilations génitales féminines. Ce module fait également partie du programme du postgraduat pour les gynécologues. Il faudrait étendre cette initiative au niveau national. Mais il faut aussi prévoir une formation pour le personnel de Fedasil et de la Croix-Rouge, car ces personnes sont en première ligne pour prendre en charge les victimes et les personnes qui ont besoin d'aide.
En ce qui concerne l'obligation de déclaration, la sénatrice estime qu'il existe déjà des mécanismes permettant sa mise en œuvre. Par exemple, les médecins sont tenus de signaler les cas de blennorragie qu'ils constatent. On pourrait donc ajouter les cas de mutilation récente aux observations que le médecin est tenu de signaler.
L'intervenante exprime son inquiétude quant à la proposition d'examiner systématiquement les jeunes filles en âge scolaire en vue de détecter d'éventuelles mutilations génitales. Qui va-t-on examiner précisément ? Si l'on examine uniquement un petit groupe de jeunes filles issues de pays où l'excision est pratiquée, l'examen risque d'avoir un effet stigmatisant. On peut décider, au contraire, d'examiner l'ensemble des jeunes filles, mais l'examen d'une jeune fille de 6 ans est un acte qui n'est pas simple du tout pour les médecins et les gynécologues. En tant que parent, Mme Temmerman s'opposerait à un tel examen gynécologique systématique des jeunes filles en âge scolaire. Cette mesure n'est du reste pas réalisable, et le risque de mauvais diagnostic est grand. La prudence est donc de mise. Il convient par conséquent de commencer par réaliser une étude de la question avant de prendre des initiatives au niveau national.
Une telle initiative pourrait cependant être lancée dans le cadre de la détection des abus sexuels commis sur des jeunes filles. Les gynécologues sont bien plus souvent confrontés à des jeunes filles violées qu'à des jeunes filles excisées.
Enfin, la sénatrice Temmerman souligne l'importance de définir clairement certains termes, tels que la réinfibulation et la chirurgie esthétique. Les gynécologues rencontrent parfois des femmes qui ont été excisées et qui demandent d'être recousues après leur accouchement pour redevenir comme avant.
Mme Hermans est choquée par tous ces exposés. D'une part, on aurait tendance à vouloir immédiatement monter au front pour combattre ces pratiques et, d'autre part, on nous dit d'être prudent et de ne pas agir de manière trop répressive. Ce double message est déconcertant. De même, on demande des chiffres, mais on ne peut les obtenir qu'en procédant à une étude, ce qui est à son tour impossible en l'absence d'un point de contact et d'une méthode pour soumettre les enfants à un contrôle médical. Pour ce qui est d'un examen médical des enfants, elle juge qu'il ne peut absolument pas être question ici de racisme ou de répression. Les médecins sont d'ailleurs également tenus de signaler les cas d'abus commis sur des enfants. C'est du respect des droits des enfants qu'il s'agit.
Une partie du problème réside dans l'existence de deux catégories distinctes: les jeunes filles et les femmes adultes. Le problème des femmes adultes est quelque peu différent, car certaines d'entre elles choisissent délibérément de rétablir la situation antérieure.
Par ailleurs, on constate qu'à la fois l'État fédéral et les communautés sont compétents en la matière. Le ministre flamand de l'Intérieur a élaboré un nouveau parcours d'intégration qui met fortement l'accent sur la connaissance et l'acceptation de nos droits sociaux. Ne serait-il pas possible d'intégrer la problématique des mutilations génitales dans le cadre général du parcours d'intégration ? Si ce n'est pas encore le cas, la sénatrice Hermans propose de modifier la résolution en ce sens. Les nouveaux arrivants pourront ainsi savoir clairement ce qui est permis dans notre pays et ce qui est totalement interdit.
En ce qui concerne le numéro vert et la ligne info, elle estime qu'il s'agit là d'une mission relevant plutôt des communautés.
Il est évidemment capital de disposer de chiffres exacts, y compris au niveau politique, pour pouvoir dégager des budgets. La formation des médecins et des autres personnes concernées est également un point essentiel.
Mme Hermans pose encore une question en rapport avec le contrôle. Serait-ce aussi considéré comme une attitude répressive de mauvais aloi de demander aux médecins des PMS, qui suivent les dossiers médicaux des enfants, de contrôler systématiquement les enfants à risque ? Cette méthode permettrait en tout cas de détecter une modification de la situation survenue après des vacances à l'étranger.
Mme Dua souligne aussi les différents aspects de cette problématique. Mme Koita a insisté sur le fait que le relativisme culturel ne justifiait absolument pas que l'on tolère ces pratiques. Par ailleurs, la volonté de faire appel aux médecins pour améliorer la détection constitue une avancée gigantesque. Mais les médecins sont-ils d'accord ? Il est évident que la solution la plus simple est de confier le contrôle aux médecins, mais jusqu'où pouvons-nous aller ? Il ne sert à rien d'approuver une résolution prenant le parti de faire intervenir les médecins, s'il s'avère ultérieurement que les médecins s'opposent totalement à cette initiative. Mme Leye peut-elle nous dire si elle estime qu'il est possible d'intégrer les médecins de première ligne dans la prévention ? Si oui, quelle est la meilleure façon d'y parvenir ?
Mme Zrihen estime qu'il est important de souligner que l'intégrité, la liberté, le droit de choisir librement et l'égalité des personnes sont des données fondamentales. Partant de cette affirmation, le dispositif éducationnel et informatif peut donner à chacun résidant en Belgique la pleine mesure de ses droits à la citoyenneté. C'est dans ce contexte qu'il faut situer la proposition de résolution.
Lorsqu'il s'est agi de parler des femmes battues, ou des enfants qui subissaient des violences intrafamiliales, les sénateurs ont été confrontés à pratiquement les mêmes questions. Que peut-on faire ? Jusqu'où peut-on aller ? Quelles sont les preuves ?
Ce qui importe pour la sénatrice, c'est qu'il faut absolument distinguer le droit des femmes qui doivent se rendre compte en Belgique que ce qui leur est arrivé n'est pas un fait culturel, mais bien une torture. De nombreuses femmes n'osent pas en parler car elles sont convaincues qu'il s'agit d'une pratique généralisée sur l'ensemble des femmes, qu'elles soient noires ou blanches. Ces femmes doivent pouvoir bénéficier d'une protection, d'un encadrement et d'un soutien dans le dispositif de leur santé, en particulier les soins gynécologiques.
Tous les médecins gynécologues doivent être sensibilisés au fait que ces femmes ont des difficultés particulières et que les femmes, en général, ne parlent pas si facilement de leur sexualité.
Il est nécessaire de défendre une communauté de femmes qui vit sur le territoire belge et qui risque de pratiquer, par méconnaissance, une excision sur leurs filles.
Quels moyens s'offrent à nous pour réaliser cet objectif ? Pour les femmes adultes, l'encadrement et le soutien physique et psychologique doivent être élaborés. En ce qui concerne les jeunes filles, il faut travailler par étapes. Les auteurs de la proposition de résolution n'ont pas voulu prôner un examen systématique. Lors d'entretiens avec les jeunes enfants, tant les filles que les garçons, il existe des moyens qui permettent de mesurer leur intégrité physique. En outre, il faut parler avec les adolescents et les jeunes du respect du corps.
Enfin, Mme Zrihen estime que le texte à l'examen est à maturité, car chaque jour, des femmes et des filles sont en danger. Il faut donc en parler et garder à l'esprit l'échéance des vacances. Il faut se méfier de la stigmatisation d'une communauté, tout en sachant que cela ne fait pas partie du domaine du privé, vu qu'il s'agit d'une torture.
La présidente souhaite poser une question par rapport aux médecins belges. A-t-elle bien compris que les médecins belges pratiqueraient des mutilations sexuelles ? Elle aimerait en outre recevoir plus d'informations concernant les excisions symboliques. En quoi consistent-elles ? Et jusqu'à quelle âge sont excisés les enfants ?
Pour ce qui est du numéro vert, ne pourrait-on pas simplement utiliser le numéro vert « SOS-Enfants » qui existe déjà ?
Mme Koita indique qu'il n'existe pas vraiment d'âge pour exciser: cela dépend des endroits, des ethnies et des familles. Pour les enfants nés dans la communauté émigrée, la mutilation se fait souvent pendant les vacances dans le pays d'origine. Il est vrai qu'en principe, l'excision a lieu avant la puberté ou en tout cas avant 15 ans.
En ce qui concerne le signalement par les médecins, Mme Koita estime qu'il devrait être rendu obligatoire. En France, tout enfant né sur le territoire français, dès sa naissance et jusqu'à l'âge de 6 ans, est obligatoirement examiné au niveau de l'appareil génital, tant chez les garçons que chez les filles et quelque soit son origine. Il est hors de question de faire quelque distinction que ce soit entre les enfants. Après 6 ans, ce sont les médecins scolaires, spécialement formés à cet effet, qui effectuent les examens gynécologiques. Dans certains cas, il faut toutefois une permission des parents.
Le planning familial peut également jouer un grand rôle dans le recensement et signalement des mutilations génitales féminines. C'est d'ailleurs souvent grâce au gynécologue qui travaille au planning familial que beaucoup de jeunes filles apprennent qu'elles ont été excisées.
Pour ce qui est du respect des droits, Mme Koita est d'avis qu'il faut respecter les lois du pays d'accueil. Les lois européennes permettent de protéger toute la population. Un proverbe africain dit: « Quand tu vas quelque part et que tout le monde marche tout nu, mets-toi tout nu comme tout le monde ». La loi et la prévention doivent aller de pair dans la lutte contre les mutilations génitales féminines.
Mme Verbrouck souhaite revenir sur ce qui a été dit concernant l'aspect juridique. Le côté répressif n'est qu'un des différents aspects du juridique. Il ne suffit pas à lui seul pour éradiquer l'excision, mais il constitue un outil indispensable dans la lutte contre les mutilations génitales féminines. Lorsque l'on affirme que c'est interdit, l'on soutient et renforce l'action des associations dans leur travail d'éducation.
Au niveau juridique, il y a également les aspects civils. Ainsi, un juge en référé peut être saisi afin d'éviter qu'une petite fille soit envoyée à l'étranger ou qu'elle soit confiée à un tiers. Des actions juridiques sont donc possibles, mais elles ne sont pas encore suffisamment mises en œuvre. Le problème est posé par le fait que les magistrats et les services sociaux méconnaissent la problématique du risque des mutilations génitales féminines. Au Canada, par contre, la médiation et la prise de conscience sont beaucoup plus développées au niveau protectionnel.
Pour ce qui est du numéro vert, il faudrait un numéro unique pour toute la Belgique qui soit simple à retenir pour les enfants. Il pourrait permettre de signaler un danger et de mettre en œuvre un système de prévention par le biais de la médiation et de différentes mesures.
Le dernier aspect juridique auquel maître Verbrouck s'attarde est l'aspect administratif, notamment au niveau du droit d'asile.
Lors de son intervention, l'avocate a dit que certains médecins pratiquaient l'excision en toute bonne foi. Elle précise qu'elle faisait en fait référence à des médecins, qui sous prétexte de respecter la culture et le désir d'une patiente qui vient d'accoucher, acceptent de la mettre dans son état initial, c'est-à-dire de la réinfibuler. Il faut considérer cela comme une dérive, qui pourrait rentrer sous l'angle d'une mutilation interdite par la loi.
Pour ce qui est de l'âge de l'excision, maître Verbrouck a été confrontée à des clientes qui avaient été excisées après l'accouchement du premier enfant. Tout dépend de l'ethnie à laquelle la femme appartient. L'on remarque toutefois que les mutilations sont pratiquées sur des enfants de plus en plus jeunes.
Mme Koita insiste sur l'importance d'une loi pour les associations. Aujourd'hui, plusieurs pays africains ont légiféré concernant les mutilations génitales féminines. Or, l'application de la loi reste un problème.
Mme Leye souhaiterait encore apporter quelques précisions sur les chiffres et sur les estimations du nombre de filles courant des risques et du nombre de victimes. Elle estime qu'un examen gynécologique n'est pas une condition indispensable pour pouvoir disposer de ces chiffres. En Afrique, on procède à des enquêtes démographiques et sanitaires (DHS surveys), dans le cadre desquelles les femmes sont interrogées sur leur situation personnelle et on leur demande également si leurs filles ont été excisées. Il existe donc des techniques qui permettent d'obtenir des données chiffrées. En Belgique, on pourrait collaborer avec des démographes pour mettre au point des techniques permettant de répertorier les populations.
En ce qui concerne le dépistage gynécologique, l'intervenante plaide pour la création d'un groupe d'experts qui ébaucherait le cadre médical, légal et éthique requis à cet effet. Aux Pays-Bas, on a déjà examiné s'il était possible de soumettre les filles d'origine africaine à un dépistage de ce type. Cette méthode s'est avérée inconstitutionnelle, car considérée comme discriminatoire. Si l'on devait quand même décider d'organiser un tel dépistage dans notre pays, Mme Leye estime qu'il faudrait inscrire cette action dans le cadre de la détection des abus sexuels à l'égard des filles, plutôt que de se focaliser exclusivement sur les mutilations génitales féminines. En effet, l'excision n'est pas à proprement parler un problème de santé publique, car elle ne touche qu'une petite partie de la population. Il est évident qu'un tel examen ne pourrait être effectué que par des médecins spécialement formés à cet effet.
