4-303/1 | 4-303/1 |
18 OCTOBRE 2007
La présente proposition de loi reprend le texte d'une proposition qui a déjà été déposée au Sénat le 13 décembre 2006 (doc. Sénat, nº 3-2001/1 — 2006/2007).
En mars 2006, la Fondation Roi Baudouin a publié un rapport sur le sentiment d'insécurité des Belges. Il ressort notamment de ce rapport que, parmi les éléments qui contribuent au sentiment d'insécurité, figure la peur de l'agression (vol de sac, cambriolage, car-jacking, ...).
Si l'on examine les statistiques policières criminelles, on constate, qu'au niveau national, pour 2005, le vol et l'extorsion constituent 42,65 % des infractions enregistrées.
De nombreuses infractions sont commises envers des personnes qui, au sein de notre population, sont plus vulnérables. C'est précisément cette vulnérabilité qui incite les auteurs d'infractions à prendre ces personnes comme victimes. Ils peuvent ainsi réaliser plus facilement leurs méfaits. Le fait de profiter de cette faiblesse rend ces infractions particulièrement odieuses.
L'auteur a déjà déposé une première proposition de loi en la matière (Doc. 4-291/1), qui vise à instaurer l'âge de plus de 65 ans comme circonstance aggravante pour certaines infractions particulières (l'homicide volontaire non qualifié meurtre, les lésions corporelles volontaires, la privation d'aliments, ...). En effet, le Code pénal prévoit actuellement pour ces infractions une circonstance aggravante lorsque la victime est un mineur ou une personne hors d'état de se protéger elle-même en raison de son état physique ou mental. Il convenait à cet égard de compléter le Code pénal pour inclure parmi ces circonstances aggravantes le fait de s'en prendre à une personne âgée.
L'objectif de cette proposition était donc de combler ce vide juridique pour toutes ces infractions.
Cependant, l'auteur souhaite aller plus loin dans la protection des personnes plus vulnérables et souhaite se pencher sur une des infractions les plus répandues, à savoir le vol et l'extorsion.
À cet égard, et surtout pour ce qui concerne les vols de sacs à main, les personnes âgées sont des proies faciles. Elles sont, en effet, plus vulnérables physiquement et leurs réactions sont moins rapides. C'est également chez les personnes âgées que le traumatisme issu de ce type d'agression est le plus important. Celles-ci sont d'autant plus affectées par ces vols qu'ils impliquent souvent la disparition d'objets ayant pour elles une valeur sentimentale (le bijou d'un époux/d'une épouse décédé(e), des photos se trouvant dans le sac à main, ...). Dans la mesure où les personnes âgées ont un état de santé généralement plus fragile, le risque qu'elles soient blessées lors de ce type d'agression est plus élevé. Elles peuvent ainsi par exemple tomber et dans leur chute, se blesser.
Plusieurs de ces personnes peuvent, de plus, être confrontées, du fait de leur âge, à des coûts importants en matière de soins de santé. Des vols commis à leur encontre peuvent diminuer leurs ressources.
À côté des personnes âgées, d'autres franges de la population sont plus vulnérables et de ce fait, doivent bénéficier d'une protection accrue.
Il en est ainsi pour les personnes qui souffrent d'une maladie importante ou encore d'une déficience physique ou mentale. Ces dernières peuvent être prises pour cibles de vols suite à leur déficience: elles se déplacent en chaise roulante ou encore au moyen de béquilles. Il leur est souvent plus difficile de se défendre.
Les mineurs figurent également parmi ces personnes plus vulnérables. Ces derniers sont dépendants financièrement de leurs parents et leurs ressources sont généralement limitées à leur argent de poche et/ou aux revenus tirés d'un job d'étudiant. Un vol commis à leur encontre peut leur apparaître comme particulièrement injuste dans la mesure où ils ne pourront peut-être pas remplacer les biens qui leur ont été volés. Le fait qu'ils ne sont pas toujours à même physiquement de se défendre, augmente le caractère particulièrement condamnable des vols commis à leur égard.
Enfin, une femme enceinte est aussi une personne particulièrement vulnérable. Sa capacité à se mouvoir est plus limitée. Son état de grossesse l'empêchera davantage de se défendre. Elle pourra par exemple fuir plus difficilement ou encore réagir moins rapidement.
Notre Code pénal prévoit plusieurs circonstances aggravantes en matière de vol (avec ou sans violences) et d'extorsion.
Ainsi, au titre de circonstances aggravantes, figurent l'infraction qui a été commise avec effraction, escalade ou fausses clés, l'infraction commise par un fonctionnaire public à l'aide de ses fonctions ou encore lorsque les coupables, ou l'un d'eux, ont pris le titre ou les insignes d'un fonctionnaire public ou ont allégué un faux ordre de l'autorité publique.
