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21 MARS 2007
I. INTRODUCTION
Le projet de loi qui fait l'objet du présent rapport relève de la procédure bicamérale facultative et a été déposé initialement à la Chambre des représentants par le gouvernement (doc. Chambre, nº 51-2341/1).
Il a été adopté à la Chambre des représentants le 15 février 2007, par 78 voix contre 37, et 6 abstentions.
Il a été transmis le 16 février 2007 au Sénat, qui l'a évoqué le même jour.
La commission l'a examiné au cours de ses réunions des 16 et 28 février et des 6, 7, 13 et 21 mars 2007, en présence de la ministre de la Justice.
La réunion du 6 mars 2007 a été consacrée à une série d'auditions.
II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE LA MINISTRE DE LA JUSTICE
Le projet de loi réformant le divorce qui vous est soumis aujourd'hui a déjà fait parler beaucoup de lui.
C'est que la réforme du divorce est attendue de très longue date.
Il existe d'ailleurs un consensus sur le principe de modifier les textes dont certains n'ont plus été changés depuis 1804.
L'évolution sociale précède, une fois encore, la réforme juridique.
Comme chacun sait, le nombre de divorces est en explosion puisqu'il y a plus de 3 divorces pour 4 mariages en Belgique depuis quelques années.
Le législateur ne peut pas rester insensible à cette évolution sociale.
En particulier, il faut prendre la mesure de l'inutilité d'imposer aux parties de rester mariées contre leur gré et de leur imposer, dans certains cas, de devoir prouver une faute à charge de leur conjoint pour être déliées du lien matrimonial.
Le principal objectif du projet est d'apaiser les conflits. Ce projet s'inscrit résolument dans la volonté de faire de la justice une institution qui veille à apaiser les tensions plutôt qu'à les exacerber.
Le texte consacre donc l'abandon de la faute au stade du prononcé du divorce, considéré comme un véritable droit. Dans la plupart des cas, le juge n'aura plus qu'à constater la désunion irrémédiable, le plus souvent en vérifiant que des délais sont écoulés.
Ces délais sont au nombre de quatre:
— si la demande émane des deux époux et qu'ils sont séparés depuis plus de six mois, le juge prononcera le divorce immédiatement;
— s'ils ne sont pas séparés depuis plus de six mois, ils devront comparaître une deuxième fois après un délai de trois mois;
— si la demande émane d'un seul époux, le divorce sera prononcé immédiatement s'il y a séparation de fait de plus d'un an (deux ans aujourd'hui);
— s'il n'y a pas de séparation de fait de plus d'un an, le divorce sera prononcé après une deuxième comparution située au moins six mois après la première.
Le juge pourra également prononcer le divorce plus rapidement s'il constate d'emblée que la désunion entre les époux est irrémédiable.
Cette procédure nouvelle, qui se basera donc plus sur les faits que sur le ressenti, s'apparente-t-elle, comme certains le prétendent, à une répudiation ? Est-elle taillée sur mesure pour les hommes, comme on a pu le lire également ? Si la ministre avait eu le moindre doute à ce sujet, elle n'aurait jamais porté ce texte.
La ministre rappelle que le fait de pouvoir prononcer le divorce sur la base de la volonté unilatérale d'un des deux époux existe déjà dans notre droit puisque l'article 232 du Code civil permet le divorce sans cause après une séparation de plus de deux ans. Et il faut bien admettre qu'aujourd'hui, le mariage n'est plus une institution figée. Dans la plupart des couples, lorsqu'il n'y a plus d'amour, il faut mettre un terme à la relation et il est absurde de recourir à la contrainte juridique qui aggrave le conflit.
Ensuite, la répudiation telle qu'on l'entend en général est une institution inégalitaire qui ne peut être utilisée que par l'homme, en violation des droits les plus élémentaires de la femme, ce qui n'est évidemment pas le cas ici.
D'autre part, contrairement à ce que la presse a écrit récemment, il est inexact que le projet aggraverait l'arriéré judiciaire et que les tribunaux seraient débordés par les nouvelles affaires.
Bien au contraire, actuellement de nombreux magistrats du royaume passent des audiences entières à écouter les plaideurs tenter de les convaincre que l'autre partie a commis une faute grave. Ces débats n'existeront plus à l'avenir et les chambres de divorce seront fortement désengorgées.
À ceux qui craignent que les femmes soient les victimes de cette réforme, en particulier en ce qui concerne le droit à la pension alimentaire, la ministre répond qu'il sera demain beaucoup plus facile qu'aujourd'hui pour le conjoint en état de besoin d'obtenir une pension alimentaire après divorce. Plus question en effet d'effectuer un véritable parcours du combattant en tentant de prouver la faute dans le chef de son ex-conjoint, puisque le projet consacre un droit de principe à la pension alimentaire. À l'inverse, le conjoint auteur de violences conjugales ne pourra en aucun cas prétendre à une pension alimentaire.
L'obtention d'une pension alimentaire par l'ex-conjoint en état de besoin étant facilitée, il était équitable de ne plus permettre qu'elle soit due la vie durant. Le choix d'une durée s'imposait. Déterminer un délai procède toujours dans une certaine mesure de l'arbitraire. Le choix qui a été posé est que, sauf circonstances exceptionnelles qui pourraient justifier une prolongation, la pension alimentaire aura une durée équivalente à celle du mariage. De la sorte, un mariage de courte durée n'aura pas de grandes conséquences financières. En revanche, lorsqu'un des deux conjoints (et il s'agit encore aujourd'hui le plus souvent de l'épouse) aura sacrifié sa carrière pour s'investir dans un mariage de longue durée, il pourra bien entendu conserver l'aide de l'autre à long terme.
Enfin, dans un souci de simplification administrative, lorsque les jeux sont faits et que la désunion est irrémédiable, les époux seront dispensés de réunir un certain nombre de documents administratifs et la procédure pourra, en règle générale, être introduite par requête. De même, les époux pourront à tout moment faire entériner leurs accords, même partiels, en cours de procédure.
Dans le but de favoriser la pacification des rapports entre futurs ex-époux, la médiation devra être encouragée par le juge qui pourra même aller jusqu'à surseoir à statuer pour permettre aux parties d'entamer le processus.
Le projet initial a été amendé sur un point important sur suggestion du gouvernement lui-même, à la suite des auditions auxquelles il a été procédé. La procédure de divorce par consentement mutuel telle que nous la connaissons aujourd'hui, n'est pas intégrée dans la procédure de divorce pour cause de désunion irrémédiable et garde donc une structure procédurale propre. Certaines lourdeurs de la procédure de divorce par consentement mutuel ont cependant été levées; ainsi, les conditions d'âge et de durée du mariage ont été supprimées et dans certaines hypothèses, les délais pourront même être raccourcis.
Le texte à l'examen a fait l'objet de longs débats à la Chambre des représentants.
Il a d'abord été examiné pendant plusieurs mois par la sous-commission « droit de la famille » laquelle a notamment procédé à l'audition de nombreux experts et praticiens. Les débats devant la commission de la Justice n'en ont pas moins été passionnants.
Le gouvernement n'a fait preuve d'aucune rigidité dans ce dossier puisqu'il a lui-même proposé de nombreux amendements.
La ministre espère surtout que la loi nouvelle pourra entraîner dans la plupart des cas un apaisement dans le conflit conjugal.
III. AUDITIONS
I. Exposé de Mme Hafida Bachir, présidente de l'association « Vie féminine »
Mme Bachir souligne que l'association « Vie féminine » a souhaité entre entendue pour lever un profond malentendu par rapport au combat des femmes.
Les débats actuels autour de la réforme du divorce ont permis de donner une visibilité aux positions des mouvements féministes et tout particulièrement quant à l'effet négatif de cette nouvelle loi sur les femmes. Mais ces positions peuvent aussi paraître « rétrogrades » ou encore « protectionnistes ». Des positions qui pourraient donner l'impression que les femmes ne souhaitent pas des changements qui s'adaptent aux évolutions de la société, qu'elles veulent maintenir le statu quo, rester dépendantes du conjoint. Et finalement en déduire que les mouvements féministes seraient contre l'émancipation des femmes. Ce qui serait un comble ... !
Ce que nous souhaitons réaffirmer ici c'est que c'est bien au nom de l'égalité entre les hommes et les femmes et pour une justice sociale, que Vie féminine s'oppose à cette réforme.
L'oratrice précise que la présente audition vise à faire entendre la voix de celles qui n'ont pas de voix: les femmes des milieux populaires ont des richesses énormes et un potentiel assez important pour porter et supporter ce qui fait leur quotidien (enfants, débrouille, lien avec l'école ...) mais ce n'est pas tous les jours qu'on leur demande un avis sur ce qui les concerne. C'est grâce à l'ancrage de son mouvement dans les quartiers les plus populaires de Wallonie et de Bruxelles, que l'intervenante peut dans la proximité être à l'écoute de leurs vécus, de leurs difficultés et aussi de leurs aspirations. Cette proximité permet la vie féminine d'ancrer les réalités de vie dans ses revendications et ses prises de parole. Il ne s'agit pas de l'avis d'un « expert » dans le sens où on l'entend habituellement mais d'une expertise originale car elle est puisée dans le vécu des femmes des milieux populaires.
1. Contexte socio-économique de la réforme du divorce
a) Un système de sécurité sociale qui organise la dépendance des femmes à leur conjoint et freine ainsi leur autonomie.
Notre système de sécurité sociale, qui octroie des droits dérivés au conjoint qui reste au foyer, pénalise fortement les femmes.
La logique des droits dérivés privilégie un certain modèle familial, en perte de vitesse: l'homme au travail, la femme au foyer pour élever les enfants. Alors que les conditions socioculturelles dans lesquelles cette logique a pris son essor ont changé. Le taux de natalité a baissé et les modèles familiaux se sont diversifiés (augmentation du nombre d'isolés, de familles monoparentales). Par ailleurs, les femmes ont pris leur place dans le marché du travail même si la plupart du temps, il s'agit d'emplois précaires avec des sous statuts.
Cette politique qui perpétue et encourage le développement des droits dérivés est plus favorable aux ménages où la femme reste au foyer en constituant un vrai piège à l'emploi pour les femmes puisqu'elle réduit l'intérêt pour celles-ci à exercer une activité professionnelle. Cette politique pèse lourdement dans les choix de vie des femmes.
En privilégiant la dépendance au conjoint, c'est le revenu et les droits des femmes qui sont visés.
Ainsi, on voit bien que les droits dérivés sont sous-tendus par une logique patriarcale visant à accorder (non officiellement, mais en réalité) des droits majorés aux hommes (considérés alors comme seuls chefs de famille possibles), au détriment de droits sociaux personnels pour les femmes.
Une réelle égalité entre les hommes et les femmes ne peut se faire qu'en instaurant des droits individuels et égaux, tant sur le plan des cotisations que sur celui des prestations.
Le principe du quotient conjugal en matière fiscale joue pratiquement le même rôle dans le renforcement économique du conjoint qui travaille et en créant la dépendance financière des femmes.
b) Un milieu du travail hostile aux femmes.
Les femmes sont arrivées de manière massive sur le marché du travail salarié ces 20 dernières années. Mais cela ne signifie nullement la fin des inégalités entre hommes et femmes. Face aux avancées que constitue la plus grande présence des femmes dans le travail salarié et l'augmentation du niveau d'éducation des jeunes femmes, d'autres écarts persistent bel et bien.
Il s'agit notamment de la concentration de l'activité féminine dans certains secteurs d'activités (principalement le secteur des services) et dans certains emplois types (le temps partiel, les contrats à durée déterminée), la faible représentation des femmes dans les niveaux les plus élevés de la hiérarchie professionnelle, la surreprésentation des femmes dans le sous-emploi et le chômage ainsi que la persistance des écarts de salaire entre hommes et femmes sont les « nouvelles » inégalités bien réelles sur le marché du travail.
c) Un manque flagrant de places d'accueil accessibles financièrement et de qualité.
À cette précarité sur le marché du travail, rajoutons un autre problème crucial qui empêche l'autonomie des femmes, c'est celui du manque de places d'accueil pour l'enfance. Des places de qualité et réellement accessibles aux femmes qui souhaitent s'impliquer sur le marché du travail.
d) Le mythe de l'égalité-déjà-là (que tout est gagné).
Aujourd'hui des voix s'élèvent pour contester les acquis des femmes ou banaliser les violences conjugales, le sexisme ambiant ou encore les lourdes charges qui pèsent toujours sur les femmes, qui tant bien que mal essaient de concilier investissement professionnel et familial.
Et cette contestation tolérée, polie et experte se fait au nom d'une soi-disant égalité déjà acquise par les femmes: « mais qu'est-ce qu'elles veulent encore ? », « vous avez déjà beaucoup ! », nous rétorque-t-on quand nous dressons le triste constat des inégalités encore persistantes et que nous exigeons juste l'égalité.
Le plus interpellant c'est que ces remises en question des acquis se font au nom de l'égalité elle-même. Ce courant que la sociologue Christine Delphy appelle le « mythe de l'égalité-déjà-là », empoisonne non seulement les organisations de femmes, en freinant leur combat, en créant le doute et la division entre elles. Mais il a aussi un effet direct et néfaste sur les femmes, prises individuellement en les culpabilisant et en leur faisant croire qu'elles profitent du système. La réforme du divorce malheureusement joue sur cette égalité déjà acquise en rappelant que la société a évolué et qu'il ne tient qu'aux femmes de prouver qu'elles sont autonomes !
L'instrumentalisation de l'égalité est sans doute aujourd'hui un des obstacles majeurs auxquels doivent faire face les organisations de femmes. Et encore plus grave, il constitue un frein énorme à l'avancée d'une société réellement égalitaire.
2. La précarité qui se révèle au moment de la rupture.
Dans l'étude « Au féminin précaire » réalisée par Vie Féminine, nous mettons en avant des parcours divers de femmes touchées par la précarité. Un des nœuds de cette précarité réside dans le fait que malgré les évolutions sociales, les femmes restent la plupart du temps étroitement liées à la famille et aux enfants. Les femmes, façonnées par ce modèle, peuvent du jour au lendemain basculer dans la précarité à la suite d'un divorce.
Parmi les femmes faisant l'objet de cette étude, beaucoup connaissent la précarité parce qu'elles se sont, un jour, retirées du marché de l'emploi afin de se consacrer à leurs enfants. Tant que le couple a duré, elles n'ont pas perçu leur précarité individuelle ... mais avec la rupture, celle-ci a brutalement fait surface.
Face à ces trajectoires féminines, comment ne pas mettre en question le modèle de la mère « idéale », celle qui sacrifie tout pour ses enfants, y compris sa propre sécurité d'existence ?
Dès leur plus jeune âge, les petites filles sont éduquées pour prendre en charge le côté privé, affectif et relationnel de l'existence. Devenues adultes, elles se retrouvent ainsi à l'intersection du privé et du public.
Les femmes que nous avons rencontrées appartiennent à diverses générations, mais un trait les caractérise: beaucoup vivent aujourd'hui la précarité parce qu'elles se trouvent ou se sont trouvées à l'intersection entre la famille et le travail. Concilier les deux, c'est leur affaire ... Pour assurer cette conciliation, certaines quittent leur emploi. D'autres réduisent leur temps de travail. D'autres encore ne se sont jamais positionnées sur le marché du travail. Certaines, enfin, ont eu un enfant avant la fin de leurs études, ce qui a influencé la suite de leur parcours.
Quelles que soient les variations, la situation actuelle de ces femmes découle souvent d'un parcours placé, dès le départ, sous le signe de l'amour, du couple et de la famille. Bien des décisions seront prises au nom de cette sphère privée, défavorisant les femmes au niveau de l'insertion professionnelle notamment.
Enfin, des facteurs extérieurs renforcent encore le maintien ou le renvoi de la femme dans la sphère privée. C'est le cas du niveau des salaires: « Qui, dans le couple, arrête de travailler ? C'est souvent la personne qui gagne le moins et c'est souvent la femme, même si j'ai l'impression qu'il y a un léger changement et que certains pères envisagent de le faire ... Mais peu le font vraiment ! », observe une des femmes faisant l'objet de l'étude.
Ces réalités sociales et ces « choix privés » sont souvent déterminants pour la suite du parcours. Ils plongent en effet les femmes dans un processus de précarisation individuelle qui reste invisible tant que le couple dure.
C'est au moment de la rupture que la situation de précarité préexistante se révèle pleinement, dans toute sa dureté. Brusquement, l'inégalité financière et culturelle des conjoints apparaît au grand jour. Certaines femmes n'avaient pas conscience d'être concernées jusqu'alors.
Pour beaucoup de femmes, la rupture a un prix important. Certaines décisions prises en amont ont en effet des répercussions catastrophiques après la séparation. Une femme en témoigne: « J'ai cinq enfants et je suis restée à la maison ... Et maintenant ? Ma pension ? Je suis divorcée car mon mari est violent ... ». Certaines, prises dans une sorte de pari de l'amour, se pensaient peut-être à l'abri, comme en témoigne une autre femme: « J'ai arrêté de travailler et j'ai toujours crié haut et fort qu'une femme devrait rester à la maison pour élever ses enfants. Et voilà, maintenant, je me retrouve à cinquante ans en instance de divorce, sans boulot, ... ».
Souvent, l'investissement professionnel avant la rupture est sans commune mesure avec l'investissement au sein de la famille. Marthe explique ainsi: « J'ai toujours fait des petits boulots. » Une mère, qui mesure aujourd'hui les conséquences de son parcours déclare: « J'ai une carrière décousue: j'ai travaillé mi-temps pour élever mes enfants et dans dix, quinze ans, je toucherai une pension mini ! »
De manière générale, les femmes que nous avons rassemblées dans l'étude parlent assez peu de leur travail professionnel, comme s'il n'était pas significatif dans leur vie. Souvent, les revenus de la famille ont en fait été ceux de l'homme: c'est lui qui les conserve lors de la séparation ... Beaucoup de femmes se retrouvent alors peu autonomes professionnellement, exclues d'un marché du travail qui qualifie de « vieux » tout quadragénaire et dont la rapidité de changement éjecte toute personne sortie (ou jamais entrée) du circuit pendant quelques années.
On le voit, le modèle qui attribue aux femmes la prise en charge des autres et de la famille marque fortement les parcours féminins. Ces modèles sont intégrés par les femmes elles-mêmes et peuvent se révéler particulièrement piégeants dans une société où il est impossible de vivre sans revenu financier suffisant et où les inégalités restent réelles.
Les participantes à l'étude identifient la maternité comme un handicap pour leur sécurité d'existence. Mais elles expliquent aussi que cette précarité liée à leur genre n'apparaît que lors de la rupture, qu'elles quittent ou qu'elles soient quittées.
C'est donc l'éclatement du couple qui révèle et renforce leur précarité personnelle ... Car en faisant du couple un rempart — temporaire et illusoire — contre la précarité des femmes, la société tout entière organise, par la répartition sexuée de l'emploi et des responsabilités familiales, de choquantes inégalités entre les hommes et les femmes.
Quand survient la rupture, les femmes sont obligées de composer comme elles le peuvent. Celles qui se retrouvent à la tête d'une famille monoparentale doivent se débrouiller avec leurs faibles revenus ou trouver à tout prix un emploi. Et, la plupart du temps, il n'est pas question, en cas de coup dur, de compter sur son ex-partenaire, presque toujours plus nanti pourtant.
Les effets de la rupture, quoique difficiles pour les deux partenaires, ne sont pas identiques selon que l'on est homme ou femme, surtout lorsqu'il y a des enfants.
L'étude a également démontré que les femmes perdent leur confiance dans les institutions qui sont supposées les aider. Parmi ces institutions, la justice trouve une place de choix.
Les femmes disent ne pas être entendues dans les problèmes qu'elles vivent, elles sont renvoyées d'un service à l'autre, elles vivent comme une profonde injustice le fait de ne pas recevoir leurs pensions alimentaires ... Certaines femmes renoncent à exercer leurs droits à cause de cette perte de confiance. Leur sentiment est que la justice reproduit les inégalités flagrantes qu'elles vivent déjà au quotidien.
À notre connaissance aujourd'hui, aucune institution n'intègre une vraie analyse des rapports sociaux de sexe.
3. Critiques plus précises du texte de la réforme.
Vie féminine a l'intime conviction que la réforme à l'examen ne fera qu'accentuer la précarité des femmes les plus fragiles pour les raisons suivantes:
a) Manque de vision globale de la réforme qui ne tient pas compte du contexte socio-économique et de la précarité des femmes.
Notre système de sécurité sociale et les mesures liées à l'emploi maintiennent les femmes dans une grande dépendance financière et freinent leur autonomie. En réformant le divorce sans réformer de manière profonde notre système de sécurité sociale et en n'offrant pas la possibilité aux femmes d'investir correctement le marché de l'emploi, on ne fera qu'accentuer la précarité des plus fragiles d'entre elles. Cette réforme ne tient non plus pas compte des choix que font les femmes durant le mariage en se retirant du marché de l'emploi. Et enfin, en jouant sur « l'égalité déjà là », cette réforme culpabilise les femmes en leur renvoyant le message selon lequel elles profitent du système. Au nom de cette même égalité, la garde alternée a été mise en place dans un contexte où, de fait, l'égalité des parents dans la prise en charge des enfants n'est absolument pas égalitaire. Les femmes effectuent en effet encore la majeure partie des tâches parentales et ménagères.
La loi sur la garde alternée a été votée en considérant que les parents deviennent subitement égaux dans la prise en charge de leurs enfants ... lorsqu'il y a rupture de ce couple.
b) La réforme apporte des solutions aux problèmes actuels sans vérifier les conséquences de ces mesures sur la partie la plus faible, c'est-à-dire les femmes.
Le projet de réforme part de problèmes constatés dans les procédures actuelles et qui ne peuvent être sous-estimés mais le reproche que nous faisons c'est qu'elle n'anticipe absolument pas les conséquences réelles qu'elle aura sur les plus faibles, souvent les femmes. Une lecture qui intègre les rapports sociaux de sexe aurait permis de mesurer ces conséquences.
c) La réforme ne tient pas compte de la protection apportée par le statut du mariage et les engagements pris par les conjoints lors de leur union.
Le projet de loi permet désormais à un conjoint d'imposer le divorce à son conjoint et ainsi lui faire perdre toute la protection liée au statut du mariage (logement, devoir de secours entre époux) qui dépasse l'octroi d'une pension alimentaire.
Protection garantie par la procédure actuelle. L'effet de cette mesure pour le conjoint le plus faible économiquement peut être dramatique et le faire basculer du jour au lendemain dans une précarité extrême.
Mme Bachir souligne une autre incohérence du projet de loi. Le projet de loi change les règles du jeu pour le divorce tout en maintenant les engagements pour le mariage. Il aurait été préférable d'avoir une réflexion plus globale à ce sujet, ce qui aurait fort probablement permis d'introduire dans le débat la notion de responsabilité des conjoints au lieu d'inciter le plus nanti à placer l'autre dans une situation de précarité.
d) Disparition de la notion de faute dans le divorce mais pas dans l'octroi des pensions alimentaires
Il est surprenant que la notion de faute disparaisse dans le divorce mais réapparaisse dans l'octroi de la pension alimentaire. Cela nous questionne quant à savoir pour qui cette réforme a été faite ? Qui a intérêt à ce que ces changements se fassent ?
e) Raccourcissement des délais (divorce kleenex)
Un conjoint pourra se retrouver « divorcé » contre son gré en l'espace de 6/7 mois et perdre ainsi tous les avantages liés au mariage. Qu'adviendra-t-il de toutes ces femmes qui souvent de manière concertée avec le conjoint ont fait le choix de se consacrer à l'éducation des enfants et se sont retirées du marché de l'emploi ?
Par ailleurs, si pour divorcer cela peut aller très vite (la réforme prône la « souplesse »), le parcours du combattant ne fera que commencer pour les effets (pension alimentaire, garde des enfants). Il est donc faux de croire que cette réforme va pacifier les choses.
f) La médiation n'est pas une solution lorsqu'une des parties (les femmes) est ou a été en état de dépendance.
Malgré toutes ses qualités, la médiation peut constituer un piège pour les femmes: en raison de l'éducation et des modèles sociaux dominants, celles-ci sont plus poussées à la concession et revendiquent moins leurs droits. La médiation ne peut pas convenir à tout le monde, elle convient aux conjoints qui ont le même pouvoir de négociation. Pour une femme qui quitte une relation où il existait un déséquilibre des pouvoirs ou une dépendance financière, la médiation ne fera que renforcer ces inégalités déjà présentes dans le couple. Enfin, nous pouvons également craindre une « psychologisation » du divorce qui serait réduit à un problème de « désamour » entre les individus, ce qui occulte les inégalités sociales de genre.
g) L'octroi de la pension alimentaire limitée aux années de mariages sans tenir compte des « choix » faits par les femmes ou par le couple.
Vie féminine approuve l'idée de réduire la dépendance des femmes à l'égard de leur (ex-)mari, mais cela ne doit pas se faire au détriment de celles qui se sont investies dans le couple au prix de leur autonomie et de leur sécurité d'existence. Il est en effet impératif de tenir compte des implications qu'aura eu l'arrêt du travail ou des études pour les femmes à cause de l'investissement dans la vie de couple et de famille.
Ainsi, on ne peut ignorer la difficulté de trouver un emploi, face à laquelle risque bien de se trouver la personne ayant interrompu son activité professionnelle dans le cadre du mariage. Car dans le contexte actuel, il ne suffit pas d'être « disposé à être mis au travail et à faire valoir ses droits aux prestations sociales », comme le précise le texte de la réforme, pour mener une vie décente.
h) Effet pervers induit par le maintien du divorce par consentement mutuel à côté d'un divorce plus facile et plus avantageux pour le plus fort.
Le risque est de pousser les époux à ne plus recourir au divorce par consentement mutuel. Dans les pays où la répudiation existe, les autres formes de divorce ne sont pas choisies. Et pour cause, la répudiation est plus rapide, unilatérale et peu coûteuse pour la partie qui veut se dégager sans prendre ses responsabilités. La répudiation est donc synonyme de souplesse pour l'homme et de précarité pour la femme.
