3-515/3

3-515/3

Sénat de Belgique

SESSION DE 2004-2005

18 JANVIER 2005


Projet de loi modifiant les lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973, et la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE L'INTERIEUR ET DES AFFAIRES ADMINISTRATIVES PAR M. NOREILDE


I. INTRODUCTION

Le présent projet de loi, qui relève de la procédure bicamérale obligatoire, est basé sur une proposition de loi qui a été déposée à la Chambre des représentants par M. Eerdekens et Mme Gerkens le 24 septembre 2003 (doc. Chambre 51-217/1).

La Chambre a adopté cette proposition le 12 février 2004 et l'a transmise au Sénat comme projet de loi le 13 février 2004.

La commission a examiné le projet de loi lors de sa réunion du 11 janvier 2005, en présence du vice-premier ministre et ministre de l'Intérieur, M. Dewael.

II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DU VICE-PREMIER MINISTRE ET MINISTRE DE L'INTÉRIEUR

Depuis 1989, il existe une procédure qui règle légalement le financement des partis politiques. Ainsi, chaque parti politique représenté dans les deux Chambres par au moins un parlementaire élu directement peut-il prétendre à une dotation annuelle (article 15 de la loi sur le financement des partis).

Depuis 1995, les partis politiques qui souhaitent recevoir une telle dotation sont tenus d'insérer dans leurs statuts une disposition aux termes de laquelle ils s'engagent à respecter la Convention européenne des droits de l'homme (article 15bis de la loi sur le financement des partis). Si cette obligation n'est pas respectée, le parti politique concerné perd son droit à la dotation.

En 1999, le législateur a complété cette obligation purement formelle en insérant un article 15ter nouveau dans la loi sur le financement des partis. Cet article dispose que le parti politique perd son droit au financement public lorsque « par son propre fait ou par celui de ses composantes, de ses listes, de ses candidats, ou de ses mandataires élus, il montre de manière manifeste et à travers plusieurs indices concordants, son hostilité envers les droits et libertés garantis par la Convention européenne des droits de l'homme et par les protocoles additionnels à cette Convention ». Il appartient à cet égard à cinq membres au moins de la Commission de contrôle, d'introduire une plainte auprès du Conseil d'État. Une chambre bilingue de celui-ci statue sur cette plainte.

L'article 15ter, § 3, de la même loi, dispose que la procédure ainsi que les modalités d'audition des intéressés sont fixées par arrêté royal délibéré en Conseil des ministres.

Mon prédécesseur avait à cette fin établi le projet d'arrêté royal d'exécution nécessaire. Ce projet d'arrêté a toutefois fait l'objet d'un avis négatif de la section de législation du Conseil d'État, au motif qu'un certain nombre de règles de procédure qu'il prévoyait étaient dépourvues de fondement légal.

Le présent projet, qui répond donc à cette objection du Conseil d'État, repose sur les lignes de forces suivantes :

— la demande doit être adressée directement au Conseil d'État par au moins un tiers des membres de la commission de contrôle;

— le Conseil d'État, en assemblée générale de la section d'administration, prononce, dans les six mois de sa saisine, un arrêt dûment motivé.

Tant selon le projet que sous le régime actuel, c'est au Conseil d'État qu'il appartient de supprimer la dotation, soit à concurrence du double du montant des dépenses financées ou réalisées pour l'accomplissement de l'acte répréhensible, soit pendant une période qui ne peut être inférieure à trois mois ni supérieure à un an;

— le Roi peut fixer des modalités complémentaires concernant le contenu de la demande. Il appartient au Roi de fixer la date d'entrée en vigueur de la loi en projet.

L'article 30 des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973, est complété par un § 4 habilitant le Roi non seulement à fixer par arrêté délibéré en Conseil des ministres les règles particulières de délai et de procédure pour le traitement des demandes introduites en application de l'article 15ter de la loi du 4 juillet 1989, mais aussi à fixer les modalités selon lesquelles l'arrêt est susceptible d'opposition, de tierce opposition et de révision.

III. DISCUSSION GÉNÉRALE

1. Exposés des différents membres

M. Moureaux rappelle que le projet de loi à l'examen a connu un parcours législatif particulièrement tourmenté bien qu'il ne s'agisse que d'un simple texte de mise en oeuvre.

En effet, il importe de rappeler que ce projet de loi n'est qu'une loi de procédure qui permet l'application d'une loi adoptée voilà plusieurs années.

Afin de comprendre ce parcours législatif, il convient de revenir quelque peu sur l'historique de la loi du 4 juillet 1989 qui règle le contrôle des dépenses électorales et le financement des partis politiques.

Cette législation a déjà été adaptée à plusieurs reprises :

Tout d'abord en 1995, par l'insertion d'un article 15bis prévoyant que chaque parti politique doit s'engager dans ses statuts à respecter les droits et libertés fondamentaux consacrés par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales afin de pouvoir bénéficier de la dotation publique.

Puis, en 1999, par l'insertion de l'article 15ter qui va plus loin que cette simple obligation formelle statutaire puisqu'une juridiction, la section administration du Conseil d'État, est désormais compétente pour examiner dans les faits si un parti politique, ses composantes, candidats et élus, respectent bien les valeurs fondamentales de la démocratie et le priver, le cas échéant, de sa dotation publique.

La mise en oeuvre des dispositions contenues dans cet article a toutefois soulevé certains problèmes de procédure. Comme l'avait souligné la section législation du Conseil d'État, l'article 15ter actuel se contente de confier au Roi le pouvoir d'organiser la procédure de privation de dotation devant le Conseil d'État, alors que l'article 160 de la Constitution exige que les grands principes de toute procédure devant le Conseil d'État soient fixés par une loi.

Aujourd'hui, il faut donc simplement fournir une base légale suffisante au déroulement de la procédure devant le Conseil d'État, conformément à l'article 160 de la Constitution. C'est l'objet du projet à l'examen qui vise à faire en sorte que de telles procédures de privation de financement de partis politiques puissent désormais être engagées devant le Conseil d'État.

On mettra ainsi un terme à l'impossibilité actuelle d'appliquer la loi existante tout en faisant enfin la clarté sur la volonté d'appliquer cette loi.

L'intervenant formule quelques considérations essentielles au nom du groupe socialiste.

Tout d'abord, le problème de la rétroactivité ne se pose pas. Le texte soumis au vote ne peut avoir un effet d'amnistie pour la simple raison que le principe de la suppression du financement des partis non démocratiques est inscrit depuis presque 6 ans dans l'article 15ter. Le changement de nom d'un parti qui s'inscrit dans une logique de filiation directe ne peut avoir d'incidence sur la mise en oeuvre de cette loi.

Le présent texte constituera un progrès très précieux pour la sauvegarde de notre démocratie car il est inacceptable que de l'argent public soit octroyé à des partis politiques voulant restreindre la liberté des citoyens.

Il est important de rappeler qu'une véritable démocratie ne peut se construire que sur la base de la garantie du respect de tous et de la reconnaissance du statut égal de chacun, quelles que soient nos origines, notre culture, notre religion, notre sexe ou encore notre âge ...

En outre, les solutions retenues aujourd'hui dans ce texte offrent toutes les garanties suffisantes pour engranger cette procédure de suppression de financement des partis anti-démocratiques dans le respect des droits de la défense. Elles ont été formulées avec prudence et sans précipitation et ont été adaptées en tenant compte des critiques et des éclaircissements apportés par le Conseil d'État dans l'avis qu'il a exprimé voici un an.

Son groupe attache une importance fondamentale à l'adoption du projet de loi puisqu'il offre les moyens de refuser le recours à des propos racistes et xénophobes méprisant les droits et libertés des citoyens.

L'intervenant termine en insistant à nouveau sur le fait qu'il s'agit uniquement de rendre applicables des principes fondamentaux de sauvegarde de notre démocratie en faveur desquels les partis démocratiques avaient presque tous voté en 1999, y compris le CD&V. L'article 15ter de la loi sur le financement des partis politiques représentait d'ailleurs, lors de son vote en 1999, une solution de compromis. Dès lors, il est plus que temps que ses termes soient enfin respectés.

Mme Defraigne rappelle également que la loi fondatrice a été votée en 1999. Cette loi dit qu'il n'y a pas de libertés pour les ennemis de la liberté. Le contribuable ne peut en effet financer des partis prônant une doctrine qui vise à supprimer leurs libertés et droits fondamentaux.

Le projet de loi en discussion aujourd'hui est une simple loi de procédure puisqu'un arrêté royal ne peut fixer une procédure devant le Conseil d'État. Il faut, conformément à la Constitution, qu'une loi détermine les caractères et critères que la procédure doit respecter.

Il a été beaucoup glosé sur le problème de la rétroactivité. Il s'agit pourtant d'un faux problème. La loi de 1999 n'est pas une loi pénale mais une loi qui prévoit des sanctions. Dans cette mesure, elle peut s'apparenter à une loi pénale si bien qu'elle ne peut disposer que pour l'avenir et qu'elle doit avoir une minimum de prévisibilité et de certitudes. Il ne peut donc être question de rétroactivité.

Il n'en demeure pas moins que les faits commis à partir de l'entrée en vigueur de la loi 28 mars 1999 doivent être pris en considération. Il n'est certainement pas question d'amnistie et les changements de nom de certains partis ne pourront en aucun cas annihiler l'application de la loi dans le temps.

Une loi de procédure est d'office d'application immédiate. Il ne s'agit toutefois ni plus ni moins que de l'application des principes généraux du droit.

L'intervenante considère le texte de loi comme équilibré et respectueux du consensus pris au sein de la majorité. Il est, selon elle, consternant de constater que notre assemblée ait mis plus d'un an avant de procéder au vote de ce texte.

M. Van Peel estime que le projet de loi à l'examen est contraire au bon sens. L'acharnement que manifestent les partis francophones dans leur prise en chasse de l'extrême droite ne résulte pas seulement de l'horreur que leur inspire l'idéologie de celle-ci et qu'il partage d'ailleurs. Il est clair que les grands idéaux que proclament les partis francophones cachent une stratégie cohérente qui consiste à affaiblir les autres partis politiques flamands.

En diabolisant suffisamment le Vlaams Belang et en le cantonnant ainsi dans un rôle de victime, qu'il affectionne spécialement, ils remportent des victoires électorales successives et réduisent constamment le champ d'action des autres partis flamands. Cette stratégie des francophones a de graves conséquences pour les partis politiques flamands.

On prend des mesures dont on sait très bien qu'elles vont nourrir l'extrême droite : adoption de la loi accordant le droit de vote aux étrangers, adoption de la loi d'acquisition accélérée de la nationalité et instauration du droit sanctionnel pour les jeunes. On prive de la sorte les autres forces politiques flamandes des arguments qui leur permettraient de combattre efficacement le Vlaams Belang.

Le monde politique francophone fait tout, par ailleurs, pour que les médias accordent une attention maximale au Vlaams Belang.

Cette analyse de la stratégie politique francophone est partagée par 80 % du monde politique flamand, mais la faiblesse de celui-ci est déjà telle qu'il n'est plus en mesure de se défendre.

En raison des opérations de freinage des partis flamands, il a fallu attendre onze mois pour que le projet de loi puisse être examiné au Sénat. Ces partis comprennent très bien que la loi qui en résultera ne fera que renforcer l'extrême droite. C'est justement pour cette raison, qu'ils connaissent très bien, que les francophones ont mis l'examen du projet de loi à l'ordre du jour des travaux du Sénat.

Le règlement du Parlement flamand permet à celui-ci de priver le Vlaams Belang de ses dotations sur la base de la condamnation prononcée par la Cour d'appel de Gand. Le Parlement flamand a toutefois décidé, dans sa grande sagesse, de ne pas user de cette possibilité.

La différence entre cette attitude et l'attitude que l'on adopte au niveau fédéral vient du fait qu'au niveau fédéral les francophones définissent les règles du jeu et qu'ils viennent mener la lutte contre l'extrême droite et le Vlaams Belang sur le sol flamand, au détriment des autres partis flamands et sans éprouver eux-mêmes le moindre désavantage.

M. Joris Van Hauthem souligne que les partis dits démocratiques n'ont pas adopté la loi du 12 février 1999 à l'unanimité. Le VLD était en tout cas hostile à l'insertion de l'article 15ter.

Les médias ont annoncé ce matin que la majorité était parvenue à un compromis au sujet de la rétroactivité. En quoi consiste au juste ce compromis ? Qu'en pense le gouvernement et le ministre concerné ? Se trouve-t-on en présence d'une stratégie devant permettre de convaincre le VLD de voter quand même en faveur du projet de loi ?

Si les partis flamands de la majorité sont fermement décidés à empêcher que la loi en projet ne puisse être appliquée rétroactivement, ils ne peuvent y arriver qu'en déposant un amendement. Le Vlaams Belang n'est pas disposé à se satisfaire d'une déclaration radiodiffusée comme celle qu'a faite Mme Vanlerberghe, ni même d'une déclaration du ministre.

Les partis francophones ont toutefois indiqué clairement, au cours de leurs interventions, qu'ils ont bel et bien l'intention de faire en sorte que la loi puisse être appliquée rétroactivement.

L'intervenant estime que le projet de loi est tout à fait antidémocratique. Le Vlaams Belang est mis pour la énième fois au banc des accusés. Le Vlaams Belang ne « joue » absolument pas un rôle de victime, puisqu'il est en proie depuis déjà quinze ans au harcèlement des partis qui s'autoproclament démocratiques.

Lorsque l'on écrira l'histoire politique de l'après-guerre, on ne pourra pas nier le rôle que le Vlaams Belang aura joué dans l'établissement de l'ordre du jour politique, mais on ne pourra pas non plus manquer de noter qu'aucune formation politique n'aura jamais été harcelée et attaquée aussi longtemps de manière comparable.

Les partis francophones parlent constamment de « parti liberticide ». Or, il n'y a jamais eu autant de lois « liberticides » qu'au cours des quinze dernières années. L'attitude qui consiste à harceler constamment un parti déterminé est antidémocratique et ce à quoi nous avons assisté aujourd'hui constituera une nouvelle page noire de l'histoire politique belge de l'après-guerre.

Dans le passé, l'on a eu recours à l'intervention de juges pour lutter contre des opposants. Aujourd'hui, on va même jusqu'à faire de la loi sur le financement des partis politiques un instrument politique permettant de frapper le Vlaams Belang. Dans le cadre de cette « inquisition », c'est le PS qui joue le rôle principal et il est suivi en cela, et par les autres partis francophones et par les partis flamands de la majorité qui font vraiment preuve de servilité en la matière.

Après l'arrêt de la Cour de cassation du 9 novembre 2004, le président de la présente commission a encore déclaré qu'il serait stratégiquement maladroit de rendre cette loi « d'assèchement financier » opérationnelle, avis également partagé par le président du Parlement flamand, M. Debatselier.

Mais, lorsqu'une pétition a circulé, les points de vue ont brusquement changé. Le VLD, lui aussi, a opéré un virage à 180 degrés : au parlement flamand, il a déclaré ne pas vouloir supprimer la dotation du Vlaams Belang. Quant au SP.A, il n'a même pas osé aller jusqu'au vote. Au niveau fédéral, en revanche, ils voteront quand même le projet de loi.

Pour quelle raison alors le VLD a-t-il voté à l'époque contre l'article 15ter ? Pour illustrer le changement dans la position du VLD, M. Van Hauthem fait abondamment référence à des articles de presse dans lesquels les ténors du parti exposaient leurs objections d'alors. Le ministre de l'Intérieur est-il toujours d'avis que la réglementation, telle qu'elle est proposée aujourd'hui, est inconstitutionnelle ?

Le SP.A s'abrite systématiquement derrière le PS.

Le CD&V a dû faire de même par le passé et a permis, avec le concours des partis francophones, que le Vlaams Blok soit cité devant les tribunaux.

Dans les journaux, les partis francophones ne cessent d'invoquer les principes démocratiques et les droits de l'homme. Si la question est de savoir si ce projet permettra de sauvegarder la démocratie, de renforcer le respect de la CEDH et de promouvoir la lutte contre le racisme, alors la réponse est non.

Ce n'est que la énième tentative pour mettre sur la touche un adversaire politique au motif que celui-ci représente une menace pour les forces politiques en place. Le Vlaams Belang a eu le tort de préciser dans son programme que la Belgique n'est désormais plus nécessaire.

Le projet de loi n'est donc ni plus ni moins qu'une tentative de mise à mort politique.

L'intervenant pensait avoir tout vu lors du procès intenté contre le Vlaams Blok d'alors. Il s'était trompé : la loi sur le financement des partis est utilisée aujourd'hui afin d'empêcher son parti de fonctionner convenablement. Ces méthodes sont dignes d'une dictature et d'un régime totalitaire : on élimine les concurrents politiques indésirables. Une nouvelle fois, on demande à des juges, en l'occurrence le Conseil d'État, de se prononcer sur un programme politique. Pire encore, une minorité de la commission de contrôle joue le rôle de procureur et engage la procédure devant le Conseil d'État.

C'est à nouveau une minorité de francophones qui décide de quelle manière on doit combattre un parti politique en Flandre. Pourtant, la classe politique flamande s'est clairement prononcée au Parlement flamand contre l'imposition d'une sanction financière au Vlaams Belang.

Dans la première version de l'article 15ter en projet, il existait encore une possibilité de recours, mais elle est à présent supprimée. Combien de fois l'État belge a-t-il déjà été condamné devant la Cour européenne des droits de l'homme à Strasbourg parce qu'il ne prévoit pas de recours dans les procédures ? On met en place une procédure d'exception et on confère au Conseil d'État des compétences qui ne sont pas prévues par la Constitution.

Mme Durant fait remarquer que les discussions se situent dans la poursuite d'un débat initié à la Chambre en 1989 par le CVP en la personne de M. D'hoore. Le présent projet parlementaire est une initiative parlementaire.

Concernant la rétroactivité, l'intervenante estime qu'un changement de nom ne peut en aucun cas effacer les faits commis précédemment. Il ne peut y avoir ni amnistie ni amnésie. L'ensemble des faits doit pouvoir être traité. Son groupe soutiendra pleinement le projet de loi.

L'intervenante ne comprend d'ailleurs pas pourquoi seul le groupe Groen ! a voulu appliquer le règlement du Parlement flamand qui prévoit un retrait de dotations aux partis extrémistes et a ainsi été totalement isolé. Il y avait là un outil précieux qui pouvait être activé mais que les autres formations flamandes ont refusé d'utiliser.

Le texte soumis n'est qu'une étape dans la lutte contre l'extrême droite et non un point final. Il permettra de saisir le Conseil d'État pour priver des partis liberticides ou fascistes de leur financement. Il faudra également modifier les règlements des autres assemblées, qu'il s'agisse de la Communauté française, de la Région wallonne ou encore de la Région bruxelloise. Des propositions ont d'ailleurs été déposées en ce sens.

Il faut maintenant travailler vite et sereinement et manifester la volonté politique d'utiliser les possibilités qu'offre ce texte de loi.

M. Delpérée entend formuler trois remarques générales et trois remarques particulières.

La loi sur le financement des partis politiques date de 1989 : elle a donc plus de 15 ans. Elle a été appliquée entièrement dans un de ses volets, à savoir le contrôle des dépenses électorales. Par contre, elle n'a été, jusqu'à présent, appliquée que partiellement pour ce qui concerne le financement des partis politiques. Ainsi, l'on a appliqué la règle de l'octroi de dotations aux partis représentés dans une assemblée fédérale mais le mécanisme de suppression de ces dotations pour les partis non respectueux de la démocratie et des droits fondamentaux ne fonctionne pas. Il est dés lors urgent de compléter le dispositif légal à ce sujet.

Le CDH votera donc le projet de loi afin de ne pas retarder davantage l'applicabilité de la loi.

En second lieu, il faut remarquer que le retrait de la dotation n'est pas le seul moyen de lutter contre les partis extrémistes. Il existe d'autres mesures à prendre, Mme Durant vient d'y faire allusion. On pourrait aussi envisager la possibilité de priver d'éligibilité toute personne condamnée sur la base de la loi Moureaux. Le CDH prendra des initiatives législatives à cet égard.

En troisième lieu, il s'agit en l'espèce d'une loi de procédure relative à un contentieux particulier. Étrangement, personne ne s'est demandé de quel contentieux il s'agissait. Ceci pose pourtant le problème de constitutionnalité déjà évoqué. Le Conseil d'État, dans sa section administration, a deux compétences : d'une part, l'article 14 des lois coordonnées lui confère une compétence d'annulation d'actes administratifs. D'autre part, le Conseil d'État a une compétence au contentieux des droits politiques en vertu de l'article 145 de la Constitution et de l'article 16 des lois coordonnées sur le Conseil d'État.

L'intervenant fait remarquer plus particulièrement que nous sommes en l'espèce confrontés à une loi de procédure : il ne sert à rien de revenir sur les principes et les conséquences de la loi de financement des partis politiques de 1989 et de 1999. Le législateur a déjà pris position.

Sur le terrain de la procédure, la compétence de l'assemblée générale du Conseil d'État peut difficilement être contestée. La Cour d'Arbitrage a clairement stipulé que le législateur doit rechercher le maximum de garanties possibles lorsqu'il s'agit de supprimer la dotation politique. Le législateur doit rechercher l'interprétation générale et uniforme de la loi et c'est précisément le rôle de l'assemblée générale au Conseil d'État.

Une seconde remarque particulière concerne l'article 160 de la Constitution : cet article précise que les principes de procédure relatifs au Conseil d'État sont inscrits dans une loi. La Constitution prévoit toutefois que la loi peut confier au Roi le soin de régler un certain nombre de règles de procédure, conformément aux principes fixés.

Le projet dont discussion ne prête en l'espèce nullement à critiques. Il établit des délégations au Roi, comme le législateur l'avait fait dans ses lois du 4 août 1996 et du 18 avril 2000. Le Conseil d'État, dans ses avis, n'a formulé aucune objection à cet égard.

Enfin, il ne faut pas exagérer la portée des arguments avancés. Deux exemples peuvent être cités. Le double degré de juridiction, par exemple, n'est inscrit dans aucun des instruments juridiques qui lient la Belgique dans son ordre interne. Ainsi, les arrêts de la Cour d'Arbitrage, de la Cour d'Assises et du Conseil d'État ne sont pas susceptibles d'appel.

Un autre exemple concerne les travaux parlementaires faits à la Chambre sur la présente proposition de loi. On y fait en effet constamment référence à une étude de Dirk Herbauts « Het beroep in burgerlijke zaken : zin of onzin ? » (TPR 1994). Ces considérations sont pourtant sans aucune pertinence puisque l'étude de M. Herbauts concerne le contentieux civil et non le contentieux politique.

En conclusion, il est urgent de légiférer pour mettre un terme à la saga parlementaire actuelle.

Pour M. Wille, il va de soi qu'il faut intervenir à l'encontre d'un parti politique hostile aux droits et libertés prévus par la CEDH. Comme il faudra, à l'avenir, un instrument pour concrétiser cette intervention, le VLD est partisan du projet de loi.

L'intervenant désire formuler deux remarques concernant le discours tenu par le Vlaams Belang.

Premièrement, il n'est pas sérieux de parler d'une « loi d'assèchement financier ». Il ne s'agit pas d'une loi qui aboutit à l'abrogation du droit à l'existence d'un parti politique. La sanction prévue est limitée et ne concernera jamais plus du double du montant de l'acte ou de la dépense incriminés.

Deuxièmement, la sanction n'est pas perpétuelle, elle est limitée dans le temps, de 3 mois au minimum à un an au maximum.

L'expression « loi d'assèchement » est donc trompeuse et inopportune.

L'intervenant s'étonne en outre de l'acharnement avec lequel un parti s'affirme dès maintenant visé par le projet. Le Vlaams Belang part apparemment de l'hypothèse que les valeurs qu'il défend et les actes qu'il accomplira tomberont sous le coup de la loi.

Par ailleurs, pourquoi le Vlaams Belang craint-il l'assemblée générale du Conseil d'État, qui est tenue de rendre un arrêt convenable et motivé ?

Mme Van Lerberghe déclare que cette loi sera votée, tout comme elle l'a été à la Chambre. Quiconque incite au racisme doit en effet pouvoir être puni pour ce motif. L'intervenante déplore que le CD&V se prononce contre un projet qui ne fait pourtant qu'appliquer les principes de l'État de droit. Le Vlaams Belang n'a rien à craindre de cette loi, dès lors que ce parti a renié son caractère raciste.

M. Beke évoque d'abord l'intervention de Mme Vanlerberghe. L'argumentation qu'elle développe est une illustration du proverbe : « On ne mord pas la main de celui qui vous nourrit ». Avec un tel raisonnement, jamais un mouvement ouvrier n'aurait vu le jour il y a cent ans et jamais les socialistes ne seraient entrés au Parlement.

Cette discussion est, une fois de plus, un combat contre les moulins à vent. Les partisans du projet font comme s'il n'y avait aucun problème pour les partis politiques existants. Pourquoi alors faut-il placer aussi rapidement ce projet à l'ordre du jour ?

Le groupe de l'intervenant émet également quelques objections à l'encontre du contenu du projet.

En créant une sorte de droit d'exception, celui-ci conforte ceux qui soupçonnent les partis politiques de vouloir combattre leurs adversaires par des moyens non politiques.

Un des principes fondamentaux de l'État de droit est que l'on ne peut pas être à la fois juge et partie. En l'étant malgré tout, on s'aventure sur une pente glissante.

Le Conseil d'État a souligné expressément dans ses avis qu'il fallait prévoir une procédure de recours. Le projet en discussion confie la mise en oeuvre de cette procédure au Roi, qui réglera la question par arrêté délibéré en Conseil des ministres. Reste à savoir si ladite procédure passera le cap du contrôle judiciaire.

On peut également s'étonner de voir une minorité de parlementaires d'un organe politique faire office de procureur à l'encontre d'autres élus. En Allemagne, une telle compétence n'échoit qu'à la Cour constitutionnelle fédérale.

Tout aussi étonnante est la constatation qu'une minorité pourra imposer une décision à la majorité des élus qui siègent dans un organe politique et qu'elle pourra décider qui devra être poursuivi. C'est un cas absolument unique.

En outre, le fait que la composition de cette minorité ne doive pas être paritaire compromet toute discussion communautaire future.

En vertu de la loi actuelle, la chambre bilingue du Conseil d'État, composée de trois juges, est habilitée à connaître des plaintes des membres de la Commission de contrôle. Le projet à l'examen confie cette compétence à l'assemblée générale de la section d'administration du Conseil d'État, dont la composition est paritaire, et permet donc à des juges francophones d'intervenir dans une décision relative à des partis flamands. Or, il existe une grande différence de perception entre le monde politique flamand et le monde politique francophone. À titre d'exemple, l'intervenant cite la décision du Parlement flamand de ne pas priver le Vlaams Belang de sa dotation. Sous la pression des partis francophones, cela se fait toutefois au niveau fédéral.

La loi sur le financement des partis politiques a fait du financement par les pouvoirs publics un élément déterminant pour la survie financière des partis politiques. Vu l'importance de ce financement public pour les partis, le retrait de celui-ci doit appartenir à une Cour constitutionnelle. Dans d'autres pays aussi, seule une Cour constitutionnelle peut se prononcer sur une interdiction visant un parti politique.

Le projet de loi ne tient pas suffisamment compte de l'interprétation très restrictive de la CEDH en matière de restrictions du droit à la liberté d'expression. Selon la jurisprudence de l'article 10 de la CEDH, une restriction n'est possible que pour autant qu'elle répond à une véritable nécessité sociale impérieuse et à condition que soit garantie la proportionnalité du moyen utilisé à l'objectif poursuivi. Par l'entremise de M. Antheunis, le VLD a déclaré à la Chambre que le projet à l'examen n'était pas une priorité et que d'autres problèmes tels que la lutte contre la criminalité et la politique d'asile étaient des thèmes qui préoccupaient bien davantage la population. Le VLD déclare donc qu'il n'y a pas de nécessité sociale impérieuse justifiant de prendre les mesures proposées.

Priver un parti politique d'une dotation revient à signer l'arrêt de mort politique de ce parti. Conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, on ne peut pas priver un parti de la totalité de sa dotation tant que celui-ci a au moins une opinion ou un point de programme qui n'est pas contraire à la CEDH. Sur ce point, le projet manie donc le coûteau de boucher là où il faudrait un scalpel.

Le Conseil a également fait remarquer qu'il fallait indiquer clairement qui est la partie défenderesse, quelle est la nature de l'action et de quelle procédure il s'agit. On ne voit en tout cas pas bien qui est la partie défenderesse. L'article 9 du projet mentionne aussi bien « l'institution visée à l'article 22 » (le parti) que les personnes physiques et morales impliquées dans les faits. Sont-ce autant de parties défenderesses ? Peuvent-elles déposer des mémoires distincts ? Comment se fait-il que, contrairement à la loi antidiscrimination et à la loi antiracisme, une association sans personnalité juridique puisse subitement être traduite devant un juge ?

On ne voit pas bien non plus si le Conseil doit se borner à examiner la demande ou s'il peut lui-même ajouter des éléments ou effectuer des compléments d'enquête.

Pour répondre à la critique du Conseil d'État, on a désormais permis l'opposition, la tierce opposition et la révision. Toutefois, le constituant n'a jamais eu l'intention de laisser au Roi le soin de régler aussi les conditions de l'opposition, de la tierce opposition et de la révision. Or, selon la formulation actuelle du texte, le Roi et le gouvernement déterminent ensemble qui dispose d'un droit d'opposition, de tierce opposition et de révision, quand et sous quelles conditions. Un tel octroi de droits de procédure fondamentaux relève de la compétence exclusive du législateur (voir avis 50-1908/2).

Mme Crombé-Berton revient sur la génèse de la loi du 4 juillet 1989, lorsque les partis politiques ont décidé que le débat démocratique était indispensable et qu'il fallait dès lors lui donner des moyens publics pour en garantir l'indépendance. Cette initiative parlementaire était courageuse. En contrepartie de la dotation des partis politiques, les dons d'entreprises ont été supprimés et le législateur a exigé la transparence de la comptabilité des partis.

Compte tenu de la ratio legis de la loi du 4 juillet 1989, il est consternant de constater que des partis qui nient le débat démocratique continuent à bénéficier de dotations publiques. Le Parlement a hélas plus de dix ans de retard. Il est donc urgent de remédier à la situation.

M. Verreycken a entendu les déclarations les plus aberrantes. Le VLD parle par exemple de « rétroactivité axée sur l'avenir ». Le SP.A et Écolo, eux aussi, se contredisent entièrement, l'un renvoyant à la non-rétroactivité de la loi, l'autre au principe « pas d'amnistie, pas d'amnésie ».

La majorité se doit d'adopter un point de vue clair quant à l'application de la rétroactivité. S'il y a doute en la matière, il faut soumettre le projet à l'avis de la commission de la Justice.

L'intervenant fait ensuite remarquer que le projet de loi a apparemment été inscrit à l'ordre du jour à la suite d'une pétition, que les commissaires n'ont toutefois pas reçue. Cette pétition, qui est disponible sur l'internet, est très vague et ne peut être prise au sérieux. Elle contient par exemple des pseudonymes hilarants. Ce qui est frappant, c'est que, par le passé, des pétitions nettement plus sérieuses qui ont été déposées au Sénat n'ont jamais abouti. Il renvoie à cet égard à la pétition contre l'octroi du droit de vote aux étrangers, signée par 200 000 personnes, qui n'a suscité aucune réaction de la part du Sénat.

M. Verreycken déclare ensuite ne pas croire aux engouements éthiques ni aux grands idéaux. Le cynisme de la classe politique, dont il a pu faire l'expérience depuis 1989, ne va pas de pair avec les actes désintéressés. À chaque proposition, à chaque intervention, il faut lire entre les lignes, chercher les arrière-pensées.

Il en va de même aujourd'hui. Les partis wallons ne se sentent pas subitement appelés à protéger le peuple flamand contre le grand méchant loup qu'est le Vlaams Belang. La mise hors jeu du Vlaams Belang ne sert pas une aspiration éthique wallonne, mais procède uniquement de la volonté d'éliminer un adversaire politique. Un adversaire qui ne peut influencer l'électorat wallon ni, dès lors, voler des voix au PS et à ses acolytes wallons, mais un adversaire qui a inscrit l'indépendance de la Flandre au premier rang de l'ordre du jour politique.

