3-722/3

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2003-2004

30 JUIN 2004


Projet de loi complétant les dispositions du Code civil relatives à la vente en vue de protéger les consommateurs


Procédure d'évocation


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE LA JUSTICE PAR MME VIENNE


I. INTRODUCTION

Le projet de loi facultativement bicaméral qui fait l'objet du présent rapport est issu du projet de loi du gouvernement déposé initialement à la Chambre des représentants (doc. Chambre, nº 51-982/1).

Il a été adopté par la Chambre des représentants le 27 mai 2004, par 131 voix et 4 abstentions.

Il a été transmis au Sénat le 28 mai 2004 et évoqué le 2 juin 2004.

La commission l'a examiné lors de ses réunions des 16, 22 et 30 juin 2004, en présence de la ministre de l'Environnement, de la Protection de la consommation et du Développement durable.

II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE LA MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT, DE LA PROTECTION DE LA CONSOMMATION ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

La ministre souligne que nous sommes tous des acheteurs. Rien n'est plus irritant ou frustrant que de rentrer chez soi, de sortir son nouveau lecteur-cd de la boîte et de constater qu'il ne fonctionne pas.

Il va dès lors presque de soi que la plupart des questions des consommateurs concernent précisément le régime de la garantie.

Le projet de loi transpose dans notre droit la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation (dénommée ci-après la « directive sur les garanties »).

Cette directive vise à assurer le développement des ventes transfrontalières au sein du marché intérieur en établissant un socle minimal, commun à tous les États membres, de droits dont un consommateur peut se prévaloir à l'égard d'un vendeur en cas de défaut de conformité d'un bien qu'il a acheté.

Cette problématique est réglée à deux niveaux :

­ les droits légaux dont le consommateur peut se prévaloir à l'égard du vendeur, indépendamment de toute stipulation contractuelle;

­ les droits dont le consommateur peut se prévaloir à l'égard du vendeur ou du fabricant en vertu d'un engagement spécifique pris par ces derniers à propos du bien vendu.

Ces deux aspects correspondent à ce que l'on entend, en droit belge, par, respectivement, la « garantie légale » et la « garantie commerciale ».

La directive consacre le principe selon lequel le vendeur doit délivrer un bien en conformité avec le contrat et définit les critères permettant d'apprécier cette conformité. Elle fixe également les droits que le consommateur peut faire valoir à l'égard du vendeur en cas de non-conformité au contrat du bien délivré.

Ces éléments se révèlent très innovateurs par rapport aux dispositions actuelles de notre Code civil.

Le projet de loi réalise la transposition de la directive sur les garanties par l'insertion, dans le titre VI : « De la vente » du Code civil, d'une nouvelle section relative aux ventes à des consommateurs.

La nouvelle section du Code civil est agencée comme la directive :

­ elle règle la garantie légale, à savoir l'obligation pour le vendeur de délivrer un bien conforme, ainsi que les droits du consommateur si un défaut de conformité est constaté,

­ elle fixe quelques règles concernant la garantie commerciale (article 1649septies nouveau du Code civil).

Le projet de loi donne au consommateur davantage de sécurité et de certitude quant à la garantie légale :

­ pendant deux ans, il y a une garantie légale claire. Le vendeur répond de tout défaut de conformité au contrat,

­ au-delà, le consommateur peut encore invoquer la garantie pour vices cachés.

La ministre estime qu'il faut maintenir une possibilité d'action pour le consommateur après le délai de garantie de deux ans. La directive le permet et c'est utile pour des biens de consommation durable. De la sorte, il n'y aura plus de discrimination entre le régime de la vente entre commerçants et celui de la vente avec un consommateur. Or, cette discrimination avait été critiquée par le Conseil d'État. D'autres États prévoient une solution de ce type : les Pays-Bas, le Luxembourg, le Royaume-Uni et le Portugal. En cas de litige, ce sera toujours le juge qui décidera si la garantie s'applique après deux ans

En outre, grâce au présent projet, les possibilités d'action des consommateurs sont également élargies et mieux définies.

Outre une éventuelle réduction du prix et la résolution du contrat, le consommateur peut exiger le remplacement ou la réparation du bien.

Cette nouvelle réglementation offre une plus grande clarté, à la fois, au consommateur et au vendeur.

La ministre souligne aussi que le projet de loi a fait l'objet d'une vaste discussion à la Chambre. Celle-ci a également organisé une audition au cours de laquelle les parties concernées ont pu exprimer leur point de vue sur le projet de loi.

Ces discussions ont débouché sur l'adoption de deux amendements :

­ une précision concernant les biens d'occasion. Le projet de loi (suivant en cela l'exemple de la directive sur les garanties) tient compte des caractéristiques spécifiques des biens d'occasion.