Mme Bachir espère que ce n'est pas à cela qu'on arrivera en Belgique, qui a modifié son Code de droit international privé pour limiter la reconnaissance de la répudiation, perçue comme non conforme à nos principes d'égalité entre les hommes et les femmes.
II. Exposé de Mme Françoise Claude, Conseillère au service Études et Projets de l'association « Femmes prévoyantes socialistes »
Mme Claude se rallie au panorama socio-économique très inégal des femmes par rapport aux hommes tel qu'il a été présenté par l'intervenante précédente. Cette inégalité est particulièrement marquée sur le marché de l'emploi, notamment pour les femmes mariées mères de famille. Il faut souligner que les femmes mariées et mères de famille ont des revenus nettement inférieurs à ceux des femmes célibataires alors que les revenus des hommes mariés pères de famille sont supérieurs à ceux des hommes célibataires. Cela permet de rappeler que l'institution du mariage n'est pas favorable aux femmes sur le plan socio-économique. L'intervenante ne cherche d'ailleurs pas à la défendre mais il faut tenir compte des situations de fait qui ont été acquises au long du mariage.
De manière globale, les Femmes prévoyantes socialistes approuvent la réforme du divorce car:
— elle diminue l'impact de la notion de faute. Le concept de faute ne semble plus approprié à l'institution du mariage telle qu'elle est vécue aujourd'hui;
— elle permettra d'accélérer les procédures et de les rendre moins douloureuses et moins haineuses, entre autres justement parce qu'il ne faudra plus prouver la faute;
— elle ne supprime pas la procédure par consentement mutuel mais au contraire la facilite. Cette façon de divorcer semble humainement la plus digne et la plus défendable. Le nombre de ces accords pour se séparer dignement se transposera sans doute en partie dans l'introduction commune d'une demande de divorce pour désunion irrémédiable.
Mme Claude pense que la facilitation de la procédure pour désunion irrémédiable, quand un seul époux veut divorcer, n'entraînera pas une diminution du pourcentage de consentements mutuels, c'est-à-dire qu'elle ne sera actionnée que dans les cas où le divorce aurait de toute façon été conflictuel.
C'est un pari qu'elle fait sur la dignité et le respect mutuel des personnes qui ont vécu ensemble;
— elle dissocie le droit à la pension alimentaire de la notion de faute, et la relie plutôt à l'état de besoin. Le combat de toujours des Femmes prévoyantes socialistes est que jamais un mariage n'entraîne l'état de dépendance d'un des époux par rapport à l'autre. La réforme en projet ne devrait cependant pas avoir d'effets sur ce point;
— elle prévoit l'indexation automatique des pensions alimentaires.
L'intervenante émet cependant les réserves suivantes:
— En ce qui concerne la limitation de la durée de la pension alimentaire. En effet, si nous souhaitons une société ou l'« appariement amoureux » et le fait d'avoir des enfants en commun n'entraîneraient plus jamais de dépendance de l'un des membres du couple à l'égard de l'autre, nous devons malheureusement constater qu'on en est encore loin.
— En voulant diminuer la dépendance des femmes à l'égard des hommes, mais uniquement après le mariage, on met en quelque sorte la charrue avant les bœufs, puisqu'en même temps on continue de favoriser cette dépendance au cours du mariage par des mécanismes tels que les droits dérivés en sécurité sociale et le quotient conjugal.
— En donnant comme limite la durée de la vie commune, on est trop linéaire, pas assez souple. En 3 ou 5 ans de mariage, on peut handicaper sa situation socio-professionnelle de manière quasi irréversible. Le juge devrait avoir une plus grande faculté d'appréciation par rapport à cette limite temporelle, et pas seulement à l'expiration de la période, mais dès la fixation de la pension alimentaire, en fonction des circonstances de la cause.
— Enfin, si la cause du divorce ne peut plus être la faute, cela devrait aussi entraîner une modification dans les obligations du mariage, qui perdent une grande partie de leur force, puisqu'elles ne sont plus sanctionnées. Mme Claude pense en particulier à l'obligation de secours. Afin qu'il sorte enfin de la mentalité de chacun qu'il est normal, quand on est marié, que l'un des deux dépende de l'autre.
— En ce qui concerne la promotion de la médiation, car la médiation ne peut se concevoir qu'entre égaux. Lorsque des rapports de force inégaux s'exercent entre les deux parties, la médiation ne peut que les renforcer. Il faudrait au moins imposer une formation au genre dans le cursus de formation des médiateurs pour atténuer cet effet pervers de la médiation.
Mme Claude profite de la discussion pour rappeler une série de revendications défendues par les Femmes prévoyantes socialistes:
— L'égalité socio-économique des hommes et des femmes, surtout dans le mariage ou la vie commune en général, doit enfin devenir une réelle priorité de tous les niveaux de pouvoir. Cela représente des changements fondamentaux dans de multiples domaines. L'intervenante en évoque trois, qui sont en lien direct avec la problématique de la dépendance financière des femmes mariées:
• La suppression pour l'avenir des droits dérivés en sécurité sociale et du quotient conjugal, sans toucher aux situations acquises. Afin que dorénavant, plus aucune jeune femme ne puisse envisager de vivre sans se constituer des droits propres en sécurité sociale, et pour qu'aucun jeune couple ne voie plus la fiscalité encourager la faiblesse économique d'un de ses membres par rapport à l'autre.
• La lutte contre la généralisation du travail à temps partiel et la suppression des mécanismes qui le pénalisent en sécurité sociale (par exemple les pensions, mais aussi les compléments de chômage).
• La multiplication des places d'accueil des enfants, non seulement 0-3 ans, mais aussi l'accueil extra-scolaire. C'est en lien direct avec le travail des parents et l'égalité des sexes, c'est donc aussi une compétence fédérale.
D'autres revendications déjà anciennes des associations de femmes qui n'attendent qu'une volonté politique et devraient aboutir dans les meilleurs délais: la création d'un tribunal des familles, une réforme du statut fiscal des pensions alimentaires et de la prise en charge fiscale des enfants ...
Enfin, il faudrait que l'on s'attaque sérieusement au problème de l'appauvrissement des femmes durant le mariage. Des mécanismes juridiques doivent être trouvés qui soient préventifs du désinvestissement professionnel des femmes, voire compensatoires de celui-ci quand malheureusement il a eu lieu et qu'on ne peut que le constater au moment du divorce. La pension alimentaire en est un, c'est pourquoi sa remise en question pose problème.
III. Exposé de Mme Magdeleine Willame-Boonen, présidente du « Conseil des femmes francophones de Belgique »
Mme Willame-Boonen constate que la Chambre des représentants a procédé à de multiples consultations et auditions lors des discussions préparatoires au projet de loi à l'examen, en sous-commission « droit de la famille ». Assez curieusement, aucune association de femmes n'a été entendue et elle se réjouit dès lors que le Sénat leur offre l'occasion de s'exprimer sur la réforme du divorce.
Elle pense que les auteurs du projet sont partis d'une sorte de société idéale dans laquelle les hommes et les femmes sont égaux. Ils ont envisagé le divorce dans cette situation idéale que tout le monde souhaite, mais qui ne correspond cependant pas à la réalité actuelle. Or, une telle réforme doit partir de la situation telle qu'elle existe sur le terrain.
L'intervenante rappelle que le Conseil des femmes francophones est une association pluraliste qui est la coupole d'une cinquantaine d'associations féminines. C'est la commission « politique et loi » du Conseil qui a préparé l'avis suivant, qui est le résultat d'un arbitrage:
Remarque préliminaire
Le Conseil des femmes francophones de Belgique regrette que l'on n'ait pas envisagé une réforme en profondeur du droit de la famille: les droits et obligations du mariage, les contrats de mariage, l'obligation de pensions, etc.
Il faut envisager une réforme de l'administration de la justice et projeter avant tout la création d'un tribunal de famille pour éviter que les parties doivent s'adresser à différentes juridictions selon l'avancement des procédures en divorce et les personnes concernées.
Causes du divorce
Le Conseil des femmes francophones de Belgique demande que l'on garde le divorce pour faute dans le cas de violences intrafamiliales qu'elles soient physiques, économiques ou morales. Le divorce pourrait être prononcé sans attendre la condamnation pénale du conjoint violent.
Le Conseil des femmes francophones de Belgique marque son accord sur le délai de six mois lorsque la demande est formée conjointement par les deux époux mais propose que le délai pour le prononcé du divorce soit porté à deux ans quand celui-ci est demandé par un seul époux.
Le Conseil des femmes francophones de Belgique marque son accord sur le maintien de la possibilité de divorce par consentement mutuel.
Pension alimentaire pour l'ex-époux après le divorce
Le Conseil des femmes francophones de Belgique demande avec insistance que la fixation du montant de la pension et la liquidation du régime matrimonial soient réglés au plus tard dans les deux ans après le prononcé du divorce.
Le Conseil des femmes francophones de Belgique demande que le montant de la pension alimentaire pour l'ex-époux après le divorce ne soit pas seulement basé sur l'état de besoin mais tienne compte des revenus et des possibilités des conjoints, du train de vie qui était celui des parties pendant la vie commune, de la santé et l'âge des parties, du comportement des parties durant le mariage quant à l'organisation de leurs besoins, de la charge des enfants pendant la vie commune, de la situation des conjoints-aidants qui ne tombent pas sous le coup de la nouvelle loi.
Si le Conseil des femmes francophones de Belgique demande de ne pas lier strictement la durée de la pension alimentaire à la durée du mariage, celle-ci doit être un des éléments dont il faut tenir compte pour en calculer le montant. Pour des cas exceptionnels, il faut pouvoir accorder une rente à vie (voir le cas de certaines femmes au foyer, âgées, sans travail, ...).
Le Conseil des femmes francophones de Belgique demande que la capitalisation de la pension accordée par le tribunal soit possible non seulement à la demande du débiteur de la pension mais aussi par le créancier de celle-ci.
Autres demandes
Le Conseil des femmes francophones de Belgique demande que les époux puissent conserver tous leurs avantages matrimoniaux, sauf convention contraire et sauf pour l'époux auteur de violences.
Le Conseil des femmes francophones de Belgique demande que le délai de pourvoi en cassation soit maintenu à trois mois et non pas réduit à un mois.
En ce qui concerne le droit transitoire, le Conseil des femmes francophones de Belgique s'indigne que la nouvelle loi (art. §§ , § 4) propose de revenir sur des choses jugées et de la possibilité de revoir les pensions alimentaires pour les ex-époux pour des divorces qui auraient été prononcés avant la promulgation de la nouvelle loi.
Le Conseil des femmes francophones de Belgique insiste sur le fait que les jeunes époux devraient avoir une meilleure information sur les contrats de mariage et leurs obligations en cas de rupture.
IV. Exposé de Mme Ankie Vandekerckhove, commissaire aux droits de l'enfant
Mme Vandekerckhove remercie la commission pour son invitation. Elle renvoie à l'avis que le Commissariat aux droits de l'enfant a déjà eu l'occasion de commenter à la Chambre des représentants au cours d'une audition concernant le projet à l'examen, mais dont on n'a malheureusement pas beaucoup tenu compte.
L'intervenante souligne qu'elle présentera son exposé en sa qualité de commissaire aux droits de l'enfant, et pas spécifiquement en tant que femme. Il est frappant de constater qu'on n'a pratiquement pas parlé des enfants mineurs dans le cadre du débat sur le projet de loi à l'examen.
L'intervenante évoque également l'avis du Commissariat aux droits de l'enfant concernant la coparentalité, disponible sur le site Internet.
Il convient d'examiner le projet en discussion à la lumière de la Convention relative aux droits de l'enfant, à laquelle la Belgique est partie et qui contient diverses normes juridiques contraignantes.
Le Commissariat aux droits de l'enfant est, en soi, très satisfait de l'instauration du principe du divorce sans faute. Mais ce qui pose problème, c'est la manière dont ce divorce sans faute est réglé en l'espèce.
L'intervenante plaide, d'une part, en faveur des avantages et des atouts d'un divorce par consentement mutuel et, d'autre part, en faveur de la médiation et des avantages que celle-ci entraîne pour toutes les personnes concernées, non seulement les enfants mais aussi les ex-partenaires.
Il est un fait qu'une séparation est bien davantage qu'une simple question juridique, et il faut en tenir compte dans la manière d'aborder le divorce et la politique en la matière.
En moyenne, un enfant mineur sur quatre est confronté personnellement à une séparation, que ses parents soient mariés ou cohabitants. La séparation est donc une réalité pour les enfants et les jeunes en Flandre. Les enfants ne sont évidemment pas partie au divorce, mais ils en supportent les conséquences à long terme.
En quoi consiste l'intérêt de l'enfant dans un contexte de séparation ?
Ce qu'on sait depuis longtemps, c'est que ce n'est pas tant la séparation en soi, mais surtout sa charge conflictuelle qui est néfaste pour le bien-être et l'épanouissement des enfants concernés. De toute façon, ni les enfants ni le législateur ne peuvent empêcher la séparation en soi. Ce qu'il faut donc, c'est faire en sorte que la législation puisse garantir les droits et les intérêts des enfants dans ce contexte délicat.
La législation en la matière doit, avant tout, valoriser et définir toute approche qui permette de maîtriser le conflit. Le divorce sans faute est un des moyens d'y parvenir.
En Flandre, 80 % des divorces se font déjà par consentement mutuel. L'avantage de cette procédure est qu'elle permet aux parents, ex-partenaires, de prendre leur vie en main, en bénéficiant éventuellement de l'accompagnement nécessaire. Avant de lancer la procédure, ils doivent passer par des négociations, afin d'arriver à un accord global.
Il semble dès lors opportun de maintenir le divorce par consentement mutuel, tel qu'il existe actuellement et auquel de très nombreux couples ont recours. Dans le cadre de cette procédure, les parents eux-mêmes jouent un rôle dans le règlement de tous les aspects partiels d'un accord global.
L'intervenante craint que la nouvelle procédure et des accords non parachevés ne contribuent à faire perdurer la situation conflictuelle, ce qui serait contraire à l'intention du législateur, qui est de réduire le nombre de conflits en instituant la procédure en discussion.
Il est dans l'intérêt des enfants et des ex-partenaires d'éviter les conflits. Il est donc important de conserver le divorce par consentement mutuel et les avantages de la médiation.
L'intervenante craint que de nombreux partenaires ne s'épargnent la peine des négociations préalables et n'optent pour la solution rapide offerte par la nouvelle procédure.
L'intervenante souligne par ailleurs que l'enfant a le droit de vivre avec ses parents, sauf s'il est jugé, conformément à la procédure applicable, que cette cohabitation n'est pas dans son intérêt. Lorsque la cohabitation avec les deux parents n'est plus possible ou n'est pas indiquée, toutes les parties doivent avoir la possibilité de participer aux procédures en cours. Dans ce contexte, l'enfant a le droit d'entretenir des relations avec ses deux parents, à moins que cela ne soit une fois de plus contraire à son intérêt.
L'article 9 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant mentionne dès lors spécifiquement le droit de l'enfant de participer au processus décisionnel et de faire connaître ses vues.
L'enfant a par ailleurs le droit d'exprimer son opinion sur toute question ou procédure l'intéressant. Il faut tenir compte de cette opinion et y accorder l'importance qui convient, compte tenu de la maturité de l'enfant. Bien entendu, cela ne signifie pas que l'on veuille imputer la responsabilité à l'enfant. Le droit de parole des enfants n'est pas suffisamment respecté, surtout dans les procédures de divorce.
Le Commissariat aux droits de l'enfant insiste pour que les mineurs bénéficient d'un statut juridique mieux étoffé. Surtout dans un contexte de divorce, l'absence de statut met de nombreux mineurs en difficultés. Des voix s'élèvent pour demander que le parlement examine d'urgence les projets de loi déjà déposés sur le droit de parole, l'accès à la justice et l'institution d'avocats des mineurs.
Certaines dispositions de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant sont pertinentes au regard du statut des enfants en cas de divorce.
En voici un aperçu:
— Article 3: l'intérêt de l'enfant.
— Articles 5 et 18: la guidance assurée par les parents et le développement des capacités de l'enfant.
— Article 9: la séparation parents-enfants et le droit aux relations.
L'enfant a le droit de vivre avec ses parents, sauf s'il est jugé, conformément à la procédure applicable, que cette cohabitation n'est pas dans son intérêt. Lorsque la cohabitation avec les deux parents n'est plus possible ou n'est pas indiquée, toutes les parties doivent avoir la possibilité de participer aux procédures en cours.
— Article 12: l'opinion de l'enfant.
L'enfant a le droit d'exprimer son opinion sur toute question ou procédure l'intéressant. Mais cela ne signifie pas qu'il peut imposer sa volonté.
— Article 27: niveau de vie suffisant.
L'enfant a droit à un niveau de vie suffisant. La responsabilité primaire en la matière incombe aux parents. À cet égard, l'État a l'obligation de veiller à ce que cette responsabilité puisse être et soit assumée, au besoin en organisant la perception d'une pension alimentaire.
Bien entendu, le problème du niveau de vie suffisant se pose davantage chez la femme, ex-partenaire.
En effet, la contribution à l'entretien des enfants se fonde sur la filiation et non sur le mariage.
Que peut faire le législateur à cet égard, sachant que le cadre juridique ne pourra jamais régler l'ensemble des questions et des problèmes qui se présentent ?
À cet égard, les directives sont claires. Il faut:
— réduire les risques de conflits;
— respecter le rôle des enfants et des parents ainsi que les relations qui les unissent;
— créer un cadre qui permette aux parents de continuer à assumer leur rôle et à l'enfant de poursuivre une relation avec chacun d'eux, même s'ils ne vivent plus ensemble depuis longtemps.
La médiation est le contexte le plus propice à la réalisation de ces directives.
Il est important de reconnaître les responsabilités des parents et surtout de les faire bénéficier d'un soutien quant aux modalités suivant lesquelles ils veulent et peuvent régler leur divorce.
La médiation est une procédure qui offre de grandes possibilités à cet égard.
L'intervenante insiste dès lors pour que la procédure de médiation en matière de divorce soit assortie d'une notification obligatoire. Il faut donc élargir l'offre en matière de médiation et veiller à ce que la possibilité d'y recourir reste ouverte avant, pendant et après la séparation.
L'intervenante fait référence aux résultats positifs qui ont été enregistrés dans ce domaine au Canada et en Norvège. Si l'on met en place une offre de qualité en matière de médiation, on donne plus de chances à la partie la plus faible.
Par ailleurs, elle plaide pour que les procédures se déroulent devant un tribunal de la famille et, si cela s'avère irréalisable, à tout le moins devant un seul et même tribunal. La procédure s'en trouverait simplifiée.
L'intervenante conclut que le Commissariat aux droits de l'enfant continue à croire très fermement à la procédure de divorce par consentement mutuel et à la médiation. Elle a bien peur que des accords partiels n'apportent aucune solution et fassent perdurer la situation conflictuelle.
Elle fait référence à des propos de Guy Tegenbos parus dans le « Standaard » du 6 mars 2007, selon lesquels, dans les affaires de divorce, les pouvoirs publics se mêlent de toute façon de ce qui concerne les enfants.
Récemment, le parlement fédéral a voté une loi qui consacre le principe de la coparentalité. Sans doute a-t-il eu raison de le faire — la loi s'inscrit dans l'esprit du temps, s'appuie sur les expériences de certains acteurs de terrain et est conforme à ce que le législateur espère et croît être le mieux —, mais ce n'est pas certain. Aujourd'hui, la moindre petite infraction environnementale donne déjà lieu à un rapport d'incidence. En ce qui concerne les effets de problèmes sociaux et de modifications législatives sur nos enfants, nous avons encore trop souvent tendance nous contenter d'approximations.
Échange de vues
Questions des membres
M. Mahoux demande des clarifications concernant la position des associations sur la médiation. Généralement, ces associations demandent d'encourager les processus de médiation. Or, lors de leur audition, elles ont exprimé des réticences par rapport au recours à cette technique dans le cadre du divorce. Comment concilier ces deux points de vue ?
L'intervenant s'interroge également sur les conséquences de la réforme du divorce sur notre conception du mariage. Lors de la célébration du mariage, les officiers de l'état civil rappellent aux futurs époux les différentes obligations qui découlent du mariage (secours mutuel, fidélité, etc.). Dès lors que l'on abandonne la notion de faute pour le divorce, faut-il retirer ce type d'obligations du Code civil et évoluer vers une conception contractuelle du mariage ?
Enfin, l'intervenant demande des précisions sur les effets du projet de loi sur les décisions coulées en force de chose jugée. Est-il exact que le projet peut aboutir à une remise en question de décisions coulées en force de chose jugée ?
Mme de T' Serclaes s'interroge sur la vision assez négative que les associations ont de la médiation. Elle rappelle que ce mode de règlement des conflits a fait l'objet de nombreuses discussions au parlement tant au cours de la présente législature que sous la législature précédente. Des textes importants ont été adoptés et sont aujourd'hui en vigueur.
Si une médiation est bien faite, il n'y a pas de partie faible et de partie forte. Le rôle du médiateur est de mettre les parties sur pied d'égalité pour leur permettre d'avoir une discussion où les arguments des uns et des autres sont pris en compte en vue d'aboutir à des accords qui sont positifs pour tout le monde. Elle demande si l'expérience de terrain contredit cette approche de la médiation.
Lors de son exposé, Mme Claude a estimé que le Parlement faisait un pari en remplaçant le divorce pour faute par le divorce pour cause de désunion irrémédiable. Il est en effet à craindre que cette nouvelle procédure de divorce rapide remplace à terme la procédure de divorce par consentement mutuel.
Mme de T' Serclaes ne souhaite pas que le législateur fasse un pari risqué en instaurant une procédure de divorce qui vient concurrencer le divorce par consentement mutuel, qui est la procédure la plus largement suivie à l'heure actuelle. Il faut éviter que l'on ne dérive d'un système vers un autre dans lequel la position des femmes est encore plus précaire.
Le texte à l'examen suscite de nombreuses critiques de la part de personnes qui estiment que la procédure proposée expose la partie la plus faible à des risques plus élevés. La rapidité du divorce et le fait qu'il puisse être prononcé alors que les conventions ne sont pas encore signées, modifient de façon radicale la situation du conjoint défendeur. Dans des délais très brefs — parfois en sept mois-, le conjoint peut se retrouver divorcé contre son gré. Il perd ainsi toutes les protections que lui offrait le mariage: droit au secours, logement familial, etc. La procédure de divorce par consentement mutuel n'expose pas la partie la plus faible à de tels risques. Quelle est la position des associations de femmes sur le fait que le projet a pour conséquence qu'un conjoint peut perdre la protection du mariage dans des délais très courts ?
Enfin, Mme de T' Serclaes demande quel est le sentiment des associations par rapport aux mesures transitoires prévues dans le projet de loi. Elle pense en effet que des décisions des tribunaux pourraient être remises en cause puisque le projet prévoit que la durée de la pension alimentaire ne peut être supérieure à la durée du mariage. D'autre part, en limitant dans le temps la durée de la pension alimentaire à celle du mariage, ne risque-t-on pas de placer des personnes âgées dans des situations de précarité. Elle cite l'exemple d'une femme de 50 ans qui divorcerait après 25 années de mariage. Que se passera-t-il lorsque la pension alimentaire de l'ex-épouse prendra fin, alors qu'elle aura entre-temps atteint l'âge de 75 ans ? Ne faut-il pas craindre que cette personne se retrouve en difficulté financière sans sa pension alimentaire ? Le projet a pour effet de la contraindre à entreprendre des démarches juridiques souvent complexes, à un âge avancé, pour assurer sa sécurité financière.
Mme Nyssens constate que le projet supprime la faute comme cause de divorce mais la maintient au niveau des effets. Elle demande ce que couvre la notion de faute grave au niveau des effets. Le projet est-il innovant sur ce point ?
Le projet prévoit que le divorce peut être prononcé très rapidement. Mme Nyssens demande si les associations de femmes ne sont pas favorables à l'idée de prévoir une période de réflexion au cours de la procédure en divorce.
En ce qui concerne la médiation, l'intervenante demande si, à l'instar de ce qui se passe en France et au Canada, les associations sont favorables à l'idée d'obliger les parties à se rendre chez un médiateur pour être informée sur les possibilités offertes par la procédure de médiation. L'idée n'est pas d'obliger les parties à recourir à une médiation mais simplement d'avoir la preuve que les parties connaissent l'existence de la médiation et la manière dont ce processus se déroule.
Enfin, Mme Nyssens s'étonne que certaines personnes souhaitent que l'on revoie les obligations découlant du mariage et notamment l'obligation de secours. Elle pense que l'obligation de s'entraider est essentielle dans le cadre d'une une vie commune et il serait surprenant de vouloir la supprimer.
Mme de Bethune remercie les intervenantes pour leur contribution constructive au débat d'aujourd'hui.
Elle prend acte des arguments avancés par Mme Vandekerckhove, commissaire aux droits de l'enfant, en faveur du divorce par consentement mutuel et de la médiation.
En ce qui concerne la médiation, elle souhaite savoir si les enfants peuvent être associés à la procédure, et si oui, à quelle phase.
Ensuite, l'intervenante renvoie aux propositions de loi qui ont été votées au Sénat en matière de droits de l'enfant:
— la proposition de loi instituant les avocats des mineurs (nº 2-256);
— la proposition de loi ouvrant l'accès à la justice aux mineurs (nº 2-626);
— la proposition de loi modifiant diverses dispositions relatives au droit des mineurs d'être entendus par le juge (nº 2-554)
et qui renforcent le statut juridique des enfants mineurs. La proposition de loi relative au droit d'être entendu (2-554) se rapporte assurément à la position des enfants en cas de problèmes familiaux. Quel est le point de vue de la commissaire aux droits de l'enfant à ce sujet ? Pour l'intervenante, il est important que les règles relatives au divorce tiennent compte également de la position du maillon le plus faible du ménage, à savoir les enfants.