Au vu de ce qui précède, Mme Dua trouve capital que les mutilations génitales féminines soient toujours considérées comme une forme de torture. Dans ce cas, il est toujours possible de procéder à un dépistage en cas de menace. Par contre, si les mutilations génitales sont considérées comme un phénomène potentiel, lié à un groupe ethnique déterminé, il n'y a aucune base légale permettant de soumettre un groupe donné à un dépistage. En outre, les médecins sont-ils disposés à informer la justice lorsqu'ils sont confrontés à ce genre de phénomènes ?
Selon Mme Leye, les médecins belges ne sont soumis à aucune obligation de notification à cet égard. De plus, ils ne sont bien souvent tout simplement pas au courant. Ils ne savent généralement pas quoi dénoncer, ni à qui s'adresser. Une formation est également nécessaire à ce niveau. Il ressort de l'enquête effectuée que les médecins sont absolument demandeurs de mesures de prévention. Ils veulent savoir comment agir préventivement.
L'incision symbolique est quelque chose que l'on présente souvent en Europe comme une alternative, une espèce de forme « allégée » de mutilation génitale féminine. On dit qu'elle a moins de conséquences sur la santé. Il devrait effectivement en aller ainsi en théorie, mais ce serait ignorer tout le discours sur la violation des droits dont sont victimes les femmes concernées. En outre, l'incision symbolique relève de la discussion sur la « sunna », qu'il n'est pas simple de mener avec les leaders religieux. Selon les textes des leaders religieux, la sunna devrait se limiter à l'incision symbolique, lors de laquelle rien n'est enlevé ni cousu. Mais lorsqu'on parle avec les femmes, on se rend compte que la sunna peut prendre n'importe quelle forme. Quoi qu'il en soit, l'incision symbolique n'en demeure pas moins une violation des droits de l'homme. La discussion relative à ce phénomène est très dangereuse, car elle peut amener à considérer l'incision symbolique comme un moyen détourné pour pratiquer des mutilations génitales féminines.
La présidente conclut en disant qu'il s'agit effectivement de mutilations sexuelles, comme l'a dit Mme Koita. Il faudrait donc changer la dénomination.
III.2. Auditions du 7 mai 2008
III.2.1. Exposé de Mme Khadidiatou Diallo, présidente du Groupement pour l'abolition des mutilations sexuelles féminines (GAMS-Belgique)
Mme Diallo se présente brièvement: mariée à 12 ans, elle a eu son premier enfant à 14 ans. Dans son enfance, elle a elle-même été victime de mutilations génitales féminines. Elle vit à présent en Belgique. Elle est mariée à un Belge dont elle a deux enfants.
Le fait d'avoir subi personnellement une excision l'a amenée à créer, en 1996, le GAMS-Belgique, un Groupement pour l'abolition des mutilations sexuelles féminines. Le GAMS est constitué d'hommes et de femmes africains et européens qui luttent pour l'abolition des mutilations génitales féminines. Le GAMS-Belgique est membre actif du Comité Inter-Africain (CIAF).
L'objectif du GAMS-Belgique est de contribuer à l'éradication des mutilations sexuelles féminines en Belgique et dans le reste du monde. Ses objectifs spécifiques consistent à prévenir l'excision chez les petites filles vivant dans des familles originaires de pays où se pratique l'excision, à prendre en charge des femmes déjà excisées et à plaider pour l'application des conventions internationales et pour le refus de la médicalisation.
Le GAMS a développé plusieurs stratégies et activités. En premier lieu, l'association assure la sensibilisation et l'information du grand public et des communautés concernées grâce à l'animation de conférences et de séminaires sur les mutilations génitales féminines, de conférences de presse et du centre de documentation à la disposition des étudiants au siège du GAMS.
En deuxième lieu, il organise des activités de prévention auprès des communautés concernées et des professionnels. Il s'agit d'animations dans les écoles, de la diffusion d'une bande dessinée et de brochures, d'ateliers de couture, de cours d'informatique, d'alphabétisation et de santé pour adultes, de formations pour les professionnels des mondes médical, social, juridique et policier, de guidance de mémoires et de thèses d'étudiants, d'élaboration de guides spécifiques et de recherches.
En troisième lieu, le GAMS apporte, avec ses partenaires belges et internationaux, une réponse individuelle à la demande des femmes.
En quatrième lieu, il assure un lobbying politico-juridique en organisant des journées d'étude ou des colloques internationaux sur les mutilations génitales féminines et en participant à des collectifs de défense des droits des femmes telles que la Marche mondiale des femmes ou la Plate-forme pour la Population et le Développement.
Enfin, en cinquième lieu, l'association soutient des projets en Afrique. Mme Diallo cite les exemples d'un projet d'abandon de l'excision à Vélingara au Sénégal et d'un projet de théâtre sur les mutilations génitales féminines à Bobo Dioulasso au Burkina Faso.
Le public ciblé par le GAMS est constitué des groupes suivants qui sont les bénéficiaires directs: les familles originaires d'Afrique subsaharienne où sont pratiquées les mutilations sexuelles féminines, les femmes et les filles victimes des mutilations sexuelles pratiquées en Afrique ou en Europe, les fillettes et les jeunes filles qui courent le risque d'être excisées en Europe ou en Afrique.
L'association travaille également avec tous les autres acteurs indispensables dans la lutte contre les mutilations génitales féminines: le pouvoir public belge, les acteurs de la santé et du secteur social (médecins, infirmières, assistants sociaux, éducateurs), les médias (radio, télévision et presse écrite), les acteurs de la justice (juges, magistrats, avocats, procureurs) et de la police, la population africaine migrante, les leaders des communautés d'Afrique subsaharienne, les étudiants, élèves et communautés vivant en Belgique ou ailleurs.
Le public qui s'adresse pour la première fois au GAMS est principalement constitué de femmes africaines mutilées dont certaines rencontrent des problèmes administratifs, mais aussi et surtout des problèmes de santé dus aux mutilations génitales féminines. Ces dernières constituent une raison valable pour accepter un dossier de demande d'asile. Il est dès lors indispensable que les victimes soient accueillies, informées et guidées dans le contexte social belge.
La majorité des femmes qui s'adressent au GAMS-Belgique viennent pour des problèmes de santé et administratifs. Beaucoup de ces femmes sont recommandées soit par leur avocat, soit par l'Office des étrangers, soit par leur assistante sociale. Une autre partie est repérée dans des clubs d'amitiés et des tontines de femmes africaines par les animatrices africaines du GAMS. Quand on prend le temps d'écouter les femmes et que l'on se montre attentif à leurs problèmes, on constate que les langues se délient pour parler des mutilations génitales féminines.
Le GAMS est un lieu de rencontre: les femmes peuvent s'y retrouver pour parler, fêter un événement familial. C'est l'occasion pour les animateurs et animatrices du GAMS d'entrer en contact avec de nouvelles personnes.
Après avoir identifié et localisé les femmes excisées et infibulées, l'association les invite dans ses bureaux pour des séances d'animation sur la santé, sur le corps de la femme. Parallèlement, elle leur propose des activités portant sur la couture. Le but de ces rencontres est d'aider les femmes excisées à sortir de l'ombre, de leur silence, de leur solitude, mais c'est aussi et surtout de sensibiliser et de persuader les parents d'abandonner la pratique des mutilations sexuelles féminines sur leurs fillettes. Lors de ces réunions, le GAMS cherche à changer leur mentalité, à ouvrir leurs yeux et leur esprit aux dangers des mutilations sexuelles féminines.
Le GAMS compte actuellement une soixantaine de membres. Le conseil d'administration a été élu pour deux ans lors de l'assemblée générale du 15 septembre 2006. Le GAMS compte aujourd'hui trois salariés actifs à son siège, rue Brialmont, nº 11, à Bruxelles: un salarié à temps plein pour l'accueil, l'administration et l'animation, un salarié à mi-temps, formateur en alpha, et une salariée à temps plein qui assure le secrétariat et l'aide individuelle aux femmes. En plus des salariés, une équipe de dix bénévoles assure le travail, dont la présidente qui travaille à temps plein pour l'ASBL depuis sa création, sans être rémunérée.
Dans le cadre de leurs études (exposés sur les mutilations génitales féminines ou travail de fin d'études), beaucoup d'étudiants aident le GAMS-Belgique lors des séances d'animations, d'information et de sensibilisation.
Une des richesses du GAMS-Belgique est la qualité des personnes ressources qui participent aux animations ou qui soutiennent ses actions. Parmi elles, on trouve des femmes et des hommes expérimentés dans différents domaines professionnels.
Le GAMS-Belgique vient de déménager rue Traversière puisque l'immeuble actuel a été vendu. Il souhaite demeurer dans le même quartier de Bruxelles pour rester proche de sa population cible et pour conserver le soutien de la commune de Saint-Josse qui connaît son travail.
Mme Diallo rappelle que le GAMS-Belgique est membre du Comité Inter-Africain qui regroupe tous les comités nationaux luttant contre l'excision. Il entretient également des liens directs avec certains comités nationaux comme celui du Mali, avec le docteur Touré qui a apporté son soutien à la réalisation de la brochure destinée aux professionnels de la santé.
Le GAMS-Belgique est également membre du réseau européen contre les mutilations génitales féminines (EURONET-FGM) qui regroupe plus de trente associations membres et quinze pays. En outre, le GAMS est partenaire du réseau pour le projet Daphné 2007-2009 pour le développement des plans d'action nationaux de lutte contre les mutilations génitales féminines. Il représente la Belgique au sein du comité de pilotage international.
Enfin, le GAMS-Belgique est membre de plusieurs réseaux en Belgique: le groupe des associations de femmes d'Afrique subsaharienne avec l'éducation permanente, la Commission Femmes et Développement de la direction Générale de la Coopération au Développement (DGCD) dans le groupe sur les mutilations génitales féminines, le Conseil des Femmes francophones de Belgique (CFFB), la Plate-forme Population et Développement, le Réseau bruxellois Mariage et Migration, la coordination bruxelloise de la Marche mondiale des femmes et le Conseil des Communautés africaines en Europe et en Belgique (CCAEB).
Mme Diallo montre un extrait de film qui montre comment se déroule l'excision d'une jeune fille.
Lorsque le GAMS apprend qu'une fille est renvoyée dans son pays pour être excisée, il saisit le comité national pour intercepter l'enfant.
L'association s'est battue pour qu'il y ait une loi belge parce qu'elle ne veut pas que cette tradition s'installe en Belgique; elle ne veut pas non plus que cet acte soit médicalisé. Au grand jamais elle n'acceptera une médicalisation car cela signifierait donner une caution à l'idée que sous certaines conditions on peut mutiler ! Mme Diallo est catégorique: pas de mutilation même médicalisée.
Le travail du GAMS-Belgique consiste à faire tout ce qui est possible pour éviter toute mutilation d'enfant. Pour les parents qui l'ont été, il est trop tard pour éviter la mutilation, mais l'association assure un suivi gynécologique et psychologique en partenariat avec les centres de planning familial vers lesquels elle oriente les parents et les enfants. Des médecins y ont été formés pour détecter les mutilations, en évaluer le degré et les conséquences.
Pour assurer le suivi de ces femmes et de ces enfants, le GAMS-Belgique a besoin de moyens, d'encadrement, d'animateurs qui aillent vers les populations concernées. Actuellement, il est démuni de ressources. L'association recourt au bénévolat. Cela fait déjà onze ans que Mme Diallo est bénévole à plein temps. Elle peut consacrer son temps, mais tout le monde ne le peut pas. Les bénévoles quittent l'association lorsqu'elles trouvent un travail. Or, il faut assurer le suivi des projets et celui des personnes qui ont subi une mutilation.
Au niveau politique, l'intervenante remercie et félicite ceux et celles qui se sont engagés pour abolir les mutilations et ont apporté leur soutien au moment du vote sur la loi. Elle veut y associer ceux qui agissent pour l'intégration des familles qui fuient leur pays parce qu'elles refusent que leurs enfants soient mutilées, et sauvent ainsi des petites filles.
III.2.2. Exposé de Mme Myriam Ilunga, médecin et instructrice à la Fédération laïque des centres de planning familial
Mme Ilunga est médecin généraliste et travaille dans un planning familial depuis bientôt quinze ans. Elle est originaire de la République Démocratique du Congo et a rejoint l'équipe du GAMS il y a quatre ans.
L'intervenante rappelle que quatre différents types d'excision sont pratiqués en Afrique selon les régions et les pays. Le premier, appelé la sunna, consiste en une excision totale ou partielle du clitoris. Le deuxième y associe une excision totale ou partielle des petites lèvres. Dans le troisième type, on enlève les grandes lèvres et on pratique une infibulation, c'est-à-dire une fermeture complète de la plaie vulvaire par suture. Dès lors, on ne voit plus de différence entre le pubis, l'anus et le petit pertuis laissé pour le passage des urines et des règles. Le quatrième type consiste en diverses pratiques non classées.
Plus ou moins trois millions de nouveaux cas sont répertoriés chaque année. Toutes les dix secondes, une petite fille subit cet acte. En Belgique, on a compté en mai 2007 plus de 2 000 femmes qui ont été victimes de mutilations. Comme l'a dit Mme Diallo, la plupart de ces femmes sont arrivées excisées. Plus de 200 filles naîtraient chaque année dans des familles à risque. Ces données proviennent du registre de l'ONE qui travaille en partenariat avec le GAMS. Une brochure a notamment été réalisée.
