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Sénat de Belgique

SESSION DE 2004-2005

9 MARS 2005


La problématique du dopage dans le sport


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES PAR MM. GERMEAUX ET WILMOTS


SOMMAIRE


  1. INTRODUCTION
  2. DESCRIPTION DES TRAVAUX, RELEVÉS ET APERÇUS
    1. Description des travaux
    2. Relevé des substances et des méthodes interdites
    3. Aperçu de l'offre et délivrance de produits interdits
      1. Les circuits illégaux
      2. Le circuit « gris »
      3. Les circuits légaux
    4. Aperçu de la législation et des compétences
  3. AUDITIONS
    1. Audition du 3 décembre 2003
    2. Audition du 14 janvier 2004
    3. Audition du 4 février 2004
    4. Audition du 18 février 2004
    5. Audition du 31 mars 2004
    6. Audition du 28 avril 2004
  4. PROJET DE CONCLUSIONS ET DE RECOMMANDATIONS
    1. Compétence
    2. Constatations
    3. Recommandations
  5. VOTES
    ANNEXE

I. INTRODUCTION

Le recours au dopage est lié de manière indissociable au sport de haut niveau. Les cas de dopage qui se multiplient sans cesse dans le domaine de l'athlétisme et celui du cyclisme donnent à penser que le problème ne se pose que dans ceux-ci. Or, rien n'est moins vrai. Le dopage a lieu à tous les niveaux, et pas seulement dans le sport. C'est devenu un élément du style de vie qui s'apparente à la toxicomanie. Pourtant, les produits de dopage sont souvent considérés comme de petits suppléments quasi innocents, alors qu'ils sont souvent asservissants et malsains et qu'on les vend comme des drogues douces ou des drogues dures en dehors des terrains de sport.

La commission n'a pas cherché à éviter le débat éthique. Un pouvoir public doit-il s'ingérer dans une matière qui, selon d'aucuns, relève de la responsabilité individuelle du consommateur ? La décision de s'occuper du dossier du dopage découle, d'une part, du souci de protéger la santé publique, et, d'autre part, des craintes qu'il suscite en ce qui concerne l'avenir du sport de haut niveau.

Si l'espoir d'arriver à éradiquer le dopage est probablement utopique, en souligner les dangers et élaborer une législation plus cohérente en ce qui le concerne est toujours possible. Plusieurs niveaux de pouvoir (communautés, fédéral, européen, international) participent à la lutte contre le dopage. Leurs actions ne sont pas toujours complémentaires et elles sont même parfois contradictoires. C'est pourquoi il y a lieu d'optimaliser la collaboration entre tous les services et tous les acteurs concernés présents sur le terrain. Il faut rechercher, punir et sensibiliser les personnes qui se rendent coupables d'abus. On ne cherche pas non plus à éviter les questions éthiques.

La commission des Affaires sociales a examiné tous les aspects du problème du dopage. Dans le présent rapport, elle présente les principales constatations auxquelles elle est arrivée et formule une série de recommandations concernant les mesures et les actions qui doivent permettre de lutter plus efficacement contre l'abus de dopage et qui peuvent garantir une meilleure protection de la santé.

II. DESCRIPTION DES TRAVAUX, RELEVÉS ET APERÇUS

1. Description des travaux :

1.1. Audition publique du 3 décembre 2003 :

— M. Bogaert, professeur de pharmacologie à l'université de Gand;

— De M. G. Goegthebuer, rédacteur en chef de « Sport et Vie ».

1.2. Audition publique du 14 janvier 2004 :

— M. D. Struys, premier inspecteur a.i., service Enquêtes et Recherches, Douanes et Accises Bruxelles;

— MM. J. Van den Boeijnants et B. Govaert, membres de la cellule Hormones de la Police fédérale, et de M. M. Willekens, inspecteur principal à la Police locale de la zone de police KENO;

— M. R. Vancauwenberghe, pharmacien-inspecteur, Direction générale Médicaments, Service public fédéral Santé publique, Sécurité de la chaîne alimentaire et Environnement.

1.3. Visite de travail du 28 janvier au Dopingcontrole Laboratorium (Laboratoire de contrôle du dopage) de l'Université de Gand — professeur Delbeke.

1.4. Audition publique du 4 février 2004 :

— M. Schins, procureur général près de la cour d'appel de Gand

— M. J. Sabbe, substitut du procureur général près de la cour d'appel de Gand;

— M. L. Misson, avocat;

— Mme D. Gavage, avocate.

1.5. Audition publique du 18 février 2004 :

— M. E. Vermeersch, professeur émérite, université de Gand;

— M. P. Vantemsche, administrateur délégué de l'AFSCA.

1.6. Audition publique du 31 mars 2004 :

— M. K. Van der Auwera, directeur général de l'Administratie Gezondheidszorg du ministère de la Communauté flamande;

— M. O. Marneffe, directeur adjoint de l'ADEPS;

— Mme B. Bertrand, attachée au cabinet de Mme Nicole Maréchal, ministre communautaire francophone de l'Aide à la Jeunesse et de la Santé.

1.7. Audition publique du 28 avril 2004 :

— Mme K. Van Kets, Vlaamse Sportfederatie;

— M. P. Housiaux, co-président de la Ligue royale belge d'athlétisme, président de la Ligue belge francophone d'athlétisme;

— M. C. Coomans, vice-président du conseil d'administration et président du département Services aux Fédérations du Comité olympique et interfédéral belge.

2. Relevé des substances et des méthodes interdites

2.1. Définition

Selon l'Agence mondiale antidopage (AMA), il s'agit en l'espèce de substances et de méthodes qui répondent à au moins deux des trois critères suivants.

— celui de l'amélioration des prestations sportives;

— celui de la présentation d'un risque pour la santé;

— celui de l'utilisation contraire à l'« esprit du sport ».

2.2. Liste

La liste qui figure ci-dessous fournit un bref aperçu des substances et des méthodes de dopage interdites. (Pour plus de détails, nous renvoyons à la liste ratifiée des produits de dopage de l'AMA (voir annexe) et, e.a., au site web www.dopage.be, où figure également une liste des substances interdites). Il s'agit :

— Des stimulants : produits excitants (dangers : palpitations, hypertension, accoutumance, une surdose est mortelle).

— Des analgésiques narcotiques : produits stupéfiants (dangers : insuffisance respiratoire, accoutumance grave).

— Des agents anabolisants : produits développant la masse et la force musculaire (dangers : hypertension, libido et fertilité réduites, troubles hépatiques, hyperplasie de la prostate et cancer).

— Des diurétiques : produits favorisant la perte de poids et masquant le recours au dopage (dangers : déshydratation, hyperthermie, troubles du rythme cardiaque, insuffisance rénale).

— Des hormones peptidiques : hormone de croissance, érythropoïétine (EPO), aranesp (dangers : maladies cardio-vasculaires, diabète, croissance osseuse anormale, augmentation de la viscosité du sang, caillots sanguins, infarctus, apoplexie).

— Des corticostéroïdes : produits freinant l'inflammation, réduisant les douleurs et favorisant l'euphorie (dangers : diabète, mauvaise cicatrisation des blessures, ostéoporose, insomnies).

— Les bêtabloquants : produits ralentissant le rythme cardiaque, abaissant la tension, supprimant les tremblements (dangers : problèmes respiratoires, fatigue).

— Dopage sanguin et substituts (synthétiques) du sang.

Il existe également des substances et des méthodes qui masquent le recours aux produits dopants.

Pour mieux comprendre les effets de ces produits, nous renvoyons au rapport de l'exposé du professeur Bogaert et à la note de M. Willekens.

3. Aperçu de l'offre et délivrance de produits interdits

3.1. Les circuits illégaux

— L'internet

Les produits mentionnés dans la liste ci-dessus peuvent tous être commandés très facilement par internet (surtout sur les marchés asiatiques et américains), avec leur mode d'emploi et, parfois même, avec des images illustrant, par exemple, une éventuelle administration intraveineuse. L'importation de ces produits est punissable (pour autant qu'ils relèvent de la législation sur les médicaments et que, eu égard à l'arrêt Doc Morris de la Cour de Justice de l'UE, ils constituent des médicaments soumis à prescription), mais il arrive souvent que le » consommateur » ne soit pas au courant. Le contrôle des colis postaux est marginal; le risque d'être pris dépend dès lors du hasard. La vente de ces produits est parfois une activité très lucrative. Leur contenu réel est généralement d'origine douteuse et il arrive souvent qu'ils ne correspondent pas à ce qui figure sur les emballages.

— Les importations

Les importations en provenance des pays de l'UE ne sont pas contrôlées. De par la disparition des frontières intérieures (dans la technique douanière, on parle non plus d'importations, mais de la mise en libre circulation ou libre utilisation), le problème est devenu très complexe et il est même ingérable dans le cadre des législations nationales qui se heurtent pour ainsi dire aux frontières nationales. Le problème ne fera que s'aggraver dans l'Europe des 25 qui a vu le jour à la faveur du dernier élargissement.

La douane a du mal à détecter les importations en provenance de pays tiers. Le hasard y est pour beaucoup quand elle réussit.

— Le circuit des hormones

Les fabricants et les fournisseurs de produits de dopage interdits sont souvent aussi les fabricants et les fournisseurs qui « desservent » le circuit des hormones alimentant les engraisseurs. Il est très difficile de lutter contre ce type de trafic (industrie, fournisseurs).

3.2. Le circuit « gris »

— Les nutraceutiques

Les « nutraceutiques » ne sont pour ainsi dire pas contrôlés alors qu'ils contiennent souvent des prohormones et même des substances stimulantes. Pour ce qui est des suppléments alimentaires, il y a simplement une obligation de notification alors que les médicaments doivent être enregistrès. Le contrôle de ces nutriments est dès lors très sommaire.

3.3. Les circuits légaux

— Les médécins et les pharmaciens

Les « gros prescripteurs » ne sont pas détectés et, même lorsque leur identité est connue, ils ne peuvent pas être sanctionnés (les médecins jouissent de la liberté de prescrire). Il est excessivement rare que l'Ordre des médecins intervienne en la matière, les dossiers du parquet ne sont pas transmis à qui de droit. Lorsque le contrôle antidopage (Communauté flamande) est positif, l'inspection de la DGM (fédéral) n'est pas saisie du dossier, même pas lorsque l'on a trouvé des traces de substances prohibées. Les pharmaciens ne rapportent pas les cas dans lesquels la dose prescrite leur paraît anormale.

— Vétérinaires

Les vétérinaires peuvent délivrer des produits provenant d'un dépôt pour lequel ils s'approvisionnent chez le pharmacien. Le problème réside dans la collusion de certains de ceux-ci avec certains pharmaciens et dans le fait que certains vétérinaires sont eux-mêmes propriétaires d'une pharmacie. Les dosages anormaux ou les pratiques malhonnêtes ne sont par conséquent pas visibles, les produits hormonaux à usage animal étant les mêmes que ceux à usage humain, et les deux types de produits donnent souvent lieu à des trafics extrêmement lucratifs.

4. Aperçu de la législation et des compétences

L'AMA (Agence mondiale antidopage) a été créée en novembre 1999. Son objectif est de coordonner la lutte internationale contre le dopage. L'AMA publie notamment une liste des produits dopants interdits. Le gouvernement de la Communauté française et le gouvernement flamand ont repris cette liste à leur compte.

Au niveau européen, l'AMA joue un rôle important, ainsi que la Convention contre le dopage, qui a été signée à Strasbourg le 16 novembre 1989. Cette convention a déjà été ratifiée par les communautés. Elle rejette résolument tout recours au dopage en raison du danger qu'il présente pour la santé des sportifs et parce qu'il a une influence néfaste sur l'éthique dans le sport. Elle plaide par ailleurs pour une procédure administrative et vise à la réalisation de contrôles uniformes en matière de dopage et à une reconnaissance réciproque des sanctions infligées.

Au niveau belge, ou a eu la loi interdisant la pratique du doping du 2 avril 1965. À la suite des réformes successives de l'État, les communautés ont finalement été déclarées compétentes pour le sport, y compris pour la lutte antidopage. En Flandre, le décret relatif à la pratique du sport dans le respect des impératifs de santé est entré en vigueur le 27 mars 1991. En Communauté française, on dispose du décret du 26 avril 1999 organisant le sport en Communauté française et du décret du 8 mars 2001 relatif à la promotion de la santé dans la pratique du sport, à l'interdiction du dopage et à sa prévention en Communauté française.

III. AUDITIONS

1. Audition du 3 décembre 2003

a) Exposé de M. Gilles Goetghebuer, rédacteur en chef de « Sport et Vie »

D'abord, je voudrais vous adresser mes remerciements pour m'avoir invité à exprimer quelques idées relatives au dopage. Le sujet me passionne depuis des années et, par ce court exposé, j'aimerais vous faire comprendre pourquoi.

Le dopage peut être envisagé de plusieurs façons : l'angle médical (ressemblance avec le travail des médecins légistes), l'angle géopolitique (rivalités est-ouest), l'angle sportif bien sûr, et enfin, les nombreux aspects sociologiques, dans la mesure où le sport est souvent annonciateur des tendances qui embrassent ensuite l'ensemble de la société.

On pourrait donc en parler pendant des heures. La question que je voudrais aborder est celle-ci : pourquoi un État s'investit-il dans la lutte conte le dopage ?

Après tout, la réponse n'est pas si évidente puisque plusieurs pays renoncent à le faire. La Belgique a, quant à elle, attendu le milieu des années 60 pour intervenir dans ce domaine, avec la loi du 2 avril 1965.

Comprenons-nous bien ! Il paraît tout à fait logique que les autorités sportives luttent contre le dopage, dans la mesure où sa pratique contrarie le principe de l'égalité des chances qui constitue le socle de l'intérêt qu'on porte au sport. Mais en quoi cela incomberait-il à l'État ? À titre de comparaison, on ne se retrouve pas en prison lorsqu'on transgresse d'autres règles comme par exemple prendre la balle en mains au football. Mais dans le dopage, oui. Pourquoi ? La question demeure.

C'est d'autant plus étrange que dans les autres domaines de la vie en société, on n'applique pas les mêmes exigences. On interdit à un coureur cycliste de consommer des amphétamines, mais personne ne songerait à condamner Jean-Paul Sartre qui écrivait toute la nuit en se gavant d'amphétamines précisément. Et l'on pourrait trouver des tas d'exemples de dopage dans la société non sanctionné par les autorités : étudiants en blocus d'examens, artistes en tournée, routiers ... ou hommes politiques !

Le sport doit donc afficher une particularité qui justifie cette sévérité. Mais laquelle ? Personnellement, j'en vois deux :

— Les questions de santé. Un sportif qui se fout la santé en l'air par le dopage s'en référera plus tard aux organismes de sécurité sociale afin qu'ils prennent ses problèmes en charge. On peut alors comprendre que l'État ne souscrive pas à un système qui produit autant de coûteux dégâts. Cette vision des choses est tout de même assez discutable, dans la mesure où le dopage fait infiniment moins de victimes que d'autres fléaux tout aussi menaçants pour la santé. La littérature recense entre 100 et 200 morts violentes par le dopage dans le monde depuis les origines. Les cas non répertoriés sont peut-être dix ou cent fois plus nombreux. À ces chiffres, il faudrait ajouter tous ceux qui meurent ou se retrouvent malades des effets secondaires du dopage. Mais, même avec 10 ou 100 000 victimes en un siècle de par le monde, le dopage n'arrive pas à la cheville des autres menaces. Un week-end de Pentecôte fait beaucoup plus de victimes, sur nos routes !

— L'autre raison de lutter contre le dopage m'apparaît à la fois beaucoup plus subtile et beaucoup plus réaliste. Brièvement, disons que la façon dont les pays réagissent au dopage à l'heure actuelle régit leur attitude future face à un dopage qui se sera élargi à l'ensemble de la société. Il faut bien comprendre qu'aujourd'hui, nous discutons de produits qui permettent de courir plus vite ou plus longtemps. Demain, nous serons confrontés à des thérapies capables de jouer très finement sur la mémoire, l'attention en classe, le sommeil, la croissance, etc. La médecine se donne de plus en plus clairement les moyens de nous changer. Acceptons-nous cet augure ? Y mettons-nous des conditions ? Lesquelles ? Voilà déjà les questions que pose le dopage.

Cette présentation des choses n'est pas une simple vue de l'esprit. Dans des pays comme les États-Unis, par exemple, le laxisme des autorités face au dopage coïncide avec une consommation de produits dopants dans les écoles tout à fait affolante puisqu'elle concerne jusqu'à 5 % des filles et 15 % des garçons. Or, il ne s'agit plus de sport mais d'apparence, de sentiment de bien-être, de puissance et d'esthétique.

Voilà la question passionnante que pose le dopage et qui mérite, à mon avis, que les pays s'investissent dans la lutte !

b) Exposé du professeur Marc Bogaert, pharmacologue à l'Université de Gand

USAGE DE SUBSTANCES OU DE MÉTHODES DE DOPAGE PAR L'HOMME : QUELQUES POINTS DE RÉFLEXION

1. De quelles substances ou de quelles méthodes s'agit-il ?

Sur la liste des substances ou des méthodes défendues par l'Agence mondiale antidopage (AMA) sont mentionnées celles qui remplissent au moins deux des trois critères suivants.

— Preuve (directe ou indirecte) que la substance ou la méthode a le potentiel d'améliorer la performance sportive.

— Preuve (directe ou indirecte) que l'usage de la substance ou de la méthode présente un risque potentiel pour la santé des sportifs.

— L'usage de la substance ou de la méthode est contraire à l'esprit sportif.

Il s'agit en outre des substances ou des méthodes qui permettent de masquer l'usage des substances et des méthodes interdites précitées.

2. Comment les performances sportives peuvent-elles être améliorées ?

— Le dopage permet de réaliser des performances supérieures aux prestations dites « normales ».

— En corrigeant certaines anomalies qui sont provoquées par l'effort (consommation de créatine, de vitamines, d'Isostar ...).

— En atténuant certaines affections (notamment l'asthme dû à l'effort, ...). Certains produits qui servent, par exemple, à soigner un rhume ont pour effet secondaire d'améliorer la performance.

On ne sait dès lors pas toujours clairement quels sont exactement les produits qu'il faut inscrire sur une liste et quels sont les autres; la frontière est parfois très ténue. Les effets sur le métabolisme de l'utilisation d'EPO ou d'un stage en altitude sur le métabolisme sont identiques, alors que l'on n'interdit à personne de faire un stage en altitude.

3. Comment prouver qu'une substance ou une méthode améliore effectivement les performances sportives ?

— Il y a une preuve (directe ou indirecte), des présomptions, l'expérience ...

— Une preuve solide est souvent difficile à obtenir en raison de plusieurs facteurs.

— Il y a toujours un important effet placebo : celui qui utilise un produit a toujours le sentiment que celui-ci lui apporte un surcroît d'énergie.

— La preuve indirecte n'est pas toujours concluante : celui qui utilise des stéroïdes anabolisants pour augmenter sa masse musculaire n'améliore pas nécessairement ses performances dans tous les sports.

— Des améliorations même très faibles peuvent s'avérer importantes.

— Les conditions qui existent en cours de compétition sont différentes de celles qui existent lors d'un examen.

— Certains régimes très atypiques ne peuvent pas être reproduits dans le cadre d'un examen.

— Les effets escomptés sur les performances varient fortement d'un sport à l'autre (endurance, sports de précision, ...).

4. Effets indésirables

— Il est très improbable que l'on puisse vraiment obtenir l'effet souhaité sans avoir à subir des effets indésirables.

— Le risque d'effets indésirables dépend fortement des conditions d'utilisation des produits en question (utilisation et efforts particulièrement violents, température élevée, ou facteurs individuels tels que la souffrance sous-jacente).

— Le dosage, la durée d'utilisation, les combinaisons ... sont des éléments importants.

— Les effets indésirables peuvent avoir été mis en évidence dans le cadre de l'utilisation à des fins d'amélioration des performances sportives, ou en marge de celle-ci (insuffisances hépatiques dues aux anabolisants, caillots de sang dus à l'érythropoïétine, ...).

5. Les listes de l'AMA depuis le 1er janvier 2004

— Pour la première fois, une liste uniforme de produits interdits dressée par l'Agence mondiale antidopage fait l'unanimité, alors que l'on a utilisé jusqu'à présent deux listes distinctes au niveau belge, l'une pour la Wallonie et l'autre pour la Flandre.

— La liste de l'AMA fait une distinction entre l'interdiction de substances « en compétition » et l'interdiction de substances « en compétition et hors compétition ».

— La liste énumère expressément certaines substances, mais renvoie aussi souvent à des « substances analogues ».

— Pour certaines substances (l'éphédrine, par exemple), il est question de concentrations minimales.

— Les différences en fonction de la voie par laquelle les produits sont administrès (voie cutanée, par exemple)

— La nécessité éventuelle de produire un certificat médical

— L'interdiction liée à certains sports spécifiques (l'alcool, avec application ou non d'un seuil, notamment pour le tir à l'arc, les sports automobiles, le billard, le football, les sports moteurs, la lutte; les ß-bloquants pour les mêmes sports pratiquement; les diurétiques pour le culturisme, la boxe, le karaté, l'haltérophilie, la lutte)

6. Les contrôles

— La procédure de prélèvement d'échantillons

— Les analyses et une série de problèmes rencontrès à l'occasion de celles-ci :

· La multiplicité des substances devant être analysées le cas échéant (par exemple des anabolisants)

· Les substances « indétectables » (par exemple la tetrahydrogestrinone, en abrégé THG)

· Le problèmes des substances endogènes (érythropoïétine, hormone de croissance, testostérone ...)

· Le coût et le facteur temps (pour l'érythropoïétine, par exemple)

7. L'information

— À propos des listes mais aussi des effets indésirables

— Les canaux.

Substances et méthodes interdites en compétition

— Les stimulants.

— Les analgésiques narcotiques

— Les cannabinoïdes.

— Les agents anabolisants.

— Les hormones peptidiques (érythropoïétine, hormone de croissance, gonadotrophines)

— ß2-agonistes.

— Les agents à activité anti-ostrogène

— Les agents masquants (diurétiques, probénécide)

— Les glucocorticoïdes.

— Les méthodes (notamment le dopage sanguin, l'érythropoïétine)

P.S. : substances et méthodes interdites en compétition et hors compétition

— Les agents anabolisants.

— Les hormones peptidiques

— ß2-agonistes

— Les agents à activité anti-ostrogène

— Les agents masquants

— Les méthodes d'amélioration du transfert d'oxygène

c) Échange de vues

M. Wilmots souligne le lien entre l'utilisation de produits dopants dans le sport et la consommation croissante de drogues chez les jeunes. Il faut faire barrage aux deux phénomènes.

Par ailleurs, il ajoute qu'à sa connaissance, il n'y a pas de dopage organisé dans le football. Ce qui n'empêche pas que des joueurs puissent y recourir à titre individuel.

Sur le fond, il pense que la racine du problème se trouve souvent au niveau des soins de première ligne, des médecins généralistes et des pharmaciens.

M. Goetghebeur partage cet avis, mais souligne en même temps une différence essentielle : dans le cas du dopage, ce sont les dopés qui s'enrichissent considérablement et qui laissent les réseaux de dopage prendre tous les risques, alors que, pour les drogues, c'est exactement l'inverse. Toutefois, dans les deux cas, les risques sont importants. Il y a aussi des produits dopants qui ont des conséquences sur le fonctionnement du cerveau et peuvent conduire à des formes graves d'agressivité.

M. Germeaux souhaite savoir si on a connaissance de cas de sportifs qui, au terme de leur carrière sportive, continuent à utiliser des produits dopants d'une manière problématique, et si l'on a des chiffres à ce sujet.

Il constate également que le tabagisme est vigoureusement combattu, notamment aux États-Unis. En effet, de nombreuses études scientifiques ont été consacrées aux conséquences du tabagisme pour la santé. Le dopage — on pense aux hormones de croissance ou aux corticoïdes — a-t-il fait l'objet d'études semblables et ne doit-il pas être pareillement combattu ? Ne faut-il pas sanctionner de manière égale des comportements analogues, qu'ils soient observés dans les milieux sportifs ou en dehors de ceux-ci ?

M. Goetghebeur répond que la lutte contre le dopage ne doit effectivement pas être dissociée de la lutte contre la surconsommation médicale. On constate effectivement de plus en plus que, non seulement dans le sport, mais aussi dans la vie quotidienne, la barre est placée plus haut et que les gens recourent à toutes sortes d'adjuvants pour atteindre leur objectif.

Mme Van de Casteele partage cet avis et souligne que la nouvelle liste AMA des produits interdits n'aura d'effet que si l'on procède effectivement à des contrôles. Bien souvent, ce n'est pas le cas, notamment chez les jeunes, qui consomment des substances dans le seul but d'avoir l'air en forme.

M. Vankrunkelsven souligne le rôle d'exemple que les sportifs de haut niveau jouent à l'égard du sportif amateur. Il se demande si le combat contre le dopage pourra jamais être gagné un jour et, partant, s'il vaut la peine d'être mené.

M.Goetghebeur répond qu'en dépit de quelques succès, l'une des causes de l'échec de la lutte contre le dopage est le fait que, souvent, deux instances opèrent des contrôles, à savoir les comités sportifs et les pouvoirs publics. Les premiers contrôles ont été effectués vers 1976 par la police; peu de temps après, les instances sportives leur ont emboîté le pas. Certains sportifs sont d'avis que la lutte contre le dopage est l'affaire des services de police; d'autres pensent que ce sont les milieux sportifs eux-mêmes qui doivent assainir les pratiques. Il est vrai que les fédérations sportives rechignent à agir contre leurs propres membres car cela nuit à l'image de la discipline sportive concernée et des sponsors, mais elles ont quand même le mérite de faire de sérieux efforts; sans elles, rien ne se ferait. Il faut espérer que la liste AMA permettra de remédier à la dualité d'action des pouvoirs publics, d'une part, et des fédérations sportives, d'autre part.

L'intervenant souligne toutefois que cela ne suffira pas pour lutter contre le dopage. Tout comme ce fut le cas pour les hormones dans l'alimentation, la lutte contre le dopage ne pourra porter ses fruits qu'à partir du moment où le grand public sera fortement sensibilisé au problème. Par le passé, on a déjà pu observer que certains sports disparaissaient d'eux-mêmes lorsqu'une manipulation grave était constatée.

M. Bogaert pense que le combat contre le dopage ne sera jamais gagné définitivement, ce qui n'empêche pas qu'il faille le poursuivre, tant pour préserver l'équité de la compétition que pour des raisons de santé publique. Selon lui, la collectivité doit obliger les fédérations sportives à assainir elles-mêmes les pratiques ou à les faire assainir.

M. Germeaux partage le point de vue selon lequel un sport, comme le cyclisme, risque de se détruire lui-même si un trop grand nombre de pratiques malhonnêtes sont observées. Il met également l'accent sur le comportement prescripteur de certains médecins, qui peut souvent favoriser une certaine demande de produits. Selon lui, dans le problème du dopage, il faudrait consacrer davantage d'attention à la prévention.

Mme Geerts fait le lien entre l'absorption de certaines substances et l'image de l'homme idéal ou de la femme idéale, imposée par les médias. En effet, aujourd'hui, pour être en phase avec la culture actuelle, il faut être toujours jeune et beau.

Mme Van de Casteele est d'avis que le dopage des sportifs de haut niveau n'est que la partie émergée de l'iceberg. Il y a aussi bien d'autres personnes qui se dopent, dont de nombreux sportifs amateurs, mais aussi des gens qui souhaitent simplement avoir l'air en forme. Il s'agit donc d'un vaste problème social auquel il faut remédier.

M. Vankrunkelsven aimerait savoir s'il y a des mesures évidentes que l'on pourrait prendre afin d'améliorer d'emblée la situation sur le terrain.

M. Bogaert répond qu'il faudrait être plus attentif à la responsabilité des médecins et des pharmaciens. Lorsqu'on essaie d'identifier la source des produits dopants, on aboutit souvent chez des médecins et des pharmaciens dont le comportement prescripteur est assez laxiste. En outre, il s'agit souvent de produits qui peuvent nuire gravement à la santé des personnes, comme les stéroïdes anabolisants.

Un autre problème est que le matériel nécessaire au dépistage de certains produits est de plus en plus cher et que l'on souhaite économiser sur cette dépense.

M. Goetghebeur déclare avoir toujours été sidéré par l'hypocrisie inimaginable dont le monde du sport fait preuve dans la manière de présenter les choses au grand public, qui est souvent aux antipodes de la réalité. Cette constatation s'applique non seulement à l'utilisation de substances dopantes, mais aussi au financement du sport. L'intervenant se réjouit donc que le problème du dopage ait été dévoilé au grand jour et qu'il ait en quelque sorte explosé au visage d'un grand nombre de sportifs et fédérations sportives. En cyclisme, l'affaire Festina, qui a éclaté pendant le Tour de France, a montré que l'utilisation de substances dopantes n'est pas le fait de sportifs individuels, mais qu'elle s'organise au contraire autour de filières basées sur des programmes bien élaborés.

Le drame, c'est que malgré les nombreux scandales liés à des affaires de dopage, rien n'a encore changé sur le plan de l'utilisation des substances prohibées. Certains parlent en effet encore de « dopage médical », administré à un moment précis et dont il ne subsiste plus aucune trace au moment de la compétition. Nul ne peut cependant garantir que la personne dopée ne connaîtra pas, à terme, de graves problèmes de santé causés par l'usage de produits dopants. Les sportifs concernés n'ont généralement pas conscience des risques et n'ont d'yeux que pour la compétition.

Il y a aussi une différence entre les diverses disciplines sportives. Alors que le contrôle antidopage est bien accepté dans le monde du cyclisme, par exemple, il est beaucoup moins dans l'univers tennistique ou footballistique. Lors de la Coupe du monde de football, par exemple, on a utilisé un test antidopage dont on savait pertinemment qu'il était inopérant.

L'intervenant estime qu'il faut immédiatement lancer un processus de conscientisation, y compris auprès des nombreux bénévoles qui s'investissent dans le sport durant leurs temps libres, souvent à titre gracieux et avec les meilleures intentions du monde.

M. Germeaux insiste sur la nécessité de recourir à des tests uniformisés. De toute évidence, les moyens utilisés diffèrent et l'on peut déterminer librement les tests qui seront utilisés.

Mme Van de Casteele ajoute qu'il lui revient que la capacité des laboratoires serait trop morcelée et que l'on ferait en outre une distinction entre les médicaments à usage vétérinaire et l'utilisation de substances dopantes. Ne vaudrait-il pas mieux centraliser davantage le savoir-faire ?

M. Bogaert fait remarquer que l'on fait de plus en plus souvent appel à un réseau de laboratoires agréés qui fournissent des résultats fiables. Il n'empêche que certains laboratoires sont parfois présentés eux aussi sous un jour défavorable, à tort ou à raison. En raison de considérations financières, les examens sont en tout cas de plus en plus centralisés.

M. Germeaux souhaite savoir si les compléments alimentaires sont à classer dans la catégorie des produits dopants.

M. Goetghebeur pense que les compléments alimentaires peuvent bel et bien être considérés comme des produits dopants. Le problème, c'est que la plupart des sportifs qui s'adonnent au dopage commencent par prendre des produits légers relativement « anodins » que l'on prétend peu nocifs. Or, ces produits sont souvent consommés de manière systématique, ce qui pose problème. Dans de tels cas aussi, il faut intervenir.

M. Bogaert adhère à ce point de vue. S'il est vrai que les compléments alimentaires ne pourront jamais être inscrits sur une liste de produits interdits, telle que celle de l'AMA, il n'en demeure pas moins qu'on les traite beaucoup trop à la légère et que la vigilance reste donc de mise.

2. Audition du 14 janvier 2004

Audition de :

— M. D. Struys, premier inspecteur a.i., service Enquêtes et Recherches, Douanes et Accises Bruxelles;

— MM. J. Van den Boeynants et B. Govaert, membres de la cellule Hormones de la Police fédérale, et de M. M. Willekens, inspecteur principal à la Police locale de la zone de police Keno;

— M. R. Vancauwenberghe, pharmacien-inspecteur, Direction-générale Médicaments, Service public fédéral Santé publique, Sécurité de la chaîne alimentaire et Environnement.

M. R. Vancauwenberghe. — De 1978 à 1990, j'ai travaillé à la production de médicaments au Rwanda comme coopérant à l'Administration générale de la coopération au développement. Depuis 1990, je suis membre de l'Inspection de la pharmacie, qui a changé de nom il y a peu et s'appelle désormais Direction générale des médicaments.

J'irai droit au but en mettant directement le doigt sur le problème crucial de la situation actuelle de mon service : le manque de personnel.

Un Business Process Reengineering récent a compté 190 emplois à temps plein dans ce service, un nombre qui devrait être porté à 300 après analyse des besoins. Il faudrait donc un complément de plus de cent personnes, à répartir évidemment dans l'ensemble de la Direction générale des médicaments. Parmi les 190 collaborateurs à plein temps, plus de 180 s'occupent de la qualité des médicaments, c'est-à-dire de l'enregistrement. Sur le terrain sont actifs environ quinze inspecteurs qui réalisent les contrôles de routine dans 5 000 pharmacies, dans 3 000 dépôts vétérinaires — à l'exception des 2000 dépôts pour animaux domestiques — auprès de 250 grossistes, de 100 fabricants et dans 300 hôpitaux.

Si l'on déduit les personnes qui sont en charge de la lutte contre la fraude, en petite partie le dopage et les hormones, il ne reste que neuf pharmaciens-inspecteurs pour le travail sur le terrain. Je suis du matin au soir confronté à la fraude, à savoir de l'importation et de l'exportation de produits dopants et d'hormones. Je suis membre de la cellule multidisciplinaire sur les hormones. La mission principale des inspecteurs sur le terrain de la fraude consiste essentiellement à fournir une assistance occasionnelle aux parquets, aux services de police et à la douane. Nous voudrions pouvoir donner suite aux demandes d'assistance et de collaboration venant des services de police et des parquets, mais c'est impossible étant donné le manque aigu de personnel.

Notre expertise porte sur la qualité des médicaments et des substances, ainsi que sur la distribution de ces produits. Nous nous appuyons pour cela sur deux lois, la loi de 1964 sur les médicaments et celle de 1921 sur les substances vénéneuses. Nous sommes experts dans ce domaine parce que nous pouvons contrôler de manière régulière toutes les comptabilités mais aussi tous les détournements hors des circuits de distribution, car c'est bien de cela qu'il s'agit. Je puis dire franchement qu'en ce qui concerne le dopage sportif, nous avons essentiellement affaire à des détournements de médicaments des circuits de distribution. Il est dès lors plus qu'évident que la Direction générale des médicaments est concernée par cette problématique.

Il faut cependant hélas bien constater que, lors de contrôles antidopage positifs, le décret de la Communauté flamande relatif à la possession de substances par les sportifs lors d'une préparation ou d'une participation à une manifestations sportive, dans son article 43, ne prévoit que des mesures disciplinaires, là où le législateur fédéral, par la loi sur les substances toxiques et par un arrêté royal du 12 avril 1974, fait de la possession d'hormones une infraction pénale.

Les peines ne sont pas légères : prison de un mois à cinq ans et amende de 3 000 à 100 000 euros. La transformation d'une peine correctionnelle en mesure disciplinaire n'est cependant pas possible pour tous les justiciables. Cela pose des questions quant à la violation du principe d'égalité.

Lorsque l'on constate l'usage de médicaments comme moyens de dopage dans le milieu sportif, il faut alors enquêter pour savoir dans quelle pharmacie ou auprès de quel grossiste les substances ont été achetées. Que ce soit en Belgique ou à l'étranger, c'est la même chose. Du fait que nous surveillons les circuits de distribution, nous sommes directement une partie concernée.

Ma deuxième remarque concerne notre propre législation. Nous vivons dans un monde globalisé. Au sein de l'Union européenne, nous sommes confrontés sur le terrain au problème d'avoir des frontières ouvertes et une législation propre qui s'arrête à ces frontières. Je veux dire par là que les lois sur les médicaments et les substances vénéneuses sont toujours d'application nationale, mais que cette application nationale devient extrêmement difficile lorsqu'il s'agit de l'importation, de l'exportation, du transit, des douanes, des systèmes d'entrepôts et des zones de libre-échange. Nous travaillons encore en termes d'importation et d'exportation alors que, sur le plan européen, on raisonne en termes de territoire douanier qui couvre l'ensemble de l'Union européenne. L'importation de marchandises, dans notre cas de médicaments, s'appelle dans ce territoire douanier « mettre en libre circulation » ou « mettre en transit ». Pour le contrôle des médicaments qui sont transportés à travers l'Union, nous sommes confrontés à un vide juridique. Nous procurons une assistance aux services de police et de douane, surtout pour l'exercice du contrôle à la poste de Bruxelles X où, avec l'aide des fonctionnaires de la poste et des douanes, nous vérifions les envois qui proviennent de pays extérieurs à l'Union européenne. Je ne veux pas créer de panique en vous donnant les quantités qui sont importées. Quoiqu'il ne soit pas encore question d'une rupture de digue comme au États-Unis, nous devons néanmoins être très attentifs aux marchandises qui sont introduites dans notre pays et qui ont été commandées par le biais d'Internet.

La législation ayant trait à la vente par internet, la pharmacie électronique, n'est pour l'instant pas suffisamment élaborée. Il y a peu, le ministère des Affaires économiques a créé un service qui tente de surveiller le réseau internet. Au niveau européen une loi a été adoptée sur le » spamming « , l'envoi de publicité sans l'autorisation du destinataire. Pour ce qui concerne les sites internet où sont offerts à la vente des anabolisants et du viagra, vrai ou faux, nous ne disposons pas encore de moyens juridiques satisfaisants.

Nous devons bien concevoir que ces sites ne sont que le média publicitaire, mais que les produits qui y sont commandés peuvent pénétrer dans notre pays ou dans l'Union européenne. Sur ce point, il reste bien du pain sur la planche.

La collaboration est un autre élément essentiel de la lutte contre le dopage et contre l'utilisation d'hormones dans les élevages. Je ne puis que me féliciter du travail de la cellule multidisciplinaire sur les hormones qui a été créée en 1995. Sous l'égide de la Justice, les services de douane et de police s'efforcent de coopérer avec l'Agence fédérale pour la sécurité alimentaire et la Direction générale des médicaments. Cela a jusqu'à présent conduit à une synergie certaine dans la lutte contre l'abus d'hormones dans les élevages, et j'espère que cela aura le même effet bientôt dans la lutte contre le dopage comme dans d'autres problèmes encore. Une telle coopération n'est jamais parfaite, sûrement pas si l'on effectue la comparaison avec une firme pharmaceutique où toutes les procédures sont bien réglées et coordonnées. En ce sens, la coopération peut encore être améliorée.

Le dernier point dans la manière de traiter le dopage dans le sport est la sensibilisation de la population. On doit donner beaucoup plus d'informations sur les risques par le biais des médias. Récemment, des articles ont été publiés dans Test-Santé sur les suppléments alimentaires et les fraudes associées. Nous lisons chaque jour des articles de journaux sur le dopage. J'estime que des signaux très ciblés doivent être donnés à la population sur les dangers du dopage et des suppléments alimentaires.

M. Jacques Germeaux (VLD). — M. Vancauwenberghe déclare qu'il craint une violation du principe d'égalité. Peut-il préciser ce point ?

Quelles directives ou conseils voudrait-il donner aux ministres pour améliorer la situation sur le terrain ? Y a-t-il un travail législatif à fournir en vue d'améliorer le dépistage ?

M. R. Vancauwenberghe. — Je m'explique en ce qui concerne le principe d'égalité. Selon le décret, si un membre d'un club sportif, que ce soit un coureur, un amateur de billard ou de chant de pinson, est trouvé en possession d'une substance reprise dans la liste des produits dopants, par exemple une amphétamine, lors de la préparation ou de la participation à un événement sportif, il pourra être l'objet d'une mesure disciplinaire. Il peut être exclu de son club. Si un citoyen ordinaire est attrapé avec la même amphétamine dans la poche, il sera lourdement condamné. L'égalité de traitement de chaque citoyen est cependant un droit fondamental inscrit dans notre Constitution.

La première suggestion concrète que je ferais est de réfléchir à la manière dont on pourrait faire en sorte que la loi sur les médicaments et celles sur les substances vénéneuses soient appliquées intégralement, éventuellement complétées d'une sanction disciplinaire. Sinon, nous vivons dans un monde à l'envers. Dans de nombreux cas, on intervient sur le plan déontologique chez certains groupes professionnels tels que les médecins, les pharmaciens ou les avocats, après traitement du dossier par le parquet et si une sanction judiciaire a été prononcée. Ce problème doit être résolu.

Mme Annemie Van de Casteele (VLD). — M. Vancauwenberghe suggère dans son exposé que la possession de drogue dans le cadre du dopage peut échapper aux poursuites. Si quelqu'un transporte par exemple de la drogue et dit que cette drogue est destinée à un club de chant de pinson, peut-il ne subir qu'une sanction disciplinaire et échapper par là même aux poursuites correctionnelles ?

M. Patrik Vankrunkelsven (VLD). — Ne s'agit-il pas d'une pratique du pouvoir judiciaire ? Ne peut-on en réalité plus poursuivre ? Cela m'étonnerait. Si c'est le cas, une initiative législative s'impose.

Mme Annemie Van de Casteele (VLD). — Le décret a banni les peines correctionnelles pour les sportifs et les a remplacées par des sanctions disciplinaires. C'est en tout cas ce que j'ai compris.

M. R. Vancauwenberghe. — C'est exact. Le décret prévoit des peines de prison de huit jours à trois mois en cas de dopage pour les accompagnateurs et pour ceux qui fournissent les substances. Les sportifs sont exclus. Les peines sont bien plus lourdes au niveau fédéral.

M. Jacques Germeaux (VLD). — Il y a quelques semaines, l'avocat du coureur cycliste Frank Vandenbroucke plaidait en ce sens. Il avançait que le coureur avait été suspendu pour trois mois par sa fédération et qu'en conséquence, il ne pouvait plus être poursuivi devant le tribunal correctionnel. Il s'agissait de l'utilisation de morphine.

La version la plus récente de la loi sur les stupéfiants prévoit qu'il faut tenir compte des usages éventuellement problématiques. Cette question n'a pas encore été soulevée en matière de dopage. Contrairement à la loi sur les stupéfiants, le décret ne renvoie pas à une assistance. Il ne prévoit que des sanctions disciplinaires. Ensuite, le sportif est abandonné à son sort.

Mme Annemie Van de Casteele (VLD). — Cette remarque doit être présentée à ceux qui sont en contact avec les sportifs concernés et éventuellement avec des cas problématiques. L'inspection de la pharmacie n'est pas compétente en cette matière.

M. Vancauwenberghe a attiré l'attention sur le décret flamand. Quelle est la situation du côté francophone ? Y est-on plus strict ou plus laxiste ?

M. R. Vancauwenberghe. — Je n'ai pas de réponse à cette question. Je n'ai pas lu le décret wallon. Je suppose qu'il est analogue. Je pense pourtant savoir que les listes de produits dopants diffèrent sur certains points.

Mme Annemie Van de Casteele (VLD). — Supposons que l'inspection de la pharmacie constate une utilisation de produits dopants et qu'elle veuille en connaître la provenance. Dans votre introduction, vous avez souligné l'existence d'un circuit illégal utilisant, entre autres, Internet. À côté de celui-là, il y a évidemment un circuit légal, composé de pharmaciens, de vétérinaires, d'hôpitaux, qui est contrôlé par l'inspection de la pharmacie. Avez-vous l'impression de pouvoir effectuer vos contrôles ? Vous avez souligné le manque de personnel mais la communication est-elle bonne ? L'inspection de la pharmacie est-elle tenue informée des constats de dopage ?

M. R. Vancauwenberghe. — Le contrôle du circuit de distribution des médicaments est une de nos missions de base. Il peut être de routine ou ponctuel, dans le cadre d'une enquête ou d'une instruction judiciaire. Il est assez légitime que l'inspection de la pharmacie soit tenue au courant des infractions commises dans le circuit normal de distribution. Je suppose que le dopage se fait au moyen de médicaments, à la différence de l'engraissement du bétail pour lequel on recourt beaucoup à des substances et à des cocktails « artisanaux ». Ces médicaments sont détournés du système : ou bien ils sont prescrits par des médecins dans un but non thérapeutique, ou bien ils sont délivrés sans ordonnance, ou encore ils sont volés dans des hôpitaux. La Direction générale des médicaments est informée de cette situation, ne fût-ce que pour que nous sachions qui sont les acteurs et que nous puissions prendre des mesures contre eux.

Les informations sur les contrôles antidopage positifs ne sont pas transmises au SPF « Santé publique ». Nous ne sommes mis au courant que lorsque nous apportons notre aide dans des enquêtes et des instructions judiciaires dans le milieu des culturistes et des coureurs cyclistes. Mais en général nous ne sommes pas tenus informés des résultats des contrôles antidopage. Nous ne pourrions d'ailleurs pas traiter ce flux d'informations du fait de la pénurie de personnel. Si nous avions suffisamment de personnel, nous pourrions libérer des personnes pour cette tâche.

Mme Annemie Van de Casteele (VLD). — Il y a deux possibilités : ou l'on recherche de manière proactive les prescripteurs qui ont un comportement déviant, ou l'on investigue dans les canaux de distribution comme les pharmacies qui délivrent de grandes quantités de certains produits. Cela se passe déjà ainsi pour les stupéfiants, n'est-ce pas envisageable pour les produits dopants ? Ne peut-on enquêter de manière proactive sur les prescripteurs et les fournisseurs suspects ? Quels seraient les suites éventuelles de pareils contrôles ? Les intéressés pourraient-ils être punis ?

M. R. Vancauwenberghe. — Des actions proactives sont effectivement possibles. Nous pouvons examiner la comptabilité des pharmacies et des grossistes pour voir s'ils ont prescrit des produits dopants. En pratique, la meilleure méthode est une collaboration « bottom-up/top-down ». La cellule multidisciplinaire sur les hormones l'a déjà démontré à plus d'une reprise. Les données de contrôles de routine sont dans ce cas associées à des informations « dures » et « molles ». Les deux voies doivent être utilisées : tant du bas vers le haut que du haut vers le bas. Si nous avions une capacité suffisante, nous pourrions intensifier les contrôles de routine dans les pharmacies et chez les grossistes.

Le traçage des produits du pharmacien vers le patient est différent du traçage du grossiste au pharmacien. C'est l'une des raisons pour lesquelles je plaide afin qu'on inscrive sur chaque emballage, dans le code-barres, un numéro unique, ce qui d'ailleurs est depuis peu exigé par l'INAMI, mais seulement pour les médicaments remboursables. Le traçage des médicaments est indiqué comme instrument pour améliorer le dépistage non seulement des produits de dopage mais aussi des produits interdits dans l'élevage du bétail.

