3-2364/3

3-2364/3

Sénat de Belgique

SESSION DE 2006-2007

24 AVRIL 2007


Projet de loi tendant à lutter contre certaines formes de discrimination


Procédure d'évocation


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE LA JUSTICE PAR

M. MAHOUX ET MME TALHAOUI


I. INTRODUCTION

Le projet de loi à l'examen, qui relève de la procédure bicamérale optionnelle, a été déposé initialement à la Chambre des représentants par le gouvernement (doc. Chambre, nº 51-2722/1).

Il a été adopté à la Chambre des représentants le 29 mars 2007, par 91 voix contre 19, et 18 abstentions.

Il a été transmis le 30 mars 2007 au Sénat, qui l'a évoqué le même jour.

La commission l'a examiné au cours de ses réunions des 12, 18 et 24 avril 2007, en présence du ministre de la Fonction publique, de l'Intégration sociale, de la Politique des grandes villes et de l'Égalité des chances.

II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DU MINISTRE DE LA FONCTION PUBLIQUE, DE L'INTÉGRATION SOCIALE, DE LA POLITIQUE DES GRANDES VILLES ET DE L'ÉGALITÉ DES CHANCES

Voir doc. Sénat, nº 3-2362/3.

III. DISCUSSION

Article 2

Amendement nº 9

M. Ceder et Mme Van dermeersch déposent l'amendement nº 9 (doc. Sénat, nº 3-2364/2) visant à supprimer l'article 2.

Cet article est clairement trompeur.

La directive 2000/78/CE concerne uniquement la discrimination sur le marché de l'emploi. Le projet de loi à l'examen comprend un régime antidiscrimination général qui s'applique pratiquement à tous les domaines de la vie sociale.

Il appartient au Parlement de décider s'il désire adopter une telle loi générale, mais on ne peut se dissimuler derrière des obligations internationales qui n'imposent aucunement une obligation de ce genre.

Amendement nº 1

M. Hugo Vandenberghe dépose l'amendement nº 1 (doc. Sénat, nº 3-2364/2), visant à insérer, entre le mot « transpose » et les mots « la Directive », le mot « notamment ».

La loi est beaucoup plus large que ce qui est prévu dans la directive 2000/78, étant donné qu'elle a une portée beaucoup plus générale (accès aux biens et services et offre de biens et services).

L'article 2, tel qu'il est formulé actuellement, ne reflète donc absolument pas le contenu. La loi va beaucoup plus loin. On ne peut laisser entendre qu'elle est une transposition obligatoire d'une directive; au contraire, une bonne partie des dispositions résulte d'un choix politique conscient et libre.

Article 3

Amendement nº 2

M. Hugo Vandenberghe dépose l'amendement nº 2 (doc. Sénat, nº 2364/2) visant à remplacer l'article 3.

Cet article se fonde sur l'arrêt 157/2004 de la Cour d'arbitrage pour donner une définition de la discrimination qui soit conforme à la jurisprudence nationale et internationale en la matière et souligne la nécessité d'un dol spécial, consistant à consacrer ou à occasionner un dommage d'une manière illégitime et disproportionnée. Le premier tiret concerne la discrimination directe, le second la discrimination indirecte.

Il est exact que la formule suggérée par la Cour d'arbitrage ne contenait pas de référence au dol spécial, mais elle le présupposait. La Cour souligne en effet qu'une différence de traitement qui fait l'objet d'un large débat public et toute manifestation qui relève de la liberté d'expression ne constituent pas une discrimination lorsque l'intention particulière requise est absente (arrêt nº 157/2004, B40.2.). En cas d'infraction à l'interdiction visée à l'article 2, § 1er, la liberté d'expression et la responsabilité pour les dommages ne peuvent être invoquées que si l'intention était bel et bien de causer un dommage en faisant une distinction non objective et dénuée de justification raisonnable.

Le présent amendement indique en outre clairement qu'il ne règle pas les discriminations visées dans les deux autres projet de loi (doc. Sénat nº 3-2362 et 2363).

Amendement nº 3

M. Hugo Vandenberghe dépose l'amendement subsidiaire nº 3 (doc. Sénat, nº 3-2364/2), visant à remplacer les mots « ou de l'origine sociale » par les mots « , de l'origine sociale, de l'affiliation syndicale, des possessions, de l'appartenance à une minorité nationale, des convictions, des opinions ou de la situation. ».

Si l'on opte malgré tout pour une liste fermée, celle-ci doit être aussi exhaustive que possible, de manière à éviter une discrimination interne au sein de la loi et entre les différentes lois antidiscrimination.

Le Conseil d'État juge la liste proposée incomplète:

Filip Dorssemont (KULeuven) estimait ainsi dans le Juristenkrant que l'affiliation syndicale faisait défaut dans cette liste. Il est toutefois probable que bien d'autres groupes défavorisés n'y figurent pas. Le professeur Marc De Vos (droit du travail, Université de Gand) redoute dès lors que ces lacunes n'entraînent une annulation par la Cour d'arbitrage.

Plus on allonge la liste des motifs de discrimination, plus on s'expose à une telle annulation (prof. Devos). S'il est préférable de ne pas prévoir de liste, le gouvernement craignait que l'absence de liste ne donne lieu à une kyrielle d'actions en justice pour des vétilles. Les relations sociales, comme les relations professionnelles, se judiciariseraient alors inutilement.

De plus, les nouvelles lois ne changent rien aux lois antérieures et les tribunaux ne peuvent pas non plus contrôler leur conformité à la loi antidiscrimination. Il s'agit dès lors essentiellement de toutes sortes de dispositions concernant l'âge en matière de sécurité sociale, la réglementation relative à l'ancienneté, le système des pensions, où de nombreux traitements inégaux ont été instaurés sans la moindre justification. En principe, toutes ces lois devraient être modifiées par la loi antidiscrimination.

Mais cela n'est donc pas nécessaire.

Le Conseil d'État se posait également de sérieuses questions en ce qui concerne la liste fermée. Malgré les suggestions du Conseil d'État et l'arrêt de la Cour d'arbitrage, à la suite desquels les concepts d'« origine sociale » et de « langue » ont, il est vrai, été introduits, un certain nombre de motifs essentiels pour le Conseil d'État restent non protégés, et le gouvernement n'a pas non plus donné suite à la demande de justification objective de ces exclusions. Ces motifs sont les suivants:

— article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme: « toutes autres opinions », l'« origine sociale », l'« appartenance à une minorité nationale »;

— article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques: « toute autre opinion », l'« origine sociale » « fortune », la « naissance ou (...) toute autre situation »;

— article II-81 du Traité établissant une Constitution pour l'Europe: « les origines sociales », « toute autre opinion », l'« appartenance à une minorité nationale »;

— la « fortune » (article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques).

Amendement nº 10

M. Ceder et Mme Van dermeersch déposent l'amendement nº 10 (doc. Sénat, nº 3-2364/2) visant à supprimer les mots « de l'état civil, de la naissance, de la fortune », les mots « de l'état de santé actuel ou futur » et les mots « d'une caractéristique physique ou génétique ou de l'origine sociale ».

En précisant explicitement que le projet de loi exécute une directive européenne, le gouvernement espère créer une confusion sur un aspect essentiel du projet de loi, à savoir que celui-ci va beaucoup plus loin dans la limitation des libertés qu'il n'est prévu dans la directive visée.

La directive 2000/78/CE citée dispose à l'article 1er qu'elle a pour objet d'établir un cadre général pour lutter contre la discrimination uniquement dans le domaine de l'emploi et du travail, et ceci exclusivement sur la base de quatre critères: la religion ou les convictions, le handicap, l'âge et l'orientation sexuelle.

Cette directive est donc claire: seuls les quatre critères « religion ou convictions », « handicap », « âge » ou « orientation sexuelle » sont les critères interdits.

En revanche, le projet de loi définit, à l'article 5, un champ d'application bien plus large que le seul domaine de l'emploi et du travail. Il dispose aussi à l'article 3 que l' « état civil », la « naissance », la « fortune », l' « état de santé actuel ou futur », « une caractéristique physique ou génétique » et l' « origine sociale » sont également des critères interdits.

Le projet de loi organise ainsi une atteinte aux libertés fondamentales bien plus profonde que ce que prescrit la directive.

Le présent amendement vise à harmoniser le texte de l'article 3 avec la directive.

Article 4

Amendement nº 4

M. Hugo Vandenberghe dépose l'amendement nº 4 (doc. Sénat, nº 3-2364/2) qui vise à apporter les modifications suivantes:

A) supprimer le 4º;

B) supprimer les 7º et 9º;

C) au 12º, supprimer le mot « handicapée » et le membre de phrase « concernant les personnes handicapées ».

La disposition qui figure au 4º est superflue si l'on adopte une liste ouverte. En ordre subsidiaire, on peut cependant choisir d'étendre la liste aux dispositions mentionnées dans l'amendement nº 3 à l'article 3.

Du fait de la définition figurant à l'article 3, les litteras 7º et 9º sont superflus.

L'article précité, lu conjointement avec l'article 9, deuxième tiret, est discriminatoire à l'égard des handicapés.

En effet, le fait de limiter la mise en place d'« aménagements raisonnables » aux seuls handicapés signifie que tous les autres groupes protégés sont mieux protégés, dès lors que pour les autres groupes, il est prévu qu'un critère ou une pratique apparemment neutre ne peut porter particulièrement préjudice aux personnes d'un autre groupe protégé, à moins que cette discrimination puisse être objectivement justifiée par un but légitime.

La limitation aux autres groupes n'est donc possible que s'il existe un but légitime et une proportionnalité entre le but et les moyens, ce qui implique que pour tous les autres groupes, il faut permettre des « aménagements déraisonnables ». On est donc placé devant le choix suivant: ou bien on supprime la limitation d'aménagements aux handicapés ou bien on impose cette limitation raisonnable à tous les groupes, ce qui permettra d'éviter qu'un particulier, une entreprise, une autorité, etc., soient obligés de faire des frais déraisonnables.

Amendement nº 11

M. Ceder et Mme Van dermeersch déposent l'amendement nº 11 (doc. Sénat, nº 3-2364/2), en vue de supprimer au 4º les mots « l'état civil, la naissance, la fortune », les mots « l'état de santé actuel ou futur » et les mots « une caractéristique physique ou génétique, l'origine sociale ».

La directive 2000/78/CE citée dispose à l'article 1er qu'elle a pour objet d'établir un cadre général pour lutter contre la discrimination uniquement dans le domaine de l'emploi et du travail, et ceci exclusivement sur la base de quatre critères: la religion ou les convictions, le handicap, l'âge et l'orientation sexuelle.

Cette directive est donc claire: seuls les quatre critères « religion ou convictions », « handicap », « âge » ou « orientation sexuelle » sont les critères interdits.

En revanche, le projet de loi définit, à l'article 5, un champ d'application bien plus large que le seul domaine de l'emploi et du travail. Il dispose aussi à l'article 3 que l' « état civil », la « naissance », la « fortune », l' « état de santé actuel ou futur », « une caractéristique physique ou génétique » et l' « origine sociale » sont également des critères interdits.

Le projet de loi organise ainsi une atteinte aux libertés fondamentales bien plus profonde que ce que prescrit la directive.

Le présent amendement vise à harmoniser le texte de l'article 4 avec la directive.

Amendement nº 12

M. Ceder et Mme Van dermeersch déposent l'amendement nº 12 (doc. Sénat, nº 3-2364/2) qui vise à supprimer les 6º et 9º.

Les notions de « discrimination directe » et de « discrimination indirecte » ont beau être inscrites dans la directive, elles trouvent dans le projet de loi une concrétisation à ce point vague qu'il est impossible de les définir d'une manière telle que chaque citoyen puisse savoir ce qu'il peut et ne peut pas faire.

Or, dans un État de droit démocratique, la prévisibilité est une exigence absolue. En l'occurrence, c'est au juge qu'on laisse le soin de déterminer à son entière convenance et suivant ses convictions politiques propres si un citoyen a agi ou non de manière illégale. C'est une situation qui n'est pas acceptable.

De nombreux exemples pourraient en témoigner. Ainsi, à l'heure actuelle, les banques proposent des formules de gestion de patrimoine par un gestionnaire privé mais en les assortissant d'une condition d'entrée. En effet, pour pouvoir bénéficier de l'aide d'un gestionnaire privé, il faut avoir atteint un certain niveau de fortune.

Si l'on se réfère à la définition donnée par le projet de loi à l'examen, on peut probablement parler en l'espèce d'une distinction, si pas directe, en tout cas indirecte: en effet, suivant son niveau de fortune, qui est l'un des critères protégés, la personne X pourra bénéficier du système et pas la personne Y.

Comment un banquier pourra-il donc savoir à l'avance s'il risque d'encourir une condamnation ou non ? Il ne le pourra pas, car la question de savoir s'il a commis une discrimination directe ou indirecte dépendra exclusivement de la question de savoir si, aux yeux du juge, l'acte commis peut être justifié sur la base des dispositions du Titre II, qui comprend les notions vagues de « distinction directe objectivement justifiée », de « but légitime » et de « moyens appropriés et nécessaires ».