Selon des études menées par l'Université de Gand, plus de 500 filles sont en danger, mais on ne dispose pas de chiffres exacts puisque la plupart de ces actes sont commis dans la clandestinité.
Ce rituel entraîne évidemment des conséquences très lourdes et graves pour la santé des femmes, leur intégrité psychique et psychologique.
Mme Ilunga travaille aussi en partenariat avec les centres d'accueil de réfugiés mineurs non accompagnés. Chaque semaine, en planning familial, elle voit en moyenne quatre cas de jeunes filles mutilées. Il faut aussi savoir que, lorsque la fille s'est débattue, il n'y a plus beaucoup de différence entre les types d'excision III et IV.
Les conséquences sur la santé sont immédiates: la douleur, la peur, le choc, l'hémorragie, des plaies, de l'infection, un traumatisme physique et psychologique. Mme Katinka in 't Zandt parlera de l'aspect psychologique.
Les complications à long terme sont la rétention urinaire et des infections à répétition, sans compter le risque de transmission du VIH.
Le film montrait clairement que l'on utilise des lames de rasoir. En général, plusieurs filles sont excisées le même jour: parfois 7 à 8 excisions, voire plus, et le couteau n'est pas désinfecté après chaque excision.
Une étude réalisée en 2006 par l'OMS évoquait surtout les problèmes liés à la grossesse et à l'accouchement, notamment des déchirures, des fistules, des désinfibulations, une augmentation des césariennes en fin de grossesse lorsque le travail est bloqué, des hémorragies post-partum et une morbidité néonatale très importante. Les risques sont plus élevés avec l'excision de type III, donc associée à une infibulation.
Les autres conséquences pour la santé sont d'ordre psychologique et social. Il peut s'agir de troubles du comportement, d'anxiété, de dépression, de phénomènes de flash-back, de la perte de confiance dans les êtres aimés ou d'exclusion liée aux conséquences physiques.
Les raisons qui expliquent l'excision sont multiples, mais sont avant tout étroitement liées au statut de la femme ainsi qu'à des échelles de valeurs, des normes sociales et des tabous.
L'excision n'est pas toujours réalisée pour des motifs religieux. C'est une source de revenus pour les exciseuses. Elle est pratiquée aussi bien dans les populations chrétiennes, animistes, que musulmanes.
Le docteur Ilunga montre une photo d'un médecin qui endort une petite fille pour pouvoir pratiquer une excision. Elle considère cela comme une dérive extrême. Elle fait partie de la Fédération laïque des centres de planning familial, dont Jean-Jacques Amy est le président. Ce dernier est également le médecin référent du GAMS. Tous deux sont totalement opposés à la médicalisation des mutilations génitales qui permettrait de perpétuer cette tradition.
Les personnes qui pratiquent ces mutilations génitales féminines sont des femmes liées à la caste des forgerons. Ce sont de vieilles femmes, les accoucheuses traditionnelles. En Egypte, par contre, où plus de 90 % des femmes sont excisées, plus de 74 % des excisions sont pratiquées par des sages-femmes ou des médecins. En Europe, les exciseuses viennent généralement du pays d'origine. Le plus souvent toutefois, les excisions sont pratiquées pendant les vacances passées au pays.
La moyenne d'âge est de sept ans, mais on pratique l'excision de plus en plus tôt. Cela montre bien que l'excision n'est pas du tout liée à un rite initiatique.
La mutilation génitale féminine est une forme de torture. Il n'y a pas d'autre mot pour cela. La défense de la culture et des traditions trouve sa limite dans le respect des droits fondamentaux de la personne et dans l'interdiction de ces pratiques qui s'apparentent à la torture.
Il est urgent d'adopter un plan national afin de respecter les conventions internationales. La Belgique s'est dotée d'une loi; il faudrait la compléter en instaurant l'obligation de dénoncer dans tous les cas et pas seulement quand l'enfant est en danger.
En Belgique, un projet de plan d'action national contre les mutilations génitales féminines a été présenté en 2006 lors d'une conférence interministérielle. L'intégration de l'examen des organes gynécologiques externes et la vérification dans l'examen médical des services de prévention infantile, des centres de protection maternelle et infantile (PMI) et des services scolaires, tant auprès des filles que des garçons afin de ne pas stigmatiser les enfants, est devenue réalité. Il s'agit d'un point essentiel dans le dispositif de prévention.
La plus grande crainte des associations est que les mutilations génitales féminines se perpétuent. Dans les centres de planning familial, outre les femmes déjà excisées, l'on rencontre surtout des jeunes filles qui ont été excisées juste avant un mariage forcé. Parfois, elles ont même été « réexcisées ». Elles ont d'abord subi une excision de type I, appelée sunna, suivie d'une excision plus complète juste avant le mariage, souvent forcé.
En France, les dénonciations imposées par une nouvelle législation ont permis d'obtenir des résultats spectaculaires. Dans les consultations des PMI, qui concernent des enfants de moins de six ans, il est apparu que plus une seule fille n'avait été excisée. Évidemment, les clandestines échappent à ces examens.
Au Commissariat Général aux Réfugiés et aux Apatrides (CGRA), les associations redoutent que la tendance s'inverse. Aujourd'hui, les excisions sont pratiquées sur des enfants d'un an. Plus tard, qu'adviendra-t-il des fillettes qui auront grandi, qui auront la nationalité belge, mais que les parents, attachés à la tradition, renverront dans le pays d'origine pour être excisées ?
Une politique de prise en charge sanitaire reste à définir, sachant que seul un très petit nombre de médecins travaillent avec le GAMS. La reconnaissance d'une vulve excisée n'est pas à la portée de tous les médecins, ni de toutes les sages-femmes. Cette compétence n'est pas intégrée dans le processus de formation.
Il y a quatre ans, le docteur Ilunga a suivi une formation organisée par le GAMS à l'intention du personnel des centres de planning familial. Depuis lors, plus aucune formation n'a pu être mise sur pied faute de moyens financiers. La plupart de ses collègues n'ont pas été initiés à la vue de femmes excisées. Le renforcement des pratiques médicales et la possibilité de les intégrer dans l'exercice de la profession pour les médecins, pour les sages-femmes et pour les kinésithérapeutes devraient être encouragés. Malheureusement, à ce jour, cela ne fait partie d'aucun cursus.
Les consultations de l'ONE s'arrêtent une fois que les enfants ont atteint l'âge de six ans. Les animations dans les centres de planning familial permettraient à des professionnels — psychologues et assistants sociaux, par exemple, et pas seulement à des médecins — de détecter une éventuelle excision auprès des jeunes filles, des jeunes adolescentes, qui mettent parfois beaucoup de temps aux toilettes. C'est peut-être un moyen de « rattraper » des jeunes filles qui auraient été excisées beaucoup plus tard. La désinfibulation — l'ouverture de l'excision de type III — est remboursée en Belgique; elle est donc dotée d'un code INAMI.
Un protocole de chirurgie réparatrice a été mis au point par un médecin français. Sujet à polémique, il serait pourtant utile, pour autant qu'il prévoie les soins adaptés: kinésithérapie, aide psychologique, etc. Il existe par exemple des protocoles bien établis dans plusieurs cliniques de l'Île-de-France. Un tel protocole constituerait en tout cas un outil de prévention et de sensibilisation.
Le suivi, organisé par des équipes pluridisciplinaires, dure en moyenne un an et demi, et est assorti d'une aide psychologique. Il ne s'agit pas uniquement d'une reconstruction physique. D'ailleurs, on ne peut pas toujours reconstruire le nerf clitoridien. C'est parfois possible, si par exemple la jeune fille s'est débattue, pouvant ainsi échapper au couteau de l'exciseuse.
Ce protocole de chirurgie doit pouvoir être mis à la disposition des médecins et des futurs médecins. Il est nécessaire d'associer le suivi psychologique et médical à une pratique de la chirurgie réparatrice, qui implique un certain coût ainsi qu'une formation des prestataires de soins.
Depuis 2006, l'excision fait l'objet, dans le sud de la France, d'une enquête organisée par l'OMS et intitulée « Excision et handicap ». Le mot « handicap » pose problème à l'intervenante, mais lorsqu'on réfléchit à la longue prise en charge que cette pathologie implique, on se rend compte qu'il est bien question d'un handicap, car ces personnes doivent être suivies. Mme Ilunga vient de la RDC, où l'excision est aussi à l'ordre du jour dans le cadre des violences subies lors des agressions sexuelles.
La réalisation d'une enquête nationale portant sur toutes les femmes mutilées en Belgique permettrait en tout cas de déboucher sur des propositions de prise en charge de ces femmes. Le projet de recherche viendra à terme à la fin de l'automne 2008. L'objectif est triple: réaliser une estimation des patientes à risque d'excision à partir des données obtenues, étudier la question en termes de santé et de qualité de vie, et présenter une demande de chirurgie réparatrice. Ce projet est évidemment interdisciplinaire, puisqu'il associera la société civile et les domaines sociologique, épidémiologique et médical.
En conclusion: nous sommes tous acteurs. L'adaptation des normes pénales est un élément de réponse. Améliorer la protection de l'enfant et étendre les mesures en est un autre. Mais il faut en tout cas associer à ces mesures une démarche effectuée auprès des populations immigrées, comme le fait le GAMS, par des moyens très simples comme l'organisation de cours de cuisine, d'informatisation et d'alphabétisation, le but étant de permettre aux femmes de parler sans tabous de leur pathologie.
D'ailleurs, les femmes ne considèrent pas leur mutilation comme une pathologie, mais le but est en tout cas qu'elles puissent parler de leurs problèmes sans tabous. Souvent, elles ne savent pas à quoi ressemble une vulve « normale ». Certaines patientes pensaient que toutes les femmes étaient comme elles.
Il faut aborder cette problématique dans le cadre des Objectifs du millénaire. Le docteur Ilunga pense notamment à l'autonomisation de la femme, à la santé maternelle et à la lutte contre le VIH.
III.2.3. Exposé de Mme Katinka in 't Zandt, psychologue à la Free Clinic
Mme in 't Zandt est psychologue dans un centre de planning familial à Bruxelles, au milieu du quartier africain. Auparavant, elle travaillait au centre Exil, surtout avec des victimes de tortures. Depuis la création du GAMS en 1996, elle travaille avec Mme Diallo. Au cours des années, elle a vu plusieurs jeunes femmes victimes de l'une ou l'autre forme de mutilation génitale féminine.
Il est superflu de dire que les mutilations génitales féminines, en plus de graves conséquences médicales, ont aussi d'importantes conséquences psychologiques. Quand on pense aux cris de la jeune fille dans le film, on peut comprendre que les mutilations génitales féminines sont un mélange de torture, de maltraitance d'enfant et d'abus sexuel. C'est pourquoi, comme pour le syndrome de stress post-traumatique et la maltraitance d'enfant, leurs conséquences sont une rupture dans la relation de confiance avec les personnes de l'entourage de l'enfant.
Ce n'est peut-être pas très clair dans le film, mais la jeune fille connaît toutes les femmes qui l'entourent: la mère, une tante, une voisine. Elles maintiennent la jeune fille pendant qu'on lui fait horriblement mal et qu'elle ne sait pas ce qui arrive exactement et quelles en sont les conséquences à long terme. Les mutilations génitales féminines occasionnent une peur énorme, des sentiments de terreur et d'impuissance; des modifications interviennent dès lors dans la relation affective. Après un tel événement, quelles sont les sentiment de la fille envers sa mère, sa tante ou sa voisine ?
Les mutilations génitales féminines ont deux sortes de conséquences. D'une part, les conséquences qui résultent directement du traumatisme et, d'autre part, celles à long terme. Il faut en tout cas continuer à vivre et s'adapter, s'y faire d'une manière ou d'une autre. Comme on l'a dit, les conséquences directes du traumatisme sont de graves sentiments d'angoisse et une sorte d'hyper-vigilance. L'enfant est hypersensible aux bruits et aux sensations, craint par exemple une porte qui claque ou le bruit du vent. Beaucoup d'enfants ont aussi des troubles du sommeil, font des cauchemars. Il arrive que le souvenir du moment de la mutilation revienne, par exemple lorsqu'ils entendent un autre enfant pleurer ou lorsqu'ils voient du sang.
On peut aussi observer des troubles de la concentration et de la mémoire qui peuvent parfois basculer vers un changement de comportement. L'anxiété et l'hypervigilance peuvent engendrer un comportement hyperactif. Les troubles de la concentration et de la mémoire peuvent influencer négativement les résultats scolaires. Il se peut aussi que la fillette développe un comportement d'évitement, qu'elle ne veuille plus se trouver seule avec un adulte ou qu'elle s'isole complètement. Elle peut aussi développer une phobie vis-à-vis de la zone génitale; il se peut qu'elle ne veuille plus se laver ou qu'elle devienne insensible du nombril aux genoux. Il est aussi possible qu'elle adopte un comportement maniaque vis-à-vis de cette partie de son corps, par exemple en se lavant exagérément, en se frottant ou en se grattant. La cassure dans la relation affective peut également faire en sorte que la fillette devienne extrêmement obéissante. Peut-être ne lui a-t-on jamais expliqué la raison de sa mutilation ? Elle peut, par exemple, s'imaginer qu'il s'agit d'une punition.