L'intervenante demande aux délégués des mouvements de femmes quels sont les faiblesses et les manquements de la procédure actuelle de divorce par consentement mutuel. Quels sont les points forts et les points faibles de l'alternative proposée ici ?
Enfin, l'intervenante souhaite obtenir des précisions sur l'exposé de Mme Claude qui déclare qu'il faut tendre vers une société dans laquelle aucun des deux partenaires divorcés ne devienne indigent et ne soit incapable de s'assumer financièrement. Or, ce n'est malheureusement pas toujours le cas. Il subsiste en effet toujours aujourd'hui des disparités trop importantes entre les hommes et les femmes sur le marché de l'emploi (inégalité salariale et au niveau de la carrière, statut imparfait du travail à temps partiel, etc.).
Parler d'égalité en cas de divorce est donc une véritable fiction, car cette égalité n'existe pas dans tous les autres domaines de la société. Est-ce là le principal message que Mme Claude souhaite faire passer ?
Mme De Schamphelaere a une question d'ordre général. On part ici de la supposition que le divorce entraîne également la rupture du projet économique et qu'il oblige chaque partenaire à reconstituer son indépendance financière. Il ne faut toutefois pas perdre de vue que le temps et les revenus sont répartis d'un commun accord au sein du ménage. Si le mariage tourne mal, on ne tient subitement plus compte de cette répartition. On considère alors que la pension alimentaire ne peut être versée qu'à concurrence de la durée du mariage. Mais qu'en est-il lorsque le ménage compte des enfants qui sont encore en très bas âge ? Pourquoi faut-il alors soudain opter pour la constitution d'un revenu sans plus tenir compte de l'investissement en temps ?
En outre, on part du principe que les deux partenaires peuvent immédiatement retrouver leur indépendance financière. Il s'agit là sans conteste d'un élément positif, mais uniquement à condition que le marché de l'emploi le permette. L'intervenante renvoie à la problématique du parent isolé ayant de jeunes enfants qui doit supporter des charges très importantes liées à l'accueil et au transport des enfants. Le rapport sur la pauvreté montre d'ailleurs une paupérisation croissante chez les jeunes parents.
L'intervenante souligne aussi que la constitution de droits en matière de sécurité sociale n'a pas encore été réglée. Le mariage fait naître des droits dérivés qui cessent toutefois d'exister au moment du divorce. Cela pose souvent de graves problèmes aux femmes pensionnées divorcées qui doivent se contenter du revenu garanti. Elles devraient pouvoir conserver les droits dérivés en matière de sécurité sociale même après le divorce. Il faudrait scinder les droits à la pension constitués pendant le mariage et ceux constitués après celui-ci.
Mme Talhaoui remercie les intervenants et se rallie à la plupart des remarques formulées. Elle souhaite cependant souligner la diversité de notre société multiculturelle.
On affirme que les procédures de divorce par consentement mutuel représentent 85 % du nombre total de divorces en Flandre. Mais ce pourcentage est nettement inférieur au sein de la communauté allochtone, où les couples qui divorcent le font pour cause déterminée et hélas aussi pour cause de violence conjugale.
L'on dit en outre qu'il faut encourager la médiation. L'intervenante signale que très souvent, les membres de la communauté allochtone ignorent tout de la possibilité de médiation.
Il importe donc que l'information soit ciblée spécifiquement sur ce groupe de femmes allochtones, afin que celles-ci sachent précisément ce qu'impliquent le mariage et le divorce en Belgique. Trop souvent, des couples d'origine allochtone partent divorcer à l'étranger, ce qui engendre des problèmes pour la reconnaissance de cette décision en Belgique.
Les associations de femmes ici présentes ont-elles souvent affaire à des femmes d'origine allochtone ?
Le projet de loi part de l'hypothèse d'un couple dont les deux partenaires sont très bien informés de ce qui se passe en cas de rupture.
L'intervenante relève qu'en cas de divorce dans un ménage turc ou marocain, la garde des enfants est généralement attribuée à la mère et qu'il arrive très souvent que le père ne se préoccupe plus du tout de ses enfants. De surcroît, la mère est souvent peu instruite et ignore tout des possibilités qu'offre notre société.
Peut-être l'accent devrait-il être mis sur une amélioration de l'information et de la guidance, surtout au sein de la communauté allochtone.
Réponses
En ce qui concerne la médiation, Mme Willame-Boonen précise que l'avis du Conseil des femmes francophones est muet sur ce point, soit que la question n'a pas été soulevée soit qu'elle n'a pas fait l'objet d'un consensus. Elle n'a dès lors aucun mandat pour s'exprimer sur ce point.
En ce qui concerne l'indignation qu'elle a exprimée à propos des mesures transitoires, et plus particulièrement de l'article 33, § 4, l'intervenante souhaite que le gouvernement précise la portée de la disposition. La lecture qu'elle en fait semble indiquer que le régime transitoire permet de revenir sur la chose jugée. Elle serait rassurée si le gouvernement confirmait que cette lecture des textes n'est pas exacte.
L'intervenante partage les réflexions de Mme de Schamphelaere selon lesquelles le mariage s'analyse également comme un projet économique et que le divorce interrompt ce projet avec des conséquences sur le plan de la répartition des revenus, de l'indépendance des femmes, de la garde des enfants, etc.
Elle partage également le sentiment de Mme Talhaoui concernant les groupes allochtones. La commission « femmes et migration » du Conseil des femmes francophones confirme la mauvaise information des femmes allochtones quant à leurs droits. Il faudrait faire des efforts d'information à l'égard de ces groupes spécifiques. La réforme du divorce offrira une occasion de le faire.
En ce qui concerne la coexistence de la procédure de divorce par consentement mutuel et celle de divorce pour désunion irrémédiable, le Conseil des femmes francophones marque son accord sur ce point.
Mme Bachir s'interroge sur les raisons pour lesquelles on veut créer une nouvelle procédure de divorce pour désunion irrémédiable alors que la procédure de divorce par consentement mutuel permet déjà de divorcer en dehors de tout débat sur la faute. Elle met en garde contre les dérives possibles auxquelles le divorce pour désunion irrémédiable peut aboutir au détriment de la procédure par consentement mutuel.
Par rapport à la médiation, l'intervenante souligne que l'association « Vie féminine » ne s'est pas prononcée contre ce mode de règlement des conflits. Elle a simplement voulu attirer l'attention sur le fait que la médiation est présentée comme la formule miracle qui permettra de régler tous les problèmes que le divorce pour cause de désunion irrémédiable ne manquera pas de créer. Mme Bachir doute que, dans le contexte actuel, la médiation permette de régler tous ces problèmes. Elle rappelle que les femmes qui entament une procédure de médiation ne se trouvent pas sur un pied d'égalité par rapport à leur conjoint et que l'on ne peut pas idéaliser la médiation.
Sur la question de la diversité, il est exact que les pères d'origine marocaine ou turque sont peu habitués à s'occuper de l'éducation des enfants. Le même constat vaut pour les familles des milieux populaires. Il ne faudrait dès lors pas exagérer la spécificité de cette situation au sein des familles issues de l'immigration.
Enfin, en ce qui concerne la notion de faute qui réapparaît au niveau des effets du divorce, Mme Bachir pense que la notion de faute grave reste nébuleuse. Il faudrait mieux la préciser dans les textes pour éviter des problèmes d'interprétation. Certaines femmes sont inquiètes car elles redoutent que leur mari, pour essayer de se soustraire au paiement de la pension alimentaire, leur reproche par exemple d'avoir commis des fautes dans l'éducation des enfants.
En réponse à la question de Mme de T' Serclaes sur le pari que fait le législateur, Mme Claude précise que le divorce par consentement mutuel est la manière la plus digne de se séparer pour deux personnes responsables et respectueuses l'une de l'autre. Elle se réjouit dès lors que le projet ne supprime pas cette procédure de divorce.
M. Hugo Vandenberghe le reconnaît: sur le plan des principes, les deux procédures vont coexister. Cependant, le divorce pour désunion irrémédiable peut être obtenu de manière extrêmement souple — car l'on reporte à plus tard le règlement des problèmes pratiques — et il est à craindre, dans les faits, que personne ne souhaite plus recourir à la procédure plus lourde de divorce par consentement mutuel.
Contrairement à ce qui est soutenu, le projet modifie de facto la procédure de divorce par consentement mutuel qui sera fortement concurrencée par le divorce pour désunion irrémédiable. Le projet modifie ainsi de manière fondamentale l'équilibre qui existe entre les différentes procédures de divorce.
Mme Claude pense que si les deux membres du couple sont d'accord, ils déposeront une requête conjointe et la facilitation de l'obtention du divorce ne pose aucun problème. Lorsqu'un seul des deux époux introduit la demande en divorce, l'intervenante est convaincue que dans une telle hypothèse, cela aboutirait, dans le régime actuel, à une procédure de divorce longue et conflictuelle. Or, le pari de la nouvelle procédure, c'est qu'elle permettra d'éviter ce genre de conflit car elle permet, également dans une telle hypothèse, d'obtenir le divorce de manière assez facile. La facilitation est dès lors positive.
Mme de T' Serclaes demande si le législateur ne doit pas encourager le divorce par consentement mutuel. Sur le terrain, environ 75 % des couples qui divorcent ont l'intelligence de recourir à cette procédure qui est la moins conflictuelle et qui oblige les parties à régler elles-mêmes tous les problèmes liés au divorce. Or, on risque de vider la procédure de divorce par consentement mutuel de tout intérêt pratique à la suite de l'introduction d'une nouvelle cause de divorce pour désunion irrémédiable d'une très grande souplesse.
À l'heure actuelle, la procédure de divorce pour faute étant complexe, cela crée une forte pression sur les conjoints qui souhaitent divorcer. Cela les incite à recourir au divorce par consentement mutuel. Il est à craindre qu'avec la nouvelle procédure de désunion irrémédiable, les personnes qui souhaitent divorcer ne soient plus enclines à faire l'effort de la procédure de divorce par consentement mutuel. Or, ce sont surtout les femmes, parties les plus faibles, qui vont être mises en difficulté par cette évolution.
Mme Claude pense que tant dans l'hypothèse du divorce par consentement mutuel que dans celle du divorce pour désunion irrémédiable introduit par les deux conjoints, il y a un consentement mutuel sur la séparation. Dès lors, elle n'a aucune objection à ce que l'on opte pour l'une ou l'autre des deux procédures.
L'intervenante revient ensuite à la question de la médiation. Même si elle ne nie pas l'intérêt de la médiation dans de nombreux cas de conflits, elle est convaincue que si les médiateurs se placent dans une situation où ils considèrent que les deux parties sont égales, le processus risque de tourner à la catastrophe pour la partie la plus faible. Dans la réalité, les époux ne sont pas égaux: ni sur le plan économique, ni sur le marché du travail, ni même parfois sur le plan psychologique. Il est démontré que la médiation aboutit à des catastrophes dans les cas de violences conjugales en raison de l'emprise psychologique de l'un des deux membres du couple sur l'autre. Ce phénomène pousse la partie faible à se taire ou à accepter des compromis contraires à ses intérêts car elle n'a pas la maîtrise de ses propres choix.
M. Mahoux pense que c'est plus une critique des médiateurs que de la médiation en tant que telle.
Mme Claude le reconnaît. Pour atténuer le problème, elle suggère que le programme de formation des médiateurs comprenne une sensibilisation aux rapports sociaux de sexe.
Mme Bachir pense que ce qui fausse le débat sur la médiation, c'est le fait d'aborder la question à l'occasion d'une réforme du divorce qui est très pénalisante pour les femmes. Le divorce pour désunion irrémédiable permet à un des conjoints d'imposer de manière unilatérale sa volonté de divorcer. Même si cette possibilité est offerte aux deux conjoints, cela n'est pas sans rappeler des pratiques rétrogrades telles que la répudiation.
En ce qui concerne la médiation, Mme Vandekerckhove signale tout d'abord que la possibilité dont disposent les juges et les parties de renvoyer les personnes concernées aux médiateurs en cas de difficultés entre partenaires n'est pas nouvelle. Entre-temps, un cadre fédéral a été élaboré pour la médiation, et il a été prévu que des avocats, des notaires ou des tiers pouvaient être désignés médiateurs. L'intervenante est convaincue du fait qu'une médiation offre plus de chances à la partie la plus faible; on ne peut pas oublier que, dans un litige traditionnel, la partie la plus démunie, ne pouvant pas se permettre de faire appel aux services d'un avocat expérimenté ou spécialisé, aura souvent le dessous. L'intervenante continue donc à croire dans le potentiel de la procédure de médiation, a fortiori depuis qu'un cadre déontologique a été mis au point.
L'intervenante reconnaît que notre société multiculturelle présente une grande diversité. Une plus grande diffusion de l'information est nécessaire, et l'intervenante estime qu'à cet effet la notification obligatoire constitue la seule solution. En effet, chacun sait que les campagnes d'information n'atteignent généralement pas les personnes qu'elles visent. La ministre pourrait-elle éventuellement donner une idée de la réussite de la campagne d'information consacrée à la nouvelle loi relative à la médiation: combien de personnes ont-elles visité le site, combien de brochures ont-elles été retirées, etc. ... ? En Flandre, la ministre du Bien-être, Mme Vervotte, a annoncé sa volonté de faire un effort supplémentaire dans le domaine de la médiation familiale et de la médiation parentale. À cet égard, les efforts sur le plan du bien-être viseraient essentiellement les groupes les plus vulnérables, en particulier les femmes d'origine étrangère. La médiation présente de nombreux avantages et est de surcroît l'instrument le moins coûteux. Elle permet également de consacrer du temps et de l'attention au « premier et au deuxième décideur »; on laisse de cette manière un peu de temps au deuxième décideur pour qu'il comprenne que vouloir maintenir le mariage coûte que coûte a peu de sens si l'autre partenaire veut y mettre fin.
L'intervenante signale que le Commissariat aux droits de l'enfant Kinderrechtencommissariaatest en train de rédiger une lettre qui sera adressée au Gezinsbond et qui invoquera des arguments identiques au sujet de la médiation.
En ce qui concerne la possibilité d'associer les enfants à la médiation, l'intervenante indique qu'on envisagerait actuellement de lancer un projet de petite envergure concernant la situation des enfants dans une médiation. Jusqu'à présent, les médiateurs n'ont aucune expérience en ce qui concerne l'association des enfants à la médiation puisque l'on considérait que le conflit pouvait déjà être « désamorcé » si les deux partenaires se rendaient chez un médiateur. Il faut garder à l'esprit que le fait de devoir être entendu peut se révéler très accablant pour des enfants. Dans de nombreux cas, c'est même une sorte de mal nécessaire. Souvent, les enfants doivent être entendus parce que les parents ne défendent pas suffisamment leurs intérêts. En ce qui concerne les enfants, la loi devrait mieux régler leur droit d'être entendus et leur droit à la parole. L'intervenante renvoie en la matière aux avis du commissariat aux droits de l'enfant, qui considère qu'il est souhaitable, à partir d'un certain âge, de prévoir une obligation de convocation. Bien entendu, en dessous de la limite d'âge considérée, un enfant peut demander lui-même à être entendu, et le juge n'a pas la possibilité de s'y opposer sans raison. Bien qu'à l'heure actuelle, le juge doive motiver son refus, l'enfant ne peut pas faire appel de sa décision, de manière que l'obligation de motivation se trouve relativement vidée de son sens. L'intervenante regrette que les projets de lois relatifs aux droits de l'enfant (droit d'être entendu, avocats des mineurs et accès des mineurs au juge) ne soient pas soumis au vote à la Chambre des représentants. L'intervenante plaide pour que ces projets soient remis à l'ordre du jour et approuvés sous leur forme initiale, dans les plus brefs délais.
Enfin, l'intervenante souligne que le divorce par consentement mutuel reste inchangé. Dans ce cas, qui prendra la peine de passer au préalable par toutes les négociations s'il existe une forme de divorce plus aisée ? L'intervenante exprime une nouvelle fois sa crainte de voir perdurer la situation conflictuelle après le divorce, au détriment des enfants.
M. Hugo Vandenberghe remercie les intervenants et clôt la réunion.
IV. DISCUSSION GÉNÉRALE
Observations préalables de la ministre
La ministre constate que, dès avant le début de la discussion générale, des propos peu amènes ont été diffusés. Elle souhaite dès lors faire la mise au point suivante.
À ceux qui ont déclaré que le dossier était passé « comme une lettre à la poste » à la Chambre, la ministre rappelle qu'il a été discuté pour la première fois en octobre 2005 en sous-commission Droit de la famille de cette assemblée, pour être adopté définitivement par cette dernière en séance plénière le 15 février 2007, soit après plus d'un an de discussions.
En outre, ce projet a fait l'objet d'une discussion très ouverte, sans appel à un « front de la majorité » pour quelque point que ce soit. Il s'agit d'un dossier éthique, où la conscience personnelle doit pouvoir s'exprimer librement.
La ministre cite, à titre d'exemple, l'hypothèse d'un accord entre les parties, où les parties ne sont pas obligées de comparaître personnellement devant le juge. Certains ont parlé à cet égard d'une quasi-répudiation. Il faut rappeler que ce point ne figurait pas dans le texte de départ. Il résulte d'un amendement que le MR, le VLD et le SPa-Spirit ont approuvé, le PS et l'opposition votant contre.
Quant à la notion d'état de besoin, elle ne figurait pas dans le texte de départ qui parlait de « train de vie ». Elle a été introduite par un amendement émanant du MR, du VLD et du SPa-Spirit. Après une longue discussion, un compromis a été trouvé, selon lequel, pour la fixation de la pension alimentaire après divorce au profit d'un des deux conjoints, on prenait en compte au minimum l'état de besoin.
Ceci montre que le texte a fait l'objet à la Chambre d'une discussion approfondie et ardue, où sont apparues des différences de conception très fortes, et qui a abouti à un texte répondant à la philosophie exposée dans le cadre de l'exposé introductif, mais avec quelques compromis, comme il est d'usage au Parlement.
M. Mahoux constate que, dans ce dossier, on entend toutes sortes de déclarations, parfois contradictoires et surprenantes. Ce sujet, qui est effectivement de nature éthique, peut susciter des sensibilités politiques différentes à la Chambre et au Sénat, y compris au sein d'un même groupe politique. Une certaine cohérence est néanmoins souhaitable.
L'orateur estime qu'il faut en tout cas faire l'économie des invectives, et ne parler que de ce que l'on connaît, et de la réalité du terrain.
Dans le problème, souvent douloureux, du divorce, prendre en compte la partie la plus défavorisée est important, sans que l'on puisse déterminer a priori de qui il s'agit, et en ayant égard à la situation sociologique dans notre pays.
Contrairement à ce que certaines interventions pourraient donner à penser, l'égalité des genres n'est pas encore une réalité définitive, et il reste beaucoup à faire (individualisation des droits, tribunal des familles, lutte contre les violences dans le couple ...). Ce travail a d'ailleurs été largement initié, y compris sur le plan associatif.
Sur le point de savoir si le projet opère ou non une avancée, on peut avoir des avis tranchés. L'orateur ne pense pas que le maintien de la notion de faute soit indispensable en matière de divorce. Il croit qu'une grande partie de ceux qui ont été confrontés à cette notion partagent cet avis. Le recours à cette notion peut avoir des conséquences dramatiques, comme peuvent notamment le constater sur le terrain les médecins, y compris dans les services d'urgence, et les praticiens du droit.
Cela est vrai notamment pour la femme lorsqu'elle est la partie la plus faible au sein du couple, en raison de l'obligation où elle se trouve de prouver la faute, ou de ne pas se trouver en faute, et des restrictions qui en découlent en ce qui concerne sa liberté de comportement.
On sait, de façon générale, ce que représente le fait de devoir prouver la faute du conjoint, voire de l'y provoquer, et quels drames cela peut susciter, notamment par rapport aux enfants, qui sont souvent les otages de cette situation. En effet, la question de la faute peut avoir des répercussions sur le règlement de la garde des enfants. En outre, depuis l'affaire Dutroux, on constate aussi des dérives en ce qui concerne le type de manquements invoqué. Jadis, on invoquait des infidélités répétées ou un défaut d'assistance. Aujourd'hui, on invoque la pédophilie.
En ce qui concerne la partie la plus faible, il faut reconnaître que les opinions exprimées dans le cadre des auditions ne sont pas convergentes. Toutes attirent l'attention sur le fait qu'il faut éviter qu'une législation de cette nature puisse nuire à la partie la plus faible, mais certaines associations sont assez nuancées par rapport au projet. Il faut certes être attentif à la manière dont les tribunaux prennent en compte ce type de problèmes, mais c'est déjà le cas aujourd'hui, et ce le sera encore demain. On peut imaginer que l'unicité de procédure, dont il est question depuis un certain temps, serait peut-être un élément de solution pour le justiciable.
L'intervenant fait ensuite observer que, selon le projet, tous les conjoints qui formulent une demande de divorce, sont susceptibles d'obtenir une pension alimentaire, alors que tel n'est pas le cas à l'heure actuelle.
L'intervenant ne partage pas le point de vue de ceux qui estiment que la procédure organisée par le projet, aurait pour conséquence, en cas d'accord entre les parties, une diminution drastique du recours à la procédure de divorce par consentement mutuel, les époux privilégiant une procédure plus rapide et plus sommaire.
Pour ce qui est du délai, il ne semble pas poser de problème en cas d'accord entre les époux.
La question du délai a fait l'objet de longues discussions à la Chambre, et le Sénat joue en l'occurrence son rôle de seconde chambre d'analyse, qui consiste à vérifier s'il existe, dans le travail exhaustif de la première chambre, quelque faille qu'il conviendrait de combler.
L'orateur se demande si les objections formulées par certains intervenants visent à modifier le texte en permettant qu'il soit voté, ou plutôt à empêcher qu'un texte soit voté, de quelque nature qu'il soit. Un cas analogue se présente d'ailleurs actuellement à la Chambre à propos d'une révision de la Constitution en matière de développement durable, où les votes émis en commission ne vont pas dans le sens des propos tenus au Sénat par des membres du même parti. Lorsque de telles situations se produisent de façon systématique, cela pose question sur le plan politique.
Il ne faudrait pas que les atermoiements, les changements d'attitude et les navettes parlementaires aboutissent à ce qu'aucun texte ne soit voté, ce que l'intervenant et son groupe ne pourraient accepter. Ceux-ci ont la volonté politique de faire aboutir un texte qui, en supprimant la notion de faute, réalise à leurs yeux une avancée spectaculaire.
Mme Nyssens se réfère à un article du professeur Jacques Fierens, de l'université de Liège, qui devrait paraître prochainement, et qui est intitulé « La place de la faute dans le divorce ou le syndrome de Lucky Luke », et sous-titré « Le projet 2341, ou comment, ou peut-être bientôt, divorcer plus vite que son ombre ».
Il en ressort que le débat d'aujourd'hui est un débat de toujours.
Comme l'écrit l'auteur, « le projet de réforme actuel comporte surtout des ressemblances étonnantes, du point de vue des fondements idéologiques, de la procédure, des délais et des effets, avec la loi française du 20 septembre 1792, qui supprime la séparation de corps et admet le divorce par consentement mutuel et la répudiation unilatérale du fait d'incompatibilité d'humeur ».
Il est très difficile d'évacuer la notion de faute. Le projet la fait disparaître au niveau du prononcé, mais elle réapparaît au niveau de la pension alimentaire, avec la notion de faute grave figurant à l'article 7. Pourquoi avoir conservé cette notion à propos des effets du divorce, et que recouvre-t-elle exactement ?
Combien de temps les procédures vont-elles durer ? Le pari de la ministre, qui est que la procédure aboutissant au prononcé du divorce sera plus rapide est sans doute exact, mais en sera-t-il de même du contentieux relatif aux effets du divorce ? L'oratrice n'en est pas convaincue.
Elle s'interroge également sur la cohérence du texte et son articulation avec les autres procédures. N'eût-il pas été plus simple de travailler dans le cadre de l'actuel article 232 du Code civil, qui règle le divorce pour cause de séparation de fait de plus de 2 ans ? Dans cette procédure, le demandeur est aujourd'hui présumé responsable. N'aurait-on pas pu, en supprimant cette présomption, et en aménageant, le cas échéant, le délai, aboutir au même résultat, de façon plus simple ?
L'intervenante estime qu'il faut conserver une palette de procédures de divorce différentes, car les vécus des familles et les situations sont variés.
La cohérence entre les différentes procédures pose également question. Contrairement au précédent intervenant, l'oratrice pense qu'il existe un risque qu'il y ait moins de consentements mutuels, à cause du divorce plus rapide que l'on veut instaurer.
La ministre répond qu'il ne faut pas faire fi de l'évolution de la société depuis le 18e siècle. Notre réalité sociologique est que les divorces sont de plus en plus nombreux, qu'il existe une demande de moins de contraintes en la matière, et qu'il y a de plus en plus d'accords pour tenter de se séparer sans tout détruire.
Si l'on s'était contenté de réformer la procédure de divorce pour séparation de fait de plus de deux ans dans le sens indiqué par la précédente oratrice, on aurait laissé subsister la procédure autonome de divorce pour cause déterminée, qui amenait un « déballage » dénoncé par de nombreux magistrats, et qui blessait inutilement les deux parties et les enfants.
Dans le futur, les débats sur la faute ne disparaîtront pas complètement des prétoires, puisqu'il reste la notion de faute grave prévue à l'article 7 du projet, mais la philosophie du dialogue entre époux devant les cours et tribunaux est profondément modifiée.
Mme Nyssens reste d'avis qu'il eût mieux valu travailler sur la base de l'actuel divorce pour séparation de fait, et que, dans ce cas, beaucoup de gens auraient opté pour cette procédure, et auraient délaissé la procédure pour cause déterminée.
Il est vrai que certains divorces pour cause déterminée sont construits de toutes pièces.
Mais il y a aussi, dans des cas exceptionnels, des conjoints qui ont besoin d'être reconnus par la justice dans leur situation de victime pour pouvoir faire leur deuil d'un vécu très pénible.
Il est par exemple inacceptable de devoir dire à un conjoint victime de violences conjugales qu'il ne peut divorcer pour faute.
En ce qui concerne l'hypothèse de l'article 229, § 1er, où le divorce est prononcé parce que le juge constate la désunion irrémédiable, dont la preuve peut être rapportée « par toutes voies de droit », l'intervenante se demande ce que l'on vise exactement par là.
La séparation peut-elle constituer un moyen de preuve dans le cadre du § 1er, ou faut-il un manquement ?
Peut-il s'agir d'un divorce très rapide, sans délai, où le juge peut constater la désunion irrémédiable sur la base d'éléments multiples (violences conjugales, constat d'adultère, ou encore séparation dans un délai inférieur à ceux visés aux §§ 2 et 3, ...) ?
La ministre le confirme. Il ne faut pas nécessairement rapporter la preuve d'un manquement. Le juge apprécie librement les éléments apportés par les parties.
En ce qui concerne la violence conjugale, ce n'est pas parce que la notion de faute disparaît dans le cadre du prononcé du divorce qu'elle sera impunie.
Au contraire, sur le plan pénal, elle fait l'objet d'une attention accrue.
Dans le cadre de la procédure de divorce proprement dite, les certificats attestant les violences du conjoint peuvent servir de base au constat de la désunion irrémédiable, et font disparaître les délais par ailleurs prévus dans la loi.
Mme Nyssens en conclut que, dans ce cas, aucun délai n'est nécessaire.
La ministre le confirme, et souligne qu'il en est déjà ainsi à l'heure actuelle.
Mme Nyssens demande s'il suffit à un conjoint de se présenter au juge en disant par exemple que le couple est séparé depuis trois mois et que la désunion est irrémédiable en raison d'une série de petits manquements, pour obtenir le divorce.
La ministre répond par la négative. Il faut soit l'écoulement d'un délai, soit désunion irrémédiable autrement que par l'écoulement du délai.
Les paragraphes de l'article 229 sont aménagés de telle façon que l'écoulement d'un délai plus court que ceux prévus aux § 2 et 3 ne signifie pas automatiquement qu'il y a désunion irrémédiable, sauf si le délai est de six mois, en l'état actuel du projet.
Dans l'actuel divorce pour cause déterminée, il n'y pas de délai non plus.
Mme Nyssens en conclut que le § 1er de l'article 229 correspond au système actuel des injures graves.
La ministre donne l'exemple suivant: les deux conjoints sont séparés et vivent chacun avec un nouveau partenaire. Cela pourrait être pris en compte par le magistrat dans le cadre de l'article 229, § 1er, bien que l'on ne puisse pas parler d'injure grave.
Mme Nyssens constate qu'une partie de la réforme fait défaut: celle relative au tribunal de la famille, promise dans le cadre de l'accord de gouvernement.
La ministre fait remarquer que de très nombreux projets ont été adoptés en matière de justice au cours de cette législature.
Pour ce qui est du tribunal de la famille, elle pense qu'il était impossible de réaliser ce projet en même temps que le lancement du projet Thémis, sous peine de trop bouleverser l'équilibre des cours et tribunaux. De plus, le choix est très difficile à faire entre un tribunal de la famille de proximité autour des justices de paix, et un tribunal de la famille autour des tribunaux de première instance. Les deux options ont leurs avantages et leurs inconvénients. Cette matière, où les divers points de vue sont en opposition radicale, nécessite une large concertation.
Mme Nyssens évoque encore une interrogation des avocats, qui se demandent comment articuler le prononcé du divorce, par hypothèse rapide, avec les procédures ultérieures, et ce qu'il en est du rôle du juge de paix et du juge des référés par rapport aux nouvelles procédures.
La ministre répond que rien ne change par rapport à la situation actuelle.
Mme Nyssens poursuit en soulignant que la notion d'état de besoin utilisée pour la pension alimentaire ne lui semble pas du tout adéquate. Elle lui préfère de loin la formule initiale du projet, qui visait le train de vie.
Autant que faire se peut, il faut vivre, après le divorce, comme on vivait pendant la vie commune.
Pour ce qui est de l'avenir de la procédure de divorce par consentement mutuel, l'intervenante répète qu'il lui paraît compromis.
Elle aimerait également des explications complémentaires sur les dispositions transitoires, dont les interprétations semblent aller en sens divers.
Elle se demande aussi, à propos de la révision de la pension alimentaire en cas de circonstances « nouvelles », s'il doit s'agir de circonstances imprévisibles, comme le requiert la jurisprudence actuelle.
Enfin, elle signale que le texte comporte à divers endroits, des inexactitudes terminologiques. Ainsi, à propos de l'état mental d'un des conjoints, il est question du rôle éventuel de l'administrateur provisoire général ou spécial, alors que, depuis 1991, ces termes n'existent plus.
Pour le surplus, l'intervenante s'en réfère aux observations plus spécifiques qu'elle formulera dans le cadre de la discussion des articles.
Mme Defraigne déclare qu'il faut tenter de dépasser les procès d'intentions, pour faire œuvre utile et constructive. Elle salue le travail réalisé à la Chambre et, après avoir pris connaissance du rapport de ces discussions, n'a pas la naïveté de croire que le texte à l'examen ne serait pas le fruit d'un compromis. Certains amendements, qui peuvent se retrouver ici, ont déjà été déposés par l'une ou l'autre formation politique. Dès l'instant où il existe une seconde lecture, il est clair que les points de vue peuvent s'affiner et les sensibilités diverses s'exprimer.
À juste titre, on a souligné qu'il s'agissait d'un dossier éthique, et que chaque parlementaire l'aborde donc avec sa propre vision de la vie.
L'audition, qui vient d'avoir lieu, des associations féminines qui n'avaient pas été entendues à la Chambre a pu interpeller et susciter des interrogations.
L'oratrice se dit favorable à une réforme de la loi sur le divorce. Elle rappelle qu'elle a déposé, avec d'autres parlementaires, une proposition de loi qui a d'ailleurs été introduite conjointement dans les deux assemblées. Ce texte, qui avait été élaboré avec la collaboration de services universitaires, entre autres, laisser subsister une palette de procédures de divorce, et supprimait la présomption de faute en cas de divorce pour séparation de fait.
On ne peut effectivement en rester à une conception sociologique du divorce datant du 19 e siècle.
Comme avocate, l'intervenante a pu expérimenter que prouver la faute devant les tribunaux a quelque chose de stigmatisant et d'infamant, est nuisible, et a aussi quelque chose d'artificiel. En effet, pour arriver à prouver cette faute, on est tenté d'avoir recours à des témoins, parfois très indirects, qui viennent attester de faits déjà anciens, et dont la crédibilité et les motivations peuvent poser question, en dépit du serment qu'ils ont prêté.
On assiste ainsi à des déballages souvent douloureux, honteux, et sujets à caution.
En outre, ces procédures sont la plupart du temps fort longues, coûteuses et incertaines.
Substituer à la notion de faute celle de désunion irrémédiable est donc, aux yeux de l'oratrice, un réel progrès.
Il peut certes se faire que des conjoints aient besoin de se faire reconnaître comme victime dans certaines situations, mais ils peuvent le faire, de façon moins stigmatisante, dans le cadre de la notion de désunion irrémédiable, les fautes invoquées étant la cause de celle-ci.
Comme cela a été exprimé à la Chambre, la faute est plutôt le symptôme de la maladie, et c'est celle-ci qui doit être traitée.
On passe d'un divorce-sanction à un divorce-remède. Ceci constitue un progrès qui suit l'évolution de la société.
L'oratrice a cependant été interpellée par les auditions que la commission a organisées, et pense qu'il y a peut-être des améliorations à apporter au texte.
En ce qui concerne tout d'abord le délai, c'est l'hypothèse d'une demande unilatérale reproduite à deux reprises dans le délai d'un an fixé initialement qui pose problème aux yeux de l'intervenante. La formule du projet a amené certains à dire que l'on pourrait ainsi être divorcé après six mois et un jour, ou dans un temps très bref.
L'oratrice pense vraiment que, sans dénaturer la réforme, et sans lui ôter la plus-value qu'elle apporte en ce qui concerne la notion de désunion irrémédiable, une plus grande souplesse serait souhaitable. C'est pourquoi elle a déposé un amendement proposant un délai de deux ans.
Il faut en tout cas assurer aux conjoints une période minimale de réflexion.
À titre d'exemple, l'oratrice cite le cas où la naissance d'un enfant, qui est par ailleurs une grande source de joie, peut aussi constituer une source de déstabilisation et de bouleversement pour le couple. Dans certains cas, le mari peut regretter que sa femme soit moins disponible et d'humeur moins égale, estimer qu'il y a désunion irrémédiable, et introduire une demande unilatérale de divorce.
Il en va de même lorsqu'une maladie ou les suites d'un accident affectent l'un des conjoints pendant quelques mois.
Dans de tels cas de figure, un délai de six mois ou de moins d'un an paraît fort court.
Six mois, cela peut être très long, mais aussi très court lorsqu'il s'agit de faire le deuil d'une relation, et pour comprendre puis admettre que votre conjoint ne vous aime plus.
La ministre déclare qu'elle est ouverte à la discussion sur cette question du délai, qui ne constitue pas à ses yeux le point essentiel de la réforme, et en particulier lorsqu'il n'y a pas d'accord entre époux.
Mme Defraigne prend acte avec satisfaction de cette déclaration. Elle souligne que l'objectif est d'arriver à une bonne réforme, souple et humaine, dans une matière qui concerne potentiellement deux couples sur trois, voire trois couples sur quatre dans certaines régions, et qui touche au quotidien du citoyen.
La ministre indique qu'à ses yeux, l'absence d'obligation de comparaître personnellement pose également problème, même s'il y a accord entre les époux, car la justice a besoin d'entendre cet accord.
Mme Defraigne s'accorde avec la ministre sur ce point. En effet, on ne sait pas quelles pressions, familiales ou autres, ont pu être exercées sur l'un ou l'autre des conjoints.
Quand on comparaît personnellement, cela change la démarche, et il peut même se produire des revirements de situation peut-être parce que les conjoints ne sont pas encore prêts. D'où l'importance de la question du délai en cette matière, le rythme du cheminement différant d'une personne à l'autre.
Le délai et la désunion irrémédiable sont deux facettes complémentaires d'un même problème, sur lesquelles il est important de travailler.
Un autre aspect important est celui des accords préalables qui sont conclus. Pour divorcer par consentement mutuel, il faut être d'accord sur tout. Or, dans bon nombre de situations, les conjoints sont sincèrement désireux de divorcer par consentement mutuel, mais butent sur l'un ou l'autre point, parfois de détail, ce qui empêche le divorce de se concrétiser. Parfois aussi, les concessions que l'on fait pour sortir du mariage sont telles qu'il ne faut pas longtemps pour en arriver à les regretter. À cet égard, le devoir de conseil des avocats et des notaires est fondamental.
Il fallait donc trouver une formule pour se désengager du lien matrimonial, où l'on ne soit pas contraint d'être d'accord sur tout pour pouvoir avancer.
Cependant, à partir du moment où le lien matrimonial se rompt plus facilement et plus vite, il faut peut-être trouver un « plus petit dénominateur commun » d'accord, les points minimaux qu'il faut avoir réglés ou être susceptible de régler: sort de la résidence conjugale, devoir de secours, mesures provisoires. Il faudrait à tout le moins avoir saisi le juge de ces questions. Un amendement propose de confier ce contentieux au juge du fond, comme on peut d'ailleurs déjà le faire aujourd'hui. Cela permettrait d'adoucir les choses pour l'autre conjoint, d'atténuer son impression pénible de « rester sur le carreau », et lui offrirait une plus grande sécurité, sans exiger pour autant un accord sur le tout comme dans le cadre du consentement mutuel.
En ce qui concerne les pensions, l'intervenante souligne qu'actuellement, une femme qui se trouve dans une situation de dépendance et qui a besoin d'une pension alimentaire doit prouver une faute à charge de son conjoint, avec tous les inconvénients, déjà évoqués, que cela présente. Il n'est pas rare qu'une femme délaissée depuis longtemps par son mari perde tout droit à une pension après divorce parce qu'elle a cherché une consolation passagère auprès d'un tiers. La réforme apporte un élément fondamental en la matière, car, la notion de faute étant abandonnée, on fera une balance des situations économiques respectives des parties.
Dans un esprit constructif, et indépendamment de l'origine des amendements qui ont pu être déposés à la Chambre, l'oratrice estime que l'on peut débattre de l'état de besoin, qui est une notion relative. L'intervenante lui préférait la référence à l'« organisation de la vie », parce qu'elle tenait compte du fait que les époux ont pu bâtir une existence commune en fonction de critères et sur la base d'un train de vie qui différent d'une famille à l'autre. Un conjoint peut perdre ce train de vie du jour au lendemain, et se retrouver avec des revenus minimes en raison d'une appréciation minimaliste de son « état de besoin ». Si l'on veut tenir compte d'une large palette sociologique et des choix de vie des uns et des autres, et même si des équilibres ont déjà été recherchés dans le cadre de la discussion menée à la Chambre, peut-être faut-il réfléchir à une amodiation des termes que l'on emploie à propos des critères de la pension alimentaire.
On a aussi beaucoup débattu de la durée d'octroi de la pension. L'oratrice se réfère à ce sujet à l'exemple cité plus haut par Mme de T' Serclaes, et qui risque de se présenter assez fréquemment, si l'on songe à l'allongement de l'espérance de vie dans notre société.
La ministre déclare comprendre les observations formulées par la précédente oratrice, mais elle fait observer qu'il faudra voir ce que la Chambre, qui a le dernier mot, pourra accepter. La démarche qui lui paraît la plus constructive est donc de rechercher un accord global entre les deux assemblées.
La ministre rappelle que son projet initial visait le train de vie des époux, qu'à la Chambre, certains ont proposé la notion d'état de besoin, et que le compromis a consisté à viser cette dernière notion, mais en considérant l'état de besoin comme un minimum.
M. Seminara souligne que le projet de loi comporte d'indéniables avancées.
Grâce à un accès au divorce plus facile, et à une simplification des procédures administratives, les couples en difficulté ont la possibilité de ne plus être enfermés dans un inconfort matériel, affectif, psychologique et sentimental trop long et pénible à la fois pour les enfants, les parents et les proches. Selon des praticiens et des associations progressistes de tous horizons, on se retrouve désormais face à une situation administrative plus courte et plus supportable. Bref, c'est un progrès.
Même si la notion d'échec demeure, qu'elle ne s'efface pas, et que restent toujours les témoins de l'histoire — les enfants —, il s'agit d'une avancée.
L'intervenant tient, au nom de beaucoup de personnes qui l'ont interpellé- des mères, des pères, des enfants, des associations- à féliciter la ministre d'avoir imaginé, avec l'ensemble des partenaires, une avancée qui tient compte des individus. La réforme a des effets multiplicateurs et responsabilise également tous les êtres. Elle pose d'entrée de jeu comme valeurs la justice, l'équité, la solidarité et la responsabilité.
Pour conclure, l'orateur souligne que l'amour est une aventure humaine, difficile toujours, et impossible parfois.
Mme Talhaoui a trouvé l'audition très intéressante, d'autant plus qu'elle n'est pas confrontée tous les jours à la problématique du divorce.
L'intervenante estime que le projet de loi a été élaboré à l'intention d'une génération spécifique qui est bien informée par le biais des médias et d'Internet et qui connaît donc les structures juridiques présentes dans la société.
L'intervenante évoque en particulier les problèmes auxquels sont confrontées les femmes allochtones qui ont un accès bien moindre à l'information en matière de droit de la famille. Les refuges accueillent majoritairement des femmes, victimes de violence domestique, d'origine allochtone. Ces femmes ne peuvent souvent plus rentrer chez elles, et cette situation conduit inévitablement au divorce. La répudiation est également un problème qui touche fréquemment les femmes marocaines, même si, heureusement, la législation marocaine évolue dans le bon sens sur ce point. Les maris de ces femmes se rendaient au Maroc pour les répudier, et elles se retrouvaient seules, sans aucune protection leur donnant droit, par exemple, à une pension alimentaire. L'intervenante ne peut pas s'empêcher de penser que le projet de loi à l'examen introduit aussi une forme de répudiation, à cela près qu'elle n'est pas l'apanage de l'homme. Le principe de la désunion irrémédiable rend le divorce très facile.
En ce qui concerne la médiation, l'intervenante relève qu'il s'agit d'un instrument très intéressant pour éviter un divorce conflictuel. Il est donc capital que les parties reçoivent une information suffisante sur la médiation. L'intervenante demande à la ministre si celle-ci sait dans quelle mesure il est fait recours, à l'heure actuelle, à la médiation. Dispose-t-on déjà d'une évaluation à ce sujet ?
La ministre répond que l'on s'efforce de faire la publicité la plus large possible pour la procédure de médiation. Plusieurs colloques ont été organisés à cet effet. En effet, toutes les parties sont toujours gagnantes dans la médiation. S'il est encore trop tôt aujourd'hui pour mesurer le succès de la médiation, il est évident qu'une évaluation sera réalisée dès que possible.
Par ailleurs, Mme Talhaoui a quelques réserves quant à la possibilité de revoir le versement éventuel d'une pension alimentaire et quant à la notion d'« état de besoin ». De quels paramètres les magistrats disposent-ils dans ce cadre et quelles sont les garanties que les décisions prises en la matière seront justes et équitables ?
M. Noreilde souligne que le groupe VLD demande depuis longtemps l'instauration du divorce sans faute. Le groupe se rallie au projet de loi à l'examen et aux concessions qu'il contient; ce projet est le fruit d'un débat parlementaire approfondi à la Chambre des représentants, débat dans le cadre duquel quelques concessions étaient inévitables.
L'intervenant est favorable à l'idée d'un divorce sans faute, car la notion de « faute » ne cadre plus avec la conception actuelle du mariage. Il est indispensable d'avoir des dispositions légales qui soient en adéquation avec la réalité de la société. La seule forme actuelle de divorce sans faute est le divorce par consentement mutuel, qui connaît dès lors un énorme succès en Flandre.
En ce qui concerne la possibilité de versement d'une pension alimentaire, l'intervenant insiste sur le fait que le groupe VLD souhaitait limiter la durée de cette pension à 12 ans. Celle-ci a finalement été limitée à la durée du mariage, ce que son groupe juge acceptable. L'intervenant estime qu'il est important de lier la pension alimentaire à l'état de besoin. Il ne faut pas considérer le mariage comme une forme de « win for life ». Le partenaire qui est dans le besoin doit évidemment pouvoir compter sur une aide, mais il faut en même temps l'encourager à se reconstruire lui-même une situation économique.
L'intervenant conclut que le groupe VLD souscrit aux grands principes du projet de loi et espère qu'il pourra être adopté le plus rapidement possible.
Mme de T' Serclaes remercie la ministre de laisser au Sénat toute latitude pour examiner en profondeur le projet de loi en discussion.
Il est important, si des amendements devaient encore être adoptés, qu'ils puissent bénéficier d'une assise suffisante à la Chambre des représentants.
En tant que sociologue, l'intervenante tient à rappeler qu'un divorce est, dans tous les cas, un moment difficile à vivre. Devoir en arriver à divorcer constitue, quoi qu'il en soit, un échec. Il faut laisser aux conjoints le temps nécessaire pour « digérer » cet échec.
L'intervenante demande par ailleurs que l'on tienne compte également de la réalité. Bien que les conceptions de la jeune génération aient incontestablement évolué, on n'en constate pas moins que de nombreuses femmes divorcées doivent se contenter de très peu. Il arrive trop souvent que leur ex-conjoint ne paye pas la pension alimentaire, ce qui les place dans une situation très difficile. Ce n'est pas par hasard qu'on a mené toute une lutte dans le domaine des créances alimentaires. Nul ne peut nier que la femme est souvent la partie la plus faible. On a souvent affaire à des femmes qui ont renoncé à leur emploi pour pouvoir se consacrer pleinement à leur famille. Si l'on examine les rapports sur la pauvreté, on constate que cette pauvreté touche de très nombreuses femmes seules avec enfants.
La ministre souscrit à ces propos. Lorsqu'on se penche sur les statistiques du minimum de moyens d'existence ou du chômage, on remarque que la femme y est majoritairement représentée. Cette réalité est incontestable.
Mme de T' Serclaes ajoute qu'il serait inacceptable que cette réalité continue à se dégrader.
Il ne faut pas oublier non plus qu'il existait naguère une forte pression sociale qui poussait les gens à se marier.
D'autre part, on ne peut pas davantage réduire le mariage à un simple cérémonial. Le fait de se marier a des conséquences sur le plan de la protection du logement familial et entraîne des droits et des obligations en matière d'assistance mutuelle et d'entretien. Un mariage entraîne davantage d'obligations dans une communauté de vie de deux personnes.
L'intervenante souligne par ailleurs que la forme de divorce en discussion ne peut porter préjudice au succès que connaît le divorce par consentement mutuel. À l'heure actuelle, les divorces par consentement mutuel représentent 75 % du nombre total des divorces (ce pourcentage est même plus élevé en Flandre). Il faut continuer à privilégier autant que possible le divorce par consentement mutuel.
L'intervenante craint que la brièveté des délais et l'absence de devoirs formels dans la nouvelle forme de divorce ne favorisent le recours à celle-ci au détriment du divorce par consentement mutuel, ce qui aurait pour conséquence que les droits et les devoirs relatifs au domicile familial et aux enfants ne seraient pas réglés en temps voulu. Il faut veiller à éviter cela et donner autant que possible la priorité au divorce par consentement mutuel. En effet, il est important que les deux parties comparaissent devant le juge.
Enfin, l'intervenante exprime sa préoccupation à propos des dispositions transitoires. Comment ce nouveau régime sera-t-il appliqué au juste ? Qu'adviendra-t-il des femmes qui divorcent alors qu'elles ont déjà un certain âge ? Ne faut-il pas tenir compte de la durée du mariage et du nombre d'enfants ?
En ce qui concerne les dispositions transitoires, la ministre répond que la loi sera applicable immédiatement. L'intervenante renvoie à la discussion qui a eu lieu à ce sujet à la Chambre des représentants et à la controverse qui oppose les partisans d'une application immédiate à ceux qui préconisent une application avec effet rétroactif, ce qui impliquerait, pour déterminer la durée possible d'une pension alimentaire, de remonter au moment où la décision de l'octroyer a été prise. L'intervenante cite l'exemple de personnes qui ont été mariées pendant cinq ans et qui sont divorcées depuis cinq ans. Une application immédiate, telle que prescrite par le droit commun, signifie qu'à dater de l'entrée en vigueur de la loi, la pension alimentaire pourra encore être versée pendant cinq ans au maximum. Pour calculer le délai maximum, on ne remonte donc pas au moment où la pension a été octroyée pour la première fois.
On a opté en l'espèce pour le droit commun et, partant, pour une application immédiate de la nouvelle réglementation. Cela ne porte pas atteinte au principe de la décision coulée en force de chose jugée, la règle voulant qu'une pension alimentaire puisse toujours être revue. En outre, il est possible, dans des circonstances exceptionnelles, de déroger à cette règle relative à la durée maximale de la pension alimentaire.
Mme de T' Serclaes cite l'exemple d'une femme divorcée de 60 ans qui a une carrière incomplète en tant qu'indépendante et qui a été mariée pendant 23 ans. Cela signifie que, lorsqu'elle atteindra l'âge de 83 ans, cette femme perdra le bénéfice de la pension alimentaire et n'aura plus comme seul revenu que sa très maigre pension. Comment remédiera-t-on à ce problème ?
L'intervenante renvoie aussi à la situation difficile du conjoint aidant d'un indépendant. Il faut tenir compte des problèmes qui peuvent se poser.
M. Hugo Vandenberghe souligne que le projet de loi à l'examen est un exemple très illustratif de législation postmoderne, qui participe d'une approche essentiellement instrumentale du droit. Depuis quelques années, on est en effet confronté en permanence à des législations partielles qui visent à modifier le droit des personnes et de la famille. L'intervenant renvoie à la réglementation régissant les diverses formes de vie commune. L'approche postmoderne du droit des personnes et de la famille a de plus en plus tendance à gommer la reconnaissance du droit objectif qui vise à créer des institutions privées et à les assortir de certains effets juridiques qui vont au-delà de la mise en œuvre de droits purement subjectifs. Le glissement du droit objectif vers un droit exclusivement et systématiquement subjectif place le droit privé devant un nouveau défi. Or, le mariage, que le législateur a toujours veillé depuis 1804 à réglementer avec prudence, est une institution privée qui requiert le consentement de deux parties pour y adhérer mais aussi, le cas échéant, pour en sortir, l'idée étant d'offrir ainsi d'une manière ou d'une autre une protection juridique qui ne se limite pas à une protection juridique purement contractuelle de la vie familiale.
La question est de savoir si le législateur a encore une vision en ce qui concerne les diverses formes de vie commune et les conséquences qui y sont attachées au regard du droit privé.
Il est évidemment absurde de voter des lois qui n'entraînent pas d'obligations juridiquement contraignantes. En effet, mieux vaudrait dans ce cas laisser à la société privée le soin de régler les institutions, et lui permettre ainsi de décider contractuellement et souverainement des droits et obligations réciproques et des conditions financières et personnelles auxquelles on s'engage. L'ambiguïté apparaît très clairement dans le projet de loi à l'examen. D'une part, on souhaite garder l'image du mariage en tant qu'institution qui est sanctionnée par l'officier de l'état civil et qui entraîne certaines obligations, mais, d'autre part, on ne répond pas clairement à la question de savoir dans quelle mesure le non-respect des obligations qui découlent du mariage et qui sont juridiquement contraignantes pourrait donc donner lieu à certaines sanctions. De plus, certaines formes de cessation du mariage impliquent en fait une approche contractuelle. On n'opère pas un choix clair; en effet, la législation en la matière est de droit impératif.
Le divorce sans faute fait l'objet de discussions dans la doctrine depuis des dizaines d'années. Le principal argument invoqué à l'appui du divorce sans faute est celui du respect de la vie privée. Dans la société actuelle, le droit fondamental au respect de la vie privée est très souvent bafoué. L'appréciation de la faute dans le cadre d'un divorce implique, pour le juge, la nécessité de procéder à un contrôle approfondi de la vie privée. On ne peut pourtant pas être appelé à se justifier publiquement pour ses choix privés. De ce point de vue, le divorce sans faute constitue une amélioration et une manière plus humaine d'aborder le problème.
D'un autre côté, il est possible que se produisent certains faits ayant des répercussions sur la relation, mais qui n'ont rien à voir avec la vie privée. L'intervenant cite l'exemple de la bigamie.
En ce qui concerne la pension alimentaire, le groupe CD&V peut adhérer au principe de la limitation dans le temps. Toutefois, le législateur doit être cohérent et doit éviter, dès lors qu'il a reconnu d'autres formes de vie commune, de donner au mariage la signification d'une vie commune purement fortuite et limitée dans le temps.
Cela suppose la nécessité d'agir avec prudence lorsqu'on met fin au mariage et de prévoir une « pause de réflexion ». La société a tout à gagner à ce que des décisions d'une telle importance ne soient pas prises dans la précipitation, ce que démontrent d'ailleurs diverses études scientifiques consacrées notamment aux répercussions sociales du divorce sur les enfants.
L'intervenant conclut en disant que le débat sur le divorce sans faute et la durée de la pension alimentaire mérite en tout cas une approche globale. Il ajoute que, du point de vue de la technique juridique, la qualité du projet de loi à l'examen est discutable. La modification incessante du droit privé nuit à la stabilité de la société. La loi doit être le reflet non seulement de relations et de comportements sociaux, mais aussi d'une vision volontariste. Par conséquent, lorsqu'on rend juridiquement possibles diverses formes de vie commune, il faut clairement définir les éventuelles différences. En optant pour une approche mixte institutionnelle et contractuelle du mariage, on fait un choix qui n'est pas conséquent.
L'intervenant souligne que l'Ordre des barreaux flamands a déjà tenu une conférence de presse pour annoncer que le texte transmis au Sénat serait adopté sans modification. Un site web a également été ouvert afin de permettre aux internautes de poser des questions sur le projet de loi en discussion et de prendre connaissance des réponses. L'intervenant conclut dès lors par une citation du Marquis de Sade: « encore un effort pour être républicain ».
M. Willems ne peut souscrire aux propos de l'intervenant précédent. Il estime que le cadre juridique constitue évidemment une tentative de régler des relations humaines en créant à cet effet des droits et des obligations, mais qu'il n'y a pas correspondance parfaite entre ces deux aspects. L'on se base trop souvent sur l'idée d'un monde idéal, très éloigné de la pratique. L'on ne peut rester aveugle face à la réalité en matière de mariage et de divorce. Sur le terrain, la réglementation est souvent appliquée d'une manière tout à fait différente de ce que le texte permettrait de supposer.
Dès lors, l'intervenant salue la tentative d'inscrire dans la loi le principe du divorce sans faute. En effet, rendre le divorce difficile ne fera pas augmenter le nombre de mariages heureux. L'État doit se tenir le plus possible à l'écart lorsque des relations privées se gâtent. On peut tout au plus proposer un cadre juridique qu'il est important de définir de telle sorte qu'il n'aggrave pas les problèmes. Dans la situation actuelle, le cadre juridique oblige en cas de problèmes conjugaux à rechercher des fautes imputables au partenaire.
L'intervenant renvoie à l'opinion du Nederlandstalige vrouwenraad qui relève que la nécessité de prouver la faute ne fait souvent que renforcer les problèmes humains dans le cadre du mariage.
Mme De Schamphelaere souhaite mettre deux points en évidence. En premier lieu, le projet de loi à l'examen n'incite vraiment pas à rechercher un accord global, comme il faut en atteindre un en cas de divorce par consentement mutuel. Ensuite, l'intervenante s'intéressera à l'octroi de la pension alimentaire et à ses répercussions sur la politique de lutte contre la pauvreté.
L'intervenante précise que son groupe ne voit aucune objection au principe du divorce sans faute. Cela permet en effet d'éviter de nombreux démêlés juridiques entre les partenaires en instance de divorce. L'intervenante pense toutefois que le présent projet de loi n'instaure pas le principe du divorce sans faute. Il ne faut pas oublier que la procédure de divorce par consentement mutuel, qui est lancée à la demande conjointe des époux et dans le cadre de laquelle il n'est pas non plus question de faute, est celle choisie dans 81 % des divorces prononcés en Flandre.
Le projet de loi n'est donc pas l'initiateur du divorce sans faute. Celui-ci existe déjà depuis longtemps. Mais où se situe alors la nouveauté ? Le texte en projet fait aussi disparaître la notion de faute dans l'autre procédure, qui est suivie actuellement par une minorité de personnes. Il prévoit que si vous voulez divorcer, mais que votre partenaire refuse, vous pouvez demander unilatéralement le divorce sans devoir accuser votre partenaire ni être séparé depuis deux ans. Tout le monde s'accorde à dire que c'est une bonne chose.
On entend souvent les gens se plaindre que leur divorce a duré trop longtemps. En réalité, ce n'est pas exact. Le problème, ce n'est pas le divorce, mais le manque total d'efficacité et de diligence pour régler la question du partage des biens et de la garde des enfants au milieu d'une bataille juridique. Le problème n'est pas le divorce, mais les accords sur ses modalités pratiques.
À l'heure actuelle, le divorce par consentement mutuel n'est pas un moyen facile de divorcer. Avant de pouvoir lancer la procédure de divorce, il faut d'abord que les partenaires négocient entre eux et prouvent qu'ils ont conclu un accord sur tout. Il faut plus de courage pour discuter que pour se battre. Comment se fait-il que la majorité des Belges qui divorcent parviennent à un tel accord global, sur l'argent, la maison et les enfants ? Parce qu'ils n'ont pas le choix: sans accord global, pas de procédure de divorce. Il n'y a aucun moyen de se soustraire à cette condition. Le divorce par consentement mutuel fonctionne, malgré la nécessité de parvenir à un accord global, mais aussi parce qu'il est impossible de divorcer rapidement sans tenir compte des nécessaires modalités à long terme.
Le nouveau projet de loi prévoit deux formes de divorce par consentement mutuel: le divorce par consentement mutuel dans sa forme existante, qui impose un accord global, et le nouveau divorce par consentement mutuel, sans obligation d'accord. Quel type de divorce par consentement mutuel choisiriez-vous ? Celui qui est assorti d'obligations ou celui sans obligations ? Êtes-vous celui ou celle qui a pris la décision de divorcer alors que votre partenaire veut rester marié ? Peut-être voulez-vous alors mettre rapidement votre décision à exécution. Pourquoi alors vous imposeriez-vous une contrainte que vous pouvez facilement éviter ? Pourquoi feriez-vous des efforts dont vous ne voyez pas l'utilité ? N'est-ce pas la mission du législateur de tenir compte également des préoccupations et du rythme de votre partenaire qui a besoin d'un peu de temps pour accepter votre décision et pour se préparer aux négociations pratiques concernant les biens et les enfants ? Le législateur peut-il vous obliger à temporiser ? Ce n'est pas une mise sous tutelle.
Une procédure rapide ne sert pas les intérêts de chacun, en tout cas pas à long terme. Le deuxième décideur — et il y en a un dans toute procédure de divorce — se sentira injustement contraint d'accepter un divorce à la va-vite. Le premier décideur pourra divorcer rapidement sans tenir compte de l'autre. Cette réforme risque de donner à la moitié des personnes qui se séparent l'impression d'être encore plus une victime. Le sentiment d'injustice amène les individus à agir sous le coup de l'émotion. Le législateur peut-il empêcher quelqu'un de céder à des réactions impulsives ?
Les personnes qui parviennent à se mettre parfaitement d'accord avant d'entamer leur procédure de divorce sont de plus en plus nombreuses. La nouvelle loi inverserait cette tendance: elle impliquerait plus de conflits et moins de négociations. Elle se traduirait aussi par une jurisprudence plus abondante, concernant non pas la séparation mais plutôt le sort des enfants et les questions à régler. La loi en projet encouragera la conclusion d'accords partiels peu contraignants, des accords qui ne contribueront pas à une bonne entente, car il subsiste toujours l'un ou l'autre détail important à régler. À quoi sert-il de pouvoir divorcer rapidement si toutes les questions ne sont pas réglées ?
Le droit du divorce doit aider les personnes à réorganiser efficacement leur patrimoine et leur parentalité. Le droit doit ramener le calme une fois le divorce prononcé. Mais cet apaisement en sera possible que si l'on met en place des réglementations qui tiennent compte des préoccupations de chacun. Or, il est essentiel que les parents entretiennent ou développent au moins pendant quelques mois un espace de négociation praticable. Ils doivent se mettre d'accord sur les questions financières, la maison et leur enfant. Il n'y a d'accord sur rien tant qu'il n'y a pas d'accord sur tout. Cela permet d'éviter tout problème ultérieur.
Le nouveau projet de loi fera du divorce un amalgame de négociations et de conflits. Les parents pourront-ils négocier en confiance à propos de leur enfant alors qu'ils se déchirent au sujet de l'argent et de la maison ? On ne peut à la fois prêcher la paix et vendre des armes. Dans l'intérêt de l'enfant, mieux vaut négocier que de se battre. Si on supprime la condition qui impose de parvenir à un accord sur tout et que l'on offre une échappatoire qui n'exige aucun effort, on créera une situation où les gens divorceront rapidement mais continueront pendant des années à croiser le fer.
Ce n'est plus un secret pour personne que les enfants ne souffrent pas tant du divorce de leurs parents que de la manière dont ils divorcent. Ne faudrait-il pas dès lors que le législateur tienne compte du bien-être des enfants ? Ne pourrait-il pas faire pression sur un parent afin d'amener celui-ci à négocier avec l'autre parent avant de demander au juge de trancher ? Il va sans dire que le législateur peut agir de la sorte: les autorités contribueraient ainsi à réprimer la violence. C'est quand même une bonne chose que d'inciter les gens à se parler plutôt qu'à se battre.
Selon l'intervenante, la loi en projet ne permettra pas une augmentation maximale du nombre d'accords de parentalité bien négociés. Les conflits qui s'éternisent expliquent les problèmes auxquels les enfants de parents séparés sont confrontés. La principale question qui se pose dans le cadre de la réforme du droit du divorce est de savoir si la loi permettra de mettre enfin un terme aux conflits parentaux. Une majorité de personnes pensent que non.
En ce qui concerne la pension alimentaire, l'intervenante indique que 67 % seulement des femmes ayant un ou deux enfants réintègrent le marché de l'emploi. Ce pourcentage tombe à 50 % à partir de trois enfants. De surcroît, il y a beaucoup plus de femmes que d'hommes qui travaillent à temps partiel (38 % des femmes contre 5,8 % des hommes). Le choix en faveur de la famille et des enfants est une décision qui est prise non pas exclusivement par les femmes en question mais conjointement par les deux partenaires. Le mariage et la famille contribuent une cellule non seulement affective mais aussi économique. Il n'est donc que logique que les deux partenaires assument ensemble les conséquences de ce choix, y compris en cas de divorce. Cela n'a rien à voir avec la prise en compte de « l'état de besoin ».
Le projet de loi à l'examen repose sur une autre logique et lésera toute une génération de femmes sur deux points:
— la période d'octroi de la pension alimentaire ne pourra pas excéder la durée du mariage. Il est normal d'abandonner le principe du versement à perpétuité de la pension alimentaire. Il faut donner au juge la possibilité de fixer une date limite, en fonction de données objectives telles que l'âge, les choix effectués durant le mariage, etc.
Supposons qu'une personne se marie à 30 ans, qu'elle arrête de travailler à 33 ans pour élever ses enfants et qu'elle divorce à 40 ans. Elle aura droit à une pension alimentaire durant dix ans, mais cette période pourrait s'avérer trop courte pour lui permettre de se tailler à nouveau une place à part entière sur le marché de l'emploi. Dans ce cas, il faut qu'il y ait une solidarité entre les ex-époux.
Le projet de loi permet toutefois de prolonger la durée du versement de la pension alimentaire si le bénéficiaire se trouve toujours en état de besoin à l'expiration de cette période pour des raisons indépendantes de sa volonté. L'intervenante craint que des problèmes ne se posent lors de l'interprétation de ces conditions: le risque existe qu'une personne perde le bénéfice de sa pension alimentaire si elle refuse un emploi qui lui est proposé, par exemple.
— la pension alimentaire doit couvrir au moins l'état de besoin. Dès lors, seules les personnes se trouvant dans une position de grande vulnérabilité économique auront droit à une pension alimentaire. De plus, le montant sera peut-être suffisant pour survivre mais pas pour vivre.
L'intervenante est d'avis qu'il serait plus équitable que les partenaires bénéficiant d'une pension alimentaire puissent conserver un niveau de vie équivalent et elle plaide donc pour le maintien du régime actuel.
Non seulement la nouvelle procédure de divorce aura les conséquences néfastes que l'on sait pour les femmes, mais en plus elle ne sera pas un rempart contre les divorces conflictuels, bien au contraire. Les parties pourront divorcer et, ensuite seulement, commencer à négocier au sujet de la pension alimentaire. Il n'est donc plus nécessaire d'avoir un accord sur tout. Ce régime ne fera que différer les problèmes, ce qui sera particulièrement préjudiciable au partenaire qui se trouve dans une position plus faible. Un certain nombre de mouvements de femmes considèrent dès lors qu'il est inadmissible que la raison du plus fort l'emporte et affirment que cela met à mal la solidarité entre les partenaires.
Mme Nyssens renvoie à l'article 229, § 1er, proposé, du Code civil (art. 2 du projet): le juge prononce le divorce lorsqu'il constate la désunion irrémédiable entre les époux, la preuve de la désunion irrémédiable pouvant être apportée par toutes voies de droit.
Elle en déduit que dans cette hypothèse, si les deux époux sont d'accord, cela équivaut à un consentement mutuel sur la décision de divorcer tout en reportant à plus tard la discussion sur les effets. On scinde en fait le prononcé du divorce des effets de celui-ci.
Cet article permet-il à un seul époux de demander le divorce pour cause de désunion irrémédiable et d'obtenir le divorce quasi sans délai s'il parvient à apporter la preuve de la désunion irrémédiable ?
La ministre le confirme. C'est déjà possible à l'heure actuelle puisque la procédure de divorce pour cause déterminée ne prévoit aucun délai. La nouvelle procédure de divorce pour désunion irrémédiable ressemble sur ce point au divorce pour cause déterminée. La désunion irrémédiable ne découle pas dans ce cas d'une séparation des époux mais d'autres éléments de fait qui la démontrent.
Mme Nyssens en déduit que dans l'hypothèse évoquée, au niveau de la forme du divorce, c'est une sorte de cause déterminée aménagée.
La ministre renvoie à ses déclarations antérieures. Elle pense notamment à l'hypothèse d'un époux qui est victime de violences conjugales ou celle dans laquelle les deux conjoints ont reconstruit une relation avant l'écoulement du délai de séparation de fait de six mois. Le juge constate dans ce cas la désunion irrémédiable, sans poser de jugement de valeur.
La ministre fait remarquer qu'en prévoyant un délai de séparation de fait trop long avant de présumer la désunion irrémédiable (article 229, §§ 2 et 3), on inciterait les conjoints à réintroduire la notion de faute pour prouver des faits attestant la désunion irrémédiable « sans délai » (article 229, § 1er). C'est la raison pour laquelle le projet propose un délai de séparation de fait assez bref: six mois lorsque les deux conjoints introduisent la demande, un an si la demande est formée par un seul époux.
Mme de T' Serclaes revient à la question des mesures transitoires, en particulier la question des pensions qui ont été réglées lors d'un divorce par consentement mutuel intervenu avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi. Que se passera-t-il si la convention prévoit une pension alimentaire dont la durée n'est pas limitée à la durée du mariage ?
Elle constate par ailleurs que l'article 301, § 3, en projet, prévoit que la pension alimentaire couvre au moins l'état de besoin du bénéficiaire. Que recouvre cette notion ? Dans une interprétation minimaliste, cela pourrait signifier que la pension alimentaire s'aligne sur le revenu d'intégration sociale.
Mme de T' Serclaes met également en garde contre les risques de la limitation dans le temps des pensions alimentaires. Elle pense à une personne qui divorcerait à cinquante ans, après 25 années de mariage. Lorsqu'elle aura 75 ans, elle perdra sa pension alimentaire et sera précarisée sur le plan financier.
La ministre rappelle que la notion d'état de besoin n'est pas neuve. Elle existe déjà dans notre droit (cf. notamment l'article 205 du Code civil qui vise la pension alimentaire entre ascendants et descendants). La jurisprudence a déjà précisé les contours de cette notion.
Elle renvoie par ailleurs à la définition qu'elle a donnée de l'état de besoin lors des discussions en commission de la Justice de la Chambre: il se définit « comme une dépendance financière d'une des parties envers l'autre. Dans ce cadre, un des critères qui peut être pris en compte est le niveau de vie des parties durant la vie commune » (doc. Chambre, nº 51-2348/18, p. 34).
Mme de T' Serclaes rappelle que lors des débats à la Chambre, certains experts se sont inquiétés des conséquences de l'assouplissement du divorce sur les mariages blancs. Il est à craindre que le phénomène de mariages blancs connaisse une recrudescence vu la facilité qui est offerte au conjoint pour divorcer.
La ministre pense que le projet n'aura pas d'effets sur ce plan. Elle rappelle que l'annulation du mariage ou le refus de lui donner des effets, en ce compris l'acquisition de la nationalité, peut se faire même après le divorce. Au contraire, le fait qu'il y ait eu un divorce très rapide après la célébration du mariage peut constituer une présomption de mariage blanc.
Mme de T' Serclaes constate que, contrairement à ce qui se passe dans un divorce par consentement mutuel, le divorce pour désunion irrémédiable n'exige pas que les conjoints s'accordent au préalable sur toute une série de points, parmi lesquels l'attribution du logement familial.
La commission vient d'adopter un projet de loi prévoyant que le cohabitant survivant peut rester dans le logement familial lors du décès de son partenaire (projet de loi modifiant, en ce qui concerne le droit successoral à l'égard du cohabitant légal survivant, le Code civil et la loi du 29 août 1988 relative au régime successoral des exploitations agricoles en vue d'en promouvoir la continuité, doc. Sénat nº 3-2015). Le projet à l'examen ne prévoit rien de pareil en cas de divorce.
Dans l'hypothèse où la maison familiale serait un bien propre du mari, son ex-épouse pourrait-elle devoir quitter les lieux dès que le divorce est prononcé ? Cela expose la partie la plus faible au risque de devoir quitter le logement familial, alors qu'on lui impose déjà le divorce pour désunion irrémédiable. Ne faudrait-il pas, à tout le moins, prévoir que le divorce ne peut être obtenu s'il n'y a pas un accord — fût-ce de manière provisoire — sur l'occupation du logement familial ?
La ministre répond que l'exemple évoqué vise une situation bien spécifique: c'est l'hypothèse dans laquelle le bien immobilier appartient en propriété exclusive à un des deux époux par le biais d'un contrat de mariage avec séparation de biens. C'est déjà la situation actuelle et le projet ne change rien sur ce point. Dans tous les autres cas, la discussion sur l'attribution du logement familial se fera à l'amiable ou sera tranchée par le magistrat.
L'intervenante est au contraire convaincue que la situation est simplifiée par la réforme proposée. Ainsi, la partie la plus faible, lorsqu'elle demandera une pension alimentaire, ne devra plus prouver la faute, ce qui facilitera l'obtention de la pension. Elle pourra pendant une période transitoire continuer à disposer du logement familial et recevra, par la suite, une pension alimentaire qui compensera le fait qu'elle doive quitter le logement familial.
V. DISCUSSION DES ARTICLES
Article 1er
Cet article n'appelle aucune observation.
Article 2
Mme Nyssens constate que le § 1er proposé prévoit que la preuve de la désunion irrémédiable peut être apportée par toutes voies de droit. La preuve par aveu ou par serment est-elle dès lors autorisée ? Un époux peut-il invoquer par exemple un fait par aveu ? Si tel est le cas, il est probable que le juge constatera assez facilement la désunion irrémédiable.
La ministre renvoie à l'article 18 du projet de loi. L'article 1255, § 4, proposé, du Code judiciaire prévoit que « la séparation de fait des époux peut être établie par toutes voies de droit, l'aveu et le serment exceptés, (...) ». Cette réserve ne figurant pas à l'article 229, § 1er, proposé du Code civil, il faut en déduire que le juge peut accepter l'aveu ou le serment comme mode de preuve de la désunion irrémédiable. C'est laissé à la libre appréciation du magistrat.
Mme Nyssens en déduit que lorsqu'il s'agit de prouver la séparation de fait, on ne peut recourir à l'aveu ni au serment. Par contre, pour toutes les autres causes de désunion irrémédiable, ces deux modes de preuves sont admis. En d'autres termes, un conjoint pourra invoquer un fait fautif qu'il a commis pour prouver la désunion irrémédiable et obtenir le divorce, sans délai.
L'intervenante demande si, à l'heure actuelle, un conjoint peut invoquer sa propre maladie mentale ou son adultère pour obtenir le divorce.
La ministre renvoie au principe général selon lequel « nul ne peut invoquer sa propre turpitude ».
Mme Nyssens demande comment concilier ce principe avec le fait que la ministre admet l'aveu ou le serment comme mode de preuve de la désunion irrémédiable.
La ministre répond que le juge doit apprécier une situation pour décider s'il y a désunion irrémédiable. Il a les mains libres pour constater la désunion irrémédiable.
M. Hugo Vandenberghe rappelle que l'adage « nemo auditur propriam turpitudinem allegans » ne s'applique pas à l'hypothèse d'une désunion irrémédiable. Cet adage régit en effet le droit de la preuve. Si l'on considère l'aveu comme un moyen d'apporter une preuve de plano de la désunion irrémédiable, l'on sera trop enclin à y avoir recours. Il ne faut pas oublier que le mensonge n'est pas chose rare dans les instances de divorce.
Mme Defraigne pense que la question de savoir comment les preuves peuvent être admises est importante car elle se posera dans les prétoires.
À l'heure actuelle, lorsqu'une partie cite en divorce et invoque l'adultère de son conjoint, si le conjoint reconnaît avoir une liaison extraconjugale, la jurisprudence, de manière pragmatique, admet ce type d'aveu. Par contre, faut-il faire un pas supplémentaire en acceptant que la partie demanderesse avoue ses propres fautes pour justifier la désunion irrémédiable ?
Mme Nyssens demande, de manière très concrète, si la partie qui demande le divorce peut invoquer son propre adultère pour convaincre le juge de la situation de désunion irrémédiable et obtenir le divorce.
La ministre répond que l'article 229, § 1er, rend possible de déférer l'aveu et le serment en justice. Cela se fera d'après les règles actuelles. Le juge écartera l'aveu et le serment s'il estime qu'ils sont collusoires. Dans l'exemple évoqué par Mme Defraigne, si le conjoint reconnaît l'adultère invoqué par la partie demanderesse, le juge prendra cet aveu en compte. Par contre, si la partie demanderesse invoque son propre adultère dans sa demande en divorce et que le conjoint ne le reconnaît pas, le juge écartera cet aveu qu'il estimera collusoire.
Amendement nº 18
Mme Nyssens dépose l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 3-2068/2) visant à remplacer l'article 229, proposé. Elle propose de maintenir la possibilité d'obtenir le divorce pour cause de désunion irrémédiable.
Cette cause peut être invoquée dans deux hypothèses: soit lorsqu'il y a une demande conjointe des époux, soit lorsqu'il y a une séparation de fait de deux ans.
L'auteur estime que le projet est trop souple quant aux possibilités d'obtenir le divorce pour cause de désunion irrémédiable à la demande d'un seul époux. Si les deux conjoints sont d'accord, elle n'a aucune objection à permettre de divorcer de manière souple. Par contre, si un des époux n'est pas d'accord, il faut imposer une période de séparation plus longue.
Amendement nº 37
Mme Nyssens dépose l'amendement nº 37 (doc. Sénat, nº 3-2068/2), qui est subsidiaire à son amendement nº 18. L'auteur propose de maintenir la possibilité d'obtenir le divorce pour cause de désunion irrémédiable lorsqu'il y a une demande conjointe des époux ou après une séparation de fait de deux ans. Elle propose d'exclure l'aveu et le serment comme mode de preuve de la désunion irrémédiable. Enfin elle prévoit que le juge pourra prononcer le divorce sans attendre la séparation de fait de deux ans, lorsque le comportement d'un des époux justifie que le mariage soit dissous plus rapidement.
Amendement nº 13
M. Hugo Vandenberghe dépose l'amendement nº 13 (doc. Sénat, 3-2068/2), qui tend à supprimer les mots « ou qu'elle est répétée à deux reprises ». Le projet de loi permet en effet de divorcer respectivement après trois ou six mois de mariage. Ce n'est pas souhaitable. Il convient de limiter les risques de tentatives de mariages de complaisance et de prévoir une période de réflexion.
Amendement nº 19
Mme Nyssens dépose l'amendement nº 19 (doc. Sénat, nº 3-2068/2) qui est subsidiaire à son amendement nº 18. Elle propose de remplacer le § 2 proposé et de porter à deux ans le délai de la séparation de fait permettant d'établir la désunion irrémédiable. Enfin, elle propose de supprimer le § 3 proposé car elle juge inutile d'imposer au demandeur de confirmer à deux reprises sa demande en divorce pour désunion irrémédiable.
La ministre renvoie à la discussion générale.
Amendement nº 1
Mmes de T' Serclaes et Defraigne déposent l'amendement nº 1 (doc. Sénat, nº 3-2068/2) visant à remplacer le § 3 de l'article 229 proposé.
Mme de T' Serclaes souligne que l'amendement cherche à rencontrer la problématique du délai lorsque la demande est introduite par un seul époux. Comme il s'agit d'un divorce unilatéral, les auteurs estiment que le délai d'un an proposé dans le projet de loi est trop bref. Elles proposent de porter le délai à deux ans afin de donner à l'époux qui ne souhaite pas divorcer le temps de réorganiser sa vie.