Le projet de loi énonce ces caractéristiques en termes généraux dans le texte même de la loi, en tenant toujours compte de la « nature des biens ». L'exposé des motifs précise les principes généraux et leur application aux biens d'occasion.

­ l'entrée en vigueur de la loi (le premier jour du quatrième mois qui suit celui au cours duquel elle aura été publiée au Moniteur belge) : il est ainsi prévu une période qui permettra aux vendeurs, distributeurs et producteurs d'adapter leurs contrats et leurs déclarations de garantie.

Le service d'Évaluation de la législation du Sénat a formulé plusieurs observations sur le projet à l'examen. Il s'agit d'observations relevant de la technique juridique et, surtout, de demandes de précisions.

Le projet de loi transpose fidèlement la directive sur les garanties. Les questions du service d'Évaluation de la législation portent notamment sur l'application des règles légales aux biens d'occasion. Comme le prévoit la directive, les biens d'occasion tombent également sous le coup du projet à l'examen.

À quelques exceptions près, tous les objets mobiliers entrent dans le champ d'application de la directive, y compris donc les denrées alimentaires. Mais il sera aussi toujours tenu compte de la nature des biens pour apprécier :

­ s'il s'agit d'un vice (article 1649ter, § 1er, 4º);

­ si le vice existait déjà au moment de la livraison (article 1649quater, § 4).

III. DISCUSSION GÉNÉRALE

Questions des membres

Mme Nyssens rappelle que le projet à l'examen reprend, dans une large mesure, un projet de loi déposé sous la législature précédente. Une importante modification y a toutefois été apportée puisqu'il est désormais prévu que le régime de garantie pour vices cachés du Code civil est maintenu après l'expiration du délai de garantie de deux ans. L'intervenante se demande cependant si les droits, dont dispose le consommateur après l'expiration du délai de deux ans, sont les droits classiques du Code civil ou si ce sont les droits (remplacement, réparation, réduction de prix ou résolution) prévus dans la directive.

L'oratrice constate enfin, que le nouveau régime de protection des consommateurs entre en vigueur le premier jour du quatrième mois qui suit celui au cours duquel la nouvelle loi aura été publiée au Moniteur belge. Ce délai a-t-il été fixé en concertation avec les secteurs concernés ?

Mme de T' Serclaes regrette la précipitation dans laquelle le Sénat doit examiner le présent projet de loi. Il est exact que la Belgique est en retard pour transposer la directive européenne sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation. Ce retard n'est pas imputable au Parlement et il est important que le Sénat puisse analyser sereinement les conséquences pratiques des modifications qui sont proposées au Code civil.

L'intervenante demande si le projet de loi va engendrer des modifications importantes dans les relations entre le vendeur et le consommateur, par rapport aux règles et à la jurisprudence existantes. Le texte est-il de nature à renforcer la position du consommateur ?

Par ailleurs, les craintes exprimées lors des auditions à la Chambre, concernant les conséquences du projet de loi pour le secteur de la vente de seconde main, sont-elles rencontrées ? Enfin, Mme de T'Serclaes demande si la nouvelle loi ne risque pas d'augmenter le contentieux judiciaire. Elle regrette que le projet n'encourage pas le recours à la médiation, qui est la procédure la plus adéquate pour résoudre des conflits en matière de consommation.

Mme Vienne se réfère aux travaux menés au sein de la commission des Finances et des Affaires économiques en matière de consommation et de protection des consommateurs. Le texte à l'examen, qui transpose une directive européenne, s'inscrit parfaitement dans la lignée des réflexions menées au sein de la commission des Finances. Il n'est dès lors pas nécessaire de recommencer tout ce travail de réflexion au sein de la commission de la Justice.

Mme De Roeck estime que la transposition de la directive européenne sur les garanties est très importante. Les biens durables sont souvent coûteux et il faut dès lors offrir au consommateur une protection maximale sur ce plan. En outre, le projet de loi à l'examen va un peu plus loin que la directive en question.

L'intervenante se dit quelque peu préoccupée par le secteur de l'occasion. Les personnes qui connaissent de grandes difficultés financières doivent souvent se rabattre sur les biens d'occasion des magasins de recyclage, qui proposent également des biens durables. Il paraît absolument indispensable d'accorder une attention particulière aux centres de recyclage, car il ne faudrait pas que ceux-ci ne puissent plus proposer de biens durables.

M. Willems trouve que le texte en discussion est très complexe. Il paraît ardu, pour le consommateur justiciable, de se retrouver dans l'ensemble de la législation sur les pratiques commerciales et la protection des consommateurs.