En ce qui concerne le comportement prescripteur des médecins, les commissions médicales provinciales et les ordres ont une mission importante à remplir. J'estime que ces organes pourraient intervenir avec beaucoup plus de dynamisme. On pourrait demander des comptes aux médecins et aux vétérinaires si leur comportement prescripteur n'est pas conforme à un bon exercice de la médecine ou de l'art vétérinaire. Je ne suis pas bien au courant du travail des commissions médicales provinciales et des ordres mais je pense que certaines de ces commissions pourraient en tout cas améliorer leur travail.

C'est un emplâtre sur une jambe de bois. Pourquoi devrions-nous ponctuellement partir à la chasse, alors que certains médecins prescrivent des quantités parfois phénoménales d'anabolisants, comportement pour lequel ils n'encourent en fin de compte qu'une réprimande paternelle ?

M. Jacques Germeaux (VLD). — Dans le journal, je lis le nombre de produits ou de pilules saisis lors d'une prise. Ces quantités sont-elles uniquement destinées aux sportifs et aux élites sportives ? Quel est le groupe cible pour ces produits ?

M. R. Vancauwenberghe. — À Bruxelles X, ce que nous trouvons a été commandé via Internet, illégalement ou non, et est destiné à un usage privé. La douane réussit à saisir de grands lots de contrefaçons. Dans le passé récent, elle a d'ailleurs opéré de grosses saisies de Viagra. Les services de police réussissent à découvrir des lots importants d'anabolisants.

Les anabolisants sont destinés aux sportifs de haut niveau, aux sportifs amateurs et aux centres de culturisme. À ce sujet, je renvoie à une étude allemande sur le dopage qui a été réalisée avec l'appui de la commission européenne.

Les suppléments alimentaires, que je range parmi les attrape-nigauds, sont en partie des produits frelatés. Heureusement, nous n'avons pas encore constaté jusqu'à présent la présence de médicaments frelatés dans le circuit de distribution officiel, mais touchons du bois !

M. Philippe Mahoux (PS). — Une discussion sur la définition des additifs est en cours au sein de la Commission européenne. Les débats prennent une orientation qui ne me convient guère car la définition avancée à propos des compléments, d'une part, n'est pas précise et, d'autre part, si elle fait état d'éléments de composition et d'effet bénéfique pour la santé, elle ne détermine pas si le produit auquel on ajoute l'additif est également un élément favorable à la santé en général. On sort quelque peu ici de la problématique du dopage. Nous savons que des compléments peuvent être pris tant pour la bonne cause que pour la mauvaise cause.

J'aimerais connaître le point de vue de M. Vancauwenberghe à cet égard. Quelle position l'administration et le gouvernement peuvent-ils prendre par rapport à un problème de cette nature ?

M. R. Vancauwenberghe. — Vous avez fait allusion à une proposition de règlement du Conseil et du Parlement européens concernant « les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires », proposition datée du 8 octobre 2003. Il est largement temps que nous disposions enfin d'un tel règlement.

La Direction générale des médicaments a entamé avec l'Agence pour la sécurité alimentaire une concertation sur la zone grise afin de mieux déterminer la frontière entre les médicaments et les aliments. Je puis vous assurer que ce domaine est très vaste. Nous remarquons en effet que, sur Internet, dans les commerces de gros et dans toutes sortes de magasins diététiques, des produits sont vendus avec des allégations de santé qui parfois dépassent les bornes. Sur les emballages ou dans le matériel de publicité, on trouve des indications thérapeutiques qui classent ces produits comme médicaments. Nous devons pouvoir accepter des allégations de santé qui ne dépassent pas les bornes — nous ne pouvons en effet pas éliminer totalement un pareil phénomène — mais parfois il s'agit de pur charlatanisme. Du charlatanisme qui peut être un danger lorsque, par exemple, sans aucune preuve, il est allégué que certains extraits de plantes de la forêt péruvienne sont efficaces contre le cancer, le psoriasis, l'eczéma, etc. D'autres affirmations peuvent aussi n'être que des attrape-nigauds. Les gens sont prêts à débourser beaucoup d'argent pour ces produits, alors qu'on ne peut leur attribuer le moindre effet. Il est dès lors souhaitable que la proposition du Conseil et du Parlement européens entre le plus rapidement possible en vigueur. Pour l'instant, la Direction générale des médicaments et l'Agence pour la sécurité alimentaire ont créé deux groupes de travail pour la zone grise, l'un pour l'alimentation humaine et les médicaments, l'autre pour la médecine vétérinaire.

M. Marc Wilmots (MR). — J'ai beaucoup réfléchi à la problématique du dopage dans le sport. Les sportifs sont toujours suspectés et je pense à l'affaire Cofidis qui est actuellement en cours.

Croyez-vous, monsieur Vancauwenberghe, qu'il existe des laboratoires clandestins qui recherchent des produits permettant de masquer les additifs ? Les contrôles ont été renforcés partout en Communauté française et il convient, à mon sens, de prévoir des peines pénales en la matière. Une équipe est-elle chargée de rechercher les personnes qui dissimulent les produits dopants ?

M. R. Vancauwenberghe. — Y a-t-il des laboratoires capables de fabriquer des produits dopants de la dernière génération, comme la tetrahydrogestrinone ? Je ne crois pas que l'on fabrique ces produits en Europe ou en Belgique. L'offre de produits dopants est tellement importante que l'on retombe toujours sur ceux qui sont repris dans la liste. Je ne prétends pas qu'aucune substance inconnue n'est utilisée, mais je ne pense pas qu'on les synthétise en Belgique.

M. Philippe Mahoux (PS). — La démarche « scientifique « , en amont de l'utilisation, doit quand même exister. Elle doit par exemple permettre d'échapper aux dépistages. Où ont lieu ces expériences permettant de déterminer l'efficacité d'un produit sur les performances ? Je ne crois pas qu'elles soient menées uniquement sur les autres continents. Ces substances sont utilisées dans tous les sports, y compris en Europe. Une phase expérimentale est donc nécessaire.

Ces produits sont-ils efficaces pour la santé de l'athlète ou de l'utilisateur ? Nous savons avec davantage de certitude qu'elles le sont sur les performances immédiates. Mais où se trouvent les laboratoires dans lesquels on met au point les méthodes permettant de masquer, lors des tests de dépistage, les produits utilisés ? Ces endroits existent-ils ? Où pourraient-ils se trouver ?

On parle de répression. Je pense pour ma part que tout ceci relève de l'éthique sportive. N'oublions quand même pas que le code pénal existe. Que pensez-vous de l'existence de laboratoires où sont mises au point les méthodes de dopage et celles permettant de masquer ce dopage ? Quel est votre sentiment à cet égard ?

Mme Annemie Van de Casteele (VLD). — Vous dites qu'en Europe, il n'y a probablement pas de laboratoire qui exerce cette activité de manière intensive. Or, dans le secteur des hormones destinées à l'élevage, des experts devançaient toujours les pouvoirs publics et développaient des produits qui ne pouvaient pas être immédiatement décelés par les tests existants. Je serais très étonnée qu'il n'en soit pas de même pour le dopage. D'ailleurs, on prétend toujours que, dans certains cas, il s'agit d'un seul et même circuit.

M. R. Vancauwenberghe. — Si je savais que des laboratoires exercent cette activité en Europe, je l'aurais dit depuis longtemps aux services de police et nous aurions mis les responsables sous les verrous. C'est aussi simple que cela. J'exprime ici une opinion personnelle : j'ignore moi-même où l'on prépare les derniers produits de nouvelle synthèse.

Si nous le savions, les responsables seraient écroués. Il en va de même pour l'élevage.

Vous devriez poser l'autre question aux laboratoires eux-mêmes. Je ne suis pas chimiste et je n'ai pas davantage de formation médicale. J'ignore quels sont les meilleurs schémas d'injection. Je constate que, chez les culturistes, les schémas d'injection sont toujours plus perfectionnés. On essaie de rester en dessous de la limite de détection en combinant des substances.

Je trouve d'ailleurs dangereux d'avancer que de nouvelles substances sont massivement synthétisées. Il est vrai qu'aux États-Unis, c'est prouvé en ce qui concerne la tetrahydrogestrinone. Je présume donc que l'on effectue des recherches afin de développer de nouveaux produits pouvant être utilisés de manière abusive. Vous attendez de moi une réponse, mais je ne puis vous la donner. Si je la connaissais, le problème aurait déjà été résolu.

M. Philippe Mahoux (PS). — J'entends la nuance. Vous nous dites que vous ne savez pas si de tels laboratoires existent alors que j'avais cru vous entendre dire qu'il n'en existe pas. Ce n'est pas exactement la même chose. Je ne sais où ils se trouvent mais j'ai l'impression qu'ils doivent se trouver quelque part. Il serait assez extraordinaire que l'Europe soit totalement préservée de ce type de chose.

M. R. Vancauwenberghe. — Je pense avoir indiqué que je ne crois pas en l'existence de tels laboratoires. Mais des recherches scientifiques ou des spin-offs doivent exister.

Il s'agit souvent de spin-offs de la recherche bien intentionnée dont on abuse. Il est particulièrement dangereux de faire croire à la population et aux services de police que l'on peut capturer les coupables. Nous n'avons pas cette information, du moins pas toujours.

Mme Annemie Van de Casteele (VLD). — Vous faites référence à la concertation sur la zone grise. C'est très délicat. Qui peut contrôler quoi ? De nombreuses substances appartiennent à une zone limite entre produits alimentaires, suppléments alimentaires et médicaments. À quelle catégorie un produit appartient-il et qui contrôle quoi ? Vous donnez un exemple de lutte contre le dopage dans les centres de fitness. Ces derniers sont-ils contrôlés et par qui ? Leurs stocks de compléments alimentaires sont-ils inspectés ? Ceux-ci sont-ils analysés ?

Vous faites référence au circuit illégal à disposition par le biais d'Internet. L'importation de médicaments fait l'objet d'une législation stricte, surtout quand une prescription est obligatoire. Qu'en est-il de cette législation et comment est-elle appliquée à un consommateur individuel qui achète des médicaments et des produits dopants sur Internet ?

M. R. Vancauwenberghe. — Qui contrôle quoi ? Il peut s'agir d'un médicament, d'un produit alimentaire ou de quelque chose d'intermédiaire. Dans ce dernier cas, on a affaire à des allégations de santé. L'Agence alimentaire est responsable pour les aliments, la Direction générale Médicaments est responsable pour les médicaments et, pour les produits intermédiaires, l'information est transmise. Pour le moment, cela fonctionne bien par le biais de la concertation sur la zone grise.

La concertation sur la zone grise démarre assez bien. Nous établissons en ce moment la liste des allégations de santé dont, à mon avis, tous les utilisateurs devraient également être informés. Aux Pays-Bas, une longue liste d'allégations pouvant être admises sur un emballage existe déjà. Une fois cette liste établie, il est assez simple d'identifier le statut d'une substance, d'un aliment ou d'un médicament. Il reste à définir à quel groupe le produit appartient et qui exerce un contrôle ultérieur.

Pour les centres de fitness, la Direction générale Médicaments prête occasionnellement assistance quand la police, la douane et les parquets nous le demandent. Les compléments alimentaires étant autorisés dans ces centres, l'Agence pour la sécurité de la chaîne alimentaire est compétente. S'il y a également des médicaments dans un centre de fitness, nous devons également être impliqués. Si on y trouve aussi des substances avec des allégations de santé, nous pouvons agir ensemble. La direction générale n'effectue donc pas de contrôles de routine dans des centres de fitness. Nous opérons sur demande du parquet ou pour détecter et identifier des substances lors d'une descente de police.

Pour l'achat, l'importation et l'usage personnel de substances, la jurisprudence au niveau européen ne porte que sur l'usage personnel de médicaments. Un citoyen belge peut se faire soigner en France. Si, dans le cadre d'une relation patient-médecin, il achète un médicament dans une pharmacie française, il peut rentrer en Belgique avec ce médicament. C'est ce que dit entre autres l'arrêt Schumacher de la Cour européenne de Justice.

En ce qui concerne la distribution de médicaments par Internet, je ne peux pas me prononcer pour le moment étant donné que je n'ai pas encore entièrement lu le récent arrêt Doc Morris. La Cour de Justice autoriserait la délivrance de médicaments ne devant pas être prescrits à condition que celui qui les délivre soit une instance agréée — une pharmacie ou, dans un autre État membre, quelqu'un qui dispose de l'autorisation exigée — et qu'une relation patient-médecin puisse être prouvée. L'Internet pèse principalement sur les systèmes légaux de distribution et sur la relation patient-médecin; nous devons en être conscients. Il y a d'innombrables possibilités pour commander soi-même des médicaments sur Internet et faire de l'automédication. Dans des textes et par le biais de la concertation internationale que nous avons organisée, nous avons appris qu'aux États-Unis par exemple, une multitude de patients se retrouvent à l'hôpital après avoir pris des médicaments obtenus via Internet. L'arrêt Doc Morris crée un véritable précédent en matière de commandes de médicaments via Internet.

Comme vous le savez, en Europe, il faut trouver un équilibre entre les articles 28 et 30 du Traité de Rome sur la libre circulation des biens. Celle-ci ne peut être limitée que si des éléments de santé publique sont en jeu. Face à la libre circulation, il y a toute la législation sur les médicaments, laquelle doit protéger la santé publique. Un équilibre doit être trouvé entre les deux. Par le biais d'Internet, des patients pourront à l'avenir commander des médicaments libres de prescription dans n'importe quelle pharmacie en Europe et les recevoir par la poste.

M. Philippe Mahoux (PS). — Il ne faut pas hypothéquer l'avenir ou faire trop de conjectures. En effet, nous avons des législations sur les médicaments qui diffèrent selon les États membres. On peut donc arguer du fait qu'il existe des procédures d'agrément des médicaments et de fixation des prix qui font de ces produits des exceptions au principe général de libre circulation des marchandises parce qu'il s'agit d'un secteur spécifique, celui de la santé, et que personne, jusqu'à présent, n'a contesté ce caractère particulier.

Donc, par rapport aux produits en question, y compris les produits dopants, et à la possibilité de les acheter sur Internet, je pense que nous disposons, en tant qu'État membre, d'une argumentation qui permettrait d'étendre le principe d'exception aux produits en question.

Toutefois, loin d'aller vers une libéralisation totale de ces produits, je rappelle que la législation en vigueur s'avère très restrictive.

M. R. Vancauwenberghe. — La législation nationale actuelle est effectivement stricte en matière de distribution de médicaments, mais on attend un arrêt européen qui facilitera la commande, au-delà des frontières, de médicaments délivrés sans prescription.

M. Patrik Vankrunkelsven (VLD). — Je pense qu'il n'y aura pas de gros problèmes si le commerce se limite aux médicaments non soumis à une prescription. La législation stricte est toutefois théorique : de nombreuses médications, entres autres les produits dopants, sont disponibles sur Internet sans beaucoup de restrictions. Nous devons réfléchir à la façon de contrôler cette vente frauduleuse. Internet est un moyen sur lequel il est manifestement difficile d'agir.

Les produits commandés sur Internet doivent entrer dans notre pays par l'un ou l'autre chemin. La douane doit exercer un contrôle plus pointu sur la vente de produits non autorisés. De quelle manière l'autorité organise-t-elle ce contrôle ?

M. R. Vancauwenberghe. — Les produits dopants sont soumis à l'obligation de prescription. Celle-ci est obligatoire pour les anabolisants, les antibiotiques, les stimulants comme les narcotiques et les substances psychotropes. Pour ces deux derniers groupes, les conditions sont très strictes. Par ailleurs, les frontières intérieures ont disparu. Nous ne sommes toutefois pas totalement impuissants à l'égard d'Internet. Au sein des Affaires économiques, un cellule contrôle l'Internet. Sur la base de deux lois du 11 mars 2003, la Belgique peut agir contre l'envoi illicite de publicité. Tous les ans, en collaboration avec les États-Unis, les Affaires économiques effectuent un » clean-sweep » des sites Internet qui ne sont pas admissibles. À ce jour, en matière de médicaments, ce contrôle n'a pas donné grand-chose, mais il est possible de mieux gérer les sites web.

Ainsi, les références des personnes responsables du site devraient à l'avenir obligatoirement être mentionnées sur le site même. Voici quelques années, en collaboration avec la douane, nous avons découvert et saisi plus de 7 000 enveloppes contenant des médicaments en provenance de l'Espagne. Dans ce dernier pays, les pharmacies livrent d'ailleurs très facilement des anabolisants sans prescription. Les enveloppes étaient postées en Belgique, à destination des États-Unis. Il s'agissait principalement de médicaments antidouleur. La commande était passée en composant un numéro de téléphone aux États-Unis, et le paiement se faisait sur un compte à l'autre bout de monde. Nous n'avons jamais pu trouver qui avait envoyé les enveloppes à partir de la Belgique. Cet exemple montre à quel point il peut être difficile de contrôler l'Internet.

M. Patrik Vankrunkelsven (VLD). — Imaginons que je commande des anabolisants par Internet. La livraison doit se faire par la poste. De quels moyens l'autorité dispose-t-elle pour effectuer un contrôle à ce stade ? Le contrôle est-il impossible en raison du secret postal ?

M. R. Vancauwenberghe. — À l'intérieur de l'Europe les frontières sont ouvertes. J'imagine que les lettres en provenance d'autres pays européens ne peuvent être ouvertes. Pour celles qui arrivent de pays non européens, La Poste peut agir. On peut aussi intervenir, je pense, quand on soupçonne fortement que des colis de médicaments circulent à l'intérieur de l'Europe, mais je ne suis pas certain que cela soit juridiquement possible. Vous devez poser cette question aux services de la Douane et des Accises.

M. Philippe Mahoux (PS). — Avez-vous connaissance des législations européennes en ce qui concerne les autorisations et conditions de délivrance de ces anabolisants et des principales catégories de produits dopants ?

Pourriez-vous éventuellement nous transmettre ces informations, afin de nous permettre de gagner du temps ? Quels sont les produits les plus utilisés ? Quelles conditions sont imposées à leur consommation dans les 15 pays de l'Union européenne ?

M. R. Vancauwenberghe. — La question est trop vaste; je ne suis pas au courant de la législation de chacun des quinze États membres. Je pense pouvoir dire que, jusqu'à nouvel ordre, des substances comme les anabolisants doivent être délivrées sur prescription dans chaque État membre. L'obligation de prescription n'est toutefois pas harmonisée et n'est pas organisée de la même manière pour tous les médicaments dans tous les États membres.

M. Philippe Mahoux (PS). — Si j'ai bien compris, en Espagne, on peut donc acquérir ces produits sans difficultés ?

M. R. Vancauwenberghe. — Nous constatons sur le terrain que des culturistes reviennent d'Espagne avec des médicaments provenant tout simplement de la pharmacie et non de circuits frauduleux. À mon sens, dans ce cas, les médicaments sont délivrés sans prescription et encore moins dans le cadre d'une relation médecin-patient.

M. Philippe Mahoux (PS). — Par des pharmaciens ou grâce à des circuits parallèles ?

M. R. Vancauwenberghe. — Ces médicaments peuvent provenir de circuits parallèles mais certainement aussi de pharmacies de la Costa Brava.

Mme Annemie Van de Casteele (VLD). — M. Mahoux, je propose d'essayer de faire le point sur la législation des différents États membres.

Le spamming sur Internet relève de la compétence du ministre des Affaires économiques. Je suis tous les jours assaillie de mails préconisant l'usage de Viagra. Je déposerai une plainte à ce sujet auprès de la ministre.

Que se passe-t-il, si, à l'occasion de l'ouverture d'un colis en Belgique, on découvre qu'un particulier importe des anabolisants depuis un pays tiers, par exemple les États-Unis ? Qu'entreprenez-vous à l'égard de cette personne qui, à mes yeux, enfreint la loi ?

M. R. Vancauwenberghe. — Vous faites allusion à la collaboration avec les services de La Poste de Bruxelles X. Si les médicaments sont destinés à des non-résidents qui séjournent dans notre pays, on laisse passer le colis.

Mais s'il s'agit d'anabolisants, on agit presque toujours et ils sont saisis. Si les quantités sont importantes, des recherches sont organisées en collaboration avec la police ou la douane.

S'il s'agit de très petites quantités de prohormones par exemple, un médicament pour lequel la réglementation, comme celle des compléments alimentaires, n'est pas stricte aux États-Unis, on demande au destinataire de renoncer à l'envoi. Nous ne pouvons imposer aux services de La Poste des centaines de procédures qui entraveraient sans aucun doute le travail. En demandant au destinataire de renoncer volontairement à son envoi, nos contrôles restent efficaces.

Des petites quantités à usage privé sont donc saisies ou non, selon les cas. Si l'on soupçonne la présence de produits illégaux ou de contrefaçons d'hormones, nous intervenons.

M. D. Struys. — Je suis responsable du groupe anti-drogue à l'aéroport de Zaventem. Dans le cadre de notre travail, nous tombons souvent sur tout autre chose. Voici huit ans, nous sommes entrés en contact avec les services de M. Vancauwenberghe à la suite de la découverte, dans du courrier et divers colis, de nombreux médicaments et autres produits que nous ne connaissions pas.

Nous avons été convoqués ensemble au parquet de Bruxelles et, sous l'égide du procureur du Roi, nous avons élaboré une collaboration assez souple et pratique. Quand nos services trouvent quelque chose de suspect, le parquet nous autorise à transmettre immédiatement toute information aux services de M. Vancauwenberghe en vue d'éventuelles actions ultérieures. Cette collaboration a déjà abouti à de beaux résultats complémentaires.

Nous trouvons tous les jours des centaines d'envois contenant des produits emballés comme des médicaments. Nous connaissons certains noms, mais les produits sont souvent emballés dans des petits pots chinois ou autre gadgets qui les rendent méconnaissables. Nous ne pouvons hélas pas faire analyser tous ces produits. Je n'ai encore trouvé aucun service qui puisse m'aider dans ce domaine. Selon moi, il conviendrait simplement d'interdire l'envoi de ces substances par la poste ou par un service de courrier. Cette mesure assez draconienne n'est pas tellement évidente dans le cadre de la libre circulation des personnes et des biens, mais nous ne pouvons contrôler tous les colis contenant un ou quelques petits pots. Ces dernières semaines, on a constaté — pas en Belgique — que des contrefaçons de médicaments étaient expédiées dans des emballages originaux. Le douanier doit donc ouvrir presque toutes les boîtes, ce qui n'est pas évident.

En ce qui concerne les laboratoires, nous sommes encore loin d'un contrôle efficient sur les matières premières nécessaires à la fabrication de produits dopants. Une cellule Précurseurs travaille déjà de façon remarquable mais nous devons hélas constater une nouvelle augmentation de la disponibilité de produits interdits, malgré toutes les possibilités de contrôle. La preuve en est la baisse du prix de l'ecstasy et des produits similaires. Je crains une suroffre.

M. Jacques Germeaux (VLD). — J'ai lu dans la presse que des millions d'Américains achètent leurs médicaments à l'extérieur des États-Unis, non seulement par Internet mais également au cours de voyages au Canada et au Mexique.

M. Struys dit à juste titre qu'il est particulièrement difficile de contrôler tous les colis entrants et qu'il est peut-être utopique d'interdire ces envois. Je ne sais pas si cela est effectivement aussi utopique. Finalement, ce sont quand même les pharmacies qui distribuent les médicaments. M. Struys a-t-il une idée de la situation en Belgique concernant les colis en provenance de l'étranger ? Il est tout de même effrayant qu'un emballage d'aspirine par exemple soit utilisé pour envoyer de nombreux médicaments dangereux. A-t-il une idée de la situation ou peut-il l'estimer ? De quels moyens devrait-il disposer pour travailler de manière plus efficace ?

M. D. Struys. — J'ai l'impression que des médicaments sont frauduleusement exportés vers des pays dont le système de sécurité sociale est moins bon que le nôtre. Je veux parler des États-Unis. Je pense que, dans notre pays, des médecins prescrivent des médicaments remboursés par la mutuelle et que ceux-ci sont ensuite envoyés aux membres de la famille de l'assuré, aux États-Unis.

À ce jour, je ne connais qu'un seul exemple où nous avons découvert des produits différents de ceux que l'on aurait dû trouver dans l'emballage. Nous avons fait parvenir les données à M. Vancauwenberghe. Il pourra sans doute donner plus de détails. J'ai oublié les noms des produits. Je me rappelle que l'envoi contenait une contrefaçon du Viagra et un médicament contre la lèpre.

M. D. Struys. — La tâche des services de contrôle, en particulier celle de la douane, serait simplifiée si nous pouvions retirer les médicaments de chaque envoi que nous contrôlons. Une loi dans ce domaine rendrait les choses plus explicites.

En ce qui concerne les moyens de contrôle, je souhaiterais que les services de contrôle de M. Vancauwenberghe soient présents sur l'aéroport, pendant une semaine complète au moins, afin que nous leur soumettions tout envoi contenant des médicaments. Ce sont en effet ses services qui sont compétents en la matière et non les nôtres.

En ce qui concerne le transport de produits chimiques, les choses sont encore beaucoup plus difficiles. Nous sommes confrontés à des dénominations d'échantillons, à des degrés de pureté, au problème de la toxicité ou non des produits etc.

Mme Annemie Van de Casteele (VLD). — Je peux difficilement m'imaginer en quoi consiste votre travail. Pouvez-vous nous dire combien de colis entrent chez vous et combien de personnes sont impliquées dans le contrôle ? Que faites-vous d'un colis destiné à un autre pays européen ?

M. Philippe Mahoux (PS). — En deux ans, combien avez-vous détecté de colis contenant des substances illégales ?

M. D. Struys. — Notre équipe compte une dizaine de personnes. Nous nous occupons en priorité de la détection de la drogue. L'année dernière, notre équipe a fait plus de 500 constats de plus ou moins grande importance, et nous avons eu plus de 300 dossiers de contrefaçons. Je n'ai pas en tête le nombre de dossiers ayant un rapport avec des médicaments. M. Vancauwenberghe est certainement plus au courant puisque chaque dossier de ce genre est immédiatement transmis à ses services. Il s'agit en tout cas de dizaines de dossiers.

Nous ne devons certainement pas rougir de nos résultats, comparativement à d'autres aéroports, mais si nous recevons plus de moyens, nous détecterons certainement davantage de drogue.

M. Philippe Mahoux (PS). — Pourrait-on verser au rapport de la commission les statistiques dont vous disposez reprenant le nombre de contrôles effectués, la méthode utilisée et le nombre de détections qui en ont résulté ?

M. D. Struys. — Je n'ai pas les statistiques sous la main mais je peux demander au service de la direction nationale des Recherches de vous les faire parvenir.

Notre méthode de travail est basée entre autres sur l'analyse de risques. Deux mille huit cents tonnes de marchandises passent chaque jour à l'aéroport de Zaventem. Il est impossible de tout contrôler. Nous devons nous concentrer sur les envois à plus haut risque.

Outre l'analyse de risque, existent aussi les contrôles effectués au hasard. Nous contrôlons ainsi des envois en provenance d'Espagne ou à destination de l'Italie. Ces contrôles sont également utiles et nécessaires : nous avons notamment découvert un demi-kilo de cocaïne dans un colis envoyé en Italie.

M. Patrik Vankrunkelsven (VLD). — Si je vous comprends bien, vous êtes confronté à une mission quasi impossible et vous vous limitez par la force des choses aux envois les plus volumineux tels que les colis postaux. Le dopage étant pour certains une activité individuelle échappant souvent à tout contrôle médical, il serait utile de pouvoir contrôler les petits envois. Ai-je raison de conclure de vos propos que les envois individuels sous forme de lettre ne sont pas contrôlés ?

L'aéroport ne représente qu'un petit pourcentage du total des importations. La majeure partie des envois transitent par La Poste; font-ils l'objet d'un contrôle ?

M. D. Struys. — On ne peut pas dire que nous ne contrôlons pas les lettres. Nous sommes tenus par le secret postal, qui nous interdit de contrôler un envoi dont tout laisse à supposer qu'il s'agit une lettre. Quant aux enveloppes susceptibles de contenir des substances douteuses, la législation douanière nous autorise à les ouvrir dans certaines circonstances, mais les chances d'y découvrir de grandes quantités de produits sont minimes, raison pour laquelle l'essentiel de nos contrôles ne portent pas sur les lettres. Mais comme l'a expliqué M. Vancauwenberghe, des centaines de lettres provenant d'Espagne ont déjà été interceptées. On envoie des substances interdites tant par les services de courrier exprès que par La Poste. Dans le premier cas toutefois, l'envoi n'est pas anonyme : le nom de l'expéditeur doit être mentionné. En outre, ces colis, qui échappent au secret postal, sont susceptibles d'être ouverts dans le cadre de mesures de sécurité. Par contre, un colis postal est simplement glissé dans une boîte, le nom et l'adresse de l'expéditeur pouvant avoir été choisis au hasard dans l'annuaire téléphonique. L'envoi d'un colis par le biais d'un service de courrier exprès est traçable. On peut toujours vérifier où se trouve l'envoi, ce qui n'est pas le cas en ce qui concerne La Poste. L'anonymat constitue le principal attrait des envois postaux.

Nous contrôlons les envois postaux deux fois par jour. Voici une dizaine d'années, le contrôle portait essentiellement sur les envois en provenance des pays producteurs de drogue. Vu le succès de l'ecstasy et les nombreux constats établis par mon service et d'autres, nous avons à présent l'obligation morale de contrôler également les envois sortants. Le volume de travail a donc fortement augmenté.

Nous travaillons quelques heures chaque jour dans les locaux de La Poste. Grâce à cette collaboration, notre rendement est meilleur.

M. M. Willekens. — Depuis que j'ai quitté la police fédérale, où m'a succédé M. Van den Boeynants, je travaille à la police locale de la zone de police Kempen-Noordoost (nord-est de la Campine).

M. J. Van den Boeynants. — Je suis commissaire à la police fédérale. Depuis le 3 mars 1997, je travaille pour la cellule des hormones. Notre travail a toujours porté sur l'élevage, mais à la fin de l'année dernière, notre directeur général a décidé que notre cellule devait aussi traiter le dopage humain.

M. M. Willekens. — Je commencerai par vous décrire mon cheminement, en tant que policier, par rapport à la lutte contre le dopage. Vous comprendrez mieux mon intérêt pour le sport lorsque je vous aurai dit que je suis par ailleurs entraîneur au BLOSO.

Dans la Campine septentrionale, je dirigeais une section drogues. Dans les années quatre-vingt, lorsque le bodybuilding est devenu à la mode, j'ai constaté que de nombreux dealers et jeunes utilisateurs de drogue fréquentaient également les salles de fitness et prenaient toutes sortes de produits, interdits ou non. Je m'entraînais moi-même souvent dans ces centres. J'ai consommé tous les produits légaux, qui me faisaient toutefois peu d'effet. Selon mon médecin, que j'ai interrogé à ce sujet, les produits que j'avais pris étaient totalement inutiles. Il m'a montré entre trente et quarante boîtes d'anabolisants. Ce médecin, qui comptait une équipe de cyclistes parmi ses clients, m'a même proposé d'essayer ces produits.

Quelques mois plus tard, j'ai contrôlé à la frontière belgo-hollandaise une voiture conduite par l'exploitant d'un centre de fitness de la Campine méridionale. Le coffre contenait deux grands sacs-poubelles remplis d'anabolisants. C'est alors que tout a commencé. J'ai pris contact avec tous les services concernés, y compris le Bureau central des Recherches de l'ex-gendarmerie. Je n'ai jamais reçu de réponse. Je me suis dès lors formé en autodidacte et, finalement, j'ai été engagé en 1997 au Service central Drogue de la police fédérale.

J'ai eu la possibilité, dans ce cadre, de développer et de coordonner des projets. Je voulais notamment développer un projet de lutte contre les produits dopants, en pensant davantage aux jeunes des centres de fitness qu'aux sportifs. Il faut savoir que les produits dopants sont souvent consommés sous forme de cure. Une partie des utilisateurs, dépourvus d'ambition sportive, veulent surtout pouvoir exhiber un beau torse sur la plage en été. Les cures commençant en février-mars; nous entrons donc en action à la même période.

À l'époque, personne, dans les services de police, ne connaissait la nature exacte des produits. J'ai réuni dans une banque de données toutes les informations recueillies à ce sujet, notamment auprès de pharmaciens et de médecins ou encore sur l'Internet. L'honnêteté m'oblige à dire qu'à ce jour, les services de police n'ont pas encore utilisé cet outil.

On a l'impression, lorsqu'on parle de dopage, de s'adresser aux murs. Ce matin encore, la presse évoquait la lutte contre le dopage comme un jeu d'enfant : personne ne se dope et les sportifs contrôlés positivement sont innocents !

La problématique du dopage a eu du mal à trouver sa place dans les services de police; j'ignore ce qu'il en est actuellement. Certains produits sont des drogues illégales qui relèvent donc du Service central Drogue de la police fédérale. D'autres, comme les produits hormonaux, également utilisés en médecine vétérinaire, concernent la cellule des hormones. À la fin des sept années que j'ai passées à Bruxelles, ce problème n'était toujours pas résolu, ce qui s'explique par des querelles et par un manque de collaboration entre certaines directions.

De plus, le sujet suscitait peu d'intérêt, y compris au sein de la cellule des hormones.

Nous avons alors pris contact avec différents ministères, où nous fûmes bien accueillis. Les médecins contrôleurs sollicitent l'intervention de la police. En vertu d'un décret de la Communauté flamande, un médecin contrôleur peut en effet demander une assistance policière s'il pressent un problème, mais dans la pratique, les policiers n'étaient jamais libres pour ce type de mission. Nous avons résolu le problème en 2002 : conformément à un accord conclu entre les services de police et les médecins contrôleurs de la Communauté flamande, une équipe de police doit toujours être disponible pour les contrôles présumés délicats.

Nous avons également tenté de contribuer à l'élaboration de la procédure administrative. Antérieurement, les médecins contrôleurs devaient remplir une série de documents. Un bon avocat réussissait presque toujours à obtenir la libération d'un athlète pour vice de forme.

Les nouveaux formulaires de la Communauté flamande, qui ressemblent à des procès-verbaux normaux, sont utilisés depuis deux ans.

La lutte contre les produits dopants, qui n'était pas considérée comme prioritaire par la police, a donc toujours été négligée. Ma frustration à cet égard m'a d'ailleurs amené à quitter le poste que j'occupais à Bruxelles pour relever de nouveaux défis.

M. J. Van den Boeynants. — Je n'ai pas grand-chose à ajouter au témoignage de M. Willekens. En effet, la décision du directeur général de confier la problématique du dopage humain à la cellule des hormones date seulement de décembre 2003. La première réunion de concertation avec l'administration flamande est prévue pour le 30 janvier. Mon expérience se limite à la collaboration avec différents services d'inspection dans le cadre de la lutte contre l'utilisation d'hormones dans l'élevage.

Il a été convenu entre l'administration flamande et les services de police que l'assistance demandée par l'administration serait organisée par l'organe de concertation. Il s'agissait antérieurement du Service central Drogue. Le contrôle relatif à l'utilisation de produits dopants par l'être humain est aujourd'hui considéré comme une mission de la police locale. Contacté par l'administration flamande à ce sujet, je devrais m'adresser à la police locale. En tant que membre de la police fédérale, je ne peux rien imposer, pas plus d'ailleurs dans ce contexte que dans le cadre de l'utilisation d'hormones dans l'élevage. Ce n'est pas vraiment un problème pour nous, mais je constate que nous avons perdu tout pouvoir en la matière.

Mme Annemie Van de Casteele (VLD). — Je vous remercie pour votre témoignage. Votre découragement me désole, car notre intention était précisément de vous soutenir dans votre combat contre le dopage.

M. Philippe Mahoux (PS). — Existe-t-il une base légale pour effectuer des contrôles sur des adeptes de body-building ? Les règles particulières applicables au sport sont en effet liées à la compétition. Il me paraît logique de s'intéresser aux trafics de substances, y compris ceux organisés par les exploitants de salles de fitness, mais qu'en est-il des utilisateurs qui s'adonnent à une activité individuelle et à qui, sauf erreur de ma part, aucune législation n'interdit de consommer de telles substances ?

M. M. Willekens. — C'est en effet l'un des principaux problèmes auxquels doit faire face la police locale. Il est toutefois possible d'agir contre les personnes qui, sans participer à des compétitions, fréquentent les centres de fitness, mais qui utilisent quand même des produits dopants. Elles achètent ceux-ci soit dans le centre même soit à l'extérieur, à quelqu'un qui n'est pas habilité à vendre des médicaments. Il s'agit de médicaments nécessitant une prescription qu'elles ne sont pas en mesure de produire. Il s'agit très souvent de produits injectables qu'elles s'administrent elles-mêmes.

M. Philippe Mahoux (PS). L'important est que ces substances ne peuvent être délivrées que sur prescription. C'est donc la délivrance qui est réglementée. Le travail qui est effectué est certes important car il vise une question de santé publique, indépendamment de l'aspect relatif au sport, et nombre de body-builders doivent être concernés par cette problématique. Je ne suis pas convaincu qu'il existe une base légale en la matière.

M. J. Van den Boeynants. — J'ajouterai — que M. Vancauwenberghe me corrige si je me trompe — qu'il est interdit de détenir des substances hormonales. Nous pouvons, à cet égard, nous référer, d'une part, à la loi sur la drogue et, d'autre part, à l'arrêté royal du 12 avril 1974 qui, sauf si une autorisation a été délivrée, rend la détention de tels produits passible d'une peine.

M. R. Vancauwenberghe. — Il y a deux possibilités. Si un sportif utilise des anabolisants qu'il s'est procurés à la pharmacie au moyen d'une prescription, on peut se poser la question de savoir si ce médecin a le droit de prescrire ce produit à des fins non médicales. Il appartient à l'Ordre des médecins d'en juger. Si un sportif achète des anabolisants sur le marché noir ou les ramène d'un État membre de l'Union européenne, il tombe sous le coup de la loi fédérale concernant le trafic des substances vénéneuses, plus précisément de l'arrêté royal de 1974, qui impose une autorisation pour la détention de substances à action anabolisante, antibiotique, béta-adrénergique et anti-parasitaire. De tels médicaments n'ont leur place dans l'armoire à pharmacie que s'ils ont été acquis de façon réglementaire, c'est-à-dire auprès d'un pharmacien et au moyen d'une prescription. C'est clair comme de l'eau de roche, mais on peut se demander s'il est déontologiquement acceptable qu'un médecin prescrive des anabolisants pour permettre à son patient d'obtenir un beau torse ou d'augmenter ses performances sportives.

M. Philippe Mahoux (PS). — Le code de déontologie médicale n'est pas totalement d'ordre public. Ici, nous parlons du code pénal. Les médicaments sont soit délivrés légalement, par les pharmaciens, soit obtenus par des circuits illégaux.

Les athlètes pratiquant des sports de compétition sont soumis à des règles strictes en termes de santé et de régularité sportive. Par contre, la consommation personnelle, hors compétition, est un tout autre problème. La question se pose de savoir sur quelles bases légales cette consommation peut être contrôlée. C'est un problème de société fondamental. En matière de « gonflette », les abus sont une réalité préoccupante du point de vue de la santé publique. Vous pouvez bien entendu effectuer des contrôles dans les salles de bodybuilding mais quels sont les moyens à votre disposition pour contrôler la consommation individuelle des adeptes ?

M. M. Willekens. — Notre marge de manouvre à l'égard du consommateur est effectivement très étroite. En tant que policier, une seule possibilité s'offre à moi : vérifier s'il commet des actes punissables, par exemple en posant un acte médical tel que l'auto-injection de produits. Je ne peux pas faire grand-chose de plus.

M. Patrik Vankrunkelsven (VLD). — Pouvez-vous nous communiquer les pourcentages relatifs au nombre de produits obtenus, d'une part, sur le marché noir et, d'autre part, sur prescription médicale ?

M. M. Willekens. — Non, il n'existe pas de chiffres précis, et cela pour des raisons liées à l'organisation de la police. Antérieurement, la majorité des saisies de produits dopants étaient enregistrées soit dans la catégorie des médicaments, soit dans celle des drogues. Aujourd'hui, les statistiques ne nous permettent plus de faire la différence. Seule l'expérience sur le terrain donne une idée des proportions. Mais que valent de tels chiffres ?

M. Patrik Vankrunkelsven (VLD). — L'objectif de cette commission est de pouvoir, en finale, prendre les mesures appropriées. Si les prescriptions médicales sont marginales, nous devrons nous concentrer sur l'autre filière. S'il apparaît que beaucoup de produits sont obtenus via les médecins, c'est dans ce domaine qu'il faudra agir. Je trouve étonnante cette absence totale de statistiques. Lorsqu'on dresse un constat, on doit quand même pouvoir déterminer la manière dont l'intéressé s'est procuré le produit. Les procès-verbaux doivent quand même donner des indications à cet égard. Ces informations n'ont-elles pas été réunies dans une banque de données ?

M. M. Willekens. — Non. La pratique révèle un glissement du marché. Voici vingt ans, il était assez simple d'obtenir une prescription médicale permettant d'acheter de petites quantités de produit en pharmacie. Le travail mené par l'inspection de la pharmacie a contribué à limiter le phénomène. En effet, des médecins ont été rappelés à l'ordre et des pharmaciens, sanctionnés.

De nombreux jeunes de ma région viennent régulièrement me trouver pour me montrer des boîtes, malheureusement vides. Les filières illégales ont proliféré ces deux ou trois dernières années. Le mois passé, j'ai reçu une boîte portant des indications en russe; je n'ai pu déchiffrer que la date de péremption. Le mois précédent, on m'avait apporté un produit australien, destiné aux chevaux de course. Ce produit est vendu au centre de fitness de Turnhout !

M. Jacques Germeaux (VLD). — J'ai, en tant que médecin, accompagné des toxicomanes pendant douze ans dans le cadre d'un projet « méthadone ». J'ai vu les mêmes circuits d'échange de produits douteux dans le milieu sportif.

J'ai aussi participé à une intervention policière dans le cadre d'une affaire de prescription frauduleuse. Un médecin véreux prescrivait des produits normalement destinés aux malades du cancer et qui étaient censés éliminer les problèmes de développement exagéré des glandes mammaires chez les culturistes. La prescription était établie au nom de la mère, qui n'était pas atteinte du cancer. C'est ainsi que l'INAMI a détecté la fraude et qu'une perquisition a eu lieu au domicile du patient et à la pharmacie. J'ai assisté à des faits incroyables dans le milieu du bodybuilding, par exemple à l'échange de produits dûment prescrits contre des hormones de croissance.

On vient de faire allusion à la fusion des cellules drogue et hormones. Il s'agit pour moi à tous égards d'une avancée. Le directeur de l'Agence fédérale pour la sécurité alimentaire n'a-t-il pas récemment confirmé l'intérêt porté par la mafia des hormones à la sphère sportive ?

Le sportif de haut niveau n'est pas le seul concerné. J'ai rencontré des utilisateurs non sportifs dont l'ambition était de pouvoir frimer à la piscine ou devant leur miroir. L'usage de ce type de produits s'est fortement généralisé. S'ajoutent maintenant à la liste les compléments alimentaires que l'on peut commander sur l'Internet. Sans oublier que de nombreux médecins ont encore la plume facile en matière de prescriptions.

Pourriez-vous, monsieur Willekens, nous communiquer le syllabus que vous avez constitué ?

Quelle est, selon vous, l'ampleur du recours à de tels produits ? On dit souvent que le cannabis est largement utilisé dans les milieux sportifs. Personnellement, je connais surtout les cocktails de médicaments, les amphétamines et les anabolisants. En outre, l'utilisation varie considérablement selon la saison et la nature du divertissement. Avez-vous une idée de la diffusion de ce phénomène, non seulement auprès des jeunes, mais dans la population tout entière ?

M. M. Willekens. — Ce sont surtout les jeunes qui nous demandent des informations. J'ai donc peu d'éléments quant au comportement des adultes en la matière.

Tous les jeunes ne fréquentent pas les salles de fitness. Tous les jeunes ne rêvent pas de pouvoir exhiber un beau torse sur la plage. Il y a moins de jeunes qui fréquentent ces salles que de jeunes qui consomment des drogues illégales, mais ils sont suffisamment nombreux pour donner lieu à un problème de santé publique.

Mme Annemie Van de Casteele (VLD). — Pouvez-vous nous faire parvenir votre syllabus ?

M. M. Willekens. — Bien sûr. L'ADEPS en dispose déjà.

M. R. Van Cauwenberghe. — Selon moi, l'usage illégal de substances n'est pas beaucoup plus important que la prescription légale d'anabolisants par les médecins. Je souhaiterais presque la légalisation des anabolisants — dûment prescrits — à des fins non thérapeutiques, précisément pour éliminer les circuits parallèles. C'est là en effet que se situe le grand problème de santé publique. Les quelques médecins qui prescrivent des anabolisants sans objectif autre que d'améliorer l'apparence de leurs patients nous confrontent à la question de savoir si nous pouvons autoriser un tel usage. Le monde politique devra donner une réponse claire à cette question.

Les déclarations faites dans les médias nous scandalisent, notamment celles de M. Camps, pour qui ces substances devraient être autorisées, puisque tous les sportifs de haut niveau en consomment. Nous sommes confrontés quotidiennement à ce dilemme. Nous trouvons des anabolisants de mauvaise qualité, fortement sous-dosés. Nous trouvons des substances dont l'étiquetage est totalement faux. Face à de telles découvertes, nous préférons un médecin qui prescrit de bons produits et qui suit son patient. Il appartient au monde politique de trancher la question.

3. Audition du 4 février 2004

Audition avec :

— M. F. Schins, procureur général près la cour d'appel de Gand;

— M. J. Sabbe, substitut du procureur général près la cour d'appel de Gand;

— M. L. Misson, avocat;

— Mme D. Gavage, avocat.

M. F. Schins. — Je remercie la commission de son invitation qui me donne l'occasion d'exposer brièvement notre action en matière de lutte contre le dopage et d'en préciser les limites.

Je parlerai d'abord du rôle du ministère public avant la régionalisation de cette matière. À l'époque déjà, nous savions bien que le problème du dopage existait chez les sportifs. L'approche de cette problématique était assez simple. Dans les parquets une personne était chargée de l'application de la législation nationale en la matière. Comme il n'existait pas de liste des produits interdits, il appartenait aux services judiciaires de déterminer si une substance devait ou non être considérée comme dopante.

Concrètement, des accords étaient régulièrement conclus entre le parquet et les services de police, généralement les BSR de la gendarmerie, afin d'organiser des contrôles ponctuels chez des sportifs soupçonnés de recourir à des produits dopants. L'approche était traditionnelle : les services de police descendaient sur place accompagnés d'experts judiciaires désignés. Des échantillons d'urine étaient prélevés et analysés par les experts. Les intéressés étaient informés et l'enquête commençait.