On pourrait parler d'un véritable engouement éthique si les partis wallons revendiquaient le droit de gouverner la Wallonie avec des moyens wallons, de doter la Wallonie de l'autonomie à la lumière de l'article 1er de la Charte des Nations unies qui garantit le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Or, la raison sous-jacente du projet qui nous est soumis aujourd'hui est précisément la crainte d'une Wallonie qui devrait se gouverner elle-même, la crainte des partis wallons d'être placés devant leurs propres responsabilités, y compris leur responsabilité financière.

Peut-être faudrait-il envisager un de ces jours de priver la Wallonie de financement, pour cause de racisme antiflamand virulent ?

Les prises de bec ordinaires sont chose tout à fait normale sur la scène politique à l'égard des formations nouvellement venues. À l'époque, les libéraux ont vitupéré contre le Parti ouvrier belge, les Catholiques fransquillons conservateurs ont combattu le prêtre Daens et son idéal social, la Volksunie s'est vu reprocher par les partis d'être composée entièrement de »noirs ». Depuis lors, les héritiers de ces partis ont fourni nombre de ministres et de premiers ministres, y compris la Volksunie maudite et honnie.

Il est donc parfaitement logique que le Vlaams Blok ait également subi le même sort durant les premières années de son existence, avant d'être accepté ensuite.

Mais un point de son programme a fait toute la différence avec les partis auxquels il a été fait référence. Et ce point n'est pas la question des étrangers, car M. Nols a pu jadis mener ouvertement et impunément des actions contre la présence des étrangers. Et Louis Tobback n'a pas non plus été importuné lorsqu'il a comparé les demandeurs d'asile à des mouettes sur une décharge.

Seule la volonté d'indépendance du Vlaams Blok irritait les partis en place. Alors que des raisons tactiques avaient encore amené la Volksunie à opter pour un fédéralisme dans le cadre de la Belgique, le Vlaams Blok a fait le choix de l'indépendance de la Flandre. Seul le Vlaams Blok a porté à nouveau l'ancienne revendication frontiste de l'entre-deux-guerres.

Au début, le Vlaams Blok ne gênait personne; au contraire même, puisqu'il faisait concurrence à la Volksunie. En 1987, le socialiste Bob Cools déclarait encore que ce « phénomène » disparaîtrait de lui-même.

Cependant le Vlaams Blok n'a pas disparu et l'idée de l'indépendance s'est acquis une notoriété jusqu'alors inégalée. Mais, comme cette idée mettait en péril le financement de la Wallonie, les partis wallons ont décidé d'agir.

Ils ont mis le gouvernement sous pression, parce qu'ils n'osaient pas engager le combat ouvertement. Le frein de secours fut trouvé chez Paula D'Hondt, à laquelle succéda Johan Leman. Comme le Centre au nom qui n'en finit pas était financé sur la dotation du premier ministre, il faisait donc les quatre volontés de ce dernier : on ne mord pas la main qui vous nourrit.

Après quelques tentatives de procès qui échouèrent, on finit par trouver des juges disposés à condamner le Vlaams Blok, comme l'avait prédit Leman (« Je vais chercher les bons juges »).

Ceux qui avaient cru que cela sauverait la Belgique, ou plutôt la Wallonie, les francophones de Bruxelles et la Cour, ont bien dû se détromper.

Car l'électeur, qui a toujours raison, nous a acquitté en offrant au Vlaams Blok sa plus grande victoire électorale depuis sa création. Le gain de voix fut même supérieur à celui du fameux 24 novembre 1991. Et aujourd'hui il existe un Vlaams Belang, auquel on veut retirer la dotation parce qu'il a succédé au Vlaams Blok dans ses droits et obligations et qu'il défend donc l'indépendance de la Flandre au nom d'un million de Flamands.

La crainte que la Wallonie ne doive un jour travailler pour alimenter elle-même son budget et qu'elle ne puisse plus végéter aux frais des Flamands a aiguillonné surtout le PS. Les socialistes wallons sont en effet l'illustration parfaite du propos d'un ancien chancelier fédéral allemand qui disait : « mieux vaut placer un berger allemand affamé à côté d'une saucisse appétissante qu'un socialiste à côté d'un argent qui n'est pas à lui ». Au vu des nombreux scandales financiers qui ont éclaboussé certains politiciens, je dois bien constater que cette déclaration vaut aussi pour les socialistes flamands.

M. Verreycken dénonce surtout le manque de courage politique de ces partis politiques qui veulent couper les vivres au Vlaams Belang. C'est la seule ratio legis du présent projet de loi. Les arguments invoqués sont aussi empruntés au passé, et même à une période antérieure à celle pour laquelle des sanctions peuvent être prises.

L'intervenant estime que la véritable raison d'être du présent projet de loi réside dans le fait que le Vlaams Belang est le seul parti politique à dénoncer et à combattre de manière conséquente les transferts financiers entre le Nord et le Sud du pays. C'est ce qui en fait, aux yeux du PS, un danger pour l'État.

Sous la pression du PS, les autres partis politiques francophones se sont ralliés à la cause, pour protéger les transferts d'argent. Il s'agit, pour l'intervenant, d'une solidarité contrainte et forcée. Une « solidarité » qui en l'occurrence signifie manifestement « donner » pour les néerlandophones et « recevoir » pour les francophones.

M. Verreycken renvoie à cet égard aux études macroéconomiques qui ont été publiées concernant les transferts financiers entre le Nord et le Sud.

Une étude du professeur bruxellois Hannes, par exemple, a montré que jusque 1830, la Flandre a été une des régions les plus riches d'Europe. Le fisc belge de l'époque a cependant fait en sorte qu'au cours du 19e siècle, la Flandre, avec 53 % de la population, paie 57 % des impôts.

Le retour de cet argent par le biais d'investissements publics est aussi éclairant : la Flandre n'a eu droit durant cette période qu'à 35 à 37 % des investissements. L'histoire d'une Wallonie industrialisée et riche soutenant une Flandre agricole et pauvre est donc un mythe.

Il a fallu attendre les années 90 du siècle passé pour que les professeurs Van Rompuy et Verheirstraeten, de l'université de Louvain, procèdent à un nouveau calcul régional des soldes budgétaires.

Ils arrivèrent à la conclusion qu'en 1974 par exemple, la Flandre avait enregistré un bénéfice de 14,8 milliards de francs belges, alors que la Wallonie accusait une perte de 74,9 milliards. C'est l'État belge qui a fait les frais de cette perte et la Flandre, et elle seule, a dû payer une fois de plus, puisque la Wallonie a continué à accumuler les pertes.

Les professeurs Van Rompuy et Bilsen se sont ensuite hasardés à évaluer les flux financiers. Ils ont calculé qu'en 1975, il y avait eu des transferts pour un montant de 28,6 milliards de FB de la Flandre vers la Wallonie et de 11,1 milliards de Bruxelles vers la Wallonie, qui a ainsi pu engranger 39,7 milliards de francs belges. Cette situation est contraire au principe du » juste retour « , qui veut que les impôts payés soient également réinvestis dans la région qui les a générés.

En 1985, la situation s'était à ce point dégradée que la Flandre injectait déjà 258,8 milliards et Bruxelles 28,3 milliards en Wallonie.

Dans les années 90 du siècle passé, des économistes de la KBC ont repris l'initiative et confirmé, dans les résultats de leurs études, la conclusion des professeurs de Louvain : » Si les contributions fournies dans le cadre de la solidarité présentent un caractère structurel et augmentent, les avantages que l'unité monétaire et économique procure aux régions contributrices seront gommés par les charges de cette contribution, ce qui mettra à mal la cohésion intercommunautaire et accroîtra le risque de conflits. »

Jusqu'à présent, ces études pourtant incontestables n'ont été suivies d'aucun effet. Au lieu de cela, on s'en prend au « messager » politique, à savoir le Vlaams Belang et l'ancien Vlaams Blok. Pour M. Verreycken, quels que soient les moyens par lesquels on combatte le Vlaams Belang, cela n'empêchera pas la volonté d'indépendance de la Flandre de continuer à grandir.

Il souligne que de nombreux indépendantistes ont été traités de terroristes dans leur pays par les régimes au pouvoir. Par la suite cependant, bon nombre d'entre eux sont même devenus président de leur propre pays. Aucun arsenal répressif n'est suffisamment fort pour contrecarrer une volonté d'autonomie. Il y aura un jour une conférence pacifique sur la séparation des biens de la Belgique.

Ceux qui s'imaginaient qu'après le pic dramatique de 1985, les transferts iraient en diminuant, se trompaient. Entre 1990 et 1995, les transferts de sécurité sociale sont passés de 88 à 105 milliards par an. Notre exigence de scinder cette sécurité sociale pour ne laisser subsister qu'une solidarité transparente et justifiable, est donc aussi quasi certainement une raison du combat livré au Vlaams Belang.

Entre 1990 et 1995, les transferts opérés par le biais des opérations budgétaires du pouvoir fédéral sont passés de 22 milliards à 30,6 milliards, pour atteindre actuellement plus de 50 milliards de FB. Les flux de capitaux observés dans le cadre du financement des communautés et des régions se sont élevés à 33,6 milliards en 1990, pour atteindre 42 milliards de francs en 1997.

Et pour couronner le tout, il y a l'étude du professeur Brauers, qui a calculé les intérêts afférents aux transferts antérieurs. Ces intérêts ont entraîné un transfert supplémentaire de 60,8 milliards de francs par an.

Tous ces flux financiers conduisent à un paradoxe des revenus. Une région ayant un revenu primaire par habitant inférieur dispose, après réception des transferts, d'un revenu disponible plus élevé que la région qui en a supporté le coût. Tous ces transferts, qui oscillent déjà aujourd'hui autour des 450 milliards de BEF par an, font que la Flandre finance 6,5 % du bien-être wallon et se voit de ce fait amputée chaque année de 3,7 % de son propre bien-être.

Ce paradoxe des revenus est confirmé par différentes sources universitaires et se retrouve également dans les documents des services d'études du Parlement flamand.

Le Vlaams Belang est le seul parti à dénoncer de manière conséquente cette situation intolérable et donc à être poursuivi pour cette raison par les partis politiques de la majorité.

Malgré tous les moyens légaux mis en oeuvre pour lutter contre le Vlaams Belang, la Belgique se dirige vers une séparation « de velours » sur le modèle tchécoslovaque. Les partis politiques francophones ne pourront se soustraire au principe selon lequel c'est le débiteur qui paie que si la Flandre venait à être paralysée par un accès collectif d'autoculpabilité, et les partis politiques francophones font tout pour qu'il en soit ainsi.

Les élections régionales du 13 juin 2004 ont toutefois montré à suffisance qu'un million de Flamands ont appuyé la revendication d'une répartition plus équitable des moyens formulée par le Vlaams Blok. Le Vlaams Belang, qui succède aux droits et devoirs du Vlaams Blok, relaie cette revendication.

Différents ténors du VLD, comme M. Guy Verhofstadt, M. Karel De Gucht et M. Patrick Dewael, ont, dans un passé récent, dénoncé formellement les transferts financiers existants entre les régions et souligné que les perspectives de développement de la Flandre ne pouvaient pas être hypothéquées plus longtemps. Si ces personnes tenaient parole, elles devraient être aux côtés du Vlaams Belang.

M. Verreycken ajoute qu'il ressort du programme électoral du PS pour les élections du 13 juin 2004 que celui-ci utilisera tous les moyens pour que le Vlaams Belang ne puisse plus diffuser son message : alors que les élections de l'an dernier étaient régionales, l'intervenant a constaté que ce programme électoral regorgeait de références à la situation en Flandre. Sous le titre « Une lutte sans merci contre les partis non démocratiques », le PS préconise la chronologie suivante pour régler leur compte à ses adversaires politiques :

1º il faut modifier les lois de telle manière que seule la vision du PS sur le racisme subsiste,

2º on présente des juges qui seront acceptés par le ministre compétent, compte tenu des équilibres politiques,

3º on assigne les adversaires politiques par le biais d'une institution inféodée à la majorité,

4º les juges nommés par celle-ci condamnent les adversaires politiques,

5º ces derniers se voient privés de leurs droits politiques.

Le PS plaide en outre en faveur d'une révision de la Constitution pour que ceux qui auront été condamnés sur la base des lois qu'il propose soient privés non seulement de leurs droits politiques et civils, mais aussi de leurs droits sociaux, économiques et culturels. En d'autres termes, le PS souhaite rétablir la mort civile pour ses adversaires politiques. La seule chose que les intéressés pourraient encore faire, c'est financer les transferts ...

Selon M. Verreycken, les partis politiques qui voteront le présent projet de loi sont donc d'accord pour que le PS décide seul en Belgique qui est dans le bon et qui ne l'est pas.

La condamnation récente du Vlaams Blok a incité le PS à faire pression sur le Sénat afin que celui-ci examine et vote ce projet de loi. M. Verreycken est étonné de ce que le PS n'ait jamais perçu combien la Flandre réagissait négativement aux condamnations du Vlaams Blok.

L'article de M. Manu Ruys, ancien directeur en chef du journal De Standaard, paru dans le « Financieel Economische Tijd » du 26 avril 2004, était pourtant très clair : « Le racisme doit être désavoué toujours et partout. Mais s'agit-il de racisme dans le dossier du Vlaams Blok ? Le Vlaams Blok n'est pas désavoué seulement pour des propos racistes. Il est redouté et combattu principalement pour son séparatisme républicain. Les cris de joie des partis et des médias francophones après l'arrêt Vlaams Blok rendent soupçonneux de plus en plus d'électeurs flamands. La loi antiracisme et l'arrêt gantois pourraient bien avoir un jour un effet boomerang ... Le Vlaams Blok a été le premier parti à mettre sur le tapis la question des étrangers. Il l'a fait dans un langage et un style choquants. Il en est toutefois résulté un succès électoral grandissant, ce qui montre que le Vlaams Blok avait mis le doigt sur des besoins et des demandes réels. D'autres partis lui ont emboîté le pas et sont aujourd'hui occupés à rattraper leur retard. Les mesures racistes que le Vlaams Blok proposait dans les années 90 et pour lesquelles il fut stigmatisé à l'époque, comme le renvoi des demandeurs d'asile déboutés et des clandestins, sont aujourd'hui appliquées par le pouvoir lui-même. Le dossier de l'immigration s'emballe et devient de plus en plus épineux. L'islamisation urbaine grandissante et l'élargissement de l'Union européenne ne peuvent que

lui donner davantage d'acuité ...Le citoyen, qui n'est ni aveugle ni stupide, voit ce qui se passe. Il a horreur des manoeuvres et des manipulations. L'exultation unanimement arrogante et triomphante des partis et des médias francophones ne fera que rendre l'opinion flamande plus soupçonneuse encore. L'aversion est un élément qui peut influencer le comportement de l'électeur ... »

M. Verreycken est persuadé que les partis politiques flamands qui se prêtent à cette manoeuvre électorale anticipée du PS seront sanctionnés par les urnes. Les partis politiques francophones qui collaborent avec le PS, n'y gagneront rien non plus. Il demande instamment le rejet du projet de loi à l'examen.

M. Delacroix condamne les interventions faites jusqu'ici par les orateurs des partis politiques francophones, à l'exception du CdH. Ce projet de loi est subitement devenu très urgent en raison de certaines décisions juridictionnelles. L'intervenant partage l'analyse de M. Mark Van Peel, selon laquelle l'adoption de ce projet de loi aura pour effet de victimiser le Vlaams Belang. Les conséquences seront à l'avenant ...

En ce qui concerne la procédure judiciaire prévue dans le projet de loi, M. Delacroix relève les deux anomalies suivantes :

— si le cadre dans lequel le projet de loi s'inscrit n'est pas le cadre pénal, il en est en tout cas fort proche : le parti politique qui serait poursuivi devant l'assemblée générale du Conseil d'État, se compose de personnes qui, en cas de condamnation, seront atteintes dans leurs droits subjectifs fondamentaux;

— La CEDH et les valeurs démocratiques ne sont pas des valeurs immanentes. Le premier ministre britannique, M. Tony Blair, a lui-même déclaré récemment que la CEDH est une convention de droit international comme les autres, qu'elle se prête à des interprétations diverses et qu'on peut la modifier. Selon M. Delacroix, le projet de loi à l'examen oublie complètement cette prémisse.

En ce qui concerne l'introduction d'une demande devant le Conseil d'État, M. Delacroix estime que la condition selon laquelle elle doit être introduite par au moins un tiers des membres de la Commission de contrôle fournit une garantie démocratique insuffisante tant pour les partis de la majorité que pour les autres. Il aurait fallu prévoir que la demande doit être introduite par une majorité ordinaire ou même une majorité qualifiée des membres.

La règle du tiers des membres qui est inscrite dans le projet de loi à l'examen ouvre la porte à toutes sortes d'abus inspirés tant par des raisons d'ordre communautaire que d'autres.

En ce qui concerne l'examen par l'assemblée générale du Conseil d'État agissant en première et unique instance, M. Delacroix déclare qu'il ne comprend pas les comparaisons que M. Delpérée a faites avec les procédures devant la Cour d'arbitrage, le Conseil d'État et la cour d'assises, étant donné que le projet de loi à l'examen s'inscrit dans un cadre quasiment pénal où sont en cause les droits subjectifs fondamentaux de personnes physiques et de personnes morales appartenant aux partis politiques visés. En droit pénal, une procédure d'appel est ouverte en règle générale contre tout jugement en première instance, sauf pour ceux de la cour d'assises. M. Delacroix attire l'attention sur le fait que la procédure devant la cour d'assises est fréquemment critiquée dans le cadre de la doctrine. En France, par exemple, il y a une procédure permettant d'interjeter appel contre un jugement de la cour d'assises, contrairement à ce qui se passe en Belgique.

Mme Vander Meersch déclare que les partis traditionnels n'ont que le mot démocratie à la bouche. Il s'agit manifestement du mot clef dans le présent débat. Cet élément contraste violemment avec le déficit démocratique qui caractérise le fonctionnement du Sénat et en dit long à propos de la mentalité des acteurs politiques wallons en la matière.

L'intervenante tient, à l'occasion du débat concernant le projet de loi à l'examen, à fournir un commentaire personnel au sujet des conditions d'instauration de la démocratie et de maintien de celle-ci.

Le projet de loi vise à priver de leur dotation les partis dits non démocratiques. Comme l'on vise très clairement le Vlaams Belang, il s'agit ici d'une législation « à la tête du client ».

Il y a une dizaine d'années fut adoptée la loi limitant les dépenses électorales et le financement des partis politiques ce qui constitue une tentative louable de rendre le financement des partis politiques et des campagnes électorales plus transparent et d'empêcher la tenue de campagnes électorales entraînant des dépenses exorbitantes et souvent financées par des voies suspectes.

Il apparaît toutefois progressivement que ce type de législation a plusieurs aspects pervers. Jusqu'aux années soixante y compris, les partis politiques étaient des organisations de masse qui pouvaient s'appuyer sur une large base de membres tant du point de vue organisationnel que du point de vue financier.

Pour diverses raisons d'ordre social, le nombre de membres des partis traditionnels a très fortement diminué depuis. Le Vlaams Belang a connu, quant à lui, un développement inouï. Le législateur a fermé le robinet financier qui permettait aux partis traditionnels de recevoir de l'argent des entreprises et dont ils se sont abondamment servis au cours des années septante et quatre-vingt.

En conséquence, les partis politiques sont devenus très tributaires du financement public. Les partis qui perdent, pour une raison ou une autre, leur dotation sont condamnés à mort, précisément parce que les autres sources de financement ont été asséchées.

Du coup, l'élite politique en place dispose évidemment d'une arme puissante pour éliminer les partis indésirables ou les faire marcher au pas. Or, comme marcher au pas n'est pas vraiment la devise du parti de l'intervenante, il est devenu la grande cible de la x-ième adaptation de la législation sur le financement public des partis politiques.

L'évolution récente a montré que les partis politiques en place n'hésitent pas à utiliser l'arme en question de manière effective. Le N-VA et l'ancien Agalev ont été privés tous deux de leur financement public à la suite de l'instauration d'un seuil électoral, alors que, selon l'ancien système électoral, ils auraient obtenu chacun un siège à la Chambre et au Sénat et auraient par conséquent pu continuer à bénéficier d'une dotation. Depuis que celle-ci leur a été retirée, leurs chances de survie ont fortement diminué.

On peut résoudre le problème que l'on a créé en rendant le système électoral moins démocratique de deux manières :

— soit on ne touche pas à la législation actuelle et on considère que l'asphyxie financière des deux petits partis précités est une chose pénible mais aussi une étape inévitable sur la voie d'une » défragmentation » du paysage politique.

Cette défragmentation n'était-elle pas l'objectif de la réforme électorale et la rupture du cordon financier ne constitue-t-elle pas le moyen permettant de contraindre de la manière la plus efficace les petits partis à former des cartels ? La question qui se pose est de savoir si l'on ne s'est pas engagé dans une voie antidémocratique.

— soit la solution démocratique, qui consiste à assouplir la législation afin de garantir aussi aux petits partis un minimum de confort financier.

Priver les petits partis et les nouveaux partis non seulement de sièges mais aussi de moyens financiers est antidémocratique et conduit à une monopolisation politique, pour ne pas dire à une dictature. Autrement dit : soit on finance et le N-VA et Groen !, soit on ne finance aucun de ces deux partis.

Au lieu de suivre une ligne politique cohérente, la majorité modifie une fois de plus la législation à la tête du client. Outre l'incohérence consistant à octroyer des moyens au N-V A et pas à Groen !, on veut à présent utiliser le système pour sanctionner des « partis racistes ».

Supprimer systématiquement le financement public d'un parti revient en pratique à l'interdire, pour la bonne raison que ce financement est devenu vital.

Certains autres pays aussi ont prévu la possibilité d'interdire les partis politiques représentant un danger pour la démocratie, mais la matière est réglée par une loi claire, la procédure à suivre est ancrée dans la Constitution et c'est une Cour constitutionnelle qui a le dernier mot, le principe étant qu'interdire un parti est une chose extrêmement délicate et risquée, qui peut facilement se retourner contre la démocratie elle-même.

Ces règles contrastent singulièrement avec la façon dont on procède chez nous : à l'initiative de seulement six parlementaires, le Conseil d'État, qui n'est qu'une simple juridiction administrative, peut décider, dans le cadre d'une procédure non publique, de priver un parti de sa dotation. Toute cette procédure est réglée par une simple loi qui peut être aisément modifiée, au gré d'une majorité occasionnelle.

Depuis quelque temps, le Conseil de l'Europe envoie régulièrement en Belgique des rapporteurs chargés d'examiner les problèmes qui se posent dans le domaine de l'emploi des langues. Peut-être serait-il temps que l'on envoie aussi des observateurs internationaux pour surveiller les procédures électorales dans ce pays.

La composition de ce Sénat montre déjà à quel point la construction belge est antidémocratique. Quand on a soi-même tant de choses à se reprocher, on est donc très mal placé pour dire qui est un démocrate et qui ne l'est pas.

Les politiciens wallons ont besoin de beaucoup moins de voix pour être élus sénateurs et donc pour siéger dans cette commission. À tous les niveaux donc, le Parti socialiste a beaucoup moins de voix que le Vlaams Belang, mais nettement plus de sièges.

Cet état de chose est contraire à l'article de la Constitution qui dispose que tous les Belges sont égaux devant la loi, car tous les Belges n'ont manifestement pas le même poids au sein, justement, du pouvoir législatif.

Or, c'est précisément le PS qui milite avec fanatisme pour faire couper les vivres à son parti.

La loi relative au financement des partis politique a été adoptée en 1989. Les campagnes électorales commençaient à coûter trop cher, ce qui a amené les partis traditionnels à se livrer à des magouilles en tous genres. Songeons aux 130 millions de francs belges anciens que le PS a touchés dans l'affaire Agusta.

À l'époque, le parti de l'intervenante était encore tout petit et personne ne se souciait des aumônes qu'il recevait. Les choses ont à présent bien changé et la croissance phénoménale de son parti a rendu les partis traditionnels extrêmement nerveux. Ces derniers essaient à présent d'étrangler son parti de deux manières : tout d'abord, en engageant des procédures pénales à n'en plus finir et ensuite, en modifiant la loi en sorte que les » partis racistes » ne reçoivent plus le moindre centime. C'est vraiment indigne d'un État de droit démocratique.

Elle se demande dès lors ce qui attend son parti avec cette nouvelle proposition. Le but poursuivi est clair.

Les adversaires de son parti ont l'ambition d'agir comme de véritables procureurs et donc d'engager des poursuites devant le Conseil d'État. Dans un État de droit, la personne attaquée a normalement le droit de se défendre, mais même ce principe a été jeté par-dessus bord par les procureurs autoproclamés.

De plus, on introduit la rétroactivité, qui permettra d'invoquer des faits antérieurs à la nouvelle loi pour se débarrasser de son parti. Voilà encore un autre procédé indigne d'un État de droit, au même titre que l'interdiction d'interjeter appel.

L'on supprime ici tout bonnement un droit fondamental, soi-disant pour protéger la démocratie.

Les partis traditionnels deviennent à la fois juge et partie. Ce sont eux qui rédigent l'acte d'accusation et qui saisissent le tribunal. Ils peuvent même préciser le montant dont la dotation sera amputée.

Les partis francophones veulent en plus que l'arrêt du Conseil d'État soit publié dans plusieurs journaux aux frais du parti condamné. De cette manière au moins, son parti aura quand même droit une fois aux colonnes de ces journaux, eux qui refusent toujours de faire paraître ses publicités. Il n'y a guère de doutes à avoir quant à la manière dont réagira le million d'électeurs du Vlaams Belang.

La plupart des politiciens, politologues et autres observateurs semblent tout simplement ne pas comprendre ce qu'est en fait la démocratie, c'est-à-dire le pouvoir de décision politique par le peuple. Et à cet égard, on se méprend complètement sur l'électeur. La réaction déterminée d'un million d'électeurs du Vlaams Belang est d'ores et déjà certaine, si l'on continue à s'acharner de la sorte sur ce parti.

On martèle constamment qu'il faut « entendre le signal donné par l'électeur », comme s'il s'agissait de la solution démocratique au problème des tendances antidémocratiques qui menacent.

Mais ce point de vue suppose qu'il y a deux classes :

1. d'une part la masse des gens » irresponsables » qui, à la manière d'un enfant incompris, émettent des signaux sur ce qu'ils voudraient en réalité mais ne parviennent pas bien à le dire et sont, évidemment, incapables de transposer ces aspirations dans une politique;

2. d'autre part la classe dirigeante éclairée, qui a le monopole de la politique et qui, lorsqu'elle l'estime opportun, peut, de temps à autre, tenir compte des signaux qu'elle capte de l'autre classe.

Cette situation est caractéristique des États non démocratiques. Mais la démocratie, cela signifie précisément qu'il n'y a pas deux classes. En démocratie, le citoyen n'envoie pas de signaux, c'est lui qui décide.

On s'en apercevra une nouvelle fois aux prochaines élections car son parti est un phénomène démocratique par excellence.

Que ce soit dans ses principes fondateurs, ses statuts, ses programmes de parti ou électoraux, dans les textes présentés à l'occasion de ses congrès, dans ses activités parlementaires, ses communiqués de presse ou ses déclarations publiques et privées, on ne trouvera nulle part la moindre phrase ou déclaration remettant en cause la démocratie. Au contraire, le Vlaams Belang reconnaît et défend les institutions démocratiques et les libertés qui vont de pair.

Mme Van dermeersch renvoie en particulier au « Democratiecongres » (1996) et à la « Proeve van Vlaamse Grondwet » (2002), où son parti plaide entre autres pour la revalorisation du parlement, l'instauration de référendums décisionnaires et un droit d'initiative et de participation renforcé pour le citoyen.

Le Vlaams Belang dit ce que les gens pensent. Il ne connaît pas les tabous ni la dictature de la pensée politiquement correcte. Il représente précisément l'ultime soupape de sécurité démocratique du citoyen parce que les autres partis refusent d'entendre la voix et la volonté du peuple.

Le Vlaams Belang représente un courant de pensée, un segment de la société flamande qui, dans une démocratie, doit avoir le droit de s'exprimer et de mener une action politique et la possibilité de se réaliser, au même titre que un tout autre courant de pensée.

Il s'ensuit que la volonté de l'électeur est mise hors jeu. Ce qui crée une situation de non-représentation, et donc antidémocratique. En Flandre, 70 % des électeurs votent pour des partis qui ne sont pas de gauche. Mais l'exclusion du Vlaams Belang confère une prééminence antidémocratique à la gauche.

Ce sont à vrai dire les partis traditionnels qui adoptent souvent un comportement antidémocratique. Ils refusent d'entendre la volonté de l'électeur. À Anvers et à Bruxelles notamment, où le parti de loin le plus important [avec respectivement 33 % et 38 % (collège électoral néerlandophone) des voix] est tenu artificiellement à l'écart de la gestion des affaires par une coalition de un contre tous.

Cela vaut aussi pour le droit de vote des étrangers : bien qu'une majorité des Belges et une très large majorité des Flamands et des députés flamands y fussent radicalement opposés, il a néanmoins été accordé.

La législation électorale, aussi, est adaptée afin d'avantager le plus possible ceux qui sont actuellement au pouvoir, par exemple en instaurant un seuil électoral, en modifiant les circonscriptions électorales, en imposant la démocratie des ténors de la coalition violette, et ce alors qu'en vertu des critères du Conseil de l'Europe des modifications apportées à la loi électorale quelques mois avant l'échéance sont contraires au principe d'élections loyales et libres.

Et que penser du régime imaginé pour la Commission communautaire flamande ? Il s'agit là d'une falsification en règle du résultat du scrutin par l'adjonction, aux candidats élus directement, de mandataires d'une autre assemblée (le Parlement flamand). La Cour d'arbitrage a annulé ce système en raison de son caractère antidémocratique.

Dans quelle mesure des partis qui ne tiennent aucun compte des arrêts du Conseil d'État et de la Cour d'arbitrage, comme le fait régulièrement la coalition violette, sont-ils encore démocratiques ?

Dans quelle mesure des modifications de la loi spécifiquement destinées à assassiner un grand parti politique d'opposition sont-elles démocratiques ? L'intervenante en vient dès lors à douter que la Belgique politique soit une démocratie.

En 2003, il fallait 45 000 voix pour obtenir un siège flamand au parlement fédéral, contre 37 000 voix pour un siège wallon.

Compte tenu de la différence démographique, il est tout aussi peu démocratique que le gouvernement belge compte autant de Wallons que de Flamands.

Aucune décision n'est possible sans les Wallons alors qu'ils ne représentent que 40 % de la population. Les Wallons sont protégés par le verrou constitutionnel, par les doubles majorités et les majorités spéciales, par les procédures de la sonnette d'alarme, etc.

La proposition violette prévoyant de faire du Sénat une assemblée paritaire est également antidémocratique.

Loin d'être un modèle de démocratie, la Belgique est donc plutôt une antidémocratie qui se maintient grâce aux partis traditionnels.

Le Vlaams Belang est souvent présenté comme un parti non démocratique parce que son fonctionnement ne serait pas démocratique. C'est inexact.

Les partis traditionnels font d'ailleurs preuve d'hypocrisie lorsqu'il s'agit de démocratie interne. En général, l'organisation prétendument démocratique de ces partis relève plus de la fiction que de la réalité. Le politologue Kris Deschouwer déclare que « la direction de parti en place se met à la recherche du candidat le plus adéquat et le fait ensuite confirmer par la voie statutaire. Des présidents intérimaires désignés par la bureau deviennent généralement aussi le vrai président, et parfois pour longtemps ».

Régulièrement, on laisse même tomber la façade démocratique. Le remplacement, en 2004, de Karel De Gucht par Guy Verhofstadt puis par Dirk Sterckx en est un exemple. Ce sont les figures marquantes du parti qui en ont décidé ainsi, sans consulter les membres ou le congrès. Il en fut de même au SP.a en mars 2003, lorsque Patrick Janssens fut remplacé à la présidence par Steve Stevaert. Ces partis n'ont donc pas de leçons de démocratie à donner au Vlaams Belang.

On dit souvent aussi que le Vlaams Belang serait antidémocratique parce qu'il exclut les immigrés. Cet argument n'est guère pertinent non plus. La démocratie et l'octroi aux étrangers de la possibilité d'avoir voix au chapitre (par exemple, le droit de vote) sont deux choses différentes. Dans une démocratie, tous les citoyens ont en principe des droits politiques. Par définition, les étrangers n'ont pas les mêmes droits ni d'ailleurs les mêmes devoirs, car ils ne relèvent pas du même ordre juridique.

Du reste, le Vlaams Belang n'exclut jamais les immigrés. Il s'interroge certes sur la société multiculturelle et exige des étrangers qui s'établissent ici de manière permanente qu'ils s'adaptent à nos normes et à nos coûtumes.

