3-1519/13

3-1519/13

Sénat de Belgique

SESSION DE 2006-2007

24 JANVIER 2007


Proposition de loi portant création d'un Conseil supérieur de déontologie des professions des soins de santé et fixant les principes généraux pour la création et le fonctionnement des Ordres des professions des soins de santé

Proposition de loi créant un Ordre des médecins

Proposition de loi créant l'Ordre des médecins

Proposition de loi modifiant l'arrêté royal nº 79 du 10 novembre 1967 relatif à l'Ordre des médecins

Proposition de loi créant un Ordre des pharmaciens

Proposition de loi créant un Ordre des kinésithérapeutes

Proposition de loi réglant une matière visée à l'article 77 de la Constitution concernant la déontologie des professions des soins de santé

Proposition de loi portant des dispositions relatives à l'Ordre des médecins et à l'Ordre des pharmaciens


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES PAR

MME DE SCHAMPHELAERE ET M. DESTEXHE



SOMMAIRE

I. INTRODUCTION

II. L'Ordre des médecins (Propositions de loi nº 3-373/1 et nº 3-413/1) et L'ordre des pharmaciens (proposition de loi nº 3-675/1): premières discussions

II.1. Exposés introductifs des auteurs

1. Exposé de M. Vankrunkelsven (proposition nº 3-373/1)

2. Exposé de Mme De Schamphelaere (proposition nº 3-413/1)

3. Exposé de Mme Van de Casteele (proposition nº 3-675/1)

II.2. Discussion

II.3. Texte d'orientation du ministre des Affaires sociales et de la Santé publique — Composition d'un groupe de travail technique au sein de la commission des Affaires sociales

III. AUDITIONS

IV. LA CRÉATION D'UN CONSEIL SUPÉRIEUR DE DÉONTOLOGIE:

PROPOSITION DE LOI PORTANT CRÉATION D'UN CONSEIL SUPÉRIEUR DE DÉONTOLOGIE DES PROFESSIONS DES SOINS DE SANTÉ ET FIXANT LES PRINCIPES GÉNÉRAUX POUR LA CRÉATION ET LE FONCTIONNEMENT DES ORDRES DES PROFESSIONS DES SOINS DE SANTÉ, Nº 3-1519/1

IV.1. Ordre des travaux

IV.2. Exposé introductif de M. Vankrunkelsven

IV.3. Discussion générale

IV.4. Discussion des articles

V. L'ORDRE DES MEDECINS

PROPOSITION DE LOI CRÉANT UN ORDRE DES MÉDECINS, Nº 3-373

PROPOSITION DE LOI CRÉANT L'ORDRE DES MÉDECINS, Nº 3-413/1

PROPOSITION DE LOI MODIFIANT L'ARRÊTÉ ROYAL Nº 79 DU 10 NOVEMBRE 1967 RELATIF À L'ORDRE DES MÉDECINS, Nº 3-1035

V.1. Exposés introductifs des auteurs

V.2. Discussion générale

V.3. Discussion des articles

VI. L'ORDRE DES PHARMACIENS

PROPOSITION DE LOI CRÉANT UN ORDRE DES PHARMACIENS, Nº 3-675

VI.1. Exposé introductif de Mme Van de Casteele

VI.2. Discussion générale

VI.3. Discussion des articles

VII. L'ORDRE DES KINESITHERAPEUTES

PROPOSITION DE LOI CRÉANT UN ORDRE DES KINESITHERAPEUTES, Nº 3-1777

VII.1. Exposé introductif de Mme Geerts

VII.2. Discussion

VIII. DÉCLARATIONS AVANT LE VOTE FINAL

IX. VOTE FINAUX


I. INTRODUCTION

La réforme des ordres des professions médicales fait l'objet de plusieurs propositions de loi: trois propositions ont trait à la réforme de l'Ordre des médecins et une à la réforme de l'Ordre des pharmaciens. Enfin, une dernière proposition vise à créer un Ordre des kinésithérapeutes.

Le 3 décembre 2003, une première proposition de loi créant un Ordre des médecins a été déposée par M. Vankrunkelsven et consorts (doc. Sénat, nº 3-373/1). Une seconde proposition de loi ayant le même objet était déposée par Mme de Schamphelaere le 11 décembre 2003 (doc. Sénat, nº 3-413/1).

Le 10 mars 2004, la commission a procédé à des auditions sur ces deux propositions. Le 17 mars 2004, elle a procédé à une deuxième série d'auditions portant sur la réforme de l'Ordre des pharmaciens. Dans la foulée de celles-ci, une proposition de loi créant un Ordre des pharmaciens (doc. Sénat, nº 3-675/1) a été déposée le 10 mai 2004 par Mme Van de Casteele et consorts.

Vu le souhait d'autres professions médicales de se doter d'un Ordre et la volonté d'assurer une plus grande uniformité dans les règles de fonctionnement des différents ordres, il a été envisagé de créer un organe supérieur chapeautant les différents ordres et établissant des principes généraux communs à tous. À la demande de la commission, le cabinet de M. Demotte, ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, a élaboré une note d'orientation sur le sujet (voir en annexe). La commission a dès lors décidé de procéder à des auditions, puis de mettre sur pied un groupe de travail chargé de rédiger une proposition de loi commune, auquel ont été invités à participer les représentants des différents groupes politiques.

Sur la base de cette note d'orientation, la création d'un Conseil supérieur de déontologie a fait l'objet d'auditions les 6, 13 et 27 octobre et 10 novembre 2004.

Le 16 février 2005, une troisième proposition relative à l'Ordre des médecins (doc. Sénat, nº 3-1035/1) était déposée par MM. Destexhe et Brotchi.

Enfin, sur la base des résultats des auditions et des concertations au sein du groupe de travail, M. Vankrunkelsven et Mme Van de Casteele ont élaboré une proposition de loi portant création d'un Conseil supérieur de déontologie des professions des soins de santé et fixant les principes généraux pour la création et le fonctionnement des Ordres des professions des soins de santé (doc. Sénat, nº 3-1519/1), cosignée par Mme Geerts et M. Mahoux. Parallèlement, les auteurs déposaient un amendement à leurs propres propositions nº 3-373 et nº 3-675 pour les adapter au nouveau paysage créé par leur proposition nº 3-1519.

La proposition de loi nº 3-1519 a été soumise à la section de législation du conseil d'État, qui a rendu un avis le 13 mars 2006 (doc. Sénat, 3-1519/2).

La commission a repris l'examen des différentes propositions de loi le 28 mars 2006 en prenant comme point de départ la proposition de loi nº 3-1519 fixant un tronc commun applicable aux différents ordres des professions des soins de santé.

La commission a examiné les propositions de loi au cours de ses réunions des 28 mars, 19 avril, 10, 17 et 31 mai 2006, 21 juin et 29 novembre 2006, ainsi que les 10, 17 et 24 janvier 2007.

La commission a voté, le 10 janvier 2007, les articles amendés des propositions de loi nos 3-373, 3-675, 3-1519 et 3-1777. Toutefois, le vote final de ces propositions de loi a été reporté. Avant d'y procéder, la commission a en effet jugé utile, le 17 janvier dernier, de recueillir l'avis du service Affaires juridiques, Évaluation de la législation et Analyse documentaire du Sénat. Il est ressorti de cet avis que les propositions de loi précitées contiennent aussi bien des matières visées à l'article 77 de la Constitution que des matières visées à l'article 78 de la Constitution. Une scission des propositions en question s'imposait donc, ainsi que le Conseil d'État l'avait déjà fait remarquer dans son avis (voir entre autres doc. Sénat, nº 3-1519/2). Dans le même temps, il a été procédé à une série de corrections de texte.

La commission a finalement adopté, le 24 janvier 2007, la proposition de loi — amendée — portant création d'un Conseil supérieur de déontologie des professions des soins de santé et fixant les principes généraux pour la création et le fonctionnement des Ordres des professions des soins de santé (doc. Sénat, nº 3-1519/14), qui contient uniquement des matières visées à l'article 78 de la Constitution. Les matières visées à l'article 77 de la Constitution ont été regroupées dans une proposition de loi distincte, qui a été élaborée à l'initiative de la commission en application de l'article 22.3 du règlement du Sénat (doc. Sénat, nº 3-2030/1).

La même procédure a été suivie pour les propositions de loi amendées créant un Ordre des médecins (doc. Sénat, nº 3-373/10), créant un Ordre des pharmaciens (doc. Sénat, 3-675/10) et créant un Ordre des kinésithérapeutes (doc. Sénat, nº 3-1777/5), dont les textes adoptés concernent uniquement des matières visées à l'article 78 de la Constitution. À cet effet a été adopté, pour chacune de ces propositions de loi, un amendement remplaçant intégralement le texte (voir respectivement les doc. Sénat nos 3-373/8, 3-675/8 et 3-1777/3). On a veillé ce faisant à ne maintenir, pour les dispositions générales qui n'étaient pas répétées dans la loi relative à la déontologie des professions des soins de santé, que les dispositions spécifiques à chacun des Ordres. Les autres dispositions, qui relèvent du champ d'application de l'article 77 de la Constitution, ont été regroupées en une seule proposition de loi, également élaborée à l'initiative de la commission en application de l'article 22.3 du règlement du Sénat (doc. Sénat, nº 3-2031/1).

II. L'ORDRE DES MÉDECINS (PROPOSITIONS DE LOI Nº 3-373/1 ET Nº 3-413/1) ET L'ORDRE DES PHARMACIENS (PROPOSITION DE LOI Nº 3-675/1): PREMIÈRES DISCUSSIONS

II.1. Exposés introductifs des auteurs

1. Exposé de M. Vankrunkelsven (Proposition nº 3-373/1)

M. Vankrunkelsven dit que sa proposition tend à répondre aux critiques formulées à l'encontre de l'actuel Ordre des médecins par une frange assez large de cercles de médecins, voire de patients. C'est la raison pour laquelle plusieurs propositions de réforme de cet ordre ont été formulées ces dernières années; le texte à l'examen reprend assurément quelques-unes des dispositions déjà proposées antérieurement.

Le premier reproche régulièrement adressé à l'ordre, garant de la déontologie — mais c'était encore plus le cas dans le passé — est une collusion avec plusieurs organisations de médecins dont les objectifs diffèrent et qui s'efforcent surtout de défendre les intérêts des médecins dans la tradition des mouvements corporatistes. Pour battre en brèche cette objection, la proposition à l'examen prévoit qu'il ne peut y avoir la moindre confusion d'intérêts entre les membres de l'ordre d'une part et les membres d'un mouvement syndical de l'autre.

Par ailleurs, l'ordre prête le flanc à plusieurs objections de nature juridique, qui appellent, dans son chef, un changement d'attitude:

— L'ordre étend parfois exagérément son rayon d'action. À l'avenir, il ne serait plus autorisé à se prononcer que sur des médecins dans le cadre de l'exercice de leur profession, mais en tenant compte du fait que les médecins réclament parfois des honoraires exorbitants;

— Rajeunissement et démocratisation de l'ordre;

— Élargissement du Conseil supérieur en y accueillant quelques non-médecins tout en conservant au conseil sa spécificité d'organe de médecins pour les médecins;

— Renforcement des droits de la défense par une uniformisation des divers conseils provinciaux, en leur confiant essentiellement une mission de conciliation. L'un des buts poursuivis est que toutes les affaires où aucune conciliation n'est possible soient tranchées par un organe nouveau, le conseil interprovincial. Un autre objectif est qu'il puisse y avoir réhabilitation et que les sanctions les plus lourdes ne puissent être infligées qu'à la majorité qualifiée;

— Les audiences de l'ordre sont en principe publiques; l'intervenant stigmatise en l'espèce l'incongruité due au fait que devant un conseil disciplinaire, un médecin est censé dire la vérité alors qu'il peut mentir devant un tribunal civil ou pénal. Si ces audiences devenaient publiques, elle pourraient donc être invoquées abusivement, par exemple par un tribunal civil. Comment sortir de ce dilemme ?

— Information plus assidue du patient;

— Outre les peines classiques, des peines alternatives peuvent aussi être infligées;

Enfin, la proposition tient compte du système constitutionnel actuel de notre pays et de la possibilité de voir intervenir dans le futur une redistribution prudente d'une série de compétences liées aux soins de santé.

2. Exposé de Mme de Schamphelaere (Proposition nº 3-413/1)

Mme De Schamphelaere estime que, depuis sa création, l'Ordre des médecins a été la cible de critiques diverses auxquelles la proposition à l'examen entend répondre. Elle se réfère par ailleurs à l'observation du ministre Wauters concernant la création de l'Ordre des médecins en 1937: « Nous voulons donner à l'Ordre des compétences disciplinaires afin de combattre les abus contre lesquels nos juges ne sont pas armés ». Cette observation, qui n'a rien perdu de son actualité, justifie la nécessité de créer une instance disciplinaire spécifique pour cette profession essentielle au sein de notre société.

Ce droit disciplinaire fait pourtant l'objet d'une critique importante, en ce sens que l'on peut avoir l'impression que le conseil de discipline vise à assurer la défense de la catégorie professionnelle plutôt que celle de la société ou du patient, qu'il s'agisse d'une personne isolée ou d'un groupe de personnes. D'autre part, le droit disciplinaire a lui-même été remis en question parce que il n'aurait aucune valeur ajoutée par rapport au droit pénal ou au droit civil. Or, ni le juge répressif ni le juge civil ne se prononcent directement sur la qualité des actes posés par le médecin. Et dans ce sens, on peut donc dire que le droit disciplinaire médical a bel et bien un rôle à jouer dès lors qu'il est l'instrument le plus approprié pour contrôler la qualité des actes posés par les médecins, pour enregistrer les manquements à cet égard et pour y porter remède.

Bien qu'étant convaincue de l'importance de ce droit disciplinaire, l'intervenante estime que le droit disciplinaire médical doit être mis en œuvre autrement que cela n'a été le cas jusqu'ici. En effet, en adaptant la composition et les compétences des divers organes de l'Ordre, on doit pouvoir faire en sorte de sauvegarder les droits de l'individu, y compris les droits de la défense. De plus, le caractère de droit public du régime disciplinaire devrait être davantage mis en avant, puisqu'il sert l'intérêt général.

Par les dispositions à l'examen concernant la composition et les compétences de l'Ordre, lesquelles présentent d'importantes similitudes avec la proposition susvisée, les auteurs entendent doter le droit disciplinaire d'une plus grande publicité et d'une plus grande impartialité.

En effet, jusqu'à ce jour, les interventions de personnes externes dans la procédure se limitaient à l'introduction de la plainte par le plaignant et au contrôle du respect des principales règles de procédure par un ou plusieurs magistrats. Il faut réserver à la collectivité une place plus importante dans le fonctionnement des organes disciplinaires. On adjoindra au Conseil national un certain nombre de membres à désigner par le ministre compétent, tandis que les nouveaux conseils disciplinaires interprovinciaux seront composés pour moitié de magistrats non élus.

Ainsi, on mettra fin au corporatisme et on renforcera l'élément juridique, ¬ y compris en première instance, ¬ tout en maintenant le droit disciplinaire des médecins. Cette solution s'avérera, même à court terme, meilleure que celle qui consisterait à transférer toute la procédure disciplinaire aux tribunaux ordinaires, qui ne possèdent pas la compétence nécessaire pour traiter ces problèmes médicaux très spécifiques.

En outre, on introduit une série de garanties en faveur du patient qui a déposé la plainte: on confère à la procédure un caractère contradictoire, on donne au patient la possibilité d'être entendu, on renforce la transparence en prévoyant un droit de regard pour le patient ainsi que la publication des décisions, on dispose que tous les médecins sont compétents, on attribue plus de compétences aux conseils de discipline interprovinciaux, ce qui permettra de renforcer l'unité de la jurisprudence, etc. À cet égard, il faut toutefois toujours garder à l'esprit que le droit disciplinaire vise à assurer l'intérêt du patient collectif et non la réparation d'un dommage individuel.

Il est crucial que le principe qui fonde l'appréciation soit non plus l'honneur et la dignité de la profession mais bien un bon exercice de la profession avec la compétence requise.

Enfin, la membre souhaite énumérer brièvement les points principaux sur lesquels sa proposition diffère de celle du VLD, à savoir la publication prévue explicitement de tous les avis et de tous les prononcés, une représentation accrue de la société dans la procédure disciplinaire, une implication plus spécifique du patient, la composition du conseil de discipline interprovincial et les sanctions en cas d'absence ou d'abstention répétée lors des votes des membres faisant partie des conseils de discipline.

3. Exposé de Mme Van de Casteele (Proposition nº 3-675/1)

Mme Van de Casteele explique que la proposition de loi créant un Ordre des pharmaciens s'aligne en grande partie sur la proposition de loi créant un Ordre des médecins (3-373/1).

Elle souhaiterait toutefois commenter brièvement les points sur lesquels sa proposition s'écarte de la proposition créant un Ordre des médecins et préciser en quoi la création d'un tel Ordre des pharmaciens est nécessaire.

À l'origine, c'est la profession elle-même qui a demandé que soient instaurées des normes professionnelles propres. L'objectif est bien de protéger le patient et de garantir le droit de celui-ci de bénéficier de soins de qualité. S'agissant de l'Ordre des pharmaciens, cet objectif est relativement bien réalisé.

L'intervenante commence par rappeler que l'Ordre des pharmaciens a été créé dès 1949 et que les grandes réformes qu'il a connues ont été apportées, pour l'essentiel, par l'arrêté royal nº 80. Entre-temps, la société, les soins de santé et le rôle des pharmaciens ont profondément évolué. C'est ce qui a donné lieu, tout comme pour l'Ordre des médecins, à une demande de réforme de l'Ordre des pharmaciens, qui émane à la fois du secteur lui-même et de l'opinion publique. L'intervenante est d'avis qu'un ordre des pharmaciens a toujours son utilité. D'ailleurs, le Parlement européen a lui aussi souligné il y a peu, dans une résolution, l'importance qu'il y a à pouvoir disposer de règles indispensables dans le contexte spécifique de chaque profession.

L'oratrice commente ensuite brièvement les principales lignes de force de la réforme proposée. Elle renvoie principalement aux développements de la proposition (doc. Sénat, nº 3-675/1), dont elle tient à souligner les éléments suivants:

— La transparence accrue qui est prônée dans la cinquième ligne de force pourrait, comme on l'a vu lors de la discussion générale des propositions relatives à l'Ordre des médecins, influencer d'éventuelles procédures civiles, et elle pourrait le cas échéant poser problème. Il est donc tout à fait indispensable d'éclaircir la situation à ce propos.

— En ce qui concerne les nouvelles procédures relatives aux mesures disciplinaires, l'intervenante fait remarquer que des sanctions alternatives sont prévues pour les médecins. Cela n'est plus le cas pour les pharmaciens, puisque cette possibilité a été supprimée en cours de procédure. Peut-être y aurait-il lieu d'encore réaliser une étude à ce sujet afin de clarifier ce point.

— Étant donné qu'un nombre sans cesse croissant de propriétaires de pharmacie, y compris au sens large du terme, ne sont pas pharmaciens ou ne sont plus des pharmaciens en activité, il est important que le pharmacien qui, en fin de compte, travaille dans l'officine puisse respecter les règles déontologiques. C'est pourquoi il importe que l'on puisse s'assurer que les conventions finalement conclues par les deux parties concernées sont compatibles avec les règles de l'Ordre des pharmaciens. Cela explique également le dépôt, parallèlement à la proposition à l'examen, de la proposition de loi modifiant l'arrêté royal nº 78 relatif à l'exercice des professions des soins de santé, dont l'article 3 projeté tend à prévoir des sanctions pour le titulaire de l'autorisation qui ne respecte pas les dispositions légales.

— Ensuite, une certaine forme de déontologie et de probité professionnelle s'impose en ce qui concerne les pharmaciens exerçant hors officine, là où les intérêts de la probité professionnelle priment l'intérêt commercial de la société pour laquelle ces pharmaciens travaillent. D'ailleurs, ils ont une tâche et un rôle spécifiques à remplir dans le cadre des soins de santé qui présentent des point de tangence avec les soins pharmaceutiques. C'est pourquoi la proposition en discussion prévoit la création d'un conseil pour tous les pharmaciens exerçant hors officine, qui devrait notamment mettre un terme à la confusion qui règne actuellement dans ce domaine.

— En ce qui concerne la parapharmacie, l'auteur propose de créer, au sein de l'Ordre, une Commission de la parapharmacie. Celle-ci serait composée de plusieurs représentants et fixerait les critères auxquels les produits doivent satisfaire pour pouvoir être vendus en pharmacie.

II.2. Discussion

Le ministre des Affaires sociales et de la Santé publique déclare que les discussions menées dans le cadre des Dialogues de la santé ont montré que d'autres groupes de professionnels réclamaient eux aussi la création d'un ordre professionnel. À la lumière de cette constatation, il importe de tenir compte de leur demande et de l'intégrer dans la réforme des ordres existants. Le but est donc de conserver les ordres existants et d'étendre le nombre de groupes professionnels concernés sur la base d'une série de principes fondamentaux, communs à toutes les professions.

Aussi tend-on à ce que tous les groupes professionnels visés dans l'arrêté royal nº 78 puissent disposer, à terme, d'un organe déontologique. Tous ces organes viendraient se greffer sur un socle de principes de base communs, étant entendu que des éléments distincts seraient développés de manière spécifique pour chaque groupe professionnel. Dans ce sens, la réforme ou la création d'un ordre ne peut donc pas se focaliser sur un seul et unique groupe professionnel.

En ce qui concerne les propositions de loi à l'examen, le ministre estime cependant qu'il y a lieu de tenir compte d'une série d'éléments supplémentaires:

— La concordance

À l'heure actuelle, il n'y a aucune concordance entre les décisions prises par l'Ordre, par exemple des sanctions disciplinaires, et celles prises par l'autorité publique. De plus, le droit pénal a évolué ces dernières années tandis que l'Ordre n'a pas suivi.

— La transparence

Il convient de mener une réflexion approfondie sur les compétences que l'on octroie aux organes disciplinaires et celles que l'on octroie à l'État. Quel sera l'incidence du droit pénal sur la publicité complète des réunions de l'Ordre ?

— La séparation des pouvoirs

Il est tout à fait illogique que les règlements soient écrits par l'organe qui prononce également les sanctions disciplinaires.

M. Vankrunkelsven voit mal le lien entre, d'une part, les Dialogues de la santé et, d'autre part, la réforme de l'Ordre.

Compte tenu du temps que l'on a déjà passé à faire « chambrer » des réformes similaires, il plaide expressément pour que le texte à l'examen soit discuté et mis au vote sans tarder. Dans ce sens, le membre n'est pas disposé à attendre un projet global, mais il veut s'attaquer immédiatement à la problématique des médecins.

Pour ce qui est ensuite de la déclaration du ministre au sujet de l'articulation du droit disciplinaire, l'intervenant déclare que le raisonnement et les arguments avancés ne tiennent pas la route. En effet, chaque médecin qui souhaite exercer sa profession a besoin d'un visa de l'ordre. Le médecin qui continue d'exercer sa profession sans visa, à la suite d'une suspension de l'ordre, agit en violation de la loi; en ce sens, il y a bel et bien une articulation entre le droit disciplinaire et la loi.

En ce qui concerne la publicité de la jurisprudence disciplinaire, l'intervenant indique qu'elle est indissociable du principe de loyauté et qu'il est ressorti de discussions avec les représentants de l'ordre qu'ils sont disposés à y renoncer de facto. En effet, ce principe n'est pas toujours appliqué en pratique et il peut par conséquent être remplacé par l'obligation de collaborer à l'enquête.

Mme De Schamphelaere réplique que la demande d'autres groupes professionnels de pouvoir disposer d'un droit et d'organes disciplinaires propres remonte aux dernières années. Or, cela fait plus de vingt ans que la quasi-unanimité des intéressés ne cessent de réclamer une réforme de l'Ordre des médecins.

En ce qui concerne les pierres d'achoppement évoquées par le ministre, à savoir la publicité, la concurrence avec le droit civil ..., l'intervenante dit que sa proposition s'efforce déjà d'apporter des ébauches de solutions, notamment en prévoyant d'augmenter le nombre de magistrats professionnels, en limitant la publicité aux arrêts et aux avis, en excluant que le patient ne devienne partie au procès, lui permettant uniquement de déposer plainte.

Mme Van de Casteele, présidente, constate que le fonctionnement actuel de l'Ordre pose problème et qu'une adaptation et une modernisation s'imposent. Eu égard à la demande d'autres groupes professionnels, la présidente propose de réaliser cette adaptation de manière telle que l'on puisse étendre l'application des principes fondamentaux à d'autres groupes professionnels qui sont aussi demandeurs. En revanche, il serait trop compliqué de mettre en place une structure commune à tous les groupes professionnels, ce qui pourrait retarder de quelque vingt ans la modernisation de l'Ordre des médecins.

Comme chaque groupe professionnel a ses spécificités nécessitant des solutions spécifiques, la présidente propose de commencer par les propositions à l'examen.

Le ministre dit qu'il n'a absolument pas l'intention de déposer un projet de loi à la Chambre des représentants sur la matière en question, ni de supprimer les ordres existants. Il propose en revanche de mener un débat de fond sur la question, s'appuyant sur des objectifs clairs, tels que la réalisation d'un modèle mixte fondé sur une structure commune unique. Celle-ci permettrait d'éviter que chaque groupe professionnel ne soit fondé sur un certain nombre de principes différents.

M. Vankrunkelsven demande que l'on continue à travailler sur la base des textes proposés. En parallèle, le gouvernement pourrait donc préparer des textes proposant la création d'une sorte d'organe faîtier, ces textes pouvant aussi, à terme, être mis aux voix.

La présidente propose que le ministre examine, sur la base des propositions déposées, où se situent les points névralgiques et quelles solutions pourraient y remédier. Des amendements pourraient ensuite être déposés. En parallèle, le ministre pourrait alors s'atteler à la création d'une sorte d'organe de déontologie.

Le ministre propose qu'une note d'orientation soit examinée en commission dans un délai d'un mois. Cette note examinerait d'abord les structures existantes puis relèverait les problèmes. Un mois plus tard aurait lieu une discussion générale, accompagnée d'une concertation avec les divers acteurs du terrain.

II.3. Note d'orientation du ministre des Affaires sociales et de la Santé publique — Composition d'un groupe de travail technique au sein de la commission des Affaires sociales

On a demandé à M. Demotte, ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, de prendre position et aussi de chercher une méthode de travail qui puisse faire en sorte que le débat ait lieu au Sénat.

Le cabinet a donc préparé une note d'orientation et rédigé plusieurs articles — mais pas un projet de loi — qui pourraient être d'une quelconque utilité au débat. La note d'orientation énonce les lignes de force suivantes, qui sont également développées dans les articles proposés:

— La création d'un Conseil supérieur d'éthique et de déontologie des professions de la santé, qui est chargé d'élaborer un code de déontologie et qui statue en appel sur les décisions des divers Ordres;

— La création, par une loi, d'un Ordre des médecins et d'un Ordre des pharmaciens et la possibilité de créer, par arrêté royal, un Ordre des professions paramédicales visées à l'arrêté royal nº 78;

— La réforme des procédures en vigueur et le renforcement de la transparence.

M. Vankrunkelsven indique qu'il s'agit d'une tâche « de droit disciplinaire » plutôt que d'une « tâche juridictionnelle ». Il se réjouit de la proposition faite par le ministre de mener le débat au Sénat, mais il s'interroge sur la méthode choisie pour le dépôt des textes. Quel sera le texte retenu pour tenir lieu de texte commun à l'ensemble des groupes professionnels ? Qu'adviendra-t-il des propositions de loi déjà déposées concernant l'Ordre des pharmaciens et l'Ordre des médecins ? Quel calendrier le ministre préconise-t-il ?

L'intervenant propose quant à lui de rédiger au total trois ou quatre textes: un texte commun à tous les ordres, un pour l'Ordre des médecins, un pour l'Ordre des pharmaciens et, éventuellement, un pour les professions paramédicales. Il estime cependant que le texte commun ne peut contenir que des principes généraux. Prévoir des sanctions dans le texte commun irait trop loin, selon lui. Cette matière doit être réglée dans un texte qui sera différent pour chaque ordre.

Mme Van de Casteele, présidente, estime que certaines dispositions applicables à l'ensemble des catégories professionnelles peuvent être reprises dans un texte applicable à chaque catégorie professionnelle séparément, quitte à éventuellement moduler certains éléments spécifiques. Il lui paraît souhaitable de rédiger un texte spécifique pour chaque groupe professionnel, en plus du socle commun.

M. Destexhe ne perçoit pas clairement le statut des textes proposés. Il se dit donc extrêmement réservé à leur sujet. Il considère que les propositions de loi déposées doivent être discutées plus avant.

Mme Van de Casteele, présidente, rappelle qu'au cours d'une discussion précédente des propositions de loi déposées, il est apparu qu'une réforme plus radicale des divers ordres était souhaitable et que l'on ne pouvait pas se contenter de modifications ponctuelles. Aux termes de l'accord conclu, le ministre rédigerait une note traduisant sa vision des choses et les éléments de cette note pourraient être intégrés dans les diverses propositions de loi. Cette méthode était censée éviter que le gouvernement n'élabore son propre projet de loi, lequel devrait être déposé à la Chambre compte tenu de la répartition des compétences entre Chambre et Sénat, telle qu'elle est établie par la Constitution, si bien que le Sénat perdrait ainsi l'initiative. Quelques auditions pourraient éventuellement être organisées sur la base du texte déposé. Or, tel est le choix des membres de la commission. L'intervenante applaudit dès lors à la note qui a été déposée.

Le ministre confirme que l'idée est d'arriver rapidement, au Sénat, à un ou plusieurs textes réglant les missions et le fonctionnement des divers ordres. Étant donné que le Sénat est disposé à prêter son concours, il ne saurait être question d'un projet de loi du gouvernement. La note déposée a pour seul et unique but de permettre aux membres de la commission de débattre d'une série d'éléments et de les regrouper, le cas échéant, dans une proposition de loi, éventuellement après quelques auditions. Techniquement parlant, il lui paraît souhaitable que les propositions de lois déposées soient discutées et amendées puis que l'on rédige une autre proposition de loi contenant les principes communs applicables à tous les ordres. Le texte qui serait adopté séparément pour les divers ordres devra bien sûr être conforme aux principes généraux applicables à l'ensemble des ordres.

M. Cornil remercie le ministre pour les textes qu'il a déposés et qui permettront de poursuivre le débat en commission du Sénat. Il propose que chaque groupe politique désigne un commissaire pour former avec le cabinet un groupe de travail technique chargé de discuter les propositions qui ont été déposées, en vue d'élaborer éventuellement une proposition de loi commune contenant les principes généraux applicables à tous les ordres et d'examiner quels amendements il y aurait lieu d'apporter aux propositions de lois qui ont déjà été déposées en ce qui concerne l'Ordre des médecins et l'Ordre des pharmaciens.

La commission marque son accord sur cette proposition.

III. AUDITIONS

Le 10 mars 2004, matinée et après-midi, la commission des Affaires sociales a entendu

— M. D. Holster, président émérite de la Cour de cassation;

— M. E. de Groot, juge à la Cour d'Arbitrage;

— M. H. Nys, biomed. ethiek en recht U.Z. Leuven;

— M. Y. Galloy, président du Conseil provincial de Liège de l'Ordre des Médecins;

— M. M. De Meyere, Universiteit Gent;

— M. I. Uyttendaele, vice-président du Conseil national de l'Ordre des médecins;

— M. P. Cosyns, président de l'Ordre Provincie Antwerpen;

— M. P. Franssens, médecin généraliste;

— M. G. Popelier, docteur en médecine.

Le 17 mars 2004, les auditions étaient consacrées à l'Ordre des pharmaciens:

— MM. Willy Baeyens et Jacques Hanot, présidents, Mme Anne Leenesonne, vice-présidente, du Conseil national de l'Ordre des Pharmaciens, et M. Van Maercke, directeur du Secrétariat national de l'Ordre des Pharmaciens;

— Mme Anne Lecroart, secrétaire général francophone de l'Association pharmaceutique belge (APB);

— M. Peter Declercq, représentant de la Société belge des pharmaciens spécialistes en biologie clinique;

— M. Marc-Henri Cornély, secrétaire de Ophaco (Office des Pharmacies Coopératives de Belgique);

— M. Ludo Willems, représentant de l'Association belge des Pharmaciens hospitaliers.

Au début de la session 2004-2005, quatre réunions ont été consacrées à des auditions en rapport avec la création d'un Conseil supérieur de déontologie pour les professions des soins de santé:

Le 6 octobre 2004 ont été entendus:

— M. H. Nys, professeur, biomedische ethiek en recht U.Z. Leuven;

— M. I. Uyttendaele et M. L. Corbeel, respectivement vice-président et membre effectif du Conseil national de l'Ordre des médecins;

— M. P. Van Maercke, directeur du Secrétariat national, et M. J. Hanot, président du Conseil national (section francophone) de l'Ordre des pharmaciens.

Le 13 octobre:

— M. Jacques de Toeuf, vice-président de l'Association belge des Syndicats médicaux;

— M. Johan Vandenbreeden, membre du Conseil national de la Kinésithérapie;

— M. Paul Rabau, président du groupe de travail Éthique et Déontologie du Conseil national de la Kinésithérapie;

— M. Koen Verhofstadt, médecin généraliste.

Le 27 octobre:

— Mme Heidi Vanheusden, conseiller, et M. Jan Vande Moortel, juriste, du Nationaal Verbond der Katholieke Vlaamse Verpleegkundigen en Vroedvrouwen (NVKVV);

— M. Yvan Ruelle, secrétaire national de la Fédération Nationale des Infirmières de Belgique, membre infirmier de la Commission Médicale Provinciale du Hainaut;

— Mme Anne Niset, Association Francophone des Accoucheuses Catholiques;

— Mme Myriam Van Lammeren, présidente du Conseil national des Professions Paramédicales;

— M. Louis Heylen, membre du Bureau du Conseil national des Professions Paramédicales;

— Mme Michèle Aerden, présidente de la Fédération Dentaire Internationale;

— M. Daniël Van Steenberghe, professeur, chef de clinique dentisterie, KULeuven.

Le 10 novembre:

— M. André Lovinfosse, directeur du département infirmier, CHR de la Citadelle;

— prof. Jacques Debry, Multipharma scrl;

— Mme Katleen Van Haveren, conseillère juridique, FVIB;

— prof. Willem Betz, faculté de Médecine et Pharmacie, Vrije Universiteit Brussel.

Enfin, le 10 janvier 2007, la commission a entendu des représentants de diverses organisations représentatives des kinésithérapeutes sur la proposition de loi nº 3-1777 visant à créer un Ordre des kinésithérapeutes.

Ont été invités à prendre la parole:

— M. Luc Lemense, président de Cartel, président de l'UZK (Unie van Zelfstandige Kinesitherapeuten);

— M. Roland Crabs, secrétaire général du VKV (Vlaams Kinesitherapeuten Verbond), administrateur de l'AKB (Association des kinésithérapeutes de Belgique);

— M. Didier Leva, vice-président de l'UKFGB (Union des kinésithérapeutes francophones et germanophones de Belgique), administrateur de l'AKB;

— M. Paul Rabau, président du Conseil national de la Kinésithérapie.

Le compte-rendu de ces auditions figure en annexe du présent rapport.

IV. LA CRÉATION D'UN CONSEIL SUPÉRIEUR DE DÉONTOLOGIE: PROPOSITION DE LOI PORTANT CRÉATION D'UN CONSEIL SUPÉRIEUR DE DÉONTOLOGIE DES PROFESSIONS DES SOINS DE SANTÉ ET FIXANT LES PRINCIPES GÉNÉRAUX POUR LA CRÉATION ET LE FONCTIONNEMENT DES ORDRES DES PROFESSIONS DES SOINS DE SANTÉ, Nº 3-1519/1

IV.1. Ordre des travaux

Mme Van de Casteele, présidente, propose de commencer par la discussion de la proposition de loi nº 3-1519 car celle-ci reprend aussi, outre la création d'un conseil de déontologie, les principes généraux pour la création et le fonctionnement des ordres des différentes professions de soins de santé.

M. Destexhe estime qu'il faut d'abord régler la question de l'Ordre des médecins avant d'aborder le Conseil supérieur de déontologie. Il est logique en outre d'appliquer un principe d'antériorité et d'examiner les propositions dans l'ordre chronologique de leur introduction.

M. Vankrunkelsven rappelle que la commission est maître de son agenda et qu'elle n'est pas obligée d'aborder les propositions dans leur ordre chronologique. La discussion sur les ordres s'est toujours faite en corrélation avec la question de l'utilité de créer un Conseil supérieur de déontologie. Les auteurs des différentes propositions sur les ordres des médecins ou des pharmaciens sont arrivés à la conclusion que la création de ce conseil était nécessaire. Il semble logique au membre de commencer la discussion générale en expliquant le cheminement qui a mené au dépôt de la proposition nº 3-1519 et de procéder à un échange de vues sur le Conseil de déontologie.

M. Mahoux pense aussi qu'il faut d'abord avoir une vision globale de ce que pourrait être la structure plus transversale du Conseil de déontologie, avant d'aborder les différents ordres. Les propositions relatives aux ordres permettent ensuite de voir comment s'inscrivent les demandes supplémentaires dans une architecture générale. Il faut de toute façon discuter sur l'ensemble du problème. Commencer par la question des ordres des différentes professions de soins de santé reviendrait, selon lui, à prendre déjà position sur l'opportunité de créer un Conseil de déontologie.

M. Destexhe ne partage pas ce point de vue. La proposition de créer un Conseil de déontologie n'implique pas la suppression des ordres existants. On peut donc commencer par traiter les réformes des ordres spécifiques.

Mme Van de Casteele attire l'attention sur le fait que la proposition nº 3-1519 porte aussi sur les principes généraux de création et fonctionnement des ordres. En toute logique, ces principes généraux doivent être discutés en premier lieu.

À la demande de M. Destexhe, la présidente soumet au vote la proposition d'ordre des travaux visant à commencer par l'examen de la proposition de loi nº 3-1519/3. La proposition d'ordre des travaux est adoptée par six voix contre trois.

IV.2. Exposé introductif de M. Vankrunkelsven

Cette proposition est née suite aux discussions qui ont eu lieu sur les propositions de loi réformant les ordres des médecins et des pharmaciens. Ces ordres, en particulier celui des médecins, font l'objet de nombreuses critiques. On leur reproche notamment leur corporatisme. D'autres critiques viennent des médecins eux-mêmes qui trouvent que leurs droits ne sont pas toujours correctement défendus. Ce sont les mêmes qui instruisent et qui jugent. De plus, beaucoup de membres qui siègent dans les différents organes défendent les intérêts de certaines professions. Enfin, la déontologie d'une matière sensible comme les soins de santé ne peut pas être laissée entre les mains des groupes professionnels uniquement. Il y a une demande pour associer la société, d'une part, et d'autres groupes professionnels tels que les professions paramédicales, d'autre part, à l'établissement d'un cadre déontologique général.

Les auteurs des propositions de loi relatives aux ordres sont arrivés à la conclusion qu'il était difficile de répondre à certaines de ces critiques en restant uniquement dans le cadre des ordres existants. Pour ouvrir le débat, ils proposent la création d'un organe-coupole au sein duquel seraient représentés les différents groupes professionnels actifs en matière de soins de santé et qui pourrait être suivi de près par la société. Ce Conseil supérieur de déontologie aura pour fonction d'établir les principes de base de déontologie pour toutes les professions de soins de santé. Il y a en effet une telle interaction entre toutes ces professions qu'il est nécessaire que leurs représentants élaborent ensemble les principes de base d'une déontologie commune, lesquels pourraient ensuite être complétés par des règles propres à chaque profession.

Deuxième aspect important, le Conseil supérieur de déontologie pourra rendre des avis sur la politique, tant au niveau fédéral que sur des matières défédéralisées. Toutes les professions médicales visées par l'arrêté royal nº 78 relatif à l'exercice des professions des soins de santé seraient invitées à siéger au Conseil: infirmiers, dentistes, kinésithérapeutes, pharmaciens, professions paramédicales en général, accoucheuses et médecins. A ceux-ci se joindraient des spécialistes de questions déontologiques et des représentants des hôpitaux et de la société en général.

Le Conseil fixera également des règles de déontologie pour les catégories de praticiens qui n'ont pas leur ordre professionnel. Ces catégories seraient libres de demander la création d'un ordre qui leur serait propre, mais il serait utile de voir dans une première phase si le droit disciplinaire établi par cet organe-coupole pourrait suffire.

À côté du droit disciplinaire en première instance, les procédures sur recours pourront aussi être confiées à l'organe-coupole. Ces procédures bénéficieront d'une plus grande expérience des magistrats qui seront des membres fixes du conseil d'appel.

Enfin, la proposition de loi consacre quelques règles générales concernant les incompatibilités et les types de sanctions. Actuellement, il y a d'assez grosses divergences selon les provinces dans la jurisprudence en matière disciplinaire. Dans le but d'arriver à une jurisprudence plus uniforme, la proposition prévoit que des représentants de deux autres conseils siégeront en première instance pour les décisions disciplinaires rendues par un conseil.

IV.3. Discussion générale

M. Mahoux déclare qu'il a cosigné la proposition de loi après avoir pris connaissance de l'ensemble du débat qui anime toutes les professions concernées par le sujet. Mais d'emblée, il affiche certaines réticences par rapport à la problématique des ordres professionnels. De manière générale, les ordres définissent des juridictions d'exception. Même si des améliorations ont été apportées, par exemple, aux procédures disciplinaires de l'Ordre des médecins, il est toujours permis de s'interroger sur la compétence octroyée à un ordre spécifique pour imposer des interdictions professionnelles temporaires ou définitives. Il y a là un pouvoir extraordinaire déféré à une juridiction concernant une profession en particulier.

L'Ordre des médecins a parfois adopté des positions sujettes à discussion. Ainsi, dans les années septante, la participation du docteur Willy Peers à une manifestation avait été jugée comme une atteinte à la dignité de la profession médicale.

La fixation des honoraires relève de l'Ordre des médecins et des honoraires trop bas sont jugés comme une atteinte à l'exercice normal de la profession.

Néanmoins, le membre reconnaît que des problèmes limités au champ professionnel, qui surgissent entre collègues, peuvent souvent se régler à travers une forme d'adhésion consensuelle à des règles de fonctionnement.

Vu ses réticences relatives à la multiplication des ordres professionnels, M. Mahoux souhaite entamer la discussion par un débat général avant de décider de la création d'ordres pour toutes les professions des soins de santé.

Le membre est favorable à l'existence d'une structure réglant à l'amiable les problèmes susceptibles de se poser entre personnes exerçant le même métier. D'aucuns tiennent à la fonction juridictionnelle d'une telle structure. Un rôle juridictionnel ne peut être dévolu pour une profession qu'à des personnes exerçant cette même profession, à l'exclusion de toute autre.

Or, la proposition de loi propose l'établissement d'une coupole qui détermine des règles générales pour l'ensemble des professions, un élargissement de la représentation à l'intérieur d'une structure qui aura un rôle juridictionnel. Ce rôle ne sera pas peu important puisqu'en degré d'appel, une interdiction professionnelle définitive pourrait être prononcée. Cette compétence va suffisamment loin pour qu'elle mérite qu'on s'y attarde.

Le texte semble d'ailleurs hésiter à attribuer au Conseil de déontologie un pouvoir normatif.

Le membre rappelle aussi que des ordres existent pour d'autres professions, telles que avocats, architectes, etc. Il faut éviter des distorsions entre les juridictions ordinales de ces professions et celles des soins de santé.

Une loi du 22 août 2002 régit les droits du patient. Les juridictions habilitées à déterminer les manquements à cette loi sont les juridictions ordinaires et les devoirs reconnus aux praticiens dans le cadre de cette loi touchent notamment à la déontologie. Il est évident que les règles générales de déontologie qui seront établies par consensus par l'organe coupole pour les relations entre les praticiens et les patients ne pourront être en contradiction avec la loi. Mais quels seront les tribunaux compétents pour les aspects déontologiques des devoirs des praticiens ? Les juridictions ordinales ou les juridictions ordinaires ?

Enfin, il est important qu'une juridiction extraordinaire ne fonctionne que selon une procédure plus drastique encore que celle applicable devant les tribunaux ordinaires. Dans le passé, les juridictions ordinales ont précisément été épinglées pour défaut de respect des droits de la défense ou des plaignants. D'autres problèmes se sont posés, comme la justification du huis clos, le manque de séparation entre l'instruction et le jugement ... En cas de plainte d'un patient devant l'ordre, souvent pour des questions d'honoraires, la procédure n'était pas claire.

Comme l'orateur précédent, Mme Geerts souligne que le débat n'est pas nouveau. De nombreuses questions se posent et le texte pourra être parachevé sur certains points. Quoi qu'il en soit, la proposition de loi contient plusieurs éléments essentiels qui laissent espérer au sp.-a qu'on va pouvoir progresser sur ce sujet.

Notre système de soins de santé devient particulièrement complexe et veiller à son bon fonctionnement et en particulier aux aspects déontologiques relève de la société en général et pas seulement des acteurs professionnels. C'est pourquoi il est positif de créer une structure adaptée, qui pourra mener une réflexion sur les règles de déontologie et veiller à leur respect.

Il est évident que la proposition de loi rencontre dans une large mesure les préoccupations exprimées au cours des dialogues de la santé lors des auditions. Le texte peut donc compter sur un large soutien.

La proposition constitue aussi un pas en faveur de procédures uniformes et transparentes.

Enfin, et c'est une considération importante pour le sp.-a, les procédures prévues par la proposition ne sont pas limitées aux acteurs des soins de santé, mais largement ouvertes à d'autres personnes.

Mme Van de Casteele, présidente, insiste sur le pas en avant que représentent les travaux sur la proposition de loi. La dernière réforme des ordres date de cinquante ans. De nombreuses propositions relatives aux ordres ont été déposées ensuite. Entre-temps, les choses ont évolué sur le terrain, aussi bien les soins de santé que la société. D'autres législations ont été adoptées, mais l'existence d'ordres n'est pas du tout en contradiction avec celles-ci.

Il y a quelques années, il y a eu un appel énergique en faveur de la suppression des ordres, mais il semble que cette tendance se soit affaiblie et qu'on soit arrivé à la constatation que les ordres peuvent quand même remplir une fonction importante.

Comme l'a dit M. Mahoux, d'autres professions libérales ont leur ordre et la question qui se pose est non pas celle de leur suppression mais plutôt celle de l'amélioration de leur fonctionnement sur certains points. L'intervenante signale d'ailleurs que tous les ordres ont été consultés dans le cadre de la préparation de cette proposition de loi car tous se posent les mêmes questions: jusqu'où peut aller le droit disciplinaire ? comment le délimiter par rapport au droit commun ?

Pour éclairer cette question, la présidente renvoie à un article paru dans le Rechtskundig Weekblad du 20 janvier 2001 intitulé « Rechtspraak in tuchtzaken door de beroepsorden: toetsing van de wettigheid door het Hof van cassatie ». Il met en évidence une série de points névralgiques auxquels la proposition de loi essaie précisément de remédier en grande partie: droits de la défense, transparence des procédures, participation du patient ...

Les auteurs de la proposition de loi ne défendaient pas à l'origine l'idée d'un organe coupole mais les auditions ont mis en évidence qu'il y avait une demande en vue de créer un forum multidisciplinaire au sein duquel des gens de différents points de vue pourraient élaborer ensemble des règles de déontologie. C'est une idée intéressante à partir du moment où l'on considère le système des soins de santé comme un ensemble multidisciplinaire. Or, certains médecins considèrent toujours le médecin comme le pivot du système de soins de santé, médecin qui délègue et commande aux autres professions. Sur le terrain, les choses ont évolué vers une collaboration multidisciplinaire autour du patient. Le Conseil supérieur de déontologie correspond à ce modèle actuel.

Enfin, la proposition permet aux professions qui n'ont pas encore d'ordre de se doter de celui-ci si elles le souhaitent. Il appartient à chaque groupe professionnel d'apprécier s'il préfère se soumettre aux règles du Conseil supérieur de déontologie ou à celles d'un ordre distinct à créer. La question a d'ailleurs été abordée lors des auditions; certaines professions comme les kinésithérapeutes ont exprimé le souhait d'avoir leur ordre propre, d'autres commes les dentistes étaient partagés.

M. Mahoux demande une définition précise du praticien de la santé. Certains groupes pratiquant l'art de guérir, parfois de façon très ésotérique, demandent une reconnaissance légale. Il est donc important de se fonder sur une définition stricte.

M. Vankrunkelsven répond que les auteurs de la proposition n'ont pas eu l'intention d'ouvrir la porte à des médecines parallèles et ont expressément limité le Conseil supérieur de déontologie aux professions de la santé qui sont énumérées dans l'arrêté royal nº 78 de 1967. Si un jour une extension du champ d'application est souhaitée, elle nécessitera un débat de société et le Conseil supérieur pourra rendre un avis sur la question.

M. Mahoux objecte que l'arrêté royal nº 78 est régulièrement étoffé et que les pressions pour y ajouter des professions sont importantes. On y trouve l'art de guérir, l'art infirmier, la catégorie des kinésithérapeutes, une autre particulière pour les accoucheuses, etc. Toutes les professions tentent de figurer dans le chapitre Ier.

M. Destexhe déclare que son groupe politique a des objections majeures contre la proposition de loi à l'examen.

Le deuxième paragraphe des développements de la proposition affirme la nécessité de légiférer sans fournir aucun exemple démontrant cette nécessité. On n'en trouve pas davantage dans les explications qu'ont données les auteurs de celle-ci. Le membre demande par conséquent aux auteurs de lui soumettre des cas concrets dans lesquels le Conseil supérieur pourrait s'avérer plus utile que les ordres existants, éventuellement réformés comme le proposent les autres textes à l'examen.

De manière générale, le groupe MR ne perçoit pas la valeur ajoutée qu'aurait le Conseil supérieur de déontologie par rapport à la situation actuelle. Le MR estime qu'il est seulement nécessaire de réformer l'ordre des médecins et de créer des ordres pour les professions qui en souhaiteraient. La proposition de loi introduit une complexité incroyable. La loi du 22 août 2002 sur les droits du patient est déjà très peu connue des patients. Dans les hôpitaux, ceux-ci ne sont pas informés de leurs droits et possibilités de recours. Les statistiques montrent d'ailleurs que peu de recours ont été introduits sur la base de cette loi. Il faut donc être prudent avant de légiférer si ce n'est pas absolument nécessaire, d'autant plus en créant un ensemble aussi complexe.

M. Destexhe n'est pas convaincu de la nécessité et de l'opportunité de faire définir les règles de déontologie par un organe supérieur des professions des soins de santé ou par le législateur. La déontologie évolue avec l'évolution des techniques médicales, de la société ... Elle relève d'une discussion permanente au sein de la société, avec les acteurs des soins de santé.

Plus grave, la définition du code de déontologie formulée à l'article 3, § 4, alinéa 2, est digne de G. Orwell dans « 1984 ». Qu'est-ce qu'un « exercice socialement acceptable » de la médecine ? À l'époque où la majorité de la société défendait l'interdiction de l'avortement, un médecin qui pratiquait un avortement pratiquait donc un exercice de la médecine non socialement acceptable par la société ? Idem pour un médecin pratiquant une euthanasie jusqu'il y a peu. C'est une définition extrêmement dangereuse qui a une valeur normative alors qu'il faudrait précisément l'éviter. Elle poursuit par « en tenant compte des moyens qui sont mis à la disposition des soins de santé par la collectivité ». Or, la société ne peut pas suivre en temps réel l'évolution de la médecine. À titre d'exemple, de nouvelles molécules sont régulièrement découvertes pour traiter le cancer. Il s'écoule toujours un délai certain entre le moment où l'on confirme l'efficacité de la molécule et celui où le médicament est mis sur le marché et surtout où il est remboursé. Des malades pourraient théoriquement bénéficier d'un traitement mais la société estime qu'elle ne peut le prendre en charge, soit que le médicament n'a pas fait suffisamment la preuve de son efficacité, soit que son coût est trop élevé ... Sur base de la définition de l'article 3, § 4, alinéa 2, le médecin, dans sa relation individuelle avec le patient, devra tenir compte des moyens mis à disposition par la collectivité. Ne devra-t-il donc pas absolument tout faire pour que son patient puisse bénéficier d'un traitement ?

La proposition confond d'une part, l'exercice de la médecine qui est une relation entre le médecin et son patient et d'autre part, l'organisation de la sécurité sociale.

Que signifie la démocratisation des différents organes compétents en matière de déontologie ? Dans la proposition, elle revient à faire appel à des spécialistes et des experts. La démocratie n'est-elle pas le libre choix de la population ? Elle ne peut évidemment se résumer à l'avis d'un expert et d'un spécialiste. Contrairement à ce que mentionnent les développements, il ne va pas de soi que l'aspect « déontologie » concerne l'ensemble de la société. C'est un débat extrêmement complexe.

Le membre craint que la démocratisation au sens du texte à l'examen ne revienne à une politisation. Un certain nombre de membres sont nommés par le Roi. Sur quatre francophones, on trouvera donc 2 PS, 1 MR et 1 cdH, ou 3 PS et 1 MR. Il y a fort à parier que les spécialistes de l'éthique et de la déontologie auront tous une carte de parti. Comment éviter que cela ne fonctionne de la sorte ?

Il est louable de prévoir des incompatibilités, mais le nombre de personnes susceptibles de siéger au Conseil n'est pas énorme. Il est évident que les personnes intéressées par les questions de déontologie et d'éthique siègent déjà, soit dans les ordres, soit dans les syndicats médicaux. Il est surprenant que la proposition exclue les membres des syndicats alors que les relations sociales sont généralement organisées de façon contractuelle, entre syndicats et employeurs. A nouveau, les développements de la proposition sont muets sur les raisons qui ont poussé à prendre une option différente. Le membre déplore de façon générale la brièveté des développements --seulement quatre pages-— par rapport à la proposition.

Mme Van de Casteele, présidente, réplique que les propositions concernant les ordres ont fait l'objet d'auditions et que l'exposé des motifs de la proposition à l'examen constitue une synthèse des arguments qui ont justifié l'introduction d'une nouvelle proposition.

M. Destexhe partage le souci d'une jurisprudence plus uniforme mais pourquoi choisir une méthode aussi compliquée ? On pourrait commencer par le dialogue et imposer la publication systématique de toutes les décisions par un Conseil national afin qu'il y ait moins de différences entre les décisions rendues. Le système proposé est très rigide.

Concernant les droits du prévenu, le membre s'étonne que la possibilité de se faire assister par une personne de son choix soit présentée comme une innovation. Le terme « prévenu » est-il en outre adéquat ?

Dans la composition du conseil de déontologie, le MR estime que le nombre de médecins (8 sur 35 membres) est trop faible. Sans avoir de réflexe corporatiste, le membre rappelle que la médecine est encore essentiellement structurée autour des médecins. Selon lui, le conseil devrait compter une majorité de médecins et même sans aller jusque là, un quart des membres représente vraiment une faible proportion.

Le Conseil doit comprendre huit spécialistes des questions déontologiques. Qu'est-ce qu'un spécialiste des questions déontologiques ?

Le Conseil d'État a fait remarquer qu'on ne comprenait pas les critères de répartition des sièges du Conseil supérieur entre les représentants élus des catégories de praticiens des soins de santé qui y sont admis. Les accoucheuses ont deux sièges alors que, dans l'arrêté royal nº 78, elles sont considérées comme des praticiens infirmiers, lesquels disposent donc au total de huit sièges au Conseil. Les professions paramédicales ne disposent que de deux sièges alors que cette catégorie renferme une grande diversité de professions. Il faudrait vérifier, dit le Conseil d'État, si les différences de traitement des différents groupes professsionnels sont objectivement et raisonnablement justifiées.

Sur 36 personnes, 12 sont nommées par le Roi, c'est à dire qu'elles seront probablement choisies par le ministre des Affaires sociales. Compte tenu des dangers de politisation du système, cette proportion est énorme, elle peut constituer une minorité de blocage.

Mme Van de Casteele, présidente, rappelle que la commission avait mis sur pied un groupe de travail afin de rédiger et améliorer le texte. Elle s'étonne donc des remarques qui sont formulées maintenant. Néanmoins, il va de soi que le texte peut faire l'objet d'amendements.

M. Destexhe réplique que le groupe de travail n'avait pas de statut officiel et que le MR a refusé de participer à une entreprise en laquelle il ne croyait pas.

Mme De Schamphelaere se réjouit de la création d'un Conseil supérieur chapeautant les professions de soins de santé, en raison des développements dans notre société et dans le domaine de la science médicale et de l'influence grandissante des différentes professions dans le secteur médical. Certaines professions connaissent des développements spécifiques mais elles sont concernées par la déontologie qui est d'ailleurs de plus en plus exigeante. La société s'est complexifiée, l'impact des soins de santé sur la politique budgétaire s'est accrû. Parallèlement, la collaboration entre les professions est devenue de plus en plus importante. Les médecins doivent travailler avec les infirmiers, les pharmaciens, les professions paramédicales ... La collaboration s'impose en raison des droits et de l'autonomie du patient, dans l'intérêt de son bien-être, mais aussi parce que les différentes spécialités ne peuvent évoluer indépendamment les unes des autres.

La déontologie d'une profession médicale a des liens avec celle des autres professions. C'est pourquoi il est utile de créer un organe au sein duquel certains éléments communs pourront être discutés et élaborés en concertation.

Le législateur est conscient de l'importance de la multidisciplinarité. Dans plusieurs lois (loi sur les droits du patient, loi sur les expérimentations médicales ...), une collaboration entre les différentes professions est prévue.

La collaboration est nécessaire aussi pour appliquer correctement les dispositions parfois délicates des récentes lois éthiques.

La société belge a connu d'autres évolutions, liées aux réformes institutionnelles. Les communautés sont désormais compétentes pour les aspects de prévention dans le domaine de la santé, pour l'assistance aux personnes (politique des handicapés, aide aux personnes âgées ...). Les décrets des communautés peuvent avoir une influence sur la déontologie des professions de soins de santé, notamment en ce qui concerne le secteur non marchand. La membre estime qu'il faut manifester une certaine ouverture pour permettre des développements spécifiques de la déontologie émanant des autorités communautaires.

Dans le même ordre d'idées, les néerlandophones, au sein de l'Ordre des médecins, demandent à pouvoir adopter des points de vues distincts, y compris au sein du Conseil de déontologie, ceci en raison de l'existence d'une politique spécifique aux communautés dans le cadre de leurs compétences.

Or, la proposition à l'examen constitue un pas en arrière dans l'ouverture vers une politique communautaire des soins de santé. Il y a bien une possibilité pour la section néerlandophone de se réunir séparément mais son intérêt est quasi nul vu la possibilité d'overruling.

Enfin, le second aspect négatif dans cette proposition concerne la confirmation par la loi de la pratique actuelle selon laquelle les médecins des six communes périphériques de Bruxelles ont le choix de s'inscrire au tableau francophone de l'ordre. La membre espérait qu'une telle pratique serait limitée aux médecins de l'arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale et rendue impossible pour les autres.

M. Vankrunkelsven répond qu'il y a sur cette question un avis très clair du Conseil d'État et qu'il faut se baser sur celui-ci pour rédiger la proposition de la meilleure manière possible.

Quant aux critiques de M. Destexhe sur la désignation des experts en déontologie, il rappelle que les soins de santé constituent un point extrêmement délicat dans notre société. Prévoir que l'on doit réunir chaque fois un comité ad hoc sur des questions de déontologie, ces personnes étant désignées selon les sympathies du ministre, cela ne lui semble pas une méthode de travail très transparente. Il lui semble préférable de constituer un conseil de déontologie reposant sur un large consensus social, qui pourra formuler des avis sur les questions cruciales de déontologie.

M. Mahoux remarque qu'on pourrait considérer que l'exercice de l'art de guérir relève uniquement de ceux qui le pratiquent. Par contre, il peut être intéressant d'élargir l'approche, notamment dans la composition des organes du Conseil supérieur.

La problématique de la déontologie ne concerne pas ce que le médecin doit ou ne doit pas faire, il ne peut y avoir d'entrave à la liberté thérapeutique comme il n'y en a pas pour le patient à la liberté de choix du praticien. La problématique déontologique peut, cependant, se poser en fonction des moyens disponibles dont décide le monde politique. Elle peut d'ailleurs se poser très largement en amont de la prescription. En effet, l'ensemble des moyens dont dispose le secteur de la santé dépend des positions politiques qui ont été prises en ce qui concerne les moyens financiers, mais aussi par exemple, l'installation des instruments de diagnostic.

On ne peut isoler ces questions de la problématique des soins de santé qui impose de manière très large à l'ensemble de la société, et pas seulement au médecin lorsqu'il dresse une prescription, la responsabilité déontologique de prendre des décisions. Il est donc excessif de faire à cette proposition le reproche de s'inscrire dans une logique malthusienne qui consisterait à assurer un rationnement dans les soins de santé.

Dans le cadre de la discussion générale, le sénateur estime qu'il faut soulever les questions suivantes: le caractère normatif ou non, le choix étant fait ici en faveur d'une orientation assez normative; les conflits de juridictions susceptibles de se poser par rapport à la loi sur les droits du patient; l'extension éventuelle des compétences des juridictions ordinales.

M. Destexhe répète qu'il entend de longs développements théoriques sur les apports positifs de la proposition mais qu'on n'apporte pas d'exemples concrets démontrant la nécessité de mettre en place ce système.

Il reste persuadé qu'on pourrait fonctionner de manière informelle, sous la forme de conférences régionales rassemblant les acteurs concernés, par exemple.

Le membre ne comprend pas comment l'on peut réconcilier la liberté thérapeutique avec le texte à l'examen. La notion de « socialement acceptable » va évoluer. Qui sait si demain il sera encore acceptable de soigner les fumeurs ou les chauffards, par exemple ? Le médecin qui accepterait de soigner les fumeurs violerait-il alors la déontologie ? Ce genre de dérive est possible. Selon lui, la déontologie du médecin consiste à tout mettre en œuvre pour essayer de guérir son patient. La définition doit s'arrêter là. Les contraintes imposées par la société n'en font pas partie. Il rappelle que les médecins qui pratiquaient l'euthanasie lorsque c'était interdit par la loi posaient un acte illégal, et néanmoins légitime.

M. Mahoux réplique que l'interdiction de l'euthanasie était elle-même défendue par l'Ordre des médecins. C'est en modifiant une loi qu'on a été amené à modifier ce code de déontologie. En réalité, si la loi n'avait pas été modifiée, le code de déontologie n'aurait pas évolué non plus. Cela vaut pour l'euthanasie comme pour l'avortement.

Le membre est d'avis que l'évolution du système va vers l'accessibilité aux soins, vers une plus grande égalité des patients face à la maladie. Il est clair qu'il faut continuer à être attentif, sur le plan de la législation et des structures qu'on crée, à éviter une dérive. Mais la vraie question est de savoir quel est l'organe qui permettra d'exercer au maximum cette vigilance: l'ordre des médecins ou un organe plus large au sein duquel des pans différents de la société seront représentés ? Si l'on reprend les exemples de l'avortement et de l'euthanasie, c'est l'ouverture à l'ensemble de la société qui a permis de modifier le code de déontologie sur ces points. Les principes qu'il faut veiller à maintenir dans l'organisation des soins de santé sont l'accessibilité aux soins, la non sélection des patients et la liberté thérapeutique. Un certain équilibre dans la composition des organes de déontologie paraît de nature à les garantir.

M. Destexhe ne plaide pas spécialement pour que la définition de la déontologie médicale continue à relever de l'ordre des médecins. Cependant, il lui paraît plus dangereux encore de l'inscrire dans le marbre de la loi. Il défend une conception ouverte de la déontologie qui est, par essence, évolutive.

Dans son raisonnement, l'intervenant précédent ne tient pas suffisamment compte des progrès technologiques et médicaux. La médecine aujourd'hui évolue beaucoup plus rapidement que dans le passé. Nous allons être confrontés à des questions d'ordre déontologique inédites, par exemple le médecin confronté à des traitements disponibles sur internet, dans d'autres pays, et non remboursés en Belgique. La sécurité sociale ne peut plus du tout coller au rythme de l'évolution technologique. Or, la proposition de loi fait passer la collectivité avant l'obligation absolue d'aider l'individu.

Mme Van de Casteele, présidente, explique quel est, selon elle, l'apport de la proposition de loi. On a beaucoup parlé de problèmes éthiques, et par exemple, de la question de l'euthanasie. Selon elle, il est judicieux qu'un ordre édicte un certain nombre de règles déontologiques pour ses membres, indépendamment de toute loi éventuelle. Une discussion sur l'euthanasie aurait certainement eu sa place dans l'enceinte d'un organe comme le Conseil supérieur de déontologie, aussi bien avant l'élaboration d'une législation qu'après l'entrée en vigueur de celle-ci. La loi ne peut tout régler. Il sera toujours nécessaire de se mettre d'accord sur des règles déontologiques. Et de plus en plus, on se rend compte que ces règles de déontologie doivent de préférence être élaborées non pas par un seul groupe professionnel mais bien par les différents groupes professionnels concernés et par les représentants de la société et ce, dans l'intérêt du patient. La pluridisciplinarité du Conseil supérieur s'inscrit dans le cadre des interactions croissantes entre les diverses professions des soins de santé qui gravitent autour du patient.

Le Conseil supérieur de déontologie veillera aussi à une simplification. Les différentes procédures pour tous les ordres seront rassemblées dans une seule et même loi. Cela signifie davantage de transparence et d'égalité dans le traitement des questions.

Pour un certain nombre de professions, il y aura un ordre professionnel distinct. Toutefois, plusieurs professions réclament un code de déontologie contraignant sans pour autant vouloir se doter immédiatement d'un ordre. C'est le cas des infirmières, de certaines professions paramédicales.

Ces trois aspects illustrent indiscutablement la plus-value qu'apportera le Conseil supérieur de déontologie.

En réponse aux critiques formulées sur la définition de la déontologie, la sénatrice admet qu'on peut discuter sur chacun des termes utilisés mais, pour ce qui est des contraintes financières, tout le monde est conscient du fait que la liberté thérapeutique doit de plus en plus s'exercer dans le cadre de ce qui est possible au point de vue budgétaire. Il est un fait que le patient fait appel à la société pour payer le coût des soins médicaux, ce qui a pour conséquence que la liberté thérapeutique dépend partiellement de la liberté des autres de faire appel au même budget pour couvrir leurs besoins en soins de santé. C'est un débat difficile et il relève de la déontologie.

Si l'on s'oriente vers un remboursement d'un forfait par pathologie, les médecins, comme tous les acteurs médicaux qui vont intervenir, vont essayer d'aider le maximum de personnes le plus loin possible sur base des moyens qui leurs sont alloués. L'économie de la santé est toujours une balance entre les coûts et la plus-value thérapeutique d'un médicament ou d'un traitement et l'on s'oriente de plus en plus vers une situation dans laquelle cette mise en balance fera partie de la déontologie.

M. Vankrunkelsven est d'avis que M. Destexhe a tendance à envisager uniquement la disposition dans l'optique de la relation individuelle entre le patient et le médecin qui se pose la question de savoir s'il doit prescrire un traitement ou non. L'article doit être abordé dans la perspective plus générale de tout prestataire de soins médicaux qui exerce sa profession tout en sachant que la manière dont il l'exerce a forcément un impact sur le plan budgétaire. Le médecin qui prescrit systématiquement les médicaments les plus chers sans que cela soit dicté par un souci de meilleure efficacité met des frais excessifs à charge de la société, ce qui prive des moyens nécessaires pour le traitement d'autres patients. Il est logique de demander aux médecins et autres prestataires d'exercer leur profession en étant conscients du fait que les moyens de la société ne sont pas illimités.

Le but de la disposition n'est par contre nullement d'empêcher un médecin de prescrire un médicament cher, qu'il soit remboursé ou non.

Mme de Schamphelaere remarque que la définition litigieuse mérite réflexion et devrait peut-être être reformulée en tenant compte du point de vue des prestataires de soins de santé. Le débat mené est trop axé sur l'opinion publique, l'évolution des conceptions de la société. « Socialement acceptable » vise à mettre tout le monde sur pied d'égalité, à garantir l'égal accès aux soins de santé et l'égalité de traitement.

En ce qui concerne la référence aux moyens mis à disposition, la membre partage l'avis de l'intervenant précédent selon lequel il s'agit de mettre l'accent sur la responsabilité de ceux qui, par leurs décisions, peuvent ou non contribuer à l'augmentation des dépenses de soins santé.

M. Destexhe est d'accord sur le fait qu'à efficacité égale pour un médicament moins cher, la déontologie ne s'oppose pas à la prescription du médicament le moins cher remboursé par la société. Mais pour les nouveaux traitements, aujourd'hui déjà, l'accès égal aux soins n'existe plus. Au nom de l'égal accès aux soins, le médecin doit-il refuser le traitement à ceux qui peuvent se l'offrir ? C'est là que la définition pose problème.

Mme Van de Casteele répète que la disposition impose seulement la prudence pour l'utilisation des moyens de la communauté.

M. Destexhe estime que la définition réduit trop le code de déontologie à l'organisation des soins de santé dans la société.

IV.4. Discussion des articles

Article 1er

M. Vankrunkelsven souligne que l'article 1er ne fait l'objet d'aucun amendement, mais qu'il faudra par contre déposer des amendements à d'autres articles pour répondre à l'observation nº 5 faite par le Conseil d'État à l'occasion de l'examen de l'article 1er. Le Conseil d'État signale que les articles 16 et 17 ne relèvent pas de l'article 77 de la Constitution. Il suggère de faire des articles 16 et 17 un texte de loi distinct ressortissant à l'article 78 de la Constitution.

L'article 1er est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

Titre II

Article 2

Amendement nº 33

M. Vankrunkelsven et Mme Van de Casteele déposent un amendement nº 33 visant à ajouter un alinéa à l'article 2.

M. Vankrunkelsven remarque que le Conseil d'État a épinglé la nécessité de définir plus explicitement le champ d'application de la loi. L'auteur de l'amendement est d'avis que c'est à l'article 2 qu'il convient de préciser sur quelles professions de soins de santé le Conseil supérieur exerce son autorité. L'amendement renvoie à l'arrêté royal nº 78 relatif à l'exercice des professions de soins de santé qui énumère les professions des soins de santé.

L'amendement nº 33 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents. L'article 2, ainsi amendé, est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

Article 3

L'article 3 énumère les missions du Conseil supérieur de déontologie. Il doit établir les principes de déontologie de base communs à l'ensemble des professionnels de la santé ou à plusieurs catégories d'entre eux. Il peut rendre des avis au ministre fédéral de la Santé publique sur les règles de déontologie propres à des catégories de praticiens et plus largement, sur les règles de déontologie de base, à un ministre du gouvernement tant au niveau fédéral qu'au niveau des régions et communautés ainsi qu'au président de la Chambre, du Sénat ou des parlements des communautés et régions. En outre, il fixe les règles de déontologie spécifiques à des catégories de praticiens quand ceux-ci ne se sont pas dotés d'un Ordre.

Le Conseil supérieur n'est pas censé se mêler de la déontologie spécifique aux ordres. Il ne peut donc conseiller au ministre de refuser l'attribution de la force contraignante aux propositions faites par les conseils des ordres sauf dans un cas, à savoir si celles-ci sont contraires aux principes de base édictés par l'ensemble des professions au sein du Conseil.

Les règles de déontologie doivent être ratifiées par le Roi pour avoir force contraignante.

Le code de déontologie d'une profession comportera donc deux volets: les principes généraux communs à toutes les professions médicales, d'une part, et les règles spécifiques propres à cette profession, d'autre part. Le § 4 donne en outre une définition du code de la déontologie et des thèmes qui doivent au minimum y être abordés.

M. Beke demande quelle force un avis qui serait rendu par le Conseil supérieur à la demande du ministre d'une communauté aurait vis-à-vis de l'autre communauté qui serait aux prises avec le même genre de problème mais n'aurait pas posé de question au Conseil.

M. Vankrunkelsven rappelle que l'avis rendu par le Conseil ne lie pas l'autorité qui l'a demandé. Si le ministre d'une communauté consulte le Conseil supérieur, il le fait dans dans le cadre de ses compétences et prendra ensuite une décision politique en tenant compte de l'avis rendu.

Amendement nº 6

MM. Brotchi et Destexhe introduisent un amendement nº 6 visant à remplacer le § 2 de cet article.

M. Brotchi renvoie à sa justification écrite.

M. Vankrunkelsven avoue qu'il ne perçoit pas ce qu'apporte l'amendement par rapport à ce qui est proposé à l'article 3. L'objectif est de garantir une certaine autonomie des Ordres par rapport au Conseil supérieur. C'est pourquoi il est prévu que le Conseil supérieur ne peut rendre d'avis négatif sur les règles de déontologie spécifique proposées par les Ordres, à l'exception toutefois du cas où ces règles entreraient en contradiction avec les principes de base de la déontologie, dont le Conseil supérieur garantit l'uniformité. Le membre n'est pas opposé à ce que le texte impose expressément la motivation de la décision de refus, mais il lui semble évident qu'à ce niveau, le Conseil qui donne un avis sur la proposition d'un Ordre va nécessairement motiver son avis.

Mme de Schamphelaere considère aussi que l'avis doit être motivé. Dans un souci de clarté et de transparence, il n'est pas mauvais de le préciser expressément.

Mme Van de Casteele remarque que l'amendement diffère aussi du texte en ce qu'il parle d'avis sur chaque règle de déontologie séparément au lieu d'avis sur les propositions des conseils. De fait, cela correspond à la réalité puisque la déontologie est une matière vivante et qu'au fil du temps, des règles seront adaptées ou de nouvelles règles édictées et que le Conseil pourra être amené à donner un avis sur celles-ci.

L'amendement nº 6 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

Amendements nos 1, 7 et 34, 8, 39 et 85

Mme de Schamphelaere et M. Beke déposent un amendement nº 1 visant à supprimer l'alinéa 2 du § 3.

Mme de Schamphelaere explique qu'il s'agit ici de rencontrer l'objection faite par le Conseil d'État (Observations nos 6 et 7). Une ratification implicite est contraire à la Constitution car une règle ne peut être adoptée sans l'intervention expresse d'un organe constitutionnellement habilité à cet effet. En outre, la date à laquelle la règle deviendrait juridiquement contraignante ne serait pas connue par les justiciables à défaut de publication suffisante.

La solution proposée consiste uniquement à supprimer cette ratification implicite et à laisser subsister l'habilitation au Roi sans lui imposer de délai dont on ne voit pas comment on forcerait le respect.

MM. Brotchi et Destexhe déposent un amendement nº 7 visant à supprimer les alinéas 2 et 3 du § 3.

Cet amendement propose la même solution que l'amendement nº 1 pour répondre à l'avis du Conseil d'État. Il supprime en outre l'alinéa 3 qui n'a plus de raison d'être.

M. Vankrunkelsven remarque que ces amendements répondent à l'observation du Conseil d'État mais ne résolvent pas le problème qui a été soulevé au cours des auditions concernant la difficulté d'obtenir la ratification du code de déontologie.

M. Vankrunkelsven et Mme Van de Casteele déposent un amendement nº 34 visant à remplacer l'alinéa 2 du § 3.

M. Vankrunkelsven déclare qu'il partage le même souci que les auteurs de l'amendement précédent mais la solution qu'il propose est différente en raison de l'expérience actuelle des Ordres: la plupart de leurs règles n'ont jamais été ratifiées, à moins qu'elles n'existent depuis des décades. Résultat, le code existe, il est utilisé mais il ne peut jamais être invoqué directement en droit disciplinaire.

Pour éviter une situation aussi absurde, l'amendement nº 34 impose au Roi de se prononcer dans un délai de six mois sur les règles proposées. En cas d'inaction dans ce délai, le Parlement peut rappeler au ministre ses responsabilités.

Mme Van de Casteele précise qu'il y a des divergences d'opinion entre les différents ordres existants au sujet de la ratification des règles de déontologie. L'Ordre des pharmaciens souhaite une ratification afin de pouvoir plus facilement obtenir l'exécution forcée des règles de déontologie. Par contre, les médecins considèrent qu'on peut déjà aisément obtenir l'exécution des règles qui existent et qui n'ont pourtant pas fait l'objet de ratification. Quoi qu'il en soit, les auteurs de la présente proposition ont opté pour un renforcement de la formule de ratification de manière à augmenter la pression sur le Roi pour donner un fondement juridique plus fort au code de déontologie.

Mme De Schamphelaere est d'avis que l'inscription d'un délai dans la loi a peu d'impact en soi car il ne sera pas possible d'obtenir l'exécution forcée de cette obligation. La voie politique est en effet la seule envisageable et elle dépendra essentiellement de l'efficacité de la majorité à la Chambre et au Sénat.

Par ailleurs, l'amendement nº 7 vise à juste titre à supprimer aussi l'alinéa 3 puisque ce dernier a trait au délai entraînant la ratification implicite, que les différents amendements proposent de supprimer.

MM. Brotchi et Destexhe déposent un amendement nº 8 visant à compléter l'alinéa 1er du § 3.

Cet amendement vise la publication des règles de déontologie ratifiées par le Roi, toujours dans le souci de répondre à l'observation nº 7 du Conseil d'État.

M. Vankrunkelsven déclare que l'amendement nº 34 prévoit aussi la publication au Moniteur belge des principes de base et des règles ratifiés. Il se situe sur la même longueur d'onde que l'amendement nº 8.

Mme de Schamphelaere remarque que l'amendement nº 8 contient une précision supplémentaire en ce qu'il vise aussi le moment auquel les règles acquièrent force contraignante. Il conviendrait peut-être de combiner les deux amendements.

M. Vankrunkelsven objecte qu'il est évident que la ratification n'est pas seulement un acte symbolique. Cependant, il se demande si l'on ne met pas un peu trop l'accent sur le fait que le code n'a absolument aucune force obligatoire avant d'être ratifié. Il rappelle que, dans la situation actuelle, les Ordres fonctionnent avec des codes qui ne sont pas ratifiés. Il ne faudrait pas en arriver à un blocage.

M. Vankrunkelsven et Mme Van de Casteele déposent un amendement nº 39, sous-amendement à leur amendement nº 34, en vue de remplacer l'alinéa 2 du § 3 et de supprimer l'alinéa 3.

Ce sous-amendement est déposé suite aux discussions sur les amendements nº 1, 34, 7 et 8. Il prévoit un délai de six mois pour la ratification par le Roi, ce délai prenant cours à dater de la communication au ministre des projets de règles et de l'avis du Conseil supérieur. L'alinéa 3 est supprimé car il n'a plus de raison d'être.

MM. Vankrunkelsven et Brotchi déposent un amendement nº 85, sous-amendement à l'amendement nº 34, visant à remplacer l'alinéa 2 et à supprimer l'alinéa 3 du § 3 de l'article 3.

M. Vankrunkelsven renvoie à sa justification écrite.

L'amendement nº 1 est rejeté par 11 voix contre 2.

L'amendement nº 7 est retiré par ses auteurs.

L'amendement nº 8 est adopté par 11 voix et 2 abstentions.

L'amendement nº 39, sous-amendement à l'amendement nº 34, est retiré par ses auteurs.

L'amendement nº 85, sous-amendement à l'amendement nº 34, est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

L'amendement nº 34, ainsi sous-amendé, est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

Amendements nos 9 et 40

MM. Brotchi et Destexhe déposent un amendement nº 9 visant à remplacer l'alinéa 2 du § 4

Cet amendement vise à donner une définition différente du code de déontologie. M. Brotchi renvoie à sa justification écrite.

M. Destexhe rappelle qu'il est longuement intervenu sur la définition de la déontologie au cours de la discussion générale. Il propose ici une définition plus acceptable que celle proposée à l'article 3, tout en prenant en compte l'intérêt du patient et celui de la collectivité.

M. Vankrunkelsven constate que la définition proposée par l'amendement met l'accent sur une médecine de haute qualité, ce qui figure aussi dans la proposition de loi. L'amendement fait toutefois l'impasse sur la notion d'« exercice socialement acceptable ». L'intervenant avoue que cette partie du texte ne lui semble pas si importante dans la mesure où il s'agit d'un principe assez général qu'il est peut-être difficile à préciser. Par contre, il lui semble essentiel de conserver la prise en compte des moyens mis à disposition par la société.

Lors de la discussion générale, on a mis en évidence le risque d'une interprétation selon laquelle la déontologie ne permettrait pas à un médecin dans un cas concret de prescrire à un patient un traitement très coûteux qui ne serait pas remboursé par la société. Ce n'est pas l'intention des auteurs de la proposition. Il s'agit simplement de faire prendre conscience que, dans l'exercice général de la médecine, les moyens utilisés ont un prix et que, lorsqu'un traitement moins cher peut avoir un effet comparable, il doit nécessairement être pris en considération. Autre exemple, il ne serait pas justifié de faire des essais qui n'apporteraient rien à la situation du patient mais coûteraient cher à la société. C'est un exercice qu'on demande au praticien des soins de santé et l'intervenant estime que cela doit figurer dans la définition du code de déontologie. Cela n'empêche qu'on puisse trouver une autre formulation.

M. Brotchi objecte que le débat porte ici sur la déontologie, non sur le remboursement de soins. Quelle est la nécessité d'introduire dans un code de déontologie des notions de traitements différents avec l'obligation de favoriser le moins cher ? La déontologie concerne le médecin face à son patient et le devoir de lui fournir les meilleurs soins. Il est très dangereux d'introduire la notion de qualité-prix.

M. Destexhe répète que les auteurs de la proposition confondent déontologie et organisation de la sécurité sociale.

Mme de Schamphelaere pense que la définition peut être améliorée. Le point délicat a trait à l'attitude déontologique du praticien lui-même. La notion de « socialement acceptable » laisse entendre que l'attitude à adopter dépend de la mentalité qui prédomine dans la société. Par contre, elle estime que l'objectif est d'avoir une médecine de qualité, mais aussi accessible. L'attitude déontologique ne doit certes pas dépendre du budget des soins de santé mais elle est néanmoins liée à une affectation responsable des moyens de la communauté.

M. Vankrunkelsven accepte d'intégrer la notion d'accessibilité dans la définition mais il est d'avis que le système de sécurité sociale vise précisément à garantir cette accessibilité à tous. Il est vrai qu'un médecin qui abuse des moyens disponibles remet en cause cette accessibilité à tous, mais elle reste avant tout un objectif à atteindre par l'organisation de la sécurité sociale.

Quant à l'affectation responsable responsible des moyens, c'est précisément ce que vise le membre de phrase « tenant compte des moyens qui sont mis à la disposition des soins de santé par la collectivité ».

Mme Van de Casteele, présidente, admet qu'il faut essayer d'affiner la définition afin de concilier au maximum les différents points de vue mais il est clair que des divergences subsistent concernant ce que recouvre la déontologie.

Il existe des praticiens qui accordent plus d'importance à leurs revenus qu'à la situation du patient. C'est le type de situations par excellence que l'existence d'un code de déontologie doit permettre d'éviter. Tenir compte des moyens mis à disposition ne signifie pas faire dépendre la déontologie du budget du ministre de la Santé. Il est tout simplement socialement inacceptable qu'un médecin fasse dépenser plus d'argent à l'assurance maladie ou à son patient que ce qui est nécessaire pour la santé de ce dernier dans le but d'augmenter ainsi ses revenus personnels.

Dans les hôpitaux, certains patients utilisent par an le revenu de huit personnes pour payer leurs médicaments. Cela doit évidemment aller de pair avec une amélioration sensible de leur qualité de vie. Ce type de considérations doivent être prise en compte par le praticien dans sa décision. Il ne s'agit pas ici de mêler sécurité sociale avec déontologie, mais de prendre en compte l'explosion des coûts de nos soins de santé, ceci dans l'intérêt du patient individuel et de la communauté.

M. Destexhe estime que le problème ne se pose pas du tout en ces termes. Dans l'organisation de la sécurité sociale, la société a le droit de demander aux médecins de se conventionner, de fixer des tarifs pour le remboursement des médicaments, d'organiser le secteur public hospitalier d'une certaine façon, etc. Mais en dehors de la sécurité sociale, patients et médecins restent libres d'organiser leurs relations comme ils l'entendent. L'accessibilité des soins à tous est un rôle imparti à la société, dans l'organisation globale du système de soins. Ce n'est pas une question de déontologie. La définition proposée par les auteurs de la proposition introduit le risque de rationnement des soins.

Mme Van de Casteele réplique que le rationnement n'est évidemment pas du tout l'intention des auteurs de la proposition. Mais le sénateur ne peut ignorer que le facteur coût joue constamment un rôle dans les soins de santé. C'est la première préoccupation du patient que de savoir s'il pourra se payer le traitement et le médecin doit nécessairement tenir compte du coût s'il veut aider son patient.

M. Vankrunkelsven et Mme Van de Casteele déposent un amendement nº 40, sous-amendement à l'amendement nº 9 de MM. Destexhe et Brotchi, visant à ajouter un alinéa après l'alinéa 2 proposé au § 4 de l'article 3.

Sensible à la remarque de M. Destexhe, M. Vankrunkelsven veut éviter que la formulation du § 4 ne donne l'impression que le médecin, dans le traitement du patient, pourrait être limité par le budget des soins de santé. Le sous-amendement propose donc d'ajouter un alinéa pour préciser que ce qui est visé est une affectation justifiée des moyens mis à la disposition des soins de santé. Les moyens utilisés par l'autorité doivent recevoir une affectation optimale et en tout cas, être utilisés soigneusement et de manière responsable. Il ne s'agit en aucun cas de limiter la liberté de diagnostic ou la liberté thérapeutique. La nouvelle formulation devrait rassurer les auteurs de l'amendement nº 9.

M. Paque a du mal à comprendre l'ajout d'une dimension budgétaire dans la déontologie qui gouverne la relation du médecin avec son patient.

M. Vankrunkelsven réplique que la déontologie ne régit pas seulement les relations individuelles entre le médecin et son patient. Les praticiens de la santé évoluent dans une société au sein de laquelle des moyens sont mis à la disposition de la médecine. Ces moyens sont limités. Si un médecin dans l'exercice de l'art de guérir essaie de s'enrichir sans apporter d'amélioration à la santé de ses patients, c'est un usage irresponsable de ces moyens et une faute déontologique.

M. Paque est d'avis que la déontologie régit les rapports entre médecins et entre médecins et patients. D'autres instances s'occupent des aspects budgétaires et veillent au suivi et au respect du budget disponible.

M. Vankrunkelsven estime que ce n'est pas tout à fait vrai. Les commissions médicales vérifient si les codes utilisés pour les honoraires sont corrects. Mais un médecin, tout en utilisant les codes ordinaires, pourrait se faire payer d'une autre manière pour entamer un traitement spécifique. Un tel abus ne relèverait pas de la compétence de la commission médicale, mais pourrait être jugé par l'Ordre des médecins.

Mme Van de Casteele, présidente, ajoute que la liberté thérapeutique absolue n'existe plus en réalité. Vu l'abondance de possibilités de traitements et l'augmentation des coûts, non seulement des médicaments mais de toutes les évolutions technologiques dans la médecine, le médecin aujourd'hui doit nécessairement tenir compte des coûts pour son patient mais également du cadre général de l'enveloppe budgétaire des soins de santé.

M. Paque admet qu'on tienne compte des marges budgétaires avant d'opter pour tel traitement mais il répète que cela ne s'inscrit pas dans le cadre de la déontologie. En outre, il est question dans l'amendement d'affectation « justifiée » et il se demande au regard de quoi on va justifier cette affectation et qui va contrôler le bien-fondé de cette justification.

M. Vankrunkelsven déclare qu'il s'agit d'un concept large. L'affectation doit se justifier au regard de la société.

Mme Van de Casteele conseille de consulter les codes de déontologie existants pour y trouver des exemples de référence aux coûts.

L'amendement nº 40, sous-amendement à l'amendement nº 9, est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

L'amendement nº 9, ainsi sous-amendé, est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

Amendement nº 86

MM. Vankrunkelsven et Brotchi déposent un amendement nº 86 visant à supprimer les mots « la création » au § 4, alinéa 3, dernier tiret, de l'article 3.

M. Vankrunkelsven explique que ces mots pourraient donner l'impression que le Conseil supérieur de déontologie réglera aussi l'organisation des services de garde, ce qui n'est pas l'intention des auteurs de la proposition.

L'amendement nº 86 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

Amendement nº 102

Mme Van de Casteele dépose l'amendement nº 102 visant, d'une part, à rassembler les deuxième, troisième et quatrième alinéas du § 4 dans un nouveau § 5 et, d'autre part, à compléter le § 5 par un alinéa nouveau rédigé comme suit:

« Les propriétaires, administrateurs, détenteurs d'un permis ou d'un agrément d'établissements où des praticiens de la santé exercent leurs activités ne peuvent pas empêcher ces derniers de respecter les dispositions d'un code de déontologie. »

Les pharmaciens hospitaliers ont signalé qu'ils étaient souvent dépendants de l'établissement dans lequel ils travaillaient en ce qui concerne l'exécution de leurs tâches. Il en va de même pour les médecins ou les kinésithérapeutes ou pour les pharmaciens qui ne sont pas propriétaires de l'officine où ils travaillent.

Il est proposé d'ajouter ce nouvel alinéa au § 5 afin d'éviter que ces établissements n'empêchent les praticiens de la santé de respecter la déontologie.

Les dispositions du § 4 ayant trait au code de déontologie sont déplacées vers un paragraphe distinct, pour montrer clairement qu'elles ne concernent pas seulement les médecins, les pharmaciens et les kinésithérapeutes, mais bien toutes les professions des soins de santé, comme les infirmiers. Il en va de même pour le nouvel alinéa.

Mme De Schamphelaere s'interroge sur les moyens qui peuvent être mis en œuvre concrètement pour imposer le respect de la déontologie.

Mme Van de Casteele répond qu'il est par exemple tout à fait possible que l'Ordre assure une médiation, entre autres avec le propriétaire d'une officine ou la direction d'un hôpital. Le nouvel alinéa indique clairement qu'il faut respecter la déontologie, sans que des sanctions pénales ou disciplinaires n'aient été prévues.

Le ministre souligne qu'une action civile en dommages et intérêts est également une possibilité.

L'amendement nº 102 est adopté par 10 voix et 2 abstentions.

L'article 3, ainsi amendé, est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

Article 4

M. Vankrunkelsven explique qu'un conseil supérieur de déontologie qui est amené à traiter des questions de déontologie pour toutes les professions des soins de santé doit être fondé sur une représentation large de toutes ces professions. C'est évidemment difficile. L'objectif est de tenir compte de deux facteurs: la responsabilité — les responsabilités d'un médecin qui prescrit des traitements dans un hôpital est différente de celle des infirmiers qui appliquent ces traitements -— et le nombre de membres actifs dans une catégorie professionnelle. À côté des membres retenus sur la base de ces critères, la composition du Conseil supérieur inclut aussi des personnes qui peuvent développer une vision plus générale de la déontologie du point de vue de l'intérêt de la société.

Amendement nº 10

MM. Destexhe et Brotchi déposent un amendement nº 10 visant à remplacer le 2º de l'article 4, § 1er, de manière à augmenter la représentation des médecins.

M. Paque explique que l'amendement vise à porter le nombre des médecins au sein du Conseil de douze à quatorze, dont sept généralistes et sept spécialistes. Il renvoie à la justification écrite de l'amendement.

M. Vankrunkelsven estime qu'il faut éviter de voir la société sur base d'une dichotomie entre, d'une part, les médecins et, d'autre part, le reste du monde. Les médecins ont toujours leur Ordre qui peut édicter leur propre code de déontologie. Il est important que le Conseil supérieur puisse établir de manière collégiale, par consensus, des règles générales de déontologie applicables à toutes les professions de soins de santé. La justification de l'amendement proposé ne s'accorde pas du tout avec cette philosophie.

Mme de Schamphelaere ajoute que, pour édicter des principes fondamentaux de déontologie, il est évident que les membres ne se laisseront pas uniquement guider par l'intérêt de leur profession mais que la réflexion dépassera le cadre corporatiste. La justification de l'amendement adopte précisément l'approche inverse à celle qui doit prévaloir pour le Conseil supérieur.

Mme Van de Casteele, présidente, signale que tous les autres groupes professionnels se plaignent d'une surreprésentation des médecins au sein du Conseil. Les pharmaciens en particulier se trouvent sous-représentés. La représentation de toutes les professions paramédicales est difficile à assurer. Enfin, le Conseil d'État a fait remarquer que les accoucheuses apparaissent ici comme catégorie distincte alors que le reste de la législation les range dans la catégorie des praticiens infirmiers.

Au sujet du 10º relatif aux membres ayant une expérience en matière de droits des patients, les auditions ont soulevé certaines questions relatives à l'objectivité des services de médiation. Le secteur ambulatoire a peu l'expérience de la fonction d'ombudsman. Les services d'ombudsman existent surtout dans le milieu hospitalier, mais il s'agit souvent d'une fonction exercée à mi-temps par des personnes employées pour l'autre mi-temps par l'hôpital. En outre, le financement du service d'ombudsman se fait via une enveloppe octroyée à l'hôpital. Peut-être faut-il mieux circonscrire la fonction d'ombudsman dans la loi afin de garantir son objectivité ? Ou confier cette fonction à un représentant des patients, comme le demande la Vlaams Patiëntenplatform ? Mme Van de Casteele trouve que cette possibilité doit certainement être examinée.

M. Vankrunkelsven rappelle que les auteurs de la proposition ont tenté d'intégrer dans la composition du Conseil supérieur un spécialiste de la déontologie issu du milieu hospitalier.

Le ministre des Affaires sociales et de la Santé publique réplique qu'il est difficile de déterminer objectivement qui représente les patients de manière globale. Toutes les associations de patients ne sont pas liées à la Vlaamse Patiëntenplatform ou à la LUSS. En outre, il s'agit ici davantage d'un critère d'expertise que de représentatitivité.

Mme Van de Casteele remarque que les services d'ombudsman sont déjà aujourd'hui confrontés à des problèmes de demandes excessives et de manque de personnel.

L'amendement nº 10 est retiré par ses auteurs.

Amendement nº 35

M. Vankrunkelsven et Mme Van de Casteele déposent un amendement nº 35 visant à remplacer le 1º du § 1er de l'article 4.

Cet amendement vise à répondre à l'observation nº 9 du Conseil d'État sur la manière d'établir le bilinguisme du président du Conseil supérieur. Soit ce bilinguisme est établi parce que sa fonction (Cour de Cassation, Conseil d'État) l'implique par définition, soit le bilinguisme a été démontré d'une autre manière (Cour d'arbitrage).

L'amendement nº 35 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

Amendements nos 36 et 80

M. Vankrunkelsven et Mme Van de Casteele déposent un amendement nº 36 visant à compléter le 9º du § 1er de l'article 4.

Cet amendement vise à répondre à l'observation nº 10 du Conseil d'État selon laquelle l'autorité fédérale n'est pas compétente pour exiger unilatéralement d'organismes relevant des communautés qu'ils présentent une liste de candidats membres spécialistes des questions de déontologie.

L'amendement maintient la présentation par les communautés mais prévoit que si celles-ci ne s'exécutent pas, les candidats peuvent être présentés par le Roi.

Mme de Schamphelaere trouve un peu particulier de résoudre le problème en passant la main au fédéral.

Mme Van de Casteele, présidente, réplique que l'autorité fédérale peut adresser une demande aux Communautés mais elle ne peut les obliger à y répondre. C'est pour suppléer à leur inertie éventuelle que la proposition habilite le Roi à présenter des candidats issus du milieu universitaire sur la base des mêmes critères. Une solution semblable a été adoptée pour la composition du Conseil fédéral des seniors.

M. Vankrunkelsven ajoute que la solution s'impose pour éviter un déséquilibre entre les communautés si l'une présente des candidats et l'autre pas.

Mme Nyssens demande si la remarque du Conseil d'État vise à pallier le vide juridique qui résulterait de l'inaction des Communautés ou si elle vise un problème communautaire tenant à ce que l'autorité fédérale ne peut imposer une obligation aux Communautés.

M. Vankrunkelsven répond que l'autorité fédérale peut demander aux Communautés l'exécution d'une mission mais qu'elle ne peut en obtenir l'exécution forcée.

Mme de Schamphelaere remarque que le Comité consultatif de bioéthique est composé sur base de présentations du gouvernement flamand et qu'à défaut de décision dans son chef, aucune autre autorité n'intervient pour remplir les mandats, même si la situation est au détriment de la communauté.

Le ministre attire l'attention sur le fait que le Comité consultatif de bioéthique, au contraire du Conseil supérieur, est basé sur un accord de coopération.

Mme Crombé-Berton remarque qu'il faudrait ajouter au § 4, alinéa 1er, lorsqu'il est est question de la catégorie visée au § 1er, les mots « à l'exclusion du 1º ». En effet, le Conseil supérieur compte un nombre identique de francophones et néerlandophones à l'exclusion du Président.

Par ailleurs, quels sont les règles de vote ? Il y a parité mais le président, même s'il est bilingue, appartient forcément à un groupe linguistique. Si un problème communautaire se pose, n'est-ce pas le président qui va faire pencher la balance dans le sens favorable au groupe linguistique dont il est issu ?