Il s'agissait d'une approche intégrale selon la méthode policière classique qui ne se limitait pas au prélèvement et à l'analyse d'échantillons. Les bagages, les vestiaires, les véhicules des soigneurs étaient également inspectés. Ainsi on pouvait enquêter sur la chaîne entière, parfois en plusieurs endroits simultanément.

La régionalisation de la matière a modifié la situation. Le but de mon exposé n'est pas de commenter ou de critiquer la nouvelle approche. En tant que magistrat je ne suis pas compétent pour le faire. Je le suis toutefois pour décrire les conséquences de la régionalisation. Les différents parlements — aux niveaux fédéral et régional — pourront en tirer les conclusions.

Actuellement la philosophie est tout autre. Le sportif n'est plus punissable pour des pratiques de dopage, il peut seulement faire l'objet de mesures disciplinaires. C'est pourquoi l'approche classique avec parquet et services de police ne peut plus être suivie dès le départ.

Si tout va bien, nous sommes informés après coup que l'un ou l'autre sportif a été trouvé positif. Nous ne sommes toutefois pas présents lors du prélèvement des échantillons, nous ne pouvons ni fouiller les bagages, ni contrôler les véhicules, ni inspecter les chambres. Il arrive que la presse fasse état de l'une ou l'autre action mais dans la plupart des cas il s'agit d'une action résultant d'une enquête en cours ou qui a été ouverte sur la base d'indices d'infraction à la législation fédérale.

L'approche est donc totalement modifiée. Nous avons dès lors été extrêmement surpris lorsque fin 1998, tant le Vlaams Parlement que le gouvernement flamand nous ont reproché que les parquets et les services de police n'étaient pas suffisamment actifs face à la problématique du dopage.

Le 4 décembre 1998 a marqué un tournant, lors d'une audition organisée par la commission compétente du Vlaams Parlement au cours de laquelle les deux parties — nous et les politiques — ont mis en évidence quelques points chauds. Début 1999 une concertation bien structurée a été instaurée entre l'administration flamande et le ministère public, épaulé par la suite par la gendarmerie et plus tard par la police fédérale. L'objectif était de faire concorder autant que possible les compétences de l'administration flamandes et celles des parquets.

Cette concertation a débouché sur la rédaction de deux documents. Premièrement, une circulaire commune des procureurs généraux d'Anvers, Gand et Bruxelles, pour les parquets flamands et les arrondissements de Louvain et Bruxelles. Deuxièmement, un protocole conclu en novembre 2000 entre l'administration flamande et les procureurs généraux mentionnés et ayant pour objet une lutte plus efficace contre le dopage en Flandre. Par la suite, ce protocole a été approuvé par les dirigeants politiques compétents.

Je voudrais d'abord faire quelques remarques au sujet des circulaires. Actuellement, il existe deux types de circulaires : celles des procureurs généraux, à titre individuel, pour le ressort propre, et celles du collège des procureurs généraux. Il s'agit ici d'une matière régionalisée qui ne relève pas en tant que telle des compétences du collège des procureurs généraux. Les directives concernant l'application du décret flamand sur le dopage ne peuvent être assumées que par les procureurs généraux compétents dans la partie du pays où la matière est d'application. C'est pour cette raison que nous avons opté pour une approche flamande commune.

La circulaire commune est basée sur le décret flamand de mars 1991, lequel devrait toutefois être adapté. Elle comporte entre autres des indications sur la manière de faire circuler au mieux les constats et les procès-verbaux.

Le parquet général de Gand est désigné comme point central. Cela signifie que les procès-verbaux dressés par les médecins contrôleurs de la Communauté flamande à l'occasion de contrôles de dopage sont adressés via notre parquet au parquet compétent. Théoriquement, l'inverse est aussi possible. Il arrive qu'à l'occasion d'une manifestation sportive, un membre de la police locale ou fédérale constate certains faits indiquant le recours au dopage. En vue de l'application du décret sur le dopage, notre parquet transmet alors le procès-verbal en question à l'administration compétente afin qu'elle puisse le cas échéant prendre les sanctions disciplinaires.

Le parquet général de Gand ne fait pas simplement office de boîte aux lettres. Il entretient également des contacts avec un point de communication central au sein des services de police, la cellule des drogues à la direction générale de la police fédérale, l'ancien BCR de la gendarmerie. Cette cellule s'occupe des aspects politiques du problème de la drogue en général, en ce compris désormais le dopage. Ce service a énormément de travail avec ce problème, ce qui ne lui laisse que peu de temps pour s'attaquer au dopage.

Chaque année nous recevons aussi de tous les parquets de Flandre une liste de tous les dossiers ouverts pour des infractions à la législation sur le dopage.

Voilà ce que je tenais à dire concernant les circulaires communes en vigueur dans les arrondissements flamands.

Ces mêmes acteurs ont aussi conclu un protocole concernant la lutte contre le dopage, lequel prévoit que chaque partie s'efforcera, dans le cadre de ses compétences propres, de contribuer à la prévention et à la lutte contre les pratiques de dopage. Cela suppose :

— l'ambition d'une pratique du sport responsable du point de vue médical;

— l'obtention d'une vue globale des mécanismes qui conduisent aux pratiques de dopage;

— la prévention des pratiques de dopage;

— le maintien des normes décrétales;

— la collecte, le traitement, l'échange et la gestion d'informations relatives aux délits de dopage, axés sur les résultats.

Un groupe de travail Dopingbestrijding in Vlaanderen a été constitué pour organiser la concertation entre les acteurs. Il est composé de représentants de l'administration flamande, des trois parquets généraux et de la police fédérale.

L'inspection pharmaceutique n'en fait pas pleinement partie, mais est associée lorsque cela peut s'avérer utile pour la concertation. La première réunion de concertation s'est tenue en octobre 2001et la plus récente, qui date du 30 janvier dernier, était déjà prévue avant l'invitation à nous présenter devant la commission. Je le précise afin d'écarter toute suspicion.

En Wallonie, il existe également un décret relatif au dopage. Il date du 8 mars 2001. Depuis son entrée en vigueur, nous n'avons aucune information sur ses conséquences dans la pratique. C'est probablement dû au fait que le décret ne prévoit pas d'information du ministère public.

En dépit de ce manque d'information, il y a lieu de souligner que certains problèmes en Wallonie méritent l'attention du législateur national et justifient une approche fédérale.

Pour la suite des explications, je laisse la parole à mon collègue M. Sabbe, qui est substitut du procureur général à Gand et donc un de mes collaborateurs. En sa qualité de magistrat de complément du Collège des procureurs généraux, il accomplit depuis des années un travail méritoire dans les domaines des résidus de substances et de la sécurité alimentaire. Cela a commencé avec la question des hormones. Finalement, il est apparu que l'utilisation d'hormones lors de l'engraissage d'animaux n'est pas la seule pratique susceptible de causer des problèmes de santé à la population et qu'il existe d'autres pratiques abusives. La mission confiée à l'époque à M. Sabbe s'est donc peu à peu amplifiée. Il s'intéresse désormais aussi à la question de la drogue. Il vous expliquera quel rapport il peut y avoir entre une vache engraissée et un cycliste un peu trop performant. Il commentera aussi les répercussions des plus récentes modifications de la loi du 24 février 1921 par la loi programme du 31 décembre 2003. Ces modifications créent en effet de nombreux problèmes.

M. J. Sabbe. — Je commence par la cellule multidisciplinaire des hormones. Sauf erreur, M. Van den Boeynants, membre de cette cellule, s'est déjà exprimé ici. L'idée d'une telle cellule multidisciplinaire date du début des années 90. À l'époque, à la suite du problème des hormones dans le district de gendarmerie de Roulers, une cellule similaire avait déjà été créée. En 1995, cette cellule a été transformée en cellule nationale des hormones. Les recherches concernant ces pratiques et les informations obtenues ont été centralisées à Bruxelles. En 1997, cette cellule a pris sa forme actuelle. Elle est désormais multidisciplinaire parce que tous les services concernés — services d'inspection, services de police, ministères des Finances, de l'Agriculture, de la Santé publique — y sont représentés.

La lutte contre les hormones dans l'engraissement a démarré au bas de la pyramide. Avant la loi de 1985, des contrôles étaient bien effectués mais les moyens étaient nettement plus limités. Avec la loi de 1985, nous disposions des moyens permettant de mener la lutte. En commençant à l'échelon inférieur, toutes les informations ont été réunies et une analyse stratégique a permis de décrire le phénomène.

Ce n'est qu'après plusieurs années que le trafic d'hormones a pu être décrit et qu'on a pu s'attaquer à la criminalité dans ce domaine.

Le lien a été établi avec l'utilisation d'anabolisants dans les milieux sportifs. Nous avons découvert que ceux qui s'occupent de la fabrication, de la distribution et de la livraison de produits hormonaux s'adressent essentiellement à deux milieux, d'une part l'engraissement dans le monde de l'élevage et d'autre part le monde sportif. Il s'agit dans une grande mesure des mêmes produits, bien qu'ils soient conditionnés en flacons et à administrer par injection pour une filière et présentés en ampoules et boîtes de carton pour l'autre filière.

L'utilisation des anabolisants dans le monde sportif doit être comprise au sens large. Les sportifs ne sont pas les seuls concernés puisque ces produits sont également administrés aux animaux dans le monde sportif. Les filières s'adressent au sport hippique, à la colombophilie, aux courses de chiens, etc. Qu'elles visent le sport ou l'engraissement, elles relèvent de la criminalité organisée.

On peut aussi s'approvisionner via internet. Celui qui pratique un sport peut y rechercher individuellement le produit qui lui semble le plus adapté. En Amérique de tels produits ne sont généralement pas désignés comme étant des drogues et certains y sont en vente libre. Grâce à internet, nos sportifs ont donc accès aux marchés extérieurs.

Dès qu'il est question de criminalité organisée ou de personnes qui fabriquent ou fournissent des produits dopants à grande échelle, nous découvrons des liens entre le monde de l'engraissement et celui du sport.

Après ces constats, nous avons recherché un moyen de mieux décrire le phénomène du dopage. Il y a un peu plus de deux ans, nous nous sommes informés auprès de la police fédérale. De plus en plus, notre parquet général demandait à police fédérale de mettre à la disposition de la Cellule multidisciplinaire des hormones, plutôt qu'à celle des drogues, les données relatives à la lutte contre le dopage telles qu'elles figurent dans les procès-verbaux des médecins contrôleurs. Nous avions en effet conclu de nos contacts avec la police fédérale que la Cellule des drogues ne pouvait assurer le traitement des données relatives à la lutte contre le dopage. Elle était submergée par la quantité d'informations concernant des stupéfiants comme la cocaïne, l'héroïne et la marijuana, un phénomène considéré comme plus important et prioritaire.

Nous avons tenté de démontrer à la police fédérale, et plus particulièrement au directeur général du pilier judiciaire, le rapport étroit qui unissait les hormones dans le monde de l'engraissement et le dopage dans le monde sportif. Il s'agit des mêmes produits et des mêmes fournisseurs. Nous avons insisté aussi sur le fait que toute information relative au dopage pouvait nous être utile.

Nous avons perçu une certaine réticence et il a fallu du temps avant qu'il ne soit décidé de transmettre les dossiers d'une cellule à l'autre. Notre première demande remonte à avril 2002 et ce n'est qu'en novembre 2003 que nous avons obtenu satisfaction.

En décembre 2003, la transmission des informations est devenue effective. Les dossiers de l'administration flamande ou des services de police locale et fédérale sont désormais centralisés à la Cellule multidisciplinaire des hormones. Celle-ci les utilisera pour évaluer toute la pyramide.

Dans ce même contexte, nous avons entrepris des démarches en vue d'institutionnaliser au niveau politique une modification du mandat de cette cellule. Au début de la législature, nous avons adressé à la ministre de la Justice, une note lui demandant d'adapter le mandat. Cette note est toujours à l'étude. L'objectif serait d'étendre le mandat de la Cellule multidisciplinaire des hormones à tout ce qui a trait au trafic d'hormones, essentiellement les anabolisants. Un collaborateur de la ministre m'a dit ce matin qu'une réunion intercabinets est prévue la semaine prochaine. Les documents sont traduits et ce point pourrait être inscrit à l'ordre du jour du conseil des ministres à la fin de ce mois. Nous attendons sous peu une décision définitive.

La Cellule multidisciplinaire des hormones n'a pas attendu une décision politique pour établir des contacts avec des spécialistes de la lutte contre le dopage, notamment le Dr. Jan Verstuyft, membre du COIB. Nous tentons d'établir un parallèle entre les produits découverts dans le cadre du dopage humain et ceux découverts dans le domaine de l'engraissement. On examine aussi si les laboratoires peuvent apprendre l'un de l'autre. Les analyses relatives à l'engraissement qui relèvent de la réglementation fédérale et les analyses relatives au dopage qui relèvent de la législation régionale doivent être effectuées dans les laboratoires accrédités spécifiques. Ce ne sont donc pas les mêmes laboratoires qui procèdent aux deux types d'analyses. Les analyses de dopage s'effectuent uniquement dans le laboratoire du professeur Delbeke et les contre-analyses à Cologne ou à Paris. Le laboratoire du professeur Delbeke ne fait pas d'analyses concernant l'engraissement. Par les réunions de concertation, nous tentons de voir si un échange d'expertise est envisageable entre les deux catégories de laboratoires. J'ai le sentiment qu'il serait utile que les personnes intéressées se rencontrent plus souvent.

Le 22 octobre 2003, une nouvelle réunion a eu lieu avec les mêmes personnes ainsi qu'avec le professeur Delbeke et l'ingénieur Courteyn du Laboratoire fédéral de l'alimentation.

J'ai l'impression qu'ils peuvent s'apprendre des choses et qu'il serait utile de les réunir plus souvent autour d'une table, à l'avenir.

Je voudrais parler à présent de la collaboration avec les administrations des Communautés flamande, française et germanophone. La collaboration avec chacune d'elles est très différente.

Comme l'a dit le procureur général, la collaboration entre la justice, la police et la Communauté flamande a connu un tournant après les auditions organisées par le Vlaams Parlement le 4 décembre 1998. Depuis, cette collaboration a notamment permis un meilleur échange de données. En voici un exemple. L'administration avait pris connaissance par la presse d'un cas de dopage. Alors que l'enquête était encore en cours, elle avait demandé au procureur général compétent de pouvoir consulter le dossier. Le parquet général a procuré à l'administration une copie de certaines pièces du dossier sur la base desquelles elle a pu ouvrir un dossier disciplinaire. De cette manière, il a été possible, en cours d'enquête judiciaire, de prendre des mesures disciplinaires à l'égard du sportif en question.

Inversement, il arrive que la police mette des procès-verbaux à la disposition de l'administration ou que celle-ci transmette à la justice les résultats d'analyses d'échantillons effectuées par son médecin contrôleur.

Nous avions quelques réserves quant à la collaboration avec l'administration flamande, particulièrement concernant le calendrier de transmission des procès-verbaux à la police et à la justice. Cette question a été discutée au cours de la réunion du 30 janvier 2004 visant à renforcer encore la collaboration. En tant que représentants de la justice, nous avons insisté pour que l'on modifie la manière dont les procès-verbaux faisant état d'un résultat positif sont mis à notre disposition. Actuellement, lorsque le médecin contrôleur constate qu'une analyse d'un échantillon d'urine d'un sportif est positive, le sportif doit en être informé dans les huit jours et peut demander une contre-analyse. Si les résultats sont à nouveau positifs, il est convoqué devant une commission disciplinaire. Il peut interjeter appel après du conseil disciplinaire. C'est seulement après toutes ces démarches que nous obtenons le dossier.

Nous voulons être informés de toute analyse positive démontrant clairement que le sportif a obtenu le produit de dopage de manière illégale. S'il se l'est procuré par un circuit légal nous ne pouvons pas entreprendre grand-chose sur le plan pénal. Il est en effet toujours possible que le produit ait été prescrit au sportif par son médecin dans le cadre d'une thérapie normale et qu'il ait été acheté normalement dans une pharmacie, mais qu'en fin de compte le sportif s'en serve pour améliorer ses prestations.

Un sportif peut aussi être contrôlé positif pour des produits qu'il a acquis par le circuit illégal. S'il ressort de l'interrogatoire qu'il a acheté ces produits en Pologne, il n'y a plus de relation médecin-patient. Nous n'avons dès lors plus affaire au décret du 27 mars 1991 mais plutôt à la loi du 24 février 1921 sur les substances stupéfiantes ou à l'arrêté royal de 1974 sur les substances hormonales.

S'il ressort des résultats d'analyse que le sportif est entré illégalement en possession de produits interdits, nous souhaitons disposer de ces résultats avant que le sportif soit mis au courant. Nous voulons donc recevoir les résultats d'analyse dans un délai de huit jours. Nous pouvons alors entamer une enquête judiciaire. Au moment de la signification des résultats au sportif, la police peut se trouver sur place et demander une autorisation de perquisition. Nous souhaitons recevoir cette information pour pouvoir nous rendre compte de l'escroquerie.

Outre l'échange de données, nous sommes également associés au travail législatif. Nous avons été invités à une audition au Parlement flamand au sujet de la modification du décret sur le dopage. Nous avons formulé une série de suggestions qui ont entraîné le dépôt d'amendements. Ceux-ci ont entre-temps été adoptés en commission. Le projet de décret sera discuté en séance plénière dans les prochains jours.

Nous voulons sensibiliser les agents de la police locale à la question du dopage et les former en la matière. À cet effet, nous avons pris contact avec l'Ecole de police de Flandre orientale. Si l'administration centrale approuve le dossier, cette école dispensera une formation sur les problèmes de dopage en collaboration avec nous et avec l'administration flamande.

Les choses sont différentes pour la collaboration avec la Communauté française. Le décret francophone relatif à l'interdiction du dopage date du 8 mars 2001 et est donc beaucoup plus récent que le décret flamand. Comme le prévoit l'arrêté d'exécution du 10 octobre 2002, ce décret est entré en vigueur le 24 décembre 2002, soit il y a un peu plus d'un an.

La Communauté française approche le dopage différemment. La compétence des contrôles en la matière n'est pas confiée à des médecins contrôleurs mais à des officiers de police judiciaire. L'intention du législateur étant de confier le contrôle aux fonctionnaires et aux membres du personnel de l'administration de la Communauté française, certains d'entre eux ont acquis la qualité d'officier de police judiciaire et effectuent les contrôles.

Les contrôles se font à l'initiative de la Communauté française ou à la requête des fédérations sportives elles-mêmes. L'échange de données ne figure ni dans le décret du 8 mars 2001 ni dans l'arrêté d'exécution du 10 octobre 2002. Les procès-verbaux établis à la suite d'un contrôle sont conservés à l'administration de la Communauté française. Le décret ou l'arrêté d'exécution n'indique pas que cette information doit être transmise à la justice ou à la police.

On n'indique nulle part que l'information doit être transmise au procureur du Roi. Le législateur est peut-être parti du point de vue que ce transfert d'information n'est pas nécessaire puisque le sportif n'est pas punissable.

Le décret de la Communauté française inflige cependant des peines très sévères à celui qui incite des tiers à pratiquer le dopage. Les personnes de l'entourage du sportif trouvé en possession d'anabolisants, sous quelque forme que ce soit, peuvent être condamnées à une peine de prison de 5 mois à 5 ans et/ou à une amende de 200 à 2 000 euros. Les constatations n'étant pas transmises à la police et à la justice, les poursuites à charge de l'entourage du sportif restent lettre morte. Les parquets ne sont pas informés de la prise d'échantillon et encore moins du résultat.

Les parquets-généraux de Liège et Mons m'ont confirmé que depuis l'entrée en vigueur du décret de la Communauté française, le 24 décembre 2002, aucun cas positif n'a été signalé. Un constat positif donne certes lieu à une procédure disciplinaire, mais les parquets ne reçoivent aucun renseignement sur l'identité des sportifs contrôlés positifs et sur les substances utilisées.

Les sportifs concernés commettent souvent aussi des infractions à des lois fédérales similaires mais, à défaut de communication d'informations de la part de la Communauté française, les parquets ne peuvent le vérifier. Je pense en particulier à des infractions à l'arrêté royal de 1974, à la loi sur les substances stupéfiantes, à l'arrêté royal sur l'usage de substances psychotropes et autres.

Il y a des lacunes évidentes en la matière. Pour autant que j'aie pu le constater, ni le décret ni l'arrêté ne traitent du transfert de données. Et en pratique, il n'y a aucun transfert d'informations.

La Communauté germanophone n'a jusqu'à présent pris aucune initiative législative de lutte contre le dopage. Les projets de décret seraient cependant prêts et pourraient encore être votés et publiés avant les élections.

Pour l'exécution de l'accord de coopération du 19 juin 2001 entre les Communautés flamande, française et germanophone et la Commission communautaire commune, le dernier obstacle a été levé avec la publication le 27 janvier 2004 de l'ordonnance portant approbation de l'accord de coopération par la Commission communautaire commune. L'accord peut donc être exécuté et on peut envisager la création d'un Conseil de coordination.

Pour terminer, j'en viens au problème de la loi du 24 février 1921, appelée loi anti-drogues, qui a été modifiée par la loi-programme du 22 décembre 2003, publiée au Moniteur belge du 31 décembre 2003.

J'ai déjà signalé que les sportifs ou leur entourage surpris en possession de produits dopants qu'ils ont acquis par le biais d'un circuit illégal commettent souvent aussi une infraction à d'autres lois, entre autres celle du 24 février 1921.

Les modifications récentes de ladite loi ont encore compliqué la lutte contre les pratiques de dopage.

L'article 7 a été supprimé et remplacé par un article repris de la loi sur les médicaments. J'ai l'impression que c'est surtout le ministère de la Santé publique qui a pris l'initiative et qui a voulu aligner la loi de 1964 sur les médicaments et la loi de 1921 sur les drogues. Jusqu'au 31 décembre 2003, tous les officiers de police judiciaire et tous les fonctionnaires et agents désignés à cet effet par le Roi avaient la compétence de pénêtrer en tout temps dans les locaux utilisés pour la production, la préparation, la conservation ou le stockage de toutes les substances auxquelles la loi se rapporte : substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiants, psychotropes, désinfectants, antiseptiques et produits pouvant éventuellement servir à la fabrication de substances stupéfiantes et psychotropes, dont les anabolisants. Il suffisait de savoir à quelle adresse les produits tombant sous le coup de la loi étaient fabriqués illégalement pour pouvoir y pénêtrer jour et nuit, même s'il s'agissait de locaux habités. La Cour de cassation s'est clairement prononcée à ce sujet.

Cette disposition est supprimée. Il faut maintenant certains indices. En outre les fonctionnaires de police doivent disposer d'un mandat de perquisition émanant d'un juge d'instruction. Les fonctionnaires spéciaux des Douanes et Accises et du ministère de la Santé publique peuvent pénêtrer entre 5 h et 21 h dans tous les locaux accessibles au public. S'ils agissent en dehors de ces heures ou s'ils veulent pénêtrer dans des locaux habités, ils doivent disposer d'un mandat de perquisition émanant du juge de police.

Il y a donc différentes procédures. Si une infraction est constatée par un fonctionnaire de police, une enquête judiciaire est engagée contre l'accusé. Si le même contrevenant est arrêté par un fonctionnaire spécial, une enquête judiciaire n'a pas nécessairement lieu et on se limite à une enquête préliminaire ou — plus grave — à la procédure d'amende administrative.

Cette procédure figure dans la loi du 24 février 1921. Un fonctionnaire spécial peut ainsi, lors de la constatation d'une infraction, dresser procès-verbal. Selon le législateur ce procès-verbal doit être transmis à un fonctionnaire juriste qui peut proposer une amende administrative. Si cette amende est payée l'action criminelle est éteinte. Sinon le procès-verbal est transmis au procureur du Roi, mais il peut s'écouler cinq à huit mois entre la constatation de l'infraction et la transmission au procureur. Que doit faire le procureur avec une information sur une constatation ayant eu lieu en janvier et dont il n'a connaissance qu'en décembre ? À ce moment, des mesures sérieuses d'enquête ne peuvent plus être prises.

Le ministère public estime que toutes les infractions à la loi du 24 février 1921 ne peuvent en aucun cas être réglées par une amende administrative. Il n'est pas admissible que l'on dresse un procès-verbal à l'égard d'une personne arrêtée avec une grande quantité de substances stupéfiantes ou d'anabolisants, que ce procès-verbal soit transmis à un fonctionnaire juriste et que cette personne s'en tire avec une amende de quelques milliers d'euros. Aucune mention n'apparaît alors au casier judiciaire et l'affaire n'est inscrite dans aucun registre. On ne pourra par conséquent se référer à l'avenir à aucun signalement global de cette personne. C'est totalement irresponsable. À cet égard les dispositions initiales de la loi du 24 février 1921 doivent être rétablies.

M. Schins. — Je me rallie aux remarques de M. Sabbe sur la modification de la loi sur les drogues par la loi-programme de décembre 2003.

Je veux attirer l'attention sur le problème des différentes procédures des diverses lois pénales spéciales. La loi sur les drogues est un bel exemple du fait que nous sommes en train de mettre en place un traitement inégal des contrevenants.

Ainsi, lors d'une infraction à la loi sur les drogues, le fonctionnaire compétent peut effectuer les constatations nécessaires, ce qui peut donner lieu à des amendes administratives. Si un fait identique est constaté par un agent de police, une enquête judiciaire est ouverte qui doit être exécutée suivant les règles du Code pénal. Cela implique qu'à la fin de l'enquête, une décision de la chambre du conseil, éventuellement de la chambre des mises en accusation, doit intervenir. À ce moment l'opportunité politique ou la possibilité de classement sans suite dont dispose le ministère public ne peut plus jouer.

Ce système peut engendrer un traitement inégal. Si un citoyen commet des actes répréhensibles et qu'un agent de police effectue l'enquête, ce citoyen tombe sous la coupe de la justice. Lorsqu'un fonctionnaire ouvre une enquête, il peut recevoir un ordre de perquisition du juge de police et établir un procès-verbal qu'il transmet au fonctionnaire juriste. L'affaire est alors close. C'est une approche fondamentalement différente. Je la comprends, mais seulement jusqu'à un certain point.

Chaque ministre veille en effet à ce que ses fonctionnaires reçoivent certaines compétences de police judiciaire pour les matières relevant de sa compétence. Il y a des milliers de législations spéciales qui mentionnent chacune que les infractions peuvent être constatées par les fonctionnaires désignés par le Roi, sans préjudice des compétences des officiers de police judiciaire. Ce système existe depuis des dizaines d'années et entraîne de nombreux problèmes.

Nous devons faire attention lorsque nous attribuons des compétences aux fonctionnaires concernés. Dès qu'ils dépassent la tâche d'un simple agent de police, il y a inévitablement traitement inégal à un moment donné. Voici quelques dizaines d'années, je devais rédiger une circulaire sur une nouvelle loi. J'ai alors observé que le fait pouvait donner lieu à onze approches différentes au moins en fonction de la qualité de celui qui effectue la constatation. Je pensais que nous étions maintenant plus raisonnables et plus prudents dans l'octroi de compétences aux fonctionnaires concernés, mais les problèmes deviennent manifestement encore plus importants.

Mme Annemie Van de Casteele (VLD). — Nous sommes en commission des Affaires sociales. Le problème que vous soulevez devrait être examiné par des juristes. Une loi-programme contient tant d'articles que nous ne pouvons pas nous y attarder.

M. Patrik Vankrunkelsven (VLD). — Depuis que les discussions sur la régionalisation d'une série de matières dans ce domaine ont commencé, les choses iraient moins bien et le ministère public aurait perdu une série de compétences. Je croyais pourtant que le ministère public était associé à la concertation avec la Communauté flamande, voire avec la Communauté française. Ou n'y a-t-il eu aucune concertation ?

M. F. Schins. — Le décret flamand date de mars 1991. La concertation a commencé après les auditions en décembre 1998. Je ne me souviens pas que nous ayons été consultés lors de la mise au point de ce décret.

M. Jacques Germeaux (VLD). — Les intervenants n'ont pas critiqué la régionalisation. J'ai cependant entendu des critiques sur la dépénalisation qui est une conséquence directe du décret de 1991. Faut-il suivre en premier lieu la loi de 1921 ou le décret de 1991 ? Ou doivent-ils tous deux être appliqués de la même façon ?

Mme Mia De Schamphelaere (CD&V). — Toutes les difficultés sont en rapport avec la disposition sur la dépénalisation dans le décret de la Communauté flamande. L'article 44 dispose clairement que la dépénalisation ne concerne que le sportif. Cela n'empêche pourtant pas le ministère public d'intervenir contre tous les autres acteurs concernés par les pratiques du dopage, notamment les producteurs, les trafiquants, les prescripteurs illégaux ?

Mme Annemie Van de Casteele (VLD). — Je me rallie à cette question. La loi fédérale sur les médicaments et la loi fédérale sur les drogues continuent à exister. Des peines peuvent donc être prononcées. Le fait que des peines disciplinaires soient infligées après les contrôles de dopage organisés par les communautés ne peut pas empêcher qu'un fait punissable selon la loi fédérale demeure un fait punissable.

M. F Schins. — Nous ne nous prononçons pas sur l'opportunité de sanctionner certains comportements qu'un parlement quel qu'il soit veut punir, avec des sanctions classiques ou d'une autre manière. Nous sommes un service exécutif et non un législateur.

Nous sommes peut-être les premiers à demander d'être déchargés d'une série de matières. Tous les parquets, les parquets-généraux et les instances pénales sont surchargés. J'ai encore déclaré récemment dans la presse que nous devions faire preuve de plus d'ingéniosité pour rechercher des sanctions adéquates à certains comportements. Il ne doit pas toujours s'agir de peines de prison ou d'amendes. Les prisons sont surpeuplées et les amendes ne sont pas ou rarement perçues. Les peines de travail ne sont pas toujours une solution. Récemment, un condamné s'est vu infliger une peine de travail de 60 heures ou un emprisonnement subsidiaire de 2 mois. L'intéressé ne s'est pas présenté pour la peine de travail. Après l'avoir retrouvé, on n'a pas pu lui faire effectuer la peine d'emprisonnement subsidiaire parce que ce type de peine n'est pas exécutée.

On peut donc parler longtemps de l'opportunité de la pénalisation. Nous sommes parfois très heureux que certaines actions ne soient pas sanctionnées avec les peines classiques.

Le médecin, le trafiquant, le pharmacien, le vétérinaire malhonnête sont encore soumis aux sanctions classiques. Notre première source pour saisir cette chaîne est le sportif lui-même. Vu que les services de police, sous la direction du parquet et accompagnés d'experts, posaient autrefois le premier acte, l'enquête pouvait immédiatement être menée auprès de ceux qui nous intéressaient vraiment. Le ministère public était toujours plus attentif à ceux qui livraient les produits et gagnaient beaucoup d'argent qu'au sportif lui-même qui était en fait une victime. Bien que cette pratique subsiste, nous constatons qu'il est peu judicieux de commencer une enquête avec des données datant d'un an ou un an et demi.

Lorsqu'on prélève un échantillon sur un sportif, toute la chaîne est alertée. Dans la demi-heure tous les autres sont au courant; s'ils possédaient encore des restes de produits, ils s'en sont débarrassés. Pour l'intervention judiciaire classique, l'effet de surprise est toujours une des meilleures méthodes d'investigation, bien entendu dans le respect de certaines garanties comme les droits de la défense.

Une autre conséquence est que les services de police se sentent moins concernés. Ils ne sont plus l'autorité constatante classique et la matière ne relève dès lors plus de leurs missions prioritaires. Mais les actions qui s'ensuivent s'inscrivent dans l'exécution des enquêtes subséquentes que le parquet impose à un moment donné. Théoriquement on peut dire que la loi et donc les pénalités existent toujours mais que telle est la réalité actuelle.

Un autre problème réside dans le fait que certaines actions se chevauchent souvent. Dans notre ressort, nous sommes actuellement confrontés à un dossier dans lequel les actes d'un sportif sont soumis à deux réglementations différentes. D'une part, il y a la réglementation flamande du dopage avec les sanctions disciplinaires y afférentes. D'autre part, ce même acte est une infraction à la loi du 24 février 1921 et aux arrêtés d'exécution y relatifs.

Il n'y a pas toujours double emploi : certains produits sont utilisés comme dopage mais ne tombent pas sous l'application de la loi du 24 février 1921.

Ce chevauchement ne doit pas étonner. Un des premiers principes que l'on apprend à un cours de droit pénal est la connexité : un fait peut donner lieu à l'application de différentes lois. Dans ce cas, l'article 65 dispose qu'il faut choisir la peine la plus lourde. Je ne prétends pas que pour un fait où on constate tant une infraction au décret sur le dopage qu'une infraction à la loi fédérale, seule la peine la plus lourde, à savoir la peine pénale, doit être infligée. Cela ne va plus. Je veux seulement souligner que la connexité n'est pas pour nous une donnée nouvelle.

L'intéressé ressent naturellement les choses différemment. Certains sportifs se voient infliger une sanction disciplinaire et ensuite une sanction pénale. Je peux comprendre qu'ils jugent cela inacceptable. Que se passe-t-il si un fonctionnaire ou un agent de police, tous deux soumis au régime disciplinaire, commet un vol et est ensuite poursuivi au plan disciplinaire par le conseil communal ?

Là aussi, il y a sanction pénale et sanction disciplinaire. S'il l'estime nécessaire le législateur peut naturellement en décider autrement.

Mme Annemie Van de Casteele (VLD). — Nous nous occupons également de la réforme de l'Ordre et de son règlement de discipline. Je me demande si le décret ne doit pas être considéré comme un système déontologique au sein des associations sportives dont le but est de sanctionner tout comportement déloyal entre pratiquants d'un sport, par exemple par une suspension. Mais celui qui enfreint la loi sur les stupéfiants doit également pouvoir être sanctionné pour cette infraction.

J'avais noté dans votre intervention qu'il faut opter pour une seule sanction, généralement la plus lourde. Si nous devions appliquer la théorie du concours aux cas qui nous occupent, un sportif surpris en possession d'un produit dopant illégal serait puni d'une peine de prison avec sursis et d'une amende mais ne pourrait plus être suspendu. Nous devrions pourtant aussi pouvoir intervenir contre la falsification des performances sportives.

M. F. Schins. — Le rapport entre le pénal et le disciplinaire est très délicat. Il n'est pas si simple de trouver une solution qui satisfasse tout le monde.

Prenons un autre exemple tiré de la pratique. Un médecin abuse de ses patientes. Une enquête judiciaire est ouverte et si les faits sont avérés il risque une sanction sévère. Mais si nous informons rapidement l'Ordre des médecins parce que les faits ont été établis incontestablement, il a peut-être intérêt à intervenir le plus vite possible au niveau disciplinaire afin de protéger les patientes. Dans un cas tel que celui-là, l'Ordre ne doit donc pas attendre un jugement. Si l'on estimait que la sanction de l'Ordre suffit, notre action publique serait irrecevable ultérieurement et il y aurait tout de même un problème, selon moi.

Je veux bien que, dans certains cas, la sanction disciplinaire puisse être bien pire pour l'intéressé que la sanction pénale.

M. Jacques Germeaux (VLD). — Je déduis de l'exemple que vous citez qu'il s'agit de » et-et » et non de » et-ou « .

Nous devons donc laisser au juge la liberté de décider si la sanction disciplinaire en soi est assez lourde ou si une autre sanction doit encore être infligée. De toute façon l'enquête de police doit pouvoir suivre son cours normal.

M. F. Schins. — Dans l'exemple que je viens de donner, le juge pénal peut décider que la sanction disciplinaire infligée à ce médecin a déjà eu de graves conséquences sociales, familiales, financières ou autres. Il ne peut pas ne pas infliger de sanction parce que l'intéressé a déjà reçu une sanction disciplinaire mais il peut en tenir compte. S'il aurait voulu donner au médecin de mon exemple deux ans d'emprisonnement effectif, il pourra estimer pouvoir atténuer quelque peu sa réaction pénale à la suite de la radiation ou de la suspension disciplinaire que le médecin aurait reçue, parce que l'intéressé à déjà été sanctionné et que la sécurité de la société est rétablie.

Le juge pénal devrait lui-même décider d'infliger une sanction d'ordre professionnel, mais cela dépasse de loin le cadre de nos discussions. S'il inflige une sanction, les ordres ou les fédérations sportives ne devraient plus pouvoir intervenir parce que sa peine doit suffire.

Il y a des dizaines de pistes de réflexion mais je ne puis que répéter que le rapport entre les deux secteurs est très complexe et qu'il y a encore beaucoup à dire à ce sujet.

Mme Annemie Van de Casteele (VLD). — Le ministère public souhaiterait être rapidement informé lorsque des sportifs, tant wallons que flamands, sont contrôlés positifs.

S'est-on concerté à ce sujet avec les Communautés ? Lors du traitement d'un dossier, il devrait leur être facile de signaler immédiatement les constatations.

M. J. Sabbe. — Ce point était inscrit à l'agenda de la réunion du 30 janvier dernier.

J'ai le sentiment que l'administration flamande ne pose pas vraiment de problème. Elle nous a toutefois priés de formuler nos questions par écrit et d'indiquer dans quels cas nous voulions être informés rapidement des résultats positifs. Je suppose par exemple que les spécialistes de l'administration flamande peuvent déduire immédiatement du résultat qu'il doit y avoir en relation patient-médecin. Dans ce cas, nous n'avons pas besoin d'être informés rapidement. Mais s'ils déduisent qu'il s'agit de substances en provenance d'un circuit clandestin, nous souhaitons recevoir ces données rapidement.

M. F. Schins. — Nous n'avons pas l'intention de nous en prendre encore aux sportifs par la suite. Nous voulons centraliser les informations dans les services judiciaires de la police fédérale pour essayer de déterminer, à partir des produits trouvés ça et là, l'existence éventuelle de certains liens. De quel milieu proviennent-ils ?

Ce n'est pas tant le sportif qui nous préoccupe mais bien tout ce qui se cache derrière lui.

M. Marc Wilmots (MR). — Je ne crois pas que le simple fait d'infliger des amendes très élevées aux contrevenants suffise à dissuader les sportifs de recourir à ces substances. Une fois les produits saisis, une cellule est-elle mise en place pour tenter de remonter la filière ? Existe-t-il une structure au sein de la police fédérale chargée de cette mission afin de » prendre » ces laboratoires ? Le cas échéant, a-t-elle obtenu des résultats ?

M. J. Sabbe. — Nous voulons centraliser les informations, pour autant que nous les recevions, au niveau de la cellule multidisciplinaire « hormones ». À l'heure actuelle, elles ne nous parviennent que lorsque le dossier disciplinaire est complètement bouclé. Dans certains cas, nous aimerions que cela se fasse plus rapidement. Ne vous méprenez pas : la cellule multidisciplinaire « hormones » n'est pas une cellule opérationnelle. Elle coordonne, rassemble les informations, tente de faire une analyse stratégique et tire des conclusions à partir des données, mais s'adresse alors aux autorités policières compétentes. En cas de contrôle positif à la cocaïne, aux amphétamines et au stanazolol, le sportif incriminé est simplement entendu par la commission et nous recevons les résultats cinq à sept mois plus tard. Si nous les recevions plus tôt, nous pourrions voir s'il existe des éléments suffisants pour faire appel à des techniques policières spéciales ou si une simple audition suffit, avec éventuellement une perquisition à domicile. Pour chaque cas il faudra donc définir les techniques à utiliser, les enquêtes à effectuer et la manière d'identifier au mieux les fournisseurs de ces produits aux sportifs.

Le but n'est pas de s'en prendre à l'athlète mais bien d'identifier les responsables de l'approvisionnement. À terme, cela devrait avoir un effet dissuasif. Nous n'obtiendrons des résultats que si les utilisateurs comprennent que le risque de se faire prendre augmente.

M. Jacques Germeaux (VLD). — Si je provoque un accident en Flandre sous l'influence de la cocaïne, un procès-verbal est transmis directement au ministère public. En tant que sportif, si je suis contrôlé positif à la cocaïne en Flandre, je peux tout d'abord demander une contre-expertise, à la suite de quoi le résultat sera éventuellement transmis au ministère public. Si j'ai bien compris, en Wallonie les résultats n'arrivent jamais au ministère public.

M. F. Schins. — Il s'agit effectivement de deux décrets différents. Dans les deux décrets, il s'agit d'une dépénalisation de l'usage de produits dopants par le sportif, mais le contrôle et la circulation des informations sont organisés différemment. Du côté flamand, cela pose des problèmes auxquels nous essayons de trouver une solution. Le décret wallon n'offrant pas de base légale à l'administration pour lui permettre de porter l'information devant la Justice, notre position est effectivement très difficile. Le décret flamand prévoit d'envoyer une copie du procès-verbal, ce qui selon nous ne se fait pas assez rapidement. Mais cela se fait et nous disposons ainsi d'une base légale pour discuter du transfert plus rapide des informations, de sorte que nous pouvons commencer plus rapidement notre propre enquête. Dans le texte wallon, nous n'avons pas de point de repère.

Mme Annemie Van de Casteele (VLD). — Lors d'une précédente audition, un orateur a cité l'exemple d'une personne surprise en possession d'amphétamines dans sa voiture. Si cette personne dit qu'elle est membre d'une association d'amateurs de pinsons et que les amphétamines leur sont destinées, elle échappe à toute poursuite puisque seul son club de pinsons peut la sanctionner.

M. Schins — C'est exact.

Mme Annemie Van de Casteele (VLD). — Cela laisse rêveur.

M. Patrik Vankrunkelsven (VLD). — Le procureur ne croira quand même pas cette histoire !

Mme Annemie Van de Casteele (VLD). — Il n'est pas non plus informé de la prise en flagrant délit.

J'espère que nos collègues francophones en concluront que les responsables du sport en Communauté française doivent s'occuper du transfert des données au ministère public, comme cela se fait depuis longtemps du côté néerlandophone. Cet aspect des choses sera de toute façon examiné lors de la discussion du rapport.

M. L. Misson. — Madame la Présidente, mesdames, messieurs, comme vous le savez, je suis avocat au barreau de Liège. De la même façon qu'il existe des prêtres engagés, des écrivains engagés, des artistes engagés, je suis, quant à moi, un avocat engagé. Ce n'est ni un drame ni une faute, mais il faut le dire. Dans mon métier d'avocat, je défends en général et quasi exclusivement des sportifs, en fonction de leurs droits sociaux et de leur statut. Je refuse habituellement les clubs et les fédérations. Pourtant, j'ai longtemps refusé les dossiers de dopage. J'ai même siégé dans la commission de la Communauté française de lutte contre le dopage. J'estimais en effet, conformément à mon éthique personnelle, que le dopage, en tant que tricherie, devait être condamné, que le sportif qui se dopait pénalisait les autres sportifs et qu'il fallait en outre le protéger contre lui-même, c'est-à-dire protéger sa santé. J'ai changé d'optique. Je vais vous expliquer, en quelques idées, comment, à présent, je vois la problématique du dopage.

Je vous invite tout d'abord à ne pas approcher le sport uniquement par ce qu'en disent les journaux. Tous ceux qui connaissent cet univers savent qu'il est d'une complexité rare et que ce qu'on en dit à l'opinion publique est généralement faux, voire profondément faux, voire volontairement faux.

Le monde du dopage est aussi un monde complexe. Que peut-on dire au sujet du dopage ? C'est, d'abord et avant tout, un phénomène industriel. Je citerai quelques chiffres provenant de la Commission européenne et communiqués à Bonn lors d'un congrès. L'EPO produit dans le monde représente 4 milliards de dollars par an, soit 160 milliards de nos anciens francs. On considère que 80 % de cet océan d'EPO sont consommés dans le sport. Les hormones de croissance sont, quant à elles, consommées à concurrence de 84 % par les sportifs.

Il ne faut donc pas partir de l'idée que les produits dopants seraient fabriqués par-ci par-là dans de petits laboratoires. Ces substances sont produites par une industrie moderne d'envergure. Les sociétés américaines Johnson & Johnson ou Amgen, énormes sociétés cotées en bourse, fabriquent des produits dopants, dont la majeure partie provient probablement de l'industrie chimique. Ces produits, créés dans un but déterminé, sont utilisés dans un autre but.

Vous devez savoir aussi que le total des produits dopants représente un chiffre d'affaires annuel mondial de 8 milliards d'euros ou 320 milliards d'anciens francs, soit un marché gigantesque.

En juillet 2002, on a saisi dans le Limbourg 550 kilos d'anabolisants, dont la valeur est estimée à 137 millions d'euros ou 5,5 milliards d'anciens francs. C'est la saisie de produits dopants la plus importante jamais réalisée en Europe. Le dopage, vous vous en rendez compte, est donc loin d'être du bricolage. Le 15 janvier dernier, on a saisi dans le Brabant wallon 500 kilos de cocaïne, évalués à 1,5 milliard d'anciens francs. Cela signifie que dans notre beau pays, on a saisi — en deux prises — des produits pour un montant total de 7 milliards d'anciens francs. Une telle somme permettrait de refinancer les communautés et l'enseignement ...

Quant à la THG, ce nouveau produit apparu peu après le championnat du monde d'athlétisme de Paris, elle est fabriquée par une industrie américaine. C'est un produit que l'on administre aux sportifs et qui n'a même pas été testé sur des animaux. Mais il existe une industrie qui produit.

Le dopage doit être considéré dans sa dimension industrielle, sous peine de passer à côté de quelque chose d'important.

Deuxième idée : le dopage est un phénomène mal et très peu dépisté.

C'est, grosso modo, au milieu des années 60 que sont apparues, dans certains pays occidentaux, des législations pénalisant le dopage. Pour la Belgique, c'est en 1965. Il y eut également la mort de Tom Simpson en 1967. C'est donc durant cette période que cela a commencé. À l'époque, les premiers contrôles antidopage donnaient un tiers de contrôles positifs. Actuellement, les derniers chiffres démontrent que l'on procède à 130 000 contrôles antidopage par an, pour un montant de 65 millions de dollars, plus de deux milliards de francs belges. On ne pourra plus dire que l'on dépense trop peu d'argent pour le dépistage; au contraire, on y consacre des fortunes. Il faut savoir que 98,5 % des contrôles sont négatifs, alors que nombreux sont ceux qui pensent — et je crois qu'ils ont raison — que l'on se dope beaucoup plus aujourd'hui que dans les années 60. Il est donc manifeste que les contrôles sont beaucoup moins efficaces. Sans doute progresse-t-on de plus en plus dans la mise au point de produits indécelables.

Dans le monde du cyclisme, de nombreux spécialistes affirment que Lance Armstrong est dopé. Des études l'ont démontré par des calculs de puissance et de moyenne. Il a gagné le dernier Tour de France à près de 41 km/h de moyenne, vitesse jamais été atteinte jusque là et surtout pas dans la canicule et sur de nombreux parcours de montagne. Riis et Pantani, lorsqu'ils étaient dopés, ont gagné Le Tour à une moyenne de 39 km/h. Mais s'il est communément admis que Lance Armstrong est dopé, il est impossible de le contrôler.