Ce n'est pas antidémocratique mais logique. En effet, une certaine unanimité sur les valeurs et les normes fondamentales est une condition absolue pour toute société démocratique. Si elle fait défaut, il n'y a pas de cohésion sociale et, par conséquent, pas de possibilité de trouver un consensus. Cela conduit à la destruction de la démocratie, ce que veut éviter le Vlaams Belang.

S'il est question d'exclusion dans ce pays, c'est bien de l'exclusion du Vlaams Belang et de ses électeurs. Le cordon sanitaire est antidémocratique car il réduit au silence des citoyens et un courant politique à part entière.

Le Vlaams Belang serait également antidémocratique parce qu'il ne reconnaîtrait pas ou même violerait les droits de l'homme. Sur cette base, le projet de loi en discussion entend également imposer l'interdiction d'un parti. Or, depuis 1995, les statuts du Vlaams Blok, devenu le Vlaams Belang, précisent ce qui suit : « En tant que parti défenseur de la liberté, le Vlaams Blok s'engage, dans son action politique, à respecter au moins les droits et libertés garanties par la Convention du 4 novembre 1950 pour la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales, approuvée par la loi du 13 mai 1955, et par les protocoles additionnels à cette convention ».

Le Vlaams Belang ne viole donc absolument pas les droits de l'homme et il n'en a pas non plus l'intention. Il défie quiconque de citer un seul exemple où le Vlaams Belang aurait violé les droits de l'homme.

Pour faire aboutir le projet de loi en discussion, on invoque à tort et à travers la violation des droits de l'homme. Mais ceux-ci ne s'appliquent pas au Vlaams Belang, la première cible du projet.

Par contre, la Belgique a déjà été condamnée à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l'homme pour violation de ces droits, notamment pour avoir enfreint la liberté d'expression, le droit au respect de la vie privée, mais aussi en raison du traitement qu'elle a réservé aux demandeurs d'asile, etc. Et c'est ce pays qui jugerait qu'un parti comme le Vlaams Belang ne peut pas exister !

D'ailleurs, comment les préoccupations des partis traditionnels en matière de droits de l'homme pourraient-elles être prises au sérieux alors qu'ils fraient avec des dictateurs sanguinaires et font des affaires avec eux ? Songeons simplement aux contacts de l'ancien ministre des Affaires étrangères Louis Michel avec Cuba et la Chine.

Le Vlaams Belang opte explicitement pour la démocratie comme modèle politique. Il faut que ce soit clair, c'est le peuple qui décide.

Le Vlaams Belang veut des pouvoirs publics qui, dans leurs institutions et dans les services qu'ils assurent, soient neutres à l'égard des convictions politiques. Le projet en discussion ne semble pas satisfaire à ce critère.

L'un des objectifs du Vlaams Belang est l'indépendance de la Flandre, tandis que le projet vise, lui, à renforcer l'union artificielle entre la Flandre et la Wallonie.

Ce n'est que dans un État flamand qu'il existe, selon le Vlaams Belang, un consensus social suffisant pour que l'on puisse démocratiquement et raisonnablement exprimer des divergences de vues de vues ou s'accorder sur des valeurs et des normes partagées. Il faut qu'il soit clair que ce n'est pas possible dans un État belge qui — comme on l'a montré ici à suffisance — n'est pas démocratique. La lutte contre le Vlaams Belang doit diviser les Flamands, la minorité wallonne dictant à la majorité flamande ce qui est démocratique et ce qui ne l'est pas.

M. Creyelman fait un exposé sur la genèse du projet, afin de rappeler tout ce qui a été entrepris ces dernières années pour rendre la vie dure aux représentants d'une grande partie du peuple flamand.

Il n'y a en Belgique aucun parti politique qui suscite autant d'émotions et de discussions que le Vlaams Belang, précédemment Vlaams Blok. Cela n'a rien d'étonnant, si l'on sait que le Vlaams Belang a des opinions très prononcées sur un grand nombre de sujets et de problèmes sociaux. Des sujets et des problèmes qui ne sont pas ou guère abordés dans les médias, comme par exemple le plaidoyer pour l'indépendance de la Flandre, les propositions relatives au dossier des étrangers, la vision de la sécurité.

Dans une véritable démocratie, ce n'est pas là seulement le droit fondamental d'un parti, c'est même son devoir fondamental. Les mandataires du Vlaams Belang ont été choisis par le peuple flamand souverain, qui leur a donné la mission explicite et le mandat explicite de professer ces points de vue. L'électeur — un quart des Flamands — sait très bien pourquoi il vote pour ce parti : il y a une nette différence par rapport aux autres partis, qui ont à peu près la même opinion sur tous les problèmes et tous les sujets.

La liberté d'expression est une caractéristique essentielle de la démocratie, dont une société démocratique peut tirer profit. L'expression d'opinions et de visions qui vont à l'encontre des conceptions sociales dominantes quant à ce qui est licite et ce qui ne l'est pas, redonne à une société sclérosée la faculté de s'attaquer aux problèmes essentiels et de relever les grands défis. En fait, il faudrait donc applaudir aux opinions tranchées du Vlaams Belang.

La Cour constitutionnelle allemande a affirmé jadis que « dans le système d'une démocratie libre, la liberté de penser revêt une importance primordiale; elle constitue même une condition du fonctionnement de ce régime; elle fait en sorte qu'il ne se sclérose pas et propose toute une série de solutions possibles pour toutes sortes de problèmes ». La démocratie part en effet du principe qu'une société existante peut toujours s'amender et qu'elle est sans cesse appelée à le faire. La recherche des meilleures solutions politiques est un apprentissage par essais et erreurs, un processus de lutte et de discussion intellectuelles continues, de critique et de contre-critique.

Les opinions qui vont à l'encontre du discours officiel contribuent à faire avancer une société. L'histoire nous en donne de multiples exemples : les conceptions de Luther, Calvin et Galilée ont choqué beaucoup de gens.

Dans les Pays-Bas sclérosés, politiquement corrects à l'extrême, Pim Fortuyn, le politique néerlandais assassiné, a lui aussi relancé la discussion sur les multiples problèmes auxquels est confrontée une société multiculturelle. La classe politique au pouvoir reprend maintenant à son compte des choses que l'on ne pouvait pas dire ouvertement auparavant. C'est certainement le cas depuis le deuxième assassinat politique, sur la personne du cinéaste Theo Van Gogh.

Pour citer les mots du chroniqueur Dirk-Jan Eppink : « Ce que l'on a beaucoup plus fortement aux Pays-Bas depuis quelques années, c'est le sentiment de l'urgence : la situation pourrait véritablement dégénérer si nous n'agissons pas maintenant. Pendant des années, on ne pouvait pas parler de certaines choses parce que cela aurait déchaîné de bas instincts. Et puis il y eut Pim Fortuyn. Il précipita le débat. Des problèmes que l'on avait l'habitude de balayer sous le tapis se retrouvèrent tout à coup en haut de l'agenda. »

Le rôle qu'a joué feu Pim Fortuyn aux Pays-Bas dans la réouverture du débat sur l'immigration et les étrangers, a été tenu en Flandre, plusieurs années avant lui, par le Vlaams Blok, qui a en outre élargi le débat à d'autres thèmes. Il y a vingt-cinq ans, on riait de la revendication d'une Flandre indépendante, que l'on considérait comme une chimère, mais tous les partis, y compris de l'autre côté de la frontière linguistique, ont aujourd'hui à l'esprit la fin de la Belgique.

C'est la raison pour laquelle la liberté d'expression est si importante dans une société démocratique. Liberté d'expression en ce qui concerne non seulement les idées généralement admises, mais aussi en ce qui concerne les prises de position et les visions qui « heurtent » ou qui « inquiètent l'État ou une fraction de la population ». « Tolérance » est probablement le mot dont il a été fait le plus souvent un usage impropre ces dernières décennies, mais la tolérance constitue effectivement la plus grande vertu dans une société démocratique.

Le droit de dire ce que l'on veut mérite protection. Ce droit implique bien entendu aussi le droit de s'interroger sur le régime politique dans lequel on vit ou sur la société multiculturelle. La discussion politique ne doit pas se cantonner dans un petit groupe d'intellectuels. Les personnes ou les associations susceptibles de contribuer à une discussion publique de ce genre doivent pouvoir jouer leur rôle pleinement, sans la moindre entrave.

C'est pourquoi, dans une société démocratique, il est essentiel de préserver la liberté d'expression d'un parti d'opposition radical dans le cadre de la discussion publique de thèmes et de problèmes sociaux importants. Les opinions politiques tranchées de Pim Fortuyn ont ouvert, aux Pays-Bas, une discussion politique qui a abouti à l'adoption d'une politique radicalement différente. Alors que, jusqu'il y a peu, l'utilisation du slogan « Trop, c'est trop » (« Vol is vol ») donnait lieu à des poursuites judiciaires aux Pays-Bas, celui-ci est désormais consacré par l'actuel gouvernement néerlandais.

Les élus du Vlaams Belang ont donc le droit et le devoir de stimuler le débat social et de proposer une politique totalement différente. Ce n'est visiblement pas le point de vue des francophones ni de leurs collaborateurs flamands qui refusent le débat sur les problèmes de société soulevés par le Vlaams Belang.

Au contraire, à l'initiative du chef de file d'Agalev, Jos Geysels, un cordon sanitaire fut créé en 1989 autour du Vlaams Blok de l'époque. On ne passe pas d'alliances et on ne conclut pas d'accords de gouvernement avec le Vlaams Belang.

Certes, le Vlaams Belang comprend les frustrations des autres partis politiques. Ses victoires électorales ont coûté à ces partis quantité d'électeurs et d'élus. Il va de soi que les partis ont le droit, au vu du programme, de ne pas vouloir s'allier avec un parti politique déterminé et de ne pas conclure d'accords avec celui-ci, pour autant du moins que l'on n'en fasse pas un dogme.

Mais, il est antidémocratique d'écarter délibérément et systématiquement du débat social les visions et les propositions politiques d'un parti et de diaboliser ses mandataires et ses électeurs.

C'est peu dire que d'affirmer que les médias malmènent le Vlaams Belang d'une manière impitoyable mais aussi déloyale. Dans ce domaine, la chaîne publique VRT va très loin alors qu'elle est tenue au devoir d'impartialité, de neutralité et d'objectivité.

Dans la fameuse note intitulée « De VRT en de democratische samenleving », ces dames et ces messieurs de la chaîne publique mettent ces principes de côté au motif que le Vlaams Blok rejette la société multi-ethnique et multiculturelle. La VRT doit dès lors veiller à ce que certains points de vue ne soient plus exprimés dans les émissions. Les représentants du Vlaams Blok sont aussi devenus indésirables dans certains reportages politiques. Cette note totalement illégale ne fait en réalité que formaliser une pratique en vigueur depuis des années et consistant à ignorer et à déformer les positions du Vlaams Blok.

Ce faisant, la VRT ignore le principe selon lequel l'expression des opinions est le « sel de la démocratie » et qu'une démocratie doit faire preuve de tolérance à cet égard. Elle viole ainsi non seulement la liberté d'expression du Vlaams Belang mais aussi le droit des citoyens d'être informés des positions de celui-ci sur différents sujets.

M. Creyelman évoque ensuite un épisode beaucoup moins glorieux de l'histoire de la Belgique d'après-guerre, à savoir la liquidation pure et simple d'un parti.

La liquidation financière du Vlaams Belang constitue aussi le seul objectif de ce projet de loi. De même que quand on veut battre son chien, on trouve toujours un bâton, quand on veut condamner un parti, on trouvera bien toujours un juge pour le faire, en particulier dans ce pays.

Voici donc un aperçu de la sale guerre livrée contre le Vlaams Belang et son prédécesseur, le Vlaams Blok.

Le Vlaams Blok, prédécesseur du Vlaams Belang, est né en 1977. Le parti regroupait des personnes qui s'étaient, à juste titre, senties dupées par la Volksunie après le pacte d'Egmont.

Lors de sa première participation aux élections en 1978, le Vlaams Blok a obtenu 75 000 voix et 1 siège au parlement, que Karel Dillen occupa. Lors des élections législatives de 1981 et 1985, aucune progression ne fut enregistrée. Le parti était donc parfaitement inoffensif pour le régime belge et apparaissait encore régulièrement dans les médias afin de gagner quelques voix de la Volksunie.

Les élections du 13 décembre 1987 marquèrent une première percée pour le Vlaams Blok, mais le véritable raz-de-marée politique se produisit aux élections législatives du 24 novembre 1991, lorsque le Vlaams Blok obtint 10,4 % des voix. La presse et les adversaires politiques en furent cloués sur place.

C'est à la suite de cette victoire électorale que les pouvoirs et les partis en place commencèrent à diaboliser le Vlaams Blok.

En novembre 1998, le ministre de l'Intérieur et chef de file du SP, Louis Tobback, déclara que le Vlaams Blok était un fléau, un danger pour la démocratie contre lequel il fallait lutter par tous les moyens.

Au lendemain des élections communales de 1988, le premier ministre de l'époque, Wilfrid Martens, promettait déjà la désignation d'un commissaire du gouvernement à l'immigration. Les partis politiques traditionnels, paniqués, se sentaient déjà talonnés par le Vlaams Blok. Même Jan Blommaert et Albert Martens affirment que le Commissariat Royal à l'Immigration (CRI) a été créé dans une sorte de semi-panique après la victoire électorale du Vlaams Blok en 1988. La mission du commissaire royal était effectivement d'enrayer la montée du Vlaams Blok.

Paula D'Hondt n'était plus ministre et fut « repêchée » par le premier ministre Martens pour assumer cette fonction.

Normalement, un commissaire royal sera un être indépendant et objectif, qui se distanciera de la politique et étudiera un problème déterminé en toute sérénité. Cela n'était pas le cas de Paula D'Hondt qui, dès sa nomination, est passée à l'offensive contre le Vlaams Blok.

Paula D'Hondt savait pertinemment qu'elle outrepassait ses compétences. Elle pouvait même le déclarer sans rougir parce que telle était la mission que le gouvernement lui avait confiée (de manière à peine voilée) : (traduction) « J'ai sans doute outrepassé mes compétences de commissaire royal quand je me suis attaquée au Vlaams Blok. J'en suis consciente. Mon rôle aurait normalement dû consister à réunir tous les intéressés autour de la table et à tenter de trouver un consensus. » Elle oubliait d'ajouter qu'elle n'avait pas été désignée pour trouver un consensus, mais bien pour mener une inquisition.

Paula D'Hondt n'a donc pas tardé à mettre sur la table un projet institutionnalisant cette inquisition. Outre ses 81 propositions politiques concrètes, dont la création d'un Conseil supérieur des musulmans, l'assouplissement du code de la nationalité et l'ouverture de la fonction publique aux étrangers, elle suggéra en 1989 de créer un centre national chargé de lutter contre les discriminations.

Le Vlaams Blok réagit avec indignation parce qu'il savait que la création de cette institution marquerait le début d'une chasse aux sorcières organisée, dirigée contre les nationalistes flamands.

Un an plus tard, les élections législatives du 24 novembre 1991 débouchèrent sur la percée définitive du Vlaams Blok. L'accord de gouvernement du 9 mars 1992 prévoyait déjà la création d'un « Centre pour l'égalité des chances » et un projet de loi fut rapidement déposé à cette fin. La mise en oeuvre de cette « politique » fut très rapide, compte tenu des normes appliquées en Belgique.

Le Centre pour l'égalité des chances (CECLR) est une institution qui dépend directement du premier ministre et dont le financement est inscrit au budget de ce dernier.

À la tête du CECLR, on nomma Johan Leman, ancien directeur de cabinet de Paula D'Hondt. En tant que fonctionnaire, cette personne est soumise au devoir de réserve, y compris en dehors de l'exercice de sa fonction : « Le fonctionnaire doit rester au-dessus de l'agitation des partis », parce qu'une « activité politique militante ( ...) risque de choquer une partie de l'opinion publique et de compromettre sa réputation de fonctionnaire impartial aux yeux des personnes qui ne partagent pas ses conceptions. »

Johan Leman et son centre n'ont cependant pas cessé de faire de la politique. Lors de la présentation, dans les locaux du Centre, de l'ouvrage intitulé « De internationale van de Haat » (l'Internationale de la haine) que le journaliste néerlandais Rinke Van den Brink a écrit pour stigmatiser le Vlaams Blok, Johan Leman a pris la parole en personne. Il savait qu'en faisant cela, il outrepassait largement ses compétences : « L'on peut donc s'attendre la semaine prochaine à une question parlementaire de Francis Van den Eynde qui demandera comment il se peut qu'un service public donne une conférence de presse qui ne respecte pas le principe de neutralité. »

Dans un État de droit digne de ce nom, il est impensable de créer une institution publique chargée spécifiquement de lutter contre un parti d'opposition déterminé. Par contre, chaque fois que le premier ministre a été interpellé au parlement à propos de certaines déclarations de Leman ou des activités du Centre, il répondait invariablement que le Centre est une institution indépendante et autonome. Or, les faits politiques démontrent sans équivoque possible l'assujettissement du CECLR au premier ministre.

Le père Leman a par exemple essayé de semer la zizanie au sein du Vlaams Blok en tenant certains propos bientôt relayés par les médias. Il a notamment fait une distinction entre les « démocrates » et les « non-démocrates » au sein du Vlaams Blok, exhortant les hommes politiques des autres partis à abstraire les députés Gerolf Annemans, Guido Tastenhoye et Alexandra Colen du Blok. Cette manoeuvre a cependant provoqué l'ire du supérieur de Leman, M. Verhofstadt, qui l'a vertement tancé.

Le Centre est une institution hyper-politisée et tout les partis politiques ont intérêt à lutter contre le Vlaams Blok et à l'éliminer. Les partis francophones sont nettement prédominants au sein du Centre parce qu'ils ont intérêt à voir rayer de la carte politique un parti séparatiste qui représente une menace pour les transferts financiers qui se comptent par milliards. Un fait significatif à cet égard est que jusqu'il y a quelques années, le directeur adjoint du Centre n'était autre que le PS Jean Cornil. Cornil siège aujourd'hui comme sénateur PS et dépose à n'en plus finir des propositions de loi dirigées contre le Vlaams Blok. La dernière en date vise à empêcher la diffusion des publications du Vlaams Blok. Cette proposition a été littéralement battue en brèche par le Conseil d'État, qui y voit une violation de certains droits fondamentaux. Les partis flamands ont également tout intérêt à voir neutraliser un important concurrent politique.

Le CECLR a aussi été habilité à « ester en justice », ce qui lui permet à la fois de se porter partie civile devant le juge d'instruction et de citer des personnes ou des associations directement devant le tribunal correctionnel.

D'autres organismes d'intérêt public et associations ont été habilités à ester en justice.

Le fait que des personnes morales privées puissent participer à la politique des poursuites a fait dire au professeur Senelle que la fin de l'État de droit belge était proche ». Selon les principes de l'État de droit, en effet, les citoyens ne peuvent être traduits devant le juge répressif que si le ministère public estime que l'infraction à la loi pénale est suffisamment grave pour justifier des poursuites pénales. La fonction du ministère public suppose une stricte impartialité et un respect de la liberté personnelle. Le professeur Senelle constatait que le législateur n'avait pas tenu compte de ce principe : « octroyer aux personnes morales privées le droit de traduire leurs concitoyens devant le juge pénal, et ce, sans la moindre intervention du ministère public, constitue une violation grave des principes fondamentaux qui sont les piliers de notre démocratie. »

Quelques années plus tard, le professeur Raf Verstraeten a lui aussi stigmatisé le droit d'action des organisations privées. Selon lui, l'initiative privée de poursuivre quelqu'un au pénal amène la personne en question dans une position de « suspect », sans qu'elle dispose de garanties objectives contre le chantage, le discrédit ou les campagnes haineuses peu regardantes. Par ailleurs, une personne privée serait ainsi élevée au rang de « pseudo-procureur ».

L'inquiétude du professeur Senelle lui a sans aucun doute été inspirée par le procès que la Ligue des droits de l'homme a intenté, fin 1993, au Vlaams Blok et qui s'est conclu par le jugement du tribunal correctionnel de Bruxelles du 6 septembre 1994. Même si deux cadres « seulement » du Vlaams Blok ont été cités à comparaître, l'objectif de la Ligue n'était rien moins que la dissolution du Vlaams Blok. En effet, la Ligue n'a pas dénoncé les intéressés pour diffusion de pamphlets à caractère raciste mais en raison de leur appartenance à un groupement ou à une association qui, de façon ouverte et répétée, pratique la discrimination ou la ségrégation raciales ou prône celles-ci. Une condamnation aurait rendu punissable l'affiliation au Vlaams Blok et par conséquent sonné le glas du parti. Selon le tribunal correctionnel de Bruxelles, un des faits incriminés relevait du délit de presse et l'affaire devait dès lors être portée devant la cour d'assises.

La privatisation des poursuites a donc pour conséquence qu'un parti politique — représentant à l'époque 10,4 % des électeurs flamands — peut tout simplement être traduit devant le juge pénal par un club très restreint dans le but pur et simple de le faire disparaître. Quiconque a un tant soit peu le sens de la démocratie se rend compte qu'un tel état de choses est radicalement contraire à la liberté d'expression et d'association : les propositions politiques d'un parti, dont les représentants sont membres du pouvoir législatif, sont soumises à l'appréciation d'un tribunal. De plus, l'activité des parlementaires elle-même est rendue impossible. En effet, ils ne pourraient dorénavant plus recourir à des collaborateurs, qui seraient punissables dans la mesure où ils appartiendraient à une organisation criminelle.

Au moment où fut créé le CECLR, la première proposition de loi était déposée au parlement fédéral en vue de priver le Vlaams Blok de son financement public.

Avant d'examiner cette question plus en détail, il nous faut d'abord souligner l'importance du financement public pour un parti moderne.

Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques, chaque parti qui est représenté à la Chambre et au Sénat par un parlementaire élu directement et qui a présenté au moins un candidat pour la Chambre et un candidat pour le Sénat dans chaque circonscription électorale d'une Région ou d'une Communauté lors des élections, a droit à une dotation à charge de la Chambre et du Sénat.

Officiellement, l'objectif du législateur était de renforcer la teneur démocratique de l'État de droit et de mettre les divers partis sur un pied d'égalité sur le plan financier.

La loi a aussi créé une Commission de contrôle chargée de veiller au respect de la loi, en particulier en ce qui concerne les limitations des dépenses électorales des partis et des candidats. Cette commission est composée paritairement de membres de la Chambre et du Sénat.

Comme cette loi a sensiblement limité les possibilités de financement privé des partis politiques, ces derniers dépendent dorénavant bien plus qu'autrefois du financement public.

Pour faire de la propagande et convaincre les électeurs, un parti politique moderne a besoin d'énormément d'argent. Couper les vivres à un parti politique pendant une période prolongée risque à terme de menacer l'existence même de ce parti. Une suppression de la dotation publique emporte par conséquent une limitation grave — même si elle est indirecte — de la liberté d'expression d'un parti politique. Jan Roggen fait remarquer à juste titre que dans la mesure où le financement privé a pratiquement disparu du système, « il convient de se demander si le retrait du financement public ne constitue pas en soi une limitation illicite de droits et libertés fondamentaux qui sont garantis par la Constitution et par la CEDH ».

Surtout pour un parti comme le Vlaams Blok, qui, dans notre société médiatisée à outrance, soit n'apparaît pas dans les médias, soit est tout simplement présenté sous un faux jour, la propagande électorale représente la seule possibilité d'atteindre les électeurs. Priver le Vlaams Blok des dotations publiques équivaut, ni plus ni moins, à signer son arrêt de mort. Les adversaire du Vlaams Blok ne le savent bien entendu que trop bien. C'est ainsi que Paul Pataer, président de la Ligue des droits de l'homme et l'un de ceux qui ont pris l'initiative du procès contre le Vlaams Blok, a affirmé qu'intenter un procès au Vlaams Blok revient à lui porter un coup mortel. En cas de condamnation des trois ASBL, qui constituent le noyau du Vlaams Blok, on assécherait financièrement celui-ci, ce qui provoquerait la chute du parti.

Il n'y a rien d'étonnant, dès lors, à ce qu'après la première véritable percée du Vlaams Blok, le 24 novembre 1991, les premières propositions de loi aient été déposées pour le priver de sa dotation.

La première initiative a été lancée le 12 juillet 1993 par le député PS Claude Eerdekens. Sa proposition visait à insérer un article 15bis qui obligerait chaque parti à inscrire dans ses statuts ou son programme le respect des droits de l'homme.

La véritable teneur et le véritable objectif final de la loi ont déjà été décrits très clairement dans ses développements proprement dits : « La Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 et approuvée en Belgique par la loi du 13 mai 1955, expose en son titre Ier les droits et les libertés dont le respect caractérise tout État démocratique. Certaines de ces dispositions nous semblent d'une particulière actualité, au moment où se font jour des thèses politiques caractérisées par le racisme et la xénophobie (doc. Chambre, nº 1113 1/2).

Lors de la discussion de la proposition de loi en commission de l'Intérieur de la Chambre, M. Eerdekens déclara que la Commission de contrôle — composée de politiques — vérifierait si un parti respecte vraiment les droits de l'homme. Si tel n'était pas le cas, la dotation de ce parti serait suspendue.

L'évolution représentée par la loi n'a pas eu l'heur de plaire à tout le monde. Le représentant VLD Pierco souligna que l'on créait de la sorte un « précédent malheureux » et qu'un parti ne pouvait prendre l'engagement de respecter les droits et libertés fondamentaux que sur une base volontaire. Il ajouta que l'ampleur du financement public dépend du nombre de voix et qu'un parti politique peut être sanctionné par l'électeur s'il foule aux pieds les droits de l'homme. De ce fait, il est aussi sanctionné automatiquement.

C'est là effectivement le noeud (démocratique) de l'affaire. Un parti politique ne rend des comptes qu'à ses électeurs. Il fixe également en toute liberté ses statuts et son programme. Cette liberté est fondamentale dans une démocratie. Si l'électeur estime qu'un parti dépasse la mesure, il peut sanctionner ce dernier.

Comme on l'a indiqué, l'enjeu n'était pas le respect des droits de l'homme, mais la lutte contre un parti politique bien déterminé. La proposition n'était manifestement dirigée que contre le seul Vlaams Blok.

La proposition de loi a été adaptée au pas de charge par la Chambre et le Sénat. L'article 15bis qui en a résulté a imposé à tous les partis d'inscrire dans leurs statuts, pour le 31 décembre 1995 au plus tard, le respect des droits de l'homme tel que garanti par la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH).

À l'occasion des élections pour le Parlement européen, le 12 juin 1994, le Vlaams Blok a progressé et obtenu 12,6 % des voix, soit 60 000 de plus qu'en 1991. Les élections communales et provinciales d'octobre 1994 se sont également traduites par un succès pour le Vlaams Blok. Malgré une campagne de dénigrement sans précédent, les élections législatives du 21 mai 1995 ont à nouveau été gagnées par le Vlaams Blok, sur le slogan « Nu afrekenen ! ». Autrement dit, il était temps de passer à une offensive plus radicale contre ce parti.

Cette offensive a été lancée en février 1996 par le PS. Le PS visait plus particulièrement à faire voter une résolution qui condamnerait l'idéologie d'extrême droite du Vlaams Blok, ce qui aurait pu se traduire ensuite par une diminution de la dotation publique octroyée au Vlaams Blok. Le groupe PS de la Chambre estimait qu'il était nécessaire de faire voter cette résolution parce que les partis flamands laissaient le cordon sanitaire se distendre.

L'inscription de l'article 15bis dans la loi de 1989 est restée sans effets pratiques. C'est pour cette raison que deux députés du PS, Claude Eerdekens et Charles Janssens, ont déposé une deuxième proposition de loi le 23 juin 1997 afin d'obtenir « enfin une application concrète » de l'article 15bis (proposition de loi complétant les articles 15bis et 25 de la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques, doc. Chambre, 1996-97, nº 1084/1, p. 1-2)

Les auteurs de la proposition de loi n'ont jamais caché que leur objectif final était l'élimination d'un parti nationaliste flamand indépendantiste. Pour les deux députés du PS, il était inadmissible que « la collectivité nationale finance encore à l'avenir un ou des partis dont la vocation est de saper les fondements démocratiques de notre État et son existence même » (doc. Chambre, 1996-97, nº 1084/1, p. 2). MM. Eerdekens et Janssens proposèrent de donner compétence à la Commission de contrôle pour priver un parti politique de sa dotation publique, pendant une période qui ne pouvait être inférieure à 6 mois ni supérieure à 12 mois (art. 2 et 3 de la proposition de loi, doc. Chambre, 1996-97, nº 1084/1, p. 3).

Il appartiendrait donc aux adversaires politiques du Vlaams Blok d'émettre un jugement sur le programme de ce parti. Cette proposition de loi a donné lieu à un long débat parlementaire, qui s'est finalement traduit par l'adoption de l'article 15ter.

Les démocrates-chrétiens et les libéraux flamands n'ont clairement pas apprécié la proposition des mandataires PS d'octroyer en la matière des compétences exclusives à la Commission de contrôle parlementaire. Ils voulaient y associer une instance externe, sans quoi le système tout entier ressemblerait trop à un règlement de comptes politique, qui permettrait au Vlaams Blok de se présenter en martyr. Le député PS Charles Janssens a répondu aux objections soulevées qu'elles étaient sans intérêt et qu'« à un moment donné, il faut avoir le courage de combattre effectivement les idées de certains partis, quelles qu'en soient les conséquences éventuelles ».

Il fut finalement décidé de faire appel à une instance externe formelle, décision qui a nécessité les improvisations les plus invraisemblables. C'est finalement le Conseil d'État qui a été habilité en la matière, un pourvoi en cassation étant prévu.

La proposition initiale prévoyait qu'un parti politique pouvait perdre sa dotation publique lorsqu'un acte accompli ou financé par lui-même ou par une de ses composantes, par un de ses candidats ou par un de ses mandataires élus viole la loi antiracisme ou l'article 14 de la CEDH.

Le Conseil d'État a toutefois estimé que cette disposition était contraire à la Constitution. En effet, la Constitution réserve exclusivement aux cours et tribunaux — et non pas à une Commission de contrôle parlementaire ni au collège visé — la mission de se prononcer sur la question de savoir si un comportement constitue une infraction à la loi antiracisme (avis de la section de législation du Conseil d'État, doc. Chambre, 1996-97, nº 1084/13, p. 3).

La solution qui a finalement été retenue dans la loi du 12 février 1999 consistait à rendre possibles des sanctions à l'encontre d'un parti politique si celui-ci montrait son « hostilité » envers la CEDH. Dans le but de liquider un parti d'opposition nationaliste flamand radical, on a donc modifié et la loi sur le financement des partis et la législation sur le Conseil d'État.

La loi vise bel et bien le Vlaams Blok, ainsi qu'il ressort à la fois de la discussion parlementaire, de la presse et de divers commentaires.

Alors que le CVP — en la personne du président de groupe à la Chambre Paul Tant — faisait encore une timide tentative pour le cacher, les socialistes flamands et les partis politiques francophones étaient très clairs sur ce point.

Le président du groupe SP, Louis Van Velthoven, souligna que les partis non démocratiques peuvent être frappés d'interdiction dans les pays voisins de la Belgique. Selon lui, aux Pays-Bas, un parti comme le Vlaams Blok ne recevrait plus aucun financement public et il serait de surcroît déjà interdit depuis belle lurette. Il déplora en outre que la Belgique ne connaisse pas le principe de l'interdiction de recours (séance plénière de la Chambre du 9 décembre 1998, Annales de la Chambre, 1998-1999, 10435-10436).

Le lendemain, le 10 décembre 1998, jour du cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, l'adoption de la proposition de loi marqua le premier pas vers la suppression de la liberté d'expression en Belgique.

La procédure devant le Conseil pouvait être engagée par cinq membres au moins de la commission de contrôle. Un pourvoi en cassation était ouvert contre la décision du Conseil d'État.

Même si, en théorie, cette sanction n'était pas une sanction pénale, dans les faits, cela revenait au même. Certains faits ou certains actes allaient entraîner la perte de dizaines de millions de francs. La procédure conduisant à cette sanction était une procédure purement politique qui bafouait les principes élémentaires d'une procédure pénale normale.

Il est en effet fondamental, dans un État de droit, que dans le cadre d'une procédure pénale, le ministère public exerce seul l'action publique en tant qu'institution neutre après que l'on a procédé à une instruction pénale impartiale et neutre.