M. Vankrunkelsven admet qu'en théorie, un tel problème peut se poser. Néanmoins, le Conseil supérieur sera rarement au complet pour ses réunions. Il suffit donc d'un membre absent pour faire pencher la balance en faveur de l'autre groupe linguistique.

Le membre n'a pas le sentiment que l'élaboration d'un code de déontologie est une matière très sensible sur le plan communautaire. Il n'est en tout cas pas favorable à la création de conseils de déontologie distincts pour les deux grandes Communautés. Les praticiens du terrain ont demandé eux-même cette approche commune.

Si vraiment un problème communautaire se posait, ce n'est sans doute pas le président qui pourrait l'emporter. Il faudrait arriver à un compromis, à défaut de quoi la situation resterait bloquée.

Mme Van de Casteele, présidente, ajoute que ce type de composition est la règle pour la plupart des organes fédéraux et cela fonctionne. Elle ne voit d'ailleurs pas quelle formule on pourrait adopter pour rencontrer la préoccupation de la sénatrice.

Le ministre souligne qu'une procédure de sonnette d'alarme est prévue au § 4, dernier alinéa.

M. Vankrunkelsven ajoute que le Conseil supérieur demeure un organe d'avis. S'il est aux prises avec un problème communautaire, il est évident qu'il sera paralysé, il se déclarera incompétent et le problème sera renvoyé au Roi à qui appartient in fine la compétence de promulguer le code.

Mme Crombé-Berton objecte aussi que la procédure de sonnette d'alarme ne vise que le cas de l'avis rendu par une seule section, pas les cas de délibération du Conseil avec ses deux sections réunies. Ne pourrait-on étendre la procédure ?

M. Vankrunkelsven s'étonne de la vision conflictuelle qu'a la sénatrice du fonctionnement du Conseil supérieur. Lui-même ne croit pas du tout que les avis seront rendus sur une base communautaire. Cela rendrait d'ailleurs le fonctionnement de cet organe impossible.

Au sujet de la sonnette d'alarme, M. Paque attire l'attention sur d'autres amendements qui visent précisément à la supprimer.

M. Vankrunkelsven dépose un amendement nº 80 visant à corriger le texte néerlandais du § 1er, 9º, de l'article 4 en remplaçant le mot « dubbeltal » par les mots « dubbele lijst ».

Les amendements nº 36 et 80 sont retirés par leurs auteurs.

Amendements nos 87 et 90

MM. Vankrunkelsven et Brotchi déposent un amendement nº 87 visant à remplacer le 9º au § 1er de l'article 4.

M. Brotchi déclare que l'amendement a pour but d'assurer une meilleure représentation des médecins sans pour autant en augmenter le nombre ni augmenter le nombre de membres du Conseil. Il propose dès lors que la moitié des huit spécialistes des questions déontologiques soient des médecins.

M. Vankrunkelsven ajoute que cet amendement consacre un état de fait: il est probable en effet qu'au moins la moitié des spécialistes en déontologie auraient été des médecins. Mais il lui semble justifié de fixer dans la loi cet équilibre dans la répartition des sièges.

Mme Van de Casteele dépose un amendement nº 90, sous-amendement à l'amendement nº 87, afin d'apporter une correction technique au 9º proposé en remplaçant, dans le texte néerlandais, le mot « dubbeltal » par les mots « een dubbele lijst ».

L'amendement nº 90, sous-amendement à l'amendement nº 87, est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

L'amendement nº 87, ainsi sous-amendé, est adopté par le même vote.

Amendements nos 3 et 37

Mme de Schamphelaere et M. Beke déposent un amendement nº 3 visant à supprimer le dernier alinéa du § 4 de l'article 4.

M. Vankrunkelsven et Mme Van de Casteele déposent un amendement nº 37 ayant le même objet.

M. Vankrunkelsven précise que l'amendement répond à une observation du Conseil d'État qui fait remarquer que, dans l'hypothèse où le Conseil réuni donne son avis sur le projet d'avis d'une des sections, il conviendrait peut-être d'appliquer des règles particulières de décision, notamment l'exigence d'une majorité dans chaque groupe linguistique. Les auteurs de l'amendement ont opté pour la suppression pure et simple de la procédure mais une autre solution est possible pour répondre à l'avis du Conseil d'État.

Mme Van de Casteele déclare qu'on peut en effet maintenir la sonnette d'alarme et prévoir alors une majorité dans chaque groupe linguistique comme le suggère le Conseil d'État.

M. Vankrunkelsven remarque que la procédure de sonnette d'alarme a été supprimée pour la raison suivante. Si une section du Conseil supérieur rend un avis à l'intention du ministre de la Communauté concernée, peu importe à ce ministre que l'autre section ait une opinion différente et que le Conseil réuni rende un nouvel avis. Il va certainement tenir compte du premier avis dans sa décision. C'est une réalité politique. Selon le membre, la possibilité de remettre en cause cet avis et d'en rendre un nouveau avec les sections réunies ne fait que créer une confusion et exacerber des tensions communautaires.

Mme Crombé-Berton rappelle que le Conseil supérieur, composé de façon paritaire, vise à uniformiser les règles de déontologie pour toutes les professions médicales, pour l'ensemble du pays. Or, l'intervenant précédent estime que, pour les compétences décrétales, il y aura indépendance complète de la section dans les avis qu'elle rendra au ministre communautaire compétent. Quel est encore l'intérêt de créer un organe fédéral si une section, francophone par exemple, n'a pas de recours contre l'avis que donne l'autre section à la communauté flamande ?

Mme Van de Casteele observe que les ordres existants comportent deux sections et fonctionnent selon des règles semblables, sans que cela pose problème.

M. Vankrunkelsven illustre son argumentation par un exemple: imaginons que la Communauté française décide d'imposer la vaccination obligatoire des enfants dans le cadre des visites médicales scolaires (en supposant que la Communauté flamande mène quant à elle une politique différente en matière de vaccination). Elle souhaite néanmoins recueillir au préalable l'avis de spécialistes sur cette initiative. Au lieu de créer un organe spécifique, qui serait en fait composé des mêmes spécialistes que ceux qui siègent à la section francophone du Conseil supérieur, il semble logique de faire appel au Conseil, mais uniquement à ses membres issus de la Communauté française.

Les amendements nos 3 et 37 sont retirés par leurs auteurs.

Amendement nº 2

Mme de Schamphelaere et M. Beke déposent un amendement nº 2 visant à remplacer le § 4, alinéa 4, pour déterminer les cas dans lesquels les sections du Conseil supérieur peuvent se réunir séparément.

Mme de Schamphelaere rappelle que beaucoup d'éléments de la politique de Santé publique ont des aspects communautaires ou régionaux. Une grande partie de la politique de prévention, notamment, est essentiellement du ressort des communautés. Il est évident que des avis seront demandés, que ce soit en matière de vaccination, soins à domicile, mesures préventives .... Il semble dès lors logique que l'avis demandé par la Communauté flamande soit discuté et émis uniquement par la section néerlandophone et inversément. La création d'un organe fédéral ne doit pas freiner la possibilité pour les communautés de mener des politiques différentes dans les matières de santé publique de leur compétence.

Mme Nyssens constate que, face au même texte, un parti francophone craint la possibilité d'agir trop sur base communautaire tandis qu'un parti néerlandophone redoute la prédominance du fédéral. Quelles ont été, clairement, les intentions des auteurs de la proposition ?

Mme Van de Casteele, présidente, estime qu'il faut tenir compte de deux éléments: d'une part, la répartition des compétences actuelle et d'autre part, la pratique dans les Ordres existants sur laquelle les auteurs se sont en partie basés pour rédiger leur proposition. Les sections des Ordres ont la possibilité de se réunir séparément mais dans la pratique, c'est très rare.

La question du caractère fédéral de la déontologie s'est posée. Les auteurs de la proposition ont adopté le point de vue selon lequel il n'est pas souhaitable de communautariser la déontologie. La prise de position n'est pas évidente dans la mesure où l'on va vers une communautarisation de plus en plus grande de la politique des soins de santé. Néanmoins, même dans ce cas, il semble que les grands principes de déontologie doivent transcender les régions et communautés, voire même pour une part être fixés au niveau européen. Pour l'application de ces principes, on devra éventuellement tenir compte de l'organisation des soins de santé et des compétences.

M. Vankrunkelsven est d'avis que l'amendement nº 2 implique que tout ce qui concerne le code général de déontologie, l'éthique des professions des soins de santé, relève du Conseil dans son ensemble. Si une question concerne un secteur de compétences relevant des communautés, elle doit être confiée à la section correspondant à cette communauté. Selon lui, cette vision rejoint celle des auteurs de la proposition.

M. Paque trouve que l'amendement remet en cause l'objectif de la proposition. Il préfère s'en tenir au texte de la proposition qui laisse toujours la possibilité de se réunir séparément.

Mme de Schamphelaere objecte que son amendement ne fait que reproduire la pratique actuelle au sein des Ordres. Sur le débat actuel, par exemple, un avis a été émis par l'Ordre mais aussi par ses sections. Il ne faut pas aller à l'encontre de cette dynamique.

Mme Crombé-Berton s'étonne que des questions de déontologie puissent faire l'objet d'avis différents au nord et au sud du pays. Qu'entend-on par déontologie ? Ainsi, elle ne comprend pas en quoi un décret relatif à la vaccination des enfants pris au sud du pays pourrait concerner le Conseil de déontologie.

Mme De Schamphelaere souligne que la proposition de loi entend précisément élargir la notion de déontologie au-delà de la relation individuelle entre les médecins et leurs patients. L'approche multidisciplinaire prend de plus en plus d'importance et il est de l'intérêt du patient d'améliorer la concertation et la communication entre les groupes professionnels. Imaginons que la Communauté flamande décide d'adopter un plan d'action relatif aux soins à domicile de manière à rendre ceux-ci accessibles au plus grand nombre. L'information du patient sur ces possibilités doit-elle se faire via les consultations chez le médecin généraliste ? C'est une question de déontologie.

M. Vankrunkelsven répond à la question sur la vaccination que toute décision a des répercussions, crée des interactions entre les médecins. Si la vaccination est organisée via l'école, il est clair qu'il faut une communication entre le médecin traitant et les services médicaux scolaires en cas d'allergie à certains composants du vaccin. La communication entre médecins est une question de déontologie qui peut être réglée par voie décrétale.

L'amendement nº 2 est rejeté par 11 voix contre 2.

Amendement nº 41

M. Vankrunkelsven et Mme Van de Casteele déposent un amendement nº 41 visant à insérer au § 4 un nouvel alinéa.

Cet amendement vise à répondre à l'observation nº 11 de l'avis du Conseil d'État qui souligne que la loi doit fixer des critères permettant de déterminer si un membre est francophone ou néerlandophone. En Région wallonne et flamande, le critère sera l'exercice de l'activité professionnelle principalement dans la région ou l'inscription au rôle linguistique. En Région de Bruxelles-Capitale, le membre qui n'est pas inscrit à un rôle linguistique peut choisir, étant entendu que ce choix est définitif.

Mme Van de Casteele ajoute que le même problème s'est posé pour le Conseil fédéral des seniors. Pour les personnes qui ne sont pas fonctionnaires, l'appartenance à un groupe linguistique n'est pas évidente. Il faut fixer des critères permettant de la déterminer avec certitude.

M. Paque s'interroge sur le cas des médecins bilingues qui travaillent des deux côtés de la frontière linguistique. D'autre part, il demande ce que signifie la référence à l'article 20, § 1er, de la loi du 18 juillet 1966 sur l'emploi des langues en matière administrative.

M. Vankrunkelsven déclare que les médecins qui travaillent des deux côtés de la frontière linguistique doivent faire un choix comme c'est le cas aujourd'hui au sein des Ordres. Ils doivent même s'incrire dans une province.

Actuellement, la situation est très claire pour l'Ordre des pharmaciens: en Région flamande ou wallonne, le pharmacien est inscrit dans la province où il travaille; en Région de Bruxelles-Capitale, il a le choix. Par contre, pour l'Ordre des médecins, le choix est laissé aussi dans les communes à facilités. Le Conseil d'État a estimé que l'article 9 de la proposition à l'examen n'était plus conforme sur ce point à la législation sur les langues. Il faudra trouver une solution de compromis à l'occasion de l'examen de l'article 9.

L'article 20, § 1er, de la loi du 18 juillet 1966 dispose que: « Les services locaux établis dans Bruxelles-Capitale rédigent en francais ou en néerlandais, selon le désir de l'intéressé, les actes qui concernent les particuliers, ainsi que les certificats, déclarations et autorisations qui leur sont délivrés. »

L'amendement nº 41 est retiré par ses auteurs.

Amendements nos 11 et 70

MM. Destexhe et Brotchi déposent un amendement nº 11 visant à supprimer le § 5 de l'article 4.

M. Paque explique que le § 5 énumère des incompatibilités si nombreuses qu'il est permis de se demander qui pourra encore être membre du Conseil. Cela risque d'empêcher les membres ayant une expérience particulière en la matière d'en faire partie

M. Vankrunkelsven déclare que l'Ordre des médecins a fait l'objet, il y a une vingtaine d'années, d'intenses critiques dues à la confusion d'intérêts qui existait entre les associations syndicales et les organes de l'Ordre censés veiller à la déontologie et à l'éthique de la profession médicale. Cela a souvent mené, surtout au niveau des conseils provinciaux, à des décisions guidées, non par la déontologie mais par le fait que la personne était membre ou non d'un syndicat. C'est tout à fait inacceptable.

L'Ordre des médecins, lui-même, a mis progressivement fin à cette situation. Si l'on exige cette indépendance dans les organes des différents ordres professionnels, il est clair a fortiori qu'on ne peut accepter au plus haut niveau d'un Conseil de déontologie que des membres soient actifs dans les organes des associations de défense des intérêts d'une catégorie professionnelle. Le texte ne prescrit pas une incompatibilité avec la qualité de membre d'une telle association mais bien avec l'occupation d'une fonction dirigeante ou la qualité de membre d'un organe d'une telle association. On pourrait éventuellement se limiter à viser les fonctions dirigeantes, mais de toute manière, ces organes ne comptent pas beaucoup de membres.

Quant aux membres d'une commission médicale provinciale, ils exercent une fonction assez répressive et il ne serait pas bon qu'ils siègent au sein d'un tribunal disciplinaire. On ne peut pas permettre de confusion d'intérêts entre les deux points de vue.

Si l'on demande une séparation stricte pour les goupes professionnels, il est évident que la représentation des patients ne peut non plus être confiée à des personnes qui exercent des compétences de défense des patients.

Enfin, les personnes occupant de hautes fonctions à l'INAMI ne doivent pas non plus jouer de rôle actif dans les Ordres.

Mme Van de Casteele, présidente, ajoute qu'il est indispensable de prévoir certaines incompatibilités. Les critiques entendues lors des auditions avaient trait à la formulation trop large qui visait au départ, par exemple, tous les membres de syndicats. Le texte a été adapté en conséquence pour se focaliser sur les fonctions qui pouvaient entraîner une sérieuse confusion d'intérêts. Ainsi, les commissions médicales provinciales exercent aussi une fonction de contrôle mais selon un tout autre angle d'approche.

M. Brotchi dépose un amendement nº 70, subsidiaire à l'amendement nº 11, visant à remplacer le § 5 de manière à prévoir quand même quelques incompatibilités avec certaines fonctions au sein des SPF Sécurité sociale et Justice et dans les organismes parastataux dépendant de ces SPF, dont l'INAMI. Ces incompatibilités sont néanmoins beaucoup plus limitées que celles inscrites dans la proposition de loi.

Les amendements nos 11 et 70 sont retirés par leurs auteurs.

Amendements nos 77 et 88

M. Vankrunkelsven dépose un amendement nº 77 visant à supprimer des mots au § 5, alinéa 3, afin de supprimer l'incompatibilité entre la qualité de membre du Conseil supérieur et celle de membre d'un organe ou de la direction d'un établissement de soins.

L'amendement nº 77 est retiré par son auteur, qui dépose avec M. Brotchi l'amendement nº 88 visant à remplacer les alinéas 1er et 3 de l'article 4, § 5.

M. Brotchi rappelle que le texte initial visait à exclure toute personne faisant partie d'un organe d'une association de défense des intérêts d'une catégorie de professionnels des soins de santé. Cettte exclusion était à l'évidence trop large. C'est pourquoi l'amendement se limite aux personnes exerçant une fonction dirigeante dans une telle association.

M. Vankrunkelsven ajoute qu'un des principaux reproches faits à l'Ordre des médecins, et de manière générale à l'encontre des ordres professionnels, tient aux confusions d'intérêts. La crédibilité des ordres en était affectée. C'est pourquoi les auteurs des propositions de réforme des Ordres des médecins et des pharmaciens, ainsi que de création du Conseil supérieur de déontologie, ont attaché beaucoup d'importance à l'établissement d'incompatbilités. Néanmoins, il faut être conscient du fait que le nombre de professionnels désireux de s'impliquer plus avant dans l'organisation de la profession n'est pas infini. Des personnes actives dans le monde syndical peuvent aussi s'occuper sérieusement de déontologie. Comme il est déjà difficile de recruter des membres au sein des ordres, il faut veiller à ne pas exclure ce type de personnes.

Mme Geerts se dit tout à fait d'accord avec cette ouverture aux personnes actives dans la défense des intérêts professionnels. Elle s'inquiète toutefois de la formulation de l'amendement. La notion d'« association de défense des intérêts professionnels » est-elle suffisamment claire pour ne pas susciter de discussion ?

M. Vankrunkelsven précise que la formulation se veut à dessein suffisamment large. Il est clair que les organisations syndicales sont visées, mais aussi d'autres organisations qui, dans le milieu médical, s'occupent entre autres de défense d'intérêts professionnels. Une personne exerçant une fonction dirigeante au sein du conseil d'administration d'un laboratoire serait, selon lui, visée par l'exclusion.

Mme De Schamphelaere est d'avis que la rédaction de l'amendement devrait être améliorée, tant pour la clarté que sur le plan linguistique. Le texte néerlandais de l'alinéa 3, dans sa version originale, utilisait la négation « noch ... noch » tandis que le texte de l'amendement utilise les mots « noch ... of ».

L'amendement nº 88 est adopté par 11 voix contre 2.

Amendement nº 97

Mme Van de Casteele et M. Brotchi déposent un amendement nº 97 visant à remplacer au § 5 de l'article 4, les mots « à l'alinéa 1er » par les mots « au § 1er ».

Il s'agit d'une simple correction technique.

L'amendement nº 97 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

Amendement nº 38

M. Vankrunkelsven et Mme Van de Casteele déposent un amendement nº 38 visant à compléter le § 8.

L'amendement habilite le Roi à déterminer comment le greffier justifiera de son bilinguisme, ceci afin de répondre à l'observation nº 14 du Conseil d'État.

L'amendement nº 38 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

L'article 4, ainsi amendé, est adopté par 11 voix contre 2.

Article 5

L'article dispose que le Conseil supérieur prend ses décisions à la majorité ordinaire des membres présents, à l'exception de certaines matières pour lesquelles une majorité des deux tiers est requise.

L'article 5 est adopté par 11 voix et 2 abstentions.

Article 6

L'article 6 concerne le règlement d'ordre intérieur.

L'article 6 est adopté par 11 voix et 2 abstentions.

Article 7

Cet article prévoit le financement du Conseil par une dotation annuelle inscrite au budget.

Mme Nyssens s'interroge sur le coût de l'installation du Conseil.

Le ministre répond qu'il ne dispose pas encore d'une estimation.

Mme Van de Casteele déclare qu'on peut se fonder sur ce que coûtent actuellement les Ordres, sous réserve de leur ancienneté, du fait qu'ils se sont développés progressivement et ont acquis un patrimoine. Ils demandent en outre une cotisation à leurs membres, ce qui ne sera pas le cas du Conseil supérieur. Cette absence de financement du Conseil par les membres est d'ailleurs l'une des raisons qui motive certaines professions à ne pas réclamer particulièrement la création de leur ordre propre. Cela dit, la création du Conseil supérieur permettra aux Ordres de faire des économies dans la mesure où ils ne devront plus financer les instances de recours qui relèveront désormais du Conseil.

La présidente soulève par ailleurs la question d'une indemnité pour les membres qui siégeront au Conseil supérieur, notamment dans les organes de recours. C'est en effet un point délicat actuellement au sein des Ordres car ce sont toujours les mêmes personnes qui se dévouent pendant leurs heures de travail, ceci afin de faire respecter les règles de déontologie au bénéfice de tous les membres de la profession.

Mme de Schamphelaere partage cette opinion. S'il est vrai que notre société accorde beaucoup de valeur au bénévolat dans les secteurs de soins, d'accompagnement des malades, d'aide aux défavorisés, etc., il est une forme de volontariat qu'on oublie souvent, à savoir l'implication de tous ces experts dans des organes consultatifs qui ne pourraient fonctionner sans eux. Il en va de même pour les membres d'organes de gestion d'ASBL, les membres d'organisations de défense des intérêts professionnels. Ces catégories de bénévoles méritent certainement une indemnité.

L'article 7 est adopté par 11 voix et 2 abstentions.

TITRE III

Après le Titre II consacré au Conseil supérieur, le Titre III contient une série de directives pour les Ordres des professions de soins de santé. Il existe actuellement un Ordre des médecins et un Ordre des pharmaciens, mais des ordres peuvent être créés pour d'autres professions de soins de santé, tous ces ordres se regroupant in fine sous l'égide du Conseil supérieur.

Le Titre III fixe un cavenas et des règles générales pour tous les ordres existants ou à venir dans le domaine des soins de santé. Pour les groupes professionnels qui ne souhaitent pas se doter d'un ordre, le droit disciplinaire sera exercé par le Conseil supérieur.

Une fois la loi entrée en vigueur, il appartiendra à chaque groupe professionnel de décider si l'appartenance au Conseil supérieur leur apparaît suffisante ou s'ils vont faire usage de la possibilité de créer un ordre.

Mme Van de Casteele, présidente, précise que les deux propositions de loi déposées initialement, relatives, respectivement, à l'Ordre des médecins et à l'Ordre des pharmaciens, ont été amendées de manière à ne conserver dans celles-ci que les points spécifiques à ces deux ordres. Elle ajoute que les kinésithérapeutes ont manifesté leur souhait de se doter de leur ordre propre et qu'une proposition de loi va être déposée dans ce but.

Article 8

L'article 8 présente la structure qui doit être celle de tous les ordres des professions médicales. Ces Ordres ont la personnalité juridique. Ils se composent d'un Conseil national et de Conseils provinciaux ou, le cas échéant pour les professions comptant moins de membres, de Conseils territoriaux, par exemple à l'échelle de la Région. L'article règle ensuite la représentation des Ordres, notamment en justice; l'emploi des langues (§ 2) et la rémunération des membres des organes (§ 3).

Amendement nº 42

M. Vankrunkelsven et Mme Van de Casteele déposent un amendement nº 42 visant à supprimer l'alinéa 1er du § 2 de cet article.

Cet amendement répond aux observations nº 15 et 16 du Conseil d'État.

L'amendement nº 42 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

Amendement nº 43

M. Vankrunkelsven et Mme Van de Casteele déposent un amendement nº 43 visant à supprimer la deuxième phrase du § 3 de cet article.

Cet amendement vise à supprimer la délégation directe au ministre de la Justice, conformément à l'observation nº 17 du Conseil d'État.

Mme Van de Casteele, présidente, précise que les auteurs avaient prévu une délégation directe au ministre de la Justice parce que la rémunération des magistrats est partiellement financée par le budget du ministère de la Justice et qu'en tout cas pour la rémunération, il faut tenir compte de la manière dont ce magistrat est rémunéré pour sa fonction principale. Cela fonctionne de cette manière actuellement au sein des Ordres.

L'amendement nº 43 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

L'article 8, ainsi amendé, est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

Article 9

L'article 9 détermine qui est membre de l'Ordre. Les praticiens qui ont leur activité professionnelle principale dans l'arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale peuvent choisir de s'inscrire au tableau francophone ou néerlandophone. Cette liberté de choix doit sans doute encore faire l'objet de discussion, quant à savoir qui peut en bénéficier exactement.

Amendement nº 4

Mme de Schamphelaere et M. Beke déposent un amendement nº 4 visant à supprimer le début de l'alinéa 2.

Les auteurs de l'amendement estiment que les médecins des communes périphériques ne peuvent avoir le libre choix de l'inscription au tableau de l'Ordre des médecins du Brabant flamand ou du Brabant wallon. Ce serait, selon eux, contraire à la division de la Belgique en régions linguistiques, communautés, régions et provinces.

L'amendement nº 4 est rejeté par 11 voix contre 2.

L'article 9 est adopté par 11 voix contre 2.

Article 10

L'article 10 énonce ce que les Ordes peuvent posséder en propriété. Les donations ou legs au profit des Ordres doivent être autorisés par le Roi. Enfin, les Ordres peuvent demander une cotisation à leurs membres.

Amendements nos 27 et 63

MM. Destexhe et Brotchi déposent un amendement nº 27 visant à compléter le 3e alinéa de l'article.

M. Brotchi renvoie à la justification écrite. L'amendement reprend une proposition faite par le Conseil national pour éviter que des médecins prospères échappent au paiement des cotisations à l'Ordre au moyen d'une construction juridique.

Mme de Schamphelaere et M. Beke déposent un amendement nº 63 visant à compléter l'alinéa 3.

Cet amendement poursuit le même objectif que l'amendement nº 27 et vise aussi à permettre le recouvrement auprès des personnes morales pour lesquelles travaillent les médecins.

Mme Van de Casteele, présidente, est consciente du problème mais elle se demande si la solution proposée est adéquate. Le risque d'une telle formule est que tous les praticiens travaillant pour une personne morale lui demandent de payer la cotisation à leur place, ce qui n'est pas le but.

Par ailleurs, elle remarque que, dans l'Ordre des pharmaciens, un membre en défaut de payer sa cotisation n'est pas en ordre avec l'INAMI, ce qui signifie que l'INAMI dans certains cas peut réclamer un remboursement. C'est une sanction plus lourde que le recouvrement de la cotisation par le recours au juge de paix.

M. Vankrunkelsven signale qu'à partir du moment où un praticien perçoit un salaire, l'INAMI peut immédiatement opérer une saisie-arrêt sur celui-ci. L'amendement vise le cas des praticiens qui perçoivent leur revenu via une SPRL et ne se font verser qu'une faible rémunération, de sorte qu'ils apparaissent de facto insolvables. Le membre peut difficilement s'imaginer que l'administration fiscale n'intervient pas dans ce cas. Quant au juge de paix, rien n'empêche qu'il ordonne la saisie d'un bien mobilier du praticien. Enfin, l'Ordre lui-même ne peut-il pas imposer une sanction disciplinaire dans ce cas ? Les conséquences seraient plus lourdes que le recours au juge de paix pour recouvrer la cotisation.

Le ministre partage le point de vue de l'intervenant précédent.

Mme Van de Casteele, présidente, renvoie à une observation faite par l'Ordre des pharmaciens:

« Om het nuttig effect van artikel 10, lid 3, van het wetsvoorstel te garanderen, waarbij voorzien wordt dat de beroepsbeoefenaar de door de Ordre vastgelegde bijdrage verschuldigd is, zou de Ordre graag uitdrukkelijk vermeld zien dat het niet betalen van de bijdrage een deontologische inbreuk vormt. Bovendien zou in de tekst uitdrukkelijk de mogelijkheid moeten worden voorzien om de bijdrage langs gerechtelijke weg te vorderen. »

M. Vankrunkelsven déclare que la législation actuelle permet déjà de s'attaquer au problème. C'est à l'Ordre qu'il appartient de décider ou non d'agir.

Mme Van de Casteele constate que le problème de l'article 10 alinéa 3 est de savoir si l'obligation de payer la cotisation qui y figure suffit pour en obtenir l'exécution forcée devant les tribunaux. A cela s'ajoute la situation de la fausse insolvabilité organisée par le biais d'une construction juridique mais c'est là un problème plus général qui vaut pour toutes les obligations juridiques auxquelles la personne se soustrait de cette manière.

M. Brotchi estime qu'il faut dissiper ce flou juridique. Il n'est pas normal de revendiquer l'appartenance à l'Ordre d'une profession si l'on n'en respecte pas les règles. Il faut prévoir une sanction, qu'elle soit du type proposé par l'amendement ou qu'elle prenne la forme de répercussions au niveau de l'INAMI. On pourrait encore envisager une autre formule: si un médecin ne paie pas ses cotisations, on pourrait prévoir que l'Ordre ne lui reconnaît plus la qualité de médecin, puisque l'inscription à l'Ordre est la condition pour pouvoir exercer.

M. Vankrunkelsven craint les abus que pourraient amener les solutions proposées par M. Brotchi. Un médecin travaillant en milieu hospitalier pourrait laisser à l'hôpital le soin de payer sa cotisation.

M. Brotchi répond que la cotisation doit être payée par l'individu et ne peut être prise en charge par l'hôpital. Il est évident que la cotisation doit rester une obligation à charge de la personne. Si l'amendement n'est pas clair sur ce point, il suggère de trouver une autre formule.

L'amendement nº 27 est retiré par ses auteurs.

L'article 10 est adopté par 11 voix et 2 abstentions.

Article 11

L'article 11 détermine le lieu où siègent les conseils provinciaux ou territoriaux.

L'article 11 est adopté par 11 voix et 2 abstentions.

Article 12

Cet article énumère les missions des Conseils provinciaux ou territoriaux, en se basant essentiellement sur les missions actuelles des Conseils provinciaux.

Les Conseils provinciaux dressent le tableau de leur Ordre. Notons que le refus d'inscrire un praticien à l'Ordre doit se fonder sur des éléments graves et être motivé. Des conditions strictes sont prévues pour éviter tout abus de ce pouvoir.

Les Conseils veillent au respect de la déontologie. Ils peuvent donner des avis à titre préventif, aussi de leur propre initiative. Ils peuvent faire office de médiateur entre les praticiens ou entre les praticiens et des tiers.

Les Conseils peuvent entamer une procédure disciplinaire suite à une plainte; signaler aux autorités les cas d'exercice illégal de la profession; vérifier la déontologie des conventions conclues par les praticiens entre eux ou avec des tiers; donner des avis aux cours et tribunaux sur les litiges concernant les honoraires; arbitrer, à la demande, les contestations relatives aux honoraires. Enfin, les Conseils tiennent un répertoire de tous les avis rendus.

Mme Van de Casteele, présidente, précise que seules quelques missions ont été ajoutées par rapport à la situation actuelle, notamment celle de vérifier la déontologie des conventions conclues par les praticiens entre eux ou avec des tiers, par exemple, des institutions. Cet ajout répond à la demande des Ordres.

Par ailleurs, les auteurs de la proposition ont choisi délibérément de limiter le fonctionnement des Ordres à tous les problèmes qui se posent dans l'exercice de la profession. Il ne vise plus l'honneur et la dignité en dehors de l'activité professionnelle. Actuellement, un médecin ou un pharmacien qui cause un accident en état d'ivresse peut faire l'objet d'une sanction disciplinaire par l'Ordre parce qu'il a porté atteinte à l'honneur et la dignité de la profession. Les auteurs de la proposition ont clairement voulu se démarquer de la situation actuelle car ils estiment qu'un médecin ou un pharmacien en état d'ivresse porte atteinte à l'honneur et à la dignité de la profession s'il soigne un patient dans cet état. Ce comportement peut faire l'objet d'une sanction disciplinaire, mais pas un fait qui relève purement de la vie privée et n'a donc rien à voir avec la réputation du corps médical auquel la personne appartient. Il semble que les Ordres existants ne soient pas d'accord avec ce changement mais c'est la position défendue dans cette proposition de loi.

Amendements nos 30 et 89

MM. Destexhe et Brotchi déposent un amendement nº 30 visant à supprimer une partie de l'alinéa 1er du 1º.

Cet amendement doit être lu en corrélation avec l'amendement nº 29 portant sur l'article 16. Il s'agit de confier au Conseil national plutôt qu'aux Conseils provinciaux la mission de déterminer si un candidat étranger remplit les conditions pour être inscrit à l'Ordre en Belgique. Comme l'explique la justification écrite, le Conseil national a des contacts au niveau international qui le rendent mieux à même d'exercer cette mission.

Mme Van de Casteele, présidente, remarque que rien n'empêche les Conseils provinciaux de faire appel à l'expertise du Conseil national. Ce sont les Conseils provinciaux qui doivent avoir un aperçu de tous les praticiens qui exercent leur profession sur le territoire de la province, y compris les étrangers ou les praticiens qui exercent depuis l'étranger. Si l'on suit l'amendement, la difficulté consistera à veiller à ce que le Conseil national transmette bien ses informations aux Conseils provinciaux. C'est pour la cohérence de l'ensemble que les auteurs de la proposition ont confié cette mission aux Conseils provinciaux.

M. Vankrunkelsven est d'avis que, l'inscription se faisant au niveau des Conseils provinciaux, le recours au Conseil national pour les candidats étrangers compliquerait les choses. Si le cas est difficile, les Conseils provinciaux peuvent, comme l'a dit la présidente, demander le soutien du Conseil national. Lui-même se limiterait à un amendement en ce sens.

Le ministre suggère de déposer un amendement sur l'article 16 relatif au Conseil national pour lui conférer une mission d'avis aux Conseils provinciaux. Concrètement, l'amendement nº 29 de MM. Destexhe et Brotchi pourrait faire l'objet d'un sous-amendement.

Mme Van de Casteele, présidente, ajoute que le Conseil national n'est pas forcément l'instance la plus indiquée pour les contacts internationaux. Les provinces qui ont des frontières avec l'étranger sont confrontées régulièrement à des cas de ce type et sont peut-être plus à même de recueillir des informations à l'étranger.

M. Brotchi trouve qu'il conviendrait au moins de prévoir que le Conseil provincial doit informer le Conseil national. La responsabilité ne doit pas reposer uniquement sur le Conseil provincial.

M. Vankrunkelsven suggère que l'article 16 soit amendé de manière à ne confier la mission au Conseil national qu'à la demande d'un Conseil provincial.

M. Brotchi insiste pour qu'on ajoute que le Conseil provincial doit --et non « peut »—avertir le Conseil national. Il faut les obliger à travailler ensemble. Même si certaines provinces ont des frontières avec d'autres pays, le Conseil national reste l'organe officiel pour les contacts avec les nationaux des autres pays.

M. Vankrunkelsven objecte que le Conseil national n'est certainement pas demandeur d'une telle mission car cela implique le suivi administratif des listes de membres. Les Conseils peuvent régler cette collaboration au niveau interne. Il plaide pour une certaine souplesse.

M. Brotchi réplique que le Conseil national s'estime à même de remplir cette mission et en a exprimé le souhait.

MM. Vankrunkelsven et Brotchi déposent un amendement nº 89, subsidiaire à l'amendement nº 30, visant à ajouter les mots « auprès du Conseil national ou » à l'alinéa 1er, 1º, de l'article 12.

M. Vankrunkelsven explique que le texte vise les ressortissants d'autres pays qui sollicitent l'inscription au tableau de l'Ordre. L'article 12 confie aux conseils provinciaux la mission de recueillir les informations nécessaires auprès des autorités du pays d'origine. L'amendement ajoute la possibilité de recueillir ces renseignements auprès du Conseil national qui est parfois mieux à même d'obtenir ces données.

L'amendement nº 30 est retiré par ses auteurs.

L'amendement nº 89 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

Amendement nº 44

M. Vankrunkelsven et Mme Van de Casteele déposent un amendement nº 44 visant à remplacer, dans le texte néerlandais, les mots « bedoeld bij » par les mots « bedoeld in ».

C'est une correction technique qui répond à l'observation nº 20 du Conseil d'État.

L'amendement nº 44 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

Amendement nº 45

M. Vankrunkelsven et Mme Van de Casteele déposent un amendement nº 45 visant à compléter l'alinéa 6 du 1º.

L'obligation d'audition en cas de refus ou de report de l'inscription est étendue au cas de l'inscription subordonnée à des conditions restrictives. L'amendement répond à l'observation nº 22 du Conseil d'État.

L'amendement nº 45 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

Amendement nº 46

M. Vankrunkelsven et Mme Van de Casteele déposent un amendement nº 46 visant à scinder l'article 12 et à y apporter les adaptations liées à cette scission.

L'amendement répond à l'observation nº 18 du Conseil d'État.

L'amendement nº 46 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

Amendement nº 99

Mme Van de Casteele et M. Brotchi déposent un amendement nº 99 visant à insérer un nouvel alinéa entre les alinéas 3 et 4 du 1º.

Mme Van de Casteele explique que cet amendement répond à la demande des ordres existants. Il s'agit de permettre à l'Ordre de supprimer un praticien du tableau de sa propre initiative s'il y a des raisons de croire qu'il n'exerce plus. Il semble en effet que les praticiens qui cessent leur activité oublient souvent de demander leur radiation du tableau.

L'amendement nº 99 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

L'article 12 ainsi amendé est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

Article 12bis

Amendement nº 47

M. Vankrunkelsven et Mme Van de Casteele déposent un amendement nº 47 visant à créer un nouvel article.

Cet article reprend la seconde partie supprimée à l'article 12 par l'amendement nº 46.

Mme Van de Casteele affirme que, conformément au a), de cet article, le Conseil donne un avis sur toutes les questions de déontologie de sa propre initiative ou à la demande d'un membre de l'Ordre. Dans la pratique, il s'avère cependant que les Ordres reçoivent aussi des demandes d'avis émanant d'institutions publiques (INAMI, SPF Affaires économiques), de parquets, d'organisations professionnelles, etc. Elle pense toutefois que si le Conseil supérieur désire fournir un tel avis, il faut qu'il en évalue d'abord l'opportunité. Cela peut alors être considéré comme un avis donné « de sa propre initiative ».

L'amendement nº 47 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

Article 13

Cet article a trait à la composition des Conseils. Ils sont essentiellement composés de praticiens élus directement, ainsi que de deux juristes. Actuellement, l'un des deux est magistrat mais il semble que cela suscite certains problèmes et qu'en outre, beaucoup de questions ont trait aux contrats, pour lesquels l'intervention d'un magistrat n'est pas indispensable. Ce magistrat ne sera plus requis, en remplacement des deux juristes, que pour les procédures disciplinaires.

Certaines limitations sont prévues pour les avocats qui ne peuvent pas intervenir dans des situations qui pourraient donner lieu à confusion d'intérêts.

Le président est choisi par les membres du Conseil parmi ceux-ci. Le Roi nomme les membres et leurs suppléants. Ces derniers ont une mission importante car dans certaines situations où les effectifs sont trop peu nombreux, les suppléants pourront exercer des activités réservées aux effectifs.

Pour les germanophones, le Roi peut éventuellement créer un district électoral distinct.

Pour être élus, les praticiens doivent avoir exercé leur profession pendant trois ans. Cette exigence est de sept ans actuellement mais l'expérience a montré trop de tendances corporatistes au sein des ordres et la présente disposition vise à faciliter l'émergence de nouvelles idées en faisant place aux jeunes.

Le problème des Conseils provinciaux est qu'ils développent parfois leur propre vision et adoptent des positions divergentes. Un même comportement est puni de façon tout à fait différente selon le conseil qui connaît de l'affaire. Les auteurs de la proposition avaient dès lors envisagé de rassembler tous les Conseils provinciaux pour les matières disciplinaires, mais cela leur aurait donné énormément de travail.

La solution retenue consiste dès lors, lorsqu'un Ordre compte au moins trois conseils, à inviter deux membres de deux autres conseils à la réunion. L'effet de cette disposition est limité, mais l'idée est que, dans le cas où l'autre conseil adopterait une position très divergente, les membres invités pourraient en informer leur propre conseil et susciter le débat. Il s'agit d'autorégulation en vue d'une plus grande cohérence dans le droit disciplinaire.

Pour assurer le fonctionnement de cette disposition, il est prévu en outre que le conseil ne peut valablement se réunir que si au moins un des deux membres invités est présent.

Mme Van de Casteele, présidente, rappelle que les propositions de loi relatives aux Ordres avaient initialement recours à des conseils interprovinciaux pour contribuer à une plus grande uniformité de la jurisprudence. L'option a été abandonnée pour tenir compte des objections des conseils eux-mêmes qui ont mis en doute la praticabilité de tels conseils. Ils ont en outre démontré, chiffres à l'appui, que les cas disciplinaires étaient trop nombreux pour pouvoir confier à un conseil interprovincial les dossiers des différentes provinces.

L'Ordre des pharmaciens a signalé qu'il regrettait le remplacement de magistrats par des juristes pour composer le Conseil. En effet, l'Ordre des pharmaciens travaille volontiers avec les magistrats, lesquels font,pour ainsi dire, partie des Conseils provinciaux existants. Cependant, vu la création d'un Conseil supérieur et le fait que de nouvelles tâches doivent être assumées, et tenant compte de la difficulté de trouver des magistrats qui sont déjà extrêmement demandés, les auteurs de la proposition ont préféré la formule des juristes, seulement remplacés par un magistrat dans le cas de procédures disciplinaires.

Amendement nº 25

MM. Destexhe et Brotchi déposent un amendement nº 25 visant à remplacer le a) au § 1er, pour prévoir que le Conseil sera composé d'au moins douze praticiens professionnels.

L'amendement reprend une suggestion faite par le Conseil national de l'Ordre des médecins. M. Brotchi renvoie à sa justification écrite.

Mme Van de Casteele, présidente, réplique que l'article 13, § 1er, a été rédigé de manière vague à dessein car il établit un canevas destiné à tous les Ordres. La discussion sur le nombre de praticiens nécessaire doit être menée dans le cadre des propositions sur les Ordres. Sur ce point, il faut aussi veiller à une composition pour laquelle il sera possible, très concrètement, de trouver des personnes disposées à exercer ces fonctions. On pourrait concevoir des conseils de 20 ou 30 personnes mais les Ordres ont souligné la difficulté de trouver des candidats pour ces fonctions. Ce sont toujours les mêmes qui endossent toutes ces responsabilités.

M. Vankrunkelsven souligne qu'une des solutions proposées pour répondre à cette pénurie de candidats consiste à donner aux suppléants la possibilité d'exercer presque toutes les missions des membres effectifs lorsque ceux-ci ne sont pas en nombre. Pour le reste, comme la présidente, il conseille de mener la discussion sur le nombre de praticiens dans le cadre des propositions relatives aux Ordres spécifiques.

M. Brotchi remarque qu'en dépit de la constatation que ce sont toujours les mêmes personnes qui sont sollicitées, la proposition prévoit un grand nombre d'incompatibilités. La suppression du § 5 de l'article 4 demandée par l'amendement nº 11 se justifie donc pleinement.

Amendement nº 12

MM. Destexhe et Brotchi déposent un amendement nº 12 visant à supprimer au § 4, dernier alinéa, la référence à l'article 4, § 5.

M. Brotchi explique qu'il s'agit précisément d'éviter que les incompatibilités visées à l'article 4 pour les membres du Conseil supérieur s'appliquent aux membres des conseils provinciaux. Il épingle particulièrement l'incompatibilité avec la qualité de membre d'un organe ou de la direction d'un établissement de soins. Dans tous les établissements de soins, il y a des praticiens qui sont intéressés à l'activité de l'hôpital et à l'activité professionnelle. Ceux qui sont membres d'un conseil médical, d'un conseil de nursing, etc. sont par conséquent exclus des organes des Ordres. On empêche les personnes ayant une expérience particulière des problèmes d'organisation et de déontologie de la profession de faire partie des conseils de l'Ordre.

M. Vankrunkelsven admet que la situation du Conseil supérieur doit être distinguée de celle des Conseils provinciaux des Ordres. Il convient peut-être de réexaminer les incompatibilités prévues à l'article 4 pour voir si elles doivent s'appliquer à l'article 13. Par contre, il n'est pas question de supprimer toutes les incompatibilités comme le propose l'amendement nº 12. Certaines incompatibilités visent à répondre aux critiques dont les Ordres ont fait l'objet parce que certains membres des conseils étaient aussi membres de syndicats de la profession et profitaient de cette double qualité pour faire prévaloir les intérêts de leur syndicat au sein des conseils de l'Ordre.

Amendement nº 71

(Amendement subsidiaire à l'amendement nº 12)

M. Brotchi dépose un amendement nº 71, subsidiaire à son amendement nº 12 visant à supprimer la référence à l'article 4, § 5, mais à prévoir en remplacement, des incompatibilités plus limitées.

M. Brotchi comprend la préoccupation des auteurs de la proposition d'éviter les syndicats médicaux mais par la même occasion, ils éliminent beaucoup d'autres organisations. Tout praticien qui se soucie de participer à la vie d'une organisation professionnelle non syndicale est exclue. Or, dans beaucoup d'hôpitaux du Hainaut, par exemple, le taux d'affiliation à un syndicat est faible mais il existe, par exemple, des unions professionnelles, non affiliées, pour régler les problèmes médicaux.

Mme Van de Casteele, présidente, accepte de reconsidérer la question pour ce qui est des hôpitaux. L'objectif est d'éviter les conflits d'intérêts. Eu égard à l'expérience du passé, il est certain qu'il faut conserver l'incompatibilité avec une fonction dirigeante dans un syndicat. Pour ce qui est de l'incompatibilité avec un mandat dans un conseil médical ou une fonction dirigeante dans un hôpital, la discussion est possible mais il reste que des conflits d'intérêts peuvent quand même se poser.

M. Vankrunkelsven cite le cas d'une personne membre du conseil de direction d'un laboratoire et siègeant au Conseil provincial, qui n'est jamais disposé à se retirer spontanément lorsque le Conseil est amené à connaître d'une affaire qui concerne le laboratoire. On peut résoudre le problème en prévoyant pour certaines catégories, en particulier les membres de conseils de direction d'institutions de soins, une récusation obligatoire quand un membre de l'institution de soins en question comparaît devant l'Ordre. Néanmoins, du fait que le membre se réunit tous les quinze jours ou tous les mois avec les autres, une influence peut toujours être exercée de manière informelle.

Le sénateur ajoute qu'il est vrai que les praticiens qui s'impliquent dans des conseils professionnels sont souvent aussi les mêmes qui sont prêts à siéger dans les Ordres, sans que ce soit nécessairement dans le but d'avoir un certain pouvoir ou d'exercer une influence mais simplement par engagement personnel, et qu'il est dangereux d'exclure ces bonnes volontés.

Le ministre marque son accord pour éventuellement remanier l'article 4, § 5, à l'exception de l'alinéa 1er relatif aux associations de défense des intérêts professionnels.

M. Brotchi remarque que dans les Conseils provinciaux actuels siègent des représentants des universités. Lui-même fait partie d'une commission au niveau du FNRS. Il quitte la réunion lorsqu'elle discute de l'attribution de subsides à des personnes apparentées à ses recherches, mais pas pour tout ce qui concerne l'ULB. De la même manière, un professeur à l'UCL, membre de l'Ordre, va sortir si on délibère sur un médecin de l'hôpital Saint-Luc. Cela n'empêche que théoriquement, il pourrait toujours influencer l'Ordre en ce qui concerne tous les médecins dépendant de l'hôpital universitaire. Pour M. Brotchi, le membre doit se retirer uniquement au moment du délibéré pour permettre à chacun de s'exprimer librement.

M. Vankrunkelsven remarque que l'article 14, § 4, prévoit une récusation obligatoire pour les membres du collège d'investigation et le médiateur quand ils exercent leur activité dans une même institution ou même pratique que le praticien concerné. Si on lit cette disposition en corrélation avec l'article 4, § 5, peut-être peut-on supprimer l'incompatibilité avec la qualité de membre d'un conseil médical.

Les amendements nos 25, 12 et 71 sont retirés par leurs auteurs.

L'article 13 est adopté par 11 voix contre 2.

Article 14

L'article 14 porte sur la méthode de travail des Conseils. Ils travaillent avec un collège d'investigation composé de deux membres. Ce collège doit être entendu dans chaque affaire. En première instance, les Conseils peuvent proposer une médiation. Le médiateur ne peut être l'un des membres du collège d'investigation dans une même affaire.

Mme Van de Casteele, présidente, signale que l'Ordre des pharmaciens s'interroge sur l'opportunité d'exclure les membres du collège d'investigation de la décision finale et de les laisser néanmoins participer à la discussion.

Par ailleurs, elle remarque qu'il est question au § 3 d'intérêts contradictoires. Ne faudrait-il pas aussi exclure les membres en cas d'intérêts convergents ?

Amendements nos 26 et 64

MM. Destexhe et Brotchi déposent un amendement nº 26 visant à remplacer l'alinéa 2 du § 1er relatif à la composition du collège d'investigation.

M. Brotchi renvoie à la justification écrite.

Mme de Schamphelaere et M. Beke déposent un amendement nº 64 visant aussi à remplacer l'alinéa 2 du § 1er.

M. Beke déclare que cet amendement correspond plus ou moins à l'amendement nº 26 de MM. Destexhe et Brotchi.

M. Vankrunkelsven pense qu'il faut être plus souple. Le Conseil peut avoir à connaître d'un fait purement médical pour lequel il est préférable de bénéficier du knowhow de deux praticiens, comme il peut connaître d'une affaire où l'expertise du magistrat sera utile. Laissons au Conseil la possibilité d'arrêter la composition du collège au cas par cas. En outre, le choix de composer le collège de deux personnes et non trois vise à éviter de surcharger les membres du Conseil.

Mme Van de Casteele, présidente, ajoute que les auteurs de la proposition ont essayé d'organiser le fonctionnement du Conseil de la manière la plus efficace possible sans gaspiller les forces à disposition.

M. Brotchi estime en tout cas que le collège ne peut être composé d'une seule personne. Lui-même a déjà été désigné comme expert médico-légal dans des affaires compliquées et il s'est rendu compte à quel point la désignation d'un collège d'experts était beaucoup plus adéquate. En outre, il trouve que la présence d'un magistrat en plus des deux médecins serait certainement utile dans les affaires dont connaissent les Conseils. Il est important d'avoir un regard extérieur.

M. Vankrunkelsven objecte que les Conseils connaissent souvent d'affaires insignifiantes, s'agissant par exemple d'un praticien qui aurait fait de la publicité ou qui exerce le dimanche. En cas de faute grave, par contre, il partage tout à fait le souci de l'intervenant précédent d'avoir un magistrat et un, voire deux médecins. Cependant, il est essentiel de respecter l'autonomie des Conseils.

L'amendement nº 26 est retiré par ses auteurs.

L'amendement nº 64 est rejeté par 11 voix contre 2.

Amendement nº 76

MM. Vankrunkelsven et Beke déposent un amendement nº 76 visant à insérer à l'alinéa 2 du § 1er, les mots « au moins ».

M. Vankrunkelsven explique que cet amendement répond à la préoccupation de M. Brotchi qui souhaite que le collège d'investigation soit composé de trois membres. Il laisse au Conseil le choix de composer le collège de deux ou trois membres selon les cas.

L'amendement nº 76 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

Amendement nº 48

M. Vankrunkelsven et Mme Van de Casteele déposent un amendement nº 48 visant à compléter l'alinéa 2 du § 1er pour prévoir que les membres du collège d'investigation ne participent pas à l'examen de la cause concernée.

Cet amendement répond au souci de l'Ordre des pharmaciens que la présidente a évoqué plus haut.

L'amendement nº 48 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

Amendement nº 49

M. Vankrunkelsven et Mme Van de Casteele déposent un amendement nº 49 visant à compléter le § 2.

Il est logique qu'en cas d'échec de la tentative de médiation, le médiateur ne participe plus à l'examen de la cause. L'amendement répond à l'observation nº 24 du Conseil d'État.

L'amendement nº 49 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

Amendement nº 78

M. Vankrunkelsven dépose un amendement nº 78 visant à supprimer le mot « contradictoires » au § 3.

Cet amendement répond au souci exprimé précédemment par Mme Van de Casteele.

L'amendement nº 78 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

L'article 14 est adopté par 11 voix contre 2.

Article 15

L'article 15 détaille la procédure de traitement d'une affaire devant le Conseil (inscription à l'ordre du jour, désignation d'un médiateur, procès-verbal de la médiation, collège d'investigation, décision finale).

L'article 15 est adopté par 11 et 2 abstentions.

Article 16

L'article 16 pose les principes généraux auxquels les Conseils nationaux des Ordres doivent satisfaire. Les principales missions de ces Conseils sont énumérées en dix points. Le Conseil national établit notamment les règles de déontologie spécifiques à la profession, qui s'ajoutent aux principes généraux définis par le Conseil supérieur de déontologie.

Amendements nos 28 et 65

MM. Destexhe et Brotchi déposent un amendement nº 28 visant à supprimer des mots au 3º en vue de supprimer l'obligation de faire ratifier les règlements d'ordre intérieur par le ministre de la Santé publique.

Mme de Schamphelaere et M. Beke déposent un amendement nº 65 visant à remplacer le 3º. Cet amendement vise aussi à supprimer la ratification par le ministre des règlements d'ordre intérieur des conseils provinciaux.

Mme de Schamphelaere renvoie à la justification écrite.

Mme Van de Casteele, présidente, déclare que cette obligation de ratification a été prévue parce qu'elle existe dans la législation actuelle mais elle n'a pas d'objection à ce qu'on la supprime.

Le ministre des Affaires sociales et de la Santé publique plaide pour le maintien de cette obligation. La ratification ne concerne que la confirmation que le règlement proposé est conforme à la loi qui va voir le jour. Elle ne pourrait être refusée pour une autre raison.

Mme Van de Casteele s'estime satisfaite par la réponse du ministre. Néanmoins, elle admet qu'on peut réexaminer le texte pour, le cas échéant, nuancer l'obligation de ratification.

L'amendement nº 28 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

L'amendement nº 65 est rejeté par 11 voix contre 2.

Amendements nos 29 et 79

MM. Destexhe et Brotchi déposent un amendement nº 29 visant à compléter le 4º.

Cet amendement vise à donner au Conseil national la mission de recueillir les informations auprès des autorités étrangères dans le cas de demande d'inscription d'un praticien étranger. Il doit être lu en corrélation avec l'amendement nº 30 portant sur l'article 12.

Mme Van de Casteele, présidente, rappelle que la question de l'autorité la mieux placée pour prendre les contacts avec l'étranger a été discutée à l'occasion de l'amendement nº 30. La conclusion était de laisser la compétence au niveau des Conseils provinciaux, avec éventuellement l'assistance du Conseil national si nécessaire.

M. Vankrunkelsvenunkelsven dépose un amendement nº 79 visant à modifier le texte proposé par l'amendement nº 29 de manière à prévoir que le Conseil national peut prendre des renseignement auprès d'une autorité étrangère si le Conseil provincial le lui demande.

L'amendement nº 79, sous-amendement à l'amendement nº 29, est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

L'amendement nº 29, ainsi sous-amendé, est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

L'article 16, ainsi amendé, est adopté par 11 voix et 2 abstentions.

Article 17

L'article 17 a trait à la composition du Conseil national qui comprend une section francophone et une section néerlandophone, lesquelles peuvent se réunir et délibérer ensemble. Le § 2 énumère les différentes catégories de membres de chaque section.

Amendement nº 31

MM. Destexhe et Brotchi déposent un amendement nº 31 visant à compléter l'alinéa 1er du § 1er pour préciser que les deux sections comptent le même nombre de membres.

Mme Van de Casteele reconnaît que le texte tel qu'il est formulé à l'article 17 permet en théorie que les sections comptent un nombre différent de membres.

Le représentant du ministre déclare que, dans les textes relatifs aux Ordres, les catégories de membres et le nombre de membres par catégorie seront prévus. Si une composition différente était prévue, il y aurait violation du principe d'égalité et la loi pourrait être attaquée devant la Cour d'arbitrage. Selon lui, la remarque serait fondée si la composition du Conseil national dépendait d'autorités autres que le législateur.

L'amendement nº 31 est retiré par ses auteurs.

Amendements nos 21 et 66

MM. Destexhe et Brotchi déposent un amendement nº 21 visant à remplacer le mot « directement » au § 2, a) afin de remplacer l'élection directe des membres praticiens par une élection indirecte par les membres des Conseils provinciaux.

Cela correspond au système actuel.

Mme de Schamphelaere et M. Beke déposent un amendement nº 66 visant à remplacer le a) au § 2.

M. Beke déclare que cet amendement a le même objet que l'amendement nº 21. Il renvoie à sa justification écrite.

M. Vankrunkelsven remarque que le Conseil de l'Ordre demande expressément cette élection indirecte pour les mêmes raisons que celles exposées dans la motivation des deux amendements. Lui-même se dit assez partagé entre, d'une part, sa proposition qui suppose que les médecins sont bien informés et votent en connaissance de cause et, d'autre part, l'élection indirecte qui est une alternative valable.

Le ministre n'est a priori pas favorable à une élection indirecte, d'une part, parce qu'il ne faut pas perdre de vue que le Conseil national établit des règles et que les Conseils provinciaux les appliquent et, d'autre part, parce que, par principe, il préfère donner à l'électeur le maximum d'influence sur le choix des membres du Conseil.

M. Beke s'étonne que le ministre mette en avant un principe de démocratie directe alors que ces dernières années, son parti a régulièrement mis un frein aux initiatives visant à donner davantage de pouvoir au citoyen dans le choix de ses représentants politiques.

Mme Van de Casteele, présidente, souscrit à l'argumentation du ministre relative à la différence entre les compétences des Conseils provinciaux et du Conseil national. Il ne s'agit pas d'une espèce de cooptation de ses pairs mais bien de la composition d'un organe tout à fait distinct. En outre, la pratique actuelle montre que les risques liés à la démocratie directe qui ont été invoqués se retrouvent aussi dans le système d'élections indirectes. Les médecins ont tendance à désigner les plus visibles d'entre eux. Ce n'est pas nécessairement l'intervention de certains dans les médias mais aussi la connaissance particulière de certains dossiers ou de questions éthiques qui doivent influencer le vote et il semble que les élections directes permettent davantage de faire jouer ces aspects. Il s'agit aussi de développer une nouvelle culture. Les médecins (ou autres professions) doivent savoir qu'ils votent pour désigner les membres d'un nouvel organe avec certaines missions spécifiques et, de plus en plus, les candidats seront amenés à justifier leur candidature et présenter ce qu'ils entendent défendre au sein du Conseil.

L'amendement nº 21 est retiré par ses auteurs.

L'amendement nº 66 est rejeté par 11 voix contre 2.

Amendement nº 16

MM. Destexhe et Brotchi déposent un amendement nº 16 visant à remplacer les c) et d) du § 2 afin de remplacer, dans la composition du Conseil national, les membres spécialistes des questions éthiques et des droits du patient par des praticiens de la catégorie professionnelle.

Mme Van de Casteele, présidente, constate que cet amendement traduit une fois de plus une vision assez conservatrice des Ordres. L'objectif de la proposition est, au contraire, d'améliorer la transparence et d'impliquer davantage la société dans les structures des Ordres.

L'amendement nº 16 est retiré par ses auteurs.

Amendements nos 13 et 72

MM. Destexhe et Brotchi déposent un amendement nº 13 visant à supprimer au § 2, dernier alinéa, la référence à l'article 4, § 5.

Les auteurs renvoient aux commentaires faits à propos des amendements nº 11 et 12. L'objectif est, comme pour le Conseil supérieur de déontologie et comme pour les Conseils provinciaux, de supprimer les nombreuses incompatibilités prévues avec la qualité de membre du Conseil national.

M. Brotchi dépose un amendement nº 72, subsidiaire à l'amendement nº 13.

Cet amendement vise à titre subsidiaire à supprimer la référence à l'article 4, § 5, et à ajouter un alinéa prévoyant certaines incompatibilités beaucoup plus limitées.

Les amendements nº 13 et 72 sont retirés par leurs auteurs.

Amendement nº 50

M. Vankrunkelsven et Mme Van de Casteele déposent un amendement nº 50 visant à remplacer, au § 2, e) le mot « magistrat » par les mots « magistrats professionnels ».

Cet amendement vise à répondre à l'observation nº 26 du Conseil d'État.

L'amendement nº 50 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

Amendement nº 17

MM. Destexhe et Brotchi déposent un amendement nº 17 visant à supprimer au § 3 la référence au § 2, alinéa 1er, b).

Il s'agit de prévoir que le président du Conseil national et son suppléant ne peuvent être choisis que parmi les praticiens directement élus.

Mme Van de Casteele, présidente, trouve cette exclusion des membres présentés par les universités, visés au point b) totalement injustifiée. Ce sont également des praticiens de la catégorie professionnelle concernée. Aujourd'hui, tant dans l'Ordre des médecins que dans celui des Pharmaciens, le président du Conseil peut être l'un des membres présentés par une université. Parfois même, ces praticiens sont mieux à même d'exercer la fonction parce qu'ils disposent de plus de temps ou ont davantage d'autorité.

L'amendement nº 17 est retiré par ses auteurs.

Amendement nº 68

Mme de Shamphelaere et M. Beke déposent un amendement nº 68 visant à compléter le § 3 pour préciser que la présidence de la section ne peut être exercée que par un praticien de la catégorie professionnelle concernée.

Mme Van de Casteele, présidente, remarque que le président ne peut être choisi que parmi les membres visés aux point a) et b), soit uniquement des praticiens de la catégorie professionnelle concernée. L'amendement est superflu.

L'amendement nº 68 est rejeté par 11 voix contre 2.

Mme de Schamphelaere épingle une mauvaise formulation dans le texte néerlandais du § 2, b) et c). Selon elle, il faut remplacer « dubbeltal » par « dubbele lijst ».

Amendement nº 81

M. Vankrunkelsven dépose un amendement nº 81 visant à corriger le texte néerlandais pour répondre à l'observation de Mme de Schamphelaere.

L'amendement nº 81 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

L'article 17, ainsi amendé, est adopté par 11 voix contre 2.

Article 18

L'article 18 crée au niveau du Conseil supérieur de déontologie un Conseil de première instance, chargé d'appliquer le droit disciplinaire aux praticiens des professions qui ne se sont pas dotées d'un Ordre. Ce Conseil de première instance est composé par analogie avec les Conseils provinciaux des Ordres mais sa composition varie évidemment selon la profession concernée: il ne compte que des membres de cette profession.

Amendements nos 14 et 73

MM. Destexhe et Brotchi déposent un amendement nº 14 visant à supprimer à l'alinéa 5, la référence à l'article 4, § 5.

Cet amendement poursuit le même objectif que les amendements nº 12 et 13, c'est-à-dire supprimer toutes les incomptabilités énumérées à l'article 4, § 5, pour la fonction de membre du Conseil de première instance.

M. Brotchi dépose un amendement nº 73, subsidiaire à l'amendement nº 14.

Il s'agit de prévoir quand même certaines incompatibilités, mais beaucoup plus limitées que celles qui figurent à l'article 4, § 5.

Mme de Schamphelaere fait remarquer que la rédaction de l'article 18 est très compliquée, avec trop de références à d'autres dispositions. En outre, le Conseil d'État souligne dans son avis l'ambiguïté du texte où il est question de la déontologie de la catégorie concernée alors que le Conseil de première instance est par définition compétent pour les professions qui n'ont pas d'Ordre et qui, donc, en principe, ne connaissent pas de règles déontologiques propres à côté des principes établis par le Conseil supérieur.

Mme Van de Casteele, présidente, objecte qu'il est tout à fait possible de rédiger, au sein du Conseil supérieur, des règles de déontologie spécifiques pour les professions qui n'ont pas d'Ordre. De plus, une profession comme celle des kinésithérapeutes a actuellement un code de déontologie établi par le Conseil supérieur de kinésithérapie et si elle ne se dote pas d'un Ordre, son code de déontologie pourrait être repris et appliqué par le Conseil de première instance au sein du Conseil supérieur. Autrement dit, il est faux de penser que le Conseil de première instance n'applique que les règles de déontologie générales édictées par le Conseil supérieur pour toutes les professions.

Les amendements nº 14 et 73 sont retirés par leurs auteurs.

L'article 18 est adopté par 11 voix et 2 abstentions.

Article 19

L'article 19 crée un Conseil d'appel. Actuellement, l'Ordre des médecins et l'Ordre des pharmaciens ont chacun leur conseil d'appel. Ce serait une lourde charge pour les magistrats si chaque profession qui décide de se doter d'un Ordre installait aussi son propre conseil d'appel. En outre, la création d'un seul Conseil d'appel au niveau du Conseil de déontologie devrait apporter une plus grande cohérence dans la jurisprudence disciplinaire. Comme le Conseil de première instance, le Conseil d'appel sera, au cas par cas, composé des praticiens exerçant la profession concernée par l'affaire en question. Il se compose en outre d'un nombre plus important de juristes et magistrats.

Amendement nº 51

M. Vankrunkelsven et Mme Van de Casteele déposent un amendement nº 51 visant à mettre au pluriel les mots « du conseil visé » puisque plusieurs conseils sont concernés.

L'amendement répond à l'observation nº 29 du Conseil d'État.

L'amendement nº 51 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

Amendements nos 52, 75 et 98

M. Vankrunkelsven et Mme Van de Casteele déposent un amendement nº 52 visant à supprimer des mots au § 1er, alinéa 2, de manière à supprimer la possibilité de recours des membres des Conseils provinciaux ou du président du Conseil de première instance.

Mme Van de Casteele, présidente, souligne que cet amendement tient compte de l'arrêt de la Cour de cassation du 22 décembre 2005, aux termes duquel il serait contraire à l'article 6, § 1er, de la CEDH de permettre à un membre d'un organe juridictionnel de faire appel d'une décision de cet organe.

Mme de Schamphelaere et M. Beke déposent un amendement nº 75 visant à supprimer une partie du § 1er, alinéa 2.

L'objectif est le même que celui de l'amendement nº 52, mais il va plus loin. Seuls le président de la section visée du Conseil national de l'Ordre et le président du Conseil supérieur peuvent encore interjeter appel (en plus des intéressés).

M. Vankrunkelsven remarque que la procédure disciplinaire est d'un tout autre ordre qu'une procédure devant les tribunaux dans le cadre de laquelle le plaignant peut aussi interjeter appel. Actuellement, le plaignant, par exemple un patient, n'est pas du tout partie à la cause, il n'est même pas tenu au courant du déroulement de la procédure. C'est certainement l'une des raisons qui justifie que le plaignant ne puisse interjeter appel. La logique est la suivante: un problème est signalé et c'est le groupe professionnel qui intervient sur la base de ses règles de déontologie.

Cependant, si on limite très fort le cercle des personnes qui peuvent introduire un recours, on restreint par la même occasion très fort la possibilité pour la société d'introduire un recours.

Mme Van de Casteele, présidente, ajoute que l'alinéa 3 pose problème dans la mesure où il permettait au plaignant de communiquer ses remarques aux membres visés à l'alinéa 2 qui pouvaient introduire un recours.

Mme Van de Casteele et M. Brotchi déposent un amendement nº 58 visant à supprimer des mots au § 1er, alinéa 2. Il s'agit d'une correction technique.

M. Vankrunkelsven et Mme Van de Casteele retirent leur amendement nº 52 au profit de celui de Mme de Schamphelaere et M. Beke.

L'amendement nº 75 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

L'amendement nº 98 devient sans objet.

Amendement nº 83

(Sous-amendement à l'amendement nº 75)

M. Vankrunkelsven et consorts dépose un amendement nº 83 visant à remplacer des mots au § 1er, alinéa 3.

Cet amendement vise à adapter l'alinéa 3 du § 1er, en fonction des modifications apportées par l'amendement nº 75 à l'alinéa 2.

L'amendement nº 83 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

Amendement nº 53

M. Vankrunkelsven et Mme Van de Casteele déposent un amendement nº 53 visant à remplacer l'alinéa 1er du § 3.

Il s'agit d'une part, de viser aussi les décisions du Conseil de première instance, et, d'autre part de supprimer le 2º dont l'amendement nº 54 propose de faire un alinéa nouveau au § 5.

L'amendement nº 53 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

Amendements nos 22 et 67

MM. Destexhe et Brotchi déposent un amendement nº 22 visant à remplacer le point a) du § 4.

Cet amendement est à lire en corrélation avec l'amendement nº 21 qui portait sur l'article 17, § 2, et prévoyait que les membres des conseils nationaux sont élus indirectement par les membres des conseils provinciaux. La même solution est proposée pour les membres du Conseil d'appel.

Mme de Shamphelaere et M. Beke déposent un amendement nº 67 visant à remplacer le point a) du § 4.

Cet amendement a le même objet que l'amendement nº 22. Il est à lire en corrélation avec l'amendement nº 66 qui portait sur l'article 17, § 2.

L'amendement nº 22 est retiré par ses auteurs.

L'amendement nº 67 est rejeté par 11 voix contre 2.

Amendements nos 15 et 74

MM. Destexhe et Brotchi déposent un amendement nº 15 visant à supprimer à l'alinéa 4, la référence à l'article 4, § 5.

Cet amendement poursuit le même objectif que les amendements nos 12, 13 et 14, c'est-à-dire supprimer toutes les incomptabilités énumérées à l'article 4, § 5, ici pour la fonction de membre du Conseil d'appel.

M. Brotchi dépose un amendement nº 74, subsidiaire à l'amendement nº 15.

Il s'agit de prévoir quand même certaines incompatibilités, mais beaucoup plus limitées que celles qui figurent à l'article 4, § 5.

Les amendements nos 15 et 74 sont retirés par leurs auteurs.

Amendement nº 54

M. Vankrunkelsven et Mme Van de Casteele déposent un amendement nº 54 visant à compléter le § 4 par un alinéa nouveau.

Lorsque le Conseil d'appel statuera sur un litige relatif à l'élection d'un de ses membres visés à l'alinéa 1er, a), seuls les membres juristes et magistrats (b) et c)) participeront aux délibérations.

L'amendement nº 54 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

Amendement nº 82

M. Vankrunkelsven et consorts dépose un amendement nº 82 visant à compléter le § 4 pour prévoir que le Roi nomme le président parmi les membres magistrats.

Cet amendement vise à combler une lacune.

L'amendement nº 82 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

Amendement nº 55

M. Vankrunkelsven et Mme Van de Casteele déposent un amendement nº 55 visant à compléter le § 5 pour habiliter le Roi à fixer les critères suivant lesquels le candidat-greffier pourra prouver son bilinguisme.

L'amendement répond à l'observation nº 33 du Conseil d'État.

L'amendement nº 55 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

Amendement nº 56

M. Vankrunkelsven et Mme Van de Casteele déposent un amendement nº 56 visant à renuméroter les paragraphes de l'article 19.

Le Conseil d'État a fait remarquer (observation nº 28) que l'article 19 n'était pas structuré de manière logique.

L'amendement nº 56 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

L'article 19, ainsi amendé, est adopté par 11 voix et 2 abstentions.

Article 20

Le Titre V contient un ensemble de dispositions applicables tant au Conseil de première instance et au Conseil d'appel qu'aux Conseils des Ordres.

En vertu de l'article 20, le professionnel de la santé concerné peut se faire assister par une personne de son choix. Les séances sont en principe publiques, sous réserve de quelques exceptions.

Très important, le § 1er, alinéa 3, prévoit que les décisions sont communiquées au plaignant si c'est un patient ou une personne qui exerce ses droits en application de la loi relative aux droits du patient. Cependant, ni les décisions, ni les rapports des déclarations ne peuvent être utilisés dans un litige devant les cours et tribunaux. Cette question a fait l'objet de longues discussions avec les membres des Ordres et des représentants du monde judiciaire. L'option prise doit permettre aux Ordres de jouer leur rôle vis-à-vis des plaignants qui sont informés et ne voient plus leur plainte disparaître dans les arcanes fermées des Ordres comme c'est le cas aujourd'hui. C'est un élément très important de cette proposition de loi.

Mme Van de Casteele, présidente, signale qu'on lui a fait remarquer que l'article 20 portait atteinte au monopole des avocats de représenter en justice. Il conviendrait d'y être attentif.

L'article 20 est adopté par 11 voix et 2 abstentions.

Article 21

L'article 21 concerne le jugement par défaut. En cas de défaut, le praticien concerné peut faire opposition une seule fois.

Mme Van de Casteele, présidente, remarque que sa proposition initiale relative aux Ordres prévoyait la possibilité de sanctionner la personne qui ne se présente pas à l'audience. Cette possibilité de sanction devrait peut-être être maintenue.

Amendement nº 57

M. Vankrunkelsven et Mme Van de Casteele déposent un amendement nº 57 visant simplement à améliorer la formulation de l'article 21, alinéa 1er, en vue de répondre à l'observation nº 34 du Conseil d'État.

L'amendement nº 57 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

L'article 21, ainsi amendé, est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

Article 22

L'article 22 contient plusieurs habilitations au Roi pour régler des modalités pratiques relatives à la procédure devant les Conseils provinciaux, le Conseil de première instance et le Conseil d'appel.

En vertu du § 2, le président ou un membre d'un Conseil qui ne se présenterait pas à un nombre de réunions fixé par le Roi verrait son mandat prendre fin de plein droit.

Amendement nº 23

MM. Destexhe et Brotchi déposent un amendement nº 23 visant à insérer un alinéa au § 1er.

Le Roi est habilité à fixer les conditions d'éligibilité des membres mais les auteurs de l'amendement souhaitent voir inscrit dans la loi le principe selon lequel seuls les praticiens qui ont fait l'objet d'une suspension et n'ont pas été réhabilités sont inéligibles.

M. Vankrunkelsven admet que l'intention est bien d'exclure les praticiens qui ont fait l'objet d'une sanction lourde mais il ne voit pas pourquoi il faut être aussi restrictif que ce que propose l'amendement.

Le ministre se rallie à cette dernière observation.

L'amendement nº 23 est retiré par ses auteurs.

Amendement nº 24

MM. Destexhe et Brotchi déposent un amendement nº 24 visant à insérer un autre alinéa au § 1er.

Cet amendement vise à inscrire dans la loi que les praticiens nationaux d'un autre État membre de l'Union européenne qui pratiquent régulièrement en Belgique peuvent être candidats tant pour les mandats conférés par élection que pour ceux découlant d'une nomination.

L'amendement nº 24 est retiré par ses auteurs.

Amendement nº 91

Mme Van de Casteele et M. Brotchi déposent un amendement nº 91 visant à supprimer les alinéas 3 et 4 du § 1er.

M. Brotchi déclare que ces dispositions qui concernent les conditions d'éligibilité et la procédure d'élection des membres ont davantage leur place à l'article 25 où elles sont introduites par l'amendement nº 92.

L'amendement nº 91 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

L'article 22 ainsi amendé est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

Article 22bis

Amendements nos 18 et 84

MM. Destexhe et Brotchi déposent un amendement nº 18 visant à introduire un article 22bis nouveau.

M. Destexhe rappelle que la prescription est un principe général de droit et qu'il doit s'appliquer aussi en matière disciplinaire. Il faut prévoir un délai de prescription dans la loi. C'est pourquoi l'amendement propose d'inscrire que les poursuites disciplinaires ne peuvent plus être intentées après un délai d'un an.

M. Vankrunkelsven trouve difficile d'inscrire un délai unique dans la loi. Si les faits reprochés constituent une faute légère telle que le fait d'avoir fait de la publicité, une prescription d'un an semble logique. Si, par contre, il s'agit de faits beaucoup plus graves commis, par exemple, dans le cadre de la relation avec le patient, il lui semble qu'une prescription limitée à un an serait inacceptable.

M. Destexhe n'est pas d'accord avec l'option consistant à laisser au Roi le soin de définir cette prescription. Dans certains cas, le délai de prescription doit en effet être plus long mais il est possible de détailler cette prescription dans la loi elle-même.

M. Destexhe dépose un amendement nº 84, sous-amendement à l'amendement nº 18, afin de remplacer le délai d'un an par trois ans.

À défaut de définir différents types de faits et leur prescription, le sénateur propose d'inscrire dans la loi un délai de prescription unique mais plus long.

Le ministre attire l'attention sur la nécessité de mieux définir la notion de poursuites disciplinaires et celle de constatation des faits répréhensibles si l'amendement est maintenu.

M. Destexhe admet que la question mérite une vraie réflexion. Prenons le cas d'une intervention chirurgicale qui a des conséquences graves. Il faut d'une part laisser un certain temps au patient pour agir et d'autre part, déterminer ce qui constitue in casu les faits répréhensibles. Dans les dossiers d'expertise médicale, on voit qu'il est difficile de ramener la faute à un seul fait.

Mme Van de Casteele, présidente, cite l'exemple du psychiatre qui abuse sexuellement de sa patiente. Les faits ne sont révélés que des années plus tard, à l'occasion de poursuites pénales. C'est seulement à ce moment qu'une procédure disciplinaire serait entamée.

M. Destexhe remarque que, dans un tel cas, la loi pourrait prévoir que la prescription en matière disciplinaire est identique à celle applicable en matière pénale. Le Conseil national, dans son avis, suggère un délai de prescription de cinq ans, ce délai étant porté à dix ans en cas de délits sexuels et prenant cours à la majorité de la victime. Cela pourrait être un compromis.

Les amendements nº 18 et 84 sont retirés par leurs auteurs.

Amendements nos 93 et 101

MM. Brotchi et Vankrunkelsven déposent un amendement nº 93 visant à insérer un article 22bis nouveau.

M. Brotchi renvoie à sa justification écrite.

M. Vankrunkelsven ajoute que l'article 22bis met l'accent sur le fait que le délai de l'action disciplinaire ne commence à courir qu'à partir de la prise de connaissance des faits par les autorités de l'Ordre, même si les faits sont plus anciens. Il faut, selon lui, adopter cette approche large car les délits d'ordre sexuel, par exemple, ne sont souvent révélés par le patient que longtemps plus tard et qu'il ne serait dès lors pas approprié de fonder le point de départ du délai de prescription sur le moment auquel les faits sont commis.

Mme De Schamphelaere se demande si la disposition est formulée de façon suffisamment précise pour ne pas laisser place à des difficultés d'interprétation: il est question de prendre connaissance des faits, mais sur qui repose la charge de la preuve ? quel organe est précisément visé par « autorités de l'Ordre » ? La membre estime qu'un délai de deux ans est assez court. Il faut en tout cas que la preuve de son point de départ soit apportée avec précision.

M. Vankrunkelsven fait observer qu'un délai relativement bref doit inciter les autorités de l'Ordre, lorsqu'elles ont connaissance de faits répréhensibles, à ne pas laisser traîner les choses inutilement. Par ailleurs, ce délai ne signifie pas qu'une décision doit intervenir dans les deux ans mais bien qu'une instruction doit être ouverte dans ce délai.

Les auteurs de l'amendement ont utilisé à dessein la formule « autorités de l'Ordre » car ils estiment qu'une victime doit pouvoir s'adresser à n'importe quel niveau, provincial ou national, et qu'il appartient alors aux autorités de l'Ordre de faire en sorte que la plainte soit transmise à l'organe compétent.

Pour le reste, l'intervenant pense que la disposition ne pose de problème et qu'une durée de deux ans constitue un délai raisonnable pour entamer une instruction.

Mme Van de Casteele, présidente, partage ce dernier point de vue. Il faut distinguer les faits donnant lieu à poursuites pénales des simples procédures disciplinaires. Pour ces dernières, non seulement il faut assurer une certaine sécurité juridique aux praticiens, mais en outre, le temps qui passe rend de plus en plus difficile l'établissement de la preuve des faits. On ne dispose pas ici d'un dossier pénal sur lequel on peut se baser.

Certes, l'intervenante précédente a raison d'insister sur la nécessité de prouver le point de départ du délai, mais ce point doit plutôt être réglé dans les arrêtés d'exécution de la loi, en prévoyant par exemple que la plainte donne lieu à un accusé de réception qui peut servir ensuite à prouver le point de départ du délai.

Mme De Schamphelaere estime qu'il pourrait quand même y avoir des contestations sur le point de départ entre la victime et quelqu'un qui aurait un intérêt à prouver que le délai est déjà écoulé. Selon elle, la disposition doit être précisée sur le plan juridique. De plus, la membre trouve les termes « strafbare feiten » inadéquats dans la mesure où l'on vise des fautes disciplinaires.

M. Demotte, ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, déclare que le point de départ du délai sera établi par l'attestation de réception de la plainte qui figurera dans le dossier. Il rappelle que nous ne sommes pas ici dans le cadre d'une procédure civile opposant deux parties dont l'une a intérêt à ce que l'autre soit sanctionnée. Les organes appelés à prononcer une sanction vont en première instance examiner si la plainte est recevable et s'ils sont encore compétents pour appliquer une sanction. La disposition ne soulève pas de problème sur ce point.

Le ministre admet toutefois qu'il serait utile de préciser ce qu'on entend par « poursuites disciplinaires ».

Mme Van de Casteele dépose un amendement nº 101, sous-amendement à l'amendement nº 93, visant essentiellement à insérer un alinéa nouveau à l'article 22bis proposé afin de clarifier ce qu'il faut entendre par « poursuites disciplinaires ».

L'amendement nº 101, sous-amendement à l'amendement nº 93, est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

L'amendement nº 93, ainsi sous-amendé, est adopté par 11 voix et 2 abstentions.

Article 23

L'article 23 règle le pourvoi en cassation qui peut être introduit, soit par le praticien concerné, soit par le ministre, soit par le président du Conseil d'appel.

Après cassation, l'affaire est renvoyée devant le même Conseil mais avec une composition différente.

Amendements nos 32, 58 et 69

MM. Destexhe et Brotchi déposent un amendement nº 32 visant à remplacer des mots au § 1er, alinéa 1er.

Il s'agit de réserver au président du Conseil supérieur et aux présidents des sections du Conseil national la possibilité de demander la cassation d'une décision du Conseil d'appel.

M. Vankrunkelsven et Mme Van de Casteele déposent un amendement nº 58 visant à supprimer au 1er alinéa du § 1er, les mots « a par le président du Conseil d'appel ».

M. Vankrunkelsven explique que pour se conformer à l'article 6, § 1er, de la CEDH, il convient de supprimer le droit de se pourvoir en cassation dans le chef du président du Conseil d'appel puisque celui-ci a participé à l'élaboration de la décision.

Mme Van de Casteele, présidente, ajoute qu'il est logique de donner la possibilité de se pourvoir en cassation aussi au président du Conseil national et à celui du Conseil supérieur de déontologie.

Mme de Schamphelaere et M. Beke déposent un amendement nº 69 visant à remplacer le § 1er, alinéa 1er.

Cet amendement est la combinaison de l'amendement nº 58 et de la remarque qui vient d'être faite par la présidente.

L'amendement nº 32 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

L'amendement nº 58 est retiré par ses auteurs.

L'amendement nº 69 est rejeté par 11 voix contre 2.

Amendement nº 59

M. Vankrunkelsven et Mme Van de Casteele déposent un amendement nº 59 visant à ajouter un alinéa au § 1er pour donner la possibilité de se pourvoir en cassation au Procureur général près la Cour de cassation.

L'amendement nº 59 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

L'article 23 ainsi amendé est adopté par 11 voix et 2 abstentions.

Article 24

L'article 24 prévoit que chacun ne peut siéger que dans un seul organe visé par la loi.

L'article 24 est adopté sans discussion par 11 voix et 2 abstentions.

Article 25

L'article 25 impose une limitation de la durée totale pendant laquelle une personne peut siéger au sein de ces organes. Il impose en outre que les membres soient encore en exercice au moment de leur candidature, ce qui exclut la possibilité de se présenter quand on est déjà pensionné.

M. Beke déclare n'avoir aucune objection à ce qu'on pose des limites d'âge, mais il souligne une légère incohérence par rapport au système de l'élection directe qui se fonde sur l'idée que les électeurs votent en connaissance de cause pour des gens qui ont fait preuve de leur compétence et pas forcément pour les gens qui figurent souvent dans les journaux. Pourquoi dès lors exclure la candidature de praticiens à la retraite ?

M. Vankrunkelsven déclare qu'il s'agit ici de droit disciplinaire et que les auteurs de la proposition ont trouvé important que les membres appelés à rendre des décisions en la matière aient un lien étroit avec l'actualité de la profession.

Mme Van de Casteele ajoute que, pour faire place aux jeunes, les auteurs de la proposition ont délibérément supprimé la condition actuelle d'un certain nombre d'années d'ancienneté dans la profession.

Amendement nº 92

Mme Van de Casteele et M. Brotchi déposent un amendement nº 92 visant à remplacer l'alinéa 2 de l'article.

Cet amendement reprend le contenu des amendements nº 23 et 24 --qui sont retirés—pour l'insérer à l'article 25.

M. Brotchi renvoie à la justification écrite.

L'amendement nº 92 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

L'article 25, ainsi amendé, est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

Article 26

L'article 26 a trait au secret professionnel.

L'article 26 est adopté sans discussion à l'unanimité des 13 membres présents.

Article 27

L'article 27 énumère les sanctions possibles. Pour la suspension et la radiation qui sont les sanctions les plus graves, certaines conditions doivent être prévues et l'alinéa 2 du § 1er renvoie pour ce faire au Roi.

Actuellement, une suspension de quelques semaines a parfois peu d'impact car le médecin choisit de prendre ses vacances au même moment. C'est pourquoi le § 2 prévoit la possibilité de peines alternatives.

Dans le cas de faits graves, des mesures provisoires immédiates peuvent être prises.

Mme Van de Casteele renvoie à la disposition du § 1er, 4º, de cet article, qui traite de la radiation du tableau de l'Ordre avec la déchéance du droit d'exercer la profession. Si cette disposition est formulée de cette manière, c'est parce qu'elle s'applique également aux étrangers qui exercent leur activité professionnelle sur notre territoire, même s'ils ne sont pas inscrits à un Ordre.

On peut se demander si les Ordres peuvent exercer leur juridiction sur une personne qui n'est pas inscrite. Cette possibilité est prévue actuellement dans les textes en vigueur. L'intervenante estime donc que la disposition en question est opportune et sert surtout l'intérêt du patient.

Le ministre indique que les Ordres peuvent aujourd'hui déjà prendre contact avec les Ordres étrangers qui peuvent intervenir, le cas échéant, contre le praticien concerné.

Amendements nos 5, 60 et 94

Mme de Schamphelaere et M. Beke déposent un amendement nº 5 (amendement nº 5 de Mme de Schamphelaere et M. Beke, doc. Sénat, nº 3-1519/3) visant à supprimer le second alinéa au § 1er.

M. Beke déplore le grand nombre d'habilitations au Roi dans la proposition de loi. Certaines sont nécessaires, mais celle de l'article 27, § 1er, va trop loin. M. Beke renvoie à sa justification écrite.

M. Vankrunkelsven et Mme Van de Casteele déposent un amendement nº 60 (amendement nº 60 de M. Vankrunkelsven et Mme Van de Casteele, doc. Sénat, nº 3-1519/5) visant à supprimer l'alinéa 2 du § 1er.

Cet amendement est identique à l'amendement nº 5.

M. Vankrunkelsven constate cependant que l'habilitation au Roi vise essentiellement à lui permettre d'imposer une majorité particulière de membres présents pour pouvoir infliger une sanction aussi lourde.

Ce n'est qu'un renforcement des conditions auxquelles la décision peut être prise. Si l'on supprime l'alinéa 2, on aboutit en fait à un allègement des conditions auxquelles la sanction peut être infligée. L'auteur constate que son amendement doit être sous-amendé pour ne pas supprimer purement et simplement l'alinéa 2 mais le remplacer.

Mme Van de Casteele et M. Brotchi déposent un amendement nº 94 (amendement nº 94 de Mme Van de Casteele et M. Brotchi, doc. Sénat, nº 3-1519/10) visant à remplacer le § 1er, alinéa 2, de l'article 27.

Il s'agit de permettre aux conseils compétents de déterminer eux-mêmes dans quelles affaires ils souhaitent accorder un sursis à l'exécution de la sanction.

L'amendement nº 5 est rejeté par 11 voix contre 2.

L'amendement nº 60 est retiré par ses auteurs.

L'amendement nº 94 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

Amendement nº 19

MM. Destexhe et Brotchi déposent un amendement nº 19 (amendement nº 19 de MM. Destexhe et Brotchi, doc. Sénat, nº 3-1519/4) visant à modifier le § 1er pour élargir l'éventail des sanctions.

M. Destexhe propose d'introduire une gradation plus importante dans les sanctions en introduisant l'amende qui peut aller de 250 à 5000 euros.

M. Vankrunkelsven déclare que les auteurs de la proposition n'ont pas prévu la possibilité d'amende parce que, pour certains médecins, s'acquitter d'une amende est trop simple. M. Destexhe est d'avis quant à lui que le paiement d'une amende est une sanction qui pèse lourd. M. Vankrunkelsven n'a pas d'objection à la réintroduction de l'amende dans les sanctions.

Mme Geerts déplore aussi qu'il n'y ait pas de sanction intermédiaire entre la réprimande et la suspension. L'amende est une solution possible, quoi qu'elle se demande entre quelles montants cette amende doit osciller pour avoir un impact.

M. Destexhe précise que le Conseil apprécie la gravité de la faute et qu'il peut aussi prononcer la suspension.

L'amendement nº 19 est retiré par ses auteurs.

Amendements nos 61 et 95

M. Vankrunkelsven et Mme Van de Casteele déposent un amendement nº 61 (amendement nº 61 de M. Vankrunkelsven et Mme Van de Casteele, doc. Sénat, nº 3-1519/5) visant à remplacer le § 2.

Il s'agit de préciser quelles peines alternatives peuvent être infligées, conformément à l'observation nº 38 du Conseil d'État.

Mme Van de Casteele et M. Brotchi déposent un amendement nº 95, sous-amendement à l'amendement nº 61 (amendement nº 95 de Mme Van de Casteele et M. Brotchi, doc. Sénat, nº 3-1519/10), visant à remplacer au § 2 proposé, le mot « peine » par « sanction ».

Il s'agit d'une correction technique.

L'amendement nº 95, sous-amendement à l'amendement nº 61, est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

L'amendement nº 61, ainsi sous-amendé, est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

Amendement nº 96

Mme Van de Casteele et M. Brotchi déposent un amendement nº 96 (amendement nº 96 de Mme Van de Casteele et M. Brotchi, doc. Sénat, nº 3-1519/10), visant à insérer à l'article 27 un § 2bis nouveau.

M. Brotchi explique que l'amendement permet aux conseils compétents d'infliger des amendes en complément à une réprimande ou une suspension.

L'amendement nº 96 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

Amendement nº 100

Mme Van de Casteele et M. Brotchi déposent un amendement nº 100 (amendement nº 100 de Mme Van de Casteele et M. Brotchi, doc. Sénat, nº 3-1519/11), visant à compléter l'article 27 par un § 4 nouveau.

Cette disposition permet aux Ordres d'infliger des sanctions disciplinaires en cas de non-paiement de la cotisation.

L'amendement nº 100 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

L'article 27, ainsi amendé, est adopté par 11 voix et 2 abstentions.

Article 28

L'article 28 prévoit l'effacement des sanctions dans certaines conditions après trois ans et la possibilité d'adresser une demande en réhabilitation.

Amendement nº 62

M. Vankrunkelsven et Mme Van de Casteele déposent un amendement nº 62 (amendement nº 62 de M. Vankrunkelsven et Mme Van de Casteele, doc. Sénat, nº 3-1519/5), visant une amélioration du texte néerlandais, proposée par le Conseil d'État.

L'amendement nº 62 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

Amendement nº 20

MM. Destexhe et Brotchi déposent un amendement nº 20 (amendement nº 20 de MM. Destexhe et Brotchi, doc. Sénat, nº 3-1519/4), visant à modifier le § 2, 2º pour assouplir les conditions requises pour une demande de réhabilitation.

M. Destexhe renvoie à la justification écrite. Le délai de dix ans qu'il propose peut être discuté.

Mme Van de Casteele, présidente, constate que ce n'est pas un assouplissement très important.

M. Vankrunkelsven est d'avis qu'il sera très exceptionnel qu'une personne se trouve dans ces conditions. Il plaide pour le maintien de l'article 28 tel qu'il est.

Mme Van de Casteele ajoute qu'il faut tenir compte du fait que la réhabilitation ne concerne que les cas de condamnation grave. Les autres sanctions sont automatiquement effacées.

L'amendement nº 20 est adopté par 11 voix et 2 abstentions.

L'article 28, ainsi amendé, est adopté par 11 voix et 2 abstentions.

Article 29

L'article 29 permet aussi une levée de la radiation après trois ans et la réinscription au tableau de l'Ordre, mais celles-ci doivent faire l'objet d'une décision du Conseil d'appel.

L'article 29 est adopté par 11 voix et 2 abstentions.

Article 30

L'article 30 est une disposition technique. Il vise l'application des peines prévues par l'arrêté royal nº 78 du 10 novembre 1967 au praticien qui continue à exercer pendant sa suspension ou après la déchéance.

L'article 30 est adopté par 11 voix et 2 abstentions.

Article 31

Vu le grand nombre d'habilitations au Roi, la loi ne pourra entrer en vigueur tant que le Roi n'aura pas fait usage de celles-ci pour déterminer une série de modalités.

L'article 31 est adopté par 11 voix et 2 abstentions.

Les matières visées à l'article 77 de la Constitution ont été disjointes de la proposition de loi nº 3-1519 et font l'objet d'une proposition de loi distincte élaborée à l'initiative de la commission, en application de l'article 22.3 du règlement du Sénat (doc. Sénat, nº 3-2030/1).

V. L'ORDRE DES MEDECINS

PROPOSITION DE LOI CRÉANT UN ORDRE DES MÉDECINS, Nº 3-373

PROPOSITION DE LOI CRÉANT L'ORDRE DES MÉDECINS, Nº 3-413/1

PROPOSITION DE LOI MODIFIANT L'ARRÊTÉ Nº 79 DU 10 NOVEMBRE 1967 RELATIF À L'ORDRE DES MÉDECINS, Nº 3-1035

V.1. Exposés introductifs des auteurs

Les propositions de loi nos 3-373 et 3-413 ont été présentées par leurs auteurs au début des travaux, avant l'introduction de la proposition nº 3-1519. Leur exposé introductif figure au point II.1.

La proposition nº 3-1305 a été déposée ultérieurement. M. Brotchi déclare que celle-ci vise, comme les deux autres propositions, à moderniser le fonctionnement de l'Ordre des médecins qui a fait l'objet de critiques ces dernières années. Les modifications proposées visent les conditions d'éligibilité des membres de l'Ordre, l'élargissement de l'éventail des sanctions disciplinaires, la constitution d'un collège d'instruction, l'introduction de la notion de conflit d'intérêts et de la réhabilitation. En vue de répondre au souci de transparence et d'ouverture de l'Ordre à la société, des médecins nommés par le Roi participeront au Conseil national et celui-ci sera présidé par un médecin et non plus un magistrat.

V.2. Discussion générale

La commission décide de travailler sur la base de la proposition de loi nº 3-373/1.

M. Vankrunkelsven rappelle que les débats ont évolué suite aux auditions et aux contacts avec le cabinet du ministre, qui ont mené à la proposition de créer un organe coupole chapeautant les ordres. Dans cette même proposition sont reprises les procédures et exigences d'ordre général concernant tous les ordres.

Cela signifie que les principales corrections que les auteurs de la proposition nº 373 voulaient apporter au fonctionnement actuel de l'Ordre des médecins ont été intégrées dans la proposition nº 3-1519.

Toutefois, les auteurs de la proposition croient encore à l'utilité d'avoir des organes déontologiques spécifiques pour les médecins car il y a des spécificités dans les règles de comportement entre médecins et vis-à-vis de la population, ce qui rend nécessaire un code de déontologie spécifique. M. Vankrunkelsven va dès lors déposer un amendement afin d'adapter le texte en fonction de la proposition générale nº 3-1519.

Mme De Schamphelaere déclare que l'Ordre est l'endroit par excellence où doit s'exercer le droit disciplinaire, lequel remplit une fonction différente du droit pénal ou du droit de la responsabilité civile. Elle s'exprime en faveur d'une plus grande participation de la population, avec la possibilité pour un patient ou une personne préjudiciée de soumettre une affaire. Le droit disciplinaire est une espèce de construction de normes de qualité, il ne peut être exercé que par les membres de la profession eux-mêmes qui peuvent, à partir de leur expertise en matière de santé, juger des manquements.

V.3. Discussion des articles

Article 1er

L'article 1er est adopté sans discussion à l'unanimité des 12 membres présents.

Articles 2 à 48

i. Amendement principal nº 1

M. Vankrunkelsven dépose un amendement (Amendement nº 1 de M. Vankrunkelsven, doc. Sénat, nº 3-373/2) visant à remplacer dans leur intégralité les articles 2 à 48 de la proposition de loi.

Le but est de supprimer toutes les dispositions qui ont été intégrées dans la proposition générale nº 3-1519 et de ne conserver dans le présent texte que les points spécifiques à l'Ordre des médecins.

En bref, la proposition de loi nº 373 amendée propose un Ordre composé d'un Conseil national et de dix conseils provinciaux. Les compétences des conseils provinciaux sont fixées par la proposition nº 3-1519. Chaque conseil provincial est composé de sept médecins et deux juristes (pas nécessairement des magistrats). La composition du Conseil national diffère quant à elle peu de la composition existante car la représentation plus large de la société qui était réclamée se voit réalisée au sein du Conseil supérieur de déontologie. Il est donc logique que le Conseil de l'Ordre des médecins soit composé spécifiquement de médecins. Enfin, des dispositions transitoires visent à régler la transition entre le système actuel et le futur système comprenant le Conseil supérieur de déontologie à côté des ordres spécifiques.