L'intervenant souhaiterait en savoir plus sur ce qui se passe lorsque le délai de garantie de deux ans est écoulé. Le projet de loi dispose que lorsque le délai de garantie expire, les règles du Code civil relatives à la garantie des défauts cachés sont applicables. Dès lors, le délai de prescription d'un an à compter de la constatation du défaut est-il applicable ?

M. Hugo Vandenberghe constate que ni l'exécution de la directive, ni la protection générale du consommateur ne sont contestés.

On ne peut pas non plus enfreindre la jurisprudence en matière de vente. En effet, celle-ci est axée sur la protection du consommateur dans les faits, en ce sens qu'elle impose de très lourdes obligations aux vendeurs professionnels et qu'elle permet en outre l'action en chaîne.

La directive qui est à la base du projet à l'examen vise spécifiquement à améliorer la position juridique du consommateur en ce qui concerne la qualité de la chose vendue.

Un problème juridique se pose, car la directive doit être transposée dans les divers pays de l'Union européenne, lesquels ont cependant tous un système juridique différent.

Le texte à l'examen soulève une objection fondamentale : la directive n'est pas intégrée dans le contrat de vente. On est ainsi confronté à un très gros problème d'application, puisque le contrat de vente est soumis à deux statuts juridiques différents, en fonction du moment. Si le délai de garantie de deux ans est expiré, le droit commun concernant les vices cachés redevient applicable. Il ne s'agit visiblement pas d'une simplification.

Réponses de la ministre

Le projet de loi dispose effectivement que lorsque le délai de garantie de 2 ans est écoulé, les règles du Code civil relatives à la garantie des vices cachés sont applicables.

La ministre reconnaît qu'il n'est pas simple de combiner deux systèmes juridiques différents. Elle estime cependant qu'il n'y a pas d'autre moyen de protéger les consommateurs qui achètent un bien dont ils peuvent raisonnablement espérer une durée de vie de plus de deux ans.

En ce qui concerne la période transitoire de quatre mois, proposée à l'article 10, la ministre se réfère aux auditions qui ont eu lieu en commission de l'Économie de la Chambre (voir doc. Chambre nº 51-0982/004). Les personnes entendues étaient favorables au délai d'adaptation de quatre mois, qui est réaliste.

La ministre reconnaît que le retard pris dans la transposition de la directive n'est pas imputable au Parlement. Le gouvernement actuel a demandé l'urgence pour l'examen du présent projet, afin que celui-ci soit examiné prioritairement. Cela ne signifie pas que toute discussion soit impossible, que du contraire.

En réponse à une question de Mme de T'Serclaes, la ministre considère que le projet représente une avancée importante pour les consommateurs. Leurs droits sont définis plus clairement, leurs moyens d'action sont élargis et les garanties légales sont étendues.

En ce qui concerne le secteur de l'occasion, la ministre souligne qu'il a été entendu à la Chambre, en la personne de Cash converters et de Troc international. Elle estime intéressante la suggestion de tenir compte au moment de l'évaluation de la situation des magasins de recyclage.

Pour ce qui est de la prescription, la ministre précise que l'action du consommateur se prescrit après un délai d'un an à compter du jour où il a constaté le défaut. Ce délai ne peut toutefois expirer avant la fin de la période de garantie légale, c'est-à-dire 2 ans à compter de la livraison.

IV. DISCUSSION DES ARTICLES

Intitulé

M. Hugo Vandenberghe dépose l'amendement nº 1 (doc. Sénat, nº 3-722/2) qui tend à remplacer l'intitulé du projet par l'intitulé suivant : « Projet de loi relative à la protection des consommateurs en cas de vente de biens de consommation ». En effet, le projet ne complète pas seulement le Code civil, mais aussi la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l'information et la protection du consommateur, et le Code judiciaire.

M. Zenner constate que parmi les amendements déposés, une série ont une portée purement technique et pourraient facilement faire l'unanimité au sein de la commission. C'est notamment le cas de l'amendement nº 1 de M. Hugo Vandenberghe. Il propose de distinguer les modifications techniques, qui ne nécessitent pas l'adoption d'amendements et les autres modifications.

La ministre déclare pouvoir se rallier à certaines modifications techniques.

M. Hugo Vandenberghe précise que si le but de la distinction entre les modifications techniques et les amendements est de n'accepter des modifications que si celles-ci ne nécessitent pas de nouvelle navette vers la Chambre, cela rend tout débat sur le fond au Sénat impossible.

Mme Nyssens précise que l'amendement nº 1 porte sur l'intitulé du projet, lequel ne fait pas partie du dispositif du texte.

Mme de T' Serclaes pense que la modification de l'intitulé peut être considérée comme une modification matérielle ne nécessitant pas l'adoption d'un amendement. Elle rappelle que le projet ne contient pas de dispositions autonomes et que l'intitulé du projet ne gardera dès lors pas de caractère permanent.

M. Mahoux pense que c'est à l'auteur de l'amendement de se prononcer sur la nature technique ou non de la modification proposée et de retirer, le cas échéant, son amendement.

M. Hugo Vandenberghe estime que si la position du gouvernement est de refuser que le texte à l'examen soit amendé, sous réserve de certaines modifications purement techniques, cela rend toute deuxième lecture par le Sénat inutile.

Le ministre considère que la modification proposée par l'amendement est en fait une simple correction de texte.

Elle estime que la nature de la modification proposée est telle que cette correction peut être apportée sans qu'il faille amender le projet. Cela ne signifie nullement que le projet ne puisse être amendé sur d'autres points, si la nécessité s'en fait sentir au cours de la seconde lecture par le Sénat.

La commission décide à l'unanimité que la modification de l'intitulé du projet de loi est une correction technique. Dès lors, l'intitulé du projet devient le suivant « Projet de loi relative à la protection des consommateurs en cas de vente de biens de consommation ».

L'amendement nº 1 de M. Vandenberghe est retiré.

Article 1er

M. Hugo Vandenberghe dépose l'amendement nº 2 (doc. Sénat, nº 3-722/2) qui tend à modifier la qualification du projet en ce qui concerne les articles 6 et 7.

M. Mahoux pense qu'il n'est plus possible, par manque de temps, de soumettre la question de la qualification à la commission parlementaire de concertation. Pour sa part, il ne partage pas l'analyse du gouvernement (voir doc. Chambre, 51-0982/001, p. 7) pour justifier la « qualification 78 » de l'ensemble du projet. Même si la qualification du projet n'est plus modifiée, cela ne constitue pas un précédent quant au fait que les attributions de compétence données au président du tribunal du travail et au président du tribunal de commerce pour statuer sur l'action en cessation ne relèvent pas de l'article 77 de la Constitution.

La ministre confirme que la qualification donnée au projet de loi ne constitue pas un précédent pour les décisions ultérieures de la commission parlementaire de concertation.

M. Hugo Vandenberghe retire son amendement nº 2.

Mme de T' Serclaes s'interroge ensuite sur la portée de l'article 1er, alinéa 2. Quel est le but de mentionner, dans le dispositif d'un projet de loi qui ne contient pas de dispositions autonomes, qu'il transpose une directive européenne. Cette information n'est-elle pas mieux à sa place dans l'exposé des motifs ?

M. Hugo Vandenberghe se rallie à l'observation de Mme de T' Serclaes. Du point de vue de la technique législative, il n'y a pas lieu d'inscrire dans le texte même de la loi qu'il s'agit de l'exécution d'une directive. C'est une simple déclaration qui est dépourvue de toute signification normative.

La ministre fait remarquer que la loi sera publiée comme telle au Moniteur belge, y compris l'article 1er. D'autre part, la mention figurant à l'alinéa 2 correspond aux recommandations du Conseil d'État.

Mme de T' Serclaes comprend la portée pédagogique de l'alinéa 2. Elle espère que le gouvernement est cohérent et qu'il mentionne systématiquement dans chaque projet lorsque celui-ci vise à transposer une directive européenne.

Mme Derouck comprend qu'il est inhabituel d'insérer cette disposition dans la loi. Mais y a-t-il quelque chose qui s'y oppose ?

M. Coveliers répond que cette disposition n'a pas un caractère normatif. Cela ne veut pas dire pour autant qu'il ne soit pas permis d'insérer une disposition de ce type. De plus, cet article est appelé à disparaître, alors que les autres articles vont être intégrés dans la législation modifiée.

Article 3

Amendement nº 3

M. Hugo Vandenberghe attire l'attention sur l'avis du Conseil d'État selon lequel la manière dont le projet de loi à l'examen est soumis aux Chambres est contraire à la Constitution (article 76). « En effet, lorsqu'un texte modifie ou insère plusieurs articles dans un même texte, il faut consacrer un article distinct à chaque article à modifier ou à insérer afin que le législateur puisse voter, article par article, les modifications proposées. »

Si le gouvernement suit les recommandations du Conseil d'État en ce qui concerne l'article 1er, alinéa 2 du projet de loi, pourquoi ne réserve-t-il pas de suite à la remarque d'inconstitutionnalité formulée par le Conseil d'État quant à la manière dont le projet est présenté au Parlement ?

M. Hugo Vandenberghe dépose l'amendement nº 3 (doc. Sénat nº 3-722/3) visant à scinder l'article 3 du projet afin que chaque disposition à insérer dans le Code Civil fasse l'objet d'un article distinct dans le projet.

La ministre estime que la manière de procéder qui a été choisie dans le projet de loi à l'examen en favorise précisément la lisibilité.

M. Hugo Vandenberghe objecte qu'en l'absence d'articles distincts on rencontre des difficultés techniques lors de la lecteure conjointe du droit commun relatif au contrat de vente et de la réglementation concernant la protection du consommateur.

M. Willems estime que la manière de procéder prévue dans le projet nuit à la lisibilité. En outre, les règles du Code civil et l'évolution de la jurisprudence en la matière tiennent déjà largement compte du consommateur. L'application de textes qui prêtent à confusion, et qui sont parfois contradictoires soulèvera bien des problèmes.

Pour ce qui est de la confusion éventuelle entre le droit commun et le nouveau droit, la ministre souligne que le moment où le défaut se manifestera déterminera quel est le système applicable. Si c'est dans les deux ans, c'est le nouveau droit qui sera applicable et, au-delà, ce sera le droit commun.

L'intervenante estime qu'il faut maintenir en vigueur la réglementation relative aux vices cachés pour offrir une protection convenable aux biens de consommation durables.

M. Hugo Vandenberghe estime qu'en imposant des directives trop détaillées aux États membres on se heurte à bien des difficultés techniques pour ce qui est de l'application de la directive, en tout cas dans le régime de common law. Cette directive fournit un exemple type de non-respect du principe de subsidiarité.

M. Chevalier note que le texte du traité contient une disposition qui dit explicitement que la coopération dans le domaine du droit civil doit être organisée dans le respect des législations nationales.

M. Hugo Vandenberghe souligne l'importance de la subsidiarité et attire l'attention sur l'opposition des opinions publiques nationales. Il est d'autant plus difficile d'assurer la cohérence entre la protection offerte par la directive et le droit commun que dans notre pays, la jurisprudence a octroyé à l'acheteur une très large protection du fait des vices cachés. Qui plus est, le vendeur professionnel est toujours considéré comme vendeur de mauvaise foi, par présomptions irréfragables. Les présomptions prévues dans la directive vont moins loin que celles qu'a élaborées la législation belge. Le fait que le nouveau régime de garantie soit valable pendant deux ans pose également problème. Ensuite, c'est le droit commun qui s'applique. Un système juridique différent devient applicable à une même transaction uniquement parce qu'un certain laps de temps s'est écoulé.

Mme de T' Serclaes demande une précision sur la portée de l'article 1649bis proposé. La loi en projet s'applique aux biens de consommation, c'est-à-dire à tout objet mobilier corporel. Cette définition inclut également les denrées alimentaires. Est-ce le but visé ?

M. Hugo Vandenberghe estime qu'il ne fait pas l'ombre d'un doute que les denrées alimentaires sont des biens meubles. Tous les biens qui ne sont pas immeubles sont meubles.

La ministre confirme l'interprétation donnée par M. Hugo Vandenberghe.

Amendement nº 16

M. Hugo Vandenberghe dépose l'amendement nº 16 A (doc. Sénat, nº 3-722/2), qui vise à supprimer l'alinéa 2 de l'article 1649quater, § 1er, proposé. Le point B tend à insérer un nouvel alinéa qui prévoit explicitement la possibilité de suspendre non seulement le délai de deux ans visé à l'alinéa 2, mais aussi le délai plus court prévu à l'aninéa 3, pendant le temps nécessaire à la réparation ou au remplacement en cas de négociations.

Amendement nº 17

M. Hugo Vandenberghe dépose l'amendement nº 17 (doc. Sénat, nº 3-722/2), qui vise à ajouter, à l'article 1649quater, § 2, proposé, que l'action du consommateur pour défaut de conformité ne peut être intentée si le vendeur n'a pas été informé dans le délai convenu.

Cette sanction s'inscrit dans la droite ligne de l'exposé des motifs (doc. Chambre, nº 51-982/1, p. 16), qui donne l'impression que le but visé est de priver le consommateur de l'exercice de ses droits s'il n'informe pas le vendeur ou s'il ne l'informe pas à temps, alors qu'ils en étaient convenus contractuellement.

Amendement nº 18

M. Hugo Vandenberghe dépose l'amendement nº 18 (doc. Sénat, .3-72/2), qui vise à remplacer, dans l'article 1649quater, § 3, proposé, les mots « avant la fin du délai de deux ans prévu au § 1er » par les mots « avant la fin du délai prévu au § 1e ».

En effet, il serait plus approprié que le délai de prescription de l'action du consommateur de biens d'occasion ne puisse expirer avant la fin du délai durant lequel le vendeur est responsable sur la base de sa convention avec le consommateur.

Amendement nº 19

M. Hugo Vandenberghe dépose l'amendement nº 19 (doc. Sénat, 3-722/2), qui vise à tenir compte également, dans l'article 1649quater, § 5, du délai inférieur qui peut être stipulé pour les biens d'occasion et du délai plus long qui résulterait d'une suspension.

Amendement nº 20

MM. Willems et Coveliers déposent l'amendement nº 20 (doc. Sénat, nº 3-722/2) visant à remplacer l'article 1649sexies en projet.

Le texte de l'article 1649sexies en projet tel qu'il a été voté par la Chambre (voir doc. 51-982/6) dispose que le vendeur qui doit répondre vis-à-vis du consommateur d'un défaut de conformité peut exercer, pour ce même défaut de conformité, un recours à l'encontre des maillons précédents de la chaîne contractuelle.

En soi, le principe de l'action récursoire ne pose aucun problème. Toutefois, l'article 1649secies risque, dans sa formulation actuelle, d'être interprété d'une manière qui ne correspond pas aux véritables objectifs de cette disposition. C'est pourquoi les auteurs souhaitent donner la précision suivante par voie d'amendement.

Pour M. Willems, il est évident que l'action récursoire du vendeur final ne peut porter que sur la garantie légale. C'est ce qui ressort, d'une part, de la référence à « un défaut de conformité » dans l'article 1649sexies en projet et, d'autre part, de l'article 1649septies, qui dispose que « toute garantie lie celui qui l'offre ... ». Si, dès lors, le vendeur final octroie par exemple une garantie supplémentaire de cinq ans en sus de la garantie légale de deux ans, il ne peut exercer aucun recours à l'encontre du producteur ou d'un intermédiaire pour courir garantie supplémentaire puisse être cité en responsabilité sur la base de garanties contractuelles plus étendues qu'il offre lui-même volontairement.

L'article 1649ter en projet dispose que le bien de consommation n'est conforme que si, entre autres, il est propre à l'usage recherché par le consommateur et accepté par le vendeur. Toutefois, cet article, combiné à l'article 1649sexies en projet, pourrait avoir pour effet qu'un producteur ou un vendeur précédent soit confronté à une action récursoire basée sur un usage spécial accepté par le vendeur final, mais sur lequel le producteur ou le vendeur précédent n'a pas marqué son accord. Tel ne peut évidemment pas être, selon les auteurs, l'objectif de l'article 1649sexiesen projet.

M. Willems conclut que l'action récursoire du vendeur final concerne la garantie légale. Si le vendeur final accorde des garanties supplémentaires en sus de la garanties légale ou s'il a accepté un usage accessoire du produit, ceux-ci ne peuvent pas être opposés au producteur ni à l'intermédiaire.

Amendement nº 15

M. Hugo Vandenberghe dépose l'amendement nº 15 (doc. Sénat, 3-722/2), qui vise à faire débuter l'article 1649octies en projet par une référence à l'article 1649quater, § 1er, dernier alinéa. En effet, cette disposition prévoit que, pour les biens d'occasion, le vendeur et le consommateur peuvent convenir de raccourcir le délai légal de la responsabilité du vendeur.

Amendement nº 21

Mme Nyssens dépose l'amendement nº 21 (doc. Sénat nº 3-722/3) visant à préciser le délai de prescription de l'action du consommateur qui a constaté un défaut de conformité. L'article 1649quater, § 3 proposé, prévoit que le délai de prescription de l'action du consommateur ne peut expirer avant la fin du délai de deux ans visé au § 1er. Tel qu'il est libellé, l'article peut poser des difficultés concernant le délai de prescription pour l'action du consommateur de biens d'occasion. L'amendement nº 21 vise à clarifier la situation sur ce point.

Amendement nº 22

Mme Nyssens dépose l'amendement nº 22 (doc. Sénat nº 3-722/3) visant à préciser, à l'article 1649quater, § 5 proposé, le moment à partir duquel le régime relatif à la garantie des vices cachés de la chose vendue s'applique. L'auteur renvoie à la discussion de l'amendement nº 21 et à la justification écrite.

Amendement nº 23

Mme Nyssens dépose l'amendement nº 23 (doc. Sénat nº 3-722/3) visant à lever une difficulté d'interprétation à laquelle une lecture littérale de l'article 1649quater, § 4 proposé, peut aboutir. Une lecture littérale du texte permettrait de conclure que le consommateur peut exiger le respect d'une garantie illégale. L'auteur propose dès lors de supprimer l'alinéa 2 du § 4 proposé.

Réponses de la ministre aux amendements déposés

En ce qui concerne l'amendement nº 16 de M. Hugo Vandenberghe, la ministre souhaite préciser qu'il n'y a pas deux délais différents. Il n'y en a qu'un seul délai de deux ans.

Le délai applicable en ce qui concerne les biens d'occasion est en principe le délai de deux ans prévu à l'article 1649quater, § 1er, alinéa 1er. Le troisième alinéa permet simplement de réduire ce délai pour les biens d'occasion (« Par dérogation à l'alinéa 1er, ... »). L'article 7, paragraphe 1er, de la directive, permet aux parties (vendeur et consommateur) de convenir d'un délai plus court, sans que celui-ci puisse être inférieur à 1 an.

La disposition dérogatoire à l'alinéa 3 de cet article doit toujours être lue en combinaison avec la disposition de l'alinéa 1er sur la responsabilité générale et compte tenu du délai de deux ans. Si les parties font usage de la faculté qui leur est offerte par l'article 1649quater, § 1er, alinéa 3, le régime de responsabilité prévu à l'alinéa 1er de cet article reste maintenu.

Cela signifie que, si les parties conviennent d'un délai plus court pour des biens d'occasion (par exemple 1 an), le délai de deux ans prévu à l'alinéa 1er de l'article 1649quater, § 1er, doit se lire à la lumière de ce qui suit : « Le vendeur répond vis-à-vis du consommateur de tout défaut de conformité qui existe lors de la délivrance du bien et qui apparaît dans un délai d'un an à compter de celle-ci ».

La suspension du délai général de deux ans qui est prévue à l'alinéa 2 de l'article 1649quater, § 1er, pendant le temps nécessaire à la réparation ou au remplacement du bien ou en cas de négociations entre le vendeur et le consommateur en vue de conclure un accord amiable est dès lors aussi applicable lorsque le délai de deux ans est raccourci pour des biens d'occasion.

S'agissant de l'amendement nº 17 de M. Hugo Vandenberghe, la ministre confirme qu'elle préfère ne pas inscrire dans le projet de loi la sanction du non-respect de l'obligation d'information.

Ce sera toujours au vendeur qu'il incombera de prouver que le consommateur ne lui a pas notifié le défaut dans un délai de deux mois à compter du jour où il l'a constaté.

Le délai dans lequel le consommateur doit notifier le défaut au vendeur est une obligation d'information. Si le consommateur ne la respecte pas, il se rend coupable d'une faute contractuelle et il sera tenu compte du dommage que le vendeur aura subi de par ce silence.

L'article 1649quinquies, § 1er, alinéa 2, précise d'ailleurs qu'« il est tenu compte de l'aggravation du dommage résultant de l'usage du bien par le consommateur après le moment où il a constaté le défaut de conformité ou aurait dû le constater ».

En ce qui concerne l'amendement nº 18 de M. Hugo Vandenberghe, la ministre renvoie à ses commentaires relatifs à l'amendement nº 16 du même auteur.

En cas d'achat d'un bien d'occasion, le droit d'ester en justice se prescrit par un délai d'une année à compter de la date à laquelle il a constaté le défaut de conformité.

Ce délai ne peut cependant pas expirer avant la fin du délai de deux ans visé au § 1er de l'article 1649quater.

Si les parties conviennent d'un délai plus court pour des biens d'occasion (par exemple 1 an), le délai de deux ans prévu à l'alinéa 1er de l'article 1649quater, § 1er, doit se lire comme un délai d'un an.

Au cas où le délai de garantie serait suspendu conformément à l'article 1649quater, § 1er, alinéa 2, le délai de prescription est prolongé, comme le prévoit explicitement l'exposé des motifs (p. 16).

En ce qui concerne la garantie des vices cachés, celle-ci commence à courir après l'expiration du nouveau régime de responsabilité en cas de défaut de conformité. Si les parties ont convenu un délai plus court pour les biens d'occasion, la garantie des vices cachés commence à courir après l'expiration de ce délai.

L'expression « après le délai de deux ans prévu au § 1er » doit être lue comme « un délai de deux ans ou le délai convenu pour les biens d'occasion ». Cette règle est également d'application lorsque le délai de deux ans est suspendu conformément à l'article 1649quater.

Mme de T' Serclaes remarque que, lorsqu'ils devront trancher des litiges, les tribunaux se baseront sur le texte de la loi et pas sur les interprétations qui en sont faites par la ministre. Elle plaide dès lors pour que l'on clarifie les textes afin que leur libellé soit parfaitement en concordance avec la volonté du législateur. À défaut, la loi nouvelle engendrera une augmentation du contentieux, ce qui n'est pas dans l'intérêt des consommateurs.

En ce qui concerne l'amendement nº 23 de Mme Nyssens, la ministre précise que l'article 1649septies, § 4, vise le respect de la garantie commerciale et non pas la garantie légale. Même si la garantie commerciale ne respecte pas, par exemple, toutes les obligations d'information, le projet prévoit qu'elle devra être appliquée.