Mais dans la procédure qui est prévue, ce sont les partis politiques qui jouent le rôle de procureur. Les hommes politiques qui siègent au sein de la commission de contrôle ont intérêt à faire condamner le Vlaams Blok; les politiciens wallons parce que cela permet de liquider un grand parti séparatiste, les politiciens flamands parce que cela fait disparaître de l'échiquier politique un concurrent politique dangereux et de plus en plus fort.

La procédure prévue viole en outre la présomption d'innocence en matière pénale, qui implique que les organes chargés de l'instruction pénale ne peuvent pas se prononcer sur la culpabilité du suspect. Or il ressort clairement des médias et de la discussion au parlement que cette loi visait uniquement le Vlaams Blok et que la culpabilité de cette formation politique était établie d'avance aux yeux de tous les autres partis politiques. On ne se préoccupe pas de chercher la vérité : la victime expiatoire est toute trouvée.

L'octroi d'une telle compétence au Conseil d'État constitue une violation de la Constitution et des lois coordonnées sur le Conseil d'État proprement dites. Car si ce dernier jouit certes d'un statut spécial en sa qualité de juridiction administrative suprême, il n'appartient cependant pas à l'ordre judiciaire. Il a été créé par la loi en tant qu'organe du pouvoir exécutif. Le Conseil d'État est habilité à connaître des demandes de suspension et d'annulation dirigées contre les actes des administrations publiques. Il est compétent en matière de contentieux administratif. Faire du Conseil d'État une juridiction pénale de fait revenait à violer la Constitution. De son rôle d'organe de contrôle du pouvoir exécutif, le Conseil est passé à celui d'organe de contrôle d'un parti d'opposition qui fait partie du pouvoir législatif.

Un pourvoi en cassation non suspensif était ouvert contre l'arrêt rendu par le Conseil d'État.

Il est totalement inadmissible, dans un État de droit, que le législateur habilite le Conseil des ministres à élaborer toute la procédure par voie d'arrêté royal. Des questions aussi fondamentales que les droits de la défense ou les modalités d'audition des intéressés seraient donc intégralement réglées par le Conseil des ministres.

Un parti politique perd tout ou partie de sa dotation publique si le Conseil d'État considère que ce parti politique « montre de manière manifeste son hostilité envers les droits et libertés garantis » par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 et par ses protocoles additionnels.

Avec cette loi, le législateur belge ignore totalement la genèse et le but de la CEDH, mais de plus, il viole lui-même plusieurs dispositions de cette convention. À l'instar de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme de 1950 a vu le jour en réaction aux crimes commis sous les régimes national-socialiste et communiste. Cette convention protège les citoyens contre les actes de l'autorité et elle ne règle pas les rapports mutuels des citoyens. La CEDH est un instrument à effet vertical et non pas horizontal.

En outre, le législateur belge viole lui-même la CEDH. L'incrimination de l'hostilité à la CEDH est déjà contraire en soi à la CEDH. Les dispositions pénales doivent en effet être claires et précises. La personne qui a adopté une attitude punissable doit savoir qu'elle est punissable.

L'incrimination viole également l'article 10 de la CEDH qui garantit la liberté d'opinion. Dans une contribution du professeur Jan Velaers sur la force du lien d'assujettissement des partis politiques à la CEDH, on peut lire ce qui suit : « Le débat ouvert qui doit pouvoir avoir lieu dans une société démocratique sur tous les sujets d'intérêt public est difficilement conciliable avec le fait de lier les partis politiques à une certaine positivation de droits fondamentaux figurant dans le texte d'une convention internationale et à sa jurisprudence. Aussi respectables que soient la CEDH et ses protocoles additionnels, ces textes ne doivent pas être sacralisés en axiomes intangibles et indiscutables de l'État de droit démocratique. Ce serait contraire, notamment, à l'esprit même de la CEDH et à l'idée si souvent formulée par la Cour européenne des droits de l'homme que les idées qui heurtent, choquent ou inquiètent méritent d'être protégées. L'ouverture, la tolérance et la largeur d'esprit, que cette même Cour considère comme les caractéristiques essentielles de la société démocratique, s'accomodent mal de la promotion d'une certaine positivation (marquée par le temps et le lieu) des droits de l'homme au rang de « nec plus ultra » de la démocratie, ultime expression du « juridiquement correct ». »

Le Vlaams Blok est un parti qui respecte profondément les droits de l'homme. Au cours d'un congrès sur le thème de la démocratie qui a eu lieu le 8 juin 1996, c'est-à-dire in tempore non suspecto, l'on a affirmé clairement que le Vlaams Blok plaidait pour le respect des droits de l'homme et considérait que la CEDH faisait partie intégrante de notre État de droit.

La Cour européenne des droits de l'homme a même déjà souligné qu'il était souhaitable, dans une perspective démocratique, que les partis politiques aient le droit de poursuivre une modification de l'ordre constitutionnel et légal existant moyennant l'utilisation, à cet effet, de moyens légaux et démocratiques et pour autant que les modifications proposées respectent les principes démocratiques fondamentaux.

Le projet à l'examen vise évidemment non pas à assurer le respect des droits de l'homme par les partis politiques, mais à liquider un parti nationaliste flamand de l'opposition qui constitue une épine dans le pied de l'ensemble des partis politiques et de l'establishment belge.

Dans le cadre de la lutte contre le Vlaams Blok, l'on a également correctionnalisé les délits de presse.

En novembre 1996, le Vlaams Blok a lancé sa campagne bilingue à Bruxelles. Du coup, ses opposants politiques bruxellois ont déposé plainte contre lui du chef de diffusion de publications bilingues.

Le 14 novembre 1996, le sénateur SP Fred Erdman a déposé une proposition de loi tendant à mettre en place une procédure sommaire devant la Cour d'assises en vue de la répression effective des délits de presse à caractère raciste (doc. Sénat 1996-1997, nº 472/1). Il proposait de donner au Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme le pouvoir de saisir directement la chambre des mises en accusation de délits de presse à caractère raciste. La proposition contenait par ailleurs une série de dispositions visant à adapter et à simplifier la procédure devant la Cour d'assises en ce qui concerne les délits de presse à caractère raciste.

Le Conseil d'État a fait de la proposition de loi du bois à brûler et a estimé qu'en faisant une distinction entre les délits de presse à caractère raciste et les autres délits de presse on violait non seulement l'article 150 de la Constitution, mais aussi les articles 10 et 11 de celle-ci, qui consacrent les principes d'égalité et de non-discrimination.

Le Conseil d'État déclara explicitement que l'on se rendrait coupable de discrimination en traitant différemment des catégories d'infractions que le constituant a manifestement voulu traiter de manière identique en ce qui concerne la juridiction compétente (avis nº L.27 513/2, in : doc. Sénat 1996-1997, nº 472/8).

Ce n'est pas sans ironie que le substitut du procureur bruxellois Erwin Francis estima que la proposition de loi Erdman, qui visait à combattre les discriminations, fut justement torpillée, parce qu'elle enfreignait l'interdiction de se livrer à des discriminations.

Au cours d'une discussion ouverte avec le procureur général de Bruxelles, M. Benoît Dejemeppe, qui eut lieu en mars 1998, plusieurs parlementaires bruxellois insistèrent pour que leur plainte donne lieu à des poursuites effectives contre le Vlaams Blok. M. Dejemeppe déclara, en tant que fonctionnaire et en tant que magistrat « indépendant et impartial », que les publications du Vlaams Blok avaient effectivement un caractère raciste, mais que, comme que le délit en question était un délit de presse, il n'engagerait aucune poursuite. M. Leman demanda alors aux présidents de tous les partis politiques de correctionnaliser les délits de presse.

Une correctionnalisation généralisée des délits de presse par le biais d'une révision de la Constitution aurait naturellement pour conséquence que non seulement les tracts du Vlaams Blok mais aussi, bien entendu, tous les imprimés, y compris les articles de journaux, perdraient leur protection constitutionnelle.

Pour contourner le problème, le Père Leman lança alors l'idée que si l'on ne retirait de l'article de la Constitution réglant le délit de presse qu'un aspect seulement afin que les écrits racistes puissent désormais être renvoyés en correctionnelle, on ne mettrait pas en péril la liberté de la presse. M. Leman lança donc lui-même une proposition qui, selon le Conseil d'État, va à l'encontre du principe d'interdiction des discriminations inscrit dans la Constitution.

Outre la suppression de la dotation publique du Vlaams Blok et la correctionnalisation des délits de presse à caractère raciste, le Père Leman proposa encore toute une série d'autres mesures, comme l'éviction du représentant du Vlaams Blok du conseil d'administration de la VRT et l'obligation pour la Poste de solliciter l'avis du Conseil de l'égalité des chances et de la lutte contre le racisme pour les tracts à caractère potentiellement raciste. Il s'agit, en d'autres termes, d'une proposition impliquant la violation du secret de la correspondance, l'introduction de la censure et le refus d'un marché public.

En réaction à la lettre ouverte précitée de Leman, une commission « d'exception », illégale, fut créée, à savoir le groupe de travail de Clerck-Reynders, composé de parlementaires de tous les partis, à l'exception du Vlaams Blok. Alors que le VLD s'était toujours opposé à la modification de la loi de financement des partis, il accepta cette correctionnalisation, qui était une mesure plus discrète mais au moins aussi efficace dans la guerre contre le Vlaams Blok. Dans son zèle « démocratique », la commission a méconnu les règles prescrites par la loi et le règlement, aux termes desquelles tout groupe politique doit être représenté partout à la proportionnelle.

Lorsque Leman et les autres adversaires politiques du Vlaams Blok lancèrent leur proposition de correctionnalisation des délits de presse, les journalistes et les éditeurs demandèrent aux responsables politiques de ne pas y donner suite au nom de la liberté de la presse prévue par la Constitution. Ils furent aussitôt rassurés par les responsables politiques, qui leur donnèrent la garantie qu'à l'avenir, les autres plaintes pénales à l'encontre de journalistes seraient également examinées par un tribunal avec jury.

Le projet élaboré par la « commission d'exception » fut déposé aux commissions compétentes de la Chambre et du Sénat. Lors de la discussion, tous les contre-arguments et amendements des élus du Vlaams Blok furent rejetés.

Aux fins d'évincer un parti politique déterminé, tous les partis flamands et wallons ont violé la Constitution. Comme l'a souligné le Conseil d'État à propos de la proposition de loi Erdman, la suppression d'une seule catégorie de délits de presse de l'article constitutionnel concerné est une violation du principe d'égalité et d'interdiction des discriminations.

Toutefois, ni le Conseil d'État ni la Cour d'arbitrage ne purent se prononcer sur la proposition en raison du choix en faveur d'une révision de la Constitution. Stefaan De Clerck et les autres auteurs le reconnurent d'ailleurs sans honte. Il fut « proposé de prévoir, non pas dans une loi adaptée en vertu de la Constitution, mais dans la Constitution même, une exception à la compétence de la cour d'assises en matière de délits de presse, pour ceux de ces délits qui sont inspirés par le racisme et la xénophobie. Cette formule permet d'éviter tout reproche éventuel d'inconstitutionnalité du régime d'exception mis en place. » (commentaire de Stefaan De Clerck et consorts à la Chambre — doc. Chambre, 1998-1999, nº 1936/1). Le constituant est en effet totalement libre et ne doit pas se soucier d'autres articles de la Constitution :

La proposition est également contraire à la liberté d'expression, ce que confirme aussi Erwin Francis (« Enkele bedenkingen bij de correctionalisering van racistisch geïnspireerde drukpersmisdrijven », « Rechtskundig Weekblad », 20 novembre 1999, 391).

Après cette révision constitutionnelle, le Centre Leman put partir à la recherche d'un tribunal afin d'interdire le Vlaams Blok, ce qui a été fait entre-temps.

Le 7 mai — le même jour que la révision de la Constitution concernant la correctionnalisation des délits de presse —, on vota la loi modifiant la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie ainsi que la loi du 23 mars 1995 tendant à réprimer la négation, la minimisation, la justification ou l'approbation du génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la Seconde Guerre mondiale, et on modifia également la loi contre le racisme.

Ainsi, comme l'a souligné le journal « De Tijd », le Vlaams Blok a fait l'objet de poursuites judiciaires à la fin du gouvernement Dehaene II, sur la base de la loi contre le racisme. Comme personne ne souhaitait une procédure d'assises longue et risquée, dont le seul effet aurait été de faire de la publicité au Vlaams Blok, on procéda à une révision de la Constitution en même temps que l'on élabora plusieurs lois d'encadrement. Le gouvernement Dehaene II prépara ainsi le terrain pour la poursuite de la lutte contre le Vlaams Blok.

Dans ce cadre, on a procédé, quelques jours avant la modification de l'article 150 de la Constitution, à une modification à première vue insignifiante de la loi. Grâce à l'instauration de la responsabilité pénale des personnes morales, les associations sans but lucratif pouvaient dorénavant être condamnées pour des infractions au Code pénal et aux autres lois pénales (loi du 4 mai 1999 instaurant la responsabilité pénale des personnes morales). En cas de condamnation pénale, des peines lourdes, comme la dissolution pure et simple, étaient possibles.

M. Ceder voudrait d'abord répondre aux deux réflexions formulées par un préopinant qui s'étonnait de ce que le Vlaams Belang se sentait visé, et qui estimait qu'il s'incriminait lui-même en protestant avec tant de vigueur. Pareil raisonnement fait un peu penser au tristement célèbre Joe McCarthy, qui, lui aussi, rassurait toujours les personnes qu'il avait citées à comparaître devant sa commission : « Mais, si vous n'êtes pas communiste, vous n'avez rien à craindre de cette procédure ! » Le passé et la séparation pas vraiment parfaite, dans notre pays, de la politique et de la justice donnent toutefois à penser que le Vlaams Belang a raison d'éprouver des craintes, à fortiori lorsque le communautaire s'en mêle. Le problème est qu'il sera jugé par une moitié de juges francophones, qui n'oseront pas facilement l'acquitter.

Le même intervenant a dit également que c'était à tort que l'on parlait d'une « loi d'assèchement », puisque le droit à l'existence du parti en question n'était pas compromis.

Les médias ne soulignent toutefois pas suffisamment un certain aspect du financement public des partis, à savoir la raison d'être de celui-ci. Le financement public des partis a été institué en premier lieu pour compenser l'énorme perte de revenus résultant des restrictions considérables qui ont été mises aux possibilités de financement privé. Les deux mesures sont indissociablement liées. Mais si un parti est privé de ses moyens de financement pendant une année — et rien ne dit qu'il ne peut pas l'être année après année —, la possibilité illimitée de financement privé n'existe pas. Dans ce cas, le parti est effectivement privé de revenus. C'est une chose qui n'est pas suffisamment soulignée dans le débat actuel, et certains juristes se sont déjà demandé si la suppression des moyens de financement d'un parti ne portait pas atteinte au droit fondamental d'association.

La présente proposition se situe dans le droit fil de toute une série de propositions et de mesures antérieures visant à éliminer l'opposition nationaliste flamande. Mais c'est sous la coalition violette de Verhofstadt que la répression s'est accélérée. Après les élections de 1999, dans une atmosphère d'euphorie, Verhofstadt avait déclaré que le succès du gouvernement arc-en-ciel se mesurerait à l'aune du recul du Vlaams Blok. On n'allait pas tarder à découvrir de quelle manière lui et le gouvernement arc-en-ciel ont essayé de concrétiser ce recul du Vlaams Blok : en menant non pas une politique digne de ce nom, mais une sale guerre.

Une répression dirigée contre le parti qui menace l'unité de la Belgique. Car c'est de cela qu'il retourne en fin de compte : la survie de la Belgique. À cet égard, la prétendue lutte contre le racisme est surtout un moyen. Quand le prince Philippe, lors d'un voyage en Chine, s'en est pris au Vlaams Belang, il n'a pas fait référence à un prétendu racisme, mais il a parlé de personnes menaçant l'unité de la Belgique. Et le discours était le même dans les journaux francophones : ceux qui pensaient pouvoir y lire des récits d'épouvante sur le racisme et la discrimination dont un gouvernement Vlaams Belang se rendrait coupable, durent déchanter : il n'était question que de la fin de l'État belge. C'est de cela dont on a peur. Et c'est pour cela qu'on s'attaque au Vlaams Belang.

L'entrée du FPÖ, le parti de la liberté libéral-nationaliste de Jörg Haider, dans le gouvernement autrichien début 2000 a donné lieu à une nouvelle campagne de haine et de diabolisation dirigée contre le Vlaams Blok. Tant la politique étrangère aussi hallucinante qu'agressive de Louis Michel que la manifestation organisée à Bruxelles vers la mi-février 2000 étaient en effet à usage purement interne. La question Haider a été entièrement dénaturée et a dégénéré en un combat contre le Vlaams Blok. Lorsque s'est posée la question autrichienne, on a assisté au Parlement belge — à l'approche des élections communales et provinciales — à un déferlement de propositions de résolution et de loi dont certaines visaient à interdire aux « politiciens antidémocratiques » de siéger dans les conseils communaux ou d'exercer un mandat exécutif aux niveaux communal ou provincial et d'autres allaient même jusqu'à une « interdiction pure et simple des partis antidémocratiques ».

La VU-ID et son ancien président Geert Bourgeois ont proposé de faire interdire le Vlaams Blok par la Cour européenne des droits de l'homme. Comme cela prendrait sans doute trop de temps de compléter la CEDH, il a suggéré d'adapter la législation belge et de transformer la Cour d'arbitrage en une Cour constitutionnelle qui aurait alors le pouvoir d'interdire un parti. Son ancien collègue de parti, le sénateur Vincent Van Quickenborne, a lancé l'offensive au Sénat : « Un parti qui foule aux pieds les droits de l'homme de manière aussi manifeste doit être interdit par la Cour européenne des droits de l'homme. »

La possibilité de frapper d'interdiction des partis dits racistes était également inscrite dans le projet initial de plan d'action contre les discriminations, échafaudé par Laurette Onkelinx, ministre PS de l'Égalité des chances. De son propre aveu, Mme Onkelinx ne s'est guère souciée de la suppression de ce passage : « Il s'agit ici d'une mesure qui n'est réalisable que si elle fait l'objet d'un consensus entre tous les partis démocratiques. Ce consensus n'existe pas aujourd'hui, ou pas encore. »

La ministre PS a certainement puisé son inspiration auprès de son époux Marc Uyttendaele, professeur de droit public à l'Université libre de Bruxelles, dont le nom apparaît dans d'innombrables procédures contre le Vlaams Blok. Dans une publication datant de 1999, M. Uyttendaele affirme que la Flandre n'a absolument aucune raison d'être fière du « cancer de l'extrême-droite » qui se dissémine sur tout son territoire. Selon lui, les propositions du Vlaams Blok « infectent » les programmes des partis démocratiques tant dans le domaine de la sécurité que sur le plan communautaire. Il est d'avis que la correctionnalisation des délits de presse à caractère raciste, la modification de la loi relative au financement des partis politiques et la déchéance du droit d'éligibilité pour les élus « racistes » constituent certes une avancée positive, mais que le moment est aussi venu de réviser la Constitution de manière à mettre hors la loi les partis liberticides et à les déclarer inconstitutionnels. Cette publication est importante parce qu'elle résume à la perfection la philosophie de la lutte contre le Vlaams Blok. Au nom de la protection de la démocratie contre les partis dits « liberticides », l'État de droit et la liberté, qui constituent l'essence même de la démocratie, sont abolis.

Alors que le législateur ne donnait pas (encore) suite à l'interdiction prônée par Uyttendaele, l'on a bel et bien procédé dans les faits à la transformation du CECLR en « Observatoire de la Démocratie », comme il le suggérait. Le 17 mars 2000, le Conseil des ministres a approuvé le plan d'action de Mme Onkelinx contre la discrimination ainsi que le principe d'une législation plus stricte contre le racisme. Le gouvernement s'est ainsi rangé derrière la proposition de loi antidiscrimination déposée le 14 juillet 1999 par cinq sénateurs. Aux termes de cette proposition, toute forme de discrimination fondée sur l'orientation sexuelle, l'état civil, la naissance, l'âge, un handicap ou une caractéristique physique devenait punissable. La proposition de loi comportait toute une liste de sanctions et d'amendes pouvant aller jusqu'à deux années d'emprisonnement. Toute personne travaillant pour une association qui défend ou applique une forme de discrimination est également passible de sanctions. La peine infligée au fonctionnaire qui se rend coupable de discrimination est doublée. Le supérieur de ce fonctionnaire peut également être sanctionné si ce dernier peut prouver qu'il a agi sur son ordre. Celui-ci doit alors mettre fin immédiatement à la discrimination et désigner le coupable. Outre la désorganisation complète de la structure hiérarchique de la fonction publique, cela revient ni plus ni moins à créer des situations semblables à celles qui prévalaient dans l'ancienne Union soviétique et dans l'ancien bloc de l'Est. Les compétences du CECLR ont été sensiblement étoffées. Celui-ci allait être transformé en Centre de lutte contre toutes les formes de discrimination, au sens de la proposition de loi.

Par ailleurs, il a été proposé, à l'initiative de Mme Onkelinx, d'apporter plusieurs modifications à la loi antiracisme. De nouveaux types de preuve ont été proposés, tels que le test de situation et la preuve par données statistiques. Le racisme allait désormais aussi être combattu au moyen de diverses procédures civiles. L'on allait aussi pouvoir interdire des publications racistes et déclarer nuls des recrutements ou des locations entachés de racisme. Le racisme est devenu une circonstance aggravante pour une série de délits. Cela signifie que ces délits seront réprimés plus sévèrement lorsqu'ils ont été motivés par le racisme. Les politiciens qui tiennent des propos racistes pourront être destitués par la Justice. Un Code de bonne conduite serait élaboré, en concertation avec le monde des entreprises. Les entreprises qui signent pareil code s'engagent à ne plus prêter leur concours à aucune « initiative raciste ». Des protocoles allaient être négociés avec La Poste et des entreprises privées de distribution afin d'empêcher la diffusion de toute propagande raciste.

Avec l'approbation du plan d'action Onkelinx, le gouvernement Verhofstadt annonça aussi son intention d'adopter « dans les plus brefs délais » un arrêté royal qui permettrait l'application de la loi du 12 février 1999 visant à sanctionner financièrement les partis soi-disant antidémocratiques. Une circulaire a été envoyée aux parquets pour leur enjoindre de poursuivre effectivement les infractions à la loi contre le racisme, y compris — et c'était dit explicitement dans le plan d'action — celles commises par des parlementaires. Si aucune poursuite n'était engagée, le ministre de la Justice pouvait faire usage de son droit d'injonction positive.

Le plan Onkelinx était évidemment dirigé contre le Vlaams Blok. C'est par ce plan que le gouvernement Verhofstadt a amorcé la répression à outrance.

Début 2000 encore, la loi de naturalisation accélérée a été adoptée à la hâte par le Parlement, une loi qui servait la nationalité belge sur un plateau à de nombreux étrangers. La condition d'intégration — un principe fondamental dans tout droit de la nationalité — a été supprimée. Les chiffres qui suivent permettent de se faire une idée des conséquences immédiates de cette loi : selon les données publiées en mars 2001, 24 878 personnes ont fait une déclaration de nationalité entre mai et novembre 2000, contre 5 273 seulement pour toute l'année 1999. Il y a aussi eu une augmentation spectaculaire du nombre de naturalisations. Entre mai et décembre 2000, la Chambre des représentants a reçu 13 337 demandes, contre 12 203 pour l'ensemble de l'année 1999.

Le VLD qui, dans son programme électoral de 1999, avait relevé à juste titre qu'assouplir la législation en matière de nationalité serait donner un mauvais signal aux étrangers, a fait exactement l'inverse une fois au gouvernement. Le VLD Marc Verwilghen qui, juste avant les élections du 13 juin 1999, avait eu des mots très durs concernant le fait « que l'on bradait la nationalité belge » a déposé, une fois ministre de la Justice, un projet de loi qui a eu pour effet de galvauder encore davantage la citoyenneté belge. Comme le fait remarquer Marie-Claire Foblets dans le « Rechtskundig Weekblad », en faisant adopter la loi de naturalisation accélérée, le VLD a fait en sorte que le dossier du droit de vote des étrangers devienne de plus en plus symbolique. La plupart des immigrés qui résident dans notre pays ont en effet obtenu, grâce à la loi de naturalisation accélérée, le droit de vote à tous les niveaux. Le partenaire libéral de la coalition qui, sous la précédente législature, a voulu éluder le débat sur le droit de vote au niveau communal, a fait aujourd'hui une concession bien plus considérable et permis que l'on inscrive dans la loi une tolérance bien plus grande que si on avait bel et bien discuté à l'époque du droit de vote au niveau communal. L'acquisition de la nationalité permet d'obtenir le droit de vote, non seulement au niveau communal, mais à tous les niveaux.

Les partis de gauche et les partis francophones voulaient qu'un maximum d'étrangers puissent participer aux élections communales du 8 octobre 2000. Les partis francophones espéraient, avec les voix des étrangers, continuer à affaiblir la position des Flamands à Bruxelles lors des élections communales suivantes. Les partis de gauche voyaient dans la législation sur la nationalité assouplie à l'extrême à la fois un instrument pour compenser l'érosion de leur propre potentiel électoral flamand et une occasion inespérée d'enrayer la montée du Vlaams Blok dans les grandes villes.

L'on peut effectivement parler avec Marie-Claire Foblets d'« instrumentalisation du droit de la nationalité ». Si le but était effectivement d'anticiper sur le résultat des prochaines élections communales, « l'assouplissement extrême des conditions de naturalisation de 2000 serait une illustration de ce que l'on pourrait appeler l'« instrumentalisation » du droit des étrangers : pour lutter contre l'extrême droite et face au danger de succès électoraux pour les concurrents politiques indésirables dans certaines villes et communes du Royaume, on se sert de l'assouplissement de la naturalisation comme d'un instrument ».

Johan Leman n'a pas caché qu'on s'est bien servi de la législation sur la nationalité comme d'un instrument dans la lutte contre le Vlaams Blok. L'ex-directeur du CECLR a déclaré triomphalement, dans une interview au quotidien De Standaard, que grâce à la loi de naturalisation accélérée, il y aurait tellement plus de nouveaux Belges qu'à terme, le slogan « Eigen Volk Eerst » du Vlaams Blok ne représenterait plus rien. Ce n'est pas un hasard si le CECLR proposait systématiquement un assouplissement de la législation sur la nationalité.

Une naturalisation plus aisée et plus rapide était aussi, selon le ministre PS de l'Économie de l'époque, Charles Piqué, un bien meilleur rempart contre le Vlaams Blok que l'octroi du droit de vote aux étrangers. Selon lui, ce droit de vote aux étrangers ne pouvait certainement pas être le seul rempart. Piqué plaida pour une autre « arme très simple » contre le Vlaams Blok, à savoir carrément une interdiction. C'était, selon le membre du PS, le seul moyen de s'en débarrasser. La seule question pertinente était de savoir « si les Flamands sont disposés à utiliser « cette arme toute simple » contre l'extrême droite. Il va en effet de soi que le parti nuit à la démocratie ».

Malgré les propos dénigrants de Johan Leman au sujet du slogan « Eigen Volk Eerst », ce dernier constitua l'imputation principale dans la citation à comparaître de 134 pages qui avait été signifiée aux trois asbl du Vlaams Blok par le CECLR et par la Ligue des droits de l'homme quelques jours après les élections communales et provinciales. Les dernières élections avaient débouché sur la énième grande victoire du Vlaams Blok. Non seulement celui-ci avait obtenu des résultats spectaculaires à Anvers et à Malines, mais il avait aussi réussi à percer définitivement dans d'autres villes et communes. Les résultats électoraux ont fourni la preuve irréfutable, selon Derk-Jan Eppink, de l'échec du cordon sanitaire décrété à l'encontre du Vlaams Blok.

La campagne électorale avait pourtant été sérieusement entravée du fait que le gouvernement, et plus particulièrement le ministre VLD des Entreprises publiques, Rik Daems, avait associé l'entreprise publique autonome La Poste à la lutte contre le Vlaams Blok. La Poste avait en effet inscrit dans son règlement que les imprimés électoraux qui contenaient des messages racistes ou discriminatoires ne seraient pas distribués. Les envois « suspects » non adressés furent transmis par La Poste au CECLR, qui était chargé de juger d'une manière tout à fait autonome — sans l'intervention d'un tribunal — si une publication était ou non contraire à la loi antiraciste. Le 14 août 2000, entre autres, le Vlaams Blok s'est ainsi vu refuser la distribution de ses imprimés électoraux. Il s'est alors adressé au Conseil d'État. Celui-ci a jugé, le 28 août 2000, que La Poste ne pouvait plus soumettre à un contrôle préventif le contenu des imprimés électoraux non adressés parce que ce serait contraire à la Constitution qui interdit la censure. Le Conseil d'État a déclaré à juste titre que la liberté de la presse et la liberté d'expression seraient vidées de leur substance si elles ne s'accompagnaient pas de la possibilité de distribuer des imprimés et de diffuser des opinions. Ce n'est qu'après l'intervention de la plus haute juridiction administrative de notre pays que la campagne électorale du Vlaams Blok a pu se poursuivre.

Comme il a été dit ci-dessus, quelques jours après les élections, les trois ASBL du Vlaams Blok ont été traduites devant le tribunal correctionnel de Bruxelles par le CECLR et la Ligue des droits de l'homme.

La collaboration entre ces deux organisations en vue d'une citation commune n'a étonné personne. Peu de temps déjà après la correctionnalisation des délits de presse à caractère « raciste » sous le gouvernement Dehaene II, les deux organisations avaient institué un groupe de travail chargé de coordonner toutes les actions et toutes les plaintes contre le Vlaams Blok. Cela a permis, selon Paul Pataer, président de la Ligue, d'adopter une stratégie unique, facile à circonscrire. Quels sujets a-t-on abordés ? « Nous examin(er)ons entre autres à qui il vaut mieux s'en prendre : aux parlementaires du Vlaams Blok, qui jouissent de l'immunité, ou aux membres du parti qui ne sont pas parlementaires, et si nous devons dénoncer uniquement les publications ou également les propos tenus dans les médias audiovisuels. » Comble de l'hypocrisie, M. Paul Pataer a déclaré qu'il n'était pas partisan d'une interdiction de publication comme on l'a fait pour l'écrivain flamand Herman Brusselmans : « La liberté d'expression est et reste sacrée. Elle n'a jamais été remise en cause par notre plainte. Nous voulions simplement sanctionner les membres du Vlaams Blok et soutenir le Parlement, qui, déjà à l'époque, s'attelait à la modification de la loi sur le financement des partis. »

Comme le procès Carpels-Dillen, le « grand procès » constituait en effet une attaque en règle contre la liberté d'expression. C'était une tentative de l'establishment belge réuni de liquider, par une simple procédure judiciaire, un parti d'opposition nationaliste flamand qu'on ne réussissait pas à battre par la voie électorale.

La décision d'entamer des poursuites à l'encontre du Vlaams Blok fut prise par le conseil d'administration du CECLR, le 10 octobre 2000.

Dans un commentaire sur la déclaration d'incompétence du tribunal correctionnel de Bruxelles du 29 juin 2001 et sur les réactions des responsables politiques qui considéraient que la lutte contre le Vlaams Blok ne pouvait pas être menée devant un tribunal, Dirk Achten écrit que la voie judiciaire, a pourtant été considérée initialement par les politiques de Bruxelles, comme une option très attrayante. « Le problème de la croissante embarrassante et parfois difficile à expliquer du Blok aurait été résolu. Plus de discussions sans fin sur les moyens de conduire la lutte contre l'extrême-droite. La chose n'existerait plus. »

L'intention était en effet d'éradiquer « le problème », la « peste brune », « les bousiers ». Le CECLR et la Ligue firent citer les trois ASBL du Vlaams Blok au motif qu'elles collaboraient avec le Vlaams Blok qui, selon le Centre et la Ligue, est un groupement qui pratique ou prône de manière systématique la discrimination ou la ségrégation. Une condamnation signe le glas du Vlaams Blok. Si les ASBL avaient simplement été condamnées en raison de leur collaboration avec le Vlaams Blok ou de leur adhésion à celui-ci, alors tous ceux qui ont apporté leur collaboration au parti ou qui continueraient de le faire seraient punissables et passibles de poursuites. L'adhésion au Vlaams Blok serait donc punissable, mais aussi la location d'un local, la délivrance de documents, etc. En recourant à la procédure devant le tribunal correctionnel, le Centre et la Ligue recherchaient donc un jugement de principe sur le caractère délictueux du Vlaams Blok en tant qu'organisation, ce qui sonnerait le glas de ce parti. La « citation directe » était donc, en fait, une « citation indirecte »: en réalité, on ne voulait pas s'en prendre aux trois ASBL mais bien faire interdire le Vlaams Blok en tant que parti politique.