Les mutilations génitales féminines se font à un âge de plus en plus précoce. Il s'agit de moins en moins d'un rite initiatique mais de plus en plus d'un rite d'identification. À long terme, on peut voir apparaître de la soumission. Quelle que soit la raison invoquée, la raison majeure est la volonté de contrôler la sexualité de la femme. C'est important pour les hommes et la famille. La fillette n'est pas seulement mutilée, on lui apprend aussi à obéir aux adultes et aux hommes. On attend d'elle qu'elle se marie jeune et qu'elle ait beaucoup d'enfants. Les femmes mutilées n'ont aucune vie sociale. En résumé, les mutilations génitales servent à créer et à maintenir un rapport de forces inégal entre les hommes et les femmes.
Les mutilations génitales ont aussi un impact sur la sexualité. Beaucoup de ces femmes sont frigides. Si l'on mutile des femmes pour qu'elles arrivent vierges au mariage, le succès est garanti. Après une telle mutilation, plus aucune femme n'aura envie d'avoir des relations sexuelles.
La mutilation est non seulement un traumatisme au moment même, mais elle sera aussi à l'origine de traumatismes ultérieurs dans la vie de la femme.
Arrive ensuite la nuit de noces et la jeune fille doit être désinfibulée. C'est le mari — une personne avec qui la femme doit construire une relation affective — qui s'en charge: il rouvre l'orifice de la vulve avec un rasoir, une pierre ou un éclat de verre. Comment la jeune fille pourrait-elle construire une relation adulte avec son époux par la suite ? La peur et la douleur font donc de cette nuit de noces un nouvel événement dramatique.
S'ensuivent alors la grossesse et l'accouchement. De nombreux accouchements se passent mal à cause de la mutilation. Directement après l'accouchement, de nombreuses femmes sont réinfibulées. Un nouveau moment dramatique.
Les femmes qui, pour une raison ou une autre, arrivent d'un autre pays, constatent que ce qui leur est arrivé est exceptionnel et qu'elles ont été victimes d'un acte barbare. Quatrième traumatisme.
Elles ont donc des problèmes non seulement médicaux, mais aussi psychologiques dont elles peuvent difficilement parler, en tout cas avec quelqu'un d'une autre culture. Même pour des femmes belges, il est difficile de parler entre elles de leur sexualité.
Mme in 't Zandt travaille depuis 17 ans dans un centre de planning familial et est donc amenée à parler avec des gens de leurs problèmes sexuels ou du viol subi. Les discussions qu'elle a eues avec des femmes ayant subi des mutilations génitales ou un viol sont particulièrement difficiles. Sans doute est-ce parce que les psychologues et autres travailleurs sociaux ne sont pas formés pour cela. Il faut que s'établisse une réelle relation de confiance.
Les thérapeutes belges ont beaucoup moins de contacts avec les femmes qui ont ces problèmes, probablement parce que le GAMS réalise un important travail psychologique. Tous ces ateliers, qui vont des ateliers de cuisine et de couture aux ateliers de coiffure et d'informatique et tous ces cours de langue aident à reconstruire une identité.
Si l'on a inculqué dès le début à la femme que la mutilation génitale est un pilier de l'identité féminine, elle doit également apprendre à un moment donné que cette mutilation n'en est pas le seul pilier. En tant qu'Africaine, on peut aussi avoir de la valeur si l'on sait faire ceci ou cela, mais c'est le travail des différents ateliers.
Ces ateliers sont également l'occasion de parler de sexualité. Mme Diallo a raconté que des femmes suivent pendant des semaines les ateliers de couture ou de cuisine, qu'elles travaillent ensemble et que ce n'est qu'après, à l'occasion par exemple de problèmes liés à la menstruation, qu'elles arrivent à aborder le problème des mutilations.
Lorsque les femmes arrivent au GAMS, leur assistance psychologique commence en fait déjà, parce qu'elles forment un groupe d'entraide. C'est très important. Un processus spécifique doit être suivi avant qu'une femme vienne s'asseoir dans le bureau de Mme in 't Zandt et qu'elles puissent parler de sexualité. Elle se souvient encore avoir reçu une dame et lui avoir immédiatement parlé de mutilation. Cette dame n'est jamais revenue.
Par la suite, en écoutant mieux, elle s'est aperçue que beaucoup de femmes demandent: « comment allez-vous ? » et ensuite « comment vont vos enfants ? ». Les psychologues occidentaux ont appris à ne pas répondre à des questions plus personnelles. Pourtant, quand on travaille avec une personne qui est atteinte au plus profond de son identité, qui doit construire une nouvelle identité et qui retire peut-être une certaine fierté de la maternité, il est normal que l'on commence par une conversation sur les enfants. Par conséquent, Mme in 't Zandt parle avec la patiente, souvent pendant trois sessions, de ses propres enfants et des enfants de la dame. Ce n'est que par la suite qu'elle peuvent aborder, petit à petit, ce qui est arrivé au passé.
Le problème ne réside souvent pas dans la seule mutilation génitale ou ses conséquences, car les femmes sont souvent entraînées dans une spirale de violence: elles ont peut-être dû se marier avec une personne qu'elles ne souhaitaient pas épouser, ont eu des enfants en étant beaucoup trop jeunes, ont été maltraitées, ont peu de confiance en elles. Souvent, il est préférable d'aborder en premier lieu d'autres problèmes et, ensuite seulement, de commencer à parler de sexualité.
Enfin, Mme in 't Zandt veut surtout souligner l'importance des groupes d'entraide de femmes africaines, comme le GAMS. Celui-ci offre une aide juridique, sociale et psychologique. Elle plaide également pour que l'on accorde de l'attention, dans la formation des intervenants sociaux belges, au problème des mutilations féminines et à la manière dont il faut les aborder.
III.2.4. Échange de vues
En tant qu'ancien journaliste, M. Procureur sait la difficulté à obtenir des images de certaines scènes. Dans quelles conditions le film a-t-il pu être réalisé ? Comment les personnes ont-elles accepté de se laisser filmer ? Ce n'est sûrement pas simple ni courant de pouvoir filmer ce genre de scène.
Mme Diallo répond que le film a été réalisé par le Comité Inter-Africain et le Comité national éthiopien dans le cadre de la Conférence mondiale des femmes de Pékin en 1995.
Jusque-là, lorsqu'on parlait de mutilations génitales, cela restait assez abstrait, de l'ordre de la lecture. Pour montrer les conséquences, le Comité national éthiopien a laissé se dérouler cette scène au risque de sacrifier la petite fille. Comme les membres du Comité d'avis ont pu le voir, la petite fille se débattait. La dame qui a pratiqué l'excision n'avait pas de bons yeux et ses mains n'étaient pas habiles. En outre, elle a recouvert la plaie de cendres de cacahuètes, de sucre et d'un œuf. L'enfant risquait donc de mourir d'une infection à la suite de cet acte.
De nombreuses personnes se demandent effectivement comment le cameraman a pu filmer une telle scène. La réponse est simple: il fallait le faire. Un journaliste qui fait un reportage de guerre doit aussi tenir le coup. Il n'a pas le choix.
Mme Zrihen est très heureuse que toutes les partenaires puissent se rallier à la présente proposition de résolution. Si certains doutaient de la maturité du projet, force est de constater que les propos et les images des intervenantes sont plus que convaincants.
Il est temps d'agir, et plus encore à la veille des vacances. Un plan d'action a-t-il été élaboré ?
Par ailleurs, il est reproché à la proposition de prévoir un examen des organes génitaux des jeunes enfants lors des visites médicales scolaires. Or, les associations préconisent également cette mesure. Le texte a quelque peu été modifié en préconisant des entretiens qui permettraient de ne pas porter atteinte à l'intégrité physique ou mentale de ces jeunes. Quel est l'avis des intervenantes sur cette question ? Ce point est très important dans un contexte marqué malheureusement par la problématique des rapports aux jeunes enfants.
Plusieurs intervenantes ont aussi évoqué la formation des médecins. Cela est-il toujours d'actualité ?
Pour la sensibilisation dans différents lieux, le soutien des centres régionaux d'actions interculturelles a été évoqué. Faut-il établir une coordination avec ces centres et peut-être leur proposer de créer un lien avec le GAMS ou les plannings familiaux ?
Mme Ilunga signale que, chaque fois qu'un enfant naît en Belgique, le médecin accoucheur a le devoir d'examiner l'enfant, comme il le fait systématiquement pour la nuque ou les luxations de hanche. La dynamique de l'examen doit permettre l'examen de la vulve, sans que ce soit une atteinte. Le médecin pourrait peut-être déjà sensibiliser les parents en attirant leur attention sur les dangers encourus en cas d'excision. Ce serait une première occasion.
S'agissant des visites médicales scolaires, il ne serait pas souhaitable de stigmatiser une catégorie d'enfants, en n'examinant que les jeunes filles issues des pays où l'on pratique l'excision. Mais on pourrait prévoir l'examen des organes génitaux de tous les enfants, garçons et filles. Encore faudrait-il que les médecins soit à même de distinguer une vulve normale. Cela pourrait être accepté en l'intégrant dans l'examen de tous les enfants, au même titre que l'examen de la vue ou des dents.
La formation des médecins est un sujet de polémique. Aujourd'hui encore, quand le docteur Ilunga essaie de parler du problème à des collègues, les gynécologues lui répondent qu'il concerne la chirurgie esthétique, d'autres la renvoient à la dermatologie, etc. Il faut donc anticiper et imposer la formation en l'intégrant dans le cursus des étudiants en médecine. Si l'on s'en remet aux médecins, on risque de voir ceux-ci se rejeter la balle entre chirurgie esthétique, chirurgie réparatrice, etc. Il faut présenter ce problème aux futurs médecins comme étant une réalité à laquelle ils seront confrontés, qu'ils soient généraliste, gynécologue, dermatologue, etc.
Mme Diallo met l'accent sur le fait qu'il n'y aura pas de stigmatisation des filles si tous les enfants sont traités de la même manière.
Les jeunes filles européennes ont aussi parfois de l'herpès, mais si on le détecte à temps, il peut être soigné. Affirmer que cela concerne uniquement les enfants africains revient à les stigmatiser. Il est nécessaire d'avoir une approche globale. Aujourd'hui, la tendance est à l'excision dès le septième jour qui suit la naissance. C'est la raison pour laquelle les associations sont vraiment partantes pour l'examen des petites filles.
Mme Diallo revient à la campagne du GAMS. En 2007, le centre a reçu 500 femmes excisées qui ont demandé de l'aide, individuellement ou en groupe, mais aussi la protection de leurs enfants. 67 fillettes infibulées, nées sur le sol belge, doivent être protégées. Il faut être très attentif car des excisions pourraient être pratiquées ici. La locutrice préférerait évidemment que ce ne soit pas le cas, d'autant que le jour où il y aura un décès, on reprochera aux associations de ne pas avoir fait leur travail.
La campagne nationale a été lancée en tenant compte des départs en vacances. GAMS prépare aussi la journée du 25 novembre avec le réseau européen et le programme Daphné pour le plan national. Mme Diallo espère que le soutien des uns et des autres permettra d'obtenir des résultats. Comme l'a dit le docteur Ilunga, le GAMS insiste pour que la formation fasse partie du cursus des médecins. Lorsqu'ils examinent une femme, certains médecins négligent de faire écarter les jambes. C'est pourtant la seule manière de voir si cette femme a des complications gynécologiques. En partenariat avec l'ONE, le GAMS a réalisé une brochure destinée aux médecins, aux pédiatres, qui insiste pour que les enfants soient examinés correctement. Il tente de faire la même chose pour Kind en Gezin.
Mme in 't Zandt ajoute qu'il n'est pas difficile, pour Kind en Gezin et pour l'ONE, de contrôler si les testicules des petits garçons sont bien descendus. On le fait systématiquement chez tous les petits garçons, à différents âges, à l'occasion d'une visite médicale ou d'un contrôle médical scolaire. S'il est possible de réaliser un contrôle génital chez tous les petits garçons, pourquoi ne peut-on faire de même pour toutes les fillettes ?
Mme Lijnen se demande comment une femme, ayant vécu une chose aussi grave lorsqu'elle était enfant et qui la revit durant sa nuit de noces et son accouchement, parvient à l'accepter et à permettre que son propre enfant subisse la même chose.
Mme in 't Zandt pense que cela est dû au fait qu'il y a une identification avec la violence à un moment donné. Grâce à la mutilation, ces femmes prennent conscience qu'elles sont une femme, qu'elles sont responsables de l'honneur de la famille et qu'elles appartiennent à un groupe. Certaines sont même fières de leur mutilation. Un des dépliants contient le témoignage d'une jeune fille qui, parce qu'elle n'était pas excisée, était harcelée dans sa communauté. Les autres enfants entendaient qu'elle faisait beaucoup de bruit lorsqu'elle urinait, ce qui était considéré comme impur. Après son excision, il ne lui était plus possible d'uriner normalement et cela représentait une sorte de soulagement pour elle. Cette identification fait que vous arrivez à supporter cette intervention à un moment donné.
Mme Diallo signale que lorsqu'on vit dans ce milieu-là, la pression est très forte. La jeune fille qui n'est pas excisée ne peut pas cuisiner, aller chercher l'eau à la rivière; elle ne peut pas jouer avec les autres et est rejetée. Elle est exclue du groupe. Par conséquent, les parents n'ont pas envie que leur enfant soit montrée du doigt et exclue de la communauté.
On dit également aux fillettes que tant qu'elles ne seront pas excisées, aucun homme ne voudra les épouser. La pression est donc énorme.
Mme Diallo donne la parole à sa collègue, Mme Zahra Ali, qui a fui son pays pour les mêmes raisons.