Dès lors, s'il se trouve que l'affaire est portée devant un juge qui est plutôt « de droite », ce dernier estimera sans doute qu'un banquier a le droit de réserver les services d'un gestionnaire privé à ses bons clients fortunés pour justifier ses frais de personnel; en effet, une banque est une entreprise privée qui doit engranger des bénéfices pour assurer sa survie et créer des emplois. En revanche, s'il se trouve que l'affaire est portée devant un juge qui est plutôt « de gauche », ce dernier estimera que tous les clients doivent avoir des « chances égales » de bénéficier d'une même gestion patrimoniale et condamnera le banquier.

Les définitions que le projet à l'examen donne de la discrimination directe et de la discrimination indirecte et qui diffèrent d'ailleurs de celles énoncées par la directive que l'on prétend mettre en œuvre, sont donc inacceptables dans un État de droit.

Amendement nº 13

M. Ceder et Mme Van dermeersch déposent l'amendement nº 13 (doc. Sénat, nº 3-2364/2), qui vise à remplacer au 8º de cet article, les mots « est susceptible d'entraîner, par rapport à d'autres personnes, un désavantage particulier pour des personnes caractérisées par l'un des critères protégés » par les mots « traduit la volonté de l'auteur d'entraîner, par rapport à d'autres personnes, un désavantage particulier pour des personnes caractérisées par l'un des critères protégés ».

Dans le projet de loi, la présence d'une intention particulière n'est pas obligatoire pour qu'il soit question de « discrimination indirecte ». L'auteur peut effectivement faire une distinction qui n'est pas, à première vue, basée sur un des critères protégés, mais qui a pour conséquence de désavantager un groupe caractérisé par un critère protégé. La question est toutefois de savoir si l'intention de l'auteur est de contourner la loi. En effet, une personne peut, en toute honnêteté, faire une distinction fondée sur un critère non protégé et affirmer ne pas vouloir entraîner une distinction fondée sur un critère protégé qui peut en être la conséquence (même si elle sait que cette dernière distinction en est ou peut en être la conséquence). L'exposé des motifs donne l'exemple suivant en faisant preuve d'une sincérité ahurissante: « Peut-on par exemple contester, à la lumière de la jurisprudence existante de la Cour de Justice, que celui qui incite les employeurs à désavantager, au niveau salarial, les travailleurs à temps partiel, sait pertinemment que, ce faisant, il incite à un comportement qui désavantage surtout les femmes ? ». Il ne faut pas oublier que l'incitation à la discrimination indirecte est un acte punissable en vertu des articles 21 et 22 de ce projet de loi (et des articles similaires dans le projet de loi relatif à la nouvelle loi contre le racisme). L'exposé des motifs affirme donc en réalité que le fait de plaider contre le travail à temps partiel constitue inévitablement un acte répréhensible. Ainsi, un économiste qui penserait avoir trouvé des arguments contre le travail à temps partiel, mais sans du reste vouloir créer aucune forme de discrimination à l'égard des femmes, serait passible de sanctions si ses théories peuvent être interprétées d'une quelconque manière comme une « incitation à la discrimination indirecte ». Le présent amendement vise à prévenir des conséquences aussi absurdes, plus spécialement en exigeant une intention particulière de discrimination dans le chef de l'auteur.

Comme indiqué précédemment, la notion de discrimination indirecte est également utilisée dans les incriminations des articles 21 et 22. En vertu du principe de légalité, il faut que le citoyen puisse savoir parfaitement qu'il commet un acte répréhensible. C'est la raison pour laquelle la Cour d'arbitrage a annulé la disposition relative à la discrimination indirecte dans la précédente loi antidiscrimination. Le gouvernement estime que la formulation actuelle dissipe les objections. Le Conseil d'État n'est pas du même avis. Selon lui, la nouvelle définition aggrave encore les choses:

« 33. Selon l'exposé des motifs, la Cour d'arbitrage a seulement indiqué dans son arrêt 157/2004 qu'on peut uniquement sanctionner la discrimination intentionnelle. L'exposé des motifs précise ensuite que, compte tenu d'une définition adaptée de la discrimination indirecte, celle-ci peut également être intentionnelle. Les avant-projets définissent la discrimination indirecte comme étant une distinction indirecte fondée sur l'un des critères protégés, à moins que la disposition, le critère ou la pratique apparemment neutre qui est au fondement de cette distinction indirecte soient objectivement justifiés par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif soient appropriés et nécessaires. Dans ce contexte, une distinction indirecte est définie comme étant la situation qui se produit lorsqu'une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d'entraîner, par rapport à d'autres personnes, un désavantage particulier pour des personnes caractérisées par l'un des critères protégés.

Selon l'auteur des avant-projets, il est répondu ainsi aux objections formulées par la Cour d'arbitrage. En effet, il n'est plus question de disposition, de critère ou de pratique apparemment neutre ayant en tant que tel un résultat dommageable, comme c'est le cas à l'article 2, § 2, de la loi du 25 février 2003, mais bien d'une disposition, d'un critère ou d'une pratique susceptible d'entraîner un désavantage particulier.

34. L'objection formulée par la Cour d'arbitrage au point B.55 de son arrêt repose sur l'incompatibilité avec l'exigence de prévisibilité propre à la loi pénale.

On n'aperçoit pas comment le nouveau texte résout les objections formulées par la Cour d'arbitrage. En effet, la question reste posée de savoir comment on peut intentionnellement inciter à une « pratique apparemment neutre » ou à commettre un acte dont le caractère discriminatoire ne se manifeste que par le désavantage particulier qui peut en résulter. Au contraire, la prévisibilité paraît encore moindre que dans la disposition annulée par la Cour d'arbitrage.

Dans l'avis 39.682/1 précité du 31 janvier 2006, postérieur du Conseil d'État à l'arrêt de la Cour d'arbitrage, la section de législation estime en outre que « compte tenu, en particulier, du fait qu'une évaluation de la proportionnalité est requise pour apprécier la discrimination indirecte, force est de conclure que la définition de l'infraction formulée à l'article 11 de la proposition n'est pas conforme au principe de légalité dès lors qu'elle se borne à faire référence à la perpétration d'une « discrimination ».

Le présent amendement vise à rétablir le principe de légalité: l'intention doit être établie, et non être présumée incontestablement de par les conséquences prévisibles ou non (le mot « susceptible » employé dans le texte de loi est déjà totalement inacceptable) et voulues ou non d'une distinction proposée.

Amendement nº 14

M. Ceder et Mme Van dermeersch déposent l'amendement nº 14 (doc. Sénat, nº 3-2364/2) qui vise à compléter cet article par un 18º, libellé comme suit:

« 18º Institut: l'Institut pour l'Égalité des femmes et des hommes créé par la loi du 16 décembre 2002 ».

À l'article 52, § 2, il est question de « l'Institut ». Toutefois, le projet de loi à l'examen ne précise nulle part de quel institut il s'agit. Les auteurs du présent amendement présument cependant que l'intention des auteurs du projet de loi était de faire ainsi référence à l'institut précité.

Article 5

Amendement nº 15

M. Ceder et Mme Van dermeersch déposent un amendement nº 15 (doc. Sénat, nº 3-2364/2) qui vise à supprimer, au § 1er de cet article, les 1º, 6º et 8º.

La directive 2000/78/CE porte uniquement sur l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail. Par extension, l'on peut également inclure la sécurité sociale dans le champ d'application. Mais il n'y a aucune raison de limiter la liberté d'action et la liberté d'expression à d'autres domaines.

Article 7

Amendement nº 5

M. Hugo Vandenberghe dépose l'amendement nº 5 (doc. Sénat, nº 3-2364/2) visant à supprimer l'article en question.

La définition prévue à l'article 3 rend cet article superflu.

Amendement nº 16

M. Ceder et Mme Van dermeersch déposent l'amendement nº 16 (doc. Sénat, nº 3-2364/2) visant à supprimer l'article 7.

Du fait de l'inscription de critères interdits complémentaires, le projet de loi organise une restriction beaucoup plus poussée aux libertés fondamentales que ce que prévoit la directive européenne invoquée.

L'inscription de ce critère crée à l'article 7 une confusion irrémédiable et insoluble.

Comme la directive utilise uniquement quatre critères bien précis, elle peut logiquement prévoir qu'il se produit une « discrimination directe » lorsque, sur la base d'un de ces critères, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre personne ne l'est dans une situation comparable.

Comme cette loi inclut de manière absurde les critères très vagues de la « naissance », de la « fortune » etc. dans la liste des critères protégés, l'on ne peut, dans un premier temps, que procéder à une scission confuse entre, d'une part, une « distinction directe » et, d'autre part, une « discrimination directe ».

Il faut ensuite recourir à une disposition comme celle de l'art. 7, qui prévoit que: « Toute distinction directe sur base d'un des critères protégés constitue une discrimination directe, à moins que cette distinction directe ne soit objectivement justifiée par un but légitime et que les moyens de réaliser ce but soient appropriés et nécessaires. »

Dans ce contexte, cette formulation est inacceptable à plus d'un titre. Le texte part tout d'abord de la définition que la directive donne de la « discrimination indirecte », qu'il s'agit dès lors de légitimer; le projet de loi transpose cette définition dans la disposition sur la discrimination directe qui, suivant la directive, ne doit pas être légitimée.

En outre, ce texte rappelle la jurisprudence de la Cour d'arbitrage, qui examine très délicatement si une distinction établie par une norme législative satisfait à ces critères. Toutefois, le projet de loi cherche à imposer cette disposition au citoyen ordinaire en lui donnant valeur de loi: puisque l'on constate que la Cour d'arbitrage a déjà annulé des lois à de multiples reprises parce que même le législateur avait été incapable d'évaluer correctement ce que représente un objectif légitime et quels moyens sont proportionnés, il est clair que cela devient carrément impossible pour un simple citoyen. Toute prévisibilité est supprimée; la question de savoir si l'on enfreint ou non cette loi tient de la loterie — dans laquelle la couleur politique du magistrat appelé à statuer est le seul élément déterminant.

Article 8

Amendement nº 17

M. Ceder et Mme Van dermeersch déposent l'amendement nº 17 (doc. Sénat, nº 3-2364/2) visant à supprimer l'article 8.

À première vue, l'article 8 semble être une exécution des dispositions prévues à l'article 4 de la directive. À y regarder de plus près, l'on constate que ce n'est pas le cas. De plus, la tentative d'exécution est d'un flou inadmissible vu sous l'optique de l'État de droit démocratique.

Tout d'abord, il est prévu qu'une distinction sur la base de l'âge, de l'orientation sexuelle, de la conviction religieuse ou philosophique, ou d'un handicap dans le contexte de l'emploi et du travail ne constitue pas une discrimination si elle est justifiée par « des exigences professionnelles essentielles et déterminantes ».

Toutefois, la loi ne tente en aucune manière de préciser le concept crucial invoqué. Un employeur ne dispose ainsi d'aucun repère pour savoir pour quel travail il peut invoquer le critère de l'âge, de l'orientation sexuelle, de la conviction religieuse ou philosophique ou du handicap. Pour lui, la loi n'est prévisible en aucune façon.

L'article en question prévoit que le Roi « peut » établir une liste exemplative de « situations » dans lesquelles une « caractéristique déterminée constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante ». Cela ne soulève pas seulement la question de savoir si l'on peut déléguer au Roi la façon de préciser un terme juridique particulièrement vague, il s'agit, de surcroît, d'une liste « exemplative »; elle n'offre donc toujours pas de sécurité juridique. Qui plus est, le Roi « peut » établir cette liste, il n'y est pas obligé ...

Enfin, l'article évacue la question en mentionnant qu'il appartient au juge de vérifier, « au cas par cas », si telle caractéristique donnée constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante.

Comme on peut difficilement admettre que l'expression « au cas par cas » signifie que tout employeur doit soumettre au préalable tout recrutement au juge, cette expression désigne probablement la situation dans laquelle un employeur est traîné en justice par suite d'une plainte ou d'une citation pour se justifier a posteriori. S'il n'est fixé qu'à ce moment-là sur la question de savoir si un critère invoqué constituait une exigence professionnelle essentielle ou non, on peut difficilement prétendre que cet état de choses est compatible avec le principe de prévisibilité dans un État de droit démocratique.

Article 9

Amendement nº 6

M. Hugo Vandenberghe dépose l'amendement nº 6 (doc. Sénat, nº 3-2364/2), qui vise à supprimer l'article 9.

L'auteur renvoie à son amendement nº 4 à l'article 4, 12º. Une restriction discriminatoire ne peut en effet être instaurée pour les personnes handicapées.

Dans son arrêt 157/2004, la Cour d'arbitrage a clairement précisé que, pour qu'il y ait discrimination indirecte, il faut qu'il y ait une quelconque intention de nuire. Il est en effet possible que, sans la moindre intention et en toute bonne foi, l'on pose un acte ou l'on prenne une mesure qui, d'une certaine manière, porte préjudice à un groupe protégé. Le projet de loi ne peut donc viser, surtout en matière de relations horizontales, à rendre l'auteur responsable de tous les dommages qui en découleraient pour le groupe indirectement discriminé.

La préférence doit être accordée à la définition prévue dans l'amendement principal à l'article 3 (doc. Sénat, nº 3-2363/2, amendement nº 2), compte tenu de sa clarté et de sa conformité à la vision de la Cour d'arbitrage.

Amendement nº 18

M. Ceder et Mme Van dermeersch déposent l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 3-2364/2) visant à supprimer l'article 9.