Les deux organisations avaient juste attendu que les élections communales soient passées pour citer le Vlaams Blok afin d'éviter d'en faire une victime. Il va de soi qu'ils craignaient une réaction de l'électeur. Au cours du procès proprement dit, M. Walleyn admit aussi expressément que, pour la citation, outre la loi contre le racisme, la correctionnalisation des délits de presse et l'introduction de la responsabilité pénale des personnes morales étaient des conditions nécessaires. Dispositif dont les bases furent jetées par le gouvernement Dehaene II.

Alors que l'intention réelle des deux organisations était très claire, on tenta de présenter le procès comme une affaire judiciaire ordinaire dont les conséquences politiques n'importaient guère aux deux organisations. Pourtant, le président de l'époque de la Ligue, Paul Pataer, fut clair sur le véritable objectif du procès. Mais d'autres estimaient qu'il fallait se garder d'exagérer les conséquences d'une éventuelle condamnation et qu'il s'agissait en réalité d'une perte de financement de parti. C'est ce que l'on put entendre également à la VRT radio le lendemain de la condamnation. Mais, d'emblée, le Vlaams Blok avait clairement dit qu'une condamnation conduirait à la dissolution du parti.

Pendant ce temps, le gouvernement arc-en-ciel continuait à resserrer l'étau autour du Vlaams Blok. Presque aussitôt après que la Cour d'arbitrage eut rejeté la requête en annulation du Vlaams Blok contre la nouvelle loi sur le financement des partis, le Conseil des ministres adopta les arrêtés d'exécution rendant la clause de l'article 15ter de la loi de 1989 opérationnelle. La Cour d'arbitrage rendit son arrêt quelques jours avant la reprise du procès correctionnel à l'encontre des trois ASBL. Alors que la loi était clairement dirigée contre le Vlaams Blok, la Cour estima que celle-ci n'avait pas été élaborée dans le but spécifique d'anéantir le Vlaams Blok. Elle précisa aussi que la Commission de contrôle ne pouvait pas être considérée comme un tribunal d'exception et que le fait que la plainte doive être déposée par au moins deux groupes politiques était une garantie suffisante contre les plaintes déposées à la légère. La Cour estima également que les peines n'étaient pas excessivement lourdes au motif que le retrait de la dotation ne pouvait dépasser un an et que chacun demeurait éligible.

Avec un clin d'oeil du côté du procès intenté contre les trois ASBL du Vlaams Blok, la Cour souligna également qu'une condamnation pour racisme constituerait une hostilité à l'égard de la CEDH.

Ce que l'on demanda au tribunal correctionnel de Bruxelles, c'est tout simplement de serrer le noeud que l'on avait mis autour du cou du Vlaams Blok. Les juges étaient soumis à une pression sociale et politique énorme. La stupéfaction de certains médias et du monde politique fut donc grande lorsque le tribunal correctionnel de Bruxelles, plutôt que « d'écraser les bousiers », décida que ce n'était pas elle mais bien la cour d'assises qui était compétente puisque les faits imputés aux ASBL constituaient bel et bien une accusation devant être qualifiée de délit politique.

Les juges firent référence au grand intérêt des médias belges et internationaux pour le procès ainsi qu'à l'interview accordée au début du procès à l'hebdomadaire Knack par le président de la Ligue, Paul Pataer. Le juge affirma que le Vlaams Blok utilisait sans doute ses positions en matière d'immigration dans le but d'instaurer un nouvel ordre politique. Cela transparaissait clairement dans son intention de rendre la Flandre indépendante et d'abolir la monarchie. S'efforçant de dorer la pilule, Me Verstraeten qualifia le jugement de « condamnation morale sévère du Vlaams Blok ». Toutefois, comme le fit remarquer le journal De Standaard, il fallait une loupe pour trouver trace de pareille « condamnation »: « Le ton dominant du jugement traduit plutôt la compréhension pour 600 000 électeurs qui s'inquiètent de l'avenir de notre société. Et que l'on peut difficilement, selon le juge, considérer tous comme des complices d'une organisation criminelle. »

Le jugement disait ensuite qu'il est indéniable que « les choix qui ont été faits jusqu'ici dans le domaine de la politique des étrangers aboutiront irrévocablement en quelques décennies, pour les générations futures, à une autre société, dans laquelle les habitants d'un même pays ne partageront plus les mêmes valeurs et où il sera difficile de trouver un consensus social ».

Le juge exprima la crainte qu'une condamnation du Vlaams Blok emporterait la condamnation des 600 000 électeurs qui avaient voté pour lui, ce qui risquait de conforter ceux-ci dans la foi qui est la leur. Il se demanda également si ces 600 000 électeurs seraient considérés comme des coauteurs ou simplement comme des Belges qui craignent que l'utopie d'une société idéale dans laquelle toutes les races, toutes les cultures, toutes les langues et toutes les religions puissent cohabiter pacifiquement ne se transforme en un cauchemar nourri de conflits sociaux, culturels et religieux insolubles. Il autorisa ainsi implicitement les électeurs du Vlaams Blok à voter pour un parti qui était hostile à la société multiculturelle. « Se pourrait-il que les autres partis démocratiques ne soient pas suffisamment à leur écoute ? », se demanda-t-il, pointant ainsi l'index vers tous les autres partis et rangeant clairement le Vlaams Blok parmi les partis démocratiques.

Les juges bruxellois firent part également des préoccupations qu'ils nourrissaient à propos de la liberté d'expression. Ils estimèrent qu'elle serait menacée au cas où le Vlaams Blok serait condamné, parce que la liberté d'opinion et d'expression est devenue un des fondements garantis de la démocratie et que, du coup, les limitations éthiques prévues par la loi doivent être interprétées et appliquées avec beaucoup de prudence.

MM. Leman et Van der Velpen, qui en furent tout ébahis, nièrent non sans hypocrisie que le procès constituait une tentative de règlement de compte. M. Leman s'en prit ensuite ouvertement aux considérations de fond que le juge du tribunal avait émises dans le cadre de son jugement et s'attaqua même à la personne de ce dernier en faisant la déclaration suivante : » Quand je lis ce jugement, je suis — je pèse mes mots — déconcerté. Pas tellement par la déclaration d'incompétence, mais par la qualité de l'argumentation. (...) Reprenez le jugement. Quand je lis les attendus de ce magistrat, je pense : Brave homme, manifestement tu as toi-même un problème avec la société multiculturelle. ».

Il s'avéra que, si le juge avait considéré que le Vlaams Blok était un parti démocratique, les autres partis n'étaient pas disposés pour autant à renoncer à leur sale guerre contre celui-ci.

Le président de l'époque du SP, M. Patrick Janssens, déclara que le combat contre le Vlaams Blok devait être mené non pas devant les tribunaux mais sur le terrain politique. Le président du VLD, M. Karel De Gucht, souligna qu'il avait prédit à juste titre que l'on arriverait à la conclusion qu'un juge ne peut pas porter de jugement politique. Selon lui, il appartenait aux politiques de trouver eux-mêmes une solution.

Ces réactions sont évidemment hypocrites. Comme on l'a déjà souligné ci-dessus, et comme le dit très justement Luc Van der Kelen, ce sont les politiques qui ont stimulé le Centre dirigé par M. Leman ou qui, à tout le moins, l'ont autorisé à mener la guerre totale contre le Vlaams Blok, y compris devant les tribunaux. Le gouvernement Dehaene Ier, et surtout Dehaene II ont délibérément posé les assises qui ont finalement permis de poursuivre le Vlaams Blok. Comme l'indique le politologue gantois Carl Devos, la privatisation de la politique de poursuites et la correctionnalisation des délits de presse à caractère « raciste », entre autres, ont été des décisions politiques délibérées.

Le chef de file d'Agalev, Jos Geysels, était déçu et voulait que l'on poursuive dans la voie judiciaire. C'était également l'avis du président du CVP, Stefaan De Clerck. D'après lui, la législation était solide et il fallait donc aller en appel. Dans la ligne de ce qu'avait déclaré auparavant Geert Bourgeois, Fons Borginon, le président « faisant fonction » de la VU, estimait qu'il appartenait à une haute juridiction constitutionnelle de juger si un parti sapait ou non la démocratie.

Immédiatement après le jugement, le président du PS, Elio Di Rupo, annonça le dépôt d'une proposition de loi visant à priver les « partis racistes » de leur dotation publique. M. Di Rupo voulait que cette proposition soit examinée d'urgence et que la Chambre et le Sénat se prononcent encore avant le début des vacances parlementaires. Écolo alla encore plus loin et proposa d'inscrire dans la Constitution que les « mouvements antidémocratiques » seraient privés des subsides, des moyens et des mandats qui sont octroyés aux groupements politiques, économiques, sociaux et culturels.

La proposition de M. Di Rupo ne recueillit pas une large adhésion. Tandis que tous les partis flamands fustigeaient la volonté exagérée du président du PS de se profiler, Joëlle Milquet, présidente du PSC, fit remarquer que tout le monde avait droit à des vacances, y compris les parlementaires.

Tant le Centre que la Ligue et le ministère public craignaient et craignent toujours un procès d'assises et ont dès lors interjeté appel. Nonobstant l'invitation passablement claire du Roi à poursuivre le Vlaams Blok, la cour d'appel de Bruxelles a refusé de se laisser entraîner dans ce règlement de comptes politique. Comme l'avait fait le tribunal correctionnel, les conseillers de la cour d'appel jugèrent, le 26 février 2003, que le procès contre les trois ASBL du Vlaams Blok relevait des assises. Les avocats du CECLR ont qualifié la motivation du jugement de mystérieuse, d'imprécise et de passablement originale. Le père Leman se montra lui aussi mauvais perdant : « On s'était attendu à beaucoup de choses, mais tant d'originalité ... Non, cela dépasse toutes nos attentes. » Le père Leman s'étonnait également que le ministère public ait demandé une condamnation tant en première instance qu'en appel : « La contradiction entre le ministère public et les magistrats du siège est captivante. » La « contradiction », comme dit Johan Leman, tient évidemment au fait que le ministère public se voit enjoindre de dire exactement la même chose que le Centre et la Ligue, tandis que les juges bruxellois ont jugé impartialement.

Tandis que le président du VLD, Karel de Gucht, et le président du SP.A, Patrick Janssens, demandaient qu'il soit mis fin au procès, le président du CD&V, Stefaan de Clerck, déclarait qu'il aurait bien aimé que la Cour de cassation rende un arrêt dans cette affaire. Seuls Jos Geysels, chef de file d'Agalev, et Elio Di Rupo, président du PS, persistaient dans leur opinion qu'il fallait combattre le Vlaams Blok par la voie judiciaire. M. Geysels souligna qu'aux Pays-Bas, l'extrême droite avait été condamnée par la justice. M. Di Rupo était d'avis que le Vlaams Blok soit traduit devant la cour d'assises ou qu'à défaut, la Constitution soit modifiée pour permettre au tribunal correctionnel d'être saisi des « délits politiques à caractère raciste ».

Le 26 février 2003 fut une date mémorable sur le plan juridique et politique. Le jour même où la cour d'appel de Bruxelles s'était déclarée incompétente, la Cour d'arbitrage annulait une disposition spécifiquement orientée contre le Vlaams Blok qui figurait dans l'accord du Lambermont. Une certaine partie du volet bruxellois de cet accord réglait en effet l'augmentation du nombre de membres de la Commission communautaire flamande (VGC) sur la base du résultat électoral obtenu au Parlement flamand. Cette extension faisait partie du système « antiblocage », c'est-à-dire des mesures destinées à éviter que le Vlaams Blok, par sa position dominante au sein du groupe néerlandophone du Conseil régional bruxellois, puisse paralyser le fonctionnement de ce Conseil. La VGC se compose des membres néerlandophones du Conseil régional bruxellois. Conformément au volet bruxellois, cinq membres seraient adjoints à la VGC. La répartition de ces cinq mandats ne devait toutefois pas se faire sur la base des résultats des élections pour le Conseil régional bruxellois, mais sur celle des résultats des élections pour le Parlement flamand. La mesure visait nettement à faire en sorte que le Vlaams Blok — qui est plus fortement présent dans le groupe linguistique néerlandais à Bruxelles qu'en Flandre — bénéficie le moins possible de ces cinq mandats supplémentaires à la VGC. La position du Vlaams Blok au sein de la VGC serait ainsi « diluée ». La Cour d'arbitrage décida donc d'en finir avec ce système « anti-Blo(k)cage ».

Comme l'a souligné avec amertume un rédacteur du Standaard, après ces deux victoires remportées sur le gouvernement arc-en-ciel, le Vlaams Blok pouvait effectivement envisager les élections avec confiance.

Les élections du 18 mai 2003 ont été un gros succès pour le Vlaams Blok. Ce parti obtint plus de 18 % des voix en Flandre et progressa très fortement, même en Flandre occidentale et au Limbourg.

Le soir des élections, le secrétaire d'État bruxellois Robert Delathouwer (SP.A) estima qu'au cas où le Vlaams Blok continuerait à progresser à Bruxelles lors des élections régionales de 2004, il pourrait bloquer le fonctionnement de la Région bruxelloise. Une simulation sur la base des élections législatives réalisée par Jo Buelens, politologue à la VUB, montra que cette crainte était fondée. Sur la base des résultats des élections du 18 mai 2003, le Vlaams Blok remporterait 38,8 % des voix dans la Région de Bruxelles-Capitale et occuperait ainsi 7 des 17 sièges réservés aux partis flamands. Quelques voix de plus et il obtiendrait la majorité absolue du côté flamand.

Le nouvel accord de gouvernement ouvrait la voix à la proclamation d'une guerre totale contre le Vlaams Blok. Le texte du chapitre « Une société multiculturelle tolérante » et, plus précisément, le sous-titre « La lutte contre le racisme et les discriminations ethniques » était fort clair à ce sujet. On y disait en substance que certaines organisations expriment des thèses qui menacent les droits et les libertés et qui visent à empêcher la cohabitation pacifique et démocratique de l'ensemble des citoyens du pays. Le gouvernement allait veiller à prendre des mesures effectives contre ces « organisations ».

On allait dès lors poursuivre les électeurs du Vlaams Blok et priver les dirigeants de celui-ci de leurs droits civils. En même temps, on ferait en sorte que la Poste ne puisse plus distribuer les publications du Vlaams Blok et l'on exercerait des pressions sur les entreprises privées pour qu'elles ne prennent pas le relais. L'on avait l'intention, au cas où la Cour de cassation aurait estimé finalement que le procès contre les trois ASBL du Vlaams Blok concernait un délit politique, de modifier l'article 150 de la Constitution de manière que les délits politiques à caractère raciste puissent être examinés par les tribunaux correctionnels. Elio Di Rupo fut servi au doigt et à l'oeil.

Ce chapitre de l'accord de gouvernement copiait encore plus littéralement que les autres le programme électoral du PS. Le point 5 de celui-ci, qui avait le titre éloquent suivant « Une lutte sans merci contre les partis non démocratiques », disait que la démocratie et les partis démocratiques doivent réagir face à la montée en puissance de partis qui, en tout ou en partie, prônent des théories qui portent atteinte aux fondements mêmes d'une cohabitation harmonieuse et démocratique des citoyens. Le PS demandait la correctionnalisation des délits de presse à caractère négationniste à l'instar de la correctionnalisation des délits de presse à caractère raciste. Il demandait également, en faisant référence explicitement à l'arrêt de la cour d'appel du 26 février 2003, qu'un débat soit mené sur la correctionnalisation des délits politiques à caractère raciste ou négationniste. Il exigeait également que, si la Cour de cassation devait confirmer la thèse selon laquelle des responsables d'organisations politiques ne peuvent être condamnés devant les tribunaux correctionnels pour infraction aux lois sur le racisme, les délits politiques soient correctionnalisés pour que le Vlaams Blok puisse être liquidé. Il demandait encore que toute condamnation sur la base des lois réprimant le racisme soit assortie d'une échéance automatique des droits civils et politiques de l'auteur de l'infraction, quelle que soit la qualité de ce dernier. Il demandait enfin que la loi sur les entreprises publiques soit modifiée de manière que la Poste puisse refuser de diffuser des publications racistes. Le PS considérait qu'une exécution effective de la loi « d'assèchement financier » n'était pas suffisante et a exigé que l'on inscrive dans la Constitution un principe général en vertu duquel un parti liberticide condamné serait privé de toutes sortes de droits.

Cette dernière proposition a d'ailleurs aussi été formulée par le FDF. Outre le principe du caractère fédéral de la sécurité sociale, le président du FDF, Olivier Maingain, proposa également d'inscrire dans la Constitution le principe de l'État démocratique laïc. Celui-ci aurait le droit d'interdire les partis « antidémocratiques » ou fondamentalistes. Selon Olivier Maingain, la Cour de cassation ou la Cour d'arbitrage pourrait alors invoquer cette disposition pour déclarer le Vlaams Blok inconstitutionnel. On ne pouvait pas formuler plus joliment le lien entre le maintien des flux financiers astronomiques de la Flandre vers la Wallonie et l'interdiction du parti flamand indépendantiste qui souhaite mettre fin à ce véritable hold-up.

La mise en oeuvre de la stratégie du PS, qui fut aussi adoptée officiellement par le gouvernement fédéral à la suite de l'accord de gouvernement, fut confiée à la ministre PS, Laurette Onkelinx. Tandis que Rudy Demotte, en tant que ministre PS des Affaires sociales, devait veiller au maintien des flux financiers de la Flandre vers la Wallonie et des abus wallons en sécurité sociale, Laurette Onkelinx était chargée, comme ministre PS de la Justice, d'anéantir le seul parti politique susceptible de menacer ces transferts d'argent et le pouvoir du PS en Wallonie, tout entier bâti sur ces transferts. On n'a pas demandé à Laurette Onkelinx d'améliorer le fonctionnement de la justice ni de mettre en oeuvre une politique de sécurité plus efficace, on l'a chargée de faire disparaître l'opposition nationale flamande.

Le gouvernement arc-en-ciel a veillé également à « européaniser » la lutte contre le Vlaams Blok. Il voulait ainsi s'assurer un fondement juridique en cas de procédures ultérieures du Vlaams Blok contre l'État belge devant la Cour européenne des droits de l'homme.

En janvier 2004 — au moment donc où la lutte contre le Vlaams Blok atteignait son paroxysme — parut un rapport de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI), une institution du Conseil de l'Europe. Dans ce rapport, l'ECRI se disait préoccupée par « la propagande nationaliste du Vlaams Blok qui contribue à alimenter un climat de tension entre les différentes régions et communautés de Belgique. » L'institution enjoignait aux « autorités belges » de « faire en sorte que tous les auteurs d'actes inspirés par le racisme et la xénophobie, y compris la diffusion de documents racistes ou xénophobes, soient poursuivis, y compris les partis politiques et les organisations qui y sont liées ». Les autorités belges devaient également « adopter sans plus tarder les modalités d'exécution permettant au Conseil d'État de statuer sur la suppression du financement public des partis faisant preuve d'une hostilité manifeste à l'égard des droits et des devoirs garantis par la CEDH. » Tant le rapport proprement dit que les recommandations étaient spécifiquement dirigés contre le Vlaams Blok.

Bien entendu, ce rapport a bénéficié d'une large attention de la part des médias. Mais ce qu'aucun journal n'a précisé, c'est l'identité du représentant de la Belgique dans cette institution, à savoir l'incontournable Johan Leman. Celui qui, depuis sa désignation en 1994, mène une véritable guerre contre le Vlaams Blok pour des raisons exclusivement politiques — guerre dont le point culminant fut le « grand procès » — est aussi celui qui a rédigé cette partie du rapport de l'ECRI, dans laquelle l'institution incite les « autorités belges » à mener cette guerre.

En application de son programme électoral et de l'accord de gouvernement qui est greffé sur celui-ci, le président du PS, Elio Di Rupo, a annoncé une nouvelle offensive contre le Vlaams Blok lors du congrès de son parti du 12 octobre 2003 : « La démocratie ne doit pas financer ses ennemis. C'est pourquoi le PS demandera au Parlement d'adopter une réglementation permettant de suspendre la dotation aux partis d'extrême-droite. Et cette fois, j'espère que nous réussirons. » Il annonça en même temps que son parti insisterait pour que l'on ouvre le débat sur le droit de vote des étrangers. Un peu plus d'une semaine plus tard, Claude Eerdekens (PS) et Muriel Gerkens (Écolo) inscrivaient à l'ordre du jour de la commission de l'Intérieur de la Chambre une proposition de loi visant à sanctionner financièrement les partis non démocratiques. Di Rupo savait qu'il réussirait cette fois-ci à cause de certains faits politiques.

Les élections du 18 mai 2003 avaient tourné à la catastrophe pour le N-VA. En effet, bien que ce parti eût obtenu 200 000 voix, seul son président Geert Bourgeois décrocha un siège à la Chambre. Comme le N-VA n'avait aucun élu au Sénat, ce parti n'entrait plus en considération pour bénéficier du financement des partis au niveau fédéral. Presque immédiatement après les élections, Geert Bourgeois dénonça l'inégalité de traitement entre les partis flamands et les partis francophones. Il saisit la Cour d'arbitrage d'une question préjudicielle à ce sujet et adressa un courrier aux présidents de la Chambre et du Sénat leur demandant le versement d'une tranche mensuelle. Si le président Stevaert du SP.A y opposa un refus catégorique, le président De Gucht du VLD se montra plus nuancé pour sa part.

Le N-VA n'allait pas pouvoir survivre sans financement public et c'est pourquoi les hautes instances du parti entamèrent des négociations avec le CD&V dans le dessein de former un cartel en vue des élections de 2004, ce qui effraya le VLD. Ce parti ne voulait en aucun cas entrer en concurrence électorale avec un CD&V renforcé. Pour jouer un mauvais tour au CD&V, Bourgeois obtint donc du VLD et du SP.A la promesse que la loi relative au financement des partis politiques serait revue et que le N-VA recevrait malgré tout une dotation fédérale. Subitement, les discussions en vue de la formation du cartel tournèrent court : compte tenu de la perspective d'obtenir une dotation publique, plus rien ne contraignait le N-VA à participer à un cartel.

Bien qu'ayant d'abord déclaré que la loi est la loi, le président de la Chambre, Herman De Croo (VLD) se montra ensuite plus conciliant. Et pour Stevaert, un assouplissement du financement des partis devint tout à coup envisageable.

Le VLD et le SP.A pouvaient compter sur l'appui du PS, en échange de leur promesse de soutenir la proposition de loi Eerdekens. Comme l'a dit Mark Deweerdt, cet accord revenait à permettre au N-VA de passer à la caisse, tandis que le Vlaams Blok se verrait privé de sa dotation, la fin justifiant les moyens.

Le 12 novembre 2003 commença la discussion des deux « dossiers » liés en commission de l'Intérieur de la Chambre.

Parallèlement à l'offensive Eerdekens, les francophones déposèrent aussi, à la Chambre comme au Sénat, des propositions visant à empêcher la diffusion des publications du Vlaams Blok. Les sénateurs socialistes francophones Jean Cornil et Philippe Mahoux déposèrent une proposition de loi dans ce sens, tandis qu'à la Chambre, une proposition similaire fut déposée par Marie Nagy (Écolo). Il est très frappant et significatif de constater que les experts flamands et les experts francophones invités aux auditions du Sénat avaient des avis totalement différents quant à la question de savoir si la Poste pouvait décider elle-même de refuser de distribuer des imprimés électoraux « à caractère raciste ».

L'intention du gouvernement violet de correctionnaliser, sur proposition du PS, les « délits politiques à caractère raciste » dut être mise au frigo après que la Cour de cassation — suivant en cela l'avis de l'avocat général Marc Timperman — eut cassé le 18 novembre 2003 l'arrêt de la cour d'appel de Bruxelles. L'arrêt de cassation fut présenté erronément par l'ensemble des médias comme si la Cour de cassation avait dit que les trois ASBL n'étaient pas accusées d'avoir commis un délit politique. En réalité, la Cour de cassation s'était bornée à dire que l'arrêt en question de la cour d'appel n'était pas valablement motivé.

L'état d'esprit du constituant belge était en effet très clair. Nombre de membres de la constituante de 1830-1831 avaient fait l'objet de poursuites d'inspiration politique sous le régime de Guillaume Ier. Ces procès politiques furent la raison première pour laquelle le constituant prescrivit l'intervention obligatoire d'un jury dans la procédure applicable aux délits politiques comme dans celle applicable aux délits de presse. Le Vlaams Blok est poursuivi pour des motifs purement politiques. La Cour de cassation a donc laissé passer l'occasion d'en revenir à l'esprit initial du constituant.

L'affaire fut renvoyée devant la cour d'appel de Gand. Juste après le prononcé de l'arrêt de la Cour de cassation, Dominique Debrouwere, procureur général près la cour d'appel de Gand, déclara que le procès ne reprendrait pas devant la cour d'appel de Gand avant fin 2004 ou début 2005, à moins que la cour ne décide de traiter cette affaire par priorité, ce qui fut effectivement le cas. Quelques semaines après l'arrêt de cassation, on annonça que le procès contre les trois ASBL reprendrait le 1er mars 2004.

Même le journal De Morgen a estimé que la célérité avec laquelle le procès contre le Vlaams Blok a été mené était très suspecte pour une démocratie : « (...) Cela n'a même rien à voir avec de la stratégie. Le Vlaams Blok est suffisamment fort en matière de communication pour transformer même un échec en une chance de victoire électorale. Il s'agit d'une question de démocratie. Notre journal s'insurgera sans relâche contre l'idéologie raciste de l'extrême droite, mais, trois mois avant les élections, la sérénité fait défaut pour soumettre cette idéologie à l'appréciation d'un juge. Pour l'instant, la lutte contre le Blok doit être menée dans le cadre du débat politique, non devant le juge. »

À la question que lui a posée le chef de groupe VB à la Chambre, M. Gerolf Annemans, sur la vitesse à laquelle le procès s'est déroulé et sur l'exercice éventuel, par son ministère, d'une quelconque pression pour que l'affaire soit traitée par priorité, Mme Laurette Onkelinx a répondu sans aucune ambiguïté que certains dossiers sont traités par priorité : « Cela dépend notamment des risques de prescription, de leur impact social et de la politique des poursuites du ministère public. La décision de traiter un dossier par priorité appartient aux autorités judiciaires » (traduction). Elle a admis que l'instance a été fixée au 1er mars 2004 à la suite d'une concertation entre la cour d'appel et le ministère public. M. Gerolf Annemans lui a répondu qu'en l'occurrence, la justice part clairement d'une approche « deux poids, deux mesures ». Il a renvoyé à cet égard, notamment, à l'affaire Delcroix. Dans cette affaire, l'argument d'un « impact social majeur » et de la proximité des élections a servi à reporter l'affaire au-delà du scrutin. On peut donc supposer, a contrario, que selon ce même critère et parce que l'affaire concerne non pas le CD&V, mais le Vlaams Blok, le premier président et le ministère public ont jugé que le procès devait absolument s'ouvrir avant les élections et que le verdict devrait peut-être être prononcé au cours de la campagne électorale. La ministre PS garda le silence.

À l'occasion d'une interview donnée au quotidien Het Laatste Nieuws juste avant la nouvelle année, M. Guy Verhofstadt en personne a levé un coin du voile à propos de l'issue éventuelle du procès : « Le Blok est né à Anvers, il périra à Gand. » Des propos de mauvais augure à la veille du procès dans « son fief » de Gand.

Comme pour ses procès précédents, on dénia au Vlaams Blok le bénéfice du principe essentiel en droit pénal qu'est la présomption d'innocence. Pour certains médias, le Vlaams Blok était coupable d'avance.

Le comble fut la publication dans De Tijd d'un commentaire de Dirk Voorhoof, professeur en droit des médias à la Rijksuniversiteit Gent. Dans cet article, celui-ci expliquait que l'imminence des élections conférait sans aucun doute à l'affaire une dimension supplémentaire, mais qu'il ne fallait en aucun cas exagérer les conséquences d'une condamnation pénale des trois ASBL. Il signa l'article en sa qualité de professeur et de membre de la Ligue des droits de l'homme, une association qui est une des parties demanderesses et dont l'ancien président, Paul Pataer, avait lui-même déclaré en 2000 qu'une condamnation des trois ASBL entraînerait la disparition définitive du Vlaams Blok.

La pression politique exercée sur la cour d'appel afin de mettre le Vlaams Blok hors la loi prit encore plus d'ampleur après un sondage Le Soir/RTBF du 5 mars 2004 — qui plaçait le Vlaams Blok à la deuxième place, derrière le cartel CD&V-N-VA — et les déclarations qui ont suivi de Laurette Onkelinx au sujet de la situation à Bruxelles. Le procès contre le Vlaams Blok devint ainsi une sorte de test pour jauger l'indépendance et l'impartialité du pouvoir judiciaire.

À Gand, l'affaire a non seulement été mise au rôle en un temps record, elle a aussi été examinée en un temps record. La cour désignée avait aussi libéré spécialement une semaine entière à son agenda et il était clair que, cette fois-ci, les choses étaient bien mieux planifiées. Les défaites successives devant plusieurs tribunaux face au Vlaams Blok avaient rendu le régime nerveux et impatient. Cette fois-ci, cela devait marcher. Le 21 avril 2004, il s'avéra donc que M. Leman avait bien trouvé les juges qu'il cherchait depuis si longtemps.

L'arrêt de Gand ne rime à rien. Les juges ont dû recourir à tous les subterfuges imaginables et inimaginables pour pouvoir conclure à une condamnation. Ils ont notamment dû donner à la loi antiraciste une interprétation très large, ce qui est fort singulier dès lors qu'on a affaire ici à une loi pénale. Bien que la loi antiraciste n'interdise pas l'incitation à la discrimination sur la base de la nationalité (elle mentionne uniquement l'origine nationale, pas la nationalité), les juges ont trouvé une solution créative : selon eux, par origine nationale, il faut entendre également « nationalité ». Tout juriste comprend qu'on se trouve ici en présence de juges qui veulent arriver, quelle que soit la manière, à une condamnation. Car, non seulement le principe d'interprétation restrictive des lois pénales et le principe — plus strict encore — de légalité interdisent ce genre d'interprétations extensives pour des limitations de la liberté d'expression, mais quiconque maîtrise la langue néerlandaise sait que la « nationalité » est tout autre chose que l'« origine nationale ». La nationalité désigne la citoyenneté de l'intéressé. L'origine nationale désigne la citoyenneté des ascendants de l'intéressé. Pourquoi utiliser, sinon, le terme « origine » ? Le fait que les deux notions sont utilisées côte à côte dans une énumération qui figure dans d'autres dispositions de la loi contre le racisme montre bien que les deux termes ont une signification différente. Voilà le résultat d'un travail législatif bâclé. Que s'est-il passé ? Après le premier procès contre Carpels et Dillen en 1993, il est apparu clairement que dans ses propositions, le Vlaams Blok n'avait jamais fait d'autre distinction que celle fondée sur le fait d'être ou non citoyen de notre pays. On a donc apporté en 1994 une modification à la loi contre le racisme. On y a inclus le critère, auparavant non prohibé, de « nationalité », ce qui est curieux, car la convention internationale sur l'élimination de toutes formes de discrimination raciale du 7 mars 1966, faite à New York, sur laquelle est basée la loi antiracisme, mentionnait explicitement qu'une distinction entre les citoyens d'un État et les citoyens d'autres États restait bel et bien permise. Il fallait toutefois que la loi belge se distingue, dans le cadre de l'opération susmentionnée d'instrumentalisation du droit dans un but de politique partisane. Hélas — et la chose est typique de la négligence avec laquelle on légifère chaque fois que la politique et l'idéologie sont en jeu, ainsi qu'en témoigne également la piètreté désolante de la loi contre le racisme —, on avait mal travaillé aussi dans la loi contre le racisme et on avait omis d'insérer le mot « nationalité » dans deux paragraphes. Et pour comble, il s'agissait justement des paragraphes qui concernaient le Vlaams Blok, c'est-à-dire l'incitation à la discrimination.

Au Centre pour l'égalité des chances, on n'était même pas au courant. Dans la citation à comparaître, on partait aussi du principe que l'incitation à la discrimination sur la base de la nationalité était également punissable. Dans son rapport annuel, le Centre avait publié une version erronée de la loi contre le racisme, version dans laquelle le terme « nationalité » figurait bien à tous les paragraphes.