Mme Ali indique que quand une mère emmène sa petite fille chez l'exciseuse, elle ne veut pas lui faire du mal mais lui rendre service. Elle veut que sa fille soit comme les autres et qu'on ne la traite pas de chienne. C'est ainsi qu'on appelle les filles qui ont encore leur clitoris.
Mme Ali a elle-même connu cela. Quand elle était dans son pays, elle se sentait différente des autres. Quand elle a subi l'excision à 16 ans, elle était reconnaissante à sa grand-mère.
Cependant, quand elle est venue en Belgique, elle s'est aussi sentie différente des autres femmes. On lui avait enlevé son clitoris pour rien. Tout ce qu'on lui avait fait croire était faux. Quand on vit là-bas, on est dans l'ignorance.
Elle a vécu l'excision à l'adolescence et elle s'en souvient comme si c'était hier. Pourtant, elle avait bien l'intention de faire exciser sa fille si elle était restée là-bas parce qu'elle n'aurait pas voulu qu'elle subisse ce qu'elle avait enduré elle-même: lorsqu'elle s'approchait de sa grand-mère, elle la rejetait en lui disant qu'elle était sale.
À l'école, ses camarades de classe écoutaient le bruit qu'elle faisait en urinant. Ils lui disaient qu'elle était un homme parce qu'elle urinait comme eux. Elle n'avait aucun répit, on la montrait du doigt, c'était presque du harcèlement. Elle ne voulait donc en aucun cas que sa fille subisse le même sort.
Cependant, en arrivant en Belgique, avec la distance, la prise de conscience a été assez frappante. Le fait de revivre ce qu'on a vécu là-bas est un traumatisme.
Mme Stevens remercie Mme Ali pour ses explications. On comprend maintenant mieux pourquoi cette pratique se perpétue. La pression socio-culturelle est bien entendu très forte.
Nous devons situer ce problème dans un contexte particulier. Il va de soi que l'éducation doit permettre un changement de mentalités.
La présidente espère que le Comité d'avis pourra continuer à travailler, avec les différentes associations entendues, à l'éradication des mutilations génitales.
Mme Zrihen conclut que les auditions ont permis de clarifier la situation: elles ont mis en évidence les enjeux et les dangers des mutilations génitales féminines. Les options que le Comité d'avis peut choisir sont claires.
Il faut véritablement renforcer la position du GAMS et de toutes les associations qui se battent pour l'abolition de ces mutilations.
IV. Discussion de l'avis
IV.1. Proposition d'avis
1. Le Comité d'avis prend connaissance du fait que l'on estime à 135 millions de par le monde le nombre de femmes et de petites filles mutilées. Trois millions de nouveaux cas viendraient s'y ajouter chaque année. Il n'existe pas de statistiques officielles en Belgique, mais on estime que plus de 2000 femmes ont été victimes de mutilations génitales féminines en 2007 et qu'entre 200 et 500 petites filles naîtraient chaque année dans une famille à risque.
2. Le Comité d'avis fait remarquer que les mutilations génitales féminines ont des séquelles graves sur la santé et l'intégrité psychique et psychologique de la femme. Elles peuvent se manifester notamment sous la forme de douleurs, d'un état de choc, d'hémorragies, de lésions, d'un traumatisme physique et psychologique, de problèmes à long terme tels que l'incontinence, des infections récidivantes et un risque probablement accru d'infection par le VIH. De graves problèmes surviennent également lors de l'accouchement, tels qu'un travail prolongé, une déchirure du périnée, un risque accru de césarienne, des hémorragies postnatales et un taux de mortalité périnatale significativement plus élevé. Les femmes mutilées sont plus nombreuses à souffrir de fistules génitales. De multiples problèmes peuvent également se poser sur le plan de la sexualité.
3. Le Comité d'avis constate qu'il y a de nombreuses explications aux mutilations, qui, la plupart du temps, sont directement liées à la position des femmes ainsi qu'aux échelles de valeur, aux normes sociales et aux tabous. Les principaux déterminants des mutilations génitales féminines sont socioculturels, traditionnels, religieux et sociaux. Ces mutilations sont pratiquées par les populations tant chrétiennes et animistes que musulmanes.
4. Le Comité d'avis constate que les mutilations peuvent être pratiquées pendant des vacances dans le pays d'origine. Il importe, dès lors, de procéder à des interventions de prévention ciblées à l'intention des familles dites traditionnelles afin de les avertir que les mutilations génitales féminines sont interdites par la loi.
5. Le Comité d'avis constate l'existence de conceptions contradictoires relatives à l'instauration d'un contrôle gynécologique général des petites filles pour vérifier si elles ont été mutilées ou non. Le GAMS est favorable à l'obligation d'effectuer un examen général des jeunes enfants pour combattre l'impunité.
L'ICRH émet des réserves sur la proposition. Tout d'abord, un contrôle est perçu comme répressif et n'est pas la façon appropriée de mettre fin à la tradition dénoncée. Il faut donner la priorité aux interventions axées sur la sensibilisation et les changements de comportement. Ensuite, les problèmes logistiques sont énormes: la question se pose de savoir qui devrait effectuer le contrôle et chez quels enfants. Avec quelle fréquence et à quel âge ? L'on propose de confier la réalisation de ce contrôle à l'ONE, mais celle-ci ne suit les enfants que jusqu'à l'âge de six ans et les médecins scolaires n'ont pas non plus la formation ad hoc. Troisièmement, si l'on examine uniquement les filles issues de pays où sont pratiquées les mutilations génitales féminines, l'examen risque d'avoir un effet stigmatisant. Il n'est pas possible d'effectuer un examen sur toutes les filles et de nombreux parents y seront opposés. Du reste, le risque de mauvais diagnostic est grand.
Avant de prendre des initiatives au niveau national, il convient de contrôler l'opportunité de pratiquer un contrôle, ce que l'on attend d'un tel programme et si des mécanismes de détection existants ne permettraient pas d'effectuer ce contrôle. Si l'on opte pour un contrôle au niveau national, il importe de créer un cadre médical, légal et éthique dans lequel il peut avoir lieu et de vérifier avec des experts en la matière comment le mettre effectivement en œuvre.
6. Le Comité d'avis constate que la plupart des excisions sont pratiquées à l'âge de sept ans, mais il observe que cette limite d'âge ne cesse de baisser.
7. Le Comité d'avis constate que les femmes qui ont été mutilées décident souvent de faire subir le même sort à leur propre fille, malgré les séquelles qu'elles en gardent. En effet, la tradition veut que la femme ne devient femme qu'après avoir été mutilée, qu'elle est responsable de l'honneur de la famille et qu'elle appartient à la communauté uniquement si elle a été mutilée.
8. Le Comité d'avis indique qu'une solution au problème consiste peut-être à former et à encourager les exciseuses à faire un autre travail, bien qu'il ne soit pas certain qu'elles ne continueront pas ces pratiques clandestinement si la demande persiste.
9. Le Comité d'avis constate que l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) reconnaît depuis longtemps les mutilations génitales féminines comme une forme de torture. La défense des cultures et des traditions trouve sa limite dans le respect des droits humains fondamentaux et dans l'interdiction de pareilles pratiques assimilées à des actes de torture.
Le Comité d'avis souligne que la directive européenne 2003/9/CE impose de permettre l'accès aux soins avec une attention particulière pour les victimes de tortures. Par conséquent, il y a lieu de prendre des mesures proactives en faveur des femmes qui sont arrivées récemment en Belgique en provenance d'un pays où les mutilations génitales féminines sont des pratiques courantes.
10. Le Comité d'avis constate qu'en dépit de l'adoption de la loi de 2001 relative aux mutilations génitales, aucune application concrète de ce texte n'est encore connue à ce jour. Il importe de créer une cellule spécifique chargée de recevoir les appels à l'aide et les déclarations des membres de la famille, des médecins ou des enseignants. Une telle initiative peut être mise en œuvre par la création d'un numéro vert national facile à retenir pour les enfants.
11. Le Comité d'avis met l'accent sur l'importance d'établir des directives en matière de réinfibulation, de chirurgie reconstructrice et de chirurgie esthétique vaginale, ainsi que sur la nécessité d'élaborer un protocole pour les gynécologues et les autres personnes concernées qui sont confrontés à une femme ou une fille à risque.
12. Le Comité d'avis recommande d'améliorer le système de protection pour enfants qui existe en Belgique en ce qui concerne le risque de mutilations génitales féminines, et d'octroyer le statut de protection subsidiaire aux victimes de telles mutilations.
13. Le Comité d'avis recommande également d'interdire les incisions symboliques.
14. Le Comité d'avis insiste sur la nécessité d'améliorer la coordination entre les différents acteurs qui sont déjà actifs dans le domaine de l'excision. Il serait également indiqué de répertorier les initiatives existantes et de mesurer leur impact. Il serait utile à cet effet de situer les besoins en matière d'information et de formation dans le cadre général d'autres pratiques traditionnelles néfastes, telles que les mutilations génitales féminines, les mariages d'enfants et la violence liée à l'honneur.
15. Le Comité d'avis refuse que l'on médicalise les mutilations, ce qui reviendrait à accepter l'idée que les mutilations sont autorisées sous certaines conditions.
16. Le Comité d'avis demande que soient formés et informés les médecins, les sages-femmes et les kinésithérapeutes, mais aussi les collaborateurs de l'ONE, les enseignants, les avocats, les magistrats et les personnes qui accueillent des demandeurs d'asile. Cela fait plusieurs années que le cursus de base des médecins flamands et le programme du postgraduat pour les gynécologues comprennent un module relatif aux mutilations génitales féminines. Il faudrait étendre cette initiative au niveau national.
17. Le Comité d'avis conseille de libérer des fonds et des moyens en vue de financer une étude sur la question des mutilations génitales féminines, afin de pouvoir déterminer avec une plus grande précision quelle est la population à risque dans notre pays.
IV.2. Discussion de la proposition d'avis
Mme de Bethune observe que l'on ne fait pas clairement la distinction entre les constatations et les recommandations. En outre, il est difficile de mener la discussion en l'absence de la rapporteuse.
La présidente propose d'entamer déjà la discussion, même en l'absence de la rapporteuse.
Mme Zrihen est d'accord avec cette façon de travailler, d'autant plus que le contenu correspond aux échanges qui ont eu lieu lors des précédentes réunions du Comité d'avis.
En ce qui concerne le point 1, M. Destexhe aimerait savoir d'où vient le chiffre de « 2000 femmes » victimes de mutilations génitales féminines. Il faudrait nommer la source dans l'avis.
Mme Zrihen indique que ce chiffre provient des associations auditionnées. Toutes ces données se trouvent dans le compte rendu des auditions.
Mme de Bethune estime elle aussi que la source doit être mentionnée, en utilisant une formule du type: « Cette association pense que ... ». Sur quelle base a-t-on fait l'estimation en question ?
La présidente propose d'ajouter une note en bas de page afin de nommer la personne ou l'association qui a annoncé ces chiffres lors des auditions.
Mme Zrihen propose de remplacer les mots « on estime que » par les mots « le GAMS estime que ».
Au point 4, Mme Zrihen propose de remplacer, dans la 2e phrase, les mots « des interventions de prévention » par les mots « des campagnes de sensibilisation » et de supprimer les mots « dites traditionnelles ».
Mme de Bethune demande avec insistance de séparer les recommandations des constatations.
M. Destexhe souhaite savoir comment le GAMS se propose d'effectuer l'examen général chez les jeunes enfants dont il est question au point 5. À travers le système scolaire ou le PMS ?
La présidente rappelle que les membres du Comité d'avis n'étaient absolument pas favorables à l'idée d'effectuer un examen général des jeunes filles.
Mme Zrihen répond que l'ONE et le PMS seraient chargés de cet examen.
Mme Durant rappelle que l'ONE examine les enfants jusqu'à l'âge de 6 ans. Il ne faut toutefois pas oublier que pas tous les enfants ne sont pas examinés.
Mme de Bethune trouve que la dernière phrase du point 5 est une recommandation particulièrement ambiguë. On marque d'abord son désaccord sur la proposition du GAMS, pour dire ensuite dans la recommandation qu'il faudrait créer un cadre éthique, légal et médical si l'on suivait malgré tout cette proposition. Pareille formulation donne l'impression que l'examen en question va tout de même être organisé.
Étant donné que des conceptions contradictoires ont été formulées par différentes participantes au débat, Mme Zrihen conclut qu'il est difficile de prendre position. Il ne peut y avoir de recommandation de la part du Comité d'avis concernant cet examen général.
Selon Mme de Bethune, le Comité d'avis doit s'opposer clairement à un examen général. Si l'on veut toutefois conserver la recommandation, il y a lieu de la formuler de manière beaucoup plus concrète.
Mme Zrihen estime que les conditions pour faire un examen général sont énumérées dans l'avis.
La présidente n'est pas d'accord avec le contenu du dernier paragraphe du 5e point. Il faut clairement indiquer quelle est la position du Comité d'avis sur ce genre d'examen.
Mme Zrihen a cru comprendre que le Comité d'avis n'était pas favorable à un contrôle généralisé, mais qu'il examinait si les conditions pour le faire étaient respectées. Après avoir entendu tous les arguments émis par l'ICRH contre ce genre d'examen, il faut conclure qu'un examen général ne peut être effectué sous les conditions énumérées par le GAMS.
Mme Durant propose de remplacer « Si l'on opte pour un contrôle au niveau national » par les mots « Dans le cas où un contrôle national serait un jour mis en place ».
