Questions et Réponses

SÉNAT DE BELGIQUE


Bulletin 3-61

SESSION DE 2005-2006

Questions posées par les Sénateurs et réponses données par les Ministres (Art. 70 du règlement du Sénat)

(Fr.): Question posée en français - (N.): Question posée en néerlandais


Ministre de la Coopération au développement

Question nº 3-4113 de M. Galand du 10 janvier 2006 (Fr.) :
Direction générale de la Coopération au développement (DGCD). — Sensibilisation de l'opinion publique aux questions Nord/Sud. — Octroi de subsides aux productions audiovisuelles. — Critères.

Dans le cadre de sa mission de sensibilisation de l'opinion publique aux questions Nord/Sud, la direction générale de la Coopération au développement (DGCD) accorde chaque année un soutien financier à la production audiovisuelle.

En ce qui concerne le secteur audiovisuel en Belgique francophone, la DGCD a décidé d'octroyer pour l'année 2005, à travers une procédure inédite d'appel d'offre, des subsides sous la forme de deux lots pour des émissions « Jeune Public » et deux lots pour des émissions « Grand Public ». À l'issue de cet appel d'offre, clôturé le 23 septembre 2005, la RTBF a obtenu deux lots « Jeunes » (soit 70 000 euros) et un lot « Grand Public » (soit 35 000 euros) pour le magazine d'information Nord/Sud « Planète en question ». Le deuxième lot « Grand Public » (soit une valeur de 45 000 euros) est quant à lui revenu à l'agence de voyages Liberty TV.

Le soutien financier apporté par la DGCD à Liberty TV est interpellant à plus d'un titre.

Tout d'abord, il est important de rappeler que Event Network, éditeur pour le service Liberty TV, a déclaré dans un rapport transmis au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) que sa chaîne de télévision « considère qu'elle ne propose pas de programmes d'informations » et que, par conséquent, elle n'est pas tenue de respecter les dispositions prévues par l'article 35 du décret de la Communauté française du 27 février 2003 sur la radiodiffusion selon lequel, notamment, il est de l'obligation de l'éditeur de service de « faire assurer, par service, le gestion des programmes d'information par des journalistes professionnels engagés sous contrat d'emploi, et reconnus conformément à la loi du 30 décembre 1963 relative à la reconnaissance et à la protection du titre de journaliste professionnel [...] ». Comme l'a souligné le Collège d'autorisation et de contrôle du CSA dans son avis nº 04/2005 « Contrôle de la réalisation des obligations de Liberty TV (SA Event Network) pour l'exercice 2004 », une telle décision contraint dès lors Liberty TV « à ne pas diffuser de programmes d'information ». Or, en diffusant un programme relatif à la problématique du développement dans le Sud, on peut supposer que Liberty TV contrevient à cette obligation.

Deuxièmement, on peut s'interroger sur les motivations qui ont conduit la DGCD à octroyer un lot « Grand Public » à une agence de voyages qui se présente comme « le regroupement d'une télévision, d'un site Internet et des centres d'appels disponibles dans toute l'Europe pour promouvoir le tourisme et bien conseiller les consommateurs de promos voyages ». La diffusion d'une émission relative aux enjeux Nord/Sud constituerait de fait un changement radical dans la programmation de Liberty TV qui semble être manifestement tournée vers des objectifs purement commerciaux et non d'information. De surcroît, il semblerait que le soutien financier octroyé à des émissions traitant de tourisme n'est pas une exception de la part de la DGCD. En effet, selon les informations exposées sur son site web, la DGCD a au cours de l'année 2004 signé avec la VRT une convention de coproduction pour diverses diffusions dans le cadre notamment du programme « Vlaanderen Vakantieland », une émission de divertissement qui propose des reportages sur des idées de voyages en Belgique et à l'étranger. La gastronomie et la culture sont aussi des thèmes abordés par cette émission.

Enfin, Liberty TV est une chaîne diffusée sur le réseau cablé belge et, par conséquent, contrairement à la RTBF, n'est pas accessible à l'ensemble des citoyens belges. Dans ces conditions, on peut se demander comment Liberty TV peut remplir efficacement une mission de sensibilisation de l'opinion publique belge.

Au regard des éléments présentés ci-dessus, permettez-moi de vous poser les questions suivantes :

Tout d'abord, la DGCD considère-t-elle qu'il est opportun, considérant sa mission de sensibilisation de l'opinion publique aux questions Nord/Sud, d'accorder des subsides à des émissions ou chaînes de télévision telles que « Vlaanderen Vakantieland » et Liberty TV qui proposent des thématiques relatives au tourisme et voyages dans le monde ?