Le législateur devait donc revoir sa copie. Alors que le procès était déjà en cours, on fit appel au Parlement pour adapter la loi une nouvelle fois. L'on ne pouvait pas se limiter à insérer simplement le mot « nationalité » dans les paragraphes où il manquait, car une extension de la loi pénale ne pouvait pas être appliquée avec effet rétroactif. L'on supprima donc le mot « nationalité », arguant du fait que comme « origine nationale » a la même signification, ce mot peut donc être supprimé. Or ce fut précisément l'argument utilisé par la juridiction gantoise pour dire que l'origine nationale comprend également la nationalité.

L'intervenant se demande parfois si le législateur a conscience des machinations politiques et des abus de la loi et des tribunaux, commis à des fins de politique politicienne, dans lesquels il se laisse fourvoyer. Toutefois, l'arrêt n'était toujours pas légitime sur ce point car seules les lois interprétatives peuvent être appliquées avec effet rétroactif en droit pénal, et tel n'était pas le cas.

Il y a encore beaucoup d'autres exemples de manipulation. C'est ainsi que la première citation a tout bonnement disparu au greffe. Pour résoudre le problème, une nouvelle citation a été émise début 2001. Les tribunaux décidèrent, pour des motifs obscurs, de joindre les deux causes. Ayant fait de même, la cour de Gand statua dans les deux causes jointes, alors que dans cette affaire, personne ne savait ce qui figurait dans la première citation. Les fidèles lieutenants de la Cour de cassation n'y virent aucun problème.

La citation contenait les fragments de textes que les parties demanderesses estimaient constitutives d'une incitation à la discrimination. Les livres, revues et pamphlets furent déposés au greffe. Dans ses conclusions déposées à propos de chacune des citations, la défense démontra en quoi ces documents ne constituaient pas une incitation à la discrimination et déposa elle-même plusieurs pièces à verser au dossier. À la lecture de l'arrêt de la cour d'appel de Gand, il apparut que les juges s'étaient basés sur des textes qui ne figuraient pas dans la citation et qui n'avaient même jamais été mentionnés au cours des débats. La défense n'avait donc pas pu se défendre sur ce point. Cependant, les textes en question provenaient des centaines de pièces et des milliers d'articles qui reposaient dans les caisses du greffe, et souvent même d'articles totalement différents. Une nouvelle fois, les fidèles lieutenants de la Cour de cassation n'y entendirent pas malice, alors que quiconque possède ne fût-ce qu'une once de sens de la justice se rendra compte que les droits de la défense ont été violés.

Peut-être le vice le plus important du jugement était-il une contradiction flagrante dans l'arrêt. Pour justifier une restriction du droit à la liberté d'expression, les parties demanderesses, suivies en cela par les juges, s'évertuèrent à prouver en quoi les conceptions du Vlaams Blok mettaient en péril la démocratie et la société. Les paragraphes traitant de cette question contiennent des complaintes grandiloquentes tentant d'établir à quel point le Vlaams Blok est dangereux. Une menace directe pour la démocratie. Or, pour démontrer qu'il ne s'agissait pas d'un délit politique, ce risque devait être minimalisé à l'extrême. Les juges considérèrent donc que le Vlaams Blok n'était subitement plus un danger réel et direct pour les institutions démocratiques. L'on n'en arriverait là qu'en cas de victoire électorale écrasante de ce parti, si bien qu'il n'y avait donc aucun danger pour les institutions ni aucun délit politique. L'on ne sait vraiment pas ce que la cour de Gand entend par « victoire électorale écrasante », mais ce qui est sûr, c'est que le scrutin du 13 juin de cette année l'a été. L'on sait aussi que la cour de Gand y a contribué dans une large mesure.

Si l'on considère la guerre contre le Vlaams Blok uniquement comme la lutte d'un régime en place contre un parti ou mouvement émergent, cette lutte n'a rien d'exceptionnel ni de typiquement « belge ». À la fin du XIXe siècle, plusieurs régimes européens menèrent ainsi une lutte acharnée et ignoble contre le socialisme naissant, usant systématiquement de moyens et de mesures illicites.

L'intervenant se dit interpellé par le passage suivant d'un ouvrage du célèbre dirigeant socialiste néerlandais Ferdinand Domela Nieuwenhuis : « Nous étions dans la première période. On nous ignorait délibérément, la presse ne rapportait pas nos réunions, on faisait exactement comme si nous n'existions pas. Mais nous grandissions malgré cela. Des milliers de gens se pressaient à nos réunions et, qu'on le voulût ou non, on dut bien prendre note de nous, car nous passer sous silence devenait trop stupide pour qu'on persévère dans cette méthode. Vint alors la période de la dérision. On débitait les plus grandes inepties sur nous et sur nos idées. Nous poursuivions notre chemin malgré tout et comme nous continuions à grandir, il fallut trouver autre chose. On se mit à nous poursuivre en nous traînant devant les tribunaux, dans l'idée qu'on pouvait anéantir un principe en neutralisant les meneurs. » Un exemple de procès politique de ce type fut celui engagé contre Nieuwenhuis lui-même, après la publication en 1886 de l'article intitulé « De Koning komt » dans la revue Recht voor Allen. Le plaidoyer final de ce procès est très familier aux membres du Vlaams Belang et reste plus que jamais d'actualité : « Les poursuites ne pouvaient avoir lieu pour cela même qui avait été dit, mais parce que c'était moi qui l'avais dit. L'argumentation n'est pas objective, mais à juste titre une argumentation ad hominem, une argumentation totalement personnelle. Je suis coupable parce que c'est moi. » Nieuwenhuis termina en proclamant qu'on pouvait certes l'emprisonner, mais que l'on ne pouvait pas en faire autant de la social-démocratie : « elle subsiste et n'est pas touchée par les jugements et la jurisprudence. » Il n'en ira pas autrement de l'indépendance de la Flandre.

Lors de la préparation de la discussion du présent projet de loi, M. Buysse a eu son attention attirée par l'éditorial du M. Luc Standaert dans Het Belang van Limburg du 10 décembre 2004 : l'auteur y livre quelques considérations concernant le programme du Vlaams Belang à propos des étrangers. Il souligne notamment « l'évolution des mentalités au cours de la décennie écoulée et le fait que ces dernières années, il y a eu une radicalisation des points de vue sur l'intégration et l'approche des étrangers ». Toujours selon l'éditorialiste, les expulsions collectives d'illégaux par avion sont presque devenues la règle dans beaucoup de pays européens.

Selon l'intervenant, avec les considérations précitées, M. Luc Standaert touche à l'essence du dossier à l'examen : les thèses du principal parti de ce pays, c'est-à-dire celui qui représente le groupe de contribuables le plus important, sont frappées d'anathème et combattues et doivent justifier que l'on prive ce parti de son financement public. Tout cela, alors que nombre de ces mêmes thèses peuvent faire l'objet d'un débat chez nos voisins. Plus encore, dans certains pays européens, ces points de vue sont même devenus des propositions politiques ou ils sont tout simplement mis en oeuvre. Il s'agit pourtant aussi de pays qui ont ratifié la convention européenne des droits de l'homme et tous ses protocoles.

Les partisans du projet de loi à l'examen ne semblent toutefois pas saisir tout à fait cette évolution. Ils restent manifestement aveugles à la réalité politique qui a cours chez nos voisins. Aussi est-il tout à fait à propos et juste de commenter un certain nombre de choses qui se passent dans ces pays voisins.

Comme exemple type, l'intervenant renvoie aux mesures et à la législation qui règlent le regroupement familial. Un dossier qui est tabou dans notre pays alors que d'autres pays européens ont compris, eux, que le regroupement familial était une des principales formes d'immigration qu'il fallait combattre. Au cours des trois dernières années, la législation sur les étrangers a été modifiée au Danemark, en Allemagne, en Autriche, en France, en Italie, en Grande-Bretagne, en Espagne et au Portugal. Certains de ces États ont, dans ce contexte, modifié la réglementation en matière de constitution de famille et de regroupement familial.

C'est au Danemark qu'on est allé le plus loin dans la limitation du regroupement familial. La loi danoise modifiée sur les étrangers est entrée en vigueur le 1er juillet 2002. Dorénavant, les deux conjoints doivent avoir atteint l'âge de 24 ans, alors qu'auparavant, l'âge était de 18 ans, comme en Belgique. Alors qu'auparavant le lien commun du couple avec le Danemark devait au moins être aussi important que son lien commun avec un pays tiers, il est dorénavant requis que le lien avec le Danemark soit clairement plus grand. Autre nouveauté, le conjoint déjà autorisé à résider au Danemark doit se porter garant du conjoint entrant pour un montant de 51 600 couronnes danoises (montant au 1er janvier 2003; environ 6 950 euros). Cette caution est destinée à couvrir les dépenses publiques futures éventuellement exposées en faveur du conjoint migrant (assistance sociale, aide à l'intégration, etc.). Le montant est indexé chaque année. Une condition supplémentaire est que l'étranger résidant déjà au Danemark ne peut avoir bénéficié d'une assistance sociale ou d'une assistance assimilée au cours de l'année précédant la demande de regroupement familial ni entre le moment de l'introduction de la demande et celui de la décision par l'instance compétente. En ce qui concerne les parents et les autres membres de la famille d'étrangers résidant au Danemark, les règles sont renforcées également. C'est ainsi que les ascendants ne peuvent plus prétendre au regroupement familial, pas plus que les autres membres de la famille (frères ou soeurs par exemple), alors que des exceptions à la règle étaient auparavant admises.

La loi autrichienne modifiant la loi relative aux étrangers est entrée en vigueur le 1er janvier 2003. En ce qui concerne le regroupement familial, elle a modifié très peu de choses. Les enfants peuvent dorénavant rejoindre leurs parents qui résident en Autriche jusqu'à l'âge de 15 ans. Auparavant cette limite était fixée à 14 ans. Contrairement à ce que les médias veulent nous faire croire, la législation autrichienne concernant les étrangers a été légèrement assouplie. La Cour constitutionnelle (Verfassungsgerichtshof) autrichienne a estimé que l'ancienne législation portait atteinte au principe d'égalité, à la suite de quoi cette législation a cessé d'être appliquée à la fin de 2002. Une nouvelle législation a par conséquent dû être élaborée. Contrairement à ce qu'espérait la gauche politique, la limite d'âge n'a toutefois pas été portée à 18 ans.

En Italie, le législateur a adopté, le 11 juillet 2002, la loi Bossi-Fini. Cette loi limite notamment la possibilité de procéder à un regroupement familial pour les parents et les autres membres de la famille que les époux et les enfants. Dans le passé, les parents d'étrangers résidant en Italie pouvaient bénéficier de la possibilité d'un regroupement familial lorsqu'ils étaient à charge de leurs enfants. Aujourd'hui, ils ne peuvent plus en bénéficier que s'ils n'ont plus d'enfants dans leur pays d'origine ou que, s'ils ont plus de 65 ans, mais qu'en raison de problèmes de santé graves, leurs autres enfants ne peuvent pas leur assurer les soins nécessaires. Les membres de la famille autres que les parents qui sont à charge de leurs enfants qui résident en Italie en tant qu'étrangers ne peuvent plus bénéficier de la possibilité du regroupement familial.

En République fédérale d'Allemagne fut adoptée, le 20 juin 2002, une nouvelle loi concernant les étrangers, à savoir la « Zuwanderungsgesetz ». Cette loi, qui aurait dû entrer en vigueur le 1er janvier 2003, prévoyait que les enfants d'étrangers qui sont autorisés à résider en Allemagne ne pourraient, en principe, plus bénéficier de la possibilité du regroupement familial que jusqu'à l'âge de 12 ans. Antérieurement, cette limite d'âge était fixée à 16 ans. Les enfants mineurs non émancipés de plus de 12 ans ne pourraient plus rejoindre leurs parents résidant en Allemagne que s'ils possèdent une connaissance suffisante de la langue allemande. Dans le courant du mois de décembre 2002, la Zuwanderungsgesetz a toutefois été déclarée inconstitutionnelle par la Cour constitutionnelle fédérale (Bundesverfassungsgericht), parce qu'il y avait eu des irrégularités lors de son vote au Bundesrat. Actuellement, une commission de médiation entre le Bundestag et le Bundesrat examine la question de savoir ce qui doit advenir maintenant de la nouvelle loi allemande concernant les étrangers.

Plus près de chez nous, les Pays-Bas offrent un terrain d'étude intéressant en raison de l'évolution de la situation à laquelle on y assiste. Les Pays-Bas ont été pendant de longues années le paradis et le pays-pilote pour l'intelligentsia progressiste de Flandre.

La « Miljoenennota 2004 » (note concernant la situation des finances du Royaume), qui est présentée chaque année, le troisième mardi de septembre (Prinsjesdag), aux Staten-Generaal par le ministre néerlandais des Finances consacre un long chapitre à l'immigration et à l'intégration. Les lignes de force de la politique qui y est annoncée peuvent être résumées comme suit :

— Une meilleure intégration. L'on imposera notamment l'obligation de passer un examen de « citoyennisation » (ou d'intégration). On souligne que le candidat à la « citoyennisation » est personnellement responsable de la réussite de cet examen. En outre, il est également question d'une obligation, pour certains groupes d'anciens arrivants encore à définir, de réussir un examen d'intégration.

— Une politique d'admission restrictive. Le gouvernement néerlandais consacre le principe selon lequel les réfugiés devraient autant que possible être pris en charge dans leur propre région. Un projet pilote prévoyant une prise en charge dans la région sera élaboré, en collaboration avec les Nations unies, la Commission européenne et les pays intéressés. Les règles en matière de constitution de cellules familiales et de regroupement familial seront renforcées. On instaurera une limite d'âge à 21 ans ainsi qu'une exigence salariale prévoyant que la personne chez qui « l'immigré familial » viendra s'établir, devra disposer d'un revenu équivalant à au moins 120 % du revenu minimum légal.

— Lutte contre l'illégalité et mise en oeuvre d'une véritable politique de retour. On s'attaquera plus résolument aux problèmes des séjours illégaux et de l'exploitation des illégaux (marchands de sommeil, négriers de la construction, employeurs) par le biais de sanctions financières : amendes, récupération des frais d'expulsion et privation de l'avantage obtenu.

L'analyse du cadre législatif actuel de la politique néerlandaise en matière d'asile et d'expulsion ainsi que des similitudes et des divergences entre les législations belge et néerlandaise donne à réfléchir.

La nouvelle loi néerlandaise sur les étrangers, dénommée « Vreemdelingenwet 2000 », est entrée en vigueur le 1er avril 2001. Tout comme la législation belge, elle prévoit certaines obligations pour les transporteurs au titre de la prévention de l'immigration illégale. Ainsi le législateur néerlandais impose-t-il aux transporteurs l'obligation de prendre les mesures requises afin de ne pas emmener aux Pays-Bas des étrangers qui ne sont pas en possession des documents requis pour accéder au territoire. À défaut, ils encourent une amende, comme en Belgique. Aux Pays-Bas, cette obligation vaut pour tous les transporteurs, quel que soit le moyen de transport employé. En revanche, dans la législation belge, il n'est question que de transporteurs aériens publics et privés, de transporteurs maritimes publics ou privés et de transporteurs publics ou privés qui assurent le transport international de personnes par autobus, autocar ou minibus (on ne parle donc pas des transports ferroviaires). Quant à la perception effective des amendes, elle reste plutôt lettre morte, comme l'a montré une question parlementaire de M. Buysse adressée au ministre de l'Intérieur.

L'article 65 de la « Vreemdelingenwet 2000 » dispose que l'étranger qui est arrivé aux Pays-Bas à bord d'un bateau ou d'un avion exploité par une entreprise de transport et qui doit quitter immédiatement le pays, peut être expulsé à bord d'un bateau ou d'un avion exploité par la même entreprise de transport.

L'article 65 de la « Vreemdelingenwet 2000 » est le pendant néerlandais de l'article 74/4 de la loi belge sur les étrangers, qui dispose que le transporteur public ou privé qui a amené dans le Royaume un passager dépourvu des documents requis pour accéder au territoire doit le transporter ou le faire transporter sans délai dans le pays d'où il vient ou dans tout autre pays où il peut être admis. En vertu de la législation belge, le transporteur est solidairement tenu avec le passager de payer non seulement les frais de rapatriement mais aussi les frais d'hébergement, de séjour et de soins de santé. En outre, les législations belge et néerlandaise coïncident en ce qu'elles prévoient qu'un recours peut être exercé tant contre le transporteur que contre l'étranger lui-même. Mais, selon toute probabilité, le recours contre l'étranger restera plutôt exceptionnel.

L'étranger qui se voit refuser l'accès au territoire néerlandais peut, en application de l'article 6 de la loi 2000 sur les étrangers être contraint de séjourner en un lieu désigné par le fonctionnaire chargé de la surveillance des frontières. Un tel lieu peut être sécurisé contre les départs illicites (centre fermé). En Belgique aussi, il est possible de maintenir dans un centre fermé situé aux frontières l'étranger qui peut être « refoulé » par les autorités chargées du contrôle aux frontières ou qui a introduit une demande d'asile à la frontière (article 74/5 de la loi sur les étrangers).

Contrairement à ce qui se passe en Belgique, aux Pays-Bas, l'étranger reconnu en tant que réfugié ne se voit pas octroyer immédiatement une autorisation de séjour pour une durée indéterminée, mais reçoit seulement, pour commencer, un permis de séjour pour trois années consécutives au maximum. L'étranger qui veut introduire une demande en vue d'obtenir un permis de séjour « asile » pour une durée indéterminée ne peut le faire que si, pendant les trois années consécutives qui précèdent immédiatement la demande, il a séjourné légalement dans le pays sur la base d'un permis de séjour « asile » pour une durée déterminée.

Actuellement, la Deuxième chambre du parlement néerlandais examine une proposition de loi du gouvernement visant à porter le délai de validité d'un permis de séjour « asile » à durée déterminée, de trois à cinq ans. Selon l'exposé des motifs, cette proposition fait partie d'une série de mesures destinées à limiter l'octroi d'une protection internationale à ceux qui en ont vraiment besoin. De plus, dans l'exposé des motifs, la ministre néerlandaise de la Politique des étrangers et de l'Intégration, Mme Verdonk, annonce que l'on sera très attentif aux modifications qui pourraient survenir dans la situation des pays d'origine et justifier le retrait du permis de séjour temporaire.

Concernant la prolongation du délai de validité du permis de séjour « asile », Mme Verdonk renvoie à la situation dans d'autres pays européens et souligne qu'avec le délai actuel de trois ans, les Pays-Bas sont en porte-à-faux par rapport aux autres pays européens, devenant ainsi plus attrayants pour les demandeurs d'asile et les trafiquants d'êtres humains.

La loi néerlandaise sur les étrangers se distingue également de la loi belge en ce qu'elle prévoit qu'une décision doit être prise dans les six mois de la réception d'une demande en vue de l'octroi d'un permis de séjour « asile » pour une durée déterminée ou pour une durée indéterminée.

Contrairement à ce qui est le cas en Belgique, il n'y a pas, aux Pays-Bas, de décision distincte sur la recevabilité. Le délai de six mois dans lequel la demande d'asile doit en principe recevoir une réponse, s'applique dès lors à l'ensemble de la procédure. Il s'ensuit que le nombre de recours que le demandeur d'asile débouté peut introduire aux Pays-Bas est moins élevé qu'en Belgique. Il s'ensuit également qu'il n'y a, aux Pays-Bas, qu'une seule instance chargée d'élaborer la décision relative à l'asile : c'est le Service d'immigration et de naturalisation (IND), qui ressortit au ministère de la Justice.

Si la demande d'un permis de séjour « asile » est rejetée, l'étranger est censé quitter volontairement les Pays-Bas dans un délai de quatre semaines. S'il ne se conforme pas à cette obligation, il peut être expulsé. Il convient de mentionner la disposition de l'article 45, alinéa 1er, d), de la loi 2000 sur les étrangers, qui prévoit qu'une fois passé le délai dans lequel l'étranger est censé quitter volontairement les Pays-Bas, les fonctionnaires chargés du contrôle des étrangers sont compétents pour pénétrer dans tout endroit, y compris une habitation, sans y avoir été autorisés par l'occupant, en vue d'expulser l'étranger. L'ex-Vlaams Blok avait déjà déposé une proposition de loi visant à insérer une disposition similaire dans la législation belge relative au séjour.

L'article 82 de la loi 2000 sur les étrangers prévoit que les effets de la décision relative au permis de séjour sont suspendus soit jusqu'à l'expiration du délai de recours, soit jusqu'à ce que le recours introduit ait fait l'objet d'une décision. Le recours est donc suspensif, sauf lorsque la demande de permis de séjour « asile » pour une durée déterminée est rejetée en l'espace d'un certain nombre d'heures à déterminer par un règlement d'administration publique (procédure sommaire). La demande est alors traitée dans un centre où les étrangers doivent se présenter à la frontière. Si la demande d'asile est rejetée dans les 48 heures de la procédure, le délai d'appel est d'une semaine. Dans les autres cas, le délai de réclamation et de recours est de quatre semaines.

En Belgique, le recours urgent introduit auprès du commissaire général aux réfugiés et aux apatrides contre une décision d'irrecevabilité prise par l'Office des étrangers est suspensif dans tous les cas. Une décision d'irrecevabilité n'est pas non plus exécutoire tant qu'un recours urgent peut être introduit (article 63/5, alinéas 1er et 2, de la loi du 15 décembre 1980). De même, la décision de fond du commissaire général aux réfugiés et aux apatrides, concluant qu'il n'existe pas de motifs de reconnaître la qualité de réfugié, ne peut pas être exécutée tant que ce recours peut être introduit devant la Commission permanente de recours des réfugiés et tant que ce recours n'a pas fait l'objet d'une décision (article 57/11 de la loi du 15 décembre 1980).

Par dérogation aux règles de droit administratif néerlandais applicables à la plupart des décisions des autorités administratives, aucune réclamation n'est ouverte contre les décisions en matière d'asile, qui peuvent seulement faire l'objet d'un recours en première instance devant le tribunal d'arrondissement (branche administrative) de's Gravenhage et en deuxième instance devant la section d'administration du Conseil d'État néerlandais. Cette dernière se prononce dans les 23 semaines de la réception de la requête d'appel. L'appel n'est pas suspensif.

En ce qui concerne les demandeurs d'asile déboutés, la législation néerlandaise est comparable à la nôtre.

Mais il y a une différence importance entre les deux législations en matière d'asile : aux Pays-Bas, tout demandeur d'asile débouté peut être maintenu en détention dans un centre fermé, tandis qu'en Belgique, cela ne vaut que pour les demandeurs d'asile déboutés qui sont entrés en Belgique sans être en possession (entrée illégale) des documents requis autorisant l'accès au territoire, et uniquement avant la phase d'examen du bien-fondé de la demande. Ce dernier point implique que lorsque l'Office des étrangers a déjà pris une décision d'irrecevabilité précédemment et que le commissaire général aux réfugiés et aux apatrides décide qu'un complément d'examen s'impose, l'étranger en question ne peut plus être maintenu en détention dans un centre fermé. Il est mis fin immédiatement au maintien en centre fermé lorsque le commissaire général décide qu'un examen complémentaire s'impose. Le maintien en centre fermé en application de l'article 74/5 n'est possible, lui aussi, qu'au cours de la phase d'examen de la recevabilité de la demande et des limitations de la durée du maintien en centre fermé analogues à celles de l'article 74/6 sont applicables (selon le cas, deux, cinq ou huit mois).

L'article 59, paragraphe 1er, de la loi néerlandaise de 2000 sur les étrangers (Vreemdelingenwet 2000) prévoit que le demandeur d'asile débouté qui a épuisé toutes les voies de recours ou tout autre étranger en situation illégale peut être placé en détention, en vue de son expulsion, dans l'intérêt de l'ordre public ou de la sûreté nationale.

La Belgique connaît un régime similaire qui s'applique aux demandeurs d'asile déboutés ainsi qu'aux autres illégaux qui se trouvent déjà sur le territoire. L'Office des étrangers offre en principe à ces étrangers ne disposant pas d'un titre de séjour en cours de validité la possibilité d'opter pour un retour volontaire. Mais s'ils ne donnent pas suite, volontairement et dans le délai fixé, à l'ordre de quitter le territoire, ils peuvent être reconduits à la frontière de leur choix ou embarqués pour une destination de leur choix. Ils peuvent être détenus à cette fin pendant le temps strictement nécessaire pour l'exécution de la mesure d'éloignement (article 27 de la loi du 15 décembre 1980).

Même lorsqu'il n'est pas fait application de la possibilité offerte par l'article 7, alinéa 2, de la loi belge sur les étrangers et que l'étranger en situation illégale est donc réputé donner volontairement suite à l'ordre de quitter le territoire, le ministre de l'Intérieur ou l'Office des étrangers n'est nullement tenu d'appliquer l'article 27 de la loi du 15 décembre 1980, c'est-à-dire de procéder au rapatriement forcé de l'étranger en question lorsque ce dernier ne donne pas suite, dans le délai fixé, à l'ordre de quitter le territoire. Autrement dit, l'article 27 revêt lui aussi un caractère facultatif. Le ministre belge de l'Intérieur a toutefois annoncé récemment que les illégaux pris pour la deuxième fois seront maintenus systématiquement dans des centres fermés.

Globalement parlant, cette brève comparaison entre le droit d'asile en Belgique et aux Pays-Bas montre surtout que la législation néerlandaise est beaucoup plus simple et plus transparente que la nôtre. Pour ce qui est de la'sévérité', il va de soi que la législation belge en matière d'asile exerce un attrait plus grand sur les demandeurs d'asile potentiels que la législation néerlandaise, en raison du fait qu'un réfugié reconnu comme tel en Belgique se voit immédiatement délivrer un permis de séjour permanent, tandis qu'aux Pays-Bas, il ne reçoit pour commencer qu'un permis de séjour à durée limitée.

Un instrument extrêmement intéressant dont on dispose aux Pays-Bas dans le cadre de la lutte contre les illégaux réside dans le fait que, dès l'expiration du délai de départ volontaire, les agents chargés de la surveillance des étrangers peuvent, en vue de l'expulsion, pénétrer n'importe où, y compris dans une habitation, sans l'autorisation de son occupant (article 45, paragraphe 1er, phrase liminaire et sous d), Vreemdelingenwet 2000). Ils ne doivent donc pas chaque fois demander un mandat de perquisition, comme c'est le cas en Belgique.

M. Buysse souligne que le ministre néerlandais de la Politique des étrangers et de l'Intégration a déposé, le 21 novembre 2003, à la Tweede Kamer van de Staten-Generaal, une note intitulée « Terugkeernota, maatregelen voor een effectievere uitvoering van het terugkeerbeleid » (« note sur les retours, mesures en vue d'une application plus efficace de la politique de retour »).

La note sur le renvoi des étrangers est fondée sur l'idée que le renvoi des illégaux est moins un élément essentiel des procédures du droit des étrangers qu'une composante à part entière de la politique menée à l'égard des étrangers. La ministre néerlandaise Verdonk souligne qu'il s'avère, aux Pays-Bas, que 70 % des demandes d'asile sont infondées et que quelque 35 % des demandes de « permis de séjour régulier » sont rejetées. Par conséquent, il est essentiel que la procédure du droit des étrangers tienne sérieusement compte de la possibilité d'un renvoi. Il s'agit, selon Mme Verdonk, de ne pas donner de faux espoir aux demandeurs d'un permis de séjour.

Les mesures proposées dans la note sur le renvoi des étrangers visent à réduire le nombre d'étrangers qui séjournent aux Pays-Bas sans en avoir le droit. On peut y arriver en limitant le nombre d'illégaux entrant aux Pays-Bas et en veillant à ce que les illégaux séjournant aux Pays-Bas quittent effectivement le pays. Le gouvernement néerlandais veut briser, dans les années à venir, la tendance à la baisse du nombre d'expulsions effectives.

M. Buysse conclut que la politique actuelle des Pays-Bas dans le domaine en question ne tombe pas du ciel. Elle est le fruit d'une conception réaliste des choses par les grands partis néerlandais. Selon M. Buysse, il conviendrait que les partis de la majorité cessent de se laisser aveugler, au sein de la commission, par les victoires électorales successives du Vlaams Blok et s'inspirent des positions adoptées dans une série de dossiers concernant les étrangers par les partis néerlandais qui leur sont apparentés, comme le VVD, le CDA et D66.

Selon le rapport « Investeren in Integratie » du Wetenschappelijk Instituut voor het CDA, de mars 2003, on s'est abstenu trop longtemps d'imposer des conditions aux travailleurs immigrés, parce qu'on considérait que leur séjour serait temporaire. Cette absence de contrainte, qui masquait de part et d'autre de l'indifférence et du désintérêt, a engendré un manque de clarté. Le CDA estime que chaque être humain compte et doit pouvoir participer pleinement à la vie en société. Cela signifie qu'il faut imposer des conditions non seulement aux personnes qui souhaitent venir s'installer aux Pays-Bas, mais aussi à ceux qui y résident déjà (pour une période plus ou moins longue). Les conditions qu'on impose aux nouveaux venus aux Pays-Bas dans le cadre de la politique de « citoyennisation » (intégration) doivent évidemment être imposées aux « anciens entrés », c'est-à-dire à ceux qui sont arrivés dans le passé. On peut attendre des Néerlandais qu'ils accueillent toutes ces personnes dans la société qui est la leur.

Le programme de recommandation « Nederland Integratieland » (Les Pays-Bas, pays d'intégration) comporte, selon M. Buysse, un chapitre intéressant qui est intitulé « Migratie en inburgering » (immigration et intégration) :

« Une grande partie des immigrants non néerlandais — il y a parmi eux beaucoup d'enfants — viennent pour des raisons de fondation de famille ou de regroupement familial. Quiconque veut se marier avec un partenaire venant de l'extérieur des Pays-Bas et faire venir ce partenaire dans le pays doit pouvoir se tirer d'affaire — socialement et financièrement — dans la société néerlandaise. L'un des deux au moins doit avoir pour cela un emploi et un revenu (pas une allocation) et disposer d'un logement régulier adéquat. Le partenaire étranger doit préalablement faire en sorte (par cours internet ou par correspondance, par exemple) de maîtriser la langue néerlandaise et de connaître les us et habitudes du pays. Ceci afin de promouvoir la prise de conscience et de lutter contre l'inégalité dans les relations et la vulnérabilité des femmes. Le mariage forcé est combattu.

Le programme d'intégration devra davantage mettre l'accent sur les « connecting values », comme la citoyenneté active. On ne demande pas aux nouveau-venus de renier leurs propres racines mais, à partir de ces racines, de fournir une contribution active à notre société. Le non-respect de l'obligation d'intégration doit être sanctionné (retrait de l'autorisation de séjour).

La question de l'immigration matrimoniale — on fait venir un partenaire du pays d'origine — est un problème de société en soi. Cela accroît la pression sur les nouveau-venus qui n'obtiennent pas un permis de séjour pour le travail d'abord, mais pour raison de mariage.

À l'aide de ces comparaisons circonstanciées, M. Buysse a voulu montrer que les pays précités ont adopté des points de vue et des législations dont on retrouve les lignes directrices dans les thèses du Vlaams Belang. Or, il a été poursuivi et condamné quant à lui en raison de ses prises de position politiques et il sera même sanctionné financièrement si le projet à l'examen est adopté.

Mme Jansegers note que le Vlaams Belang préconise simplement l'application, vis-à-vis des étrangers, d'une politique certes sévère, mais aussi juste et respectueuse des principes de la CEDH.

Quiconque part du principe que chaque peuple a droit à un place où il puisse être lui-même, où il puisse parler sa langue et appliquer les valeurs et les normes qui sont les siennes, entrera automatiquement en conflit avec ceux qui se sont faits les hérauts de ce qu'ils appellent la société multiculturelle, une utopie qui se solde en pratique par un déracinement massif et par une ghettoïsation, et qui engendre un racisme réciproque.

À l'époque, le Vlaams Blok fut le seul parti flamand à oser briser le tabou sur le dossier de l'immigration et il en fut récompensé par un « cordon sanitaire » inspiré par l'extrême-gauche, qui fit de lui le paria de la classe politique.

Ces dernières décennies, les problèmes liés aux étrangers et à l'immigration se sont profondément modifiés et les positions du Vlaams Belang à cet égard ont également évolué.

Pendant la première moitié des années 80, le Vlaams Blok a lancé le débat sur les travailleurs immigrés et les problèmes liés aux étrangers, et a également formulé une série de propositions concrètes. En 2000, le parti a publié un nouveau texte, actualisé, exposant son point de vue sur les problèmes liés aux étrangers. Ainsi, toutes les anciennes propositions, en ce compris le plan en 70 points, ont cessé de faire partie du programme, ce qui n'empêche pas que certaines de ces propositions demeurent toujours actuelles.