Comme indiqué dans les amendements aux articles 2, 3 et 4, le projet de loi organise, du fait de l'insertion de critères interdits complémentaires, une restriction beaucoup plus poussée aux libertés fondamentales que ce que prévoit la directive européenne invoquée.

La notion de « discrimination indirecte » a beau être inscrite dans la directive, elle trouve dans le projet de loi une concrétisation à ce point vague qu'il est impossible de la définir d'une manière telle que chaque citoyen puisse savoir ce qu'il peut et ne peut pas faire.

Or, dans un État de droit démocratique, la prévisibilité est une exigence absolue. En l'occurrence, c'est au juge qu'on laisse le soin de déterminer à son entière convenance et suivant ses convictions politiques propres si un citoyen a agi ou non de manière illégale. C'est une situation qui n'est pas acceptable.

De nombreux exemples pourraient en témoigner.

Ainsi, il existe dans de nombreuses grandes entreprises une règle interne qui interdit d'entretenir une relation avec un collègue de travail. Si l'on entame une relation, on est censé en informer l'entreprise et l'on reçoit alors une autre affectation au sein de celle-ci.

Si l'on se réfère à la définition donnée par le projet de loi à l'examen, on peut probablement parler en l'espèce d'une distinction, si pas directe, en tout cas indirecte: en effet, suivant son état civil, qui est l'un des critères protégés, la personne X pourra collaborer, au sein d'un même service, avec la personne Y mais pas avec la personne Z.

Comment une entreprise pourra-t-elle donc savoir à l'avance si elle risque d'encourir une condamnation ou non ? Elle ne le pourra pas, car la question de savoir si elle a commis une discrimination directe ou indirecte dépendra exclusivement de la question de savoir si, aux yeux du juge, les notions vagues de « distinction objectivement justifiée », de « but légitime » et de « moyens appropriés et nécessaires » ont été respectées.

Dès lors, s'il se trouve que l'affaire est portée devant un juge qui est plutôt « de droite », ce dernier estimera sans doute qu'une entreprise a le droit de maintenir la règle précitée lors du recrutement aux fins d'éviter les tensions et dérives relationnelles; en effet, une entreprise privée a pour vocation d'engranger des bénéfices. En revanche, s'il se trouve que l'affaire est portée devant un juge qui est plutôt « de gauche », ce dernier estimera que chacun doit avoir la chance de réaliser son bonheur personnel, même au prix d'une relation avec un collègue sur le lieu de travail, et condamnera l'entreprise.

La définition que le projet à l'examen donne de la discrimination indirecte est donc inacceptable dans un État de droit démocratique.

En outre, ce texte rappelle la jurisprudence de la Cour d'arbitrage, qui examine très délicatement si une distinction établie par une norme législative satisfait à ces critères. Toutefois, le projet de loi cherche à imposer cette disposition au citoyen ordinaire en lui donnant valeur de loi: puisque l'on constate que la Cour d'arbitrage a déjà annulé des lois à de multiples reprises parce que même le législateur avait été incapable d'évaluer correctement ce que représente un objectif légitime et quels moyens sont proportionnés, il est clair que cela devient carrément impossible pour un simple citoyen. Il n'y a plus aucune prévisibilité; la question de savoir si l'on enfreint ou non cette loi tient de la loterie — dans laquelle la couleur politique du magistrat appelé à statuer est le seul élément déterminant.

Article 10

Amendement nº 7

M. Hugo Vandenberghe dépose l'amendement nº 7 (doc. Sénat, nº 3-2364/2), visant à remplacer, à l'article 10, § 2, deuxième tiret, les mots « la disparition » par les mots « la suppression, la prévention ou la compensation ».

La disparition de toutes les inégalités est utopique et aura pour conséquence que de nombreuses mesures positives deviendront « temporairement définitives ». C'est également la raison pour laquelle la jurisprudence internationale et la Cour d'arbitrage, dans son arrêt, optent pour un critère plus raisonnable, à savoir la suppression, la prévention ou la compensation.

Amendement nº 19

M. Ceder et Mme Van dermeersch déposent l'amendement nº 19 (doc. Sénat, nº 3-2364/2) visant à supprimer l'article 10.

La possibilité de prendre des mesures d'action positive ne doit pas conduire à l'admissibilité des discriminations. Soit une mesure d'action positive est justifiée en vertu de l'article 12 et les exigences liées à la légitimité de l'objectif poursuivi et à la proportionnalité, en particulier, sont remplies, et il n'y a alors pas de problème.

Soit les exigences en question ne sont pas remplies et, dans ce cas, la distinction est une discrimination et est inacceptable en soi.

En outre, les compétences conférées au Roi par l'article 10, § 3, sont trop larges et donc inconstitutionnelles. Le Conseil d'État l'a d'ailleurs aussi souligné explicitement.

Article 11

Amendement nº 8

M. Hugo Vandenberghe dépose l'amendement nº 8 (doc. Sénat, nº 3-2364/2) visant à supprimer l'article 11.

Il est inacceptable que le législateur (ou le gouvernement) puisse, à lui seul, imposer par une loi une discrimination non justifiée et remette ainsi en cause ses propres lois antidiscrimination « pour les besoins de la cause ».

Le § 2 est totalement superflu étant donné qu'ici, comme dans toute autre loi, la hiérarchie des normes s'applique.

Amendement nº 20

M. Ceder et Mme Van dermeersch déposent l'amendement nº 20 (doc. Sénat, nº 3-2364/2) visant à compléter l'article en projet par un § 3, libellé comme suit:

« § 3. Il n'est pas, en soi, interdit d'encourager et de préconiser une modification législative visant à instaurer, par la loi, une distinction au sens du § 1er. »

Aux termes de l'article 11, § 1er, proposé, une distinction qui est réglée par une loi n'est pas considérée comme une discrimination. Une nouvelle loi peut donc instaurer pareille distinction. En conséquence, le monde politique doit pouvoir militer pour une telle loi et en défendre l'idée, y compris en dehors de l'enceinte du Parlement. Et les citoyens doivent eux aussi pouvoir participer au débat public et politique qui sera mené à cette occasion. L'article 22 proposé rend toutefois punissable le fait de prôner toute discrimination. Le présent amendement tend à préciser que l'action politique et les propos ou écrits à connotation politique qui ne prônent pas directement une discrimination illégale, mais qui donnent à penser, par une mention implicite ou explicite ou tout simplement au vu du contexte politique, qu'ils visent en fait à modifier la législation existante, ne sont pas punissables.

Nous ne pouvons en effet pas en arriver à un système de lois immuables dans lequel des lois d'aujourd'hui supprimeraient la possibilité de les modifier demain ou les conditions pour ce faire.