En ce qui concerne plus spécifiquement les vols commis à l'aide de violences ou menaces et les extorsions, constitue également une circonstance aggravante le fait que l'infraction a été commise de nuit, qu'elle a été commise par deux ou plusieurs personnes ou encore si le coupable a utilisé un véhicule ou tout autre engin motorisé ou non pour faciliter l'infraction ou pour assurer sa fuite.
Cependant, le Code pénal n'envisage pas de circonstance aggravante spécifique dans les cas où ces vols ou extorsions sont facilités par l'état vulnérable de la victime.
À cet égard, il faut savoir que le Code pénal français reprend dans plusieurs dispositions la notion de personnes vulnérables. Cette notion a été créée afin de mieux protéger les personnes les plus exposées aux agressions de notre société. Le Code pénal français a ainsi réaffirmé l'objectif ancien de protection du plus faible traditionnellement attribué à la Justice. Ainsi, la vulnérabilité de la victime constitue, pour certaines infractions, une circonstance aggravante.
Le principe de l'aggravation des peines s'applique non seulement pour certaines infractions qui constituent des atteintes à l'intégrité physique de la personne mais également pour certaines infractions qui constituent des atteintes à ses biens. Parmi ces dernières, figurent le vol et l'extorsion.
En ce qui concerne le vol, l'article 311-4 du Code pénal français prévoit notamment que « Le vol est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende: ... 5º Lorsqu'il est facilité par l'état d'une personne dont la particulière vulnérabilité due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur. ... ».
Dans le cadre des travaux préparatoires qui ont porté sur la rédaction de cet article du Code pénal (1) , le débat a notamment porté sur le problème de savoir si la condition aggravante apparaît dès lors que le vol est commis au préjudice d'une personne vulnérable ou lorsqu'il est facilité par l'état d'une personne particulièrement vulnérable.
À cet égard, le gouvernement français a considéré qu'« il ne paraît nullement justifié d'aggraver les peines du vol commis au préjudice d'une personne vulnérable, dès lors que cette vulnérabilité n'a ni directement ni indirectement facilité la commission du vol. ».
Cette position a finalement été retenue dans la version actuelle de l'article 311-4 du Code.
L'auteur de la présente proposition considère, à l'instar du gouvernement français, que la circonstance aggravante doit uniquement viser les cas où la vulnérabilité de la victime a facilité la réalisation du vol et qu'il doit également en être de même dans les cas d'extorsions.
Notre Code pénal a déjà pris en compte cette notion de vulnérabilité dans plusieurs de ses articles. Ainsi, l'article 417ter de notre Code qui incrimine le fait de soumettre une personne à la torture prévoit une circonstance aggravante lorsque l'infraction aura notamment été commise envers une personne particulièrement vulnérable en raison d'un état de grossesse, d'une maladie, d'une infirmité ou d'une déficience physique ou mentale ou en raison d'une situation précaire. L'article 417quater de notre Code comporte la même circonstance aggravante lorsque l'infraction a consisté à soumettre une personne à un traitement inhumain.
Dans la mesure où le vol et l'extorsion constituent des infractions répandues qui peuvent s'avérer extrêmement traumatisantes pour les victimes, surtout lorsque celles-ci sont particulièrement vulnérables, l'auteur souhaite ériger en circonstance aggravante le vol et l'extorsion lorsque ceux-ci sont facilités par leur état vulnérable.
Cette vulnérabilité peut découler de l'âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience physique ou mentale ou encore d'un état de grossesse.
Pour constituer une circonstance aggravante, cette vulnérabilité devra être apparente ou connue de son auteur.
Enfin, en ce qui concerne la fourchette des peines, les vols commis sans violences ni menaces qui auront été facilités par l'état vulnérable de la personne seront punis de la réclusion de cinq ans à dix ans.
Les vols commis à l'aide de violences ou de menaces ainsi que les extorsions qui auront été facilités par l'état vulnérable de la victime seront punis de la réclusion de dix ans à quinze ans.
Christine DEFRAIGNE. |
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
L'article 467 du Code pénal, modifié par la loi du 23 janvier 2003, est complété à la fin par la phrase suivante:
« Lorsqu'il a été facilité par l'état d'une personne dont la particulière vulnérabilité due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou mentale ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur. ».
Art. 3
L'article 471 du même Code, remplacé par la loi du 11 décembre 2001, est complété à la fin par le membre de phrase suivant:
« si l'infraction a été facilitée par l'état d'une personne dont la particulière vulnérabilité due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou mentale ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur. ».
12 juillet 2007.
Christine DEFRAIGNE. |
(1) Projet de loi portant réforme des dispositions du code pénal relatives à la répression des crimes et délits contre les biens, Discussion, Comptes-rendus des débats, vol. 4, Sén., sess. ord. 1991-1992, séance du 29 octobre 1991, p. 3358 et suivants.