Le gouvernement arc-en-ciel a initié une politique de la porte ouverte pour les étrangers, en particulier par la régularisation des illégaux et l'assouplissement de la législation sur la nationalité. Le Vlaams Belang continue à critiquer fermement cette politique, qui n'est certainement pas soutenue par une majorité en Flandre. Il continue à défendre le droit de rester maître dans son propre pays, le droit de demander aux étrangers de respecter nos lois, notre langue et notre culture, le droit de renvoyer dans leur pays les personnes qui ont abusé de la procédure d'asile, ainsi que les illégaux et les criminels, et, enfin, le droit, comme n'importe quel pays du monde, de mettre en oeuvre, dans les domaines où cela s'avère utile et nécessaire, une politique « pour notre peuple d'abord », fondée sur le critère de la nationalité et ce, dans le respect, bien entendu, des traités internationaux.

Au cours des dernières décennies, l'Europe occidentale s'est trouvée confrontée à un problème social de taille : la présence massive sur son territoire de personnes issues d'un environnement culturel fondamentalement différent. Il existe souvent un fossé trop important entre la culture du pays d'origine et la culture du pays hôte. Il s'ensuit que de très nombreux étrangers de religion musulmane vivent concentrés dans certains quartiers qui, au fil du temps, finissent par devenir des enclaves, des espèces d'îlots culturels. On peut à peine parler d'une société au vrai sens du terme. Beaucoup d'étrangers disposent de leur propre réseau social, culturel, religieux et commercial, et forment des communautés autarciques, repliées sur elles-mêmes.

Le Vlaams Belang met l'accent sur les dangers du déracinement culturel. La part de la criminalité, en particulier des jeunes étrangers, dépasse très largement la part de population que ceux-ci représentent. Les autorités se gardent bien de révéler ces chiffres, mais des indications objectives, telles que la population carcérale, confirment les affirmations du Vlaams Belang.

En raison du caractère fondamentalement non européen de l'islam, le Vlaams Belang souhaite que le culte islamique ne soit plus reconnu. Cela n'affecterait en rien le principe de la liberté de religion.

En dépit des très nombreux projets, des multiples subsides et des milliers d'éducateurs de rue et de travailleurs multiculturels, l'intégration, principalement, des étrangers non européens, demeure un échec.

À cet égard, la culture est un facteur important, et vouloir ramener tous les problèmes à la précarité économique ou à l'existence du Vlaams Belang, comme le font les autres partis politiques, c'est se masquer la réalité.

Selon Mme Jansegers, si l'on impose à la population un modèle de société multiculturel, on sèmera les germes d'un désordre social qui exposera les générations suivantes à de virulents et désastreux conflits.

Dans une interview parue le 27 octobre 2004 dans le journal « Het Laatste Nieuws », le professeur Urbain Vermeulen a déclaré que, d'ici trente à quarante ans, la région qui s'étend du nord de la France, avec Lille, Roubaix et Tourcoing, jusqu'à Rotterdam, formera une enclave islamiste. La Flandre et Bruxelles en feront partie. D'ici vingt ans déjà, Bruxelles sera la plus grande ville maghrébine en dehors du Maghreb. Les fonctionnaires européens vivront à Dilbeek, Rhode-Saint-Genèse, Louvain, Londerzeel et à Wavre-Sainte-Catherine (...). Notre société sera déstabilisée. Les musulmans soulèveront un problème après l'autre, poseront de plus en plus d'exigences et transformeront nos quartiers. Ce sera peut-être la fin du modèle culturel européen prédominant.

Le professeur Vermeulen reproche à nos politiciens et à tous les partisans du multiculturalisme mal compris de porter atteinte aux principes pour lesquels nos ancêtres ont si ardemment combattu, qui ont fait de cette petite partie du monde quelque chose d'unique en termes de démocratie, de prospérité, de liberté et de tolérance. Tous ces acquis pour lesquels ces musulmans sont venus chez nous sont désormais menacés. Les musulmans se moquent de nous, ils nous prennent pour des femmelettes et ils ont raison. Les politiciens démissionnent de plus en plus.

L'intervenante renvoie au rapport du 27 mars 2003 du Comité d'avis pour l'égalité des chances entre les femmes et les hommes (doc. Sénat, nº 2-1142/01), concernant la situation de la femme en Arabie Saoudite, dans lequel on peut lire : « Le wahhabisme repose sur une interprétation très restrictive du Coran, que le régime d'Arabie Saoudite essaie d'exporter en le diffusant au sein des musulmans vivant à l'étranger, y compris en Belgique. » et « L'Arabie Saoudite exerce une grande influence à l'étranger, que ce soit via les médias, les écoles islamiques, les mosquées. Elle exerce un contrôle sur de nombreux médias, notamment des chaînes de télévision. »

Dans le rapport du voyage d'étude de la commission de la Justice (doc. Sénat, nº 2-1142/1, annexes), cette commission dit dans ses conclusions générales que le caractère « missionnaire » du régime ne laisse pas d'inquiéter.

Il ressort du rapport d'activité 2001 du Comité permanent de contrôle des services de renseignements et de sécurité du 19 juillet 2002 (doc. Sénat nº 2-1171/1) que ce comité est préoccupé par l'influence saoudienne dans notre pays.

Le programme du Vlaams Belang sur la question des étrangers peut se résumer comme suit :

— Mise en place d'un système sans faille pour bloquer les flux migratoires, notamment en réexaminant le système du regroupement familial.

— Désamorçage de la bombe à retardement démographique, en menant une politique favorable à l'enfance et à la famille.

— Levée du tabou entourant le problème de la criminalité parmi la population d'origine étrangère, renvoi des criminels étrangers vers leur pays de provenance.

— Abandon de la politique de discrimination positive en matière d'emploi et de couverture sociale.

— Arrêt de l'endoctrinement multiculturel dans l'enseignement.

— Halte aux abus dans le domaine du droit d'asile et rapatriement des demandeurs d'asile déboutés.

— Rapatriement des illégaux.

— Renforcement des conditions d'octroi de la nationalité.

— Élaboration d'une politique de retour encadré.

En 1974, la Belgique, à l'instar de la plupart des autres pays européens, a décrété un blocage de l'immigration, mais cette décision n'a jamais été suivie d'effet. Les chiffres de l'Institut national de statistique montrent en effet qu'entre 1974 et 2000, près d'un million et demi d'étrangers sont entrés dans notre pays en toute légalité. Il n'en demeure pas moins que le principe du blocage de l'immigration est fortement mis sous pression à l'heure actuelle. Les Nations unies et l'Union européenne plaident en faveur d'une nouvelle vague migratoire pour résoudre le problème du vieillissement et ce, alors qu'en Flandre, le taux de chômage chez les Nord-Africains et les Turcs est cinq à six fois plus élevé que dans la population autochtone ...

Le tissu social a été trop violemment perturbé par les événements des dernières années. Une politique d'immigration active doit dès lors être basée sur le principe « adaptation ou retour ». Il faudra déjà une mobilisation générale pour que notre société parvienne à digérer l'immigration massive des quarante dernières années et la confrontation culturelle qui en résulte. Mais cette politique est vouée à l'échec si, dans l'intervalle, les robinets restent grand ouverts. Toute politique de redressement devra donc passer par un blocage réel de l'immigration, c'est la condition sine qua non.

Mais il est clair que les partis classiques n'ont pas la volonté politique de le faire.

À l'origine, le regroupement familial partait d'une bonne intention. Les travailleurs immigrés n'étaient en principe nos hôtes que pour un temps limité. Qui était opposé à ce qu'ils fassent venir leurs proches ? Depuis, le système du regroupement familial n'a plus rien du retour à une vie familiale normale, il est carrément devenu une forme d'immigration de population. Il est dès lors urgent de revoir le principe du regroupement familial. Dans son livre « Couscous met frieten », Mme Mimount Bousakla adopte le même point de vue : « Peut-être ne vous êtes-vous jamais posé la question, mais la loi instaurant une procédure accélérée de naturalisation est une monstruosité. Un couple marocain acquiert la nationalité belge. Dans le cadre du regroupement familial, qui va beaucoup plus loin pour les Belges qui ont de la famille à l'étranger que pour les non-Belges, ils peuvent faire venir leurs proches : beaux-parents, frères, soeurs, ... En vertu de la loi de naturalisation accélérée, ces personnes auront elles aussi tôt fait d'acquérir la nationalité et par conséquent de faire venir leurs proches. On peut parler d'un effet boule de neige. Chaque année, de plus en plus de nouveaux immigrants arriveront en Belgique, non pas dans le cadre d'une procédure d'asile mais dans celui de la loi instaurant une procédure accélérée de naturalisation. Beaucoup d'allochtones de la deuxième génération y voient un problème. Ils ont en effet consenti des efforts considérables pour s'intégrer, apprendre le néerlandais, etc., et constatent aujourd'hui avec amertume que chaque semaine, des avions débarquent une foule de nouveaux immigrants qui doivent repartir de zéro. Ce n'est pas de bon augure si l'on veut régler les problèmes de société dans notre pays et si l'on veut promouvoir l'émancipation de ceux qui vivent ici. (traduction) »

Mme Jansegers estime que, si l'on renonce en outre à endiguer cet afflux, la minorité que constituaient jadis les étrangers deviendra une majorité en beaucoup d'endroits. Et comme Jan Marijnissen du parti socialiste néerlandais l'a souligné en juillet 2004 dans Deng, « prôner l'intégration dans un quartier qui compte 80 % d'étrangers a quelque chose d'absurde, vous ne trouvez pas ? »

Si, demain, on permet aussi aux 65 millions d'habitants que compte la Turquie de rejoindre l'Union européenne, et que tous ces gens obtiennent donc le droit à la libre circulation des personnes et au libre établissement, Mme Jansegers juge la prévision du professeur Vermeulen très réaliste.

On ne peut pas aborder la problématique des étrangers sans tenir compte de certaines constatations démographiques. La pression aux portes de l'Europe continuera de s'intensifier. Les prévisions des Nations unies en matière de population montrent que le nombre d'Européens régressera sensiblement et qu'au cours de la même période, la population africaine augmentera considérablement.

La présence en Europe d'un nombre sans cesse croissant d'étrangers non européens engendre des problèmes non seulement en Flandre, mais dans l'Europe tout entière. C'est ainsi qu'en France, un tiers de l'ensemble des naissances sont désormais d'origine non européenne. Dans certaines grandes villes, la majorité des jeunes qui fréquentent l'école est déjà d'origine non européenne. L'Europe est au seuil de ce que l'on peut appeler sans exagérer une colonisation par des millions d'immigrés.

À cela s'ajoutent l'inquiétante faiblesse du taux de natalité de la population flamande et le problème du vieillissement. Les statistiques de l'INS relatives aux naissances par nationalité des parents pour les années 1995 et 1997 fournissent quelques données intéressantes. Dans la Région de Bruxelles-Capitale, le taux des naissances issues d'un père et d'une mère étrangers était de 41,84 % en 1997, contre 43,8 % en 1995; en 1995, dans 19,5 % des cas, un seul des parents était de nationalité étrangère et en 1997, ce taux était passé à 24 %; en 1995, les deux parents n'étaient de nationalité belge que dans 36,7 % des cas et en 1997, ce taux était descendu à 33,26 %.

Dans l'arrondissement d'Anvers, les naissances issues de deux parents de nationalité belge sont passées de 76,3 % en 1995 à 71,71 % en 1997. Le nombre de cas où un des parents était de nationalité étrangère y était de 12,82 % en 1997, contre 9,1 % en 1995. Le nombre de naissances issues de deux parents de nationalité étrangère est passé de 14,6 % à 15,47 %.

M. Johan Leman, l'ancien directeur du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme, déclarait dans le journal « De Standaard » du 15 janvier 2001 que le Vlaams Blok doit d'urgence trouver de nouveaux slogans car, avec l'évolution démographique, ses slogans actuels sont dépassés. Que voudra dire encore « notre peuple d'abord » dans quinze ans ? Avec l'assouplissement de la législation sur la naturalisation, on compte tellement de nouveaux Belges que ce slogan n'a plus guère de sens.

Il est clair qu'outre des mesures telles que la fermeture des frontières, le développement d'une politique de retour et la promotion de l'assimilation, il faut mener au plus vite une politique familiale saine permettant d'inverser la courbe démographique descendante.

Il faut lutter contre l'insécurité dans les quartiers ghettos des grandes villes et inciter les jeunes ménages à s'y installer de nouveau.

Le Vlaams Belang insiste depuis des années pour que les ministres de la Justice et de l'Intérieur communiquent les chiffres de la criminalité étrangère, mais il existe un tabou à ce sujet. Le gouvernement a en effet décrété un black-out total en la matière, dans l'espoir inavoué que les problèmes se résoudront tout seuls.

Lorsque le ministre de la Justice a proposé, après les élections législatives de 1999, de commander une étude sur la criminalité des jeunes allochtones, la gauche belge a réagi de manière hystérique. Bien que le lobby multiculturel ne cesse de prétendre que la criminalité des étrangers n'est pas supérieure à celle des Flamands, on refuse à l'évidence toute étude objective sur le sujet. Le Vlaams Belang dénonce cette attitude de l'autruche et affirme que dans une démocratie, il est essentiel que la population dispose d'informations correctes.

Ce qui s'avère impossible en Belgique l'est pourtant chez nos voisins « progressistes » des Pays-Bas. Fin 2000, une étude du Service de recherche nationale de la police néerlandaise sur la criminalité étrangère a été publiée. À cet effet, les informations ont été puisées dans les fichiers de la police où sont enregistrés la nationalité et le lieu de naissance de tous les suspects pour l'année 1998. Les résultats de cette étude, dont l'objectivité est incontestable, sont ahurissants. Presque un tiers des délits commis aux Pays-Bas est imputable à des suspects étrangers. L'étude insiste d'ailleurs sur le fait que les délits pour lesquels des Néerlandais naturalisés sont suspectés ne sont pas repris dans les chiffres relatifs aux étrangers.

Passons en revue quelques autres résultats surprenants de cette étude : parmi les suspects, les Turcs sont trois fois plus représentés que les Néerlandais, les Marocains presque cinq fois et les autres Africains presque six fois. Il faut également tenir compte du fait que les Néerlandais commettent relativement plus d'infractions routières alors que les étrangers sont, d'une manière relative, davantage suspectés pour des délits plus graves. Ainsi les Marocains ont-ils, en 1998, été soupçonnés de délits violents (assassinat, vol avec violence, maltraitance) six fois plus que leur proportion dans la population ne le laisserait supposer, et cela va même jusqu'à 7 à 8 fois plus pour les délits en matière de drogue. Une autre conclusion surprenante est que les étrangers de la deuxième génération sont, en termes relatifs, moins soupçonnés de délits que les étrangers de la première génération.

En Belgique aussi, 42 % de la population carcérale est de nationalité étrangère. Dans une interview accordée au journal « De Morgen » du 30 novembre 1994, Luc Lamine, ancien commissaire en chef anversois, confirmait qu'en ce qui concerne la criminalité urbaine à Anvers, quatre faits sur cinq sont imputables à des immigrés. Telle est la réalité quotidienne. Des bandes de jeunes, surtout issus de l'immigration, font la loi dans certains quartiers et commettent des délits que les autorités qualifient de « petite criminalité », à savoir des vols de sacs à main, des vols dans les voitures, des insultes, du vandalisme, etc. On sait très bien qu'il existe un trafic de drogue dans de nombreuses ASBL turques et marocaines mais on n'intervient guère. La police reçoit souvent pour instruction de ne rien faire afin d'éviter les « provocations inutiles ».

La principale cause du comportement criminel de nombreux jeunes étrangers doit être recherchée dans leur déracinement culturel. D'un côté, ils sont confrontés à des normes strictes à l'intérieur de la communauté islamiste mais, d'un autre côté, ils sont exposés à une société plus permissive et qui fait preuve de laxisme dans sa lutte contre la criminalité. Ce qui est sévèrement sanctionné à la maison, ne l'est pas à l'école ou dans la rue.

Il ressort du fameux rapport de Marion Van San, consacré à la criminalité et à la criminalisation des jeunes allochtones en Belgique (Amsterdam University Press, Amsterdam, 2001, nº 90-5356-525-6) que dans notre pays, les faits et les problèmes en matière de criminalité étrangère demeurent un tabou. Cette criminologue belge, docteur en sociologie, avait déjà fait ses preuves dans ce domaine chez nos voisins du nord et fut invitée à étudier également ce problème dans notre pays. Les partis traditionnels et les médias qualifièrent ce rapport d'inutilisable, mais, en réalité, ils le jugeaient politiquement incorrect et trop dangereux.

Lorsque la presse eut vent de ce rapport, le ministre de la Justice de l'époque, M.Verwilghen, fut bien obligé de le mettre à la disposition du Parlement.

Mme Van San a aussi tordu le cou au mythe selon lequel la part disproportionnée des étrangers dans la criminalité serait due uniquement à la mise à l'écart et à la discrimination dont ceux-ci sont victimes.

L'énorme croissance de la grande criminalité organisée que l'on a enregistrée dans notre pays au cours de la dernière décennie est imputable en grande partie à l'immigration, qu'elle soit légale ou non. Le rapport final du 8 décembre 1998 de la Commission parlementaire chargée d'enquêter sur la criminalité organisée en Belgique (doc. Sénat, nº 1-326/9) relève que dans pas moins de 56,5 % des cas de « crimes organisés », les auteurs sont de nationalité étrangère. D'après le rapport, ce sont surtout les organisations criminelles d'Europe de l'Est qui ont fait main basse sur notre pays. Des organisations originaires de l'ex-Yougoslavie se livrent au trafic d'armes et de drogues ainsi qu'à la criminalité violente. La maffia russe s'est installée à Anvers et à Bruxelles, où elle se livre au trafic de drogues et d'êtres humains (pour la prostitution forcée), à la vente de vêtements de contrefaçon et au blanchiment à grande échelle d'argent d'origine criminelle. Des criminels albanais sont souvent engagés pour des règlements de comptes.

La présence d'un groupe grandissant de jeunes étrangers déracinés, conjuguée à la montée de l'islam fondamentaliste, forme un cocktail dangereux.

Il est essentiel de traiter tout le monde sur un pied d'égalité et donc de ne pas mener une politique de tolérance à l'égard de certaines formes de criminalité ou de certaines catégories de criminels.

Il faut s'attaquer résolument aux problèmes du crime organisé et des bandes de jeunes. Dans les quartiers où le problème de la criminalité se pose de manière aiguë, les autorités doivent rétablir l'ordre par des mesures telles qu'interdire aux mineurs de se réunir afin de lutter contre la formation de bandes, placer des caméras, créer de nouveaux centres de rééducation pour les criminels qui n'ont pas encore atteint l'âge de la majorité, et renforcer les contrôles d'identité.

Il faut développer, dans le cadre de la structure unitaire existante, une police des étrangers bien équipée qui s'occuperait de tous les aspects policiers de la politique des étrangers.

Le Vlaams Belang est favorable à une modification de la loi qui contraindrait les étrangers condamnés dans notre pays pour des faits criminels graves à quitter le territoire belge. Il s'agirait naturellement d'une procédure individuelle, assortie des voies de recours habituelles. Le juge ne pourrait déroger à l'expulsion automatique que moyennant une décision motivée et dans des circonstances très exceptionnelles.

Le Vlaams Belang préconise aussi de modifier la loi afin de retirer la nationalité belge aux personnes disposant d'une double nationalité, qui, dans une période de cinq ans à compter de l'acquisition de la nationalité belge, se sont rendues coupables de faits criminels graves. Il s'agirait ici encore d'une procédure strictement individuelle, assortie des voies de recours habituelles.

Alors que le chômage a tendance à régresser depuis quelques années, tel n'est pas le cas chez les étrangers. Les pouvoirs publics consacrent pourtant chaque année des centaines de millions à des projets d'intégration et d'emploi destinés aux étrangers.

Le nombre de demandes d'asile n'a fait qu'augmenter ces dernières années puisque l'on est passé de 13 000 demandes en 1990 à plus de 35 000 en 1999. Déjà sous les gouvernements Dehaene, la Belgique était, après les Pays-Bas, le pays où le nombre moyen de demandes d'asile était le plus élevé de toute l'Europe. Notre pays arrivait en troisième place pour ce qui est du nombre de demandes par habitant et même en quatrième place, pour ce qui est du nombre de demandes en chiffres absolus. Les seuls pays qui nous devançaient étaient l'Allemagne, le Royaume-Uni et les Pays-Bas. Sous le gouvernement Verhofstadt, au sein duquel la gauche a eu entièrement les coudées franches, la situation n'a fait que s'aggraver. Les lois sur les régularisations et sur l'assouplissement des conditions d'acquisition de la nationalité ont donné « bonne réputation » à la Belgique auprès de tous ceux qui veulent tenter leur chance d'entrer en Europe. Le premier ministre Guy Verhofstadt a annoncé une nouvelle politique d'asile, mais ce plan a entre-temps été retiré puisque, à en croire le gouvernement, on n'a plus enregistré « que » 2 000 demandes d'asile par mois en 2001. S'il est vrai que l'on a enregistré une baisse en 2001, force est cependant de reconnaître que, par rapport à 1998 et aux années qui précèdent, il s'agit en fait d'une hausse. Il a été décidé que les demandeurs d'asile ne recevraient plus d'argent, mais jamais on n'a élaboré de réelle politique d'expulsion et de rapatriement, qui devrait pourtant être la clé de voûte de toute politique d'asile efficace.

M. Louis Tobback a écrit dans son livre « Zwart op Wit » en 1995 : « Les réfugiés qui viennent s'installer ici comme des mouettes sur une décharge parce que c'est plus facile que de pêcher ou de cultiver la terre chez eux, doivent être expulsés systématiquement. » Est-ce là une position du SP.A ?

Le membre renvoie au livre de Bassam Tibi de 1998 « L'Europe sans identité ? — La crise de la société multiculturelle », dans lequel le politologue jette une boule dans le jeu de quilles multiculturel. Selon Tibi, l'intégration a échoué. Juste après la Seconde Guerre mondiale, l'Europe comptait à peine un million de musulmans. En 1998, ils étaient déjà plus de 15 millions. Ce groupe de population doublera voire triplera au cours des premières décennies du nouveau millénaire : « une poudrière ». La capacité de l'Europe à éviter un scénario catastrophe à la bosniaque dépendra de son aptitude à intégrer les musulmans.

Bassam Tibi tend un miroir à l'Europe et l'image que celle-ci y découvre n'est pas réjouissante. Tibi plaide pour un « euro-islam » qui accepte et respecte l'identité européenne et qui partage les valeurs et les normes occidentales. Il est favorable à une culture de référence européenne et à un dialogue sans tabou. Pour cela, il faut faire preuve de courage politique, renoncer au « politiquement correct » et à la trivialité morale à bon marché et résoudre les véritables problèmes. Toujours selon Bassam Tibi, « l'intégration n'est possible que si l'on enterre l'idée du multiculturalisme. ».

Le membre conclut que les véritables motivations qui sous-tendent le projet à l'examen n'ont rien à voir avec des considérations morales ou éthiques, mais avec les transferts de fonds considérables de la Flandre vers la Wallonie. L'élan de solidarité né à l'échelle mondiale à la suite des tsunamis en Asie du Sud-Est a généré un montant de deux milliards d'euros, mais il s'agit d'une opération unique. Or, la Flandre transfère chaque année quelque six milliards d'euros vers la Wallonie. Les partis francophones espèrent que l'élimination du Vlaams Belang puisse sauvegarder ces transferts. Ils n'ont pas, eux, à justifier leur action auprès des électeurs flamands. Ce sont les partis flamands qui adopteront ce projet avec eux qui seront sanctionnés.

M. Van Overmeire prend Mme Leduc au mot, qui a voulu interrompre l'intervenante précédente en lançant que c'est dans la retenue qu'on reconnaît le maître. Eh bien, son parti ferait peut-être mieux de faire preuve de retenue dans l'interminable suite de sanctions que l'on prend depuis 16 ans à l'encontre du Vlaams Blok et de son continuateur, le Vlaams Belang.

L'intervenant ne comprend pas bien cet acharnement. Une sanction se prend pour faire changer un comportement. En droit pénal aussi, on n'inflige pas une peine pour se venger ou pour se montrer cruel; on punit pour corriger un comportement. Il y va donc de l'efficience d'une sanction.

Entretemps, le Vlaams Blok est devenu le Vlaams Belang et son programme a incontestablement évolué. Ce programme va aujourd'hui bien moins loin que la politique gouvernementale de bon nombre d'États membres de l'Union européenne.

Or la réaction est de dire que le Vlaams Belang assagi est encore bien plus dangereux que le Vlaams Blok et qu'il convient de le combattre avec une ardeur renouvelée. On n'espère quand même pas que ce parti devienne pro-belge et pro-immigration ?

Le Vlaams Belang a pour avantage que le mécontentement suscité en Flandre par le fonctionnement des institutions belges, la discrimination subie par les Flamands au sein de la Belgique, la problématique incontrôlée de l'immigration, etc., s'exprime de manière démocratique, légale et pacifique lors des scrutins. Quelque 24 % de la population flamande envoie un signal clair qui signifie que quelque chose ne tourne vraiment plus rond dans ce pays.

Tout au long de ses 27 années d'existence, le Vlaams Blok s'est efforcé, de diverses manières, d'être l'interprète de la population. Quelle que soit la manière dont le discours est formulé, il n'est jamais bon. L'unique but est, en effet, l'anéantissement de ce parti. Toute autre solution ne sera pas satisfaisante.

La question est de savoir si on peut y parvenir. Des exemples existent à l'étranger, comme en Turquie, où on a tenté d'éliminer le parti fondamentaliste et où celui-ci est finalement parvenu au pouvoir. Cette stratégie est-elle bien conforme au principe démocratique, en vertu duquel les élections sont censées manifester la volonté de la population ?

Si les collègues wallons, essentiellement, se donnaient la peine de prendre la température en Flandre, ils constateraient qu'ils sont encore très loin d'avoir atteint leur objectif. Seize ans de campagne anti-Blok n'ont en rien entamé la vigueur du mouvement, bien au contraire. Le mouvement est profondément enraciné dans la population et peut aujourd'hui compter sur le soutien d'un million d'électeurs.

Très souvent, les autres partis ont une attitude totalement irrationnelle à l'égard du Vlaams Belang. Ce n'est pas le cas du PS. Son programme vise la destruction du Vlaams Belang. En effet, plus le Vlaams Belang se renforce, plus la majorité flamande se crispe et radicalise ses positions dans des dossiers comme Bruxelles-Hal-Vilvorde et la scission de la sécurité sociale, et plus le risque est grand que le robinet des transferts financiers vers la Wallonie se ferme. Si la manoeuvre réussit, c'est une bonne chose pour le PS. Si elle échoue, alors le Vlaams Belang est politiquement isolé et, sous l'effet de la campagne de diffamation menée à son encontre, il gagne en popularité et remporte ainsi élection après élection.

Cela aussi, c'est une bonne chose pour le PS, car, dans ce cas, les partis flamands traditionnels cèdent du terrain et il est alors susceptible de devenir le plus grand parti de Belgique. Dans ces conditions, on peut comprendre que le SP.a participe à la stratégie du cordon sanitaire puisqu'elle lui confère un poids politique disproportionné. D'ailleurs, s'il est aux affaires à tous les niveaux, c'est d'abord à l'exclusion du Vlaams Belang qu'il le doit.

Bien d'autres politiciens sont plus difficiles à comprendre. En fait, ils n'approuvent pas le projet de loi car ils le jugent contre-productif. Mais ils regardent toutes les actions prises au nom du cordon sanitaire comme des lucioles la lumière. Ils sont prisonniers d'une « pensée unique » qui a pour nom « cordon sanitaire ». C'est sur cette pensée que se fondent les partis démocratiques autoproclamés dans leur chasse aux sorcières contre le Vlaams Belang. C'est sur elle encore que reposent toutes les propositions de loi visant à interdire, faire condamner et étrangler financièrement le Vlaams Blok.

Cette lutte contre un parti est sans précédent dans l'histoire politique belge. En 1994, Manu Ruys déclarait, à titre de comparaison, que même au plus fort de sa période stalinienne, le parti communiste belge n'a jamais été traité comme le fut le Vlaams Blok.

Pour bien comprendre ce qu'est le « cordon sanitaire », il faut se rappeler les conditions dans lesquelles il a vu le jour. C'était en 1989, l'année qui a suivi les élections communales au cours desquelles le Vlaams Blok a progressé en de nombreux endroits. Dans le journal « De Morgen » du 30 mars 2002, M. Hugo Gijsels nous rappelle qu'il avait trouvé cette expression dans la médecine vetérinaire. Il avait estimé qu'elle convenait parfaitement au Vlaams Blok, auquel il fallait faire subir le même traitement que les porcs en temps de peste. Quelle correction !

C'est en 1988 qu'eut lieu la première tentative visant à isoler politiquement le Vlaams Blok. Elle fut prise par Jos Gheysels d'Agalev et Jef Sleeckx du SP, alors que ce problème n'intéressait encore personne.

Le 10 mai 1989, l'initiative finit quand même par réussir. Les présidents des cinq grands partis de Flandre signèrent un accord dans lequel ils prirent l'engagement de ne conclure aucune alliance politique avec le Vlaams Blok. Toute forme de collaboration était aussi exclue. L'intention était d'empêcher à tout jamais le Vlaams Blok de se hisser au pouvoir par le jeu des coalitions. Le protocole énonce clairement que l'on s'engage à ne pas conclure d'accords ou d'arrangements politiques avec le Vlaams Blok, ni dans le cadre des organes élus démocratiquement aux niveaux communal, provincial, régional, national et européen, ni dans le cadre des élections à ces niveaux.

Cet accord a tenu à peine une semaine. Le président de la VU à l'époque, M. Jaak Gabriels, le fit capoter en disant qu'aucun des partis signataires n'était satisfait de ce protocole, que celui qui n'est pas d'accord avec un parti doit le combattre avec les moyens démocratiques et parlementaires dont il dispose et qu'une alliance de tous contre un seul est absurde.

C'était il y a seize ans. Aujourd'hui, nous sommes à nouveau confrontés à un tel accord. La seule différence est que ce fameux parti, qui obtenait à l'époque 6 % des voix, en possède aujourd'hui 24 %. Les autres partis devraient penser à se demander s'ils travaillent efficacement.

Après que la VU s'était retirée de ce protocole, le CVP estima lui aussi que celui-ci n'était plus qu'un chiffon de papier. Le PVV suivit. Guy Verhofstadt déclara alors qu'il fallait combattre le Vlaams Blok en s'attaquant aux problèmes dont il tire son succès et non pas en continuant à parler de lui. Comme il ne restait finalement que le SP et Agalev, cette deuxième tentative d'instaurer un cordon sanitaire échoua.

Avant les élections du 24 novembre 1991, le président de l'époque du SP, Frank Vandenbroucke, essaya de mettre tous les partis démocratiques d'accord pour éviter toute forme de « populisme intolérant » dans le courant de la campagne électorale. Ward Beysen (PVV) torpilla immédiatement l'idée. Elle fut toutefois reprise par une série d'organisations chrétiennes qui demandèrent à tous les partis, à l'exception du Vlaams Blok, de s'engager à ne pas mener une campagne « raciste ». Le fait que la VU et le PVV ne souscrivirent pas à cet engagement est fort révélateur. Rien de tout cela n'eut beaucoup d'effet, car les élections du 24 novembre 1991 furent, pour le Vlaams Belang, ce qu'il appela un « dimanche agréable » et, pour les autres partis, un « dimanche noir ».

L'on vit immédiatement naître une organisation appelée « Charta 91 » qui représentait tout le monde politique du centre à l'extrême gauche. « Charta 91 » voulait barrer la route au Vlaams Blok. À partir de janvier 1993, 200 flamands connus lancèrent l'opération « cordon sanitaire » et déclarèrent qu'ils refuseraient de coopérer avec le Vlaams Blok à tous les niveaux.

L'on alla même jusqu'à installer des « poteaux capteurs » autour desquels des volontaires amoncelèrent de la propagande dite raciste. À l'époque, on savait déjà ce que l'on faisait. Quelque 600 mandataires politiques signèrent l'accord relatif au « cordon sanitaire ».