Article 13

Amendement nº 21

M. Ceder et Mme Van dermeersch déposent l'amendement nº 21 (doc. Sénat, nº 3-2364/2) visant à supprimer cet article.

Le projet de loi à l'examen atteint un sommet d'hypocrisie dans la rédaction de son article 13.

Il est à rappeler que les auteurs du présent amendement sont radicalement opposés à l'idéologie politiquement correcte qui est à l'origine de l'instauration d'une loi antidiscrimination, à savoir la vision socialiste selon laquelle les pouvoirs publics doivent imposer l'égalité à tous les citoyens, y compris dans les rapports privés. Les auteurs défendent la liberté, en particulier les droits et libertés qui sont ancrés dans la Constitution et la CEDH et qui garantissent au contraire au citoyen que, dans certains domaines de sa vie privée, tant personnelle que professionnelle, les pouvoirs publics doivent s'abstenir de toute immixtion.

Cette loi tente d'imposer certaines visions idéologiques et politiques au citoyen et c'est pourquoi les auteurs du présent amendement y sont résolument opposés.

Mais maintenant que les auteurs du projet de loi considèrent qu'il faut imposer l'égalité à l'ensemble des citoyens, des entreprises et des organisations et leur interdire toute forme de discrimination, ils se trouvent confrontés à la suite logique qui en découle, à savoir que les organisations gravitant dans leur propre mouvance politique doivent également en subir les conséquences. Effectivement, si l'on considère à tort que les banques et les compagnies d'assurances doivent être obligées de ne plus appliquer aucun critère, il est logique que les mutuelles, les syndicats et les autres organisations gravitant dans la mouvance d'un parti politique doivent abandonner des critères tels que la tendance confessionnelle ou la conviction politique.

L'article 13 a toutefois été inscrit dans la loi en projet pour permettre de soustraire à l'application de la loi les organisations qui gravitent dans la mouvance des partis politiques. Le fait que la directive européenne prévoie cette possibilité pour exactement les mêmes raisons n'enlève rien à l'hypocrisie du procédé.

L'alinéa final de cet article est, lui aussi, révélateur puisqu'il réserve à cette catégorie précise d'organisations le droit de requérir des personnes travaillant pour elles une attitude de bonne foi et de loyauté envers l'éthique de l'organisation. La question se pose de savoir pourquoi une entreprise ou n'importe quelle autre organisation que celles dont le fondement repose sur la conviction religieuse ou philosophique n'a pas le droit de requérir une attitude de bonne foi et de loyauté ?

L'ensemble du projet de loi à l'examen constitue une atteinte inadmissible aux libertés du citoyen. Mais si cette loi est votée malgré tout, l'équité commande de supprimer cet article afin que les organisations de la mouvance des partis politiques de gauche, qui sont les auteurs de ce texte, en subissent les conséquences.

Article 14

Amendement nº 22

M. Ceder et Mme Van dermeersch déposent l'amendement nº 22 (doc. Sénat, nº 3-2364/2) visant à supprimer les mots « — la discrimination indirecte ».

Article 21

Amendement nº 23

M. Ceder et Mme Van dermeersch déposent l'amendement nº 23 (doc. Sénat, nº 3-2364/2) visant à supprimer cet article.

Il ressort de la formulation de l'article 21 en projet, sous le titre « dispositions pénales », que le projet de loi entend transposer dans un contexte pénal une série de figures juridiques non pénales prévues dans la directive 2000/78/CE.

Tout d'abord, cela n'est ni nécessaire, ni souhaitable: la directive dispose en son article 17, relatif aux sanctions, que celles-ci doivent être « effectives, proportionnées et dissuasives », mais elle n'impose nullement une approche pénale. La protection contre le licenciement, l'indemnisation forfaitaire, l'astreinte et l'action en cessation prévues peuvent amplement suffire.

En outre, la formulation de l'article en question est illégale, car contraire au principe de prévisibilité, tel qu'il doit s'appliquer en droit pénal dans un État de droit. Tout citoyen doit savoir d'avance quel acte constitue une infraction et quel acte n'en constitue pas une.

L'article proposé définit la discrimination au sens pénal comme étant la discrimination directe intentionnelle. Or, la discrimination directe est définie de manière beaucoup plus vague dans l'article 4 en projet que dans la directive; il y est question d'une distinction directe, fondée sur l'un des critères protégés, qui ne peut être justifiée sur la base des dispositions du titre II de la loi. Ce titre II prévoit à son tour qu'une distinction fondée sur par exemple la fortune ou la naissance n'est admise que si elle est justifiée par un but « légitime » et si les moyens de réaliser cet objectif sont « appropriés » et « nécessaires ».

Le recours à des critères extrêmement vagues comme « légitime », « approprié » et « nécessaire » met le citoyen dans l'impossibilité de savoir quel acte constitue une infraction et quel acte n'en constitue pas une, et la réponse est dès lors laissée entièrement à l'avis personnel du juge. Dans un État de droit, une telle situation est contraire au principe de prévisibilité, tel qu'il découle de la Convention européenne des droits de l'homme et tel qu'il a été confirmé à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg.

Cette remarque est plus pertinente encore lorsqu'on veut rendre punissable une « discrimination indirecte intentionnelle ».

Que le projet de loi à l'examen méconnaisse cet important principe de prévisibilité est d'autant plus singulier que ce même projet a été notamment rendu nécessaire par l'annulation antérieure, par la Cour d'arbitrage, d'une partie de la première loi anti-discrimination, précisément en raison du manque de précision du texte.

Il n'est pas étonnant, dès lors, que le Conseil d'État ait rejeté très sévèrement ces dispositions dans son avis relatif au projet de loi à l'examen (nº 40.689/AG, nº 40.690/AG, nº 40.691/AG).

Le Conseil d'État affirme:

« 34. L'objection formulée par la Cour d'arbitrage au point B.55 de son arrêt repose sur l'incompatibilité avec l'exigence de prévisibilité propre à la loi pénale. On n'aperçoit pas comment le nouveau texte résout les objections formulées par la Cour d'arbitrage. En effet, la question reste posée de savoir comment on peut intentionnellement inciter à une « pratique apparemment neutre » ou à commettre un acte dont le caractère discriminatoire ne se manifeste que par le désavantage particulier qui peut en résulter. Au contraire, la prévisibilité paraît encore moindre que dans la disposition annulée par la Cour d'arbitrage.

Dans l'avis 39.682/1 précité du 31 janvier 2006, postérieur à l'arrêt de la Cour d'arbitrage, la section de législation estime en outre que « compte tenu, en particulier, du fait qu'une évaluation de la proportionnalité est requise pour apprécier la discrimination indirecte, force est de conclure que la définition de l'infraction formulée à l'article 11 de la proposition n'est pas conforme au principe de légalité dès lors qu'elle se borne à faire référence à la perpétration d'une « discrimination ». »

L'avis du Conseil d'État est donc accablant: le texte en discussion ne donne pas suite aux objections antérieures de la Cour d'arbitrage, il est encore plus mauvais que les passages antérieurement annulés de l'ancienne loi anti-discrimination et le principe de légalité n'est PAS respecté dans un secteur aussi important que le droit pénal, fondement de l'État de droit.

La seule façon de résoudre ces problèmes est de supprimer intégralement l'article 21 en projet.

Amendement nº 24

M. Ceder et Mme Van dermeersch déposent l'amendement nº 24 (doc. Sénat, nº 3-2364/2) visant à supprimer les mots « de discrimination indirecte intentionnelle, ».

Article 22

Amendement nº 25

M. Ceder et Mme Van dermeersch déposent l'amendement nº 25 (doc. Sénat, nº 3-2364/2) visant à supprimer l'article 22.

Il est totalement déraisonnable d'interdire et même de punir l'incitation à l'accomplissement de certains actes alors que ces actes ne sont pas interdits en soi. En outre, le fait d'inciter à poser un acte est toujours une manière d'exprimer une opinion. Or, il apparaît clairement à la lumière de la jurisprudence de la CEDH que la liberté d'opinion doit subir moins de restrictions que la liberté d'action et que les conditions auxquelles la CEDH autorise un régime de restrictions sont plus strictes lorsqu'il s'agit de la liberté d'opinion que de la liberté d'action. On ne saurait dès lors accepter qu'une loi belge consacre le principe inverse.

Amendements nos 26 à 28

M. Ceder et Mme Van dermeersch déposent les amendement nos 26, 27 et 28 (doc. Sénat, nº 3-2364/2), qui sont subsidiaires à l'amendement nº 25.

L'amendement 26 vise à supprimer le 1º et le 3º et à supprimer les mots « à la haine ou » au point 2º et au 4º.

M. Ceder souligne que le présent amendement vise à supprimer l'incitation à la discrimination et l'incitation à la haine parce que ces notions sont beaucoup trop vagues. Les dispositions proposées peuvent donner lieu à des abus. Seule l'incitation à la violence peut entraîner des sanctions pénales.

L'amendement 27 vise à supprimer les mots « , et ce, même en dehors des domaines visés à l'article 5 » aux 1º et 3º.

L'amendement 28 vise à supprimer les mots « ou à la ségrégation » au 3º. M. Ceder souligne qu'une forme indirecte de ségrégation n'existe pas. Il n'y a pas de ségrégation qui ne soit pas une discrimination. La notion de ségrégation n'ajoute rien à la disposition. Vouloir reprendre cette terminologie dans une loi anti-discrimination générale et moderne est anachronique et inapproprié.

Article 27

Amendements nos 29 et 30

M. Ceder et Mme Van dermeersch déposent l'amendement nº 29 (doc. Sénat, nº 3-2364/2) visant à supprimer cet article.

Les auteurs estiment qu'il n'y a pas lieu d'introduire de règles spéciales en ce qui concerne la charge de la preuve et l'administration de la preuve. Les règles ordinaires peuvent suffire.

M. Ceder et Mme Van dermeersch déposent l'amendement nº 30 (doc. Sénat, nº 3-2364/2) qui est subsidiaire à l'amendement nº 29.

L'amendement 30 vise à supprimer les mots « discrimination indirecte ».

M. Ceder renvoie à la justification écrite.

Article 28

Amendement nº 31

M. Ceder et Mme Van dermeersch déposent l'amendement nº 31 (doc. Sénat, nº 3-2364/2) visant à supprimer cet article.

M. Ceder renvoie à la justification écrite de l'amendement et à la discussion du projet de loi modifiant la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie (doc. Sénat, nº 3-2362).

Article 29

Amendement nº 32

M. Ceder et Mme Van dermeersch déposent l'amendement nº 32 (doc. Sénat, nº 3-2364/2) visant à supprimer cet article. M. Ceder renvoie à la justification écrite de l'amendement et à la discussion du projet de loi modifiant la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie (doc. Sénat, nº 3-2362).

Article 30

Amendement nº 33

M. Ceder et Mme Van dermeersch déposent l'amendement nº 33 (doc. Sénat, nº 3-2364/2) visant à supprimer cet article.

M. Ceder renvoie à la justification écrite de l'amendement et à la discussion du projet de loi modifiant la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie (doc. Sénat, nº 3-2362).

Article 31

Amendement nº 34

M. Ceder et Mme Van dermeersch déposent l'amendement nº 34 (doc. Sénat, nº 3-2364/2) visant à supprimer l'article 31.

M. Ceder renvoie à la justification écrite de l'amendement et à la discussion du projet de loi modifiant la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie (doc. Sénat, nº 3-2362).

Article 33

Amendement nº 35

M. Ceder et Mme Van dermeersch déposent l'amendement nº 35 (doc. Sénat, nº 3-2364/2) visant à supprimer l'article 33.

M. Ceder souligne que l'article 33 du projet insère dans le Code pénal une disposition qui prévoit un alourdissement de la peine minimum pour certains délits commis pour des mobiles tels que la haine, le mépris ou l'hostilité à l'égard d'une personne en raison de l'un des critères protégés prévus soit par la loi antiracisme, soit par la loi anti-discrimination.

Les auteurs de l'amendement n'éprouvent aucune forme de haine, de mépris ou d'hostilité à l'égard de personnes répondant à l'un des critères protégés et condamnent aussi tous les délits quels qu'ils soient.

Toutefois, la question se pose de savoir pourquoi un alourdissement du degré de la peine se justifie uniquement dans ces cas-là et pas dans d'autres.

Les auteurs de l'amendement ont, d'un point de vue global, du mal à comprendre pourquoi une personne coupable, par exemple, d'avoir infligé, pour un « motif abject », des coups et blessures ayant entraîné des blessures légères devrait pouvoir être sanctionnée plus lourdement qu'une personne qui a infligé des coups et blessures ayant occasionné des blessures plus graves mais sans « mobile abject ».

Si des personnes commettent un délit, les pouvoirs publics doivent considérer que tout mobile est abject, à moins que ne puisse être invoquée l'une des causes de justification prévues par la loi.

Pour les auteurs de l'amendement, il est inacceptable que les pouvoirs publics adoptent officiellement comme point de vue qu'un délit commis pour tel mobile est plus grave qu'un délit commis pour tel autre mobile, alors même que, dans le second cas, le préjudice pour la victime est aussi important voire plus important.

Les pouvoirs publics doivent au contraire faire preuve de neutralité et veiller pareillement à punir de façon adéquate tous les auteurs de tous les délits, quel que soit le mobile présumé qui les sous-tendrait.