Tout le monde sait que l'industrie cherche à mettre l'EPO au point sur la base d'un plasma sanguin humain. Jusqu'à présent, on utilisait un plasma de hamster, ce qui permettait à certains laboratoires, dont celui de Lausanne, de détecter l'EPO artificielle par les analyses d'urine. Mais on pense que l'industrie est parvenue, probablement aux États-Unis, à mettre au point une EPO indétectable.

Il faut par ailleurs souligner que l'hormone de croissance est un produit indétectable.

Il est important que vous sachiez que les contrôles donnent de moins en moins de résultats et que vous ne perdiez pas de vue que les sportifs, confrontés à la décision de se doper, savent eux aussi que leurs concurrents sont dopés ou peuvent l'être et que les contrôles seront vraisemblablement inopérants. De plus, ceux qui se sont déjà dopés ont sans doute subi une série de contrôles inefficaces et savent ce qu'il en est. Ce point est important pour l'approche criminologique.

Troisième idée : le dopage est relativement peu un phénomène individuel. Il est illusoire d'imaginer un sportif tout seul dans un vestiaire, avec sa boîte de médicaments, à se demander s'il en prend ou pas. Les choses ne fonctionnent pas ainsi. Le dopage est une question d'entourage. Actuellement, il s'opère scientifiquement, avec le concours d'une série de personnes, notamment des médecins, qui entourent l'athlète. Les spécialistes expliquent que le dopage pris inconsidérément peut devenir contre-productif. L'athlète doit être préparé et les produits administrés à certains moments. C'est rarement le sportif lui-même qui a le phénomène en mains.

Il faut également soulever le problème de la responsabilité des fédérations. Deux livres ont été consacrés à l'affaire Festina. Pour rappel, on a trouvé des produits dans le coffre de la voiture de Willy Voet, le soigneur de l'équipe Festina. En outre, on n'a jamais totalement éclairci le fait qu'il y avait là de quoi doper au moins trois équipes pendant le Tour de France. Il est vraisemblable que ce soigneur travaillait également pour d'autres équipes.

La justice de Lille fera un travail considérable; des centaines de devoirs d'instruction seront ordonnés. Il y aura des semaines d'audience; on fera venir de nombreux experts. Il y aura des semaines d'audiences.

Le président leur a posé la question de savoir s'il était possible d'être parmi les vingt premiers du Tour de France sans dopage. Tous les experts ont répondu par la négative.

Petit à petit, le tribunal a découvert — et le livre montre bien que c'est au fur et à mesure des audiences que cela apparaît — la responsabilité manifeste des fédérations dans ce phénomène parce que pendant des années, rien n'a été fait. Des contrôles ont été effectués dont on savait très bien qu'ils ne fonctionneraient pas. On a fait des contrôles annoncés. L'équipe de France de football était prévenue des dates des contrôles. On convenait avec les dirigeants de l'équipe du moment où les contrôles seraient réalisés. Le jugement est finalement extraordinairement dur pour les fédérations, alors que quasiment tous les sportifs ont été relaxés ou ont récolté des peines symboliques.

Les ouvrages d'Andrew Jennings, le journaliste anglais qui s'est spécialisé dans ce problème, sont terribles pour les fédérations, pour les plus grandes fédérations. Jennings dit clairement que Dick Pound a été placé à la tête de l'Agence mondiale antidopage alors qu'il a lui-même organisé et camouflé du dopage pendant toute sa carrière. Les accusations sont extrêmement graves à cet égard. Il a notamment essayé de camoufler le dopage de Ben Johnson aux Jeux olympiques de Séoul. Le prince de Mérode lui-même accuse Dick Pound d'avoir couvert le dopage. Or, ce dernier dirige maintenant l'Agence mondiale antidopage !

Responsabilité des fédérations, mais aussi responsabilité des entourages. L'entourage n'est pas seulement responsable d'organiser le dopage mais il porte des responsabilités concernant la pression exercée sur le sportif. On peut donner une pilule au coureur cycliste en lui disant de la prendre, mais on peut aussi ne rien lui donner tout en exigeant des résultats. Le sponsor est derrière, il veut voir le maillot sur la ligne d'arrivée. Cette pression est extrême. Dans certains sports, très peu de sportifs gagnent bien leur vie et ils savent très bien que si leurs résultats ne sont plus ce qu'ils étaient l'année précédente, le niveau de vie de leur famille descendra considérablement. Ce sont des pressions extrêmement réelles.

Il y a aussi la pression des calendriers. Marc Wilmots connaît bien les calendriers démentiels que l'on impose actuellement aux footballeurs. Dans le journal de ce matin, Zinedine Zidane déclarait qu'il disputait septante matches par an. Si l'on considère que son année, c'est grosso modo dix mois sur douze, cela représente quasiment sept matches par mois, à des niveaux extrêmes, avec des vitesses de jeu qui ont augmenté, avec des exigences de plus en plus fortes au niveau de la musculature, etc. Il faut savoir ce que l'on fait. Il y a un monde de différence entre la vie d'un coureur cycliste d'aujourd'hui et celle d'un coureur cycliste d'il y a vingt ans. Le décalage est énorme.

Boris Becker, qui a publié ses mémoires voici peu, avoue avoir consommé énormément de produits, dont de l'alcool. Il y expose la difficulté d'être un jeune constamment confronté à des décalages horaires, qui se rend d'un pays à l'autre, qui est tout le temps dans des avions, dans des chambres d'hôtel de pays étrangers, qui se sent seul ... L'entourage a une responsabilité.

La quatrième idée a son importance parce que c'est peut-être l'élément le plus inquiétant. J'ai acquis progressivement la conviction que le dopage est un phénomène culturel. Il s'agit d'un constat terrible parce que la culture, cela ne se change pas facilement. Même le Parlement, qui dispose de beaucoup de pouvoir, ne peut voter une loi pour changer la culture.

J'en suis venu à cette constatation après une discussion que j'ai eue avec Roger Bambuck, sportif de légende, très grand champion français et ministre des Sports de François Mitterrand. J'étais encore dans une période — rose ou bleue — où beaucoup de choses m'indignaient et j'expliquais à Bambuck que j'étais très déçu par le sport et notamment par le dopage. Il m'a dit que j'avais tort, car le sport ressemble toujours à son époque. Le sport a été très pur dans la Grèce antique. À Rome, il était déjà différent, avec les Romains qui se vautraient dans les tribunes pendant que les gladiateurs se battaient entre eux dans l'arène. Il y a eu le sport ultra-nationaliste des années 30, les Jeux de Berlin, avec tout le racisme sous-tendu.

Il y a eu les poings levés des années 60, parce que c'était une époque revendicatrice, où est apparu le phénomène racial. Nous vivons aujourd'hui une époque mercantile, matérialiste, arriviste. La « triche » et la fraude sont partout.

En fait, j'en viens à me demander si le dopage n'est pas dû à une pression de l'audimat, lequel est constitué de personnes ventripotentes, assises dans leurs fauteuils, un whisky dans une main, une cigarette dans l'autre et un paquet de chips devant elles. Elles regardent le Tour de France à l'Alpe d'Huez et disent que tel coureur doit « marcher à l'eau », sinon leur plaisir est gâché.

La cigarette tue 60 000 Français par an, l'alcool en tue 40 000. Le dopage en tue quelques-uns mais on veut imposer aux sportifs d'être une élite. Les gens ont besoin d'avoir des idéaux et des idoles, mais ils oublient que ces gens, ce sont eux ! Le sportif, c'est M. et Madame tout-l'monde. Je les reçois régulièrement dans mon cabinet et je puis vous dire que si certains sont honnêtes, d'autres ne le sont pas. Il y a des arrivistes et des personnes plus désintéressées.

Dans une culture matérialiste, le sportif pense comme tout un chacun à son niveau de vie. Il sait qu'il n'a que quelques années pour réussir sa carrière et qu'il a bien souvent dans ce but sacrifié ses études. Il voit que les gens gagnent leur vie, réussissent et il veut faire la même chose. Si, contrairement à son concurrent, il ne prend rien, il se dit que, par exemple, c'est Virenque qui s'achètera demain une Mercedes !

Les réflexes du sportif sont les mêmes que les nôtres et ceux de l'homme de la rue. Je veux bien que l'on jette la pierre aux sportifs mais ceux qui le font doivent aussi être ceux qui n'ont jamais fraudé le fisc, qui respectent les limitations de vitesse et qui ne trompent jamais leur femme.

C'est là que réside le problème. Voulons-nous créer une catégorie de citoyens spartiates qui doivent être plus purs que les autres ?

J'en viens à une autre idée. Je crois que le dopage est un phénomène criminologique non réfléchi et mal étudié. J'ai apprécié les parallèles faits par MM. les magistrats entre les matières du dopage, des hormones d'élevage et de la drogue. Celles-ci m'intéressent et je crois que, là aussi, on s'est basé sur des clichés pseudo-moraux et on a foncé trop vite dans certaines directions.

Je me souviens de l'époque où le Comité scientifique vétérinaire avait dit qu'en matière d'hormones on ferait infiniment mieux d'autoriser les hormones les moins dangereuses, soit les hormones naturelles comme la testostérone et la progestérone, et de n'interdire que les hormones de synthèse, qui sont les plus dangereuses.

Les professeurs d'université disaient à l'époque que tout interdire, c'était aussi tout permettre. On a choisi de tout interdire et le Parlement européen a demandé à la Commission européenne de modifier son projet de directive. Or, on constate en Europe, qu'on » pique » avec tout et n'importe quoi, ce qui a valu à l'Union européenne d'être condamnée par l'OMC (Organisation mondiale du Commerce ) en janvier 2001, si ma mémoire est exacte. Par exemple, on se sert de notre législation pour interdire les importations de viandes américaines souvent beaucoup plus propres que les nôtres.

En matière de drogue le problème se pose également. Vous savez que la Grande-Bretagne vient de rétrograder le cannabis dans sa gamme de drogues, qui s'établit comme suit : A) les drogues dures, B) les drogues douces et C) les tranquillisants.

Il y a également des problèmes de cannabis : 40 % des jeunes Anglais de 15-16 ans ont consommé du cannabis, contre 20 % chez nous.

Mais après avoir mené des études scientifiques, il fut décidé de rétrograder le cannabis en catégorie C).

Mais moins punir est parfois plus efficace. En effet, le parlement suisse demanda naguère à un comité d'experts américains de rédiger un rapport relatif au cannabis. Ce rapport indiqua que, lorsqu'il était président des États-Unis, Richard Nixon choisit de faire de la lutte contre la drogue sa priorité numéro un. Or, chaque État organisa comme il l'entendait la lutte contre le cannabis ! Après un certain temps, on constata que les États dans lesquels la consommation de cannabis était la plus faible, étaient ceux qui n'avaient pris aucune mesure ... !

Aujourd'hui, toutes les hormones sont interdites, notamment la testostérone administrée aux taureaux et qui ne représente pas un grand danger, de même que toutes les drogues, sans distinction : la loi considère le cannabis de la même manière que l'héroïne ou la cocaïne.

Enfin, il en est de même pour le dopage. Dans son arrêté du 10 décembre 2003, le gouvernement de la Communauté française a frisé le ridicule en rangeant l'alcool au nombre des produits dopants. Je sais que cela ne vaut que pour le billard mais, personnellement, je ne vois pas en quoi le fait de consommer de l'alcool peut aider un joueur de billard à mieux jouer ! Dans ces matières, je crois que l'extrémisme risque de donner de mauvais résultats. Il serait donc préférable d'établir des catégories, comme dans d'autres pays.

Dans son livre intitulé « Vive le dopage ? Enquête sur un alibi », le professeur Bruno De Lignières, endocrinologue français, se pose ces questions, sans être spécialiste de la médecine sportive et sans travailler pour Festina, et il ne prêche pas pour sa chapelle. Il constate que l'on n'a pas réussi à éradiquer le dopage, que l'on n'y parviendra pas, que l'industrie est toujours en avance, que les gens se dopent de plus en plus et qu'ils sont de moins en moins convaincus de dopage.

En outre, les sportifs sont souvent obligés de se doper parce que leurs concurrents sont dopés, venant de pays où le dopage est organisé et sans aucun contrôle organisé. Raimondas Rumsas qui fut troisième du Tour de France et dont la femme a été arrêtée et a fait 64 jours de prison, a reçu la plus haute décoration de l'État lituanien ! C'est vous dire s'il existe des pays qui ne s'occupent vraiment pas du dopage. Et nos sportifs doivent lutter contre des concurrents originaires de ces pays.

Toujours selon De Lignières, le dopage est dangereux. Dès lors, il pense que, si l'on ne parvient pas à éradiquer le dopage, il serait préférable de le permettre et de le soumettre au contrôle des médecins. En effet, la pénalisation a pour conséquence que ce sont des soigneurs qui administrent tout et n'importe quoi aux sportifs, dans des camions-balais ou dans des arrière-salles de café.

Si la pénalisation a échoué, ne serait-il pas préférable d'autoriser certains produits et de ne plus interdire que les produits vraiment dangereux ? On constate en effet, lors des rares contrôles anti-dopage effectués en Communauté française, que le cannabis constitue le produit dopant dans près d'un cas sur deux. Or, il n'a jamais dopé personne ....

Quelle crédibilité les sportifs peuvent-ils encore accorder à nos autorités alors que celles-ci leur font savoir que le cannabis est un produit dopant ? Aucune, évidemment. Le cannabis est mis sur le même pied que la THG (tétrahydrogestrinone ). Or, administrer celle-ci à quelqu'un revient littéralement à commettre une tentative de meurtre ! On n'en donne même pas aux animaux ! Cela ne va donc vraiment pas.

En outre, tout ceci empêche l'information et la prévention. On ne sait plus parler aux sportifs parce qu'en théorie, ils ne prennent rien. Jean-Marie Leblanc, directeur du Tour de France, affirme que, depuis 1998, le Tour est « propre », tous les contrôles étant négatifs. Pourtant, la vitesse moyenne augmente. Les coureurs roulent donc plus vite sans dopage qu'avec dopage ... !

Il est donc impossible d'expliquer à ces sportifs que des voyous, des faux médecins se trouvent dans leur entourage.

Dire que « nous allons organiser des réunions et vous expliquer produit par produit ce qu'il en est » est impossible. Organiser de telles réunions d'information équivaut, de fait, à leur montrer comment on commet un délit. Je crois que l'information et la prévention ne sont pas possibles dans le climat actuel.

Je crois que le CIO (Comité international olympique) et l'AMA (Agence mondiale antidopage) propulsent tout le monde dans le mur. En effet, le CIO est ce qu'il est. On connaît les scandales qui lui sont associés, notamment les 11 millions de dollars de cadeaux reçus par les membres du CIO aux Jeux d'Atlanta. Ils l'ont admis. Le dopage était présent à Atlanta.

On sait aussi qu'à Moscou, il n'y a eu aucun cas de dopage mais une analyse des échantillons six mois plus tard a montré qu'en fait 25 % des athlètes étaient dopés. Les résultats avaient donc été falsifiés.

Il y a encore le scandale de la perte des dossiers de quatorze athlètes américains pourtant déclarés positifs. C'est le CIO ! On veut en améliorer l'image car il s'agit d'une activité qui pèse 75 milliards de francs belges. Si les gens arrêtent de regarder les jeux olympiques, ce seront 75 milliards qui partent en fumée.

La technique choisie pour redonner quelque crédibilité aux Jeux olympiques consiste à adopter un code mondial antidopage, et à rendre ce code mondial obligatoire dans tous les pays. Jacques Rogge l'a dit : plus aucun pays ne se verra attribuer une épreuve sportive importante s'il n'insère pas le code antidopage dans sa législation.

Que dit ce code ? À la première infraction, la sanction est une suspension de deux ans. Une telle suspension est souvent « mortelle » pour un sportif de haut niveau. À la seconde infraction, la suspension est à vie. Là, c'est vraiment la fin de la carrière, quelle que soit l'infraction, quel que soit le produit. Il suffit que le produit soit présent sur la liste des produits interdits.

En outre, l'élément intentionnel n'est aucunement pris en considération. L'athlète est, selon ce projet de code, responsable de ce qu'il y a dans son organisme. Peu importe que le produit lui ait été prescrit par son médecin, qu'on ne lui ait pas dit qu'il contenait un produit » dopant » et qu'il ait été inconsciemment dopé.

Peu importe ! Si le produit est retrouvé dans son organisme, il est coupable sauf à établir lui-même son innocence, à prouver que le produit est entré dans son organisme sans qu'il n'y soit pour rien.

Par ailleurs, tous les sportifs de haut niveau doivent signer la carte d'identité du sportif de haut niveau, signature par laquelle ils renoncent au contrôle des juridictions ordinaires, à l'accès aux tribunaux nationaux. Ce ne sont plus que les fédérations sportives qui connaissent des poursuites, avec un seul recours possible au TAS (Tribunal arbitral du Sport) qui est une juridiction mise en place par le CIO et certaines fédérations internationales, et qui est contrôlée par ces fédérations.

On aboutit ainsi à des phénomènes ahurissants comme celui des « barres de compléments alimentaires ». C'est essentiellement en Hollande que cette affaire a eu lieu. Les barres sont vitaminées, énergétiques et contiennent beaucoup de sucres. Certaines firmes néanmoins ont ajouté de la nandrolone dans certaines de ces barres sans le stipuler sur l'emballage. Certains sportifs ont été contrôlés comme ayant été dopés à la nandrolone. Ils ont été condamnés et le TAS a confirmé la condamnation, le sportif étant responsable de ce qu'il prend.

C'est ahurissant, je le répète. Devant les juridictions ordinaires, jamais personne ne serait condamné après avoir été abusé par un fabricant. C'est impensable.

Il y a aussi l'affaire Flessel. Laura Flessel, escrimeuse, double médaillée d'or aux Jeux Olympiques d'Atlanta en 1996, a connu une terrible mésaventure. Lors d'une épreuve, le kiné de l'équipe de France lui donna un comprimé censé être composé de sucre mais contenant en fait 10 % d'un produit légèrement dopant. Il s'agit d'une erreur du kiné qui distribuait habituellement d'autres comprimés.

Il faut savoir que, durant les épreuves d'escrime, les affrontements se succédant toute la journée, les sportifs ne mangent pas et doivent recevoir des comprimés énergétiques. Mais le kiné s'est trompé et le reconnaît.

Il a d'ailleurs démissionné de la fédération française et, suite à cela, il a fait une dépression nerveuse. La demoiselle Flessel a été condamnée, et le TAS l'a admis, argumentant qu'elle était responsable car il lui incombait, selon lui, de choisir une équipe ayant un bon kiné. C'est quand même hallucinant !

Il y a 98,5 % de contrôles négatifs et 1,5 % de contrôles positifs. Dans ces derniers cas, il s'agit souvent de maladresses de médecins, etc.

J'ai défendu ici en Belgique une petite gymnaste de 16 ans. Il s'agissait d'un milieu amateur, de monsieur et madame Tout le monde, dont la gamine faisait de la gymnastique. Le médecin de famille lui avait prescrit un sirop contre la toux contenant un pourcentage ridicule de morphine. Cette substance se retrouve dans presque tous les sirops. Après analyse d'urine, on a retrouvé de très légères traces de morphine. Un dossier a été ouvert, et la jeune fille a été poursuivie. On lui a dit que cette substance était interdite et qu'elle devait choisir son médecin.

Il n'est pas possible de continuer avec de telles logiques. Finalement, seuls les sportifs sont condamnés, et il est question de les condamner à une mort sportive, avec une défense impossible pour les avocats. Ceux-ci ne peuvent plus rien plaider, toutes les portes sont fermées.

Mais à côté de cela, on ne peut rien faire contre le président de Johnson et Johnson, lequel gagne des milliards en produisant de l'EPO, roule en voiture avec chauffeur, etc. C'est un peu comme pour le président d'Interbrew en Belgique : on produit des océans de bière, des milliers de jeunes se tuent sur les routes, mais il n'y est pour rien. Il y a là un véritable problème. Au niveau de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, cela pose des difficultés.

À mes yeux, les sanctions légères infligées par les fédérations sportives — deux dimanches de suspension au football, par exemple — faisaient partie de la discipline ordinaire. Les gens qui composent les juridictions sportives sont des braves gens, des pensionnés, etc. Il faut aller plaider devant les fédérations pour le savoir. Ces personnes ne sont pas des juges et n'ont pas de formation particulière pour assumer la mission de condamner à mort un sportif qui a souvent sacrifié ses études, qui a travaillé pendant des années, qui a derrière lui des milliers d'heures d'entraînement, dont les parents ont fait de nombreux sacrifices et qui a une famille qui dépend de ses revenus. Cela permet de garder les recettes de l'audimat pour les jeux olympiques mais c'est une sanction grave qui relève des compétences des cours et tribunaux.

J'en viens à ce que vous disiez, messieurs les magistrats. Théoriquement, il est parfaitement possible de concevoir la coexistence d'une sanction disciplinaire et d'une sanction pénale, tant que la première reste telle quelle. Mais la sanction disciplinaire prise maintenant dans les fédérations sportives est devenue pénale, sans aucun contrôle juridictionnel. Je dis que ce cumul n'est plus acceptable. Il y a des limites à ne pas dépasser, et je crois que l'on va trop loin.

Je pense aussi que la position du CIO et de l'Agence mondiale antidopage part vraiment de l'analyse erronée qui considère le sportif comme individuellement responsable du dopage. C'est sur lui qu'on tape et on continuera à le faire, mais on n'ira plus jamais voir en amont. Cette optique ne me paraît pas acceptable. C'est un peu comme dans les guerres napoléoniennes : de nombreux soldats étaient tués, mais pour chaque soldat tué, un autre avançait d'un rang. Je crois que le même raisonnement vaut pour le sportif moderne : celui-ci a une vie aux exigences épouvantables, son métier est dangereux, sa carrière est brève, et on voudrait pouvoir le prendre, le mettre dans un trou et le remplacer, tout en gardant intact tout ce qui est derrière. Or, c'est là que se situent les véritables responsabilités du phénomène du dopage.

Je crois que les autorités étatiques doivent garder le dossier en main.

La lutte contre le dopage passant nécessairement par des mesures de perquisition et d'investigation, seuls des magistrats peuvent la contrôler. Elle passe également par des atteintes à la vie privée. La Commission européenne a été condamnée, par la Cour de justice, pour les analyses de sang qu'elle imposait à ses candidats fonctionnaires. Elle leur imposait, notamment, un dépistage du virus du sida. Qui peut justifier qu'une fédération sportive, qui n'est jamais qu'une asbl, puisse imposer à ses membres de donner de l'urine ou du sang, de surcroît quand celui qui vient prélever n'est pas médecin ou infirmier ? Cela relève également de la vie privée qui est une chose tellement importante qu'elle doit être mise sous la protection du législateur et de la magistrature.

Mme Annemie Van de Casteele (VLD). — Je vous remercie pour votre exposé.

J'aimerais savoir si Mme Gavage soutient le discours de son collègue ou si elle a un autre point de vue en la matière.

Mme D. Gavage. — Je suis avocate, mais j'interviens plutôt au nom des fédérations puisque je suis membre de la Fédération d'athlétisme et présidente de la Commission antidopage. C'est donc moi qui sanctionne les sportifs et je n'ai évidemment pas la même approche du problème.

Je voudrais reprendre, en plusieurs points, tout ce qui existe au niveau législatif, tant au niveau international et européen que fédéral. J'aborderai ensuite les problèmes rencontrés par une fédération dans sa vie de tous les jours, ainsi que les problèmes qui se posent lorsqu'il faut sanctionner un sportif.

Au niveau international, Maître Misson vous en a parlé, nous disposons maintenant d'un Code antidopage et de l'Agence mondiale antidopage. Il faut savoir que le Code lie les organisations sportives, mais qu'il ne lie pas juridiquement les pays et les gouvernements. La Communauté française et la Communauté flamande ont cependant adhéré à ce Code et se sont donc engagées à respecter ses principes et à les insérer dans leur propre législation. Elles ont également accepté la liste des substances qui est maintenant la même au niveau mondial, afin qu'il y ait une certaine uniformité dans ce domaine.

Pour que les États soient liés au niveau juridique, l'Unesco a élaboré une convention internationale dont l'objectif est d'aboutir, dès octobre 2005, à la signature d'une convention par tous les États afin que l'AMA soit reconnue au niveau international. Le but principal est de mettre sur pied une énorme campagne de sensibilisation visant à expliquer les dangers du dopage. Pour l'instant, tous les États semblent assez favorables à la signature de cette convention.

Les choses commencent à bouger au niveau européen. Une convention européenne contre le dopage datant du 16 novembre 1989 a été élaborée à Strasbourg, mais n'a été ratifiée que le 1er janvier 2002 par la Belgique. Cette convention européenne vise à uniformiser les prises de position en la matière, à favoriser les échanges d'informations entre les pays et à veiller à ce que les sanctions en vigueur dans un pays soient applicables partout. Les sanctions doivent être reconnues au niveau européen. Il faut que l'on empêche un sportif de pratiquer son sport pendant la période de suspension et cela dans quelque pays que ce soit.

Cette convention a le mérite d'exister. Un petit fascicule vient d'être édité pour demander aux États s'ils comptent uniformiser leur législation mais, pour l'instant, il n'y a pas encore d'éléments concrets.

Au niveau des communautés, on vous a dit que les communautés avaient des compétences dans le domaine de la santé et du sport. Une série de décrets ont donc vu le jour au niveau de la Communauté flamande et de la Communauté française.

J'en viens aux problèmes relatifs aux décrets de la Communauté flamande. Imaginons qu'un sportif francophone participant à une compétition sportive organisée en Région flamande subisse un contrôle qui se révèle positif. Ce sportif est avisé du résultat et il a la possibilité de demander une contre-expertise de l'échantillon A. On procède alors à cette contre-expertise sur base de l'échantillon B et, ensuite, une procédure disciplinaire se met en route. La Communauté flamande a une pratique totalement différente de la Communauté française : elle a mis sur pied une commission administrative disciplinaire qui sanctionne elle-même les sportifs. Ces sanctions ne sont applicables que sur le territoire flamand, mais un avis du Conseil d'État prévoit qu'une autorité publique n'a pas le droit d'appliquer des sanctions en matière disciplinaire, ce droit ne relevant que des fédérations. Personne en Communauté flamande n'a jamais saisi le Conseil d'État de cette question qui, à mon avis, pose un gros problème juridique quant à la validité des sanctions disciplinaires prises par la Communauté flamande.

La Communauté française a décidé de suivre l'avis du Conseil d'État, ce qui entraîne d'autres problèmes. Lorsqu'un sportif, de quelque nationalité que ce soit, subit un contrôle positif sur le territoire francophone, on prélève un échantillon A et un échantillon B et on renvoie ensuite le dossier aux fédérations dépendant de la Communauté française. Celles-ci ont l'obligation de prendre des sanctions, sinon, elles voient leurs subsides suspendus. Cependant, la Communauté française ne peut imposer aux fédérations flamandes ou étrangères de prendre des sanctions. Elle va donc se limiter à leur communiquer les dossiers. Elle n'assurera aucun suivi et elle ne dispose d'aucun moyen de pression.

Qu'en est-il de la Communauté germanophone ? On ne peut venir effectuer des contrôles sur son territoire et elle n'a pas encore pris de décret organisant les contrôles antidopage. Un accord de coopération a été conclu avec la Communauté flamande par lequel la Communauté germanophone l'autorise à venir procéder à des contrôles antidopage sur son territoire et reconnaît les sanctions qui seraient infligées par la commission disciplinaire de la Communauté flamande.

Nous sommes donc dans un pays à trois vitesses à ce niveau.

Il a été question d'un accord de coopération liant les trois communautés, accord qui existe mais ne fonctionne pas. Il n'y a pas d'échanges entre les communautés en ce qui concerne les sanctions qui sont prises de part et d'autre. La Communauté flamande n'informe jamais les fédérations sportives qu'elle a suspendu un sportif : celui-ci peut donc continuer à participer aux compétitions. Cette façon de procéder pose des problèmes au niveau international car en cas de contrôle positif, en matière d'athlétisme, le laboratoire de Gand a l'obligation d'envoyer le résultat à la Fédération internationale, laquelle s'informe auprès de la Fédération nationale d'athlétisme. Celle-ci doit alors reconnaître qu'elle ignore à qui correspond le numéro figurant sur le formulaire. La Communauté flamande, quant à elle, refuse de communiquer le nom de l'athlète.

L'athlète ne sera sanctionné qu'au niveau de la Communauté flamande mais pas au niveau de la Ligue nationale ni au niveau international, contrairement à ce qui est prévu. Il y a donc d'importants problèmes de coordination.

J'ai été consultée dans différents dossiers et je me suis rendu compte que les Français avaient trouvé une parade en la matière en créant un Conseil de prévention et de lutte contre le dopage afin d'essayer d'harmoniser les sanctions au niveau national. Tous les contrôles positifs sont transmis au centre qui met en route les procédures, précisant que l'on peut ou non demander l'analyse de l'échantillon B. Ensuite il renvoie le dossier à la Fédération. Si celle-ci ne prend aucune décision dans les trente jours, c'est la commission créée au sein du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage qui se prononcera au niveau des instances disciplinaires — en première instance et en appel.

J'ai remis un rapport au Comité olympique à propos du problème des sanctions disciplinaires. Je me suis penchée sur la question de savoir jusqu'où une fédération pouvait aller en cette matière. Quand un sportif fait l'objet d'une suspension de plusieurs années, voire à vie, il est évident que sa carrière est brisée, ce qui le prive de son gagne-pain. Se pose donc là un problème majeur.

À l'heure actuelle, les fédérations, qu'elles soient flamandes, francophones ou germanophones, ne sont généralement pas du tout outillées pour prendre des sanctions disciplinaires dans de bonnes conditions. La plupart des fédérations sont gérées par des bénévoles. Or, il faut avoir certaines compétences pour pouvoir siéger dans une commission d'appel ou dans une commission antidopage, majoritairement composées de spécialistes en matière sportive, de juristes et de médecins. Par ailleurs, les moyens d'investigation font défaut. Il faudrait disposer d'une personne à qui confier l'instruction des dossiers, à charge et à décharge, avant qu'ils soient transmis au président de la commission. En outre, dans certaines petites fédérations, on peut s'interroger sur l'impartialité et l'indépendance des personnes qui sont habilitées à prendre d'aussi lourdes sanctions. Bon nombre de fédérations seraient désireuses de créer une instance disciplinaire commune, que ce soit au niveau fédéral ou à l'échelon communautaire, où des personnes compétentes pourraient prendre des sanctions adaptées, cas par cas. Cela permettrait de satisfaire aux conditions d'indépendance et d'impartialité en évitant l'écueil du protectionnisme. Une fédération qui ne compte qu'un ou deux sportifs de haut niveau en son sein se montre bien souvent réticente à l'idée de prendre des sanctions à leur égard quand ils sont convaincus de dopage. Les responsables préfèrent fréquemment invoquer une faute de procédure. En matière de dopage, il serait donc peut-être opportun que les fédérations délèguent leurs compétences disciplinaires à une instance commune. Evidemment, cela suppose de leur part une démarche volontariste.

M. Jacques Germeaux (VLD). — M. Misson a donné un certain éclairage de la problématique du dopage. L'objectif de cette commission n'est pas de concentrer l'attention sur le sport et sur les sportifs professionnels. Le signal que donne le sport aux jeunes est important mais ici nous parlons surtout de l'usage de produits dopants par la population en général.

Laissons-nous tout faire ou optons-nous pour la prohibition ? M. Misson plaide pour une plus grande liberté. On a effectivement constaté que la prohibition n'avait rien donné aux États-Unis mais ce n'est pas une raison pour tout permettre.

Vous avez donné l'exemple du Tour de France. Les jeunes ne vont-ils pas penser que sans dopage dans le sport on ne peut atteindre des résultats ? À quel âge en feront-ils oui ou non l'expérience ?

Vous parliez de l'insécurité juridique. Selon vous, si l'AMA menaçait de sanctionner lourdement les sportifs, il faudrait intervenir contre cette décision. Ne devrions-nous pas plutôt alléger la sanction — comme en Grande Bretagne pour le cannabis — et en tout cas tendre vers une harmonisation tant du dépistage et de la sanction que de la reconnaissance des produits ?

Comme certains, vous estimez qu'il faut tout permettre parce que les choses ne sont pas encore claires et que le traitement inégal est la règle.

M. L. Misson. — Si j'avais la bonne solution, je vous la donnerais, mais vous l'auriez certainement trouvée vous-même ... Le problème est de savoir quel choix nous avons. Si la pénalisation n'aboutit pas à une éradication, il faut chercher autre chose. Prenons l'exemple du cyclisme. On est pratiquement certain du fait que 95 % des cyclistes professionnels sont dopés; or seuls deux ou trois cas sont mis au grand jour chaque année ... Je n'aime pas la tricherie et je pense que ces produits sont dangereux. Si on me dit que la pénalisation aboutit à un résultat, d'accord, mais ce n'est pas le cas ... Il est dès lors préférable que la préparation des sportifs soit prise en charge par des médecins, qui engageraient leur responsabilité civile et travailleraient dans la transparence, en se basant malgré tout sur une liste — restreinte — de produits interdits car véritablement dangereux.

Je parlais voici quelques instants du sirop antitoux, contenant de la morphine, utilisé par une jeune fille pratiquant la gymnastique rythmique; la morphine, comme on le sait, nuit aux performances ... On en arrive donc à des situations vraiment anormales.

M. Jacques Germeaux (VLD). — Tout dépend de ce que l'on recherche.

M. L. Misson. — Oui, je sais qu'un antidouleur peut aider la personne à se dépasser, etc., mais on finit par chercher tous azimuts, y compris parmi les produits non dangereux. À ce moment-là, en interdisant tout, on permet tout. C'est ce que je disais tout à l'heure. Ce qui est surtout inadmissible, c'est que le degré de la sanction est le même, quel que soit le produit.

Mme Annemie Van de Casteele (VLD). — Je doute que les choses se déroulent ainsi dans la pratique. Mme Gavage a peut-être une réponse à ce sujet. Il me semble peu probable que la même peine soit infligée pour tous les produits et quelle que soit la dose. Dans ce cas on n'a plus besoin de commission pour se prononcer à ce sujet puisque des sanctions disciplinaires clairement différenciées ont déjà été prises.

Mme D. Gavage. — Les sanctions disciplinaires diffèrent selon les catégories de substances, par exemple A, B ou C. Lorsqu'il s'agit de la catégorie des médicaments dits dangereux, c'est-à-dire l'EPO, la THG, etc., le minimum est de deux ans. Dans d'autres cas, comme celui du cannabis, classé en catégorie C, la sanction n'est pas obligatoire. Le cannabis va d'ailleurs bientôt disparaître de la liste de l'AMA. Certains produits retrouvés dans la composition de médicaments tels que les sprays antitoux seront non pas dépénalisés, mais « désanctionnés ». Pour les catégories intermédiaires, il existe tout un panel de sanctions possibles.

M. Jacques Germeaux (VLD). — Pas selon le code antidopage de l'AMA.

Mme D. Gavage. — Si. L'article 10 établit une différence entre deux catégories. D'une part, les substances et les méthodes interdites — donc les médicaments graves — pour lesquelles la suspension varie entre deux ans et à vie. D'autre part, les substances spécifiques reprises dans de nombreux médicaments — sirops, etc. — ou moins susceptibles d'être dopantes, et qui ne sont pas prises intentionnellement dans le but d'améliorer les performances. Les sanctions vont de l'avertissement jusqu'à la suspension à vie. Se pose aussi la question de savoir si l'on accordera une suspension de la peine ou un sursis.

M. L. Misson. — Vous m'étonnez ... Ou alors cet élément est tout nouveau; il ne figure pas dans ma version du code.

Mme D. Gavage. — Il s'agit de la dernière version, le code 3.0.

M. L. Misson. — J'ai participé, il y a un mois et demi, à une séance d'informations sur le code, avec des gens du CIO, mais ils ne nous ont pas parlé de tous ces noms.

Mme D. Gavage. — J'ai repris exactement les articles.

Je rappellerai que les fédérations nationales doivent appliquer les critères de leur fédération internationale. En matière d'athlétisme, il existe tout un panel de sanctions selon les différents médicaments. Nos services publient chaque année un fascicule antidopage qui reprend les diverses substances autorisées ou non, ainsi que les médicaments que certaines personnes peuvent prendre moyennant un dossier médical approfondi soumis soit à notre commission médicale soit à la commission médicale internationale. Par exemple, des personnes qui souffrent d'asthme peuvent prendre certains médicaments à condition d'avoir reçu une autorisation. Pour ce faire, ils doivent fournir un dossier médical complet.

M. Jacques Germeaux (VLD). — Je voudrais revenir un instant sur la déclaration de M. Misson concernant le Limbourg. Ce butin d'une valeur de plusieurs millions n'était quand même pas exclusivement destiné aux sportifs. Ce n'est pas possible ? Le public intéressé est beaucoup plus large et c'est sur lui que nous devons nous concentrer. Je ne parle pas ici de cannabis, de salbutanol ou d'un peu de codéine mais de préparations hormonales.

Si on répand l'idée que le dopage est autorisé pour les sports de haut niveau, la population et les jeunes se demanderont pourquoi ils ne peuvent pas prendre des stupéfiants. Que vous en semble ?

M. L. Misson. — Mon optique n'est pas de souhaiter qu'on autorise, mais de dire que cela est. Vous ferez comme vous voudrez. Un fait vaut mieux qu'un lord-maire, dit-on : le dopage existe.

Il est très intéressant de lire les ouvrages de personnes qui ont été dopées et qui expliquent comment elles ont essayé de cesser cette pratique. Je pense notamment au livre de Mentéour. Ce cycliste français qui obtenait de très bons résultats a décidé un jour de rendre tous ses titres en reconnaissant qu'il s'était dopé durant toute sa carrière. Après, il essayera de poursuivre la compétition sans le dopage. Lui qui gagnait les courses en étant dopé ne parviendra même plus à suivre le peloton.

Je vous conseille également la lecture du livre de Christophe Basson qui est peut-être un des deux ou trois cyclistes à ne s'être jamais dopé. Il explique ce qu'est sa vie en tant que cycliste refusant le dopage dans un monde de dopage. Il subit tous les sarcasmes, y compris ceux de Lance Armstrong qui se moque de lui. Dans les toutes premières semaines de la saison, il arrive à suivre et à faire un peu de résultats, parce que les cyclistes ne prennent pas de produits dopants pendant les entraînements de début de saison. Mais dès que la saison avance, il n'arrive plus à suivre le peloton. Voilà la vérité.

Je ne pars pas d'une réflexion éthique ni d'une image. Mon image du sport est que le dopage est présent. Il est industriel et massif. Si l'on veut protéger les sportifs contre eux-mêmes, la question est de savoir si la pénalisation ne fait pas surtout l'affaire des délinquants. Qui perdrait beaucoup d'argent si l'on dépénalisait le trafic des drogues ? Ce sont les dealers. Veut-on rendre les circuits apparents, transparents, voir la réalité, pouvoir informer et déterminer les véritables responsabilités ? La pénalisation rend tout opaque, ce qui profite aux mafieux et aux délinquants.

Je suis bien d'accord avec vous : la solution n'est pas glorieuse, mais elle répond à un problème précis que j'ai défini préalablement.

Mme Annemie Van de Casteele (VLD). — M. Misson, vous n'êtes pas le premier à plaider en ce sens. D'autres orateurs ont également plaidé en faveur d'un usage contrôlé de produits dopants par des athlètes sous surveillance médicale. C'est une discussion que nous ne pouvons éviter quoique cette matière ne relève en fait pas de notre compétence. L'autorisation ou non de dopage dans le sport est une compétence communautaire. Nous n'avons pas à nous prononcer à ce sujet. Heureusement, dirais-je presque.

La santé publique, elle, relève bien de notre compétence et comme M. Germeaux, j'estime que les sportifs doivent donner l'exemple. Si nous autorisons un usage contrôlé de produits dopants dans les sports de haut niveau, cela fera boule de neige, notamment chez les sportifs amateurs et dans les centres de fitness.

Vous parlez de 60 000 décès dus au tabac et de 40 000 dus à l'alcool en France et de quelques décès seulement dus au dopage. Je crois comme vous que seuls quelques utilisateurs de produits dopants meurent pendant le sport, mais le nombre de personnes qui souffrent à long terme des effets nocifs du dopage est certainement comparable au nombre de malades intoxiqués par le tabac et l'alcool. La combinaison de produits dopants est peut-être encore plus dangereuse !

M. L. Misson. — Dans mon esprit, dans le domaine de la drogue, la victime c'est le drogué et, dans le domaine du dopage, la victime c'est le dopé. Il existe des tas de gens aussi honnêtes que vous et moi mais qui se dopent parce que les autres le font et que c'est devenu pour eux une obligation pour pratiquer leur métier. Comme avocat, je suis gêné quand je vois que la politique que l'on veut appliquer consiste à pénaliser des gens qui, pour moi, sont des victimes et sont obligés de faire ce qu'ils font. Quand je dis que le sport est un métier dangereux, c'est parce qu'il comporte toute une série de risques physiques mais aussi parce qu'il y a ce risque du dopage. Comme je l'ai dit, très souvent — j'en suis absolument convaincu — ce sont des employeurs, des fédérations qui dopent les gens, qu'ils le veuillent ou non. Cela me pose un gros problème pour défendre les gens. Un sportif qui pratiquait le triathlon, une discipline extrêmement dure comportant natation, course cycliste et course à pied, m'a raconté qu'il avait battu au moins vingt fois dans sa carrière, dans les trois disciplines, un certain triathlète qui était relativement mauvais. Et puis, tout à coup, cet adversaire a dépassé tout le monde, atteignant un sommet inégalé en Belgique.Ce sportif m'a dit : jusque-là, j'étais le meilleur en Belgique, j'avais des sponsors. La saison suivante, tous mes sponsors sont partis chez cet adversaire. Cet athlète a ajouté : j'ai 35 ans, donc je ne vais pas me doper, mais je vous jure que si j'en avais 25, je me doperais aussi. Et en effet, c'est de la légitime défense, c'est une manière de garder son gagne-pain.

Si l'on pouvait retrouver le premier dopé du monde, il faudrait lui couper la tête !

Ce qu'il faut bien comprendre à propos du dopage, c'est qu'il concerne des jeunes sportifs qui démarrent leur carrière. Beaucoup n'ont jamais rien pris. Ils ont de l'idéal. Ils commencent le sport professionnel de haut niveau et ils découvrent que tout le monde prend des produits ! C'est à ceux-là qu'il faudrait dire de ne pas le faire. Mais ils savent très bien qu'ils n'arriveront pas s'ils n'y passent pas. Il y a une obligation professionnelle qui est dégoûtante, scandaleuse et dangereuse. Des études établissent que l'on relève un nombre anormal d'enfants handicapés parmi les enfants de sportifs de haut niveau. En Italie, des études effectuées sur 24 000 footballeurs ont mis en évidence des désastres. On a trouvé 103 fois plus de malades atteints par la SLA, une maladie qui détruit les muscles, que dans un échantillon normal de population. C'est vraiment là qu'est le problème. Chez les magistrats, dans notre justice, la question est la suivante : peut-on condamner quelqu'un qui est obligé de passer par là pour faire son métier ? Ou alors, les sportifs doivent choisir de renoncer à la carrière, au sport qu'ils adorent, au sport pour lequel ils se sont préparés pendant des années, ils doivent renoncer à leur niveau de vie et aller travailler en usine.

Mme D. Gavage. — Il se pose un important problème d'information. Je constate que l'on sanctionne beaucoup dans les communautés. Ainsi, des sanctions ont récemment été prises à l'égard de personnes d'une soixantaine d'années qui faisaient du tir-à-l'arc en tant que hobby et avaient des problèmes de tension. On a trouvé dans leur sang des produits qui n'étaient pas acceptés. On leur conseille de faire du sport pour leur santé et on les sanctionne quand elles en font.

L'information doit se faire depuis la base, dès l'enfance, mais aussi vis-à-vis des parents. Quand de jeunes enfants jouent au football, on voit au bord du terrain des parents donner des médicaments à leur fils parce qu'ils veulent qu'il soit le meilleur.

Il faut maintenir les sanctions. Ces gens doivent se rendre compte que s'ils dépassent certains limites, ils seront sanctionnés. Il faut à la fois informer et sanctionner.

M. Jacques Germeaux (VLD). — J'admets que les sexagénaires doivent se détendre et faire du sport. Je reviens un instant à l'accompagnement de mauvaise foi du médecin. Il n'est pas inimaginable qu'une personne fasse de l'hypertension à 60 ans mais si elle fait du sport, elle doit en informer le médecin qui saura qu'il ne doit pas lui prescrire des bêtabloquants. Il existe en effet d'autres remèdes. Un enquêteur ne peut savoir si ce bêtabloquant est pris contre l'hypertension ou contre les tremblements.

À mon sens si quelqu'un fait du tir à l'arc, il le prend contre les tremblements. Ce n'est pas ce que vous venez de dire. Tant pour le coureur professionnel que pour l'amateur, c'est le résultat qui compte. Je sais par expérience que la consommation est plus importante dans cette dernière catégorie de sportifs et pourtant ils ne le font pas pour l'argent. La plupart du temps, il s'agit d'amis qui veulent se damer le pion.

4. Audition du 18 février 2004

1. Exposé de M. E. Vermeersch, professeur émérite de l'Université de Gand

a) L'éthique médicale dans la médecine sportive : exposé

1. À en croire les publications des philosophes et des éthiciens du sport, la plupart d'entre eux estiment que les arguments en faveur d'une interdiction du dopage dans le sport ne sont pas pertinents. Ils s'en prennent aux deux arguments fondamentaux qui justifient cette interdiction.

1.1. Il y a tout d'abord le danger pour la santé et même pour la vie des sportifs qui utilisent des produits dopants.

Cet argument est par essence un argument paternaliste. Le paternalisme est l'attitude ou la pratique consistant à imposer une mesure à une personne contre son gré afin de préserver sa santé, son bien-être et donc, d'une manière générale, ses intérêts. Lorsqu'un père fait preuve de paternalisme envers ses enfants mineurs, cette attitude est légitime. Mais depuis la parution de l'important ouvrage de John Stuart Mill intitulé « On Liberty », nombreux sont ceux qui trouvent intolérable tout paternalisme envers des adultes capables d'exprimer leur volonté. En effet, qui mieux que le principal intéressé peut savoir ce qu'il considère comme son bien-être et qui plus que lui est directement concerné par son propre bien-être ? Moi seul sais, par exemple, si j'ai mal, si j'ai peur, si j'ai du chagrin, etc. et moi seul dois réellement le supporter : personne ne ressent la douleur d'autrui. Le fait qu'un tiers, aussi spécialisé soit-il, puisse avoir le dernier mot dans les choix concernant mon bien-être personnel est une atteinte à mon droit de disposer de ma personne. Si je veux mettre ma propre vie en danger, c'est mon affaire; si je décide de fumer ou d'avoir recours au dopage, cela ne regarde donc que moi.