M. Willems n'est pas d'accord avec l'argumentation de la préopinante. On laisse en effet les problèmes s'enliser pendant deux ans.
Il ne peut pas non plus souscrire à l'alinéa 2 de la justification, selon lequel l'époux qui ne s'est pas rendu coupable d'une faute grave est donc assuré de bénéficier du régime spécifique du mariage durant au moins deux ans si son conjoint désire divorcer contre son gré. L'on mélange ici à tort les relations personnelles entre les époux et les effets patrimoniaux du mariage. Lorsqu'un mariage échoue, il n'est pas bon de laisser pourrir les problèmes davantage car cela conduit immanquablement à des divorces conflictuels. Dans ce cas, on cherchera une faute grave. Les intérêts patrimoniaux doivent être strictement dissociés des liens affectifs.
Mme de T' Serclaes pense que personne n'est obligé de se marier. La question du divorce pose immanquablement la question du mariage. Dès lors que les gens ont le choix entre diverses formes de vie commune, ceux qui optent pour le mariage choisissent une mise en commun qui engendre des devoirs plus importants que la simple cohabitation légale. Il n'est pas anormal que lorsque l'on veut dissoudre cette institution il y ait des différences par rapport à la dissolution du contrat de vie commune.
Si l'on veut pouvoir se libérer facilement de ses engagements, il ne faut pas opter pour une institution lourde telle que le mariage mais choisir la cohabitation légale. Dans une approche cohérente des différentes institutions, l'intervenante pense qu'il n'est pas anormal de veiller à ce que la rupture du mariage ne mette pas la partie la plus faible dans une situation ingérable. C'est la philosophie qui sous-tend ses amendements. C'est pour cette raison qu'elle pense que le délai de séparation de fait d'un an est trop bref et qu'elle propose de le porter à deux ans.
Mme De Schamphelaere estime que le mariage doit être protégé en tant que cellule affective au sein de la société et qu'il est le meilleur gage de sécurité.
L'intervenante souhaite par ailleurs faire une comparaison avec d'autres institutions de droit privé comme le contrat de travail ou le contrat de bail. Il existe quantité de mesures de protection au niveau de la durée et de l'indemnité à verser en cas de résiliation de ces contrats. Pourquoi le projet à l'examen supprime-t-il l'idée d'un contrat porteur de droits et d'obligations ? L'on ne fait ici aucune mise en balance des droits et obligations et l'on ne prévoit aucune réparation, ni dans le sens d'une période de préavis, ni dans le sens d'une pension alimentaire.
M. Willems ne partage pas l'idée selon laquelle le mariage doit être considéré comme le havre de sécurité idéal. Il n'est rien d'autre qu'un cadre juridique pour les relations humaines, et l'État doit s'y immiscer le moins possible. Alors que s'engager dans le mariage ne pose pas de problèmes, on voudrait au contraire élever maintes barrières à sa dissolution. Il ne faut pas oublier que les personnes qui entament une relation peuvent changer du tout au tout au fil du temps.
L'intervenant maintient qu'il faut en tout cas faire une distinction entre relations interpersonnelles et biens patrimoniaux.
Il est illusoire de penser qu'un délai de deux ans permettra de renouer la relation désunie. La pratique nous prouve le contraire.
M. Noreilde réagit à l'intervention de Mme de Schamphelaere. Le but ne saurait être de considérer la pension alimentaire comme une forme d'indemnité. Le principe que nous entendons consacrer est justement celui du divorce sans faute. S'il n'y a pas de faute, il ne faut pas non plus la réparer. La pension alimentaire est basée sur l'état de besoin.
M. Hugo Vandenberghe avance que la propriété d'un régime légal est qu'il devient juridiquement contraignant. Si l'on fait en sorte que les droits et devoirs matrimoniaux ne donnent pas lieu à des sanctions juridiques, mieux vaut alors placer le mariage en dehors du domaine du droit. Le critère pour imposer des obligations éventuelles est lié à l'état de besoin. On continue ici de concevoir le mariage comme une institution, alors qu'en réalité, on le place en dehors du droit.
L'intervenant indique que le mariage est protégé explicitement par la Convention européenne des droits de l'homme et dans certains pays, comme en Allemagne, par la Constitution. Les accords interpersonnels à forte charge émotionnelle peuvent être protégés par la loi. Le droit de la famille change sans cesse, de telle sorte que plus personne ne s'y retrouve. Il importe que la loi exprime une norme générale.
La ministre ne partage pas l'analyse selon laquelle le droit de la famille serait en perpétuelle évolution et qu'il n'y aurait plus de philosophie générale dans ce domaine. Elle rappelle que l'institution du divorce, dans ses grands principes, date du début du XIXe siècle. Le divorce pour séparation de fait a été introduit dans notre droit au début des années septante. Le projet de loi vise à introduire dans notre droit un divorce sans faute, qui ne méconnaît pas les effets du mariage. Le projet veut éviter les discussions stériles et horribles entre les conjoints qui veulent chacun apporter la preuve d'une faute dans le chef de l'autre partie. Très souvent, ces débats sur la faute sont liés à la pension alimentaire. Lorsque les époux ne s'entendent plus, il faut que la procédure favorise un débat le plus serein possible. Le projet propose d'ailleurs de ne plus lier la pension alimentaire à la faute. Un conjoint peut obtenir une pension alimentaire, qu'il y ait eu faute ou pas. La pension est une conséquence du mariage.
M. Hugo Vandenberghe souligne que 81 % des divorces prononcés en Flandre suivent la procédure du consentement mutuel. Il ne faut donc pas se servir d'un comportement minoritaire comme argument pour soutenir une certaine vision, que d'autres pays ne partagent d'ailleurs pas. Il convient également de tenir compte du fait que des changements fondamentaux se sont produits depuis près de 35 ans, avec la création de différentes formes de cohabitation entraînant des conséquences sur le plan juridique, qui posent le même problème au niveau de la liquidation et de la répartition du patrimoine. Même la cohabitation de fait est confrontée à ce problème. Il s'impose d'attribuer au mariage en tant que forme de cohabitation, fondamentale ou non, un aspect différent du contrat de cohabitation.
Mme De Schamphelaere renvoie de nouveau au droit du travail et au droit locatif. Lors de la résiliation des contrats, il n'est pas non plus question de faute et d'indemnisation. En cas de licenciement d'un travailleur pour raisons économiques, il n'est pas question de faute. Il s'agit seulement de respecter des obligations contractuelles et d'octroyer une aide à la partie qui se retrouve dans une situation totalement nouvelle à la suite de la décision unilatérale prise par l'autre partie.
Amendement nº 65
Mme Nyssens demande quelle est la nature des présomptions instaurées aux §§ 2 et 3 de l'article 229 proposé ? Sont-elles réfragables ou irréfragables ?
La ministre répond que lorsqu'une présomption est irréfragable, il faut que le texte le prévoie explicitement. Tel n'est pas le cas aux §§ 2 et 3. Il s'agit dès lors de présomptions réfragables.
Mme Nyssens en déduit que l'on peut contester la désunion irrémédiable. Il est dès probable que l'on aura dans ce cas des discussions sans fin devant le juge du fond.
M. Hugo Vandenberghe estime que la formulation donne à penser qu'il s'agit d'une présomption irréfragable. Si la présomption existe, elle est irréfragable. Si l'on apporte la preuve de la séparation de fait de six mois, il y a une présomption. Toutefois, il est évidemment possible de réfuter la séparation de fait.
L'intervenant pense qu'il n'y a pas de concordance entre le texte français et le texte néerlandais. Il estime que la manière dont le texte néerlandais est libellé ne laisse planer aucun doute sur le caractère irréfragable de la preuve de la désunion irrémédiable (cf. « Het vermoeden (...) bestaat). Dès que l'on apporte la preuve d'une séparation de fait de six mois, la présomption joue et la désunion irrémédiable est établie. Le texte français est moins clair quant à la nature de la présomption.
M. Mahoux pense que ce qui peut être contesté, c'est la séparation ou la durée de celle-ci. Par contre, si la séparation de fait de six mois ou un an existe, il n'est pas possible de contester les conséquences de cette séparation. En d'autres termes, ce qui est irréfragable, c'est que dès que les parties sont séparées depuis six mois et si elles demandent le divorce, celui-ci est prononcé. Si elles sont séparées depuis un an et qu'un des époux demande le divorce, celui-ci est prononcé. Par contre, l'autre partie pourrait contester le fait qu'elles sont séparées ou la durée de la séparation.
M. Hugo Vandenberghe estime qu'il serait préférable d'écrire que « la désunion irrémédiable est établie ... ».
La ministre fait remarquer que les compromis politiques engendrent souvent des textes moins limpides.
Elle souhaite apporter une précision à ce qu'elle a dit à propos du caractère réfragable des présomptions.
Elle propose d'illustrer la portée de l'article par les exemples suivants: dans une situation où les conjoints sont séparés et où ils habitent à des adresses différentes, avec un accord sur la garde des enfants, l'habitation familiale, etc., une telle séparation de fait débouche automatiquement sur un divorce. Par contre, il peut y avoir une séparation de fait pour raison professionnelle, une telle séparation n'équivaut pas à une séparation de fait permettant d'établir une désunion irrémédiable des conjoints.
En d'autres termes, ce qui est contestable, c'est l'existence de la séparation de fait. En revanche, s'il y a séparation de fait, le juge devra prononcer le divorce.
M. Hugo Vandenberghe rappelle que le projet exige la séparation de fait comme condition. Le simple fait que les époux résident à deux adresses différentes n'engendre pas automatiquement une séparation de fait. On ne peut faire d'amalgame entre ces deux situations.
Pour éviter toute difficulté d'interprétation, la ministre suggère que le texte français soit aligné sur le texte néerlandais: « Il y a désunion irrémédiable lorsque la demande est formée ... ». La discussion devant le juge portera dans ce cas sur la question de savoir s'il y a séparation de fait ou non.
M. Hugo Vandenberghe le confirme. Dès que la séparation de fait est prouvée, il y a désunion irrémédiable. Il souligne par ailleurs que le libellé du texte néerlandais du § 3 est différent de celui du § 2, ce qui complique encore l'interprétation de la disposition. Il en déduit que le texte adopté par la Chambre est imprécis et qu'il n'est pas possible de déterminer avec certitude l'intention des auteurs.
M. Mahoux pense qu'il ressort de la discussion que le libellé du texte néerlandais du § 2 proposé est celui qui correspond le mieux aux intentions du législateur. Dès lors que la séparation de fait est établie, il y a désunion irrémédiable. Il propose par conséquent de libeller le § 2 comme suit: « La désunion irrémédiable existe lorsque la demande est formée ... » et le § 3 « Elle existe également lorsque la demande est formée ... ».
Mme Defraigne pense qu'il est important que la portée du texte soit clarifiée pour éviter des discussions dans les prétoires sur la nature juridique des présomptions.
M. Mahoux fait remarquer que la discordance entre le texte français et le texte néerlandais du § 2 est plus apparente que réelle. Le texte néerlandais utilise l'expression « het vermoeden (...) bestaat ». En d'autres termes, la présomption de désunion irrémédiable existe lorsque les deux conjoints sont séparés de fait depuis six mois et introduisent conjointement la demande en divorce. La question est de savoir si l'on vise une présomption de désunion irrémédiable ou s'il y a automaticité. Le paragraphe tel que rédigé ne laisse planer aucun doute: c'est de présomption qu'il s'agit.
M. Hugo Vandenberghe se réfère à l'interprétation de la ministre; si la loi ne précise pas explicitement que la présomption est irréfragable, elle est réfragable.
M. Willems renvoie à l'article 18 du projet à l'examen. L'article 1255, § 1er, alinéa 2, proposé dispose que le juge prononce le divorce s'il est établi que les parties sont séparées de fait depuis plus de six mois. Il s'agit donc d'une présomption irréfragable.
La ministre pense qu'il est possible de clarifier le texte en modifiant les §§ 2 et 3 du texte français et le § 3 du texte néerlandais. Une autre possibilité consiste à ajouter un nouveau § 4 précisant que les présomptions visées aux §§ 2 et 3 sont irréfragables.
M. Mahoux attire l'attention sur le fait que l'élément de présomption existe également dans le texte néerlandais du § 2.
M. Hugo Vandenberghe pense qu'il y a cependant une différence entre le texte néerlandais et le texte français quant à l'interprétation de la nature de la présomption. Le texte néerlandais ne laisse planer aucun doute sur la nature irréfragable de la présomption.
M. Noreilde est d'avis qu'il vaudrait mieux supprimer la notion de présomption dans le texte. Il serait plus clair de dire que la désunion des époux est irrémédiable, ...
M. Hugo Vandenberghe trouve lui aussi que le terme « présomption » est ambigu. La preuve de la désunion irrémédiable peut être apportée par toutes voies de droit. Si l'on veut spécifier que la séparation de fait de six mois est la preuve de la désunion irrémédiable, il ne faut pas utiliser le mot « présomption ».
Mme Nyssens pense qu'en droit comparé, c'est en général lorsqu'il y a séparation de fait de six mois que les époux peuvent demander le divorce pour désunion irrémédiable. Si telle est l'intention du législateur, le mot présomption induit en erreur et devrait être supprimé.
La ministre suggère de rédiger le texte comme suit: « La désunion irrémédiable est établie lorsque la demande est formée ... ».
MM. Mahoux et Seminara déposent à cet effet l'amendement nº 65 (doc. Sénat, nº 3-2068/2).
Amendement nº 2
Mmes de T' Serclaes et Defraigne déposent l'amendement nº 2 (doc. Sénat, nº 3-2068/2) qui est subsidiaire à l'amendement nº 1. Cet amendement vise le délai dans lequel le divorce peut être obtenu.
Mme de T' Serclaes pense que le régime proposé est trop rapide et peut aboutir à des drames humains. Elle propose de vider la question du délai lors de la discussion de l'article 18 à laquelle il est renvoyé.
Article 3
Cet article ne fait l'objet d'aucune remarque.
Article 3bis
Amendement nº 21
Mme Nyssens dépose l'amendement nº 21 (doc. Sénat, nº 3-2068/2) visant à insérer un nouvel article 2bis dans le projet de loi. L'amendement, qui s'inspire de la proposition de loi modifiant certaines dispositions du Code civil et du Code judiciaire en vue de réformer le droit du divorce et d'instaurer le divorce pour cause de désunion irrémédiable (doc. Sénat, nº 3-1116/1) déposée par Mme Nyssens le 25 mars 2005, vise à introduire dans notre droit le divorce pour cause déterminée.
Article 4
Amendement nº 20
Mme Nyssens dépose l'amendement nº 20 (doc. Sénat, nº 3-2068/2) visant à supprimer les 1º et 5º de cet article afin de garder dans le Code civil les articles 231 et 276. L'amendement nº 21 qu'elle a déposé vise en effet à modifier l'article 231 du Code civil pour y introduire la notion de divorce pour cause ou manquement grave.
Elle propose d'autre part de modifier l'article 276 du Code civil pour ramener de deux ans à un an la durée minimale du mariage avant de pouvoir recourir à la procédure de divorce par consentement mutuel. Le projet à l'examen propose de supprimer ce délai. L'intervenante trouverait curieux que l'on puisse se marier et, dès le lendemain, entamer un procédure de divorce par consentement mutuel. Elle suggère dès lors de maintenir un délai de réflexion d'un an avant de rendre le divorce par consentement mutuel possible.
Mme Defraigne renvoie à la proposition de loi qu'elle a déposée afin de supprimer la durée minimale de deux ans de mariage pour pouvoir divorcer par consentement mutuel. Elle pense que les conjoints peuvent parfois très vite constater leur échec et le fait d'imposer un délai minimum de deux ans de mariage ne fait que compliquer la situation. Elle se rallie dès lors au projet de loi à l'examen qui supprime le délai de deux ans.
Mme Nyssens met en garde contre les effets pervers de la suppression pure et simple de tout délai minimum de durée du mariage. Cela n'augmente-t-il pas le risque de mariages blancs ?
La ministre ne le pense pas.
Amendement nº 14
M Hugo Vandenberghe dépose l'amendement nº 14 (doc. Sénat, nº 3-2068/2) qui vise également à supprimer le 5º de l'article 4. Il est renvoyé à la discussion de l'amendement nº 20 de Mme Nyssens.
Article 4bis
Amendement nº 15
M. Hugo Vandenberghe dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-2068/2, amendement nº 15), visant à proposer une durée minimale de mariage d'un an. Même lorsque les partenaires décident ensemble de mettre fin à leur relation, un certain délai de réflexion s'avère utile. En outre, un délai minimal est nécessaire pour lutter efficacement contre les mariages fictifs.
Amendement nº 22
Mme Nyssens dépose l'amendement nº 22 (doc. Sénat, nº 3-2068/2) qui a le même objet que l'amendement nº 15 de M. Hugo Vandenberghe.
Article 5
Amendements nos 23 et 50
Mme Nyssens dépose l'amendement nº 23 (doc. Sénat, nº 3-2068/2) visant à remplacer l'article 299 proposé. Le projet propose que tous les avantages contractuels disparaissent à la suite du divorce, sauf convention contraire. L'auteur propose d'inverser la logique en prévoyant le maintien des avantages contractuels sauf convention contraire.
L'amendement nº 50 (doc. Sénat, nº 3-2068/2) de M. Hugo Vandenberghe a une portée comparable à celle de l'amendement nº 20.
M. Mahoux s'étonne de la portée des amendements. Ils auraient pour effet que ce qui a été fait à l'occasion du mariage et pendant le mariage dure définitivement. Quel est alors le sens du divorce ?
Mme Nyssens répond que dans le régime actuel, l'époux fautif perd les avantages contractuels. Elle constate que le projet supprime la notion de faute. Faut-il, dans la logique d'un système de divorce sans faute, annuler tous les avantages contractuels accordés pendant le mariage ? Au contraire, l'auteur pense qu'il ne faut pas revenir sur le passé et supprimer automatiquement tous les avantages en cas de divorce. Elle précise enfin que l'amendement permet aux époux de déroger à la règle du maintien des avantages.
Mme Defraigne pense qu'il n'y a pas lieu de maintenir les avantages contractuels dès lors que les conjoints sont dans une situation de désunion irrémédiable.
M. Hugo Vandenberghe pense que la solution préconisée dans les deux amendements doit s'analyser dans une perspective de solidarité qui découle du mariage.
Article 6
Amendement nº 24
Mme Nyssens dépose l'amendement nº 24 (doc. Sénat, nº 3-2068/2) qui s'inscrit dans la logique de son amendement nº 23 à l'article 5. L'auteur propose que les ex-époux gardent les avantages contractuels qu'ils se sont accordés durant le mariage, sauf convention contraire.
Amendement nº 16
M. Hugo Vandenberghe dépose l'amendement nº 16 (doc. Sénat, nº 3-2068/2) relatif à la pension alimentaire.
Le mariage est un engagement durable dans lequel les deux conjoints prennent, d'un commun accord, des décisions quant à leur propre avenir (situation professionnelle, éducation des enfants, etc.) qui ont des répercussions considérables. La fin du mariage ne supprime pas purement et simplement les obligations entre les partenaires et à l'égard des enfants. L'intérêt des enfants et le choix concernant leur éducation demeurent des éléments essentiels. Cela signifie également qu'après le mariage, les partenaires restent fondamentalement tenus, l'un envers l'autre et envers les enfants, d'assurer leur existence et leur éducation. Les choix effectués à l'époque conjointement par les deux époux influent en effet sur les possibilités de s'assurer un revenu, y compris après le mariage. Le juge doit tenir compte de tous ces éléments pour fixer le montant de la pension alimentaire.
L'arrêt nº 48/2000 du 3 mai 2000 de la Cour d'arbitrage souligne que la limitation de la pension alimentaire accordée entre partenaires après un divorce pour cause déterminée (elle ne peut excéder le tiers des revenus de l'époux débiteur de la pension: article 301, § 4, du Code civil) est discriminatoire, étant donné qu'en cas de séparation de fait, la pension alimentaire n'est soumise à aucune limitation (article 307bis du Code civil). Nous proposons de ne pas prévoir de limitation dans l'amendement. S'il est vrai qu'une pension alimentaire égale au tiers des revenus peut paraître très élevée et très lourde à supporter — les parties doivent en outre s'efforcer de parvenir à l'autonomie —, une pension alimentaire supérieure au tiers des revenus peut, dans les cas exceptionnels et extrêmes, s'avérer équitable (par exemple, dans le cas d'un mariage de longue durée au cours duquel les enfants ont été éduqués par un seul parent qui, durant toute sa vie, n'a pas exercé d'activité professionnelle et que son conjoint a abandonné pour un autre partenaire, de sorte que le parent resté seul ne dispose (donc) d'aucun revenu). Le tribunal pourra évaluer la situation en se basant sur des éléments concrets.
Le projet de loi précise que, sauf quelques exceptions, la durée de la pension ne peut être supérieure à la durée du mariage. L'auteur estime toutefois que le juge doit avoir la liberté de déterminer la durée et le montant de la pension alimentaire éventuelle sur la base des circonstances de fait (telles que le degré d'autonomie, le choix éducatif opéré durant le mariage, l'âge des parties, la durée du mariage, les possibilités financières et professionnelles des parties, etc.). Il va sans dire qu'en cas de modification des circonstances, le montant (par exemple, en cas de perte de revenus) ou la durée (par exemple, si le créancier alimentaire vit avec un nouveau partenaire) de la pension peuvent être modifiés d'un commun accord ou par décision de justice. L'état de besoin ne constitue pas un critère suffisant pour l'octroi d'une pension alimentaire. Cela peut donner lieu à des situations inéquitables. Il semble plus recommandé d'assurer la solidarité en fonction des choix effectués.
Article 7
Amendement nº 45
Mme Nyssens dépose l'amendement nº 45 (doc. Sénat, nº 3-2068/2) visant à remplacer l'article 301, § 1er, proposé. L'article 301 proposé règle la question de la pension alimentaire. Le projet prévoit que la pension est due à l'époux dans le besoin. L'auteur précise qu'elle a déposé une série d'amendements basés sur l'idée que les deux époux sortent ensemble d'une situation de vie commune et qu'ils doivent pouvoir continuer, après le divorce, à vivre, le plus possible de la même manière. C'est la raison pour laquelle elle propose d'abandonner l'idée d'état de besoin pour déterminer la pension alimentaire.
Amendement nº 25
Mme Nyssens dépose l'amendement nº 25 (doc. Sénat, nº 3-2068/2) visant à supprimer le renvoi à la notion d'état de besoin dans le § 2, alinéa 1er, de l'article 301 proposé du Code civil.
Mme de T' Serclaes déclare que le régime proposé pour la pension alimentaire la met mal à l'aise. Alors que la ministre soutient que la pension est liée au niveau de vie des époux, le § 2, alinéa 1er, du projet, vise l'époux dans le besoin. Comment concilier ces deux approches ?
La ministre fait remarquer que le texte est plus nuancé. Elle renvoie au § 3. La pension alimentaire doit couvrir au moins l'état de besoin. L'alinéa 2 précise que le tribunal doit tenir compte des revenus, des possibilités des conjoints et de la dégradation significative de la situation économique du bénéficiaire.
M. Hugo Vandenberghe déduit des déclarations de la ministre que la notion de besoin ne s'entend pas de façon objective.
Mme de T' Serclaes demande comment s'articulent les §§ 2 et 3. Elle peut se rallier au § 3 qui laisse une marge d'appréciation plus large que le seul état de besoin visé au § 2.
Selon M. Willems, l'emploi de l'expression « état de besoin » implique que l'on souhaite déroger à l'article 301 actuel. Celui-ci parle d'une pension pouvant permettre à l'intéressé d'assurer son existence dans des conditions équivalentes à celles dont il bénéficiait durant la vie commune. L'on entend donc clairement donner une toute autre teneur à cette pension, en ce sens qu'on se base à présent sur les besoins existants.
Le choix de l'expression « état de besoin » pose problème à M. Vandenberghe, car elle est clairement stigmatisante. En outre, cette expression ne correspond visiblement pas à l'interprétation que la ministre en donne.
Mme Defraigne pense qu'il faudrait viser la notion de « besoin relatif ». Le § 2, tel qu'il est libellé, renvoie à l'état de nécessité, au minimum vital alors que le § 3 donne une définition de l'état de besoin qui peut être relatif par rapport à la situation que l'on a organisée durant la vie commune. Le texte est le fruit d'une pondération. Il aurait peut-être été plus clair de se référer à la notion de train de vie des époux. Quoiqu'il en soit, le projet vise l'équivalence des conditions. Il faut tenir compte de la manière dont on a organisé sa vie durant le mariage.
Elle cite l'exemple de l'épouse d'un médecin qui a aidé son mari (téléphone, secrétariat) pendant de nombreuses années. Elle a vécu très confortablement pendant toutes ces années grâce à l'activité de son conjoint. Après vingt ans de mariage, son mari la quitte et demande le divorce. Comment le juge va-t-il apprécier la situation de l'épouse pour déterminer la pension alimentaire ?
Mme Defraigne pense que le projet permet d'aborder la question de la pension en tenant compte de l'équivalence des conditions, du train de vie des époux et de la manière dont ils ont organisé leur vie. La ministre partage-t-elle cette interprétation ?
La ministre renvoie à l'article 301, § 3, alinéa 2, qui énonce les critères sur la base desquels le juge se fondera pour fixer la pension alimentaire: la durée du mariage, l'âge des parties et leur comportement durant le mariage quant à l'organisation de leurs besoins. Ce dernier élément recouvre la notion de train de vie. Par ailleurs, la première phrase prévoit que le juge tient compte des revenus et possibilités des conjoints et de la dégradation significative de la situation économique du bénéficiaire de la pension.
Mme de T' Serclaes demande si ces critères s'appliquent également au divorce par consentement mutuel, notamment pour ce qui concerne la durée de la pension. Que se passe-t-il avec les conventions conclues avant l'entrée en vigueur du projet et dont les modalités ne seraient pas conformes aux critères visés à l'article 301 ?