En Flandre, en tout cas, le doute subsista. On était obligé de participer à ce genre de campagne, mais le doute était toujours présent. Bert Anciaux écrivit à cette époque, aux sections de la VU, une lettre dans laquelle il disait ce qui suit : On peut avoir des remarques au sujet du moyen d'action choisi et se demander si c'est la bonne manière de combattre le Vlaams Blok et de le placer en position de perdant. D'autre part, il est clair toutefois qu'une collaboration politique avec le Vlaams Blok est impossible pour toutes sortes de raisons tenant au programme. J'ai estimé en tout cas de ma responsabilité de vous informer de l'action. Vous avez assez d'expérience politique pour juger s'il est opportun de la signer.

Des 42 500 personnes qui furent candidates aux élections commmunales en Flandre à l'époque, seules quelque 5 000 signèrent ce texte, soit à peine 15 % d'entre elles. La plupart des signataires faisaient partie d'Agalev ou du SP. Un quart des candidats du VLD et du CVP signèrent également le texte. Des candidats de la VU, 7 % le signèrent finalement. La section anversoise du VLD refusa tout bonnement de signer la déclaration.

Au lendemain des élections communales (8 octobre 1994), « Charta 91 » lança une nouvelle initiative et soumit à nouveau, aux conseils communaux, un texte dans lequel on demandait aux partis de signer une déclaration de principe selon laquelle leurs candidats ne soutiendraient aucune initiative contraire aux droits fondamentaux de l'homme. Le texte de la déclaration était ainsi rédigé qu'une série d'élus du Vlaams Blok, qui se refuseraient toujours à prendre une quelconque initiative contraire aux droits de l'homme, la cosignèrent.

Sur le terrain, le « cordon sanitaire » fut souvent inexistant. À Asse, par exemple, il y eut un accord entre la VU et le Vlaams Blok au sujet de la répartition des sièges au sein du conseil du CPAS. On a vu se développer diverses formes de coopération en plusieurs endroits. Elles n'ont jamais entraîné la fin du monde ni la chute d'aucune administration en place. On n'a jamais créé de camps de concentration dans les communes en question. Rien non plus ne permet de penser qu'il en irait autrement au cas où le « cordon sanitaire » serait formellement levé.

La question de la levée du « cordon sanitaire » a toujours posé problème. La Wallonie et la gauche flamande ont toujours voulu le maintenir.

Il y a toutefois toute une série de politiques, en Flandre, qui doutent de l'opportunité et de la légitimité du cordon. En 1996, Herman Lauwers de la Volksunie s'attaqua au cordon sanitaire dont on entourait le Vlaams Blok, parce qu'il ne pouvait pas supporter que les parlementaires des autres partis fassent constamment dépendre leur manière de voter de la manière de voter du Vlaams Blok, laquelle attitude ne manqua souvent d'engendrer des situations complètement absurdes.

Il y a toujours eu des discussions à propos de la question de savoir ce que représente le « cordon sanitaire » et de celle de savoir dans quelle mesure on pouvait coopérer avec le Vlaams Blok. Jaap Kruithof estima que le « cordon sanitaire » n'est pas beaucoup plus qu'un engagement à ne pas conclure d'accord politique avec le Vlaams Blok. Il n'est pas interdit d'avoir des contacts et des discussions avec ce parti. Quand on défend la démocratie, on ne peut décider sans plus d'agir de manière antidémocratique.

Il y a, en Flandre, des personnes qui interprètent le « cordon sanitaire » d'une manière sectaire, qui évitent tout contact social et qui refusent, par exemple, de parler avec des membres ordinaires du Vlaams Blok. Qui, parmi le million des personnes qui ont voté pour le Vlaams Blok, espère-t-on pouvoir convaincre en adoptant une telle attitude ?

La participation du Vlaams Blok à une coalition ne marquerait pas le début d'une dictature, mais ce parti essayerait de réaliser l'indépendance de la Flandre. Toute la discussion tourne autour de la question de savoir comment l'on pourra empêcher l'indépendance de la Flandre.

Le « cordon sanitaire » est néfaste pour plusieurs raisons. Il est néfaste tout d'abord pour notre démocratie, parce qu'il est antidémocratique par essence, étant donné qu'il empêche systématiquement un million d'électeurs de participer au pouvoir. Chaque élection est un nouveau signal, mais les autres partis y réagissent coup sur coup en mettant sur pied des coalitions bigarrées vouées à l'immobilisme et en renforçant la répression contre le parti qui est capable de comprendre ce signal.

Le « cordon sanitaire » est néfaste parce qu'il est contre-productif. De plus en plus de gens s'en rendent compte en Flandre. La gauche du VLD plaide actuellement pour un dialogue avec le Vlaams Belang, parce qu'elle a compris, au bout de 16 ans, que le cordon est absolument néfaste.

Malgré tout cela, il y a des gens qui estiment qu'il faut maintenir le cordon. Quelques scientifiques essaient de développer une argumentation en faveur de son maintien. Une étude a été consacrée aux effets du « cordon sanitaire » dans divers pays européens. L'idée est la suivante : si l'on maintient suffisamment longtemps la pression sur le parti en question, il finira par imploser à la suite d'une discussion interne. Les modérés et les radicaux, ceux qui veulent participer au pouvoir et ceux qui sont opposés par principe à toute participation, se retrouveront face à face. Le parti éclatera à la suite d'oppositions internes et au lieu d'obtenir 24 % des voix il n'en obtiendra plus que 4 %.

Ce scénario n'est pourtant pas prêt de se réaliser. Au sein du Vlaams Belang, la cohésion n'a jamais été aussi forte. Le processus de transformation du Vlaams Blok en Vlaams Belang l'a encore renforcée. C'est le résultat d'un réflexe naturel d'un parti qui est seul contre tous.

Le « cordon sanitaire » est inspiré par l'opportunisme politique. Plus le Vlaams Belang sera grand, plus la polarisation sera grande et plus la possibilité de former une vaste coalition arc-en-ciel sera grande. Cela vaut non seulement pour Anvers, mais aussi pour toutes les villes et communes et pour le gouvernement flamand au sein duquel les partis doivent former tous ensemble un front arc-en-ciel contre le Vlaams Belang. Le cordon est néfaste pour la politique, parce que les coalitions de ce type sont vouées à l'immobilisme. Ce n'est pas au moyen de coalitions de ce genre que l'on pourra faire fonctionner convenablement la démocratie.

Que la loi en projet soit votée ou non, rien ne pourra empêcher qu'en 2006, la pression, ne fût-ce qu'en faveur d'une négociation avec le Vlaams Belang, d'augmenter très fortement dans bien des villes et communes. Sous l'effet de celle-ci, le « cordon sanitaire » se rompra. On constatera en 2006 qu'on ne peut pas continuer à traiter le plus grand parti de Flandre comme on le traite aujourd'hui.

2. Réponses du vice-premier ministre et ministre de l'Intérieur

M. Dewael souligne que le projet de loi à l'examen résulte d'une initiative parlementaire. La proposition a été déposée à la Chambre et n'est devenue projet que suite à son adoption par la Chambre. Il est logique que ce soit une initiative parlementaire puisque le texte traite du financement public des partis politiques, lequel s'effectue via une dotation du Parlement : c'est donc au Parlement qu'il revient de fixer les règles du jeu, soit les critères sur base desquels le financement est octroyé, la répartition des fonds, le contrôle et les sanctions.

C'est donc de manière injustifiée que le Vlaams Belang a réclamé la présence du ministre et celui-ci rappelle qu'il n'est là que par solidarité avec les parlementaires qui soutiennent le projet de loi.

Les représentants du Vlaams Belang ont rappelé que le ministre avait toujours défendu la thèse selon laquelle le Vlaams Belang devait être combattu avec des arguments politiques.

Le ministre maintient que le Vlaams Belang doit toujours, selon lui, être combattu par la voie politique. Au Parlement ou dans les médias, le ministre n'esquive pas le débat avec le Vlaams Belang. Il continuera à démontrer que le parti n'apporte de solution à aucun problème de société qu'il épingle; qu'il cultive uniquement la haine, l'intolérance et le racisme.

D'autre part, il est un fait que le Vlaams Belang reçoit des fonds publics pour son financement. Il appartient au Parlement d'arrêter la procédure de contrôle de ce financement. Dans ce cadre, les auteurs du projet de loi, comme dans le passé, ont opté pour une approche juridictionnelle. Après avoir constaté les faits, la commission de contrôle, à une majorité spéciale, décidera de transmettre l'affaire au Conseil d'État. Le droit à une dotation pour un parti politique est un droit politique et, en vertu de l'article 145 de la Constitution, « les contestations qui ont pour objet des droits politiques sont du ressort des tribunaux, sauf les exceptions établies par la loi ». En l'occurrence, la loi de 1989 attribue cette compétence au Conseil d'État. Le Conseil d'État n'a d'ailleurs, dans son avis, formulé aucune objection ou réserve à l'encontre de sa compétence.

La comparaison avec d'autres assemblées n'est pas pertinente. Si le Parlement flamand opte pour une autre approche, c'est sa compétence et sa responsabilité.

Il est étonnant que le Vlaams Belang essaie à tout prix d'éviter l'adoption de ce projet de loi s'il est devenu un autre parti. Depuis le début des discussions, le parti trompe l'opinion publique en prétendant que le Parlement veut le priver de ses moyens financiers. Le projet ne vise pas à les priver d'argent, il se borne à régler une procédure. Si le Vlaams Belang n'a pas commis de faute, il n'y a aucun problème. Le ministre les invite donc à cesser leur procès d'intention.

Enfin, le ministre a posé autrefois des questions quant à l'intervention du Conseil d'État, mais il est établi que la compétence du Conseil d'État en cette matière découle de l'article 145 de la Constitution. Le principe consistant à faire intervenir la Haute Juridiction, plutôt que de laisser le politique contrôler le politique, lui semble la logique même. Quant à la rétroactivité, il renvoie d'une part à l'avis du Conseil d'État, et fait remarquer d'autre part que les parlementaires dans leur ensemble envisagent une application pour l'avenir.

Pour le reste, les amendements seront appréciés par la commission. Cet examen relève du Parlement et non du ministre.

3. Discussion

Au sujet de l'effet rétroactif de la mesure, M. Moureaux renvoie à ce qu'il a dit précédemment. C'est une application de bon sens qu'il convient de suivre comme ligne de conduite.

Un élément mérite d'être souligné dans la dernière intervention du Vlaams Belang : selon l'intervenant, son parti aurait modifié son programme suite à l'arrêt de la cour d'appel confirmé par la Cour de cassation. Les membres du Vlaams Belang semblent ainsi reconnaître qu'ils ont été contraints de tenir compte d'une décision judiciaire. Ceci nuancerait l'idée selon laquelle seuls les moyens politiques sont efficaces à l'encontre du Vlaams Belang.

Enfin, l'ensemble des débats donnent l'impression que le projet vise spécifiquement le Vlaams Belang. Or, le texte s'appliquera à tous les partis, francophones y compris, qui agiraient de la même manière. Il ne s'agit nullement d'un instrument dirigé contre un parti flamand, il n'y a là aucun enjeu linguistique ou communautaire. Le mécanisme, dont le principe a d'ailleurs été adopté depuis longtemps, est conçu pour fonctionner contre les partis qui utilisent des arguments pour stigmatiser certaines communautés de personnes, quelle que soit l'origine de ces partis.

M. Van Hauthem constate que le ministre de l'Intérieur refuse de relever l'argument selon lequel de nombreuses thèses défendues par le Vlaams Belang mais fustigées par d'autres partis sont déjà devenues, à l'étranger, des éléments de la politique gouvernementale.

L'opposition du Vlaams Belang à ce projet de loi est dictée par deux considérations. Premièrement, il saute aux yeux que ce projet vise le Vlaams Belang. Deuxièmement, il ne tient pas debout. Il s'agit d'une nouvelle étape dans la chasse menée depuis quinze ans contre le Vlaams Belang, non seulement avec des moyens politiques, mais aussi à présent avec des moyens juridiques et financiers.

Il est surprenant de constater en l'espèce à quel point les adversaires politiques du Vlaams Belang ont changé de batteries. Le ministre déclarait jadis qu'il fallait combattre le Vlaams Blok dans l'arène politique. Aujourd'hui, il défend la thèse selon laquelle il convient de privilégier également la voie juridique, et plus particulièrement judiciaire. Cette thèse conduit à « juridiser » le débat politique, qu'il faudra trancher devant des instances judiciaires. À cette fin, la Constitution et différentes lois ont été modifiées dans un passé récent. Cette stratégie suscite de nombreuses objections, notamment dans le monde judiciaire, qui s'est vu attribuer un rôle politique.

Le tribunal de première instance de Bruxelles a ainsi déclaré, dans le premier jugement à l'encontre des trois ASBL du Vlaams Blok : « L'intérêt particulier dont ont fait preuve les médias, notamment les médias internationaux, surtout lors des premiers débats, ne contredit pas la crainte du tribunal de voir la justice devenir une tribune en vue d'un règlement de comptes politique. Il n'appartient pas à ce tribunal de dire qu'il est souhaitable de mêler politique et justice. »

À l'argument de M. Moureaux selon lequel la cour d'appel de Gand a défendu une autre thèse, M. Van Hauthem répond que l'on a fini par y trouver des juges disposés à jouer ce rôle politique.

Par ce projet, on fait donc de nouveau intervenir le pouvoir judiciaire dans la lutte entre partis politiques. C'est antidémocratique.

La remarque du ministre selon laquelle le Vlaams Belang se sent visé, ne tient pas debout. Si l'examen de ce projet figure maintenant à l'ordre du jour, c'est bien la preuve que la majorité s'est sentie confortée par l'arrêt de la Cour de cassation et par les déclarations du Prince Philippe sur le Vlaams Blok. Le Vlaams Belang a donc toutes les raisons de se sentir visé.

Par ailleurs, le projet présente plusieurs lacunes. Le ministre n'a pas répondu à la question relative à l'absence de possibilité d'appel. Il n'a d'ailleurs pas davantage répondu aux objections concernant la rétroactivité du projet. M. Moureaux a clairement déclaré à cet égard qu'il y avait bien rétroactivité. Au moindre faux pas, l'arrêt de la Cour de cassation sera invoqué pour entamer une procédure devant le Conseil d'État. Le ministre s'est rallié à ce point de vue. Les journaux du matin ont cependant fait état d'un accord au sein de la majorité pour ne pas reconnaître d'effet rétroactif à ce projet. Le langage que tient la majorité à l'opinion publique ne correspond donc pas à la réalité.

M. Wille déclare que l'initiative parlementaire qui est examinée ici a été prise au bon moment. Le Vlaams Belang tente constamment de détourner l'attention de la véritable finalité de ce projet. L'avantage que ce parti peut retirer de la loi en projet est qu'il lui permet de se faire passer pour une victime. Le Vlaams Belang a toutefois raté l'occasion d'entrer dans la logique de ce projet et de déclarer qu'après sa métamorphose, il ne se sentait plus concerné.

Or le Vlaams Belang a opté pour une autre lecture de ce projet en le replaçant dans le contexte de la problématique du cordon sanitaire, de la politique d'immigration et de l'assèchement financier des partis antidémocratiques.

Cette dernière expression surtout constitue une farce intellectuelle au vu de la portée financière de la sanction que doit prononcer le Conseil d'État.

L'intervenant considère dès lors comme extrêmement inquiétante l'opposition du Vlaams Belang à l'objectif moral du projet, qui est incontestable.

Par ailleurs, il déplore que M. Van Peel se soit fait l'allié du Vlaams Belang en condamnant le projet et soit resté muet sur le fond de la question. Il s'est borné à déclarer que la personnification du Vlaams Belang en tant que cible de ce projet était une erreur de stratégie politique. M. Wille s'attendait pourtant à ce que son appréciation porte sur le contenu du projet, plutôt que sur le seul effet de boomerang qu'il pourrait avoir.

D'aucuns ont tenté de tirer profit de la division qui, selon eux, opposerait les représentants du VLD au Parlement flamand et ceux du Parlement fédéral.

M. Wille déclare qu'il faut faire une nette distinction. Le financement complémentaire des partis à charge du Parlement flamand est inscrit dans le règlement de cette assemblée. En revanche, la dotation que la Chambre et le Sénat allouent aux partis trouve son origine dans la loi du 4 juillet 1989. Le projet de loi à l'examen s'inscrit parfaitement dans la philosophie qui sous-tend cette loi. Il est donc logique que la majorité parlementaire approuve cette initiative, avec, espérons-le, le soutien de l'opposition.

M. Van Peel tente une nouvelle fois de dissiper l'étonnement de certains partis qui se sont interrogés sur le mobile du CD&V dans ce débat.

Si l'on admet comme prémisse que la démocratie a tout intérêt à ce que l'on combatte l'extrémisme, le racisme et la xénophobie, force est de se demander quels sont les moyens efficaces pour ce faire et quels sont les autres, par exemple parce qu'ils produisent un effet contraire à l'effet recherché.

Il fait remarquer à cet égard que les analyses du Vlaams Belang ne sont pas toutes entièrement dénuées de pertinence. Certaines prises de position dont M. Van Overmeire s'est fait l'interprète sont très judicieuses, même si l'on n'est pas forcément d'accord avec les thèses défendues. Il est dangereux de ne pas s'en apercevoir.

Le noeud du problème réside dans le fait qu'en utilisant l'instrument auquel elle envisage actuellement d'avoir recours dans la lutte contre l'extrême-droite, la démocratie fait un aveu de faiblesse aux yeux d'une grande partie de la population. Ce que l'on reproche aux partis traditionnels, c'est d'agripper des moyens juridiques pour priver le Vlaams Belang de ses moyens de financement parce qu'ils ne parviennent pas à en venir à bout dans l'arène politique. C'est pourquoi la population désapprouve ces projets qui prouvent selon elle que les partis traditionnels manquent d'arguments à opposer au Vlaams Belang et préfèrent dès lors l'approche judiciaire. En dépit du fait que cette méthode n'a pas porté ses fruits par le passé, on continue dans la voie où l'on est engagé, ce qui ne manque pas de soulever des questions.

En ce qui concerne le VLD, on peut dire qu'il prouve bien qu'il est véritablement atteint de schizophrénie, en ce sens qu'il est à la recherche d'une méthode qui lui permette de mener de manière ordonnée en son sein le débat sur le cordon sanitaire, alors que ses représentants officiels déclarent dans le même temps qu'ils vont tenter d'atteindre les extrémistes au niveau de leur financement. Il y a pour le moins là une contradiction ...

Le ministre réplique que M. Van Peel mélange plusieurs choses. Il est évident qu'il faut surtout combattre les diverses formes d'extrémisme au moyen d'arguments politiques de fond. Mais l'idée de base qui présida à l'adoption de la loi du 4 juillet 1989 était que les partis qui ont une certaine représentativité devaient être financés par l'État. Dans cette optique, chacun s'accorde à dire — y compris M. Van Peel — que l'État peut faire dépendre ce financement du respect d'une série de conditions comme celle pour les partis politiques qui revendiquent cette dotation de se conformer, dans leur action, aux dispositions de la CEDH et des protocoles additionnels de celle-ci. Le versement d'une dotation parlementaire aux partis politiques en application de la loi du 4 juillet 1989 ne revient donc pas à leur accorder un chèque en blanc.

La question qui nous occupe en l'espèce est celle de savoir quelle est l'instance qui doit contrôler le respect de cette condition. Il y a deux possibilités. On peut charger la commission de contrôle fédérale de cette tâche, mais on s'expose alors à un reproche évident, car le parti que cette commission aura privé temporairement de sa dotation ne manquera pas d'affirmer qu'il est victime de la dictature de la majorité. On peut aussi en charger une juridiction indépendante et, à cet égard, on a déjà estimé précédemment que c'était la meilleure solution et que le Conseil d'État est le mieux à même d'apprécier si un parti viole ou non les dispositions de la CEDH.

M. Van Peel n'est pas tout à fait d'accord avec cette présentation des choses. L'analyse du ministre serait correcte si c'était par exemple la Cour d'arbitrage qui était chargée de vérifier dans quelle mesure un parti politique respecte la CEDH. La faiblesse du projet réside dans le fait que le Conseil d'État doit, encore et toujours, être saisi par des politiques, soit sept membres de la Commission de contrôle fédérale, faisant office de procureur, par exemple pour dénoncer le FDF si celui-ci se rendait coupable de propos dépassant les limites de la liberté d'expression garantie par la CEDH. Les considérations politiques continuent donc de jouer un rôle et la procédure proposée n'est pas purement juridique.

L'intervenant doit constater ensuite que les stratégies suivies depuis quinze ans contre le Vlaams Blok/Vlaams Belang par les partis politiques s'inscrivaient certes dans la ligne du politiquement correct, mais qu'elles ont échoué sur le terrain. Le Vlaams Blok/Vlaams Belang se plaît à répéter qu'elles n'ont pas freiné son essor, au contraire, puisqu'il est actuellement le plus grand groupe au Parlement flamand. Les autres partis n'en tirent pourtant pas la leçon. Ils continuent à combattre le Vlaams Belang par des moyens qui ne font que renforcer ce parti.

L'intervenant le regrette.

Le ministre critique ce point de vue. M. Van Peel ne répond pas à ses questions, sauf celle concernant le Conseil d'État. Le ministre souligne que le Conseil d'État est déjà compétent pour régler certaines contestations politiques dont il est saisi par d'autres instances. Les litiges relatifs aux élections communales, par exemple, sont soumis en dernière instance au Conseil d'État.

Le ministre somme M. Van Peel de répondre à la question de savoir si la dotation octroyée aux partis politiques en vertu de la loi du 4 juillet 1989 doit être considérée comme un chèque en blanc, définitivement acquis quoi qu'il arrive. Pour le ministre, c'est inacceptable. Il déduit du point de vue du CD&V que celui-ci veut laisser les choses comme elles sont.

M. Van Peel répond que dans cette discussion, on perd de vue un facteur important, à savoir que la dotation publique, qui sert notamment à financer le Vlaams Belang, est financée aussi par les 989 000 électeurs de ce parti. Il regrette pour le reste l'abus de slogans dans le langage tenu par certains dans le débat actuel.

M. Delpérée constate que la différence entre le Vlaams Blok et le Vlaams Belang est inexistante : tous les propos que les membres du Vlaams Belang ont présentés lors de la réunion, sont les mêmes qui ont été considérés comme inadmissibles par la cour d'appel de Gand.

En tant que novice au Parlement, il constate que, jusqu'à présent, un seul parti politique a été condamné par la Commission de Contrôle des dépenses électorales et a été privé de sa dotation pour trois mois. C'était un parti politique francophone.

En ce qui concerne la rétroactivité, il faut distinguer deux choses, selon M. Delpérée : pour ce qui concerne la non-rétro-activité d'une loi, il faut distinguer les dispositions de fond et les dispositions de procédure. Les dispositions de fond du présent projet de loi existent depuis 1999. Chacun connaît, depuis 1999, les faits qui sont répréhensibles, notamment au regard de la CEDH et de la Constitution. Pour ce qui concerne les dispositions de procédure, celles-ci ne sont jamais applicables que pour l'avenir. Puisque le présent projet de loi est un projet de loi de pure procédure, cela ne peut pas porter atteinte à ce qui a été dit depuis 1999. Le 4 décembre 2003, le Conseil d'État a statué dans son avis nº 36 172/4 comme suit : « Une condamnation sur la base de l'article 15ter de la loi du 12 février 1999 serait admissible au régard du principe de la non-rétro activité de la loi pour des faits commis au plus tôt le 28 mars 1999, dat d'entrée en vigueur de cette loi. »

Pour Mme Van Lerberghe, la philosophie de l'actuel projet de loi reste claire : si un parti politique incite à l'intolérance et à l'exclusion de certaines personnes, on peut l'empêcher d'utiliser les moyens financiers fournis par les pouvoirs publics, autrement dit par le contribuable, pour propager son message.

Elle regrette dès lors que le CD&V ne veuille toujours pas marquer son accord sur les bonnes intentions qui sous-tendent le projet de loi. Celui-ci vise en effet à mettre fin à la situation d'une société qui contribuerait financièrement à sa propre destruction, l'objectif étant de préserver la démocratie. L'intervenante invite dès lors une fois de plus le CD&V à donner son soutien au projet de loi.

Mme Defraigne souligne que la lutte contre l'extrémisme nous concerne tous et elle regrette que la discussion du présent projet de loi ait pris une connotation communautaire. Les résistances énoncées par le Vlaams Belang en commission sont, selon elle, significatives et indicatives. Quand on n'a rien à se reprocher, on n'a rien à craindre de ce projet de loi.

L'intervenante rappelle que toute rétroactivité est interdite en matière pénale. Mais ici, tout en n'étant pas en matière pénale, on peut tenir un raisonnement qui est analogique. Le Conseil d'État a rappelé qu'il n'est possible de sanctionner les faits qu'à partir du 29 mars 1999, date de l'entrée en vigueur de la loi qui insère l'article 15ter qui détermine les faits punissables et la sanction. Mais, comme toutes les lois de procédure, le présent projet de loi sera directement applicable. Après l'entrée en vigueur de la loi, il faudra un fait, un indice concordant, pour introduire la procédure (plainte devant le Conseil d'État).

L'intervenante estime que le débat en commission tel qu'il a été tenu n'aurait pas dû avoir lieu.

M. Verreycken renvoie à des interventions d'autres membres de la commission dans lesquelles il a été fait référence de manière inexacte à la vision défendue par Luc D'Hoore, député à l'époque, à l'occasion de l'élaboration en 1989 de la loi devenue « loi D'Hoore ». M. D'Hoore avait déclaré alors qu'il n'exclurait jamais aucun parti politique du système de financement public des partis politiques. Il avait même paraphrasé les mots attribués à Voltaire : « Je ne suis pas du tout d'accord avec ce que dit le Vlaams Blok, mais je me battrais jusqu'au bout pour qu'il puisse le dire ». Ces propos ont même été repris par Louis Van Velthoven, à l'époque député SP.

IV. DISCUSSION DES ARTICLES ET VOTES

Article premier

Cet article est adopté par 13 voix contre 3.

Article 2

Amendement nº 1

Mme Jansegers et MM. Buysse et Van Hauthem déposent un amendement à cet article en vue de le supprimer, au motif que la mission qu'il confie au Conseil d'État ne correspond en aucune manière aux missions énumérées à l'article 160 de la Constitution. Les compétences qui lui sont attribuées par cet article ont pour effet que le Conseil d'État ne jouera plus le rôle d'un tribunal administratif, mais celui d'un tribunal pénal. De plus, on n'a pas prévu de possibilité de recours en cassation.

L'amendement est rejeté par 13 voix contre 2 et 1 abstention.

L'article est adopté par 13 voix contre 3.

Article 3

Amendement nº 2

Mme Jansegers et MM. Buysse et Van Hauthem déposent un amendement à cet article en vue de le supprimer. Ils renvoient, pour la justification, à la justification de l'amendement 1.

L'amendement est rejeté par 13 voix contre 2 et 1 abstention.

L'article est adopté par 13 voix contre 3.

Article 4

Amendement nº 3

Mme Jansegers et MM. Buysse et Van Hauthem déposent un amendement à cet article en vue de le supprimer. Ils renvoient, pour la justification, à la justification de l'amendement 1.

L'amendement est rejeté par 13 voix contre 2 et 1 abstention.

L'article est adopté par 13 voix contre 3.

Article 5

Amendement nº 4

Mme Jansegers et MM. Buysse et Van Hauthem déposent un amendement à cet article en vue de le supprimer. Ils renvoient, pour la justification, à la justification de l'amendement 1.

L'amendement est rejeté par 13 voix contre 2 et 1 abstention.

L'article est adopté par 13 voix contre 3.

Article 6

Amendement nº 5

Mme Jansegers et MM. Buysse et Van Hauthem déposent un amendement à cet article en vue de le supprimer. Ils renvoient, pour la justification, à la justification de l'amendement 1.

L'amendement est rejeté par 13 voix contre 2 et 1 abstention.

L'article est adopté par 13 voix contre 3.

Article 7

Amendement nº 6

Mme Jansegers et MM. Buysse et Van Hauthem déposent un amendement à cet article en vue de le supprimer. Ils renvoient, pour la justification, à la justification de l'amendement 1.

L'amendement est rejeté par 13 voix contre 2 et 1 abstention.

L'article est adopté par 13 voix contre 3.

Article 7bis (nouveau)

Amendement nº 7

Mme Jansegers et MM. Buysse et Van Hauthem déposent un amendement visant à insérer un nouvel article 7bis. Cet amendement tend à modifier l'article 69 des lois coordonnées sur le Conseil d'État afin de mettre fin à sa composition paritaire. Celle-ci a pour conséquence non seulement que le délai d'attente pour qu'un arrêt définitif intervienne dans des dossiers traités en néerlandais est plus long, mais aussi que les juristes flamands bénéficient de moins de possibilités de carrière. C'est pourquoi il est proposé d'adapter la composition du Conseil d'État au poids proportionnel réel de la population (60 % de néerlandophones contre 40 % de francophones).

L'amendement est rejeté par 14 voix contre 2.

Article 8

Amendement nº 8

Mme Jansegers et MM. Buysse et Van Hauthem déposent un amendement à cet article en vue de le supprimer. Ils renvoient, pour la justification, à la justification de l'amendement 1.

L'amendement est rejeté par 13 voix contre 2 et 1 abstention.

L'article est adopté par 13 voix contre 3.

Article 9

Amendement nº 9

Mme Jansegers et MM. Buysse et Van Hauthem déposent un amendement à cet article en vue de le supprimer. Ils renvoient, pour la justification, à la justification de l'amendement 1.

L'amendement est rejeté par 13 voix contre 2 et 1 abstention.

Amendement nº 10

Mme Jansegers et MM. Buysse et Van Hauthem déposent un deuxième amendement, visant :

A) à insérer un 2ºbis fixant explicitement un délai pour l'introduction d'une demande;

B) à prévoir dans le 2º que seule une majorité spéciale des membres de la Commission de contrôle peut introduire une demande; de cette façon, un plus large support sera nécessaire avant qu'une demande puisse être adressée au Conseil d'État;

C) à supprimer le 3º de cet article; aucune autre disposition n'oblige en effet le Conseil d'État à publier ses arrêts de la manière envisagée;

D) à insérer un 3ºbis aux termes duquel le Conseil d'État a également compétence pour supprimer la dotation lorsqu'un acte de corruption a été constaté dans un parti politique;

E) à insérer un 1ºbis dans lequel il est prévu qu'un parti peut se distancier publiquement et clairement des déclarations faites par un de ses membres ou une de ses composantes.

Les amendements nºs 10 A), B), C), et D) sont rejetés chacun par 13 voix contre 2 et 1 abstention. L'amendement nº 10 E) est rejeté par 13 voix contre 3.

L'article est adopté par 13 voix contre 3.

Article 9bis (nieuw)

Amendement nº 11

Mme Jansegers et MM. Buysse et Van Hauthem déposent un amendement visant à insérer un nouvel article 9bis. L'amendement tend à autoriser les partis politiques qui ont été privés de leur dotation à recevoir à nouveau des dons en provenance de personnes morales.

L'amendement est rejeté par 14 voix contre 2.

Article 9ter (nouveau)

Amendement nº 12

Mme Jansegers et MM. Buysse et Van Hauthem déposent un amendement visant à insérer un nouvel article 9ter. Les auteurs de cet amendement veulent permettre qu'un parti ait droit malgré tout à une dotation lorsqu'il n'est représenté par un parlementaire élu directement que dans une seule des deux assemblées fédérales.

L'amendement est rejeté par 13 voix contre 2 et 1 abstention.

Article 10

Amendement nº 13

Mme Jansegers et MM. Buysse et Van Hauthem déposent un amendement à cet article en vue de le supprimer. Ils renvoient, pour la justification, à l'amendement 1.

L'amendement est rejeté par 13 voix contre 2 et 1 abstention.

Amendement nº 14

Mme Jansegers et MM. Buysse et Van Hauthem déposent un deuxième amendement à cet article en vue de le compléter par une disposition concernant l'effet du projet de loi dans le temps. Il est proposé que les demandes visées à l'article 15ter de la loi du 4 juillet 1989 ne soient recevables que si elles portent sur des faits survenus après l'entrée en vigueur de la loi en projet.

L'amendement est rejeté par 13 voix contre 2 et 1 abstention.

L'article est adopté par 13 voix contre 3.

V. VOTE SUR L'ENSEMBLE DU PROJET DE LOI

L'ensemble du projet de loi a été adopté par 13 voix contre 3.

Le présent rapport a été approuvé par 9 voix et une abstention.

Le rapporteur, Le président,
Stefaan NOREILDE. Ludwig VANDENHOVE.

Le texte adopté par la commission
est identique au texte
transmis par la Chambre des représentants
(voir doc. Chambre, nº 51-217/012 — 2004/2005)