L'on accepte bien la pratique des sports à risques : la boxe avec 1,3 mort par 100 000 adeptes, ou encore les courses de motos, l'alpinisme, le parachutisme et les courses de chevaux où l'on enregistre respectivement 7, 51, 123 et 128 morts par 100 000 participants. Pour certains, l'euphorie que procure la victoire ou la satisfaction d'avoir atteint l'objectif est manifestement telle qu'ils sont prêts à mettre en jeu leur vie et leur santé; et que l'on trouve cette attitude déraisonnable ou non, la société dans laquelle nous vivons ne réagit pas de manière paternaliste : elle laisse à ces personnes le choix de courir ces risques.

Quant à ceux qui invoquent les dangers pour la santé, ils doivent admettre qu'il y a bien longtemps que, dans de nombreuses disciplines sportives, la maxime « mens sana in corpore sano », un esprit sain dans un corps sain, est devenue une phrase vide de sens. Quand on connaît l'extrême vulnérabilité des sportifs, on peut difficilement prétendre que la santé soit considérée comme une valeur précieuse dans les sports de haut niveau. Les programmes d'entraînement harassants conjugués aux dangers inhérents aux sports de contact et aux sports à risques exposent la santé et parfois la vie des participants à un tel péril que les dangers du doping n'y ajoutent pas grand-chose. Si l'on a le droit d'astreindre l'organisme à une charge excessive imposée par la rigueur des entraînements, pourquoi ne pourrait-on pas accepter celle provoquée par les produits dopants, surtout si l'on soumet les sportifs à un suivi médical et pharmacologique strict, ce qui nécessiterait que l'on abolisse l'interdiction relative au dopage ?

1.2. Mais le dopage constitue, dit-on, une atteinte à une valeur fondamentale du sport : le fair-play. Si l'on prend le mot fair-play dans son sens étroit ou formel, c'est-à-dire le respect strict des règles du jeu, cette affirmation est inexacte. Si l'utilisation, par exemple, d'un poids truqué dans une épreuve de lancement du poids doit être qualifié de pratique malhonnête, le dopage, par contre, ne constitue pas une entorse spécifique de ce type aux règles du jeu.

Quand on utilise le mot fair-play dans son sens informel, qui est le plus usité, on entend par là que tous les participants doivent pouvoir entamer l'épreuve avec les mêmes chances de gagner. Le vainqueur doit sa victoire à sa force, à son adresse et à son endurance sur le moment même ainsi qu'à l'entraînement auquel il s'est astreint : c'est son degré d'engagement personnel avant et pendant la compétition qui est prépondérant.

Cela aussi relève d'une vision idéaliste. Un athlète de haut niveau ne peut pas s'enorgueillir des aptitudes que lui confère son patrimoine génétique. Il n'a aucune prise non plus sur ses chances en matière d'éducation. L'environnement socio-économique joue aussi un rôle : si des enfants issus de quartiers pauvres parviennent parfois à briller au firmament du football ou de la boxe, on n'en rencontrera que rarement dans un sport comme la voile. Un individu aura la chance de pouvoir bénéficier d'un accompagnement médico-sportif optimal et un autre pas, ce qui porte aussi atteinte à l'égalité des chances au départ. Il fut même longtemps inconcevable pour des personnes issues de la classe ouvrière de pouvoir participer aux Jeux olympiques. Les différences entre les aptitudes physiques des uns et des autres sont parfois si évidentes qu'on en tient compte sur le plan sportif. C'est ainsi qu'il existe plusieurs catégories de poids en judo et en boxe, mais il existe aussi d'autres différences, comme des différences de taille. À propos de celles-ci, il faut noter que l'on ne fait pas de distinction, par exemple, entre les joueurs qui mesurent plus d'1 m 80 et ceux qui mesurent moins d'1 m 80. Il est donc illusoire de croire que les chances de victoire ne seraient déterminées que par le degré d'engagement des intéressés.

Mais, dès que l'on considère que ni les prédispositions naturelles, ni le « coaching » ou l'accompagnement médical — qui peuvent quand même avoir un effet décisif — ne portent atteinte au fair play, il n'est plus fort difficile d'accomplir le pas supplémentaire qui consiste à administrer des produits qui figurent aujourd'hui sur la liste des substances dopantes et dont certains sont même des médicaments courants. Au demeurant, où se situe la limite entre, par exemple, un entraînement en altitude et la prise d'EPO ? L'un et l'autre entraînent une modification de la composition normale du sang. Et il faudra bien un jour trancher la question de savoir si une modification génétique de la moelle osseuse qui modifie le taux d'hémoglobine constitue une forme de dopage.

Il semble bien que l'argument suivant soit déterminant dans ce débat : si on levait l'interdiction du dopage, tout le monde pourrait y recourir dans une même mesure, ce qui serait évidemment tout bénéfice pour le fair play.

Bref, invoquer les risques que le dopage présente pour la santé relève d'une attitude non seulement paternaliste mais aussi incohérente, compte tenu des nombreux autres risques inhérents au sport de haut niveau. La référence au fair play ne fait que dissimuler les nombreux autres facteurs qui réduisent l'égalité des chances au départ; par ailleurs, l'argument en question ne joue plus du tout dès l'instant où tout le monde peut recourir au dopage.

Ajoutons enfin que le dopage est également présent dans les milieux artistiques, scientifiques, politiques, etc, mais que les personnes concernées n'y sont nullement inquiétées.

C'est la raison pour laquelle certains philosophes du sport estiment que la politique actuelle de lutte contre le dopage manque de tout fondement rationnel et relève même de l'hypocrisie. (Voir, par exemple, Brown, 1984; Hoberman, 1992; Burke & Roberts, 1997; Tamboer & Steenbergen, 2000).

2. Les pratiques de dopage continuent pourtant à susciter une forte aversion auprès du grand public et des médecins. Sans doute celle-ci est-elle nourrie par des réminiscences de cas concrets qui ont marqué l'histoire du sport. C'est ainsi qu'on a le sentiment, quand on se remémore les surprenantes victoires de Lasse Viren ou, plus encore, celles de Ben Johnson, que les règles du fair play ont été quelque peu foulées aux pieds; impossible aussi d'oublier les dangers du dopage pour la santé lorsqu'on entend les noms de Tom Simpson, de Birgit Dressel, de Katrin Crabbe et, sans doute aussi, de Florence Griffith Joyner; quant aux pratiques dont s'est rendue coupable la « machine à médailles » est-allemande, elles ont porté atteinte aussi bien au fair play qu'à la santé. Mais pour pouvoir développer une argumentation rationnelle en la matière, on doit faire plus qu'évoquer quelques cas marquants.

Si l'on veut pouvoir se forger un point de vue réfléchi, on doit analyser de manière appropriée l'ensemble des événements sportifs actuels et, en particulier, des événements qui s'inscrivent dans le cadre du sport de haut niveau.

2.1. On peut ainsi s'interroger sur la signification que possède encore aujourd'hui la devise olympique « citius, altius, fortius » (« plus vite, plus haut, plus fort »). N'a-t-elle pas fait son temps ? S'il est une chose que le mouvement écologiste nous a apprise, c'est que la terre, notre écosystème et l'être humain en tant que tels ont des limites intrinsèques que les individus que nous ne sommes ne peuvent dépasser sans s'autodétruire. Au cours du siècle passé, tous les records du monde qui existaient en 1900 ont probablement été améliorés à plusieurs reprises. Quand on a un minimum de bon sens, on sait très bien qu'une telle évolution ne pourra durer éternellement. Le corps humain a ses limites, et on ne peut pas les frôler ni les dépasser, sans porter atteinte à ce corps. Nous pouvons encore repousser un peu ces limites en nous soumettant à des programmes d'entraînement extrêmes et en consommant des produits dopants, avec tous les risques que cela implique, mais à qui cela profiterait-il ? Les manipulations génétiques permettront probablement un jour de former des corps encore plus rapides, plus puissants, etc., mais à quel but sensé cela pourra-t-il servir ? Dès lors que toutes les fonctions de notre corps peuvent être exercées beaucoup mieux par des machines, pourquoi développer une fonction en particulier au risque de porter préjudice à l'harmonie de l'ensemble ? La seule conclusion qui s'impose est que nous devons tourner la page du 20ème siècle et faire notre deuil de la devise « citius, altius, fortius », qui légitimait la chasse aux records.

2.2. La deuxième raison de ce besoin de repousser les limites et, donc, de recourir au dopage, réside dans la commercialisation et la médiatisation du sport de haut niveau. Une victoire dans une grande compétition flatte l'estime de soi et permet non seulement d'acquérir une grande renommée, mais aussi de gagner beaucoup d'argent. Intrinsèquement, cette volonté de figurer au sommet coûte que coûte est moins absurde que celle de courir toujours plus vite, de sauter toujours plus haut et de devenir toujours plus fort — car il y aura toujours un premier — mais elle est plus dangereuse, parce qu'elle est très séductrice et qu'elle rend aveugle aux énormes risques que l'on court.

2.3. La troisième raison réside dans l'aspect agonistique ou l'esprit de compétition qui est inhérent à la plupart des sports de haut niveau et qui, combiné au sentiment d'appartenance nationale, investit en quelque sorte les athlètes de la mission de défendre l'honneur de tout un pays ou de tout un peuple, ce qui ne fait qu'attiser leur soif de performance.

3. Comme on le sait, la conjugaison de ces facteurs a eu pour conséquence la disparition d'un autre idéal de la pensée olympique, à savoir l'amateurisme, qui, en dépit de son caractère élitiste et naïf, offrait quand même une protection contre les excès. Et ce qui vaut pour les Jeux Olympiques vaut, bien entendu, pour toutes les manifestations qui s'inscrivent dans le cadre du sport de compétition.

3.1. Je suis persuadé que la course aux records, la médiatisation, la commercialisation et l'attisement des sentiments nationalistes exercent de concert une forte influence immorale, et que tout ce qui est excessif et blâmable dans le dopage et les méthodes d'entraînement exagérément intensives en découle fondamentalement. Sans doute est-il impossible d'arrêter purement et simplement cet engrenage, mais toutes les personnes en mesure d'apporter une quelconque contribution devraient considérer qu'il est de leur devoir de dénoncer l'immoralité qui le caractérise et d'y mettre un frein dans la mesure du possible.

3.2. Une deuxième thèse que j'aimerais exprimer est que les arguments contre l'interdiction du dopage, aussi rationnels qu'ils puissent paraître, renferment une composante libertaire rationnellement indéfendable. Je m'oppose également au paternalisme. Lorsqu'une personne qui n'a aucune responsabilité envers des tiers souhaite, à l'insu de tous, traverser l'océan sur une planche de surf, libre à elle de le faire. Mais les alpinistes ou les skieurs qui prennent de gros risques et qui ont un accident entraîneront, qu'ils le veillent ou non, l'intervention de sauveteurs qui, à leur tour, risqueront peut-être leur vie. Empêcher quelqu'un de s'exposer à de tels risques, ce n'est pas faire preuve de paternalisme, c'est simplement protéger ses semblables contre la témérité d'autrui. De même, on peut dire que les sportifs qui mettent leur santé en danger par le dopage représenteront peut-être une charge pour l'infrastructure médicale et l'assurance maladie pendant de longues années. Dans notre système, un individu ne peut se comporter comme s'il était en dehors de la société : quiconque veut bénéficier des avantages qu'elle offre doit aussi en accepter les désagréments.

Bien que ce raisonnement vaille aussi, en partie, pour certains sports à risques et programmes d'entraînement, je suis quand même favorable à une plus grande autonomie dans ce domaine. Le manque de temps m'empêche de développer ici mes arguments. Lorsque les intérêts de la collectivité peuvent être sauvegardés, entre autres par le biais d'assurances spéciales, on peut admettre une plus grande liberté : le droit à l'autodétermination reste une valeur essentielle.

3.3. Ce refus du paternalisme vise, bien entendu, les adultes autonomes. Il ne faudrait nullement en déduire que l'on puisse imposer des programmes d'entraînement épuisants à des mineurs, même s'ils le demandaient ! Le jour où des études scientifiques détermineront quelles sont les formes de sport et d'entraînement qui peuvent être néfastes aux mineurs, il faudra les en préserver et, bien souvent, il conviendra même de leur refuser l'accès à la compétition de haut niveau dans la discipline concernée. Qui a oublié qu'il y a quelques années encore — et c'est scandaleux — les enfants pouvaient conquérir des médailles olympiques ? Espérons que l'on aura un jour le bon sens d'interdire aux jeunes de moins de 18 ans le sport de haut niveau, qui est, de toute façon, sous l'emprise de la commercialisation et de la médiatisation.

Permettez-moi, pour conclure, de formuler l'espoir que les médecins et les autres spécialistes connaissant les risques du sport de haut niveau, en général, et du dopage, en particulier, ne se contenteront pas de dénoncer les pratiques de dopage individuelles, mais s'attaqueront aussi aux mécanismes de base qui sont à l'origine de tous les dérapages.

Bibliographie

Brown, W.M., Paternalism, Drugs, and the Nature of Sports, Journal of the Philosophy of Sport, XI, 1984, pp. 14-22.

Burke, M.D. & Roberts, T.J., Drugs in Sport/ An Issue of Morality or Sentimentality ? Journal of the Philosophy of Sport, XXIV, 1997, pp. 99-113.

Hoberman, J.M., Doping, De atleet als machine, Utrecht/Antwerpen, Kosmos, 1992.

Tamboer, J. & Steenbergen, J., Sportfilosofie, Leende, Damon, 2000.

b) Échange de vues

M. Vankrunkelsven estime qu'il faut faire une distinction entre le sport de haut niveau et la pratique récréative d'un sport. En effet, celle-ci est sans aucun doute bénéfique à la santé et mérite d'être encouragée, comme il ressort de nombreuses études.

Pour en revenir à un argument essentiel de l'exposé du professeur Vermeersch, celui qui se dope nuit à sa santé et sollicite donc, de manière inappropriée, notre système de soins de santé. Mais qu'en est-il si l'on utilise des produits dopants qui ne nuisent pas à la santé ?

L'intervenant estime personnellement que l'argument clé est d'affirmer que l'usage de produits dopants fausse la compétition. Qu'en pense le professeur Vermeersch ?

Le professeur Vermeersch réplique que ce raisonnement ne tient que dans la mesure où tout le monde n'a pas accès aux mêmes produits dopants. Mais si chaque participant a la possibilité de suivre un traitement à base de produits dopants qui se justifie du point de vue médical, l'argument devient bancal, puisque la compétition offre les mêmes chances à tous.

L'intervenant ne conteste par ailleurs pas que la pratique récréative du sport est bénéfique à la santé. Il importe d'éviter que les sportifs ne soient obnubilés par l'exemple des sportifs de haut niveau et qu'ils ne veuillent égaler les performances de ces derniers en utilisant des produits illicites. Bien souvent aussi, on insiste trop sur l'importance de la victoire dans ce qui n'est somme toute qu'un jeu. Le côté récréatif passe alors au second plan et la victoire devient l'élément prépondérant de la pratique sportive.

M. Germeaux fait remarquer que l'usage de substances interdites est souvent jugé différemment selon le contexte : un jeune qui absorbe des amphétamines dans un dancing sera automatiquement assimilé à un consommateur de drogue, alors que s'il s'agit d'un sportif, on va manifestement tolérer, voire approuver, qu'il en fasse autant.

Le professor Vermeersch estime que cela s'explique par l'adulation dont certains sportifs sont l'objet — notamment des cyclistes comme Eddy Merckx ou Marco Pantani. Cela vaut d'ailleurs aussi pour d'autres idoles, telles que des personnalités politiques ou des vedettes de cinéma, dont on ne supporte pas qu'elles puissent tomber de leur piédestal.

Mme Van de Casteele souligne qu'il s'agit souvent, même chez les sportifs amateurs, de repousser ses limites plutôt que de gagner. Celui qui peut davantage est par définition plus sain, même s'il se dope pour y parvenir : tel est le raisonnement. On commence le plus souvent de manière relativement anodine, par des préparations vitaminées, mais le dopage prend parfois aussi des formes plus graves, y compris chez les sportifs amateurs.

Selon Mme De Schamphelaere, le sport s'est substitué aux combats de gladiateurs, qui, jadis, drainaient des foules innombrables. Actuellement, les spectateurs sont des millions à pouvoir suivre les compétitions en direct à la télévision. Les sportifs sont dès lors confinés, dès leurs jeunes années, dans un rôle qui les condamne à un stress permanent et à fournir constamment des performances affûtées. Cela les rend particulièrement vulnérables; la tentation de recourir à des produits interdits va dès lors croissant. On peut se demander s'ils jouissent encore d'une quelconque autonomie. Ne faut-il pas les protéger d'eux-mêmes, ce qui suppose alors une certaine forme de paternalisme ?

Le professeur Vermeersch confirme que nombre de sportifs rémunérés sont effectivement des « valets » qui ne peuvent se permettre la moindre baisse de régime s'ils veulent conserver leur place dans le circuit. D'aucuns sont prêts à sacrifier une part de leur autonomie pour atteindre cet objectif. Délimiter de manière uniforme ce qui est permis en l'espèce et ce qui ne l'est pas pour protéger les intéressés contre eux-mêmes n'est pas chose aisée.

M. Wilmots déclare que l'attitude d'un grand nombre de jeunes pour lesquels seul l'argent compte et qui sont convaincus que le dopage est indispensable pour arriver au sommet l'inquiète très fort. Ils se trompent, car on peut parfaitement devenir sportif de haut niveau sans avoir recours au dopage. Il est malheureusement vrai que les produits dopants permettent d'arriver plus rapidement au sommet, et c'est malheureusement l'objectif de bien des jeunes qui veulent gagner rapidement des sommes importantes. Selon l'intervenant, cette attitude résulte en grande partie de l'éducation que ces jeunes ont reçue et c'est dès lors au niveau éducationnel qu'il faut agir.

Un autre élément, qui a, selon lui, fortement joué dans l'affaire Pantani, c'est le fait que le sportif de haut niveau tombe dans un « trou noir » à la fin de sa carrière. Beaucoup éprouvent des difficultés à rebondir après leur retraite sportive, parce qu'ils doivent la plupart du temps renoncer au statut de vedette qu'ils ont acquis.

Le professeur Vermeersch partage ce point de vue et fait remarquer que le problème se pose identiquement pour les politiciens en vue, les dirigeants d'entreprise, les chanteurs et les scientifiques. Selon lui, le noeud du problème réside dans le fait que beaucoup de gens n'arrivent pas à intégrer une « hiérarchie des valeurs » dans leur vie et font du coup dépendre leur bonheur de leur seule vie professionnelle, alors qu'il y a beaucoup d'autres choses qui peuvent rendre heureux.

M. Germeaux se réfère aux déclarations d'un champion comme Eddy Merckx, pour qui la justice italienne est responsable de la mort de Pantani, parce qu'elle l'a harcelé en permanence sur la base d'allégations de dopage. Qu'en pense le professeur Vermeersch ?

Le professeur Vermeersch répond que, d'après ce qu'il sait, des sportifs tels que Pantani et d'autres faisaient de certains produits dopants un usage tellement insensé que les autorités ont été obligées d'intervenir comme elles l'ont fait dans le cas de Virenque en France. On peut penser que la peine qui a été infligée était disproportionnée par rapport au délit qui avait été commis, mais telle est la rançon du succès de ceux qui sont au sommet. Il y en a qui « craquent » et il y en a qui supportent leur sort mieux que les autres.

M. Vankrunkelsven aimerait savoir ce que le professeur Vermeersch pense de l'idée de soumettre les sportifs à des tests de dépistage d'alcool ou de cannabis, des produits accessibles à tout un chacun, qui ne tombent sous le coup d'aucune interdiction et dont les traces dans le sang sont décelables assez longtemps.

Le professeur Vermeersch estime que la réalisation de ces tests n'est admissible que juste avant ou juste après la compétition.

2. Exposé de M. Vantemsche, administrateur délégué de l'AFSCA

a) Exposé

M. Vantemsche, administrateur délégué de l'AFSCA, rappelle qu'à la suite des recommandations de la commission d'enquête parlementaire qui a investigué sur ce que l'on a appelé la « crise de la dioxine », le fédéral a mis en place de nouvelles structures responsables de la sécurité alimentaire, dont le SPF Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement, qui est chargé de définir des dispositions normatives, et l'Agence fédérale pour la Sécurité de la Chaîne alimentaire, qui est un organe opérationnel chargé de toutes les inspections et de tous les contrôles. L'AFSCA collabore surtout avec la direction générale Médicaments — l'ancienne inspection pharmaceutique — et avec la direction générale Sécurité de la Chaîne alimentaire du SPF.

Les producteurs de suppléments alimentaires ont une obligation de notification, mais, contrairement à ce qui est le cas pour les médicaments, ils n'ont pas d'obligation d'enregistrement. Quiconque fait enregistrer un médicament doit fournir la preuve que son utilisation ne provoque pas d'effets secondaires ou d'effets nuisibles; la réglementation n'est cependant pas si restrictive en ce qui concerne les suppléments alimentaires. La différence entre un médicament et un supplément alimentaire se situe surtout au niveau des concentrations. Il y a une série de prescriptions concernant l'étiquetage et les affirmations concernant de prétendus effets positifs pour la santé. On ne peut en effet pas affirmer n'importe quoi sur n'importe quel produit, comme on le fait quand on parle de thés amaigrissants.

Dans le cadre de ses contrôles, l'AFSCA se heurte à plusieurs égards au problème des suppléments alimentaires. Elle procède à des contrôles de routine sur l'étiquetage et vérifie à cette occasion si le contenu d'un produit déterminé correspond aux mentions qui figurent sur l'emballage. Il ne s'agit bien sûr que d'une trentaine d'échantillons par an, mais les problèmes sont peu nombreux. Il y a, au sein de l'AFSCA un point de contact auquel les consommateurs peuvent directement adresser leurs questions et leurs plaintes. Certaines de celles-ci concernent les suppléments alimentaires. L'AFSCA se heurte également au problème des suppléments alimentaires dans le cadre de sa mission de lutte antifraude et de recherche de circuits illégaux, par exemple en ce qui concerne les hormones. La collaboration interdépartementale et multidisciplinaire est essentielle pour ce genre de lutte; c'est pourquoi on a créé une cellule multidisciplinaire hormones au sein de laquelle les divers services sont représentés.

M. Vantemsche constate qu'il y a, dans le cadre de la lutte antifraude, de grandes similitudes entre les moyens qui sont censés améliorer les prestations des animaux et ceux qui sont censés améliorer les prestations humaines. Cela vaut aussi pour ce qui est de l'approvisionnement. Il estime en outre que l'on ne peut pas se contenter de mener une lutte antifraude contre les seuls utilisateurs des produits interdits, ce qui constituerait un emplâtre sur une jambe de bois. Il y a lieu de s'attaquer aux circuits internationaux illégaux qui produisent et distribuent les substances interdites. Pour ce faire, on a besoin d'une approche multidisciplinaire et d'une collaboration internationale.

À la suite des expériences du passé, nous avons élaboré une législation sur les hormones qui est la plus stricte au monde. Le taux des peines est très élevé, pour ce qui est tant des peines administratives que des peines pénales. On ne peut malheureusement pas en dire autant en ce qui concerne la législation antidopage que l'on a dès lors beaucoup de mal à faire respecter. C'est ainsi que l'on peut interdire à un éleveur auprès duquel on a trouvé une substance prohibée d'encore vendre des animaux, alors qu'un cycliste, chez qui on a trouvé cette substance s'en tirera avec une peine légère avec sursis. Comme le milieu criminel procède à des évaluations de risques, il concentrera ses activités dans les secteurs où les peines sont les moins lourdes.

La prévention de la fraude et la lutte contre celle-ci constituent une mission essentielle de plusieurs services publics; c'est pour cette raison qu'une Unité nationale d'enquête a été créée au sein de l'AFSCA : qui veut s'attaquer à un réseau doit s'organiser en réseau. Il faut réaliser un bon équilibre entre la prévention et la répression, mais donner la priorité à la prévention. Il importe de recueillir des informations fiables, ce qui n'est possible que s'il existe une bonne collaboration entre les divers services compétents. Étant donné l'expérience que la Belgique a acquise dans le passé dans le domaine de la lutte contre la maffia des hormones et celle des produits alimentaires, on peut affirmer que l'organisation belge peut servir de modèle à l'étranger.

b) Échange de vues

M. Germeaux demande si la législation sur les hormones est effectivement trop sévère et la législation antidopage trop souple ? M. Vantemsche plaide-t-il pour une uniformisation ?

M. Vantemsche estime personnellement que la peine doit être proportionnelle à l'infraction commise. Il y a lieu de noter à cet égard qu'une personne qui se dope prend un risque pour elle-même, tandis qu'une société qui administre des substances défendues à des animaux crée des risques pour des milliers de consommateurs qu'elle ne connaît pas. Il s'agit d'une différence objective.

M. Vankrunkelsven fait remarquer que nombre de produits sont manifestement vendus à la dérobée dans les clubs de sport ou « sous le comptoir ». L'AFSCA a-t-elle une stratégie préventive et répressive pour remédier à cela ?

Mme Van de Casteele souligne qu'à la demande des pouvoirs publics néerlandais, l'équipe du professeur Delbeke effectue, au Doping laboratorium (Laboratoire du dopage) de l'Université de Gand, des tests sur des compléments alimentaires, étant donné que l'on a déjà rencontré dans le passé des cas de sportifs qui avaient pris de bonne foi des produits qui s'étaient avérés, par la suite, être des substances dopantes. Les pouvoirs publics belges ne peuvent-ils pas faire de même, de manière à pouvoir publier une liste de produits ne contenant vraiment aucune substance dopante ?

Elle rappelle qu'en ce qui concerne l'usage des animaux dans notre chaîne alimentaire, on a élaboré un système de « traçabilité » qui permet de contrôler l'origine de chaque ingrédient. Or, un tel système n'existe pas pour les compléments alimentaires, qui sont pourtant aussi utilisés directement dans l'alimentation. Faudrait-il également développer un système de traçabilité des compléments alimentaires ?

Dans quelle mesure l'AFSCA peut-elle contrôler la présence de compléments alimentaires par exemple dans les cercles de culturistes où l'usage de produits divers est monnaie courante, et comment peut-on contrôler la qualité de ces compléments ?

M. Cobbaert déclare qu'à l'avenir il faudra en tout cas multiplier les prélèvements pour pouvoir contrôler les choses de manière plus efficace. La publicité mensongère qui figure sur l'emballage de certains produits, surtout d'origine britannique, constitue toutefois un problème majeur. Comme il existe bien des variantes de bien des compléments nutritionnels et que les différences entre elles sont minimes, la gamme des produits à contrôler est tellement large qu'on pourrait avoir l'impression d'avoir à chercher une aiguille dans une meule de foin. L'usage combiné d'extraits végétaux et de produits hormonaux constitue un autre problème.

M. Vantemsche ajoute que bien des points d'approvisionnement des sportifs qui se dopent échappent au contrôle de l'AFSCA du fait que la recherche de l'usage illicite de produits dopants est la résultante du dépistage du trafic d'hormones. Il y a lieu aussi de veiller à mieux informer les gens, mais cette tâche ne relève sans doute pas des missions de l'AFSCA. La recommandation de mettre à disposition des listes de produits ne contenant aucune substance dopante est louable selon lui, dans la mesure où, en le faisant, on favoriserait la consommation de produits réguliers et on réduirait la demande de produits circulant dans des circuits illicites. Il estime cependant que ce travail de dépistage doit être effectué par les producteurs eux-mêmes et qu'il n'appartient pas aux pouvoirs publics de consentir l'investissement nécessaire à celui-ci. Ce dépistage sera également une bonne chose pour le producteur.

M. Vantemsche renvoie en outre au règlement européen 178/2002 — législation alimentaire générale — qui contient les dispositions de base à respecter pour garantir la traçabilité des produits de l'ensemble de la chaîne alimentaire. Ce règlement a été transposé en droit belge par l'arrêté royal du 14 novembre 2003 concernant « l'autocontrôle », mais celui-ci n'est pas encore appliqué de manière systématique sur le terrain. Il prévoit néanmoins que le producteur a l'obligation de garantir la traçabilité des produits et qu'il reste responsable. Le producteur a en outre l'obligation légale de mentionner la liste des ingrédients et d'indiquer les quantités de chacun de ceux-ci. Il existe, certes, encore plusieurs approches, mais la nouvelle politique en matière de sécurité de la chaîne alimentaire permettra sans doute à terme d'uniformiser la manière de traiter les divers maillons de celle-ci.

M. Cobbaert ajoute qu'en ce qui concerne les contrôles, la direction générale Médicaments est compétente pour les produits thérapeutiques et que l'AFSCA est compétente pour les autres produits. En ce qui concerne les contrôles dans les clubs sportifs notamment, il convient de faire remarquer que l'AFSCA a besoin de l'assistance de la police fédérale pour des raisons juridiques, même si, dans certains cas bien précis, ses inspecteurs sont investis de compétences identiques à celles d'un officier de police judiciaire. Il n'empêche que la vente de produits illicites « sous le comptoir » constitue toujours un problème réel dont doit s'occuper la cellule multidisciplinaire Hormones.

5. Audition du 31 mars 2004

Audition de :

— M. Kris Van der Auwera, directeur général de l'Administratie Gezondheidszorg du ministère de la Communauté flamande;

— M. Odon Marneffe, directeur adjoint de l'ADEPS;

— Mme Béatrice Bertrand, attachée au cabinet de Mme Nicole Maréchal, ministre communautaire francophone de l'Aide à la Jeunesse et de la Santé.

M. Kris Van der Auwera. — Le titre donné par mes collaborateurs à cette allocution est prometteur mais quelque peu irréaliste. L'ambition des pouvoirs publics, et depuis peu, des fédérations sportives, y transparaît légèrement, mais nous allons devoir examiner comment améliorer davantage le mécanisme de lutte contre le dopage.

Je vais d'abord vous dresser un bref historique et je répondrai ensuite à vos questions éventuelles ou j'examinerai avec vous d'autres pistes.

Il existait, et il existe toujours, une loi nationale sur le dopage, comportant une liste des substances et remèdes prohibés et prévoyant des sanctions pénales.

La lutte contre le dopage relève à présent de la compétence des communautés dans le cadre de la politique préventive de la santé. La Communauté flamande effectue, sur la base de la législation fédérale, une série de contrôles antidopage. Cependant, la charge de la preuve incombant au parquet est lourde, car il doit prouver que le dopage nuit à la santé, ce qui n'est pas toujours facile, et démontrer qu'il y avait intention de frauder à l'occasion de la manifestation sportive. De plus, la lutte contre le dopage n'était pas une priorité pour les parquets.

C'est pourquoi la Communauté flamande a décidé d'organiser elle-même la politique en matière de dopage, par le biais du décret « Medisch verantwoorde sportbeoefening » (MVS). Celui-ci vise à confier la responsabilité de la politique antidopage, mais aussi, globalement, de la pratique du sport médicalement acceptable, à toutes les fédérations sportives, en principe. Cependant, n'étant pas naïve, l'autorité a prévu un filet de sécurité au cas où les fédérations sportives ne prendraient pas leur responsabilité, de sorte qu'un tiers, en l'occurrence, la Communauté flamande, peut effectuer des contrôles antidopage et prendre des sanctions disciplinaires. Il s'agit donc d'une politique antidopage active et dépénalisée.

Le champ d'application du décret s'étend à tous les sportifs, y compris les étrangers qui participent à une manifestation sportive en Flandre, tant aux professionnels qu'aux amateurs, aux accompagnateurs — entraîneurs, masseurs, etc. — et à toute association sportive. Le concept couvre aussi bien les fédérations sportives que les associations privées.

Le décret est applicable depuis une douzaine d'années. Lors de son adoption, il était relativement progressiste et efficace. Il comportait des éléments juridiques d'avant-garde, notamment en matière de sanction disciplinaire et de droit administratif. Le décret a fonctionné, mais, et il en va souvent ainsi, il est perfectible. C'est pourquoi le Parlement flamand l'a actualisé le 3 mars 2004.

Le dopage est l'usage de substances et de remèdes prohibés. La charge de la preuve ayant été supprimée, l'effet nocif et l'intention de fraude ne doivent plus être démontrès lorsque de telles substances sont découvertes.

Le dopage se définit généralement par l'usage de substances en vue d'accroître artificiellement les performances. Les produits non répertoriés en tant que tels peuvent être considérés comme des dopants, même si la charge de la preuve est un peu plus lourde. Les manipulations des propriétés génétiques sont elles aussi prises en considération, bien qu'à ce jour, nous ne puissions pas encore les détecter. Nous craignons cependant que tôt ou tard des abus ne soient commis en la matière.

Utiliser des substances pour dissimuler des pratiques de dopage est également considéré comme du dopage. La créativité ne connaît pas de limites.

Les pratiques qui permettent ou facilitent le dopage — par exemple, tenter de mystifier des contrôleurs — sont assimilées au dopage ainsi que la possession de substances et remèdes prohibés. Ainsi, Frank Vandenbroucke a été condamné parce que l'on avait découvert de tels produits chez lui. Ne pas se présenter à une convocation sous prétexte d'être incapable de lire est assimilé au fait de se soustraire à un contrôle.

Depuis le décret de 1991, la Communauté flamande n'a pas ménagé ses efforts pour accroître l'efficacité de son train de mesures. Lorsque des sportifs wallons ou étrangers sont pris en faute sur le territoire flamand et qu'une sanction est prononcée, la fédération d'origine ne tient aucun compte de ces mesures, ce qui réduit considérablement leur impact.

Dès le départ, nous nous sommes efforcés de conclure des accords en vue d'obtenir une reconnaissance réciproque des sanctions et une harmonisation des listes de produits dopants. Ces efforts n'ont pas toujours été probants, jusqu'à ce que la lutte internationale contre le dopage devienne une priorité, grâce au nouveau président du CIO et à la création de l'AMA.

Dans le nouveau décret, nous nous sommes alignés sur la liste internationale des produits dopants et dans la mesure du possible, nous tâchons de tenir compte des accords internationaux.

Les contrôles antidopage sont effectués par des médecins reconnus, que nous formons au respect d'une procédure précise, détaillée, ce qui n'est guère évident. Ces médecins contrôleurs savent cependant que s'ils ne respectent pas la procédure, tout effort est vain.

L'initiative d'un contrôle antidopage peut être prise soit par le gouvernement, via l'administration, soit par une association sportive nationale ou internationale. Le gouvernement ne sait jamais quand les contrôles auront lieu. Nous nous sommes accordés sur une procédure efficace que nous communiquons à chaque nouveau ministre. Au sein de l'administration, un médecin sélectionne les manifestations sportives et choisit les médecins contrôleurs. Nous avons progressivement affiné notre procédure. Nous demandons aux médecins d'être disponibles certains jours. Ce n'est que quelques heures avant la manifestation sportive qu'ils sont invités à s'y rendre.

Que se passe-t-il en cas de contrôle positif ? Cette matière ayant été dépénalisée, un sportif ne comparaît pas, par définition, devant le tribunal correctionnel mais il fait l'objet d'une procédure disciplinaire, imposée par procédure administrative. Cette matière relève d'une commission disciplinaire, composée de trois membres : le président, à savoir un juge en première instance, un médecin et un délégué de la fédération. Les décisions de cette commission sont motivées et nous nous efforçons de réagir aussi promptement que possible.

Un échantillon est prélevé et transmis à un laboratoire de contrôle. Les analyses durent quelques jours et le sportif est avisé des résultats. Il obtient communication de son dossier et est convoqué devant la commission disciplinaire où il peut se faire assister par un avocat.

Il peut interjeter appel de cette décision « en première instance » devant le conseil disciplinaire, composé d'un président, conseiller à la cour d'appel, d'un médecin et d'un délégué de la fédération. La décision prise par cette instance est en principe définitive : une suspension avec interdiction de participer à toute manifestation sportive et à tout entraînement. Certains produits permettent en effet au sportif de s'entraîner plus intensivement et donc, d'améliorer sa condition physique.

La durée des sanctions est de trois mois à deux ans, mesure relativement sévère pour certains sportifs professionnels. En cas de récidive dans les deux ans, la durée peut être doublée.

Un report peut être accordé, soit à la demande du sportif soit pour renforcer l'efficacité de la sanction. Une suspension en fin de saison ayant un impact moindre, la sanction peut être reportée au début de la saison suivante.

La fédération est tenue légalement de faire respecter la mesure par le sportif. Nous avons constaté qu'il est nécessaire de l'obliger à informer la fédération internationale. La Ligue Vélocipédique Belge, par exemple, a essayé de se montrer habile en interdisant à Vandenbroucke de participer uniquement aux manifestations sportives organisées en Flandre. C'est naturellement ridicule.

J'ai appris que la collaboration avec le département de la Justice intéressait particulièrement le Sénat. À la suite d'une audition au Parlement flamand, un protocole de coopération a été conclu entre la Justice, la Police fédérale et nos services. Il vise à favoriser l'échange d'informations entre les trois administrations. L'appui de la police peut être sollicité. En effet les médecins contrôleurs ne sont pas toujours accueillis à bras ouverts dans les manifestations sportives. Il arrive même que l'accès leur soit refusé. Il n'y a personne pour prendre leur parti, surtout lors des grandes manifestations internationales, car le contrôle antidopage nuirait à l'image de la fédération concernée, voire, selon certains, de la Communauté flamande.

L'aide de la police est parfois nécessaire pour intervenir et pour garantir la sécurité des médecins contrôleurs.

Il nous arrive même de devoir nous faire escorter par la police pour nous rendre dans des associations privées sportives, les centres de fitness étant également considérés comme des associations sportives, selon notre définition.

Pourquoi effectue-t-on des contrôles antidopage ? En raison des effets négatifs du dopage sur la santé, à court et à long terme. Le dopage peut affecter le myocarde et occasionner des troubles du foie, favoriser le cancer et l'artériosclérose. L'EPO est dangereuse. Elle a peut-être déjà donné lieu à des accidents mais il n'a jamais été prouvé qu'elle avait provoqué des décès. Les hormones de croissance peuvent conduire au diabète, à une affection du myocarde et à des maladies articulaires. Les amphétamines engendrent des troubles psychiques et mènent à l'assuétude. Certains sportifs ne peuvent plus jamais s'en passer. D'aucuns craignent également que le décès inopiné de sportifs ne soit lié à l'usage de produits dopants.

Dès l'entrée en vigueur du décret de 1991, un accord de coopération a été conclu avec la Communauté française et la Communauté germanophone. La tâche n'a pas été facile compte tenu des conceptions politiques différentes de la Communauté française et de la Communauté flamande. La Communauté française s'en est plutôt remise aux fédérations qu'elle a entièrement responsabilisées.

Nous travaillons également avec le Conseil de l'Europe et l'AMA, l'Agence Mondiale Antidopage.

Je me réfère aussi à la Convention contre le dopage, adoptée en 1989 par le Conseil de l'Europe, ratifiée par l'État belge et par le Parlement flamand.

L'Unesco commence elle aussi à s'intéresser à la lutte antidopage. Tout à coup, de nombreuses instances internationales se sentent investies d'une mission en matière de lutte contre le dopage.

Nous essayons de diffuser les informations en matière de dopage via le site web, régulièrement mis à jour. Ce site publiera bientôt le nom des sportifs qui ont été suspendus. Lorsqu'un coureur cycliste est suspendu, nous communiquons son nom à sa fédération. Mais s'il prend une licence auprès d'une autre fédération, qui elle n'est pas automatiquement avertie, il peut continuer à courir et nous ne pouvons l'apprendre que par la presse, en cas de victoire. C'est pourquoi nous allons désormais publier sur le site web les noms des personnes sanctionnées ainsi que la durée de la sanction, et les supprimer dès la fin de la sanction.

Depuis 2003, nous travaillons avec un bus. Les contrôles antidopage sont ainsi effectués dans des conditions plus confortables et non plus dans l'arrière-salle d'un café ou dans les toilettes d'un club de football. De plus, la politique antidopage est plus visible sur les routes de Flandre.

Par ailleurs, nous essayons d'actualiser l'information sur notre site « gezondsporten ».

Quelles sont les modifications les plus récentes ?

— Nous définissons le concept « dopage génétique » afin d'anticiper certaines éventualités.

— Nous essayons d'associer des infirmiers et des kinésithérapeutes au contrôle. Ils seconderont les médecins contrôleurs mais ne peuvent intervenir que sur le plan des limites d'âge.

— Les compétences du médecin contrôleur ont été élargies. Les contrôles « out of competition » se justifient du fait que de nombreux produits dopants ne sont pas très actifs au cours de la compétition mais qu'ils permettent au sportif de s'entraîner plus intensément et de mieux se préparer aux compétitions.

— Outre les échantillons d'urine, des prélèvements sanguins, des liquides corporels, des cheveux et des muqueuses peuvent désormais être utilisés. En effet, certains nouveaux produits ne sont détectables que dans le sang ou dans d'autres liquides corporels.

— Une perquisition du domicile est également possible moyennant l'autorisation du juge d'instruction.

— Par ailleurs, nous imposons aux associations sportives de prévenir les fédérations internationales.

— Les amendes peuvent aller jusqu'à 25 000 euros. Il n'y a pas si longtemps, elles se limitaient au remboursement du contrôle antidopage, à savoir 250 euros.

— Des sanctions sont prévues pour les associations sportives qui ne se conforment pas au décret. Elles peuvent être suspendues pour une période de trois à douze mois.

— Les sportifs mineurs ne pouvant être traités de la même manière que les sportifs majeurs, leur nom ne sont pas publiés sur le site web quand ils sont suspendus.

— À leur demande, certains sportifs peuvent se faire assister par un avocat ou un médecin.

— On a également instauré un droit de parole pour l'administration. La commission disciplinaire a un nombre considérable de dossiers à traiter en une séance. Certaines personnes de notre département peuvent également, en qualité de greffier ou de partie directement concernée, expliquer certains éléments du dossiers, offrant ainsi une répartie aux avocats.

Mme Béatrice Bertrand. — Après mon intervention, M. Marneffe, directeur adjoint de l'ADEPS et Mme Dalloze, médecin responsable de la cellule Dopage à la Communauté française, vous donneront certainement des indications plus pratiques sur la manière dont se passent les contrôles et sur les rapports avec les fédérations sportives.

M. Van der Auwera a déjà expliqué beaucoup de choses sur lesquelles je ne reviendrai évidemment pas.

La loi du 2 avril 1965 interdisant la pratique du doping à l'occasion des compétitions sportives et introduisant les sanctions pénales à l'encontre du sportif dopé a effectivement été très peu appliquée en Communauté française parce qu'il y eut assez rapidement une évolution qui tendait à ce que l'on ne sanctionne pas pénalement les sportifs. Aussi longtemps qu'un nouveau décret ne fut pas pris en Communauté française, on ne fit pas grand-chose au niveau de la lutte contre le dopage.

On tenta, à plusieurs reprises, de rédiger des décrets et, en mars 2001, un décret fut pris en matière de promotion de la santé par la pratique du sport, d'interdiction du dopage et de sa prévention en Communauté française.

Ce décret fut pris en collaboration avec le ministre du Sport de l'époque, M. Demotte, mais il relève aujourd'hui, en Communauté française, des compétences du département Prévention santé. De ce fait, il a aussi d'autres objectifs que le contrôle de la pratique du dopage, notamment la promotion de l'exercice du sport pour la santé et la mise en place des conditions de lutte contre le dopage sous un angle préventif pour les sportifs, en leur expliquant les conséquences, sur la santé, de la prise de produits dopants. Ce décret prévoit aussi pour eux des sanctions disciplinaires.

Contrairement à la Communauté flamande qui prend les sanctions disciplinaires par l'intermédiaire d'une commission administrative dépendant de l'administration, la Communauté française n'a pas voulu appliquer le même système suite à un avis du Conseil d'État qui estima que les sanctions disciplinaires devaient être prises par les fédérations sportives et non par une autorité administrative sans aucun lien avec le sportif, la sanction disciplinaire étant censée constituer un lien avec le sportif.

En Communauté française, les sanctions sont donc prises par l'intermédiaire des fédérations sportives. Cela pose quelques difficultés puisque le décret s'applique à tous les sportifs et que certaines fédérations sportives ne relèvent pas des compétences de la Communauté française. C'est donc de manière volontaire que ces fédérations — je pense notamment au football et au hockey — sanctionnent, alors que toutes les fédérations agréées par la Communauté française sont liées au décret Sport, qui les reconnaît. Le fait de ne pas répondre aux impératifs du décret Dopage peut leur faire perdre leur reconnaissance et leurs subventions.

La communauté dispose de moyens de pression beaucoup plus puissants à l'égard des fédérations sportives qu'elle agrée qu'à l'égard des autres fédérations.

Le décret de 2001 relatif à la lutte contre le dopage s'adresse également aux sportifs qui ne font pas partie d'une fédération et permet d'effectuer des contrôles anti-dopage dans des salles de sport non affiliées à une fédération. Dans ce cas-là, il n'y a aucune sanction disciplinaire possible parce que les personnes concernées n'ont aucun lien avec une fédération. Si l'on apprend que des produits dopants circulent dans certaines salles de sport, les contrôleurs de la Communauté française peuvent cependant avertir le parquet pour se mettre éventuellement à la recherche de ces produits.

Le décret Santé de 2001 comporte un aspect relatif au suivi médical du sportif. La Communauté française approuve les règlements médicaux des fédérations sportives, notamment en ce qui concerne la question de l'âge à partir duquel les jeunes peuvent prendre part à des compétitions sportives et la durée de celles-ci.

Nous préparons des recommandations à l'adresse des médecins généralistes à propos du lien entre la santé et le sport, afin de les éclairer sur les risques éventuels liés à la pratique de certains sports, informations utiles lorsqu'ils sont appelés à rédiger des certificats médicaux d'aptitude.

Mme Dalloze, responsable de la cellule Dopage à la Communauté française, nous expliquera brièvement comment s'effectuent, dans la pratique, les contrôles anti-dopage.

Je voudrais signaler que les contrôles en Communauté française n'ont commencé que début 2003 étant donné que le décret remonte au début de 2001 et l'arrêté relatif aux procédures de contrôle du dopage, à fin 2002. Notre expérience est donc bien plus récente qu'en Communauté flamande. Une série d'aspects ne sont pas aussi affinés et le fonctionnement doit encore faire l'objet d'une évaluation en Communauté française.

Je voudrais également insister sur la coopération entre les Communautés, point déjà abordé par M. Van der Auwera. En 2001, un accord de coopération a été signé entre les trois Communautés et Bruxelles, dans le cadre de la Cocom, pour harmoniser dans la mesure de possible le mode de fonctionnement des Communautés en matière de respect des impératifs de santé dans la pratique du sport. Cet accord de coopération contient différents éléments tels que l'échange régulier d'informations et l'harmonisation de la procédure de contrôle du dopage.