Les amendements à ce nouveau texte doivent par conséquent être considérés comme des sous-amendements à l'amendement principal nº 1.

ii. Sous-amendements à l'amendement nº 1

Article 2 proposé

Amendement nº 2

(Sous-amendement à l'amendement nº 1)

M. Vankrunkelsven et Mme Van de Casteele déposent un amendement nº 2 (doc. Sénat, nº 3-373/4) visant à supprimer la première phrase de l'article 2 proposé. Il s'agit de répondre à l'observation du Conseil d'État qui juge que cette phrase est superflue et pourrait être source de confusion.

M. Vankrunkelsven ajoute une petite correction technique: puisque l'article commencera par la deuxième phrase, il faudra préciser « L'Ordre des médecins » et pas seulement « L'Ordre ».

Mme Van de Casteele remarque que, en néerlandais, « Orde der geneeshereren » devient « Orde van artsen ». La loi doit donc être abrogée. C'est un nouvel Ordre qui est créé.

L'amendement nº 2, sous-amendement à l'amendement nº 1, est adopté à l'unanimité des 12 membres présents.

L'article 2 proposé, ainsi amendé, est adopté par le même vote.

Article 3 proposé

L'article 3 proposé est adopté sans discussion à l'unanimité des 12 membres présents.

Article 4 proposé

Amendement nº 3

(Sous-amendement à l'amendement nº 1)

M. Vankrunkelsven et Mme Van de Casteele déposent un amendement nº 3 (doc. Sénat, nº 3-373/4) visant une correction technique du texte néerlandais à la demande du Conseil d'État.

L'amendement nº 3 est adopté à l'unanimité des 12 membres présents.

L'article 4 proposé, ainsi amendé, est adopté par le même vote.

Article 5 proposé

M. Beke remarque que les conseils ont pour mission de veiller au respect des règles déontologiques formulées dans le Code de déontologie médicale. Mais ce code n'aura force obligatoire qu'une fois ratifié par le Roi. Ne faudrait-il pas un amendement pour le préciser ?

Mme Van de Casteele répond que cette précision ne figure pas ici parce qu'elle est reprise dans la proposition sur le Conseil supérieur de déontologie et que ledit Code ne concernera pas seulement les médecins mais toutes les professions médicales.

Le membre demande encore ce qu'il adviendra en l'absence de ratification.

M. Demotte, ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, répond qu'il n'y aura alors pas de conséquences juridiques sur base du texte en tant que tel, mais cela n'empêchera pas de pouvoir infliger des sanctions pour violation de principes déontologiques. La situation ne différera pas fondamentalement de la situation actuelle.

Mme Van de Casteele rappelle que les règles de déontologie actuelles ne sont pas ratifiées, même si la loi originelle le prévoyait. Cela n'a jamais posé de problème pour l'Ordre des médecins qui considère que la jurisprudence en elle-même est suffisante, au contraire de l'Ordre des pharmaciens qui souhaite vivement que les nouvelles propositions de loi permettent d'obtenir la ratification des règles.

M. Vankrunkelsven est d'avis qu'une ratification du Code serait quand même souhaitable pour tous les ordres et il précise qu'un amendement à la proposition relative au Conseil supérieur de déontologie a été déposé pour essayer d'obtenir cette ratification en donnant certains pouvoirs au Parlement.

Mme Van de Casteele attire aussi l'attention sur le fait que les infractions au Code de déontologie ne concerneront plus que des comportements dans le cadre de la vie professionnelle. Les auteurs de la proposition ont délibérément opté pour cette limitation. Un comportement adopté dans le cadre de la vie privée ne pourra plus être sanctionné comme une atteinte à l'honneur de la profession.

L'article 5 proposé est adopté à l'unanimité des 12 membres présents.

Article 6 proposé

Amendement nº 4

(Sous-amendement à l'amendement nº 1)

M. Vankrunkelsven et Mme Van de Casteele déposent un amendement nº 4 (doc. Sénat, nº 3-373/4) visant à harmoniser le texte avec celui de la proposition relative au Conseil supérieur de déontologie, le Conseil d'État ayant fait remarquer que le texte donnait l'impression de déroger au principe inscrit à l'article 13 de cette proposition. L'article 6 prévoyait que le conseil provincial se composait, entre autres, de deux membres juristes, dont l'un pouvait être remplacé par un magistrat. L'amendement permet de les remplacer par un seul magistrat ou un seul avocat.

L'amendement nº 4 est adopté à l'unanimité des 12 membres présents.

Amendement nº 8

(Sous-amendement à l'amendement nº 1)

MM. Destexhe et Brotchi déposent un amendement nº 8 (doc. Sénat, nº 3-373/5) visant à porter à 12 le nombre de médecins siégeant au conseil provincial. M. Brotchi renvoie à sa justification écrite.

M. Vankrunkelsven réplique que la limitation du nombre de membres médecins résulte d'un choix délibéré. Il n'est pas facile de trouver douze médecins intéressés à se porter candidats dans chaque province. En concertation avec le Conseil national, il a été prévu la possibilité de faire participer les suppléants aux activités, même dans des cas où les effectifs ne sont pas empêchés. En principe, un suppléant est censé intervenir à la place du membre effectif élu. Cela signifie que le conseil provincial serait toujours composé de sept médecins au maximum. La solution préconisée fait en sorte que 14 médecins peuvent être effectivement impliqués dans la totalité des activités, c'est-à-dire davantage de médecins que les douze proposés par l'amendement nº 8.

Cette proposition présente aussi l'avantage de valoriser la fonction des suppléants en permettant à ces personnes de participer effectivement à toutes les activités.

Par ailleurs, le membre n'est pas favorable au choix de douze membres effectifs, notamment parce qu'il considère que ce nombre constituerait un tribunal trop impressionnant dans le cas où un médecin devrait comparaître. Il lui semble souhaitable de confier le prononcé d'une sanction disciplinaire à un groupe restreint de sept membres.

Mme Van de Casteele ajoute que les auteurs ont choisi un nombre impair de membres de manière à éviter une égalité de voix dans les votes. Pour le reste, la discussion quant au nombre reste ouverte. Il faut cependant être attentif au caractère réaliste du nombre retenu car on fait face déjà aujourd'hui à une pénurie de candidats dans certaines provinces.

M. Brotchi est d'accord avec le choix d'un nombre impair. Il propose d'interroger le Conseil national sur le nombre de membres qui paraît le plus judicieux.

L'amendement nº 8 est retiré par ses auteurs.

L'article 6 proposé, ainsi amendé, est adopté par 10 voix et 2 abstentions.

Article 7 proposé

L'article 7 proposé est adopté sans discussion à l'unanimité des 12 membres présents.

Article 8 proposé

Amendement nº 14

(Sous-amendement à l'amendement nº 1)

M. Beke et Mme de Schamphelaere déposent un amendement nº 14 (doc. Sénat, nº 3-373/7) visant à compléter l'article 8 proposé.

Cet amendement vise à supprimer pour les médecins des communes de la périphérie la liberté de choix quant à l'inscription au tableau francophone ou néerlandophone de l'Ordre.

L'amendement nº 14 est rejeté par 10 voix contre 2.

L'article 8 proposé est adopté par 10 voix contre 2.

Article 9 proposé

Amendement nº 9

(Sous-amendement à l'amendement nº 1)

MM. Destexhe et Brotchi déposent un amendement nº 9 (doc. Sénat, nº 3-373/5) visant à supprimer la fin de la phrase à l'article 9.

M. Brotchi renvoie à sa justification écrite.

M. Vankrunkelsven constate que la discussion sur les rapports entre la déontologie et les moyens financiers du secteur des soins de santé a déjà été menée à l'occasion de l'examen de la proposition de loi relative au Conseil supérieur de déontologie. Mme de Schamphelaere a alors proposé une définition très nuancée qui ne donne absolument pas l'impression que les médecins pourraient se voir gênés dans l'exercice de leur art par des restrictions financières mais qui signifie plutôt que l'argent mis à disposition par la communauté doit être utilisé d'une manière efficace et responsable. Si l'amendement rédigé en ce sens fait l'objet d'un consensus pour la proposition 3-1519, le membre propose d'introduire le même amendement pour la proposition à l'examen.

M. Brotchi estime que cet amendement (voir amendement nº 40, doc. Sénat, nº 3-1519/5) ne répond pas à la critique qu'il formule. Le membre souhaite que l'on sépare la question budgétaire de la question déontologique.

M. Vankrunkelsven insiste sur le fait que l'intention n'est pas d'introduire la question de savoir si les moyens budgétaires sont suffisants ou non. Mais dans la mesure où certains moyens sont mis à la disposition des soins de santé, il s'agit, dans l'exercice de la profession, au moment de prendre des mesures thérapeutiques, de décider de manière responsable de l'utilisation de ces moyens. Cela fait partie de l'éthique de la profession.

M. Beke en déduit qu'il y a d'une part, les moyens mis à disposition par la société, et d'autre part, la situation individuelle du patient. Si ce dernier veut à tout prix tel traitement non remboursé par la sécurité sociale, le médecin garde la liberté de prescrire ce traitement en accord avec son patient.

Le membre craint que l'amendement nº 40 ne soit formulé trop largement et ne prête à confusion.

M. Brotchi signale que les médecins posent énormément d'actes qui ne sont pas remboursés par la sécurité sociale. L'utilisation du microscope ne change rien au code INAMI qui reste celui de l'opération effectuée. Sur le plan déontologique, on peut reprocher à un médecin de ne pas effectuer l'opération sous microscope. Le médecin doit pouvoir offrir à son patient ce qu'il y a de mieux en fonction de l'évolution de la médecine. Il ne doit pas être soumis à des contraintes de financement.

M. Vankrunkelsven réplique qu'il y a énormément de cas où des médecins prescrivent systématiquement des examens qui ne contribuent en rien à l'amélioration de la santé du patient. Dans de tels cas, l'Ordre doit pouvoir intervenir.

M. Brotchi trouve également choquant que certains médecins prescrivent des examens tout à fait inutiles. Cependant, il est délicat de lier déontologie et aspect budgétaire.

Amendement nº 12

(Sous-amendement à l'amendement nº 1)

M. Vankrunkelsven dépose un amendement nº 12 (doc. Sénat, nº 3-373/6) visant à supprimer l'article 9 proposé.

L'auteur estime la disposition superflue compte tenu de l'article 3, § 4, de la proposition de loi portant création d'un Conseil supérieur de déontologie des professions des soins de santé, telle qu'amendée par les amendements nº 9 et 40.

Amendement nº 13

(Sous-amendement à l'amendement nº 1)

M. Vankrunkelsven dépose un amendement nº 13 (doc. Sénat, nº 3-373/6), subsidiaire à l'amendement nº 12, visant à remplacer l'article 9 proposé.

L'amendement adapte l'article 9 proposé de manière à harmoniser la définition des règles de déontologie pour les médecins avec la définition donnée à l'article 3, § 4, de la proposition de loi portant création d'un Conseil supérieur de déontologie des professions des soins de santé.

Les amendements nos 9 et 12 sont retirés par leurs auteurs.

L'amendement nº 13 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

L'article 9 proposé, ainsi amendé, est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

Article 10 proposé

Amendement nº 5

(Sous-amendement à l'amendement nº 1)

M. Vankrunkelsven et Mme Van de Casteele déposent un amendement nº 5 (doc. Sénat, nº 3-373/4) visant à préciser que le magistrat visé au § 1er, f) doit être un magistrat professionnel. Cette précision répond à l'observation nº 12 du Conseil d'État.

L'amendement nº 5 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

Amendement nº 10

(Sous-amendement à l'amendement nº 1)

MM. Destexhe et Brotchi déposent un amendement nº 10 (doc. Sénat, nº 3-373/5) visant à remplacer au § 1er, alinéa a), le mot « directement » par les mots « par les membres des conseils provinciaux ».

M. Brotchi renvoie à sa justification écrite.

M. Beke remarque que cette question a déjà été abordée dans le cadre de la discussion de la proposition relative au Conseil supérieur de déontologie pour laquelle lui-même a déposé un amendement semblable. D'une part, l'élection indirecte ne va pas, selon lui, à l'encontre de la démocratie, et, d'autre part, elle donne davantage de garanties de voir élus des membres qui ont les compétences et manifestent un réel intérêt pour la fonction au lieu de personnes qui doivent leur notoriété au fait qu'ils utilisent et abusent parfois des médias.

M. Vankrunkelsven justifie l'option de l'élection directe par le souci de transparence et la volonté de permettre à tous les membres d'une profession de s'exprimer sur l'organe qui chapeaute celle-ci. Selon lui, les membres sont suffisamment intelligents pour éviter d'élire des candidats qui n'auraient manifestement aucun intérêt pour la déontologie.

Mme Van de Casteele ajoute que les Ordres ont été critiqués pour leur comportement de caste au sein de laquelle les membres se répartissent les mandats entre eux. L'élection directe par tous les membres semblait pouvoir éviter ce reproche, même s'il est clair qu'elle présente aussi des inconvénients.

M. Vankrunkelsven reconnaît qu'après avoir discuté de cette question avec les membres du Conseil de l'Ordre, lui-même était tenté d'adopter le raisonnement selon lequel il serait préférable de permettre, via un système d'élections indirectes, de déléguer au Conseil national des membres qui ont pris à cœur leur travail au niveau provincial. Mais il ne faut pas perdre de vue que l'objectif est de rénover en profondeur les Ordres qui, au fil du temps, sont devenus des cercles très fermés. Si l'on veut réussir cette réforme, il faut assurer un véritable renouveau et aussi placer les médecins devant leurs responsabilités. Dans cette optique, l'élection directe permet à l'ensemble des médecins de déléguer au Conseil national les confrères en qui ils ont confiance et qui pourront apporter l'expertise requise pour siéger au Conseil national. En outre, au contraire de la situation actuelle, rien n'empêchera les candidats de se faire connaître, sans devoir mener une campagne de propagande, mais en utilisant divers canaux, tels que les journaux médicaux, les cercles de médecins généralistes, etc.

Le ministre des Affaires sociales et de la Santé publique ajoute que la démocratisation constitue l'un des principes de base de la réforme des Ordres. Cette réforme doit être crédible et le ministre accorde toute sa confiance au sens des responsabilités des praticiens de la santé dont il est persuadé qu'ils désigneront des gens compétents pour les représenter au sein du Conseil national.

L'amendement nº 10 est retiré par ses auteurs.

Amendement nº 11

(Sous-amendement à l'amendement nº 1)

MM. Destexhe et Brotchi déposent un amendement nº 11 (doc. Sénat, nº 3-373/5) visant à remplacer au § 1er, les alinéas d) et e).

M. Brotchi renvoie à sa justification écrite.

M. Vankrunkelsven explique que l'un des soucis des auteurs de la proposition a été d'impliquer au sein du Conseil national de l'Ordre des personnes issues de la société au sens large. À partir du moment où il a été décidé de créer un Conseil supérieur de déontologie, il est vrai que la présence de ces personnes au sein du Conseil de l'Ordre semble moins importante. En effet, le Conseil supérieur offre déjà un forum où il peut être discuté de déontologie de manière générale. Néanmoins, le membre est d'avis que des personnes qui ont une autre vision des choses que les médecins peuvent toujours apporter un plus au sein du Conseil de l'Ordre. Pour ce qui concerne le spécialiste des droits des patients, on peut à la rigueur admettre que ce soit un médecin.

Mme Van de Casteele pense qu'il faut plus d'ouverture et une plus grande représentation d'autres groupes de la société au sein des organes de l'Ordre. Les associations de patients souhaitaient également avoir un siège au Conseil national pour faire entendre la voix des patients au sein des ordres, en particulier au sein de l'Ordre des médecins. Il n'est pas possible de l'organiser directement à ce stade car il faut encore débattre des conditions et des circonstances dans lequelles une association peut être considérée comme représentant les intérêts des patients, mais on pourra envisager à l'avenir une représentation directe de ces associations lorsqu'elles auront été reconnues. L'intervenante est en tout cas d'avis que les points d) et e) du § 1er contribuent précisément au renouveau des organes de l'Ordre et qu'il ne faut pas les supprimer.

Mme Geerts partage l'avis de la présidente. Elle fait en outre le lien avec la discussion sur la définition de la déontologie: la relation entre le médecin et son patient est cruciale et des personnes spécialistes de la déontologie ou des droits des patients ont certainement un rôle à jouer et peuvent apporter une sérieuse plus-value dans les discussions au sein de l'Ordre.

Mme de Schamphelaere rappelle que l'ouverture à la société a été l'un des premiers éléments mis en avant quand on a commencé à discuter de la réforme des ordres.

M. Brotchi attire l'attention sur la distinction entre le droit pénal et le droit disciplinaire. Il est certes utile de travailler avec des gens compétents dans les matières éthiques et en droits des patients. Cependant, certains médecins sont très compétents dans ces matières. Pourquoi dès lors ne pas prévoir que les spécialistes en questions éthiques et en droits des patients doivent être des médecins ?

Mme Van de Casteele fait remarquer que la formulation des points d) et e) n'empêche pas que ces spécialistes soient des médecins. Néanmoins, l'objectif est précisément de permettre l'apport d'autres personnes.

Le ministre des Affaires sociales et de la Santé publique partage l'avis de Mme Van de Casteele et Mme Geerts. Il ajoute que, lorsqu'on a décidé d'adjoindre au Conseil de l'Ordre un spécialiste de la législation relative aux droits des patients, l'idée était de trouver quelqu'un qui avait une certaine connaissance et sensibilité en la matière mais plutôt du point de vue du patient.

En ce qui concerne le point d), M. Vankrunkelsven estime qu'il est tout à fait possible qu'un médecin soit présenté par les universités. Il estime qu'on ne peut certainement pas l'exclure et qu'il appartient alors aux universités, dans leur grande sagesse, de proposer les personnes adéquates. Par contre, le e) peut plus probablement être un non médecin, de même que le b).

M. Brotchi informe que le FNRS et le FWO ont un comité national d'éthique constitué de deux représentants des sept grandes universités du pays. On y discute de grands problèmes éthiques. Il y a donc dans cette matière des personnalités compétentes et reconnues au sein des universités.

L'amendement nº 11 est retiré par ses auteurs.

L'article 10 proposé, ainsi amendé, est adopté par 11 voix et 2 abstentions.

Article 11 proposé

Amendement nº 6

(Sous-amendement à l'amendement nº 1)

M. Vankrunkelsven et Mme Van de Casteele déposent un amendement nº 6 (doc. Sénat, nº 3-373/4) visant à corriger l'intitulé de l'arrêté royal nº 79 abrogé par la présente proposition de loi.

L'amendement nº 6 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

L'article 11 proposé, ainsi amendé, est adopté par le même vote.

Article 12 proposé

Amendement nº 7

(Sous-amendement à l'amendement nº 1)

M. Vankrunkelsven et Mme Van de Casteele déposent un amendement nº 7 (doc. Sénat, nº 3-373/4) visant à remplacer l'alinéa 1er de l'article 12 proposé. En effet, il se peut que des dates d'entrées en vigueur distinctes soient nécessaires pour les diférentes dispositions de la loi.

L'amendement nº 7 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

L'article 11 proposé, ainsi amendé, est adopté par 11 voix et 2 abstentions.

L'amendement nº 1, ainsi sous-amendé, qui contient les articles 2 à 12 amendés, est adopté par 11 voix contre 2.

L'amendement nº 15, qui s'inspire de l'avis du service Affaires juridiques, Évaluation de la législation et Analyse documentaire du Sénat, et qui remplace la proposition de loi nº 3-373 dans son intégralité en y regroupant uniquement les dispositions visées à l'article 78 de la Constitution, est adopté par 10 voix contre 2 et 1 abstention.

Les matières visées à l'article 77 de la Constitution ont été regroupées dans une proposition de loi distincte, qui a été rédigée sur l'initiative de la commission, en application de l'article 22.3 du règlement du Sénat (doc. Sénat, nº 2030/1).

VI. L'ORDRE DES PHARMACIENS

PROPOSITION DE LOI CRÉANT UN ORDRE DES PHARMACIENS, Nº 3-675

VI.1. Exposé introductif de Mme Van de Casteele

La proposition a été présentée au point II.1.

VI.2. Discussion générale

Voir le point II.2.

VI.3. Discussion des articles

Comme son auteur principal l'a fait pour la proposition nº 3-373, Mme Van de Casteele a déposé un amendement (Amendement nº 1, doc. Sénat, nº 3-675/2) visant à appliquer à l'Ordre des pharmaciens les principes généraux contenus dans la proposition nº 3-1519. En néerlandais, la terminologie est adaptée, le « Orde der apothekers » devient « Orde van apothekers ». Les organes et les procédures sont adaptés de façon similaire à l'Ordre des médecins. Les différences avec l'Ordre des médecins tiennent à certaines spécificités des pharmaciens. À la demande expresse de l'Ordre, des conseils sont créés pour les pharmaciens exerçant hors officine qui sont de plus en plus nombreux. Les pharmaciens d'officine, quant à eux, sont les pharmaciens exerçant dans une officine accessible au public ou dans l'officine d'un hôpital. L'oratrice ajoute qu'entre-temps, les représentants des pharmaciens hospitaliers lui ont demandé d'adapter les conditions pour l'inscription au rôle qui se fondent sur leur domicile et non le lieu de l'officine.

La création de conseils pour les pharmaciens exerçant hors officine est sujette à discussion. Les pharmaciens travaillant pour l'industrie ne sont pas tous enthousiastes. Mais l'auteur de la proposition est d'avis que ces pharmaciens sont régulièrement face à des choix dans lesquels interviennent des considérations d'ordre déontologique et qu'il est utile pour eux d'avoir un organe spécifique chargé d'établir leur déontologie et de faire respecter la discipline.

Une autre spécificité concerne la création d'une commission de la parapharmacie. Une loi modifiant l'arrêté royal nº 78 vient d'être adoptée qui habilite le Roi à déterminer ce qui peut être vendu en tant que parapharmacie. La présidente estime qu'il serait préférable de laisser les praticiens décider eux-mêmes ou tout au moins donner leur avis sur ce qui peut ou ne peut pas être vendu en pharmacie, vu que leur souci est évidemment de ne pas discréditer les pharmacies. C'est pourquoi elle propose la création d'une commission de la parapharmacie qui sera composée de membres de l'Ordre mais aussi des représentants des organisations professionnelles et des membres de l'administration, lesquels pourront élaborer ensemble une liste de critères à respecter et aussi une liste de produits pour lesquels ils prennent position.

Les amendements à ce nouveau texte doivent être considérés comme des sous-amendements à l'amendement principal nº 1.

ii. Sous-amendements à l'amendement nº 1

Phrase liminaire de l'amendement nº 1

Amendement nº 2

(Sous-amendement à l'amendement nº 1)

Mme Van de Casteele et M. Vankrunkelsven déposent un amendement nº 2 (doc. Sénat, nº 3-675/4) visant à remplacer les mots « à 47 » par les mots « à 51 » dans la phrase liminaire de l'amendement.

Il s'agit de répondre à l'observation nº 17 du Conseil d'État qui signale que l'amendement remplace également les articles 48 à 51.

L'amendement nº 2 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

Article 2 proposé

Amendement nº 3

(Sous-amendement à l'amendement nº 1)

Mme Van de Casteele et M. Vankrunkelsven déposent un amendement nº 3 (doc. Sénat, nº 3-675/4) visant à supprimer la première phrase de l'article 2 proposé. Il s'agit de répondre à l'observation nº 6 du Conseil d'État qui juge cette phrase superflue.

Mme Van de Casteele ajoute que, comme pour l'amendement nº 2 à la proposition nº 3-373, il faut apporter à la seconde phrase de l'article 2 qui devient maintenant la première, une correction technique en ajoutant après le mot « Ordre », les mots « des pharmaciens ».

L'amendement nº 3 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

L'article 2 proposé, ainsi amendé, est adopté par le même vote.

Article 3 proposé

L'article 3 proposé est adopté sans discussion à l'unanimité des 13 membres présents.

Article 4 proposé

Amendement nº 13

(Sous-amendement à l'amendement nº 1)

Mme Van de Casteele dépose un amendement nº 13 (doc. Sénat, nº 3-675/6) visant à modifier le § 1er, alinéa 1er, de l'article proposé.

Cet amendement répond à la demande des pharmaciens hospitaliers. Il prévoit que ceux-ci sont inscrits au tableau de la province dans laquelle se trouve l'hôpital et non au tableau de la province dans laquelle ils ont leur domicile.

L'amendement nº 13 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

L'article 4 proposé, ainsi amendé, est adopté par 11 voix et 2 abstentions.

Article 5 proposé

L'article 5 proposé est adopté sans discussion par 11 voix et 2 abstentions.

Article 6 proposé

Mme Van de Casteele déclare que l'article 6 insiste sur les fonctions des conseils, en particulier sur leurs missions spécifiques, afin, notamment, de mettre l'accent sur le fait que leur première fonction consiste à jouer les médiateurs, avant toute sanction disciplinaire. Une nouveauté réside dans le fait que cette médiation ne concerne pas uniquement les pharmaciens entre eux, mais s'exercera aussi entre pharmaciens et propriétaires d'officines non pharmaciens, entre pharmaciens et patients, ou encore entre pharmaciens et entreprises ou autres tiers.

Amendement nº 4

(Sous-amendement à l'amendement nº 1)

Mme Van de Casteele et M. Vankrunkelsven déposent un amendement nº 4 (doc. Sénat, nº 3-675/4) visant à préciser que « les conseils » sont les conseils visés à l'article 5 et qu'ils exercent leurs compétences « chacun pour ce qui concerne les membres inscrits à son tableau » (cf. observation nº 8 du Conseil d'État).

L'amendement nº 4 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

L'article 6 proposé, ainsi amendé, est adopté par le même vote.

Article 7 proposé

L'article 7 prévoit que le Conseil sera composé de 9 membres dont 7 pharmaciens et 2 juristes.

Amendement nº 5

(Sous-amendement à l'amendement nº 1)

Mme Van de Casteele et M. Vankrunkelsven déposent un amendement nº 5 (doc. Sénat, nº 3-675/4) visant à harmoniser le texte avec celui de la proposition relative au Conseil supérieur de déontologie, le Conseil d'État ayant fait remarquer que le texte donnait l'impression de déroger au principe inscrit à l'article 13 de cette proposition. L'article 7 prévoyait que l'un des deux membres juristes pouvait être remplacé par un magistrat. L'amendement permet de les remplacer par un seul magistrat ou un seul avocat.

L'amendement nº 5 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

L'article 7 proposé, ainsi amendé, est adopté par le même vote.

Article 8 proposé

L'article 8 précise le siège des conseils provinciaux et prévoit désormais où siégeront les conseils des pharmaciens exerçant hors officine.

L'article 8 proposé est adopté sans discussion à l'unanimité des 13 membres présents.

Article 9 proposé

L'article 9 concerne la division en sections du Conseil national, conformément à ce qui existe déjà aujourd'hui.

L'article 9 proposé est adopté sans discussion par 11 voix et 2 abstentions.

Article 10 proposé

L'article 10 concerne la composition des sections du Conseil national.

Mme Van de Casteele souligne la présence de quatre pharmaciens professeurs attachés à une université. Avec la loi actuelle se pose un problème parce qu'elle est antérieure à la création de l'université d'Anvers, ce qui a pour conséquence que cette dernière n'est pas représentée officiellement au Conseil. Avec la nouvelle disposition, toutes les universités pourront en théorie être représentées à l'avenir.

M. Beke demande si le fait que des membres travaillent dans des entreprises pharmaceutiques ne risque pas de poser parfois des problèmes de double casquette dans certains dossiers.

Mme Van de Casteele ne pense pas que cela pose un problème à l'heure actuelle puisque ces pharmaciens n'interviennent pas dans des dossiers spécifiques mais contribuent à l'établissement de règles générales. Elle reconnaît que les pharmaciens qui exercent en officine ont souvent aussi des actions dans certaines entreprises pharmaceutiques mais cela lui paraît peu susceptible de mener à des conflits d'intérêts.

Amendement nº 6

(Sous-amendement à l'amendement nº 1)

Mme Van de Casteele et M. Vankrunkelsven déposent un amendement nº 6 (doc. Sénat, nº 3-675/4) visant à préciser que le magistrat siégeant visé au § 1er, e) doit être un magistrat professionnel siégeant. Cet amendement répond à l'observation nº 11 du Conseil d'État.

L'amendement nº 6 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

L'article 10 proposé est adopté par 11 voix et 2 abstentions.

Article 11

L'article 11 proposé est adopté sans discussion à l'unanimité des 13 membres présents.

Article 12

Amendement nº 7

(Sous-amendement à l'amendement nº 1)

Mme Van de Casteele et M. Vankrunkelsven déposent un amendement nº 7 (doc. Sénat, nº 3-675/4) visant à transformer cet article en article 11 car il manque un article 11 dans les dispositions insérées par l'amendement. Les autres articles sont renumérotés en conséquence.

L'amendement nº 7 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

L'article 11 nouveau a trait à la mission du Conseil national relative à l'élaboration de la déontologie.

Mme De Schamphealere s'étonne de l'énumération détaillée des domaines sur lesquels porte la déontologie pour les pharmaciens. Cette description est tout à fait pertinente mais pourquoi la proposition de loi sur l'Ordre des médecins n'en contient-elle pas une semblable ?

Mme Van de Casteele répond que cette description figurait déjà dans la proposition initiale et qu'elle a jugé utile de la maintenir même si elle recoupe partiellement les principes inscrits désormais dans la proposition de loi nº 3-1519. Lors des auditions, il est apparu que les pharmaciens étaient très demandeurs d'une description précise de ce que recouvrait un code de déontologie pour eux. Au sein de l'Ordre des pharmaciens, il y a en effet beaucoup plus de discussions concernant l'aspect économique de la profession et la pression de l'Union européenne afin de voir jouer les règles de concurrence dans ce secteur. C'est aussi pourquoi la fin de l'article 11 nouveau met l'accent sur le caractère non commercial de la profession de pharmacien.

M. Beke pense néanmoins qu'un certain nombre de précisions pourraient aussi figurer dans la loi sur l'Ordre des médecins de manière à établir un parallèle.

M. Vankrunkelsven objecte que l'absence de parallèle pour cette disposition résulte d'un choix délibéré. La structure de l'Ordre des pharmaciens est plus compliquée en raison de la catégorie particulière de pharmaciens travaillant hors officine.

M. Brotchi remarque aussi que certains points intéressants de la proposition à l'examen ne figurent pas dans la proposition de loi sur l'Ordre des médecins. Tout ne peut néanmoins être transposé car il existe des questions spécifiques à chacune des professions.

Amendements nos 8 et 12

(Sous-amendements à l'amendement nº 1)

Mme Van de Casteele et M. Vankrunkelsven déposent un amendement nº 8 (doc. Sénat, nº 3-675/4) visant à supprimer le § 1er qui n'ajoute rien aux principes figurant dans la proposition nº 3-1519.

Mme Van de Casteele signale néanmoins qu'il faudra essayer de trouver un consensus sur une définition de la déontologie prenant en compte l'aspect des moyens financiers mis à disposition de la collectivité, comme dans la proposition sur l'Ordre des médecins.

M. Brotchi dépose un amendement nº 12 (doc. Sénat, nº 3-675/5) visant à supprimer les mots « et en tenant compte des moyens financiers que la collectivité met à la disposition du secteur des soins de santé ».

M. Brotchi renvoie à sa justification écrite et aux explications qu'il a données dans le cadre de l'examen de la proposition de loi nº 3-373.

Les amendements nº 8 et 12 sont retirés par leurs auteurs.

L'article 12 proposé (article 11 nouveau), ainsi amendé, est adopté par 11 voix et 2 abstentions.

Article 13 (Article 12 nouveau)

Amendement nº 9

(Sous-amendement à l'amendement nº 1)

Mme Van de Casteele et M. Vankrunkelsven déposent un amendement nº 9 (doc. Sénat, nº 3-675/4) visant à remplacer les mots « relatifs à la parapharmacie » par les mots « visés à l'article 14, § 1er, alinéa 1er ». Il s'agit de répondre à l'observation nº 13 du Conseil d'État.

L'amendement nº 9 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

L'article 13 proposé, ainsi amendé, est adopté par le même vote.

Article 14 (Article 13 nouveau)

Cet article vise à déterminer, au sein de la profession, ce qui peut être vendu en pharmacie. L'auteur de la proposition estime en effet que c'est la dignité de la profession qui est mise en cause si un pharmacien transforme son officine en une sorte de supermarché ou s'il vend des produits dont la qualité n'est pas garantie. Une commission de la parapharmacie est dès lors créée au sein de l'Ordre des pharmaciens, commission dans laquelle l'administration est aussi représentée.

Entre-temps, une proposition de loi a été adoptée (1) qui habilite le ministre à fixer certaines exigences auxquelles les produits, autres que des médicaments, doivent répondre pour être vendus en pharmacie. Mme Van de Casteele estime néanmoins que ce texte n'empêche pas le fonctionnement d'une commission de la parapharmacie qui pourra aussi rendre des avis au ministre.

Amendement nº 14

(Sous-amendement à l'amendement nº 1)

Mme Van de Casteele dépose un amendement nº 14 (doc. Sénat, nº 3-675/6) visant à remplacer des mots au § 1er, alinéa 2, 3º.

Il s'agit de la dénomination correcte pour le Service public fédéral Santé publique.

L'amendement nº 14 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

Amendement nº 15

(Sous-amendement à l'amendement nº 1)

Mme Van de Casteele dépose un amendement nº 15 (doc. Sénat, nº 3-675/6) visant à remplacer des mots au § 1er, alinéa 2, 4º.

Il s'agit de la dénomination correcte pour l'Agence fédérale des Médicaments et des Produits de santé.

L'amendement nº 15 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

L'article 14 proposé (article 13 nouveau), ainsi amendé, est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

Article 15 (Article 14 nouveau)

L'article 15 (article 14 nouveau) est adopté sans discussion par 11 voix et 2 abstentions.

Article 16 (Article 15 nouveau)

Amendement nº 16

(Sous-amendement à l'amendement nº 1)

Mme Van de Casteele dépose un amendement nº 16 (doc. Sénat, nº 3-675/6) visant à compléter le 4º de l'article proposé par un alinéa nouveau.

Il s'agit de permettre au Roi de modifier la disposition même si elle a été modifiée par une loi.

L'amendement nº 16 est retiré par son auteur.

Amendement nº 18

(Sous-amendement à l'amendement nº 1)

Mme Van de Casteele dépose un amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 3-675/7) visant à remplacer l'article 16 proposé (article 15 nouveau).

L'amendement concerne les pharmaciens exerçant hors officine. Les arrêtés royaux visés sont dépassés. Un arrêté royal relatif aux médicaments à usage humain et vétérinaire a été publié au Moniteur belge le 22 décembre 2006 qui reprend les tâches des pharmaciens dans l'industrie. Ces pharmaciens doivent également être inscrits au tableau de l'Ordre des pharmaciens.

L'amendement nº 18 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

L'article 16 proposé (article 15 nouveau), ainsi amendé, est adopté par le même vote.

Article 17 (Article 16 nouveau)

Amendement nº 17

(Sous-amendement à l'amendement nº 1)

Mme Van de Casteele dépose un amendement nº 17 visant à compléter la disposition proposée pour permettre au Roi de modifier la disposition de l'arrêté royal, même si celle-ci a été modifiée par une loi.

L'amendement nº 17 est retiré par son auteur.

Amendement nº 19

(Sous-amendement à l'amendement nº 1)

Mme Van de Casteele dépose un amendement nº 19 (doc. Sénat, nº 3-675/7) visant à supprimer l'article 17 proposé.

Cet amendement est à lire en corrélation avec l'amendement nº 18.

L'amendement nº 19 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

Article 18 (Article 17 nouveau)

Amendement nº 10

(Sous-amendement à l'amendement nº 1)

Mme Van de Casteele et M. Vankrunkelsven déposent un amendement nº 10 (doc. Sénat, nº 3-675/4) visant à remplacer l'article pour ne plus viser que l'abrogation de l'arrêté royal nº 80 du 20 novembre 1967. Le Conseil d'État a en effet fait remarquer que la loi du 19 mai 1949 avait déjà été abrogée (observation nº 15).

L'amendement nº 10 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

L'article 18 proposé (article 17 nouveau), ainsi amendé, est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

Article 19 proposé (Article 18 nouveau)

Amendement nº 11

(Sous-amendement à l'amendement nº 1)

Mme Van de Casteele et M. Vankrunkelsven déposent un amendement nº 11 (doc. Sénat, nº 3-675/4) visant à permettre au Roi de fixer des dates d'entrée en vigueur distinctes pour les différentes dispositions de la loi puisque l'arrêté royal nº 80 du 10 novembre 1967 et la nouvelle réglementation vont coexister pendant un certain temps. (Observation nº 16 du Conseil d'État).

L'amendement nº 11 est adopté par 11 voix et 2 abstentions.

L'article 19 proposé (article 18 nouveau), ainsi amendé, est adopté par 11 voix et 2 abstentions.

L'amendement nº 1, ainsi sous-amendé, qui contient les articles 2 à 19 amendés (2 à 18 nouveau), est adopté par 11 voix et 2 abstentions.

Enfin, l'amendement nº 20, qui s'inspire de l'avis du service Affaires juridiques, Évaluation de la législation et Analyse documentaire du Sénat, et qui remplace la proposition de loi nº 3-675 dans son intégralité en y regroupant uniquement les dispositions visées à l'article 78 de la Constitution, est adopté par 10 voix et 3 abstentions.

Les matières visées à l'article 77 de la Constitution ont été regroupées dans une proposition de loi distincte, qui a été rédigée sur l'initiative de la commission, en application de l'article 22.3 du règlement du Sénat (doc. Sénat, nº 2031/1).

VII. L'ORDRE DES KINESITHERAPEUTES

PROPOSITION DE LOI CREANT UN ORDRE DES KINESITHERAPEUTES, Nº 3-1777

VII.1. Exposé introductif de Mme Geerts

Mme Geerts déclare que cette proposition de loi s'inscrit dans le cadre des principes établis dans la proposition de loi nº 3-1519 mais règle certaines spécificités propres aux kinésithérapeutes. Lors des auditions, un consensus se dégageait clairement entre les kinésithérapeutes sur le souhait de disposer d'un instrument permettant de mieux encadrer et réglementer le fonctionnement de leur profession.

Les dispositions de la proposition de loi suivent la logique et la structure de la proposition de loi relative au Conseil supérieur de déontologie.

L'article 2 définit la mission de l'Ordre des kinésithérapeutes. Celle-ci consiste à rédiger des règles de déontologie, jouer un rôle de médiateur dans les conflits, appliquer le droit disciplinaire et enfin rendre des avis et fournir des informations.

Les articles 3 et 4 concernent la structure de l'Ordre des kinésithérapeutes, qui diffère un peu de celle des autres Ordres dans la mesure où elle repose sur deux conseils régionaux. En concertation avec les intéressés, il n'a pas été jugé opportun, et ce pour des raisons très pratiques, de créer des conseils provinciaux. On notera que les kinésithérapeutes de la Région de Bruxelles-Capitale ont le choix de s'inscrire sur la liste francophone ou néerlandophone.

Chaque conseil régional comptera neuf membres, dont sept kinésithérapeutes et deux juristes (article 5).

Vu la dimension de la circonscription, l'endroit où établir le siège du conseil est laissé au choix de celui-ci. (article 6).

Les articles 7 et 8 précisent que le Conseil national de l'Ordre se compose de deux sections, francophone et néerlandophone, chacune étant composée de onze membres. Parmi ceux-ci, cinq sont des kinésithérapeutes, à raison d'un par province. Les autres membres sont énumérés à l'article 8.

VII.2. Discussion

M. Vankrunkelsven constate que la proposition de loi à l'examen est très similaire aux propositions de loi relatives aux Ordres des médecins et des pharmaciens et qu'il est tout à fait d'accord avec son contenu. Toutefois, il émet une réserve, qui explique d'ailleurs pourquoi il n'a pas cosigné la proposition.

Maintenant qu'on a créé un Conseil supérieur de déontologie qui va élaborer des règles de comportement applicables à toutes les professions des soins de santé concernées, et dont les organes pourront forcer l'exécution, ne serait-il pas plus judicieux d'attendre pour voir dans quelle mesure le Conseil supérieur peut déjà répondre aux besoins exprimés par les kinésithérapeutes ?

En effet, si on crée dès aujourd'hui un Ordre distinct pour toutes les professions des soins de santé, certains éléments du Conseil supérieur seront alors superflus.

Il ne faut pas oublier non plus que la création d'un Ordre nécessite certains efforts et que le développement des connaissances et de l'expérience requise ne se fait pas du jour au lendemain.

Pour ces raisons, le membre aurait préféré attendre un ou deux ans de fonctionnement du Conseil supérieur avant de décider de la création ou non d'un Ordre spécifique pour d'autres professions des soins de santé. Néanmoins, les kinésithérapeutes connaissaient cette possibilité, ils se sont exprimés en faveur de la création immédiate de leur propre Ordre et le membre se dit prêt à adopter la proposition de loi qui répond à leur demande.

Mme Van de Casteele estime, quant à elle, qu'il n'a jamais été question d'empêcher par la création d'un Conseil supérieur de déontologie, la création d'ordres distincts pour toutes les professions de soins de santé. Elle trouve au contraire que même si toutes les professions se dotaient de leur ordre propre, le Conseil supérieur aurait encore toute sa raison d'être, notamment parce qu'il constitue une enceinte où les questions de déontologie sont traitées en concertation au-delà des frontières des professions.

Les kinésithérapeutes ont opté pour la création d'un Ordre en connaissant les avantages et les incovénients de ce choix.

Enfin, la présidente est d'avis que l'idée qu'il était préférable d'observer d'abord le fonctionnement du Conseil supérieur pendant deux ans est une illusion. D'abord, il sera sans doute difficile pour une profession de créer son propre ordre alors qu'elle siège déjà au Conseil supérieur. Ensuite, l'expérience a montré la difficulté de mettre les propositions concernant une réforme des ordres à l'agenda du parlement. Il est dès lors plus prudent de profiter des discussions actuelles pour soumettre une telle proposition de création d'un Ordre.

La présidente souligne encore que les dentistes, par exemple, n'étaient pas favorables dans leur ensemble à la création d'un Ordre parce qu'ils ne souhaitaient pas devoir payer des cotisations. On pourra donc voir sur le terrain si l'existence d'un Conseil supérieur suffira à régler les questions qui les intéressent ou si, au contraire, la création d'un Ordre se justifie quand même.

Mme Geerts demande à l'intervenant précédent s'il craint une soudaine multiplication des ordres professionnels. C'est une préoccupation qu'elle peut comprendre. Néanmoins, la création d'un Conseil supérieur avait aussi pour but de mettre les différentes professions de soins de santé sur pied d'égalité. Or, si l'on ne donnait pas suite à la demande expresse des kinésithérapeutes, il lui semble que ce serait un signal négatif par rapport à l'intention initiale.

Par ailleurs, la membre est d'avis que toutes les professions des soins de santé sont traversées par un courant visant à une plus grande professionnalisation, une organisation plus structurée, l'établissement de règles de discipline.

M. Vankrunkelsven répond qu'il partage cette vision de mise sur pied d'égalité des professions des soins de santé et d'établissement de règles uniformes pour toutes. Mais il déclare que, s'il n'existait pas déjà d'ordre des médecins et des pharmaciens, il plaiderait pour qu'on se contente d'un Conseil supérieur dans un premier temps. Le législateur aurait d'ailleurs pu aller beaucoup plus loin et décider de la suppression des ordres existants, mais il est à craindre que cette initiative aurait rencontré une grande résistance. Pourtant, beaucoup de médecins eux-mêmes estiment que leur Ordre n'a plus de raison d'être.

M. Beke remarque que toute la discussion menée part du présupposé que le Conseil supérieur de déontologie va être créé. Or, il rappelle que ce Conseil n'existe pas encore.

Le membre partage le raisonnement de l'intervenant précédent et est aussi d'avis qu'il serait préférable de procéder par étapes, en laissant d'abord le Conseil supérieur jouer son rôle avant de créer des ordres nouveaux.

L'amendement nº 1 est retiré.

L'amendement nº 2, qui s'inspire de l'avis du service Affaires juridiques, Évaluation de la législation et Analyse documentaire du Sénat, et qui remplace la proposition de loi nº 3-1777 dans son intégralité en y regroupant uniquement les dispositions visées à l'article 78 de la Constitution, est adopté par 9 voix et 3 abstentions.

VIII. DÉCLARATIONS AVANT LE VOTE FINAL

Mme Van de Casteele déclare que, pour ce qui est des aspects communautaires de la problématique à l'examen, les groupes de la majorité ont tenté de sortir de l'impasse politique, plus particulièrement en ce qui concerne la réglementation relative aux médecins qui exercent dans une commune à facilités. On a essayé de supprimer la réglementation existant en la matière, en invoquant notamment l'avis du Conseil d'État, mais, le débat en question ayant coïncidé avec la discussion des propositions de loi concernant la scission de l'arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde, cela a engendré un climat politique tendu, lequel a rendu toute solution impossible. Il s'est également avéré impossible de résoudre le problème plus tard, après que le climat politique eut profité d'une accalmie. Les élections législatives qui seront organisées sous peu au niveau fédéral ne seront pas non plus de nature à faciliter les choses.

C'est donc contrainte et forcée que l'intervenante se résigne à un statu quo sur ce plan et espère qu'une solution pourra être trouvée au cours des négociations communautaires qui auront lieu après les élections.

C'est la raison pour laquelle Mme Van de Casteele et le groupe auquel elle appartient ont voté contre les amendements déposés par les sénateurs du groupe CD&V, même si ceux-ci vont dans le sens de la solution attendue. Comme il est souhaitable que les votes des groupes de la majorité soient analogues, le groupe VLD a préféré rejeter ces amendements plutôt que de s'abstenir lors du vote.

Mme De Schamphelaere rappelle le point de vue défendu par la section néerlandaise du Conseil national de l'Ordre des médecins. Celle-ci peut comprendre que l'on veuille créer un Conseil supérieur, qui serait compétent pour la déontologie de toutes les professions de la santé, mais ne cesse de développer en même temps une vision distincte, tant en matière de jurisprudence que dans la manière de tenir compte des réglementations imposées par le fédéral et par les autorités flamandes. Il y a une demande concrète de voir les chambres néerlandophones se concerter d'une manière plus autonome.

Le groupe CD&V ne soutient dès lors la réforme proposée de la déontologie des professions de la santé que dans la mesure où cette démarche sera rendue possible concrètement, tant il est vrai qu'il importe d'améliorer la coopération entre les professions de la santé et de créer le Conseil supérieur de déontologie afin que les lignes de force en matière de transparence et d'efficacité de la procédure disciplinaire s'appliquent à tous. Le groupe CD&V avait d'ailleurs déjà déposé une première proposition à ce sujet en 1999.

Mais s'il s'est avéré possible de mener à bien une telle réforme pour l'Ordre des avocats — qui plus est dans une matière fédérale comme la justice — avec à la clé un résultat satisfaisant, notamment à Bruxelles, il doit aussi être possible d'y arriver dans les soins de santé, matière qui a déjà été en partie défédéralisée et que l'on espère voir scinder entièrement dans un futur proche. Il s'agit en effet ici de l'application d'une logique issue de l'évolution de notre appareil constitutionnel et qui va dans le sens de ce que préconise le Conseil d'État, à savoir le respect de la division en régions linguistiques et en régions. Il serait particulièrement dommage de ne pas suivre cette logique. L'exposé des motifs renvoie à la législation des années '30, qui fut élaborée dans une structure d'État unitaire et qui est nettement antérieure à la réforme de l'État de 1980. Le texte proposé par la majorité va donc à l'encontre de ce principe et il sera aisé d'en obtenir l'annulation auprès de la Cour d'arbitrage.

Prévoir dans la loi relative à la déontologie des professions de santé la possibilité pour les francophones habitant dans la région de langue néerlandaise de s'inscrire dans un ordre francophone — situation qui n'existe actuellement que pour les médecins —, offre en outre aux titulaires d'une autre profession de la santé la possibilité d'élaborer un régime similaire. Ni la transparence envers les patients ni la sécurité juridique au niveau du droit disciplinaire ne sont servies par le régime proposé.

L'intervenante propose dès lors que le régime proposé soit soumis pour avis au Conseil d'État.

Mme Van de Casteele souligne que le statu quo communautaire actuel ne préfigure en rien la négociation qui suivra, concernant notamment la question de l'éventuel transfert des soins de santé aux communautés. Si on en arrive là, il faudra de toute façon adapter toute une série de lois existantes, y compris la proposition de loi à l'examen.

L'intervenante souligne que le statu quo signifierait que l'on ne fait aucun pas ni en avant, ni en arrière. La situation existante est tolérée dans l'attente d'une réforme communautaire plus fondamentale. Mais cet aspect des choses ne peut pas faire obstacle à la réforme de la déontologie des professions de la santé.

M. Vankrunkelsven souligne que de nombreux problèmes communautaires sont généralement réglés dans le cadre d'une réforme fondamentale, plus globale. Il en va de même ici.

Il trouve important que la modernisation de fond de la déontologie et du droit disciplinaire ne soit pas utilisée comme levier pour réaliser des aspirations communautaires. La réforme projetée des ordres est en effet réclamée depuis des années et elle bénéficie d'un large soutien. L'aspect communautaire n'est apparu qu'à la fin des discussions des diverses propositions de loi. En dépit du fait que les auteurs avaient également respecté au départ la logique de la division de notre pays en régions linguistiques et en régions, ils souhaitent que la réforme de fond des ordres ne soit pas bloquée à cause de ce seul élément et optent pour le statu quo. Ne pas procéder à toute cette réforme aurait d'ailleurs aussi été synonyme de statu quo.

L'intervenant estime que l'aspect communautaire sera abordé lors des négociations qui débuteront sans doute après les prochaines élections législatives. Enfin, il fait remarquer que, lorsqu'il faisait encore partie de la majorité parlementaire, le groupe CD&V n'était guère enclin non plus à faire respecter la législation linguistique par les médecins.

M. Beke ne comprend pas pourquoi la réforme proposée doit encore être approuvée rapidement par le Sénat. Il est probable que la Chambre des représentants ne votera de toute façon pas le projet avant la dissolution des chambres législatives.

L'intervenant renvoie par ailleurs à l'article d'opinion des auteurs des propositions de loi dans le journal De Morgen du 11 mai 2006, duquel on peut déduire qu'ils souscrivent entièrement au point de vue du groupe CD&V quant au contenu. Il est donc dommage qu'ils ne soutiennent pas les amendements déposés par le CD&V. Il faudra de nouveau faire une concession sur ce point lorsqu'il sera porté à l'agenda communautaire, qui est déjà si chargé.

Mme Geerts nie que la réforme en question doive encore être approuvée rapidement par le parlement. En effet, la discussion des différentes propositions de loi traîne en longueur depuis de longues années. Elle est d'accord avec les intervenants précédents qui affirment que ce genre de points sensibles sur le plan communautaire doivent être résolus dans un cadre plus vaste. En outre, l'intervenante souhaite faire aboutir la proposition de réforme fondamentale de la déontologie des professions de la santé dans l'intérêt des 10 millions de patients et des 40 000 médecins.

M. Beke rétorque que tel a également été le souci des différentes associations professionnelles et de l'aile néerlandophone de l'Ordre des médecins. En effet, la scission de l'Ordre des avocats n'a pas été réalisée dans un ensemble plus vaste et elle a eu lieu dans le respect de notre système constitutionnel.

IX. VOTES FINAUX

La proposition de loi nº 3-1519 amendée a été adoptée par 10 voix contre 3.

La proposition de loi nº 3-373 amendée a été adoptée par 10 voix contre 3.

À la suite de l'adoption de la proposition de loi nº 3-373, les propositions de loi nos 3-413 et 3-1035 sont devenus sans objet.

La proposition de loi nº 3-675 amendée a été adoptée par 10 voix contre 1 et 2 abstentions.

La proposition de loi nº 3-1777 amendée a été adoptée par 9 voix contre 1 et 2 abstentions.

La proposition de loi nº 3-2030 a été adoptée par 10 voix contre 3.

La proposition de loi nº 3-2031 a été adoptée par 10 voix et 3 abstentions.

Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 13 membres présents.

Les rapporteurs, La présidente,
Mia DE SCHAMPHELAERE. Alain DESTEXHE. Annemie VAN de CASTEELE.

ANNEXE 1

Auditions

TEXTE MARTYR

Proposition de loi portant création d'un Conseil supérieur de Déontologie des professions des soins de santé et fixant les principes généraux pour la création et le fonctionnement des Ordres des professions des soins de santé.

Titre Ier

Disposition générale

Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution, à l'exception des articles ... à ... qui règlent une matière visée à l'article 77 de la Constitution.

Titre II

Conseil supérieur de Déontologie des Professions des soins de santé

Art. 2

Il est créé un Conseil supérieur de Déontologie des professions des soins de santé, ci-après dénommé « Conseil supérieur ».

Le Conseil supérieur jouit de la personnalité juridique de droit public.

Tant en justice que pour s'obliger, le Conseil supérieur est représenté par son Président et, à défaut de celui ci, par son suppléant.

Art. 3

§ 1er. Le Conseil supérieur se compose:

1º d'un Président bilingue, nommé parmi les membres du Conseil d'État, de la Cour de cassation ou de la Cour d'arbitrage;

2º de huit médecins, parmi lesquels quatre médecins généralistes et quatre médecins spécialistes;

3º de deux pharmaciens;

4º de deux praticiens de l'art dentaire;

5º de deux praticiens de la kinésithérapie;

6º de deux praticiens d'une profession paramédicale;

7º de huit praticiens qui sont praticien de l'art infirmier, accoucheuse ou aide soignant, parmi lesquels chacune de ces trois professions est représentée par au moins une personne.

8º de huit spécialistes des problèmes déontologiques, présentés sur une double liste par le Conseil interuniversitaire de la Communauté française ou du « Vlaamse Interuniversitaire Raad » et desquels au maximum la moitié peuvent être des professionnels de santé;

9º de deux membres ayant une expertise et une expérience par rapport aux droits des patients, en tant que médiateurs visés aux articles 11 ou 16, § 3, de la loi du 22 août 2002 relative aux droits des patients.

Les présidents des deux sections du Conseil national des Ordres, tels que visés au Titre III, assistent aux réunions du Conseil supérieur avec voix délibérative.

§ 2. Chaque membre effectif a un suppléant qui appartient à la même catégorie visée au § 1er, alinéa 1er et qui ne siège que pour autant que le membre effectif soit absent.

Le suppléant du Président est bilingue et est nommé selon les mêmes modalités que le Président. Le suppléant du Président assiste aux réunions avec voix consultative et il n'est autorisé à voter que lorsqu'il assure effectivement la présidence, en l'absence du Président.

Le Conseil supérieur compte un nombre identique de membres néerlandophones et francophones.

§ 3. Les membres visés au § 1er, alinéa 1er, 2º à 8º, ne peuvent ni occuper une fonction ni être membres d'un organe d'une association professionnelle.

Les membres visés à au § 1er ne peuvent ni avoir un lien professionnel quelconque avec une mutualité ou union nationale de mutualités, ni être membres d'un organe de gestion ou de la direction d'un établissement de soins.

§ 4. Le Président, le Vice-Président et les membres effectifs et suppléants, visés au § 1er, alinéa 1er, 8º et 9º, sont nommés par le Roi pour une durée de six ans.

Les membres visés au § 1er, alinéa 1er, 2º à 7º sont élus par les praticiens de leur catégorie telle que visée au même paragraphe.

Le Roi fixe les modalités d'application du présent paragraphe, y compris la procédure de l'élection.

§ 5. Un membre effectif ou suppléant ne peut siéger au sein du Conseil supérieur que maximum deux périodes successives de six ans.

§ 6. Le Conseil supérieur ne peut délibérer valablement que lorsque au moins la moitié d'une part des membres visés au § 1er, alinéa 1er, 2º à 7º, et, d'autre part, des membres visés au § 2, 8º et 9º sont présents.

Le bureau, présidé respectivement par le Président et le Vice-Président du Conseil supérieur et constitué conformément aux règles à fixer par le Roi, organise les travaux du Conseil supérieur.

Les autres règles de fonctionnement du Conseil supérieur, ainsi que les délais dans lesquels les avis demandés doivent être rendus, sont fixés par le Roi.

Le Conseil supérieur est assisté par un greffier, docteur ou licencié en droit bilingue, nommé par le Roi. Son mandat de six ans est renouvelable. Le Roi peut également nommer un greffier adjoint bilingue. Le Roi fixe le statut du greffier et de son adjoint, après avis du Conseil supérieur et fixe les conditions de nomination et les règles relatives à leur rémunération.

Art. 4

Le Conseil supérieur établit son règlement d'ordre intérieur qui est ensuite soumis à l'approbation du Roi.

Art. 5

§ 1er. Le Conseil supérieur a les missions suivantes:

1º établir les principes de base de déontologie qui sont communs à l'ensemble des professionnels de la santé ou à plusieurs catégories de ceux-ci;

2º approuver les règles de déontologie telles que proposées par le Conseil national des Ordres, qui ont trait:

a) aux règles qui s'appliquent spécifiquement à la catégorie de professionnels concernée;

b) aux règles relatives aux relations entre les praticiens d'une même catégorie.

3º donner des avis sur les principes de base visés au 1º, à la demande d'un organe d'un Ordre, tel que visé dans la présente loi, d'un membre du gouvernement fédéral ou des gouvernements des Communautés ou Régions, compétent pour la politique de santé, ou aux Présidents de la Chambre des Représentants, du Sénat ou des Parlements des Communautés ou Régions.

§ 2. Le Conseil ne peut que refuser la validation visée au § 1er, 2º, des propositions des Conseils nationaux des Ordres pour autant que celles-ci soient contradictoires aux principes de base visés au § 1er, 1º.

§ 3. Les principes de base visés au § 1er, 1º, n'ont de force contraignante qu'après avoir été validés par le Roi.

Les principes de base sont validés de plein droit si le Roi ne les a pas refusés en tout ou en partie dans un délai de douze mois suivant leur notification au ministre qui a la Santé publique dans ses attributions.

§ 4. Les principes de base visés au § 1er, 1º, ainsi que les règles visées au § 1er, 2º, constituent, ensemble, le code de déontologie de la catégorie professionnelle concernée.

Le code visé à l'alinéa 1er aborde au moins les thèmes suivants:

— les droits et obligations déontologiques généraux des praticiens d'une profession des soins de santé;

— les droits et obligations généraux à l'égard du patient;

— la relation entre le praticien et la collectivité;

— la relation entre les praticiens;

— l'exercice des professions;

Art. 6

Les décisions du Conseil supérieur sont prises à la majorité ordinaire et pour autant qu'au moins la moitié des membres soient présents.

Titre III

Ordres des professions des soins de santé

Chapitre Ier

Dispositions générales

Art. 7

Il peut être créé pour chacune des catégories de professions des soins de santé, visées à l'article 3, § 1er, alinéa 1er, 2º à 7º, un Ordre, ci-après dénommé « les Ordres ».

Les Ordres jouissent d'une personnalité juridique de droit public.

Les organes des Ordres sont:

1º le Conseil national, constitué de deux sections;

2º un Conseil interprovincial;

3º dix Conseils provinciaux ou ter, dont cinq en Région flamande et cinq en Région wallonne.

Pour des sous-catégories spécifiques des praticiens professionnels, un conseil peut être créé, qui est assimilé à un Conseil provincial ou territorial tel que visé au 3º de l'alinéa précédent.

Tant en justice que pour s'obliger, les Ordres sont représentés par les Présidents de leur Conseil national, ou à défaut de celui ci, par leurs suppléants, qui agissent ensemble.

Art. 8

Les Ordres comprennent tous les titulaires du diplôme légal ou du diplôme étranger assimilé et légalement reconnu de la catégorie visée, qui sont domiciliés en Belgique et qui sont inscrits au tableau de la province ou de la description territoriale où ils ont leur activité professionnelle principale ou au tableau de leur sous-catégorie spécifique, telle que visée à l'article 7, alinéa 4.

Les praticiens qui ont leur activité professionnelle principale dans l'arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale sont inscrits au tableau de la Province du Brabant flamand ou du Brabant wallon.

Art. 9

Les Ordres ne peuvent posséder, en propriété, que des immeubles nécessaires à leur fonctionnement.

Des dispositions entre vivants ou testamentaires au profit des Ordres doivent être autorisées par le Roi.

Afin de permettre aux Ordres de remplir leur mission, une cotisation annuelle peut être demandée aux personnes inscrites au tableau de l'Ordre. Le montant de cette cotisation est fixé par le Conseil national et est dès lors dû par ces personnes.

Chapitre II

Les Conseils provinciaux, territoriaux ou assimilés des Ordres

Art. 10

Les Conseils provinciaux ou territoriaux, siègent dans le chef-lieu de leur province ou dans leur description territoriale.

Par dérogation au premier alinéa, les Conseils provinciaux du Brabant flamand et du Brabant wallon et les Conseils assimilés peuvent siéger dans l'arrondissement administratif de Bruxelles-capitale.

Art. 11

Le Roi règle la création et le fonctionnement des Conseils provinciaux dénommés ci-après, « les Conseils ».

Art. 12

Les Conseils ont pour mission:

1º de dresser le tableau de leur Ordre. Si le demandeur est un ressortissant d'un autre État membre de l'Union européenne ou d'un pays tiers non-membre, le Conseil recueille, auprès de l'autorité concernée du pays d'origine ou de provenance, les mêmes renseignements que ceux qui sont demandés si le demandeur est belge.

Si la commission médicale compétente à cette fin ou la commission médicale de recours visée à l'article 37, § 4 de l'arrêté royal nº 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice des professions des soins de santé a décidé et a fait savoir à l'Ordre qu'un praticien ne remplit plus les conditions requises pour exercer la profession, ou qu'il y a lieu, pour des raisons de déficience physique ou mentale, de lui imposer une limitation de l'exercice de la profession, le Conseil concerné, dans le premier cas, supprime le nom du praticien du tableau et, dans le second cas, subordonne le maintien de son nom au respect de la limitation imposée.

Le nom du praticien peut également être omis du tableau à sa demande.

La décision par laquelle une inscription au tableau est refusée ou différée, ou par laquelle le nom du praticien est maintenu au tableau sous conditions restrictives, doit être motivée formellement.

La décision de refus d'une inscription ne peut être prise qu'en cas de fait grave qui peut donner lieu à la suspension ou d'une faute grave qui porte atteinte à la confiance de la population.

La décision de refus ou de report ne peut être prise que si le praticien concerné a été invité par lettre recommandée, au moins 30 jours au préalable, à se présenter pour être entendu à la réunion du Conseil au cours de laquelle son cas sera examiné.

L'inscription au tableau ne peut être différée que pendant un an maximum;

2º de veiller au respect de la déontologie de la catégorie concernée des professions des soins de santé, y compris les règles du code tel que visé au Titre Ier.

À cette fin, le Conseil est chargé:

a) de demander, dans un souci de prévention, de sa propre initiative ou à la demande d'un membre, un avis ou au Conseil national et de le transmettre aux praticiens concernés. Le Conseil national transmet la demande d'avis au Conseil supérieur si celle-ci concerne les principes de base telles que visés à l'article 5, § 1er;;

b) d'offrir, sur demande de tout intéressé, une médiation entre praticiens de la même catégorie, et entre praticiens, d'une part, et des tiers, parmi lesquels des patients, institutions ou associations, d'autre part, en vue de résoudre des conflits en matière de déontologie;

c) de prendre connaissance des affaires, d'office suite à une plainte par un intéressé ou après communication par le Procureur du Roi d'une décision judiciaire ayant acquis force de chose jugée ou après mention par une autre instance compétente et de les transmettre, dans un délai fixé par le Roi, avec un rapport au Conseil interprovincial. Le Conseil conseille au Conseil interprovincial de classer l'affaire sans suite ou d'infliger une sanction telle que visée dans la présente loi;

d) de signaler aux autorités compétentes les actes d'exercice illégal de la profession des soins de santé dont il a connaissance;

e) de déterminer si les conventions que les praticiens concluent entre eux ou avec des tiers dans le cadre de l'exercice de leur profession, sont compatibles avec les règles de déontologie. Le Roi peut fixer des modalités de cette compétence;

a) de donner suite à toute demande d'avis des cours et tribunaux relative à des contestations d'honoraires;

b) d'arbitrer en dernier ressort, à la demande conjointe des intéressés, toutes les contestations relatives aux honoraires réclamés par le praticien à son client, sauf clauses attributives des compétences incluses dans des conventions ou engagements souscrits en matière d'assurance soins de santé et indemnités.

Art. 13

Chaque Conseil est composé des catégories de membres suivantes:

a) une majorité de praticiens de la catégorie concernée, telle que visée à l'article 2 § 1er, 2º à 7º, élus directement;

b) au moins deux juristes ayant respectivement une expertise particulière en droit de la santé et en droit contractuel;

Le Président est élu par les membres du Conseil, selon les règles fixées par le Roi.

Le Roi nomme les membres, visés à l'alinéa 1er, b), ainsi que leur suppléant pour une durée de six ans.

Les dispositions de l'article 3, §§ 3, 4 et 5, sont applicables, par analogie, au Conseil.

Les membres du Conseil ne peuvent être membres ni du Conseil supérieur, ni du Conseil d'appel, ni du Conseil national de l'Ordre concerné.

Art. 14

§ 1er. Le Conseil peut, pour chaque affaire pour laquelle il l'estime nécessaire, désigner un Collège d'investigation, chargé de l'investigation d'affaires dont est saisi le Conseil.

Ce Collège d'investigation est constitué de deux membres du Conseil, parmi lesquels au moins un visé à l'article 13, alinéa 1er, a), et qui ne participent pas au vote, à propos de la même affaire, lors de la prise de décision.

§ 2. Les Conseils désignent un membre, chargé d'offrir sa médiation dans des affaires dont est saisi le Conseil provincial.

§ 3. Les membres du collège d'investigation et le médiateur ne peuvent avoir leur activité principale dans la proximité de celle du praticien concerné.

§ 4. Tous les membres du collège visé au § 1er et le médiateur visé au § 2, ont un suppléant qui appartient à la même catégorie.

Par affaire pendante, la qualité de membre du Collège d'investigation et la fonction de médiateur ne peuvent être cumulées.

§ 5. Conformément aux règles à fixer par le Roi, il est constitué un bureau qui règle les travaux du Conseil.

Art. 15

Le Conseil qui correspond au tableau auquel le praticien est inscrit, est compétent.

Le Président inscrit l'affaire à l'agenda du Conseil, qui désigne un médiateur, à moins que le Conseil juge que l'affaire doit immédiatement être envoyée à un Collège d'investigation ou doit être jugée comme visé à l'article 12, 2º, c).

Le médiateur invite le(s) plaignant(s) et le(s) praticien(s) concerné(s) et fixe ensuite le résultat de la médiation par procès verbal.

Au cas où la médiation a échoué, le Conseil décide soit conformément à l'article 12, 2º, c), soit de porter l'affaire devant un Collège d'investigation.

Le Collège d'investigation peut entendre le plaignant et le(s) prestataire(s) concerné(s) et en fait ensuite rapport au Conseil qui prend la décision visée à l'article 12, 2º, c).

La décision finale du Conseil provincial est transmise au(x) prestataire(s) concerné(s), sous réserve de l'application de l'article 23.

Chapitre III

Les Conseils interprovinciaux des Ordres

Art. 16

Il est établi, pour chaque section du Conseil national, un Conseil interprovincial, qui a autorité et juridiction sur les praticiens qui sont inscrits à un tableau d'un Ordre, ainsi que sur un ressortissant d'un État membre de l'Union européenne ou d'un pays tiers non-membre, titulaire d'un diplôme assimilé, qui est établi en tant que médecin dans un autre pays et qui effectue dans le ressort de ce Conseil interprovincial une prestation de services.

Art. 17

Le Conseil interprovincial a pour mission de prendre connaissance, en premier ressort, des affaires disciplinaires qui lui sont déférées par le Conseil visé à l'article 1l.

Si celui-ci l'estime nécessaire, le Conseil interprovincial peut renvoyer l'affaire au Conseil visé à l'article 11, afin de faire poser de nouveaux actes d'instruction.

Art. 18

§ 1er. Les Conseils interprovinciaux, dont l'un utilise la langue néerlandaise et l'autre la langue française, sont chacun constitués:

1º de professionnels de la ou des profession(s) concernée(s) directement élus, dont au moins un par province;

2º d'un magistrat, qui préside le Conseil interprovincial.

Par litige, les membres visés au premier alinéa, 1º qui sont inscrits au tableau de la même province que l'intéressé ne siègent pas.

Le bureau, qui est présidé respectivement par le Président et le Vice-Président du Conseil interprovincial et qui est constitué conformément aux règles à fixer par le Roi, organise les travaux du Conseil interprovincial.

§ 2. Les membres du Conseil interprovincial ne peuvent être membres ni du Conseil national, ni du Conseil supérieur, ni du Conseil d'appel.

§ 3. Les dispositions de l'article 3, §§ 3, 4 et 5 sont applicables, par analogie, au Conseil interprovincial.

Pour le Président et chaque membre effectif, un suppléant qui appartient à la même catégorie, est désigné.

§ 4. Les Conseils interprovinciaux ont leur siège dans l'arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale.

Chapitre IV

Le Conseil national des Ordres

Art. 19

Le Conseil national a pour mission:

1º de fixer et de soumettre à la validation du Conseil supérieur, les règles de déontologie visées à l'article 4, § 1er, 2º.

2º de tenir à jour un répertoire des décisions disciplinaires définitives qui ont été prises par les Conseils visés à l'article 11, les Conseil interprovinciaux et le Conseil d'appel;

3º de proposer aux Conseils visés à l'article 11, un modèle de règlement d'ordre intérieur et après acceptation par ces derniers, d'approuver ces règlements et de présenter la ratification aux ministres ayant la Santé publique dans leurs attributions.

4º de délivrer une attestation aux praticiens qui stipule que les conditions relatives au respect des principes généraux et des règles de déontologie professionnelle pour l'accès à la profession sont remplies, lorsque ce praticien souhaite exercer sa profession dans un autre État membre de l'Union européenne ou dans un pays tiers, non-membre;

5º de communiquer aux autorités concernées les conclusions qu'il tire de l'appréciation de faits graves et précis, susceptibles d'avoir des conséquences sur l'accès à la profession ou sur son exercice et communiqués par un autre État membre de l'Union européenne ou un pays tiers, non-membre, où un praticien belge ou un praticien originaire de Belgique va s'établir;

6º d'émettre des avis sur l'application et la portée des règles visées au 1º à chaque personne ayant un intérêt qui le sollicite;

7º de publier dans les six mois après chaque année civile un rapport annuel qui décrit les travaux du Conseil visés à l'article 11, les Conseils interprovinciaux et du Conseil national ainsi que toutes les mesures à prendre en vue d'une transparence financière de tous les organes de l'Ordre;

8º de fixer le montant de la cotisation annuelle à charge des praticiens inscrits, afin de couvrir les frais des activités de l'Ordre.

9º de prendre toutes les mesures d'exécution afin d'accomplir les objectifs de l'Ordre.

Le rapport annuel visé au 7º fait mention des comptes annuels et mentionne entre autres par Conseil provincial de façon globale et anonyme quelle suite est donnée aux plaintes, aussi bien par les Conseils interprovinciaux que par le Conseil d'appel.

Le rapport annuel visé à l'alinéa précédent mentionne également, de façon globale, dans quels cas il a été dérogé à l'audience publique.

Art. 20

§ 1er. Le Conseil national est constitué d'une section néerlandophone et d'une section francophone.

Les deux sections se réunissent ensemble pour l'exercice des compétences visées aux articles 7, alinéa 5, et 19, alinéa 1er, 1º, 6º, et 9º, et peuvent se réunir ensemble pour l'exercice des autres compétences.

Les réunions plénières relatives à l'exercice des compétences telles que visées à l'alinéa précédent, sont présidées alternativement par le Président de chacune des deux sections.

§ 2. Chaque section compte au moins:

a) des praticiens de la catégorie concernée, élus directement, à concurrence de la moitié des membres visés de a) à d) compris;

b) un ou plusieurs membres de la catégorie professionnelle qui sont présentés sur une double liste par les organes de gestion des universités ou des écoles supérieures;

c) un membre ayant une expertise dans les problèmes éthiques, présenté sur une double liste par les universités;

d) un membre ayant une expérience en législation sur les droits des patients, telle que visée à l'article 2, § 1er, 9º;

e) un magistrat qui siège dans une cour d'appel, dans une Cour du Travail, au Conseil d'État ou à la Cour de cassation.

Le Roi nomme les membres effectifs, visés à l'alinéa 2, b), c), d), et e), et leurs suppléants pour un délai de six ans.

Les dispositions des articles 3, §§ 3, 4 et 5 sont, par analogie, applicables au Conseil interprovincial.

Le bureau, qui est présidé respectivement par le Président et le Vice-Président du Conseil national, et qui est constitué conformément aux règles à fixer par le Roi, organise les travaux du Conseil national.

Titre IV

Le Conseil de première instance et le Conseil d'appel

Chapitre Ier

Le Conseil de première instance

Art. 21

Auprès du Conseil supérieur, il est créé un Conseil de première instance qui se compose d'une Chambre francophone et d'une Chambre néerlandophone et qui est compétent pour imposer les mesures disciplinaires, visées à l'article 27, § 1er, et pour lesquelles aucun ordre n'est créé en application de la présente loi.

Le Conseil de première instance est composée de la même façon que les Conseils interprovinciaux, comme prévu à l'article 16, étant entendu que siègent uniquement les praticiens de la catégorie concernée, telle que visée à l'article 3 § 1er, 2º à 7º.

Les dispositions de l'article 3, §§ 3, 4 et 5 s'appliquent, par analogie, au Conseil de première instance.

Le Conseil de première instance est exclusivement compétent pour imposer des mesures disciplinaires pour autant que le praticien concerné enfreigne les principes fondamentaux de déontologie, visés à l'article 5, § 1, 1º.

Le Roi détermine la liste des articles de la présente loi qui s'appliquent au Conseil de première instance.

Chapitre II

Le Conseil d'appel

Art. 22

§ 1er. Le prestataire concerné peut interjeter appel contre les décisions définitives du Conseil visé à l'article 11 et du Conseil interprovincial dans un délai à fixer par le Roi.

Le magistrat du Conseil interprovincial, ainsi que le Président de la section visée du Conseil national de l'Ordre concerné, ou le Président du Conseil de première instance, et le Président du Conseil supérieur, peuvent chacun également interjeter appel contre les décisions finales du Conseil visé à l'article 11 et du Conseil interprovincial.

Dans le cas où une décision définitive est la conséquence d'une plainte, le plaignant peut communiquer ses remarques aux Présidents visés à l'alinéa précédent.

L'appel des décisions préparatoires ou d'instruction ne peut être formé que conjointement avec le recours contre la décision définitive.

L'appel est suspensif.

§ 2. Le Conseil d'appel tel que visé au § 3, prend connaissance de l'affaire.

Les décisions du Conseil d'appel sont communiquées aux prestataires concernés, sous réserve des dispositions de l'article 23.

§ 3. Auprès du Conseil supérieur, il est créé le Conseil d'appel, qui est constitué d'une Chambre francophone et d'une Chambre néerlandophone et qui a pour mission:

1º de prendre connaissance des décisions des Conseils visés à l'article 11 et des Conseils interprovinciaux et de se prononcer en appel contre celles-ci.

La Chambre néerlandophone prend connaissance de l'appel des Conseils provinciaux des provinces néerlandophones.

La Chambre francophone prend connaissance de l'appel des Conseils provinciaux des provinces francophones.

2º de prendre connaissance des litiges relatifs aux opérations électorales et de se prononcer, en premier et dernier ressort, sur ceux-ci.

§ 4. Les chambres du Conseil d'appel sont chacune constituées de:

a) cinq praticiens de chaque catégorie élus directement, à concurrence d'au moins un tiers du nombre total de membres;

b) deux juristes ayant respectivement une expérience et une expertise en droit de la santé et en droit contractuel;

c) trois magistrats, conseillers auprès d'une cour d'appel ou d'une Cour du travail.

Des membres visés en a), de l'alinéa 1er, seuls les représentants de la catégorie concernée siègent, à l'exception du représentant de la province ou l'entité territoriale dans laquelle l'intéressé est inscrit sur la liste ainsi que son suppléant.

Le Roi nomme les membres effectifs, à l'exception de ceux visés à l'alinéa 1er, b), et leurs suppléants pour une période de six ans.

Les dispositions de l'article 3, §§ 3, 4 et 5 s'appliquent, par analogie, au Conseil d'appel.

§ 5. Le Conseil d'appel est assisté par un greffier, docteur ou licencié en droit bilingue, nommé par le Roi. Son mandat de six ans est renouvelable. Le Roi peut également nommer un greffier adjoint bilingue. Le Roi fixe le statut du greffier et de son adjoint, après avis du Conseil supérieur et fixe les conditions de nomination et les règles relatives à leur rémunération.

§ 6. Le bureau, qui est présidé respectivement par le Président et le Vice-Président du Conseil d'appel et qui est constitué conformément aux règles à fixer par le Roi, organise les travaux du Conseil d'appel.

Titre V

Dispositions communes pour les Conseils visés à l'article 11 et les Conseils interprovinciaux des Ordres et pour le Conseil de première instance et le Conseil d'appel

Art. 23

§ 1er. Le praticien concerné peut se faire assister par une personne de son choix.

Les séances des Conseils visés à l'article 11, des Conseils interprovinciaux et du Conseil d'appel sont publiques, à moins que le praticien concerné s'y oppose explicitement ou lorsque les organes renoncent à la publicité dans l'intérêt de l'ordre public, de la moralité, des intérêts de mineurs ou lorsque la vie privée de l'intéressé ou de tiers l'exige, ou lorsque la publicité porterait atteinte aux intérêts de la justice.

Suite à une plainte, les décisions des Conseils interprovinciaux et du Conseil d'appel sont communiquées à la partie plaignante.

Ni les décisions visées à l'alinéa précédent, ni les rapports des déclarations du praticien concerné devant le Collège d'investigation, les Conseils visés à l'article 11, les Conseils interprovinciaux et le Conseil d'appel ne peuvent être utilisés dans un litige devant les cours et les tribunaux, visés dans le Code civil ou le Code d'instruction criminelle.

§ 2. Les décisions finales des Conseils visés à l'article 11 et des Conseils interprovinciaux sont communiquées au présidents de la section visée du Conseil supérieur de l'Ordre concerné et au président du Conseil supérieur, conformément aux modalités fixées par le Roi et dans le délai fixé par lui.

Les décisons finales du Conseil de première instance sont communiquées au président du Conseil supérieur conformément aux modalités fixées par le Roi et dans le délai fixé par Lui.

Art. 24

En cas de défaut devant les Conseils visés à l'article 11, les Conseils interprovinciaux et le Conseil d'appel, le prestataire concerné peut interjeter opposition.

Au cas où le demandeur fait à nouveau défaut, il ne peut s'opposer une seconde fois.

Art. 25

Les membres des Conseils visés à l'article 11, des Conseils interprovinciaux, des Conseils de première instance, des Conseils d'appel sont tenus au secret professionnel pour toutes les affaires dont ils ont eu connaissance dans ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions.

Il en est de même pour toutes les personnes qui, à un titre quelconque, participent au fonctionnement de ces organes ou d'un Ordre.

La violation de ce secret est punie conformément à l'article 458 du Code pénal.

Art. 26

§ 1er. Le Roi peut déterminer les modalités des procédures pour les Conseils visés à l'article 11, les Conseils interprovinciaux et le Conseil d'appel.

Les règles à fixer en application de l'alinéa 1er concernent notamment les délais, la nature contestable de la procédure, la commission rogatoire, l'exercice du droit de récusation avec les moyens juridiques contre les décisions rendues en la matière, le secret des délibérations, la motivation et la notification des décisions.

Il peut fixer des conditions d'éligibilité des membres effectifs et des membres suppléants des organes concernés, le nombre maximum de mandats successifs, ainsi que les cas dans lesquels ils perdent leur mandat.

Il fixe la procédure d'élection des membres effectifs et des membres suppléants des divers organes ainsi que les règles relatives à la fin de leur mandat.

Il fixe les règles relatives à l'exécution et à la notification aux instances compétentes de peines disciplinaires devenues définitives.

Il fixe les règles relatives à la composition et au fonctionnement du secrétariat de divers organes.

§ 2. Au cas où le Président ou un membre d'un conseil visé au présent chapitre n'est ni présent, ni représenté par son suppléant à un nombre de réunions tel que fixé par le Roi, son mandat visé par la présente loi prend fin de plein droit.

Le Roi peut fixer des modalités d'application de la disposition visée à l'alinéa 1er.

Art. 27

§ 1er. Les décisions rendues en dernier ressort, peuvent être déférées à la Cour de cassation par le praticien professionnel concerné, par le ministre ayant la Santé publique dans ses attributions ou par le Président du Conseil d'appel ou de la Cour de cassation, pour contravention à la loi ou violation des formes soit substantielles soit prescrites à peine de nullité.

Le pourvoi contre les décisions préparatoires ou d'instruction ne peut être formé que conjointement avec le pourvoi contre la décision définitive.

Le pourvoi est suspensif.

Après la cassation, la cause est renvoyée respectivement devant le même Conseil, autrement composé. Ces conseils doivent se conformer à l'arrêt de la Cour de cassation en question.

§ 2. La procédure pour se pourvoir en cassation est, tant en ce qui concerne la forme qu'en ce qui concerne les délais, régie par les règles suivies en matière civile sauf les dérogations suivantes:

1º Le délai pour introduire le pourvoi est d'un mois à partir de la notification de la décision;

2º Le pourvoi en cassation est formé par lettre recommandée, suivant le cas, au Président du Conseil concerné. Il est dénoncé de la même manière et dans un délai de quinze jours par celui qui se pourvoit, selon le cas, au ministre qui a la Santé publique dans ses attributions, au Président du Conseil national et au praticien concerné;

3º Les arrêts rendus par la Cour de cassation sont notifiés sous pli judiciaire par le greffier de la Cour et, selon le cas, au Président du Conseil concerné.

Titre VI

Sanctions

Art. 27

§ 1er. Les Conseils interprovinciaux, en premier ressort, et les Conseils d'appel, en deuxième ressort, peuvent imposer les sanctions suivantes à l'égard des médecins:

1º l'avertissement;

2º la réprimande;

3º la suspension du droit d'exercer la médecine pendant maximum deux ans;

4º la radiation du tableau de l'Ordre avec la déchéance définitive d'exercer leur activité professionnelle.

Le Roi détermine les conditions selon lesquelles les sanctions visées à l'alinéa 1er, 3º et 4º, peuvent être imposées avec sursis, ainsi que les conditions selon lesquelles les organes visés à l'alinéa 1er peuvent suspendre la prononciation et détermine également les conséquences de ce sursis ou de cette suspension.

§ 2. Les Conseils compétents peuvent prévoir d'imposer des peines alternatives.

§ 3. Lorsque dans l'exercice de sa profession, le praticien a commis des faits ou des fautes qui sont de nature à ce que la poursuite de l'exercice de sa profession constitue un risque et que ces faits justifient au moins une suspension, le Conseil visé à l'article 11 peut prendre des mesures provisoires, à savoir prononcer une suspension immédiate, provisoire et exécutoire par provision et ce, conformément aux règles fixées par le Roi.

Art. 28

§ 1er Les sanctions disciplinaires inférieures à la suspension du droit d'exercer la profession sont effacées trois ans après l'exécution de la dernière sanction, à condition qu'aucune nouvelle sanction n'ait été infligée à l'intéressé entre-temps.

§ 2. Le praticien frappé d'une ou plusieurs sanctions disciplinaires qui ne peuvent être radiées en application du § 1er, peut adresser au Conseil d'appel une demande de réhabilitation.

Cette demande est recevable à condition que:

1º un délai de trois ans se soit écoulé depuis l'exécution de la dernière sanction. Si la sanction a été prise pour un fait ayant donné lieu à une condamnation pénale, la réhabilitation ne peut être accordée que si la condamnation pénale a également fait l'objet d'une réhabilitation;

2º l'intéressé n'ait pas déjà bénéficié précédemment d'une réhabilitation. Lorsqu'une demande de réhabilitation est introduite après le rejet d'une demande antérieure, la nouvelle demande n'est recevable qu'après l'expiration d'un délai de deux ans à compter du rejet.

§ 3. L'application des §§ 1er et 2 éteint pour l'avenir toutes les conséquences de la sanction.

§ 4. Le Roi détermine à quelles instances les décisions finales des conseils visés dans la présente loi, doivent être communiquées en vue de leur exécution.

Art. 29

La radiation peut être levée après une période de trois ans et la réinscription au tableau de l'Ordre peut être autorisée après que le Conseil d'appel a pris une décision favorable en ce sens, après avoir entendu le praticien concerné.

Art. 30

Les peines visées à l'article 38, § 1er, 1º, de l'arrêté royal nº 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice des professions des soins de santé sont applicables au prestataire qui exerce encore la profession pendant la durée de la suspension ou de la déchéance.

L'article 38, § 1er, 1º, du même arrêté est applicable aux personnes qui accomplissent habituellement des actes qui relèvent de l'exercice d'une profession des soins de santé pour laquelle un Ordre est créé en exécution de la présente loi et sans être inscrit sur une liste de cet Ordre.

Titre VII

Dispositions finales

Art. 31

Le Roi fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi, pour chacune des catégories de praticiens professionnels telles que visées à l'article 2, § 1er, 2º à 7º.


ANNEXE 2

Auditions

i. Auditions du 10 mars 2004

— M. Denis Holsters, président émérite de la Cour de cassation;

— M. Etienne De Groot, juge à la Cour d'arbitrage;

— M. Herman Nys, professeur ordinaire, biomedische ethiek en recht, UZ. Leuven;

— M. Yvon Galloy, président du Conseil provincial de Liège de l'Ordre des médecins;

— M. M. De Meyere, Universiteit Gent;

— M. I. Uyttendale, vice-président du Conseil national de l'Ordre des médecins;

— M. P. Cosyns, président du Conseil provincial d'Anvers de l'Ordre des médecins;

— M. P. Franssens, médecin généraliste;

— M. G. Popelier, docteur en médecine.

M. Etienne De Groot, juge à la Cour d'arbitrage. — Je tiens avant tout à souligner que je n'interviens pas ici en ma qualité de juge à la Cour d'arbitrage, mais en tant qu'universitaire et chercheur scientifique qui s'est intéressé pendant de nombreuses années à la problématique de l'Ordre des médecins. Ce sujet a attiré mon attention à l'issue de la grève des médecins de 1979-1981, qui avait déclenché de nombreuses réactions au sein des pouvoirs publics. À l'époque, différentes propositions de loi avaient même été déposées au Parlement en vue de supprimer l'ordre. Je me suis alors mis à observer les qualités et les lacunes de l'organisation et du fonctionnement de l'Ordre des médecins. Cette démarche m'a incité à analyser l'ordre tel qu'il existait à l'époque et à comparer sa structure et son fonctionnement avec les systèmes d'autres ordres de droit public institués par la loi dans notre pays. Je me suis également rendu chez nos voisins pour étudier leur façon d'appliquer le droit disciplinaire médical. Cette étude m'a permis de tirer des conclusions que j'ai publiées à diverses reprises. Ces dernières sont marquées par une certaine progression, parce que j'ai également tenté de suivre les évolutions de notre société.

Dans la société actuelle, qui revendique également une justice plus ouverte et plus transparente, les instances qui se dissimulaient autrefois derrière un voile opaque et appliquaient un droit disciplinaire qu'elles assimilaient à une sorte de droit familial, évoluent dans le même sens. Lorsque j'ai comparé les différents ordres du pays, j'ai également été frappé par les différences notables qu'ils présentaient. Ainsi, le droit disciplinaire de l'Ordre des médecins diverge sensiblement de celui des agents de l'État ou des agents communaux. Je pense par exemple à l'effacement automatique des peines ou aux possibilités de réhabilitation. Certaines différences ne se justifient pas et il conviendrait de les éliminer.

Pour mon étude de l'Ordre des médecins, j'ai opté pour une approche globale. L'objectif est de voir comment aboutir à un système global capable de gérer une sorte de droit disciplinaire commun, tout comme nous disposons d'un droit judiciaire ou d'un droit commun pour toutes les procédures. Par exemple, je ne vois pas pourquoi un avocat bénéficierait pour introduire un recours à l'encontre du conseil de discipline du barreau d'un délai différent de celui dont disposent un médecin ou un pharmacien. Chacun a entre-temps acquis la conviction que les droits de la défense sont inaliénables, pas seulement dans notre pays mais aussi dans tous les pays qui connaissent une civilisation humaine. Il est essentiel de réduire au minimum les possibilités de malentendus. C'est pourquoi il convient d'élaborer un droit disciplinaire commun ou à tout le moins une procédure disciplinaire commune, une thèse qu'a également défendue, en septembre 2000, M. Dujardin, procureur général près la Cour de cassation.

Ce projet de globalisation répond également à de nombreuses critiques émises à l'encontre de l'Ordre des médecins, et qui correspondent en fait à une remise en cause de l'ensemble du droit disciplinaire. Aujourd'hui, rares sont ceux qui acceptent encore sans broncher toutes les décisions des différentes autorités; en effet, on assiste de temps en temps à des levées de boucliers contre certaines idées parfois sclérosées, ce qui explique la nécessité de garantir la sécurité juridique. Il faut repenser fondamentalement le droit disciplinaire, comme il ressort de deux arrêts rendus par la cour de Strasbourg, en l'occurrence dans l'affaire Le Compte, De Meyere et Van Leuven et dans l'affaire Le Compte et Albert. Il a été affirmé que même si, en principe, l'article 6, § 1er, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ne s'applique pas aux affaires disciplinaires, il peut en être autrement lorsque les conséquences éventuelles peuvent être assimilées à une instance relative à la détermination de droits et d'obligations civils. À l'époque, la Belgique avait été condamnée parce que le conseil d'appel de l'Ordre des médecins ne satisfaisait pas aux conditions de publicité de principe.

Cette condamnation a déclenché un véritable raz-de-marée. À partir de cette date, on s'est heureusement mis à examiner progressivement le droit disciplinaire sous un autre angle. Autrefois, on évoquait une sorte de droit familial et l'opinion qui prévalait était que toutes les conditions et garanties que le droit pénal offrait à ceux qui étaient poursuivis au pénal ne s'appliquaient pas nécessairement à ceux qui faisaient l'objet de poursuites disciplinaires. Cependant, une suspension plus ou moins longue ou une radiation du tableau de l'Ordre peut avoir des conséquences plus graves que par exemple une condamnation par le juge de police, une condamnation correctionnelle ou une condamnation à des dommages-intérêts par un tribunal civil.

En tout cas, bien des choses ont changé à la suite de cette jurisprudence fondamentale de la Cour de Strasbourg, à laquelle la Cour de cassation s'est finalement ralliée après le prononcé du deuxième arrêt, et de l'application de très nombreux éléments issus de la jurisprudence strasbourgeoise, concernant l'article 6, § 1er, qui ont été pris en compte par le droit disciplinaire après l'avoir été par le droit pénal.

Je tiens à souligner quelques différences entre le droit pénal et le droit disciplinaire. Des réclamations sont souvent introduites à ce sujet, et elles sont, à mon avis, en grande partie fondées. Il convient d'aboutir ici à une solution, même si, dans le meilleur des cas, les règles du droit pénal ne pourront qu'être effleurées du bout des doigts parce que le droit disciplinaire et le droit pénal sont de deux natures différentes. Dans les deux cas, il s'agit néanmoins de sanctionner des violations de normes, soit devant les juridictions pénales lorsque ces normes sont imposées dans l'intérêt général, soit devant les juridictions disciplinaires lorsque ces normes sont imposées dans l'intérêt de la profession. Il est généralement admis que le droit disciplinaire sert moins l'intérêt général que les intérêts de la profession. L'intervenant est d'avis qu'il faut aussi concevoir l'intérêt de la profession de manière à ce qu'il s'inscrive dans l'intérêt général.

Le point essentiel est que le législateur estime nécessaire de protéger le titre pour une profession impliquant une relation de confiance, mais aussi d'accorder un monopole d'exercice de cette profession et de prescrire un code de déontologie. De cette manière, on pourra garantir une médecine de qualité.

On déplore souvent l'arbitraire dans les affaires disciplinaires, ce qui est compréhensible compte tenu du fait que les normes disciplinaires sont généralement définies de manière vague et peuvent être appliquées par analogie. En droit pénal par contre, les délits sont décrits avec une grande précision et la loi doit être interprétée de manière restrictive.

Une règle disciplinaire ne peut pas uniquement être appliquée par analogie. Tous les collèges disciplinaires, pas seulement celui de l'Ordre des médecins, ont en outre une fonction créatrice de droit. Il s'agit là, de toute évidence, d'un facteur d'insécurité juridique. Un des fondements du droit pénal, le principe de légalité, n'est pas vraiment d'application en droit disciplinaire, ce qui est une source de critiques. Dans nombre de matières, les collèges disciplinaires disposent d'un pouvoir quasi discrétionnaire qui est perçu comme une forme d'arbitraire. De plus, ils invoquent aussi des notions éthiques comme l'honneur et la dignité, des concepts « fourre-tout » que l'on peut interpréter à sa guise.

Tout cela crée des frictions, notamment parce que l'on n'a pas toujours fait, dans le passé, la distinction entre leur action en tant qu'organisation professionnelle et leur action sur le plan déontologique. En 1964, certains conseils provinciaux de l'ordre auraient ainsi fait pression sur des médecins qui ne voulaient pas se mettre en grève.

Comment placer un ordre dans un contexte plus contemporain ? Nous devons voir d'où nous venons. La justice s'est adaptée à l'évolution de la société, mais le droit disciplinaire doit encore subir une série de modifications profondes.

La question est de savoir si un ordre ne doit faire office d'épée de Damoclès que lorsqu'un médecin ayant fait l'objet d'une plainte se présente les mains moites d'inquiétude, parce qu'il ignore quelles sont les règles disciplinaires qui peuvent justifier son acquittement ou sa condamnation. J'estime que la fonction disciplinaire et la fonction normative de l'ordre au niveau déontologique sont d'une importance capitale et qu'elles doivent être maintenues.

Comme l'a relevé un des sénateurs, d'autres tâches sont encore confiées à l'ordre, comme celle de médiateur ou de conciliateur en cas de plainte.

Vu la complexité de la société et de la médecine aussi bien au niveau technique que juridique, les ordres doivent être réorganisés de manière plus moderne. La nouvelle législation sur l'euthanasie ou sur les droits des patients, par exemple, peut engendrer des problèmes sur lesquels les médecins doivent entamer une réflexion. L'ordre joue un rôle de médiateur dans ce domaine, ce qui signifie concrètement qu'il ne se borne pas à agir comme conciliateur, mais qu'il joue aussi un rôle au niveau de l'encadrement et de la prévention.

La complexité de l'acte médical nécessite un organe auquel le médecin confronté à un problème déontologique ou éthique pourra s'adresser pour obtenir une réponse ou une guidance dans un délai raisonnable afin de pouvoir aider son patient à temps.

L'orateur estime par ailleurs que le code de déontologie médicale devrait être entériné par les pouvoirs publics, au même titre que les codes déontologiques de tous les ordres. En effet, la possibilité de prendre des mesures disciplinaires est une compétence déléguée par le législateur, le plus haut organe déontologique. C'est la raison pour laquelle le législateur doit pouvoir contrôler les règles imposées de manière contraignante.

Nous sommes actuellement dans une situation kafkaïenne en ce qui concerne le code de déontologie médicale. En 1975, ce code n'a pas été soumis au gouvernement, car il comprenait des directives relatives à l'avortement thérapeutique, laquelle matière est désormais réglée au niveau légal. Entre-temps, le code a été modifié un nombre incalculable de fois sans que ces modifications aient été entérinées. Cela entraîne une situation bizarre puisqu'il est possible d'invoquer et de citer des articles du code sans en indiquer le numéro. Par conséquent, un médecin cité à comparaître devant le collège disciplinaire peut difficilement se référer à l'article en question ni à un autre article figurant trois lignes plus loin par exemple. Aujourd'hui, une règle existe uniquement parce que le collège disciplinaire affirme qu'elle existe. Cela ressemble à un roman de Kafka, mais c'est bien la réalité.

Dès lors, l'intervenant estime que le Conseil des ministres doit entériner les modifications apportées au code de déontologie dans un délai déterminé. La sécurité juridique s'en trouvera renforcée pour les médecins qui sont poursuivis.

Une critique récurrente concerne le manque de communication. Il faut aborder ce problème d'une manière moderne en tenant compte à tout le moins des éléments suivants: primo la publicité des séances, secundo le principe de loyauté, tertio la place du plaignant dans la procédure disciplinaire et quarto la notion d'intérêt. Ces quatre éléments sont liés.

Selon la Cour européenne des droits de l'homme, il suffit que les conditions de l'article 6, § 1er, de la CEDH soient remplies à un seul niveau de l'instance ordinale pour que la règle de la publicité soit applicable. La question est de savoir s'il faut attendre le degré d'appel avant de décréter la publicité des débats. L'orateur ne le pense pas. Il précise toutefois qu'il s'agit d'une publicité de principe, car dans la pratique, il n'est pas rare que des audiences en principe publiques se tiennent à huis clos.

Le collège disciplinaire ordonnera le huis clos par exemple lorsque le secret professionnel est menacé, ce qui est généralement le cas pour les plaintes émanant des patients. Le secret du dossier médical doit dans ce cas être protégé.

En revanche, en cas de différend avec l'Ordre lui-même, les audiences sont publiques.

Au sujet du principe de publicité et de loyauté, je tiens à souligner que la personne qui comparaît devant le juge disciplinaire est obligée de coopérer et de dire la vérité. Par contre, toute personne comparaissant devant le juge pénal peut, sur la base de la présomption d'innocence, garder le silence et ne peut être punie pour avoir menti. En soi, ne pas dire la vérité devant un collège disciplinaire constitue une infraction qui est parfois lourdement sanctionnée. Un problème peut se poser lorsque quelqu'un est contraint de dire la vérité lors d'une séance publique de l'Ordre.

Un plaignant peut intenter une action au civil et au pénal et engager parallèlement une action disciplinaire en déposant une plainte. Il se peut cependant qu'il soit débouté au motif que l'obligation de dire la vérité devant le juge disciplinaire a violé les droits de la partie défenderesse devant la juridiction civile ou pénale.

Comment le plaignant peut-il être impliqué dans la procédure ? C'est une question difficile. En effet, la procédure pénale ne présente aucun intérêt pour le plaignant parce qu'il ne peut demander aucun dédommagement. Dans le cadre d'une procédure pénale, l'intérêt du plaignant se limite à son action civile, à condition qu'il se soit constitué partie civile. Les séries télévisées présentent souvent les choses différemment. Quiconque est victime d'un délit et a subi un préjudice peut interjeter appel lorsque sa demande n'a pas été entièrement accueillie. Il est cependant impossible de faire appel de la sanction prononcée.

Si le médecin poursuivi est acquitté en première instance ou si la plainte est déclarée irrecevable, le dispositif pourrait être remis au plaignant pour autant qu'il ne contienne aucun élément relevant du devoir de réserve ou pouvant avoir de l'importance pour les droits de la défense. Le plaignant pourrait alors envoyer un mémoire au magistrat assesseur qui pourrait à son tour décider d'interjeter appel sur la base des données complémentaires. Notre système juridique ne permet pas d'aller plus loin.

M. Herman Nys, professeur ordinaire de droit médical à la K.U. Leuven. — J'applaudis aux deux propositions de loi. La loi relative à l'Ordre a eu 65 ans l'année passée. Cette législation a été modifiée en 1967 par un arrêté de pouvoirs spéciaux, qui n'a cependant rien modifié au niveau des principes. La principale modification a été apportée en 1985 par la proposition de loi De Groot qui concernait la publicité du Conseil d'appel. Nous avons donc affaire à une législation antérieure à la Deuxième Guerre mondiale. C'est donc une bonne chose d'entamer enfin la modernisation de l'Ordre des médecins.

Les deux propositions sont bien pensées. Bien que fort proches, elles présentent suffisamment de différences pour susciter un débat intéressant.

En ce qui concerne les organes, la création de deux conseils interprovinciaux est la principale innovation. Je n'y suis pas opposé, d'autant plus que cela engendrera une plus grande uniformité. Mais c'est surtout une question d'opportunité.

Dans le proposition Vankrunkelsven, le conseil national est appelé conseil supérieur. Dans la proposition De Schamphelaere, les sections peuvent se réunir conjointement, comme c'est le cas actuellement. Dans la pratique, elles se réunissent toujours ensemble. La proposition Vankrunkelsven considère qu'elles se réunissent en principe séparément, sauf en ce qui concerne le Code de déontologie médicale. Cette distinction doit être bien soupesée parce qu'elle aura des conséquences importantes pour le fonctionnement de l'Ordre en tant qu'institution fédérale.

L'inscription obligatoire au tableau est maintenue dans les deux propositions. C'est justifié. Si nous voulons un Ordre des médecins doté d'une compétence disciplinaire, il faut maintenir l'obligation d'inscription.

Dans les deux propositions, les conseils provinciaux conservent leur autorité et leur juridiction sur les médecins inscrits à leur tableau. Conformément à la réglementation européenne, les conseils provinciaux sont déjà compétents à l'heure actuelle pour les médecins originaires d'un État membre de l'Union européenne qui, sans être inscrits au tableau, exercent en Belgique. Dans le proposition Vankrunkelsven, cette compétence est étendue aux médecins originaires de pays hors UE et qui viennent exercer dans notre pays. En soi, il s'agit d'une évolution logique, mais je ne pense pas que des médecins originaires de pays hors UE aient le droit d'exercer chez nous.

Les deux propositions maintiennent la compétence d'établir le tableau. En revanche, la nouveauté dans les deux propositions est que le conseil provincial peut subordonner le maintien du nom du médecin au tableau, au respect de conditions restrictives imposées par la commission médicale provinciale. Le tout est de savoir si cette disposition a un sens.

À l'heure actuelle, la commission médicale provinciale peut subordonner le maintien du visa à des conditions. Jusqu'à présent, il ne s'ensuit pas que l'ordre maintient le nom au tableau lorsque les conditions sont respectées. La situation doit-elle rester inchangée ? Le visa peut être subordonné à des conditions qui ont pour effet de ne permettre qu'un exercice partiel de la médecine. Or, un médecin ne peut être à moitié membre de l'Ordre. Il est membre à part entière de l'Ordre ou il n'en est pas membre.

Les conseils provinciaux restent compétents pour veiller au respect de la déontologie médicale. Les deux propositions se rejoignent sur ce point. Actuellement, la mission disciplinaire se limite à veiller au respect des règles de la déontologie médicale, donc à la fonction déontologique. Aucune des deux propositions ne fait plus mention du maintien de l'honneur, de la modestie, de l'honnêteté et de la dignité. Par conséquent, la fonction typiquement disciplinaire disparaît.

Les deux propositions diffèrent cependant sur un point. La proposition Vankrunkelsven semble limiter la mission disciplinaire à la surveillance du respect des règles de déontologie médicale, telles qu'elles sont formulées dans le code de déontologie médicale, alors que la proposition De Schamphelaere parle du respect des règles de la déontologie médicale, telles qu'elles sont formulées notamment dans le code. Ce « notamment » constitue une différence de taille.

Dans les deux propositions, les conseils provinciaux conservent une compétence d'avis à des fins de prévention. Conformément à la jurisprudence constante de la Cour de cassation, les conseils provinciaux ont, dans le cadre de la prévention, le pouvoir d'imposer aux médecins des mesures individuelles visant à prévenir les atteintes à la déontologie. L'exemple classique est celui du médecin à qui on ordonne de fermer un de ses cabinets. Ne serait-il pas préférable de profiter de l'occasion pour ancrer dans la loi le pouvoir d'imposer des mesures individuelles ?

Les deux propositions habilitent les conseils provinciaux à prendre des mesures disciplinaires contre des médecins « en cas de manquements ou d'abus commis dans ou à l'occasion de l'exercice de leur profession » (art. 8, 2º, c et art. 7, 2º, c). La proposition De Schamphelaere ajoute que de telles mesures peuvent aussi être prises « en cas de faute grave commise en dehors du cadre professionnel, si cette faute est de nature à entamer sérieusement la confiance que la population accorde sur le plan professionnel au médecin concerné ». La différence est de taille. L'on peut toutefois se demander si une faute commise dans le cadre de la vie privée est de nature à entamer sérieusement la confiance sur le plan professionnel. De plus amples précisions à ce sujet seraient éclairantes.

Une nouveauté importante réside dans le contrôle déontologique des contrats. Les deux propositions donnent aux conseils provinciaux le pouvoir de décider si les contrats que les médecins concluent entre eux ou avec des tiers dans l'exercice de leur profession sont compatibles avec les règles de déontologie médicale (art. 8, 4º et art. 7, 4º). C'est une pratique déjà courante à l'heure actuelle, mais il est bon que ce point soit précisé explicitement dans la loi.

La proposition de loi De Schamphelaere (art. 7, 3º) charge les conseils provinciaux de tenir à jour un registre des médecins inscrits à leur tableau qui recourent aussi ordinairement à des médecines alternatives. On peut lire dans les développements que « cela permettra de mieux appréhender le phénomène de la demande croissante (et de l'offre) de thérapies non conventionnelles ». Qui détermine si un médecin « recourt ordinairement à des médecines alternatives" ? Qu'entend-on par médecines alternatives et qui les définit comme étant telles ? Les médecins concernés sont-ils soumis à une quelconque obligation de déclaration ou de notification ? Aucune sanction n'est prévue à cet égard. Des sanctions disciplinaires peuvent-elles être prises contre le médecin qui, sans s'être fait enregistrer, recourt régulièrement à des médecines alternatives ? Le registre est-il accessible au public ? L'enregistrement est-il un label de qualité ou plutôt une marque d'opprobre ?

En ce qui concerne la composition des conseils provinciaux, les principes de base sont les mêmes dans les deux propositions. Les conseils provinciaux se composent de médecins élus directement et d'un magistrat assesseur avec voix consultative. Il y a toutefois une différence non négligeable entre les deux propositions. Dans la proposition Vankrunkelsven, le membre du Conseil supérieur qui est élu directement par le conseil provincial peut être convié aux réunions du conseil provincial (art. 9, dernier alinéa). Dans la proposition De Schamphelaere, ce membre participe aux réunions d'office, comme c'est déjà le cas actuellement. L'idée est que le membre du conseil national doit veiller à une interprétation uniforme de la déontologie médicale. Personnellement, l'intervenant donne la préférence à la deuxième option, à savoir celle du maintien du régime existant.

Les deux propositions prévoient la création d'un nouvel organe: les conseils interprovinciaux, qui ont une compétence purement disciplinaire. Les deux propositions limitent la compétence disciplinaire des conseils provinciaux à l'imposition des sanctions les plus légères: un avertissement ou une réprimande. La censure disparaît, ce que l'intervenant trouve une bonne chose, ne fût-ce que pour des raisons d'ordre pédagogique. L'intervenant éprouve d'ailleurs toujours les pires difficultés pour expliquer aux étudiants ce que recouvre exactement la censure. En fait, il ne le sait pas très bien lui-même. On pense généralement qu'il s'agit d'une limitation de la liberté d'expression, mais cela n'a évidemment rien à voir.

Si un conseil provincial estime qu'une sanction disciplinaire plus lourde s'impose, il renvoie l'affaire devant le conseil interprovincial compétent (art. 8, 2º, c, et 20, § 2). Dans la proposition Vankrunkelsven, le renvoi semble obligatoire, tandis que dans la proposition De Schamphelaere, il est présenté comme une possibilité. L'orateur est d'avis que ce devrait être une obligation, afin d'exclure tout soupçon que le conseil provincial ne renvoie pas l'affaire lorsqu'une sanction légère ne suffit pas.

La proposition Vankrunkelsven prévoit un Conseil interprovincial composé de cinq magistrats élus directement et de trois magistrats nommés. Dans la proposition De Schamphelaere, ce conseil se compose de cinq médecins et de six magistrats nommés. Dans les deux propositions, il est présidé par un magistrat. On peut se demander s'il n'est pas exagéré de prévoir six magistrats, notamment à la lumière du maintien de la parité entre médecins et magistrats au sein du conseil d'appel. Les conseils interprovinciaux agissent en première instance et à ce niveau, il est de la plus haute importance d'être bien familiarisé avec la déontologie médicale. Pour l'intervenant, trois magistrats suffisent pour surveiller les procédures et garantir la protection juridique. Aux Pays-Bas, par exemple, on a aussi revu la composition des collèges disciplinaires. En première instance, on a renforcé l'élément juridique et affaibli l'élément médical, ce qui a eu pour effet que les membres de ces collèges doivent constamment avoir recours à des experts médicaux pour les éclairer. C'est un argument de plus pour privilégier l'élément médical en première instance.

Pour les conseils d'appel, il n'y a pas grand-chose qui change. Il faudrait préciser plus clairement si un recours est ouvert contre les décisions des conseils provinciaux en matière de contrats. La question se pose aussi de savoir si un recours est ouvert, ou devrait l'être, contre l'inscription au registre des médecins qui pratiquent les médecines alternatives.

Dans les deux propositions, le conseil national ou le conseil supérieur reste compétent pour arrêter le code de déontologie médicale (art. 22, 1º et art. 24, § 1er, resp. art. 19, § 1er).

Il y a cependant quelques différences notables quant au contenu et au caractère obligatoire de ce code.

Dans la proposition Vankrunkelsven, le Code semble avoir forcément un caractère contraignant, comme on peut le déduire des mots « un Code que les médecins devront respecter dans l'exercice de leur profession » (art. 22, 1º). De plus, le Roi est chargé (du moins dans la version néerlandaise de l'article 24, § 4, pas dans la version française qui dit: « le Roi peut ») de donner force obligatoire au code de déontologie médicale et à ses adaptations. (La présidente confirme que c'est la version néerlandaise qui est la bonne.)

Nous avons déjà indiqué plus haut que la mission des conseils provinciaux a été limitée à l'application des règles de la déontologie médicale rassemblées dans le code. Tout cela reviendra à créer un système fermé où la seule source du droit disciplinaire médical serait le code de déontologie médicale auquel force obligatoire aura été donnée. Est-ce bien là l'objectif poursuivi ? (M. Vankrunkelsven le confirme).

La proposition De Schamphelaere s'inspire davantage des règles existantes: il n'est dit nulle part que les médecins doivent respecter le code et le Roi peut — ce n'est pas une obligation — donner force obligatoire au code (art. 19, § 1er). Il y a donc sur ce point une différence de taille entre les deux propositions. M. De Groot pourra peut-être y revenir plus tard.

Or, le droit disciplinaire n'est pas du droit pénal. Le principe « nullum crimen sine lege » ne vaut pas pour le droit disciplinaire, à plus forte raison si l'on choisit d'appliquer le droit disciplinaire dans le cadre du contrôle de la qualité. Dans ce cas, l'intervenant craint qu'un code de déontologie ne suffise pas.

En ce qui concerne le contenu du code de déontologie médicale, les deux propositions ne brillent pas par leur clarté. D'un côté, on réduit les principes de la déontologie médicale à ceux que les médecins doivent respecter pour contribuer à l'exercice d'une médecine de haute qualité axée sur l'intérêt du patient — une option capitale à laquelle l'intervenant souscrit — tandis que, d'un autre côté, on part du principe que le code doit contenir des règles concernant la continuité des soins, le secret professionnel, la transmission de documents, les relations avec les patients et les confrères, ce qui couvre un domaine nettement plus large que celui de la qualité. Plusieurs éléments de déontologie et de droit disciplinaire resurgissent en l'espèce. L'intervenant estime dès lors qu'il faut poursuivre la réflexion à propos du caractère contraignant et du contenu du code.

Les deux propositions diffèrent aussi en ce qui concerne la composition du Conseil national ou du Conseil supérieur. La proposition De Schamphelaere prévoit que l'Université d'Anvers dispose elle aussi d'un représentant, ce qui, pour des raisons communautaires, entraîne une adaptation du côté francophone. Toutefois, l'intervenant est sceptique quant à la présence de quatre médecins-fonctionnaires. Selon lui, si l'on choisit de créer par voie légale une organisation de droit public dotée d'une grande autonomie, les quatre fonctionnaires ayant voix consultative formeront un « corps étranger ». La proposition Vankrunkelsven prévoit que dans chaque section, il y a un membre ayant une expertise dans les problèmes éthiques, un représentant des établissements de soins et un représentant de la Commission fédérale « Droits du patient ». Cela aussi, c'est un choix. La situation en 2004 diffère de celle d'il y a vingt ans. Aujourd'hui, il existe un Comité consultatif de bioéthique, qui exerce une très forte influence sur la genèse des décisions éthiques et même de la législation. Il y a aussi une Commission fédérale « Droits du patient » dont le fonctionnement n'est certes pas encore optimal mais qui devrait sans doute s'améliorer. On peut donc se demander s'il est vraiment nécessaire de faire siéger des représentants de la société civile au sein du Conseil national chargé de définir les règles de la déontologie. L'intervenant pense que non.

Un autre point est l'ouverture d'une procédure disciplinaire. La proposition De Schamphelaere ne s'écarte pas des règles en vigueur. Ce qui est frappant, dans la proposition Vankrunkelsven, c'est surtout que le procureur du Roi ne pourra plus intenter une procédure qu'après que le juge pénal aura rendu un jugement définitif et que d'autres autorités, qui, à l'heure actuelle, peuvent encore introduire un requête, comme c'est le cas pour la commission médicale provinciale, ne pourront plus le faire. L'intervenant se demande si c'est souhaitable.

La proposition Vankrunkelsven prévoit aussi une sorte de délai de prescription de douze mois qui prendra cours au moment où les faits se sont produits ou ont été constatés. L'intervenant n'est pas contre l'instauration d'un délai de prescription, mais estime que douze mois sont insuffisants. De plus, il se demande qui constatera les faits: le plaignant ? une autre personne ?

Il se demande d'ailleurs s'il ne faudrait pas renforcer les conditions d'accès aux conseils provinciaux. Nombre de plaintes de patients et de tiers ne reposent sur rien. Peut-être serait-il indiqué d'exiger du tiers désireux d'introduire une plainte ou une requête qu'il atteste d'un intérêt fonctionnel.

Les deux propositions de loi prévoient de renforcer l'implication du plaignant/requérant, lequel devra être entendu et tenu informé du dispositif de la décision définitive. On ne sait très bien dans quelle mesure le plaignant/requérant pourra consulter les pièces du procès et deviendra donc réellement partie à l'affaire disciplinaire, comme c'est actuellement le cas en France depuis l'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002. En conséquence, il faudra également considérer le devoir de loyauté du médecin incriminé à l'égard du Conseil sous un jour nouveau. On ne peut pas demander aux médecins qu'ils se mettent la corde au cou.

Dans sa proposition, M. Vankrunkelsven donne au patient la possibilité d'introduire un véritable recours contre la décision finale alors que la proposition de Mme De Schamphelaere prévoit que le plaignant peut signaler au président du Conseil national qu'il n'est pas d'accord avec la décision.

Les deux propositions se défendent. La question est de savoir comment on considère le patient: comme une sorte d'informateur ou comme une véritable partie à la procédure ? C'est une question qu'il faut trancher.

S'agissant des sanctions disciplinaires, l'intervenant ne comprend pas tout à fait la proposition Vankrunkelsven. L'article 38 dispose que la radiation ne peut être prononcée que par le conseil d'appel à la majorité spéciale des deux tiers des voix. Est-ce à dire que la radiation ne peut pas être prononcée par le conseil interprovincial ?

M. Patrik Vankrunkelsven répond que c'est exact.

M. Herman Nys déclare que, dans ce cas, il se forme un système en cascade. Si le conseil provincial estime qu'il faut imposer une lourde sanction et si le conseil interprovincial prend une décision de radiation, alors il ne reste plus qu'une seule instance. La mesure que M. Vankrunkelsven propose pour protéger l'intéressé peut donc jouer en la défaveur de celui-ci étant donné qu'il ne disposera plus d'aucune voie de recours. Il ressort d'études que nous avons effectuées que la radiation n'est qu'une sanction exceptionnelle, ce que M. Vankrunkelsven admet lui-même.

En outre, selon M. Vankrunkelsven, la proposition de radiation doit être discutée en assemblée plénière du conseil d'appel qui l'examinera contradictoirement, le procureur étant partie requérante. Je ne suis pas partisan de soumettre la radiation à un si grand nombre de conditions, d'autant qu'il s'agit d'une mesure exceptionnelle.

La proposition de Mme De Schamphelaere prévoit comme sanction une amende dont le Roi fixe le montant. Est-ce que c'est conforme au principe contenu dans l'adage nulla poena sine lege ? Je prévoirais plutôt un délai de suspension minimum de sept ou quatorze jours, au lieu d'un jour car c'est vite passé.

La proposition de Mme De Schamphelaere donne au conseil provincial le pouvoir de prendre des mesures conservatoires que dicte la prudence et, le cas échéant, d'interdire au médecin d'exercer l'art médical pendant un mois au maximum, lorsque la nature des faits reprochés au médecin peut faire craindre que la poursuite de ses activités professionnelles soit préjudiciable à la santé de ses patients ou à la santé publique. Cette mesure vient s'ajouter à l'arsenal de mesures pouvant être prises par les commissions médicales provinciales. Il existe déjà beaucoup de mesures dans ce domaine, même si je dois bien avouer que le système ne fonctionne pas de manière optimale. Il serait peut-être indiqué d'épurer d'abord le système actuel et d'en améliorer le fonctionnement avant d'ajouter des nouvelles mesures. Je pense donc que la proposition ne contribuera pas à améliorer le fonctionnement du système, d'autant plus qu'elle marche sur les plates-bandes des commissions médicales provinciales.

M. Denis Holsters, président émérite de la Cour de cassation. — Je tiens d'abord à indiquer que l'Ordre est loin d'être opposé à une modification de la législation actuelle. Il y a environ douze ans, j'ai fait partie d'une délégation de l'Ordre qui avait été reçue par plusieurs groupes parlementaires.

À en juger par les propositions formulées — il y en avait un paquet —, le manque de transparence était l'un des principaux reproches adressés à l'Ordre.

L'Ordre dispose maintenant d'un des sites Internet les plus complets du moment. Il est actualisé tous les jours. Nous avons enregistré 35 997 visiteurs en 2003, et le nombre de visiteurs par mois va croissant. L'Ordre publie également une revue, qui n'est peut-être pas lue par tous les médecins. Les conseils provinciaux ont aussi leur revue et nous entretenons des contacts réguliers avec la presse, médicale et autre. Il a déjà été suggéré d'envoyer une lettre individuelle à chaque médecin. À l'heure actuelle, le coût d'un envoi collectif de ce type se chiffre à 18 000 euros.

M. De Groot a déclaré qu'il serait peut-être utile de ne pas parler uniquement de l'Ordre des médecins. Le président a rédigé une proposition relative à l'Ordre des pharmaciens. Pourtant, je me demande pourquoi l'on n'adopte pas une approche plus large. Il y a quatre ans, les architectes ont commencé à tenir des réunions collectives regroupant tous les ordres, qui sont organisées à tour de rôle par un ordre. Ces réunions sont l'occasion de réaliser un travail très utile pour aboutir à un tronc commun de législations et de règles sur lequel chaque ordre peut venir greffer sa propre branche.

J'ai découvert à l'étranger un exemple frappant de cette manière de procéder. Au Québec, un tronc commun a été construit pour 41 professions réglementées. Il s'agit d'un ensemble de règles fondamentales pouvant s'appliquer à toutes les professions réglementées, auquel chaque profession peut greffer certaines règles spécifiques.

M. De Groot s'est aussi déjà référé à une mercuriale de Jean du Jardin, dans laquelle il proposait de « dépasser les particularismes de tel ou tel code de déontologie, pour ne relever qu'une sorte de commun dénominateur d'un droit et d'une procédure disciplinaires » en soulignant « l'utilité d'un règlement général de déontologie ou de principes généraux applicables à tous les codes et règlements professionnels ».

Les réunions auxquelles j'ai participé avec les autres ordres durant des années me poussent de plus en plus sur cette voie. Un tronc commun à tous les ordres constituerait un instrument particulièrement utile sur lequel chaque ordre pourrait se baser selon ses spécificités. Qui participe à ces réunions ? Les médecins, les architectes, les pharmaciens, les vétérinaires et les avocats. Ces derniers ont un système totalement différent, mais nous pouvons néanmoins prendre des positions communes.

Le code de déontologie médicale a déjà été soumis à ratification par arrêté royal dans le passé, mais cela n'a pas abouti. C'était avant mon époque. L'opportunité de cette ratification a ensuite été mise en question, car le code doit être constamment modifié. M. De Groot propose d'obtenir la ratification par arrêté royal dans un délai court, à chaque modification. Mais ayant souvent eu affaire aux cabinets ministériels par le passé, j'ai depuis lors des réserves quant à la vitesse d'approbation par des arrêtés royaux.

J'essaie de rattacher ma propre expérience aux propositions de M. Vankrunkelsven et de Mme De Schamphelaere.

Je ne suis pas opposé à l'inscription des médecins. Toutefois, il faut prévoir un régime transitoire pour éviter que les médecins des communes à facilités ne doivent se réinscrire dans un autre conseil. Pour le reste, je n'ai rien à reprocher à la proposition. Avant de venir ici, j'ai soumis ce problème au conseil national. Plusieurs médecins de communes à facilités se sont inquiétés de leur inscription au tableau de l'ordre.

La proposition de M. Vankrunkelsven me pose problème, car les conseils provinciaux et les conseils d'appel doivent être composés de magistrats en activité. Il est difficile de trouver des magistrats pour les conseils provinciaux, d'autant que les chefs de corps et les ministres concernés sont réticents à céder des magistrats en activité. Par conséquent, la composition des conseils s'en trouve compromise. L'année dernière, j'ai négocié durant huit mois à ce sujet avec des ministres. Il y avait certes des candidats, mais la ministre refusait de nommer des magistrats actifs parce que les procureurs généraux et les premiers présidents des cours d'appel étaient totalement opposés à la désignation de magistrats en activité dans d'autres conseils.

Je crains que la solution envisagée ne soit pas réalisable. Il ne s'agit probablement que d'un oubli, car Mme De Schamphelaere en a bel et bien tenu compte pour sa part. Je tiens à souligner que les conseils actuels comptent en leur sein des magistrats en activité et même des chefs de corps, ce à quoi les ministres sont en principe vivement opposés. Ainsi, le conseil provincial d'Anvers est même présidé par un chef de corps du tribunal de première instance de Turnhout. D'autres magistrats en activité siègent également dans d'autres conseils, mais dans la plupart des cas, nous avons été obligés de rechercher des magistrats honoraires ou émérites. Nous y sommes parvenus et c'est heureux car la présence de magistrats est une condition sine qua non pour assurer le bon fonctionnement des conseils provinciaux.

Il faudra également penser aux magistrats de la Cour de cassation qui accèdent à la présidence des sections du Conseil supérieur. Il est totalement impossible de trouver des magistrats en activité pour ce poste. À titre d'exemple, mon suppléant actuel n'a pas le temps d'assister aux réunions. Je présume que vous devrez adapter la proposition sur ce point.

Une autre question est celle de savoir s'il faut prévoir une limite d'âge pour les magistrats. Les propositions prévoient une telle limite pour les autres candidats, mais les magistrats ne sont en fait pas des candidats. La limite d'âge pour les magistrats est actuellement fixée à 67 et 70 ans. Si vous abaissez la limite d'âge pour les magistrats au sein des instances ordinales, seuls les magistrats en activité pourront encore entrer en ligne de compte et il sera difficile de trouver des candidats en suffisance pour constituer les conseils. Tel est du moins le constat que j'ai très souvent été amené à faire.

La proposition relative aux conseils de discipline interprofessionnels est présentée par les orateurs précédents comme une nouveauté, mais il n'en est rien. En 1980 déjà, le sénateur Verbist avait fait exactement la même proposition. Je crains que ces conseils de discipline ne fassent que compliquer et alourdir encore la procédure, qui est déjà assez fastidieuse. Les médecins de mon entourage craignent que l'on ne réduise ainsi l'autorité morale des conseils provinciaux, qui fonctionnent pourtant bien à l'heure actuelle. Si on les prive ne serait-ce que d'une partie de leur compétence en matière disciplinaire, ces conseils se sentiront atteints dans leur raison d'être, alors qu'ils font du bon travail dans tous les domaines, disciplinaire ou autre. Nous avons très peu de problèmes dans nos relations avec les conseils provinciaux.

Je souhaiterais m'attarder davantage sur une problématique particulièrement importante, à savoir celle de la place du plaignant dans la procédure disciplinaire. Le président du conseil national n'étant pas médecin, mon exposé aura peut-être une forte connotation juridique.

Ce qui me préoccupe, c'est que ni les présentes propositions, ni les propositions antérieures n'établissent une distinction entre un plaignant et un tiers déclarant. Dans la proposition du sénateur Vankrunkelsven, les pouvoirs du déclarant sont encore plus étendus que dans la proposition de la sénatrice De Schamphelaere.

Le déclarant est une personne qui n'est pas directement impliquée dans les faits dénoncés. La distinction est trop ténue, y compris dans les propositions de loi antérieures, entre le plaignant, qui est également une personne lésée en droit commun et le déclarant. Il faut faire clairement la distinction entre celui qui est directement impliqué dans les faits et celui qui ne l'est pas. La question qui se pose est celle de savoir quels droits il faut accorder à l'un et à l'autre. Le plaignant est lui-même une personne lésée. Aucune proposition de loi ne lui a jusqu'ici accordé un droit privé ou civil, si bien qu'il ne peut formuler aucune demande en tant que partie civile. Et s'il ne peut rien demander, il ne peut juridiquement pas être considéré comme une partie. Un patient, qui ne peut justifier que d'un intérêt civil puisqu'aucun droit d'action en réparation ne lui est accordé, ne peut réclamer aucune sanction sur le plan juridique. En effet, l'action en sanction revêt un caractère public. Le patient ne peut pas davantage intenter une action au civil. Il n'a donc en fait rien: ni droit d'action en sanction au niveau du droit public, ni droit d'action civile au niveau du droit privé.

Quelle est alors la position du plaignant ? Comment pourrait-on lui accorder un droit de recours s'il n'est pas partie au procès, que ce soit en droit public ou en droit privé ? Aucune proposition de loi n'a jamais accordé de droits au plaignant au niveau du droit privé.

Mme De Schamphelaere suggère l'idée d'un droit de recours indirect. Cette formule existe déjà. La proposition de Mme De Schamphelaere a en réalité pour effet de réduire les droits. Actuellement, un recours peut être intenté par le président et par un vice-président. Selon sa proposition, le plaignant peut s'adresser uniquement au président. Je n'y vois aucune objection, car cela revient probablement à peu près au même. Un patient, et même un tiers, peut déjà actuellement écrire au président ou au vice-président pour lui demander d'introduire un recours lorsqu'une plainte est restée sans suite.

Il est tout à fait normal que le plaignant ou le déclarant soient entendus. Une personne — même s'il s'agit d'un tiers — qui saisit une juridiction doit être entendue. Le problème est de savoir quels droits les intéressés se verront accorder ensuite. Selon les propositions déposées, le plaignant et le déclarant participent tous deux à la procédure de conciliation. Peut-on donner au non-patient une place dans la procédure de conciliation, ou seul le plaignant proprement dit peut-il avoir des droits dans le cadre de cette procédure ?

Aux Pays-Bas, un patient est appelé « medisch gelaedeerde » (personne lésée sur le plan médical) ou « intéressé direct ». Je puis m'imaginer que la personne lésée sur le plan médical ou l'intéressé direct intervienne dans la procédure de conciliation. Il ne pourrait d'ailleurs en aller autrement.

Toutefois, l'honnêteté m'impose de dire que je ne comprends absolument pas ce que le déclarant vient encore faire dans cette affaire. Il a introduit sa plainte, il a été entendu, mais si l'on veut poursuivre la procédure de conciliation, on doit, à mon avis, faire intervenir le patient concerné par la plainte du déclarant, et non plus le déclarant lui-même, sans quoi on risque de se retrouver dans des situations inextricables. Citons par exemple le cas d'un mari en instance de divorce qui, pour importuner sa femme, dépose plainte contre le médecin de celle-ci. Je suis d'avis qu'il faudrait pouvoir freiner quelque peu les ardeurs de pareil déclarant.

Assez curieusement, l'article 27 de la proposition de loi du sénateur Vankrunkelsven parle des parties concernées alors que même le patient n'est pas une partie. Qui sont les parties concernées si personne, en dehors du médecin, n'est une partie ? Elles pourraient interjeter appel, ce qui permettrait de poser la question des intérêts, mais, dans mon exemple, il s'avère que l'intervention de tiers pourrait mettre en péril la relation médecin-patient.

La communication de la sanction et la publicité du procès représentent également un vrai casse-tête car, jusqu'à présent, le régime disciplinaire applique le principe de loyauté, comme l'ont déjà indiqué les deux précédents orateurs. Je ne me fais pas d'illusions; je ne crois pas qu'en pratique, ce principe de loyauté pèse bien lourd. Quant à savoir s'il est possible de faire dire la vérité à quelqu'un, pour le sanctionner ensuite plus sévèrement, je ne me prononcerai pas sur la question.

De deux choses l'une. Soit vous conservez la loyauté, soit vous l'abolissez.

Si vous la conservez, il faudra être très prudent en ce qui concerne la publicité, puisque n'importe qui pourrait venir écouter les déclarations par un médecin. Cela me pose un problème majeur. Si l'on conserve la loyauté, il faudra écarter la publicité de la procédure, du moins en premier ressort. En second ressort, on pourra statuer sur la base des pièces et le médecin lui-même sera moins obligé de faire des déclarations qui pourraient lui nuire.

Si la règle de la loyauté est supprimée, la procédure de droit commun sera d'application et il faudra alors donner aux autorités disciplinaires des pouvoirs d'investigation plus larges. La règle de la loyauté, pour autant qu'elle soit respectée, devrait mettre en évidence les faits à rechercher en droit commun. En droit disciplinaire, ce n'est théoriquement pas le cas parce que le prévenu indique lui-même ce qui, en droit commun, sera attesté, en tout ou partie, par l'enquête.

Si la loyauté est supprimée, il faudra prévoir d'étendre les possibilités d'enquête des commissions d'enquête rattachées aux conseils provinciaux.

Si la loyauté est conservée, je pense que la sanction ne pourra pas être communiquée au plaignant. Si elle l'est malgré tout, un très grand nombre de plaignants mettront la décision à profit pour réclamer un dédommagement dans le cadre du droit commun. Cette action en dommages et intérêts pourra être déclarée nulle parce que se fondant sur un élément qui viole les droits de la défense. Si l'on communique à un patient la décision rendue à l'issue d'une procédure de loyauté, on hypothèque son droit à un dédommagement en droit commun. Il convient par conséquent de faire preuve d'une très grande prudence parce que de nombreux patients introduisent une plainte par pur esprit de lucre. Il en va de même en droit commun.

M. De Groot pense que la communication d'une décision n'est pas bien grave. Je ne partage pas ce point de vue car le fait d'informer le plaignant que son médecin s'est vu infliger une sanction apporte automatiquement la preuve que le conseil provincial a estimé que les faits étaient établis. Si les faits ont été jugés établis sur la base du principe de loyauté, cela ne pourra plus être utilisé dans une procédure ultérieure devant le tribunal civil.

En ce qui concerne la procédure de sanction, je trouve la possibilité de prendre des mesures urgentes, exécutoires par provision, particulièrement intéressante. M. Nys dit lui-même que la possibilité existe déjà mais que les choses ne fonctionnent pas bien. Les procédures devant les commissions médicales sont longues et il faut beaucoup de temps pour obtenir une suspension provisoire de la part des commissions médicales provinciales. Il s'agit d'ailleurs d'une règle très récente, qui n'existait pas auparavant. À la suite d'un cas que je ne peux pas citer concrètement, l'ordre avait dû s'adresser à un juge de paix pour obliger un médecin, qui constituait un danger pour ses patients, de cesser ses activités.

Je suis donc partisan de ces mesures provisoires, étant donné la complexité de la procédure qui peut être suivie devant les commissions médicales provinciales.

Une radiation nécessite la désignation préalable d'une commission d'experts. Ces experts doivent alors intervenir. À l'heure actuelle, on a enregistré deux cas de médecins refusant une expertise. Que faire en pareil cas, faut-il imposer une sanction disciplinaire au médecin concerné ? Je ne m'attarderai pas davantage sur la question.

Je suis aussi partisan d'un report d'exécution de sanctions, d'une suspension du prononcé d'une condamnation, même assortie de conditions de probation, d'une révision, d'un effacement des peines, d'une mesure de grâce (qui, en vertu de la Constitution, est un privilège royal), d'une réhabilitation, avec possibilité de réinscription sur liste de l'ordre d'un médecin qui avait été radié. Actuellement, cette possibilité existe déjà. Le seul problème pratique, c'est que le médecin doit savoir combien de temps il doit attendre avant de pouvoir demander sa réinscription. On a proposé une période de deux ans, soit le délai de suspension maximum en droit disciplinaire. Ce raisonnement n'est pas fondé sur une règle.

Je plaide pour le libre choix du conseil. Ce principe est accepté par l'un des deux conseils d'appel existant dans notre pays. Dans de nombreux cas, un médecin est même un meilleur défenseur qu'un avocat. Étant à la fois avocat et médecin, M. De Groot ferait un excellent défenseur. Mais comme il est juge à la Cour d'arbitrage, je ne pense pas qu'il puisse intervenir comme avocat. En Belgique, il n'y a que trois ou quatre médecins qui sont également juristes.

Je suis partisan du principe de prescription, moyennant un délai plus long que celui actuellement proposé. Un délai de trois ans me semble plus logique qu'un délai de douze mois.

Ensuite, je suis partisan d'octroyer au bureau du conseil provincial le droit de classer sans suite. En vertu des règles légales actuelles, le bureau ne peut pas classer une plainte sans suite. Cela signifie qu'il faut donner suite même à la plainte la plus absurde qui soit déposée au bureau du conseil provincial. C'est de la folie. Je soupçonne que la majorité des plaintes déposées aux conseils provinciaux sont expédiées d'une manière non conforme à la loi et sont souvent jetées aux oubliettes.

En ce qui concerne les amendes, j'hésite. Je sais qu'il existe des amendes pour les notaires et les huissiers de justice, mais, contrairement aux médecins, ce sont des fonctionnaires publics. L'instauration du système d'amendes nécessite des règles précises. Qui va fixer ces règles ? N'est-ce pas le travail du législateur, en égard à l'adage nulla poena sine lege ? Comment seront encaissées les amendes ? Par un huissier de justice ? Que se passera-t-il si l'amende n'est pas payée ? Prononcera-t-on alors une suspension en guise de substitution ? À qui est destiné l'argent ? Pas à l'Ordre, j'espère. C'est probablement l'État qui recevra cet argent. Dans ce cas, l'Ordre sera soupçonné de vouloir alimenter les caisses de l'État, ce qui n'est pas l'objectif.

Si le médecin est seul à faire appel d'une sanction, il peut se voir infliger une peine plus lourde en appel. Je ne peux pas marquer mon accord sur cette disposition. Lorsqu'un médecin est seul à interjeter appel, cela signifie que l'assesseur et le président sont d'accord sur la sanction à infliger. C'est pour cette raison que la sanction ne peut pas être alourdie dans ce cas.

Je conclus en indiquant que je me range, dans une large mesure, aux propositions. Je préférerais toutefois un tronc uniforme pour tous les ordres.

M. De Groot. — Le plaignant sera informé de la décision uniquement en cas d'irrecevabilité de la plainte ou d'acquittement de l'intéressé. Ainsi, on ne peut tirer du dispositif aucun élément pouvant être utilisé dans d'autres procédures.

M. Yvon Galloy, secrétaire du Conseil provincial de Liège de l'Ordre des Médecins. — Je voudrais poser une question à M. Holsters. Les propositions de loi prévoient que les conseils provinciaux auront uniquement la possibilité de l'avertissement et de la réprimande. S'ils ont l'impression qu'une sanction plus lourde doit être prise, elle doit l'être par le conseil interprovincial. Ne s'agit-il pas d'un préjugement ? Le conseil provincial préjugerait en effet qu'une sanction doit être prise parce qu'un avertissement ou une réprimande ne suffirait pas.

M. Denis Holsters. — Je ne crois pas qu'il s'agisse d'un préjugé. En effet, le conseil interprovincial resterait libre de ses décisions. Il n'est pas guidé par la décision prise à la base. Sa décision n'est pas cautionnée par le renvoi.

Je ne suis pas un partisan des conseils interprovinciaux car ils alourdiront la procédure. Leur existence modifiera peut-être l'attitude des conseils provinciaux et réduira l'autorité qu'ont ces derniers sur les membres de l'Ordre. La procédure actuelle est déjà très lourde. Certaines procédures disciplinaires durent très longtemps. En créant un nouvel organe, la procédure sera alourdie davantage. Or, la valeur d'un droit disciplinaire repose sur sa vitesse. Il faut pouvoir agir directement. C'est pourquoi j'ai signifié mon accord avec les mesures provisoires que le conseil provincial pourrait prendre conformément à au moins une des propositions.

M. Vankrunkelsven. — En ce qui concerne le danger d'un préjugement, je tiens à signaler que le conseil interprovincial peut infliger un blâme ou même décider de ne pas infliger de sanction. C'est la liberté dont jouit le conseil interprovincial.

M. Yvon Galloy. — Je voudrais faire une dernière intervention plutôt d'ordre sentimental.

Je suis entré à l'Ordre en 1979. J'ai donc 25 ans de présence permanente, soit au Conseil provincial de Liège, soit au Conseil national. Je n'ai pas quitté l'Ordre depuis 25 ans et j'ai donc été confronté à de très nombreuses situations.

J'étais un partisan convaincu de la communication du suivi au patient. Les discussions de ce jour montrent que cela ne sera guère possible d'un point de vue juridique. Cela ne m'empêche pas de le regretter profondément.

L'Ordre des Médecins est détesté par la population et par un grand nombre de médecins. Une des causes principales est que tous les plaignants, qu'ils soient particuliers ou médecins, lorsqu'ils déposent une plainte devant l'Ordre, reçoivent comme une gifle une réponse moyenâgeuse: « Nous avons bien reçu votre plainte. Vous ne connaîtrez pas son suivi. La loi ne nous le permet pas. »

M. Denis Holsters. — Je ne voudrais pas être mal compris. Je ne suis pas opposé à cette communication. Mais il faudra dès lors revoir toute la procédure.

M. Vankrunkelsven. — Selon M. Holsters, il faut étendre les pouvoirs de la commission d'enquête si le principe de loyauté est supprimé. Ce sujet n'est pas longuement abordé dans la loi et l'arrêté royal actuels. Je suis d'accord avec lui en théorie, car il s'agit bien d'un cadre théorique. La plupart des médecins ne diront quand même pas la vérité. Il faudra la découvrir par l'entremise de la commission d'enquête. De quelle manière M. Holsters étendrait-il les pouvoirs de cette commission ? A-t-il une proposition dans ce sens ou est-ce que les pouvoirs vont s'étendre de facto ?

M. Holsters. — Je fais la comparaison avec un juge d'instruction. Ses pouvoirs lui sont délégués par la loi. La loi précise ce qu'il est autorisé à faire.

Une grande partie de ces pouvoirs ne sont pas accordés aux commissions d'enquête, précisément parce qu'ils ne sont pas prévus par le droit disciplinaire légal. Par exemple, les commissions d'enquête ne peuvent pas procéder à une perquisition. Ainsi, lorsque la commission demande à un médecin s'il détient des abortifs à son domicile, elle doit se contenter de la réponse du prévenu en vertu du principe de loyauté. En revanche, le juge d'instruction peut tout simplement aller rechercher ces produits au domicile du médecin.

La question qui se pose est de savoir comment faire pour que le régime légal de droit commun en matière d'enquête s'applique dans le domaine disciplinaire, si le principe de loyauté est supprimé. C'est un raisonnement théorique. En pratique, c'est plus compliqué. En théorie, la commission d'enquête n'est pas autorisée à faire toute une série de choses. Par exemple, pour entendre des témoins, le juge d'instruction peut employer un moyen de contrainte. Pas la commission d'enquête. Le droit commun et le droit disciplinaire présentent donc des différences dans le domaine de l'enquête. En effet, en droit commun, un certain nombre de droits ont été ancrés dans la loi, sans quoi ils n'existeraient pas; ils ne peuvent pas être invoqués en droit disciplinaire en raison du manque de réglementations légales.

Selon moi, le principe de loyauté a très peu d'utilité. En Belgique, un seul procès relevant du droit disciplinaire a eu lieu contre un médecin dont les mensonges avaient été prouvés. Le conseil provincial a déclaré l'action irrecevable parce qu'elle était contraire à la convention européenne des droits de l'homme. En discutant avec des assesseurs, j'ai appris que, dans trois provinces au moins, les droits de la défense sont prioritaires et que l'intéressé en est formellement informé.

En réalité, l'impact théorique d'une loi est plus grand que son impact pratique. Dans l'état actuel des choses, le principe de loyauté existe en théorie. Si cette règle technique est supprimée, il faut la remplacer par une autre règle théorique afin de créer un équilibre entre l'absence d'obligation de vérité et la nécessité de découvrir les faits.

M. Etienne De Groot. — Si l'on abandonne le principe de loyauté, il faut donner des compétences de police et d'instruction au président du conseil provincial. Dans la législation néerlandaise, celui qui est désigné pour mener l'instruction préparatoire doit permettre au plaignant et à la personne faisant l'objet des plaintes d'être entendus. Il peut entendre l'inspecteur régional concerné ainsi que des témoins et des experts. Dans le cadre de sa mission, la personne qui mène l'instruction préparatoire est autorisée à pénétrer en tout lieu où elle juge utile d'effectuer des investigations sur place, en compagnie des personnes qu'elle a désignées. Elle peut avoir recours à l'aide de la police si l'ordre est troublé ou si on lui oppose une résistance. Il s'agit donc d'une série de compétences qu'il faut être disposé à octroyer.

Il est toujours question de dire la vérité. Or, en médecine, il s'agit souvent de la remise d'un dossier. Un dossier parle de lui-même. Je ne pense pas que l'on puisse obliger quelqu'un à remettre un dossier même si l'on supprime le principe de loyauté.

Mme De Schamphelaere. — Nous nous trouvons à la croisée des chemins, le choix pour l'une ou l'autre orientation peut avoir des conséquences importantes. Je recommande toutefois de maintenir la spécificité du droit disciplinaire médical et de considérer le droit pénal et le droit de la responsabilité comme des entités à part entière. En faisant autrement, nous aboutissons en fait à un genre de droit pénal d'exception qui rend l'application du droit pénal impossible parce que l'on ne peut pas être puni deux fois pour les mêmes faits.

En ce qui concerne les indemnités pour les patients, nous travaillons à un fonds pour les accidents thérapeutiques. Il faut également trouver des solutions à l'intérieur du droit commun. Pour le reste, la décision prise dans le cadre du droit disciplinaire médical constituera toujours le fondement pour l'indemnisation individuelle. Le développement d'un système donné peut donc être lourd de conséquences.

M. Denis Holsters. — Le principe non bis in idem n'existe pas à l'heure actuelle: on peut être puni à la fois pénalement et disciplinairement pour les mêmes faits, placés toutefois dans un autre contexte.

Ensuite, je pense que personne ne veut abolir le droit disciplinaire mais je suis partisan d'une base commune pour tous les ordres. Fort de l'expérience acquise au cours de réunions avec les autres ordres, j'estime que ce serait une bonne idée. À présent, nous avons toutes sortes de systèmes. Actuellement, nous essayons, au sein d'un groupe de travail présidé par maître Corvilain, avocat à Bruxelles, d'élaborer un tronc commun qui pourra éventuellement être communiqué au parlement par la suite.

M. Vankrunkelsven. — Je pense que l'élaboration d'un tronc commun est une idée très intéressante que nous ne voulons assurément pas abandonner. Toutefois, nous craignons que, si nous l'entreprenons, ce projet soit de très longue haleine. Pour ma part, je dispose d'une certaine expérience de l'Ordre des médecins, mais des amis avocats m'ont appris qu'il sera très difficile de changer ou de faire bouger quelque chose dans l'Ordre des avocats. En fait, nous avions l'intention de faire de l'Ordre des médecins et de l'Ordre des pharmaciens un exemple pour les autres ordres et de travailler à un tronc commun dans une seconde phase seulement. Il s'agit simplement d'une autre approche.


M. M. De Meyere, Universiteit Gent. — L'initiative actuelle, après quarante ans d'activités de l'Ordre, est un événement historique.

Je suis un témoin silencieux de quarante années de fonctionnement de l'Ordre des médecin et je peux donc parler au nom de nombreux absents. Tout a commencé par la grève de 1964. À l'époque, j'étais étudiant et j'ai été particulièrement indigné par la grève. M. Janssens, professeur à Louvain, a dit à ce sujet dans ses cours de déontologie: « Tous les médecins sont d'accord avec moi, mais ils n'étaient plus d'accord dès que j'ai dit que les tarifs et l'engagement social étaient eux aussi importants. » J'avais déjà constaté à l'époque que l'Ordre était totalement syndicalisé et qu'il sympathisait avec les médecins au lieu de défendre les patients.

En ce temps-là, un médecin pouvait être suspendu pour une période de dix semaines pour avoir accordé une interview dans un journal. Cela est arrivé au docteur Lecompte. D'aucuns diront que cela ne peut plus arriver à présent. Je n'en suis pas si sûr. En définitive, le docteur Lecompte a été suspendu à vie.

Quant à moi, j'ai également été condamné parce que je travaillais aux tarifs de remboursement et que je collaborais sous le couvert de l'anonymat au périodique « Gezond » dont les mutuelles, les médecins généralistes, les instituts, les associations scientifiques, et les centres académiques à l'unanimité font actuellement la promotion comme étant un outil d'éducation à la santé. À l'époque, tous les confrères établis dans la commune où j'exerçais ont dénoncé notre groupe. Quelqu'un a dit ce matin qu'à l'heure actuelle, lorsqu'un médecin fait l'objet d'une suspension d'une semaine, il en profite pour partir aux sports d'hiver. En tant que jeune médecin, je ne pouvais pas me le permettre. Ces deux semaines de suspension, je suis donc loin de les avoir oubliées.

Je me suis rendu compte que la confraternité prévalait sur la santé publique. Les plaintes déposées par des médecins à l'encontre d'autres médecins ayant fait le choix de privilégier la santé des patients ont été relayées par l'Ordre puis par les magistrats et ont finalement abouti à une suspension. Nous avons alors saisi la Cour de Strasbourg devant laquelle nous avons remis l'Ordre en question jusque dans ses fondements mêmes. Si notre plainte contre l'affiliation obligatoire fut rejetée en vertu de l'article 11 de la CEDH, l'argument de la publicité, en revanche, fut accepté conformément à l'article 6 de la CEDH et ce, grâce à notre action. C'est le seul changement juridique qu'a subi l'Ordre en quarante ans. Il est pénible qu'en 2004, le principe de la publicité ne soit toujours pas appliqué systématiquement. Tel est le triste bilan de quarante années de fonctionnement de l'Ordre.

Je représente ici toute une frange de médecins progressistes. Il y a quelques années, j'ai pris connaissance, conjointement avec quatre autres professeurs de la Rijksuniversiteit Gent, de l'affaire Jean-Jacques Amy, un éminent professeur de la VUB qui a beaucoup fait parler de lui dans le dossier avortement. Au cours d'une enquête judiciaire, il a appris à ses dépens que le représentant présent de l'Ordre, dont il avait pensé qu'il prendrait sa défense et celle de son patient, avait décidé de se ranger dans le camp de la justice et avait lui-même réclamé le dossier. M. Amy s'y est opposé et a décidé de ne plus payer sa cotisation à l'Ordre. Par solidarité avec lui, nous avons décidé de faire de même. Cette forme de désobéissance civique est une manière, selon nous, de placer l'affaire sous les feux de l'actualité.

La justice prend toujours cette désobéissance civique très au sérieux. Hier, la justice de paix m'a encore menacé d'une saisie mobilière en raison de mon refus de payer ma cotisation.

Les médecins progressistes ont dressé une liste de revendications, que je commenterai brièvement.

Premièrement, il y a un aspect juridique. Le débat sur la légalité de l'arrêté royal nº 67 de 1969 relatif à l'Ordre des médecins, qui n'a jamais été soumis à l'avis du Conseil d'État, est toujours en cours. Quant au Code de déontologie, il n'a jamais été ratifié par le Roi. Ce matin encore, on a débattu de la nécessité d'une telle ratification. Quoi qu'il en soit, il faudra clarifier les choses.

L'Ordre est à la fois législateur, juge et partie. Ce sont souvent les mêmes personnes qui sont chargées d'instruire les dossier et de trancher surtout au niveau provincial.

Troisièmement, le patient n'intervient pas dans la procédure. Il peut difficilement introduire une plainte; tout au plus peut-il écrire une lettre mais, généralement, l'Ordre n'y donne pas suite. Nous aimerions aussi attirer l'attention sur la conception désuète selon laquelle l'honneur et la dignité de la profession revêtent une importance capitale. Cela n'a jamais eu de traduction concrète. Nous plaidons donc pour que le rôle social que le médecin doit assumer dans la société soit inscrit comme thème important dans le nouveau code. Je me souviens que le mobilier de médecins sociaux et progressistes avait été saisi alors que tout le monde savait que les intéressés pratiquaient une médecine de très grande qualité. Il est inadmissible que l'Ordre se soit livré à de tels actes et qu'il continue à agir de la sorte aujourd'hui.

Cinquièmement, les sanctions infligées pour une même infraction peuvent varier du tout au tout. Les divers conseils provinciaux rendent des décisions différentes ou parfois même, ils ne se prononcent pas.

Enfin, la publicité complète et véritable de l'audience n'est toujours pas garantie, ce qui va à l'encontre de la directive européenne adoptée récemment.

L'énumération qui précède suffit à démontrer que l'Ordre des médecins n'est pas une institution démocratique. À l'heure actuelle, 80 % des futurs médecins généralistes sont des femmes. La profession continue donc aussi à se féminiser et cela, alors qu'un prototype comme l' Ordre des médecins existe toujours en 2004 !

Loin de nous l'idée de stigmatiser les médecins qui siègent à l'Ordre. C'est le législateur que nous mettons au banc des accusés, car il néglige depuis quarante ans de faire le nécessaire pour démocratiser une structure non démocratique.

J'ai eu le privilège de participer à l'élaboration d'une proposition de loi de MM. Vankrunkelsven et Van Duppen. Je m'y rallie donc à 100 % et je ferais preuve de schizophrénie si je la commentais.

Une frange des médecins progressistes que je représente plaide pour la suppression pure et simple de l'Ordre, mais chacun sait que c'est irréalisable pour le moment. Toutefois, le texte à l'examen est une proposition intéressante pour instaurer un fonctionnement démocratique au sein d'un Ordre des médecins.

Je tiens à souligner que j'éprouve aussi beaucoup de respect pour le travail de Mme De Schamphelaere. D'ailleurs, il serait parfaitement possible, selon moi, de combiner les deux propositions de loi.

Eu égard à la composition actuelle de l'Ordre et à l'essor considérable que connaît la médecine factuelle, je ne pense pas que l' « Orde van artsen », comme je le nommerai à partir de maintenant, puisse garantir une médecine de qualité, ce qui devrait pourtant être le cas. À cet effet, il faudra prévoir aussi certains actes comme la réalisation d'expertises par des spécialistes issus de centres universitaires et d'associations scientifiques.

Le législateur a le devoir sacré d'élaborer, par-delà les clivages entre partis, une proposition de loi démocratique appropriée. Même si la question n'est, il est vrai, pas très populaire et qu'elle n'empêche pas le citoyen de dormir, il est temps de mettre un terme aux souffrances injustifiées infligées ces quarante dernières années. Je pense à cet égard à des lettres de médecins qui ont été incriminés par l'Ordre en raison de leur orientation personnelle ainsi qu'aux saisies mobilières, dont j'ai parlé plus haut.

M. I. Uyttendaele, vice-président du Conseil national de l'Ordre des médecins. — Afin d'éviter tout malentendu, je précise d'emblée que je m'exprime à titre personnel. Mon texte n'a pas été soumis au Conseil national de l'Ordre des médecins. Si cela peut rassurer mes collègues féminines, je n'ai aucune objection à ce qu'on parle, dès demain, d'un « Orde van Artsen », pour autant qu'on n'en arrive pas à un « Orde voor Artsen ».

Lorsque je lis dans la proposition Vankrunkelsven que, tant en justice que pour stipuler et pour s'obliger, l'Ordre serait représenté par deux hauts magistrats, je crois rêver. À eux deux, ils concluraient des contrats, achèteraient des maisons, feraient appel à des avocats, etc., alors que les médecins, qui délient les cordons de la bourse, n'auraient rien à dire. Mme De Schamphelaere s'en tient au mode de représentation actuel, assuré conjointement par le magistrat-président et un des deux vice-présidents. Pour autant que je sache, cette façon de faire n'a jamais posé de problèmes.

Selon les propositions, l'Ordre des médecins compterait à l'avenir de très nombreux magistrats en son sein. La proposition de Mme De Schamphelaere parle de 66 magistrats; celle du sénateur Vankrunkelsven en prévoit 10 de moins, soit quand même 14 de plus qu'actuellement. D'autre part, dans la proposition Vankrunkelsven, il est question de 132 médecins élus en moins. Reste à savoir si l'on pourra trouver ces nombreux magistrats avec la bénédiction du ministre de la Justice.

Je trouve que le recours aux magistrats des tribunaux du travail est une bonne chose et que les auteurs des propositions ont été très bien inspirés de ne pas penser aux tribunaux de commerce.

On ne peut qu'être frappé non seulement par le grand nombre de magistrats mais aussi par la modification de leur mission. Aux termes de la proposition Vankrunkelsven, le magistrat devient président du collège d'investigation, si bien qu'en cas d'enquête disciplinaire, un médecin ne donne plus d'explications à des collègues, mais est directement confronté au magistrat président. Il en résulte également que le magistrat ne peut être présent à la délibération et que les médecins doivent décider sans lui, étant donné que le principe de la séparation de l'enquête et de la décision est également applicable au sein de l'Ordre depuis des années. Selon la proposition De Schamphelaere, en revanche, le collège d'investigation se compose de médecins. Il est frappant de constater que les deux propositions privent le magistrat du droit de recours contre les décisions du conseil provincial. Ce droit constitue pourtant, dans le système actuel, une solide garantie d'un traitement correct de toute plainte. Voici ce qu'on peut lire à ce sujet dans le règlement d'ordre intérieur des conseils provinciaux: « Le magistrat assesseur se prononce sur la régularité de la procédure et veille au respect des droits de la défense. Il partage la responsabilité de la rédaction des décisions prises par le Conseil. » Cela n'est évidemment plus possible s'il ne prend plus part à ces décisions. Le règlement dispose ensuite comme suit: « Le magistrat émet un avis à chaque fois qu'il en est requis. Il n'intervient dans les débats que dans la mesure où il y a lieu d'expliquer ou de rappeler des règles de droit, des prescriptions légales ou réglementaires.

Lorsqu'il use de son droit d'appel, le magistrat assesseur n'a pas à se justifier devant le Conseil. »

Selon moi, cette mission du magistrat telle qu'elle est prévue par le règlement d'ordre intérieur pourrait peut-être même être inscrite dans la loi, de sorte que la tâche assignée au magistrat soit claire pour tout le monde.

Selon les développements de la proposition de loi de Mme De Schamphelaere, la création d'un conseil interprovincial présente l'avantage, « d'une part, d'assurer une plus grande uniformité des jugements et, d'autre part, de garantir plus sûrement l'impartialité des décisions, étant donné que le médecin n'est pas jugé par des confrères de la même région ». Cette piste de réflexion n'est pas neuve, même si elle n'a jamais eu de nombreux partisans au sein de l'Ordre. J'ai eu l'occasion de défendre dans le passé la création, et non la composition, d'un tel conseil de discipline.

Le problème est qu'il est difficile de prévoir dans quelle mesure les conseils provinciaux transmettront un dossier au conseil interprovincial. Un conseil provincial se limitera-t-il à une réprimande s'il estime qu'une suspension de plusieurs jours est appropriée, ou transmettra-t-il le dossier au conseil interprovincial ? Selon moi, la composition du conseil de discipline interprovincial, telle qu'elle est prévue dans les propositions, est impossible. Le conseil de discipline interprovincial est un collège disciplinaire de première instance. L'essence du droit disciplinaire est que, en première instance au moins, l'on est jugé par ses pairs. Lorsqu'un médecin n'est pas satisfait de la décision de son conseil de discipline, il peut s'adresser à un conseil d'appel, où le pouvoir de décision appartient aux magistrats. Je pense néanmoins que — contrairement à ce qui se passe actuellement — le médecin ne peut pas encourir en appel une sanction plus lourde que la sanction originale, du moins s'il intente uniquement un recours. Selon moi, il faut prévoir un collège disciplinaire interprovincial constitué de médecins choisis par les conseil provinciaux, un magistrat assesseur possédant les mêmes compétences que les magistrats des conseils provinciaux et un droit de recours contre toutes les décisions du conseil interprovincial. Comme les cas graves doivent être jugés par un nombre suffisant de médecins, chaque conseil provincial élit deux membres pour le conseil interprovincial. Les deux membres élus par le conseil provincial du médecin qui fait l'objet de la plainte ne participent pas au traitement de l'affaire.

Pour les suspensions de plus de trois mois, je prévoirais une majorité des deux tiers. Je pense que cette composition permet de rencontrer, d'une part, le souci d'uniformité, du fait que les membres sont issus des cinq conseils provinciaux et, d'autre part, le souci d'impartialité, du fait que les médecins de la même province ne prennent plus part à la décision.

Pour l'évaluation des décisions par des magistrats, il y a le conseil d'appel. Comme le médecin élu par le conseil provincial auprès duquel est inscrit le collègue concerné ne participe pas au traitement de l'affaire, les magistrats disposent d'une nette majorité. Je ne verrais pas non plus d'inconvénients à ce qu'un conseil d'appel soit composé de six magistrats, dont le président, et cinq médecins, dont quatre seulement pourraient siéger dans le cadre d'une affaire déterminée. C'est d'ailleurs ce que Mme De Schamphelaere suggère, dans sa proposition, pour les conseils interprovinciaux. Détail piquant: le conseil d'appel néerlandophone se réunit depuis des années le lundi après-midi, ce qui a évidemment des répercussions négatives sur les candidatures des médecins pour le conseil d'appel.

Je trouve qu'il est extrêmement risqué d'organiser des élections directes de médecins destinés à être essentiellement des juges disciplinaires. Qui voudra se porter candidat à cette fonction ? Qui osera le faire ? L'élection directe de juges est d'ailleurs un procédé qui n'existe pas dans notre société. Naturellement, cette objection ne concerne pas l'élection directe des membres du conseil d'appel.

Selon moi, les limites d'âge proposées ne sont pas nécessaires. Les jeunes diplômés qui seront élus seront des merles blancs et, à mon sens, on ne peut tout de même pas interdire aux plus de 65 ans de se porter candidats. Je pense que c'est l'électeur qui doit décider.

Par ailleurs, il me paraît injuste que le nombre de mandats soit limité pour les membres élus, alors que les membres nommés peuvent siéger indéfiniment. Je n'ai jamais compris la raison qui justifie la différence de traitement entre les membres élus et les membres nommés du Conseil national. Pourquoi le Roi doit-il nommer les candidats présentés par une faculté de médecine ? N'est-il pas beaucoup plus simple d'un point de vue administratif que les facultés désignent leurs représentants ? Je ne vois pas pourquoi chaque faculté de médecine, qui propose quand même un cours de déontologie médicale, ne serait pas représentée au Conseil national.

Selon moi, il est judicieux d'avoir une représentation des patients au Conseil national, mais j'ai des doutes concernant les autres extensions proposées. Personnellement, j'accepte sans problème qu'un haut magistrat soit président du Conseil national, bien que je sache que cela dérange de nombreux médecins. Je pense toutefois qu'il ne pourrait interjeter appel qu'à condition d'obtenir la signature d'un des deux vice-présidents, comme c'est le cas actuellement. Je ne comprends absolument pas pourquoi on cherche à modifier le droit de se pourvoir en cassation contre les décisions du conseil d'appel. Il est vrai que cette procédure est tout à fait exceptionnelle, mais elle s'est tout de même produite deux fois ces dernières années. Pour les amateurs de football, le score est d'un but partout.

L'article 21 de la proposition de M. Vankrunkelsven est assurément un point délicat. Il prévoit notamment que les sections du Conseil national délibèrent et statuent séparément, sauf en ce qui concerne l'élaboration et la modification des règles de déontologie médicale. Il est probablement plus facile de déterminer quelques points qui relèvent de la compétence exclusive de chaque section. Les communes périphériques du Brabant causeront déjà suffisamment de problèmes, étant donné que la grande majorité des médecins qui y sont établis sont actuellement inscrits au tableau du Brabant wallon. Voilà, selon moi, du grain à moudre pour les juristes. Je pense également que la communication au plaignant de la décision constitue à priori une bombe juridique. Si l'on ne peut éviter que la communication de la décision au plaignant n'entraîne un effet domino pour les autres tribunaux, les possibilités d'investigation, déjà restreintes à l'heure actuelle, seront encore plus limitées, ce qui n'est pas possible à mon sens. À moins que l'on accorde un pouvoir d'investigation analogue à celui des médecins-inspecteurs de l'INAMI, ce qui est encore moins possible à mon avis.

Personnellement, je pense que le problème de la communication au plaignant de la suite donnée à sa plainte va se résoudre de lui-même, mais je suis peut-être trop optimiste. Avant l'entrée en vigueur de la loi relative aux droits du patient, un patient qui ne souhaitait pas avoir recours au tribunal pouvait uniquement s'adresser à l'Ordre qui, en tant que juge disciplinaire, n'était pas en mesure d'informer le patient de la suite qui avait été donnée à sa plainte. Cela a fait grincer beaucoup de dents, ce qui est compréhensible.

On ne peut pas attendre du plaignant moyen qu'il connaisse les principes fondamentaux du droit disciplinaire sur le bout des doigts.

La loi relative aux droits du patient a complètement changé la situation pour le patient, étant donné qu'il peut maintenant s'adresser à la fonction de médiation. C'est au pouvoir exécutif de donner corps à ce droit du patient, afin que chaque patient puisse prochainement frapper à la porte d'une instance de proximité pour déposer une plainte contre n'importe quel médecin. Pour le patient, c'est une bien meilleure solution que de devoir faire appel à un conseil provincial, ce qu'il pourra toujours faire évidemment, mais de préférence après une concertation avec la fonction de médiation qui lui donnera une information suffisante pour lui éviter des déceptions et lui permettre de s'adresser seul au collège disciplinaire seulement dans l'intérêt général.

Grâce à leurs contacts, le Conseil national ou le Conseil supérieur sont bien mieux placés que le conseil provincial pour recueillir des informations sur les médecins étrangers qui veulent s'inscrire en Belgique.

Je me rallie entièrement à la proposition visant à ne plus poursuivre au niveau disciplinaire les membres qui ne paient pas leur cotisation. Il faut toutefois veiller à ce que les cotisations soient récupérées auprès des personnes morales pour lesquelles ils travaillent. Cela permettra d'éviter la comédie affligeante évoquée par l'intervenant précédent. C'est un événement malheureux dans l'histoire de l'Ordre.

Je suis d'accord pour instaurer un délai de prescription pour les fautes de nature déontologique, mais le délai d'un an est trop court. Je pense ici surtout aux victimes d'abus qui ont parfois besoin de plusieurs années pour pouvoir introduire une plainte.

La radiation constitue évidemment une sanction grave. Néanmoins, je ne suis pas sûr qu'il faille réserver le pouvoir d'infliger cette sanction exclusivement à un conseil d'appel. Qui va d'ailleurs saisir le conseil d'appel d'une telle affaire ? Pas le médecin concerné en tout cas.

L'article relatif à l'incompatibilité entre la qualité de membre et une fonction dirigeante hors de l'Ordre va probablement susciter bien des critiques. Il y a des années de cela, la section néerlandophone de l'Ordre avait décidé, lors d'une réunion distincte, d'instaurer l'incompatibilité. Il régnait une atmosphère de crise à cette époque; c'était au moment où le Conseil national allait se scinder. Cette décision fut l'une des raisons de la scission. Des débats houleux furent menés sur l'opportunité de publier cette décision dans la revue. Les membres francophones de la rédaction s'y opposèrent. La décision fut finalement publiée, mais elle ne fut pas traduite. Je pense que l'article en question restera lettre morte. Il faut faire attention à l'effet boomerang d'une telle disposition. Il est clair que c'est l'adhésion des organisations syndicales qui est visée par la disposition en question, mais celle-ci pourrait avoir des effets indésirables. Je n'ai toutefois pas d'objection de principe à cette disposition.

M. Cosyns, président du Conseil provincial d'Anvers de l'Ordre des médecins — Je suis professeur de psychiatrie à l'Université d'Anvers. J'ai été élu membre de l'Ordre il y a seulement quatre ans et je préside le Conseil provincial d'Anvers de l'Ordre depuis un an. Je m'exprime ici en mon nom personnel, mon exposé n'ayant pas été soumis au Conseil provincial.

L'expérience que j'ai de l'Ordre est de nature indirecte. En effet, en ma qualité de professeur de déontologie médicale, je demande depuis plus de dix ans maintenant à mes étudiants de dernière année de préparer un « dossier », si bien que, depuis dix ans déjà, je suis informé de ce qui, d'après eux, ne fonctionne pas bien dans des hôpitaux et des cabinets de médecins généralistes. C'est d'ailleurs ce qui m'a motivé à présenter ma candidature à l'Ordre.

Je suis également membre du Comité consultatif de bioéthique, mais mon mandat touche à sa fin.

Je n'ai jamais été condamné par l'Ordre, bien que des plaintes m'aient valu à deux reprises de franchir toutes les étapes de la procédure disciplinaire.

Malgré ma courte expérience au sein du Conseil, je suis absolument convaincu de la nécessité d'un Ordre. Dans leurs développements, les propositions ne disent rien d'autre, même si cette affirmation pourrait être un peu mieux étayée.

À mon sens, il est préférable que l'Ordre soit une organisation de droit public. C'est le cas en Belgique, mais pas dans d'autres pays, où il s'agit souvent d'une organisation de droit privé.

À l'instar d'intervenants précédents, je pense que l'Ordre doit être réformé. Il ne faut pas s'en étonner quand on sait que la législation en vigueur est vieille de quarante ans et qu'elle répond sans doute à l'image du médecin et aux attentes des patients de l'époque. Or, il y a eu une évolution des attentes à l'égard des médecins et ceux-ci ne se reconnaissent plus dans cette image du passé.

Dans une première phase, j'aborderai les développements et les principes de base. D'après les développements, l'Ordre est un ordre professionnel qui règle l'exercice de la profession et sert l'intérêt général. Je souhaiterais que ce dernier point soit davantage mis en exergue; l'Ordre n'a pas vocation à servir l'intérêt privé du médecin ni celui du patient.

Je me rallie pleinement au point de vue selon lequel des mots comme « l'honneur et la dignité de la profession » sont désuets et devraient disparaître. Je suis d'accord avec le sénateur Vankrunkelsven lorsqu'il déclare que l'Ordre doit veiller à la qualité de la pratique médicale. L'expertise et la qualité de l'exercice de la profession doivent occuper une place centrale et être consacrées plus nettement en tant que mission essentielle de l'organisation de droit public.

M. Vankrunkelsven soutient qu'il faut tenir compte des moyens que la société peut mettre à disposition. Je tiens à émettre des réserves sur ce point. Personnellement, je formulerais les choses autrement en disant que l'Ordre doit veiller à ce que les médecins adoptent un comportement responsable dans le système de solidarité qui est le nôtre.

Cela veut dire que chaque euro mis à disposition doit être utilisé de manière optimale et responsable dans l'intérêt de la santé du patient et que l'ordre doit s'acquitter de sa mission, qui est de garantir l'expertise et la qualité de l'exercice de la profession.

Je ne partage pas l'avis selon lequel nous devons tenir compte à cet égard des moyens mis à disposition par la société. Je citerai un seul exemple. Si les moyens mis à disposition par les pouvoirs publics sont faibles au point que certains groupes de patients ne peuvent pas être aidés, nous ne devons pas nous résigner à cet état de choses. Je pense concrètement aux personnes internées. Celles-ci ne reçoivent aucun traitement mais, quand c'est le cas, celui-ci est loin d'être optimal. Lorsqu'une personne est incarcérée, elle perd son numéro INAMI et son droit aux soins de santé qui sont alors pris en charge par la Justice, mais les soins dispensés dans ce cadre sont vraiment de piètre qualité. J'estime que, dans certains cas, les médecins ne peuvent pas se contenter des moyens mis à disposition. Nous devons pouvoir dénoncer certaines choses. Je pense que cette idée pourrait être formulée d'une autre manière.

M. Vankrunkelsven réclame davantage de transparence et de démocratisation. Je suis entièrement d'accord avec lui. À l'heure actuelle, les patients osent davantage s'exprimer. Il y a aussi une demande de plus d'ouverture et de dialogue entre l'Ordre et ses membres ainsi qu'entre l'Ordre et le monde extérieur. Il ne faudra pas perdre de vue cet aspect de la transparence et de la démocratisation dans le cadre d'une éventuelle réforme. C'est un principe de base auquel je souscris. Quant aux modalités pratiques, on pourra encore en discuter ultérieurement.

À mon sens, il manque dans les développements — et c'est pour moi le cœur du problème — une définition ou une description de ce qu'est le droit disciplinaire en l'an 2000. Le droit disciplinaire n'est certes pas du droit pénal, mais il reste, selon moi qui suis médecin, deux éléments essentiels non résolus. En droit disciplinaire, il est très clair, d'une part, que c'est l'intérêt général qu'il faut servir et non l'intérêt individuel du médecin ou du patient, et, d'autre part, que le plaignant n'est pas partie à la cause, du moins pas dans l'acception classique que le droit pénal donne à ce concept. L'ordre ne peut pas se prononcer sur le préjudice subi par le patient. Tout ce qu'il peut faire, c'est vérifier si le médecin a respecté ou non les règles de l'ordre.

Quelles informations pouvons-nous donner au plaignant ? Jusqu'à ce jour, le plaignant obtenait un accusé de réception de sa plainte et l'assurance que celle-ci serait examinée. Il sait, à Anvers du moins, à quel moment elle sera examinée par le Conseil et, le cas échéant, si elle a été traitée dans son intégralité ou non. Il peut donc suivre les diverses étapes de la procédure, mais il n'est informé ni du contenu ni de la décision rendue. Je n'aurais en principe aucune objection à ce qu'il soit informé à ce sujet, mais il y aurait alors un problème au niveau de la logique du droit disciplinaire. Je n'ai pas de réponse à apporter, mais j'espère que les juristes pourront se concerter à ce sujet et qu'ils nous fourniront une réponse juridiquement pertinente.

Le plaignant peut être entendu, mais je ne sais pas si nous sommes obligés de l'entendre parce que cela nous est impossible. Nombre de plaintes sont classées sans suite parce qu'elles ne sont pas fondées. Nous sommes contraints de prévoir une espèce de filtre. Mais le point de départ est bon. En principe, le plaignant doit savoir qu'il peut, s'il le souhaite, être invité pour être entendu.

Par ailleurs, il convient de faire davantage la clarté sur le principe de loyauté dans l'exposé des motifs en ce qui concerne le droit disciplinaire. Un médecin qui doit comparaître devant le conseil, doit apporter toutes les données relatives au patient en question qu'il a en sa possession. Il doit dire la vérité sans obligation d'objectivité. Il relate les choses telles qu'il les a vécues. Dans le droit commun, la personne citée a le droit de garder le silence. Elle n'est pas obligée de faire des déclarations susceptibles de la mettre sous un jour défavorable. Le système existant doit subsister en droit disciplinaire. Les pouvoirs d'une commission d'enquête de l'Ordre sont très limités. Nous ne pouvons guère prendre d'initiatives mis à part convoquer le plaignant et les éventuels témoins. Il n'est d'ailleurs pas souhaitable qu'une commission d'enquête ait les mêmes pouvoirs qu'un juge d'instruction.

La définition des concepts en droit disciplinaire n'est pas sans avoir des conséquences pour le contenu des propositions.

En ce qui concerne les Conseils provinciaux, je suis d'accord dans les grandes lignes avec M. Uyttendaele au sujet du rôle des magistrats. L'obligation de prévoir une possibilité de recours pour le magistrat est une garantie pour le plaignant et pour la qualité de la procédure. Les magistrats font régulièrement usage de ce droit.

Je ne suis pas d'accord avec M. Vankrunkelsven lorsqu'il affirme qu'il faut sept membres dans tous les cas. La province de Luxembourg compte environ 800 médecins contre 6000 dans la province d'Anvers. Dans une province comme celle d'Anvers, une équipe de sept personnes ne suffit pas. Il faut en effet, deux personnes pour la commission de conciliation et trois pour la commission d'enquête. Il ne reste alors plus que deux membres pour le Conseil. De plus, si les deux membres habitent dans le même arrondissement, il ne peuvent pas siéger ensemble. On peut évidemment faire appel à des suppléants mais, dans ce cas, il s'agit de membres ordinaires du Conseil. Ce ne sont alors plus des suppléants au sens strict.

Je n'ai aucune objection en ce qui concerne les Conseils interprovinciaux. Ils présentent deux avantages: l'application du principe d'indépendance et une plus grande uniformité dans la façon de travailler des différents conseils provinciaux.

Selon moi, les médecins doivent être majoritaires en première instance. Il faut aussi bien sûr un magistrat pour veiller à la régularité de la procédure. Il n'est pas nécessaire de prévoir un grand nombre de magistrats en première instance. Les magistrats ont une majorité de fait dans la procédure d'appel. Outre le président, qui est un magistrat, il y a cinq médecins et cinq magistrats. À ce niveau, il est possible d'aborder les choses sous un autre angle et sur une base plus juridique.

Je crains qu'un conseil interprovincial bilingue (français-néerlandais) aura une charge de travail gigantesque et qu'un délégué ne suffira pas pour tous les conseils provinciaux.

Selon moi, il faut une majorité de magistrats dans les conseils d'appel, comme c'est le cas actuellement. Je n'ai aucune expérience du Conseil national. Je suis d'accord d'ajouter un spécialiste de l'éthique. Je ne vois pas quelle peut être l'utilité d'un représentant des établissements de soins. On prévoit également un représentant du public, des patients. En principe, je n'y vois aucun inconvénient, mais qui cela sera-t-il ? Le projet du ministre Demotte relatif aux commissions d'éthique prévoit, lui aussi, une représentation de ce type.

J'estime que la proposition de M. Vankrunkelsven concernant la composition du Conseil national est trop restrictive. Je pense que les facultés de médecine peuvent effectivement apporter quelque chose. Qu'il faille en choisir deux sur quatre flamandes, c'est par contre un problème.

Les délais sont un point dont on peut discuter. J'émets des réserves quant au fait qu'il doit s'agir de faits qui se sont produits au cours des douze mois précédents. Je souhaite que ce délai soit allongé. La révision à la baisse des conditions d'âge ne me pose aucun problème. Les limites d'âge supérieures sont trop sévères. Je comprends que l'on veuille instaurer un plafond. Mais je tiens à rappeler le problème de l'Académie royale de médecine où l'âge moyen des membres tourne autour de la septantaine. On y a également édicté un nouveau règlement qui peut servir d'exemple. Ce qui est proposé dans les propositions de loi est beaucoup trop restrictif. Nombre de collègues plus âgés peuvent jouer un rôle positif dans ces fonctions. Je n'aurais pas pu faire il y a dix ou quinze ans, ce que je fais actuellement au Conseil provincial.

Je suis d'accord qu'il faudrait ajouter des possibilités de sanction telles que la probation et la remise de peine. C'est quelque chose que nous demandons depuis longtemps déjà. Nous mettons déjà cela en pratique à Anvers avec beaucoup de créativité. Je reconnais que les amendes me posent problème. Nous n'avons aucune expérience en la matière. En tout cas, je préfère laisser aux magistrats le soin d'en fixer les montants.

M. Franssens. — Je suis médecin généraliste à Heusden-Zolder. J'ai été membre du Conseil provincial du Limbourg pendant trois ans environ. J'ai démissionné parce que j'étais mécontent de son fonctionnement.

Les deux propositions de loi prévoient que les plaignants doivent pouvoir être informés. Le mécontentement que suscite l'Ordre est, en effet, lié en grande partie à la question de l'information ou de la non-information du plaignant. Si le plaignant n'est pas informé, il ne peut par exemple pas aller en appel. Ce mécontentement est présent non seulement chez les patients mais aussi chez de nombreux médecins. Il y a aussi des médecins qui portent plainte contre d'autres médecins. Eux non plus ne sont plus informés de la nature de leur plainte.

Selon moi, le problème est de savoir comment insérer dans le droit disciplinaire des règles garantissant une information adéquate du plaignant. Je pense que ce n'est pas possible actuellement. Or, il est urgent d'intervenir en la matière.

Dès lors, je trouve donc heureux que les deux propositions de loi abordent la question de l'information du plaignant.

Les propositions de loi restent muettes sur la rémunération des médecins qui siègent au sein d'un conseil provincial ou national. Mais pour assumer correctement une fonction au sein d'un conseil provincial, il faut y consacrer beaucoup de temps. En fait, on peut dire qu'il s'agit d'un emploi à mi-temps, qui n'est en fait pas rémunéré.

Mme Van de Casteele. — C'est le Roi qui fixe la rémunération.

M. P. Franssens. — Chez nous, le conseil provincial accorde une indemnité de déplacement. Je ne pense pas que cette situation sera tenable à terme. C'est aussi la raison pour laquelle les jeunes confrères ne peuvent plus se libérer pour siéger au sein d'un ordre. À l'heure actuelle, le médecin qui ouvre un cabinet y consacrera sans doute toute son énergie. Je ne pense pas que nous parviendrons encore à convaincre de jeunes confrères d'exercer une fonction non rémunérée.

J'ai encore une remarque à formuler à propos des élections. Jusqu'à présent, il est interdit de faire de la publicité pour les élections pour l'ordre des médecins. Il n'est donc pas rare que les conseillers élus soient soutenus par certains groupes de pression, comme les groupements hospitaliers. Certains groupements hospitaliers parviennent très facilement à faire élire des conseillers provinciaux. À l'heure actuelle, il est difficile pour un médecin de famille de se faire élire à titre individuel. J'ai l'impression que certaines plaintes ne peuvent pas être traitées du fait qu'un nombre important de conseillers représentent un groupement particulier.

Je me demande si nous ne pourrions pas imaginer, en vue d'assurer la séparation des pouvoirs, que le pouvoir législatif, ou dans le cas d'espèce le pouvoir normatif, crée un ordre de médecins qui se chargerait de rédiger un code de déontologie médicale au niveau provincial ou qui réglerait par exemple les inscriptions et enregistrerait le lieu de travail des médecins, l'adresse de leur cabinet et l'hôpital qui les emploie. Les plaintes seraient dans ce cas adressées à la justice. La juridiction, civile ou pénale, statuerait alors sur les conséquences de la plainte. Nombre de plaintes sont introduites par des confrères, parce qu'un autre médecin vient s'installer trop près d'eux ou travaille dans un trop grand nombre d'hôpitaux. Les litiges de ce type pourraient tout aussi bien être tranchés par une juridiction civile.

S'il s'agit d'affaires pénales, le juge pourrait solliciter plusieurs membres de cet ordre et leur demander, comme on le fait actuellement pour les expertises judiciaires, de rendre un avis au juge.

M. Vankrunkelsven — Les sanctions pécuniaires ont été qualifiées d'inopportunes. Ne serait-il pourtant pas possible de prononcer des peines alternatives, comme une des propositions le prévoyait ? J'aurais aimé avoir l'avis des praticiens sur la question.

On a également rediscuté du principe de loyauté. Ce sujet a également été amplement évoqué ce matin. Il s'agit d'un concept assez théorique. Tout le monde s'accordait à dire que le principe de loyauté fait partie intégrante du droit disciplinaire, mais que de nombreux médecins ne le respectent de toute façon pas. Une ouverture est quand même apparue, qui a permis de s'orienter dans une nouvelle direction: la commission d'investigation constituée au sein d'un conseil provincial se verrait attribuer davantage de compétences, par exemple la convocation obligatoire de témoins ou l'organisation de perquisitions. On se rapprocherait donc de la formule qui existe déjà aux Pays-Bas, à savoir une commission d'examen disposant en fait des mêmes pouvoirs qu'un juge d'instruction en droit commun.

La représentation des universités est un point que pratiquement tous les intervenants ont soulevé ici. Le groupe de travail qui a élaboré la proposition a choisi de limiter cette représentation afin d'éviter d'en arriver à un ordre pléthorique. L'intention n'était nullement d'exclure certaines universités ou courants philosophiques. Il a été dit que chacun, y compris les représentants des universités, pouvait être candidat aux élections directes. Je pense que la question mérite encore d'être approfondie et que nous devons étendre le groupe à toutes les universités.

Mme Van de Casteele. — Une proposition similaire a été déposée pour l'Ordre des pharmaciens et en ce qui concerne ce dernier point, je tiens à proposer de prévoir trois représentants de la faculté des sciences pharmaceutiques et un spécialiste en éthique pouvant venir d'une autre université. On aura ainsi 4 représentants des universités; il suffira alors de décider en interne si l'on envoie un éthicien ou un médecin. Quatre médecins issus des universités, cela me semble un peu beaucoup, surtout si l'on veut encore y ajouter un spécialiste en éthique, et si l'on veut faire de même du côté francophone.

Nous devrons nous repencher sur la distinction entre le droit disciplinaire et le principe de loyauté, ainsi que sur les problèmes que cela peut entraîner en matière de publicité et d'utilisation de ces éléments dans d'autres procédures.

Il a été dit ce matin qu'il n'existait que deux options: soit on conserve le principe de loyauté et la publicité reste alors limitée, ce qui va à l'encontre de la demande croissante de publicité; soit on abandonne le principe de loyauté et on donne au prévenu la possibilité « de mentir » dans une procédure disciplinaire. Dans ce cas, les organes de l'Ordre doivent néanmoins disposer de possibilités d'investigation. Qu'en pensent les représentants de l'Ordre ?

M. P. Cosyns. — C'est aux auteurs de la proposition qu'il revient d'en décider. Je vous donne un exemple. À la suite d'un problème survenu dans un hôpital anversois, un médecin est venu faire une déclaration. La justice a saisi notre dossier au Conseil provincial. Cela ne devrait pas être permis. Une décision devra être prise en la matière.

Personnellement, je ne suis pas favorable à ce que l'on joue au juge d'instruction ou à ce que l'on donne aux commissions d'investigation des pouvoirs de police.

M. I. Uyttendaele. — J'ai écrit dans mon texte que je ne suis pas disposé à donner plus de possibilités d'investigation aux conseils de discipline, par analogie aux possibilités d'investigation des médecins-inspecteurs. Je trouve que cela va à l'encontre de la conception selon laquelle le droit disciplinaire n'est qu'un élément du fonctionnement de l'Ordre. La tâche essentielle de l'Ordre est de veiller à ce qu'il y ait de bonnes normes, que les médecins sachent à quoi ils doivent s'en tenir, que l'on soit prêt à faire des conférences, à renseigner les médecins. Chaque semaine, le Conseil provincial d'Anvers reçoit quelque 150 appels téléphoniques concernant des demandes d'informations concrètes mais aussi des questions relatives au secret professionnel. Le directeur de l'administration au sein du conseil provincial est en mesure de répondre à la plupart des questions. S'il ne l'est pas, il contacte le président ou le vice-président.

Si l'on attribuait des tâches policières à l'Ordre, sa fonction consultative se verrait compromise.

La comparaison avec les Pays-Bas ne tient pas tout à fait debout. Aux Pays-Bas, le droit disciplinaire est réparti entre la Koninklijke Nederlandsche Maatschappij tot bevordering der Geneeskunst (KNMG) et les collèges disciplinaires auprès des ministères. Ces derniers envoient des inspecteurs sur le terrain. Il s'agit d'un concept totalement différent. Un système comparable existe dans les pays scandinaves. Dans tous ces pays, toutes les organisations professionnelles ont leurs représentants dans les ordres. Par conséquent, dans ces pays, le nombre de médecins qui sont membres d'une association professionnelle s'élève à 80, voire 90 %. La Belgique, tout comme la France, est l'un des seuls pays où les organisations professionnelles et les ordres qui veillent au respect de la déontologie sont séparés.

M. P. Cosyns. — Je crois savoir que la KNMG est une institution de droit privé. L'Ordre étant une organisation de droit public, nous ne pouvons pas défendre les intérêts privés de la catégorie professionnelle concernée, comme peuvent le faire des organisations syndicales. Je pense que cette réglementation est bonne. Aussi suis-je partisan d'une organisation de droit public. Si l'organisation de droit public était supprimée, des organisations de droit privé verraient inévitablement le jour, comme cela a été le cas aux États-Unis, par exemple.

M. Mahoux — S'il fallait tracer quelques lignes de force quant au rôle des ordres en général, je dirais que moins leur caractère juridictionnel est important, mieux cela vaut. Les sanctions éventuelles devraient relever au maximum des juridictions ordinaires.

Nous ne sommes pas partisans d'une augmentation du pouvoir juridictionnel des Conseils de l'ordre et a fortiori de leur donner un pouvoir inquisitorial plus important.

En Belgique, nous connaissons une sorte de juridiction ordinale qui doit régler des problèmes exclusivement liés à une des parties, y compris pour des plaintes formulées par des patients. L'Ordre n'a pas vocation à régler les problèmes entre parties, quand un patient exprime une plainte à l'égard d'un praticien. L'Ordre est compétent par rapport au praticien, avec une possibilité de sanction qui peut aller jusqu'à l'exclusion de la pratique professionnelle. Le rôle de l'Ordre n'existe donc que par rapport à l'une des parties.

Même si l'on souhaite que le rôle juridictionnel du Conseil de l'Ordre soit le plus faible possible, on ne peut exiger, dans une structure de cette nature, par rapport à l'établissement de la vérité, d'aller à l'encontre d'un principe de droit général qui consiste à dire que personne ne peut être dans l'obligation de reconnaître une faute, quand il est accusé.

Il serait incorrect d'invoquer une obligation faite au médecin attrait devant la juridiction ordinale de dire la vérité alors qu'il est accusé. Ce serait contraire à une règle générale qui figure même dans un amendement de la Constitution américaine.

En tout état de cause, nous souhaitons la plus grande transparence, notamment par le caractère public de ce qui est fait, la distinction — des progrès ont déjà été réalisés à ce sujet — entre la fonction de juge et celle d'examinateur, pour ne pas employer le terme d'« enquêteur » que je me refuse à utiliser pour une juridiction ordinale. Il faut que la publicité soit importante, si le médecin le souhaite — j'insiste sur ce point.

Quant aux possibilités de défense, l'on a bien progressé. Il y a eu bon nombre de démarches en suspicion légitime par rapport à des membres des Conseils de l'Ordre, juges et parties. On constate une évolution à cet égard mais les droits de la défense doivent être parfaitement respectés. La publicité doit être la règle générale, sauf exception.

J'en viens aux indispensables possibilités de recours. Face au pouvoir exorbitant donné à l'Ordre des médecins, qui peut aller jusqu'à la sanction maximale, à savoir l'interdiction de pratiquer, il faut que les possibilités de recours devant les juridictions ordinaires soient établies très clairement et qu'elles soient accessibles à tous.

Il existe encore d'autres juridictions ordinales moins codifiées, moins anciennes. L'Ordre des architectes a ainsi été dernièrement amené à statuer sur les tarifs. Des sanctions ont été prises par cet Ordre des architectes contre des membres qui pratiquaient des tarifs inférieurs à ceux recommandés — l'Ordre intervient rarement quand il s'agit de tarifs supérieurs. À la suite de recours devant les juridictions ordinaires, les architectes concernés ont été réhabilités. Il faudrait vérifier quelles sont les règles jurisprudentielles actuelles par rapport à des décisions considérées comme indues.

D'aucuns ont souligné le rôle de l'Ordre des médecins quant aux règles qu'il fallait établir. Ces règles changent. Les problèmes qui se posent sont souvent des problèmes de publicité, de concurrence, voire de jalousie. Ces cas ne doivent pas être simples.

Au cours de la précédente législature, nous avons déjà eu l'occasion d'entendre des représentants du Conseil de l'Ordre sur des problèmes de nature éthique. J'attire l'attention sur le fait que les Conseils de l'Ordre ne sont pas mandatés pour représenter les médecins en ce qui concerne des problèmes de cette nature. Quand il est venu s'exprimer au Sénat, le vice-président du Conseil de l'Ordre a d'ailleurs bien souligné qu'il s'exprimait sur des problèmes éthiques à titre personnel, comme n'importe qui, et qu'il n'exprimait pas l'opinion du corps médical.

Il existe un code de déontologie qui a valeur de code de déontologie. Le statut des codes de déontologie ne va pas de soi. Cet aspect doit présider à une réflexion, considérant que l'Ordre n'a guère de possibilité d'intervenir par rapport aux patients. J'ai quelque doute quant à la manière dont on souhaiterait que le patient s'adresse à ce type de juridictions. Il me semble qu'il est préférable qu'il s'adresse à des juridictions ordinaires. Le travail légistique réalisé au cours des dernières années va en ce sens.

Une action de l'Ordre sur le plan disciplinaire est possible mais elle doit se faire en toute transparence et offrir des possibilités de recours, non pas au sein des instances ordinales mais au sein des juridictions ordinaires. Il faut en effet éviter les dérives dans ce secteur particulier où les possibilités de sanction sont très importantes.

Si on travaille dans cette optique, on aura mis en œuvre des réformes intéressantes. Nous souhaitons en tout cas davantage de transparence et une définition plus claire de la mission exacte du Conseil de l'Ordre. En effet, celui-ci est parfois saisi de problèmes qui n'ont plus rien à voir avec la raison pour laquelle l'Ordre a été créé et à propos desquels il se demande comment trouver une solution.

Mme De Schamphelaere. — Selon moi, à l'exception de M. Franssens peut-être, on a répondu positivement à la question principale, à savoir si le droit disciplinaire médical apporte une plus-value, par rapport au traitement pénal et à la procédure civile en vue de l'indemnisation.

Il appartient au juge pénal de déterminer la transgression d'une disposition pénale. Par contre, la fixation de l'indemnité pour négligence relève du droit commun. Une appréciation doit en outre être possible, non plus sur la base du concept « l'honneur et la dignité de la profession » mais selon le principe de la compétence dans l'exercice de la profession médicale, ce que nos instances judiciaires ordinaires ne sont pas en mesure de faire. Il me semble qu'il appartient vraiment à la catégorie professionnelle de procéder à cette appréciation. Il faut toutefois éviter que la procédure n'aboutisse à une jurisprudence d'association exclusive, c'est-à-dire une jurisprudence pour et par la catégorie professionnelle et visant à la protéger.

C'est pour ces raisons que nous avons proposé des améliorations, parmi lesquelles l'adjonction d'autres membres, des magistrats par exemple, aux organes, et la garantie de la publicité par la publication des décisions et des avis.

Bien que le droit disciplinaire médical ait une plus-value particulière, il faut veiller à ce que l'application des procédures et des garanties ordinaires soit nuancée, sans quoi on empiète sur le domaine du droit pénal, par exemple. N'oublions pas non plus le principe général selon lequel on ne peut être sanctionné deux fois pour une même faute. Ce principe doit être maintenu. De plus, il nous est aussi défendu d'entrer en concurrence avec le droit civil dans lequel l'indemnisation financière est le point essentiel du litige. En effet, il s'agit en l'occurrence de la qualité de l'exercice de la profession.

C'est la raison pour laquelle la prudence s'impose en ce qui concerne la suppression du principe de loyauté. Il est vrai que cela étend les droits de la défense mais il ne faut pas oublier qu'il y a aussi les droits de l'enquête. Nous courons alors le risque d'arriver à un genre de droit pénal d'exception, le juge pénal étant incompétent puisque l'on se prononce de la même manière sur le même fait.

M. Vankrunkelsven. — Le principe de l'accroissement de la transparence, que réclame M. Mahoux, figure formellement dans la proposition.

M. Mahoux a évoqué deux thèmes qui justifient un débat. Premièrement, les possibilités de recours en dehors de l'Ordre. Les intervenants ici présents estiment-ils qu'il est nécessaire de légiférer davantage à ce sujet ? En effet, le système actuel reste inchangé. Est-ce un problème ? Tout médecin qui se sent injustement jugé par l'Ordre peut, selon moi, entamer une procédure auprès du tribunal ordinaire.

Deuxièmement, la loyauté. Il me semble que le débat devient plutôt irréel. Les intervenants sont d'avis que la loyauté est demandée par principe mais se rendent compte que les médecins ne la respectent pas. Ils disent ce qu'ils veulent et taisent ce qui les arrange.

Certains sont d'avis que les possibilités d'investigation doivent être élargies si l'obligation de loyauté est supprimée. Je me demande s'il faut beaucoup changer en la matière.

Je me demande s'il faut apporter beaucoup de modifications, si, de toute façon, il n'y a pas d'obligation de loyauté dans les faits. Nous devons peut-être garder le juste milieu et élargir les possibilités de la commission d'enquête sur certains points, sans en faire une inquisition et sans lui donner les possibilités d'investigation prévues en droit commun. Je pense, par conséquent, que nous devons trouver une solution pragmatique, sans quoi il ne sera pas possible de créer plus de transparence et on pourra toujours invoquer, par après, en droit commun, l'excuse des éventuels problèmes qui se sont posés.

M. I. Uyttendaele. — Il est bien entendu insensé de dire que l'on « est contraint à la vérité » selon l'ancienne formule et j'espère que personne n'ose plus faire de déclaration de ce genre au nom de l'Ordre. Il faut remonter loin dans le temps pour trouver un cas d'une personne qui a été sanctionnée disciplinairement pour ne pas avoir dit la vérité. Cela a existé mais c'était il y a plusieurs dizaines d'années.