Mme de Bethune souhaite que l'on supprime l'alinéa en question. Soit le Comité d'avis indique de quelle manière ce contrôle doit être réalisé, soit il déclare qu'un examen national n'est pas envisageable. La formulation actuelle de l'alinéa cautionne implicitement la campagne du GAMS, ce qui n'est absolument pas la volonté du Comité d'avis.
Mme Van Hoof demande à qui les organismes peuvent signaler les cas d'enfants et de jeunes filles excisées qu'ils rencontrent. Cela n'est indiqué nulle part. Il faut en tout cas élaborer une procédure à cet égard.
La présidente indique que cela pourra être repris dans les recommandations.
Mme Stevens souligne que le point 10 aborde cette question.
Mme Zrihen confirme que cela se trouve dans le point 10. Vu que le paragraphe 5 n'est pas le reflet exact des auditions, la sénatrice propose de l'éliminer complètement.
Mme Stevens propose une correction de forme dans le texte néerlandais du point 6: il convient de remplacer les mots « deze leeftijdsgrens steeds jonger wordt » par les mots « deze leeftijdsgrens steeds verlaagt ».
Mme Durant souhaite apporter une correction de texte dans la deuxième phrase du point 7: les mots « la tradition veut » doivent être remplacés par les mots « la tradition voudrait ». La tradition n'étant pas une loi, cette formulation semble plus correcte.
Mme de Bethune trouve que la recommandation 8 convient pour les pays en voie de développement mais qu'il faut être plus sévère pour la Belgique. Les mutilations génitales constituent un délit pénal et il faut le notifier clairement à quiconque exerce la profession d'exciseur.
Mme Stevens pense également qu'il faut établir une distinction selon que l'excision est pratiquée en Belgique ou à l'étranger. L'on peut légitimement se demander si une femme pratique des excisions parce qu'elle est au chômage ou pour une autre raison.
Mme Zrihen propose de compléter la phrase par ce qui suit: « Le Comité d'avis indique qu'une solution au problème dans les pays d'origine consiste peut-être à ... ».
Mme de Bethune estime qu'il faut effectivement ajouter un alinéa sur la politique belge, ce qui est essentiel dans le cadre de la coopération au développement.
La présidente ajoute qu'il faut indiquer quelles peines sont encourues par les auteurs des mutilations. Il faudrait également formuler de façon plus claire ce paragraphe.
Mme Zrihen souligne que les pays d'origine travaillent à la réinsertion des exciseuses. L'on pourrait ajouter dans les recommandations que le Comité d'avis recommande de « soutenir les initiatives visant à la réinsertion des exciseurs et des exciseuses dans les pays partenaires de la coopération au développement et où se pratiquent les mutilations génitales féminines ».
La présidente admet qu'il faut faire une distinction entre les actions à entreprendre en Belgique et celles à entreprendre dans le cadre de la coopération au développement.
Mme Hermans estime que le point 8 n'est pas l'affaire de la Belgique mais elle peut comprendre qu'on veuille l'ajouter aux recommandations. L'objectif lui paraît irréalisable d'un point de vue pratique. Comment identifier les femmes concernées ? Comment les enregistrer ? Quelle solution pouvons-nous proposer pour insérer ces femmes dans un processus pédagogique ou autre ?
Mme Zrihen cite l'exemple du Burkina Faso, où un véritable travail de sensibilisation et de formation de la population a eu lieu.
La présidente indique que le Comité d'avis peut formuler des recommandations à l'adresse du ministre chargé de la Coopération au développement.
La présidente demande que la recommandation 9 soit scindée: elle comporte aussi bien des constats que des recommandations.
Mme Van Hoof s'interroge sur l'efficacité de la procédure mentionnée au point 10. Il faut prévoir un accompagnement pour les familles et enfants concernés.
La présidente est d'avis qu'il ne faut pas multiplier les numéros verts. L'existence d'un numéro général pour les problèmes de l'enfance serait bien plus efficace.
Mme Durant estime qu'un numéro vert unique pour les enfants ne suffit pas. Il s'agit là d'un problème spécifique. Elle n'est pas non plus d'avis qu'il faille multiplier les numéros d'appel. Il faudrait pouvoir adresser les personnes à un centre.
Mme Zrihen propose de supprimer la dernière phrase du point 10.
Mme de Bethune rappelle qu'un accompagnement doit cependant être possible.
Concernant le point 11, Mme de Bethune pense qu'il faut indiquer clairement qui doit élaborer le protocole pour les médecins.
Mme Zrihen répond que cela relève de la responsabilité du ministère de la Santé publique, en collaboration avec les gynécologues.
Mme Stevens pense que l'on peut confier au Centre fédéral d'expertise des soins de santé la tâche d'élaborer les directives et le protocole.
Mme Hermans souligne le parallélisme avec les directives en matière de maltraitance à l'égard des femmes. Un arrêté ministériel a établi les modalités de la procédure de déclaration. Elle propose que l'on suive la même procédure.
Mme de Bethune souligne que le statut de protection subsidiaire, dont il est question au point 12, n'a de sens que dans le cadre de la législation en matière d'asile. La formulation n'est pas assez claire.
Mme Zrihen propose de modifier la phrase comme suit: « ... et d'octroyer le statut de réfugié [ou de demandeur d'asile] ».
Mme de Bethune se demande si le statut de protection subsidiaire est le meilleur statut de protection.
Mme Hermans se pose la même question.
Mme Durant propose d'ajouter les mots « le cas échéant » après le mot « octroyer ». Certaines jeunes filles mutilées ont en effet la nationalité belge.
La présidente est d'avis que la phrase n'est pas très claire. Il faut prévoir une protection des jeunes filles, qu'elles soient réfugiées ou pas.
Mme Durant confirme qu'il y aurait alors deux types de protection: une protection générale et une protection spécifique pour les filles amenées à retourner dans leur pays d'origine. Celles-ci doivent bien sûr avoir fait une demande d'asile.
Mme Hermans propose de supprimer entièrement le point 12.
Vu que l'excision est reconnue au niveau mondial comme une forme de torture, Mme Zrihen et le autres signataires de la proposition de résolution souhaitent que l'excision soit reconnue comme étant une des conditions de protection des individus et qui leur permettrait d'obtenir le droit d'asile en Belgique, conformément à la loi du 15 septembre 2006.
La présidente émet des réserves sur ce point: le risque d'excision pourrait devenir un moyen pour obtenir le droit d'asile.
Mme Durant propose alors de remplacer le mot « octroyer » par les mots « envisager l'octroi ».
Mme de Bethune déclare que les femmes mutilées sont déjà protégées à l'heure actuelle et peuvent obtenir le statut de réfugié. Une telle recommandation minerait la législation belge. En revanche, le Comité d'avis peut recommander de garantir l'application de la loi du 15 septembre 2006. Le cadre légal existe déjà, mais le droit n'est pas toujours octroyé.
Mme Zrihen propose d'intégrer l'idée suivante dans le point 12: « veiller à l'application effective des dispositions de la loi du 15 septembre 2006 ».
Les membres présents sont d'accord avec cette modification.
La présidente estime qu'il faudrait expliquer au point 13 ce qu'est une incision symbolique.
Mme de Bethune demande s'il faut interdire l'incision symbolique, qui représente en effet une alternative à l'excision dans le Sud.
La présidente pense également que l'incision symbolique permet de soulager une grande partie de la problématique.
Mme Zrihen rappelle que plusieurs intervenants auditionnés ont souligné le fait que les incisions symboliques sont des formes de mutilations génitales féminines.
Les membres présents décident qu'il vaudrait peut-être mieux ne pas mentionner l'incision symbolique dans les recommandations.
Mme Van Hoof désire savoir qui pratique les incisions symboliques.
Mme Hermans répond que les auditions ont révélé que les incisions symboliques pouvaient être pratiquées aussi bien par des médecins que par des exciseuses traditionnelles.
Mme Durant trouve qu'il est important de souligner au point 14 que la mutilation génitale est une forme de crime d'honneur. Un centre d'appel devrait dès lors être créé afin de traiter cette problématique.
Mme Zrihen souhaite apporter une correction au texte: il faut remplacer les mots « dans le domaine de l'excision » par les mots « dans le domaine de la lutte contre l'excision ».
Mme Van Hoof estime que le point 15 est étroitement lié au point 13: il existe déjà une médicalisation poussée pour les cas de circoncision chez les garçons, ce qui ne peut certainement pas être une mauvaise chose.
Mme Zrihen souhaite faire une mise au point: une circoncision est totalement différente d'une excision. Le prépuce est un élément de peau qui n'a aucune terminaison nerveuse. Le point 15 fait référence notamment au cas de l'Egypte, où 95 à 97 % des excisions se pratiquent en milieu hospitalier. La mutilation est une pratique qui ne peut en aucun cas être maintenue, même si l'on prétend l'effectuer dans de bonnes conditions hygiéniques et sanitaires.
Mme Hermans pense qu'il peut être dangereux de maintenir dans les recommandations la référence aux incisions symboliques et à la médicalisation. Elle comprend que, si l'on autorisait malgré tout, cela reviendrait en fait à tolérer une forme de mutilation génitale féminine.
Mme Zrihen reste convaincue qu'il faut interdire la médicalisation des mutilations.
Mme Zrihen propose de supprimer le mot « flamands » au point 16, car il n'y a pas de différence entre les médecins néerlandophones et les médecins francophones.
Concernant le point 17, la présidente estime qu'il vaut mieux consacrer les moyens à une cellule concrète d'aide et de soutien plutôt qu'à la réalisation d'une étude.
Mme Stevens estime que la remarque de la présidente est justifiée. Elle pense que le point 17 peut éventuellement être relié au point 5. Une étude pourrait rechercher la meilleure manière d'empêcher les mutilations génitales féminines à l'avenir: par le biais d'un dépistage ou par d'autres moyens. De quelle manière aborde-t-on le problème de l'excision dans d'autres pays ?
Mme Zrihen soutient la proposition de sa collègue Stevens. Il serait intéressant d'effectuer une étude comparative des pratiques dans différents pays européens, afin de voir quelles sont les meilleures manières de réagir par rapport à cette problématique.
Mme Hermans trouve que le point 17 est en contradiction avec le point 5. Si le point 17 était maintenu, il faudrait aussi soutenir le point 5. Tout le monde sait plus ou moins quelle est la population à risque. La sénatrice estime que toutes les jeunes filles doivent être soumises à un examen, quelle que soit leur origine.
Mme Stevens souhaite revenir à l'étude comparative que le Comité d'avis pourrait demander. À cet égard, on peut faire appel au Conseil de l'Europe, car celui-ci examinerait certainement les aspects sociaux du problème.
Mme Zrihen propose d'ajouter un point supplémentaire indiquant que le Comité d'avis pour l'égalité des chances entre les femmes et les hommes soutient la proposition de résolution visant à lutter contre les mutilations génitales féminines.
Mme de Bethune souligne une nouvelle fois que la version corrigée de l'avis doit faire une distinction entre les constatations et les recommandations. On pourrait également séparer les recommandations suivant qu'elles s'adressent à la Belgique ou à l'étranger.
IV.3. Deuxième version de la proposition d'avis
Sur la base des auditions, le Comité d'avis a formulé l'avis suivant:
a) Constatations
A. Le Comité d'avis constate qu'en dépit de l'interdiction légale des mutilations génitales féminines en Belgique depuis 2001 (article 409 du Code pénal), aucun dossier pénal n'a encore été ouvert.
B. Le Comité d'avis constate que l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) reconnaît depuis longtemps les mutilations génitales féminines comme une forme de torture. La défense des cultures et des traditions trouve sa limite dans le respect des droits humains fondamentaux et dans l'interdiction de pareilles pratiques assimilées à des actes de torture.
C. Le Comité d'avis prend connaissance du fait que l'on estime à 135 millions de par le monde le nombre de femmes et de petites filles mutilées. Trois millions de nouveaux cas viendraient s'y ajouter chaque année (7) . Il n'existe pas en Belgique de statistiques officielles, mais on estime qu'en 2004, plus de 2000 femmes ont été victimes de mutilations génitales et plus de 500 petites filles risquaient d'être mutilées (8) .
D. Le Comité d'avis constate que la plupart des excisions sont pratiquées à l'âge de sept ans, mais il observe que cette limite d'âge ne cesse de baisser.
E. Le Comité d'avis constate que les mutilations peuvent être pratiquées pendant des vacances dans le pays d'origine et que, dans les familles à risque, on ignore souvent que les mutilations génitales féminines sont interdites en Belgique.
F. Le Comité d'avis constate qu'il y a de nombreuses explications aux mutilations. Celles-ci sont la plupart du temps directement liées au statut des femmes ainsi qu'aux échelles de valeur, aux normes sociales et aux tabous. Les principaux déterminants des mutilations génitales féminines sont socioculturels, traditionnels, religieux et sociaux. Ces mutilations sont pratiquées par les populations tant chrétiennes et animistes que musulmanes.
G. Le Comité d'avis fait remarquer que les mutilations génitales féminines ont des conséquences graves sur la santé et l'intégrité psychique et psychologique de la femme. Elles peuvent se manifester notamment sous la forme de douleurs, d'un état de choc, d'hémorragies, de lésions, de traumatismes physiques et psychologiques, de problèmes à long terme tels que des infections récidivantes, des problèmes urinaires et un risque probablement accru d'infection par le VIH. De graves problèmes surviennent également lors de l'accouchement, tels qu'un travail prolongé, une déchirure du périnée, un risque accru de césarienne, des hémorragies postnatales et un taux de mortalité périnatale significativement plus élevé. Les femmes mutilées sont plus nombreuses à souffrir de fistules génitales. De multiples problèmes peuvent également se poser sur le plan de la sexualité.