Même si le système de sanction est différent au niveau de la procédure, les contrôles se déroulent à peu près de la même manière en Communauté flamande et en Communauté française.

Des concertations ont lieu à propos des catégories d'âge, en regard des critères médicaux. Étant donné que chaque Communauté est compétente pour la détermination éventuelle de critères d'âge liés à la pratique du sport, il est intéressant que les jeunes puissent, par exemple, prendre part à des courses cyclistes à partir du même âge en Communauté flamande et en Communauté française. C'est pourquoi nous nous réunissons régulièrement pour tenter d'harmoniser ces éléments.

La Convention de Strasbourg sur le dopage ayant été ratifiée par nos différentes Communautés, celles-ci établissent la liste des produits dopants sur base de la liste européenne.

L'accord de coopération précité permet de conclure des accords bilatéraux afin que des médecins agréés par une Communauté puissent effectuer des contrôles dans une autre Communauté. Nous songeons tout particulièrement à Bruxelles, où la législation en est encore à ses premiers balbutiements, qui n'a pas nécessairement les moyens de mettre en place un système lourd et qui pourrait conclure un accord de coopération avec la Communauté flamande ou la Communauté française, pour que les contrôles à Bruxelles soient effectués par des médecins relevant de l'une ou de l'autre communauté.

Cet accord de coopération prévoit la reconnaissance réciproque des résultats d'analyses de contrôle. Ainsi, quand un contrôle est effectué par la Communauté flamande, le résultat est avalisé par la Communauté française et inversement.

Comme je l'ai expliqué, des différences existent sur le plan des sanctions. Les résultats des analyses de contrôle du sportif, positifs ou non, sont reconnus mutuellement.

L'accord de coopération prévoit la communication mutuelle des sanctions disciplinaires en vue d'inciter à une reconnaissance réciproque des sanctions. Les deux communautés utilisant un système différent, nous étudions le meilleur moyen d'amener les fédérations à reconnaître les sanctions disciplinaires appliquées dans l'autre communauté.

L'accord prévoit l'organisation de la représentation internationale. Au Conseil de l'Europe, où elle siège dans le cadre de la Convention de Strasbourg, la Belgique dispose d'une seule voix, d'un seul représentant.

L'accord conclu en 2001 n'est entré en application qu'en janvier 2004, après approbation de l'accord par la Région de Bruxelles-capitale. Cependant, comme l'a dit M. Van der Auwera, depuis une dizaine d'années, des contacts sont pris très fréquemment. Le conseil de coordination mis en place par cet accord n'a pas attendu la ratification officielle pour fonctionner et depuis début 2001, voire antérieurement car il fallait préparer l'accord, les communautés se rencontrent au minimum tous les deux mois pour discuter de tous les aspects de la question.

Par ailleurs, les législations relatives au dopage sont de plus en plus harmonisées aux niveaux européen et international. La Convention du Conseil de l'Europe contre le dopage a été ratifiée par les différentes communautés de Belgique. La ratification officielle a eu lieu fin 2002, début 2003.

Les différentes communautés ont reconnu le rôle de l'Agence mondiale antidopage et participent à son financement. Par contre, elles ne sont pas allées plus loin, notamment dans la reconnaissance du statut de l'AMA, association de droit privé. En effet, certains pays souhaitaient d'abord que cette association ait un statut de droit public. C'est pourquoi l'UNESCO a décidé d'élaborer une convention internationale contre le dopage à laquelle l'AMA pourrait être intégrée, obtenant ainsi un statut public qui permettrait à une majorité de pays d'y adhérer, le problème du statut empêchant manifestement certains de signer le texte.

J'en viens aux compétences du fédéral en matière de dopage et de poursuite des infractions.

Je mentionnerai à cet égard l'étiquetage des médicaments. Il serait intéressant que les notices indiquent si le médicament relève ou non de la liste des produits dopants. En effet, il n'est pas facile pour le consommateur de comparer les éléments qui composent le produit avec la liste en question.

M. Odon Marneffe. — En Communauté française, les compétences en matière de dopage sont partagées entre la Direction générale de la santé et la Direction générale du sport. Cette répartition n'est pas figée. Elle résulte exclusivement de l'arrêté de répartition des compétences qui est pris lors de l'installation de chaque nouveau gouvernement communautaire.

La compétence de la Direction générale du sport ressortit à un décret datant de 1999 qui organise le sport en Communauté française. En réalité, le décret « sport » et le décret « santé » ont cheminé en parallèle. En 1999, la proximité des élections communautaires a provoqué une accélération du processus, de sorte que le décret » sport » a été voté la même année. Le décret « santé », au contraire, a été quelque peu freiné. Il n'a abouti que sous le gouvernement suivant, en 2001. Il convenait de le souligner car, dans son élaboration, le décret « sport » a pris en compte un grand nombre de prescrits et l'essentiel de la philosophie du décret « santé », ce qui a permis d'éviter les chevauchements de compétences entre les deux textes, entre les deux ministres et entre les diverses administrations.

Le décret « sport » porte sur la reconnaissance de la structure communautaire francophone des fédérations sportives.

L'article 15, 19º, stipule que, pour être reconnues, les fédérations doivent respecter certaines obligations. Elles doivent notamment inclure dans leurs statuts et règlements les dispositions prévues par la réglementation et la législation applicables en Communauté française en matière de lutte contre le dopage. Cela signifie que les fédérations sont obligées, au minimum, d'inclure ces dispositions.

L'article 15, 20º, du décret stipule en outre que les fédérations doivent faire connaître à leurs cercles la liste des substances et des moyens interdits en vertu de la législation applicable en Communauté française. Les cercles n'ont donc pas la possibilité de se démarquer.

Un autre article mentionne les obligations que les fédérations doivent respecter en ce qui concerne les droits de la défense, l'information préalable à la sanction, l'audition, etc.

Il appartient aux fédérations de prendre des mesures disciplinaires à l'égard des sportifs réputés dopés à la suite d'un examen qui les déclare positifs, que les analyses aient été effectuées sur une base publique ou sur une base privée. Les statuts des fédérations ne peuvent permettre n'importe quoi. Leurs statuts doivent prévoir la nature des éventuels délits et des éventuelles sanctions. Quand elle reconnaît une fédération, la Communauté française porte un jugement de valeur sur ses statuts. Ce jugement de valeur ne va pas jusqu'à imposer l'une ou l'autre démarche. Toutefois, la Communauté pourrait s'étonner si elle voyait dans les statuts d'une fédération : éphédrine, premier délit, deux ans de suspension, ou, a contrario : anabolisants, troisième récidive, huit jours avec sursis.

On s'en serait étonné. Il se fait que dans la pratique, nous n'avons trouvé aucune dérive de ce type. Pourquoi ? Parce que les fédérations sont sous la tutelle de fédérations internationales qui, elles-mêmes, induisent un certain nombre de comportements et de normes. Donc, en règle générale, nous n'avons eu à cet égard-là aucun problème majeur.

S'agissant de l'application du décret, celui-ci ouvre en fait la porte à différents types de subventionnements. Pour l'essentiel, une fédération fonctionne sur la base de subventions qui sont normatives, pour le fonctionnement et le personnel, mais il y a aussi une partie que l'on appelle facultative, à savoir les subventions sur programmes. Les programmes sont le sport de haut niveau, la promotion du sport, promotion de cas et lutte contre le dopage. Cela veut donc dire que les fédérations sportives sont subventionnées par la Communauté française pour les contrôles qu'elles diligentent de leur propre initiative. La fédération du tennis est un bel exemple. Elle a une remarquable section Sport-Études à Mons. L'année passée, elle a soumis l'essentiel des jeunes fréquentant cette section à un contrôle antidopage. Ces contrôles sont subventionnés à concurrence de 90 % par la Communauté française, notre intervention étant globalement limitée à l'équivalent de 15 000 francs belges soit environ 375 euros.

Parfois, ces contrôles diligentés par les fédérations sont une obligation réglementaire. Par exemple, en athlétisme, en haltérophilie, dès le moment où il y a record de Belgique, il y a obligation de contrôle antidopage. Donc, sur la base de ces contrôles « privés » subventionnés, il y a deux axes d'intervention : soit une initiative propre, soit une obligation réglementaire.

En 2003, nous avions un potentiel de subsidiation de l'ordre de 220 contrôles fédéraux. Je ne dispose pas encore des chiffres permettant de dire combien de ces contrôles ont été réellement exécutés. Ce que je constate, c'est que la demande fédérale, en d'autres termes la demande des fédérations sportives, porte cette année-ci sur environ 150 contrôles, ce qui représente une diminution relativement importante. Comment l'expliquer ? À mon avis, il y a deux motifs. Le premier, c'est que les fédérations redeviennent un peu passives en se disant que puisque la Communauté le fait, pourquoi faire la même chose ? Deuxième motif, beaucoup plus important : on commence à percevoir chez les fédérations une sorte de prudence ou même de réticence concernant le fait d'oeuvrer dans le domaine de la lutte contre le dopage. Je citerai un cas, qui est suffisamment public, celui de l'athlète Mohamed Mourhit. Il y a environ deux ans, à la suite d'un contrôle diligenté par l'IAAF, la fédération internationale d'athlétisme, Mourit a été déclaré dopé à la fois à l'érythropoïétine mais également à un produit masquant. L'IAAF communique le résultat à la Ligue royale belge d'athlétisme qui n'a pas la capacité de sanctionner, l'athlète n'ayant aucun lien contractuel avec elle. L'athlète a un lien contractuel, de par son affiliation, avec la Fédération francophone. Cette dernière sanctionne.

La sanction est communiquée à l'IAAF, qui en prend acte. L'IAAF aurait pu intervenir si la sanction avait été minimaliste ou excessive. Il n'y a pas de réaction de la part de l'IAAF. Mohamed Mourhit est suspendu pour deux ans. Bien entendu, il soumet le problème à un avocat très connu dans le milieu du sport, qui s'empare de l'affaire. L'avocat argue que Mourhit vit quasiment en permanence en altitude, ce qui pourrait entraîner des taux d'hématocrites de réticulocytes et d'hémoglobine surélevés.

Finalement, il abandonne complètement la piste pour plaider le droit au travail. On empêche un travailleur sportif d'oeuvrer.

Cela provoque la panique à la fédération d'athlétisme car l'avocat laisse sous-entendre qu'il réclamera des dommages et intérêts de l'ordre de 18 millions de francs belges, ce qui signifierait la faillite de la fédération. Des démarches sont entreprises auprès des autorités ministérielles et puis, voilà que germe une idée : toutes les fédérations sportives ne peuvent-elles pas prendre une assurance pour se couvrir d'un tel risque ? Soit, mais au niveau d'une association interfédérale du sport francophone, ceux qui se sentent concernés sont éventuellement partie prenante à une telle démarche, mais qu'en est-il de la Fédération Sport Senior, de la Fédération des handicapés Loisirs — à ne pas confondre avec celle pour la compétition — de la Fédération des corporatistes, de la Fédération des pêcheurs, de la Fédération de l'orientation ? Comment essayer de les convaincre de mutualiser le risque ?

Inutile de vous dire que c'était perdu d'avance.

Il me plaît de faire écho à des données d'ordre davantage quantitatif. Mme Dalloze en parlera sans doute, mais j'ai pu faire une extrapolation du nombre de contrôles effectués par le laboratoire du professeur Delbeke, puisque la Communauté française se réfère au laboratoire belge reconnu par le CIO, donc par l'AMA maintenant, c'est-à-dire le laboratoire de Gand.

Mon extrapolation porte sur le fait qu'ils doivent réaliser environ 3 700 contrôles au moins par année sur des sportifs belges : Communauté flamande, Communauté française, contrôles sur des sportifs spontanément désignés par les fédérations ainsi que par le Comité olympique qui diligente près d'une centaine de contrôles par an. Je table sur un chiffre de 3 750, qui est minimaliste.

À Châtenay-Malabry, qui reste une référence, la capacité de contrôle sur une année est de 8 800 contrôles, desquels 500 ont concerné, l'an passé, des athlètes autrichiens par le truchement d'un protocole d'accord que la France a conclu avec l'Autriche. Trois cents contrôles ont été effectués sur des échantillons issus, par protocole d'accord, du Grand-Duché du Luxembourg : 8 800 - 800 = 8 000. Si on table sur le fait que 250 contrôles environ concernent des athlètes étrangers tirés au sort à l'occasion de l'une ou l'autre manifestation sportive en France, on en arrive à un chiffre de 7 750 contrôles qui concernent des athlètes français. Chez nous, il s'agit de 3 750 contrôles. Le rapport de la population est de 1 à 6. En ce qui concerne le rapport des sportifs, je dirais en sociologie qu'il est plus ou moins égal pour la France et la Belgique. On peut imaginer que le nombre d'affiliés se situe à peu près dans la même proportion. Cela signifie que si la France voulait être aussi performante que nous sur le plan quantitatif, elle devrait effectuer 22 500 contrôles par an. Cela veut dire aussi que, sur ce plan, nous sommes l'un des pays où le nombre de contrôles est le plus élevé.

Je dirai encore quelques mots pour compléter les propos de Mme Béatrice Bertrand au sujet du contexte international. Vous savez qu'il existe une convention non pas européenne, mais du Conseil de l'Europe en matière de lutte contre le dopage. Cette notion de sémantique n'est pas sans importance car cela veut dire que cette convention est ouverte à la signature d'États non membres. C'est ainsi qu'actuellement, l'Australie, le Canada et la Tunisie ont ratifié la Convention du Conseil de l'Europe et que le Japon et l'Afrique du Sud participent déjà aux réunions du groupe de suivi de cette convention, à titre d'observateurs.

Cette convention est très importante. En effet, dès le moment où la Belgique a ratifié ce texte — après douze ans il est vrai —, les prescrits de celui-ci s'imposent aux États. Je cite quelques exemples : les parties subordonnent les critères d'octroi des subventions publiques aux organisations sportives à l'application effective de réglementations anti-dopage, elles aident leurs organisations sportives à financer les contrôles et les analyses — c'est ce que l'on fait par subventions —, elles prennent des mesures pour refuser l'octroi à des fins d'entraînement de subventions provenant de fonds publics à des sportifs qui sont réputés dopés.

Mourhit était un agent contractuel subventionné engagé par la Communauté française; il est évident qu'avec les problèmes qu'il a connus, ce contrat n'a pas été renouvelé.

Les parties se réservent le droit d'adopter des réglementations ou des législations propres. C'est le cas, tant dans la partie flamande que dans la partie francophone du pays.

Le problème se pose maintenant sur un plan beaucoup plus large, c'est-à-dire à l'échelon mondial, avec la création de l'Agence mondiale antidopage. Cette dernière, comme l'a dit Béatrice Bertrand, est une association suisse de droit privé ayant son siège à Montréal. Cela pose actuellement problème aux pouvoirs publics qui doivent lui assurer une réelle reconnaisse de droit. Dans le contexte de la Déclaration de Copenhague, qui est une déclaration politique et qui n'est donc pas un texte normatif, les gouvernements sont convenus qu'ils reconnaissaient le rôle de l'AMA et, par le truchement de cette déclaration, on a conforté le mode de financement, le mode d'élection, etc.

Mais il a été convenu que l'on tenterait de mettre en place, au niveau des États, un mécanisme de droit international permettant de retirer la quintessence du code mondial afin que les États les intègrent dans leur législation. En fait, ce code mondial, dont on entend beaucoup parler, est un document qui s'adresse aux fédérations internationales. Il n'appartient pas aux pouvoirs publics de l'approuver. Normalement, les fédérations internationales doivent toutes l'avoir adopté dans la perspective des Jeux Olympiques. Si l'une d'entre elles ne le fait pas, son sport sera normalement supprimé du programme des Jeux.

Il existe des problèmes à cet égard avec deux fédérations : celles du football et du cyclisme éprouvent des réticences qui portent surtout sur les sanctions. Il est un fait que, dans ce domaine, on ne trouvera jamais une solution satisfaisante. Condamner un athlète ou un footballeur à deux ans de suspension, c'est important. Mais condamner un tireur à deux ans de suspension, c'est anecdotique. Ce n'est qu'une parenthèse dans sa carrière. Il en est de même pour un cavalier. Je dirais donc qu'infliger, à délit égal, une sanction égale ne signifie pas que l'on est juste. Ce sont des réticences de cette nature que les fédérations de football et de cyclisme mettent plus ou moins en avant.

Les gouvernements se sont engagés à essayer de conforter ce document par le biais d'un traité de droit international. C'est ce qui explique les démarches dont a parlé Béatrice Bertrand et qui visent à transposer au plan mondial, par le biais de l'UNESCO, ce qui existe actuellement à l'échelle européenne. Où en est-on dès lors ? Un texte martyr a été rédigé. Une réunion des représentants de chacun des pays membres de l'UNESCO a eu lieu en janvier 2004 à Paris. Les propositions ont fusé de toutes parts. Un groupe de rédaction a été constitué en février. Il a rédigé la synthèse de ces propositions mais j'ai pu apprendre qu'en fait, il s'était surtout limité à identifier les options.

Au mois de mai, ce groupe d'experts se réunit à nouveau pour essayer de finaliser le document de manière à permettre la tenue, au mois d'août 2004, en préalable aux Jeux Olympiques, d'une réunion des ministres des Sports. Elle portera le nom de MINEPS IV (ministres Éducation physique-Sports IV). Il s'agit de la quatrième réunion de ces ministres qui se réunissent environ tous les dix ans. Dans le cas présent, il y a urgence.

Hier, au cours d'une réunion de notre conseil de coordination qui avait été programmée in tempore non suspecto, Patrick Geelen et son collègue le Dr Cooman nous ont signalé que, selon des informations récentes, il semblerait que cette réunion prévue au mois d'août serait reportée. C'est très embarrassant car, normalement, l'adoption du texte, en août, par les ministres constitue le prélude à la réunion de la conférence générale de l'UNESCO qui doit se tenir en octobre 2005. Ce délai de quatorze mois semble en effet être nécessaire pour pouvoir finaliser la convention. Il est impensable d'imaginer que les gouvernements aboutissent à un échec.

Voilà ce que je pouvais vous dire en complément des déclarations de Mme Bertrand. Tel est le point de vue de la direction générale du Sport vis-à-vis d'un ensemble de problèmes. Vous pourrez constater que notre collaboration est permanente. En effet, nous nous connaissons personnellement. En outre, les problèmes d'intendance et notre voisinage sont tels que les relations avec la DG Sports et la DG Santé sont basées sur des contacts personnels.

Mme Dalloze. — La cellule antidopage fonctionne depuis le début de 2003. Elle emploie, au ministère, cinq personnes plus cinq médecins contrôleurs qui sont engagés par un contrat d'un cinquième temps à la Communauté française. Ils ont la qualité d'officier de police judiciaire, ce qui leur permet de saisir, lors des contrôles, du ravitaillement ou des médicaments qu'ils pourraient trouver dans des sacs de sport ou dans les vestiaires des sportifs. Ils reçoivent leurs ordres de mission au maximum 72 heures à l'avance. Généralement, le délai est de 48 heures. Avec le directeur général, je suis la seule personne à savoir où on les envoie puisque c'est moi qui effectue la sélection des manifestations à contrôler. Généralement, nous sommes relativement bien accueillis sur place, hormis quelques exceptions où nous avons eu recours à la police.

Pour l'instant, il s'agit d'échantillons d'urine mais le décret est suffisamment large pour pouvoir prélever du sang, des cheveux, de la salive et, comme je vous l'ai dit, des ravitaillements. Il n'est pas rare que nous prenions des échantillons de prescriptions magistrales lorsque le sportif les a avec lui. À ce moment, vu qu'il n'y a pas de nom, on saisit le produit et on le met en analyse à Gand avec l'échantillon d'urine pour savoir ce qu'il contient réellement. Les résultats nous parviennent et ensuite, nous commençons à gérer le dossier. Soit le résultat est négatif et nous en informons le sportif et sa fédération. Soit le résultat est positif, le sportif et sa fédération en sont informés et disposent d'un délai de dix jours pour demander une contre-expertise. Passé ce délai, si aucune contre-expertise n'est demandée, la positivité est confirmée et nous demandons à la Fédération sportive de sanctionner le sportif. Généralement, nous laissons un délai d'un mois au cours duquel en principe les sanctions tombent; si ce n'est pas le cas, les rappels commencent.

Comme l'a dit M. Marneffe, vu la proximité, nous pouvons aller consulter les règlements d'ordre intérieur pour voir si les sanctions sont correctes. Nous avons déjà connu un cas pour lequel la sanction était trop faible par rapport à la substance et, en ayant le règlement d'ordre intérieur de la fédération sous les yeux, j'ai pu leur dire à quelle page ils devaient aller voir pour corriger cette sanction. C'est une des facilités de la proximité avec la DG Sport.

Une fois que les sanctions sont tombées, nous en informons la Communauté flamande, la Fédération nationale s'il y en a encore une et l'internationale. Qu'il s'agisse d'un sportif amateur ou professionnel, la Fédération internationale est avertie qu'un contrôle a été effectué, que celui-ci est positif et qu'il y a eu une sanction. Vu que ce sont les Fédérations qui prennent les sanctions, nous pouvons très bien contrôler un sportif japonais d'Osaka. Si cette personne est positive, nous devons donc être sûrs que la fédération appliquera la sanction.

Nous faisons la même chose s'il n'y a pas de sanction puisqu'il peut s'agir d'un sportif dont le contrôle est positif mais qui n'est pas sanctionné parce qu'il y a usage thérapeutique. Par exemple, on ne peut interdire à quelqu'un qui est asthmatique de faire du sport sous prétexte qu'il se soigne.

Comme nous vous l'avons dit, notre cellule est relativement jeune. L'année dernière, 730 contrôles ont été effectués. Cette année, 1 500 contrôles sont programmés dont 324 ont déjà été réalisés. L'année dernière, le taux de positivité était de 6,85 %. Pour l'instant, il est de 3,7 % pour 2004.

Nous essayons également d'informer les sportifs. C'est ce qui justifie la chute du taux de positivité.

Nous avons également un site Internet intitulé Dopage.be et nous avons, avec la Communauté flamande, demandé au Centre belge d'information pharmaceutique de publier, sur son site, la liste des noms commerciaux des substances dopantes. Nous recevions effectivement de nombreuses demandes en ce sens de la part de la population. Maintenant, en consultant notre site, il est possible, soit via la substance active, soit via le nom commercial, de savoir si cette substance est considérée comme dopante ou non et si oui, dans quelles circonstances.

Lors des contrôles, nous remettons également aux sportifs une information concernant la procédure de contrôle antidopage. Ces brochures ainsi que des CD-ROM ont été remis l'année dernière aux fédérations afin qu'elles puissent relayer ces informations auprès de leurs affiliés.

Nos médecins contrôleurs collaborent avec les parquets. Une instruction est encore en cours à l'heure actuelle. On fait appel à nous en qualité d'experts dans des cas de dopage ou de prescriptions abusives de certains médecins. À ce moment, des médecins de chez nous vont informer les parquets et participent tant aux descentes qu'aux perquisitions.

M. Jacques Germeaux (VLD). — D'après une note de la vice-première ministre Onkelinx, le conseil des ministres élargi aurait décidé d'entreprendre la lutte contre la fabrication et le commerce des drogues de synthèse, le dopage dans le monde du sport et le recours abusif aux hormones. Cette note a été défendue par M. Sabbe, le magistrat adjoint à la cellule Hormones.

La politique en matière de dopage dans le sport comporte trois phases : prévention, dépistage et sanction.

La prévention relève de la compétence de la Communauté flamande, ce qui soulève des questions en termes d'information et d'accompagnement des sportifs. Je ne parlerai pas des actions orientées sur l'enseignement, cette matière ne relevant pas de notre compétence.

En matière de dépistage, les décrets de 1991 et 2004 constituent un grand pas en avant. M. Van der Auwera a parlé du dopage génétique. Reste à savoir qui supportera le coût du dépistage.

Enfin, compte tenu de la nature des produits actuellement utilisés, le dépistage et les sanctions dépassent le champ des compétences de la Communauté flamande, malgré le protocole conclu avec la Justice. Lors des constats effectués sur le terrain, la drogue et le dopage sont placés sur le même pied. Les réseaux actifs dans ce domaine ne peuvent encourir aucune sanction disciplinaire. Notre intention n'est pas de viser exclusivement les sportifs mais si nous voulons travailler efficacement, un dossier pénal doit être constitué sur l'usage des produits concernés. Jusqu'à présent, dans la plupart des cas, ces dossiers n'étaient pas poursuivis au pénal, une sanction disciplinaire ayant été prononcée. Le cas Vandenbroucke constitue une exception. Au début, le coureur cycliste faisait valoir qu'ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire de trois mois, il ne pouvait plus être poursuivi pour les mêmes faits. Cette position a finalement été réfutée.

Compte tenu de la nature des produits et des différents niveaux de compétences, la dépénalisation à la suite du décret de 1991 est en fait dépassée. Des poursuites pénales doivent d'abord être instaurées. Certes, cela peut poser des problèmes en ce qui concerne l'exécution de la sanction disciplinaire. On ne peut cependant utiliser des voies différentes pour sanctionner l'usage d'un même produit dans différentes disciplines. On a vu trop souvent des enquêtes paralysées.

Aujourd'hui, la dépénalisation de l'usage de produits dopants paraît-elle encore justifiée ?

Où se situe la compétence du législateur en la matière ? Il a été proposé de réglementer l'étiquetage au niveau fédéral. Que pensez-vous de la proposition du président du CIO à l'égard des pentiti ? Il en a été question sous la précédente législature, dans un autre cadre. Semblable initiative nécessite une réglementation légale.

La législation en matière d'hormones et de drogues doit être adaptée.

Ne voyez-vous vraiment aucune autre possibilité pour adapter les sanctions à l'échelle fédérale ?

Je ne suis pas d'accord avec M. Van der Auwera sur le fait que les jeunes sportifs sanctionnés pour cause de dopage ne doivent pas être mentionnés sur les listes. Logiquement, tous ceux qui ont encouru une sanction disciplinaire doivent y figurer. Je m'interroge cependant sur l'opportunité d'indiquer et la sanction et le motif. La presse publie chaque semaine la liste des footballeurs suspendus, sans jamais préciser le motif de la sanction. Je crains que la publication de plusieurs listes de suspensions ne crée un problème, obligeant les fédérations à consulter les listes chaque semaine. Il serait beaucoup plus simple et correct de ne mentionner que la durée de la suspension.

M. Marneffe a évoqué un peu trop rapidement les dispositions relatives à l'exécution des règlements de l'Agence Mondiale Antidopage pour les pouvoirs locaux. Quant à la concertation des ministres et de l'Unesco, je voudrais qu'il esquisse à nouveau les diverses compétences et les conséquences sur le terrain.

Mme Annemie Van de Casteele (VLD). — Je vous signale que votre dernière question à M. Van der Auwera concerne une compétence exclusive de nos collègues flamands. Nous n'avons pas à nous prononcer à ce sujet. Vous pouvez nous faire part de votre sentiment mais une discussion ne peut avoir lieu qu'au Parlement flamand.

Je m'associe à votre première question. Quant à la dépénalisation réalisée de facto, d'autres experts ont déjà dit devant cette commission qu'il y avait deux poids deux mesures, évoquant l'exemple des anabolisants. La législation impose de lourdes sanctions aux éleveurs qui recourent à ces substances, mais elle ne prévoit rien pour les sportifs utilisant les mêmes produits. Cela vaut également pour les drogues, où il existe des échappatoires. On a cité l'exemple d'un colombophile qui, surpris en possession de cocaïne ou de morphine, a déclaré qu'il s'en servait pour ses pigeons. Il est ainsi soumis au circuit disciplinaire et échappe aux sanctions pénales. Telle ne peut être l'intention du législateur.

M. Patrik Vankrunkelsven (VLD). — Voici quelques semaines, je me trouvais à Zolder où avait lieu un biathlon. Une affiche annonçant un contrôle antidopage avait été placée à la fenêtre de la cafétéria. On a attiré mon attention sur cette affiche alors que j'avais déjà bu deux trappistes. Je n'ai heureusement dû fournir aucun échantillon d'urine car j'aurais été déclaré positif puisque les contrôles antidopage mesurent également le taux d'alcool. Cela aurait été très ennuyeux pour le sénateur que je suis. Ce n'est donc qu'un certain temps après la compétition que les athlètes ont été avertis d'un contrôle. C'était peut-être une exception mais j'aimerais savoir ce que l'on pense du fait que le taux d'alcool est également mesuré lors des contrôles antidopage.

Mme Annemie Van de Casteele (VLD). — Nous pensons surtout aux analyses. Lors d'une visite au laboratoire du professeur Delbeke, nous avons en effet constaté que les moyens utilisés pour les contrôles sont très limités, surtout si on les compare à ceux qui, dans le secteur, permettent de concevoir des produits indétectables, des produits masquants, etc. Quels montants les Communautés ont-elles consacrés à la détection des nouveaux produits lors des contrôles ? Les efforts peuvent-il êtres unis ? Le pouvoir fédéral ne devrait-il pas faire lui aussi un effort ?

En Communauté française, les médecins qui assurent les contrôles possèdent une compétence policière. Je suppose qu'il en va de même du côté flamand.

Je voudrais aussi parler de l'inspection de la pharmacie. Les produits dopants viennent en effet de quelque part. Le législateur fédéral doit donc prendre des initiatives afin d'intervenir dans ce domaine. Il existe par exemple des médecins qui prescrivent facilement des produits dopants comme les anabolisants. Nous voulons légiférer afin de contrôler ce comportement prescripteur.

Depuis que le décret a été modifié, les contrôles et les perquisitions sont également possibles en dehors des compétitions. Quels produits a-t-on trouvés à cette occasion ? Qu'en a-t-on fait ? Ces informations ont-elles été transmises à l'inspection de la pharmacie qui est la mieux placée pour s'attaquer aux circuits d'approvisionnement ? Il existe des instances de contrôle pour les sportifs professionnels. Mais qu'en est-il du sportif individuel ? Il est plus difficile de le punir car, dans ce circuit, aucune mesure disciplinaire n'est possible. Et qu'en est-il des amateurs qui fréquentent les centres de fitness ? Les représentants de la Communauté française ont récemment déclaré qu'ils peuvent effectuer des contrôles dans ces centres. Jusqu'où ces contrôles vont-ils ? Peut-on également contrôler la présence de certains produits ?

Dans les caves de ces centres, des anabolisants sont souvent mis à la disposition des sportifs. Ces informations sont-elles également communiquées au parquet ? Nous avons constaté que la police et les services judiciaires éprouvent souvent des difficultés à identifier certains produits. Un tel contrôle est-il également possible en Communauté flamande ?

Mme Bertrand a fait une proposition relative à l'étiquetage. Les listes sont disponibles sur Internet, auprès des fédérations sportives, etc. Je crains qu'il soit particulièrement difficile d'indiquer une mention sur l'emballage d'un médicament, notamment parce que tout évolue rapidement. Les listes des produits dopants doivent en outre être régulièrement adaptées. Les pharmaciens peuvent peut-être coller sur l'emballage une étiquette avec la mention « Ce produit figure sur la liste des produits dopants ».

Outre la concertation entre les Communautés, existe-t-il une concertation avec les services publics fédéraux de la Justice et la cellule « hormones » ?

Bruxelles ne dispose d'aucune législation en la matière. Ce vide ne cause-t-il pas des problèmes pratiques ?

M. Kris Van der Auwera. — Nous publions sur notre site Internet les noms des adultes en mentionnant la durée de leur suspension et leur discipline, comme l'a proposé M. Germeaux. À la demande expresse du pouvoir décrétal, nous ne le faisons pas pour les mineurs.

Les accompagnateurs, les marchands d'hormones et les entraîneurs doivent comparaître devant le tribunal correctionnel. Seul le sportif échappe désormais à cette comparution. Pourquoi est-ce préférable ? On peut compter sur les doigts d'une seule main le nombre des condamnations prononcées sur la base d'une législation en vigueur depuis trente ans. Je doute que tout ceci constitue une priorité pour la Justice. Les suspensions fonctionnent bien car, grâce à elles, on touche à l'essence même de l'activité des sportifs.

Si nous démasquons des accompagnateurs malhonnêtes, nous en informons le parquet. Nous avons jadis convenu avec les trois procureurs généraux que nous informerions le parquet de nos constatations. Un flux d'informations circule en permanence. Nous nous concertons en effet avec le parquet et avec la cellule « drogues » de la police fédérale. Nous avons également des contacts avec l'inspection de la pharmacie. Il existe donc une collaboration effective.

Même si nous répartissons bien les tâches, nous pouvons encore améliorer les choses, mais je doute que la dépénalisation soit la meilleure mesure. Ceci nous amène en effet aux priorités sociales des magistrats des parquets. Je ne pense pas que ce soit une priorité pour eux.

Le débat portant sur les compétences fédérales relatives notamment à l'étiquetage fait rage depuis de nombreuses années. Il était déjà d'actualité en 1991, lorsque fut rédigé le décret. Bien qu'il s'agisse d'une matière fédérale, elle doit être réglementée, selon moi, au moins au niveau européen.

Ne sous-estimons pas cette question. Les circuits sont très efficaces. Ce que l'on ne peut obtenir en Flandre ou en Belgique, on va le chercher à l'étranger. Nous mettons régulièrement la main sur des produits dont nous ne connaissons pas l'existence mais dont la vente est libre au-delà de nos frontières.

L'indication, sur un produit, qu'il contient une substance dopante, ne constitue nullement une garantie que les autres produits n'en contiennent pas. Il serait peut-être préférable de travailler à l'envers et d'indiquer sur les étiquettes qu'un produit ne contient aucune substance dopante. Ceci nécessiterait de toute manière, en Belgique, un gros effort qui ne donnerait que peu de résultats.

En ce qui concerne l'incident qu'a signalé le sénateur Vankrunkelsven, je ferai remarquer que nous n'étions pas partisans du contrôle du taux d'alcool. Ce produit ne figurait même pas sur notre liste des produits dopants, mais il fut ajouté à la demande de certaines associations sportives.

Normalement, la liste est affichée à l'arrivée des sportifs et chacun d'entre eux est averti qu'il doit s'inscrire. Il l'a en outre signée. En d'autres termes, si la procédure est bien suivie, un tel malentendu ne pourrait pas se produire.

Le professeur Delbeke se plaint peut-être toujours d'un manque de moyens, mais il a de grandes ambitions.

Pour chaque analyse antidopage que nous demandons, nous payons 250 euros. Chaque année, 2 000 à 2 200 de ces contrôles sont effectués à notre demande expresse. Par expérience, je sais que le professeur Delbeke aimerait volontiers rester au sommet de la liste du CIO et, pour l'introduction d'une nouvelle méthode d'analyse, la Communauté flamande fait aussi un sérieux effort pour l'aider à supporter son investissement. Pour l'EPO, par exemple, nous avons versé 185 000 euros supplémentaires. Je pense qu'en règle générale, il est capable de faire ce qui est utile et nécessaire. Par ailleurs, il dispose d'autres sources de revenu.

Que peuvent faire les autorités fédérales pour soutenir davantage la politique de lutte contre le dopage ? D'un point de vue plutôt philosophique, je dirais : chercher des alliés.

Je n'ai pas l'impression que les fédérations internationales et certainement les fédérations belges soient de chauds partisans de la lutte contre le dopage. Elles la considèrent parfois davantage comme un élément perturbateur et elles y applaudissent rarement. Les autorités ne peuvent donc pas compter sur beaucoup d'alliés dans leur lutte contre le dopage.

Comment pouvons-nous chercher ces alliés ? Je pense que le dopage est pour une part lié aux intérêts financiers des sportifs. Ils reçoivent leurs aides financières de sponsors pour lesquels ces montants sont fiscalement déductibles. Peut-être devons-nous nous demander s'il n'est pas possible de supprimer cette déductibilité pour l'argent que les sponsors versent à des sportifs convaincus de dopage. Ceci nous fournirait un allié. Il s'agit toujours d'une matière fédérale. Il est assez bizarre que des personnes qui vendent des produits pharmaceutiques prennent le risque de rechercher la notoriété dans un sport qui n'est pas des plus propre.

Mme Annemie Van de Casteele (VLD). — Je vous remercie de tout coeur pour cette suggestion. Nous devons certainement échanger nos points de vue à ce sujet. Depuis le début, nous avons considéré qu'afficher une marque de vitamines sur le maillot d'un sportif donne déjà l'impression que l'on doit en avaler pour pouvoir réaliser de bonnes performances. Personnellement, j'estime qu'il ne s'agit pas d'un bon signal, mais tout ceci est bien entendu très sensible et nous amène à la remarque que nous avons entendue ici à plusieurs reprises, à savoir que l'opinion publique ne considère pas la lutte contre le dopage comme une priorité. On a même tendance à demander à ne pas trop intervenir. Si la Belgique est beaucoup plus stricte que les autres pays, nos sportifs ne peuvent plus concurrencer les autres. Or, nous préférons les voir sur le podium. On doit en effet s'attaquer à ce problème à un niveau le plus élevé possible et chacun doit apporter sa pierre à l'édifice.

Mme Béatrice Bertrand. — En ce qui concerne les sanctions disciplinaires et pénales, je voudrais signaler que le décret de la Communauté française comme celui de la Communauté flamande sanctionnent pénalement toute personne qui participe à la pratique du dopage, la facilite ou l'organise.

Un sportif qui fournirait lui-même des médicaments à un autre sportif serait passible de sanctions pénales pour sa participation au trafic, et de sanctions disciplinaires pour l'aspect lié au sport.

En ce qui concerne les possibilités de perquisition offertes aux officiers de police judiciaire de la Communauté française, le décret prévoit que ceux-ci peuvent contrôler les véhicules, les vêtements, l'équipement et les bagages du sportif et des personnes qui l'assistent ou l'encadrent d'une manière permanente ou non sur un plan médical, paramédical ou sur un autre plan. Ils peuvent pénétrer dans les vestiaires, locaux sportifs et terrains de sport. Les possibilités de contrôle sont donc assez larges.

Le décret a pour objectif d'élargir les possibilités de contrôle dans les salles de sport ou les lieux réunissant des sportifs qui ne sont pas nécessairement membres d'une fédération. Il est bien que l'on puisse lutter contre les trafics organisés dans ce type d'endroits.

Le principe est qu'un officier de police judiciaire qui trouverait des produits dopants en informe le parquet, mais l'idée est aussi que si un nombre anormal de contrôles effectués dans une salle de sport se révèlent positifs, le parquet doit en être informé. Il lui appartient alors de poursuivre les investigations quant au trafic éventuel de produits dopants. Cette possibilité est offerte par le décret de la Communauté française, mais je pense qu'elle existe également en Communauté flamande.

Une réflexion doit être menée sur l'étiquetage des médicaments. On pourrait y apposer un autocollant comportant l'indication « ne contient pas de produits dopants » ou « contient des produits dopants ».

Il y a aussi tout le problème des compléments alimentaires qui font l'objet de contrôles encore moins nombreux que les médicaments. Ils ne figurent pas sur le site pharmaceutique. La consultation de ce site n'est pas aisée, mais il a au moins le mérite d'exister.

En ce qui concerne le vide réglementaire à Bruxelles il y a, au niveau de la Cocom, une prise de conscience du fait qu'une réglementation doit être mise en place. Cela prendra néanmoins un certain temps.

Des contrôles peuvent cependant être effectués à Bruxelles. Différents experts constitutionnels ont été consultés, tant au niveau de la Communauté flamande que de la Communauté française, afin d'examiner les possibilités de contrôle existant à Bruxelles. En fonction de l'application de la loi d'août 1980, il est permis d'organiser des contrôles dans des cercles sportifs considérés comme exclusivement francophones ou exclusivement néerlandophones. En revanche, ni la Communauté flamande ni la Communauté française ne sont habilitées à effectuer des contrôles lors de compétitions comme, par exemple, le mémorial Van Damme. Pour l'instant, le contrôle ne peut émaner que des fédérations sportives. Ce point est inscrit à l'ordre du jour du conseil de coordination entre les différentes communautés.

Mme Annemie Van de Casteele (VLD). — Si je vous comprends bien, aucun contrôle n'est effectué dans le cadre des 20 km de Bruxelles ?

Mme Béatrice Bertrand. — En effet.

M. Odon Marneffe. — Nous constatons déjà que les 20 km de Bruxelles ont tué davantage que le Tour de France.

Je voudrais rassurer M. le sénateur à propos du problème de l'alcool par rapport à la liste actuelle de l'AMA. L'alcool est interdit pour treize disciplines sportives. S'agissant du duathlon, qui est probablement géré par la même fédération internationale sportive que le triathlon, le taux de tolérance est de 0,40. Par contre, en ski, en motocyclisme et en automobilisme, la tolérance est de zéro ainsi qu'en billard, ce qui est plutôt surprenant.

Le Code mondial est un instrument qui s'adresse au monde sportif volontaire, c'est-à-dire au monde sportif associatif. Les fédérations internationales ont l'obligation de l'adopter dans la perspective des Jeux olympiques. C'est un texte exhaustif qui envisage notamment la définition du dopage, la violation des règles, la présence de substances interdites, la preuve du dopage, le degré de preuve, l'établissement des faits, des présomptions, l'analyse des échantillons, la gestion des résultats, les sanctions à l'encontre des individus, des équipes, les modalités d'appel, etc. Dès lors qu'une fédération internationale aura adopté ce document, celui-ci s'imposera automatiquement aux structures subsidiaires, à savoir les fédérations continentales, entre autres européennes, aux fédérations nationales, et donc, aux ailes communautaires de ces fédérations. Voilà pour la partie privée du problème.

J'en viens à la partie publique. Il a été convenu de mettre sur pied un instrument de droit international, la fameuse convention dont j'ai parlé tout à l'heure, afin d'aboutir à l'adoption d'une convention avant les Jeux olympiques d'hiver de Turin, en 2006. À partir de ce moment-là, il y aura obligation pour les États d'intégrer ces différentes données dans leur législation respective, lorsqu'il en existe une, le Royaume-Uni et bon nombre de pays nordiques n'ayant pas de législation en matière de dopage.

Si la Convention est avalisée par la Conférence générale de 2005, elle devra être ouverte à la signature, puisqu'il s'agit d'un Traité de droit international. Si la Belgique la signe, elle devra la faire ratifier par ses communautés ainsi que par la Chambre et le Sénat. C'est le même processus que celui appliqué pour la Convention du Conseil de l'Europe en matière de dopage et la Convention contre la violence des spectateurs à l'occasion des manifestations sportives. À partir d'un certain nombre de ratifications, la Convention aura valeur de droit obligé dans les États.

Ces instruments de droit international me paraissent relativement importants, car dès lors qu'ils sont ratifiés, ils s'imposent à tous.

Mme Annemie Van de Casteele (VLD). — Nécessiteront-ils de nombreuses adaptations de la part des communautés ?

M. Odon Marneffe. — Aucune modification fondamentale, tant à la Communauté française qu'à la Communauté flamande. J'ai demandé à une stagiaire juriste d'étudier la question, ce qui nous permettra d'anticiper en la matière.

Mme Dalloze. — Pour en revenir aux moyens que l'on donne aussi au professeur Delbeke, nous payons le même prix que la Communauté flamande pour les analyses. En cours d'année, l'EPO, ou érythropoïétine, va arriver. Pour l'instant, cela n'est pas encore dosé par Gand. Au début de l'année, nous avons eu une augmentation tarifaire avec la THG, ou tétrahydrogestrinone, et nous payons déjà davantage que l'an dernier.

Quand les tests permettant de détecter l'EPO seront au point, nous serons largement au-dessus de 10 000 francs par analyse. Par conséquent, comme l'a dit notre collègue flamand, le professeur Delbeke a de quoi survivre.

En ce qui concerne l'étiquetage des médicaments, il est vrai que la population est demandeuse. Toutefois, il y a un sérieux problème parce que la liste va changer pour la troisième fois depuis le 1er janvier. Le site du CBIP, ou Centre belge d'Information pharmaceutique, convient mais tout le monde n'a pas accès à Internet.

Les médecins ont cette possibilité dans la mesure où le CBIP édite le répertoire commenté des médicaments, qui reprendra les icônes stipulant qu'il s'agit de dopants. Evidemment, le CBIP ne rééditera pas des manuels en cours d'année, quand une nouvelle substance sera ajoutée à la liste.

Mon collègue flamand et moi-même sommes informés par le CBIP quand une nouvelle molécule ou une nouvelle substance entrent sur le marché. Dès ce moment, nous donnons, ou non, l'icône « dopage » de façon à ce que le site reste à jour.

M. Jacques Germeaux (VLD). — Je voudrais encore revenir sur la dépénalisation et plus précisément sur l'exemple cité par la présidente.

On a beaucoup parlé de la consommation de cannabis. Que se passe-t-il lorsqu'un jeune sportif est contrôlé positif au cannabis ? La loi sur les drogues prévoit une protection du mineur. On lui fournit une aide. Je ne pense pas que ce soit le cas pour le jeune coureur cycliste. Certains sportifs connaissent des problèmes médicaux. Mis à part la sanction disciplinaire, on ne prévoit pas par exemple d'accompagnement comme dans la loi sur les drogues. Le sportif n'est-il pas discriminé si l'on ne prévoit qu'une sanction disciplinaire ?

M. Kris Van der Auwera. — Effectivement, les autorités prononcent uniquement une sanction disciplinaire, sauf si la procédure disciplinaire d'une fédération est reconnue. Pour l'instant, ce n'est le cas que pour le cyclisme. Dans tous les autres cas, la sanction disciplinaire, prononcée par la commission de discipline, est communiquée à l'association sportive. Elle s'occupe en fin de compte de l'accompagnement des sportifs. Elle doit prendre la responsabilité de les coacher, de les accompagner, de les maintenir à l'abri du dopage, de veiller à ce qu'ils n'aient pas de lésions. Nous devons nous garder d'accorder une attention exagérée à cette affaire.

La moitié des coureurs qui participent au Tour de France affirment souffrir d'asthme. On cherche pour l'instant un moyen de l'éviter. Une commission sera créée; elle devra déterminer si une personne peut effectivement recevoir des médicaments pour des raisons thérapeutiques. Des négociations internationales ont actuellement lieu à ce sujet. À première vue, il s'agit d'une procédure lourde ayant recours à trois experts qui doivent analyser chaque prescription. Reste à savoir si nous pouvons la simplifier. Nous ne devons pas non plus exagérer. Il s'agit de personnes qui ont fait un choix. La société est-elle prête à investir dans la lutte contre le dopage ? Devons-nous continuer à payer tous ces contrôles ? Devons-nous veiller à détecter chaque produit ? À un moment, il faut faire un choix de société.

J'ai oublié de répondre à une question. Les pigeons d'un colombophile ne tombent pas sous le coup de notre réglementation, pas plus que les chevaux. Mais les jockeys sont contrôlés.

M. Jacques Germeaux (VLD). — Je ne suis absolument pas d'accord : il ne s'agit pas d'un groupe marginal. Le sport a en outre un énorme pouvoir d'attraction sur les jeunes.