Deuxièmement, sur base de quels critères la DGCD décide-t-elle d'octroyer ou non un appui financier à des productions audiovisuelles ? L'exigence d'information et le devoir de sensibilisation de l'opinion publique sont-ils au centre de ces critères ?

Troisièmement, la DGCD pense-t-elle que la séparation entre lots « jeune public » et lots « grand public » qu'elle opère dans l'octroi de financements est nécessaire ?

Enfin, la date de clôture assez tardive pour les appels d'offre n'introduit-elle pas une certaine insécurité financière pour les chaînes de télévision et responsables d'émissions qui ont soumis à la DGCD un projet de financement ?

Réponse : Le public que la DGCD souhaite sensibiliser est entre autres le « grand public », c'est à dire un public varié composé de toutes les catégories de la population, non particulièrement intéressées par la thématique du développement. Via ce type de programme, la DGCD espère atteindre également un public non initié à la thématique du développement et élargir ainsi son assise sociétale. Ceci implique qu'il faille proposer ou intégrer cette thématique dans des émissions à caractère vulgarisant, à même de capter l'attention d'un large public sur un mode adapté (sujet dynamique, habillage de l'émission) et à des heures de diffusion adéquates c'est à dire, si possible, en prime time.

La DGCD estime opportun de promouvoir, via l'attribution d'un marché (non via l'octroi de subsides), la réalisation et la diffusion de programmes télévisés relatifs à la coopération au développement et aux relations Nord-Sud entre autres par des chaînes ou dans le cadre d'émissions qui proposent des thématiques relatives au tourisme et voyages.

Via leur spécificité (tourisme/voyage), les émissions proposées dans le cadre de Vlaanderen Vakantieland (VRT — Een) et par la chaîne Liberty TV prétendent atteindre ce type de public en intégrant des émissions dans des programmes existant (VRT) ou en proposant de nouveaux programmes (LibertyTV) qui relèvent de la sensibilisation à la thématique du développement. Ces émissions, tout en exposant les problèmes auxquels sont confrontés les pays en développement de manière vulgarisée, présentent aussi une image positive de ces pays, de leurs réalisations, de leur culture et de leur population.

La procédure négociée avec publicité préalable a été d'application dans le cadre du marché relatif aux programmes télévisés (loi du 24 décembre 1993 et arrêtés royaux relatifs.).

Les critères qui ont présidé à la sélection des offres déposées suite à l'avis de marché sont clairement libellés dans le cahier spécial des charges. Ceux-ci peuvent se résumer comme suit :

— Pertinence par rapport aux objectifs de sensibilisation (35 points) : intérêt des sujets par rapport au public ciblé, couverture des thèmes prioritaires de la coopération belge, visibilité des actions de la coopération belge

— Diffusion et impact (25 points) : importance de la chaîne en terme d'audimat, nombre de diffusions prévues dans les plages horaires intéressantes, impact attendu en terme d'audimat

— Qualité et originalité du projet (25 points) : synopsis et note d'intention du réalisateur, qualité du CV et de la filmographie du réalisateur ainsi que du producteur.

— Budget (15 points) : ressources propres, financements alternatifs, prix global.

L'exigence de sensibilisation à des thématiques prioritaires de la coopération belge est donc au centre de ces critères. La sensibilisation ne peut être effective que si des programmes adaptés au public ciblé, tant par la thématique que par l'habillage et l'heure de diffusion, sont proposés.

La séparation du marché en lots « jeune public » et « grand public » nous semble indiquée.

Les jeunes (enfants et adolescents) constituent un public privilégié en matière de sensibilisation. La DGCD estime nécessaire de sensibiliser les jeunes afin qu'ils développent les valeurs de la solidarité internationale et du dialogue. Ce public doit dès lors être abordé de manière adéquate.

Tout d'abord, les informations figurant dans le cahier spécial des charges et celles données au cours de la procédure aux soumissionnaires étaient conformes à la réglementation relative aux marchés publics et étaient telles qu'elles laissaient entrevoir une certaine longueur obligée de cette procédure. Dans ce cadre, le pouvoir adjudicateur est tenu de prévoir des délais suffisants entre les différentes étapes de la procédure (dépôt des candidatures, des offres, négociations, ...)

Vu le caractère irrégulier de certaines offres, la DGCD a été contrainte, pour trois des lots visant la réalisation et la diffusion de programmes francophones d'arrêter la procédure en cours et d'en lancer une nouvelle en août 2005 (procédure négociée sans publicité préalable).

Ceci étant, la DGCD est tenue de respecter, comme toute autre institution publique, la réglementation qui implique un examen approfondi des offres de chaque soumissionnaire avant d'attribuer le marché à un seul de ceux-ci. Le résultat final ne peut être communiqué à l'adjudicataire et aux autres soumissionnaires qu'à l'issue de toutes les étapes nécessaires.