H. Le Comité d'avis constate que même une incision symbolique est plus dangereuse qu'on ne le présente généralement. Elle constitue souvent une incitation à pratiquer une mutilation génitale féminine d'un type plus invasif.
I. Le Comité d'avis constate que les femmes qui ont été mutilées décident souvent de faire subir le même sort à leur propre fille, malgré les séquelles qu'elles en gardent. En effet, la tradition veut que la femme ne devient femme qu'après avoir été mutilée, qu'elle est responsable de l'honneur de la famille et qu'elle appartient à la communauté uniquement si elle a été mutilée.
J. Le Comité d'avis constate qu'un contrôle gynécologique général des petites filles pour vérifier si elles ont été excisées ou non peut poser des problèmes. Un contrôle est perçu comme répressif et n'est dès lors pas la façon appropriée de mettre fin à la tradition dénoncée. En outre, les problèmes logistiques sont énormes: l'ONE ne suit les enfants que jusqu'à l'âge de six ans et les médecins scolaires n'ont pas non plus la formation ad hoc. De plus, un examen gynécologique approfondi peut avoir des effets traumatisants pour l'enfant et ses effets peuvent être stigmatisants si l'on examine uniquement les filles issues de pays où sont pratiquées les mutilations génitales féminines. Dernier constat, et non des moindres, le risque de mauvais diagnostic est grand.
b) Recommandations
1. Le Comité d'avis demande que l'on veille à l'exécution de la loi belge de 2001 relative aux mutilations génitales féminines (Code pénal, art. 409) et que l'on poursuive quiconque se rend coupable de pareilles mutilations.
2. Le Comité d'avis conseille de libérer des fonds et des moyens en vue de financer une étude sur la question des mutilations génitales féminines, afin de pouvoir déterminer avec une plus grande précision quelle est la population à risque dans notre pays et de pouvoir choisir une bonne stratégie pour l'avenir.
3. Le Comité d'avis conseille de prendre des mesures proactives en faveur des femmes qui sont arrivées récemment en Belgique en provenance d'un pays où les mutilations génitales féminines sont pratique courante, et ce sur la base de la directive européenne 2003/9/CE, qui permet l'accès aux soins avec une attention particulière aux victimes de tortures.
4. Le Comité d'avis conseille de mettre sur pied une campagne de sensibilisation à l'attention des familles à risque qui partent en vacances dans leur pays d'origine, afin d'attirer leur attention sur l'interdiction des mutilations génitales féminines en Belgique.
5. Le Comité d'avis demande que soient formés et informés les médecins, les sages-femmes et les kinésithérapeutes, mais aussi les collaborateurs de l'ONE, les enseignants, les avocats, les magistrats et les personnes qui accueillent des demandeurs d'asile. Cela fait plusieurs années que le cursus de base des médecins et le programme du postgraduat pour les gynécologues comprennent un module relatif aux mutilations génitales féminines. Il faudrait étendre cette initiative au niveau national.
6. Le Comité d'avis conseille de déterminer les besoins en matière d'information et de formation dans le cadre général des autres pratiques traditionnelles néfastes, telles que les mutilations génitales féminines, les mariages d'enfants et la violence liée à l'honneur.
7. Le Comité d'avis recommande d'établir des directives en matière de réinfibulation, de chirurgie reconstructrice et de chirurgie esthétique vaginale et d'élaborer un protocole clair pour les médecins et les prestataires de soins.
8. Le Comité d'avis conseille d'améliorer le système de protection pour enfants qui existe en Belgique en ce qui concerne le risque de mutilations génitales féminines.
9. Le Comité d'avis déconseille l'instauration d'un contrôle gynécologique général des petites filles pour vérifier si elles ont été excisées ou non. Il recommande d'y substituer des interventions axées sur la sensibilisation et sur les changements de comportement.
10. Le Comité d'avis marque son accord en vue de l'élaboration d'un nouveau Plan d'action national visant à étendre le Plan d'action national de lutte contre la violence entre partenaires (9) à toutes les violences à l'égard des femmes, y compris les mutilations génitales féminines.
11. Le Comité d'avis conseille d'appliquer la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers (art. 48/3), telle que modifiée par la loi du 15 septembre 2006, qui dispose que le statut de réfugié peut être accordé aux personnes qui subissent ou qui risquent de subir des actes de persécution « dirigés contre des personnes en raison de leur sexe ».
12. Le Comité d'avis refuse que l'on médicalise les mutilations, ce qui reviendrait à accepter l'idée que celles-ci sont autorisées à certaines conditions.
13. Le Comité d'avis demande d'améliorer la coordination entre les différents acteurs qui sont déjà actifs dans le domaine de l'excision. À cet égard, il faut répertorier les initiatives existantes et en étudier l'impact.
14. Le Comité d'avis conseille de créer une cellule spécifique chargée de recevoir les appels à l'aide et les déclarations des membres de la famille, des médecins ou des enseignants.
15. Le Comité d'avis recommande d'attirer l'attention des autorités des pays en développement où sont pratiquées des mutilations génitales féminines sur l'importance d'encourager les femmes qui pratiquent les mutilations à suivre une formation ou de les guider dans la recherche d'un travail, de telle sorte qu'elles puissent obtenir un revenu d'une autre manière.
IV.4. Discussion de la deuxième version de la proposition d'avis
Mme Temmerman commente les recommandations de la proposition d'avis.
Avant de poursuivre la discussion de la proposition d'avis, la présidente signale qu'elle a reçu une lettre du Commissariat Général aux Réfugiés et aux Apatrides. Le CGRA demande la mise en place d'une politique de suivi particulier pour les parents ayant obtenu le statut de réfugiés et leurs enfants qui risquent d'être mutilées, et ce tout au long de leur minorité.
Il faudrait peut-être ajouter un point aux recommandations qui permettrait de soutenir un tel suivi par le CGRA.
En ce qui concerne le point C des constatations, la présidente est interpellée par le grand nombre de femmes mutilées qui résideraient en Belgique: plus de 2000 femmes. En outre, plus de 500 petites filles risqueraient d'être mutilées. Ces chiffres proviennent de GAMS et du docteur Els Leye.
Mme Temmerman reconnaît que le nombre de femmes mutilées (2000) peut paraître relativement élevé, mais il englobe à la fois les femmes qui ont été mutilées sur le territoire belge et celles qui avaient déjà été mutilées dans leur pays d'origine avant de venir habiter dans notre pays. On estime en outre à environ 500 le nombre de fillettes séjournant sur le territoire belge, qui courent le risque d'être mutilées en Belgique ou au cours de vacances dans leur pays d'origine. Bien que les chiffres avancés ne soient que des estimations, ils sont confirmés par différentes sources.
La présidente remarque que le point H ne reflète pas tout à fait les arguments apportés lors d'une précédente réunion. Il ne faudrait pas trop s'attaquer à l'incision symbolique, car cela pourrait être une alternative aux différentes formes de mutilation génitale.
Mme Hermans rappelle qu'il ressort des auditions que les orateurs condamnent l'incision symbolique. La deuxième phrase du point H n'est apparemment pas non plus une conclusion qui ressort des auditions.
Mme Temmerman propose de supprimer le point H.
Mme Hermans considère qu'il est important de conserver les mots « incision symbolique » dans l'avis, éventuellement au point F.
Mme Zrihen propose plutôt d'ajouter ces mots dans le point I, dont la première phrase deviendrait: « Le Comité d'avis constate que les femmes qui ont été mutilées, même par une incision symbolique, décident souvent de faire subir le même sort à leur propre fille ... ».
Mme Hermans trouve que les recommandations contiennent encore des contradictions. Par exemple, au point 2, l'on demande de libérer des fonds et des moyens en vue de financer une étude sur la question des mutilations génitales féminines mais comment cela peut-il se faire si l'on déconseille au point 9 l'instauration d'un contrôle gynécologique général des petites filles ? Il convient de spécifier plus clairement à quelles fins les fonds seront employés.
Par conséquent, la sénatrice propose de déplacer le point 2 après le point 9 qui serait remplacé par la formulation suivante: « Le Comité d'avis conseille de mettre sur pied des actions de sensibilisation visant à induire des changements de comportement. Il convient avant tout de créer un cadre juridique et médical basé sur un système de contrôle efficace permettant de dépister et de signaler les mutilations génitales. ». Aucun progrès ne sera possible tant que ce système de contrôle n'existera pas.
Si on lit le point 2 après le point 9, on voit alors clairement à quoi le financement peut servir, à savoir à la prévention et à la création d'un cadre médical et juridique.
Mme Temmerman est d'accord avec la proposition de Mme Hermans. Elle souhaite toutefois reformuler le point 9 comme suit: « Le Comité d'avis conseille de mettre sur pied des actions de sensibilisation visant à induire des changements de comportement. Il convient de libérer des moyens financiers et de les affecter à des mesures préventives et à la mise sur pied d'un cadre juridique et médical clair axé sur un système de contrôle efficace permettant de dépister et de signaler les mutilations génitales. » On fait ainsi toute la clarté sur les affectations possibles pour les moyens financiers dégagés.
Pour ce qui est du point 3 des recommandations, la présidente se demande s'il ne permettrait pas d'insérer la demande du CGRA concernant la mise en œuvre d'une politique de suivi. Cela pourrait être formulé comme suit: « Le Comité d'avis souligne l'importance de la mise en œuvre en Belgique d'une politique de suivi tout au long de la minorité des enfants ayant obtenu le statut de réfugié ».
Mme Zrihen signale qu'il ne s'agit pas seulement d'un problème pour les mineurs. La mutilation génitale peut encore être subie à l'âge de 17 ou 18 ans, voire juste avant le mariage.
Par conséquent, la présidente propose de remanier la phrase afin qu'il ne soit plus fait référence à l'âge: « Le Comité d'avis souligne l'importance de la mise en œuvre en Belgique d'une politique de suivi à l'attention des personnes ayant obtenu le statut de réfugié ». Le courrier du Commissariat Général aux Réfugiés et aux Apatrides pourrait être mis en annexe.
En ce qui concerne le point 4, Mme Zrihen rappelle qu'en juin 2008 la ministre Laurette Onkelinx a lancé une campagne de sensibilisation. Il faudrait veiller à ce que ce type de campagne soit régulièrement mis sur pied. Par conséquent, la sénatrice propose d'ajouter les mots « chaque année ».
Dans le point 5, les membres sont d'accord pour ajouter « et de l'ONE » après « Kind en Gezin ».
Concernant le point 7, la présidente se demande s'il y a lieu d'aborder dans le cadre des mutilations génitales féminines la question de la chirurgie esthétique. Elle propose donc de supprimer les mots: « et de chirurgie esthétique ».
Mme Temmerman signale que la chirurgie esthétique vaginale est de plus en plus répandue chez les jeunes filles belges. Il n'existe aucun cadre légal en la matière. Ces recommandations ne sont peut-être pas l'endroit indiqué pour demander la création d'un tel cadre.
La présidente est d'avis qu'il ne s'agit plus de torture ni de mutilation.
Mme Hermans estime également que cette question ne se pose pas. Elle propose dès lors de supprimer les mots « chirurgie esthétique ».
Les membres sont d'accord pour supprimer les mots « chirurgie esthétique », mais souhaitent que le mot « vaginale » soit maintenu.
Mme Van Hoof propose de remplacer le point 15 par la phrase suivante: « Le Comité d'avis recommande, dans le cadre de la coopération belge au développement, de veiller systématiquement aux droits des femmes et de soutenir une politique visant à préserver l'intégrité physique et psychique des femmes. »
Tous les membres présents sont d'accord pour apporter cette modification.
Mme Zrihen propose d'ajouter un point 16 rédigé comme suit: « Le Comité d'avis soutient la proposition de résolution visant à lutter contre les mutilations génitales féminines (doc. Sénat, nº 4-533/1). »
Mme Hermans ne se rallie pas entièrement à la proposition de Mme Zrihen. En effet, dans son avis, le Comité d'avis a formulé une série de remarques sur la proposition de résolution.
Par conséquent, Mme de Bethune suggère de reformuler le point nouveau proposé, en indiquant plutôt que le Comité d'avis souscrit à l'intention ou à l'objectif de la proposition de résolution et demande à la commission des Relations extérieures d'intégrer ses recommandations dans la version définitive de la résolution.
V. Avis
a) Constatations
A. Le Comité d'avis constate qu'en dépit de l'interdiction légale des mutilations génitales féminines en Belgique depuis 2001 (art. 409 du Code pénal), aucun dossier pénal n'a encore été ouvert.
B. Le Comité d'avis constate que l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) reconnaît depuis longtemps les mutilations génitales féminines comme une forme de torture. La défense des cultures et des traditions trouve sa limite dans le respect des droits humains fondamentaux et dans l'interdiction de pareilles pratiques assimilées à des actes de torture.
C. Le Comité d'avis prend connaissance du fait que l'on estime à 135 millions de par le monde le nombre de femmes et de petites filles mutilées. Trois millions de nouveaux cas viendraient s'y ajouter chaque année (10) . Il n'existe pas en Belgique de statistiques officielles, mais on estime qu'en 2004, plus de 2000 femmes ont été victimes de mutilations génitales et plus de 500 petites filles risquaient d'être mutilées (11) .
D. Le Comité d'avis constate que la plupart des excisions sont pratiquées à l'âge de sept ans, mais il observe que cette limite d'âge ne cesse de baisser.
E. Le Comité d'avis constate que les mutilations peuvent être pratiquées pendant des vacances dans le pays d'origine et que, dans les familles à risque, on ignore souvent que les mutilations génitales féminines sont interdites en Belgique.
F. Le Comité d'avis constate qu'il y a de nombreuses explications aux mutilations. Celles-ci sont la plupart du temps directement liées au statut des femmes ainsi qu'aux échelles de valeur, aux normes sociales et aux tabous. Les principaux déterminants des mutilations génitales féminines sont socioculturels, traditionnels, religieux et sociaux. Ces mutilations sont pratiquées par les populations tant chrétiennes et animistes que musulmanes.
G. Le Comité d'avis fait remarquer que les mutilations génitales féminines ont des conséquences graves sur la santé et l'intégrité psychique et psychologique de la femme. Elles peuvent se manifester notamment sous la forme de douleurs, d'un état de choc, d'hémorragies, de lésions, de traumatismes physiques et psychologiques, de problèmes à long terme tels que des infections récidivantes, des problèmes urinaires et un risque probablement accru d'infection par le VIH. De graves problèmes surviennent également lors de l'accouchement, tels qu'un travail prolongé, une déchirure du périnée, un risque accru de césarienne, des hémorragies postnatales et un taux de mortalité périnatale significativement plus élevé. Les femmes mutilées sont plus nombreuses à souffrir de fistules génitales. De multiples problèmes peuvent également se poser sur le plan de la sexualité.
H. Le Comité d'avis constate que les femmes qui ont été mutilées, même par une incision symbolique, décident souvent de faire subir le même sort à leur propre fille, malgré les séquelles qu'elles en gardent. En effet, la tradition veut que la femme ne devient femme qu'après avoir été mutilée, qu'elle est responsable de l'honneur de la famille et qu'elle appartient à la communauté uniquement si elle a été mutilée.
I. Le Comité d'avis constate qu'un contrôle gynécologique général des petites filles pour vérifier si elles ont été excisées ou non peut poser des problèmes. Un contrôle est perçu comme répressif et n'est dès lors pas la façon appropriée de mettre fin à la tradition dénoncée. En outre, les problèmes logistiques sont énormes: l'ONE ne suit les enfants que jusqu'à l'âge de six ans et les médecins scolaires n'ont pas non plus la formation ad hoc. De plus, un examen gynécologique approfondi peut avoir des effets traumatisants pour l'enfant et ses effets peuvent être stigmatisants si l'on examine uniquement les filles issues de pays où sont pratiquées les mutilations génitales féminines. Dernier constat, et non des moindres, le risque de mauvais diagnostic est grand.
b) Recommandations
1. Le Comité d'avis demande que l'on veille à l'exécution de la loi belge de 2001 relative aux mutilations génitales féminines (Code pénal, art. 409) et que l'on poursuive quiconque se rend coupable de pareilles mutilations.
2. Le Comité d'avis conseille de prendre des mesures proactives en faveur des femmes qui sont arrivées récemment en Belgique en provenance d'un pays où les mutilations génitales féminines sont pratique courante, et ce sur la base de la directive européenne 2003/9/CE, qui permet l'accès aux soins avec une attention particulière aux victimes de tortures.
Le Comité d'avis souligne l'importance de la mise en œuvre en Belgique d'une politique de suivi à l'attention des personnes ayant obtenu le statut de réfugié (12) .
3. Le Comité d'avis conseille de mettre sur pied une campagne de sensibilisation annuelle à l'attention des familles à risque qui partent en vacances dans leur pays d'origine, afin d'attirer leur attention sur l'interdiction des mutilations génitales féminines en Belgique.
4. Le Comité d'avis demande que soient formés et informés les médecins, les sages-femmes et les kinésithérapeutes, mais aussi les collaborateurs de l'ONE, les enseignants, les avocats, les magistrats et les personnes qui accueillent des demandeurs d'asile. Cela fait plusieurs années que le cursus de base des médecins et le programme du postgraduat pour les gynécologues comprennent un module relatif aux mutilations génitales féminines. Il faudrait étendre cette initiative au niveau national.
5. Le Comité d'avis conseille de déterminer les besoins en matière d'information et de formation dans le cadre général des autres pratiques traditionnelles néfastes, telles que les mutilations génitales féminines, les mariages d'enfants et la violence liée à l'honneur.
6. Le Comité d'avis recommande d'établir des directives en matière de réinfibulation et de chirurgie reconstructrice vaginale et d'élaborer un protocole clair pour les médecins et les prestataires de soins.
7. Le Comité d'avis conseille d'améliorer le système de protection pour enfants qui existe en Belgique en ce qui concerne le risque de mutilations génitales féminines.
8. Le Comité d'avis conseille de mettre sur pied des actions de sensibilisation visant à induire un changement de comportement. Il convient de libérer des moyens financiers et de les affecter à des mesures préventives et à la création d'un cadre médico-juridique adéquat en vue d'élaborer un système de contrôle efficace permettant le signalement et le dépistage.
9. Le Comité d'avis conseille de libérer des fonds et des moyens en vue de financer une étude sur la question des mutilations génitales féminines, afin de pouvoir déterminer avec une plus grande précision quelle est la population à risque dans notre pays et de pouvoir choisir une bonne stratégie pour l'avenir.
10. Le Comité d'avis marque son accord en vue de l'élaboration d'un nouveau Plan d'action national visant à étendre le Plan d'action national de lutte contre la violence entre partenaires (13) à toutes les violences à l'égard des femmes, y compris les mutilations génitales féminines.
11. Le Comité d'avis conseille d'appliquer la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers (art. 48/3), telle que modifiée par la loi du 15 septembre 2006, qui dispose que le statut de réfugié peut être accordé aux personnes qui subissent ou qui risquent de subir des actes de persécution « dirigés contre des personnes en raison de leur sexe ».
12. Le Comité d'avis refuse que l'on médicalise les mutilations, ce qui reviendrait à accepter l'idée que celles-ci sont autorisées sous certaines conditions.
13. Le Comité d'avis demande d'améliorer la coordination entre les différents acteurs qui sont déjà actifs dans la lutte contre l'excision. À cet égard, il faut répertorier les initiatives existantes et en étudier l'impact.
14. Le Comité d'avis conseille de créer une cellule spécifique chargée de recevoir les appels à l'aide et les déclarations des membres de la famille, des médecins ou des enseignants.
15. Le Comité d'avis recommande, dans le cadre de la coopération belge au développement, de veiller systématiquement aux droits des femmes et de soutenir une politique visant à préserver l'intégrité physique et psychique des femmes.
16. Le Comité d'avis soutient l'objectif de la proposition de résolution visant à lutter contre les mutilations génitales féminines (doc. Sénat, nº 4-533/1) et demande à la commission des Relations extérieures et de la Défense d'y intégrer les recommandations de cet avis.
VI. Votes
L'avis est adopté à l'unanimité des 9 membres présents.
Confiance à été faite aux rapporteuses.
Les rapporteuses, | La présidente, |
Marleen TEMMERMAN. Isabelle DURANT. | Dominique TILMANS. |
VII. Annexe
Lettre du Commissariat général aux Réfugiés et aux Apatrides du 3 juillet 2008.
Comité d'avis pour l'égalité des chances entre les hommes et les femmes
Madame Dominique TILMANS
Rue de la Station, 47
6920 WELLIN
Madame,
Depuis le début de l'année 2007, le Commissariat Général aux Réfugiés et Apatrides reçoit, dans des proportions importantes pour certaines nationalités, un type particulier de demandes d'asile.
Il s'agit, dans la majorité des cas, de jeunes femmes déclarant être célibataires et être arrivées seules en Belgique et qui invoquent, à l'appui de leur demande d'asile, l'existence d'un risque de mutilation génitale dans le chef de leur(s) fille(s) née(s) entre-temps en Belgique.
Dans certains autres cas, de telles demandes sont introduites par les deux parents ou, plus rarement, seulement par le père de l'enfant.
Par la présente, nous souhaitons également attirer l'attention des organisations, instances et administrations concernées de près ou loin par cette problématique en Belgique sur la nécessité, dans un souci de protection des enfants, qu'un suivi soit mis en place.
Face à ce phénomène important et dans un souci constant d'accorder la protection la plus efficace — dans les limites inhérentes fixées par la Loi pour la réalisation de notre mission — le Commissariat général a mis en place une procédure particulière pour le traitement et le suivi de ces demandes d'asile.
En effet, en plus de la reconnaissance de la qualité de réfugié aux parents et donc également à leur enfant /leurs enfants, il nous est apparu essentiel de mettre en place un suivi particulier, en raison de la persistance d'un risque non négligeable que les filles soient malgré tout excisées soit en Belgique soit lors d'un déplacement à l'étranger (pendant les vacances scolaires par exemple).
Nous estimons que ce risque peut subsister après l'octroi du statut de réfugié, en raison de l'existence en Belgique ou lors d'un retour dans le pays d'origine, d'une pression sociale et/ou familiale pour la perpétuation de cette pratique nuisible.
Le suivi mis en place par le CGRA se fera sur une base annuelle et consistera à vérifier si les conditions qui ont amené à la décision de reconnaissance sont toujours présentes.
Nous sommes conscients que ce suivi est limité dans le temps. En effet, la compétence du Commissariat général s'arrête si les enfants et/ou la personne en charge de ceux-ci acquièrent la nationalité belge.
En raison de cette compétence limitée par la Loi, le Commissariat général souhaite attitrer votre attention sur l'importance qu'une politique de suivi soit mise en Êôuvre, en Belgique, tout au long de la minorité de ces enfants.
Nous sommes à votre disposition pour vous fournir toutes informations utiles quant aux modalités précises du suivi mis en place et nous serions également vivement intéressés à ce qu'une collaboration se mette en place entre les différents acteurs concernés en Belgique.
Pour toute information complémentaire vous pouvez contacter :
Madame Valentine AUDATE
Coordinatrice Genre
Commissariat Général aux Réfugiés et Apatrides
Boulevard Roi Albert II no 6
1000 BRUXELLES
Tel. 02 205.56.90
E.Mail : [email protected]
Veuillez agréer, Madame, l'expression de mes salutations distinguées
Dirk Van Den Bulk
Commissaire général
(1) Richard F., Daniel D., Ostyn B., Colpaert E., Amy JJ.,Technisch advies voor gezondheidspersoneel in België. Vrouwelijke genitale verminking (vrouwenbesnijdenis) — Handleiding bij de bevalling, Brussel, 2000.
(2) L'article 409 du Code pénal, modifié par la loi du 28 novembre 2000 relative à la protection pénale des mineurs (MB, 17 mars 2001), est formulé comme suit: « art. 409. — § 1.Quiconque aura pratiqué, facilité ou favorisé toute forme de mutilation des organes génitaux d'une personne de sexe féminin, avec ou sans consentement de cette dernière, sera puni d'un emprisonnement de trois ans à cinq ans. La tentative sera punie d'un emprisonnement de huit jours à un an. § 2. Si la mutilation est pratiquée sur une personne mineure ou dans un but de lucre, la peine sera la réclusion de cinq ans à sept ans. § 3. Lorsque la mutilation a causé une maladie paraissant incurable ou une incapacité permanente de travail personnel, la peine sera la réclusion de cinq ans à dix ans. § 4. Lorsque la mutilation faite sans intention de donner la mort l'aura pourtant causée, la peine sera la réclusion de dix ans à quinze ans. § 5. Si la mutilation visée au § 1er a été pratiquée sur un mineur ou une personne qui, en raison de son état physique ou mental, n'était pas à même de pourvoir à son entretien, par ses père, mère ou autres ascendants, toute autre personne ayant autorité sur le mineur ou l'incapable ou en ayant la garde, ou toute personne qui cohabite occasionnellement ou habituellement avec la victime, le minimum des peines portées aux §§ 1er à 4 sera doublé s'il s'agit d'un emprisonnement, et augmenté de deux ans s'il s'agit de réclusion.
(3) Leye E., Deblonde J., A comparative analysis of the different legal approaches in the 15 EU Member States, and the respective judicial outcomes in Belgium, France, Spain, Sweden and the United Kingdom, ICRH Publications no 9, Lokeren, De Consulterij, 2004.
(4) Caers B., Lief en Leed. Jaarboek seksuele gezondheid 2006, Sensoa, Antwerpen, 2005.
(5) Leye E., Ysebaert I, Deblonde J., Claeys P., Vermeulen G., Jacquemyn Y., Temmerman M., « Female genital mutilation: Knowledge, attitudes and practices of Flemish gynaecologists », European Journal of Contraception and reproductive Health Care, Volume 13, Issue 2, 2008, p. 182-190.
(6) UNICEF, Female genital mutilation/cutting. A statistical exploration, New York, UNICEF 2005.
(7) http://www.gams.be/site/nl/02_pays.htm
(8) Els Leye, 2004.
(9) Plan d'action national de lutte contre la violence entre partenaires, approuvé par le Conseil des ministres du 7 mai 2004.
(10) http://www.gams.be/site/nl/02_pays.htm
(11) Els Leye, 2004.
(12) Voir en annexe la lettre du Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides du 3 juillet 2008.
(13) Plan d'action national de lutte contre la violence entre partenaires, approuvé par le Conseil des ministres du 7 mai 2004.