En revanche, concernant le principe de loyauté, il arrive couramment qu'à la demande de la commission d'enquête, des médecins lui apportent certains documents ou certains dossiers. Au sens strict, ils peuvent refuser de le faire, ce qui forcerait le collège d'investigation à se rendre sur place. C'est peut-être la solution pragmatique. Obliger quelqu'un à collaborer à l'enquête est autre chose que d'obliger quelqu'un à dire la vérité.

Il est très exceptionnel que des médecins saisissent un tribunal ordinaire. À ma connaissance, il y a en ce moment une affaire concernant un médecin suspendu qui a saisi un tribunal ordinaire. Vous ne serez pas étonnés d'apprendre que cette affaire est en cours depuis très longtemps déjà et que les réserves que nous émettons à ce sujet ne font que s'amplifier, bien que je ne pense pas que nous perdrons ce procès. Si cela vous intéresse, je peux vous donner plus de détails.

La publicité existe actuellement pour les conseils d'appel mais, curieusement, pratiquement aucun médecin n'y a recours. Au contraire, ils demandent eux-mêmes le huis clos et ils ne souhaitent pas la publicité, à l'exception peut-être d'un individu isolé qui, pensant pouvoir frapper un grand coup médiatique, viendrait accompagné d'un car de supporters. Il est très rare que l'on souligne le fait que la publicité est une garantie pour la collectivité. Les conseils d'appel fonctionnent actuellement de cette façon, et je suppose que l'Ordre ne voit aucune objection à ce que les réunions des conseils provinciaux soient publiques. Le seul problème qui pourrait se poser est celui du trouble de l'ordre public.

La publication correcte des sanctions disciplinaires ne me pose pas davantage de problèmes, si ce n'est celui de l'anonymat, avec les risques d'atteinte à la transparence qui en découlent.

Il faut pourtant respecter l'anonymat, faute de quoi la sanction serait terriblement lourde. Or, les mutualités publient les sanctions. Lorsqu'un médecin est frappé d'une suspension infligée par la chambre restreinte pour fraude à la nomenclature sur les attestations de soins donnés, cette information est rendue publique aux guichets des mutualités.

M. Mahoux. — Quand un praticien est frappé d'une mesure de suspension de remboursement par l'INAMI, il faut évidemment que les patients sachent que s'ils font appel à lui, ils ne seront pas remboursés par l'organisme de sécurité sociale. Je comprends bien qu'il s'agit d'une sanction importante mais il est assez logique que les patients sachent à quoi ils peuvent s'attendre quand ils font appel à un médecin, à moins que vous exigiez du médecin concerné qu'il affiche dans sa salle d'attente qu'il fait l'objet d'une sanction de l'INAMI pendant une période déterminée au cours de laquelle ses prestations ne font pas l'objet d'un remboursement.

L'Ordre n'a de rapports qu'avec les praticiens. De manière unilatérale, il prend des sanctions à l'égard des médecins. En général, l'Ordre est perçu de manière principalement disciplinaire, indépendamment de tous les avis émis, que ce soit par les ordres provinciaux ou par l'ordre national. Cependant, il ne faut pas oublier les tiers, à savoir l'ensemble de patients. Je comprends bien la gravité de la sanction qui frappe celui qui s'est rendu coupable de vol à l'égard de la collectivité, car le trafic de nomenclature constitue bien un vol. Parfois les sanctions de l'Ordre précèdent celles de l'INAMI, d'où une double peine. Incontestablement, il y a lieu de se pencher sur ce problème.

Il arrive qu'un médecin soit suspendu par l'Ordre avant d'être suspendu par l'INAMI. Cela signifie que le médecin est suspendu pendant une période à laquelle vient s'ajouter la période de non-remboursement par l'INAMI. Il s'agit bien d'une double peine. Il faut être attentif à cet aspect-là des choses. Il vaudrait mieux que les sanctions de l'ordre, si elles continuent à exister, correspondent aux sanctions en matière de remboursement prises par l'INAMI ou aux sanctions d'ordre pénal prises, par exemple, par les tribunaux ordinaires.

Les collègues ayant commis un délit sont donc soumis à la juridiction ordinale. On peut avoir l'impression que cela les protège mais je n'en suis pas persuadé. De plus, ils sont susceptibles d'êtres sanctionnés aussi par l'INAMI en termes de remboursement. Il existe des cas de suspension d'un an ou plus, car les délits portent parfois sur des montants importants. Enfin, ces collègues peuvent se retrouver au pénal. Cela signifie qu'ils peuvent être frappés de trois sanctions qui sont différées dans le temps, ce qui n'est pas nécessairement avantageux. En réalité, ils sont punis plusieurs fois, sans oublier qu'il n'y a pas toujours correspondance des peines établies dans le temps. Je demande qu'on soit attentif à cet aspect des choses qui peut conduire à s'interroger sur le caractère utile ou non de la fonction disciplinaire des ordres, laquelle ne correspond pas toujours à ce qui est d'ordre public.

M. Cosyns. — Je souhaiterais ajouter quelques mots au sujet de la transparence. Nous pourrions peut-être exiger une meilleure motivation des décisions qui sont prises. La publication des verdicts devrait être plus accessible, quitte à prévoir éventuellement l'anonymat.

Mme Van de Casteele. — J'ai encore deux questions. Plusieurs personnes ont affirmé ici que les conseils interprovinciaux risquent d'entraîner un accroissement de la charge de travail. Selon moi, il n'en est rien. L'objectif est d'adapter la fonction des conseils provinciaux et d'accroître le nombre de conciliations, afin de réduire le nombre de procédures disciplinaires. Ces conseils interprovinciaux devraient donc, globalement, avoir moins de travail que les conseils provinciaux actuels, considérés isolément ou dans leur ensemble. Le but est en effet de charger les conseils interprovinciaux de l'examen des affaires susceptibles de donner lieu aux deux sanctions les plus lourdes.

Comment se répartissent les diverses sanctions ? Quel serait le pourcentage d'affaires susceptibles de sanctions lourdes confiées à un conseil interprovincial et combien relèveraient encore de la compétence des conseils provinciaux ?

Que représente la charge de travail des Ordres, en nombre de jours par exemple ? J'ai pu entendre dans certaines interventions qu'il y aurait une grande différence entre l'Ordre de Namur et l'Ordre d'Anvers. En quoi consiste concrètement cette différence ?

M. P. Cosyns. — Les chiffres en la matière sont connus. Seul l'Ordre d'Anvers publiera désormais le nombre d'affaires classées chaque année, etc.

Une affaire est déférée au conseil interprovincial dès l'instant où une suspension, même d'un jour, est prononcée. Il s'agit donc bien de très nombreuses affaires et d'un énorme volume de travail.

M. I. Uyttendaele. — Tout dépend de ce que feront les conseils provinciaux. De petites suspensions de quelques jours, donc des sanctions presque symboliques, seront vraisemblablement commuées en réprimandes. Mais il est possible également qu'un conseil provincial transmette ce genre de dossiers. Cela n'est pas facile à évaluer.

Les sanctions lourdes sont celles dont les effets s'étalent sur plus de trois mois. Dès qu'une sanction a une durée de plus d'un mois, elle a des répercussions sur le cabinet médical. Les sanctions de moins d'un mois ont certes encore une signification et des répercussions morales, mais elles n'ont qu'un impact minime sur le cabinet du médecin concerné.

En ce qui concerne les sanctions très lourdes, de nombreux médecins trouvent la parade en se pourvoyant en appel et en cassation. Ils savent qu'il faut alors attendre deux ou trois ans pour qu'une sanction soit effective. Cela leur laisse le temps de créer une société ou de s'associer avec d'autres, et la vie suit son cours.

Selon mes estimations, l'Ordre a radié trois ou quatre médecins par an au cours des dernières années et il a prononcé chaque année une dizaine — ou une douzaine tout au plus — de sanctions assorties d'une suspension de plus de trois mois. Les suspensions d'une durée de un à trois mois sont les plus fréquentes et celles de moins d'un mois sont vraisemblablement appelées à disparaître. Mais encore une fois, il est très difficile de communiquer des chiffres précis et fiables à ce sujet.

M. Mahoux. — Que pensent les membres des Conseils de l'Ordre des médecins du rôle de médiation que l'on octroie à ce dernier ? Je comprends tout à fait qu'on lui confie cette tâche quand il s'agit d'une médiation entre médecins, mais je me pose des questions quand il s'agit d'une médiation entre le patient et le médecin.

Je pense que le patient aura l'impression, à tort bien entendu, que la structure de médiation représente l'une des parties seulement. Il va de soi que le Conseil de l'Ordre, qui est composé de médecins, peut faire preuve d'objectivité quand il est amené à assurer une médiation entre un patient et un médecin, mais jamais, à mon sens, le patient ne croira qu'il se trouve dans une structure totalement neutre.

M. I. Uyttendaele. — Je pense que M. Mahoux a tout à fait raison. La conciliation est déjà réglée dans la loi relative aux droits du patient, laquelle prévoit en effet une fonction de médiation. Si l'on étend encore davantage cette fonction, chaque patient pourra, quel que soit le problème et quel que soit le médecin, faire appel à une fonction de médiation accessible dans son quartier et s'adresser à un homme ou à une femme habitués à résoudre les problèmes entre médecins et patients.

Je suis d'accord pour dire qu'une conciliation entre un patient et un médecin est toute autre chose que d'écouter un patient qui a connu un très sérieux problème avec un médecin. Les personnes qui vivent de telles expériences doivent être écoutées; elles doivent savoir que quelqu'un s'intéresse à ce qu'elles ont à dire. Il ne s'agit pas d'une médiation, mais d'un signe d'écoute et d'une marque de respect pour ce qu'elles ont vécu. À mes yeux, dans le cadre de la loi relative aux droits du patient, la véritable fonction de médiation se situe tout à fait ailleurs.

M. Vankrunkelsven. — Ma question concerne le problème de la confusion d'intérêts. Nous avons inscrit dans notre proposition une formulation générale en vue de lutter contre la confusion d'intérêts. Par cette disposition, nous visons non seulement les syndicats mais aussi, par exemple, les hôpitaux ou les centres médicaux pour généralistes, qui regroupent parfois jusqu'à 150 médecins et qui fonctionnent en quelque sorte comme un groupe de médiation auprès de l'Ordre. Nous avons tenté d'exclure ce genre de confusion d'intérêts. C'est un élément important de notre proposition.

Les intervenants n'ont pas répondu à la question de savoir s'il existe une meilleure méthode pour exclure la confusion d'intérêts. Pourquoi n'instaurerions-nous pas une telle disposition ? Je ne comprends pas les commentaires qu'a suscités cette disposition.

M. I. Uyttendaele. — Les conséquences coulent pourtant de source. Il est interdit de cumuler une fonction au sein de l'Ordre avec une fonction dirigeante au sein d'une autre organisation. Il est assez clair qu'une personne qui, dans les faits, a démissionné pourra continuer à jouer un rôle en coulisses. Nous assistons au même phénomène en politique. Lorsque l'interdiction de cumul a été instaurée, à une époque où les syndicats exerçaient encore une certaine influence au sein de l'Ordre, les intéressés démissionnaient simplement dans les faits, tout en conservant leur influence.

En fait, il faut veiller à ne pas accorder de fonctions dirigeantes au sein de l'Ordre à des personnes qui représentent davantage certains groupes vis-à-vis de l'extérieur. Cette option est moins radicale que la proposition de M. Vankrunkelsven, qui interdit de cumuler la qualité de membre de l'un des organes de l'Ordre avec une fonction dirigeante dans une autre organisation.

À l'époque, la décision de la section néerlandophone de l'Ordre impliquait une interdiction de cumuler des fonctions dirigeantes au sein et en dehors de l'Ordre. Dans la proposition de M. Vankrunkelsven, une personne qui occupe une fonction dirigeante en dehors de l'Ordre ne peut même plus être élue à une fonction au sein d'un organe de l'Ordre.

M. Vankrunkelsven. — À l'intérieur de l'Ordre, on veille de facto à la défense de certains intérêts. Les médecins individuels qui s'y opposent sont souvent écartés. On pourrait peut-être remédier à cette situation en adoptant une sorte de règlement interne qui permettrait à l'Ordre d'intervenir en tant qu'organe contre les personnes qui, de facto, protègent certains intérêts à l'intérieur de l'Ordre. Je cherche un moyen d'éviter les conflits d'intérêts au sein de l'Ordre.

M. Mahoux. — Le problème majeur, c'est que les membres du Conseil de l'Ordre ont un certain pouvoir juridictionnel. On peut en quelque sorte les comparer à des membres de la magistrature assise. Par conséquent, à qui appartient-il de fixer les incompatibilités absolues ?

La fonction juridictionnelle de l'Ordre devrait à mon sens être aussi réduite que possible. Mais les choses étant ce qu'elles sont, nous devons avoir un maximum de garanties quant à la neutralité de ses membres.

Bien entendu, toute forme d'appartenance à une association qui défend des intérêts susceptibles de s'opposer à ceux d'autres associations au sein de la même profession, me paraît assez incompatible avec l'exercice de ce pouvoir de décision, y compris en matière disciplinaire. Cela me paraît assez évident, d'autant plus que ces gens sont élus.

Mme Van de Casteele. — La proposition est peut-être trop stricte en ce qu'elle interdit de se porter candidat.

M. P. Franssens. — Comme l'a dit mon collègue, M. Uyttendaele, un représentant des syndicats qui serait élu continuera, même après s'être retiré, à agir en coulisses. Il n'est pas possible de déposer une plainte contre une telle pratique. La loi devrait en tenir compte.

M. I. Uyttendaele. — Les plaintes déposées contre des membres individuels de l'Ordre constituent bien entendu une source de problèmes. À cet égard, le conseil interprovincial offre une bonne solution. Une autre solution consisterait à renvoyer l'intéressé devant le conseil provincial d'une province dans laquelle il n'est pas actif.

L'intéressé pourrait être déféré devant un autre conseil s'il devait s'avérer que certains médecins membres du conseil n'adoptent plus une attitude de neutralité, bien que cela soit difficile à évaluer. Si l'on parvient à juguler les situations extrêmes, une grande partie des problèmes seront résolus.

J'adhère au principe de la nécessité d'éviter les incompatibilités. Cela va de soi. De toute ma vie, je n'ai jamais recommandé autre chose. La question est de savoir quelle réponse concrète apporter à la problématique dans son ensemble. Je souscris totalement au principe.

Je n'ai pas de problème de principe. Mais, dans la pratique, il me semble quand même assez difficile de trouver une solution pragmatique.

M. Mahoux. — Certes, c'est assez compliqué puisque cela relève de la liberté et de la vie privée.

Faisons une comparaison, même si les sujets n'ont strictement aucun rapport entre eux car les problèmes ne sont pas les mêmes. Il existe des associations de magistrats. Mais ceux-ci sont inamovibles et ne sont pas élus. Il s'agit de deux différences fondamentales par rapport aux membres du Conseil de l'Ordre.

M. P. Cosyns. — À Anvers, chaque candidat aux élections peut se présenter personnellement, avec son programme, dans une revue adressée à tous les médecins de la province. Nous pourrions encore aller plus loin, mais nous ne le faisons pas. Je pense à une sorte de conflit d'intérêts. Avant la publication, nous sommes toujours obligés de demander au candidat quels sont ses intérêts, quel est le groupe auquel il appartient et quelles idées il défend. Nous pourrions carrément l'interroger sur les conflits d'intérêts éventuels. On peut obliger les candidats à révéler les noms des organisations dont ils sont membres. Cela rend aussi les choses plus transparentes pour les électeurs.

Mme Van de Casteele. — Je voulais encore poser une question à propos de la cotisation. Je n'ai jamais bien compris pourquoi, pour l'Ordre, cette question est aussi délicate. En général, le problème se situait au niveau de membres qui, pour une question de principe, refusaient de payer leur cotisation, obligeant l'Ordre à employer, pour la même question de principe, tous les moyens imaginables pour recouvrer ladite cotisation.

Il m'a été rapporté que pour l'Ordre des pharmaciens, le défaut de paiement de la cotisation entraîne automatiquement l'impossibilité d'exercer la profession, puisque l'inscription à l'Ordre constitue une obligation légale. Dans la pratique, il arrive même que les interventions de l'INAMI perçues par les pharmaciens en défaut d'inscription durant toute la période au cours de laquelle ils ne pouvaient exercer sont réclamées des mois après.

Pourquoi ces différences entre les deux Ordres ?

M. Uyttendaele. — Il s'agit d'un problème juridique. Les juristes nous ont toujours clairement expliqué qu'il y a une différence fondamentale entre l'inscription et le paiement de la cotisation. Il y a d'ailleurs toute une série de médecins qui sont dispensés du paiement de la cotisation.

M. Popelier, docteur en médecine. — Quelques mots tout d'abord sur les cotisations. Pour pouvoir exercer la médecine, il faut être membre de l'Ordre des médecins. Et pour pouvoir bénéficier des avantages de l'appartenance à l'Ordre, il faut payer une cotisation.

La dispense de cotisation constitue, pour un médecin, un motif légitime pour ne pas payer, tout en lui laissant le bénéfice des avantages. Pour les médecins qui ne veulent pas s'acquiter de la cotisation — le plus souvent pour des raisons purement politiques ou parce qu'ils sont mécontents de la manière dont l'Ordre fonctionne — il existe un autre moyen beaucoup plus efficace.

À un moment donné, l'Ordre a commencé à réclamer le paiement des cotisations devant la justice de paix. C'était inutile, car l'arrêté royal nº 79 prévoit que l'Ordre peut infliger une sanction disciplinaire aux membres qui ne payent pas leur cotisation. Le problème, c'est qu'on ne sait plus comment cette sanction doit être appliquée, ni quel doit être son niveau. Le niveau de la sanction doit être suffisamment élevé pour inciter le médecin à s'acquitter de sa cotisation. S'il ne le fait toujours pas, il est automatiquement exclu de l'Ordre et il perd les avantages que lui procurait l'affiliation. Lorsqu'un membre ne paye plus, l'Ordre le convoque et lui demande la raison du non-paiement. S'il n'est pas d'accord avec le motif invoqué, il peut déférer le médecin concerné au conseil provincial. Le membre récalcitrant peut éventuellement encore saisir le conseil d'appel, ce qui lui permet de bénéficier d'un grand avantage: il se voit offrir un forum où il peut débattre publiquement des raisons politiques qui l'ont amené à ne plus vouloir payer sa cotisation.

S'il est radié pour une année, il ne tardera pas à payer sa cotisation. En effet, une radiation est également notifiée à l'INAMI. L'Ordre a ainsi la possibilité d'exiger le paiement sur la base de l'arrêté royal nº 79. Le médecin mécontent ou celui qui souhaite rendre public ce qu'il estime ne pas être normal, dispose en même temps d'un forum pour mettre le débat sur la place publique. La justice de paix ne lui offre pas un tel forum. Le juge de paix décidera qu'il est question d'une matière politique pour laquelle il n'est pas compétent.

D'autres ordres appliquent d'ailleurs également cette solution, avec beaucoup d'efficacité.

J'en viens à présent à la réforme de l'Ordre. La proposition actuelle de réforme de l'Ordre des médecins va beaucoup plus loin que les propositions antérieures.

Tout d'abord, il ne faut pas perdre de vue que l'arrêté royal nº 79 a été élaboré de la manière la plus antidémocratique qui soit. Il s'agit d'un arrêté royal numéroté qui attribue au Roi certains pouvoirs, sans qu'il y ait un lien entre ces pouvoirs et leur finalité. C'est à peine si le texte de l'arrêté a été soumis aux chambres législatives. Un rapport d'un paragraphe tout au plus a été publié le dernier jour de la période des pouvoirs spéciaux. L'arrêté royal n'a jamais été ratifié et il a été contesté à plusieurs reprises. Il n'a pas été élaboré sur la base d'une concertation démocratique avec les parties concernées, mais il a été intégralement préparé par les services du ministre de l'époque, M. Hulpiau.

L'adaptation de l'arrêté royal requiert un examen des lignes de force. L'une de ces lignes de force est qu'il faut faire la distinction entre, d'une part, les pouvoirs administratifs, avec les divers échelons et, au sommet, le Conseil d'État, qui s'occupe de toutes les décisions administratives des organisations de droit public et, d'autre part, les pouvoirs disciplinaires, la Cour de cassation étant investie de la compétence finale. Au sein de l'Ordre, il faut prévoir des élections démocratiques à chaque niveau, plutôt que des élections par paliers.

En ce qui concerne l'aspect disciplinaire, je voudrais faire la remarque suivante. L'Ordre est une instance de droit public, doté d'un pouvoir d'autorégulation qui doit fonctionner de manière démocratique. Les avis — en particulier les avis contraignants — et le code doivent être élaborés avec la participation démocratique de tous les membres. Sur le plan disciplinaire, le fair-play doit être de mise, en ce sens que le droit disciplinaire doit tenir compte de la Déclaration européenne des droits de l'homme, que la Cour de cassation n'a reconnue qu'en 1994, mais qui n'est toujours pas intégrée dans les structures et procédures disciplinaires.

Un deuxième principe est que l'Ordre doit jouer avant tout un rôle de conciliation, surtout au niveau provincial. Dans la pratique, cette conciliation n'est pas appliquée, alors qu'elle est possible. Si un médecin dépose plainte contre un confrère, une conciliation doit être possible. Une telle procédure doit être obligatoire.

En outre, la procédure disciplinaire doit être attentive aux droits du plaignant. Celui-ci a le droit de savoir quelle suite on réservera à sa plainte. Mais cela signifie également qu'il a des obligations. Lorsqu'il dépose plainte, il doit pouvoir justifier celle-ci, ce qui permet d'éviter les plaintes intempestives.

Enfin, il ne faut pas oublier la question de la participation des patients. Je pense que cette participation doit prendre la forme d'un rôle consultatif, exercé par l'intermédiaire des représentants des patients au niveau du Conseil national. Il en va de même pour les éthiciens. Les éthiciens des diverses tendances doivent pouvoir jouer un rôle consultatif au niveau du Conseil national, au sein duquel est établi le code et sont formulés les avis contraignants.

La réforme proposée, qui concerne également toutes les catégories de prestataires de soins, est un ensemble inopérant. Un Ordre sert à garantir l'honneur et la dignité. Il doit soutenir et garantir la confiance que les citoyens doivent avoir dans la profession de médecin. Cette tâche n'est pas aisée si d'autres professions sont impliquées dans le processus. Cela ne fonctionnera pas. On peut s'attendre à de très nombreux désaccords et à des discussions qui ne donneront pas beaucoup de résultats. Il faut se limiter à la profession, mais il faut aussi que le système fonctionne démocratiquement.

M. Vankrunkelsven. — En ce qui concerne la ratification du code, il a déjà été dit explicitement aujourd'hui que nous nous situons toujours à cet égard dans un vide juridique. D'autres ont souligné que si un arrêté royal était nécessaire pour chaque adaptation, chaque modification prendrait une année. Dans ce cas, les réformes du code ne parviendraient jamais à rattraper la réalité. Est-ce bien nécessaire ? Ne pourrait-on pas déléguer cette tâche au Conseil supérieur ? Celui-ci ne pourrait-il pas promulguer un nouveau code, qui devrait alors servir automatiquement de fil conducteur ? Nous assistons depuis des années à une partie de ping-pong. Le code n'est pas ratifié, mais il est quand même appliqué. Ne serait-il pas possible de résoudre ce problème d'une manière élégante ?

M. Popelier. — C'est une technique d'avocats. L'Ordre a pour mission d'élaborer un code. Pour cela, il doit se fonder sur la jurisprudence disciplinaire, mais cela ne suffit pas: il doit aussi tenir compte des conceptions et de l'évolution de la société. On peut fixer certaines règles et les assortir de sanctions. Il est toujours possible d'adapter un code par le biais d'une participation démocratique, par exemple au moyen d'avis contraignants qui peuvent être ratifiés par le Roi. Cela demande du temps et ce n'est que normal. Le code ne doit pas être modifié à tout bout de champ. Élaborer un avis ou un article du code requiert de la stabilité et de l'expérience.

M. Cosyns. — L'avantage est qu'il existe une certaine souplesse et que le code peut être adapté. Par exemple, nous sommes obligés de tenir compte de la directive européenne relative à la publicité. À l'heure actuelle, il faut aussi compter avec internet.

Toutefois, il y a aussi un inconvénient. Les conseils provinciaux ne peuvent jamais faire référence au code. On peut l'évoquer dans la discussion mais pas dans les décisions. Celles-ci seraient déforcées dans leur motivation.

M. Mahoux. — Il y a de tout dans ce code. De là provient une bonne partie du problème. Le code règle les relations entre les médecins. On vient d'ailleurs d'évoquer une directive européenne relative à la publicité. Le code règle des problèmes de concurrence au sein de la profession et des choses qui changent selon l'évolution des TIC. L'émergence d'internet, par exemple, y compris dans les relations entre les médecins et les patients, va modifier complètement les rapports entre les médecins eux-mêmes. Les relations entre les spécialistes et les généralistes vont être totalement modifiées par la communication à travers un média accessible à tous. S'il ne l'est pas, il conviendra d'en déterminer les clés. Il sera toutefois impossible à l'Ordre de s'en tenir aux règles actuelles qui interdisent tout. La moindre réunion organisée par un médecin risque de se voir sanctionnée par une instance ordinale sous prétexte qu'il s'agirait de publicité déguisée.

Il y a d'autre part le contenu du code de déontologie qui relève de concepts éthiques relatifs à la pratique médicale. Ce n'est pas du tout pareil: d'un côté, l'organisation des professions, de l'autre, le contenu qui a trait aux grands problèmes éthiques que rencontre notre société. Ce texte contient plein de bonnes choses mais il n'est pas opposable parce qu'il n'a aucune valeur juridique formelle. Son contenu concerne l'ensemble des problèmes éthiques: l'interruption volontaire de grossesse, la fin de vie, le droit de mourir dans la dignité, l'euthanasie, la recherche médicale, la thérapie génique, le diagnostic préimplantatoire, etc. Le législateur s'est saisi de tous ces problèmes dont on a beaucoup parlé au cours de ces dix dernières années et qui ont parfois suscité des oppositions au sein du corps médical. Tout ceci ne relève donc plus exclusivement de ce que l'Ordre considère comme une éthique médicale. Il est évident que le code de déontologie ne peut rien contenir qui soit contraire à l'ordre public. Or, si on analyse son contenu et si on ne sépare pas la réglementation de la pratique professionnelle de la pratique éthique de la profession, on risque de se heurter à des obstacles. Je ne suis pas partisan de donner un blanc-seing, c'est-à-dire une délégation sans réserve, comme le prévoit l'arrêté royal. Le rôle du conseil de l'Ordre est d'établir un code de déontologie et non de conférer une valeur juridique à ce dernier.

S'il devait y avoir une sanction de type législatif ou de quelque nature que ce soit, seul le pouvoir législatif pourrait prendre des dispositions, à l'exclusion de toute autre structure. Certaines modifications introduites dans le code de déontologie concernent les pratiques professionnelles. Je ne dirai pas de minimis non curat praetor, mais il s'agit tout de même de l'exercice de la profession, des relations confraternelles ou concurrentielles selon que l'on soit optimiste ou pessimiste.

Par ailleurs, seul le législateur peut décider en matière d'organisation de la société et énoncer ce qui est permis et ce qui ne l'est pas. Des contacts avec une structure d'avis comme les Conseils de l'Ordre provinciaux ou interprovinciaux et l'Ordre national me paraissent logiques. L'Ordre a un pouvoir disciplinaire quand des règles de relations entre confrères ne sont pas respectées, et le recours devant un tribunal est alors possible. Pour le reste, c'est plus aléatoire.

Vous savez que W. Peers n'a pas été suspendu pour des problèmes d'avortement. On a considéré que sa participation à une manifestation publique pour défendre le travailleur — c'était un homme de gauche — était contraire à la dignité médicale. C'était il y a longtemps, évidemment. Si les ordres n'agissent plus de cette manière, il faut retirer de leurs compétences la possibilité de déterminer si le comportement d'un médecin dans sa vie privée est conforme ou non à la dignité ou à l'honneur de la médecine ou de l'Ordre.

M. G. Popelier. — En fait, l'honneur et la dignité sont uniquement une question de confiance du citoyen dans le médecin. Si le médecin commet des erreurs dans sa vie privée, il faut voir si celles-ci se cantonnent à la vie privée ou si elles ont un impact sur la manière dont il exerce sa profession. Il y a, par exemple, une grande différence entre être en état d'ébriété dans un cadre privé et être dans cet état lorsqu'on reçoit un patient.

Il existe aussi un code qui est axé sur la relation avec le patient et qui est essentiellement de nature éthique, mais il y aussi des obligations déontologiques à l'égard des confrères, qui visent à faire en sorte que les relations avec le patient se déroulent bien. La concurrence peut être néfaste pour le patient. Il existe donc une gradation.

La sanction doit également être adaptée au degré de l'infraction. À l'heure actuelle, d'après la Cour de cassation, la règle de la proportionnalité ne s'applique pas aux actions en justice. C'est un point de départ erroné, car une sanction doit a priori pouvoir être correlée à la nature de l'infraction, ce qui est précisément l'objet du code. Bien qu'il s'agisse d'une matière délicate, il est néanmoins possible de fixer une sanction précise pour certaines infractions.

Il va de soi que les relations entre les médecins évoluent avec la société. Aujourd'hui, nous sommes des entrepreneurs et l'Ordre est une association d'entrepreneurs. C'est un tout autre aspect, le contenu de la médecine change sous l'effet de la commercialisation.

Or, en ce qui concerne les relations avec le patient, c'est une autre affaire. Un code éthique doit aussi pouvoir faire référence à la Convention d'Helsinki, par exemple, qui pourrait être reprise dans le code et lui servir de base.

M. P. Cosyns. — Je pense que nous avons dit très clairement que nous préférions parler d'expertise et de qualité de l'exercice de la profession plutôt que d'honneur et de dignité et que la seule chose qui compte, c'est l'exercice de la profession et non plus de ce qui se passe en dehors du cadre professionnel. Si un médecin est alcoolique chez lui et bat sa femme, l'Ordre n'a pas en s'en mêler. En revanche, si étant de garde, le médecin arrive à l'hôpital en état d'ébriété, l'Ordre est concerné.

S'agissant du nombre de membres du Conseil national, je ne suis pas fétichiste en ce qui concerne le nombre d'universités, mais je pense que le volume de travail du Conseil national est le critère à prendre en compte. Quand je vois le nombre de questions qui sont posées à ce conseil, j'en déduis que la rédaction des avis et du code représente un travail considérable, qui nécessite quand même de disposer d'effectifs en suffisance.

Je tiens à dire à M. Mahoux que lorsqu'il s'agit de bioéthique, on doit effectivement solliciter l'avis de toute une série d'instances professionnelles extérieures au monde médical. Je siège aussi au Comité consultatif de bioéthique. Il y a une grande différence entre ce que nous faisons au sein de l'Ordre et ce que nous faisons au sein du Comité consultatif. Le Comité est composé de personnes qui se livrent ensemble à un exercice de réflexion, vont au fond des choses et formulent des avis théoriquement étayés. Le problème des médecins dans la pratique tient au fait qu'ils sont toujours confrontés à quelque chose de concret. Pour ces situations concrètes, le Conseil national doit formuler des directives.

M. Mahoux. — En termes de hiérarchie des normes, la loi est supérieure à n'importe quel code. Je ne parle pas en âme et conscience pour tout un chacun, d'autant plus que la loi doit respecter cette liberté de conscience, ce qu'elle fait de manière très générale.

M. Popelier fait allusion aux accords d'Helsinki, mais ce texte n'a pas de valeur juridique en termes de hiérarchie des normes. Je parlerais autrement s'il s'agissait de conventions que nous aurions ratifiées. D'ailleurs, si nous n'avions pas voté une législation relative à l'expérimentation sur embryons, nous n'aurions pas été capables de ratifier une convention qui nous lie le jour où on la ratifie et qui serait la convention du Conseil de l'Europe sur la bioéthique.

En revanche, entre la loi et un code de déontologie qui a, effectivement, valeur déontologique mais, en plus, qui n'a pas force juridique, il n'y a pas de discussion sur l'endroit où se trouve la hiérarchie.

M. I. Uyttendaele. — En ce qui concerne la hiérarchie, le point de vue du Conseil national est le suivant: une loi qui voit le jour dans une société démocratique tient lieu, pour nous, de ligne conductrice. L'on ne peut toutefois pas perdre de vue que bien des problèmes ne sont résolus que progressivement par le législateur. La législation comporte souvent des lacunes avec lesquelles les médecins doivent composer. Le Conseil formule alors des avis déontologiques. Généralement, les initiatives législatives ne voient le jour que lorsque l'on a déjà une certaine expérience du problème. C'est alors seulement que le moment est venu de légiférer. Lorsqu'on s'attaque à cette besogne, il faut examiner quelles sont les règles déontologiques qui ont été formulées, celles que l'on peut encore énoncer et celles que l'on devra éventuellement adapter. Or, il y a dans le monde médical des gens qui rêvent encore d'une éthique universelle qui transcenderait toute législation. Cette attitude n'est pas sérieuse.

M. Mahoux. -Je donne un autre exemple, aussi difficile à régler, qui est le problème de l'entretien de la toxicomanie. C'est un domaine où les évolutions ont été très importantes, avec des sanctions, peut-être justifiées, mais où on a parfois le sentiment de rencontrer des résistances soit dans la prise en charge des toxicomanes, soit dans les traitements de substitution.

C'est un peu dommage et il n'y a pas de raison que l'Ordre soit ultraconservateur dans des domaines qu'il doit normalement bien connaître. Excepté les toxicomanes, qui connaît mieux leurs problèmes que l'ensemble des praticiens ? Comment régler cette question ? Il faut qu'une loi stipule que les traitements de substitution sont autorisés pour que nous soyons quelque peu soulagés.

M. I. Uyttendaele. — C'est une bonne chose que M. Mahoux donne cet exemple. Nous avons une commission qui est chargée d'adapter le code en ce qui concerne le traitement de la toxicomanie. Mais nous attendons l'arrêté royal.

M. G. Popelier. — Pour qu'un code puisse être efficace, il faut qu'il soit obligatoire et que son non-respect soit assorti de sanctions. Pourquoi l'Ordre n'a-t-il jamais pris d'initiatives en vue de rendre le code obligatoire ?

Mme Van de Casteele. — L'ordre a lui-même fait la demande. Si on ne l'impose pas maintenant, le code ne sera pas contraignant dans le futur. On pourrait toutefois décider que le Roi rend le code obligatoire dans un délai déterminé.

M. Mahoux. — Il est fondamental qu'il le soit.

Mme Van de Casteele. — J'ai compris que si le code reçoit force obligatoire, on pourra s'y référer dans les motifs d'un avis ou dans le cadre de procédures disciplinaires. Cela améliorera sans doute la transparence, la clarté et la sécurité juridique.

M. P. Cosyns. — C'est exact, mais il faudra veiller aussi à ne pas le rendre rigide au point d'empêcher toute adaptation ultérieure.

M. I. Uyttendaele. — Dans le texte, on parle du Conseil des ministres, pas de la loi.

Nous devons rester prudents. Le code n'est qu'un fil conducteur et ne doit pas, selon moi, devenir une sorte de code pénal. Il est aussi tenu compte de la situation concrète.

M. G. Popolier. — Je ne suis pas d'accord.

Mme Van de Casteele. — Les juristes que nous avons entendus ce matin sont pourtant demandeurs.

M. Mahoux. — Il est évident que les juristes de l'Ordre sont demandeurs. En fait, ce sont des juges et non des médecins qui siègent au Conseil, ce que d'aucuns critiquent, et ils souhaitent pouvoir prendre des décisions en s'appuyant sur une base solide. Cependant, ils n'ont pas d'assesseurs.

Il y a des juridictions à plusieurs juges dont l'un est magistrat et prend des décisions en se basant sur un code déontologique qui n'a qu'une valeur indicative. Faut-il suivre le juge qui souhaite disposer d'une base plus solide ? Ou faut-il continuer à réglementer la pratique de la profession à l'intérieur de l'Ordre en s'appuyant sur un texte indicatif qui constitue une référence sans remplacer la loi et les arrêtés royaux ?

M. G. Popelier. — Le code existe et il est appliqué indirectement, ce qui procure à la personne qui doit comparaître devant l'Ordre un grand sentiment d'insécurité. Que signifie l'expression « contraire à l'honneur et à la dignité » ? L'intéressé demande de quoi il est accusé exactement, quelle faute concrète il a commise. L'existence d'un code contraignant donne une sécurité juridique aux personnes qui se voient infliger une sanction.

M. Mahoux. — D'une part, il faut à tout le moins supprimer certaines dispositions et imperfections incroyables de ce Code de déontologie, qui indique les grandes tendances à suivre. Que des gens puissent déterminer ce qui est correct ou non, ce qui est compatible ou non avec l'honneur médical, me semble tout à fait inacceptable.

D'autre part, il faut rendre les règles plus précises. Cela signifie que l'on se référera à un texte clair pour tous, vis-à-vis duquel le pouvoir d'interprétation ne sera pas trop important, mais qui n'aura pas nécessairement une valeur juridique aussi contraignante qu'un arrêté royal ou une loi.

Mme Van de Casteele. — Selon moi, notre collègue Mahoux interprète la compétence de l'Ordre de manière très restrictive, en la limitant à la profession elle-même. Pourtant, pendant le débat de ce jour, il a été relevé que l'Ordre devait également défendre un intérêt général. Dans ce cadre, je renvoie à une résolution du Parlement européen qui précise ce qui peut être réglementé dans une profession et en donne les raisons.

Dans ses conclusions, le Parlement européen affirme que « , d'un point de vue général, des règles sont nécessaires, dans le contexte spécifique de chaque profession, notamment des règles portant sur l'organisation, les qualifications, l'éthique professionnelle, le contrôle, la responsabilité, l'impartialité et la compétence des membres d'une profession, ou des règles visant à prévenir les conflits d'intérêts ou la publicité mensongère, pourvu qu'elles veillent à ce que le consommateur final dispose des garanties nécessaires en matière d'intégrité et d'expérience, et qu'elles ne constituent pas des restrictions de concurrence ».

Cette conclusion décrit très bien les domaines sur lesquels peuvent encore porter des codes déontologiques dans chaque profession libérale, et elle vaut a fortiori pour les professions de la santé, qui revêtent une importance sociale énorme.

M. Vankrunkelsven — Ne pourrait-on pas résoudre le problème de l'impossibilité de se référer au code en supprimant, dans la loi, l'obligation d'entériner celui-ci ? Le code deviendrait ainsi un guide subordonné aux lois en vigueur.

M. Mahoux. — Ce que vous dites s'applique au meilleur des cas. Vous parlez d'une résolution du Parlement européen. Je voudrais attirer votre attention sur les intentions de la Commission européenne à l'égard de tous ceux — médecins, avocats, psychologues, architectes, géomètres, etc. — qui exercent une profession libérale. Comme elle a une vision de liberté totale, la Commission a tendance à empêcher l'élaboration de règles — relatives à la publicité, aux honoraires, etc. — dans les structures de type professionnel. Les médecins se sentent probablement moins concernés, mais il faut quand même rester vigilant.


Auditions du 17 mars 2004

— MM. Willy Baeyens et Jacques Hanot, présidents, Mme Anne Leenesonne, vice-présidente, du Conseil national de l'Ordre des Pharmaciens, et M. Van Maercke, directeur du Secrétariat national de l'Ordre des Pharmaciens;

— Mme Anne Lecroart, secrétaire général francophone de l'Association pharmaceutique belge APB;

— M. Peter Declercq, représentant de la Société belge des pharmaciens spécialistes en biologie clinique;

— M. Marc-Henri Cornély, secrétaire de l'Ophaco (Office des Pharmacies Coopératives de Belgique);

— M. Ludo Willems, représentant de l'Association belge des Pharmaciens hospitaliers.

M. Jacques Hanot. — L'Ordre des Pharmaciens a été créé par le législateur en 1949 et est actuellement régi par l'arrêté royal nº 80 du 10 novembre 1967.

Depuis quelques années déjà, le Conseil national de l'Ordre des Pharmaciens a pris conscience, d'une part, de la nécessité d'adapter les structures existantes de l'Ordre aux besoins de la société contemporaine et, d'autre part, de l'utilité d'une reformulation des règles professionnelles pharmaceutiques énoncées dans le code de déontologie, dans un contexte plus moderne et actualisé, tout en tenant compte des directives européennes.

La commission pour la reformulation du code de déontologie, créée au sein du Conseil national, achève actuellement un travail intensif, entamé depuis trois ans, afin d'aboutir aux textes définitifs du nouveau code. Fin 2004, nous serons donc en mesure de présenter à nos membres un code de déontologie pharmaceutique actualisé et moderne.

La structure et les missions de l'Ordre ont déjà fait l'objet de plusieurs propositions de loi. Certaines propositions envisageaient sa suppression, tandis que d'autres prévoyaient de remplacer l'Ordre par un Conseil supérieur pour l'éthique et la déontologie des Professions de la Santé.

Dans la proposition de la sénatrice Annemie Van de Casteele, soumise à notre avis aujourd'hui, le Conseil national de l'Ordre des Pharmaciens retrouve à peu près tous les éléments essentiels qu'il estime être indispensables et utiles pour atteindre l'objectif désiré, c'est-à-dire l'adaptation des structures de l'Ordre aux besoins actuels de notre société. Cette proposition de loi reconnaît à juste titre la raison d'être et l'utilité de l'Ordre.

Essentiellement, l'Ordre doit défendre l'intérêt général, l'intérêt de la santé publique et, plus particulièrement, les intérêts spécifiques et individuels du patient en privilégiant la qualité des soins pharmaceutiques.

Il est évident que la réalisation de cet objectif nécessite une normalisation de la pratique professionnelle qui complète et affine les lois et les réglementations existantes.

L'Ordre est donc bien plus qu'une simple instance disciplinaire. Il développe le sens des responsabilités, l'intégrité, le tact et l'indépendance dans l'exercice de la profession de pharmacien, tout en visant aussi à assurer et promouvoir des qualités, comme la compétence, l'écoute du patient, l'engagement social et la communication ainsi que l'obligation essentielle de la formation continuée.

Par sa réglementation, l'Ordre protège les patients contre les pratiques commerciales excessives, la publicité trompeuse et la concurrence déloyale.

En Belgique, contrairement à plusieurs pays voisins et à d'autres États membres de l'Union européenne, il y a une séparation bien distincte entre la défense professionnelle relative aux intérêts financiers et matériels du pharmacien, prise en charge par les organisations professionnelles représentatives, et la mission de l'Ordre centrée sur la protection des intérêts du patient et cherchant à garantir des soins pharmaceutiques de qualité. Sa mission est aussi de défendre les intérêts moraux des pharmaciens. Il est donc difficile d'adresser à l'Ordre des reproches de confusion d'intérêts ou de corporatisme.

M. Willy Baeyens. — La proposition de loi comprend toute une série d'éléments importants que nous pouvons qualifier de très positifs.

Parmi ceux-ci, les principaux sont:

— le rajeunissement et la démocratisation de l'Ordre en tant qu'institution,

— la séparation entre compétence normative et compétence disciplinaire,

— la séparation entre l'enquête et l'appréciation dans une affaire disciplinaire,

— le respect des droits de la défense,

— le renforcement de la position du plaignant,

— la diversité accrue des mesures disciplinaires, la possibilité de sanctions conditionnelles ou alternatives et d'une réhabilitation,

— une plus grande transparence des activités de l'Ordre,

— l'obligation, pour le propriétaire non-pharmacien ou pour le pharmacien non inscrit au tableau de l'Ordre, de veiller à ce que les pharmaciens qu'il emploie puissent respecter le code déontologique dans leur officine.

En élaborant pour l'Ordre des pharmaciens une proposition de loi spécifique, sans établir de parallèle parfait avec l'Ordre des médecins, le législateur reconnaît clairement la spécificité de la fonction et de la mission sociale du pharmacien. Étant donné que ce dernier joue un rôle spécifique propre dans notre société et qu'il est la personne de confiance que le malade consulte très souvent en première ligne, il est opportun de prévoir à son égard des normes professionnelles et une structure d'ordre qui lui soient propres.

Les articles 4 et 7 de la proposition de loi prévoient la constitution d'un conseil distinct pour les pharmaciens non titulaires d'une officine.

Nous remarquons à ce propos que les pharmaciens hospitaliers sont également des pharmaciens d'officine et qu'ils doivent dès lors rester inscrits aux conseils provinciaux.

Les articles 12 à 15 introduisent une nouvelle structure, les conseils interprovinciaux, ce qui réduit et limite considérablement la compétence des conseils provinciaux en matière disciplinaire. Les conseils provinciaux n'inspirent manifestement pas toujours confiance.

La principale objection porte toutefois sur le fait que deux décisions seront prises au même niveau de la procédure. Le conseil interprovincial nous apparaît comme étant une structure hybride. Il est certain que le renvoi de plusieurs affaires disciplinaires devant ce conseil ne fera qu'alourdir et surtout retarder inutilement la procédure, ce qui n'est certainement pas opportun.

En ce qui concerne le respect des droits du patient, une structure spécifique de type conciliatoire, conforme à la loi d'août 2002, nous paraît plus efficace.

La composition du Conseil supérieur, qui correspond au Conseil national actuel, est fortement modifiée. Nous nous demandons quels sont les critères de désignation du spécialiste en déontologie. Le représentant des patients devra avoir des qualifications suffisantes et posséder les compétences nécessaires.

Nous déplorons que la proposition de loi ne prévoie pas explicitement la représentation de l'Université d'Anvers par un professeur de faculté.

Nous demandons également que les deux présidents du Conseil supérieur soient nommés par le Roi, sur proposition des membres des deux sections, comme on le prévoit d'ailleurs pour les vice-présidents pharmaciens.

L'article 22, § 5, assigne au Conseil supérieur une toute nouvelle mission. Après concertation avec les associations professionnelles les plus représentatives et avec la DG Médicaments et la DG Animaux, plantes et alimentation, le Conseil devra établir la liste des produits parapharmaceutiques pouvant être vendus en officine et devra à cet égard fixer les critères d'efficacité, de sécurité et de qualité auxquels ces produits devront répondre.

Pour pouvoir mener à bien une mission aussi large, il faudra mettre en place les structures nécessaires et préciser, dans un arrêté d'exécution distinct, comment seront financés les frais de fonctionnement et quelle sera la part des pouvoirs publics et des associations professionnelles dans ce financement.

Notons pour terminer que nous ne sommes pas favorables à la publicité obligatoire des débats pour l'instruction d'une affaire disciplinaire en premier ressort, en l'occurrence devant le conseil provinicial. En effet, elle ne servira pas toujours les intérêts du pharmacien assigné à comparaître devant le conseil, surtout si l'on tient compte de la présomption d'innocence.

Nous comprenons parfaitement que la proposition vise à une transparence maximale de la procédure disciplinaire. Nous adhérons parfaitement à ce principe, mais nous concluons également que la transparence a elle aussi ses limites.

Le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens est d'avis que, moyennant quelques adaptations et modifications, la proposition de loi à l'examen offre les garanties nécessaires pour procéder à une réforme rationnelle, positive et efficace des structures et missions de l'Ordre des pharmaciens. Nous vous demandons dès lors de bien vouloir soutenir la proposition de loi à l'examen.

Mme Lecroart. — Au nom des membres de l'APB, l'Association pharmaceutique belge, qui regroupe à peu près 90 % de l'ensemble des pharmaciens indépendants des officines accessibles au public, je tiens à vous remercier de m'offrir la possibilité d'exprimer notre point de vue sur la proposition de loi visant à réformer l'Ordre des pharmaciens. Je rappellerai tout d'abord que l'APB est une association professionnelle qui a pour objet l'étude, la promotion, la protection et la défense des intérêts professionnels du corps pharmaceutique.

L'APB organise et regroupe au niveau national les activités des associations professionnelles affiliées, en respectant à la lettre l'équilibre linguistique au sein de ses structures internes.

Dans les limites de ses compétences, elle a pour mission de représenter et de défendre les intérêts du corps pharmaceutique, et en particulier des pharmaciens d'officine, auprès des autorités nationales belges, des instances communautaires et régionales, des autorités de l'Union européenne, partout où la profession doit être représentée et défendue.

Contrairement à la situation qui prévaut dans certains pays, l'APB est un organe totalement indépendant de l'Ordre des pharmaciens. Par conséquent, le volet relatif à la défense des intérêts professionnels diffère du volet disciplinaire.

L'Ordre des Pharmaciens a fêté, il y a quelques années, ses 50 ans. Depuis les arrêtés royaux nº 79 du 10 novembre 1967 relatif à l'Ordre des Médecins et nº 80 du 10 novembre 1967 relatif à l'Ordre des Pharmaciens, la société a fortement évolué vers un libéralisme accru des professions de santé. Diverses propositions de modification des Ordres ont été faites depuis 15 à 20 ans. Sans les citer toutes, nous vous rappelons la proposition Brouns mais également le triptyque de propositions Colla et, plus récemment, la proposition de loi portant création d'un Conseil supérieur de l'éthique et de la déontologie des Soins de Santé, déposée par Mme Magda De Meyer et M. Jan Peeters.

Il y a aussi la proposition de mars 2001, déposée par Mmes Descheermaeker, Gilkinet et Wauters, allant dans cette même direction et reprise en partie le 2 septembre 2003 par Mmes De Meyer, Detiège et M. Peeters.

La création d'un Conseil supérieur pour l'éthique et la déontologie de la Santé, reprenant l'ensemble des professionnels de la santé, est une piste intéressante à ne pas rejeter et qui, d'ailleurs, n'est pas incompatible avec les différentes structures propres aux ordres professionnels.

En effet, dans le cadre des plates-formes de concertation entre les prestataires de soins — GLEM, GLEP, soins à domicile ...— une collaboration est devenue un élément essentiel pour la médecine actuelle. Le pharmacien a une place dans l'équipe des soins de première ligne. Ses missions évoluent et l'ont conduit à être un réel partenaire du système des soins en étant de plus en plus intégré dans les réseaux de santé constitués par les médecins, les paramédicaux et les hôpitaux, et qui contribuent à améliorer l'efficacité et la sécurité des soins. Au sein de ces réseaux, les pharmaciens apportent leurs compétences à la recherche du soin le plus adapté. Le soin pharmaceutique trouve donc toute sa valeur et tout son intérêt dans cet exercice en équipe.

Depuis des années, l'Ordre des Pharmaciens fournit un travail important et efficace. Son fonctionnement n'a jamais soulevé de remous, ni de la part du corps pharmaceutique, ni de la part de l'opinion publique. C'est donc dans un esprit serein que l'Ordre des Pharmaciens accomplit sa mission. Il est nécessaire pour garantir l'intérêt public dans le domaine de la santé.

L'élaboration du code de déontologie, qui précise les principes généraux et les règles indispensables à l'exercice de notre profession, permet aux pharmaciens d'exercer leur profession dans un respect mutuel, de préserver la qualité des soins et de protéger le patient de pharmaciens peu scrupuleux.

Le patient doit être au centre de nos préoccupations aujourd'hui. C'est dans et pour l'intérêt du patient que nous devons aussi maintenir en place l'Ordre. Nous devons, en effet, garantir l'accessibilité aux soins et leur qualité. Ces objectifs ne peuvent être atteints que si tous les pharmaciens respectent des principes éthiques et déontologiques.

C'est dans un esprit très constructif que l'Association pharmaceutique belge accueille le projet de loi de réforme de l'Ordre des Pharmaciens. En effet, la dernière réforme en profondeur date du 10 novembre 1967. Une modernisation était donc nécessaire. Par ailleurs, une réforme de l'ordre en vue de le rendre plus démocratique et plus transparent est certainement un souhait des pharmaciens de terrain.

La présente proposition améliore la situation actuelle de la réglementation relative à l'Ordre des Pharmaciens sans la changer fondamentalement. En effet, si l'Ordre doit effectivement être modernisé, il existe néanmoins une base valable qui peut rester telle quelle.

L'évolution imposant aux professions libérales une plus grande concurrence, suite aux prises de position de la Commission européenne, confirmées notamment par l'arrêt de la Cour de cassation du 7 mai 1999, permet cependant au législateur de veiller à ce que les tâches d'intérêt général qu'il confie aux ordres professionnels, soient définies de façon précise et contraignante.

La présente proposition s'efforce de mettre un terme aux incertitudes qui frappent les agissements des ordres professionnels au regard du droit de la concurrence tout en mettant le patient au centre des préoccupations. En effet, certaines limites doivent être établies et doivent être respectées par la profession afin de garantir aux patients, notamment, des produits de qualité, un service continu de délivrance des produits et un suivi thérapeutique renforcé par des conseils avisés.

Les pharmaciens d'officine connaissent actuellement un malaise grandissant. D'un côté, ils sont des acteurs importants dans les soins de santé et, d'un autre côté, ils sont soumis à des pressions de firmes, de publicitaires, etc. L'Ordre des pharmaciens a un rôle à jouer en faveur du patient -afin d'éviter que celui-ci ne soit tenté par des publicités trompeuses inexactes — en donnant le conseil adéquat au pharmacien, lequel pourra ensuite répercuter ledit conseil auprès du patient.

Parmi l'ensemble des modifications présentées dans cette proposition, nous retiendrons particulièrement les points suivants:

D'abord, le rajeunissement des termes utilisés: « Art pharmaceutique » « Artsenijbereidkunde ». En effet, surtout en néerlandais, ce terme n'est plus approprié puisqu'il se limite aux « préparations ». Or, le pharmacien remplit de plus en plus un rôle d'acteur important dans le cadre de la prévention et du suivi thérapeutique. Aussi, la proposition de rajeunir ces termes par « Farmaceutische zorg » nous paraît une excellente idée.

Il est important de garder le premier échelon, à savoir les conseils provinciaux. En effet, si les règles de déontologie doivent être communes à tous les pharmaciens, des différences sensibles peuvent exister dans l'interprétation de ces règles, selon que l'on est en milieu rural ou urbain, par exemple. Ainsi, dans le cadre du rôle de garde, l'on tiendra compte, dans l'établissement des règles, de l'insécurité importante des pharmaciens dans les grands centres urbains. Il est également important que les conseils provinciaux servent de relais dans le cadre de l'information, tant au niveau du patient qu'au niveau des pharmaciens.

Les conseils interprovinciaux peuvent trouver leur utilité dans une uniformisation des sanctions appliquées pour des faits identiques. Si ceux-ci trouvent leur utilité dans l'Ordre des médecins, ce nouvel organe n'est cependant pas indispensable pour l'Ordre des pharmaciens.

Notre crainte est que la création de ce nouvel organe ne ralentisse les procédures déjà assez longues et lourdes. Le respect d'un délai raisonnable dans la procédure doit être un objectif à atteindre. En effet, il convient que cet échelon supplémentaire ne soit pas utilisé par certains comme moyen dilatoire au détriment de la santé publique et de la déontologie, en permettant la poursuite d'une pratique contestée.

Certains termes généraux lourds et désuets sont rajeunis. Ainsi, dans le cadre des procédures disciplinaires, la réglementation actuelle prévoit que les conseils provinciaux veillent à « l'honneur et à la dignité de la profession ». Par cette proposition, les conseils provinciaux seront amenés à s'axer sur la compétence professionnelle des pharmaciens, le tact, l'intégrité et un comportement responsable, notions actuelles, acceptées d'ailleurs par le Parlement européen dans la résolution du 16 décembre 2003.

Les propriétaires non pharmaciens peuvent être appelés à s'exprimer devant les instances de l'Ordre, et le conseil provincial jouera un rôle de médiateur. Le pharmacien titulaire doit garder son indépendance et ne peut pas être soumis à des contraintes commerciales. En effet, dans la pratique, nous constatons régulièrement que quelques propriétaires peu scrupuleux profitent du fait que seul le pharmacien titulaire est responsable aux yeux tant de la réglementation santé publique-affaires sociales que de la déontologie. Ils imposent des choses aux titulaires ou font à leur insu des actes condamnables. Ces titulaires se retrouvent condamnés pour des actes qu'ils n'ont pas commis ou qu'ils ont commis sous la contrainte morale du risque de perdre leur emploi. La présente proposition vise à responsabiliser ces propriétaires et à les informer des conséquences graves des actes commis ou qu'ils risquent de commettre. Cette mesure doit renforcer et garantir l'indépendance et la responsabilité du pharmacien titulaire.

Dans le même sens, l'insertion de l'article 12bis de l'arrêté royal nº 78 du 10 novembre 1967 obligeant le détenteur d'autorisation à mettre les moyens à la disposition du pharmacien pour que celui-ci puisse respecter et correctement appliquer la réglementation pharmaceutique, les règles de bonne pratique élaborées par le ministre ou la profession ainsi que les règles de déontologie établies par l'Ordre des pharmaciens, nous paraît un élément essentiel, et cela d'autant plus que ce type de réglementation existe déjà pour d'autres professions paramédicales qui peuvent également connaître des tensions entre les propriétaires et les prestataires de soins.

Au sein de l'Ordre des pharmaciens est créé un conseil pour les pharmaciens ne travaillant pas dans une officine ouverte au public. II est certain que les problèmes rencontrés par les pharmaciens d'industrie ne sont pas les mêmes que ceux des pharmaciens d'officine ou des pharmaciens biologistes.

Pour les pharmaciens d'officine hospitalière, nous rappelons que les règles de délivrance applicables sont les mêmes que celles des pharmaciens d'officine ouverte au public et cela se justifie d'autant plus que les pharmaciens d'officine hospitalière délivrent de plus en plus de médicaments à des ambulants, que ce soit dans le cadre de collectivités ou dans le cadre de la sortie de l'hôpital. Cet organe propre est une demande des pharmaciens concernés.

Pour le Conseil supérieur, j'attire votre attention sur une tâche qui nous paraît essentielle, à savoir créer une commission de la parapharmacie. Cette demande a déjà été formulée à plusieurs reprises tant par les ministres et le ministère de la Santé publique que par les pharmaciens. En effet, les pharmaciens se retrouvent confrontés à des produits qui leur sont imposés par les distributeurs et par la publicité qui en est faite alors qu'ils n'ont pas leur place en pharmacie, qu'ils n'ont pas les qualités suffisantes, pas d'effets prouvés, etc.

Cette commission devrait élaborer une liste de critères qui servirait de base pour justifier la présence ou non d'un produit parapharmaceutique en officine. Ces critères pourraient être les suivants:

— Le produit doit absolument être en ordre avec la réglementation;

— Le produit doit satisfaire à des conditions d'efficacité, de sécurité et de qualité;

— Le produit doit également présenter une valeur ajoutée au niveau de la santé publique.

Cette commission pourrait également émettre un avis sur la présence souhaitée ou non d'un certain produit en pharmacie — je vous rappelle pour mémoire la longue histoire du Dynasvelt — et transmettre l'avis aux pharmaciens pour information.

La proposition laisse la responsabilité finale au pharmacien mais lui donne la possibilité de faire son choix sur la base de critères et/ou d'avis établis par cette commission. Il est important d'associer tant les pharmaciens de la base que les instances officielles à l'élaboration de ces critères.

Pour terminer, nous souhaiterions que la procédure prévue pour donner une force obligatoire au Code de déontologie soit assouplie: passer par un Conseil des ministres nous semble être lourd et inutile. En effet, il est parfois nécessaire de prendre rapidement des dispositions.

M. Marc-Henri Cornély. — Pour l'Office des pharmacies coopératives de Belgique, il importerait de déterminer les objectifs, la finalité et le substrat de l'activité d'une institution, avant toute révision de ses structures de fonctionnement. Nous sommes heureux d'apprendre la préparation d'un code de déontologie. Néanmoins, l'Office des pharmacies coopératives de Belgique aurait préféré que soit d'abord menée une réflexion sur la correspondance et la complémentarité entre les règles de déontologie et les principes de respect, par les pharmaciens, des lignes directrices des bonnes pratiques de dispensation et de préparation des médicaments, dans l'intérêt des patients et de la santé publique.

L'Office des pharmacies coopératives de Belgique plaide pour qu'une révision de la déontologie des pharmaciens soit assurée en priorité, avant l'élaboration des structures. L'Office propose à cet effet de procéder à une bonne analyse du contexte actuel. La remise en cause de la déontologie actuelle, à laquelle on assiste depuis plusieurs années, génère une situation de controverse et de déstabilisation engendrant des points de vues excessifs et extrêmes. Certains réagissent par un raidissement, un réflexe de défense de l'Ordre et de la déontologie alors que d'autres sont tentés par une fuite en avant.

La position de principe de l'OPHACO consiste à poser certaines exigences, dans ce contexte où règnent beaucoup d'a priori, de malentendus et de méfiance. Il faut avoir le courage de dresser un constat critique et d'émettre une proposition de déontologie.

Notre postulat de départ est que le pharmacien, en tant qu'acteur de santé publique, exerce une profession d'intérêt général. À ce titre, il doit être soumis à une déontologie, c'est-à-dire à un ensemble de devoirs propres à la profession, à une certaine conception des règles régissant les relations entre les membres de la profession. Pour l'OPHACO et pour chacun d'entre nous, le pharmacien est un prestataire de soins au service des patients et de la population.

Nous faisons également un constat critique vis-à-vis du passé. Les normes de déontologie — règles et communications — édictées par l'Ordre national des pharmaciens et la pratique judiciaire des conseils provinciaux, comme celle des conseillers d'appel, montrent que la préoccupation la plus fréquente consiste en la volonté d'interdire et de réprimer tout acte qui pourrait être interprété comme une concurrence entre pharmaciens. L'Ordre est donc souvent apparu comme une institution qui poursuit un objectif essentiellement économique et qui protège la profession de pharmacien des conséquences de la concurrence. Nous constatons donc une déviation par rapport au but qui doit être poursuivi: la sauvegarde de la santé publique et la protection des intérêts légitimes des patients. Tout cela a débouché sur un projet essentiellement économique et protecteur de la profession, dans un sens que l'on peut qualifier de corporatiste.

Pour l'OPHACO, la concurrence entre pharmaciens existe, qu'on le veuille ou non. Elle ne peut être purement et simplement interdite dans la mesure où le pharmacien est un entrepreneur au sens de la loi du 5 août 1991 sur la protection de la concurrence économique. Cette concurrence est, dans certaines limites, dans l'intérêt des patients. Interdire la concurrence entre les pharmaciens ou y mettre des entraves est donc à la fois irréaliste, illégal et contraire aux intérêts des patients. Cela ne signifie pas que l'on ne peut mettre de limites à l'exercice de cette libre concurrence, mais elles doivent être uniquement inspirées par des exigences de santé publique et par l'intérêt des patients. C'est d'ailleurs en ce sens que s'est prononcée la Cour de cassation, notamment dans son arrêt du 7 mai 1999.

La proposition de notre organisation vise à définir tout d'abord la mission de l'Ordre et à formuler de nouvelles règles de déontologie en partant du postulat de départ que j'ai cité. On pourra dès lors élaborer des structures correspondant à l'objectif. Dans cette optique, les devoirs du pharmacien sont tout d'abord et avant tout des exigences professionnelles, relatives à la manière d'exercer le métier vis-à-vis des patients. Ces devoirs sont d'ailleurs également liés à la raison qui justifie le monopole légal des pharmaciens sur la dispensation des médicaments: une exigence de compétences et un service de qualité.

Il s'agit d'un vaste champ qui, jusqu'à présent, a certes été abordé de temps à autre par l'Ordre au travers de certaines communications mais qui nous semble avoir été très largement sous-exploité. En outre, selon nous, en recentrant les préoccupations de l'Ordre sur ces matières, on répondrait à la question de savoir si certaines règles propres à la profession doivent être édictées et si leur respect doit être assuré par une instance émanant de la profession elle-même ou par l'autorité de tutelle. En effet, les professionnels eux-mêmes ne sont-ils pas les mieux placés pour apprécier les exigences liées au contenu technique et qualitatif de la profession ?

C'est pourquoi l'OPHACO formule une proposition exemplative de dix règles de déontologie qui pourraient contribuer à l'élaboration du Code de déontologie qu'on nous promet. Cette proposition ne prétend pas faire le tour du problème de manière exhaustive.

Certaines matières ne sont pas traitées dans l'énoncé des dix règles exemplatives, non que nous n'ayons pas voulu couvrir ces matières, mais parce que leur traitement résulte en réalité de l'application combinée de plusieurs des règles proposées. Ainsi en est-il de l'obligation de participer au rôle de garde qui est, à notre sens, la conséquence de l'obligation de disponibilité du pharmacien et de celle de confraternité. Il en est de même des limites à l'exercice de la libre concurrence qui résultent des obligations d'accueil et de conseil, de dignité et de confraternité.

Permettez-moi de vous les citer: l'obligation de compétence, l'obligation de disponibilité, l'obligation de qualité des installations, l'obligation de qualité des produits dispensés, l'obligation d'accueil et de conseil, l'obligation de responsabilité, l'obligation de dignité, l'obligation de confraternité, la prohibition de certaines conventions ou ententes et, enfin, l'obligation de respect de la législation et de la réglementation.

De la proposition qui est déposée, je retiendrai le point relatif à l'obligation, pour le pharmacien titulaire non propriétaire, de notifier le contenu de son contrat à l'Ordre des pharmaciens. Nous souhaiterions obtenir des éclaircissements sur cette proposition. Nous indiquons simplement que toute officine est placée sous la responsabilité d'un pharmacien titulaire. La réglementation de la Santé publique, des Affaires économiques, des Affaires sociales et le droit général doivent contribuer à faire de cette déclaration une réalité. Le pharmacien titulaire est donc le responsable effectif de l'application des dispositions légales relatives aux bonnes pratiques de préparation et de dispensation des médicaments. Il est impératif que le pharmacien titulaire dispose des moyens et de l'autonomie nécessaires en vue d'assurer cette responsabilité, quel que soit le statut d'exercice et quelle que soit la forme juridique de l'exploitation de la pharmacie.

M. Ludo Willems. — La proposition de loi créant un Ordre des Pharmaciens a été traitée avec l'attention nécessaire par les dirigeants de l'Association belge des pharmaciens hospitaliers.

Pour les pharmaciens hospitaliers aussi, l'Ordre des Pharmaciens est une instance officielle qui veille à l'éthique des soins pharmaceutiques dispensés aux patients par les pharmaciens. Cela comprend une protection tant du pharmacien que de la mission sociale que représente la dispensation de soins pharmaceutiques.

Par le passé, la valeur ajoutée de l'Ordre pour la pharmacie hospitalière était plutôt limitée. Or, si l'on définit correctement ses missions, l'Ordre offre des possibilités beaucoup plus étendues, tant pour le patient que pour la société et le pharmacien hospitalier.

Cela tient peut-être au fait que la pharmacie hospitalière est moins connue. Trop souvent, la pharmacie hospitalière est assimilée à l'art pharmaceutique exercé dans une officine accessible au public. Les médicaments, les patients et les dispensateurs de soins sont certes comparables, mais l'environnement et les missions sont complétement différents.

Le secteur hospitalier est caractérisé par une grande multidisciplinarité. Tous les dispensateurs de soins et le personnel hospitalier collaborent dans un cadre commun afin de soigner le patient de façon optimale. Ce cadre est géré par la direction de l'hôpital.

On attend de tout dispensateur de soins qu'il se consacre au patient dans le respect de la législation et conformément à l'état actuel de la médecine et des arts infirmier et pharmaceutique. Dans ce contexte, le pharmacien hospitalier s'occupe de fournir au patient des médicaments, du matériel stérile et des implants. Il est le garant de la continuité de ces soins par une bonne gestion des achats et des stocks, une bonne distribution, toutes sortes de possibilités de préparation, un service de garde et une facturation correcte. Plusieurs activités se sont développées significativement ces dernières années: la préparation de médicaments en vue de leur administration, l'évaluation et le suivi des pharmacothérapies dans les services par les pharmaciens hospitaliers sur place, et l'importance accrue du Comité médico-pharmaceutique de l'hôpital. Toutes ces activités visent à optimaliser la qualité des soins pharmaceutiques pour chaque patient au niveau individuel. Toutes ces missions figurent d'ailleurs dans l'arrêté royal du 4 mars 1991 fixant les normes auxquelles une officine hospitalière doit satisfaire pour être agréée.

Un lourd faisceau d'attentes repose donc sur les épaules du pharmacien hospitalier. Mais pour pouvoir répondre quotidiennement à ces attentes, il faut qu'il dispose des moyens nécessaires à cet effet. Et c'est là que parfois le bât blesse. En effet, le pharmacien hospitalier est un dispensateur de soins salarié qui travaille dans le cadre d'une relation employeur-employé, laquelle constitue souvent une entrave au bon exercice de la profession de pharmacien hospitalier. Cela veut dire en d'autres termes que son indépendance subit des atteintes fréquentes, ce qui peut avoir des répercussions sur la qualité des soins. Combien de fois le pharmacien hospitalier n'est-il pas mis sous pression pour l'inciter à contourner certaines démarches légales pour des raisons d'ordre financier ou organisationnel. Dans de telles circonstances, il ne lui reste plus qu'à accepter la situation et à en faire éventuellement dresser procès-verbal, à moins qu'il n'en tire ses conclusions.

C'est la raison pour laquelle les pharmaciens hospitaliers demandent d'accorder toute l'attention nécessaire à l'article 24 qui traite du code. Le code doit énoncer clairement que le pharmacien hospitalier doit pouvoir exercer sa profession en toute indépendance dans le respect de la législation en vigueur et des arrêtés des 19 octobre 1978 et 4 mars 1991, conformément au mode actuel de dispensation des soins pharmaceutiques et aux besoins des patients. Il est interdit au titulaire de l'agrément, en l'occurrence les gestionnaires hospitaliers, de mettre cette indépendance en péril.

Par conséquent, l'Ordre doit lui aussi veiller à ce que le pharmacien hospitalier soit en mesure d'exercer pleinement sa profession, dans le cadre d'un contrat de travail correct et moyennant une rémunération équitable, et à ce qu'il en soit effectivement ainsi.

Un deuxième élément concerne leur « nombre ». Le nombre de pharmaciens hospitaliers est plutôt limité par rapport au nombre de pharmaciens qui exercent dans des officines accessibles au public. De ce fait, il n'est pas aisé pour cette catégorie de pharmaciens d'avoir des représentants élus lors des élections. C'est pourquoi l'Association belge des pharmaciens hospitaliers souhaite que l'article 9 prévoie qu'au moins un siège est réservé à un pharmacien hospitalier dans les conseils provinciaux. Il faut aussi qu'au moins un membre du Haut Conseil — article 25 — soit un pharmacien hospitalier. Toutefois, nous partons bien de l'hypothèse que les pharmaciens hospitaliers font partie des conseils provinciaux et n'ont donc pas leur place au conseil de l'Ordre des pharmaciens exerçant hors officine. Il conviendrait de clarifier le texte sur ce point.

Enfin, en ce qui concerne les pharmaciens hospitaliers, il subsiste encore quelques imprécisions à l'article 4. En effet, celui-ci prévoit que le titulaire doit être inscrit au tableau de la province dans laquelle la pharmacie est établie et que le pharmacien remplaçant ou en second et le pharmacien hospitalier sont inscrits au tableau de la province dans laquelle ils ont leur domicile. Est-ce à dire que le pharmacien hospitalier titulaire doit être inscrit au tableau de la province où il a son domicile ou qu'il doit être inscrit au tableau de la province où la pharmacie hospitalière est établie ?

Dans ce même article, il est également question d'officine. Cette dénomination est-elle légale ? Les dénominations « pharmacie ouverte au public » et « pharmacie hospitalière » sont légales. La dénomination « officine » utilisée dans le texte à l'examen porte-t-elle sur les deux types de pharmacies ?

Les pharmaciens hospitaliers espèrent que la proposition de loi en discussion donnera un nouvel élan à l'Ordre des pharmaciens et, partant, permettra de garantir une meilleure protection pour le pharmacien hospitalier et pour les prestations de soins pharmaceutiques et ce, dans l'intérêt du patient et de la société.

M. Peter Declercq. — Nous sommes d'avis que la proposition de loi comporte bon nombre de choses intéressantes, comme le rajeunissement, l'ouverture et la transparence, mais il y a certains aspects sur lesquels nous nous interrogeons.

Ainsi, la distinction entre pharmaciens d'officine et pharmaciens exerçant hors officine n'est pas claire. Si les pharmaciens hospitaliers sont rangés eux aussi dans la catégorie des pharmaciens d'officine, alors les pharmaciens exerçant hors officine ne représenteront plus qu'un groupe relativement restreint. Pourra-t-il dans ce cas atteindre une masse critique suffisante lui permettant de disposer de sa propre structure ? Nous sommes d'avis en revanche que dans la structure actuelle, les pharmaciens biologistes cliniques ne sont pas correctement représentés.

Une autre question que nous nous posons porte sur l'utilité des conseils interprovinciaux. Sont-ils bien nécessaires ? Ne rendent-ils pas la structure inutilement complexe ?

Par ailleurs, nous demandons que l'article 44 soit clarifié. Il est formulé de manière trop vague dans la proposition.

M. Vankrunkelsven. — L'exposé des médecins à propos du projet relatif à un Ordre des médecins a montré qu'il existe un important courant de pensée qui plaide en faveur du regroupement des divers ordres — tels ceux des médecins, des pharmaciens, des avocats, des architectes — dans un tronc commun sur lequel pourrait se greffer un projet spécifique pour les divers groupes professionnels. Les pharmaciens seraient-ils d'accord pour constituer une sous-section dans le cadre d'un projet si vaste relatif aux ordres, ou préféreraient-ils conserver leur ordre propre, moyennant quelques adaptations à la réglementation ?

En tant que médecin, il m'arrive parfois de constater une opposition entre les pharmaciens hospitaliers et les pharmaciens d'officine classiques. Les médecins ont du mal à admettre que les patients auxquels ils ont prescrit certains médicaments génériques reviennent quelquefois, après un passage par l'hôpital, avec d'autres médicaments qui ne sont le plus souvent pas génériques. L'Ordre ne devrait-il pas clarifier la situation ?

Mme Lecrouart. — Chaque profession a des caractéristiques concrètes et spécifiques. Dès lors, créer un seul ordre ne me semble pas une idée pertinente. Nous sommes ici, tous, avec l'objectif de réformer les divers ordres. La situation est en effet complexe même au sein d'un ordre qui ne regroupe que les membres d'une seule discipline. À l'APB, nous ne pensons pas que regrouper toutes les disciplines en un seul ordre chargé de la déontologie soit une piste à suivre. Cependant, quant à l'éthique, j'estime que la création d'un comité d'éthique qui réunirait tous les professionnels de la santé est envisageable. Il faut néanmoins bien distinguer l'éthique et la déontologie.

M. Hanot. — Nous sommes interpellés en tant que représentants de l'ordre par diverses interventions.

Lorsque je lis la proposition de règles de déontologie de notre confrère Cornély, je vois compétence, disponibilité, qualité des installations, qualité des produits dispensés, accueil et conseil, responsabilité, dignité, confraternité, prohibition de certaines conventions et ententes, obligation de respect de la législation et de la réglementation. C'est tout le canevas du code de déontologie. Je me permets néanmoins de souligner que nous ne trouvons là nulle part repris l'intérêt du patient et celui de la santé publique. Or, il s'agit de l'ossature essentielle du code de déontologie.

Il n'y a pas à s'étonner de la préparation d'un code. Il ne s'agit que d'un rajeunissement des règles de déontologie. Depuis la création de l'ordre en 1949, définir les principes et les règles de la déontologie fut sa mission essentielle. C'est ce que l'ordre s'est d'ailleurs appliqué à faire, notamment en adoptant et en rendant réglementaire le code de déontologie international de la Fédération des Pharmaciens depuis 1963.

M. Cornély a l'air de dire que les décisions de l'ordre sont prises en fonction de la défense d'intérêts économiques. Or, je l'ai aussi entendu dire que, dans certaines structures de la distribution des pharmaciens, il y avait à défendre prioritairement les principes de la concurrence économique. Je me pose dès lors la question: qui est le promoteur d'intérêts économiques ?

Enfin, nous avons rappelé que nous avions fêté notre cinquantième anniversaire, en 1999, sur le thème de la tradition et de la modernité. L'intérêt du malade, l'intérêt général, l'intérêt de la santé publique sont les éléments que nous devons respecter fondamentalement, mais dans un contexte de modernité.

Quant à la différence entre éthique et déontologie, nous estimons que l'éthique couvre les questions d'ordre général. Nous ne verrions pas d'un mauvais œil que les principes éthiques pour les professions de santé soient définis par une instance officielle, quel que soit son nom ou sa structure. Par contre, les règles déontologiques concernent essentiellement un exercice professionnel. Et qui mieux que les professionnels peut connaître l'exercice et les exigences de la profession ! Définir les règles et les meilleures pratiques de la profession doit relever des professionnels.

M. Ludo Willems. — Ce que vivent les médecins lorsqu'un patient quitte l'hôpital, nous le vivons, nous aussi, lorsque le patient y entre. Lorsque des patients sont hospitalisés de manière inopinée, ils n'ont généralement pas leurs médicaments avec eux. S'ils ont besoin de furosémide, par exemple, nous pouvons souvent leur en fournir mais pas forcément de la même marque. Notre choix en faveur d'une marque déterminée dépend des thérapies médicamenteuses prévues, lesquelles sont fixées par le comité médico-pharmaceutique dont j'ai parlé dans mon exposé. Les médecins et les pharmaciens qui composent ce comité choisissent les médicaments en fonction de leur molécule active. Ensuite, un nom de spécialité est donné au produit. Souvent, on privilégie les anciennes spécialités pharmaceutiques régulières ou classiques parce qu'elles sont disponibles sous la plupart des formes, à savoir en tablettes et en ampoules de divers dosages. Pour faire plaisir aux défenseurs des médicaments génériques, nous pourrions décider d'utiliser les médicaments génériques pour les formes orales et les médicaments classiques pour les autres formes. Ainsi, en cas de prescription de furosémide, par exemple, il faudrait que la personne chargée d'administrer le médicament sache s'il s'agit de furosémide ou de lasix. Cela créerait une grande confusion sur le terrain. C'est pourquoi on opte souvent pour les spécialités pharmaceutiques classiques. Si des problèmes de ce type ne se posent pas, il y a de nombreuses raisons d'opter quand même pour les médicaments génériques car ils présentent de grands avantages, à commencer par le conditionnement unitaire. À supposer que nous ayons opté par hasard pour le furosémide de la firme A alors que le médecin a prescrit celui de la firme B, un problème se posera de nouveau. Ces différences donneront donc lieu à des problèmes, tant à la sortie de l'hôpital qu'à l'admission. À l'hôpital, le patient prendra une petite pilule rouge, par exemple, alors qu'à la maison, il avait pris une petite pilule contenant la même molécule mais ayant une autre couleur.

M. Gosselinckx. — Au nom de l'actuel Conseil national des pharmaciens, je précise qu'il existe déjà pour le moment suffisamment de contacts informels et formels entre le Conseil national et l'Ordre des médecins, notamment par échange de courrier. D'ailleurs, le Conseil national siège dans le même immeuble que l'Ordre des médecins. Il n'est donc pas nécessaire de créer un nouvel organe pour chapeauter l'ensemble et de courir le risque d'organiser inutilement des réunions, entre autres avec l'Ordre des architectes. Je ne vois pas très bien quels problèmes éthiques nous aurions en commun avec les architectes. Laissons donc la situation telle qu'elle est et évitons de réglementer à l'excès.

Mme Van de Casteele. — Peut-être n'était-ce pas clair dans l'introduction mais ce que nous avons demandé, c'est non pas que les divers ordres collaborent, mais que l'on examine conjointement avec les divers ordres et groupes de professions libérales si un certain nombre de règles du jeu peuvent être communes à toutes les professions libérales afin d'éviter que les règles en question ne soient totalement différentes pour chaque groupe professionnel. L'objectif n'est absolument pas de prévoir des réunions communes sur une base structurelle, même si l'Ordre des médecins a admis qu'il y avait régulièrement des contacts avec d'autres professions libérales, y compris à propos des règles du jeu au sein des ordres, et que les problèmes font régulièrement l'objet de discussions communes. L'objectif n'est certainement pas d'aborder la problématique des pharmaciens conjointement avec les avocats et les architectes.

M. Willy Baeyens. — Il existe depuis des années une concertation quasi continue entre les divers ordres, notamment ceux des médecins, des pharmaciens, des juristes, des architectes, des vétérinaires. Ces rencontres ont uniquement pour but d'harmoniser les points de vue à propos des problèmes déontologiques.

Mon confrère Hanot s'y attelle et pourra commenter cet aspect de manière plus détaillée.

M. Jacques Hanot. — Je voudrais apporter une information complémentaire. Dans le cadre de l'harmonisation des règles de fonctionnement des ordres professionnels et des professions libérales en général, je signale qu'au Québec, par exemple, une loi-cadre, qui s'appelle le Code des professions, regroupe 41 ou 42 organisations professionnelles ou ordres professionnels où l'on retrouve non seulement les médecins, les avocats, les pharmaciens et les architectes mais aussi les kinésithérapeutes, les psychologues, les optimétriciens, etc. Ce n'est qu'en complément de cette loi-cadre que chaque ordre définit ses règles spécifiques. En l'absence de précisions, la loi-cadre est d'application.

Nous ne connaissons malheureusement pas une telle structure en Belgique, mais elle pourrait peut-être un jour se mettre en place au niveau européen.

Mme Van de Casteele. — En ce qui concerne la question de la nécessité d'avoir un ordre spécifique, nous avons entendu l'avis de l'APB. Je voudrais également entendre l'opinion de l'Ophaco, celle des pharmaciens hospitaliers et celle des biologistes cliniques.

M. Marc-Henri Cornély. — Mon organisation et moi-même pensons que la loi-cadre est un bon principe. L'avantage serait que le cadre général de l'éthique sociale se retrouve effectivement au niveau des différents ordres professionnels.

En ce qui concerne l'Ordre des Pharmaciens, sur un nombre limité de règles ayant trait au patient, il est possible que cette loi-cadre soit suffisante.

Il reste la question de la structure qui veillerait à l'application des différentes règles. En ce qui nous concerne, nous la voyons plutôt contributive et préventive de problèmes plutôt que distributrice de sanctions. Il est vrai qu'au niveau des pharmaciens, il faudra sans doute tenir compte de spécificités, quoique, par rapport à l'éthique sociale, ces dernières ne soient peut-être pas tellement différentes.

Nous défendons l'idée que les règles économiques, de santé publique, des affaires sociales, de l'ensemble des départements de l'État, doivent être suffisamment claires pour que l'Ordre s'occupe uniquement de l'éthique professionnelle, également par rapport à l'éthique sociale en général.

Nous ne sommes donc pas pour une structure qui se fonde avant d'avoir déterminé sa fonction. Je crois que le vrai dynamisme sera peut-être de mener cette réflexion de fond: faut-il encore un Ordre ? Notre réponse est affirmative par rapport à l'éthique. Si la structure est une machine à sanctionner, un Ordre spécifique me semble inutile.

L'idée du cadre général, qui va au-delà du socle commun, consiste peut-être à vaincre la crainte que la profession ne soit noyée par rapport à d'autres. Y a-t-il différentes formes d'éthique par rapport au patient ? Mais il est vrai que la profession d'architecte et celle de pharmacien sont éloignées l'une de l'autre.

M. Ludo Willems. — L'adoption d'une législation commune, comprenant quelques articles ou quelques chapitres communs et une partie spécifique pour chaque profession, est possible et j'y suis personnellement favorable. Je me demande seulement combien de temps il faudra pour que cette législation soit complètement mise au point. Voici donc ma réponse: en théorie, oui, en pratique, non.

En ce qui concerne la remarque portant sur la création d'un ordre commun, je pense qu'il vaut mieux ne pas avoir d'ordre du tout plutôt qu'avoir un ordre commun qui serait tellement lourd qu'il ne mènerait à rien. Nous examinons actuellement une nouvelle proposition susceptible d'entraîner un nouvel élan. Il faut que nous saisissions cette opportunité.

M. Peter Declercq. — À la question de savoir s'il doit exister un Ordre des pharmaciens, nous répondons sans le moindre doute par l'affirmative.

Mme Van de Casteele. — Je voudrais encore signaler à M. Cornély que nous ne partons évidemment pas d'un zéro. Il existe déjà un ordre. La proposition a précisément pour objectif de réorienter la « machine à sanctionner » de manière à ce qu'elle intègre d'autres aspects, tels que la prévention. Certaines modifications contenues dans la proposition dénotent justement la volonté d'opter autant que possible pour la prévention des conflits, d'où la préférence accordée aux conseils provinciaux, dont la mission première dans le cadre de cette proposition, tant pour les médecins que pour les pharmaciens, est de jouer un rôle de médiateur et de concilier les parties plutôt que de les sanctionner. La sanction n'a lieu qu'en dernier recours, et la décision en la matière est confiée à un conseil interprovincial qui doit veiller à une plus grande uniformité dans le traitement de certains problèmes.

M. Jacques Hanot. — Je voudrais que l'on ne fasse pas, par rapport aux propos de M. Cornély, de confusion entre des principes éthiques qui, pour moi, doivent être d'ordre général, notamment au niveau des professions de santé, et des règles strictement professionnelles. À ce niveau, le Conseil national de l'Ordre est chargé de définir les principes et les règles. Dans la structure actuelle, il y a l'appréciation de l'application de ces règles. C'est le rôle des conseils provinciaux.

Sans entrer dans d'abondantes statistiques, par rapport aux règles de déontologie et au nombre de pharmaciens, les fautes commises sont vraiment minimes. À l'heure actuelle, moins de 1 % des pharmaciens belges fait, en cours d'année, l'objet d'une procédure disciplinaire. Cela veut donc dire que 99 % des pharmaciens mènent leurs activités professionnelles dans la dignité, dans l'honneur et dans le respect du malade. Mais tout le monde sait que des règles sans sanctions sont inopérantes. C'est à cause des chauffards qui sévissent sur nos routes qu'il faut bien faire un code et prévoir des sanctions. La structure disciplinaire a sa place mais, compte tenu du nombre limité de problèmes traités devant l'Ordre, nous nous interrogeons sur la nécessité d'avoir une structure complémentaire à l'échelon interprovincial.

Mme De Schamphelaere. — J'ai compris que dans le cadre d'une politique éthique globale associant la société dans son ensemble, la volonté est principalement de contrôler le respect de la déontologie dans l'exercice de la profession de pharmacien proprement dite. Je pense qu'une des difficultés éventuelles en ce qui concerne l'exercice correct de la profession de pharmacien, plus que pour les autres professions libérales du secteur médical, se situe principalement au niveau de la dépendance. Le pharmacien est-il dépendant ou non des firmes pharmaceutiques, de l'hôpital, de la coopérative, du propriétaire, du corps médical ?

Dans le résumé, qui constitue en fait le fondement légal indiquant de quoi doit traiter le code de déontologie, les mots « l'honneur et la dignité de la profession » sont supprimés parce qu'ils semblent dépassés. La formulation est devenue plus contemporaine, notamment avec les notions de continuité des soins, de secret professionnel, etc. N'est-il pas utile que la notion d'« indépendance » soit reprise dans la définition légale comme une des valeurs déontologiques importantes qu'il convient de respecter dans le cadre de la profession de pharmacien ?

M. Willem Baeyens. — Tout diplômé universitaire exerçant une profession libérale, surtout si c'est dans le secteur médical et paramédical, doit exercer son travail en toute neutralité et au service du malade. Les pharmaciens possèdent la compétence nécessaire pour exercer leur profession et suivent régulièrement des formations dans l'intérêt de la santé publique.

M. Marc-Henri Cornély. -On a parfois l'impression que la « machine » est essentiellement justifiée par les lacunes énormes que comporterait la réglementation générale. Par exemple, dans le secteur de la santé publique, si des règles existent clairement en termes de bonnes pratiques, qu'elles sont assorties de procédures, de processus, de protocoles vérifiables et objectifs, où sont les lacunes à combler si ce n'est au niveau de l'éthique du comportement, d'une part, dans la relation entre les membres et, d'autre part, dans la relation entre les membres et la patientèle, sur un plan qui n'est plus strictement technique ?

En quoi consiste la mission de l'Ordre au-delà des dix petites règles que j'ai énoncées ? Pour moi, il n'est pas acceptable de laisser croire que la réglementation générale est par définition incomplète et qu'il faut absolument combler, par des mécanismes de régulation et de sanction, les trous béants que l'État laisserait dans la réglementation.

Les bonnes règles qui régissent les relations entre les membres d'une même profession et les relations entre ces membres et les patients sont déjà suffisamment riches quand il s'agit de vérifier la bonne activité de la profession et l'Ordre devrait contribuer à ce que la réglementation en matière de santé publique, d'économie ou autre puisse s'enrichir de règles générales par définition applicables à tous, que ce soit dans la pratique, dans les contrats. C'est là une contribution à la réglementation générale qui se rapproche de votre cadre général. Dans cette réglementation générale, subsistent des trous béants, notamment en termes de santé publique, au niveau de la pratique du pharmacien. Dois-je vous rappeler que notre profession est encore soumise à un arrêté de 1885 ? Certes, d'aucuns y travaillent. Des concepts européens existent; je pense aux bonnes pratiques, à la concurrence. S'agissant d'un secteur de la santé, une régulation est nécessaire: il faut contrôler l'usage des bonnes pratiques car le patient a droit à une sécurité générale ainsi qu'à une spécificité de contact avec le prestataire qu'est le pharmacien.

M. Vankrunkelsven. — Lorsque nous avons entendu les représentants de l'Ordre des médecins, un vif débat a été mené sur le principe de loyauté dans le droit disciplinaire. Cependant, si nous voulons ouvrir l'Ordre et, par exemple, rendre les délibérations publiques, nous risquons de déclencher un conflit.

Le pharmacien accusé est censé dire la vérité devant le tribunal disciplinaire de l'Ordre des pharmaciens. S'il doit par la suite comparaître devant le tribunal civil, sa déclaration est déjà connue, ce qui viole ses droits de défense.

Nous avons eu une discussion à ce sujet la semaine dernière, mais sans parvenir à trouver d'accord. Ainsi, certains médecins ont proposé d'abroger le principe de loyauté dans le droit disciplinaire. Mais il faut accroître dans ce cas les possibilités d'investigation du tribunal disciplinaire.

En tant que législateur, nous ne voyons pas très bien comment éviter ce conflit dans la législation. Quelles sont les solutions envisageables ? Est-il souhaitable d'abroger le principe de loyauté auquel un certain nombre de médecins n'attachent visiblement pas beaucoup d'importance ?

M. Janssen. — L'obligation de loyauté a été instaurée en raison de l'absence d'instance chargée des poursuites. Nous sommes donc dans l'obligation de l'imposer au pharmacien cité à comparaître. Si l'on pouvait élargir les possibilités d'investigation, on pourrait dégager une solution, mais je ne vois pas très bien comment faire.

Les conseils interprovinciaux me posent également problème. Il existe en effet deux juridictions de première instance. Si l'on veut tendre vers une certaine uniformité de la jurisprudence, je pense que les deux conseils d'appel sont là pour y veiller. Ils sont en effet composés paritairement, avec à leur tête un magistrat-président dont la voix est prépondérante. La plupart des décisions des conseils provinciaux qui ne semblent pas vraiment démocratiques sont systématiquement révoquées par les conseils d'appel.

Mme Van de Casteele. — Je constate que nous nous heurtons ici aux mêmes résistances et aux mêmes problèmes qu'en ce qui concerne les médecins. Nous devrons poursuivre la réflexion à ce sujet.

M. Vankrunkelsven. — M. Janssen avance effectivement une autre option en ce qui concerne les conseils interprovinciaux. Peut-être Mme Van de Casteele pourrait-elle rappeler la raison qui a présidé à la création de ces conseils, à savoir la volonté de créer une plus grande capacité de conciliation.

Je souhaiterais revenir un instant sur le problème de la loyauté et de la probité, auquel M. Janssen ne propose pas de solution dans l'immédiat. Il pense qu'il serait possible d'abroger le principe de loyauté si les possibilités d'investigation pouvaient être étendues. Qu'estime-t-il nécessaire pour ce faire ? Nous voulons éviter que ces possibilités soient étendues de manière excessive.

M. Janssen. — Je ne peux pas répondre maintenant à cette question. Le législateur doit élaborer une réglementation en la matière.

Mme Van de Casteele. — D'après ce que j'ai pu comprendre, M. Janssen n'est pas demandeur. D'une part, la responsabilité de l'instance d'investigation est plus grande si celle-ci se voit conférer davantage de moyens juridiques.

D'autre part, le principe de loyauté entraîne également des problèmes. Le pharmacien est censé dire la vérité. Ne faisant l'objet de pratiquement aucun contrôle, ce principe est en quelque sorte une coquille vide, à moins que M. Janssen ne me réponde qu'il est en mesure de garantir que chaque pharmacien dit la vérité et rien que la vérité.

M. Vankrunkelsven. — Cela serait en totale contradiction avec le point de vue adopté vis-à-vis des médecins.

Mme Van de Casteele. — Il y a une différence entre les pharmaciens et les médecins.

M. Janssen. — Peut-être ce principe sera-t-il modifié s'il est soumis à la Cour de Strasbourg. Un prévenu a le droit de mentir. Les médecins et les pharmaciens font exception à la règle.

Mme Van de Casteele. — Il a déjà été dit la semaine dernière que ce principe ne résisterait plus au contrôle d'une juridiction supérieure. Il s'agit d'un héritage du passé.

Cela signifie a fortiori qu'il faudra prévoir un autre mode d'investigation. Si le pharmacien ou le médecin n'est pas tenu de dire la vérité, il faut utiliser d'autres moyens. C'est pourquoi j'aurais voulu savoir si la publicité des audiences ne constitue pas une menace.

M. Janssen. — Selon moi, les audiences doivent rester publiques, mais l'intéressé doit avoir la faculté de demander qu'elles se tiennent à huis clos.

Mme Van de Casteele. — Dans quels cas un prévenu peut-il demander le huis clos ? Je peux concevoir qu'on demande le huis clos dans l'intérêt d'un patient ou pour traiter un dossier sensible. Mais je me demande si un prévenu peut le demander dans son propre intérêt, par exemple parce qu'il ne souhaite pas que des confrères ou des voisins aient connaissance des faits qui lui sont reprochés.

M. Janssen. — J'estime que la personne concernée doit avoir le droit de demander que l'audience se tienne à huis clos, même par intérêt personnel.

Mme Van de Casteele. — Dans ce cas, tout le monde ne va-t-il pas demander le huis clos ?

M. Janssen. — Ce sera au président de décider si les raisons invoquées sont acceptables.

Mme Lecroart. — On part de la présomption d'innocence. Il n'empêche que, quand un pharmacien doit s'expliquer en audience publique, son image est irrémédiablement flétrie aux yeux de l'opinion, même s'il apparaît finalement qu'il n'a commis aucune faute. Je m'interroge donc: l'audience publique est-elle un plus, un moins ? Je doute que la publicité des débats soit vraiment toujours indispensable.

Mme Van de Casteele. — Si l'on veut plus de transparence, on peut difficilement instaurer la publicité des audiences pour un ordre et pas pour un autre. C'est surtout sur le terrain que l'on ressent que les huis clos des réunions et des procédures disciplinaires ont été à l'origine de très nombreux malentendus dans le passé. L'application du principe de la publicité permettrait peut-être de dissiper les motifs d'irritation liés au fonctionnement actuel des Ordres.

M. Jacques Hanot. — Tout à l'heure, j'ai précisé que moins de 1 % de nos confrères était confronté à une interpellation ou à un examen disciplinaire. L'expérience m'a appris que la moitié des cas évoqués se terminait par une conciliation au cours de laquelle le contrevenant faisait amende honorable. À cet égard, j'estime moi aussi que l'image de ceux qui ont dû s'expliquer devant le Conseil de l'ordre est trop souvent injustement ternie. C'est une des raisons pour lesquelles nous souhaitons le huis clos, en tout cas lors de l'instruction préliminaire. Par contre, en appel, il est normal que les audiences soient publiques.

J'ajouterai qu'il serait bon que l'opinion publique sache à quel point la profession de pharmacien est réglementée par le droit commun. Les règles déontologiques n'interviennent qu'à titre supplétif. La déontologie commence par le respect des législations de droit commun. En réalité, la déontologie ne comporte que quelques règles spécifiques relatives à l'exercice d'une profession particulière.

M. Willy Baeyens. — Je suis évidemment tout à fait d'accord avec mon confrère Hanot. La publicité des débats est un vieux problème et une question très délicate. L'homme de la rue trouve toute cette procédure obscure et il a le sentiment qu'on l'empêche de savoir ce qui se passe vraiment. La réalité est très complexe. Il faut respecter le présomption d'innocence du prévenu, sans parler des actions en dommages-intérêts, des frais, de la publicité négative dans les journaux, etc. Je pense personnellement que ce que le magistrat Janssen vient de dire pourrait être une solution intermédiaire, c'est-à-dire que le président de la séance décide lui-même, à la demande du prévenu, si l'audience est publique ou non. Cette question nous occupe depuis longtemps et on n'en sort pas.

Mme Van de Casteele. — J'ai moi aussi noté deux ou trois points à éclaircir.