On a accordé beaucoup d'attention à la consommation problématique de drogues par les personnes âgées de plus de 18 ans. Selon moi, les autorités doivent concentrer leurs efforts sur ceux qui commencent à consommer de la drogue, sur les plus jeunes. Je ne pense pas tellement au cas du sportif professionnel. Il n'est quand même pas normal que des produits permettant de danser plus longtemps soient interdits durant le week-end alors que les mêmes amphétamines sont vendues le dimanche afin de pouvoir gagner une course. Je crains que se limiter à une sanction disciplinaire ait un effet dissuasif moins grand. C'est justement vis-à-vis des jeunes que l'accent doit être mis sur la dissuasion. Si l'on parle de coûts et de bénéfices, on doit en analyser les suites. De nombreux sportifs professionnels donnent l'impression qu'il n'est plus possible de briller dans certains sports sans avoir recours à certaines substances. Je suis toujours étonné quand j'entends dire que la moitié des participants à un certain Tour utilisent des médicaments ou d'autres produits. Quelle image donne-t-on à la jeunesse ? De nombreux jeunes rêvent encore de faire carrière dans le sport. De cette manière, tout est permis.

M. Kris Van der Auwera. — Je voulais seulement dire que, dans la lutte que nous menons contre le dopage, nous devons nous interroger à un moment donné sur les investissements que nous sommes prêts à faire. Il s'agit en effet d'un coût très important. Je n'ai jamais dit que nous devions cesser, bien au contraire.

Nous devons faire un choix. Devons-nous opter à nouveau pour une pénalisation de l'usage de produits dopants ? Tout le monde est quand même au courant de l'arriéré judiciaire. L'impunité constitue-t-elle un meilleur signal social ? Les parquets ne font pas de cette question une priorité. En outre, le nombre de possibilités de recours est beaucoup plus grand en correctionnelle que dans une procédure disciplinaire. Un problème ponctuel sensible dans un sport bien particulier devient un problème social. On doit bien réfléchir au signal que l'on veut donner. En Flandre, nous travaillons d'une autre manière. Durant trente ans, en Belgique, nous avons éprouvé le système que vous proposez. Il n'a jamais fonctionné. L'effet dissuasif ne fonctionne jamais lorsqu'il s'agit de prévenir des délits. Une véritable intervention et un traitement des recours dans un délai bref donnent par contre des résulats. Bien entendu, nous ne sommes pas parfaits mais la solution ne réside pas, selon moi, dans une nouvelle correctionnalisation des affaires.

Mme Annemie Van de Casteele (VLD). — La dernière question de M. Germeaux portait sur deux aspects. En premier lieu, nous devons procéder à une évaluation de ce que l'on a fait sur le terrain au cours des dernières décennies sur le plan de la dépénalisation de la consommation de produits dopants. Il est exact que la politique que les Communautés ont menée jusqu'à présent a porté plus de fruits que la politique de sanctions menée par les autorités fédérales.

M. Germeaux se demandait également si les jeunes sportifs vulnérables ne doivent pas être considérés comme des victimes et s'il ne faut pas leur fournir une aide.

Quel est le point de vue des collègues francophones ? Fait-on un effort du côté francophone ? M. Van der Auwera a souligné que les fédérations sportives doivent s'occuper des sportifs. Il semble que cela ne soit pas toujours le cas sur le terrain.

Mme Béatrice Bertrand. — Le décret de la Communauté française est d'abord un décret relatif à la promotion de la santé par le sport, à la prévention du dopage et, ensuite, aux contrôles.

Il y a énormément d'actions menées en Communauté française en matière de promotion de la santé, de prévention et d'information des sportifs et il existe des associations subventionnées pour faire ce type de travail. C'est aussi le rôle des fédérations sportives, qui ont mis sur pied des programmes et des projets pilotes en vue d'obtenir des subventions pour agir en ce sens.

Le décret de la Communauté française comporte trois parties : la prévention, la promotion de la santé et le contrôle du dopage. Il s'inscrit dans la problématique générale de la promotion de la santé en Communauté française.

Nous disposons d'autres décrets, notamment le décret relatif à la promotion de la santé à l'école, parce que la promotion de la santé du sportif, jeune ou pas, est primordiale.

À côté de la responsabilité collective des fédérations, existe la responsabilité personnelle du sportif qui doit lui-même participer à l'amélioration de sa santé.

Toutes ces dimensions sont prises en compte. Nous n'en avons pas parlé parce que nous parlions du dopage, mais beaucoup d'autres choses se font à côté du contrôle du dopage.

Mme Annemie Van de Casteele (VLD). — L'un des orateurs a déclaré que le parquet ou la cellule » drogue » sont informés de chaque cas constaté. Est-ce également le cas du côté francophone ? Existe-t-il un feed-back ? Nous avons l'impression que l'on donne peu suite aux informations qui sont transmises. Cela dépend bien entendu des priorités du parquet.

L'objectif est de s'attaquer aux circuits des produits qui sont trouvés sur le terrain. Ceci peut se faire de deux manières. Ou bien le parquet doit collaborer avec l'inspection de la pharmacie afin de pouvoir démanteler le circuit; ou bien la Communauté doit communiquer les informations directement à cette inspection. Est-ce possible ? Est-ce opportun ?

On a à juste titre souligné que des compléments alimentaires peuvent contenir des substances interdites, parfois sans que leur consommateur le sache. Nous l'avons constaté lors d'une visite au laboratoire gantois. Le professeur Delbeke a alors expliqué que des compléments alimentaires sont soumis à des analyses. Celles-ci sont la plupart du temps effectuées à la demande de l'industrie alimentaire néerlandaise en collaboration avec le Comité olympique néerlandais (NOC). Tous deux ont intérêt à ce que soient effectuées de telles analyses. L'industrie alimentaire veut prouver que ses produits ne contiennent pas de produits dopants et le NOC veut informer les sportifs sur la consommation de compléments alimentaires. Une telle initiative est-elle également possible en Belgique, éventuellement par le biais d'une collaboration entre les Communautés, le Comité olympique belge et les fabricants de compléments alimentaires ?

C'est le cas quand il y a suspicion d'un trafic ou quand on trouve une quantité de produits dopants, éventuellement dans le sac d'un sportif. Sinon, lorsqu'un sportif est contrôlé positif, il n'y a pas, a priori, d'information au parquet.

En ce qui concerne l'inspection pharmaceutique, il faut avouer que nous ne fonctionnons que depuis un an et deux mois. Nous n'avons pas encore pris d'initiative vers l'inspection pharmaceutique mais nous n'avons pas non plus de demande de sa part. Si l'inspection pharmaceutique adressait une demande aux Communautés pour avoir une idée du type de produits qui sont détectés dans les analyses, il n'y aurait aucun problème de collaboration et sans doute pas de refus. La situation est la même au niveau des parquets : il existe une collaboration ponctuelle.

Nous n'avons pas encore eu l'occasion, comme la Communauté flamande, de travailler sur des conventions et des accords de collaboration parce que nous venons de débuter et qu'il faut un minimum d'expérience dans les contrôles pour y procéder. Cependant, la Communauté française a bien l'intention d'avoir un contact avec les parquets francophones, en matière de mise en place éventuelle de modalités de collaboration et d'information. C'est prévu, mais il faut un minimum de recul pour savoir comment fonctionnaient les choses antérieurement.

Nous avons connaissance du problème des compléments alimentaires. Nous savons, notamment grâce au professeur Delbeke, que certains compléments alimentaires contiennent des produits dopants. Là, nous nous trouvons à nouveau à la limite des compétences parce que la vente de ce type de produits relève plutôt de la Santé.

Il serait intéressant de prolonger cette discussion car il est important que le sportif sache que tel complément alimentaire peut être pris sans risque et tel autre pas. Il n'y a pas toujours de volonté délibérée de prendre un complément alimentaire contenant des produits dopants. Cela peut arriver, mais la volonté délibérée inverse existe aussi. Le sportif ne dispose pas nécessairement de l'information.

Donc, les deux aspects — médicament et complément alimentaire — mériteraient un suivi et une collaboration entre les Communautés et le fédéral.

M. Odon Marneffe. — Pour compléter ce que Mme Bertrand vient de dire, je précise que, vendredi dernier, au cours d'une réunion de notre commission « Promotion de la santé dans la pratique du sport », le problème des compléments alimentaires a été posé.

Des représentants de l'association pharmaceutique et des professeurs d'université étaient présents et soulignèrent que ces compléments alimentaires ne ressortissaient pas aux compétences des instances qui contrôlent actuellement les médicaments. Se pose alors la question de savoir comment on pourrait contrôler ce type de produits, d'autant plus que, si l'on peut imaginer des systèmes qui arriveraient à labelliser les produits, la contamination pourrait néanmoins être accidentelle, voire différente de lot à lot.

Donc, on ne pourrait même pas garantir que tel type de produits, peu importe l'endroit où il est acheté, soit « clean » et non pollué par des métabolites. C'est un problème extrêmement difficile.

Or, les études réalisées par Delbeke et par le CIO, ou le Comité international olympique, tendent à prouver qu'actuellement, entre 20 et 30 % des produits communément utilisés par les sportifs sont pollués par des métabolites de cette nature-là. C'est très embarrassant.

Ils ne peuvent que se baser sur l'étiquette et le numéro de notification indiqué sur de tels produits. On a en effet constaté que l'étiquette ne mentionne pas toujours le contenu exact et que la notification ne présente pas les garanties qu'elle doit offrir quant à la pureté du produit.

Les autorités doivent-elles contrôler tous ces produits — presque tous les aliments en fin de compte — ou le fabricant doit-il prouver lui-même, comme c'est le cas aux Pays-Bas avec le Comité olympique, que ses produits sont sains pour les sportifs ?

Une certaine pression émanant du monde sportif visant à prendre une initiative à l'égard du fabricant ne serait pas mauvaise.

M. Kris Van der Auwera. — Je pense que vous avez bien résumé la situation. Nous devons clairement faire face à un problème pour lequel le pouvoir fédéral est compétent.

Lors de la comparution d'un sportif professionnel, les compléments alimentaires servent souvent d'excuse. Nous pourrions signaler que telle ou telle marque a été condamnée, de manière à ce que des mesures puissent être prises. Je ne sais cependant pas si une procédure fédérale existe à cet effet mais nous pouvons nous renseigner.

J'en viens à la deuxième question : peut-on obtenir une liste des produits auprès de l'inspection de la pharmacie ? Le problème est que nous recherchons près de 100 % des produits dans les urines et non dans les emballages. Il n'est pas facile de déterminer l'origine de ces produits. Les seules informations dont nous disposons doivent provenir des analyses. On obtient également peu de résultats en examinant les produits qu'emporte avec lui un sportif professionnel.

En ce qui concerne la circulation des informations, nous faisons un peu plus que la Communauté française. Chaque procès-verbal est envoyé au parquet. Cette transmission d'informations s'est améliorée. La seule amélioration que nous puissions encore apporter concerne le suivi des résultats. Nous devrions pouvoir évaluer régulièrement les suites qui sont données à nos constats. Le parquet le fait, pour ce qui nous concerne. Il nous envoie régulièrement des dossiers et nous les utilisons mais l'inverse devrait exister aussi.

Mme Annemie Van de Casteele (VLD). — Encore une petite réplique à la remarque relative à la transmission des informations à l'inspection de la pharmacie. Nous ne demandons pas que les échantillons de sang ou d'urine soient envoyés à cette inspection. Mais dans les rares cas où des emballages de produits sont découverts dans le sac ou au domicile d'un sportif, il est crucial que l'inspection de la pharmacie puisse disposer de ces emballages afin de vérifier s'il s'agit de produits du marché belge ou de substances importées. De cette manière, certains circuits peuvent être découverts. Il serait dommage que cette information soit perdue.

6. Audition du 28 avril 2004

Audition de :

— Mme Katrien Van Kets, Vlaamse Sportfederatie;

— M. Tom Van Damme, directeur, et M. Jan Mathieu, président de la Commission médicale, R. ligue vélocipédique belge (RLVB);

— M. Philippe Housiaux, co-président de la Ligue royale belge d'athlétisme, président de la Ligue belge francophone d'athlétisme;

— M. Cyriel Coomans, vice-président du conseil d'administration et président du département Services aux Fédérations du Comité olympique et interfédéral belge.

Mme Katrien Van Kets. — La Vlaamse Sportfederatie remercie la commission de l'avoir invitée, car elle y voit l'occasion idéale d'éclairer certains aspects du dopage dans le sport.

La Vlaamse Sportfederatie chapeaute 74 fédérations sportives flamandes. Je vous décris brièvement leurs problèmes et leurs réflexions quant au dopage dans le sport.

Les fédérations sportives sont généralement convaincues que la pratique sportive doit s'intégrer dans un cadre médical responsable et que la lutte contre le dopage doit être poursuivie.

Le décret flamand relatif à la pratique du sport dans le respect des impératifs de santé vient d'être profondément remanié. Même si les fédérations le soutiennent entièrement, elles restent confrontées dans les faits à une série de problèmes auxquels le décret n'apporte pas de solution. Puisque la plupart de ces problèmes relèvent du niveau flamand, c'est à ce niveau qu'il faut les régler. Nous les trouvons toutefois si fondamentaux que nous aimerions les évoquer ici.

Toutes les fédérations sont favorables aux contrôles antidopage et au sport propre, mais ce qui leur pose problème, c'est la façon dont se déroulent certains contrôles et dont certains résultats positifs sont sanctionnés. Je songe ici surtout aux compétitions internationales organisées en Flandre.

Les fédérations nous signalent que les sportifs étrangers acceptent moins bien le système actuel que les sportifs flamands. Il est très difficile d'expliquer aux athlètes étrangers le système en vigueur en Flandre et les conséquences éventuelles des contrôles. Conformément à la législation linguistique, ces athlètes doivent signer au préalable un document en néerlandais auquel ils ne comprennent généralement pas grand-chose, malgré la traduction en anglais qui y est jointe. Nous aurions les mêmes difficultés si dans les mêmes circonstances nous devions signer un document en chinois avec traduction en anglais.

Qui plus est, en vertu de la législation, les sanctions prises en cas de contrôles positifs se limitent au territoire de la Communauté flamande. Les athlètes trouvent ridicule d'être exclus des compétitions en Flandre, mais pas en Wallonie ou à l'étranger.

À l'issue d'un contrôle, la fédération internationale demande souvent des explications que les autorités flamandes sont incapables de donner à ce moment-là. Selon la procédure du CIO, le labo doit signaler directement les contrôles positifs à la fédération internationale. Au moment où elle est avertie, la Vlaamse Sportfederatie ignore la plupart du temps encore qu'il y a eu un contrôle positif et ne peut donc généralement pas fournir d'explication. Parfois la procédure n'est même pas clôturée parce qu'une contre-expertise doit encore avoir lieu. Cela discrédite la Vlaamse federatie aux yeux de la fédération internationale. Nos fédérations estiment que lors de compétitions internationales, les contrôles antidopage et les sanctions éventuelles devraient être laissés à l'entière responsabilité de la fédération internationale. Cela figure d'ailleurs dans le code de l'Agence mondiale antidopage. Les fédérations sont convaincues de la nécessité d'une approche internationale. En jouant cavalier seul, la Flandre ne fait guère avancer les choses.

Dès lors, les fédérations estiment que les autorités flamandes doivent se concentrer sur les compétitions au niveau flamand, même si là aussi bien des problèmes se posent encore dans les faits. Ainsi il est courant qu'un sprinter qui participe aux 100 et 200 mètres soit contrôlé entre ces deux courses. Ce type de contrôle entraîne évidemment de nombreux désagréments. L'athlète n'arrive plus à se concentrer sur sa course. Selon le décret, les contrôles antidopage ne peuvent pourtant pas perturber le bon déroulement des manifestations sportives.

Par ailleurs, les jeunes sportifs font souvent l'objet de contrôles antidopage, car les médecins arrivent de bonne heure, lorsqu'ont lieu de nombreuses compétitions pour jeunes. Dès leur arrivée, ils veulent se mettre au travail et ils n'attendent pas le début des compétitions pour adultes.

En outre, le sport loisir fait l'objet de nombreux contrôles et les fédérations trouvent positif que le décret s'applique aussi à ces manifestations. On peut néanmoins s'interroger sur l'utilité, par exemple, de contrôler des marcheurs. Ne vaudrait-il pas mieux consacrer cet argent aux manifestations sportives où un contrôle se justifie ?

Les problèmes évoqués concernent souvent l'interprétation d'une législation existante. Les fédérations ont le sentiment que les médecins contrôleurs appliquent les règles un peu trop à la lettre, sans trop tenir compte du contexte sportif. Une interprétation un peu plus souple permettrait déjà de résoudre pas mal de problèmes.

Les fédérations organisatrices ont parfois l'impression que les médecins contrôleurs les considèrent comme l'ennemi. Il faudrait entamer un dialogue positif.

Au début de l'année, la commission Sport du Parlement flamand nous a invités à fournir quelques explications dans le cadre du nouveau décret sur la pratique du sport dans le respect des impératifs de santé. Nous avons épinglé à cette occasion certains problèmes pratiques et à la suite de cela, l'administration soins de santé de la Communauté flamande a pris une nouvelle initiative. Le 11 mai, les fédérations obtiendront des éclaircissements sur le nouveau décret. La transmission des informations entre les fédérations et l'administration devrait désormais être plus rapide.

En tant que structure faîtière, la Vlaamse Sportfederatie a dressé une liste de personnes de contact. Cela accélérera la communication entre les fédérations et l'administration chargée des contrôles antidopage et des sanctions.

Je voudrais encore évoquer les relations entre la Wallonie et la Flandre. Autrefois, de sérieux problèmes résultaient des différences de législation en matière de contrôle antidopage et surtout de sanctions. En Wallonie les contrôles antidopage et les sanctions n'ont débuté que l'an dernier. C'est l'autorité qui procède aux contrôles, mais les cas positifs sont renvoyés aux fédérations concernées et les peines sont fixées par une commission de la fédération concernée. En Flandre, il s'agit d'une commission disciplinaire de la Communauté flamande. Lorsqu'un athlète flamand affilié à une fédération flamande participait à une compétition en Wallonie et y était contrôlé positif, son dossier devait en principe être transmis à la fédération wallonne, mais puisqu'il était affilié à une fédération flamande, son dossier était renvoyé à une fédération flamande qui ne pouvait rien en faire parce que dans la plupart des cas elle ne disposait pas d'un organe disciplinaire propre. Il y a des exceptions, par exemple la Fédération cycliste flamande dont les organes ont été approuvés par l'autorité.

Nous avons soulevé ce problème auprès de la Communauté flamande et à la suite de cela, le nouveau décret sur la pratique du sport dans le respect des impératifs de santé inclut une nouvelle disposition qui permet à la Vlaamse Sportfederatie de soumettre de tels cas aux organes disciplinaires de la Communauté flamande, de sorte qu'il y aura quand même une sanction. Nous déplorons d'aussi grandes différences entre la Flandre et la Wallonie, alors que les distances à parcourir par ces sportifs pour se rendre d'une région à l'autre sont relativement courtes.

En bref, la Vlaamse Sportfederatie estime qu'il faudra résoudre encore bien des problèmes pour lutter efficacement contre le dopage et que les fédérations sportives doivent encore faire face à trop de problèmes pratiques, surtout lors de compétitions internationales.

M. Philippe Housiaux. — Je voudrais situer mon exposé à plusieurs niveaux, en fonction de mes différentes responsabilités dans le monde du sport, et apporter une légère correction à la brève présentation que vous avez faite de mes mandats puisque je suis coprésident de la Ligue royale belge d'athlétisme, président de la Ligue francophone d'athlétisme et membre de la Fédération européenne d'athlétisme.

Je confirme les propos de Mme Van Kets relatifs à la complexité du maillage sportif belge et je parlerai d'abord de la manière dont nos fédérations sont organisées à l'échelle internationale pour évoquer ensuite la complexité de la matière qui nous occupe aujourd'hui. En effet, nous sommes tous les « parents » du mouvement olympique qui a fondé l'Agence mondiale antidopage. Cette création fut une des étapes les plus fondamentales du déploiement de la lutte contre le dopage dans le monde du sport. Il serait toutefois trop simple de croire qu'à ce jour, fonctionne déjà une procédure universelle. Je rappelle qu'il existe une quarantaine de fédérations internationales sportives. Elles dépendent du Comité International Olympique et possèdent chacune des règles particulières à leur sport, tant à l'échelle internationale que continentale. Enfin, le fait que les matières dans un pays comme le nôtre soient communautaires amène une complexité supplémentaire, d'autant, comme l'a très justement souligné Mme Van Kets, que les réglementations sont différentes du côté francophone et du côté néerlandophone.

Au fur et à mesure de nos pérégrinations, des outils ont été ajoutés. Il s'agit d'abord du tribunal arbitral du sport (TAS) que vous connaissez bien. Tous les cas, même ceux de dopage, peuvent être soumis à cette instance suprême du monde du sport. En outre, nous disposons, en Belgique, d'une émanation de ce tribunal, mais le vice-président du Comité olympique, Cyriel Coomans, en parlera beaucoup mieux que moi.

Je citerai certains exemples dont la valeur peut souvent prouver la complexité de la matière. En guise de postulat, je rappelle qu'à la base, le rôle des fédérations n'est bien entendu pas de sanctionner. Elles doivent s'occuper de la promotion de leur sport, de l'organisation des épreuves, du sport de haut niveau, de la formation. Le plan-programme de la Communauté française prévoit différents axes : le sport de haut niveau, la formation, la promotion, la lutte contre le dopage. Chacun de ces axes fait l'objet d'un financement par la Communauté française. Mme Van Kets a tout à fait raison lorsqu'elle affirme que même si la Belgique a décrété ou légiféré en matière de dopage dès 1964, la Communauté flamande a mis en place des organes de contrôle voici plusieurs années, tandis que la Communauté française n'a instauré ces contrôles qu'il y a un an et demi.

Quels sont les différents dangers ? Je voudrais rappeler un exemple notoire : celui de l'affaire Mourhit. Elle est exemplaire des dangers que courent les fédérations. Je me réjouis de pouvoir lancer un cri d'alarme devant votre commission. Cette affaire constitue un des cas les plus représentatifs de tous les dangers pour une fédération sportive. Premièrement, il s'agit d'une fédération — la Ligue royale belge d'athlétisme — qui décide d'accueillir en son sein un sportif étranger devenu nouveau Belge. Deuxièmement, c'est une fédération nationale qui organise, pour pouvoir développer son sport, des championnats du monde d'athlétisme dans notre pays, tel le championnat du monde de semi-marathon en 2002.

Cela lui permet de présenter sur le sol belge et à Bruxelles en particulier les meilleurs de nos athlètes. Troisièmement, étant une fédération nationale qui organise un championnat du monde, elle se voit confrontée aux règles de contrôle de sa fédération mondiale.

Dans le cas qui nous occupe, le contrôle antidopage n'est pas mené par la fédération nationale, puisqu'il n'y en a pas à proprement parler, mais par la fédération mondiale. Celle-ci est en pointe parce que l'athlétisme est le sport olympique numéro un et aussi parce que le président de la commission médicale du CIO est également président de la commission médicale de la fédération mondiale d'athlétisme, à savoir le docteur Lundqvist. Des contrôles sanguins et d'urine sont donc effectués et il est confirmé à deux reprises que Mohammed Mourhit a consommé des produits dopants.

Le dossier arrive à la Ligue royale belge d'athlétisme, laquelle doit d'abord vérifier de quelle obédience est son sportif. La Ligue belge francophone d'athlétisme était dotée, au moment où j'ai pris la présidence, d'une commission médicale et d'une commission antidopage essentiellement composée d'avocats, de docteurs en droit et de juristes, la matière du dopage étant, en tant que dossier de répression, essentiellement juridique et non médicale même si, bien entendu, des médecins siègent à la commission.

La Ligue belge francophone d'athlétisme reçoit donc l'athlète et décide d'une sanction de trois ans, soit un minimum de deux ans auxquels nous ajoutons une troisième année car nous considérons que prendre des produits dopants est une chose, mais avoir la confirmation que des produits masquants sont utilisés est une aggravation de la volonté de tricher, que ce soit de la part de l'athlète ou de son entourage. Comme vous l'avez dit à juste titre, il faut effectivement voir où en est l'entourage et quels en sont les pourvoyeurs.

Nous sanctionnons donc sur trois ans, et c'est là qu'il s'agit d'être attentif et de prendre conscience des dangers que courent les fédérations sportives, celles-ci ne prévoyant pas nécessairement dans leur budget des frais juridiques et de procédure. Ceux-ci sont exorbitants dès l'instant où l'on sort du cadre de la fédération.

Je cite un exemple. Aujourd'hui, la Ligue belge francophone d'athlétisme a déjà dépensé 23 000 euros en frais d'avocats. Elle ne dispose évidemment pas d'une telle somme et ne serait d'ailleurs pas subsidiée pour ce montant. Aucun plan prospectif ne peut prévoir une telle situation.

Nous devons donc nous doter d'avocats, puisque l'affaire est portée par Mourhit et ses conseillers devant les juridictions civiles par un maître du barreau, Maître Misson, rendu célèbre par le cas Bosman.

Nous sommes donc engagés dans des procédures qui nous ont amenés à devoir appeler à la cause la Ligue royale belge d'athlétisme, la Ligue belge francophone d'athlétisme et la Fédération mondiale d'athlétisme, l'athlète considérant qu'il y a atteinte à son travail. Et il a raison puisqu'il pratique son métier un peu grâce à la fédération sportive, celle-ci ayant obtenu pour lui un contrat de travail à la Communauté française. Dans une telle situation, c'est quasiment le serpent qui se mange la queue et qui, à un moment donné, trouve un système, comme cela se passe d'ailleurs du côté néerlandophone puisque Atletiek Vlaanderen et les différents athlètes sont repris par le BLOSO ou par la Communauté flamande. L'athlète qui réalise des performances et qui, grâce à ces communautés, trouve des moyens financiers substantiels, dispose donc de moyens financiers supérieurs à ceux de la fédération pour l'attaquer en justice et demander des dommages et intérêts.

Quelles solutions sont laissées à l'appréciation de la fédération ? Elles sont relativement peu nombreuses.

Notre rôle est de défendre l'éthique. Mais celle-ci a un prix, lequel correspond souvent à la valeur des honoraires des avocats en matière de dopage. Qu'avons-nous été obligés de faire pour pouvoir poursuivre cette affaire ?

Nous avons demandé l'intervention financière de la Fédération mondiale d'athlétisme. Nous voudrions qu'elle se substitue à la fédération belge pour le remboursement de nos frais juridiques. Nous lui adressons le discours suivant : « Si vous ne nous aidez pas à poursuivre l'action, si vous ne nous aidez pas à faire en sorte que nous soyons toujours porteurs des valeurs du sport et que vous ne voulez pas que nous soyons obligés d'abandonner la cause pour des raisons financières, vous devez nous soutenir. » Nous avons donc voulu montrer un front uni et nous avons prouvé que nous étions prêts à aller jusqu'au bout. En fin de compte, la règle a triomphé. L'athlète a été suspendu pendant deux ans. La sanction, revue sur la base des normes de la fédération mondiale, a en effet été ramenée à deux ans. L'athlète reprendra son activité sportive le 6 juin prochain. Nous avons organisé sa première grande compétition mondiale pour qu'il soit prêt, le cas échéant, pour les jeux d'Athènes. Nous lui avons garanti une participation au premier grand marathon bruxellois.

Si je raconte cette aventure, c'est, tout d'abord, parce qu'elle nous a permis de réaliser le danger qu'un tel fait pouvait représenter pour la fédération. Les 23 000 euros dont j'ai parlé ne comprennent évidemment pas les honoraires des dirigeants, appelés aujourd'hui à devenir des responsables au sein de leur fédération. De plus, nous sommes assistés dans cette commission par des avocats qui, eux, ne sont bien sûr pas rétribués. La commission antidopage, qui prend pourtant des risques, n'est pas rémunérée.

Qu'avons-nous fait au départ de cette affaire, grave en l'occurrence ? Nous avons saisi la Fédération mondiale d'athlétisme et envoyé une note au CIO pour insister sur notre objectif, qui est d'abord et avant tout de faire en sorte que ce sport soit un sport propre, quoi qu'il arrive. Dès l'instant où nous avons décidé que notre rôle était de promouvoir un sport de qualité, il n'était pas question d'accepter la moindre liberté ni la moindre faiblesse par rapport au monde du dopage. Pourtant, nous avons cité trois éléments susceptibles d'amener le monde du sport à se poser des questions.

Premièrement, nous voulions trouver des réponses à la responsabilisation des athlètes face au problème du dopage. Comment faire pour qu'un athlète, lorsqu'il s'engage, tout jeune, dans une fédération sportive, sache qu'il doit pratiquer un sport de qualité ?

Deuxièmement, comment faire pour que les fédérations sportives puissent, à tout moment, appliquer une procédure de dopage à l'encontre des athlètes et de leur entourage ? Comment, dès lors, faire face à l'augmentation exponentielle des frais de défense en justice, à charge des fédérations ?

Troisièmement, qu'en est-il des risques financiers réellement encourus par la fédération si celle-ci est condamnée ?

Je prendrai un petit exemple pour vous illustrer ce dont maître Misson parlait. Dans le cas de Mohammed Mourhit, il existait une liste des épreuves auxquelles il n'avait pas pu participer; par épreuve non courue, nous devions entre 15 000 et 25 000 euros, montant qu'il aurait pu demander en participant à cette épreuve. Il devenait ainsi en quelque sorte un employé de la Communauté française attaquant sa fédération.

Pour les trois domaines dont nous venons de parler, nous avons suggéré un certain nombre de recommandations qui sont suivies actuellement par la fédération mondiale.

Premièrement, il conviendrait de prévoir — c'est un élément simple, mais important — une formule à mentionner sur chaque carte d'affiliation et indiquant dans quel esprit un athlète signe une telle carte. On ne peut imaginer qu'un jeune de neuf, dix ou onze ans signe sa carte en sachant déjà qu'il devra se doper pour augmenter ses performances. Le fait de dire que le sport doit être pratiqué de façon saine, même si ce n'est jamais qu'un slogan, nous paraît donc important.

Deuxièmement, il faudrait mettre en place un programme international de couverture d'assurances, de protection juridique et de couverture des frais financiers. Dès le moment où il existe une couverture internationale dans un sport, celui-ci devient beaucoup plus facile à financer. Nous tentons de mettre en place, en matière d'athlétisme, ce qui sera une couverture mondiale — mais cette démarche peut évidemment s'appliquer à d'autres fédérations sportives — permettant d'assumer toutes les conséquences pécuniaires des dommages pouvant résulter d'une procédure entamée par un athlète contre la fédération, ainsi qu'une formule qui nous permettrait, si nous étions condamnés, de pouvoir prendre en charge les montants à payer à l'athlète qui se retournerait contre la fédération internationale.

Cette formule aurait l'avantage de prouver à chaque athlète que, quoi qu'il arrive, les fédérations, soit les organes de gestion, seront capables de le suivre et de faire appliquer la loi, tant sportive que communautaire.

Le monde du sport est universel et les solutions à trouver doivent également être universelles, sinon il sera impossible de maintenir les vertus premières du sport. Cela explique comment on peut, sur la base d'une affaire remarquable dans le sens premier du terme, rechercher des solutions pouvant profiter à la collectivité sportive.

Plusieurs sportifs ou coaches de grandes équipes sportives étant présents dans cette salle, je rappelle un élément de stupeur pour les dirigeants sportifs : à la limite, aujourd'hui, l'équation victorieuse d'un bon sportif bien entouré nécessite aussi un excellent encadrement juridique.

Souvent — c'est ce que j'ai appelé un jour « l'alchimiste et l'avocat » — le sportif dispose de sa pharmacopée mais aussi déjà de ses juristes. C'est pour pouvoir arriver, à un moment donné, non pas à couper cette équation, mais à ce que le monde du sport s'autoprotège, que nous avons suggéré cette nouvelle formule à l'échelon de la Fédération mondiale d'athlétisme et que nous la proposons maintenant au CIO.

Pour poursuivre dans la voie tracée par Mme Van Kets, j'en viens à un élément qui devient pervers. Comme elle l'a très justement dit, quand un sportif francophone est contrôlé en Communauté française, c'est sa fédération sportive qui est informée du fait qu'elle doit sanctionner. Comme j'ai tenté de vous l'expliquer, les dangers sont à ce point importants que l'on risque aujourd'hui que les fédérations sportives ne veuillent pas sanctionner. Elles se disent que si elles n'ont pas les moyens de supporter une procédure, il est préférable de ne pas sanctionner l'athlète, d'autant plus s'il figure au palmarès.

Nous avons clairement signifié à la Communauté française que s'il n'y avait pas un changement de politique, à savoir que cette communauté qui a son propre assureur soit elle-même chargée de déterminer les peines, les fédérations sportives, en tout cas francophones, ne pourraient pas suivre les décisions prises à la suite d'un contrôle anti-dopage positif. On constate en effet que des fédérations sportives craignent de devoir sanctionner, alors que c'est un de leur rôles.

Enfin, les médias en ont beaucoup parlé, les fédérations sportives ont des commissions anti-dopage et des commissions médicales, mais elles ont toutes des vitesses de croisière spécifiques et des experts de valeurs différentes. Nous plaidons dès lors pour que, sur le plan du sport en tout cas francophone et néerlandophone, voire du CIO et du COIB, l'ensemble des cas soumis aux fédérations sportives revienne vers un organe interfédéral de contrôle et de sanction, de manière à supprimer cette lourde charge devant être assumée par les fédérations sportives et qu'elle ne peuvent mener à bien pour des raisons financières ou de compétences puisqu'on ne peut pas leur demander de choisir des administrateurs en fonction de leur diplôme. Nous sommes malheureusement, ou heureusement, dans un monde associatif où la valeur des ans l'emporte encore parfois sur la valeur du talent.

M. Hugo Coomans. — Je m'exprimerai moins en tant que vice-président du COIB qu'en tant qu'avocat avec trente ans d'expérience qui s'est très souvent retrouvé de l'autre côté de la barrière, ainsi qu'en tant qu'ancien président d'une importante fédération sportive et ancien conseiller auprès d'une autre fédération sportive.

Je voudrais surtout parler des fournisseurs de produits dopants et de l'entourage des athlètes.

La Flandre et la Wallonie ont une approche différente en matière de lutte contre le dopage. La Communauté flamande a déjà parcouru bien du chemin depuis vingt ans. À l'époque, lorsqu'éclatait une affaire de dopage, la première réaction était à tous les coups de rechercher des erreurs de procédure. Heureusement, à quelques exceptions près, cette époque est révolue. Mais par la force des choses la compétence de la Communauté flamande se limite à son territoire. Ainsi par exemple, après avoir été sanctionné, le coureur cycliste Frank Vandenbroucke a pu continuer à courir dans le monde entier sauf en Flandre. À la suite de cela la Communauté flamande a reconnu dans un arrêté ministériel la Royale ligue vélocipédique belge, la Vlaamse Wielrijdersbond et l'UCI. De ce fait la fédération cycliste peut sanctionner le dopage et ses sanctions sont automatiquement reprises par la fédération internationale.

J'estime quant à moi que l'on ne parviendra à lutter contre le dopage qu'en confiant cette tâche aux fédérations, éventuellement sous la surveillance du COI et du Tribunal arbitral du sport. Pour mettre au point une stratégie mondiale de lutte contre le dopage, il serait bon aussi que les fédérations sportives internationales contrôlent le travail des fédérations nationales et qu'à leur tour celles-ci contrôlent éventuellement les fédérations régionales. Tout cela devrait se faire sous la tutelle de l'Agence mondiale antidopage ou AMA et du Tribunal arbitral du Sport ou TAS. Il y a encore toujours un monde de différence entre la lutte contre le dopage en Flandre et, disons, en Afrique.

La lutte contre le dopage requiert un important soutien financier. Il me suffit de renvoyer aux conséquences financières énormes de la reconnaissance de la Royale ligue vélocipédique belge par la Communauté flamande. Il appartient aux fédérations de lutter contre le dopage et de convaincre les athlètes du caractère malsain, antisportif et immoral du dopage, mais pour ce faire elles ont besoin du soutien financier des gouvernements. C'est en fin de compte à ceux-ci qu'il appartient de mener une politique saine en matière de sport et ils peuvent parfaitement le faire en soutenant financièrement les fédérations qui pour l'instant ne peuvent engager que des volontaires pour faire face aux avocats et autres experts qui plaident dans les dossiers de dopage. Elles continuent à lutter à armes inégales.

Je voudrais encore évoquer un second aspect sur lequel les fédérations n'ont pas de prise et auquel le fédéral comme les deux Communautés se sont trop peu intéressés jusqu'ici. Ces dix dernières années, on a poursuivi et sanctionné un grand nombre d'athlètes alors qu'on n'a pas fait grand-chose contre les fournisseurs de produits dopants, les médecins prescripteurs et les soignants qui les administrent. Je sais parfaitement qu'internet permet de se procurer des produits dopants bien plus facilement qu'auparavant mais sans aide extérieure un athlète n'arrive pas si loin. Durant mes 25 années d'activité dans le monde du sport, je n'ai vu qu'exceptionnellement un fournisseur, un médecin ou un pharmacien faire l'objet de poursuites dans un dossier de dopage. Si la raison en est que la justice n'y voit pas une priorité, c'est particulièrement regrettable. À quoi bon les sanctions pour dopage si on laisse agir impunément les fournisseurs et les mauvais conseillers ? Tant que cet aspect ne sera pas pris au sérieux, nul ne pourra reprocher aux fédérations de ne pas prendre assez d'initiatives. Bon nombre d'organisations comme l'AMA ou les fédérations internationales s'occupent actuellement de la lutte contre le dopage proprement dit. Ce qu'elles font n'est pas parfait, mais par rapport à la lutte sur d'autres fronts, elles sont déjà bien loin. Il est déjà arrivé qu'on classe sans suite une plainte contre un médecin parce qu'il avait acheté le prix du silence d'un athlète dopé. Si nous voulons vraiment résoudre le problème du dopage, nous devons nous intéresser davantage à l'entourage des sportifs.

M. Jacques Germeaux (VLD). — Mme Van Kets trouve grotesque d'effectuer des contrôles antidopage chez les pratiquants de sports récréatifs tels que la marche. On a pourtant eu des contrôles positifs à Borgloon, dans une équipe provinciale de football. Il faut changer la mentalité de la population et de la justice qui considèrent que le dopage dans le sport serait acceptable dans une certaine mesure. La justice surtout doit faire de la lutte contre le dopage une priorité. Il faut dès lors effectuer des contrôles sur une très large échelle. M. Housiaux propose de faire signer à chaque nouvel affilié à une fédération sportive une déclaration par laquelle il renonce à l'usage de tout produit dopant. Les mentalités doivent changer : le dopage doit être assimilé aux drogues. C'est pourquoi il faut aller jusqu'à contrôler, voire même peut-être par coups de sonde, les disciplines sportives où on ne s'attend pas à trouver des produits dopants.

Je voudrais aussi poser une question à propos de l'exposé de M. Housiaux. Cela n'entre bien sûr pas dans nos compétences, mais en matière de suspension des athlètes, j'estime que la solution doit venir d'accords entre les fédérations nationales et internationales. Une suspension ordonnée par une fédération devrait être automatiquement étendue à toutes les autres. L'AMA peut aider les fédérations à parvenir à un tel accord. Les hommes politiques ne peuvent pas faire beaucoup plus que soutenir fermement cette proposition.

Je voudrais demander à M. Coomans s'il a des propositions concrètes en matière de poursuites et de sanction des médecins, des pharmaciens, des entreprises et des fournisseurs. L'athlète Mohammed Mourhit a été suspendu pour deux ans, mais on ne voit pratiquement jamais des médecins suspendus pour prescription irresponsable. Nous savons pourtant que le dopage est largement répandu, y compris parmi les simples amateurs. Une fois qu'un dossier relatif à un médecin a été soumis à la justice, il lui reste à parcourir un interminable chemin de la Commission de médecine provinciale à l'Ordre des médecins. Souvent cela se termine en queue de poisson au bout de quelques années.

M. Jean-Marie Dedecker (VLD). — Je suis d'accord avec les remarques de Mme Van Kets quant au manque de crédibilité des contrôles antidopage. En Belgique, des contrôles antidopage sont même effectués lors de compétitions mineures, ce qui s'apparente à une chasse aux sorcières et coûte cher aux fédérations, chaque contrôle représentant de 300 à 400 euros. Tel ne peut être l'objectif des pouvoirs publics.

Les sportifs convaincus de dopage sont renseignés sur internet. La raison officielle avancée est qu'il faut pouvoir éviter qu'un basketteur suspendu ne courre le 800 mètres la semaine suivante sans que les fédérations sportives ne soient informées de la suspension.

La semaine dernière, j'ai demandé à la ministre de la Justice si la police judiciaire pouvait constituer une banque de données contenant les données à caractère personnel des pédophiles. Sa réponse à été négative. Motif : le droit à la protection de la vie privée. Ne peut-on parler ici aussi de chasse aux sorcières qui donne peu de résultats ?

J'aimerais en outre savoir ce que M. Coomans pense du problème du cannabis et de la politique de tolérance à l'égard de ce produit. Le cannabis dans le sport est un problème américain qui concerne surtout le monde du basket-ball.

Dans le basket belge, le dopage est sanctionné d'une suspension de un, deux ou trois ans. Aux États-Unis l'utilisation de stéroïdes n'est pas aussi sévèrement punie dans le basket que dans l'athlétisme.

Quand j'ai dit voici quatre ans que les contrôles antidopage faisaient totalement défaut en Wallonie, cela m'a valu de vives critiques. Mes accusations se sont ensuite avérées et ont amené la Communauté française à adopter un décret sur le dopage le 8 mars 2002.

Il ne doit pourtant pas être difficile d'appliquer une même politique répressive des deux côtés de la frontière linguistique et d'échanger des données sur les sportifs sanctionnés. On observe manifestement un manque de bonne volonté politique.

La VSF compte près de 80 fédérations sportives et pourrait prendre l'initiative.

On pourrait confier la lutte contre le dopage aux fédérations. Certaines petites fédérations ne sont toutefois techniquement et financièrement pas capables d'assumer les contrôles et n'y sont pas disposées.

Les pouvoirs publics sont intervenus dans le temps en raison du manque de bonne volonté des fédérations. Si la responsabilité est confiée à celles-ci, la politique répressive sera bien moins sévère.

M. Housiaux, je peux comprendre qu'il est navrant que vous deviez supporter les coûts d'un contrôle effectué par une fédération internationale ayant révélé des cas de dopage chez certains sportifs.

Ne vaudrait-il pas mieux que le CIO et le COIB investissent dans l'éthique plutôt que dans des briques ? Il existe bien sûr des fédérations riches et d'autres qui sont pauvres. Certaines ne peuvent supporter le coût des contrôles.

Mme Annemie Van de Casteele (VLD). — En Flandre les contrôles et les sanctions incombent à la Communauté qui assume aussi les risques. En cas de suspension injustifiée annulée par la Cour de cassation, c'est la Communauté flamande qui supporte les coûts. En Wallonie, ce sont les fédérations wallonnes qui doivent effectuer les contrôles et prononcer les sanctions. Ce sont elles qui sont confrontées au problème quand quelque chose tourne mal. Quel est le meilleur système ? Outre le problème de la responsabilité, se pose aussi celui de la transmissibilité. On ne peut admettre qu'un sportif soit traité différemment d'une région à l'autre.

M. Hugo Coomans. — En Flandre, il y a deux possibilités : ou bien la fédération ne fait rien et la balle est dans le camp de la Communauté flamande, ou bien la fédération prend l'initiative, mais elle en est elle-même la victime.

Si le collège administratif de la Communauté flamande se trompe, l'intéressé doit s'adresser au Conseil d'État. Si une fédération reconnue se trompe, la décision doit être contestée devant le tribunal civil et éventuellement devant le Tribunal arbitral du sport. C'est un tout autre circuit.

En fait, pour les fédérations il est donc idiot de prendre leurs responsabilités. Il leur est impossible de bien faire. D'un côté, on leur reproche de ne pas prendre leurs responsabilités et si elles les prennent, elles s'exposent à une masse de problèmes, de coûts et de risques. Sans parler de la presse qui les critique quand elles n'interviennent pas, mais aussi quand elles suspendent leurs propres sportifs.

Je sais que ce n'est pas réalisable dans le système belge mais une solution pourrait consister à placer le COIB devant ses responsabilités et à lui confier les contrôles et les sanctions. Cela ne sort pas du cadre de sa mission qui est de défendre les valeurs éthiques dans le sport. Le COIB est en outre disposé à le faire.

Mme Annemie Van de Casteele (VLD). — Je crains que le ministre Keulen n'y soit pas disposé.

M. Jean-Marie Dedecker (VLD). — C'est possible, mais il faut alors créer deux ailes au sein du COIB et un organe qui les chapeaute. On retombe dans les mesquineries de la politique nationale.

M. Phillippe Housiaux. — Pour complexifier un peu le débat, il y a trois types de contrôles. Il ne faut pas l'oublier.

Il y a tout d'abord les contrôles organisés par la Fédération mondiale dans le pays où une fédération locale est l'organisatrice. Je prends l'exemple du championnat du monde de cross country que nous organisons à Bruxelles. C'est la fédération belge — LRBA — qui, même si elle n'a pas cette compétence, doit organiser et payer les contrôles et c'est l'IAF qui sanctionnera si le contrôle est positif.

Je suis d'accord avec M. Dedecker. Comment fera-t-on après pour sanctionner suivant, comme je l'ai dit, l'affiliation de l'athlète à une des deux ailes ?

Le deuxième type de contrôle est celui qui est réalisé d'initiative par la fédération communautarisée. Toutes les fédérations peuvent dire qu'elles font des contrôles. Dans le plan-programme des fédérations francophones dans le décret de la Communauté française, nous avons un volet intitulé « contrôles antidopages ». Nous pouvons donc décider d'effectuer une trentaine de contrôles dont les frais sont remboursés par la Communauté française.

Le troisième type de contrôle est exercé par la Communauté française ou flamande qui agit d'initiative et qui contrôle les sports amateurs non structurés. À ce sujet, je ne suis pas du tout d'accord avec M. Dedecker. Il est important de pouvoir aussi contrôler et sanctionner des sportifs amateurs quand on sait toutes les séquelles que le dopage peut entraîner pour certains d'entre eux qui, par exemple, après avoir fait 2 h 52 minutes aux 20 km de Bruxelles, veulent faire 2 h 48 l'année suivante. Pour y arriver, ils ne le font plus simplement à l'eau minérale.

Le troisième type de contrôle est donc celui des Communautés et après tous les effets pervers dont j'ai parlé tout à l'heure, qui aura encore l'audace de sanctionner ?