Article 34

Amendement nº 36

M. Ceder et Mme Van dermeersch déposent l'amendement nº 36 (doc. Sénat, nº 3-2364/2) visant à supprimer l'article 34.

M. Ceder renvoie à la discussion de l'amendement nº 35 à l'article 33.

Article 35

Amendement nº 37

M. Ceder et Mme Van dermeersch déposent l'amendement nº 37 (doc. Sénat, nº 3-2364/2) visant à supprimer l'article 35.

M. Ceder renvoie à la discussion de l'amendement nº 35 à l'article 33.

Article 36

Amendement nº 38

M. Ceder et Mme Van dermeersch déposent l'amendement nº 38 (doc. Sénat, nº 3-2364/2) visant à supprimer l'article 36.

M. Ceder renvoie à la discussion de l'amendement nº 35 à l'article 33.

Article 37

Amendement nº 39

M. Ceder et Mme Van dermeersch déposent l'amendement nº 39 (doc. Sénat, nº 3-2364/2) visant à supprimer l'article 37.

M. Ceder renvoie à la discussion de l'amendement nº 35 à l'article 33.

Article 38

Amendement nº 40

M. Ceder et Mme Van dermeersch déposent l'amendement nº 40 (doc. Sénat, nº 3-2364/2) visant à supprimer cet article.

M. Ceder renvoie à la discussion de l'amendement nº 35 à l'article 33.

Article 39

Amendement nº 41

M. Ceder et Mme Van dermeersch déposent l'amendement nº 41 (doc. Sénat, nº 3-2364/2) visant à supprimer cet article.

M. Ceder renvoie à la discussion de l'amendement nº 35 à l'article 33.

Article 40

Amendement nº 42

M. Ceder et Mme Van dermeersch déposent l'amendement nº 42 (doc. Sénat, nº 3-2364/2) visant à supprimer cet article.

M. Ceder renvoie à la discussion de l'amendement nº 35 à l'article 33.

Article 41

Amendement nº 43

M. Ceder et Mme Van dermeersch déposent l'amendement nº 43 (doc. Sénat, nº 3-2364/2) visant à supprimer cet article.

M. Ceder renvoie à la discussion de l'amendement nº 35 à l'article 33.

Article 42

Amendement nº 44

M. Ceder et Mme Van dermeersch déposent l'amendement nº 44 (doc. Sénat, nº 3-2364/2) visant à supprimer cet article.

M. Ceder renvoie à la discussion de l'amendement nº 35 à l'article 33.

Article 43

Amendement nº 45

M. Ceder et Mme Van dermeersch déposent l'amendement nº 45 (doc. Sénat, nº 3-2364/2) visant à supprimer cet article.

M. Ceder indique qu'il a déposé un amendement similaire lors de la discussion du projet de loi modifiant la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie (doc. Sénat, nº 3-2362).

Il renvoie pour le surplus à la justification écrite.

Article 44

Amendement nº 46

M. Ceder et Mme Van dermeersch déposent l'amendement nº 46 (doc. Sénat, nº 3-2364/2) visant à supprimer cet article.

M. Ceder renvoie à la justification écrite.

IV. VOTES

Les amendements nos 1 à 8 de M. Hugo Vandenberghe sont rejetés par 11 voix contre 2.

L'amendement nº 9 de M. Ceder et Mme Van dermeersch est rejeté par 10 voix contre 1 et 1 abstention.

L'amendement nº 10 de M. Ceder et Mme Van dermeersch est rejeté par 12 voix contre 1 et 1 abstention.

Les amendements nos 11 à 14 de M. Ceder et Mme Vandermeersch sont rejetés par 11 voix contre 1.

L'amendement nº 15 de M. Ceder et Mme Van dermeersch est rejeté par 11 voix contre 2.

Les amendements nos 16 et 17 de M. Ceder et Mme Van dermeersch sont rejetés par 11 voix contre 1 et 1 abstention.

Les amendements nos 18 à 20 de M. Ceder et Mme Van dermeersch sont rejetés par 11 voix contre 2.

Les amendements nos 21 à 46 de M. Ceder et Mme Van dermeersch sont rejetés par 11 voix contre 1 et 1 abstention.

V. VOTE FINAL

L'ensemble du projet de loi corrigé a été adopté par 11 voix contre 1 et 1 abstention.

Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 12 membres présents.

VI. CORRECTIONS DE TEXTE

La commission apporte les corrections de texte suivantes qui ne modifient pas le contenu du projet de loi:

Remarque générale

Afin d'utiliser la même terminologie que les directives 2000/43/CE, 2000/78/CE et 2002/73/CE, et par souci de cohérence avec d'autres dispositions du même texte de loi en projet, il convient de remplacer, dans la version française, les mots « sur base de l'un [des critères protégés] » par « fondé sur l'un [des critères protégés] ». Cette modification concerne les articles 3, 7 et 8.

Art. 13

L'article 13, alinéa 3, est rédigé comme suit:

« Pourvu que ses dispositions soient par ailleurs respectées, la présente loi ne porte donc pas préjudice au droit des organisations publiques ou privées dont le fondement repose sur la conviction religieuse ou philosophique ou la conviction politique de requérir des personnes travaillant pour elles une attitude de bonne foi et de loyauté envers l'éthique de l'organisation ».

Si le législateur entend donner à cette disposition un contenu normatif, mieux vaudrait supprimer le mot « donc ».

Art. 17

— Au § 5, dans la version française, il convient de corriger la première phrase en remplaçant les mots « au § 1er » par les mots « avec le § 1er ».

— Au § 7, dans la version néerlandaise, il y a un manque d'uniformité dans les termes choisis: au point 1º, l'on parle de « rechtscollege » et au point 3º de « rechtsorgaan ». Il s'agit dans les deux cas de la juridiction (compétente). Il a été opté pour le mot « rechtscollege ».

Art. 19

Le mot « novies » est remplacé par le mot « nonies ».

Art. 20

Au § 5, il est fait référence aux lois coordonnnées du 12 juin 1973 sur le Conseil d'État (en néerlandais: « gecoördineerde wetten van 12 juni 1973 »). Cette référence est incorrecte: il faut lire « 12 janvier 1973 » (en néerlandais: « 12 januari 1973 »).

Art. 21

Dans la version française, dans le titre qui précède l'article 21, il faut ajouter un accent aigu à « Dispositions pénales ».

Art. 30

Le mot « donnés » est remplacé par le mot « donné ».

Art. 32

Il convient de compléter les mots « de la loi précitée » par les mots « du 28/04/2003 ».

Les rapporteurs, Le président,
Philippe MAHOUX.
Fauzaya TALHAOUI.
Hugo VANDENBERGHE.