En ce qui concerne l'amendement de MM. Willems et Coveliers relatif à l'article 1649sexies, à propos duquel M. Willems précise que le libellé de cette disposition prête à confusion, la ministre précise que la responsabilité contractuelle en question porte sur la relation entre le vendeur final et la personne qui vend le bien à ce dernier, et non sur la relation entre le consommateur et le vendeur final. Dans le cadre de cette dernière relation, le défaut de conformité est déterminant. En cas de défaut de conformité, le vendeur peut faire valoir la responsabilité contractuelle à l'encontre du producteur ou d'un autre intermédiaire contractuel de la chaîne.

Si telle est l'interprétation à donner au texte, M. Willems retire son amendement, à la suite des explications de la ministre.

Articles 3bis à 3octies (nouveau)

Les amendements nrs 4 à 6 et 11 à 14 de M. Hugo Vandenberghe (doc. Sénat, nº 3-722/2) visent à mettre la procédure en conformité avec l'article 76 de la Constitution. En effet, si plusieurs articles d'une réglementation déterminée sont modifiés ou si plusieurs articles y sont insérés, il faut prévoir un article modificatif dinstict ou un article d'insertion distinct pour chacun d'eux, afin que le législateur puisse voter les modifications proposées article par article.

L'auteur fait référence à la discussion de l'amendement nº 3 à l'article 3.

Les amendements 7 à 10 de M. Hugo Vandenberghe (doc. Sénat, nr. 3-722/2) sont des sous-amendements à l'amendement nº 6 et concernent la problématique du délai de deux ans (voir, à ce propos, la discussion des amendements nºs 15 à 19 à l'article 3).

Articles 6 et 7

M. Willems constate que les articles 6 et 7 habilitent le président du tribunal de première instance et le président du tribunal du commerce à statuer sur les demandes des associations de consommateurs et les actions en cessation. Est-il question du président du tribunal de commerce siégeant en référé ou du président du tribunal de commerce siégeant comme en référé ?

La ministre répond qu'il s'agit du président du tribunal siégeant comme en référé.

Article 9

Madame Nyssens dépose l'amendement nº 24 (doc. Sénat, nº 3-722/2) qui vise à remplacer l'article 9 du projet. En ce qui concerne l'évaluation de la loi, l'auteur propose qu'après la première évaluation effectuée dans les trois ans qui suivent l'entrée en vigueur du nouveau régime de protection, des évaluations ultérieures soient effectuées sur une base régulière. L'auteur propose enfin que les rapports d'évaluation soient déposés tant à la Chambre des représentants qu'au Sénat.

V. VOTES

Article 3

L'amendement nº 20 de MM. Willems et Coveliers est retiré.

Les amendements nºs 3 et 15 de M. Hugo Vandenberghe sont rejetés par 9 voix contre 1 et 4 abstentions.

L'amendement nº 16 de M. Hugo Vandenberghe est rejeté par 6 voix contre 1 et 7 abstentions.

Les amendements nºs 17 à 19 sont rejetés par 6 voix contre 2 et 6 abstentions.

Les amendements nºs 21 à 23 de Mme Nyssens sont rejetés par 6 voix contre 2 et 6 abstentions.

Art. 3bis et 3ter (nouveaux)

Les amendements nºs 4 et 5 de M. Hugo Vandenberghe sont rejetés par 9 voix contre 1 et 4 abstentions.

Art. 3quater (nouveau)

L'amendement nº 6 de M. Hugo Vandenberghe est rejeté par 9 voix contre 1 et 4 abstentions.

Les amendements nºs 7 à 10 de M. Hugo Vandenberghe sont rejetés par 9 voix contre 2 et 3 abstentions.

Art. 3quinquies à 3octies (nouveaux)

Les amendements nºs 11 à 14 de M. Hugo Vandenberghe sont rejetés par 9 voix contre 1 et 4 abstentions.

Art. 9

L'amendement nº 24 de Mme Nyssens est rejeté par 9 voix contre 2 et 3 abstentions.

Vote final

La commission a adopté, par 11 voix et 3 abstentions, l'ensemble du projet de loi tel qu'il avait été transmis par la Chambre des représentants.

Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des neuf membres présents.

La rapporteuse, Le président,
Christiane VIENNE. Hugo VANDENBERGHE.

Le texte adopté par la commission
est identique au texte
du projet transmis par la
Chambre des représentants
(voir doc. Chambre, nº 51-0982/006)


Correction technique

Nouvel intitulé

Projet de loi relative à la protection des
consommateurs en cas de vente de biens
de consommation