La ministre répond que la convention conclue entre parties lors d'un divorce par consentement mutuel doit être respectée. La liberté contractuelle des parties s'applique lors d'un divorce par consentement mutuel. Par ailleurs, même dans l'hypothèse d'un divorce pour désunion irrémédiable, les parties pourraient convenir d'un régime de pension alimentaire dérogeant aux critères légaux. Ce n'est qu'à défaut de convention que le juge accordera éventuellement une pension alimentaire (article 301, § 2). Les critères visés au § 3 ne s'appliquent que lorsque c'est le tribunal qui fixe la pension alimentaire. Les parties peuvent y déroger par convention.
L'intervenante précise que si le tribunal peut toujours remettre en cause l'accord des parties concernant le droit de garde, le droit de visite et la pension alimentaire pour les enfants, il est tenu par l'accord sur tous les autres points.
Mme Defraigne rappelle que pour les pensions alimentaires entre époux dans le cadre d'un divorce par consentement mutuel, on suit le principe de l'intangibilité des conventions. On ne peut en principe pas modifier ces conventions. La plupart des conventions prévoient cependant des clauses de sauvegarde couvrant, par exemple, l'hypothèse dans laquelle le débiteur de la pension voit chuter ses revenus, part à la pension, etc. La clause permet alors de revoir la pension alimentaire. Il existe cependant des accords ne prévoyant pas, soit par oubli, soit à dessein, de telles clauses de révision. Le projet permet-il de revoir la pension alimentaire même lorsque les parties ont opté de façon volontaire pour un régime intangible ? Peut-on revenir sur un système d'intangibilité lorsqu'il a été accepté en connaissance de cause par les parties ?
La ministre répond que seul le montant de la pension alimentaire pourra être revu, pas sa durée. Elle renvoie au § 7 de l'article 301 proposé.
Mme Defraigne pense que cela permet de changer les règles du jeu en cours de partie, même lorsque les conjoints ont sciemment opté pour un régime intangible.
La ministre précise que si la convention prévoit explicitement que l'accord est immuable, le tribunal ne peut en adapter le montant. Par contre, si l'accord est muet quant au caractère intangible de la pension, le tribunal pourra modifier le montant de la pension en cas de circonstances nouvelles.
Ce régime ne vaut que pour les conventions entrées en vigueur après l'entrée en vigueur de la nouvelle loi. Il ne s'applique pas aux conventions existantes au moment de l'entrée en vigueur de la loi. Il n'est dès lors pas possible de modifier les conventions existantes ne comprenant pas de clause de révision.
M. Hugo Vandenberghe fait remarquer que la jurisprudence considère que les accords sont toujours modifiables.
M. Willems comprend que la ministre dise que les anciennes règles restent applicables aux conventions conclues avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi. Mais les anciennes règles peuvent impliquer une éventuelle adaptation parce que les circonstances ont changé. C'est d'ailleurs ce que dit la jurisprudence actuelle.
Mme Nyssens renvoie aux déclarations antérieures de la ministre sur la notion d'état de besoin. La ministre s'est référée aux articles 205 et 205bis du Code civil. L'intervenante souligne que la notion d'état de besoin dans les articles 205 et 205bis est beaucoup plus stricte et minimaliste que l'acception que l'on veut donner à cette notion pour fixer le montant de la pension alimentaire après divorce. Elle ne veut pas que le contenu de la notion d'état de besoin visée à l'article 301, § 2, proposé, soit calqué sur celle des articles 205 et 205bis du Code civil.
La ministre partage cette analyse.
Amendement nº 26
Mme Nyssens dépose l'amendement nº 26 (doc. Sénat, nº 3-2068/2) visant à remplacer le § 2, alinéa 2, de l'article 301 proposé. Cet amendement est une suite logique de l'amendement nº 21 du même auteur.
Amendement nº 66
Mme Nyssens dépose l'amendement nº 66 (doc. Sénat, nº 3-2068/2), qui est subsidiaire à son amendement nº 26. L'auteur propose de remplacer les mots « peut refuser » par les mots « refuse » dans le § 2, alinéa 1er de l'article 301 proposé.
Mme Nyssens estime que si la faute grave est prouvée dans le chef du demandeur de la pension alimentaire, le juge doit la refuser. Or, le projet prévoit que le juge peut refuser la pension alimentaire.
La ministre fait remarquer que le juge doit refuser la pension dans les cas spécifiques visés au § 2, alinéa 3. Dans les autres cas, le juge a une liberté d'appréciation.
Mme Nyssens trouve cependant curieux que pour les fautes graves autres que celles visées à l'alinéa 3, le tribunal ait la possibilité d'accorder la pension. Dans quelle hypothèse de faute grave le juge va-t-il malgré tout octroyer une pension alimentaire au conjoint fautif ?
La ministre répond que cette hypothèse correspond à ce que l'on entend actuellement par « injures graves ».
Mme de T' Serclaes observe que, dans ce cas, le juge dispose d'un pouvoir d'appréciation. Quelles sont les circonstances qui pourraient faire qu'il accorde néanmoins la pension ? Un conjoint peut très bien n'exercer aucune violence physique sur l'autre mais lui faire beaucoup de mal verbalement.
M. Mahoux fait observer que le caractère répétitif des manquements constituera sans nul doute un élément d'appréciation important.
Mme Nyssens fait remarquer que le contentieux relatif à la faute, évacué au stade du prononcé du divorce, réapparaîtra ici dans toute son ampleur.
Amendement nº 27
Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-2068 /2, amendement nº 27), qui énumère les critères que le tribunal prend en considération pour fixer la pension alimentaire. L'originalité de l'amendement par rapport au texte de base réside dans le fait que la durée du mariage est un critère parmi d'autres et non le critère principal en la matière. Par ailleurs, l'amendement ajoute d'autres critères, comme l'état de santé des époux.
L'auteur de l'amendement s'interroge en effet sur le motif pour lequel la durée du mariage serait le critère principal en matière de fixation de la pension alimentaire.
À ses yeux, les conséquences des choix professionnels opérés par les époux pendant la vie commune sont, par exemple, tout aussi importants.
La ministre répond que cet élément sera pris en compte dans le cadre des circonstances exceptionnelles. La durée du mariage a été prise comme critère principal, parce que l'on dénonçait le plus souvent des situations où le mariage avait été de courte durée et la pension alimentaire de très longue durée. Un mariage d'un an n'empêche pas un époux, après une période de transition, de se reprendre en charge.
Il est vrai que, dans certaines situations, la durée du mariage ne sera pas un critère suffisant. L'exemple-type est celui d'une femme qui a arrêté de travailler pour élever ses enfants et qui s'est ensuite mis, à la disposition de son mari pour développer son entreprise. Il s'agit là d'une circonstance particulière qu'il conviendra de prendre en compte.
Amendement nº 67
Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3- 2068/2, amendement nº 67), tendant à mentionner l'état de santé parmi les critères dont le juge devra tenir compte pour fixer la pension alimentaire.
Amendement nº 48
Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-2068/2, amendement nº 48), tendant à remplacer l'article 301, § 4, en projet, par ce qui suit:
« Le tribunal détermine dans son jugement la durée de l'obligation alimentaire après divorce, en tenant compte, notamment, de la durée du mariage et, éventuellement, de la durée de la vie commune entre les époux qui a précédé la conclusion du mariage.
Si le tribunal l'estime opportun, il peut, après avoir fixé une durée limitée à l'obligation alimentaire après divorce, indiquer dans son jugement que la situation pourra être réévaluée à l'expiration de cette durée et que l'obligation pourra éventuellement être prolongée. »
Il s'agit d'une variante des critères de fixation de la durée de la pension alimentaire généralement suggérés par les associations féminines.
Amendement nº 28
Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-2068/2, amendement nº 28), tendant à supprimer le § 4 de l'article 301 en projet.
L'auteur préfère intégrer l'élément relatif à la durée du mariage dans les critères dont le juge doit tenir compte plutôt qu'adopter le principe général selon lequel la durée de la pension ne peut être supérieure à la durée du mariage.
Amendement nº 29
Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-2068/2, amendement nº 29), tendant à supprimer le § 5 de l'article 301 en projet.
Compte tenu de la définition qu'elle adopte de la pension alimentaire et des critères dont le juge doit tenir compte, l'auteur pense que la notion d'état de besoin est trop restrictive dans l'appréciation du montant de la pension alimentaire.
Amendement nº 30
Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-2068/2, amendement nº 30), tendant à compléter le § 8 de l'article 301 en projet, par ce qui suit:
« Lorsque les circonstances le permettent, le juge peut également imposer au débiteur de la pension le paiement d'un capital, sous quelque forme que ce soit, y compris l'octroi d'un droit en pleine propriété ou en usufruit sur un ou plusieurs biens mobiliers ou immobiliers des époux. »
En effet, actuellement, il n'y a aucune possibilité pour le créancier alimentaire d'obtenir le paiement d'un capital si le débiteur ne l'accepte pas. Le présent projet crée cette possibilité qui peut être une solution dans les situations où le juge estime précisément qu'il ne serait pas opportun que la pension alimentaire soit payée pendant un trop long délai.
M. Mahoux demande ce qu'il adviendra du débiteur qui ne disposerait pas du capital en question.
Mme Nyssens répond que le juge appréciera les possibilités financières du débiteur en la matière.
La ministre fait observer que l'on s'écarte ici du souci de conserver à l'autre époux un train de vie comparable à celui des parties durant le mariage.
Amendement nº 47
Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3- 2068/2, amendement nº 47), tendant à remplacer l'article 301, § 3, en projet par ce qui suit:
« § 3. Le tribunal fixe les modalités précises d'exécution de l'obligation alimentaire après divorce.
Il tient compte des revenus et possibilités des conjoints et de la dégradation significative de la situation économique du bénéficiaire. Pour apprécier cette dégradation, le juge se fonde notamment sur la durée du mariage, l'âge et l'état de santé des parties, leur comportement durant le mariage à propos de l'organisation de la vie familiale, la charge des enfants pendant la vie commune ou après celle-ci. Le juge peut décider le cas échéant que la pension sera dégressive et déterminer dans quelle mesure elle le sera.
Lorsque le tribunal alloue une pension alimentaire, celle-ci ne peut excéder le tiers des revenus du conjoint débiteur ».
Il s'agit à nouveau d'une variante des critères dont le juge doit tenir compte.
Articles 8 à 11
Ces articles n'appellent aucune observation.
Article 12
Amendement nº 51
M. Hugo Vandenberghe dépose l'amendement nº 51 (doc. Sénat, nº 3-2068/2) visant à compléter l'article 308 proposé. L'exclusion de l'époux auquel le divorce est manifestement imputable du bénéfice d'une pension alimentaire doit s'appliquer, mutatis mutandis, au devoir de secours au détriment de l'époux auquel l'échec du mariage est manifestement imputable et ce, en vertu des articles 10 et 11 de la Constitution.
Article 13
Cet article n'appelle aucune observation.
Article 13bis (art. 15 du texte adopté)
Amendement nº 6
Mmes Defraigne et de T' Serclaes déposent l'amendement nº 6 (doc. Sénat, nº 3-2068/2) visant à insérer un article 13bis dans le projet de loi.
Mme Defraigne rappelle que le divorce a un effet rétroactif entre époux quant aux biens. Pour le divorce pour cause de désunion irrémédiable, les effets du divorce remontent au jour de la demande et, pour le divorce par consentement mutuel, au jour de la première comparution. Par contre, l'effet rétroactif ne concerne pas les tiers.
Les auteurs proposent de faire coïncider les effets du divorce à la date de la transcription, tant en ce qui concerne les époux que les tiers. Ils déposent à cet effet une série d'amendements (amendements nº 8, 9 et 10) afin d'apporter les modifications nécessaires au Code civil et au Code judiciaire.
Dans cette logique, l'amendement nº 6 propose de compléter l'article 1400 du Code civil afin de prévoir que les biens et les revenus acquis par les époux après la demande en divorce sont des biens propres.
Mme Defraigne souligne que la modification proposée fait écho à une demande des milieux universitaires qui suggèrent de faire coïncider la date à laquelle le divorce a des effets pour les époux et la date à laquelle il a des effets à l'égard des tiers.
La ministre pense que toutes les universités ne plaident pas pour la modification proposée. D'autre part, il est dangereux de modifier de manière incidente, à l'occasion d'une réforme du divorce, la matière des régimes matrimoniaux. Cela nécessiterait une réflexion séparée étant donné le risque de perturber les équilibres existants. Le projet ne modifie en effet pas les régimes matrimoniaux, sauf pour ce qui concerne la prise en compte des accords provisoires.
Par ailleurs, la modification proposée fait naître des droits dans le chef des tiers au moment de la demande en divorce alors que l'on ne connaît pas encore l'issue de ladite demande.
M. Hugo Vandenberghe avance que le problème évoqué par Mme Defraigne découle du fait que les conséquences juridiques sont différentes entre les conjoints, et à l'égard de tiers. Cela peut donner lieu à de graves problèmes en cas de liquidation et de partage.
La ministre reconnaît que le problème existe. Il n'est pas nouveau. L'objet du projet de loi n'est cependant pas de modifier les règles en matière de régimes matrimoniaux. Elle pense qu'il est préférable de résoudre le problème dans le cadre d'une réflexion sur les régimes matrimoniaux.
Mme Defraigne pense que la question de la double date des effets du divorce pourrait parfaitement être réglée à l'occasion d'une réforme du divorce, car la modification proposée ne touche pas aux régimes matrimoniaux en tant que tels.
L'intervenante souligne que les amendements offrent une meilleure protection des époux. Ceux-ci se trouvent à l'heure actuelle dans une situation aléatoire parce que les tiers ne sont pas au courant de la procédure en divorce et qu'ils peuvent, durant l'instance, exiger l'application du régime matrimonial. En faisant coïncider la date d'effets du divorce vis-à-vis des tiers et des conjoints, avec l'exigence de publicité de la demande en divorce, on protège mieux les époux.
Amendement nº 52
M. Hugo Vandenberghe dépose l'amendement nº 52 (doc. Sénat, nº 3-2068/2) visant à ajouter un article 13bis nouveau, étant donné que le rétablissement de l'article 230 du Code civil et l'abrogation des articles 231 et 232 du même Code imposent une modification de l'article 1428 du Code civil.
La ministre se rallie à cet amendement.
Article 13ter (art. 16 du texte adopté)
Amendement nº 7
Mmes Defraigne et de T' Serclaes déposent l'amendement nº 7 (doc. Sénat, nº 3-2068/2) visant à insérer un article 13ter dans le projet de loi.
Il est renvoyé à la discussion de l'amendement nº 6 à l'article 13bis (voir supra).
Amendement nº 53
M. Hugo Vandenberghe dépose l'amendement nº 53 (doc. Sénat, nº 3-2068/2) visant à insérer un article 13bis dans le projet de loi. Il est renvoyé à l'amendement nº 52 du même auteur (voir supra).
La ministre soutient cet amendement.
Article 13quater (art. 17 du texte adopté)
Amendement nº 54
M Hugo Vandenberghe dépose l'amendement nº 54 (doc. Sénat, nº 3-2068/2) visant à insérer un article 13quater dans le projet de loi. Il est renvoyé à l'amendement nº 52 du même auteur (voir supra).
La ministre soutient cet amendement.
Articles 14 à 16 (artt. 18 à 20 du texte adopté)
Ces articles n'appellent aucune observation.
Article 17 (art. 21 du texte adopté)
Amendement nº 8
Mmes Defraigne et de T' Serclaes déposent l'amendement nº 8 (doc. Sénat, nº 3-2068/2) visant à insérer un nouvel alinéa dans l'article 1254, § 1er, proposé du Code judiciaire. Cet amendement vise à assurer la publicité de la demande en divorce puisque les auteurs proposent d'aligner la date pour les effets du divorce vis-à-vis des conjoints et des tiers. Il est renvoyé à la discussion de l'amendement nº 6 à l'article 13bis.
Amendements nos 38 et 40
Mme Nyssens dépose les amendements nº 38 et 40 (doc. Sénat, nº 3-2068/2) visant à apporter des modifications à l'article 1254, proposé, du Code judiciaire.
L'auteur rappelle qu'elle n'est pas d'accord avec les délais très brefs dans lesquels le divorce pour désunion irrémédiable peut être obtenu. Elle soutient le principe du divorce pour cause de désunion irrémédiable mais moyennant une séparation de deux ans. Les amendements nos 38 et 40 sont la suite logique de l'amendement nº 37 qu'elle a déposé à l'article 2. Ils visent à adapter la procédure aux modifications de fond qu'elle propose au divorce pour cause de désunion irrémédiable (article 229 proposé du Code civil — article 2 du projet).
Article 17bis
Amendement nº 9
Mmes Defraigne et de T' Serclaes déposent l'amendement nº 9 (doc. Sénat, nº 3-2068/2) visant à insérer un nouvel article 17bis dans le projet de loi. Il est renvoyé à la discussion de l'amendement nº 6 à l'article 13bis.
Article 18 (art. 22 du texte adopté)
Amendements nos 31 et 32
Mme Nyssens dépose l'amendement nº 31 (doc. Sénat, nº 3-2068/2). L'auteur propose de porter de six mois à deux ans le délai de séparation de fait permettant d'aboutir à un divorce pour cause de désunion irrémédiable. Elle propose d'autre part de maintenir dans certaines hypothèses le divorce pour cause de faute.
À titre subsidiaire, elle dépose l'amendement nº 32, qui vise à supprimer au § 1er, alinéa 3, les mots « ou trois mois après la première comparution des parties » et au § 2, alinéa 2, les mots « ou six mois après la première audience ». L'auteur rappelle son opposition aux délais très courts dans lesquels le divorce pourra être obtenu à la suite de la réforme proposée.
En ce qui concerne les délais, la ministre renvoie aux arguments échangés lors de la discussion générale.
Mme Nyssens précise que son amendement nº 32 vise uniquement à supprimer la prise en compte du délai qui s'écoule depuis le dépôt de la demande en divorce lorsque la durée de la séparation de fait n'était pas suffisante au moment de l'introduction de la demande. La ministre avait laissé entendre qu'elle était ouverte à une adaptation du délai.
La ministre répond que le gouvernement ne déposera pas d'amendements visant à modifier les délais prévus dans le projet de loi. Elle est cependant ouverte à certaines adaptations des délais à condition que cela ne remette pas en cause la philosophie fondamentale du projet qui vise à introduire le divorce sans faute.
Mme Nyssens fait remarquer que son amendement nº 32 ne modifie pas la philosophie du projet de loi mais vise uniquement la répétition de la demande à deux reprises pendant la procédure.
Amendement nº 17
M. Hugo Vandenberghe et consorts déposent l'amendement nº 17 (doc. Sénat, nº 3-2068/2) visant à supprimer, au § 1er, alinéa 3, les mots « ou trois mois après la première comparution des parties » et, au § 2, alinéa 2, les mots « ou six mois après la première audience ». Le projet de loi autorise les divorces après respectivement trois et six mois de mariage. Cela n'est pas souhaitable. Il convient de limiter les risques de tentatives de mariages de complaisance et de prévoir une période de réflexion.
Amendement nº 3
Mmes Defraigne et de T' Serclaes déposent l'amendement nº 3 (doc. Sénat, nº 3-2068/2), qui découle de leur amendement nº 1 à l'article 2. Les auteurs proposent de ne rendre le divorce pour désunion irrémédiable possible qu'après une séparation de fait de deux ans.
La ministre rappelle qu'elle n'est pas favorable à un délai de séparation aussi long. Le projet de loi veut empêcher des procédures interminables au cours desquelles les époux se déchirent. Elle veut une pacification des procédures en organisant le divorce sans faute dans des délais qui ne sont pas trop longs. Si l'on veut aller jusqu'à une période de séparation de deux ans, cela dénature complètement la philosophie du projet.
Mme de T' Serclaes souligne que l'amendement ne remet pas en question le principe du divorce sans faute. Le débat sur le délai ne met pas en péril le divorce sans faute. Elle pense qu'une période de séparation de deux ans n'est pas excessive.
Selon M. Hugo Vandenberghe, d'un point de vue tant sociologique que statistique, il est totalement faux de prétendre que le divorce sans faute n'existe pas aujourd'hui, dès lors qu'environ 85 % des divorces en Flandre sont des divorces par consentement mutuel. Il faut se garder de créer une nouvelle forme de divorce qui, par essence, porte atteinte au divorce par consentement mutuel qui privilégie la capacité des parties à résoudre leurs conflits.
Amendement nº 4
Mmes Defraigne et de T' Serclaes déposent l'amendement nº 4 (doc. Sénat, nº 3-2068/2), qui vise à supprimer le § 2, alinéa 2, de l'article 1255 proposé.
Amendement nº 5
Mmes Defraigne et de T' Serclaes déposent l'amendement nº 5 (doc. Sénat, nº 3-2068/2) visant à insérer un nouveau § 4bis dans l'article 1255 proposé.
Mme Defraigne rappelle que la procédure de consentement mutuel impose que les époux s'accordent sur l'ensemble des problèmes. L'intérêt de la réforme proposée est qu'elle permet d'avancer sans exiger un accord global total. Les auteurs veulent cependant éviter que le divorce soit prononcé rapidement sans que les parties n'aient pu trouver le moindre accord. L'amendement prévoit que les parties doivent s'accorder sur une série de points essentiels tels que le logement familial, l'autorité parentale, la contribution alimentaire, etc., avant que le divorce puisse être prononcé. À défaut d'accord, il faut que les parties aient saisi le juge compétent pour le règlement des mesures provisoires.
La ministre pense que l'amendement a pour effet d'imposer un contentieux aux parties concernées. Elle ne comprend pas pourquoi il faut obliger les époux qui divorcent à soumettre au magistrat des points qu'ils n'estiment pas nécessaire de soumettre à une juridiction. Elle ne soutient pas cet amendement.
Mme Defraigne souligne que le contentieux existera de toute façon. Elle pense qu'il est préférable d'encourager les accords entre parties en amont du prononcé du divorce plutôt que de reporter les discussions en aval. Le contentieux sera d'ailleurs bien plus délicat à régler une fois le divorce prononcé. L'amendement offre par ailleurs une plus grande sécurité aux parties sans exiger que tout soit réglé comme dans le cas du consentement mutuel.
La ministre ne partage pas cette analyse. Elle pense qu'il est possible que les parties ne s'accordent pas à un moment donné mais qu'elles puissent mener un dialogue responsable en dehors des juridictions.
Amendement nº 36
Mme Nyssens dépose l'amendement nº 36 (doc. Sénat, nº 3-2068/2) qui vise à remplacer le § 3, alinéa 6, proposé, relatif à la procédure de médiation.
En droit canadien ou en droit français, lorsque les parties ne sont pas allées en médiation ou qu'elles ne connaissent pas la procédure de médiation, on leur ordonne de s'informer sur ce qu'est la médiation. Il est évident que l'on ne peut imposer aux parties d'aller en médiation car il n'est pas possible de contraindre des personnes de s'entendre en médiation. Par contre, on peut les obliger à s'informer sur les possibilités qu'offre une procédure de médiation. Le délégué général aux droits de l'enfant propose cette solution depuis plusieurs années. L'amendement va dès lors un peu plus loin que le projet de loi puisqu'il prévoit que les parties devront donner la preuve qu'elles se sont informées sur la procédure de médiation.
La ministre remarque que la seule différence par rapport au projet de loi est que l'amendement prévoit que le magistrat remet aux parties une brochure d'information sur la médiation.
M. Willems peut souscrire au texte de l'article tel qu'il a été adopté par la Chambre des représentants et qui contient le principe de la médiation. Le juge tente de concilier les parties. Le juge peut suspendre la procédure s'il remarque que la médiation est susceptible de fournir une solution. Le présent amendement créera un problème supplémentaire pour les parties et il complique la procédure, celle-ci étant obligatoirement suspendue d'office. De ce fait, la procédure traînera plus en longueur et les problèmes entre les parties continueront à s'envenimer.
Mme de Bethune soutient l'amendement. Elle renvoie à l'exposé de la commissaire aux droits de l'enfant, Mme Vandekerckhove, qui affirmait à juste titre que l'on ne peut contraindre des personnes à la médiation. Le but est uniquement d'intégrer une prise de connaissance obligatoire de la médiation. L'intervenante renvoie à la prise de connaissance obligatoire au Canada dont les résultats sont manifestement très positifs.
Amendement nº 33
Mme Nyssens dépose l'amendement nº 33 (doc. Sénat, nº 3-2068/2) visant à modifier l'article 1255, § 7, proposé. Le § 7 vise l'hypothèse de l'époux qui est dans un état grave de déséquilibre mental. Le projet permettrait à cet époux d'être demandeur en divorce et représenté par son tuteur. Mme Nyssens s'étonne d'une telle solution car, dans les actions personnelles, jamais un tuteur ne peut représenter une personne.
Par ailleurs, le § 7 se réfère aux notions d'administrateur provisoire général ou spécial. Or, ces notions n'existent plus dans notre droit.
La ministre soutient cet amendement qui ne remet pas en cause la nature du projet de loi mais qui supprime le risque d'effets pervers que le § 7 pourrait avoir.
Amendement nº 39
Mme Nyssens dépose l'amendement nº 39 (doc. Sénat, nº 3-2068/2) visant à apporter les modifications suivantes à l'article 1255, proposé, du Code judiciaire: le littera A propose de supprimer les §§ 1er à 5. Les litteras B et C proposent de modifier les §§ 6 et 7 qui deviennent respectivement les §§ 1er et 2.
Mme Nyssens trouve que la comparution personnelle de la partie qui demande le divorce est indispensable, sauf circonstances exceptionnelles. Elle propose également d'aménager la représentation de l'époux dans un état grave de déséquilibre mental (voir supra, amendement nº 33).
La ministre répond qu'elle ne peut soutenir le littera A car il remet en cause de manière radicale la procédure de divorce proposée.
Mme Nyssens précise que le but du littera C est de veiller à ce que la personne en état grave de déséquilibre mental puisse uniquement être défenderesse à la cause.
La ministre pense que le littera C fait double emploi avec l'amendement nº 33 déposé par Mme Nyssens.
Amendement nº 64
M. Mahoux et Mme Defraigne déposent l'amendement nº 64 (doc. Sénat, nº 3-2068/2) visant à allonger, au § 2, alinéa 2, proposé, le délai dans lequel le juge peut fixer une nouvelle audience lorsque les parties ne sont pas séparées de fait depuis plus d'un an. Les auteurs proposent de porter le délai de six mois à un an.
L'amendement prévoit en outre la comparution personnelle des parties lors de la première comparution, lorsque les deux conjoints demandent le divorce. Dans les autres cas, c'est la comparution personnelle de la partie demanderesse qui est prévue.
M. Willems estime que le fait de laisser traîner des procédures en longueur peut avoir des conséquences très pénibles.
En ce qui concerne le littera b) de l'amendement, l'intervenant ne comprend pas pourquoi la comparution personnelle est requise lorsque le divorce a été sollicité conjointement. L'insertion d'une période de réflexion n'a aucune utilité en pareil cas.
M. Vandenberghe souligne que la comparution personnelle est également obligatoire en cas de consentement mutuel.
Selon M. Willems, la comparution personnelle se déroule d'une manière souvent très pénible et humiliante, même en cas de divorce par consentement mutuel.
M. Mahoux pense que le fait d'exiger la comparution personnelle lors de la première audience n'est pas une régression par rapport au texte adopté par la Chambre. Il est exagéré de présenter cette exigence comme une démarche infernale pour les conjoints qui souhaitent divorcer.
En ce qui concerne la seconde modification proposée, M. Mahoux pense que le fait de porter le délai de six mois à un an ne remet absolument pas en question le fondement véritable de la réforme de la procédure en divorce. L'amendement est attentif à certaines craintes exprimées concernant la rapidité de la procédure. L'intervenant pense que le délai d'un an est celui qui peut faire l'objet du consensus le plus large.
Mme Nyssens pense que le délai d'un an est un bon équilibre. Au niveau du droit européen, des principes ont été définis en matière de famille, de divorce et de pensions alimentaires entre époux divorcés. La commission du droit de la famille recommande aux États membres de suivre un délai d'un an qui correspond à une norme de culture européenne.
L'intervenante ne comprend par ailleurs pas comment des personnes pourraient divorcer sans devoir se présenter au minimum une fois devant un tribunal pour confirmer leur intention.
Mme Defraigne se rallie aux propos de M Mahoux. En ce qui concerne le délai, elle confirme les inquiétudes exprimées par rapport à un délai de six mois. Certains réclament un délai de deux ans. L'amendement opte pour un délai d'un an qui est une voie médiane sans dénaturer les apports de la réforme.
En ce qui concerne la comparution personnelle, l'intervenante pense que le désagrément qu'elle engendre pour les époux concernés est tolérable. En outre, cela peut permettre d'éviter d'éventuelles pressions intrafamiliales.
En ce qui concerne le remplacement du délai de six mois par le délai d'un an, M. Willems attire l'attention sur le fait que cela concerne le cas où le divorce est demandé par l'un des époux et où le juge constate que les parties ne sont pas encore séparées de fait depuis un an. Dans ce cas, le juge fixe une nouvelle audience, qui a lieu à une date immédiatement ultérieure à l'écoulement du délai d'un an, ou un an après la première audience (six mois dans le texte de la Chambre). L'intervenant ne comprend pas pourquoi le délai de six mois est ici remplacé par un délai d'un an. Il vaudrait mieux abroger le membre de phrase « ou six mois après la première audience ». L'amendement pourrait en effet susciter des problèmes d'interprétation.
La ministre reconnaît que les deux conjoints peuvent introduire la demande en divorce pour désunion irrémédiable sans qu'il y ait de séparation de fait ou qu'ils soient en mesure de prouver la séparation.
M. Willems fait valoir que la demande est introduite sur la base de l'article 229, § 3, qui porte sur la séparation de fait.
Comment concilier l'article 1255, § 2 avec l'article 229, § 3 ?
La ministre répond que le système est assez simple: l'hypothèse où il peut y avoir intérêt à ce que les deux délais coexistent est celle où les époux soit ne sont pas encore séparés de fait (et nul n'est obligé de se séparer pour demander le divorce) soit ne peuvent pas prouver qu'ils le sont, notamment parce qu'ils n'ont pas demandé leur changement de domicile lors de leur séparation, ou parce que l'administration communale met plusieurs semaines à acter ce changement.
L'époux dépose sa requête en divorce et, lorsqu'il comparaît devant le juge, le délai d'un an n'est pas encore écoulé. Il va donc devoir comparaître une deuxième fois après un an. L'utilité de maintenir le délai d'un an entre les deux comparutions est de dispenser les parties de devoir prouver leur séparation de fait.
M. Vandenberghe renvoie à l'article 1255, § 1er, qui dispose que le juge prononce le divorce s'il est établi que les parties sont séparées de fait depuis plus de six mois. L'objectif de la Chambre est manifestement de supprimer le divorce par consentement mutuel en créant une forme de divorce permettant aux parties d'obtenir de plano le divorce après six mois de séparation de fait, sans garanties supplémentaires.
L'intervenant voit une contradiction entre le § 1er proposé et l'amendement proposé au § 2.
La ministre répond que le système est construit de la façon suivante: lorsqu'il y a demande conjointe, il faut une séparation de 6 mois, ou deux comparutions sur 3 mois.
Quand les parties ne demandent pas conjointement le divorce, le texte actuel prévoit qu'il faut un an de séparation, ou deux comparutions sur 6 mois.
Le § 1er concerne le divorce sollicité conjointement. L'amendement ne concerne pas cette hypothèse.
Le § 2 porte sur la demande de divorce unilatérale.
Sur ce point, la ministre déclare qu'il existe des arguments en sens divers. Le projet exige un an de séparation, ou deux comparutions sur 6 mois. Certains estiment que cette dernière formule permet de prendre en compte les cas où les parties sont séparées depuis longtemps sans pouvoir en rapporter la preuve, et de « rattraper » le temps de séparation qui s'est écoulé mais que l'on n'a pas fait constater.
Les organisations féminines entendues se sont plutôt focalisées sur l'hypothèse où les époux ne seraient pas séparés avant l'introduction de la demande par l'un d'eux, et où le délai de 6 mois ne serait donc pas complété par une période complémentaire de séparation non actée officiellement.
Les deux points de vue sont pertinents. Par ailleurs, l'amendement ne change en rien la nature du projet de loi. C'est pourquoi la ministre a déclaré qu'elle s'en remettait sur ce point à la sagesse de la commission.
M. Vandenberghe maintient que le projet de loi à l'examen a pour effet de rendre le divorce par consentement mutuel de toute évidence beaucoup moins intéressant que le divorce en application de l'article 1255, § 1er. Le législateur introduit ici une possibilité de divorce bien plus souple et plus rapide, sans aucune garantie ou accord en ce qui concerne la liquidation du patrimoine et les enfants. On peut se demander si cette forme de divorce entraînera une diminution du nombre de procédures.
Article 19 (art. 23 du texte adopté)
Amendement nº 41
Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-2068/2, amendement nº 41), qui propose de remplacer l'article 1256, alinéa 3, en projet.
Le projet de loi ne change rien, semble-t-il, aux compétences des juges.
L'amendement propose que le juge qui ordonne les mesures provisoires soit le même que le juge du fond, étant donné que l'on n'a pas encore créé de tribunal de la famille, et vu la philosophie du projet de loi, qui accélère le prononcé du divorce alors que le règlement des conséquences de la séparation risque de prendre du temps.
La ministre constate que cet amendement introduit à nouveau la discussion sur le regroupement des compétences et, par là, sur la création d'un véritable tribunal de la famille. La ministre préfère procéder par la voie d'une réforme plus globale, qui reste pour elle une priorité, mais qui ne pourra être menée à bien avant la fin de la législature.
Mme Nyssens estime que, dans l'attente d'une vaste réforme, dont on sait qu'elle est toujours difficile, son amendement permettrait d'aller dans la bonne direction, dans une matière bien délimitée.
Amendement nº 42
Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-2068/2, amendement nº 42), qui tend à compléter l'article 1256 en projet par un alinéa 4 (nouveau), et constitue le prolongement de l'amendement nº 41 susmentionné.
Article 20 (art. 24 du texte adopté)
Amendement nº 43
Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-2068/2, amendement nº 43), qui tend à supprimer l'article 1257 en projet.
Articles 21 et 22 (artt. 25 et 26 du texte adopté)
Ces articles n'appellent pas d'observation.
Article 23 (art. 27 du texte adopté)
Amendement nº 34
Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-2068/2, amendement nº 34), qui tend à supprimer cet article.
Article 24 (art. 28 du texte adopté)
Cet article n'appelle pas d'observation.
Article 24bis
Amendements nos 10 et 44
Mmes Defraigne et de T' Serclaes déposent un amendement (doc. Sénat, nº 3-2068/2, amendement nº 10), tendant à insérer un article 24bis nouveau dans le projet de loi.
Cet amendement concerne à nouveau le problème de la double date.
Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-2068/2, amendement nº 44), tendant également à insérer un article 24bis nouveau dans le projet de loi.
Cet amendement s'inscrit dans la même logique que les amendements du même auteur aux articles précédents.
Articles 25 à 31 (artt. 29 à 31 et 33 à 36 du texte adopté)
Ces articles n'appellent pas d'observation.
Article 32 (art. 37 du texte adopté)
Amendement nº 12
M. Willems et Mme Hermans déposent l'amendement nº 12 (doc. Sénat, 3-2068/2) qui vise à abroger l'article 1016bis du Code judiciaire. Vu la suppression du divorce pour cause déterminée, il est effectivement étonnant que la procédure concrète du constat d'adultère soit maintenue. Les règles de procédure relatives au constat d'adultère par huissier de justice ne sont plus de notre époque et doivent être abrogées.
Article 33 (art. 41 du texte adopté)
Amendements nos 69, 11, 35, 49, 55 et 72
M. Mahoux dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-2068/3, amendement nº 69), tendant à insérer dans cet article un § 1erbis, libellé comme suit:
« § 1erbis. Les anciens articles 229, 231 et 232 du Code civil restent applicables aux procédures de divorce ou de séparation de corps introduites avant l'entrée en vigueur de la présente loi et pour lesquelles un jugement définitif n'a pas été prononcé.
Le droit à la pension alimentaire après divorce reste déterminé par les dispositions des anciens articles 301, 306, 307 et 307bis du même Code, sans préjudice des §§ 2 et 4 du présent article. »
Il s'agit de régler le sort des procès en cours.
Le premier alinéa permet aux juge de trancher les litiges en cours en vertu du droit ancien, sans devoir rouvrir les débats si la loi entre en vigueur pendant le délibéré. En revanche, en degré d'appel, on appliquera immédiatement le nouveau droit, même si le jugement a été rendu sur base des anciens textes.
Quant au droit à la pension alimentaire, il sera également réglé comme si le jugement était prononcé avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, mais on tiendra compte des règles de droit transitoire des §§ 2 et 4.
La ministre soutient cet amendement.
Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-2068/2, amendement nº 35), tendant à supprimer le § 4 de l'article.
Mmes Defraigne et de T' Serclaes ont également déposé un amendement (doc. Sénat, nº 3-2068/2, amendement nº 11), qu'elles retirent au bénéfice de l'amendement nº 49 de Mme Nyssens. Ce dernier amendement (doc. Sénat, nº 3-2068/2) tend à remplacer le § 4 de l'article par la disposition suivante:
« § 4. L'article 301, § 7, du même Code, tel que modifié par l'article 7 de la présente loi, est applicable aux pensions alimentaires après divorce, telles qu'elles avaient été définitivement fixées ou convenues avant l'entrée en vigueur de la présente loi ».
S'agissant des dispositions transitoires, Mme de T' Serclaes souligne que le projet revient sur des pensions alimentaires après divorce qui ont été fixées par un jugement.
L'amendement prévoit que l'on ne peut revenir sur la durée de la pension alimentaire que dans les circonstances visées à l'article 301, § 7. L'amendement prévoit qu'il en va de même pour la pension alimentaire versée après un divorce par consentement mutuel.
Mme Nyssens estime qu'il n'est pas indiqué d'appliquer les dispositions nouvelles aux pensions alimentaires découlant de procédures de divorce définitivement clôturées, ce qui crée un effet de surprise.
Quid par ailleurs des procédures en cours ? Supposons qu'une procédure en divorce pour cause déterminée soit actuellement engagée, que les plaidoiries sur la faute aient déjà eu lieu. Les effets seront-ils régis par les règles nouvelles ? Ici encore, il y aura un effet de surprise.
Mme Defraigne dépose encore un amendement (doc. Sénat, nº 3-2068/3, amendement nº 72), tendant à remplacer le § 4 de l'article par ce qui suit:
« § 4. — L'article 301 § 4 du même Code, modifié par l'article 7 de la présente loi, n'est pas applicable aux pensions alimentaires fixées par un jugement ou un arrêt rendu avant l'entrée en vigueur de la présente loi ».
La ministre répond que l'on applique les principes généraux du droit transitoire, comme on l'avait d'ailleurs fait en 1998 pour la nouvelle loi sur la prescription.
C'est la seule solution qui permette de concilier les droits des parties et qui soit conforme au principe d'égalité.
Pour rappel, à la Chambre, certains étaient d'avis que les dispositions nouvelles non seulement étaient d'application immédiate aux procédures en cours, mais imposaient la révision immédiate de toutes les décisions antérieures relatives aux pensions alimentaires.
Ainsi, si une pension alimentaire avait été octroyée pour une durée indéterminée, après un mariage de 10 ans, et que plus de 10 ans se sont écoulés depuis le divorce, l'application de la nouvelle loi aura pour effet la suppression de la pension.
La solution retenue est différente: dans l'exemple précité, la penson alimentaire sera encore due pendant 10 ans. Au terme de cette période, la loi nouvelle permet de déroger à la règle générale qu'elle fixe pour des raisons exceptionnelles (raisons de santé, époux ayant consacré toutes ses potentialités économiques à aider son conjoint dans son entreprise, ...).
Mme de T' Serclaes déplore le fait que des personnes âgées, qui ont été mariées depuis de longues années, devront se présenter devant un tribunal pour exposer les circonstances qui justifient la prolongation de leur pension alimentaire.
La ministre fait observer qu'à l'heure actuelle, le débiteur de la pension alimentaire peut à tout moment demander sa révision ou sa suppression.
Mme Nyssens estime qu'une loi qui règle la manière dont on fixe le montant de la pension alimentaire n'est pas une loi de procédure, mais de fond. Le droit transitoire invoqué par la ministre ne s'applique donc pas en l'occurrence.
De plus, pourquoi seul l'article 301,§ 4, c'est-à-dire la durée de la pension alimentaire, fait-il l'objet de dispositions transitoires ? Quid de l'application de cette règle de droit transitoire pour le principe même de la pension et pour son calcul ?
M. Vandenberghe reconnaît que la question de l'application de la loi dans le temps donne effectivement lieu à discussion. L'intervenant renvoie à la question qu'il a posée à la ministre sur l'application de la clause d'écolage insérée dans la loi-programme de décembre 2006. Le gouvernement a répondu qu'une nouvelle règle de droit matériel ne s'applique pas à un contrat en cours d'exécution; cependant, si les effets juridiques s'appliquent uniquement après l'entrée en vigueur, la nouvelle règle est d'application. L'intervenant estime qu'on déroge à la règle de droit commun de l'effet de la loi dans le temps lorsque la loi modifie une pension alimentaire existante, dont les droits ont été arrêtés de manière définitive dans un jugement ou dans un arrêt.
La ministre renvoie à la note rédigée par le professeur Leleu, spécialiste du droit transitoire, et qui figure dans le rapport de la commission de la Justice de la Chambre. Elle pense que, si l'on s'écarte des principes généraux en matière de droit transitoire, cela suscitera des difficultés devant la Cour d'arbitrage.
M. Willems renvoie au § 4 de l'article 33 relatif à l'application dans le temps de la règle concernant la limitation de la durée de la pension alimentaire. Qu'advient-il à l'expiration de cette durée ? Faut-il alors rendre un nouveau jugement ou la pension alimentaire prend-elle fin de plein droit ? En effet, la pension alimentaire a été fixée par un titre exécutoire.
La ministre répond que la pension est caduque de plein droit, comme le devient une pension alimentaire due à un époux pendant l'instance en divorce, lorsque le divorce est prononcé. En cas de contestation, ce sera le juge des saisies qui sera chargé de trancher l'incident.
M. Mahoux et Mme Kapompolé déposent un amendement (doc. Sénat, nº 3-2068/2, amendement nº 55) tendant à modifier l'article 33. Cet amendement, inspiré d'une observation du service d'Évaluation de la législation, est de nature technique.
Article 34 (art. 42 du texte adopté)
Cet article n'appelle pas d'observation.
Article 34bis (nouveau) (art. 43 du texte adopté)
Amendement nº 70
M. Mahoux dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-2068/3, amendement nº 70), tendant à insérer dans le projet de loi un article 34bis(nouveau), libellé comme suit:
« La présente loi entre en vigueur le 1er septembre 2007. »
Article 35 (nouveau) (art. 14 du texte adopté)
Amendement nº 56
M. Mahoux et Mme Kapompolé déposent un autre amendement (doc. Sénat, doc. Sénat, nº 3-2068/2, amendement nº 56), tendant à insérer dans le projet de loi un article 35(nouveau), libellé comme suit:
« À l'article 316bis du code civil, les mots « 1258 § 2 » sont remplacés par les mots « 1256 ». »
Il s'agit d'une adaptation technique suggérée par le Service d'évaluation de la législation.
Amendement nº 71
Mme de T' Serclaes dépose également un amendement (doc. Sénat, nº 3-2068/ ..., amendement nº 71), tendant à insérer dans le projet de loi un article 35 nouveau, libellé comme suit: « ... ».
« Art. 35. — § 1er. Les anciens articles 229, 231 et 232 du Code civil sont maintenus pour les procédures de divorce et de séparation de corps introduites avant l'entrée en vigueur de la présente loi et dans lesquelles aucun jugement ou arrêt définitif n'a été prononcé.
§ 2. Dans les cas prévus par le § 1er, le droit à une pension après divorce est déterminé sur base des anciens articles 301, 306, 307 et 307bis du même Code. »
L'auteur continue à penser que les pensions obtenues antérieurement dans le cadre d'un divorce pour faute ne doivent pas se voir appliquer la limitation de durée au nombre d'années de mariage, prévue par la loi nouvelle.
Articles 36 à 42 (nouveaux) (artt. 15 à 17, 32, 38, 39 et 40 du texte adopté)
Amendements nos 57 à 63
M. Mahoux et Mme Kapompolé déposent sept amendements (doc. Sénat, nº 3-2068/2, amendements nº 57 à 63), tendant à insérer des articles 36 à 42 (nouveaux) dans le projet de loi. Il s'agit de modifications techniques suggérées par le service d'Évaluation de la législation.
Les amendements nos 57 à 59 ont la même portée que les amendements nos 52 à 54 de M. Vandenberghe.
V. VOTES
L'amendement nº 37 de Mme Nyssens est rejeté par 9 voix contre 6 et 1 abstention.
L'amendement nº 18 de Mme Nyssens est rejeté par 10 voix contre 6.
L'amendement nº 65 de MM. Mahoux et Seminara est adopté par 11 voix et 5 abstentions.
L'amendement nº 13 de M. Hugo Vandenberghe et consorts et rejeté par 10 voix contre 6.
L'amendement nº 19 de Mme Nyssens est rejeté par 9 voix contre 6 et 1 abstention.
Les amendements nos 1 et 2 de Mmes de T' Serclaes et Defraigne sont rejetés par 9 voix contre 7.
L'amendement nº 21 de Mme Nyssens est rejeté par 9 voix contre 6 et 1 abstention.
L'amendement nº 20 de Mme Nyssens et l'amendement nº 14 de M. Hugo Vandenberghe et consorts sont rejetés par 10 voix contre 5 et 1 abstention.
L'amendement nº 15 de M. Hugo Vandenberghe et consorts est rejeté par 11 voix contre 5.
L'amendement nº 22 de Mme Nyssens et rejeté par 10 voix contre 5 et 1 abstention.
L'amendement nº 23 de Mme Nyssens et l'amendement nº 50 de M. Hugo Vandenberghe sont rejetés par 11 voix contre 5.
L'amendement nº 24 de Mme Nyssens et l'amendement nº 16 de M. Hugo Vandenberghe sont rejetés par 11 voix contre 5.
L'amendement nº 45 de Mme Nyssens est rejeté par 9 voix contre 5 et 2 abstentions.
L'amendement nº 25 de Mme Nyssens est rejeté par 11 voix contre 5.
L'amendement nº 46 de Mme Nyssens est rejeté par 9 voix contre 5 et 2 abstentions.
Les amendements nos 26 et 66 de Mme Nyssens sont rejetés par 10 voix contre 5 et 1 abstention.
L'amendement nº 27 de Mme Nyssens est rejeté par 9 voix contre 5 et 2 abstentions.
L'amendement nº 67 de Mme Nyssens est rejeté par 10 voix contre 5 et 1 abstention.
Les amendements nos 68 et 48 de Mme Nyssens sont rejetés par 9 voix contre 5 et 2 abstentions.
Les amendements nos 47, 28, 29 et 30 de Mme Nyssens sont rejetés par 10 voix contre 5 et 1 abstention.
L'amendement nº 51 de M. Hugo Vandenberghe est rejeté par 10 voix contre 5 et 1 abstention.
L'amendement nº 6 de Mmes Defraigne et de T' Serclaes est rejeté par 11 voix contre 2 et 3 abstentions.
L'amendement nº 52 de M. Hugo Vandenberghe est adopté à l'unanimité des 16 membres présents.
L'amendement nº 7 de Mmes Defraigne et de T' Serclaes est rejeté par 11 voix contre 2 et 3 abstentions.
L'amendement nº 53 de M. Hugo Vandenberghe est adopté à l'unanimité des 16 membres présents.
L'amendement nº 54 de M. Hugo Vandenberghe est adopté à l'unanimité des 16 membres présents.
L'amendement nº 8 de Mmes Defraigne et de T' Serclaes est rejeté par 11 voix contre 2 et 3 abstentions.
Les amendements nos 38 et 40 de Mme Nyssens sont rejetés par 9 voix contre 5 et 2 abstentions.
L'amendement nº 9 de Mmes Defraigne et de T' Serclaes est rejeté par 11 voix contre 2 et 3 abstentions.
Les amendements nos 31 et 32 de Mme Nyssens sont rejetés par 10 voix contre 5 et 1 abstention.
L'amendement nº 17 de M. Hugo Vandenberghe et consorts est rejeté par 9 voix contre 5 et 2 abstentions.
Les amendements nos 3 et 4 de Mmes de T' Serclaes et Defraigne sont rejetés par 10 voix contre 6.
L'amendement nº 5 de Mme de T' Serclaes et Defraigne est rejeté par 9 voix contre 7.
L'amendement nº 36 de Mme Nyssens est rejeté par 11 voix contre 5.
L'amendement nº 33 de Mme Nyssens est adopté à l'unanimité des 16 membres présents.
L'amendement nº 39 de Mme Nyssens est retiré.
L'amendement nº 64 de M. Mahoux et Mme Defraigne est adopté par 8 voix contre 3 et 5 abstentions.
Les amendements nos 41 et 42 de Mme Nyssens sont rejetés par 9 voix contre 5 et 2 abstentions.
L'amendement nº 43 de Mme Nyssens est rejeté par 9 voix contre 5 et 2 abstentions.
L'amendement nº 34 de Mme Nyssens est rejeté par 10 voix contre 6.
L'amendement nº 10 de Mmes Defraigne et de T' Serclaes est rejeté par 11 voix contre 2 et 3 abstentions.
L'amendement nº 44 de Mme Nyssens est rejeté par 9 voix contre 5 et 2 abstentions.
L'amendement nº 12 de M. Willems et Mme Hermans est retiré.
L'amendement nº 11 de Mme Defraigne et de T' Serclaes est retiré.
Les amendements nos 35 et 49 de Mme Nyssens sont rejetés par 9 voix contre 7.
L'amendement nº 55 de M. Mahoux et Mme Kapompolé est adopté par 14 voix et 2 abstentions.
L'amendement nº 69 de M. Mahoux est adopté par 8 voix et 8 abstentions.
L'amendement nº 72 de Mme Defraigne est rejeté par 11 voix contre 2 et 3 abstentions.
L'amendement nº 70 de M. Mahoux est adopté par 7 voix contre 5 et 4 abstentions.
L'amendement nº 56 de M. Mahoux et Mme Kapompolé est adopté par 14 voix et 2 abstentions.
L'amendement nº 71 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 10 voix contre 6.
L'amendement nº 57 de M. Mahoux et Mme Kapompolé est devenu sans objet à la suite des amendements nos 52, 53 et 54.
L'amendement nº 58 de M. Mahoux et Mme Kapompolé est retiré.
L'amendement nº 59 de M. Mahoux et Mme Kapompolé est devenu sans objet à la suite des amendements nos 52, 53 et 54.
L'amendement nº 60 de M. Mahoux et Mme Kapompolé est adopté par 12 voix et 5 abstentions.
L'amendement nº 61 de M. Mahoux et Mme Kapompolé est adopté par 9 voix et 8 abstentions.
L'amendement nº 62 de M. Mahoux et Mme Kapompolé est adopté par 12 voix et 5 abstentions.
L'amendement nº 63 de M. Mahoux et Mme Kapompolé est adopté par 12 voix et 5 abstentions.
L'ensemble du projet de loi amendé est adopté par 10 voix contre 5 et 2 abstentions.
Le présent rapport a été a été approuvé à l'unanimité des 9 membres présents.
La rapporteuse, | Le président, |
Olga ZRIHEN. | Hugo VANDENBERGHE. |