Je pense que « pharmacien d'officine » est un terme officiel. Je devrais chercher dans la législation où se trouve la définition de cette notion, mais selon moi, ce terme recouvre aussi bien le pharmacien qui tient une officine accessible au public que le pharmacien qui travaille dans une officine d'hôpital. S'il faut que cette notion soit mieux définie, nous essayerons de le faire et il sera peut-être possible d'intégrer cette définition dans le texte. Je tiens en tout cas à ce qu'il n'y ait aucun malentendu à ce sujet. Selon moi, le pharmacien hospitalier relève du fonctionnement normal de l'Ordre et sa place n'est pas au Conseil des pharmaciens exerçant hors officine.

Autre chose est la remarque, peut-être justifiée, réclamant la présence d'un pharmacien hospitalier au sein du Conseil supérieur. J'aimerais entendre le point de vue de l'Ordre à ce propos.

M. Ludo Willems. — Je n'avais qu'une question à propos du terme « officine ». Je pensais que la loi parle uniquement d'un « pharmacien hospitalier » et d'une « officine ouverte au public ».

M. Willy Baeyens. — Un pharmacien hospitalier est évidemment un pharmacien d'officine, vu ses activités et compte tenu du fait qu'il fournit des médicaments aux maisons de repos et à d'autres établissements. Ce qu'on ne dit pas ici — et ce détail a quand même toute son importance — c'est qu'un pharmacien hospitalier possède un grade académique supplémentaire. Il est assimilé à un pharmacien d'officine, mais il doit être titulaire d'un diplôme supplémentaire pour pouvoir exercer son métier.

M. Gosselinckx. — Je souhaite encore signaler de surcroît que l'arrêté royal du 19 octobre 1978 cité par le pharmacien Willems prévoit explicitement que toutes les lois et dispositions applicables aux officines ordinaires s'appliquent également aux officines hospitalières. Je crois aussi savoir que le mot « officine » est utilisé dans certains textes légaux, sans doute pas dans tous, mais j'en trouverai quelques-uns si on m'en laisse le temps.

Mme Lecroart. — Concernant la situation d'un pharmacien dans le cadre d'un hôpital, il faut savoir qu'une évolution se marque davantage d'année en année: on empiète de plus en plus sur le terrain du pharmacien d'officine accessible au public, puisque le domaine ambulatoire vous est de plus en plus ouvert. Cela constitue une partie — certes, peu importante pour le moment — de votre travail. Or, certaines règles seront communes. Nous accepterions, à la limite, que vous fassiez partie des deux conseils mais nous insistons en tout cas pour que vous siégiez au conseil des officinaux, à la suite des nouvelles missions qui vous ont été dévolues. Si l'on accepte de nouvelles missions, il faut également accepter de se conformer aux règles qui s'appliquent aux pharmaciens d'officines ouvertes au public.

M. Willems. — Nous souhaitons également siéger dans ces conseils. Je ne peux toutefois pas encore répondre à la question concernant le fait d'avoir au moins un siège dans chacun des deux conseils.

M. Baeyens. — L'Ordre des pharmaciens ne voit aucune objection à ce que les pharmaciens hospitaliers soient représentés dans ses structures. Il n'est pas toujours évident de trouver des candidats éligibles. On critique le système, mais lorsque l'opportunité se présente de poser sa candidature, on s'abstient.

Je garantis que tous les candidats qui se présentent sont généralement élus. En effet, l'intérêt suscité par le poste est relativement faible.

Mme Van de Casteele. — Une remarque a été formulée sur la possibilité de rendre contraignant un code déontologique. On donne force de loi à un code entériné par le Roi, éventuellement par arrêté royal délibéré en Conseil des ministres. Selon moi, cette possibilité existe aussi actuellement. La semaine dernière, quelqu'un a souligné la rigidité de la procédure, une éventuelle modification du code devant également être rendue contraignante. Je voudrais connaître votre point de vue à ce propos.

M. Gosselinckx. — Si l'on opte pour un arrêté royal, il faut également que les modifications soient apportées par voie d'arrêté royal. C'est tout ou rien. Cependant, je ne pense pas qu'il y aura beaucoup de modifications.

M. Vankrunkelsven. — Nous avons suggéré de tout simplement de supprimer cet entérinement.

Comme la loi dispose que le code doit être entériné, on ne peut donc pas faire référence à un code qui ne l'a pas été. Dans le cadre de la jurisprudence disciplinaire relative aux médecins, les conseils provinciaux ont reçu l'ordre de ne pas se référer explicitement au code dans une procédure disciplinaire, car ce code n'est pas légal. Les discussions de la semaine passée ont également révélé la crainte de voir imposer cet entérinement, car cela entraînerait la mise en suspens des modifications. N'est-il pas préférable de considérer le code comme un fil conducteur pour l'Ordre et de supprimer l'entérinement ? Cela fait déjà des dizaines d'années que nous travaillons de facto avec un code qui n'a pas été entériné. Le non-entérinement représente un handicap pour le code.

M. Gosselinckx. — On pourrait peut-être supprimer l'obligation d'examiner la modification en Conseil des ministres, ce qui allégerait la procédure. Il suffirait sans doute que le ministre des Affaires sociales et de la Santé publique prenne ses responsabilités.

Mme Lecrouart. — Nous souhaitons depuis longtemps déjà que le code soit entériné par la loi. Nous trouverions très regrettable que cet entérinement disparaisse à nouveau de la proposition de loi.

Mme Van de Casteele. — Quels sont les arguments qui plaident en faveur de l'entérinement ? Les membres de la commission sont en proie à une grande confusion à ce propos. De plus, l'audition des médecins organisée la semaine dernière a révélé que cette idée a ses partisans mais aussi ses détracteurs.

J'entends bien, comme le déclare M. Vankrunkelsven, qu'il est impossible de se référer au code tant que celui-ci n'a pas été entériné. Le code est certes appliqué, mais sur la base de définitions et d'interprétations vagues. Cette situation pose problème aux personnes qui ont commis une faute. Il serait préférable de pouvoir dire à l'intéressé quel article précis il a enfreint et pourquoi il se voit infliger une certaine sanction, ce qui est manifestement impossible aujourd'hui, le code n'ayant pas été entériné. Est-ce pour cette raison que vous voulez faire entériner le code ?

Au demeurant, rien n'empêche d'élaborer un code. L'Ordre est d'ailleurs en train d'adapter le code actuel.

M. Gosselinckx. — La sanction infligée aux pharmaciens est généralement fondée sur les règles déontologiques fixées par le Conseil national. La plupart du temps, on se réfère uniquement aux principes du code.

La proposition de loi prévoit que les règles déontologiques devraient également être entérinées, ce qui est nouveau pour nous.

M. Vankrunkelsven. — Nous ne demandons pas aujourd'hui d'avoir tout de suite des réponses concrètes. Comme le dit le président, nous voulons toutefois rendre le code plus contraignant et prévoir les délais nécessaires, dans la mesure où cela s'avère clairement utile, ce qui n'a été démontré ni aujourd'hui ni la semaine dernière. Que représente l'entérinement par le ministre ? A-t-il plus de poids que le Conseil national ? Je n'ai pas entendu jusqu'ici d'arguments convaincants en faveur de l'entérinement et je suis encore toujours enclin à retirer cette disposition de la proposition de loi.

M. Van Marcke. — L'entérinement est surtout important en cas de saisine d'une juridiction supérieure, par exemple la Cour de cassation. Lors d'une procédure disciplinaire, non pas devant les conseils provinciaux mais devant les conseils d'appel, il arrive fréquemment que les avocats mènent une bataille de procédure, arguant qu'une condamnation sur la base d'une règle déontologique est dépourvue de fondement juridique. Ils affirment que notre déontologie ne repose sur rien, car elle n'a été entérinée par aucune loi ni par aucun arrêté royal. Ils utilisent ces arguments pour se pourvoir en cassation. L'argumentation revient alors chaque fois à dire que l'infraction d'une règle déterminée a mis en péril l'honneur et la dignité de la profession. C'est la terminologie classique que nous trouvons tous vieillotte et dépassée.

C'est pourquoi il serait peut-être préférable de limiter le code à l'essentiel et de le faire entériner sous cette forme.

M. Marc-Henri Cornély. — Cette dernière réflexion me satisfait. En imaginant de limiter le code à ce qui est vraiment nécessaire — si peu que ce soit — de ce code, la petite valeur qui subsisterait, pour autant qu'elle soit bien défendue, justifierait mille fois l'Ordre. On a, une fois de plus, l'impression que l'on monte la machine à cause des manquements supposés ou vrais de la réglementation générale. D'où la difficulté, évidemment, de donner force de loi à ces règlements car, pour le Conseil des ministres, ils contribuent peut-être à dénoncer les manquements de la réglementation générale.

Si l'Ordre se nourrit d'une panoplie d'éléments passibles de sanction, cette situation implique l'existence, dans la réglementation générale — santé publique ou aspect économique — de manquements tels qu'ils rendent nécessaire cette institution. Notre position est de préconiser un nombre minimum de valeurs essentielles, quitte à ce qu'elles soient spécifiques à la profession.

La proposition fait allusion à la conciliation et la règle internationale de déontologie est précisément de rechercher l'arrangement amiable, prôné également par les compagnies d'assurance. Or, l'arrangement amiable est sous-exploité au niveau de l'Ordre.

Il faut compléter le mieux possible l'arsenal législatif — notamment en termes de santé publique — en appliquant les principes de bonne pratique, de transparence et de subsidiarité. Et que l'Ordre s'occupe uniquement d'un ensemble de choses essentielles. Ainsi, on pourra peut-être considérer qu'il y a moins de risques à lui donner force exécutoire au travers de certaines dispositions.

M. Jacques Hanot. — On parle là des lacunes éventuelles des législations. Pour moi, ces dernières sont extrêmement techniques et elles n'abordent pas l'aspect du comportement individuel. C'est précisément là qu'un code de déontologie apporte un plus; il traite du comportement des individus, de l'interprétation et de l'évaluation qui en sont faites, dans la perspective de l'intérêt général et de la santé publique.

M. Marc-Henri Cornély. — Il faut d'abord savoir de quoi on va traiter avant de créer la structure qui va gérer la matière. La structure peut devenir une structure amiable, ce serait très positif. On met en conflit des valeurs humaines essentielles et généralement positives par rapport au recours ultime qu'est la justice. C'est ce conflit que nous vivons dans les critiques de l'un par rapport à l'autre.

Il convient de compléter l'arsenal législatif et de se limiter aux valeurs essentielles spécifiques par profession. Mais créer la structure avant de savoir quelles matières elle devra traiter, c'est notre problème.

M. Jacques Hanot. — À deux reprises, M. Cornély dit qu'il faut d'abord définir l'objectif avant de créer la structure. C'est inverser les problèmes. Le législateur de 1949 a justement créé une structure avec un objectif.

Je ne vois pas comment on peut, de manière tout à fait impersonnelle, définir des principes si on ne s'appuie pas sur une structure. Il me semble que la structure est nécessaire et préalable.

M. Gosselinckx. — Je voudrais rappeler l'article 24, § 2, du texte qui nous est proposé. Ce paragraphe prévoit que le code comprend notamment les règles relatives à la continuité des soins, y compris l'organisation d'un service de garde — qui n'est pas prévu dans la législation pharmaceutique —, le secret professionnel, la transmission de documents ou d'informations pharmaceutiques entre confrères et médecins traitants — ce qui n'est pas davantage prévu dans la législation —, ainsi que les règles relatives aux rapports individuels entre le pharmacien, d'une part, et les malades, les confrères, les médecins, les hôpitaux, les mutualités, les pouvoirs publics, les praticiens de l'art dentaire, etc., d'autre part.

Tous ces aspects ne sont pas prévus dans la législation, d'où l'utilité du code. Ce sont ces règles que l'on veut mettre en place. Il faut réagir lorsque ces règles sont transgressées. La législation contient peu de choses. L'arrêté royal de 1885 a été modifié tellement de fois qu'il ne reste plus rien des dispositions originales, sauf le titre. Pour plus de précision, l'élaboration d'un code se justifie.

M. Ludo Willems. — L'indépendance n'est pas inscrite dans la législation, alors qu'elle est pourtant d'une importance cruciale pour les personnes qui travaillent comme salariés. On parle des professions libérales, mais je suis étonné que l'on ne parle pas d'indépendance lorsqu'il s'agit de médecins, étant donné que ces derniers sont de plus en plus nombreux à être salariés. Ayant à l'esprit la situation des hôpitaux américains, il serait préférable d'inclure l'indépendance dans la législation belge.

Mme Van de Casteele. — De toute façon, les dispositions de la proposition de loi relatives à la mission de l'Ordre et au contenu du code déontologique peuvent faire l'objet d'amendements. Cette remarque s'adresse surtout à M. Cornély.

Je souhaite demander à M. Vankrunkelsven de préciser l'article 24 relatif à l'incompatibilité. Quel est l'objectif poursuivi par l'instauration de l'incompatibilité entre l'appartenance aux organes de l'Ordre et d'autres mandats ?

M. Vankrunkelsven. — La raison de l'instauration de cette incompatibilité est historique. Dans le passé, nous avions souvent l'impression, en tout cas en ce qui concerne l'Ordre des médecins, qu'il y avait une suprématie des syndicats de médecins au sein des différents organes de l'Ordre. Les syndicats de médecins ont une mission différente: ils défendent les intérêts du corps médical. En revanche, un ordre doit faire primer l'intérêt général et la déontologie de la profession.

Dans l'histoire de l'Ordre des médecins, les syndicats ont appelé un jour à une grève des médecins qui fut, pour ainsi dire, entérinée par l'Ordre. Ce fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase. D'une manière plus générale, on avait l'impression à l'époque que le fonctionnement de l'Ordre était en quelque sorte dicté par les syndicats. Le fait d'être affilié à un syndicat déterminé pouvait s'avérer bénéfique si on était cité à comparaître devant un tribunal disciplinaire. C'est la raison pour laquelle notre proposition de loi a introduit la notion d'incompatibilité.

Aujourd'hui, on constate qu'il y a de moins en moins de lobbying de la part des syndicats, en tout cas en ce qui concerne les médecins, pour imposer des représentants au sein des conseils de l'Ordre. On voit se constituer d'autres groupes, p. ex. des groupes rattachés à un hôpital déterminé, qui tentent de faire élire leur propre représentant au sein de l'Ordre. Celui-ci pourra alors intervenir si un membre du groupe se retrouve impliqué dans un conflit. On peut aussi citer l'exemple des collaborations entre médecins généralistes qui disposent d'un laboratoire clinique commun. Plus de deux cents médecins peuvent ainsi être affiliés à une association. Des pressions sont également exercées à l'intérieur de celles-ci en vue de faire élire une personne les représentant. En cas de problèmes, ils pourront faire appel à leur représentant au sein de l'Ordre.

Les auteurs de la proposition de loi tiennent à préciser qu'il n'est pas admissible qu'un membre de l'Ordre siège au nom d'une autre corporation. Bien entendu, détecter les abus éventuels ne sera pas chose aisée.

Mme Van de Casteele. — Je ne pense pas que les pharmaciens aient enregistré de nombreux cas de problèmes comparables, mais il faut quand même arrêter le principe et examiner ce que signifie concrètement son application sur le terrain.

M. De Clerck a demandé si les pharmaciens qui exercent hors officine sont suffisamment nombreux pour justifier la création d'un conseil distinct.

J'ai personnellement posé la même question aux biologistes cliniques et aux pharmaciens industriels. Il s'agit de quelques centaines de personnes. Cela justifie-t-il la création d'une représentation ou d'un conseil distinct ? Faute de candidats en suffisance, un tel organe ne peut bien entendu pas fonctionner. J'ai toutefois été rassuré. Si l'inscription auprès de l'Ordre est rendue obligatoire, il y aura suffisamment de candidats potentiels pour siéger au sein d'un conseil des pharmaciens exerçant hors officine. C'est la raison pour laquelle j'ai opté pour un seul conseil des pharmaciens exerçant hors officine, contrairement à la situation qui existe en France, où chaque catégorie dispose d'un conseil distinct. Cela n'est peut-être pas envisageable chez nous, faute de représentativité suffisante.

M. Willy Baeyens. En ce qui concerne ce dernier point, il ne faut pas mélanger les aspects qualitatifs et quantitatifs. La présidente n'a développé que les aspects quantitatifs. Mais je pense que l'aspect « nombre » est secondaire si le secteur concerné est animé par le souhait de constituer pareil conseil.

À l'issue de cette réunion, je ne sais toujours pas si les pharmaciens hospitaliers, les biologistes cliniques et les pharmaciens industriels ont tous l'intention de créer une aile distincte.

Mme Van de Casteele. — Je sais seulement ce que j'ai appris ici cet après-midi. J'ai cru comprendre en assistant à l'exposé de M. Willems que les pharmaciens hospitaliers demandent à continuer à être représentés au sein de l'Ordre dans sa forme actuelle et non pas au sein d'un conseil distinct de pharmaciens exerçant hors officine.

L'exposé de M. Declercq m'a laissé entendre que les biologistes cliniques, quant à eux, sont demandeurs.

Malheureusement, les représentants de l'Association des pharmaciens de l'industrie pharmaceutique n'ont pas pu venir aujourd'hui, mais ils m'ont fait parvenir par écrit plusieurs questions qui montrent qu'ils n'ont pas d'opposition de principe à une représentation distincte. Nous devons organiser une concertation avec eux car nous voulons renforcer leur position face aux diverses pressions qu'ils peuvent subir. C'est dans leur intérêt et dans l'intérêt de la santé publique et des patients. Cependant, nous ne devons pas non plus les obliger à mettre en place une structure distincte.


Auditions du 6 octobre 2004

— M. H. Nys, professeur, biomedische ethiek en recht U.Z. Leuven;

— M. I. Uyttendaele et M. L. Corbeel, respectivement vice-président et membre effectif du Conseil national de l'Ordre des médecins;

— M. P. Van Maercke, directeur du Secrétariat national, et M. J. Hanot, président du Conseil national (section francophone) de l'Ordre des pharmaciens.

M. H. Nys. — Je voudrais formuler trois critiques fondamentales et quelques remarques plus techniques sur le texte martyr à l'examen.

Mes trois remarques fondamentales concernent l'incidence de ce texte sur les Ordres des médecins et pharmaciens existants, le Conseil supérieur de déontologie et l'objectif du droit disciplinaire, tel qu'il ressort du texte.

1. L'incidence du texte sur les deux ordres existants, l'Ordre des médecins et l'Ordre des pharmaciens, organisés respectivement par l'arrêté royal nº 79 et l'arrêté royal nº 80. Les règles légales qui régissent ces deux ordres sont très anciennes, quelques modifications mineures y ayant été apportées en 1967. Elles datent en effet de 1938 pour l'Ordre des médecins et de 1949 pour l'Ordre des pharmaciens. S'agissant d'arrêtés de pouvoirs spéciaux, il est indispensable d'adopter une loi afin d'y apporter des modifications.

Nous devons bien réfléchir aux conséquences qu'aurait la proposition actuelle si elle était adoptée. L'objectif est que les règles légales définies s'appliquent aux deux Ordres, ce qui soulève d'importantes questions.

Ce texte ne dit pas clairement ce qu'il adviendra des arrêtés royaux nº 79 et 80. Seront-ils adaptés ou abrogés ? Ils ne sont en tout cas pas mentionnés en tant que tels dans la proposition de loi. Aucun régime transitoire n'est prévu, si ce n'est à l'article 33 qui prévoit que les affaires dont les Ordres ont été saisis avant l'entrée en vigueur de cette loi, restent soumises aux règles définies aux articles 23 et 24.

Qu'entend-on par là ? Deux nouvelles dispositions s'appliquent aux affaires déjà en cours avant l'entrée en vigueur de la loi mais qu'en est-il pour le reste ?

L'article 34 de la proposition de loi prévoit que « le Roi fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi pour chacune des catégories de praticiens professionnels », autrement dit pour les médecins et les pharmaciens. Cela signifie qu'une fois la loi adoptée, le Roi devra déterminer quand elle entrera en vigueur pour, entre autres, les médecins et les pharmaciens. Il peut s'écouler beaucoup de temps avant que cette date soit fixée par le Roi. On donne ainsi au pouvoir exécutif la possibilité de reporter l'entrée en vigueur, ce qui crée une insécurité juridique pour les Ordres existants. On se trouve ainsi face à une situation paradoxale. Ce qui a motivé toute la discussion est la nécessité de réformer les Ordres des médecins et des pharmaciens mais le système créé est précisément source d'incertitude pour ces Ordres.

Par ailleurs, l'article 7 dispose: « Il peut être créé pour chacune des catégories de professions des soins de santé, visées à l'article 3 — les médecins et les pharmaciens —, un Ordre. » Le Roi fixe la date d'entrée en vigueur d'une loi pour un groupe professionnel déterminé. À une date déterminée, il est décidé que la loi entre en vigueur pour les médecins. L'article 7 entre donc également en vigueur à cette date. Que faut-il comprendre ? Les Ordres existants sont-ils tacitement supprimés à ce moment-là ? L'article 7 implique-t-il que les ordres ont disparu ? Cela pourrait expliquer pourquoi le sort des arrêtés royaux 79 et 80 n'est pas réglé dans le texte. Si l'objectif est de supprimer implicitement les Ordres des médecins et des pharmaciens, il me paraît plus sensé et politiquement préférable de le dire explicitement.

Si vous adoptez cette proposition sans modification, vous placerez une bombe à retardement sous les Ordres existants. D'un côté, vous prévoyez que la nouvelle loi n'entre en vigueur qu'à une date fixée par le Roi sans préciser ce qu'il advient des Ordres dans l'intervalle. De l'autre côté, vous disposez qu'un Ordre peut être créé dès l'entrée en vigueur de la loi sans préciser qui du législateur ou de l'exécutif peut le créer. À cet instant, les Ordres existants disparaissent car on ne peut créer ce qui existe déjà. Ces dispositions doivent absolument être précisées.

2. Le Conseil supérieur de déontologie des professions des soins de santé.

Je ne vois pas en quoi ce Conseil supérieur peut contribuer à améliorer la qualité des soins de santé et la position des patients. Ce Conseil est un peu comme le monstre du Loch Ness: il refait régulièrement surface depuis 1981, date du dépôt de la première proposition à ce sujet par Lode Hancké.

En outre, le concept de déontologie n'est pas défini. Tout au plus l'article 5, § 4, énumère-t-il ce que les auteurs de la proposition entendent par déontologie: « Le code — de déontologie — aborde au moins les thèmes suivants: les droits et obligations déontologiques généraux des praticiens d'une profession des soins de santé, les droits et obligations généraux à l'égard du patient, la relation entre le praticien et la collectivité, la relation entre les praticiens et l'exercice des professions. » Rappelons que les droits des patients et les devoirs des praticiens font déjà l'objet d'une loi adoptée en août 2002 et qu'une Commission fédérale « Droits du patient » a été créée. Ces problèmes sont donc déjà en partie traités.

Quant à la relation entre le praticien et la collectivité, elle est liée en grande partie aux problèmes éthiques déjà traités par le Comité consultatif de Bioéthique. La relation entre le praticien et le patient, quant à elle, se résume souvent à la relation avec l'assurance maladie, avec l'INAMI, laquelle occupe déjà de nombreux conseils et commissions et est déjà régie par une importante législation. Je me demande donc comment le concept de déontologie pourrait encore être complété de manière créative justifiant la création d'un nouveau système particulièrement lourd.

Le fait que le Conseil supérieur confirme la déontologie et la rende contraignante est une autre question. Reste à savoir s'il est utile de rendre la déontologie obligatoire. Je pense que la situation depuis 1981 a quand même changé fondamentalement et que nous devons veiller à ne pas mettre en place un système lourd, éventuellement bureaucratique ne répondant à aucun besoin.

3. L'objectif du droit disciplinaire médical. La note me déçoit sur ce point. Je pensais que depuis quinze ans, un consensus s'était dégagé pour considérer davantage le droit disciplinaire comme un moyen de veiller à la qualité du service et pour abandonner la conception vieillotte de la déontologie centrée sur les relations entre collègues et les relations avec les autres groupes professionnels. Malheureusement, cette optique ne se retrouve pas dans la note. Personnellement, j'estime que la proposition Vankrunkelsven était plus attentive à la position du patient et qu'il faut s'intéresser à la position du plaignant bien plus que ce n'est le cas aujourd'hui. La note représente donc plutôt un pas en arrière à cet égard.

Il me reste à vous faire part de quelques remarques plus techniques. La composition du Conseil supérieur n'est, à mes yeux, pas tout à fait claire. Il est question de « deux praticiens d'une profession paramédicale ». On compte actuellement onze professions paramédicales reconnues. Veut-on vraiment n'autoriser que deux représentants de ces professions à faire partie du Conseil ou autorisera-t-on 22 représentants ?

Deux possibilités existent quant à la compétence des conseils de discipline. On peut opter pour un système ouvert permettant de sanctionner également des comportements qui ne sont pas mentionnés explicitement comme répréhensibles dans un code. C'est le système appliqué actuellement et auquel je suis favorable. Le droit disciplinaire n'est pas un droit pénal et il est difficile de prévoir à l'avance ce que seront les infractions au droit disciplinaire.

L'article 12, 2º, opte, à mon avis, pour un système ouvert. Il dispose que les conseils ont pour mission « de veiller au respect de la déontologie de la catégorie concernée des professions des soins de santé, y compris les règles du code ». On a l'impression que le code est un exemple et que d'autres sanctions disciplinaires sont possibles par ailleurs. Si aucun Ordre n'existe, c'est le conseil de première instance qui est compétent. L'article 21 prévoit explicitement: « Le Conseil de première instance est exclusivement compétent pour imposer des mesures disciplinaires pour autant que le praticien concerné enfreigne les principes fondamentaux de déontologie. » Cette disposition fait en revanche plutôt référence à un système fermé.

L'article 14 peut donner lieu à des discussions fâcheuses avec les avocats des parties. Le § 3 précise: « Les membres du collège d'investigation et le médiateur ne peuvent avoir leur activité principale dans la proximité de celle du praticien concerné. » Qu'entend-on par proximité ?

L'article 27, § 1er, énonce les sanctions qui peuvent être imposées par les conseils interprovinciaux, en premier ressort, et les conseils d'appel, en deuxième ressort. Il ne fait toutefois pas mention du conseil de première instance qui est compétent en l'absence d'Ordre.

Par rapport aux propositions examinées le 10 mars, cette note me paraît être un recul. C'est regrettable car on aurait pu attendre de celle-ci qu'elle dresse l'état de la question et nous aide à aller de l'avant dans la discussion.

Mme Van de Casteele. — Nous devrons aussi discuter en commission de la création éventuelle d'un Conseil supérieur de déontologie. Comme convenu, les propositions existantes sont maintenues. Leurs auteurs s'étaient également souciés de leur intégration dans le canevas des Ordres ici défini. Vous n'avez toutefois pas répondu à la question de savoir s'il serait judicieux de créer un Ordre séparé pour les kinésithérapeutes, les dentistes et autres groupes professionnels peut-être peu nombreux mais qui doivent aussi respecter certaines règles de fonctionnement. Est-il judicieux de fixer des règles générales et parallèles pour chacun de ces groupes professionnels ? C'est en partie ce que vise cette proposition.

M. H. Nys. — Personnellement, je ne suis pas à proprement parler partisan de la création d'Ordres pour d'autres groupes professionnels des soins de santé. Je suis favorable à l'organisation d'un droit disciplinaire pour ces groupes mais un Ordre ne doit pas pour autant être créé. Nous avons aujourd'hui un Ordre des médecins et un Ordre des pharmaciens mais, si ce n'était pas le cas, nous ne devrions pas les créer. Maintenant qu'ils existent nous devons les adapter, mais d'un point de vue social, je ne vois pas la nécessité de créer d'autres Ordres. Je ne considère pas qu'une profession est supérieure ou meilleure par rapport à une autre. Les ordres actuels sont une réalité historique que nous pouvons difficilement nier. Si aujourd'hui nous créons de nouveaux Ordres, nous nions cette réalité. Le droit disciplinaire est une nécessité, et ces groupes professionnels sont aussi demandeurs. Organisez dès lors de manière adéquate un droit disciplinaire uniforme pour tout le monde, mais pas dans le cadre d'un Ordre.

M. Vankrunkelsven. — Je remercie en tout cas le professeur Nys d'avoir émis un certain nombre d'observations techniques relatives au contenu. Je les partage entièrement. Le fait que la position du patient ne soit pas suffisamment précisée au sein de cette structure faîtière est une remarque pertinente; ce point doit effectivement être affiné.

Personnellement, je n'étais pas demandeur de la création d'un Conseil supérieur de déontologie. Au cours de l'histoire de notre pays, certains mouvements politiques ont formellement plaidé en faveur d'un tel conseil. Si nous voulons franchir une étape dans la réforme des Ordres existants, nous devons tenter à un certain moment de dégager un plus large consensus au niveau politique. Dans ce cadre, je partageais avec d'autres l'idée de la création d'une sorte de structure faîtière, supérieure aux Ordres existants que nous souhaitons également adapter plus avant. Ce Conseil supérieur ne se substitue certainement pas aux Ordres mais pallie certains manques. Moi-même, je suis conscient que d'un point de vue historique, il était peut-être justifié que seuls ces Ordres existaient, a fortiori à une époque où le médecin était, avec le pharmacien, quelque peu souverain dans le domaine de la santé et où tous les autres professionnels, infirmiers, kinésithérapeutes etc. étaient de simples exécutants. Aujourd'hui, nous devons constater que les autres professionnels sont devenus de véritables collaborateurs et qu'ils sont impliqués d'une autre manière dans l'interaction avec le patient. Pour cette raison, le fait que seuls les médecins et les pharmaciens aient un ordre est un pur anachronisme. Dans cette optique, je trouvais ce nouvel instrument utile pour élaborer un droit disciplinaire uniforme pour les différentes professions.

L'exercice de la médecine est aujourd'hui bien davantage un travail d'équipe et les interactions sont beaucoup plus nombreuses qu'auparavant. En tant que structure faîtière, un conseil peut à tout le moins mettre des balises pour la collaboration et agir en cas de problèmes.

Troisièmement, la critique continuellement émise à l'encontre des Ordres existants était que la société n'était en aucune manière impliquée dans l'élaboration de la déontologie. Ce problème aurait pu être réglé séparément au sein des différents Ordres; mais grâce à ce nouvel organe, la concertation et l'interaction entre toutes les professions concernées est automatiquement organisée puisque chacune d'entre elles y siège. Tant l'Ordre des médecins que celui des pharmaciens ressentaient le manque d'une concertation organisée et structurelle. La concertation avec la société est simultanément organisée grâce à la présence de représentants non médicaux. Je pense que cet organe offre certaines possibilités et peut pallier certains manques, même s'il nécessite encore de nombreuses adaptations. Je ne vois pas comment régler le problème du droit disciplinaire et de l'interaction entre les différentes professions sans un organe comme le Conseil supérieur. Selon moi, c'est un vrai pas en avant.

Mme Nyssens. — J'aimerais poser trois questions précises au professeur Nys.

Vous parlez d'un système ouvert et d'un système fermé. Pourriez-vous nous en dire plus sur le fond et d'un point de vue politique ?

Vous dites que des distinctions sont possibles en dehors des disciplines. S'il n'y a pas d'ordre, qui rend la discipline ?

Vous posez également, de manière très philosophique, la question de savoir ce qu'est aujourd'hui la déontologie. Pourriez-vous nous donner votre réponse à cette question ?

M. H. Nys. — La distinction entre système ouvert et système fermé est très simple. Le droit pénal est un système fermé. On ne peut infliger une sanction que pour un délit défini dans une loi. Un droit disciplinaire est généralement un système ouvert. Le fait que l'on n'ait pas défini à l'avance et avec précision quels délits disciplinaires pouvaient donner lieu à une sanction est quasi intrinsèquement lié au caractère du droit disciplinaire. Le projet prévoit un système ouvert pour le droit disciplinaire dans le cadre des ordres et un système ouvert pour le droit disciplinaire extérieur aux ordres.

Dans un système extérieur aux ordres, qui est compétent en matière de discipline ? Un collège disciplinaire de première instance indépendant d'un ordre, une sorte de tribunal administratif, doit évidemment être créé, de même qu'un collège disciplinaire d'appel. Il ne faudra pas être membre d'un ordre pour relever de la compétence d'un collège. L'exercice de la profession suffira.

Pour moi personnellement, le concept de « déontologie » est devenu une coquille vide. Les problèmes qui se posent peuvent être d'ordre éthique, juridique ou social. On pourrait dire que la déontologie est un code de conduite mais ce n'est qu'un élément. De plus, un code de conduite se réduit souvent à la position que l'on adopte à l'égard de problèmes de nature éthique et juridique. Je trouve très intéressant que l'on se demande s'il s'agit d'éthique ou de déontologie. En fait, ces deux concepts se chevauchent dans une large mesure. Mais un Conseil supérieur d'éthique en soins de santé empiétera automatiquement sur le domaine du Comité consultatif de Bioéthique.

Je ne comprends pas bien pourquoi M. Vankrunkelsven dit que le Conseil supérieur est nécessaire pour instaurer un droit disciplinaire uniforme pour toutes les professions. Ce droit peut être organisé sans la création d'un structure faîtière. Il est vrai que le travail d'équipe est plus fréquent dans le secteur des soins de santé et des directives sont sans doute nécessaires pour le faciliter. Mais ne pouvons-nous à cet effet faire appel à l'arrêté royal nº 78 ? Il existe un conseil national pour les professions paramédicales, un pour l'art infirmier, un pour la kinésithérapie etc. Vous devriez vérifier combien de conseils ont déjà été créés au fil des ans. Pour ces raisons, la création d'un Conseil supérieur ne me convainc pas.

Il est exact que la société n'est pas suffisamment impliquée dans l'élaboration de la déontologie. Mais au Conseil supérieur siégeraient huit spécialistes en déontologie et deux membres ayant une expérience en matière de droits du patient. Ces derniers ont évidemment une bonne connaissance de la problématique. Mais sont-ils les véritables représentants de la société ? Je ne suis donc pas convaincu, mais je comprends que vous recherchiez un consensus politique et en matière de politique, je n'ai pas à me prononcer.

Mme Van de Casteele. — Vous dites pouvoir imaginer que nous créions un organe disciplinaire pour d'autres groupes professionnels, comme nous voulons le faire avec le Conseil supérieur. Nous demanderons évidemment à ces autres groupes s'ils estiment eux-mêmes qu'un ordre est utile ou s'ils peuvent se satisfaire d'un organe disciplinaire par le biais du Conseil supérieur. Selon vous, serait-ce une solution que ce Conseil supérieur soit uniquement compétent pour les groupes professionnels n'ayant pas leur propre ordre ?

M. H. Nys. — Je ne pense pas que le Conseil supérieur aurait une raison d'être pour les groupes professionnels n'ayant pas leur propre ordre. Aujourd'hui, je ne vois pas la nécessité sociale d'un tel conseil, même si je pensais peut-être différemment en 1981.

M. I. Uyttendaele. — Selon ses propres dires, M. Vankrunkelsven avait été très inspiré par l'audition précédente. Il avait dit qu'il amenderait lui-même sa proposition. Le dossier a progressé mais cela ne veut pas dire que M. Vankrunkelsven a repris toutes nos suggestions. Cela aurait été trop beau.

Après l'audition, il y a eu la note du ministre Demotte, si bien qu'aujourd'hui nous avons affaire à un tout autre texte.

Je ne peux m'empêcher de souligner l'article 27, § 1er, de la proposition où il est stipulé que seules des sanctions sont fixées pour les médecins. Je présume que c'est une erreur.

Mon collègue M. Corbeel et moi sommes convenus que je me limite aux nouveaux éléments de la proposition et à quelques considérations sur les élections et la composition des bureaux des différents organes. Nous n'avons plus été en mesure de discuter de la dernière version de la proposition de loi au sein du Conseil national, et vous devrez donc vous satisfaire de mon opinion personnelle. Je puis quand même vous communiquer que le Conseil national souscrit au principe d'un Conseil supérieur de déontologie des professions des soins de santé mais qu'il a de nombreuses questions et observations concernant son élaboration.

La multidisciplinarité n'est plus un mot vide de sens, et la collaboration avec les infirmiers, kinésithérapeutes, paramédicaux, psychologues et travailleurs sociaux a évolué d'un modèle hiérarchique vers un modèle de concertation avec les intérêts du patient comme mission sociale. Les obligations déontologiques qui en découlent sont donc liées, moyennant le respect de la responsabilité et du caractère spécifique de la profession de chacun.

En ce qui concerne la composition des bureaux du Conseil supérieur, M. Nys et moi-même sommes manifestement sur la même longueur d'ondes. Je me demande si deux membres peuvent représenter toutes ces professions paramédicales, vu que celles-ci sont de nature très diverse et qu'elles entrent de manières différentes en contact avec les patients.

Il est étonnant que les praticiens de cabinets non conventionnels ne disposent d'aucun collège disciplinaire. En tant que psychiatre, je regrette bien entendu l'absence des psychologues et des sexologues alors que les organisations de patients auraient également été les bienvenues.

Je trouve étonnante la menace de sanction pour les disciplines mentionnées dans le projet et pour lesquelles aucun ordre n'est créé. Bon gré mal gré, elles se voient en tout cas attribuer une chambre disciplinaire. Je suppose que ce sera loin d'être apprécié. Je me suis également demandé combien de paramédicaux, d'infirmiers et d'accoucheuses souhaitent réellement un ordre et sont disposés à payer à cet effet une cotisation. N'oublions en effet pas que la grande majorité de ces disciplines sont pratiquées non pas par des indépendants mais par des salariés. Depuis peu, elles sont confrontées à une fonction de médiation, telle que prévue dans la loi relative aux droits du patient. Une fois cette fonction totalement développée, le patient doit soumettre n'importe quelle plainte au sujet de n'importe quel praticien à une instance accessible à tous dans son quartier. Après un certain temps, ceci aura selon moi un énorme impact sur la relation entre le patient et la praticien. Aujourd'hui, il arrive d'ailleurs que, dans certains cas, des conseils provinciaux de l'Ordre suggèrent d'abord au plaignant de discuter avec le médiateur de l'hôpital. Il se pourrait que, bientôt, l'Ordre s'occupe principalement des relations intercollégiales et de la qualité des soins et beaucoup moins des relations entre médecins et patients.

En ce qui concerne le concept d'un Conseil supérieur de déontologie, je ne peux m'empêcher de dire que je ne l'attendais plus. Selon moi, des conseils de communauté convenaient mieux. Certains affirment que des principes de base sont universels. Mais ils doivent engendrer un comportement de base contrôlable. En affirmant ceci, je ne pose aucun jugement de valeur et je ne veux pas mettre la solidarité en doute. Il n'empêche cependant que les mentalités et la réalité sont différentes.

Dans cette proposition, on revient 35 ans en arrière. Dans l'arrêté royal nº 79 relatif à l'Ordre des médecins, paru en 1967, on pouvait déjà lire que le Conseil national se composait de deux divisions qui pouvaient délibérer et prendre des décisions ensemble, spécialement concernant les principes et les règles générales de la déontologie médicale. Délibérer volontairement constitue certainement un plus, mais instaurer un seul conseil fédéral compétent pour de telles matières, c'est aller trop loin. Il est évident que cette remarque vaut aussi pour les divisions des Conseils nationaux.

À ce sujet, il est amusant de faire référence au paragraphe 6 de l'article 3 et à l'article 6 de la proposition. Pour délibérer valablement, la présence d'au moins la moitié des membres nommés est requise mais cette présence ne l'est pas lorsqu'il s'agit de prendre une décision. La moitié des membres suffit alors. Je suppose qu'il s'agit également d'une erreur.

La proposition selon laquelle les principes de base édictés par le Conseil supérieur n'entrent en vigueur qu'après avoir été sanctionnés par le Roi, n'est par contre certainement pas une erreur. Le Roi peut également les modifier totalement ou partiellement et, s'il ne fait rien, ils entrent d'office en vigueur après un an.

Je trouve également exagéré que le règlement d'ordre intérieur édicté par le Conseil supérieur doive être sanctionné par le Roi. Aucun délai n'est même prévu à cet effet. Le Roi ne nomme pas seulement le président et les dix membres du Conseil supérieur ainsi que des suppléants, il désigne aussi, conformément à l'article 3, § 4, un vice-président. Je me demande si, pour écarter toute méfiance, il ne suffirait pas de déterminer que les décisions du Conseil supérieur soient prises à une majorité qualifiée et non simple. Selon moi, cette disposition doit offrir des garanties suffisantes.

Les deux missions les plus importantes du Conseil supérieur sont la détermination des principes de base de la déontologie et la confirmation de la déontologie telle que fixée par le Conseil national de l'Ordre. Il est singulier — mais on en a déjà suffisamment discuté — que la proposition ne contienne aucune définition de la déontologie. Je me demande si des avocats ne profiteront pas de cette lacune.

La troisième mission du Conseil supérieur consiste à rendre des avis, notamment à la demande du ministre compétent pour la santé publique au sein du gouvernement fédéral, d'une communauté ou d'une région. Il ne me semble pas logique que le conseil fédéral réponde à des questions portant sur des matières communautaires.

En parcourant le reste du texte, j'ai remarqué que le Roi y est souvent cité. Il est évident que la loi ne peut tout régler et que des arrêtés d'exécution sont nécessaires. Mais les points essentiels doivent être repris dans la loi et ne peuvent faire l'objet d'une décision du Roi, sur une proposition du pouvoir exécutif. Le Roi fixe ainsi la procédure pour l'élection et le fonctionnement des membres de divers organes, les conditions relatives à l'éligibilité des membres effectifs et suppléants des Conseils, la composition des bureaux des divers organes, etc. Pour les élections, le projet prévoit uniquement que les conseils interprovinciaux, les conseils nationaux et les conseils d'appel se composent entre autres de membres élus directement. Cela signifie sans doute, par province, qu'un membre effectif et un membre suppléant sont directement élus.

Durant l'audition précédente, j'ai tenté d'expliquer qu'une élection directe de ces membres permettra rarement l'élection des candidats les plus aptes. En cas d'élection d'un membre par province, seuls les praticiens bénéficiant d'une grande renommée et jouant un rôle syndical important auront leur chance. C'est précisément une des choses que l'on veut éviter dans la proposition. L'article 3, § 3, prévoit en effet que les membres directement élus ne peuvent ni occuper une fonction ni être membres d'un organe d'une association professionnelle. Il est très simple de prendre un congé une fois qu'on est élu. L'article 3, § 3, n'empêchera pas ce que l'on veut éviter et, en s'attachant à l'élection directe d'un membre par province, on le facilitera même. L'élection directe semble démocratique mais une élection par paliers, lors de laquelle les conseils provinciaux choisissent les membres des conseils interprovinciaux et nationaux, l'est tout autant. Grâce à cette élection par paliers, il est plus probable que des praticiens s'intéressant à la déontologie et connaissant celle-ci soient élus. L'article 26, § 1er, troisième alinéa, du projet prévoit que le Roi — à nouveau lui — peut fixer les conditions relatives à l'éligibilité des membres effectifs et suppléants des divers organes.

L'un des points épineux des précédents projets et propositions était constitué par les limites d'âge des candidats. Ce point est également renvoyé au Roi. Le Conseil national de l'Ordre continue à penser que l'électeur décide et qu'aucune limite d'âge, qu'elle soit minimale ou maximale, ne doit être appliquée. Si une personne qui vient de devenir membre est élue, elle sera l'oiseau rare qui est le bienvenu. Et un élu de plus de 65 ans sortira du lot. On ne peut empêcher personne, à cause de son âge, d'être candidat. Le plus important est donc que l'on ne peut laisser de telles décisions au pouvoir exécutif; elles doivent être prises par le législateur. Selon un refrain que l'on retrouve dans les autres dispositions du texte du projet, le Roi détermine la composition des bureaux des différents organes.

Le texte de la proposition prévoit uniquement que les présidents des conseils provinciaux sont élus par les membres et que les présidents des conseils interprovinciaux et du conseil de première instance sont des magistrats, de même que le président du Conseil supérieur doit être un magistrat nommé. Lui est adjoint un vice-président nommé. Mais la proposition ne prévoit même pas qui seront les présidents des conseils d'appel et des conseils nationaux. Il me semble pourtant évident que les présidents des conseils d'appel doivent être des magistrats. La désignation des présidents des conseils nationaux est manifestement et volontairement laissée ouverte et le Roi en est chargé. Le président actuel du Conseil national de l'Ordre des médecins est un magistrat, en l'occurrence un magistrat honoraire près la Cour de cassation, alors que le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens est présidé par un pharmacien et non par un magistrat.

La proposition actuelle prévoit ingénieusement que le Roi peut nommer, en tant que membre des futurs conseils nationaux, tant un magistrat de la cour d'appel, de la cour du travail ou du Conseil d'État qu'un conseiller près la Cour de cassation. Un conseiller à la Cour de cassation peut ainsi être désigné membre du Conseil national de l'Ordre des médecins et, dans ce cas, il en devient président. Mais un magistrat d'un tribunal inférieur peut être nommé au Conseil national de l'Ordre des pharmaciens et il ne peut en devenir président. Si bien qu'un pharmacien peut rester président du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens.

Ceci me pose des problèmes. Ou bien les présidents des conseils nationaux d'un ordre sont tous des magistrats ou bien ils sont tous des praticiens. Je ne veux pas de deux poids deux mesures !

Mme Van de Casteele. — Le législateur peut traiter nombre de ces points dans une proposition séparée. Ou bien nous fixons toutes les règles du jeu dans la loi de manière à constituer un carcan, ce qui engendrera surtout des problèmes avec les règlements des ordres, une situation que nous connaissons aujourd'hui, ou bien nous rendons la loi plus souple et nous confions certaines choses au Roi.

M. I. Uyttendaele. — Le Roi a déjà tant à faire dans cette histoire ... Vous savez qu'il s'agit pour nous d'un problème. Cela fait d'ailleurs longtemps que de nombreux médecins n'apprécient pas que le président du Conseil national de l'Ordre des médecins ne soit pas un médecin.

Mme Van de Casteele. — Selon le texte, le législateur peut également prendre une initiative.

M. I. Uyttendaele. — Quoi qu'il en soit, cette audition me semble être l'occasion indiquée pour discuter de cette question qui nous dérange depuis longtemps.

En ce qui concerne la composition des bureaux de tous les conseils, il semble assez évident que des membres élus soient adjoints au président nommé et qu'un membre nommé soit adjoint au président élu pour constituer le bureau.

Les présidents nommés ou élus et les membres nommés ou élus doivent siéger ensemble pour exécuter en tant que bureau la mission d'un conseil. Il n'est pas davantage possible que des présidents nommés représentent l'ordre sans la participation de membres élus. Ils doivent le faire, selon moi, avec des membres élus. Ceci vaut aussi pour d'autres compétences qui sont octroyées au président par ce texte; c'est par exemple le cas du droit d'aller en appel.

Étonnamment, on n'a pas prévu que le président du Conseil national puisse, avec un vice-président, se pourvoir en cassation pour contester une décision prise en première instance au sein de l'Ordre, alors que les présidents des conseils d'appel peuvent se pourvoir devant cette même cour pour contester leurs propres décisions, pour contravention à la loi ou violation des formes soit substantielles, soit prescrites à peine de nullité. Je peux ainsi difficilement comprendre qu'un président magistrat d'un conseil interprovincial puisse introduire un recours contre des décisions prises par le conseil qu'il préside !

La nouvelle proposition de loi est en tout cas bien mieux que tout ce qui a été proposé jusqu'à présent au sujet du Conseil supérieur. Il est essentiel que quelques erreurs soient corrigées et que des éléments fondamentaux soient repris dans la loi et non confiés au pouvoir exécutif. Ils ne peuvent pas davantage être réglés plus tard par le législateur mais ils doivent être repris d'emblée dans le premier texte qui sera adopté.

M. Wouter Beke. — Dans la proposition, il est également question d'un conseil interprovincial. Cette nouvelle structure peut renforcer la centralisation. Qu'en pensez-vous ?

M. I. Uyttendaele. — J'ai déjà déclaré à titre personnel que je n'y suis en principe pas opposé mais que cette proposition se heurte à l'opposition des médecins. Je crains que l'on ne se rende pas suffisamment compte des problèmes pratiques qu'elle engendrera.

En se basant sur le travail des actuels conseils interprovinciaux, on peut s'attendre à ce qu'un tel conseil interprovincial doive travailler pour les médecins avec au moins trois ou quatre chambres. Par ailleurs, les conseils provinciaux acceptent mal l'idée d'un conseil interprovincial car ils estiment que leur fonction serait fortement vidée de sa substance. Personnellement, je pense que l'on pourrait éviter de nombreux problèmes de communication si, au sein des conseils interprovinciaux, on entendait également le rapporteur de l'enquête des conseils provinciaux. Ceci figure déjà dans les dispositions relatives aux conseils d'appel contenues dans la loi relative à l'Ordre. Malheureusement, il ne s'agit que d'une possibilité que l'on ne saisit jamais. Si le conseil interprovincial entend ce rapporteur, il peut mener son enquête comme il convient. Puisque, selon la proposition, les conseils provinciaux peuvent faire, au conseil interprovincial, des suggestions relatives à la nature des sanctions, puisqu'ils jouent en quelque sorte le rôle d'un ministère public, les conseil provinciaux seraient très favorables à l'idée de pouvoir, comme un ministère public, aller devant le conseil d'appel lorsqu'ils n'approuvent pas la décision du conseil interprovincial. Cela ne me poserait aucune problème si l'on exigeait pour une telle initiative une majorité qualifiée. De cette manière, nous éviterions qu'une majorité acquise de justesse au sein du collège provincial puisse encore embêter un collègue avec un recours en appel. On pourrait prévoir qu'un recours est possible si une majorité des deux tiers des membres du conseil provincial estime qu'une faute flagrante a été commise.

Les conseils provinciaux constituent actuellement la base de tout le fonctionnement de l'Ordre. C'est en leur sein que nous recrutons des personnes bénéficiant d'une notoriété encore limitée. Dans le petit cercle d'une province, on sait plus rapidement quelles sont les personnes compétentes, sérieuses et disposant d'encore un peu de temps. On obtient ainsi au sein des conseils provinciaux un bon échantillon de médecins. Si ceux-ci décident d'envoyer une personne au conseil national, une autre au conseil d'appel et une autre encore au conseil interprovincial, il y a plus de chances qu'aboutissent dans ces organes des personnes moins connues mais qui veulent s'impliquer davantage. Dans le monde médical et certainement chez les autres praticiens, qui n'ont encore aucune tradition d'un ordre, la notoriété est souvent liée à un engagement dans la défense des intérêts de la profession.

Mme Clotilde Nyssens — Parlez-vous au nom de l'Ordre des médecins en général ou en votre nom personnel ? Les sensibilités sont-elles différentes en fonction du rôle linguistique ?

M. I. Uyttendaele. — J'ai précisé le point de vue de l'Ordre et mon point de vue personnel.

Mme Mia De Schamphelaere. — L'élément nouveau dans le texte martyr dont nous discutons est le Conseil supérieur, la structure faîtière chargée de définir tous les principes de base pour toutes les professions des soins de santé. Quel est le point de vue de l'ordre des médecins à ce sujet ? Il me semble que c'est une nécessité dans la société. En tout cas, il faut faire en sorte qu'il y ait davantage de transparence, de communication et de transfert d'informations dans le champ de travail des professionnels des soins de santé parce que la médecine et les soins de santé évoluent du plus en plus rapidement et deviennent de plus en plus complexes et que de nombreux patients sont victimes d'erreurs médicales qui souvent sont dues à un manque de communication entre les professionnels de la santé. C'est la raison pour laquelle j'aimerais connaître l'avis des médecins sur cette partie du texte.

M. I. Uyttendaele. — Le Conseil national a déjà eu un échange de vues à ce sujet. Nous approuvons entièrement le principe de la création du Conseil supérieur mais certains aspects de son élaboration nous préoccupent, notamment sa composition. Il ne s'agit pas tant du fait que quatre médecins généralistes et quatres médecins spécialistes y siègent, encore que ce ne soit pas le cas au Conseil national où nous élisons les médecins sur la base de leurs connaissances et de leur intérêt et non de leur discipline. Ce qui pose surtout problème au Conseil national, c'est que la décision de la composition des différentes instances soit laissée au Roi. Le Conseil national s'étonnera aussi que la loi ne définisse pas ce qu'il faut entendre par déontologie. J'ignore s'il fera encore une suggestion à ce propos. Initialement, je l'avais fait dans mon texte de base mais par la suite, j'ai supprimé ce passage, convaincu que votre assemblée se chargerait de sa rédaction définitive.

M. L. Corbeel. — Le docteur Uyttendaele a presque tout dit. Je dois ajouter que, si nous nous exprimons tous deux en tant que membres du Conseil, ce dernier n'a pas été consulté expressis verbis sur ces problèmes concrets.

Je parlerai en mon nom personnel. Je suis un homme de terrain et je connais assez bien, depuis de nombreuses années, toutes les structures des ordres.

Parlons d'abord des conseils provinciaux. Il est dit que le Roi règle la création et le fonctionnement des conseils provinciaux et que cela comporte les procédures d'élection et d'organisation interne, y compris jusqu'à celle des secrétariats des conseils, ce qui est un peu excessif.

Les missions qui sont imparties aux conseils provinciaux, outre la tenue du tableau et l'obligation de demander des avis au Conseil national, seront d'offrir une médiation, ce qui n'est pas nouveau. C'était déjà systématiquement le cas dans les conseils provinciaux que j'ai fréquentés.

Les conseils provinciaux prennent connaissance des affaires, soit d'office sur plainte d'un intéressé — et on peut se demander ce qu'est un intéressé — ou sur information par une autre instance compétente sur laquelle nous n'avons pas d'informations non plus. Le conseil provincial doit instruire et transmettre à un conseil interprovincial une proposition de classement ou de sanction. Il doit également signaler aux autorités compétentes les actes d'exercice illégal. Il est également compétent, bien que les limites n'aient pas été fixées, pour examiner les conventions entre praticiens et tiers.

Mais la composition des conseils provinciaux présente de curieux aspects. Il s'agit d'une majorité de praticiens élus directement et l'on peut se demander s'il y a des membres suppléants. Cela ne m'était pas apparu avec évidence.

Le texte de l'article 13 semble signifier que seul le président aurait un suppléant. Par ailleurs, il est prévu expressément un suppléant à l'article 14, paragraphe 4, pour les membres des collèges d'investigation. On peut se demander si un suppléant du président serait nommé par le Roi alors que le titulaire serait élu, mais mon interprétation n'est peut-être pas correcte.

Le conseil provincial comporte aussi deux juristes nommés par le Roi. À ce propos, je voudrais attirer l'attention sur le fait que la suppression des magistrats assesseurs est regrettable car leur rôle dans le fonctionnement des conseils est irremplaçable. Ils veillent en effet au respect des règles judiciaires au sein des conseils et dans les commissions d'enquête. Ils sont ainsi les garants de l'application des principes d'une justice équitable et n'ont pas de voix délibérative.

En ce qui concerne les membres médecins de ce conseil, ils ne peuvent être membres d'un organe d'une association professionnelle, d'un organe de gestion d'un établissement de soins; ils ne peuvent avoir aucun lien avec une mutuelle ou une union nationale, ce qui amène à éliminer beaucoup de candidats potentiels, pour des raisons peu claires et au mépris de la liberté d'association.

M. Nys a déjà évoqué le fait qu'un collège d'investigation est constitué de deux membres qui ne peuvent avoir une activité principale à proximité de celle du praticien concerné. Il est bien difficile de définir la notion de proximité. De plus, on peut habiter à proximité de quelqu'un sans avoir la moindre connaissance préalable à son propos et aucune concurrence professionnelle.

Les limites des pouvoirs d'enquête de la commission ne sont pas définies. Le conseil provincial devient donc essentiellement, lorsqu'il s'agit d'une affaire d'ordre déontologique, une juridiction d'instruction qui proposerait une médiation, dans un certain nombre de cas, ou transmettrait au conseil interprovincial, dans d'autres cas. Ces conseils interprovinciaux seront constitués d'au moins un médecin par province — soit cinq membres — et d'un magistrat qui préside. Il semble y avoir aussi un vice-président. Ce bureau sera constitué conformément aux règles à fixer par le Roi, comme d'habitude. On peut imaginer un médecin du Hainaut, appelé devant le conseil interprovincial à Bruxelles, où il va rencontrer un magistrat, un médecin de Liège, un médecin du Luxembourg, un médecin du Brabant wallon et un médecin du Hainaut. La composition de cette autorité paraît un peu faible, en regard de l'actuelle composition du conseil provincial, laquelle garantit finalement mieux l'impartialité des juges qui représentent toutes les tendances du corps médical. Or, le but de la réforme est d'octroyer plus de garanties aux professionnels inculpés.

Si on tient compte du nombre actuel d'affaires disciplinaires par province, on peut sans risque d'erreur pronostiquer que ce conseil interprovincial ne pourra faire face à la tâche, puisqu'il devra prendre, à lui seul, les décisions disciplinaires transmises par cinq conseils provinciaux. Si l'on augmente le nombre de conseils interprovinciaux, comme l'a suggéré mon collègue, il faudra définir les rôles de chacun, car se pose aussi un problème de distance.

Je me suis livré à des calculs, au regard des statistiques précédemment publiées par M. Nys à propos du nombre d'affaires disciplinaires. Pour la période 1991 à 1999, il est question de 466 affaires traitées par l'ensemble des dix conseils provinciaux. Actuellement, nous avons plus de 45 000 médecins et, par exemple, le conseil du Brabant d'expression française qui compte 8 500 membres, traite environ 250 plaintes réelles, avec commission d'enquête, par an. On peut donc extrapoler que, sur l'ensemble d'une région linguistique, le nombre de plaintes à traiter serait d'environ 500, ce qui n'est pas possible avec le conseil tel que prévu.

On a parlé de la description de règles de procédure. Je suppose que l'inculpé sera entendu, ainsi que son avocat. Comme l'a demandé M. Uyttendaele, le conseil d'investigation devra aussi être entendu par ce conseil interprovincial.

Je voudrais encore dire un mot sur le conseil national. La compétence de celui-ci a été limitée aux avis à délivrer à chaque personne qui a un intérêt et qui le sollicite. Cela nous amène à nouveau à nous interroger sur la notion « d'avoir un intérêt ». Actuellement, le conseil national jouit d'un pouvoir d'initiative en ce domaine. Il est étendu aux problèmes d'ordre général, à des problèmes de principe, à des règles de déontologie médicale.

Dans le nouveau projet, chaque section du conseil national comporte une moitié de membres directement élus, toujours soumis aux mêmes critères d'élimination déjà décrits. Leur nombre n'est pas fixé. Il comporte aussi les membres présentés par les universités et un membre ayant une expertise des problèmes éthiques est également présenté par les universités.

Je suppose qu'il s'agit là d'une erreur de traduction ou de conception. Comme d'habitude, le bureau est constitué selon des règles fixées par le Roi.

Pour conclure, je soulignerai que cette mise au point n'est pas une critique stérile mais une tentative d'éclairer la commission sur les aspects susceptibles d'être améliorés.

La limitation des possibilités d'expression du conseil national n'a pas de justification admissible à notre point de vue. Le conseil produit actuellement trente à septante avis documentés par an. Leur valeur déontologique et leur objectivité n'ont jamais été contestées. D'ailleurs, le site du conseil national a reçu 36 000 visiteurs en 2003 et en aura 45 000 cette année. Les demandes sont toujours orientées vers les avis et recommandations.

Le conseil provincial ne pourra faire face au nombre de décisions qui lui seront demandées, à moins qu'il ne soit structurellement modifié ou multiplié.

On a parlé des règles de procédure. Le prévenu sera entendu, du moins je le suppose. Il doit en être de même, comme on l'a dit, du rapporteur du collège d'investigation. Il serait tout aussi logique à ce moment, dans le rôle que lui attribue la proposition de loi, que ce conseil provincial puisse faire appel de la décision du conseil interprovincial.

La question des élections a été abordée par M. Uyttendale. Je souligne le problème des élections directes pour le conseil provincial. Pour les niveaux supérieurs, il faut tenir compte de la nécessité d'y affecter des médecins informés et préoccupés de questions déontologiques, expérimentés et disponibles, car siéger dans ces conseils n'est pas forcément une sinécure. Pour les niveaux supérieurs, une procédure d'élection au second degré est évidemment justifiée.

M. Vankrunkelsven. — Je souhaite poser une question concrète concernant la notion de proximité des médecins. Lors des travaux préparatoires des autres projets relatifs à l'ordre, il a régulièrement été question du fait que cela pose problème aux médecins d'être jugés par des collègues habitant à proximité. Notre texte initial mentionnait que les personnes provenant d'une même province et, lorsqu'il s'agissait encore de circonscriptions provinciales, d'un même arrondissement, devraient être récusées ou devraient s'abstenir d'enquêter ou de se prononcer. Mais il reste cependant toujours possible qu'un médecin habitant à la limite d'un arrondissement ou d'une province se heurte à un collègue d'un autre arrondissement ou province. C'est la raison pour laquelle nous insérons la notion de proximité. Nous demandons à l'ordre de réfléchir à la manière de prévenir d'éventuels cas de confusion d'intérêts. La solution la plus élégante est évidemment qu'un médecin qui habite dans le voisinage immédiat d'un collègue appelé à comparaître devant le conseil se retire spontanément.

M. L. Corbeel. — Je pense que votre solution est la bonne. Il faut que l'intéressé se déporte, et si ce n'est pas le cas, c'est le rôle du président — qui peut lui être précisé. De plus, celui qui doit comparaître peut aussi récuser.

M. Destexhe. — La chambre interprovinciale est encore composée d'une majorité de praticiens. Par contre, le conseil d'appel compte, si je ne me trompe, cinq praticiens, deux juristes et trois magistrats, soit cinq médecins et cinq juristes, en quelque sorte. Compte tenu de la portée spécifique du droit disciplinaire qui porte sur des affaires médicales, puisqu'on n'est ni en droit civil ni en droit pénal, quelle est votre appréciation sur le fait que cette chambre d'appel soit finalement composée de façon paritaire de praticiens et de juristes ?

M. L. Corbeel. — Aujourd'hui déjà, le conseil d'appel comprend cinq magistrats, cinq médecins et, en plus, un président magistrat dont la voix est prépondérante. Cela a fait couler beaucoup d'encre dans les années passées. Pour ma part, j'ai aussi siégé en conseil d'appel et j'ai constaté que les choses se déroulaient sans difficultés. J'ai toujours constaté que les magistrats étaient sensibles aux opinions des médecins. Cela ne signifie pas qu'il en sera toujours ainsi. Cela dépend essentiellement des hommes qui occupent la fonction.

M. Destexhe. — Je voudrais faire une brève remarque aux auteurs. La notion de proximité, de non-association pose problème dans la mesure où, à aucun moment, vous n'introduisez la notion de conflit d'intérêts. Or, c'est un point central. Plutôt que de chercher à définir précisément les notions d'association professionnelle et de proximité, il serait préférable d'introduire celle de conflit d'intérêts, sans la définir, et voir ensuite si des conflits d'intérêts se présentent concrètement.

M. L. Corbeel. — Votre suggestion est excellente. De toute évidence, c'est toujours le conflit d'intérêts, d'avantages ou d'opportunités qui se trouve engagé. Il me semble qu'il incombe à celui qui préside son assemblée et qui la connaît donc bien, de demander aux intéressés de se déporter.

M. J. Hanot. — Nous n'avons pas non plus eu le temps de soumettre notre première analyse à l'approbation de notre conseil national qui est seul qualifié pour se prononcer officiellement. Les propos de M. Van Maercke et moi-même sont quand même le reflet d'une réflexion interne du conseil national, sans engager définitivement celui-ci.

Les propos que nous avons entendus nous inspirent deux remarques.

La première consiste à faire reconnaître la spécificité de la fonction sociale du pharmacien et de sa mission dans la société. Nous sommes toujours surpris de ce parallélisme que l'on établit entre l'Ordre des médecins et l'Ordre des pharmaciens. À l'heure actuelle, compte tenu du développement des sciences pharmaceutiques, notre mission est tout à fait spécifique. Cela ne signifie pas que nous voulions dissocier les dispositions réglementaires et légales des deux ordres; il peut y avoir des similitudes mais certainement pas une analogie.

J'en viens à la deuxième remarque. La création des ordres date de 1938 pour les médecins et de 1949 pour les pharmaciens. Certains diront que ces dispositions ont quelque peu vieilli, mais je rappellerai que la volonté du législateur de l'époque était de sauvegarder le caractère non commercial de la profession. Ce souci est tout aussi légitime aujourd'hui, voire davantage, au vu de l'évolution des pratiques commerciales que les responsables de la déontologie que nous sommes se doivent de freiner.

J'en viens au texte. Par souci de facilité, nous suivrons l'ordre des articles repris dans votre texte martyr.

L'Ordre des pharmaciens soutient l'idée de la création d'un organe qui aurait pour mission de fixer les principes de base de la déontologie — pas les règles —, communs à toutes les professions de santé. Nous sommes en effet d'avis qu'un organe venant chapeauter les ordres professionnels concernés par la santé publique apporterait une légitimité accrue aux organes chargés d'établir le code de déontologie et de le faire respecter.

Je me permettrai de rappeler que l'arrêté royal nº 80 de 1967 prévoyait que le Roi pouvait donner force de loi aux codes et règles de déontologie. Depuis 1967, cela n'a pas été fait. Nous souhaitons donc que nos règles de discipline aient une légitimité officielle.

Si nous acceptons l'idée d'un conseil supérieur, nous formulons néanmoins un certain nombre d'objections à l'encontre de certaines dispositions de votre texte martyr.

Nous ne pouvons marquer notre accord sur la composition du Conseil supérieur, telle qu'actuellement prévue à l'article 3, paragraphe 1er du texte martyr. Elle ne nous paraît ni réaliste ni équitable car elle n'est pas représentative de la profession de pharmacien en Belgique. Je rappelle que le texte prévoit deux pharmaciens, probablement un néerlandophone et un francophone, dans un conseil de 35 membres. Cette composition n'est pas non plus représentative des spécialisations au sein du monde pharmaceutique. Pour huit représentants du secteur infirmier et apparentés, on ne compte que deux pharmaciens, alors que la profession comporte quatre orientations majeures — pharmaciens d'officine, pharmaciens d'hôpitaux, pharmaciens biologistes et pharmaciens d'industrie. Selon nous, la situation est très similaire à celle des praticiens de l'art infirmier.

Le texte martyr prévoit également que les présidents des deux sections du Conseil national des ordres, sections francophone et néerlandophone, assistent aux réunions du Conseil supérieur. Le texte français précise qu'ils siègent avec « voix délibérative » alors que le texte néerlandais utilise le terme « raadgevende ». Nous ne sommes pas opposés à cette disposition sur le fond, mais il conviendrait de mettre les textes en concordance.

Le texte énumère par ailleurs une série de fonctions incompatibles avec celle de membre du Conseil supérieur. Selon nous, les notions auxquelles renvoie cet article — « organe », « association professionnelle » ou encore « lien professionnel » -nécessitent davantage de précisions afin d'éviter toute ambiguïté quant à leur portée exacte pour le futur.

J'en viens à l'approbation du Conseil supérieur visée à l'article 5, paragraphe 1er. Nous soutenons l'idée de la création d'un organe ayant pour mission de fixer des principes de base communs à toutes les professions de santé. Par contre, nous sommes opposés à l'idée que des règles de déontologie propres à une profession de la santé soient approuvées par des représentants des autres professions de la santé qui n'ont pas la compétence technique en la matière. Certains sujets très sensibles font en effet l'objet de points de vue radicalement opposés selon que l'on soit praticien dans tel ou tel secteur. Un exemple récent illustre cette objection majeure. Je pense aux règles légales qui augmentent la quantité d'échantillons médicaux que les médecins sont autorisés à délivrer annuellement. Le point de vue des pharmaciens est radicalement différent en la matière.

J'en viens à la validation du Conseil supérieur. Le texte martyr n'établit pas clairement si le Conseil supérieur peut refuser en partie ou s'il doit refuser en bloc les règles de déontologie proposées par le Conseil national lorsqu'elles lui paraissent contraires aux principes de base. Pour éviter toute polémique, nous proposons de remplacer le texte de l'article 5, paragraphe 2, par celui-ci: « Le Conseil peut refuser la validation visée, en tout ou partie, des propositions des conseils nationaux et des ordres pour autant que celle-ci soit contradictoire aux principes de base visés. »

Nous avons également une observation à formuler en ce qui concerne le recours contre le refus de validation du Conseil supérieur.

Le texte devrait prévoir la procédure à suivre par le conseil national en cas de refus de validation des règles de déontologie par le Conseil supérieur. Le conseil national doit-il entièrement revoir sa copie et la soumettre à nouveau au Conseil supérieur ? Ou y a-t-il un recours possible, avec justification, contre la décision d'un Conseil supérieur, éventuellement auprès du Conseil d'État ? Qu'en est-il de la motivation des décisions du Conseil supérieur ? En cas de refus, nous estimons devoir disposer de la possibilité d'argumenter notre position compte tenu des connaissances techniques qui sont les nôtres.

En ce qui concerne la force contraignante des principes de base, j'ai déjà dit qu'une fois approuvés par le Conseil supérieur, les principes de base devraient recevoir force contraignante, et ce, sans que le pouvoir exécutif ne puisse les refuser en tout ou partie. En effet, l'adoption des principes de base par le Conseil supérieur est entourée de garanties suffisantes: caractère multidisciplinaire de la composition du Conseil supérieur dont notamment huit membres sont des spécialistes des problèmes déontologiques, nomination par le Roi de près d'un tiers des membres du Conseil supérieur, règles en matière de quorum et de votes. Toute immixtion ultérieure du pouvoir exécutif dans la validation de ces principes ne nous semble nullement justifiée.

Toujours sur la force contraignante des principes de base, le texte prévoit que les principes ne sont validés de plein droit qu'après un délai de douze mois suivant leur notification au ministre de la Santé. Ce délai, fort long selon nous, peut être source d'insécurité juridique. Nous proposons que la validation, si elle n'est pas prononcée officiellement, devienne automatique après six mois et non douze.

Par ailleurs, sur le même point, il ne ressort pas clairement du texte martyr que les règles de déontologie approuvées par le Conseil supérieur deviennent contraignantes pour le praticien. Il nous paraît essentiel que ces règles reçoivent la même force légale que les principes de base. Cela conférerait une plus grande légitimité à l'ensemble du code de déontologie qui s'imposerait ainsi avec la même force à l'ensemble des praticiens. Par conséquent, nous proposons d'ajouter un paragraphe à l'article 5, par exemple: « Les règles de déontologie proposées par le conseil national des ordres ont force contraignante par le seul fait de leur validation visée à l'article repris au paragraphe précédent ».

À l'article 6 du texte martyr, il nous semble plus opportun d'intégrer un mécanisme d'antiblocage au cas où un certain nombre de membres du Conseil supérieur seraient tentés d'appliquer la politique de la « chaise vide » lors des décisions et des votes.

L'article 8 vise l'obligation de s'inscrire au tableau de l'Ordre, point capital. Le texte martyr ne fait aucune mention d'une telle obligation pour le praticien. Nous pensons que cette obligation devrait être mentionnée textuellement dans la loi afin d'éviter toute controverse. En effet, le problème est de plus en plus d'actualité avec la mobilité des professionnels et des diplômés à travers les 25 États de l'Union européenne. De même, nous estimons que certains autres problèmes d'actualité doivent être repris dans la future loi. Je pense aux praticiens frontaliers, aux doubles voire aux triples inscriptions au tableau de l'Ordre national et d'ordres situés sur le territoire de l'Union européenne — les prestations de service temporaire sont visés par cette question —, à l'inscription à titre principal et à titre secondaire à des activités exercées temporairement sur le territoire belge. Il conviendrait tout au moins de prévoir l'obligation de signaler à l'Ordre l'exercice d'activités sur un territoire.

L'article 9, alinéa 4, précise que la cotisation annuelle fixée par l'Ordre est due par les personnes inscrites au tableau de l'Ordre. Cet article devrait également prévoir, nous semble-t-il, une sanction en cas de non-paiement.

En ce qui concerne le financement, le montant des cotisations versées doit permettre à l'Ordre de remplir ses missions. Qu'en est-il du financement du Conseil supérieur et du conseil d'appel ? Nous comprenons que ces deux organes seront à charge du budget du ministère de la Santé. Le texte martyr devrait toutefois préciser ce qu'il en est effectivement.

En ce qui concerne la mission des conseils provinciaux — article 12, paragraphe 2 —, le texte martyr prévoit que « Les conseils provinciaux ont notamment pour mission de veiller au respect de la déontologie des professions de soins de santé, y compris les règles du code telles que visées au titre I. » La formulation de cet article prête à confusion. Renvoie-t-il à d'autres règles que celles du code de déontologie ? Si tel est le cas, nous recommandons de les énoncer textuellement en respectant la hiérarchie des normes applicables.

Sur le principe des nouvelles compétences des conseils provinciaux et des conseils interprovinciaux, le texte prévoit que la compétence en premier ressort dans les affaires disciplinaires revient désormais aux conseils interprovinciaux, la compétence des conseils provinciaux étant, elle, limitée à l'instruction des affaires. Nous ne pouvons marquer notre accord sur ce nouveau système et tenons à formuler des objections à cet égard. Ajouter un échelon supplémentaire va non seulement engendrer des coûts supplémentaires mais également alourdir gravement le système et allonger les délais dans lesquels les affaires seront traitées, au risque de dépasser un délai raisonnable.

On peut craindre que les tâches de pure instruction ne présentent que très peu d'intérêt pour les praticiens qui ne seraient dès lors guère motivés pour devenir membre d'un conseil provincial. Les affaires disciplinaires relevant toutes de la compétence des deux conseils interprovinciaux, ces derniers devront siéger à plein temps. Par conséquent, il sera très difficile de trouver les membres devant composer ces conseils, tant professionnels que magistrats car ceux-ci sont généralement encore actifs professionnellement. Nous pensons que les conseils provinciaux devraient conserver leur compétence d'instance disciplinaire du premier ressort au moins pour les affaires disciplinaires pour lesquelles des peines mineures peuvent être prononcées, le conseil provincial devant renvoyer l'affaire au conseil interprovincial dès qu'il estime que l'affaire nécessite une sanction plus lourde. Cette solution permettrait de répondre à bon nombre d'objections soulevées précédemment.

L'article 12, paragraphe 2 concerne les missions des conseils provinciaux. L'arrêté royal nº 80 prévoit en son article 6, paragraphe 2, que « Dans leur mission relative au respect des règles déontologiques, l'Ordre des pharmaciens est chargé de réprimer disciplinairement les fautes commises dans ou à l'occasion de l'activité professionnelle, ainsi que celles commises en dehors de l'activité professionnelle. » Le texte martyr ne fait plus cette distinction. Faut-il en déduire que les procédures disciplinaires doivent désormais se limiter strictement aux faits accomplis « dans ou à l'occasion de l'activité professionnelle » ? Selon nous, certains comportements de la vie privée sont de nature à compromettre la confiance que le patient place dans son pharmacien et peuvent donc justifier une instruction par les instances disciplinaires de l'Ordre.

Nous estimons que la compétence des conseils provinciaux d'énoncer des avis ne devrait pas être limitée aux demandes des cours et des tribunaux en matière de contestations d'honoraires. La pratique révèle en effet que ces conseils sont très souvent approchés par les cours et tribunaux pour d'autres problèmes relevant de l'art pharmaceutique.

Concernant le collège d'investigation, visé à l'article 14, paragraphe 3, le texte martyr prévoit que les membres du collège ne peuvent avoir leur activité principale « dans la proximité de celle du praticien concerné ». Selon nous, la disposition devrait être plus précise quant à l'étendue géographique concernée.

M. P. Van Maercke. — Au nom de l'Ordre des pharmaciens, je souhaite attirer l'attention sur les misions du Conseil national, qui font l'objet des articles 19 et suivants. L'énumération des missions du Conseil national ne mentionne plus la tâche essentielle que le parlement avait confiée à l'Ordre des pharmaciens lors de sa création en 1949, à savoir préserver le caractère non commercial de la profession. L'omission de cette tâche dans la liste des missions confiées à l'Ordre des pharmaciens soulève donc de sérieuses objections et nous demandons instamment que cela soit rectifié.

L'article 19, § 6: compétence d'avis du Conseil national. Le Conseil national se voit confier la compétence d'émettre des avis sur les règles déontologiques propres à la profession à toute personne ayant un intérêt qui le sollicite. Nous voudrions faire deux observations à ce sujet.

Premièrement, dans le texte de la proposition de loi, il n'est plus question des avis qui sont émis par le Conseil national, de sa propre initiative. Cette possibilité devrait être mentionnée. Deuxièmement, le champ d'application de cet article devrait être mieux défini afin d'éviter toute sollicitation de la part des personnes qui feraient valoir à tort un intérêt.

L'article 19, § 9: compétence du Conseil national concernant la parapharmacie. Selon le ministre de la Santé, on pourrait confier à l'Ordre des pharmaciens de nouvelles missions comme la rédaction et la mise à jour d'une liste de produits parapharmaceutiques dont la présence est autorisée dans les officines. Afin d'éviter toute contestation, la nouvelle proposition de loi devrait prévoir explicitement l'octroi de ces tâches spécifiques qui seraient confiées à l'ordre par l'autorité.

Article 20: le président du Conseil national. Le texte martyr proposé ne fournit aucune précision concernant la qualité de ce président. L'arrêté royal nº 80 du 10 novembre 1967 précise pourtant expressément en son article 14, § 2, que le président du Conseil national est élu par chaque section parmi les membres désignés par les universités, plus particulièrement les professeurs. Nous demandons que cette disposition soit insérée dans la proposition de loi.

Article 22, § 4: le président du Conseil d'appel. Il faudrait préciser clairement que ce président doit être un magistrat, nommé par le Roi.

Article 23, § 1er, alinéa 1er: défense et assistance de l'accusé. Afin d'éviter toute polémique, il y a lieu de mentionner clairement qu'une des personnes pouvant assister le praticien dans sa défense doit obligatoirement être un avocat inscrit au barreau.

Article 23, § 1er, alinéa 2: publicité des débats. Nous défendons le point de vue que la publicité des débats doit être exclue pour les procédures disciplinaires de première instance. Le pharmacien appelé à comparaître devant le conseil ne doit répondre de ses actes et de sa conduite que devant ses collègues. Il est alors tenu de dire la vérité et il peut toujours faire valoir une présomption d'innocence. Si les audiences sont publiques, le pharmacien qui comparaît n'a plus aucune obligation de dire la vérité. Même s'il ressort finalement de l'appréciation et de la décision du conseil disciplinaire que le pharmacien en question est innocent, le risque existe que la publicité de la procédure porte gravement atteinte à sa réputation.

Il n'y a pas d'objection à communiquer la décision arrêtée au plaignant, de manière à ce qu'il puisse être informé des suites réservées à sa plainte. Nous n'avons pas non plus d'objection à la publicité des débats pour les affaires disciplinaires au degré d'appel.

Je voudrais encore aborder un problème qui nous est propre, celui des propriétaires d'officine qui ne sont pas pharmaciens. Nous savons par expérience que certains de ces propriétaires sont tentés, pour des motifs d'ordre strictement commercial ou économique, d'exercer une pression sur le responsable pharmacien titulaire en vue de l'inciter à des actes contraires à la déontologie. Certains agissements enfreignant la déontologie se passent même à l'insu du pharmacien titulaire. Certains propriétaires peu scrupuleux abusent du fait que seul le responsable pharmacien titulaire ait l'obligation de respecter les règles de déontologie. En effet, seul ce dernier peut être poursuivi et sanctionné pour un comportement qui transgresse ces règles. L'Ordre des pharmaciens ayant pour mission de préserver le caractère non commercial de la pharmacie, nous demandons instamment que les règles de déontologie en vigueur soient appliquées à toute personne physique et morale impliquée dans la production, la distribution et la délivrance de médicaments. En tout cas, il faut faire en sorte que ces personnes ne puissent faire obstacle au respect des règles de déontologie par celui qui exerce la profession. Il est impératif que cette problématique trouve une solution dans un futur texte de loi.

M. J. Hanot. — Je voudrais terminer par une réflexion peut-être quelque peu philosophique mais néanmoins essentielle. Dans l'intérêt général et, en particulier, dans l'intérêt de la santé publique et de la protection des malades qui constituent la finalité des professions de santé, l'honneur de la profession et la dignité du praticien constituent les fondements essentiels de la déontologie de toutes les professions de services, quelles qu'elles soient.

L'Ordre des pharmaciens s'étonne donc que des valeurs de base soient totalement absentes du texte martyr, conscient que dans le monde contemporain, pour certains, les notions d'honneur et de dignité sont floues, imprécises et ne permettent pas des jugements objectifs et précis. N'est-ce pas simplement le résultat d'un manque de définition par le législateur ?

Selon notre conception, honneur et dignité sont des valeurs citoyennes fondamentales et indispensables pour une vie sociétale harmonieuse et équilibrée. Nous souhaitons donc leur maintien comme fondement du code et des règles de déontologie des professions de santé et proposons qu'elles soient définies de manière précise. Pour l'Ordre des pharmaciens, l'honneur de la profession est — je vous invite à relire l'arrêté royal nº 78 du 17 novembre 1967 — le fait de « participer à part entière à l'art de guérir » et non pas simplement le fait de poser des actes qui peuvent s'apparenter à des activités purement commerciales. Cette fonction de participer à l'art de guérir est appelée à s'étendre dans un contexte de prospective où l'accueil de première ligne est vivement recommandé par les plus hautes instances internationales, je fais allusion à l'Organisation mondiale de la santé. Quant à la dignité des praticiens pharmaciens, elle s'exprime dans un comportement permanent — je cite l'arrêté nº 80 de 1967 — « de service, de dévouement, de discrétion, de probité et de moralité ». Nous craignons fort qu'en jetant aux oubliettes des valeurs aussi fondamentales que l'honneur et la dignité, nous n'allions vers une société en pleine dérive.

Pour nous, ce serait mettre en péril l'honneur de la nation et la dignité des parlementaires.


Auditions du 13 octobre 2004

— M. Jacques de Toeuf, vice-président de l'Association belge des Syndicats médicaux;

— M. Johan Vandenbreeden, membre du Conseil national de la Kinésithérapie;

— M. Paul Rabau, président du groupe de travail Éthique et Déontologie du Conseil national de la Kinésithérapie;

— M. Koen Verhofstadt, médecin généraliste.

M. Jacques de Toeuf. — Je m'exprime ici en tant que représentant d'une organisation syndicale que vous connaissez. Cependant, l'Ordre des médecins ne nous est pas étranger, puisque ce sont mes prédécesseurs qui ont contribué à porter sur les fonds baptismaux l'arrêté royal nº 79 organisant le fonctionnement des ordres. Par ailleurs, je termine pour l'instant mon troisième mandat de six ans comme conseiller provincial à l'Ordre du Brabant francophone.

Je commencerai par expliquer le fonctionnement actuel de l'Ordre des médecins: un conseil national élabore la déontologie; un conseil d'appel, composé paritairement de magistrats et de médecins, siège publiquement suivant les décisions de la Cour européenne et de la Cour de cassation et, enfin, un conseil provincial assure le tableau, la médiation, les arbitrages et avis sur les honoraires, de même que l'aspect disciplinaire.

Dans l'exercice de la discipline, il existe une séparation stricte entre les organes d'instruction et de jugement; si le plaignant le souhaite, son audition a lieu devant une commission d'enquête; un magistrat assesseur est indispensable au bon fonctionnement de l'ordre; sans lui, rien ne peut se faire.

En ce qui concerne l'aspect disciplinaire, un rapport d'instruction est élaboré par le président de la commission d'enquête; cette instruction est faite à charge et à décharge; la personne attraite devant la juridiction comparaît avec son ou ses avocats; aucun ministère public ne défend l'accusation. Le plaignant n'est pas partie à la cause et n'est pas représenté lors des débats puisque l'Ordre travaille dans une optique d'ordre public et non de dédommagement individuel.

Le projet de loi déposé résoudra en partie les problèmes constatés au niveau des conseils provinciaux. Je pense à la non information du plaignant quant au résultat du traitement de sa plainte, au recours abusif et systématique aux artifices de procédure de la part des avocats de la défense et à l'inégalité entre les parties, puisque si la défense étant seule représentée, il n'y a pas d'équilibre entre accusation et défense.

Je voudrais aussi faire remarquer que le fonctionnement du conseil provincial a été calqué sur celui des cours d'assises: douze jurés, qui sont des conseillers, jugent en âme et conscience après une instruction d'audience qui est systématiquement reprise. Le contenu du dossier est donc rediscuté en séance. Le cérémonial, qui est maintenant passé de mode, était calqué sur la cour d'assises. Il n'y a pas non plus de hiérarchie des peines; ces dernières étant fonction de la libre appréciation du jury. La procédure est donc différente des jugements en correctionnelle.

J'en viens au projet qui a été déposé. De façon générale, mes remarques valent pour d'autres projets ou propositions de loi.

Nous estimons qu'une énorme latitude est laissée au Roi, c'est-à-dire au gouvernement, pour prendre des mesures non seulement d'exécution, mais aussi sur la tenue des délibérations, la composition des organes, les présidences et autres. Laisser une large liberté d'appréciation au Roi ne me paraît pas une bonne solution en la matière.

Le projet comprend trois grands axes: la création d'un conseil supérieur de déontologie, le fait de confier à un conseil interprovincial les aspects disciplinaires au premier degré et une réforme des peines ou des différents types de sanctions.

En ce qui concerne le conseil supérieur de déontologie, nous nous interrogeons sur l'impérieuse nécessité d'en créer un.

Que le Parlement estime légitime que soit créé un organe où sont abordés des problèmes de déontologie qui, bien évidemment, sont ceux de toutes les professions de la santé, soit. Cependant, les missions confiées à ce conseil supérieur sont excessives et les représentations des différents groupes relativement déséquilibrées.

L'article 3 définit les compositions. En ce qui concerne le président, notre préférence va — c'est l'expérience qui parle — à un président issu de la Cour de cassation plutôt que du Conseil d'État ou de la Cour d'arbitrage. La mesure prévue au paragraphe 3 me paraît totalement anormale. Vous énoncez un certain nombre d'incompatibilités pour ce qui est de la possibilité de siéger au sein de quelque organe que ce soit de la déontologie, en visant des personnes qui occupent des fonctions dirigeantes dans les associations professionnelles, qui ne sont pas autrement définies.

Les associations professionnelles, ce ne sont pas seulement les syndicats. Les cercles de médecins généralistes sont des associations professionnelles qui ont des missions définies par la loi pour l'organisation de la garde médicale. Dans les hôpitaux, les conseils médicaux exercent des fonctions d'organe professionnel représentatif. D'ailleurs, le projet interdit aux personnes issues du monde mutualiste ou à des directeurs d'hôpitaux de siéger dans les organes.

Il n'y a aucune raison de considérer que les gens sont incapables de faire la part des choses. Je trouve que cette disposition porte atteinte à la dignité de la fonction. A Namur, des médecins issus du monde mutualiste ont pu siéger en qualité de conseillers et présider le conseil de manière compétente et respectée de tous. Au conseil du Brabant siège un médecin inspecteur de l'INAMI. Il a été élu et travaille particulièrement bien, dans le parfait respect de la déontologie. Il n'est pas raisonnable de se priver des compétences de ces personnes. À force de vouloir éjecter tous ceux qui prennent des responsabilités dans l'un ou l'autre organe, vous finirez par ne plus pouvoir désigner que des gens dont la volonté de s'engager reste à établir au moment de leur candidature dans les organes déontologiques. Il existe de toute façon des procédures de récusation et un médecin peut se déporter s'il estime qu'il y a incompatibilité.

Les missions du conseil supérieur nous paraissent trop étendues. Il est tout à fait logique de décrire les principes de base de déontologie communs aux différentes professions mais nous ne pouvons accepter que le conseil supérieur approuve de façon formelle les règles déontologiques applicables à chaque profession de la santé, ni que le Roi puisse donner force contraignante à ces principes de base. Nous estimons depuis toujours qu'il vaut mieux que la déontologie s'impose par sa valeur plutôt que par le biais d'une loi soumise aux aléas des changements de majorité politique. L'article 6 prévoit une simple majorité ordinaire des membres pour décider du contenu de la déontologie. Sur le fond, cela ne pose pas vraiment problème mais, sur la forme, cela risque d'être ressenti comme une provocation par l'ensemble des médecins puisqu'ils y sont largement minoritaires.

J'en viens à présent aux Ordres. Le texte n'est pas clair. J'ignore ce que vous entendez par sous-catégories professionnelles spécifiques. Je ne connais pas les conseils assimilés définis à l'article 10 pour les conseils provinciaux. J'ai relevé par ailleurs quelques insuffisances de traduction mais ce n'est pas grave: il suffit de se reporter au texte néerlandais pour comprendre.

Les missions confiées aux conseils provinciaux diffèrent sensiblement de celles que nous connaissons aujourd'hui. Désormais, le conseil provincial fera le tableau et il aura le droit de refuser l'inscription d'un médecin en cas de faute grave, faute qui pourrait déboucher sur une suspension. Cependant, l'article 12 interdit au conseil provincial de sanctionner un médecin. Il y a donc deux poids, deux mesures. Le conseil provincial peut prendre une sanction en refusant une inscription mais, une fois l'intéressé inscrit, il ne peut plus le sanctionner. En matière de déontologie, le conseil provincial servira de boîte aux lettres afin de transmettre des avis au conseil national. Sur demande de l'intéressé, il organisera une médiation. Il prendra connaissance des affaires mais, après l'instruction, il devra communiquer le dossier au conseil interprovincial. Il jouera donc un rôle comparable à celui d'une chambre du conseil en correctionnelle. Son pouvoir est néanmoins étendu puisqu'il pourra recommander au conseil interprovincial de sanctionner ou de ne pas sanctionner et que ses décisions seront sans appel. Désormais, ce ne seront plus des magistrats qui siégeront mais bien des juristes. Nous le regrettons car l'expérience des magistrats était d'un apport énorme dans le fonctionnement des ordres provinciaux.

L'article 14 crée des collèges d'instruction et une fonction de médiateur. Apparemment, un collège d'instruction serait créé pour chaque affaire mais le médiateur serait un professionnel affecté à cette tâche pour un mandat de six ans, ce qui paraît assez lourd.

Le paragraphe 3 de l'article 14 introduit une disposition, à mon avis très contestable, qui contraindrait une personne qui exerce une activité dans la proximité de la personne convoquée à se déporter. Je ne sais pas ce qu'il faut entendre par « proximité ». Faudra-t-il prendre un compas et mesurer les kilomètres autour du domicile professionnel ? Je puis vous assurer que dans les grands hôpitaux, les médecins ne connaissent même pas leurs collègues. L'article 15 dit que le conseil peut désigner d'office un médiateur. Ce point est en totale contradiction avec l'article 13, qui prévoit que cette désignation intervient à la demande des parties qui comparaissent. Soit il crée son collège, soit il envoie directement la plainte au conseil interprovincial. En tout état de cause, le conseil provincial fait l'instruction et sert de boîte aux lettres mais ne décide plus rien. Je me demande donc à quoi il pourra encore servir. Il serait plus économique de le supprimer tout à fait.

Le futur conseil interprovincial, présidé par un magistrat, assurerait la discipline à l'échelon d'une communauté mais je ne sais pas où seraient rattachés les germanophones. Sans doute, comme il s'agit de Liège, au conseil interprovincial francophone. Actuellement, au niveau provincial, la discipline est présidée par un médecin. Et, cerise sur le gâteau, les médecins de la province concernée seront exclus pour s'assurer qu'il n'y aura pas de collusion entre un médecin du Brabant et une juridiction brabançonne qui se mêlerait aux autres pour le juger.

Vous l'aurez compris: j'ai quelques problèmes avec ce conseil interprovincial. En juridiction de première instance, il est bon, contrairement à ce que d'aucuns prétendent, qu'il y ait une proximité entre le juridictionnel et le comparant. D'un point de vue culturel, les problèmes relationnels, que ce soit entre praticiens professionnels ou entre gestionnaires d'institutions et médecins, ou encore entre patients et médecins peuvent être vécus de manière très différente d'une province à l'autre. Heureusement, le médecin qui sera convoqué devant cette commission interprovinciale pourra encore être entendu mais le médecin et son avocat qui résident à Verviers, à Arlon, à Ath ou à Tournai se verront infliger des déplacements importants.

Actuellement, la plupart des réunions se tiennent le soir. J'imagine que ces juridictions se réuniront dans la journée, ce qui posera des problèmes quant à la constitution du siège. Tout se passera au niveau du conseil interprovincial. À titre d'exemple, en ce qui concerne le Brabant d'expression francophone, nous tenons entre 15 et 20 réunions disciplinaires par an, qui durent entre une et trois heures. Une trentaine de commissions d'enquête débouchent sur un non-lieu. Il y a approximativement 200 plaintes traitées en conseil sans donner lieu à commission d'enquête car les faits ne sont pas établis à suffisance. Cela signifie qu'environ 250 affaires du Brabant seront expédiées au conseil interprovincial. En prenant les autres conseils en considération, nous arrivons à au moins 1 000 affaires par an. A moins de faire du snelrecht au niveau interprovincial, il sera impossible de traiter plus de 10 affaires par jour, de sorte que nous pouvons tabler sur 100 jours pleins de juridiction. Je ne sais pas comment vous comptez organiser tout cela, ni qui va payer, mais les cotisations vont grimper de manière phénoménale.

Cette façon de procéder allongera sensiblement le circuit. Le prononcé sera ralenti: le provincial fera l'enquête, l'interprovincial condamnera et, ensuite, il y aura les appels. Je trouve que c'est une mauvaise chose. Ce texte atteste plutôt la profonde méfiance de ses rédacteurs vis-à-vis du médecin qu'une volonté d'améliorer la situation.

Vous créez un conseil de première instance auprès du conseil supérieur. Il s'agit sans doute de prévoir quelque chose pour les professions assimilées, non reconnues. Et, il y a, comme aujourd'hui, un conseil d'appel, composé de cinq juristes et magistrats et de cinq praticiens. L'article 22, paragraphe 4, fait référence à cinq praticiens de chaque catégorie représentant au moins un tiers du nombre total de membres. Je ne sais pas très bien ce que cela veut dire. Par ailleurs, il y a une erreur: l'alinéa 3 du paragraphe 4 précise que le Roi nomme les membres effectifs sauf les juristes, tandis que l'alinéa 4 dit que l'on applique les dispositions de l'article 3, paragraphes 3, 4 et 5, c'est-à-dire que ces fameux membres effectifs sont élus. Je suppose que le copié-collé n'a pas été fait mais il faut ajuster le texte, sinon nous n'en sortirons pas.

Il y a une tentative de faire en sorte que le plaignant, étant informé, ne puisse pas tirer profit de l'avis rendu par le conseil interprovincial devant une autre juridiction. C'est très bien. Cela résoudrait le problème de la non communication au plaignant du contenu du jugement mais je ne suis pas sûr qu'il est constitutionnel d'interdire à une personne d'utiliser les éléments de preuve dont elle dispose pour conforter son action devant une autre juridiction.

L'article 27 réforme les sanctions. C'est le bon côté du projet. Il contient des possibilités de sanction qui vont dans le sens des demandes formulées à diverses reprises par l'Ordre national depuis le début des années 90. Il manque seulement le sursis probatoire, ce qui, à mes yeux, est regrettable. Il y a par contre un paradoxe à l'article 27, paragraphe 3: sur avis des commissions médicales provinciales ou si l'Ordre estime que c'est très grave, le conseil provincial peut suspendre provisoirement un médecin alors que, dans son rôle usuel, il lui est interdit de juger quiconque ou, même, d'infliger une simple réprimande ou de classer sans suite. C'est incohérent.

En ironisant un peu, j'imagine qu'après avoir réglé tous les problèmes de déontologie des professions de la santé, vous ferez de même pour l'Ordre des avocats, l'Ordre des réviseurs d'entreprise, l'Ordre des vétérinaires, etc. Il n'y a pas de raison que la réforme de la déontologie s'arrête aux professions de la santé. Je me permets de suggérer de pouvoir présider l'Ordre des avocats !

Mme la présidente. — Le Dr de Toeuf a insisté sur la compétence étendue du Roi. Celle-ci s'explique par le fait que tous les ordres doivent êtres insérés dans notre schéma et qu'il est impossible de régler tous les détails dans un texte de loi. Les particularités seront réglées par une législation spécifique à chaque ordre, ce qui réduira les éléments laissés à l'appréciation du Roi. Les points à propos desquels le Roi devra prendre des arrêtés concernent notamment des professions des soins de santé dont le nombre de praticiens est trop restreint pour disposer d'un ordre propre. Le Conseil supérieur de déontologie sera compétent pour ces groupes.

M. Vankrunkelsven. — Monsieur de Toeuf, vous avez vous-même combiné vos activités syndicales avec une activité au sein de l'ordre. Le fait que nous empêchions cela vous pose-t-il problème ?

Depuis trente ans, on s'efforce d'adapter l'Ordre des médecins à la société moderne et aux arrêts de la Cour européenne relatifs à la garantie des droits de la défense. Ces tentatives se sont heurtées à une vive résistance. Aujourd'hui, on semble disposé à réfléchir à une réforme. En votre qualité de dirigeant syndical, estimez-vous avoir encore des raisons d'inciter le corps médical à la résistance ou comptez-vous saisir l'occasion offerte par ces propositions pour concrétiser cette réforme, avec l'accord des médecins ?

M. de Toeuf. — En tant que représentant syndical, je siège depuis 16 ans au sein de l'Ordre. À mon sens, il n'y a jamais été question de conflit entre mes compétences syndicales et mes compétences de conseiller de l'Ordre.

Dans quelques affaires, j'ai demandé à ne pas siéger vu les divergences d'opinion qui m'opposaient au médecin appelé à comparaître, encore que ces divergences portaient sur des questions qui n'avaient aucun rapport avec le dossier à examiner. Dans de tels cas, j'estime personnellement qu'il est préférable de ne pas siéger.

Je ne me souviens pas que l'ordre ait jamais discuté de tendances syndicales ni de considérations ou d'opinions relatives à l'exercice de la profession. Il n'y a jamais eu de conflits syndicaux. Je ne prétends pas que tout cela n'existe pas mais je n'ai rien observé de tel. Aucun reproche en ce sens ne m'a jamais été adressé.

Je suis très sensible aux réserves émises par les médecins. Il est arrivé à deux reprises qu'un médecin demande que je m'abstienne de siéger, ce que j'ai fait sans problème. C'est normal dans le cadre des relations entre les praticiens d'une même profession au sein d'un collège disciplinaire.

Je pense que le moment est venu d'apporter des modifications à la législation relative à l'Ordre des médecins et d'imposer certaines obligations déontologiques à d'autres groupes de professionnels des soins de santé.

Cette demande a d'ailleurs été adressée par des prestataires de soins au ministre Demotte à l'occasion des dialogues de la santé. Je pense que c'est une bonne chose.

Actuellement, je ne lance aucun appel à la résistance. Cela n'aurait pas de sens. Nous voulons simplement avoir la possibilité d'évaluer ce qui est proposé.

Mme la présidente. — C'est surtout le fait que le Conseil supérieur de déontologie ait la compétence d'entériner les règles déontologiques de l'Ordre des médecins qui vous pose problème. C'est aussi ce qui ressort de l'audition menée la semaine dernière.

Vous avez dit que la représentation n'était pas équilibrée. J'aimerais que vous explicitiez votre point de vue car, selon nous, les médecins sont bien représentés au sein du Conseil supérieur.

De heer de Toeuf. — La représentation dépend des missions que vous confiez au Conseil supérieur. Si, lors d'un forum de discussion, l'on tente d'aboutir à un consensus concernant des principes déontologiques généraux, cela signifie que les sièges sont correctement répartis. Si une décision est prise à la majorité simple, il peut alors arriver qu'une majorité de praticiens d'une profession paramédicale ou de l'art infirmier et de spécialistes universitaires imposent ensemble une règle déontologique aux médecins, aux pharmaciens et aux kinésithérapeutes. Tout dépend de la mission du Conseil supérieur. Si celui-ci ne possédait pas une compétence normative complète, mais jouait plutôt le rôle d'un conseil de sages, il y gagnerait en crédibilité auprès de toutes les professions des soins de santé.

Mme la présidente. — Vous parlez au nom des médecins. Les pharmaciens, avec deux représentants, se plaignent aussi d'être sous-représentés. Nous devrons de toute façon poursuivre ce débat.

Vous aviez déjà évoqué la question de l'incompatibilité à propos de la question de M. Vankrunkelsven concernant les deux sections appelées à fonctionner en tant que conseil d'appel. Vous dites: ce sont des prestataires de soins. S'il s'agit d'une procédure concernant les médecins, ce sont ces derniers qui se réuniront. S'il s'agit d'une procédure concernant les kinésithérapeutes, ce sont ceux-ci qui siégeront.

Vous avez également soulevé les inconvénients des limites géographiques. Nous avons aussi compris, entre-temps, que la formule n'était pas idéale, mais on ne peut laisser décider un membre, ni même le président de l'ordre, de la récusation d'une personne qui aurait fait preuve de partialité dans un jugement portant sur un collègue. Peut-être conviendrait-il de s'inspirer des procédures de récusation du droit pénal. Verriez-vous un inconvénient à ce qu'une telle procédure de récusation soit intégrée dans la proposition ?

M. de Toeuf. — De telles procédures peuvent à mon sens être reprises, à condition de trouver la formule adaptée. Aujourd'hui, un médecin peut demander qu'un ou plusieurs membres du conseil quittent la séance en cours de réunion. Cela se fait déjà. Si l'on peut trouver de bons critères pour justifier cela, d'accord, mais je ne vois pas bien comment on va s'y prendre.

Le domicile, l'endroit où l'on exerce son activité professionnelle, les liens existant entre collègues d'un même hôpital, tous ces éléments compliquent considérablement les choses. Je préférerais donner, soit au président, soit au médecin convoqué ou à son avocat, la possibilité de prier certains membres du conseil de quitter la salle de réunion. Cette pratique est acceptée, mais si vous trouvez une meilleure formule, tant mieux.

Quant à l'incompatibilité, je me bornerai à dire que j'ai pu, à chaque élection, récolter le plus grand nombre de voix. Cela signifie tout de même que la base du corps médical ne voit pas d'inconvénient à ce qu'une personne cumule un mandat syndical et un mandat au sein de l'Ordre.

La dernière fois que je me suis porté candidat, on a parlé de provocation à l'encontre du monde politique ...

Mme la présidente. — Non, je ne placerais pas le débat à l'échelon politique. En présentant votre candidature en tant que responsable syndical, vous avez peut-être déjà un avantage par rapport à des collègues anonymes, ce qu'il serait sans doute préférable d'éviter. Je me suis d'ailleurs toujours laissé dire que les conflits apparus par le passé avec l'Ordre des médecins avaient une légère coloration idéologique. Que des syndicalistes siègent au sein de l'Ordre ne me semble pas une situation idéale.

Peut-être l'incompatibilité est-elle effectivement formulée de manière trop stricte, ce qui pourrait aboutir à la mise sur la touche de médecins qui prennent leurs responsabilités.

M. de Toeuf. — Je partage votre point de vue. C'est la raison pour laquelle je n'ai jamais demandé la présidence ni la vice-présidence de l'Ordre, alors que je pouvais y prétendre. Je trouve qu'il y a des limites, ne serait-ce qu'en terme de disponibilité, lorsqu'on est praticien.

Il ne s'agit pas seulement de limiter les cumuls. L'apport d'expérience doit aussi être pris en compte. M. Nollevaux, président de la Fédération des Mutualités chrétiennes à Namur, a fait du bon travail; personne n'a jamais contesté sa présence au sein de l'ordre.

Mme la présidente. — Vous critiquez surtout l'introduction de l'échelon interprovincial, dont je voudrais vous rappeler une nouvelle fois le sens. Vous avez présenté partiellement les choses d'une manière différente. Vous prétendez que les sensibilités varient selon la province. Précisément, nous n'admettons pas qu'un fait sanctionné dans une province soit toléré dans l'autre. Nous sommes en faveur d'une justice identique au-delà des limites provinciales et dans une même communauté.

J'ignore si nous pouvons tenir compte de votre remarque concernant l'alourdissement de la procédure et l'augmentation inutile du nombre de personnes impliquées. En procédant de la sorte, nous espérons réduire le nombre de procédures disciplinaires et privilégier la voie de la médiation et de la prévention des conflits. La philosophie est donc de régler le plus grand nombre possible de dossiers à l'amiable à l'échelon provincial et d'en référer le moins possible au niveau interprovincial.

M. Jacques de Toeuf. — Le conseil provincial pourra encore constituer le dossier. Ensuite, il devra le transmettre au conseil interprovincial. Vous dites que vous souhaitez que la plupart des problèmes soient résolus au niveau provincial mais la répartition des missions respectives fera que tout aboutira au niveau interprovincial. L'Ordre provincial n'aura même plus le droit de classer une affaire sans suite. Il n'aura plus la faculté de ne pas ouvrir une instruction. Il devra soit instruire, soit faire une médiation à condition que les deux parties en fassent la demande. Or, mon expérience m'a appris que la plupart des gens ne veulent pas entendre parler de médiation. Ils veulent au contraire une réaction qui stigmatise ou qui condamne. Nous proposons systématiquement une médiation mais, concrètement, nous n'en faisons quasiment jamais. Le plaignant est toujours sûr d'avoir raison ! Par conséquent, il faudra d'emblée faire une commission d'enquête ou envoyer directement le dossier au conseil interprovincial. Dans ce deuxième cas de figure, le conseil interprovincial renverra d'office l'affaire au conseil provincial en lui demandant de faire une instruction. Le conseil provincial sera surchargé.

Vous dites que vous voulez avoir une homogénéité dans les sanctions ou dans la façon d'appréhender les délits. C'est louable et légitime mais je vous ferai remarquer qu'en matière de roulage, par exemple, les sanctions sont très différentes selon que vous comparaissez à Tirlemont, à Roulers, à Spa ou à Bruxelles, nonobstant les circulaires du ministère de la Justice. Quand une maman assassine son fils toxicomane, la cour d'assises de Liège l'acquitte. A Ypres, elle aurait peut-être écopé de vingt ans de réclusion. Tout jugement contient une part de subjectivité. Ainsi va le monde. Une sanction identique ne pourrait émaner que d'un ordinateur auquel on transmettrait des paramètres. Cela n'existe nulle part.

Il faudrait formaliser la transmission d'informations entre conseils quant à la manière dont ils jugent qui, pour l'instant, se fait au gré des bonnes volontés, au lieu d'attendre que le national réunisse tout le monde pour discuter de la façon de sanctionner.

En Flandre occidentale, un médecin gynécologue qui avait eu l'audace de s'installer à 23 kilomètres de l'hôpital où il avait effectué son stage a été condamné à arrêter sa pratique pendant plusieurs semaines, si pas plusieurs mois ! On croît rêver ! A Bruxelles, cette décision aurait provoqué une émeute ! Comment homogénéiser tout cela ?

M. Vankrunkelsven. — Votre dernier exemple est précisément un argument pour éliminer autant que possible ces aberrations par le biais d'un conseil interprovincial.

D'après votre expérience, les arrangements à l'amiable ou les conciliations sont très rares. Je peux difficilement vous contredire. Nous espérons toutefois que le fait de modifier la mission des conseils provinciaux fera évoluer la tendance actuelle. Ce changement apportera un apaisement, synonyme d'évolution positive.

Nous devons, à un moment donné, décider de faire ou non le pas vers le conseil interprovincial. Je suis convaincu qu'une fois ce pas franchi, d'autres rapports se dessineront; peut-être une dynamique positive se développera-t-elle.

M. de Toeuf. — Je voudrais revenir un instant à l'affaire — qui s'est déroulée voici une quinzaine d'années — de ce gynécologue flamand. Cet homme est allé en appel et ses problèmes ont été réglés, mais cela prouve quand même l'existence de certaines difficultés.

Pour le reste, je peux vous rassurer. Le Conseil du Brabant, dans lequel je siège, craint surtout d'être obligé de créer un conseil de discipline à part entière et de mettre au point une procédure disciplinaire. Ce travail, qui exige beaucoup de temps et d'énergie, est ressenti par tous comme une contrainte. Nous tentons toujours d'organiser une conciliation. Nous faisons en sorte que les personnes se rencontrent et trouvent une solution, ce à quoi se refusent toutefois la plupart des plaignants. C'est en tout cas l'expérience que j'en ai. Il existe aussi une solution légale: inscrire dans la loi que l'organisation d'une conciliation constitue la première mission de l'Ordre.

Il serait utile d'élargir le débat au-delà de cette commission, mais la décision vous appartient.

M. Koen Verhofstadt. — Il y a vingt ans, j'étais le porte-parole des médecins qui s'opposaient à l'Ordre des médecins. Pour protester contre cette institution antidémocratique et corporatiste, qui servait davantage les intérêts des médecins que l'intérêt général, 300 médecins flamands ont refusé de payer leur cotisation pendant quelques années. Que des médecins aillent jusqu'à refuser de payer leur cotisation est révélateur. Cela reflète également l'ampleur de la protestation des médecins à l'égard de l'Ordre tel qu'il fonctionnait à l'époque. L'Ordre leur a coupé l'herbe sous le pied et a saisi le juge de paix pour réclamer son dû. Celui-ci a considéré qu'il s'agissait du non-paiement d'une facture à une instance de droit public, sans tenir compte de nos problèmes de conscience. Il s'est déclaré incompétent mais nous a pourtant contraints à payer.

Depuis lors, rien n'a changé et l'Ordre des médecins peut continuer à appliquer ses jugements arbitraires et sa déontologie corporatiste. Pour ne citer qu'un exemple, l'Ordre donne parfois des directives contraires à la loi. La loi relative aux droits des patients, qui n'est en vigueur que depuis 2002, permet la consultation du dossier d'un défunt par un parent et par tous les praticiens. Le Conseil national vient d'envoyer aux médecins une circulaire leur enjoignant de n'accorder le droit de consultation qu'à leurs confrères médecins.

J'estime qu'il s'agit d'une intervention arbitraire de l'Ordre des médecins qui considère que sa propre déontologie passe avant la loi.

Les conseils provinciaux de l'Ordre des médecins doivent veiller au respect de la déontologie médicale et à l'honneur et à la dignité de la profession. Les médecins et la population se montrent particulièrement méfiants à l'égard des conseils disciplinaires. En voici quelques raisons: un patient qui dépose plainte auprès du conseil disciplinaire ne sera pas tenu au courant de ce qu'il advient de sa plainte, il ne saura rien du contenu des auditions qui s'y rapportent et rien du résultat. De plus, un patient ne peut pas interjeter appel d'un jugement qu'il ne connaît d'ailleurs pas alors que le médecin a cette faculté. En 1938 — malheureusement une période de nouveaux ordres —, le législateur est manifestement parti du principe que la déontologie et la discipline n'intéressaient que le médecin concerné et non la population. Le rôle du patient se limite donc à tirer la sonnette d'alarme. Les conseils disciplinaires sont d'ailleurs uniquement constitués de médecins élus. Le magistrat présent n'a qu'une voix consultative. Les patients ont souvent l'impression qu'ils vont se confesser auprès du diable.

Non seulement les conseils disciplinaires visent la pratique professionnelle mais les médecins peuvent être — littéralement — rappelés à l'ordre pour des faux pas dans leur vie privée. Chaque médecin condamné par un tribunal ordinaire doit encore comparaître devant l'Ordre. Le principe « Non bis in idem » en vigueur dans notre État de droit ne concerne apparemment pas l'Ordre. Celui-ci peut donc prononcer un second jugement.

Les médecins poursuivis à la suite d'une plainte d'un collègue ou d'une initiative du conseil de discipline nous disent être souvent victimes de règlements de comptes.

Par ailleurs, la jurisprudence provinciale fait preuve de partialité. Les médecins fraudeurs ne sont guère ou pas sanctionnés tandis que les médecins qui ont jadis collaboré à une étude indépendante de Test Achats sur les laboratoires ont subi un mois de suspension effective. Un juge pénal applique la loi pénale et celle-ci est claire et nette. Il est moins évident de savoir quels sont les actes répréhensibles d'un point de vue disciplinaire. Le Code de déontologie médicale, élaboré en 1975, et modifié à de nombreuses reprises, n'est pas juridiquement contraignant.

Les conseils de discipline élaborent leur propre jurisprudence et cela n'inspire pas une grande confiance. Qui plus est, les jugements des conseils de disciplinaire ne sont pas systématiquement publiés. Non seulement ce manque de transparence entretient la méfiance vis-à-vis de ces conseils mais il empêche aussi que les médecins et les patients en tirent les leçons. Le droit disciplinaire existant ne semble pas non plus être un instrument adéquat pour contrôler la compétence et la qualité de l'exercice de la profession.

J'en reviens aux objections fondamentales à l'encontre de l'Ordre des médecins et je vous soumets un certain nombre de positions de principe claires, d'abord sur le plan de sa compétence normative éthique, ensuite sur celui de la jurisprudence disciplinaire.

Dans la société actuelle où les acteurs impliqués dans les soins de santé sont tellement nombreux, l'élaboration de la déontologie médicale est une question qui n'est plus uniquement du ressort des médecins. Heureusement, la société est émancipée dans bon nombre de ses segments et la gestion paternaliste et corporatiste des problèmes sociaux est devenue anachronique. Nous voyons aussi que le législateur n'a plus besoin de l'Ordre pour prendre des décisions importantes: la loi relative aux droits des patients, les lois relatives à l'euthanasie et l'avortement. Nous n'avons plus besoin non plus de cet Ordre dans les commissions de bioéthique qui assurent le suivi de ces lois dans une optique médicale et procédurale. Pourquoi avons-nous dès lors besoin d'un Ordre des médecins ? Nous plaidons en faveur d'un Conseil supérieur pluraliste d'éthique médicale qui remplacerait le Conseil national corporatiste de l'Ordre des médecins. Ce Conseil supérieur donnerait des avis au législateur, aux autorités, aux gens de terrain, sur toutes les questions en matière d'éthique dans le vaste domaine des soins de santé. Ce conseil devrait être composé de représentants de tous les acteurs des soins de santé, non seulement les médecins mais également les autres travailleurs de la santé, les patients et éventuellement les mutuelles, les gestionnaires d'hôpitaux, etc.

La jurisprudence disciplinaire fourmille d'incohérences et de jugements arbitraires et tendancieux. Elle est opaque et grouille d'incertitudes juridiques, tant pour le patient qui dépose plainte que pour le médecin accusé. Les audiences non publiques où les médecins jouent au petit juge après leurs heures sont indignes d'un État de droit moderne et elles sont fondamentalement malsaines. Nous plaidons en premier lieu en faveur d'une instance qui rapproche les parties à l'amiable, les écoute et essaie de concilier les points de vue. Il peut s'agir d'une sorte d'ordre local des médecins mais également du juge de paix. Ensuite, nous exigeons que s'appliquent les garanties de notre système de droit civil en matière de publicité, de caractère contradictoire, de compétence et d'indépendance. Dans ce sens, on pourrait créer une chambre auprès du tribunal du travail, le juge pouvant toujours se faire assister par des experts ad hoc. À cet égard, je puis renvoyer à un projet de loi de l'ancien ministre de la Santé publique, M. Colla, projet qui était quasiment prêt en 1999, qui réglait tout dans les détails et qui a été approfondi de manière équilibrée. Je vous invite à examiner cette proposition plutôt que de vous épuiser à restaurer cette institution anachronique.

Pour conclure, je vous demanderai de ne pas créer un nouvel ordre. Utilisez les moyens que vous offre l'État de droit pour concevoir une alternative socialement justifiée. Une matière d'une telle importance ne peut faire l'objet de compromis avec le puissant groupe des médecins mais elle demande une démarche politique courageuse qui est évidente pour une bonne partie de la population.

Remplacez l'Ordre des médecins par un organe déontologique équilibré moderne et par un système juridictionnel moderne et transparent.

Mme la présidente. — Le message est clair: les commissaires sont tous d'accord avec vos observations mais nos propositions cherchaient précisément à y remédier.

M. Vankrunkelsven. — Je constate en effet que nos préoccupations se rejoignent, mais la politique doit faire ce qui est réalisable. J'estime que les propositions de réforme de l'Ordre et les propositions complémentaires visant à créer un Conseil supérieur de la déontologie rencontrent toutes les objections que vous avez formulées. Nous pouvons bien entendu aller plus loin et supprimer l'Ordre. Entre parenthèses, les juges de paix ne constituent pas nécessairement une meilleure alternative et ils sont déjà surchargés. Par conséquent, ou bien nous supprimons l'Ordre et nous nous retrouvons face à un certain nombre d'autres problèmes, ou bien nous le réformons. Ne pouvez-vous accepter une réforme qui tienne compte de 90 % de vos arguments ?

Mme Geerts. — Je pense que le document de base contient beaucoup d'éléments de votre exposé. Vous abordez certaines pratiques abusives et certains points délicats et je ne doute pas un instant de la véracité de vos propos. Je pense cependant qu'il y a au sein de l'Ordre une grande expertise, des gens de bonne volonté et que les procédures sont bien contrôlées. Dans ces conditions, peut-on se permettre de tout balayer d'un revers de la main ?

M. Koen Verhofstadt. — Pour le juge de paix, cela représenterait effectivement un surcroît de travail considérable. Les changements importants demandent beaucoup de courage et d'organisation. Mais est-ce parce qu'un système existe depuis si longtemps que nous devons le garder ?

Certes, il y a des gens de bonne volonté familiarisés avec les procédures mais nous devons d'abord examiner comment organiser au mieux cela dans la société. Il me semble plus sain que le groupe professionnel ne joue pas lui-même au juge, surtout lorsqu'il en va de l'interdiction de l'exercice de la profession. Il s'agit d'une question grave où les droits individuels doivent être garantis. J'estime que cette garantie est absente du système de l'Ordre réformé tel que vous le proposez. Bien entendu, il s'agit d'un progrès par rapport au système actuel mais s'il faut changer quelque chose, il vaudrait mieux aller le plus loin possible. Je crois qu'on tient trop compte actuellement d'un groupe puissant extrêmement conservateur, qui n'est prêt à renoncer à rien. Un magistrat indépendant, nommé par le Roi, peut offrir de meilleures garanties au médecin et au patient qu'un médecin qui joue au juge après sa journée de travail.

Mme De Schamphelaere. — J'ai l'impression qu'on a moins discuté de l'Ordre ces dernières années mais peut-être est-ce parce que certaines propositions, telles que celle de M. Colla, ont intégré un certain nombre d'arguments. Je voudrais donc connaître l'ampleur du mouvement de contestation actuel.

Nous estimons qu'il faut, en matière de droit disciplinaire médical, une structure distincte du droit pénal, et qui ne vise pas seulement l'indemnisation du patient. Comment estimer au mieux la qualité de l'exercice de la profession ? Nous tâchons d'impliquer différents acteurs de la société et pas seulement le groupe professionnel. Nous tâchons également de supprimer l'arbitraire de la sentence en travaillant avec un conseil interprovincial. Nous publions également tous les jugements. Je pense donc que nos propositions ont tenu compte de bon nombre de vos objections.

M. Koen Verhofstadt. — On pouvait mesurer l'ampleur de la contestation au refus de certains médecins de payer leur cotisation, une action qui a entre-temps été neutralisée. En me basant sur les commentaires des gens de terrain, les patients comme les hommes politiques, je suis convaincu que beaucoup de gens soutiennent ces positions de principe. Pourquoi y a-t-il des tribunaux disciplinaires et pourquoi laisse-t-on aux médecins le soin d'établir leurs propres règles déontologiques ? Les propositions de loi actuelles rencontrent ces objections. La population et les médecins s'en réjouiront et la contestation diminuera.

Vous évoquez la nécessité d'un tribunal disciplinaire afin de garantir la qualité du groupe professionnel. J'attends de lire la première étude qui démontre que l'Ordre a veillé à la qualité du groupe professionnel. On n'a jamais étudié la question. L'Ordre s'est occupé de discussions intercollégiales, d'affaires financières mais il ne veille pas à la qualité de la médecine. L'INAMI pourra y contribuer par des accréditations, des recyclages, etc.

Mme la présidente. — Bien entendu, vous n'avez parlé que de l'Ordre des médecins. Sans doute vos mauvaises expériences antérieures ont-elles motivé votre opposition, mais il y a aussi d'autres ordres. J'ai l'impression que l'Ordre des pharmaciens est fort peu contesté. Les kinésithérapeutes sont également demandeurs d'un Ordre. Si nous vous suivons, nous ne devons en aucun cas en créer un. Il existe également un Ordre des avocats et d'autres ordres qui discutent de règles pour une catégorie professionnelle, sans arrière-pensée corporatiste. Le corporatisme est d'ailleurs interdit et il peut être sanctionné. Je pense que nous devons un tant soit peu croire aux bonnes intentions. Il est inconcevable que tous les médecins qui consacrent une partie de leur temps libre aux auditions de leurs confrères, concilient leurs points de vue et les rappellent à l'ordre soient mus par un réflexe de mauvaise volonté politique.

M. Germeaux. — Même si j'ai toujours sagement payé mes cotisations, je dois reconnaître que votre plus grand mérite est d'avoir vigoureusement mis en cause les idées communément acceptées concernant l'utilité des ordres. Je pense que, outre la loi relative aux droits du patient, une réforme ou une adaptation des ordres est préférable à une totale suppression. Quoi qu'il en soit, je ne voudrais pas que cela diminue votre mérite d'avoir ouvert le débat.

M. Koen Verhofstadt. — En tant que médecin je devrais peut-être être favorable à un Ordre; en tant que kinésithérapeute, je le serais également, mais je ne pense pas que nous devons plaider pour un Ordre en tant qu'organisation professionnelle. La société doit définir le meilleur moyen d'avoir un contrôle de qualité et une bonne jurisprudence.

Peut-être n'y a-t-il guère de contestations parce que le système fonctionne bien et parce que la discrétion est de mise. Cependant, il est important de combattre à la base les excès et les points négatifs.

M. Johan Vandenbreeden. — Tout d'abord, le kinésithérapeute moyen n'a que faire de normes professionnelles. Cela tient non pas à des raisons d'ordre idéologique mais à la situation budgétaire du secteur. Alors que des dépassements budgétaires de 11 ou 12 % sont admis dans d'autres secteurs de l'assurance-maladie, notre secteur a dû accepter une réduction de 11 à 12 %. C'est pourquoi 800 kinésithérapeutes ont quitté la profession. Un tiers de nos collègues soignent encore en moyenne quatre patients par jour et 51 % voient au maximum huit patients par jour. Dans une telle situation, un organe disciplinaire est utile et nécessaire mais dans le secteur de la kinésithérapie, il n'existe ni commission de déontologie ni organe disciplinaire. Le seul à s'être occupé sporadiquement de déontologie et de discipline était le conseil d'agrément de l'INAMI, mais il a été supprimé. Des commissions d'agrément autonomes ont été créées au sein du département de la Santé publique, mais actuellement, elles ne font qu'octroyer un agrément aux kinésithérapeutes diplômés. On ne fait toujours rien en ce qui concerne l'afflux dans la profession.

Voici quelque temps, les chambres restreintes discutaient déontologie, de temps à autre, en marge du suivi de la nomenclature. Elles relevaient de la compétence du Comité du service du contrôle médical, d'où le risque que plaignant et juge soient la même personne, ce qui n'était guère démocratique dans le cadre du système INAMI.

Il y a également eu le Conseil national de la Kinésithérapie qui a créé un groupe de travail Déontologie. Jusqu'à présent, concrètement, il n'a pas fait grand-chose.

Compte tenu du chaos que traverse le secteur de la kinésithérapie, il est urgent qu'une organisation de droit public se charge de protéger les patients et de réguler tant soit peu la concurrence entre les kinésithérapeutes.

Il est de la plus haute importance que tous les kinésithérapeutes soient soumis aux mêmes normes, d'autant plus que la profession est marquée par la diversité. Il y a des thérapeutes indépendants dont une grande partie n'exerce qu'à temps partiel; certains travaillent chez des physiothérapeutes sous la nomenclature K ou avec des médecins spécialistes; d'autres travaillent en hôpital ou en maison de repos et de soins contre rémunération forfaitaire; certains encore travaillent dans des maisons médicales ... Il existe une large gamme de statuts qui devraient tous de préférence être évalués par un seul organe disciplinaire.

Un tel organe disciplinaire a une importante mission, à savoir contrôler tous les statuts bidon qui existent dans ce domaine. Les faux indépendants sont légion mais ils ne sont pas contrôlés. Les thérapeutes sont les premières victimes de cette situation.

Une autre tâche est la surveillance du transport et du recrutement des patients. Il en va de la protection des patients.

Je signale enfin que, comme les pharmaciens parlent de parapharmacie, il existe également une parakinésithérapie: je pense à des thérapies apparentées dont l'efficacité ne peut être réellement évaluée. Aucune instance ne peut se prononcer à ce sujet.

Pour toutes ces raisons, ma Fédération plaide pour la création d'un Ordre des kinésithérapeutes, comme proposé dans l'article 7 de la proposition de loi qui nous est soumise.

Je voudrais formuler quelques remarques d'ordre pratique. Nous pensons que les médecins et le personnel soignant sont relativement bien représentés, contrairement aux kinésithérapeutes.

Nous comprenons difficilement que des membres d'organisations professionnelles soient écartés aussi strictement. Nous ne demandons pas que le président de la Fédération devienne président de l'Ordre, mais l'exclure a priori risque de faire perdre une grande expertise. Par ailleurs, ce sera un sacré défi de trouver suffisamment de kinésithérapeutes pour assumer tous ces mandats, d'autant qu'il nous est déjà difficile de pourvoir en représentants toutes les commissions de l'INAMI et du département de la Santé publique.

Après une première lecture des textes, je constate qu'ils sont plutôt axés sur les médecins. À l'article 12, page 16, seul le médecin est mentionné. Sur ce point, le texte doit certainement encore être peaufiné. Nous sommes disposés à y contribuer.

Mme Geerts. — Que pense M. Vandenbreeden du Conseil supérieur dont nous avons parlé dans la proposition ?

M. Johan Vandenbreeden. — Jusqu'à présent, dans toutes les commissions, nous ne nous heurtons qu'aux médecins qui sont souvent des employeurs pour les kinésithérapeutes, ces derniers ne travaillant que sur prescription médicale. Nous apprécierions que ce groupe soit élargi à tous les prestataires de soins, de sorte que nous ne nous trouvions pas continuellement dans la relation médecin-kinésithérapeute.

Mme la présidente. — Si je comprends bien, vous demandez un ordre propre, mais également un organe qui traite des relations entre les différentes professions du secteur des soins de santé et puisse fixer des règles déontologiques en la matière.

M. Johan Vandenbreeden. — Je pense aux services de soins à domicile qui doivent collaborer plus efficacement, ou aux logopèdes, kinésithérapeutes, personnel soignant des hôpitaux qui doivent coopérer du mieux qu'ils peuvent afin de permettre au patient de réintégrer au plus tôt son domicile.

M. Paul Rabau. — Nous avons diverses remarques à formuler sur le texte de discussion du ministre. En bref, la proposition est bonne mais elle ne ressemble pas à grand-chose; elle paraît superflue mais peut-être est-elle néanmoins utile pour les kinésithérapeutes.

J'évoquerai quatre points mais je signale que je m'exprime en mon nom propre.

La proposition nous semble bonne car elle constitue une précieuse tentative pour lier la déontologie, en l'espèce des professions médicales, à la procédure disciplinaire. De cette façon le non-respect conscient et nuisible d'accords et de règles de conduite peut être sanctionné de manière contraignante. La création d'un Conseil supérieur où seront représentées toutes les catégories professionnelles médicales ainsi que le personnel soignant et paramédical peut inciter à la collaboration réciproque et à l'harmonisation d'un comportement socialement responsable vis-à-vis des tiers, des patients et de la société. Nous déplorons toutefois vivement que les kinésithérapeutes, les dentistes et les pharmaciens sont sous-représentés dans ce Conseil supérieur, comparés aux médecins et aux infirmiers. La composition du Conseil supérieur n'est certainement pas équilibrée. Ainsi le Conseil compte huit médecins contre seulement deux kinésithérapeutes, deux pharmaciens et deux dentistes. Cette situation a déjà suscité de nombreuses réactions, notamment lors de la récente plate-forme de discussion ouverte de l'Union des Kinésithérapeutes indépendants. Il est d'ores et déjà certain que notre base ne se résignera pas à cette situation. Les infirmiers et sages-femmes obtiennent rien moins que huit sièges au Conseil supérieur, c'est-à-dire autant que les médecins, mais davantage que les kinésithérapeutes, les dentistes et les pharmaciens confondus. Cela aussi suscitera des controverses compte tenu du fossé qui existe, en particulier dans le secteur des soins à domicile, entre les indépendants et les infirmiers qui travaillent pour des services organisés.

Enfin deux praticiens d'une profession paramédicale seront pris parmi le groupe des bandagistes, orthésistes, prothésistes, orthoptistes, audiciens, diététiciens, technologues de laboratoire médical, ergothérapeutes, assistants techniques en pharmacie, logopèdes, podologues, technologues en imagerie médicale et ambulanciers.

Il ne fait aucun doute que des principes de base communs peuvent être définis sur le plan déontologique. Sur ce point nous suivons tout à fait le raisonnement de cette commission. À l'occasion d'une table ronde organisée en mars 2002, l'UNPLIB a fixé sept balises pour une autorégulation orientée vers l'avenir, offrant ainsi des perspectives aux catégories professionnelles qui ne disposent d'aucun ordre.

Cette proposition comporte quelques éléments qui nous plaisent particulièrement parce que nous y retrouvons en grande partie les sept lignes directrices déjà citées.

C'est ainsi qu'en son article 5, § 1er, la proposition prévoit la possibilité, non seulement de déterminer des principes de base de déontologie, mais aussi de valider des règles de conduite spécifiques. Dès lors, un groupe professionnel même sans ordre disposera malgré tout d'une base légale pour imposer ses règles de conduite.

La proposition garantit le caractère démocratique des organes institués — le Conseil supérieur, les Conseils provinciaux et interprovinciaux, le Conseil de première instance et le Conseil d'appel — par l'élection directe de leurs membres. Cela ne peut être garanti que par un engagement clair des praticiens professionnels concernés.

Nous soutenons aussi la liste des incompatibilités à siéger dans les divers conseils: ne pas avoir de lien professionnel quelconque avec une mutualité ou union nationale de mutualités, ni être membre d'un organe de gestion ou de la direction d'un établissement de soins. La défense d'intérêts syndicaux n'est pas toujours compatible avec l'exercice d'une compétence en matière de déontologie.

Nous nous demandons pourquoi un expert en droits des patients revêtu d'une fonction de médiateur peut avoir un lien avec un syndicat. En effet l'article 3, § 3 interdit ce lien pour les membres repris au § 1, 2º à 8º, alors que ces experts sont repris au point 9º.

Il y a aussi l'attribution du prononcé de sanctions disciplinaires au Conseil de première instance, indépendamment des Conseils provinciaux et interprovinciaux et cela en matière de principes de déontologie, comme prévu à l'article 5, § 1er, 1º. Nous nous demandons donc qui intervient en cas d'infraction aux règles de déontologie telles que visées à l'article 5, § 1er, 2º. Quelles règles particulières de déontologie peuvent-elles dès lors être fixées ?

Enfin nous apprécions la nouvelle conception de la transparence de l'activité juridictionnelle et la meilleure protection accordée à l'accusé et au condamné.

Si nous estimons ici que cette proposition est bonne, c'est en fonction de l'usage utile qui peut en être fait par la communauté des kinésithérapeutes.

J'en viens à ma deuxième considération. Cette proposition est une horreur, un monstre, certains diraient même qu'elle est lourde, complexe et tout sauf limpide. Elle est peu digeste non seulement en raison de ses imperfections formelles mais aussi parce qu'elle contient des absurdités textuelles et des constructions extrêmement compliquées. Nous ne pouvons nous défaire de l'impression que cette proposition n'a d'yeux que pour les structures et non pour le contenu des matières. C'est comme si on voulait ériger un bel édifice apparemment moderne et transparent mais qui menace de s'écrouler dès qu'il est occupé.

Les points névralgiques sont pour nous les suivants. Le Roi sera appelé quelque 40 fois à arrêter toutes sortes de conditions et de règles, à fixer des modes de fonctionnement et des délais ou à nommer des membres ou des juristes. Il devra aussi ratifier ou refuser en tout ou partie les principes de base de déontologie. Ce sont ses prérogatives de droit mais nous savons qu'il ne les exercera que sur proposition de notre ministre de la Santé publique, assisté par ses collaborateurs de cabinet. Le ministre dispose donc de beaucoup, pour ne pas dire de tout le pouvoir.

La composition des Conseils requiert tellement de personnes que nous craignons qu'on n'en trouvera jamais suffisamment qui soient à la fois compétentes, intéressées et disponibles pour occuper tous les sièges. Il sera fait appel aussi à beaucoup de personnel juridique. Il faudra trouver pas moins de 72 personnes au total, dont 48 au sein des associations professionnelles des professions de soins de santé pour constituer le Conseil supérieur. Et pour chaque profession, il faudra trouver plus de cent personnes pour constituer les autres Conseils.

Le fonctionnement de tous ces Conseils sera au surplus onéreux. Cette construction immanquablement coûteuse doit-elle être financée uniquement par les cotisations de l'inscription obligatoire auprès d'un Ordre ? Il faut revoir cela si on veut que ces organes puissent travailler. La recherche dans la proposition de structures superflues et leur suppression peuvent peut-être apporter une solution.

Ce texte me semble encore avoir été rédigé pour les seuls médecins ou ne s'adresser qu'à eux. Aux articles 16 et 27, il n'est explicitement question que d'eux.

Parmi les erreurs formelles, soulignons le double emploi de l'article 27.

Nous avons déjà fait référence à l'article 3, 3º, qui ne dispose pas que les membres repris au 9º ne peuvent avoir de liens avec des organismes syndicaux. Cet oubli doit être corrigé.

Il faut aussi vérifier si les dispositions de l'article 3, § 6, et celles de l'article 6 ne sont pas contradictoires. Il s'agit de décisions et de délibérations.

L'article 12, 2º, sur la mission des Conseils provinciaux renvoie au Titre Ier alors que selon nous telle ne peut être l'intention.

L'article 19, 3º, fait référence aux ministres de la Santé publique, mais peut-être est-ce une coquille ?

L'article 21, 2e alinéa, renvoie à l'article 16. Pourtant on ne peut déduire de cet article 16 la composition du Conseil de première instance.

À l'article 22, § 1er, 2e alinéa, on cite plusieurs conseils contre les décisions desquels le Conseil supérieur peut aller en appel alors que la version française de cet article ne les reprend pas. M. De Toeuf a aussi remarqué cette différence.

Enfin nous nous demandons si les auteurs de cette proposition ont tenu compte lors de son élaboration des développements européens. Je pense par exemple à la note Bolkenstein.

Ma troisième considération est que cette proposition est partiellement superfétatoire.

Nous avons toujours détesté la multiplication et l'extension des structures existantes. Or, l'attention semble se porter à nouveau aux structures. Est-ce une tendance générale ou une inclination propre à certains milieux politiques ? Cette proposition, l'une parmi une longue série de propositions similaires, semble poursuivre un double but. D'une part, lier les ordres existants en les réorganisant et les réorientant. Ils ne sont néanmoins pas supprimés, ce que nous ne préconisons pas, et resteront donc en activité même sans l'adoption de cette proposition. D'autre part, la proposition veut rendre possible la constitution de nouveaux ordres, ce dont nous sommes demandeurs.

La création d'un Conseil supérieur en tant qu'organe d'avis ou de conseil est peut-être superflu pour les médecins et les pharmaciens. Ils ont en effet leur propres canaux par lesquels ils donnent des avis et des conseils. Nous autres kinésithérapeutes disposons d'un Conseil national de la kinésithérapie. Grâce à la mise en application de la loi sur l'exercice de la kinésithérapie par l'arrêté royal nº 78, en ses articles 21bis et 21ter du Chapitre Ierbis, notre profession a obtenu la protection du titre et de la profession sur la base de la qualité et de la formation.

Le Conseil national de la kinésithérapie a été installé le 11 mars 1998 par le ministre de la Santé publique de l'époque, M. Marcel Colla. Ce Conseil a une compétence d'avis pour toutes les questions ayant trait à la kinésithérapie au bénéfice du ministre de la Santé publique et, pour ce qui concerne les questions d'enseignement, au bénéfice des ministres des Communautés.

Différentes obligations médicales sont d'application aussi pour les kinésithérapeutes parmi lesquelles la continuité des soins, l'organisation des services de garde, l'obligation de communication du dossier au collègue qui succède, l'interdiction de la dichotomie et celle du prête-nom.

Il y a auprès de ce Conseil un groupe de travail Éthique et Déontologie qui s'occupe pour l'instant de peaufiner un code de conduite pour les kinésithérapeutes. Refaire un nouvel Ordre des kinésithérapeutes a-t-il un quelconque sens ? Notre conviction croissante est que les kinés ne désirent hic et nunc pas un ordre, en tout cas pas un ordre conçu selon le modèle de l'Ordre des médecins. Cela sera à nouveau dicté par la connotation négative, cette image quelque peu impénétrable de cet Ordre qui a pour principe « Pour vivre heureux, vivons caché » comme Leo Neels l'a un jour écrit. Il en résulte que pour certains milieux politiques ou autres cet ordre est moins « porteur ». Voulons-nous vraiment un ordre ? La question est ouverte mais notre cœur penche plutôt vers le modèle de l'ordre des pharmaciens. Un nouvel ordre doit se situer dans le droit fil du Conseil national de la kinésithérapie.

Cet ordre doit être organisé démocratiquement (avec droit de vote, élection directe des membres et, pour les organes qui réglementent, une élection sur la base d'un programme). L'Ordre doit être déclaré contraignant de droit pour ce qui concerne la déontologie et la procédure disciplinaire. Il disposera d'un droit disciplinaire moderne et contemporain et garantira la plus-value sociale de l'autorégulation.

Même sans Ordre des kinésithérapeutes — et cela si la création d'un Ordre des kinésithérapeutes devait prendre plus de temps que l'institution du Conseil supérieur de déontologie —,il faudrait cependant pouvoir mettre sur pied un droit disciplinaire et des chambres de discipline pour les kinésithérapeutes. Les principes fondamentaux du code de conduite élaborés par le groupe de travail sur l'Éthique et la Déontologie du Conseil national pourraient être soumis à des institutions supérieures pour leur donner un ancrage juridique.

Nous arrivons ainsi à ma quatrième et dernière considération: cette proposition peut être utile pour les kinésithérapeutes.

Les conseils de première instance et les conseils d'appel tels que décrits dans la proposition actuelle du ministre sont les clefs de voûte indispensables pour une application correcte des règles de conduite.

Nous proposons qu'un code de déontologie propre — les règles de conduites pour les kinésithérapeutes — puisse être soumis au Conseil supérieur de déontologie. Par l'ancrage juridique au Conseil supérieur et à ses collèges de discipline, ces règles de conduite offriront aux kinésithérapeutes les critères et les éléments indispensables pour l'organisation d'une procédure disciplinaire.

On comblerait ainsi une lacune fondamentale dont cette commission est sûrement consciente et qui a été critiquée par le Conseil d'État dans son avis sur le projet de loi concernant l'exercice de la kinésithérapie. Dans son avis du 22 février 1995 (23.939/8) le Conseil d'État a fait remarquer que l'observation d'un certain nombre de devoirs que l'arrêté royal nº 78 impose aux praticiens de la kinésithérapie souffre d'un manque de contrôle effectif, lisez donc aussi de possibilité de sanction. Le Conseil d'État renvoyait déjà à l'époque à l'absence d'un Ordre des kinésithérapeutes.

Les commentaires, entre autres du juriste Filip Dewellens, et les réfutations de l'actuel président du Conseil national, M. Étienne Lemmens et de moi-même, de concert avec l'arrêt de la Cour d'arbitrage (81/96 — 18.12.96), ont rendu cette lacune encore plus évidente.

Comme déjà dit, les kinésithérapeutes sont prêts. Ils se sentent responsables de la prestation de soins de haute qualité et ont un impact significatif sur le bien-être de nombreux individus. Du fait des nombreux changements dans les soins de santé en général et dans le secteur de la kinésithérapie en particulier, tout comme dans la société, les kinésithérapeutes sont continuellement confrontés à des problèmes et dilemmes professionnels et déontologiques. On attend donc d'eux des réponses et des comportements adaptés, pour des situations dans lesquelles ils ne mesurent souvent pas la dimension éthique de leur pratique ou réaction. C'est pourquoi il est crucial, non seulement que soient développés un nouvel ensemble de règles de conduite adapté à l'actualité et des réflexions déontologiques, mais encore qu'une attention suffisante y soit donnée, tant durant l'exercice de la profession que lors de la formation.

Des efforts nationaux et internationaux ont débouché sur la formulation de règles de conduite pour les kinésithérapeutes, règles qui expriment la plupart des valeurs, des normes et des responsabilités nécessaires à l'exercice de la profession de kinésithérapeute. Nous ne nous y sommes pas lancés à la légère: il a fallu beaucoup d'études préliminaires. En outre ces règles de conduite fonctionnent comme règles du professionnalisme du kinésithérapeute de quatre manières:

(1) Elles déclarent que la société peut attendre du kinésithérapeute qu'il sache correctement estimer et donc comprendre la confiance qui lui est accordée — c'est tout de même une profession de confiance par excellence — et la responsabilité qu'il assume. Les règles de conduite sont donc considérées comme l'expression de l'identité professionnelle, de sorte que la société sache ce qu'elle peut attendre de cette profession et de ses praticiens.

(2) Les règles de conduite offrent des lignes de force pour les activités et les relations professionnelles et sont donc la base d'un exercice éthique de la kinésithérapie. Elles peuvent contribuer à un processus de décision et à des attitudes éthiques clairs et bien adaptés.

(3) Ces règles de conduites définissent la relation du kinésithérapeute avec son patient, avec les autres prestataires de soins, la profession et la société.

(4) Ces règles de conduite offrent un moyen pour l'autorégulation de la profession. Elles peuvent être considérées comme les instruments par excellence pour régler l'attitude et le comportement des kinésithérapeutes et pour leur prise de conscience des plus hauts standards possibles dans l'exercice de leur profession.

À la lumière des constats et des considérations qui précèdent et de l'utilité générale ainsi que de la fonction de ces règles de conduite, il a été décidé au Conseil national de la kinésithérapie d'élaborer de nouvelles règles de conduite. Cette décision est principalement inspirée par le fait qu'au fond, aujourd'hui, aucun ensemble de règles de conduite n'est plus d'application et que le contenu de la circulaire de l'INAMI ne suffit plus à rencontrer les développements actuels et l'exercice de la profession. En outre, il est incontestable que l'existence de règles de conduite est l'un des éléments essentiels de la professionnalisation de la kinésithérapie et de l'exercice d'une profession libérale, ce qui est en grande partie le cas pour les kinésithérapeutes. Par professionnalisation, on entend le processus grâce auquel les membres d'un groupe professionnel tentent de manière collective, faisant usage principalement de leur compétence et de leur art, d'acquérir ou de défendre leur position sociale avec pour objectif de garantir et d'améliorer le statut de leur profession.

Nous pensons que les temps sont mûrs pour soumettre aux kinésithérapeutes des propositions qui offrent la possibilité de doter la profession, au sein de ses propres structures, d'un organe de discipline contemporain, transparent, démocratique et fonctionnel

La présidente. — M. Rabau a dressé une liste d'articles qui contiennent des absurdités. Cela sera en tout cas amélioré lors de la correction du texte.

Mme Geerts. — Je suis d'accord avec M. Rabau lorsqu'il dit que la proposition met trop l'accent sur les structures et que trop peu est réglé en matière de contenu. Dans la proposition, on définit un cadre que les groupes professionnels doivent remplir eux-mêmes. Quel est le point de vue de M. Rabau à ce sujet ? Il dit qu'il croit à la plus-value sociale apportée par l'autoréglementation. N'est-ce pas en contradiction flagrante avec sa critique du peu de contenu réglé par cette proposition ?

M. Paul Raban. — Je ne le pense pas. Lire cette proposition, la comprendre et en mettre à nu la structure nécessite une demi-journée. Dans certains milieux, y compris à l'INAMI, on accorde plus d'attention aux structures qu'au contenu. J'espère que dans la proposition, l'attention n'ira pas essentiellement aux seules structures.

La proposition apporte en effet aussi quelque chose sur le plan du contenu: la répartition entre le Conseil supérieur (national) et les conseils provinciaux, qui sont distincts de l'organe qui appliquera le droit disciplinaire, à savoir le Conseil de première instance. Cette partie est bonne en soi. Dans la proposition concernant les pharmaciens, il y a aussi plus de contenu.

Je voulais seulement dire notre sentiment que les structures reçoivent plus d'attention que le contenu. Il s'agit d'un bel édifice mais il reste bien du travail à faire pour le remplir. Qui équipera toutes ces structures ? Qui paiera ?

M. Vankrunkelsven. — M. Rabau a dit que la proposition relative au Conseil supérieur était trop peu étoffée sur le plan du contenu et du contrôle de qualité. Il se réfère à juste titre à d'autres propositions sur ce sujet, sur lesquelles nous pouvons nous appuyer.

M. Rabau parle dans son introduction de la représentation des médecins au Conseil supérieur de déontologie. Je dis cette fois le contraire de ce que j'ai dit la fois précédente au sujet des médecins. Je partage l'avis de M. Rabau selon lequel la médecine et l'accompagnement des patients deviennent de plus en plus un travail d'équipe et qu'en soins de santé, l'interaction entre tous les groupes est importante. Nous sortons d'une période où les médecins étaient mis à tort sur un piédestal. Dans le système actuel, le patient consulte le médecin, après quoi commencent le traitement et l'accompagnement. Le médecin ne vaut pas plus que les autres prestataires de soins, mais on ne peut nier que dans ce système, les médecins jouent le rôle de plaque tournante. Il faut en tenir compte dans une proposition de loi. Nous compliquerions fort l'affaire si nous omettions totalement cet élément.

J'ai encore une question pratique. J'entends une série de contradictions dans l'exposé des deux kinésithérapeutes. D'une part, il veulent leur ordre propre à eux mais d'autre part, ils affirment qu'un tel ordre demande beaucoup de travail. Ne serait-ce pas un exercice utile de commencer par le Conseil supérieur de déontologie, où un droit disciplinaire peut être établi pour la catégorie professionnelle des kinésithérapeutes et où ceux-ci ont l'occasion d'appliquer le droit disciplinaire à leurs collègues ? Après une certaine période, on pourrait alors évaluer s'il est utile de créer un ordre entièrement propre à côté ou au sein de ce conseil. Cet exercice prendrait moins de temps que d'adopter une attitude de rejet à l'égard du système et de vouloir créer à tout prix un ordre propre aux kinésithérapeutes. Une participation au Conseil supérieur de déontologie n'exclut pas la création d'un ordre des kinésithérapeutes. Ainsi nous pourrions au moins commencer rapidement.

M. Rabau. — Je ne contesterai pas que les médecins, et certainement les généralistes, sont une plaque tournante. Les médecins eux-mêmes n'étant pas surreprésentés au Conseil supérieur, pourquoi faut-il alors huit infirmiers ? Je ne comprends plus du tout. Nous pourrions défendre que chacun ait huit représentants, mais on en arriverait alors à un édifice avec des fondations impossibles et la construction s'écroulerait de toute façon. La seule solution réside dans une représentation plus équilibrée.

Cette critique n'affecte en rien la nécessité fondamentale de la création du Conseil supérieur. J'y vois une opportunité d'y faire fixer, discuter et voter des principes fondamentaux. Cela offre en outre la possibilité de discuter de principes spécifiques à chaque catégorie professionnelle.

Nous ne pouvons cependant pas défendre cette position devant notre base si tout cela doit se passer sous le joug des médecins. Je n'entends pas être négatif à leur égard mais notre base dénoncera la présence de deux kinésithérapeutes seulement dans un groupe essentiellement composé de médecins et d'infirmiers. L'organe devrait être plus équilibré. Sur le plan du contenu, tout serait alors réglé et un ordre des kinésithérapeutes pourrait être créé. Il faut saluer le grand dynamisme que déploient les kinésithérapeutes pour travailler ensemble et non, comme par le passé, pour suivre chacun son chemin. La discussion sur la proposition ne va pas nous diviser, au contraire.

Je ne puis admettre une période d'évaluation que si le Conseil supérieur est composé autrement. Ce n'est qu'à cette condition que je pourrai à nouveau consulter ma base à ce propos.

La suggestion de commencer par une participation au Conseil supérieur et la proposition de créer un ordre suivant le modèle de l'Ordre des pharmaciens nous conviennent. Si les politiques peuvent nous aider à déposer une proposition pouvant être signée par les différentes parties, nous nous en réjouirons.

M. Johan Vandenbreeden. — Les médecins sont effectivement une plaque tournante mais nous ne pouvons pas tomber dans un système de soins de santé où l'on calcule en prestations médicales ou en prestations sous la responsabilité du médecin. Tous les prestataires de soins doivent pouvoir assumer leur propre responsabilité. Nous voulons nous écarter de l'ancien système.

Si l'objectif est de nous appâter et de nous inciter à participer au Conseil supérieur alors que l'ordre ne voit jamais le jour, je suis sur mes gardes. Pas A sans B. Si nous entrons en tant qu'organisation professionnelle dans un grand ensemble, nous estimons normal que l'ordre des kinésithérapeutes ne soit pas renvoyé aux calendes grecques.

M. Vankrunkelsven — Je ne veux instaurer aucune hiérarchie dans la qualité des soins dispensés. Autrefois le médecin avait un rôle central dans un système de professions qui étaient plutôt d'exécution. Nous sommes maintenant dans une tout autre situation, avec des prestataires de soins qui collaborent et ont chacun leur propre responsabilité.

Les Ordres des pharmaciens et des médecins sont issus en partie du dynamisme de ces deux catégories professionnelles. En tant que politiques, nous voulons bien élaborer une proposition de loi pour la création d'un ordre des kinésithérapeutes, mais je demande à l'organisation professionnelle des kinésithérapeutes si elle dispose pour toutes les parties de personnes pouvant participer aux travaux de l'ordre, car il s'agit en effet d'une lourde tâche. Nous constatons, surtout à l'Ordre des médecins, qu'il est difficile de remplir les postes. C'est pourquoi je pensais qu'il était peut-être préférable, surtout dans un premier temps, de commencer par une structure dans laquelle on pouvait entrer plutôt que de mettre en place un système d'ordre complet qui demande beaucoup d'énergie. MM. Rabau et Vandenbreeden savent en tant que représentants de leur profession combien il est difficile de trouver des personnes qui veulent consacrer du temps à ce genre d'activité. Ma remarque était surtout d'ordre pratique et ne signifiait pas qu'un ordre des kinésithérapeutes ne pouvait être créé.

La présidente. — Différentes pistes sont possibles: soit créer un ordre propre, soit entrer au Conseil supérieur de déontologie. Je crains que si on commence par cette dernière piste, elle subsistera. La démarche de créer un ordre propre sera donc importante. N'y a-t-il pas une troisième voie: adhérer au Conseil supérieur de kinésithérapie tel qu'il existe actuellement ? Je connais trop peu cette structure pour savoir si l'on peut y créer un organe pouvant assurer la fonction d'ordre. Nous ne devons pas regarder les systèmes existants de façon trop figée. Il est possible de créer un ordre comportant moins d'organes ou un ordre moins étendu géographiquement. Un ordre peut être plus simple que les actuels ordres des médecins et des pharmaciens. La catégorie professionnelle elle-même doit réfléchir de façon créative à un tel système, propre à sa profession et répondant au cadre défini dans la proposition actuelle mais allant peut-être moins loin que les ordres existants. Il n'est pas du tout nécessaire de créer un organe parallèle aux ordres existants.

Mme De Schamphelaere — Je suis d'accord avec la présidente mais si l'on suit cette proposition, nous devons revoir notre texte. Celui-ci est très élaboré. La première partie concerne le Conseil supérieur de déontologie. Je comprends les kinésithérapeutes qui veulent faire ratifier par cet organe les normes et règles de déontologie existantes. Dans ce cas, il y a bien un ensemble de normes mais aucune possibilité de sanction. Notre texte est très structurel et entièrement basé sur l'Ordre des médecins. Nous devons peut-être le simplifier et ne prévoir que des garanties légales de transparence, de droits de la défense, de justice qui évite l'arbitraire, etc. au lieu d'élaborer toute une structure pour les différentes catégories professionnelles. Des propositions de loi sur les ordres des médecins, des pharmaciens et peut-être d'autres catégories professionnelles seront sans doute nécessaires. La proposition relative à la coupole de droit disciplinaire, de sanctions et de garanties doit être limitée aux principes fondamentaux.

M. Vankrunkelsven — Le souci de Mme De Schamphelaere était aussi le nôtre. La proposition de Conseil supérieur de déontologie ne peut être un carcan. Elle doit être suffisamment souple pour pouvoir être adaptée aux besoins des différentes catégories professionnelles, avec leurs propres méthodes de travail sur le terrain. Nous devons donc revoir la proposition. Nous avons un peu trop suivi le schéma des ordres des médecins et des pharmaciens.

M. Germeaux. — Je me rallie aux propos de M. Vankrunkelsven. Notre point de départ consiste à offrir un cadre dans lequel toutes les catégories professionnelles peuvent trouver leur place. Le modèle des médecins revient trop souvent dans le texte. Il faut donc encore revoir la proposition.

M. Paul Rabau. — Je constate qu'il y a dans cette commission une volonté d'élaborer de bonnes propositions. Un cadre souple pour le Conseil supérieur nous rassurerait. Je suis préoccupé par la répartition déséquilibrée des catégories professionnelles. Nous avons fait examiner nos règles déontologiques par des experts en éthique et des professeurs, par des tiers et au sein de notre propre groupe. Cela a suscité peu de critiques.

Tous les éléments figurent dans les règles de déontologie. Ces dernières seront peut-être acceptées sans problème par le Conseil supérieur. S'il devait y avoir une idée dissidente dans un groupe important comme les médecins et les infirmiers, les principes fondamentaux de notre groupe ne seraient pas acceptés. Nous ne voulons pas courir ce risque.

Je partage le souci de M. Vandenbreeden selon lequel il n'y aura jamais d'ordre si nous commençons par un Conseil supérieur. Nous devons obtenir la garantie de pouvoir créer un ordre moderne qui ne soit pas semblable à celui des médecins. Nous pouvons peut-être jouer un rôle de locomotive à ce sujet. Nous devons chaque jour faire preuve de créativité en kinésithérapie. Sur ce plan, la commission aura notre soutien; nous avons autrefois eu besoin du soutien des politiques pour déposer rapidement une proposition sur l'ordre. La commission peut compter sur nous.

M. Vankrunkelsven — Le but n'est pas que le Conseil supérieur de déontologie examine à la loupe les codes de déontologie des différents groupes. Son objectif est plutôt de définir des codes pour les domaines où il y a interaction et de vérifier si le code d'une catégorie professionnelle n'est pas en contradiction avec les intérêts d'une autre. Pour autant qu'il n'y ait pas d'interférence, le Conseil supérieur ne se prononcera pas sur le code d'une autre catégorie professionnelle.

M. Rabau. — Je conseille de lire les sept directives de 2002 de la Fédération des professions libérales et intellectuelles.

Le Conseil supérieur introduit une sorte de code interprofessionnel de déontologie. Si ce document peut constituer une base pour chacun, cette proposition sera bien accueillie par toutes les catégories professionnelles, y compris les kinésithérapeutes.


Auditions du 27 octobre 2004

— Mme Heidi Vanheusden, conseiller, et M. Jan Vande Moortel, juriste, du Nationaal Verbond der Katholieke Vlaamse Verpleegkundigen en Vroedvrouwen (NVKVV);

— M. Yvan Ruelle, secrétaire national de la Fédération Nationale des Infirmières de Belgique, membre infirmier de la Commission Médicale Provinciale du Hainaut;

— Mme Anne Niset, Association Francophone des Accoucheuses Catholiques;

— Mme Myriam Van Lammeren, présidente du Conseil national des Professions Paramédicales;

— M. Louis Heylen, membre du Bureau du Conseil national des Professions Paramédicales;

— Mme Michèle Aerden, présidente de la Fédération Dentaire Internationale;

— M. Daniel Van Steenberghe, professeur, chef de clinique dentisterie, KULeuven.

Mme Heidi Vanheusden. — Je fais partie de l'équipe dirigeante de la NVKVV, Nationaal Verbond van Katholieke Vlaamse Verpleegkundigen en Vroedvrouwen, et je remplace Michel Foulon, président du Conseil national de l'Art infirmier, qui est malade.

Pour commencer, je dois signaler que le Conseil national de l'Art infirmier n'a pas encore débattu la proposition de loi en profondeur ou en tout cas n'a pas encore formulé de conclusions. Le professeur Gastmans a présenté au Conseil national un exposé sur une enquête relative à l'opinion des infirmiers flamands sur le contenu et la fonction d'un code éthique. Cette enquête s'inscrit dans le cadre d'une enquête européenne d'une durée de deux ans dont les résultats seront débattus le 14 novembre prochain à Athènes. On peut d'ores et déjà définir quelques grandes tendances. Les infirmiers souhaitent que leurs responsabilités soient précisées. Les responsabilités à l'égard du patient constituent à leurs yeux la priorité. L'attention aux patients requiert que l'on évalue les valeurs et les normes dans la pratique quotidienne et qu'on consacre de l'attention à la relation avec la famille et à la personne même de l'infirmier. Quant à la fonction disciplinaire, la légalisation d'un code éthique suscite un certain désaccord. On préfère parler d'un code éthique plutôt que d'un code déontologique et on veut en tout cas éviter que le code soit utilisé contre les infirmiers. Ils le considèrent comme un soutien et un outil de réflexion destiné à les aider dans des décisions difficiles et à renforcer leur motivation. Ces éléments devront certainement faire l'objet d'un large débat mais il est clair que nous soutenons les points de vue exprimés par le professeur Gastmans.

Le projet de code déontologique pour les infirmiers tel que développé par l'UGIB, l'Union générale des infirmiers de Belgique a aussi été approuvé. L'objectif est d'utiliser ce code comme base de discussion avec les infirmiers. On prévoirait une période de deux ans. Il n'est pas impossible que ce code déontologique évolue vers un code éthique. Il nous semble à tous urgent de rendre les infirmiers encore plus conscients des principes éthiques inhérents aux soins de santé. En fait ils ne veulent pas se cacher derrière les médecins mais souhaitent aller de l'avant, également dans leur pratique quotidienne.

Permettez-moi de vous résumer le point de vue du groupe consultatif juridique de la NVKVV au sujet du texte de discussion.

Concernant l'article 3, paragraphe 1er, point 7, il ne nous paraît pas opportun d'associer les accoucheuses et les praticiens de l'art infirmier. Les accoucheuses relèvent de l'art médical et devraient, comme les praticiens de professions paramédicales, se trouver dans un groupe comprenant deux accoucheuses. Le département Accoucheuses de la NVKVV a émis un point de vue identique lors d'une réunion tenue avant-hier.

Il est bien entendu logique — au point 7 — d'associer les praticiens de l'art infirmier et les aides-soignants mais après avoir défini préalablement une répartition. Le groupe consultatif juridique propose quatre praticiens de l'art infirmier et deux aides-soignants.

Selon l'article 3, paragraphe 3, les membres visés au paragraphe 1er, alinéa 1er, 2º à 8º, ne peuvent ni occuper une fonction ni être membres d'un organe d'une association professionnelle. Cela nous semble très difficile à appliquer dans la pratique et nous le ressentons comme un camouflet pour les associations professionnelles d'infirmiers et d'accoucheuses. Peut-être vise-t-on les syndicats mais une association comme la nôtre n'est évidemment pas un syndicat.

Selon l'article 3, paragraphe 4, les membres visés au paragraphe 1er, alinéa 1er, 2º à 7º, sont élus par les praticiens de leur catégorie professionnelle. Nous nous interrogeons sur les modalités pratiques de cette élection compte tenu du paragraphe 3

Globalement, nous nous demandons si tout cela doit se trouver dans le texte. Toutes ces subdivisions territoriales rendent le dispositif très complexe et difficilement utilisable. Nous nous demandons aussi s'il faut une commission pour élaborer un code éthique. Cela ne peut-il être fait par l'association professionnelle, avec entérinement par un arrêté royal ?

M. Jan Vande Moortel. — J'ai une formation juridique et je suis maître de conférences dans plusieurs hautes écoles où j'enseigne le droit et l'éthique dans le cadre des formations liées aux soins de santé. En tant qu'avocat, j'ai défendu une bonne centaine d'infirmiers et de médecins comparaissant devant divers organes disciplinaires. Je me baserai principalement sur cette expérience pour commenter le texte. Je suis aussi conseiller juridique d'associations professionnelles d'accoucheuses et d'infirmiers, et plus particulièrement de la NVKVV. Le 10 octobre 1998, lors d'une journée d'étude organisée par le Nationale Raad voor Verpleegkunde, j'ai présenté une proposition alternative à la proposition élaborée à l'époque par le ministre Colla. Ma proposition a ensuite été soutenue par des praticiens de l'art infirmier et des accoucheuses et par leurs associations professionnelles respectives.

Je distingue dans le texte qui nous est soumis une partie normative et une partie juridique. La première concerne le Conseil supérieur de Déontologie et les Ordres. La seconde porte sur les conseils provinciaux et interprovinciaux et sur le conseil d'appel.

Ma première remarque concerne les accoucheuses qui, à l'article 3, sont associées aux praticiens de l'art infirmier. Cette disposition est difficilement défendable. La place des accoucheuses dans l'ensemble des professions de soins de santé est déterminée dans l'arrêté royal nº 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice des professions des soins de santé, dont le titre a été modifié en 2001. On y retrouve les accoucheuses au chapitre Ier, consacré à l'art médical. Cet arrêté royal numéroté qui date de 1967 a été modifié à plusieurs reprises, notamment en 1974 et en 1995. C'est ainsi que le chapitre Ier comprend à présent un chapitre Ibis sur l'exercice de la kinésithérapie et un chapitre Iter sur l'exercice de l'art infirmier. Le chapitre II concerne l'exercice des professions paramédicales.

Nous ne retrouvons les accoucheuses que dans une autre subdivision du chapitre Ier, dans le groupe des praticiens de l'art de guérir, qui couvre l'art médical, en ce compris l'art dentaire et l'art pharmaceutique. Les médecins et les accoucheuses relèvent de l'art médical. Si les accoucheuses ont toujours été associées aux infirmiers, c'est pour des raisons historiques: à l'époque, elles devaient suivre la formation de base d'infirmier, puis se spécialiser dans l'obstétrique. Ce n'est plus le cas aujourd'hui et il existe en Flandre une formation en obstétrique d'une durée de trois ans. Les obstétriciens demandent également que cette formation soit portée à quatre ans, pour qu'un meilleur lien avec l'art infirmier puisse être établi, mais cette compétence relève des Communautés. Cette formation de quatre ans existe d'ailleurs déjà dans la partie francophone du pays. Elles doivent dès lors former un groupe séparé dans la nouvelle proposition de loi.

Je voudrais également formuler une remarque quant à la partie normative de la proposition. Il est toujours positif de décrire clairement l'étendue et l'assise d'une éthique ou d'une déontologie. Mais on peut se demander s'il est judicieux de fixer ces normes à l'échelon fédéral puisque l'exercice d'une profession se conçoit de plus en plus dans un contexte européen. Ne serait-il pas de loin préférable de se diriger vers un code éthique européen ou vers une déontologie européenne ? Les principes de base doivent en effet être identiques pour tous les praticiens, que ce soit en Belgique ou dans le reste de l'Europe.

Ma troisième remarque porte sur la partie juridique de la proposition. En tant qu'avocat, j'ai souvent constaté qu'un médecin par exemple, appelé à comparaître devant le Conseil provincial de l'Ordre des médecins et éventuellement devant le Conseil d'appel, devait aussi comparaître plus tard et pour les mêmes faits devant un tribunal correctionnel. J'ai aussi constaté qu'un médecin devait également répondre de ses actes devant les anciennes chambres restreintes de l'INAMI, remplacées entre-temps par le Comité qui gère le Service d'évaluation et de contrôle médicaux. Bref, un praticien devait parfois répondre à trois reprises des mêmes faits, simplement parce que, sur la base de légères nuances, des sanctions différentes pouvaient lui être appliquées, au lieu d'une seule sanction pour l'ensemble. Je pense aussi aux infirmiers que j'ai dû défendre face à leurs propres autorités disciplinaires. Il s'agissait principalement d'infirmiers statutaires ayant commis l'une ou l'autre faute déontologique et appelés dès lors à comparaître devant le conseil d'administration de leur institution ou devant le conseil du CPAS. Cette dernière instance dispose d'un règlement disciplinaire spécifique renvoyant à la nouvelle loi communale en vertu de laquelle des sanctions disciplinaires peuvent être imposées aux différents praticiens. Ils avaient en outre des comptes à rendre aux Chambres restreintes de l'époque, actuellement les Comités, et au tribunal. Il est inadmissible que les praticiens doivent répondre plusieurs fois des mêmes faits.

Je constate en outre que la réglementation et les interprétations changent constamment. Le praticien doit tantôt s'adresser au tribunal du travail, tantôt à un organe de l'INAMI. La sanction consiste tantôt en une suspension, tantôt en une amende ou en un remboursement de montants perçus.

En tant qu'avocat de nombreux infirmiers et de nombreuses sages-femmes, je suis arrivé à la conclusion que 99 % d'entre eux ne font rien de mal. Si ces personnes, déjà suffisamment soumises à un contrôle social et donnant quotidiennement le meilleur d'elles-mêmes, prennent connaissance de la présente proposition et surtout des dispositions judiciaires, elles auront le sentiment que le moindre faux pas leur coûtera cher à l'avenir. Vu le manque de personnel dans le secteur, ils auront même le sentiment que des concurrents sont aux aguets.

Le législateur ne doit pas donner l'impression aux professions médicales de vouloir protéger le patient ou la collectivité contre les agissements des « bandits » du secteur qui n'existent pratiquement pas.

Par ailleurs, le personnel est parfois confronté à des patients aigris par un état de santé sans issue et qui parfois se dressent contre les personnes qui leur viennent en aide. Ce n'est pas, selon moi, parmi les infirmiers et les sages-femmes que l'on trouve des psychopathes mais parmi les patients !

Ne compliquons donc pas la situation plus que nécessaire. C'est pourquoi je vous rappelle la proposition de simplification que j'avais déjà formulée en 1998. Ma proposition vise à créer un tribunal disciplinaire unique habilité à prendre toutes les sanctions. Le patient pourrait lui aussi saisir ce tribunal pour se constituer partie civile ou pour réclamer des dommages et intérêts. Ma proposition offre donc, comme la présente proposition, des garanties au patient.

Ce tribunal disciplinaire unique remplacerait les divers organes pouvant aujourd'hui appeler un praticien à se justifier ou engager des poursuites contre lui.

Je vous les énumère brièvement. Il s'agit premièrement de la fonction de médiateur dans les hôpitaux et du service fédéral de médiation. Tous deux confèrent un sentiment de sécurité au patient qu'ils écoutent et informent. Ils permettent de lever de nombreux malentendus. Ils doivent être maintenus. Il ne s'agit toutefois pas d'organes disciplinaires: ils ne font qu'apporter une réponse humaine aux questions des patients.

Je citerai ensuite, sur le plan disciplinaire, le licenciement pour les employés et la comparution devant le conseil de discipline pour les statutaires. Il y a en troisième lieu les organes de l'INAMI que j'ai déjà cités et en quatrième lieu les poursuites parfois engagées devant le tribunal correctionnel, le prévenu risquant en outre d'être impliqué dans un procès au civil. Enfin, je citerai les commissions médicales paritaires, visées à l'article 37 de l'arrêté royal nº 78, qui peuvent retirer le visa à un infirmier ou à une sage-femme, les empêchant ainsi d'exercer leur profession.

Je propose donc de conserver les fonctions de médiation dans les hôpitaux et le service fédéral de médiation mais de remplacer tous les autres organes par un tribunal disciplinaire unique qui serait présidé par un magistrat assisté de deux praticiens compétents pour la discipline de la personne appelée à comparaître, ce qui garantirait un procès et une sentence équitables. Les sanctions pourraient coïncider avec celles qui sont prononcées actuellement par le tribunal correctionnel et l'INAMI et on pourrait même imposer des sanctions très spécifiques, allant du blâme à la révocation de plein droit. Le plaignant pourrait lui aussi être entendu par ce tribunal disciplinaire, réclamer des dommages et intérêts et se constituer partie civile.

S'il n'existe qu'un seul tribunal, le praticien ne sera amené à se défendre qu'une seule fois. Mais il faut que tous les aspects de l'affaire puissent être examinés pour garantir un procès et une sanction équitables.

Les droits de la société seront ainsi garantis puisqu'un ministère public interviendra; ceux du patient ou de la personne lésée le seront aussi puisqu'ils pourront être présents, et enfin ceux du praticien incriminé le seront puisqu'il aura la possibilité de se défendre. La question sera tranchée en un seul procès.

Concrètement, je propose donc de réécrire les dispositions judiciaires de la présente proposition pour instaurer un tribunal disciplinaire unique pouvant imposer des sanctions spécifiques à l'instar des conseils de guerre, et composé de praticiens et de juges profanes à l'instar des tribunaux du travail et du commerce.

Mme Geerts. — Madame Vanheusden, vous dites que vous préféreriez que le code éthique soit élaboré par chaque groupe professionnel et qu'il soit ensuite entériné dans un arrêté royal. Or, nous pensions justement apporter une plus-value en faisant évaluer les règles de déontologie par les différents groupes professionnels. Ne pensez-vous pas que votre proposition va à l'encontre de l'approche multidisciplinaire ?

Mme Heidi Vanheusden. — Il est certes louable de privilégier une action multidisciplinaire à tous les niveaux, non seulement dans la pratique mais aussi dans l'évaluation de la pratique. Nous ne nous sommes pas encore penchés sur cette approche mais je suis prête à l'envisager.

Mme la présidente. — Mme Vanheusden a fait référence à une étude européenne dont les résultats seront présentés en novembre à Athènes. J'aimerais que notre commission puisse aussi disposer de cette étude qui pourrait être une contribution intéressante au débat.

Mme Vanheusden donne la préférence à un code éthique plutôt qu'à un code déontologique. Nous avons aussi mené cette discussion en commission et avons finalement opté pour un code de déontologie, estimant que c'est plutôt de règles déontologiques à l'égard des patients, des autres praticiens et de la collectivité que nous voulons doter les professions de la santé. Nous avons vraiment discuté de ces options et avons fait un choix conscient. D'autres lois ont trait à certains dossiers éthiques. Le Conseil supérieur de l'éthique et la loi relative aux droits du patient peuvent apporter des éclaircissements.

Mme Vanheusden a également formulé des remarques que d'autres avaient déjà faites. Je note que les deux orateurs ont réclamé un traitement différent pour les sages-femmes et les infirmiers car ces deux groupes professionnels concernent deux groupes différents de demandeurs d'aide. Mme Vanheusden se demande également comment et par qui seront désignés les représentants du groupe professionnel. Ce n'est en effet peut-être pas si simple pour le groupe plus complexe des infirmiers et des sages-femmes. Cette désignation peut paraître difficile mais je pense qu'il est possible de l'organiser.

On nous a également déjà fait remarquer que l'incompatibilité pose un problème pratique. C'est justement parce qu'on faisait un peu trop de politique et parce qu'on pouvait reprocher une confusion d'intérêts aux dirigeants syndicaux exerçant des fonctions au sein des ordres que nous avons élaboré des propositions sur les ordres. Peut-être les dispositions ne doivent-elles pas être aussi strictes que celles du texte martyr mais l'objectif est surtout que les personnes concernées doivent pouvoir exercer leur mission sans confusion d'intérêts. Il me paraît logique qu'une personne qui assume de manière désintéressée la responsabilité de son groupe professionnel ne puisse être sanctionnée.

M. Vande Moortel dit avoir déjà travaillé à l'élaboration d'une proposition alternative de tribunal disciplinaire. Si celle-ci a fait l'objet d'un certain consensus au sein du groupe professionnel, nous aimerions en avoir une copie.

La question qui se pose chaque fois est celle-ci: comment rendre un tel code contraignant en cas de conflits ?

M. Vande Moortel plaide pour un tribunal disciplinaire unique mais il me paraît difficile de confier à ce tribunal des affaires pénales et civiles. Il existe une différence stricte entre les charges pénales et les charges déontologiques qui peuvent peser sur quelqu'un. Il ne me paraît pas logique de mélanger les affaires pénales et les affaires civiles. Je pense qu'il faut continuer à distinguer le droit pénal et la déontologie.

Notre objectif est de donner force contraignante aux règles déontologiques. Je rappelle que nous avons d'emblée décidé de ne rien imposer à aucun groupe. Toutefois si nous constatons que certains réclament un code de déontologie, il nous paraît logique de le rendre contraignant.

Je suis curieuse de connaître le contenu précis de la proposition de M. Vande Moortel mais ma première impression est que le tribunal disciplinaire qu'il préconise ne diffère pas tellement de l'organe disciplinaire que nous voulons créer. Cet organe est lui aussi présidé par un magistrat et est composé de représentants du groupe professionnel et de magistrats statuant collégialement.

Il a également été suggéré de faire dépendre l'organe disciplinaire d'un tribunal mais je crains que l'appareil judiciaire soit déjà surchargé à un point tel qu'il serait insensé de lui confier cette tâche supplémentaire.

M. Jan Vande Moortel. — La majorité des cas que j'ai été amené à plaider devant l'Ordre, l'INAMI ou un organe disciplinaire, concernent des faits faisant aussi l'objet d'autres procédures. Il serait intéressant que l'Ordre des Médecins dresse un inventaire de ces faits. Il s'agit par exemple de fausses attestations que le droit pénal condamne en tant que faux en écriture. De la violation du secret professionnel, mais l'obligation du secret figure aussi dans le droit pénal. De publicité inadéquate, par laquelle quelqu'un met en en cause l'honneur et la dignité de la profession et pour laquelle l'INAMI impose des sanctions.

Je ne prétends pas que chaque fait peut aussi faire l'objet de poursuites correctionnelles et je ne rejette certainement pas l'ensemble de la proposition. Je veux juste aller un peu plus loin que l'organe disciplinaire composé d'un magistrat et de représentants de la profession que le texte propose. Si nous allons un peu plus loin avec cet organe disciplinaire, si nous lui donnons une dénomination quelque peu différente et y associons un peu plus la justice, toutes sortes d'autres sanctions supplémentaires pourront être évitées.

Mme la présidente. — Je vous remercie pour votre témoignage. Nous approfondirons vos arguments avec des juristes à l'intérieur et à l'extérieur de la commission.

Une petite rectification encore. Aucun membre de la commission ne trouve que les infirmiers, les médecins ou les pharmaciens sont des bandits. C'était un jugement sévère. Le texte à l'examen n'entend certainement pas sanctionner ces « bandits ».

M. Jan Vande Moortel. — Je trouve positif que la commission demande une autre définition de l'honneur et la dignité de la profession et que les affaires privées aient été supprimées du texte. S'il ne subsiste plus dans le texte beaucoup d'éléments suffisamment graves pour entamer une procédure pénale, j'estime qu'on peut trouver une sanction adéquate.

M. Yvan Ruelle. — Je suis secrétaire de la Fédération nationale des infirmières de Belgique, une des deux associations infirmières francophones. J'ai également un mandat effectif en tant qu'infirmier siégeant à la Commission médicale provinciale du Hainaut depuis onze ans. D'un point de vue professionnel, je suis cadre-infirmier dans une institution hospitalière de la région de Mons.

Ce texte nous a été soumis relativement tardivement et nous ne pourrons pas émettre ici l'ensemble des remarques qui pourraient s'imposer.

Outre le texte martyr qui a été proposé, nous nous sommes également penchés sur toute une série de textes qui ont été successivement déposés, tant à la Chambre qu'au Sénat. Il s'y trouve, notamment, une proposition de loi qui avait été déposée le 2 septembre 2003 à la Chambre et qui portait le titre de « Création d'un Conseil supérieur de l'éthique et de la déontologie des soins de santé », texte qui nous semble le plus proche du texte martyr qui est envisagé aujourd'hui.

D'autres propositions plus isolées concernaient parfois uniquement l'Ordre des médecins ou l'Ordre des pharmaciens.

Je crois qu'il est important, dans l'examen de cette problématique, de placer le patient au centre des intérêts et de la réflexion, et de penser à la loi du 22 août 2002 relative aux droits des patients qui offre un cadre à prendre en considération vis-à-vis de ce texte.

Tout ce qui concerne, en général, la qualité des soins que les patients sont en droit d'attendre mais également la sécurité dont ils doivent bénéficier lors d'une hospitalisation ou une quelconque relation de soins, doit amener les professionnels de la santé à établir, parfois en complément des dispositions légales déjà existantes, un certain nombre de normes d'exercice desquelles les aspects déontologiques voire éthiques ne doivent pas être absents. Ces normes ne concernent pas que la pratique technique professionnelle pure.

Protéger l'intérêt des patients suppose, dans un certain nombre de cas, de les prémunir contre un exercice illégal de l'art infirmier.

Lorsqu'il s'agit de lutter contre un exercice illégal, les intérêts des bénéficiaires de soins mais aussi ceux des professionnels se rejoignent et ne sont certainement pas incompatibles.

D'éventuelles nouvelles dispositions telles que celles envisagées aujourd'hui doivent être intégrées dans le cadre de la réglementation existante, à savoir l'arrêté royal nº 78 du 10 novembre 1967 qui régit l'exercice de l'ensemble des professions de santé. Cet arrêté a connu plusieurs dizaines de modifications depuis sa promulgation. Nous disposons ainsi d'une législation extrêmement complexe, ce qui requiert beaucoup d'attention en cas de modification.

Nous avons examiné successivement les différents titres proposés. Sur le Titre 1er, traitant des dispositions générales, nous n'avions pas de remarques à formuler. Pour ce qui est du Titre 2 relatif au Conseil supérieur de déontologie et des professions de soins de santé, sans remettre en cause la création d'un Conseil supérieur, son installation nous paraît surtout se justifier par le fait qu'il est à craindre ou à penser qu'un certain nombre de professions de soins de santé ne souhaiteraient pas ou ne pourraient pas mettre en place un ordre professionnel par la suite.

Notre association est globalement favorable à l'avènement d'un ordre professionnel infirmier. C'est peut-être pour cela que nous considérons cette structure faîtière comme un peu moins importante.

Dans le contexte de plus en plus multidisciplinaire de dispensation des soins, le fait de grouper au sein d'un tel Conseil supérieur de déontologie tous les intervenants professionnels susceptibles de graviter autour du patient à un moment ou à un autre présente quand même un intérêt en raison de cette « multidisciplinarité ». Il sera peut-être possible de réaliser des arbitrages, notamment sur les questions déontologiques. Les infirmiers ne sont peut-être pas directement concernés par cette matière mais des textes sur les professions paramédicales sont également en préparation au sein des assemblées parlementaires. Ils visent à la reconnaissance ou à l'avènement de nouvelles professions paramédicales, comme les psychologues cliniques. Ces personnes seraient elles aussi amenées à siéger au niveau du conseil supérieur.

Sur les aspects juridiques du texte, je ferai trois objections fondamentales.

À l'article 3, alinéa 1er, point 7, on parle d'une représentation assurée par huit praticiens de l'art infirmier, accoucheuses ou aides-soignantes, chacune de ces professions étant représentée par au moins une personne.

L'inclusion des accoucheuses, qu'il convient désormais d'appeler sages-femmes, dans ce groupe professionnel nous paraît anachronique en fonction de ce qui est prévu dans l'arrêté royal nº 78 du 10 novembre 1967, et à la lumière des souhaits des personnes concernées quant à l'exercice de cette profession et quant aux conditions de formation.

Le chapitre 1er de l'arrêté royal de 1978 stipule que les sages-femmes ressortissent à l'art de guérir, alors que l'art infirmier est abordé dans le chapitre 1er ter, qui lui est spécifique.

Dans les faits, il existe actuellement un conseil national de l'art infirmier mais aussi un conseil national des accoucheuses, compétents pour les matières qui les concernent directement. En aucun cas, le CNAI ne se prononcera sur une matière relative aux accoucheuses et inversement ce qui, d'ailleurs, ne va pas toujours sans créer certaines difficultés puisqu'en pratique, certains ponts sont jetés entre les deux professions.

La logique suivie par le texte revient à considérer qu'il vaudrait mieux fusionner ces deux organes. Le texte aborde non seulement le Conseil supérieur de déontologie mais aussi un certain nombre de conseils de l'ordre et toute une série de juridictions qui en découleraient. Cela revient également à réunir au sein d'un même ordre les infirmières et les accoucheuses, ce qui ne nous paraît pas raisonnable.

Le législateur a jeté certains ponts entre les professions d'infirmier et de sage-femme. Ainsi, la loi du 10 août 2001 portant mesures en matière de soins de santé offre aux sages-femmes un certain nombre de possibilités de pratiquer l'art infirmier sous certaines conditions. Toutefois, la parenté entre les deux s'arrête là. Donc, selon nous, la mention des accoucheuses n'est pas souhaitable.

L'article 43 de la loi du 10 août 2001 a introduit un article 21 sexiesdecies dans l'arrête royal de 1978, qui donne pour la première fois une définition légale du terme « aide-soignante ». Dieu sait que cet article a déjà provoqué de très nombreuses discussions, mais le débat n'est pas encore clos puisqu'en réalité, la sortie d'un arrêté royal relatif à la pratique de l'aide-soignante n'est toujours pas effectif.

Cet article mentionne clairement que l'aide-soignante a pour fonction d'assister l'infirmière et dès lors, il ne nous apparaît pas logique de morceler la représentation au sein du futur Conseil supérieur de déontologie des professions des soins de santé. Il ne s'agit nullement d'une position d'exclusion de l'aide soignante ou de ségrégation à son égard, mais nous ne voyons pas en quoi les préoccupations déontologiques des praticiens de l'art infirmier et de leurs assistants ou les obligations envers le patient des uns et des autres pourraient diverger au point de justifier un quota minimum d'aides soignantes comme le prévoit le projet.

La profession infirmière elle-même est d'ailleurs constituée d'infirmières dont certaines détiennent une spécialisation particulière (pédiatrie, soins intensifs et soins d'urgence, psychiatrie, etc.). Il faut éviter de morceler les choses sous peine de voir surgir des revendications propres à une catégorie d'infirmières. Il n'est pas numériquement imaginable de faire siéger un représentant pour chaque titre professionnel infirmier particulier et chaque qualification professionnelle particulière.

L'analogie avec la situation dans plusieurs pays étrangers dotés d'ordres infirmiers montre que ces derniers sont compétents pour tout le champ de la pratique professionnelle infirmière, en ce compris celle des infirmières auxiliaires ou des aides soignantes. C'est la traduction de ce que nous appelons le binôme infirmière — aide soignante.

Nous proposons dès lors se limiter, dans ce point 7º, à mentionner huit praticiens de l'art infirmier. Ce nombre ne nous semble pas excessif eu égard au nombre de ces praticiens infirmiers en activité dans notre pays (environ 100 000). Par extension, cette remarque est de mise pour toutes les autres structures envisagées dans le projet de loi: Conseil national de l'Ordre, Conseils provinciaux ou territoriaux, Conseils interprovinciaux de l'Ordre, Conseil de première instance, Conseil d'appel ...

En ce qui concerne l'article 3, § 3, alinéa premier: « Les membres visés au § 1er, alinéa 1er, 2º à 8º, ne peuvent ni occuper une fonction ni être membres d'un organe d'une association professionnelle. »

L'exclusion des personnes « occupant une fonction ou étant membres d'un organe d'une association professionnelle » nous paraît injustifiée et inacceptable. En ce qui concerne la profession infirmière, il s'agit en fait des personnes qui connaissent le mieux les dossiers et notamment les questions juridiques dont auront à se saisir à la fois le Conseil supérieur de déontologie et les différents Conseils de l'Ordre des praticiens de l'art infirmier !

Si on peut supposer que le législateur veuille par cette précaution éviter tout conflit d'intérêt, il faudrait peut-être préciser exactement le niveau des fonctions qui seraient incompatibles avec le fait de siéger au Conseil supérieur de déontologie ou dans les Conseils de l'Ordre.

L'exposé des motifs de la proposition de loi déposée à la Chambre en juillet 2003 insistait sur la compétence des candidats à remplir de tels mandats tout en étant plus précis sur les critères d'exclusion (fonction dirigeante au sein d'une association professionnelle) ou d'incompatibilité; il est clair que siéger simultanément dans deux organes ayant des prérogatives de sanction (Ordre et Commission médicale provinciale) est certainement incompatible mais que, par contre, siéger au Conseil supérieur de déontologie et à la Commission technique de l'art Infirmier ne pose pas de problème en soi.

Il faut aussi faire référence aux commissions médicales provinciales où les mandataires infirmiers sont depuis toujours proposés par les associations professionnelles sans que cela pose de réelles difficultés. Si une affaire portée devant la commission médicale provinciale embarrasse, d'un point de vue déontologique, un membre infirmier amené à y prendre part (par exemple, le praticien convoqué devant la commission travaille dans son institution), il lui est loisible de demander à son suppléant de siéger à sa place, voire même aux deux mandataires (effectif et suppléant) de l'autre association professionnelle. D'un point de vue pratique, il n'est d'ailleurs pas certain qu'on parvienne réellement à trouver, hors des associations professionnelles infirmières, suffisamment de personnes motivées par la perspective d'occuper un siège au Conseil supérieur de déontologie ou aux conseils de l'Ordre.

Si on considère le montant des jetons de présence encore actuellement dévolus aux membres des commissions médicales, il s'agit d'un authentique bénévolat ! Il convient donc aussi de souligner qu'un fonctionnement pécuniaire décent de ces nouvelles structures devra être prévu sans pour autant nécessiter une perception de cotisation à l'Ordre d'un montant excessif; l'intervention financière des pouvoirs publics n'est donc pas à exclure. Enfin, s'il advenait que l'incompatibilité avec l'appartenance à un organe d'une association professionnelle était tout de même maintenue, il faudrait y mentionner aussi explicitement l'incompatibilité avec l'exercice d'une fonction au sein d'une organisation syndicale, ces deux types de structures n'étant pas identiques dans le secteur infirmier.

En ce qui concerne le Titre III, concernant les ordres des professions des soins de santé, nous n'avons pas d'objections particulières. Nous sommes partisans de la création d'un Ordre infirmier. Nous formulons simplement quelques remarques quant à l'articulation juridique du texte avec les dispositions légales déjà en vigueur et sur les démarches similaires poursuivies par les infirmières à l'étranger.

L'évolution vers un Ordre professionnel des infirmières ou des praticiens de l'art infirmier nous semble une évolution normale et incontournable dans les étapes conduisant une profession à sa maturité. Rien qu'en Europe, plusieurs pays, dont l'Italie, le Portugal, la République d'Irlande, l'Espagne et le Royaume-Uni, se sont engagés dans cette voie réglementaire, ce dont le Conseil international des infirmières (CII) s'est fait écho dans son numéro d'août 2004 du « Bulletin du réseau de réglementation ». Une telle orientation réglementaire est aussi dans le droit fil de plusieurs directives ou prises de position édictées par le CII, comme la directive « Sécurité des patients »

Les préoccupations du Comité permanent des infirmières de l'Union Européenne (PCN) sont similaires dans la perspective de directives sur la protection des consommateurs de soins de santé que sont les patients.

Tout récemment, en France, 19 associations représentatives de la majorité de la profession infirmière (GIPSI ou Groupement d'intérêt professionnel en soins infirmiers) se sont prononcées sans équivoque le 4 septembre dernier en faveur d'un Ordre des infirmières et ont rédigé 16 propositions précises de missions qui seraient dévolues à ce futur Ordre. Entre l'Ordre des infirmières du Québec qu'on pourrait qualifier « d'omnicompétent », tant le champ de ses prérogatives est large et l'autre extrême caractérisé par l'absence d'Ordre, des formules intermédiaires sont à notre avis parfaitement intégrables au contexte de la législation infirmière belge.

D'autres organes professionnels installés en vertu des dispositions de l'arrêté royal nº 78 précité devraient selon nous être conservés: on songe en particulier au Conseil national de l'art infirmier et à la Commission technique de l'art infirmier (CTAI), ou encore aux Commissions médicales provinciales (CMP) qui se caractérisent par un ancrage local à nos yeux important à préserver, surtout dans la perspective d'une collaboration souhaitable avec les Conseils provinciaux de l'Ordre.

Quant à l'article 12, il nous paraît important de faire référence à l'article 37 de l'arrêté royal nº 78 précité lorsqu'un praticien ne remplit plus les conditions requises pour exercer la profession, ou qu'il y a lieu, pour des raisons de déficience physique ou mentale, de lui imposer une limitation de l'exercice de la profession. Bien que rares, ces situations ne sont pas exceptionnelles: il suffit de penser à un praticien de l'art infirmier qui serait atteint d'alcoolisme ou de toxicomanie.

Les praticiens de l'art infirmier mis en cause sont actuellement entendus par des experts désignés par le Conseil de l'Ordre des médecins. La mise sur pied d'un Ordre des infirmières ou des praticiens de l'art infirmier mettrait fin à cette situation, les experts médicaux étant alors cette fois désignés par le Conseil de l'Ordre auquel ressortit le praticien concerné, c'est à dire en l'occurrence ici l'Ordre des infirmières, ce à quoi nous ne pouvons qu'être favorables.

L'article 12, 2º, dispose que les conseils ont entre autres pour mission:

c) de prendre connaissance de toute affaire, d'office suite à une plainte d'un intéressé, après communication par le Procureur du Roi (...);

d) de signaler aux autorités compétentes les actes d'exercice illégal de la profession des soins de santé dont ils ont connaissance.

Il pourrait y avoir de ce point de vue des conflits de compétence ou des divergences d'interprétation quant aux prérogatives dévolues aux commissions médicales provinciales dans le cadre de la mission dite « spéciale » attribuée à ces dernières (article 37 de l'arrêté royal nº 78 du 10 novembre 1967, point 2º, c) précité).

Quant à l'article 13, pour ce qui concerne l'expression « les praticiens de la catégorie concernée » nous nous référons à nos objections émises à propos de l'exclusion des accoucheuses et des aides-soignantes.

L'article 19 dispose que le Conseil national a pour mission de fixer et de soumettre à la validation du Conseil supérieur les règles de déontologie. Il est important de signaler que l'Union Générale des Infirmières de Belgique (UGIB) regroupant les cinq associations professionnelles infirmières belges (ACN, FNIB, KPVDB, NNVBV, NVKVV) a mis sur pied dès 2002 un groupe de travail chargé de plancher sur un Code de déontologie des praticiens de l'art infirmier.

Ces travaux sont en voie d'achèvement et cette fin d'année 2004 devrait voir sortir une version finale du Code de déontologie infirmier, le mois de décembre 2004 coïncidant d'ailleurs avec le trentième anniversaire de la loi relative à l'art infirmier (loi du 20 décembre 1974 relative à l'exercice de l'art de soigner). L'UGIB projette de pouvoir rendre public ce Code de déontologie au sein de la profession lors de la journée du 10 décembre prochain choisie pour fêter ces 30 ans de l'art infirmier lors d'un symposium organisé avec le concours du Service Public Fédéral Santé publique.

Nous n'avons pas d'objections particulières en ce qui concerne le Titre IV. Dans les arrêtés royaux d'exécution, il y aurait toutefois lieu de tenir compte de l'arrêté royal du 7 octobre 1976 relatif à l'organisation et au fonctionnement des commissions médicales, de manière à éviter toute incohérence entre les deux textes, quitte à revoir au besoin l'arrêté de 1976 (on y évoque uniquement le Conseil de l'Ordre des médecins, ce qui est d'ailleurs normal eu égard à la situation de l'époque). Nous formulons la même remarque en ce qui concerne le Titre V.

En ce qui concerne le Titre VI relatif aux sanctions, à l'article 27, alinéa 1er, 3º, il conviendrait de dire « la suspension du droit d'exercer l'art auquel ressortit le praticien concerné » en lieu et place de « d'exercer la médecine ».

D'une manière générale, il conviendrait de clarifier avec soin les prérogatives des conseils de l'Ordre en harmonie avec celles des commissions médicales provinciales, ces dernières ayant la possibilité de sanctionner en retirant le visa d'un praticien infirmier ou de subordonner son maintien à l'acceptation par l'intéressé de certaines conditions. Dans cette perspective, l'arsenal des sanctions professionnelles serait partagé entre les conseils de l'Ordre et les commissions médicales (pour le seul visa).

Cette précaution vaut à nos yeux également pour toutes les dispositions prévues au chapitre V du même arrêté royal nº 78 du 10 novembre 1967 qui concerne les aspects disciplinaires de cet arrêté. La mention du seul article 38 de cet arrêté royal qui est faite à l'article 30 du présent projet de loi n'est à notre avis pas assez complète ni précise.

Les dispositions de la loi du 29 janvier 2003 portant création de la banque de données fédérale des professionnels des soins de santé (centralisation et informatisation d'un cadastre des professions de santé), devraient soulager les commissions médicales provinciales des fastidieuses tâches administratives relatives à l'enregistrement, qui pesaient fortement sur leurs capacité à se consacrer à certaines de leurs autres missions importantes parmi lesquelles la lutte contre l'exercice illégal de la profession. Une synergie efficace devrait pouvoir être organisée dans le cadre de cette lutte entre les commission médicales provinciales et les ordres professionnels. C'est selon nous un aspect primordial de la sécurité à offrir au patient.

Mme Anne Niset. -Je fais partie de l'Association francophone des accoucheuses catholiques. Je suis membre du Conseil national des accoucheuses et je travaille dans un hôpital de la province de Liège, en tant que sage-femme.

Quand j'ai lu le texte martyr, la première chose que j'ai remarquée concerne le fait de nous associer à l'art infirmier. Nous faisons partie de l'art de guérir mais nous étions déjà demandeuses d'un ordre des sages-femmes. En effet, durant ces deux dernières années, au Conseil national, nous nous sommes penchés sur une modification de l'arrêté royal nº 78 qui est pour l'instant entre les mains de l'Académie royale de médecine et du Conseil d'État.

Dans la modification des arrêtés royaux nº 78 et nº 91 régissant notre profession, nous demandons un élargissement de nos compétences et des études adaptées à cet élargissement. Nous demandons le maintien de l'agrément de la profession de sage-femme; nous voudrions que notre diplôme ne soit pas définitif mais assorti d'une formation permanente. La sage-femme devrait prouver qu'elle l'a effectivement suivie. Il faudrait donc se doter d'un organe « de sanction » si, lors d'un litige, on constatait que cette formation permanente n'avait pas été suivie.

Voici la modification demandée aux commissions médicales provinciales: « Lorsqu'il apparaît que le ou la titulaire du titre professionnel de sage-femme ne répond manifestement pas aux conditions de formation posées, tant par le présent arrêté que par les règles applicables en matière d'obtention et de maintien de l'agrément, la commission médicale provinciale compétente peut convoquer le ou la titulaire concernée, en vue de juger son niveau de formation. »

En attendant la création d'un ordre spécifique, nous demandions à la commission médicale d'être compétente en la matière.

Par ailleurs, en ce qui concerne les dispositions l'article 3, § 3, du texte martyr — « Les membres visés au § 1er, alinéa 1er, 2º à 8º, ne peuvent ni occuper une fonction ni être membre d'un organe d'une association professionnelle. » — je partage les remarques de M. Ruelle.

Nous sommes donc demandeuses d'un ordre spécifique des sages-femmes. Nous ne faisons pas partie de l'art infirmier.

Ce sont les membres des associations professionnelles qui connaissent le mieux la législation et qui sont les plus aptes à juger leurs pairs ou du moins à les entendre.

Mme Michèle Aerden. — Je m'appelle Michèle Aerden et je suis présidente élue de la Fédération dentaire internationale. Cette fédération regroupe les associations dentaires de 158 pays. Elle représente environ 800 000 dentistes. Cette fédération dentaire compte plusieurs groupes de travail qui produisent des déclarations, des statements, adoptés ensuite en assemblée générale par les délégués. L'un de ces groupes de travail se penche sur l'éthique et la déontologie. Nous avons des déclarations qui constituent les principes internationaux d'éthique pour la profession dentaire. D'autres abordent les pratiques illégales.

Je fais aussi partie du Comité de liaison dentaire de l'Union européenne qui regroupe les 25 pays membres. Là aussi, nous avons des groupes de travail et, entre autres, un code de déontologie.

Il est heureux que la Belgique envisage de créer un Ordre des praticiens de l'art dentaire. À ce jour en effet, la Belgique est l'un des rares pays européens où un tel ordre fait défaut. Or, c'est surtout important dans le cadre de la libre circulation des personnes et des services au sein de l'Union européenne. Nous avons actuellement un très important projet de directive sur les services. Nous devons être attentifs, raison pour laquelle je plaide pour un ordre des praticiens de l'art dentaire.

Le titre II du texte martyr parle du Conseil supérieur de Déontologie pour les professions des soins de santé. L'article 3, paragraphe 3, parle d'une incompatibilité pour siéger. À cet égard, je crains que l'on ne sélectionne des personnes qui ne possèdent pas l'expérience et la connaissance des dossiers requise et qui ne seraient donc pas représentatives de la profession. En effet, ceux qui peuvent se prévaloir d'un intérêt, d'une expérience et d'une connaissance des dossiers sont souvent regroupés dans diverses associations. Je vous suggère donc de revoir ce point.

Le titre III a trait à l'Ordre des professions de santé. Le chapitre Ier contient des dispositions générales.

L'article 7 précise que l'on « peut créer un ordre ». Le terme « peut » m'effraie. Les dentistes demandent la création d'un ordre depuis plus de 20 ans. Personnellement, je crois que c'est indispensable dans le contexte européen.

L'article 8 parle de domiciliation en Belgique mais quid des transfrontaliers ? Avec la libre circulation des personnes au sein de l'Union européenne, il y en aura de plus en plus.

Le chapitre II aborde les Conseils provinciaux, territoriaux ou assimilés des Ordres. Je ferai à ce sujet la même remarque que précédemment au sujet de l'incompatibilité. Par ailleurs, je trouve que les habilitations du Roi sont excessives. Je considère qu'il est préférable d'approuver formellement quelque chose que de le considérer approuvé par défaut.

Il y a des risques à considérer que l'absence de réponse vaut un accord; la décision prise pâtit alors d'un manque de crédibilité.

L'article 12 traite de « fait grave qui peut donner lieu à la suspension ou d'une faute grave qui porte atteinte à la confiance de la population » — et j'ajouterai « et à l'honneur de la profession » qui est un élément d'éthique.

À l'article 13, il est question « d'une majorité de praticiens (...) ». Qu'entend-on par là ? Le nombre total n'est pas bien défini. Le président est-il un praticien ?

À l'article 14, il est question de proximité. Prenons la profession dentaire en Belgique: en province de Luxembourg, il y a un peu plus de 100 dentistes. Ils sont tous proches. L'élément d'absence de proximité est donc irréaliste, en tout cas pour les dentistes, car nous ne sommes pas assez nombreux.

Le conseil de première instance et le conseil d'appel: toujours cette incompatibilité, le pouvoir donné au Roi, les remarques sont identiques.

J'en viens aux dispositions communes: après la cassation, la cause est renvoyée devant le même conseil autrement composé. De nouveau, ne vaudrait-il pas mieux soumettre l'affaire à une autre juridiction provinciale, comme c'est, je crois, le cas pour le civil. En effet, on retrouvera les mêmes personnes puisque nous ne sommes pas nombreux.

En conclusion, le texte est en général trop flou, selon moi.

Pour les dentistes, en tout cas, on peut déplorer la lourdeur du système. Ne faudrait-il pas prévoir des délais ? En effet, si un acte répréhensible a été commis, on aimerait le voir examiné, mais la personne concernée peut continuer à pratiquer durant toute la procédure. La lourdeur du système proposé pourrait conduire à des délais très longs. Si l'on vise la protection de la population, il faut prévoir des délais.

Compte tenu du nombre de praticiens de l'art dentaire actifs — environ 7 650 —, il se poserait un problème pour trouver le nombre nécessaire de personnes compétentes et motivées pour remplir toutes ces fonctions, principalement en raison de l'incompatibilité. Il faut également envisager le coût de l'opération, par rapport au nombre de praticiens. Quelqu'un a parlé du jeton de présence. Je crois qu'au Conseil de l'art dentaire, on reçoit quatre euros par matinée. Or, notre installation dentaire est très chère, et nous devons l'amortir. En Belgique, 99 % des praticiens de l'art dentaire exercent en profession libérale, en privé. Pendant que nous fermons notre cabinet pour participer à ces réunions, nos coûts ne s'interrompent pas. Personne ne voudra y participer, surtout vu notre nombre. Il faut prévoir un budget.

Le projet de Conseil supérieur doit être envisagé à la lumière de l'introduction future d'un code de déontologie européen. Il faut veiller à l'harmonisation des ordres dans les pays de l'Union européenne. Des projets existent; anticipons pour ne pas devoir recommencer le travail dans le futur.

Mme la présidente. — C'est à dessein que les textes sont parfois un peu flous. Cela permet une certaine flexibilité et il est ainsi possible de différencier les professions. C'est aussi la raison pour laquelle un grand nombre de dispositions confèrent un important pouvoir au Roi. Le législateur garde toutefois la main, de sorte qu'il peut résoudre les problèmes que vous avez mentionnés.

M. Daniel van Steenberghe. — Je suis l'auteur du plan stratégique « soins buccaux » qui a été élaboré pour le compte de l'ancien ministre de la Santé publique. En tant que membre du Conseil de la dentisterie, j'ai participé, in tempore non suspecto, à la rédaction d'une proposition de création d'une chambre de réflexion déontologique, au moment où nous n'étions pas encore au courant de la proposition de cette commission. Je suis également professeur de déontologie à la KULeuven.

Je vais vous expliquer brièvement les objectifs de la chambre de réflexion.

Nous avions songé à une chambre de réflexion déontologique avec un collège de discipline, le terme « Ordre » ayant une connotation trop négative en Belgique. Je ne m'accroche pas au terme car les textes à l'examen et une bonne information du public pourraient faire disparaître cette connotation négative.

Nous avions songé à trois piliers: les fondements éthiques, la responsabilité sociale et la place centrale donnée au patient. Le quatrième pilier en découle automatiquement: une autorité morale unanimement acceptée.

Encore plus que dans le texte martyr, nous avons voulu rejeter le corporatisme. Nous souhaitons notamment que les patients soient représentés dans la chambre de réflexion, éventuellement par le biais des mutuelles.

La chambre de réflexion déontologique des dentistes pourrait parfaitement être un Ordre dépendant de l'organe faîtier du conseil de déontologie proposé par la commission.

Pour nous, il est essentiel qu'il n'y ait pas d'affiliation et que l'Ordre n'ait pas de possessions. L'Ordre des médecins gaspille son énergie à poursuivre les mauvais payeurs. Tous les Belges sont soumis aux tribunaux mais ils ne doivent pas pour autant payer une cotisation à cet effet.

La représentation des patients est un point de discorde. Plusieurs options se présentent: associations de consommateurs, commission fédérale, mutuelles. Si nous proposons les mutuelles, c'est parce qu'elles représentent le mieux ceux qui s'occupent de cette matière à titre professionnel.

Les conseils de discipline que nous proposons ont des compétences disciplinaires. Il ne leur appartient pas de vérifier la qualité des soins. Ils peuvent cependant intervenir en tant que médiateur et conciliateur.

Le conseil de discipline et le conseil de discipline professionnel peuvent prendre des sanctions: un avertissement, une réprimande, une amende et une peine alternative. Le système juridique a clairement démontré l'aspect éducatif des peines alternatives.

J'ai quelques remarques à propos de la proposition de texte à l'examen.

Dans l'énumération de l'article 3, après les médecins, nous remplacerions les « praticiens de l'art dentaire » par les « dentistes ». Nous avons dû nous battre pour obtenir le titre de dentiste car on trouvait généralement qu'il était trop proche de celui de médecin. Pour ma part, je n'ai aucun complexe, étant moi-même également médecin. La Communauté flamande a dans ce même esprit un examen d'admission unique pour les médecins et les dentistes.

Comme Mme Aerden, nous estimons qu'il ne doit pas y avoir de chambres provinciales et interprovinciales pour les médecins — et peut-être aussi pour les autres groupes professionnels. Si l'on n'atteint pas un quota déterminé, ce mécanisme de chambres provinciales ne fonctionnera pas et la sécurité juridique sera mise en péril.

À l'article 16, il est seulement question de « médecin ». Peut-être cela a-t-il échappé à l'attention des juristes.

Voici quinze ans, j'ai participé à une commission sénatoriale similaire en vue de la création d'un Ordre des dentistes. J'ai fermement lutté contre la proposition qui se trouvait alors sur la table. J'avais déclaré qu'on ne pouvait pas transformer les braconniers en gardes-chasse. Mais la proposition actuellement à l'examen a une tout autre orientation. Le Conseil de la dentisterie, au nom duquel je parle, est particulièrement heureux et il espère que vous tiendrez compte de nos remarques et que la chambre de réflexion déontologique des dentistes aura suffisamment l'occasion de s'exprimer au sein du Conseil supérieur de la déontologie.

Mme Geerts — Qui a demandé la rédaction d'une proposition de chambre de réflexion déontologique des dentistes ?

M. Daniel van Steenberghe. — À la suite de mon plan stratégique, j'ai rencontré plusieurs fois le ministre Demotte, à qui j'ai fait remarquer qu'il existait un Ordre des dentistes dans tous les pays sauf en Belgique. Il m'a alors chargé d'élaborer une proposition. Celle-ci vient seulement d'être approuvée. Entre-temps, nous avons entendu parler de l'initiative de cette commission mais je pense que les deux sont complémentaires.

Mme la présidente. — Vu le nombre limité de dentistes, la structure ne doit probablement pas être aussi lourde que pour les médecins ou les pharmaciens. Nous devrons réfléchir ensemble à la meilleure forme à donner à cette proposition et à la manière d'adapter ce texte.

Mme Marie Van Lammeren. — Je suis orthoptiste. Il s'agit d'une profession paramédicale en relation avec l'ophtalmologie. Nous traitons essentiellement le strabisme, la paresse oculaire et la diplopie. Nous effectuons également des actes à la demande des oculistes, par exemple des examens oculaires techniques.

Je préside le Conseil national des professions paramédicales. Malheureusement, ce Conseil n'a pas encore pu se prononcer sur le texte martyr qui nous a été envoyé. Je ne pourrai donner ici que mon point de vue personnel.

Je préside également le comité de liaison des orthoptistes auprès de l'Union européenne. Dans ce cadre, nous avons déjà rédigé un code de déontologie. Je travaille en tant qu'orthoptiste à la KULeuven.

Onze groupes professionnels sont actuellement représentés au Conseil national des professions paramédicales.

Plusieurs arrêtés royaux définissent le titre professionnel et les qualifications requises, établissent la liste des prestations techniques et énumèrent les actes dont le médecin peut charger le praticien professionnel. Nous avons une responsabilité différente pour les deux types de prestations. Il a fallu du temps pour réglementer ces professions: le premier arrêté royal — relatif au technologue de laboratoire médical — date de juin 1993 et il n'y a toujours pas d'arrêté pour les ambulanciers et les audiciens.

Un autre problème provient de l'absence d'arrêté royal relatif à l'agrément des professions paramédicales. De ce fait, nous ne disposons toujours pas de données précises sur le nombre de praticiens des différentes professions. Beaucoup d'entre elles n'ont pas de nomenclature INAMI et bon nombre de praticiens ne sont pas enregistrés auprès de l'INAMI.

On observe des différences importantes entre ces onze groupes professionnels. On compte, par exemple, seulement 70 orthoptistes contre 7 000 logopèdes. Les conditions de travail diffèrent fortement: certains praticiens ont de nombreux contacts avec les patients, d'autres pas du tout. Les statuts diffèrent: majorité de salariés dans certaines professions, majorité d'indépendants dans d'autres, pénurie dans certains cas, pléthore dans d'autres. Les nomenclatures peuvent être très détaillées, comme chez les logopèdes, d'autres n'en ont pas du tout.

Cette importante diversité détermine, pour une large part, la manière dont ce texte martyr sera apprécié. En mon nom, mais probablement aussi au nom du Conseil professionnel, nous applaudissons au principe de la proposition: il faut un organisme et une réglementation en matière de déontologie. On ne peut se contenter d'une réglementation de la procédure d'agrément des professions paramédicales. Bon nombre de professions, comme les logopèdes et les orthoptistes, ont des codes de déontologie nationaux et/ou internationaux mais ils ne sont pas contraignants. En partant de ces considérations, nous sommes en faveur du Conseil supérieur de la déontologie proposé ici.

Je regrette toutefois que ces professions tellement diversifiées ne comptent que deux représentants au Conseil supérieur.

À l'article 5, § 1er, la mission du Conseil supérieur est définie ainsi: « établir les principes de base de déontologie qui sont communs à l'ensemble des professionnels de la santé ou à plusieurs catégories de ceux-ci ». Cependant, si l'on voit de combien de catégories sont constituées les professions paramédicales, on conçoit alors qu'il puisse être demandé pour eux, à juste titre, un plus grand nombre de représentants. Concrètement, nous proposons qu'il y ait au Conseil supérieur un représentant pour chaque profession paramédicale reconnue. De plus, il est très vraisemblable que, dans un futur proche, de nouvelles professions seront reconnues.

Nous voulons soumettre aux membres de cette commission un certain nombre de questions. À l'article 7, il est dit qu'un ordre peut être créé pour les professions paramédicales. Qui prend l'initiative de cette création ? Suffira-t-il qu'une partie de ces professions le fasse ou faudra-t-il que cela vaille pour tous dès le début ? Est-il question d'un processus automatique ?

Le Conseil national comporte deux sections. S'agit-il de deux sections pour tous les Ordres confondus ? J'ai l'impression que ce n'est pas le cas selon d'autres articles. Il y a sans doute un Conseil interprovincial pour chaque Ordre, et cela vaut aussi pour les dix conseils provinciaux ou territoriaux. Mais suivant le texte, on peut instituer un conseil assimilé pour les sous-catégories spécifiques. Envisage-t-on un Ordre des professions paramédicales et, en même temps, un conseil assimilé des orthoptistes ? Réclamons-nous un tel conseil ? Et doit-il être fédéral ou spécifique à chaque région linguistique ?

La question du coût d'un Ordre des professions paramédicales finit par se poser. À l'article 19, 8º on confie au Conseil national la mission « de fixer le montant de la cotisation annuelle à charge des praticiens inscrits, afin de couvrir les frais des activités de l'Ordre. » Il faut sans doute lire « les Ordres ». Toutefois à l'article 20, il n'est pas écrit que les deux sections du Conseil national doivent nécessairement se réunir ensemble. Cela ne risque-t-il pas de conduire à des différences régionales dans le montant des cotisations ?

Plus encore, nous voulons que le montant des contributions financières soit bien pensé. Les marchés du travail des différentes catégories sont très disparates, et l'on ne peut attendre d'un ergothérapeute qui travaille à temps partiel dans une maison de repos qu'il paie une cotisation identique à celle d'un dentiste qui travaille à temps plein, par exemple. Devons-nous penser à une cotisation plafonnée ? La cotisation pourrait-elle devenir un obstacle à la constitution d'un Ordre si, par exemple, certaines catégories professionnelles estiment que, pour elles, ce serait trop cher ?

L'article 19, 7º, contient une disposition très louable sur la transparence financière. Les finances seront-elles aussi transparentes pour les prestataires de soins inscrits ? Et que se passe-t-il s'il appert de cette transparence que tout ne se passe pas correctement ? Quelle garantie a-t-on que cela aurait comme conséquence un changement de politique ?

À l'article 13, il est prévu que chaque conseil est composé « d'une majorité de praticiens de la catégorie concernée, telle que visée à l'article 2 § 1er, 2º à 7º, élus directement », l'article 2 § 1er, 2º à 7º reprenant les sous-catégories. Cela s'applique-t-il aussi aux Conseils assimilés ? Cela me semble peu clair dans le texte. Ce seront surtout les paramédicaux qui auront sans doute affaire aux Conseils assimilés.

À l'article 20, § 2, il est écrit à propos de la composition du Conseil national des Ordres que dans chaque section en tout cas doivent siéger « des praticiens de la catégorie concernée, élus directement, à concurrence de la moitié des membres visés de a) à d) compris ». Les références de « a) à d) » ne semblent pas correctes et sont probablement à remplacer par « b) jusques et y compris e) ». Au point b) de cet article, il est prévu aussi qu'un ou plusieurs membres d'une catégorie professionnelle doivent faire partie du Conseil. Comme il s'agit du Conseil national des Ordres, ce devrait être probablement « catégories professionnelles ».

À l'article 27, on trouve encore le mot « médecins », là où on devrait avoir « prestataires de soins » ou quelque chose de similaire.

À l'article 12, existe-t-il une définition de la « faute grave qui porte atteinte à la confiance de la population » ou cela doit-il encore être précisé ?

Un remarque semblable est faite à propos de l'article 14, paragraphe 3, quant au vocable « proximité ».

À l'article 29, la radiation ne peut-elle être levée qu'après trois ans ou un terme de deux ans est-il envisageable ?

M. Louis Heylen. — Je présenterai cinq points.

Étant donné l'hétérogénéité du groupe des paramédicaux, nous estimons que prévoir seulement deux représentants de ce groupe au total est singulièrement peu. Si jamais un Conseil supérieur de déontologie devait voir le jour, on devrait assurément modifier quelque chose en ce qui concerne le nombre de représentants des professions paramédicales.

Je suis personnellement d'accord avec ce qu'a dit le Pr van Steenberghe quant à la règle de l'incompatibilité liée à l'appartenance à un organe d'une association professionnelle. À vrai dire, il s'agit plus de l'intégrité de la personne qui représente une profession, que de la fonction qu'elle exerce. J'espère donc qu'il sera tenu compte de cette remarque dans les discussions futures sur l'appartenance.

La discussion sur la distinction entre l'éthique et la déontologie me tient aussi beaucoup à cœur. Personnellement, je pense que l'on ne peut jamais concevoir une bonne déontologie sans éthique. Les principes éthiques constituent à vrai dire le socle d'une bonne déontologie.

Dans ma profession — je suis licencié en logopédie — nous disposons d'un code d'éthique et de déontologie qui a été approuvé par l'INAMI. Notre association professionnelle a aussi une commission d'éthique et une commission de déontologie qui veillent au respect de ce code.

À titre personnel, j'estime que la création d'un conseil provincial n'est pas une bonne idée et je renvoie à ce propos au Pr van Steenberghe. Notre pays est si petit. Je pense que nous aurons des discussions entre les conseils provinciaux comme nous en avons déjà entre les communautés.

Mme la présidente. — Je dois constater que les questions proviennent surtout des représentants des professions et non des membres de la commission. Je pense que le texte martyr s'inspire un peu trop des Ordres existants. Si nous voulons créer un Ordre pour les professions qui n'en ont pas encore, alors nous devons faire preuve de quelque peu de flexibilité, et peut-être pour certaines professions se passer d'une organisation sur une base provinciale.

La question que nous posons aux professions paramédicales est de savoir s'il y a une demande pour un Ordre. L'intention est que le Conseil de déontologie puisse fonctionner comme substitut d'un Ordre pour les professions qui n'en ont pas et qui n'en veulent pas.

Puisqu'il semble difficile d'ériger un Ordre pour chaque profession paramédicale, nous nous demandons si on ne pourrait pas lui substituer le Conseil de déontologie.

Mme Marie Van Lammeren. — Dans ce cas, n'avoir que deux représentants des paramédicaux au Conseil supérieur est vraiment insuffisant.

Mme la présidente. — Vous avez sûrement raison sur ce point. Mais supposons que nous créions un ordre regroupant toutes les professions paramédicales, avec en son sein un conseil propre à chaque groupe professionnel où chacune serait dès lors bien représentée. Dans ce cas, le Conseil supérieur de déontologie, qui est chargé surtout de régler les relations entre les professions, ne pourrait-il compter un peu moins de représentants ? Avec tout le respect dû à la profession, il me semble tout de même très difficile de donner à un orthoptiste, représentant 70 personnes, la même place dans le conseil qu'à quelqu'un qui représente 10 ou 20 000 personnes. C'est aussi une question de réalisation pratique. L'ensemble doit pouvoir fonctionner. Un conseil de cent personnes est un mastodonte dans lequel chacun est peut-être bien représenté, mais devient une institution qui ne peut plus travailler.

La réponse à la question de savoir qui créera des Ordres est: cela doit venir de la base. Nous avons déjà des ébauches, par exemple chez les dentistes. Nous pouvons naturellement collaborer pour arriver à une proposition à soumettre au Parlement. Nous devons en réalité suivre cette voie. Nous ne ferons pas de proposition de loi pour vous si vous n'en êtes pas demandeurs.

Mme Marie Van Lammeren. — C'est ici que jouera naturellement l'hétérogénéité du groupe des professions paramédicales. Comment déterminerez-vous la demande à prendre en compte ? Sera-ce par le nombre de professions qui réclament un Ordre ?

Mme la présidente. — À vrai dire, nous comptons que vous nous en donniez un aperçu. En attendant, je constate que vous n'avez aucun chiffre et donc que l'on peut difficilement estimer l'intensité de la demande de réglementation émanant d'un groupe professionnel déterminé. Peut-être pour ces groupes, devons nous commencer par instaurer le Conseil supérieur de déontologie. L'avantage est qu'il y aurait là des règles du jeu fixées et que ce Conseil pourrait intervenir dans des cas individuels si la nécessité s'en faisait sentir. Cela laisserait du temps pour que s'avère ou non la nécessité ou l'utilité de créer un Ordre ou une autre institution pour une profession déterminée. Nous ne tenons pas absolument à la dénomination « Ordre ». Nous n'utilisons ce terme que parce qu'il existe déjà des Ordres et que ceux-ci tiennent absolument à cette dénomination, malgré les connotations négatives qu'elle a acquises avec le temps.

J'ai deux petites questions pour le Pr van Steenberghe.

La première concerne son point de vue assez clair: pas de cotisations, pas de possessions. Si l'on désigne des personnes pour défendre dans un organe déterminé les intérêts d'un groupe, alors il faut d'une manière ou d'une autre défrayer ces personnes. On peut difficilement demander à l'État de prendre ces frais à charge. Si les professionnels ne sont pas obligés de s'inscrire, on ne peut dès lors pas non plus leur demander une cotisation. Alors comment financer ? J'entends que cette question à quelque rapport avec l'image négative, mais on paie quand même bien une cotisation pour être membre de son organisation professionnelle. Si celle-ci remplit correctement sa mission et s'il y a transparence sur l'utilisation de l'argent, alors cela ne constitue pas un grand frein.

Ma deuxième question porte sur les mutuelles. Nous avons déjà abondamment discuté de la question de savoir qui représentera les patients. Notre intention est de créer aussi un conseil des patients, au sein duquel nous pourrions trouver des personnes pour constituer d'autres organes, mais la constitution de ce conseil tarde.

Un des problèmes que nous retrouvons toujours est que les mutuelles ont un rôle un peu ambigu. Elles sont à la fois prestataires de soins et défenseurs des patients. Dans le cadre d'un Ordre, cela pourrait conduire à un conflit d'intérêts.

M. Daniel van Steenberghe. — Pour ce qui concerne votre première question: même si on ne demande qu'une cotisation symbolique, je pense que des personnes refuseront pour des considérations de principe. Cela se produira peut-être moins grâce au changement de mentalité des Ordres, mais il y en aura. Si l'Ordre devait à ce moment-là prendre des mesures contre ces collègues, nous nous éloignerions sérieusement des considérations éthiques, et cela nuira à l'image de l'Ordre. Si l'on opte pour une structure pas trop lourde, avec peu de commissions, etc. alors j'espère encore toujours que l'État fera l'investissement. Cet investissement est d'ailleurs souvent très léger. Notre collègue Aerden a esquissé ce qu'impliquent les jetons de présence.

La question des biens ne devrait pas faire l'objet d'une discussion. Je ne pense pas que l'Ordre ait besoin de posséder des biens.

Ce que vous dites des mutuelles est vrai, mais on pourrait dire la même chose des représentants des associations professionnelles et des syndicats. Notre proposition est que, sitôt qu'on est nommé dans le conseil, on ne renie pas sa base, mais qu'on l'oublie. C'est pourquoi, nous pensons tout de même à des représentants des mutuelles parce qu'elles ont l'avantage de pouvoir envoyer des professionnels. Les représentants ordinaires des organisations de patients n'ont pas toujours l'expertise nécessaire et, dès lors, certaines discussions pourraient les dépasser. J'admets que nous courons toujours le danger que les mutuelles n'adoptent un comportement équivoque, mais cela vaut également pour tous les représentants de tous les groupes professionnels.

Mme Michèle Aerden. — Je ne partage pas l'avis du professeur van Steenberghe. Je crois qu'il y a un réel conflit d'intérêts. Les mutualités sont des organes principalement économiques.


Auditions du 10 novembre 2004

— M. André Lovinfosse, directeur du département infirmier, CHR de la Citadelle;

— Prof. Jacques Debry, Multipharma scrl;

— Mme Katleen Van Haveren, conseillère juridique, FPLI;

— Prof. Willem Betz, faculté de Médecine et Pharmacie, Vrije Universiteit Brussel.

— Exposé du professeur Willem Betz, faculté de Médecine et Pharmacie, VUB

M. Betz estime qu'un Ordre ou un Conseil disciplinaire est une réelle nécessité, parce que les médecins (et d'autres professions médicales) ont des compétences et des devoirs que le citoyen ordinaire n'a pas, et ont un monopole. Les tribunaux ordinaires ne disposent pas toujours de la compétence technique nécessaire dans le domaine médical et ils sont parfois trop lents.

Les médecins se trouvent dans la possibilité d'infliger des coups et blessures, d'administrer des substances toxiques et anesthésiantes, de se livrer à des attouchements sexuels, de faire des constats importants en matière légale, de déclarer l'incapacité (de travailler, motrice, psychique) d'une personne et ils génèrent des dépenses financées par la collectivité (INAMI).

À travers l'histoire, la mission de l'Ordre a été définie des manières suivantes:

— 1939: « réagir contre le charlatanisme, le mercantilisme et l'exploitation de la crédulité du public »

— 1998: « fournir une contribution substantielle et effective en vue de l'amélioration des soins de santé pour l'individu et la communauté »

— 2004: les propositions de loi déposées n'ont toutefois pas défini d'objectif pour l'Ordre.

L'Ordre a-t-il accompli sa mission ? En général, il a fait du bon travail: il est facilement accessible et il fait beaucoup de choses gratuitement. L'Ordre a généralement rendu de bons avis, bien qu'il y ait des exceptions. Les pires abus de charlatanisme, d'escroquerie et de médecine commerciale sont réprimés, même s'ils le sont d'une manière insuffisante. L'Ordre n'a ni les moyens ni l'expertise pour cela. La mission de contrôle de la qualité manque-t-elle de substance ? L'intervenant pense que oui.

De plus, le Conseil national fait l'objet de très nombreuses plaintes qui portaient surtout sur l'imprécision des normes (par exemple: « l'honneur et la dignité de la profession »). Il y a insécurité juridique: il n'y a pas de normes claires, il n'y a pas de jurisprudence, tout est assez imprévisible. On reproche aussi à l'Ordre d'être conservateur, voire antisocial, et on l'accuse de corporatisme. L'esprit de corps continue à primer sur les intérêts de la société. L'Ordre est parfois au-dessus des lois. C'est par exemple le cas avec le traitement à la méthadone des toxicomanes et avec l'ensemble de la problématique de l'euthanasie, au sujet de laquelle l'Ordre reste partisan d'une interdiction totale malgré la loi résultant d'un processus démocratique et le fait que 81 % des médecins ne partagent pas ce point de vue. L'Ordre entraverait également le développement de soins de première ligne de qualité et favoriserait une médecine à la petite semaine consistant à résoudre les problèmes lorsqu'ils se présentent. Enfin, le contrôle de la qualité est insuffisant. Cela est également dû au fait que l'Ordre ne dispose pas des moyens pour l'effectuer correctement.

De très nombreuses plaintes sont également formulées à l'égard des conseils provinciaux, tantôt de manière isolée, tantôt à un rythme régulier. Ces plaintes concernent la violation des droits de la défense, comme entre autres l'imprécision des accusations qui sont formulées. Les audiences sont parfois intimidantes, grossières et vulgaires. Les membres des conseils provinciaux ne sont pas compétents pour intervenir en qualité d'experts. Et de surcroît, le plaignant ne peut pas interjeter appel et les conseils locaux déterminent parfois eux-mêmes ce qu'ils trouvent « grave », de sorte que des affaires graves sont classées sans suite et que, par contre, des futilités sont sanctionnées. Les procédures et les votes font l'objet d'improvisations, dans le but, par exemple d'arriver à tout prix à une condamnation. Les magistrats ont des pouvoirs de loin insuffisants et ils sont parfois menacés. Des sanctions sont parfois infligées sans qu'il y ait eu d'audition contradictoire. La cotisation élevée et le mystère qui règne autour de son emploi font également l'objet de critiques. Il arrive que des sanctions soient prononcées dans des affaires qui n'ont aucun rapport avec l'exercice de la profession ou, par exemple, en cas de non-paiement de la cotisation. Il n'y a pas non plus de normes claires et chaque province travaille différemment. La gravité de la sanction échappe parfois à toute logique. Des règlements de compte ont lieu. Il arrive qu'il y ait confusion d'intérêts. En outre, les procédures ne sont pas non plus conviviales pour le patient et négligent le plaignant. On peut se demander si l'esprit de corps est plus important que l'intérêt du patient. Pratiquement aucun médecin ne sait qu'il a le droit de récuser des membres des conseils provinciaux ou n'ose le faire. Enfin, est-il indiqué que les membres du conseil jouissent d'une immunité qui les protège de toute condamnation ?

Le conseil d'appel fait également l'objet d'une multitude de plaintes. Conformément aux droits de l'homme, une procédure publique doit avoir lieu, ce qui n'est pas le cas. Le Conseil tient parfois des propos déconcertants, par exemple lorsqu'il se demande à quoi servent encore les spécialistes. Le conseil d'appel sait aussi que les conseils provinciaux enfreignent les droits de la défense (« vous pouvez déduire vous-même quelle était la plainte ») mais il approuve tacitement.

En ce qui concerne le texte qui fait l'objet de la discussion actuelle, l'intervenant constate que le Conseil supérieur de déontologie fixe les normes fondamentales pour toutes les professions médicales. Cela requiert une large participation de la société civile. Le professeur Betz estime que cela est positif. Cela peut constituer le contrôle social souhaité sur les Conseils et les Ordres nationaux. En revanche, l'absence de référence à la qualité des soins au § 4 de l'article 5 est un point négatif.

Les conseils provinciaux et/ou territoriaux doivent percevoir des cotisations, dresser des listes, solliciter des avis et entreprendre une tentative de médiation. Lorsque celle-ci échoue, ils doivent renvoyer et éventuellement établir un rapport à l'intention du Conseil supérieur. Cela vaut-il pour tous les dossiers ou seulement pour des dossiers graves ? Quand un dossier est-il « grave » ? Le texte n'est pas tout à fait clair à ce sujet. C'est important parce que l'instance suivante qui doit se prononcer le fait sur la base des rapports des conseils provinciaux et n'effectue plus d'enquête elle-même. Toutes les objections que l'orateur avait contre les conseils provinciaux sont devenues sans objet parce que ces derniers sont en quelque sorte désarmés et qu'ils ont moins de pouvoir. La question reste entière quant à savoir si les membres reçoivent une indemnité et, dans l'affirmative, à combien celle-ci s'élève. Est-ce comme dans les services publics fédéraux où l'on reçoit 4,5 € par jour en plus du ticket de train ? Qui fixe et paie une éventuelle indemnité ?

Le Conseil interprovincial reprend en grande partie les tâches des Conseils provinciaux existants. Il statue dans les affaires disciplinaires mais ne procède lui-même à aucun acte d'investigation. En revanche, il peut infliger des sanctions. C'est positif, parce que la réglementation ainsi proposée rencontre les objections formulées en matière de partialité, de règlements de compte et de confusion d'intérêts. À cet égard, la présence d'un nombre accru de magistrats et une meilleure définition de leurs tâches pourraient peut-être améliorer encore les choses. Ici aussi se pose la question d'une rémunération équitable.

Le Conseil national se voit attribuer tout un éventail de fonctions: rédaction d'un code de déontologie, enregistrement des décisions disciplinaires, élaboration d'un règlement d'ordre intérieur pour les conseils provinciaux, etc. L'échange de données avec l'étranger est important: jadis, les médecins qui étaient condamnés en Belgique pouvaient s'installer à l'étranger sans problèmes. Un point positif est le fait que le Conseil national non seulement contrôle lui-même mais est aussi contrôlé.

On prévoit également de créer pour les professions pour lesquelles il n'existe pas d'Ordre un Conseil de première instance qui pourrait prononcer des sanctions disciplinaires mais qui serait exclusivement composé de représentants de la profession concernée. Le professeur Betz se demande ce qui passera si le personnel paramédical, par exemple, souhaite se déclarer compétent pour l'accomplissement de certains actes médicaux. Ne faudrait-il pas dresser une liste d'actes réservés ou de maladies pour lesquelles il est compétent, comme c'est le cas aux Pays-Bas ou au Royaume-Uni ? Il convient d'ailleurs de faire remarquer que la référence qui est faite à l'article 16 concernant la composition est erronée.

En ce qui concerne le Conseil d'appel, qui statue sur les appels formés contre les décisions disciplinaires des conseils territoriaux ou interprovinciaux, le recours contre le Conseil de première instance n'est pas explicitement mentionné. Est-ce voulu ? Les dispositions relatives au Conseil d'appel sont les seules où l'on parle explicitement d'une rémunération, celle du greffier en l'occurrence. Le professeur Betz est d'avis qu'il faut relever le niveau de ces rémunérations. Un médecin qui doit sacrifier un après-midi pour siéger et qui reçoit, en contre-partie, un montant de 4 euros et un ticket de train perd en effet beaucoup d'argent, ce qui entraînera un absentéisme considérable.

Le texte en discussion comporte aussi un grand nombre de dispositions générales, comme celles concernant la règle de la publicité, le droit du plaignant d'être informé de la décision, le fait que certaines informations ne peuvent pas être utilisées par le tribunal, le secret professionnel qui est d'ordre public, certaines procédures de recours qui peuvent aboutir en cassation, la possibilité d'infliger des peines alternatives, de prononcer une réhabilitation ou d'effacer des peines, etc. Tout cela est parfaitement formulé, mais peut-être faudrait-il aussi prévoir la publication sur l'Internet du nom des médecins ayant encouru de lourdes condamnations et ce, afin d'éviter qu'ils ne se livrent ailleurs aux mêmes méfaits. C'est une possibilité à laquelle il faut réfléchir, étant entendu que le but ne saurait être de stigmatiser une personne définitivement.

Le texte à l'examen permettra de résoudre un grand nombre de problèmes pour autant que le nouveau code ne soit pas identique à celui qui est actuellement utilisé par l'Ordre. Parmi ces problèmes, citons l'absence de normes claires (« honneur et dignité »), le manque de sécurité juridique et la jurisprudence imprévisible qui en résulte, le corporatisme conservateur et antisocial qui caractérise parfois l'Ordre actuel, la priorité donnée à l'esprit de corps au détriment de l'intérêt général de la société, etc.

D'autres problèmes seront peut-être résolus lorsque le texte à l'examen deviendra loi. Le développement de soins de première ligne de qualité sera facilité et il ne sera probablement plus possible d'enfreindre les droits de la défense, d'improviser en matière de procédures, de prononcer des peines sans audition contradictoire, de procéder à des règlements de compte personnels, d'occuper des fonctions entraînant une confusion d'intérêts, de prononcer des peines étrangères à la profession, etc.

Il conviendrait toutefois d'être attentif à quelques points prioritaires tels que le contenu du nouveau code à élaborer par le Conseil supérieur, la mission précise en matière de contrôle de la qualité, l'élaboration d'un règlement d'ordre intérieur solide à soumettre à l'approbation du ministre, la détermination de la fonction et de la procédure permettant de faire appel à des experts. Il serait également opportun de rédiger une brochure sur les droits du prévenu et sur ceux du plaignant, qui précise qui peut être récusé, quelles sont les formes d'assistance et les voies de recours possibles etc. Renvoyant à la nouvelle législation relative aux expérimentations sur l'être humain, le professeur Betz est d'avis que l'Ordre doit faire preuve de vigilance à cet égard étant donné que les prescriptions légales ne sont pas toujours respectées à l'heure actuelle. Les droits du patient, comme le droit de consulter le dossier, doivent également être mentionnés dans le code. Le professeur Betz rappelle ensuite sa remarque à propos des jetons de présence et propose que l'on confère au Conseil national le pouvoir de proposer une rémunération à faire approuver par le Conseil supérieur. Enfin, il faudrait aussi réexaminer le fonctionnement de la Commission médicale provinciale.

M. Vankrunkelsven se dit en grande partie d'accord avec l'analyse et les remarques du professeur Betz. Il indique que les nouvelles propositions impliquent déjà un renforcement de la fonction de magistrat par rapport à la situation actuelle, mais il estime qu'il doit bien s'agir d'une évaluation réalisée par des pairs et que l'on irait trop loin si l'on accordait une majorité absolue aux magistrats.

Mme Geerts aimerait connaître le point de vue du professeur Betz à propos de la tâche consistant à dresser des listes.

Selon le professeur Betz, le fait que le diplôme d'un médecin doive d'abord être visé par le conseil provincial et ensuite recevoir un numéro de l'Ordre des médecins puis un autre numéro de l'INAMI, est une anomalie. C'est un aspect qu'il serait peut-être bon de réexaminer.

Mme Van de Casteele renvoie à la discussion de la dernière loi-programme qui a prévu que les diplômes des médecins seraient enregistrés par les commissions médicales provinciales alors qu'il y a quelques années, celles-ci étaient menacées de suppression. Or, il est apparu que la mise en place d'une banque de données et l'échange d'informations étaient quand même une tâche importante et que celle-ci ne pouvait pas être assumée par l'Ordre.

Le professeur Betz fait remarquer que si l'Ordre peut uniquement convoquer des médecins, les commissions médicales provinciales, en revanche, peuvent convoquer aussi des citoyens. Toutefois, celles-ci n'ont guère de véritable pouvoir.

— Exposé de M. André Lovinfosse, directeur du département infirmier au CHR de la Citadelle.

Monsieur Lovinfosse, qui est également président de l'Association professionelle des Infirmières de Belgique, est d'avis que le nouveau texte de loi est une approche holistique et coordonnée des pratiques de soins. Il s'inscrit dans une démarche pluridisciplinaire de la santé et associe tous les acteurs de soins au principe éthique lié, non seulement à l'exercice de leur profession mais aussi à l'intégration de cette pratique dans une logique de transversalité.

La loi du 22 août 2002 relative aux droits des patients est de ce point de vue un cadre de référence incontournable à prendre en considération. La qualité des soins que le patient est en droit d'attendre et sa sécurité doivent pousser les professionnels de la santé à établir, en complément des dispositions légales déjà existantes, davantage de normes d'exercice, contraintes dont les aspects déontologiques ne sont pas les moindres.

Les mécanismes protégeant le patient d'un éventuel exercice illégal de l'art de guérir et de soigner apparaissent tout aussi essentiels. Il s'agit de la qualité des soins exercés et de la compétence des praticiens.

Dans un contexte de dispensation des soins de plus en plus multidisciplinaire, le Conseil supérieur de Déontologie a l'avantage de mettre autour d'une même table tous les professionnels gravitant autour du patient. Ceci est incontestablement un avantage et un élément positif. D'autant que de nouvelles catégories professionnelles viendront prochainement agrandir le cercle des professions paramédicales (projets de textes relatifs aux psychologues cliniciens, sexologues cliniciens, ...). Cela paraît cohérent et efficient.

L'article 3, § 1er, 7º, dispose que le Conseil supérieur est composé de « de huit praticiens qui sont praticien de l'art infirmier, accoucheuse ou aide-soignant, parmi lesquels chacune de ces trois professions est représentée par au moins une personne. » L'inclusion des accoucheuses (ou sages femmes) dans ce groupe professionnel paraît tout à fait anachronique en rapport avec les dispositions de l'arrêté royal nº 78 du 10 novembre 1967 et vis-à-vis de l'évolution de cette profession, qu'il s'agisse de ses prérogatives d'exercice ou plus encore de son cursus de formation. Comme chacun sait, les sages femmes ressortissent de l'art de guérir (Chapitre 1er de l'arrêté relatif à l'exercice de l'art médical et de l'art pharmaceutique), l'art infirmier étant lui abordé dans un chapitre 1erter spécifique intitulé « De l'exercice de l'art infirmier ». De même, la mention des aides soignants au 7º est superflue. En conclusion, l'orateur propose donc de limiter ce point 7º à huit praticiens de l'art infirmier.

L'article 3 dispose également que les membres visés au § 1er ne peuvent être membres d'un organe de gestion ou de la direction d'un établissement de soins. Cet avis qui veut rendre légitimement des mandats incompatibles semble imprécis. Ne faut-il pas inscrire une interdiction de sièger au comité de direction d'un hôpital ? De plus, l'exclusion des praticiens « actifs » aboutira peut être aussi à se priver de ressources compétentes et professionnellement « pertinentes ».

En plus de l'incompatibilité avec l'appartenance à un organe d'une association professionnelle, il faudrait aussi y mentionner explicitement l'incompatibilité avec l'exercice d'une fonction au sein d'une organisation syndicale, ces deux types de structures n'étant pas identiques dans le secteur infirmier par exemple.

En ce qui concerne les sanctions, l'article 27, § 1er, du « texte martyr » dispose:

« Les Conseils interprovinciaux, en premier ressort, et les Conseils d'appel, en deuxième ressort, peuvent imposer les sanctions suivantes à l'égard des médecins:

1º l'avertissement;

2º la réprimande;

3º la suspension du droit d'exercer la médecine pendant maximum deux ans;

4º la radiation du tableau de l'Ordre avec la déchéance définitive d'exercer leur activité professionnelle. »

Au 3º, il conviendrait de dire « la suspension du droit d'exercer l'art auquel ressortit le praticien concerné » en lieu et place « d'exercer la médecine ».

À la faveur des dispositions de la loi du 29 janvier 2003 portant création de la banque de données fédérale des professionnels des soins de santé (centralisation et informatisation d'un cadastre des professions des soins de santé), les commissions médicales provinciales devraient se trouver soulagées de fastidieuses tâches administratives d'enregistrement qui pesaient fortement sur leur capacité à se consacrer à certaines de leurs autres missions importantes, parmi lesquelles la lutte contre l'exercice illégal.

Dans ces conditions, une synergie efficace devrait pouvoir être organisée dans le cadre de cette lutte entre les commissions médicales provinciales et les ordres professionnels. C'est un aspect primordial de la sécurité à offrir au bénéficiaire de soins. La justification de véritables ordres professionnels doit d'abord se fonder, comme mentionné en début d'analyse, sur la protection des intérêts du public.

En conclusion générale, hormis les trois objections formulées quant au contenu de l'article 3 de la proposition de loi, M. Lovinfosse est dans l'ensemble favorable à ce texte, ainsi qu'à la mise en place d'une structure de coordination.

M. Vankrunkelsven pense également que le texte en discussion se base trop souvent sur la situation des médecins et qu'il tient trop peu compte de la situation des autres professions des soins de santé.

Il observe par ailleurs que la notion de « professions paramédicales » a été définie par la loi et recouvre dès lors un nombre précis de catégories professionnelles. De plus, la surreprésentation des infirmières et des sages-femmes n'est pas le fruit du hasard, mais elle résulte au contraire d'un choix délibéré des auteurs du texte à l'examen. Comment M. Lovinfosse envisage-t-il la représentation des différents secteurs des soins de santé au sein du Conseil supérieur ?

M. Lovinfosse répond qu'en ce qui concerne le Conseil supérieur de déontologie, le texte à l'examen peut être l'amorce de la création d'un Ordre des infirmières. Diverses organisations professionnelles ont d'ailleurs déjà préparé un texte à ce propos. Il n'empêche que même si un tel Ordre devait voir le jour, le problème subsisterait pour de nombreuses professions paramédicales. Le Conseil supérieur de déontologie permet de remédier en partie à ce problème et les différentes professions paramédicales doivent donc y être représentées, en utilisant par exemple la classification figurant dans l'arrêté royal nº 78.

— Exposé de Mme Katleen Van Haveren, conseiller juridique, FPLI

Mme Van Haveren explique que la Fédération des professions libérales et intellectuelles est une structure faîtière qui regroupe 16 organisations professionnelles actives dans 4 secteurs des professions libérales: le juridique, l'économique, la construction et le médical. En ce qui concerne ce dernier, il existe un accord de coopération avec le Syndicat flamand des médecins (Vlaams Artsensyndicaat), l'Association des dentistes flamands (Verbond van Vlaamse Tandartsen), l'Association pharmaceutique belge (Algemene Farmaceutische Bond), l'Union des kinésithérapeutes indépendants (Unie van Zelfstandige Kinesitherapeuten) et l'Association nationale des infirmières et sages-femmes catholiques flamandes (Nationaal Verbond van Katholieke Vlaamse Verpleegkundigen en Vroedvrouwen — NVKVV).

Pour faciliter la compréhension de cet exposé, la FPLI souhaite d'abord attirer l'attention sur les points suivants:

— La « proposition de loi » à laquelle il est fait référence dans le présent exposé vise le texte en discussion que le ministre Demotte a soumis pour examen au Sénat, fin septembre 2004, sous l'intitulé « Proposition de loi portant création d'un Conseil supérieur de déontologie des professions des soins de santé et fixant les principes généraux pour la création et le fonctionnement des Ordres des professions des soins de santé ».

— L'expression « groupements professionnels de droit public » est une appellation juridique générique qui fait référence aux autorités de régulation et de discipline des professions libérales, instituées par une loi ou un arrêté royal. Ces instances portent en effet des dénominations aussi diverses que l'ordre, l'institut ou la chambre.

— Dans cet exposé, la FPLI n'abordera pas les erreurs de formulation ou les approximations juridiques afin de se concentrer sur les lignes de force de la proposition de loi, en basant la discussion sur les 7 pistes ébauchées par la Fédération en 2002, lors d'une table ronde sur les Ordres et les Instituts de professions libérales. Les pistes ébauchées par la FPLI en vue d'une autorégulation axée sur l'avenir sont reproduites intégralement en annexe au présent texte.

1) Nécessité sociale et plus-value apportée de l'autorégulation des professions libérales

Pour la FPLI, l'autorégulation des professions libérales se justifie d'un double point de vue:

1. les points communs avec l'intérêt public

2. l'existence d'une « asymétrie de l'information » entre le praticien professionnel et le patient/client

Au sein des professions libérales, ce double point de vue est justement omniprésent dans le secteur médical.

1. Intérêt public

Les activités des professionnels de la santé relèvent sans nul doute de l'intérêt public. La qualité des prestations fournies par les professions libérales médicales touche en effet à des valeurs sociales cruciales, comme la vie ou la mort, la maladie ou la santé. Les conséquences d'une qualité insuffisante des prestations fournies par les professions libérales médicales ont trait à la santé publique.

2. Relation de confiance et asymétrie de l'information

En jargon économique, la prestation fournie par une profession libérale est assimilée à la fourniture de « biens de confiance ». Du point de vue du consommateur, les biens de confiance se distinguent des autres biens et services parce que la majorité des clients (dans ce cas, les patients) ne disposent pas de connaissances suffisantes pour évaluer objectivement la qualité de la prestation et les conditions de fourniture. C'est ce qu'on appelle l'asymétrie de l'information entre le titulaire d'une profession libérale et le patient. L'assimilation de la prestation fournie par les professions libérales médicales à la fourniture de biens de confiance implique qu'un haut degré de qualité ne sera garanti que si une relation de confiance peut s'installer entre le fournisseur et le client.

On peut dès lors considérer la régulation spécifique du marché des prestations fournies par les professions libérales médicales (sous la forme d'une déontologie spécifique) comme la création des conditions permettant de faire naître une relation de confiance entre le titulaire de la profession libérale et le patient.

L'option qui consiste à attribuer, par préférence et dans une large part, l'élaboration de cette régulation spécifique et le contrôle de son observation (droit disciplinaire) aux praticiens eux-mêmes (autrement dit, la création d'un système d'autorégulation), peut aussi s'expliquer par la complexité technique et l'application dans la pratique professionnelle d'une quantité importante de connaissances abstraites. En effet, seuls des pairs ayant la même formation, la même expérience et la même mentalité — praticiens eux-mêmes — sont en mesure, dans un tel contexte, de se prononcer effectivement et adéquatement, en cas de litige dans le cadre d'une procédure disciplinaire, sur les conditions appropriées permettant de garantir la qualité de la pratique de la profession, notamment en ce qui concerne l'accès à la profession, la déontologie et la qualité des services fournis.

Par conséquent, la pratique médicale et paramédicale est, en quelque sorte, l'habitat naturel de la déontologie et du droit disciplinaire.

Dans la mesure où la proposition de loi tend à ancrer le principe de l'autorégulation en matière de déontologie et de droit disciplinaire pour le secteur médical, la FPLI soutient donc cette initiative sur la base du point de vue exposé ci-dessus, dans lequel les connaissances et la confiance sont des éléments clés.

3. Représentation démocratique de la profession

La FPLI souligne qu'au moment de créer ou de réformer des corporations de droit public, il faut veiller plus que jamais à ce que celles-ci représentent correctement les professions libérales.

Dans la présente proposition de loi, la nécessité de mettre en place une représentation démocratique comporte deux volets:

1. au niveau « interprofessionnel », au sein du Conseil supérieur: assurer l'équilibre nécessaire entre les différentes professions;

2. au niveau de chaque profession, au sein des organes des Ordres des professions des soins de santé: garantir une représentation équitable de toutes les particularités présentes au sein de la profession (sexe, spécialité, personnes morales, praticiens salariés, etc.).

3. Composition équilibrée du Conseil supérieur ?

La répartition des sièges entre les différentes professions au sein du Conseil supérieur n'est pas véritablement fondée. Pour quelles raisons certaines professions reçoivent-elles huit sièges et d'autres deux seulement ? En outre, il n'est pas évident de savoir quelles professions font partie de la catégorie des « praticiens d'une profession paramédicale ».

Le rapport numérique entre les représentants des professions, d'une part, et les experts externes, d'autre part (« spécialistes des questions déontologiques » et experts en droits des patients), souffre du même manque de fondement et de justification.

La FPLI pose donc la question de savoir si, compte tenu des compétences du Conseil supérieur, il ne serait pas préférable d'opter pour une composition où seuls les praticiens auraient le droit de décision. Le Conseil pourrait naturellement décider de se faire aider par des spécialistes ayant voix consultative. Pour ce qui est de la justification vis-à-vis de la société, on pourrait mettre sur pied parallèlement une structure de concertation adaptée associant les stakeholders (voir aussi le point 6 ci-dessous). Cette double approche aurait notamment pour avantages que la composition du Conseil supérieur, qui compte actuellement 31 membres, ne serait pas étendue inutilement, qu'il y aurait une plus grande implication des acteurs sociaux et que la responsabilité du Conseil supérieur serait clairement définie.

4. Représentation équitable par profession

En ce qui concerne l'élection des organes des Ordres par profession, la proposition de loi attribue des compétences très étendues au Roi, de sorte qu'il est particulièrement difficile de se prononcer à ce sujet dans le cadre d'une discussion de la proposition de loi.

La FPIL souligne cependant combien il est important d'organiser des élections directes, avec participation obligatoire et sur la base d'un programme électoral.

D'une manière générale, la FPIL insiste sur le fait que la dimension démocratique des Ordres et de leurs organes n'a de sens que si ces organes disposent du pouvoir de décision voulu.

La ratification par le Conseil supérieur des règles spécifiques d'une profession proposées par le Conseil national des ordres (article 3, § 1er, de la proposition de loi) pose un problème.

Cette ratification a pour effet d'évider de manière importante les compétences des Ordres.

5. Sécurité juridique

La FPIL insiste pour que soient prévues les garanties les plus larges sur le plan de la sécurité juridique, notamment pour les praticiens engagés dans une procédure disciplinaires.

La FPIL constate que la proposition de loi présente à cet égard de nombreuses lacunes:

Ratification par le Roi

En vertu de l'article 3, § 3, les principes déontologiques de base — qui constituent, avec les règles spécifiques à une profession, le code de déontologie de la catégorie professionnelle — n'ont de force contraignante qu'après avoir été ratifiés par le Roi. Le cas échéant, cette ratification peut être tacite « si le Roi n'en a pas refusé la ratification en tout ou en partie dans les six mois qui suivent leur communication au ministre ayant la Santé publique dans ses attributions. » Cette disposition suscite de nombreuses interrogations. Quid en cas de refus partiel ? Les principes déontologiques de base qui n'ont pas été refusés ont-ils alors d'office force contraignante ? Quand le délai de douze mois prend-il précisément cours ? En cas de ratification tacite, la publication au Moniteur belge est-elle requise pour assurer la notification nécessaire ? Une ratification tacite de principes déontologiques de base peut-elle faire l'objet d'un recours administratif ? Le fait que les principes déontologiques de base doivent être communiqués au ministre de la Santé publique implique-t-il que ce ministre ait la compétence exclusive de soumettre ces règles à la ratification du Roi ?

En outre, il faut noter qu'une telle ratification n'est pas prévue pour les règles spécifiques aux professions. On peut donc se demander quelle force contraignante auront ces règles en attendant la ratification des principes de base (qui font d'ailleurs partie intégrante du code de déontologie par catégorie professionnelle).

Composition du Conseil d'appel

L'article 22, § 4, de la proposition de loi, prévoit que le Conseil d'appel se compose à la fois de juristes et de magistrats (au nombre de 2 et 3 respectivement). On ne voit pas très bien ce qui justifie l'ajout d'une catégorie particulière de « juristes » (alors que les magistrats sont par définition des juristes). De plus, on peut se demander où l'on recrutera des juristes ayant une une expérience et une expertise respectivement en droit de la santé et en droit contractuel ( ?). On n'a pas fixé non plus de conditions spécifiques permettant d'évaluer cette expérience ou cette expertise.

La FPLI plaide dès lors pour que l'on ne reprenne pas cette catégorie particulière et que l'on prévoie une majorité de magistrats.

Publicité des séances

L'article 23, § 1er, de la proposition de loi, prévoit que les séances des conseils sont publiques. Or, la publicité des séances ne garantit pas nécessairement une plus grande sécurité juridique. Au contraire, quand elles sont publiques, les séances peuvent être très dommageables, les informations étant communiquées de manière non nuancée, en particulier lorsque le jugement confirme a posteriori l'innocence d'un particien professionnel.

La sécurité juridique serait mieux servie par une publication conséquente mais anonyme des décisions rendues en matière disciplinaire, ce qui permettrait aussi de constituer une jurisprudence à l'aune de laquelle les praticiens professionnels pourraient évaluer leurs comportements.

Inscription obligatoire

Contrairement au régime en vigueur pour les pharmaciens (arrêté royal nº 80 du 10 novembre 1967), par exemple, la proposition de loi ne prévoit pas une inscription obligatoire auprès de l'Ordre. La définition du champ d'application des ordres, figurant à l'article 8 de la proposition de loi, suppose une inscription au tableau de la province ou de la circonscription territoriale. Or, il n'est précisé nulle part que l'inscription en soi est obligatoire pour pouvoir exercer la profession. À cet égard, l'assujettissement des praticiens professionnels à la déontologie et au droit disciplinaire des ordres repose sur une base volontaire, situation qui est loin de favoriser la sécurité juridique et qui ne cadre pas avec la vision selon laquelle la déontologie et le droit disciplinaire touchent à l'intérêt général.

Dispositions transitoires

Le rapport entre les nouveaux ordres à créer et les ordres de médecins et de pharmaciens existants n'est pas clair. Ces ordres et les règles de déontologie déjà promulguées seront-ils entièrement maintenus sous leur forme actuelle ? L'article 33 de la proposition de loi mentionne uniquement les affaires disciplinaires en cours, mais qu'en est-il des structures ?

Le rapport avec la législation relative aux droits du patient n'est pas très clair lui non plus. Ainsi, l'article 5 de la proposition de loi prévoit que le thème des droits et devoirs généraux à l'égard du patient doit également être traité dans le code de déontologie de chaque catégorie professionnelle. Or, ce point fait déjà l'objet d'une loi distincte et une Commission spécifique des droits du patient a été créée. Ici aussi, il y a donc un manque de clarté quant au lien avec les initiatives existantes.

6. Gestion intégrale de la qualité

La FPLI souligne le risque de formalisation excessive du droit disciplinaire du fait que le fonctionnement de la déontologie et du droit disciplinaire accorde aujourd'hui trop d'attention au respect des principes et des règles et à la sanction de ceux qui les enfreignent. Toutefois, on pourrait sans doute faire progresser davantage la qualité des prestations et la responsabilité morale ainsi que l'épanouissement du praticien professionnel individuel si l'on était plus attentif à l'épanouissement personnel et à la gestion personnelle de la qualité (par exemple en encourageant la formation continue et l'accompagnement des praticiens professionnels).

Les structures prévues par la proposition de loi sont à ce point lourdes et complexes qu'elles s'opposent fondamentalement à l'idée que la mentalité doit prévaloir sur les règles. En multipliant les organes de toutes sortes, on risque de perdre de vue l'objectif final, qui est d'améliorer la qualité et de créer les conditions propices à l'établissement d'une relation de confiance avec le patient.

Outre le Conseil national (structure faîtière à caractère interprofessionnel), ce sont pas moins de quatre types de conseils qui pourraient être créés par catégorie professionnelle: un conseil national, un conseil provincial, un conseil territorial et un conseil interprovincial (ce dernier ayant une fonction purement disciplinaire). En outre, en ce qui concerne spécifiquement le droit disciplinaire, on créera encore au niveau interprofessionnel un Conseil de première instance pour les professions pour lesquelles aucun Ordre distinct n'aura été créé (donc une sorte de catégorie résiduelle) ainsi qu'un Conseil d'appel (qui se prononcera en appel sur toutes les affaires disciplinaires). On risque d'assister à une prolifération des conseils, qu'il faudra doter d'effectifs — parviendra-t-on à trouver suffisamment de candidats ? — et dont il faudra aussi financer le fonctionnement. Est-il bien nécessaire, par exemple, de prévoir aussi des conseils territoriaux ? N'y a-t-il pas un risque de morcellement excessif ?

Ces structures représenteront donc un coût énorme en argent et en personnel, alors que ces moyens pourraient sans doute être utilisés plus judicieusement pour promouvoir la gestion de la qualité et prendre les mesures d'appui nécessaires à cet effet.

7. Transparence à l'égard du plaignant dans les affaires disciplinaires

En matière de transparence, l'article 23 de la proposition de loi prévoit que les décisions des Conseils doivent être communiquées au plaignant.

La FPLI est d'avis que, si l'on ne prévoit aucune mesure supplémentaire en termes d'accompagnement ou d'encadrement, cette disposition ne renforcera pas le sentiment de transparence et d'implication chez les patients. C'est pourquoi elle plaide pour la création d'un service de médiation indépendant géré par la profession.

D'autre part, la FPLI demande qu'on soit également attentif, dans ce cadre, aux droits de la défense. À cet effet, l'article 23 dispose seulement que le praticien professionnel peut se faire assister par une personne de son choix. Il convient aussi toutefois de prévoir explicitement d'autres garanties concernant notamment le droit d'être entendu et l'obligation de motivation des décisions.

8. Justification sociale de l'autorégulation

La FPLI plaide pour une implication maximale de la société par l'élaboration de formules de concertation qui ne portent pas atteinte aux aspects bénéfiques de l'autorégulation.

Comme précisé plus haut, les praticiens professionnels eux-mêmes sont les mieux placés pour se prononcer sur les conditions appropriées permettant de garantir la qualité de la pratique professionnelle, notamment en ce qui concerne l'accès à la profession, la déontologie et la qualité des services fournis en cas de litige dans le cadre de la justice disciplinaire.

Mais les praticiens doivent également rendre des comptes à toutes les parties prenantes et à tous les acteurs concernés au sens large. C'est la seule manière qui s'offre à eux pour garantir à long terme l'assise sociale de la déontologie et du droit disciplinaire.

Plutôt que d'intégrer tous les acteurs ou toutes les parties prenantes possibles dans les organes déontologiques et disciplinaires, la FPLI prône d'ancrer la concertation avec la société dans des structures distinctes, de manière à arriver à une séparation claire des tâches, les praticiens professionnels assumant eux-même la responsabilité finale des règles de déontologie et (du contrôle) de leur respect. Cela implique que les conseils chargés d'édicter la déontologie et de statuer sur son respect en première instance soient constitués essentiellement de représentants des groupes professionnels élus directement, assistés ou non d'experts ayant une voix consultative.

9. Interprofessionnalisation

La FPLI plaide pour une plus grande uniformité dans l'intérêt de la transparence et de la sécurité juridique.

L'initiative consistant à définir un cadre interprofessionnel pour le secteur médical est louable en soi. Il est cependant regrettable de devoir constater que l'on crée pour cela une multitude d'organes, ce qui produit exactement l'effet inverse de ce que l'interprofessionnalisation aurait dû permettre d'atteindre, à savoir une plus grande transparence et une meilleure sécurité juridique.

Mme Geerts craint que si l'on suit pour le Conseil supérieur une politique duale, comme le propose Mme Van Haveren, les principes de base ne soient établis dans un vide social.

Mme Van Haveren répond que ces principes de base sont précisément la raison pour laquelle il faut organiser une concertation sociale. Le but ne peut pas être de créer un forum sans engagement qui se bornerait à convier, une fois l'an, tous les représentants de toutes les catégories à un échange de vues, mais il faut au contraire instituer une concertation structurée au sein du Conseil supérieur. La responsabilité finale doit incomber aux praticiens professionnels. Ce principe doit être ancré dans le texte.

Pour définir les principes de base, il est important que le Conseil ne soit pas trop pléthorique — selon le texte à l'examen, il n'y siégerait pas moins de 31 personnes — et que les praticiens professionnels aient d'abord la possibilité de réfléchir sérieusement avant d'exprimer leur point de vue au Conseil supérieur.

— Exposé du professeur Jacques Debry, Multipharma scrl

Je ne m'exprimerai que sur la problématique de l'Ordre des pharmaciens et de la déontologie des pharmaciens, n'ayant pas de compétence particulière pour m'exprimer sur les problèmes spécifiques des médecins.

— Les pharmaciens, comme les autres professionnels des soins de santé, ont des responsabilités, et donc des devoirs, des obligations:

— vis-à-vis des patients,

— vis-à-vis de la Santé publique,

— vis-à-vis de l'organisation et du financement des soins de santé dans le pays où ils exercent leur profession.

Il est donc nécessaire que l'État s'assure:

— que ces responsabilités, ces devoirs, ces obligations soient clairement définis,

— que les manquements constatés à ces obligations soient sanctionnés.

Il n'y a pas de doute possible sur ces principes qui doivent donc être posés clairement d'emblée.

La question est cependant de savoir quels sont les meilleurs outils à mettre en place pour rencontrer ces objectifs.

— C'est un constat aujourd'hui largement partagé que les structures existantes à cet effet ne correspondent plus tout à fait aux besoins réels en la matière.

Ces structures ont été créées dans un contexte qui a fortement évolué et qui s'est même, en réalité, complètement transformé. Les changements du contexte économico-social, du contexte politique, les changements dans les valeurs de plus en plus unanimement reconnues, et donc également les changements dans l'organisation des soins de santé, dans la législation, dans les droits des citoyens, tous ces changements ont créé de plus en plus un décalage évident entre les institutions existantes et les buts qu'elles devraient poursuivre.

— L'angle d'approche, compte tenu des évolutions mentionnées, doit être différent. Ce qui est essentiel aujourd'hui n'est pas de préserver l'honneur et la dignité du médecin, du pharmacien, des autres professionnels des soins de santé, mais de s'assurer que ces professionnels soient au service du patient, de la santé publique, de la collectivité.

Il faut d'ailleurs élargir le spectre des préoccupations qui doit sortir de la relation bilatérale médecin-patient ou de la relation bilatérale que les praticiens entretiennent entre eux. Les partenaires dans l'organisation des soins de santé sont aujourd'hui beaucoup plus nombreux.

— Dans cette situation de décalage entre les institutions existantes et l'évolution des questions d'éthique professionnelle, se pose d'ailleurs de plus en plus un problème d'insécurité juridique pour les professionnels des soins de santé concernés. Cette insécurité est liée tout d'abord au manque de précision et parfois de validité de certaines règles. Je m'explique. Si l'on prend le code de déontologie des pharmaciens et les communications faites au fil des années par l'Ordre des Pharmaciens, qui constituent le corpus réglementaire applicable, on doit constater que de nombreuses règles sont édictées en termes généraux et vagues, et ne sont donc pas suffisamment précises. Du point de vue technique ou de la technique légistique, les textes mélangent en plus souvent règles et commentaires de la règle, normes et considérations autour et alentour. De plus, de nombreuses règles ne sont, de l'avis même de l'Ordre, plus applicables telles quelles.

L'insécurité juridique est en outre aggravée par le peu de rigueur qui existe dans les procédures juridictionnelles qui peuvent conduire à la sanction. Les garanties d'une justice équitable doivent s'appliquer au droit disciplinaire comme en toute autre matière. Il en va du respect des principes fondamentaux des droits de l'homme.

N'oublions pas que les instances ordinales ont le pouvoir aujourd'hui d'appliquer des sanctions extrêmement lourdes, allant jusqu'à la mort professionnelle que représente la radiation.

— Il paraît certain que la réforme à mettre en œuvre doit donc être assez profonde. Un simple aménagement des structures actuelles, quelques modifications ponctuelles de ces structures, ne peuvent provoquer le changement fondamental qui doit se produire.

Force est de constater que ce n'est sans doute pas une solution de laisser le pouvoir d'édicter les règles et de les appliquer en sanctionnant les manquements, à des institutions composées uniquement ou essentiellement de professionnels concernés eux-mêmes. Ils sont juges et parties. Et le risque est trop grand, l'histoire le prouve, qu'une confusion permanente ne s'installe, volens nolens, entre la déontologie et la défense des intérêts professionnels.

— En conséquence, il paraît que la proposition de loi créant un Ordre des Pharmaciens ne va pas suffisamment loin dans la réforme. Il y a une volonté tout à fait manifeste et très appréciable de rendre l'institution plus démocratique, plus transparente, et mieux organisée notamment sur le point de la séparation plus nette entre la compétence normative et la compétence juridictionnelle. De même, la préoccupation est évidente de tenter de remédier aux problèmes évoqués tout à l'heure — insécurité juridique pour les praticiens — par le renforcement des droits de la défense, par l'uniformisation plus grande de la jurisprudence et par la séparation plus nette entre l'investigation et le jugement.

Cependant, la proposition reste dans la conception classique d'organe normatif et disciplinaire composé essentiellement de pharmaciens, même si la présence renforcée de magistrats apporte certaines garanties.

Dès lors, l'on risque fort de retomber dans certains travers constatés actuellement.

— On l'a dit, les règles déontologiques doivent être focalisées sur les devoirs des praticiens vis-à-vis du patient, de la santé publique et de l'organisation des soins de santé.

Cela signifie, pour le pharmacien, que la déontologie doit développer beaucoup plus les obligations des pharmaciens relatives à l'exercice qualitatif de la profession:

— compétences scientifiques et techniques nécessaires à l'exercice efficace et consciencieux de la profession (devoir de procéder régulièrement à une mise à jour des connaissances),

— accessibilité et disponibilité vis-à-vis des patients,

— qualité des installations et des équipements qui permettent l'exercice de la profession,

— qualité des produits dispensés,

— obligation d'accueil dans le respect du libre choix des malades, qualité de la communication avec chaque patient,

— conseils et informations nécessaires relatifs au traitement et à la bonne observance du traitement,

— responsabilité de ses actes,

— etc.

Les institutions existantes objecteront que je ne fais que poser des exigences avec lesquelles elles sont tout à fait d'accord et qu'elles mettent elles-mêmes en avant. Cependant, la réalité quotidienne montre que la préoccupation la plus fréquente dans la pratique de l'Ordre est de protéger les intérêts, souvent économiques, des pharmaciens. Cela tient d'ailleurs notamment au fait que la plupart des plaintes dont l'Ordre est saisi viennent de pharmaciens eux-mêmes à l'encontre de confrères.

Ce qui devrait se trouver à la base de la création d'un Ordre et de la formulation de règles déontologiques, c'est-à-dire la volonté de sauvegarde de la santé publique et de protection des intérêts légitimes des consommateurs de médicaments, débouche donc finalement souvent sur un projet essentiellement économique de protection de la profession dans un sens que l'on peut qualifier de corporatiste.

— L'idée me paraît par contre tout à fait judicieuse de créer une instance « au dessus de la mêlée » qui offre de bien meilleures garanties d'indépendance et d'ouverture d'esprit, embrassant des considérations plus larges, incluant les droits d'autres partenaires de soins de santé, à commencer par le patient lui-même.

Le Conseil supérieur de déontologie des professions des soins de santé, dans son concept, me paraît rencontrer l'objectif.

Cependant, un certain nombre d'interrogations subsistent.

— Je reste perplexe par rapport à la composition de ce Conseil. On reste dans une approche assez corporatiste, même si l'approche est inter-corporatiste. Sur 39 membres prévus, quelque 30 personnes sont des représentants des professionnels des soins de santé eux-mêmes. Il est fait peu de place à d'autres visions, et l'on peut craindre que soient assez isolées les deux seules personnes « ayant une expertise et une expérience par rapport aux droits des patients ... ».

La proposition de loi déposée à la Chambre par Mme Magda Demeyer et consorts « portant création d'un Conseil supérieur de l'éthique et de la déontologie des soins de santé » me paraît à cet égard — dans une approche très différente du problème — mieux garantir l'indépendance de l'institution en exigeant une parité entre ceux qui offrent leurs services dans le secteur des soins de santé et ceux qui ne sont pas des personnes professionnellement actives dans le domaine des soins de santé.

Je me demande d'ailleurs pourquoi la proposition de loi exclut les représentants des mutualités de l'instance en question, alors que celles-ci sont à la fois des représentants des consommateurs des soins de santé et des acteurs clés dans l'organisation des soins de santé.

— Par ailleurs, la séparation nette entre ceux qui édictent les règles et ceux qui sanctionnent les manquements me parait être largement rencontrée dans le projet de loi.

Je ne retiendrai pas pour ma part la solution proposée de laisser aux Conseils provinciaux le soin d'appliquer des sanctions mineures. Il me semble plus sain et plus cohérent de confier tout le processus disciplinaire à une instance dédiée uniquement à cette fonction. Il faudra cependant aller plus loin dans les garanties qui doivent être données à ceux qui seront poursuivis devant les instances disciplinaires. Il s'impose de rédiger un véritable « code de procédure disciplinaire ».

— Je m'interroge sur la nécessité de maintenir des Conseils provinciaux. Faut-il maintenir ce découpage ? Un pharmacien qui change le lieu où il exerce sa profession doit parfois supprimer son inscription du tableau de l'Ordre d'une province et refaire la procédure d'inscription au tableau de l'Ordre d'une autre province. Dans le cadre de la recherche de simplification administrative, ne pourrait-on concevoir des tableaux de l'Ordre par communauté linguistique ?

— Enfin, je termine par un problème essentiel qui doit être bien envisagé à l'occasion d'une réforme fondamentale.

Le mécanisme prévu dans le projet de loi « texte martyr » au niveau de la production des règles est le suivant:

Le Conseil supérieur établit les principes de base. Ceux-ci n'ont force contraignante qu'après avoir été validés par le Roi.

Les règles de déontologie propres à une profession sont, quant à elles, établies par le Conseil national de l'Ordre concerné, mais doivent être approuvées par le Conseil supérieur qui veillera notamment, bien entendu, à leur conformité aux principes de base.

Nous sommes donc en présence d'une délégation très large faite par le législateur. Ma question est: faut-il rester dans cette conception où l'ordre juridique national délègue entièrement la compétence de formuler les normes, sous la seule réserve d'une approbation par le Roi des principes généraux ?

La proposition de loi déposée à la Chambre par Madame Magda Demeyer et consorts a pris un tout autre parti en maintenant beaucoup plus fermement l'ensemble de la problématique de la déontologie dans l'ordre juridique national quant à la production des normes. Le « Conseil supérieur de l'éthique et de la déontologie des soins de santé » proposé a pour mission de donner des avis aux pouvoirs législatifs et aux pouvoirs exécutifs. Ce sont donc ces pouvoirs qui gardent la main sur la promulgation des règles.

Dans une même optique d'ailleurs, cette proposition de loi renvoie la compétence des sanctions aux tribunaux ordinaires.

C'est une approche beaucoup plus radicale mais il faut réfléchir aux avantages et aux inconvénients d'une telle solution.

— En tout état de cause, il faut reconnaître que la solution proposée par le « texte martyr », est assez complexe puisque la formulation des règles se trouve à deux niveaux.

Songez aux difficultés qui peuvent résulter d'une vision divergente entre le Conseil supérieur et les Ordres, et dès lors, aux allers-retours qui pourraient se passer entre les deux instances, avec ce qu'une telle situation comporte, une fois de plus, d'insécurité juridique pour les praticiens.

Si une telle solution était cependant finalement retenue, il est à mon avis indispensable de:

— bien réfléchir à la composition du Conseil supérieur et à la composition des Ordres spécifiques à chaque profession,

— prévoir clairement la suprématie du Conseil supérieur sur les Ordres,

— établir le « code de procédure disciplinaire » qui donne aux comparants, et aux plaignants, des garanties juridiques suffisantes de procès juste et équitable.


Auditions du 10 janvier 2007

— M. Luc Lemense, président de Cartel, président de l'UZK (Unie van zelfstandige Kinesitherapeuten);

— M. Roland Crabs, secrétaire général du VKV (Vlaams Kinesitherapeutenverbond), administrateur de l'AKB (Association des Kinésithérapeutes de Belgique);

— M. Didier Leva, vice-président de l'UKFGB (Union des kinésithérapeutes francophones et germanophones de Belgique), administrateur de l'AKB (Association des kinésithérapeutes de Belgique);

— M. Paul Rabau, président du Conseil national de la Kinésithérapie.

M. Luc Lemense. — Je m'exprime en tant que président de la plus grande organisation de kinésithérapeutes reconnue en Belgique, à savoir le Cartel des kinésithérapeutes. Je préside également l'Unie van zelfstandige kinesitherapeuten, une organisation qui regroupe des cercles locaux par analogie avec les cercles de médecins généralistes.

Je me réjouis d'avoir l'occasion de souligner encore que nous sommes demandeurs d'un Ordre des kinésithérapeutes. L'historique étant présenté en détails dans l'exposé des motifs, je n'y reviendrai pas. Dans cet exposé, on parle également du réel vide juridique sur le plan des règles de conduite pour les kinésithérapeutes, surtout depuis l'installation de la Commission d'agréation pour la kinésithérapie qui a remplacé le Conseil d'agréation des kinésithérapeutes, le précédent organe de déontologie. Il y a un besoin évident de règles de conduite et surtout d'un organe à l'écoute des kinésithérapeutes et qui, en cas de problème, puisse éventuellement prononcer des peines. Nous sommes par exemple actuellement confrontés à des collègues qui font de la publicité d'une manière qui n'est pas appréciée par d'autres collègues. Il y a aussi parfois des différends entre des collègues qui travaillent dans un cabinet indépendant ou en milieu hospitalier. Pour aborder ce genre de problèmes, un organe spécifique serait très utile.

La proposition de loi portant création d'un Conseil supérieur de déontologie des professions de soins de santé permet entre autres la création d'un Ordre spécifique des kinésithérapeutes. Si ce n'est pas le cas, les règles déontologiques des kinésithérapeutes sont définies par le Conseil supérieur. Nous sommes hélas fortement sous-représentés dans ce dernier (deux membres sur 35 ou 40). Dans un Ordre des kinésithérapeutes, nous serions bien mieux représentés et nous serions bien plus en mesure d'élaborer et de faire respecter un propre code de déontologie.

Pour conclure, je souligne encore que notre organisation professionnelle, qui compte 4 000 membres, tant néerlandophones que francophones, se rallie totalement à la proposition de loi.

M. Roland Craps. — Je suis secrétaire général de l'Algemene Kinesitherapeutenbond van België (AKB) et secrétaire du Vlaams Kinesitherapeutenverbond. L'AKB est de loin l'association la plus importante en Belgique; elle est également représentée au niveau international auprès de l'ICPT. L'AKB regroupe tant les collègues francophones et germanophones de l'UKFGB que les collègues du Brabant Wallon et de Bruxelles de l'APK et ceux du Vlaams Kinesitherapeutenverbond.

Je rejoins totalement les propos de mon collègue Lemense. Nous avons besoin d'urgence d'un ordre propre aux kinésithérapeutes, plus précisément parce que la problématique spécifique de notre profession peut être, selon nous, mieux appréciée par les kinésithérapeutes que par le Conseil supérieur.

Le code de déontologie et les règles de publicité posent par exemple de nombreux problèmes spécifiques qui devraient pouvoir être appréciés par les kinésithérapeutes dans un ordre qui leur est propre.

Les règles de conduite publiées en 2005 par le Conseil national peuvent parfaitement servir de base pour le fonctionnement de l'ordre dans le domaine de la déontologie.

Le vide qui existe depuis 2002 ne se remarque peut-être pas tellement dans la société mais il engendre chaque jour des situations difficiles qui sont soumises et discutées au Conseil national. La responsabilité risque de glisser vers les associations professionnelles, ce qui n'est pas l'objectif. Il n'existe en effet aucune disposition relative à l'établissement de règles pour un cadre de comportement au sein duquel le monde professionnel doit agir. La présente proposition de loi peut mettre un terme aux situations de « Far West » actuelles. Elle est aussi une confirmation de la qualité des soins de kinésithérapie en Belgique. Nous y sommes dès lors favorables.

M. Didier Bertinchamps. — Je ne peux que me rallier à l'avis du secrétaire général de l'AKB dont nous constituons l'aile francophone. Nous sommes tous à fait d'accord avec ce qui a été dit jusqu'à présent par M. Lemense et M. Crabs.

M. Paul Rabau. — Je préside le Conseil national de la Kinésithérapie et je suis aussi membre du Cartel des kinésithérapeutes et de l'Unie van zelfstandige kinesitherapeuten (UZK). L'Association des kinésithérapeutes de Belgique (AKB) est également un partenaire dans les discussions menées au sein du Conseil national.

Tout comme les représentants de ces deux associations professionnelles, le Conseil national de la kinésithérapie se félicite de la proposition de loi créant un Ordre des kinésithérapeutes.

Lors de l'audition du 13 octobre 2004, nous avons été plutôt critiques à l'égard du texte de l'époque relatif au Conseil supérieur de déontologie déposé par le ministre Demotte. Je suis dès lors très heureux qu'une proposition remaniée ait été adoptée.

Nous avons cependant relevé quelques points positifs dans la première proposition relative au Conseil supérieur de déontologie. Le premier était la possibilité de fondement légal de règles de conduite des kinésithérapeutes. De telles règles ont déjà été adoptées au Conseil national de la kinésithérapie le 28 juin 2005. La première proposition offrait également la possibilité d'entamer une collaboration réciproque et l'harmonisation d'un comportement social responsable entre les kinésithérapeutes, vis-à-vis du patient, des tiers et de la société.

Nous nous rallions volontiers aux grandes lignes que la Fédération des professions libérales et intellectuelles, la FPLI, a esquissées à l'occasion de la table ronde « Orden en instituten van het vrije beroep: naar meer democratie en transparantie » (Ordres et instituts de la profession libérale: vers plus de démocratie et de transparence). Ces grandes lignes sont le fondement légal des règles déontologiques, la démocratisation des divers organes compétents en matière de déontologie, une jurisprudence plus uniforme, une plus grande transparence des activités juridictionnelles des ordres et du Conseil d'appel et, enfin, l'élargissement et l'affinement des droits du prévenu et du condamné.

Le Conseil national soutient également la création d'un Ordre des kinésithérapeutes au sein du Conseil supérieur de déontologie. Un Ordre doté d'un statut de droit public comblera la lacune apparue après l'adoption de la loi de 1995 qui a fixé la protection du titre et de la profession de kinésithérapeute sur la base de critères de qualité/formation. À l'époque, le Conseil d'État avait déjà constaté cette lacune dans son avis.

La création d'un Ordre permettra également, après le fondement légal des règles de conduite, de les sauvegarder. Ces règles, utiles et nécessaires au bon fonctionnement de la profession, seront contraignantes, dans l'intérêt du patient et de la société.

Mme Van de Casteele, présidente. — Nous constatons que les diverses associations professionnelles sont unanimes sur la nécessité d'un Ordre propre.

La création du Conseil supérieur de déontologie permet, même sans un Ordre propre aux kinésithérapeutes, de faire respecter les règles du propre groupe professionnel en faisant appel au Conseil national de la kinésithérapie. Si un ordre propre est créé, il se basera vraisemblablement sur les mêmes règles de conduite existantes.

Il est frappant que tous les groupes professionnels veuillent mettre un terme à la situation anarchique actuelle. Nous espérons qu'un Ordre propre parviendra à s'accorder sur des règles de conduite, mais notre principal souci est la protection du patient et de la société. Les soins de santé évoluent, également au niveau européen. En outre, des discussions sur la publicité des professions de soins de santé ne peuvent être simplement mises de côté, même avec un Ordre propre. L'Europe nous oblige de plus en plus à accepter des règles de concurrence. Une discussion est en cours, notamment avec le ministre Demotte, afin de déterminer quelles règles doivent rester en dehors de la concurrence parce qu'elles sont liées à la qualité des soins de santé.

À l'avenir, les ordres devront aussi constamment rechercher un équilibre entre une règle générale et les règles propres. Cette tâche restera délicate.

En tant que femme, j'espère par ailleurs que les femmes seront davantage représentées à l'avenir dans les ordres, même s'il est parfois difficile pour elles d'assumer cette tâche supplémentaire.

Il a déjà été dit ici que la création d'un ordre des kinésithérapeutes demandera aussi des moyens supplémentaires. Les kinésithérapeutes devront à cet effet fournir une contribution supplémentaire, mais cela ne me semble pas insurmontable. Le plus difficile sera de trouver suffisamment de représentants pour guider l'ordre dans la bonne voie.

Mme Christel Geerts. — Je voudrais émettre deux considérations sur les exposés des orateurs.

La première concerne le nombre de représentants des kinésithérapeutes au Conseil supérieur. Chacun sait que ce fut un difficile exercice d'équilibre et que chaque profession n'est peut-être pas aussi bien représentée qu'elle l'aurait voulu.

Ensuite, je voudrais m'étendre sur ce qu'a dit M. Vermeeren. Si je ne m'abuse, il estime que les règles déontologiques spécifiques doivent être fixées par la profession elle-même. C'est possible, mais le fait qu'une règle proposée par la profession concernée puisse franchir le cap d'un large débat, également avec d'autres groupements professionnels, m'apparaît plutôt comme un avantage.

Enfin, je soutiens bien entendu le plaidoyer de Mme Van de Casteele en faveur d'une meilleure représentation féminine dans les associations professionnelles.

M. Vankrunkelsven. — La demande des kinésithérapeutes de disposer de leur propre ordre atteste du dynamisme de cette profession, ce que avons déjà pu constater ces dernières années en traitant d'autres problèmes. Je les ai également soutenus à l'époque.

Mme Geerts a indiqué à juste titre que la représentation au Conseil supérieur de déontologie était un exercice d'équilibre: on opte soit pour un organe inefficace comptant de très nombreux représentants, soit pour un organe actif basé sur une représentation limitée. Le conseil constitue une nouveauté dans le paysage belge car, au-delà des professions, il permet de mener une réflexion sur l'éthique et la déontologie. Le conseil des kinésithérapeutes peut aussi proposer des éléments de règles de conduite propres à la profession.

Je voudrais formuler une observation concernant la création éventuelle d'un Ordre des kinésithérapeutes, une création que je soutiendrai entièrement le cas échéant. Je considère que nous devons d'abord vérifier ce que le Conseil supérieur de déontologie peut avoir en réserve pour les différentes professions. Je n'exclus même pas qu'à terme, les ordres des pharmaciens et des médecins se fondent dans ce nouveau conseil.

La création d'un ordre indépendant nécessitera beaucoup d'énergie, une énergie consacrée actuellement à la défense des intérêts de la profession. Un ordre propre requiert une structure avec une administration qui doit avoir un personnel et être financée. Il faut trouver des représentants pour les organes. L'Ordre des médecins a toujours plus de mal à pourvoir aux places vacantes dans les conseils provinciaux et faute de candidats les élections sont rares. Auparavant, siéger dans ces conseils était considéré comme un honneur, mais à présent, les médecins trouvent que c'est une tâche fort mal payée qui s'ajoute à leurs autres obligations.

Je considère pour toutes ces raisons que la profession des kinésithérapeutes, qui demande clairement un code déontologique propre prévoyant des sanctions et des procédures disciplinaires, pourrait trouver sa place au sein du nouveau Conseil supérieur de déontologie. Celui-ci dispose des instruments nécessaires pour satisfaire de manière moins coûteuse et moins exigeante en termes d'effectifs à la demande justifiée des kinésithérapeutes de suivre leur propre voie en matière de déontologie.

J'invite les kinésithérapeutes à être attentifs aux problèmes des autres ordres, surtout pour ce qui est des effectifs, et à se demander si le nouvel organe n'offre pas de nouvelles possibilités pour la défense des intérêts de leur catégorie professionnelle.

M. Luc Lemense. — Certaines des remarques formulées sont évidemment fondées. Je pense notamment à celle relative à la représentation féminine. Heureusement, plus de 60 % de femmes suivent actuellement les formations mais il est vrai qu'il devient de plus en plus difficile de faire endosser par des femmes une fonction à responsabilités, et certainement dans une association professionnelle. Y occuper une fonction signifie de nombreuses réunions le soir et d'autres choses du genre, ce qui empêche les femmes de s'engager à fond.

M. Vankrunkelsven nous qualifie à plusieurs reprises de profession dynamique. Nous entendons le rester mais au sein d'un ordre qui nous est propre. C'est surtout dû à la composition du Conseil supérieur. Comme il a déjà été dit, ce fut un difficile exercice d'équilibre mais les kinésithérapeutes y sont sous-représentés par rapport aux médecins et infirmiers alors qu'en nombre, ce sont des professions comparables à tous égards.

Dans un ordre qui nous serait propre, nous serions vraiment mieux à même de marquer un code de déontologie de notre empreinte. Nous avons régulièrement été confrontés dans le passé à des interventions qui imposaient aux kinésithérapeutes des obligations relatives aux normes et à la nomenclature, obligations beaucoup plus strictes que pour d'autres professions.

M. Bertinchamps. — Dans les autres ordres, les membres des organisations professionnelles ne peuvent pas être membres d'un conseil de l'ordre. Je ne vois pas où se situe l'incompatibilité et j'aimerais en connaître la raison.

M. Paul Rabau. — La présidente a clairement précisé qu'il y a une différence entre les règles déontologiques générales, qui relèvent du Conseil supérieur, et les règles spécifiques concernant les kinésithérapeutes. J'ai clairement indiqué lors de mon exposé qu'avec le Conseil national de la kinésithérapie, nous avons déjà couché nos règles de conduite par écrit, au terme d'une étude de deux ans et d'une concertation avec des personnes comme le professeur De Groot, avec des représentants européens et d'autres organisations de professions indépendantes, pour déterminer la façon dont nous devons répondre aux directives européennes. Nous pouvons être fiers d'avoir tenu compte de toutes ces dispositions pour élaborer nos règles de conduite. M. Craps a parlé de « Far West ». Il est exact que suite à la loi sur la publicité comparative et à l'établissement de nos règles de conduite qui, dans l'esprit des directives européennes, autorisent plus qu'elles n'interdisent, certains collègues ont franchi les limites du tolérable. Si j'énumérais les problèmes auxquels nous avons été confrontés, la nécessité de disposer non seulement d'un conseil supérieur mais aussi d'un ordre apparaîtrait comme une évidence. Nous devons veiller à un ancrage des règles de conduite en leur conférant, ainsi qu'à l'ordre, un caractère légal.

Il y a le problème de la publicité faite au moyen de toutes sortes de dépliants et de sites web. Que peut-on faire et ne pas faire dans ce domaine ? Il y a le problème de l'offre et de la vente de toute sorte de produits à des patients confiants et sans défense. L'asymétrie d'information qui caractérise de telles situations est bien connue. Il y a la question des plaques professionnelles, comme pour les médecins, les dentistes et d'autres professions indépendantes. Il y a des spécialisations et des qualifications particulières. Dans ce domaine également la limite est dépassée: cela peut aller jusqu'à la charlatanerie, voire pire encore. Il y a l'ouverture de pratiques et la collaboration. Tous ces éléments suffisent à nos yeux pour justifier l'existence d'un conseil supérieur et d'un ordre, même si l'effort à consentir est très grand. Toutefois, l'ordre sera surtout un instrument qui nous permettra de montrer aux patients et à la société que nous avons une place dans la profession médicale.

M. Vankrunkelsven. — Les exposés confirment quelque peu mon sentiment. M. Rabau a très concrètement énuméré une série de problèmes déontologiques qui existent aussi dans les autres professions, où on pratique également des thérapies « alternatives » et obscures. Le Conseil supérieur de déontologie doit traiter ce problème plus vigoureusement que ce n'est le cas actuellement dans les divers ordres. À l'égard de tels phénomènes, un Conseil supérieur peut avoir un poids plus important que les ordres. Toutes les professions connaissent aussi des problèmes de plaques professionnelles et de collaboration. Il existe évidemment des problèmes spécifiques à la kinésithérapie, comme l'administration de toutes sortes de médicaments ou de produits qui renforcent les muscles. Notre proposition de loi laisse cependant assez de place à une contribution de la profession. La demande de disposer d'un ordre distinct me semble plutôt inspirée par une certaine méfiance ou par la crainte que les kinésithérapeutes en tant que catégorie professionnelle ne puissent pas suffisamment servir leur cause au Conseil supérieur, mais s'ils veulent vraiment leur propre ordre, je les soutiendrai pleinement.

Je continue quand même à penser qu'un Conseil supérieur de déontologie peut avec moins d'énergie et d'effectifs donner les mêmes résultats qu'un ordre distinct. Un Conseil supérieur accordera autant d'importance qu'un ordre propre aux préoccupations qui se sont exprimées aujourd'hui.

Mme Van de Casteele, présidente. — Je voudrais revenir sur la question de M. Bertinchamps concernant les incompatibilités. Dans de nombreuses professions, ce sont souvent les mêmes personnes qui veulent s'impliquer et acquérir de l'expertise. Nous en sommes conscients. Les raisons pour lesquelles certaines incompatibilités figurent dans la législation actuelle ne sont en effet pas toujours claires. Le nombre d'incompatibilités figurant dans les textes à l'examen est réduit au minimum. Nous avons surtout voulu éviter les conflits d'intérêts.

Antérieurement, certaines actions des syndicats médicaux avaient des retombées sur les activités de l'Ordre des médecins et vice versa. Les candidats actifs dans un syndicat médical peuvent tirer avantage du fait qu'ils exercent aussi une autorité dans un organe comme l'Ordre des médecins. Nous avons limité les incompatibilités aux fonctions dirigeantes dans des organes comme les syndicats, les mutualités et les institutions de soins. Le sénateur Brotchi nous a également encouragés à limiter le nombre d'incompatibilités pour éviter qu'il y ait trop peu de représentants disponibles.

Dans le cadre du Conseil supérieur de déontologie, une profession pourra revendiquer des règles propres. Au terme de nos débats, nous sommes vraiment convaincus que le conseil supérieur multidisciplinaire sera très utile, notamment parce qu'il permettra des échanges d'expertise entre les professions, ce qui bénéficiera aux soins de santé.

D'aucuns craignent une surreprésentation de certaines professions au Conseil supérieur de déontologie. Notre intention est d'y réunir les différentes professions de façon à ce qu'elles puissent élaborer ensemble des règles déontologiques dans l'intérêt des patients et de soins de santé de meilleure qualité.

M. Roland Craps. — Je voudrais encore revenir sur la question de la féminisation de la profession. Comme on peut le constater, aucune kinésithérapeute n'est présente ici aujourd'hui. Jusqu'il y a quelques années, le conseil d'administration du Vlaams Kinesitherapeutenverbond n'a compté qu'une seule femme. Nous avons été quelques-uns à tenter de changer les choses, si bien que le conseil compte aujourd'hui cinq femmes sur un total de quinze membres. Nous y travaillons donc vraiment.

Nous constatons par ailleurs une féminisation énorme lors de l'examen de sélection: près des trois-quarts de ceux qui l'ont réussi sont des femmes. Ce pourcentage est plus élevé que le pourcentage actuel de collègues féminines.

Ce jour pourrait bien être historique pour la kinésithérapie.

Je peux comprendre que M. Vankrunkelsven nous conseille d'attendre et d'observer, surtout vu le grand nombre d'ordres. La création d'un Ordre des kinésithérapeutes est toutefois devenue peu à peu vraiment nécessaire, non seulement pour nous mais aussi pour les patients car les difficultés rencontrées actuellement se retournent presque toujours contre eux. En 1996, une première tentative de création d'un ordre propre a échoué. Aujourd'hui, en 2007, le désir de pouvoir faire traiter la problématique très spécifique des kinésithérapeutes par leurs propres collègues est encore plus grand qu'il y a onze ans.

M. Luc Lemense. — Selon moi, la création rapide d'un Ordre des kinésithérapeutes peut être parfaitement complémentaire avec ce que dit M. Vankrunkelsven. Puisque les règles de conduite établies par l'Ordre des kinésithérapeutes doivent être approuvées par le Conseil supérieur, nous disposons du meilleur des deux mondes et lorsque le Conseil supérieur démarrera, les kinésithérapeutes pourront développer leur propre ordre sur un pied d'égalité avec l'Ordre des médecins et l'Ordre des pharmaciens,.

M. Vankrunkelsven. — Il apparaît aujourd'hui que la volonté unanime des kinésithérapeutes est de créer leur propre ordre. C'est une donnée importante que nous devons bien entendu respecter en tant que sénateurs. Je leur signale seulement qu'une fois la loi adoptée, il leur appartiendra de la mettre en œuvre ou non immédiatement. Par-delà les deux mondes que décrit M. Lemense, ils ont encore le choix de freiner ou d'accélérer la création d'un ordre qui leur est propre. Étant donné l'unanimité que nous constatons aujourd'hui, nous ne pouvons, en tant que législateur, qu'adopter la proposition de loi et offrir aux kinésithérapeutes toutes les possibilités de faire ce qu'ils jugent bon pour leur profession.


(1) Proposition de loi complétant l'article 4 de l'arrêté royal no 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice des professions des soins de santé en vue de garantir la qualité des produits vendus en pharmacie, de M. Y. Mayeur, doc. Chambre no 51-264/1. Projet évoqué par le Sénat, doc. 3-1614/1.