J'ajouterai — et ici je rejoins Cyriel Coomans — que l'on ne fait pas assez de publicité autour des dangers du sport.

Je ne citerai pas de chiffres, mais lors d'une grande épreuve sportive qui a lieu chaque année en Belgique, il y a, systématiquement, entre un et deux décès directement liés à l'absorption de produits dopants. Cela se passe dans la semaine de l'événement et touche essentiellement des amateurs qui ne sont pas contrôlés et qui n'ont pas été suivis.

On ne met pas assez en exergue la publicité de ces drames et, dans le même temps, la publicité liée à la condamnation des pourvoyeurs.

M. Jacques Germaux (VLD). — J'ai l'impression qu'il est très difficile d'être à la fois juge et partie. Cela vaut pour une fédération, mais aussi pour le ministre du Sport. En effet, le ministre est à la fois compétent pour la promotion du sport et pour la politique antidopage, cette dernière compétence le contraignant à prendre des sanctions. Il faut peut-être recommander de confier cette compétence répressive à une autorité supérieure indépendante de la politique sportive. Cette autorité exercerait une fonction de contrôle, mènerait l'enquête et prononcerait une sanction. L'exécution de la sanction serait laissée aux soins de la fédération concernée.

Qui doit assumer le contrôle et quand ? Pour moi ce doit toujours être la même instance. On ne peut laisser deux instances différentes contrôler différemment l'usage d'un même produit et l'interpréter dans un contexte différent. Dans le domaine sportif, celui qui consomme de l'XTC risque une sanction faible, mais les conséquences de cette consommation sont bien plus graves en dehors du sport. Ce même produit est perçu différemment. L'XTC et les amphétamines provoquent de fortes assuétudes.

Je suis étonné que la fédération faîtière et la ligue d'athlétisme, qui ont pourtant une solide expérience internationale, réclament une instance neutre. Cela jette un éclairage nouveau sur la situation. Il est peut-être intéressant que la Flandre, Bruxelles et la Wallonie mènent leur propre politique sportive, mais la mise en oeuvre de la politique antidopage pose de nombreux problèmes.

Mme Katrien Van Kets. — Je pense que mes propos sur les contrôles antidopage dans la sphère récréative ont été mal compris. Je ne veux pas dire que la Fédération de football ne peut effectuer de contrôles en deuxième provinciale. Je ne veux pas mettre tous les contrôles dans le même sac. Il est arrivé que des contrôles soient pratiqués lors d'une journée familiale de netbal. Les moyens limités peuvent peut-être être employés plus efficacement.

Je ne veux pas mettre en doute la qualité des contrôles effectués en deuxième provinciale. En tant que membre de la commission disciplinaire de la Communauté flamande, j'ai vu défiler bien des coureurs cyclistes incapables de rouler 20 km d'affilée mais qui absorbent de grandes quantités de produits dopants. Je ne doute pas que ces situations existent.

M. Hugo Coomans. — La question de M. Germaux relative à l'entourage (médecins, pharmaciens, ...) est à mon sens un des principaux problèmes auxquels on ne s'est pas encore attaqué. La commission doit attirer l'attention sur l'urgence d'aborder ce problème.

Les infractions à la loi relative aux drogues et aux hormones sont des infractions graves. Le législateur doit aussi s'intéresser à toutes les personnes qui gravitent autour de l'événement sportif. Ainsi le sportif amateur qui ne se procure pas les produits via internet mais auprès de médecins et de soigneurs dont le nom réapparaît dans tous les dossiers, sera aussi dans le collimateur.

M. Jean-Marie Dedecker (VLD). — Un problème supplémentaire est que des produits comme les amphétamines sont autorisés.

De nombreux produits sont commercialisés pour le traitement de personnes malades, mais sont utilisés pour doper des personnes en bonne santé. Il faudrait trouver une autre définition. Je partage néanmoins l'avis de M. Coomans : les principaux malfaiteurs sont les fournisseurs de ces produits et les médecins qui les injectent. Un enfant de 15 ans est facilement manipulable, surtout lorsque son père tient à ce qu'il remporte la course.

M. Hugo Coomans. — Nous surmontons peu à peu le problème des listes de produits dopants. L'AMA exerce une influence très positive. Nous nous basons enfin sur une liste unique de produits dopants valable pour tous. Aux spécialistes de décider si le cannabis doit y figurer.

Toutes les fédérations sportives et la Communauté flamande dans son nouveau décret tiennent compte de la liste établie par l'AMA. Le problème se résout donc peu à peu.

L'AMA permettra aussi bientôt de résoudre le problème de la répression et les mêmes normes de sanction seront appliquées partout. Le problème est que certaines fédérations nationales ne font pas partie des fédérations internationales. Jusqu'à présent elles n'acceptent pas la réglementation générale. Seul leur État national peut les contraindre à appliquer cette réglementation.

M. Jean-Marie Dedecker (VLD). — Le dream team participe bel et bien aux Jeux olympiques et le CIO s'en félicite parce que c'est ce qui donne les plus hauts chiffres d'audience et qui attire donc les plus grands sponsors. C'est une situation néfaste.

Ma principale objection au dopage est qu'il fausse la compétition. Les États-Unis ne poursuivent pas et ne répriment pas le dopage de la même manière que notre pays, ce qui fausse la compétition. Il ne doit pas être facile pour Kim Gevaert de se retrouver toujours derrière ces athlètes noires en sachant ce qui se passe. Cette situation hypocrite est très dure à supporter pour nos athlètes.

M. Hugo Coomans. — Les membres du NBA qui participent aux Jeux olympiques par le biais de la Fédération américaine, laquelle est affiliée à la Fédération internationale de basket, s'exposent à des sanctions en cas de dopage au cours de la compétition. Ce n'est pas le cas pour la compétition NBA.

La Fédération belge de basket adopte automatiquement la sanction prononcée par un organisme international et informe immédiatement la Fédération internationale de la sanction qu'elle prononce.

Si les Fédérations wallonne ou flamande de basket prennent une sanction, elles communiquent cette décision dès que cette sanction est définitive. La sanction que nous adoptons vaut pour toute la Belgique, ce qui contraint la Fédération flamande à l'adopter également, et nous communiquons la sanction à la Fédération internationale.

Il en va de même à la Fédération de cyclisme. La reconnaissance vaut à la fois pour l'UCI, la Fédération flamande, la Fédération wallonne et la Fédération belge.

D'autres fédérations procèdent différemment.

M. Philippe Housiaux. — Dans les fédérations que je connais, une commission faîtière s'intéresse aux cas de dopage de la VAL — Vlaamse Atletiekliga — ou de la LBFA et lorsque les contrôles sont effectués par la Fédération mondiale ou la ligue locale, elle applique les mêmes sanctions sur l'ensemble du territoire. Ce n'est pas le cas lorsqu'il s'agit d'un contrôle effectué par la Communauté flamande ou la Communauté française, où il y a appréciation. L'exemple suivant est plus parlant, et il ne vise pas la reconnaissance de la supranationalité du sport : le pouvoir politique devrait reconnaître que le 100 mètres couru à Santiago du Chili a la même distance que celui couru à Vierzele ou à Tombouctou. Les trois points en basket-ball et le point de penalty sont également universels. Dès lors, lorsqu'il s'agit de sanctionner, on doit trouver un organe capable d'appliquer la règle du sport avec une grande constance. Par contre, le suivi des pourvoyeurs devrait davantage relever d'une réglementation locale. C'est un peu ce que prônait le CIO lors de sa grand-messe à Copenhague où malheureusement, en prévoyant d'uniformiser les sanctions, il a quelque peu été « dribblé » par le football et débordé par le cyclisme : ces deux fédérations n'ont pas accepté le principe d'un même calendrier de sanctions. Le monde du sport est en train de prendre les choses en main, sauf en ce qui concerne l'aspect des pourvoyeurs, comme l'a dit Cyriel Coomans.

Dernier exemple illustrant à quel point les choses peuvent être aberrantes et nécessitent une réflexion de fond : le Qatar envoie régulièrement des athlètes s'entraîner chez nous, car il y fait meilleur en été. Un jour, un athlète qui ne parle que l'arabe participe à un marathon à Torhout. À l'issue de son épreuve — il n'était pas nécessairement conscient de ce qui se passait —, on lui remet un document rédigé en néerlandais, lui demandant de se rendre à un contrôle de dopage. L'intéressé reprend l'autocar. Plus tard, la Fédération du Qatar reçoit une circulaire du gouvernement flamand, en néerlandais, signalant qu'un athlète va être condamné pour deux ans à ne plus faire de marathon en Flandre. Cela crée une confusion au Qatar, même si cela n'empêche en rien de s'approvisionner en pétrole et en gaz ! Le sport a suffisamment de valeurs fortes, de règlements précis pour laisser aux fédérations qui ont les moyens et les compétences le soin d'oeuvrer. Pour toutes les autres matières, notamment celles dont a parlé légitimement Cyriel Coomans, en ce qui concerne les pourvoyeurs, tout le monde a raison de vérifier quels sont ceux qui truquent le débat.

Enfin, même si je suis président de la Fédération et amoureux d'un sport « éthique », je n'ai aucun problème avec la NBA ou la NHL, si les gens se dopent jusqu'aux oreilles puisqu'il n'y a pas de principe de montée-descente. Ils ne revendiquent rien, ils tournent avec les mêmes athlètes et dès l'instant où, comme l'a rappelé Jean-Marie Dedecker, ils deviennent membres de la « dream team », ils doivent respecter la règle du CIO, à savoir être contrôlés et sanctionnés en cas de résultat positif.

M. Jean-Marie Dedecker (VLD). — La Champions League est un circuit fermé. Les footballeurs qui y participent peuvent s'y doper, mais ils ne peuvent le faire à d'autres compétitions. Je trouve cet argument contestable.

M. Housiaux admet que nous n'avons aucune prise sur cette organisation mais conteste qu'ils n'acceptent pas pleinement les règles.

M. Housiaux est un homme de terrain qui sait que les produits dopants ne sont pas absorbés pendant la compétition mais au cours de la préparation. Certaines fédérations prennent l'initiative à cet égard. L'IAAF a pourchassé Mourhit pendant deux ans jusqu'à ce qu'elle le prenne en défaut dans notre pays et non au Maroc. Cette hypocrisie doit cesser. C'est tout ou rien. Il faut pouvoir dire aux athlètes qu'ils démarrent avec des moyens égaux. Mais c'est précisément cela qui est difficile.

Le CIO devrait avoir le courage de dire à la dream-team qu'elle doit respecter les règles ou qu'elle sera chassée. Ce n'est évidemment pas ici qu'il faut mener ce débat, mais tout tourne autour d'intérêts commerciaux.

M. Philippe Housiaux. — Je signale à M. Germeaux qu'au niveau de la Fédération d'athlétisme, nous avons le même calendrier de sanctions. Donc, M. Mourhit aurait eu deux ans de suspension dans n'importe quel pays. Il y a toujours un tarif minimal. Les sanctions sont différentes si c'est la communauté, si c'est le pouvoir « politique » qui se charge de la matière. D'autres grilles sont appliquées dans ce cas, ce qui est assez étonnant.

M. Jean-Marie Dedecker (VLD). — M. Housiaux estime que ces coûts ne doivent pas être supportés par sa fédération. Cela me paraît normal. Supposons que Mourhit gagne son procès. Qui devra alors, selon lui, supporter les coûts ?

M. Philippe Housiaux. — Pour ce qui concerne la suggestion que j'ai faite à la Communauté française, puisque Mourhit dépend de la Ligue belge francophone d'athlétisme, il faut savoir que la Communauté française est son propre assureur, ce qui signifie qu'elle assure en même temps les risques financiers pour les fédérations.

M. Philippe Housiaux. — Il s'agissait dans ce cas d'un contrôle effectué par l'IAAF. Nous avons nous-mêmes pris la sanction, mais Mourhit a ensuite saisi le tribunal et l'IAAF n'était plus de la partie. Nous avons donc dû prendre une décision. Nous pouvions aller en justice, mais ne pouvions en assumer les frais.

Il y a deux possibilités. Ou bien la Communauté nous soutient et paie les honoraires, ou bien nous faisons appel à une compagnie d'assurances, solution que je préconise. Cela nous permettrait de supporter les coûts. J'espère que nous trouverons une solution avec Marsh & McLennon.

Nous demandons que le CIO, le COIB ou une fédération internationale paie cette prime et fasse savoir à ses membres qu'ils peuvent poursuivre leurs activités sportives et qu'il les soutiendra. C'est ainsi que l'on montre qu'on assure la promotion du sport.

M. Jean-Marie Dedecker (VLD). — Je trouve cette déclaration très importante.

M. Jacques Germeaux (VLD). — L'attitude adoptée est duale, voire schizophrène. On vient de citer l'exemple d'un athlète du Qatar venu s'entraîner chez nous et sanctionné pour avoir refusé de signer un document qu'il ne comprenait pas.

En distinguant le dopage et la consommation de drogue on complique sensiblement les choses. Il s'agit du même produit mais la perception est différente.

Celui qui vient s'entraîner ici est censé connaître notre réglementation et nos usages. Sinon, qui est responsable ? Celui qui ne remet pas de document dans la langue de l'intéressé ou celui qui ne comprend pas le néerlandais ou le français ? Pour moi l'autorité flamande ou wallonne ne commet pas de faute.

M. Housiaux a raison de dire que le sport s'est internationalisé et que des règles et sanctions identiques doivent prévaloir partout. J'ai l'impression que la perception de la dépénalisation de la drogue pose problème. Le transfert aux Communautés de la dépénalisation des délits sportifs n'est-il pas à l'origine du problème ? Le paiement, la répression, les poursuites ou le dépistage ne doivent-ils pas être ramenés au pouvoir fédéral ?

Mme Katrien Van Kets. — Je reviens à l'exemple de l'athlète du Qatar. Notre fédération estime que ce cas doit être laissé à l'appréciation d'une fédération internationale, ce qui permettra une uniformisation. La Communauté flamande ne peut toutefois ignorer la réalité. Il est irréaliste de considérer qu'un sportif chinois n'a qu'à connaître le néerlandais et les règles en vigueur en Belgique. Le problème doit être porté à un niveau supérieur. Les Chinois accepteront la procédure qui leur sera imposée par une fédération internationale. Les règles locales sont au contraire plus difficiles à imposer et à accepter. Une réglementation uniforme est à conseiller.

M. Hugo Coomans. — Je voudrais réagir à la remarque de M. Germaux sur la dépénalisation. Je constate que les choses bougent seulement pour ce qui est dépénalisé et j'en conclus que la dépénalisation n'est pas une mauvaise chose. Il faut juste définir une ligne directrice. Les pouvoirs publics doivent veiller à ce que la communauté soit en bonne santé. Le monde du sport peut y contribuer mais ne doit pas en supporter les coûts.

Les pouvoirs publics doivent en outre intervenir à l'égard des soigneurs, des médecins, des fournisseurs, etc.

C'est le seul message que je puisse apporter aujourd'hui.

M. Housiaux. — Je voudrais dire à M. Germeaux que le monde du sport n'est pas un monde arrogant. J'entends par là que l'athlète du Qatar, pour ne reprendre que son cas, est tout à fait conscient que s'il brûle en feu rouge en Belgique ou à Doha, il paiera une amende. Mais il sait aussi lorsqu'il est un athlète international que si un contrôle est fait par la fédération nationale, il y aura une procédure qu'il connaît, à savoir je passe la ligne d'arrivée et je reçois un document qui me dit que je dois subir un contrôle, et j'aurai un volontaire à mes côtés qui va m'accompagner durant toute la procédure. Mais, dans le cas en question, la Communauté flamande possède une autre procédure : l'athlète reçoit un document lui demandant de se rendre dans un local sans bénévole accompagnateur, il ne saura que lorsqu'il sera rentré dans son pays qu'il encourt une sanction.

Il y a un contrôle et une règle : les athlètes qui se rendent à l'étranger reçoivent un document, mais lorsque l'autorité est différente de l'autorité sportive, la règle et la procédure changent et l'athlète qui ne parle pas la langue est perdu. Voilà ce qui s'est passé. Cela s'est passé de la même manière pour un athlète spécialiste de la trampoline du côté néerlandophone.

M. Jean-Marie Dedecker (VLD). — Quand on représente 80 fédérations et le CIOB, on peut tout de même proposer un document en anglais. Les fédérations doivent y réfléchir.

À propos des structures faîtières, ne peut-on se mettre autour de la table et saisir un niveau supérieur des suspensions prononcées dans une région déterminée, comme le font la Fédération de football et l'UCI ? En Flandre, la suspension est communiquée sur internet. J'aimerais connaître l'opinion de M. Coomans sur cette mise au pilori.

M. Housiaux propose que les contrôles soient réalisés par les fédérations mais des questions se posent à ce sujet. Les grandes fédérations pourront les assumer, pas les petites. C'est pourquoi les contrôles ont dans le passé été pris en charge par le COIB. M. Housiaux propose aussi que les fédérations s'assurent pour les frais de ces contrôles ou que les pouvoirs publics les supportent. Je ne crois pas que les autorités y consentiront sans possibilité de contrôle.

Mme Annemie Van de Casteele (VLD). — M. Dedecker parle du prix à payer. Il y a deux types de coûts, d'une part ceux des contrôles et d'autre part les coûts engendrés par les problèmes de procédure, les honoraires, etc. Il faut distinguer ces deux aspects. Supposons qu'on parvienne à un accord et que les fédérations restent chargées des contrôles. On pourrait peut-être demander aux Communautés de financer ces contrôles en leur permettant de les contrôler. Les frais de justice et les éventuels dédommagements sont uniquement une question d'assurances. Certaines compagnies seront sans doute prêtes à assurer ces risques moyennant une prime adaptée. On peut au besoin demander à l'athlète de payer une petite partie de la prime, éventuellement via sa cotisation.

M. Philippe Housiaux. — Je peux remettre à la commission le texte juridique que j'avais préparé et qui est pour l'instant examiné à l'échelle mondiale. Il porte sur le type d'assurance protection juridique, sur la façon de créer le programme international, sur l'objet du contrat de protection juridique, sur l'objet d'un contrat de responsabilité civile professionnelle et sur les fautes qui peuvent être couvertes. Il prévoit également une définition des dommages. Je vous cite un exemple de dommage immatériel : le remboursement des pertes de primes et de revenus, suite à une sanction disciplinaire entraînant un arrêt d'activité sportive pour l'athlète. Il est possible de couvrir ce type de dommage. Mais, plus on est universel, moins cela coûte aux États et aux athlètes. Ce serait surtout une manière d'aider les petites fédérations à continuer leur combat pour l'éthique et pour la promotion du sport.

Je tiens ce document à votre disposition, car le texte juridique est prêt au niveau mondial.

M. Jacques Germeaux (VLD). — L'Ordre des médecins court lui aussi le risque qu'un médecin introduise un recours contre une suspension. Ce médecin peut éventuellement réclamer des dommages et intérêts. L'Ordre des médecins doit assurer seul son financement. Y existe-t-il une assurance professionnelle ?

M. Cyriel Coomans. — Le problème de la mise au pilori dénoncée par M. Dedecker a également été abordé lors de la préparation du décret sur le dopage. J'ai plaidé contre la publication sur internet des noms des athlètes suspendus parce que je la jugeais contraire à la protection de la vie privée, mais je n'ai pas été suivi.

Mme Katrien Van Kets. — Un argument en faveur de cette publication est que les fédérations doivent savoir quels athlètes, suspendus dans une autre fédération, doivent être exclus de leurs compétitions. Cet objectif aurait certes pu être atteint par d'autres voies. Les fédérations tiennent à être informées, ne serait-ce que pour s'armer contre les sanctions prévues dans le décret.

Mme Annemie Van de Casteele (VLD). — Le parlement fédéral ne peut pas faire grand-chose pour régler ce problème, à moins que la politique du sport ne retourne au fédéral, ce qui me semble illusoire. En revanche, les fédérations ont un rôle important à jouer, par exemple en menant une lutte contre le dopage au niveau international.

Quant à nous, nous devons lutter sur d'autres fronts : le soignant, le médecin, la filière dans son ensemble. Les représentants de l'Inspection pharmaceutique et du parquet nous ont dit que les sportifs contrôlés positifs ne leur apprennent pas grand-chose à ce sujet. M. Coomans vient de dire que presque tout le monde connaît les noms des médecins et des pharmaciens concernés, mais on peut difficilement intervenir à partir de rumeurs. À un moment donné, nous avons proposé une sorte de règlement des repentis par analogie à ce qu'on trouve dans la loi sur le dopage. Si la personne révèle ses sources d'approvisionnement, elle verra ses sanctions allégées ou supprimées. Pensez-vous qu'on puisse faire quelque chose de pareil dans le sport ? Avez-vous idée de la manière dont on peut détecter des produits utilisés sur le terrain ? Y a-t-il moyen d'avertir plus rapidement l'Inspection pharmaceutique lorsqu'un athlète est contrôlé positif, afin qu'elle puisse immédiatement vérifier si le produit en question est disponible sur le marché belge et par quels canaux de distribution ?

M. Cyriel Coomans. — Une solution à la fois pratique et rapide consisterait à interroger tous ceux qui comparaissent actuellement devant les commissions des fédérations ou de la Communauté flamande. C'est parfaitement possible et on saurait très vite l'origine des produits.

Mme Annemie Van de Casteele (VLD). — Quelqu'un a dit ici que les médecins et les soignants achètent le silence des athlètes. Les sportifs n'ont donc aucun intérêt à parler. Comment convaincre malgré tout un athlète de divulguer ses sources d'approvisionnement ?

M. Cyriel Coomans. — Un sportif de haut niveau ne vend pas facilement la mèche, mais bien d'autres sportifs se font prendre pour dopage. La première question qui se pose est de savoir si la justice veut en faire une véritable priorité. Tout le monde constate aujourd'hui que tel n'est pas le cas. Chaque jour, des athlètes sont sanctionnés mais jamais quelqu'un des filières. C'est donc qu'il y a un problème de fond.

Mme Katrien Van Kets. — Je présume que la cellule Medisch Verantwoord Sporten de la Communauté flamande est de mieux en mieux informée et qu'elle reçoit pas mal de tuyaux des gens de terrain. Elle peut ainsi mieux cibler ses contrôles et attraper davantage d'athlètes.

Je présume qu'elle reçoit beaucoup d'informations au sujet des fournisseurs et des autres intéressés. Elle dispose en tout cas de nombreuses sources.

Mme Annemie Van de Casteele (VLD). — L'un des problèmes est la mauvaise communication entre le communautaire et le fédéral, celui-ci étant le seul à pouvoir s'attaquer aux filières. Le plus fou dans cette affaire, c'est que le communautaire ne peut rien faire de toutes ses informations sur les filières.

IV. PROJET DE CONCLUSIONS ET DE RECOMMANDATIONS

A. Compétence

Selon les articles 127, 128 et 129 de la Constitution, les communautés de notre pays sont compétentes pour les matières personnalisables, à savoir la langue, la culture, le sport, l'enseignement mais aussi les soins de santé.

En vertu de l'article 5, § 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980, les communautés sont compétentes pour tout ce qui concerne la prévention sanitaire. C'est cette loi spéciale qui confère une base juridique au décret flamand du 27 mars 1991 relatif à la pratique du sport dans le respect des impératifs de santé. Ce décret crée un cadre visant à permettre une pratique saine du sport. Il vise non seulement le dopage, mais aussi le respect d'une âge minimum pour la pratique de disciplines sportives, etc. Il prévoit également des sanctions disciplinaires (suspension et amendes) pour les personnes qui enfreignent les dispositions décrétales. Il vise en premier lieu le sportif, mais aussi les personnes qui l'encadrent et les associations sportives. Quant à la Communauté française, elle a pris, le 8 mars 2001, un décret relatif à la promotion de la santé dans la pratique du sport, à l'interdiction du dopage et à sa prévention en Communauté française. Ce décret prévoit, lui aussi, que le sportif et les éventuels tiers qui offrent des substances dopantes ou qui en facilitent l'usage encourent une sanction telle qu'une amende et/ou une suspension. La Communauté germanophone dispose d'un cadre décrétal, avec le décret sport du 19 avril 2004 (Moniteur belge du 21 novembre 2004). Par ailleurs, il n'existe pas encore de réglementation relative aux contrôles sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale.

Bien que le sport soit donc une matière communautaire, il relève, pour plusieurs de ses aspects, des compétences et des lois fédérales. Ainsi, l'utilisation, la détention, la fourniture et le commerce ainsi que la production de certains produits dopants peuvent également être contraires à la réglementation fédérale suivante :

— La loi du 24 février 1921 concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, désinfectantes et antiseptiques interdit un grand nombre de produits stupéfiants, prohibés également par les communautés.

— L'arrêté royal du 31 décembre 1930 réglementant les substances soporifiques et stupéfiantes, et relatif à la réduction des risques et à l'avis thérapeutique.

— L'arrêté royal du 12 avril 1974 relatif à certaines opérations concernant les substances à action hormonale, anti-hormonale, anabolisante, bêta-adrénergique, anti-infectieuse, anti-parasitaire et anti-inflammatoire.

— La loi du 15 juillet 1985 relative à l'utilisation de substances à effet hormonal, à effet anti-hormonal, à effet bêta-adrénergique ou à effet stimulateur de production chez les animaux.

— L'arrêté royal du 22 janvier 1998 réglementant les substances soporifiques et stupéfiantes, et relatif à la réduction des risques et à l'avis thérapeutique.

B. Constatations

— Généralités

1. Le dopage est un phénomène social et culturel largement répandu, qui n'est pas simple à aborder. Il est favorisé par la course incessante aux records mondiaux, l'influence des médias et la commercialisation du sport. Ce sont surtout les mineurs qui risquent d'être victimes de cette recherche effrénée de la performance.

2. On légitime aujourd'hui le recours à des produits améliorant les performances dans le cadre du sport, qu'il soit de haut niveau ou non. Selon la mentalité prédominante, faire du sport — de haut niveau ou non — signifie reculer les limites, y compris celles d'un comportement médicalement responsable.

3. Le dopage représente un danger non négligeable pour la santé publique. Il comporte des risques d'overdoses aiguës et, de surcroît, le sportif qui y recourt de manière chronique risque d'en supporter les conséquences non seulement pour lui-même mais aussi, parfois, pour ses enfants.

4. Le recours aux produits dopants n'est pas limité aux sportifs de haut niveau ou aux sportifs rémunérés. Les sportifs amateurs et occasionnels utilisent eux aussi des substances dopantes, de leur propre initiative, par exemple pour développer une masse musculaire puissante en peu de temps. Parallèlement à cela, nombreux sont les sportifs qui consomment des produits dopants pour briller dans la compétition à laquelle ils participent, dans l'espoir d'être repérés comme jeunes espoirs talentueux, ou parce qu'ils recherchent un sentiment de bien-être, de puissance ou d'esthétique. À cet égard, les sportifs de haut niveau font souvent figure d'exemples.

— Offre

5. Le dopage est un commerce de grande envergure. On trouve sur le marché de l'offre une très large gamme de substances légales et illégales permettant d'améliorer les performances, qui va des produits dopants classiques aux hormones, prohormones, pseudo-médicaments, suppléments alimentaires et substances destinées à masquer le recours au dopage. Les produits dopants représentent un chiffre d'affaires annuel de 8 milliards d'euros environ. Il a été dit par ailleurs que le sport absorberait 80 % de la production annuelle d'EPO (soit un chiffre d'affaires de 4 milliards d'euros) et 84 % de la production d'hormones de croissance. De grands groupes pharmaceutiques sont donc également impliqués.

6. On peut se procurer très aisément les produits via l'internet, où l'on peut voir apparaître de nombreux spams vantant les qualités de certaines substances. La publicité trompeuse est prohibée, mais les médicaments et les compléments alimentaires non soumis à prescription donnent pourtant lieu à des abus.

7. Les importations en provenance des pays de l'UE ne sont pas contrôlées. Par suite de la suppression des frontières intérieures (en termes douaniers, on ne parle plus d'importations, mais de mise en libre circulation ou en libre pratique), le problème est devenu ingérable et très complexe, eu égard aux législations nationales actuelles qui se heurtent pour ainsi dire aux frontières nationales. La douane n'est pas toujours en mesure de repérer les importations en provenance de pays tiers, et ses interceptions sont souvent le fruit du hasard. En raison d'effectifs limités, elle ne peut contrôler les colis postaux que de manière sporadique, de sorte que les chances de saisie sont plutôt aléatoires.

8. Certains médecins ont un comportement prescripteur assez laxiste. Ils prescrivent par exemple des quantités d'anabolisants qui ne se justifient pas sur le plan thérapeutique. Certains sportifs s'adressent aussi à plusieurs médecins différents dans l'espoir d'en trouver un qui acceptera de leur prescrire les produits qu'ils estiment nécessaires pour améliorer leurs performances sportives. Les « gros prescripteurs » ne sont détectés que de manière sporadique et même lorsque leur identité est connue, ils ne peuvent pas être sanctionnés (les médecins jouissent de la liberté de prescrire). L'article 36 du Code de déontologie médicale dispose toutefois que le médecin « s'interdira de prescrire des (...) médicaments à la seule demande du patient, sans que l'état de ce dernier ne le justifie médicalement » et qu'il « veillera à prescrire des médicaments sous une forme et en quantité adéquates ». Mais les interventions de l'Ordre des médecins en la matière sont rares ou inopérantes. Les dossiers ouverts par le parquet ne sont généralement pas transmis. Lorsque le contrôle antidopage (Communauté flamande) se révèle positif, la direction générale Médicaments (DGM) (niveau fédéral) n'est pas saisie du dossier, même si l'on a détecté des substances prohibées. Les pharmaciens peuvent rapporter à l'inspection de la DGM les cas où la dose prescrite leur paraît anormale ainsi que ceux où ils soupçonnent des abus, mais ils ne le font que rarement, voire jamais. Certains pharmaciens délivrent même des produits dopants sans prescription.

9. Une zone grise s'est formée dans le domaine des compléments alimentaires. Il faut déplorer l'absence totale de réglementation stricte en la matière et un contrôle inexistant du contenu réel de ces compléments alimentaires. Certains produits contiennent des phytohormones ou des substances dopantes, dont la mention ne figure pas toujours sur l'étiquette et parfois à l'insu du sportif. Pour promouvoir l'utilisation de certains produits, on leur attribue à tort certains effets ou on invoque des arguments sanitaires fallacieux. Les « nutraceutiques » ne sont pour ainsi dire pas contrôlés alors qu'ils contiennent des hormones, des phytohormones ou des prohormones, voire des substances stimulantes. Les nutriments ne sont en effet soumis qu'à une simple obligation de notification, tandis que les médicaments sont soumis à une obligation d'enregistrement.

10. L'on constate parfois d'importantes similitudes entre les moyens utilisés pour développer la masse graisseuse et musculaire du bétail et ceux visent à améliorer les performances sportives chez l'homme. Le développement et l'approvisionnement (illégaux) suivent des filières parallèles.

11. Le trafic d'hormones, le milieu de la drogue et le monde du dopage sont étroitement imbriqués les uns dans les autres. Les vétérinaires peuvent délivrer des produits provenant d'un dépôt, pour lesquels ils se sont approvisionnés dans une pharmacie. Selon l'intervenant, le problème réside dans la possible collusion avec certains pharmaciens et dans le fait que certains vétérinaires sont eux-mêmes propriétaires de pharmacies. Les dosages anormaux ou les pratiques malhonnêtes ne sont par conséquent pas visibles, les produits hormonaux à usage animal sont les mêmes que ceux à usage humain et le trafic de certains de ces produits est souvent extrêmement lucratif.

12. Le recours au dopage par les sportifs de haut niveau n'est pas un phénomène individuel, c'est une pratique de mieux en mieux encadrée qui se base sur des programmes bien élaborés. L'entourage (les producteurs et les fournisseurs, mais aussi l'encadrement médical, la direction d'équipe et les sponsors qui incitent au dopage) n'est cependant que rarement identifié et/ou sanctionné. Les sportifs amateurs agissent généralement de leur propre initiative, mais ils font également appel à des personnages malhonnêtes pour se fournir en produits dopants.

13. L'utilisation de certains produits dopants peut, à la longue, entraîner l'apparition de symptômes de dépendance similaires à ceux dont souffrent les toxicomanes. Certaines substances sont utilisées par des sportifs sans même avoir fait l'objet d'aucune étude clinique sur les animaux.

— Détection

14. La liste des produits dopants qui sont interdits par l'AMA (Agence mondiale antidopage) est très longue et les sportifs ignorent parfois que le médicament qu'ils utilisent les expose à un contrôle positif.

15. La cellule multidisciplinaire Hormones, qui est composée d'agents de la police fédérale, de la direction générale Médicaments (l'ancienne inspection pharmaceutique), des Douanes et de l'Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire, tente de garantir une politique coordonnée en la matière. En ce qui concerne la lutte contre les hormones dans l'élevage de bétail, les résultats enregistrès jusqu'à ce jour sont bons. La cellule a cependant constaté un glissement vers le monde du sport. C'est pourquoi il a été décidé en Conseil des ministres du 30 mars 2004 d'étendre les activités de la cellule Hormones au trafic illicite d'hormones, de produits non conformes et de produits dopants illégaux.

16. Les services de police ne sont pas suffisamment familiarisés avec les produits dopants. Leur attention se porte presque exclusivement sur le traçage des drogues. La lutte contre le dopage n'est certainement pas une priorité.

17. Les services de police, le parquet et la direction Médicaments ne sont pas toujours informés à temps lorsque des sportifs ont subi un contrôle positif. De ce fait, les forces de l'ordre ne sont pas présentes pour prélever immédiatement des échantillons, fouiller les bagages, contrôler les véhicules et explorer certains endroits.

18. Les informations sur les contrôles antidopage positifs ne sont pas non plus transmises aux services d'inspection de la DGM du SPF Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement. Ces services sont d'ailleurs victimes d'une grave pénurie de personnel, ce qui rend impossible toute action proactive. Les contrôles de routine des pharmaciens et des grossistes ne sont pas non plus effectués. Lorsqu'on détecte des symptômes de dépendance, on ne fait pas davantage appel aux services d'aide, comme c'est le cas par exemple pour les toxicomanes.

19. La collaboration entre les médecins contrôleurs des communautés, la cellule multidisciplinaire des Hormones et la Justice n'est pas des meilleures. La Communauté flamande a conclu un protocole de coopération avec la Justice. La plupart des dossiers de dopage sont transmis au ministère public. Mais les contrôleurs ignorent quelle suite est donnée à ces informations. Il n'y a pas d'échanges d'informations systématiques entre la Communauté française et la Justice.

20. L'Union européenne prévoit la libre circulation des biens, ce qui rend pratiquement impossible toute surveillance ou tout traçage des médicaments et donc aussi des produits dopants qui sont achetés à l'étranger.

21. Les quelque 130 000 contrôles antidopage effectués chaque année représentent un coût total d'environ 65 millions d'euros. Dans 98,5 % des cas, le résultat est négatif. L'on peut en déduire qu'un nombre croissant de produits dopants sont indétectables par les techniques de détection utilisées (par exemple l'EPO à base de plasma humain, les hormones de croissance).

22. Il y a une concertation dans la zone grise pour tenter d'harmoniser les connaissances et les constatations de l'inspection des denrées alimentaires et de la direction Médicaments.

23. Les « pharmacies électroniques », qui permettent l'acquisition de produits dopants sur la toile, échappent à tout contrôle. Il s'agit pourtant souvent d'infractions à la législation sur les médicaments qui interdit l'importation de médicaments par des particuliers.

— Sanctions

24. Les sanctions infligées en cas de dopage varient sensiblement d'une communauté à l'autre. La reconnaissance mutuelle des sanctions disciplinaires par les communautés se fait attendre. À cela s'ajoute, le plus souvent, un manque d'informations concernant les sanctions qui ont été prises. Les sportifs étrangers ou wallons qui sont convaincus de dopage en Flandre et contre lesquels une sanction est prononcée, peuvent poursuivre leurs activités sportives sans difficulté aucune dans la partie francophone du pays et à l'étranger. Les sanctions disciplinaires prononcées par la Communauté flamande ne produisent des effets de droit qu'en territoire flamand. À Bruxelles, il n'y a carrément aucune réglementation.

25. Les fédérations sportives qui prennent elles-mêmes l'initiative de sanctions disciplinaires sont insuffisamment armées sur le plan juridique et risquent d'être confrontées à des procédures onéreuses devant les juridictions ordinaires. Elles risquent de ce fait de se voir réclamer des dommages-intérêts parfois élevés.

26. La communication d'information par la Communauté française ou la Communauté flamande aux sportifs étrangers contrôlés positifs ou pris en flagrant délit de possession de produits dopants ne se fait que dans la langue de la communauté en question. Il s'ensuit que les sportifs impliqués ne sont pas loin d'ignorer ce qui est interdit par la Communauté flamande ou la Communauté française et quelle est la procédure mise en oeuvre.

27. L'articulation entre les sanctions disciplinaires et les peines correctionnelles laisse à désirer. Ce problème s'explique surtout par le fait que, dans le cadre de la réforme de l'État, la lutte contre le dopage a été confiée aux communautés. De plus, le dopage n'est pas une priorité pour les parquets.

28. Il n'est pas rare que la peine infligée pour usage et trafic de certains produits interdits dans l'élevage soit beaucoup plus lourde que celle qui frappe la même infraction dans le monde du sport.

29. Les Ordres n'émettent guère d'avis concernant l'attitude des médecins, vétérinaires et pharmaciens à l'égard du dopage. Ils ne sont saisis d'un dossier qu'une fois que la procédure pénale est terminée et que la sentence est passée en force de chose jugée. Ce n'est qu'à ce moment-là, souvent des années après les faits, qu'une procédure disciplinaire peut être engagée.

C. Recommandations

Le Sénat considère qu'il y a lieu de lutter contre l'usage de produits dopants, non seulement pour faire triompher le fair-play et l'égalité des chances dans le sport, mais aussi et surtout pour des raisons de santé publique. Il convient tout d'abord de mener une action de sensibilisation qui incitera à une pratique « saine » du sport.

— Offre

1. Les ministres de la Santé publique et de la Protection du consommateur devront disposer d'instruments qui leur permettent de renforcer la surveillance de la publicité vantant les mérites de médicaments et de compléments alimentaires non soumis à prescription. La publicité pour les compléments alimentaires sera réglementée au niveau européen.

2. Le Sénat invite les organisateurs de manifestations sportives à s'assurer que les sportifs participants n'ont consommé aucune substance dopante Il serait opportun de sensibiliser les communautés afin qu'elles puissent proposer aux organisateurs un code de conduite auquel devrait souscrire toute rencontre sportive et qui stipulerait notamment que les sportifs faisant l'objet d'une enquête pour utilisation de produits dopants seraient exclus de la compétition tant qu'ils n'auront pas été blanchis.

3. Le Sénat invite les entreprises-sponsors, lorsque des clubs ou des sportifs individuels qu'elles sponsorisent ont fait l'objet de plusieurs condamnations pour fait de dopage, à assumer leurs responsabilités et à prendre résolument leurs distances par rapport au dopage. Il est inadmissible que des sponsors qui ferment les yeux sur le dopage puissent déduire fiscalement les sommes consacrées au sponsoring. Le ministre des Finances devrait accomplir les démarches nécessaires en ce sens.

4. Il serait opportun que le ministre de la Santé publique organise une concertation avec les communautés afin de renforcer la prévention et l'accompagnement dans les rangs des jeunes et des sportifs amateurs, notamment au travers de l'enseignement. Il conviendrait également que les communautés puissent convenir avec les fédérations sportives reconnues et subventionnées par elles qu'une partie des subventions octroyées auxdites fédérations sportives sera affectée spécifiquement à la lutte contre le recours au dopage. Il serait également souhaitable d'organiser une campagne de prévention pour informer les sportifs des séquelles à long terme entraînées par la prise de produits dopants.

5. Les médicaments figurant sur la liste de l'AMA devraient être pourvus d'un logo olympique barré. Le gouvernement belge devrait aborder cette question à l'échelon européen et entamer, par l'entremise du ministre de la Santé publique, une concertation à ce sujet avec l'industrie pharmaceutique.

6. La notice, destinée au public, des médicaments figurant sur la liste de l'AMA doit mettre l'accent sur le fait qu'ils ne peuvent en aucun cas être utilisés dans le cadre d'une compétition sportive ou dans le cadre de la pratique d'un sport.

7. Par analogie avec les règles qui ont été instaurées pour les médicaments, il s'imposerait de prévoir un code-barres unique pour certains médicaments à usage vétérinaire afin d'en faciliter la localisation, puisque ces derniers peuvent s'utiliser aussi bien à des fins de dopage que dans l'élevage. Le ministre de la Santé publique devrait, à cet effet, étendre les systèmes de contrôle existants.

8. Les ministres de la Santé publique, des Affaires économiques et de la Protection du consommateur devraient mettre en place une concertation internationale pour tenter de limiter la vente de médicaments et la publicité y afférente via internet. Il faudra mentionner à tout le moins les références des responsables des sites web en question.

9. Le ministre des Affaires économiques devrait saisir la cellule Information des Affaires économiques afin qu'elle agisse contre les courriels publicitaires non sollicités vantant les mérites de produits dopants.

10. Il convient d'améliorer l'étiquetage des compléments alimentaires. Prenant exemple sur le Nederlandse Zekerheidscentrum Voedingssupplementen Topsport, le ministre de la Santé publique devrait, en collaboration avec les producteurs de compléments alimentaires, dresser une liste des compléments qui n'ont aucun effet dopant, qui ne représentent aucun danger pour la santé du sportif et qui ne contiennent aucune information inexacte.

11. Davantage de concertations au niveau européen sont nécessaires pour s'attaquer efficacement au trafic des produits dopants.

12. Dans le respect du principe de la liberté de choix diagnostique et thérapeutique du médecin, la liberté de prescrire dont jouissent les médecins ne peut pas conduire à un usage impropre des médicaments dans un contexte non thérapeutique. La prescription de doses supérieures à la dose thérapeutique normale mentionnée dans le dossier d'enregistrement doit pouvoir être motivée par le médecin concerné.

13. La législation sur les médicaments devrait être adaptée par le ministre de la Santé publique : les substances à effet hormonal, antihormonal et autres et anabolisant ne peuvent être prescrites et vendues qu'à des doses thérapeutiques autorisées en vertu du dossier d'enregistrement, les exceptions éventuelles devant être motivées et certifiées par le médecin traitant.

— Détection

14. Les services des douanes devraient être renforcés afin de pouvoir rechercher de manière plus ciblée les drogues et autres produits dopants. Il faudrait leur donner la faculté de retirer certains médicaments des envois contrôlés. Le ministre des Finances devrait prendre les initiatives nécessaires à cet effet.

15. Les laboratoires de contrôle agréés devraient disposer du matériel de pointe nécessaire. Malgré l'augmentation des contrôles sanguins, seuls les contrôles d'urine ont, en effet, force probante. De plus, les laboratoires de contrôle sont investis d'une mission importante : constater les tendances et pouvoir s'y adapter. Il faudrait accroître les échanges de savoir-faire entre les laboratoires qui effectuent des contrôles antidopage et ceux qui recherchent la présence d'hormones dans l'élevage.

16. La cellule multidisciplinaire Hormones devrait rédiger un rapport annuel d'activités qui sera mis à la disposition du Parlement. Il faudrait aussi concevoir un système de préalerte.

17. Le ministre de l'Intérieur devrait charger les services de police de se consacrer davantage à la lutte contre le dopage. Pour ce faire, les policiers devraient recevoir la formation nécessaire. Cette formation devrait être assurée par la cellule Hormones pour l'aspect répressif et par les communautés en ce qui concerne la prévention.

18. L'on devrait désigner dans chaque ressort judiciaire un fonctionnaire de la police fédérale ou de la police locale, spécialisé dans le domaine des produits dopants. Depuis son poste, ce fonctionnaire de police fournirait un appui pour les dossiers judiciaires locaux pendants. La cellule multidisciplinaire Hormones serait chargée de coordonner cet appui.

19. Le ministre de la Santé publique devrait doter la direction générale Médicaments de moyens humains et financiers supplémentaires, afin de permettre d'effectuer des contrôles plus efficaces, notamment sur la fourniture de médicaments par des vétérinaires. La direction Médicaments devrait aussi utiliser davantage les techniques d'analyse des risques.

20. Il serait opportun que le ministre de la Santé publique puisse conclure avec les communautés un protocole de coopération relatif à la saisine de la direction Médicaments lorsque les organes de contrôle des communautés constatent un cas d'usage de produits dopants.

21. Le ministre de la Santé publique devrait dégager des fonds pour la recherche scientifique sur le dopage et ses effets sur la santé.

— Sanctions

22. La loi sur les médicaments et la loi sur les substances stupéfiantes doivent être appliquées pleinement par des enquêtes plus actives et une effectivité des poursuites.

23. La Justice ne peut pas faire de distinction entre celui qui utilise des produits interdits dans le cadre de ses activités sportives pour des raisons autres que médicales et celui qui en utilise pour d'autres raisons non médicales. Il faut que la Justice concentre ses efforts en priorité sur les fournisseurs et les producteurs de produits dopants. Le juge doit pouvoir utiliser tout l'arsenal des sanctions : emprisonnement, amende ou renvoi auprès d'un service d'aide spécialisé.

24. Les parquets devront faire preuve d'une plus grande ouverture afin que tous les services concernés soient réunis autour de la table lorsqu'une information ou une instruction judiciaire est ouverte dans des dossiers importants et ce, en tenant compte des restrictions liées à la procédure pénale.

25. Le fait d'avoir encouru une sanction disciplinaire pour fait de dopage ne peut pas entraîner systématiquement l'absence de poursuites pénales sous quelque forme que ce soit.

Il serait opportun que le ministre de la Justice, en concertation avec le collège des procureurs généraux, élargisse à tout le pays le champ d'application de la circulaire du 4 octobre 2004 des procureurs généraux d'Anvers, de Bruxelles et de Gand.

26. Il est vital d'identifier les producteurs et les fournisseurs de produits dopants. Les sportifs qui sont convaincus de dopage et qui, par là même, sont passibles de sanctions, devraient se voir offrir la possibilité d'obtenir une réduction ou une remise de peine s'ils collaborent à l'instruction, par analogie au préscrit de l'article 6 de la loi du 24 février 1921. De même, les communautés devraient envisager cette même mesure dans le droit disciplinaire.

27. Les médecins qui prescrivent des médicaments à des doses qui ne correspondent pas à un besoin thérapeutique et qui sont utilisés pour améliorer les prestations sportives d'un patient, doivent s'exposer à des poursuites en vertu de la loi du 24 février 1921 et de la loi du 25 mars 1964 sur les médicaments.

V. VOTES

Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des membres présents.

Les rapporteurs, La présidente,
Jacques GERMEAUX.
Marc WILMOTS.
Annemie VAN de CASTEELE.

ANNEXE

Cette annexe, pages 157 à 198, est disponible en version pdf et sur support papier.