3-1832/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2005-2006

23 AOÛT 2006


Proposition de loi visant à réglementer les traitements au laser et à la lumière pulsée

(Déposée par M. Alain Destexhe)


DÉVELOPPEMENTS


Les traitements au laser et à la lumière pulsée dans les instituts de beauté sont de plus en plus populaires. L'appareillage laser y est manipulé par du personnel sans aucune formation médicale. Dès lors, les généralistes et les dermatologues voient arriver dans leur consultation de plus en plus de patients qui présentent des lésions survenues à la suite d'un traitement au laser ou à la lumière pulsée (hyper pigmentation cutanée, hypo pigmentation voire brûlures au troisième degré).

Pour le moment, c'est le vide juridique en ce qui concerne ces différents traitements.

La présente proposition de loi a pour objectif d'interdire le traitement au laser et à la lumière pulsée effectué par des non professionnels de la santé sans contrôle médical.

La médecine esthétique

L'épilation au laser, le botox pour le traitement des rides, la liposuccion, les microgreffes de cheveux, les peelings, la photorajeunissement, le lifting des seins, du nez, ... l'esthétique devient un phénomène majeur dans notre société et la médecine esthétique connaît un essor considérable depuis une bonne dizaine d'années.

L'épilation au laser et à la lumière pulsée

L'épilation au laser est une technique de plus en plus développée. L'épilation traditionnelle à la cire est souvent douloureuse et doit être répétée régulièrement. La dernière technologie, le laser, offre une solution permanente.

L'épilation au laser ou à la lumière pulsée n'est pas sans risque: certains clients ont subi des lésions durables suite à un traitement au laser ou à la lumière pulsée dans des instituts de beauté.

Les lasers que l'on trouve dans les instituts de beauté sont différents de ceux utilisés dans les hôpitaux.

Les lasers à épilation sont utilisés pour enlever les poils de manière durable. Le poil contient de la mélanine (un pigment de couleur brune). Le laser émet une lumière spécifique qui est absorbée par la mélanine du poil et détruit celui-ci. Ce traitement est particulièrement efficace sur une pilosité foncée.

Le réglage du laser doit être précis, selon la couleur du poil. Si la puissance du laser (appelée « fluence ») n'est pas correctement adaptée, il peut y avoir des risques de brûlures, hyper ou hypo pigmentation cutanée.

Le maniement au laser n'est pas en soi compliqué mais il faut savoir ce qui est traitable et ce qui ne l'est pas. « Il est possible de provoquer de graves lésions tissulaires avec un laser épilatoire. On peut également utiliser un laser épilatoire pour blanchir des taches de pigments. Mais que se passe-t-il s'il s'agit d'un mélanome ? Idem lorsque que l'on veut blanchir quelque peu des lésions rouges avec un laser vasculaire: il peut toujours s'agir d'une tumeur » (1) .

Actuellement, n'importe qui peut acheter un laser et commencer à traiter au laser.

On constate par exemple que de nombreux esthéticiens pratiquent l'épilation au laser ou à la lumière pulsée alors qu'ils ne sont pas médecins ou professionnels de la santé. Les esthéticiens n'ont pas toujours reçu les formations nécessaires pour traiter les complications causées par un mauvais réglage ou une mauvaise manipulation.

L'information du patient

Il est important que le patient reçoive une information complète sur le fonctionnement de l'épilation au laser et qu'il puisse réfléchir avant de commencer un traitement.

Le laser est réglé en fonction du phototype (couleur de la peau) et de la pilosité. Chaque impulsion du laser traitant une surface d'environ 2 cm2, la durée de la séance varie en fonction de la zone à traiter. L'épilation de petites zones (lèvre supérieure, maillot) demande une quinzaine de minutes, alors que le traitement d'une grande surface (jambe) requiert 30 à 50 minutes.

Plusieurs séances sont nécessaires, car tous les poils ne poussent pas en même temps (certains follicules sont au stade de repos). Le nombre de séances varie en fonction de la pilosité et de la zone à traiter; 3 séances sont au minimum nécessaires, chacune étant espacées de 2 ou 3 mois.

Cette méthode ne convient pas aux peaux bronzées, aux peaux trop blanches, aux peaux noires, ainsi qu'aux poils trop clairs.

Soleil et laser sont de mauvais amis: pour éviter tout risque de dépigmentation, il faut éviter toute exposition au soleil avant le traitement; après le traitement, il faut patienter au moins un mois avant de retourner sous le soleil.

L'épilation au laser est déconseillée en période de grossesse.

Pour toutes ces raisons, il est souhaitable que le client/patient reçoive une information correcte avant de procéder à la séance au laser.

Situation en France — réglementation

En France, l'épilation au laser est toujours réalisée par un médecin. Les lasers efficaces sont des matériels puissants qui peuvent être dangereux s'ils sont manipulés et paramétrés par des non-spécialistes. Selon la réglementation en vigueur en France, les médecins sont seuls autorisés à pratiquer le laser.

Même si de nombreux instituts parlent d'épilation laser, il convient de rappeler qu'uniquement les médecins sont autorisés à manipuler les lasers d'épilation de classe 4 qui, par leur puissance, sont les seuls à allier sécurité et résultats durables. Seul un médecin formé à cette technique pourra déterminer la longueur d'onde, la fluence et la durée d'impulsion correspondant à chaque pathologie.

Situation en Belgique — réglementation

L'application de la thérapie par laser relève de l'art de guérir tel que défini dans l'arrêté royal nº 78 relatif à l'exercice des professions des soins de santé (2) (l'article 1 de l'arrêté stipule que « l'art de guérir couvre l'art médical »).

Par conséquent, seuls des médecins ou autres professionnels de la santé reconnus par l'arrêté royal nº 78 peuvent administrer des traitements au laser.

Pour les utilisations du laser qui ne relèvent pas de l'art de guérir, rien n'est prévu.

L'article 37ter de l'arrêté royal nº 78 stipule toutefois que « le Roi, peut, sur avis du Conseil supérieur d'Hygiène, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, réglementer des activités professionnelles qui peuvent comporter un danger pour la santé et qui sont réalisées par des praticiens dont la profession n'est pas reconnue dans le cadre du présent arrêté ».

Notons aussi que toute personne qui détient le diplôme de docteur en médecine a le droit d'exercer toutes branches de la médecine, y compris la chirurgie plastique. Le champ d'application de la chirurgie plastique englobe deux domaines: d'une part, la chirurgie reconstructrice et d'autre part, la chirurgie esthétique (3) qui sont en principe limitées à ceux qui détiennent le diplôme de « médecin spécialiste en chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique ».

Toutefois, on constate en Belgique qu'il n'y a que 150 chirurgiens plasticiens reconnus alors que le nombre de médecins exerçant la chirurgie esthétique et reconstructrice est estimé à quelques 500 au moins.

La proposition de loi

Aujourd'hui, les dermatologues reçoivent de plus en plus des patients souffrant de blessures (brûlures, plaies, qui n'ont pas cicatrisé, décolorations de la peau, infections) subies lors d'un traitement au laser dans un institut de beauté.

Le problème réside dans le fait que de plus en plus de non médecins (esthéticiens, coiffeurs, ...) pratiquent des actes relevant de la médecine esthétique.

Il est donc utile de réglementer ces pratiques.

La présente proposition de loi a donc pour objectif de réglementer les activités laser qui ne relèvent pas de la pratique médicale.

Alain DESTEXHE.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

L'épilation au laser définitive ou à la lumière pulsée peut être réalisée par des praticiens dont la profession n'est pas reconnue par l'arrêté royal nº 78 relatif à l'exercice des professions des soins de santé pour autant que celle-ci soit effectuée sous contrôle médical.

Art. 3

Toute personne pratiquant l'épilation au laser définitive ou à la lumière pulsée est tenue d'informer son patient des risques éventuels et conséquences du traitement.

Art. 4

Un contrôle peut être effectué, à tout moment, par un fonctionnaire du ministère de la Santé publique, désigné par le Roi.

Art. 5

Le Roi fixe le montant auquel le contrevenant est condamné en cas de non-respect de la présente loi.

Art. 6

Le Roi fixe les modalités d'application de la présente loi.

12 juillet 2006.

Alain DESTEXHE.

(1) Semaine médicale, no 359, 27 octobre 2005.

(2) Bulletin des Questions et Réponses — Sénat — 20 décembre 2005 (no 3-56), p. 5027.

(3) La chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique constitue une seule spécialité médicale (INAMI 210). Son enseignement impose 13 années d'études: 7 années de médecine générale, puis au minimum 2 années de chirurgie générale et au moins 4 ans de chirurgie plastique dans un service spécialisé. Au terme de ces 13 années, le médecin obtient un diplôme de « médecin spécialiste en chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique ».