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20 AVRIL 2004
La commission de la Justice a examiné la présente proposition de loi au cours de ses réunions des 22 octobre 2003, 5, 12, 19, 25 et 26 novembre 2003, 3 décembre 2003, 28 janvier 2004, 10, 17 et 18 février 2004, 9, 10 et 16 mars 2004 et 20 avril 2004, en présence de la ministre de la Justice.
Étant donné l'ampleur et la technicité de la mission de codification, la commission a estimé utile de s'entourer de trois experts scientifiques :
M. Johan Erauw, professeur à l'Université Gent,
M. Marc Fallon, professeur à l'Université Catholique de Louvain,
M. Hans Van Houtte, professeur à la Katholieke Universiteit Leuven.
Dans certaines matières spécifiques, la commission a également fait appel, de façon ponctuelle, aux experts suivants :
M. Johan Meeusen, professeur à la Universitaire Instelling Antwerpen,
Mme Nadine Watte, professeur à l'Université libre de Bruxelles,
M. Patrick Wautelet, professeur à l'Université de Liège.
Mme de T' Serclaes reconnaît que c'est une tâche complexe qui attend la commission lorsqu'elle entame l'examen d'une proposition de loi dont le but est de codifier notre droit international privé. La complexité de la matière ne peut cependant pas être un frein à une réforme dont l'importance pratique, dans une société de plus en plus mobile où des relations privées comprenant un élément d'extranéité sont fréquentes, est largement sous-estimée par nos concitoyens.
Le droit international privé vise l'ensemble des dispositions en vigueur dans un État qui, à propos d'une situation privée de caractère international, fixent, pour la matière civile et commerciale, la compétence des autorités nationales pour en connaître, désigne le droit national applicable au moyen de règles de conflit de lois ou règles de rattachement, et détermine les conditions dans lesquelles une décision judiciaire étrangère ou un acte authentique étranger peut recevoir effet en Belgique.
Les dispositions actuelles sont fixées dans des textes épars, anciens et partiels. En ce qui concerne la détermination du droit national applicable, on les trouve principalement dans les termes très généraux de l'article 3 du Code civil, dont la formulation n'a jamais été révisée depuis 1804. La plupart des solutions aujourd'hui appliquées découlent ainsi d'un processus d'interprétation jurisprudentielle, largement relayé par la doctrine.
En 1996, le ministre de la Justice de l'époque a demandé aux professeurs Johan Erauw, de la Universiteit Gent, et Marc Fallon, de l'Université catholique de Louvain, d'effectuer une recherche tendant à établir une codification d'ensemble du droit international privé. La présente proposition de loi s'inspire pour l'essentiel du résultat de cette recherche à laquelle ont également participé de façon active d'autres professeurs de droit international privé : Monique Lienard-Ligny, de l'Université de Liège, Johan Meeusen, de la Universitaire Instelling Antwerpen, Hans Van Houtte, de la Katholieke Universiteit Leuven, et Nadine Watte, de l'Université libre de Bruxelles.
La présente proposition réunit l'ensemble des dispositions de droit international privé dans un but de transparence. En même temps, elle permet d'imprimer une orientation générale à un secteur du droit important pour la pratique. Ces lignes de force prennent en compte un double objectif de modernité et d'internationalité, sans négliger l'apport des conventions internationales que la Belgique a ratifiées ou pourra ratifier en matière civile et commerciale ainsi que de l'évolution du droit européen en la matière.
Mme de T' Serclaes présente ensuite les objectifs de la proposition :
1. un objectif de transparence et de clarification des règles existantes;
2. un objectif d'adaptation à l'évolution.
Le code tient compte de quatre facteurs d'évolution :
Il prend en considération l'interprétation donnée par la jurisprudence à des textes qui datent pour la plupart du Code Napoléon. De même, il s'inspire des autres codifications en Europe.
Les rapports de société ont profondément évolué. La circulation internationale des biens et des personnes s'est banalisée. La Belgique a connu, comme d'autres pays européens, un fort mouvement d'immigration, concernant notamment des populations issues de cultures non européennes. Les législations des États concernés s'y sont adaptées en privilégiant, en matière familiale, un principe de solution de type territorial.
Le code en rend compte qui, tout en maintenant le facteur de la nationalité, reconnaît aussi le rôle que peut jouer le facteur de la résidence habituelle qui est également le critère le plus souvent retenu par l'UE dans ses décisions récentes.
Le changement fondamental qui a affecté le mode d'acquisition de la nationalité.
L'adoption d'une réforme du droit international privé atteste de la volonté d'adapter la loi à l'évolution des valeurs fondamentales de société. Ainsi, par exemple, le code intègre les nouvelles formes de vie commune.
3. Un objectif d'ouverture internationale : le caractère national de la codification n'exclut pas un esprit d'ouverture.
Mme de T' Serclaes présente ensuite la structure de la proposition de loi.
Le code comprend treize chapitres.
Le chapitre I comporte des dispositions générales. Celles-ci comprennent une définition des concepts de nationalité, de domicile et de résidence habituelle, facteurs servant à déterminer la compétence internationale ou le droit applicable.
Ces dispositions générales comprennent aussi des règles de compétence internationale et des règles sur l'efficacité des décisions judiciaires et des actes authentiques étrangers. Le code comprend deux catégories de règles de ce type. Les unes sont propres à une matière déterminée et sont insérées, pour cette raison, dans chacun des chapitres concernés. Les autres sont de caractère général. Cela signifie qu'elles ont vocation à s'appliquer en toute matière, sauf dans les cas où il en est disposé autrement. En principe donc, les règles générales complètent les règles spéciales.
Les chapitres II à VI comprennent l'ensemble des matières relevant du droit des personnes et de la famille, au sens large. Outre des dispositions de nature résiduelle valant, en matière d'état, pour les cas non couverts par des règles particulières, ils visent pratiquement les incapacités, le nom, le mariage, le divorce, la filiation, les obligations alimentaires. Ils incluent également les régimes matrimoniaux, s'alignant à cet égard sur le rapprochement opéré par la Cour de cassation entre cette matière et les effets du mariage.
Le code confirme le principe du rattachement de la personne au droit de l'État dont elle possède la nationalité, tout en tenant également compte de la tendance moderne à considérer le rôle du facteur de la résidence habituelle de la personne.
Le chapitre VII porte sur les successions. En matière successorale le code aménage le droit actuel qui repose sur les dispositions très générales de l'article 3, alinéa 2, du Code civil. Il s'inspire de la Convention de La Haye du 1er août 1989.
Le code établit une distinction, traditionnelle en la matière, entre dévolution d'une part, administration, transmission et partage d'autre part.
Le chapitre VIII porte sur le régime des biens.
Le chapitre IX regroupe les obligations contractuelles et les obligations non contractuelles.
Le chapitre X concerne les personnes morales.
Le chapitre XI porte sur l'insolvabilité.
Le chapitre XII porte sur le trust.
Le chapitre XIII, comprenant les dispositions finales, prévoit une solution du conflit transitoire. Le principe est celui de l'application des dispositions nouvelles aux actes et faits survenus après l'entrée en vigueur de la loi. De la sorte, la sécurité juridique est assurée.
M. Mahoux souhaite que les débats ne se limitent pas aux aspects purement techniques du droit international privé. Il estime que le travail législatif doit aboutir à une clarification de cette branche du droit, tant pour les juristes que pour les citoyens.
Il suggère également que la commission adopte une démarche transversale en faisant du droit comparé pour arriver à une harmonisation de notre droit international privé avec celui des pays qui nous entourent. À défaut, le Code de droit international privé s'inscrirait dans une logique non pas de simplification mais de complexification.
Enfin, il espère que l'on profitera de l'examen de la présente proposition pour examiner d'autres propositions de loi qui, de manière souvent plus ponctuelle, visent à régler des situations privées de caractère international. Il pense notamment à deux propositions de loi visant à régler la problématique de la répudiation (Proposition de loi insérant un article 233bis dans le Code civil et modifiant l'article 1er de la loi du 27 juin 1960 sur l'admissibilité du divorce lorsqu'un des conjoints au moins est étranger, déposée par Mme Anne-Marie Lizin, doc. Sénat, nº 3-141/1 et la proposition de loi modifiant le Code civil et le Code judiciaire en ce qui concerne le régime du divorce et de la séparation de corps en droit international privé, et abrogeant la loi du 27 juin 1960 sur l'admissibilité du divorce lorsqu'un des conjoints au moins est étranger, déposée par MM. Istasse et Mahoux, doc. Sénat, nº 3-31/1).
M. Coveliers souligne l'importance de cette proposition de loi et la complexité du droit international privé. La multiplication des contacts entre les divers systèmes juridiques a rendu cette matière de plus en plus complexe.
Certaines pratiques qui ont cours dans d'autres cultures (par exemple la lapidation) sont inadmissibles au regard de nos normes éthiques. C'est là que des problèmes se posent; il ne faut pas oublier que le droit international privé que l'on va élaborer sera applicable à la Belgique et non pas au monde entier; il s'agit de définir, dans le cadre du système juridique belge, une série de règles en application desquelles on pourrait essayer de résoudre le problème des différences qui existent entre les divers systèmes juridiques.
Les règles de rattachement sont trop limitées pour cela. Il n'est pas question simplement d'une proposition technique, mais, quel que soit le choix que l'on fasse, il faudra veiller à ce que les règles adoptées soient techniquement au point (voir l'article de A. De Nauw).
Il faut progresser dans la discussion de la proposition de loi. Si le législateur doit s'efforcer de laisser la plus grande liberté individuelle possible, y compris en droit international privé, il est aussi de sa responsabilité de déterminer quelles sont les règles de base qui sont inadmissibles, y compris pour ce qui est des règles de rattachement. Les matières en jeu seront le plus souvent des matières relevant du droit de la famille dans le cadre de cas de dissolution du mariage. Dans quelle mesure pourra-t-on admettre comme juges étrangers des institutions religieuses qui exercent des fonctions juridictionnelles dans certains pays ? Des choix politiques devront être faits en l'espèce. Mais, quelle que soit l'option retenue, il faudra veiller à la cohérence technique du texte.
L'intervenant félicite enfin les sénateurs qui ont déposé le texte et en particulier les auteurs de celui-ci.
Mme Nyssens demande quels sont les choix opérés et les options politiques retenues par les professeurs au cours de leurs travaux qui sont à la base de la présente proposition de loi. De même, dans un souci d'efficacité des travaux, il serait souhaitable que la ministre communique ses options politiques par rapport au texte à l'examen.
L'intervenante demande ensuite si le texte est tout à fait à jour par rapport à l'évolution récente du droit européen par exemple dans les matières familiales et comment il s'articule avec les conventions de La Haye.
Enfin, Mme Nyssens profite de la discussion pour interroger la ministre sur l'état d'avancement des contacts bilatéraux que notre pays mène avec plusieurs pays du Maghreb, notamment pour régler les problèmes de droit de la famille. La signature de nouvelles conventions peut-elle être attendue à brève échéance ?
M. Zenner considère que la proposition portant codification du droit international privé est un texte fondateur sur le plan juridique car elle pose la question de la capacité du Parlement à dire le droit. À défaut pour le pouvoir législatif de mener cette tâche à bien, ce sera le pouvoir judiciaire qui devra combler les lacunes mais sans offrir les mêmes garanties de sécurité juridique (gouvernement des juges).
L'intervenant est d'autre part conscient des limites de l'exercice auquel s'attaque la commission. Il plaide pour une approche modeste et réaliste de la codification de notre droit international privé. Le but de la démarche n'est pas d'unifier le droit européen ni le droit international.
M. Zenner estime enfin que la proposition a une dimension pratique essentielle et qu'elle permet d'apporter de la clarification dans de nombreux domaines.
En ce qui concerne le point soulevé par M. Zenner concernant la qualité nécessaire de la législation et la tâche du pouvoir judiciaire, M. Hugo Vandenberghe souligne que le pouvoir judiciaire est compétent chaque fois que des droits subjectifs des citoyens sont menacés. Les citoyens ont beaucoup moins tendance aujourd'hui à admettre sans plus les décisions politiques. Ils participent bien plus que par le passé à la politique par le truchement du pouvoir judiciaire. Comme ils veulent participer davantage à la prise de décision, ils saisissent le juge qui est compétent pour tout ce qui touche à leurs droits subjectifs (par exemple le tapage nocturne), dès qu'ils estiment qu'ils n'y sont pas suffisamment associés.
En ce qui concerne le texte même de la proposition, l'intervenant fait les constatations suivantes.
La proposition a été déposée sous une double qualification, c'est-à-dire comme relevant à la fois de l'article 77 et de l'article 78 de la Constitution. En principe, les dispositions relevant de l'article 77 doivent être inscrites dans un texte distinct.
Par ailleurs, l'intervenant déduit de l'exposé de la ministre que le gouvernement ne s'oppose pas à une codification. Est-ce exact ?
L'intervenant fait ensuite référence à quelques observations générales relatives au problème de la codification, que le Conseil d'État a formulées dans son avis et auxquelles il souscrit (doc. Sénat 2-1225/1, p. 242 La codification dans ses rapports avec les législations nationales, internationales et de l'Union européenne).
Le Conseil d'État se demande ainsi s'il est indiqué de procéder à une codification, eu égard aux conventions de La Haye. On peut se demander, face à l'internationalisation du monde et dans la perspective juridique qui s'ensuit, si le recours à une codification est bien la voie juridique indiquée au niveau national ? Ne vaudrait-il pas mieux opter pour un droit international privé général, qui serait identique dans tous les pays ?
Le deuxième problème que le Conseil d'État soulève à juste titre est celui de la transition. Le changement des règles du droit privé international engendre un problème de droit transitoire. De plus, un changement des règles concernant les conflits de lois provoque un choc plus grand qu'une modification d'une loi substantielle ordinaire. Il est clair qu'une transformation fondamentale en cette matière ébranlerait si sérieusement la sécurité juridique qu'il faut absolument éviter de ne pas l'entreprendre en vain.
Le troisième problème est celui de la question de la future législation européenne et, en particulier, de celle de la transition. Dans quelle mesure une codification est-elle justifiée face à ce problème ? Le but n'est pas de faire en sorte que la codification soit vidée de sa substance dans quelque temps par l'adoption de toutes sortes de directives (déficit démocratique).
En ce qui concerne l'organisation des travaux, l'orateur propose que la discussion soit menée chapitre par chapitre.
M. Willems souhaite revenir sur la question de l'opportunité d'une codification. Au cas où l'on codifierait le droit international privé, il faudrait que la motivation sous-jacente soit de faciliter et d'élargir l'accès à la justice pour le justiciable belge. Le but d'une codification doit être d'améliorer l'accessibilité du droit tant pour les justiciables que pour les praticiens et les juridictions.
L'intervenant peut comprendre l'utilité d'une codification impérative, par exemple du droit des personnes et de la famille, mais voit moins bien l'utilité d'une telle codification pour ce qui est du droit commercial, étant donné que celui-ci prend un tour de plus en plus international. Quel pourrait bien être l'objectif d'une codification dans cette branche du droit ? Il lui paraît indiqué de procéder à une codification minimaliste pour se doter d'un instrument pratique qui pourrait servir ne fût-ce qu'aux étudiants en droit international privé.
M. Nimmegeers dit pouvoir souscrire à l'intervention de M. Hugo Vandenberghe et attendra avec curiosité la réponse des professeurs.
Le professeur Erauw souligne l'importance de la présente proposition et se réjouit d'avoir la possibilité de faire un apport technique, et ce, conjointement avec les autres professeurs présents. Comme les principaux problèmes généraux sont maintenant tous sur la table, il se propose de tenter d'y répondre. On a longtemps examiné les observations formulées par le Conseil d'État, dans son avis nº 29.210/2 du 12 février 2001 (doc. Sénat 2-1225/1) après quoi on a apporté plusieurs adaptations au texte.
L'orateur souhaite revenir sur les questions de la simplification et du besoin de codification.
Il assure que le but des professeurs de droit international privé a été de clarifier les choses. Partant de là, on a élaboré une courte proposition de loi ne contenant que quelques dispositions générales. L'on a demandé dès le départ au groupe de professeurs de veiller à une certaine concision et de ne pas essayer de résoudre toutes les questions de détail; il faut en effet toujours tenir compte d'un élément de casuistique. Le texte est effectivement fort court puisqu'il ne compte que 130 articles, dont certains ne contiennent que des dispositions techniques et transitoires (à comparer par exemple avec les propositions relatives à l'adoption internationale). Il pourrait même encore être écourté au cas où la partie élaborée en vue d'une harmonisation proposée par l'Europe devenait caduque. C'est une loi simple qui apporte les éclaircissements nécessaires. Les juristes (avocats, associations de juristes, juges et magistrats du parquet) sont demandeurs d'une structure, d'une terminologie uniforme et d'une méthodologie. La proposition de loi leur apporte satisfaction à cet égard.
Lorsque le ministre de la Justice de l'époque a commandé en 1997 une étude sur la situation de la femme marocaine en Belgique, l'on a organisé 62 interviews détaillées avec les juristes spécialistes de cette problématique. Tous (sauf un) ont trouvé qu'il était urgent de fixer des règles de base et d'apporter certains éclaircissements.
Pour le reste, ils ont aussi dénoncé les trop grandes différences d'appréciation entre les diverses parties du pays et les divers arrondissements, par exemple pour ce qui est de l'acceptation des actes et jugements provenant de l'étranger. On peut parler à cet égard d'un véritable flou artistique. Cette matière est devenue trop complexe pour que l'on puisse résoudre les problèmes éventuels en application des règles énoncées dans le Code judiciaire actuel.
Il y a donc une demande très claire de définir des règles de base, notamment parmi les citoyens et les fonctionnaires.
Les citoyens ont besoin de plus de clarté à propos des règles qui régissent le mariage et ses effets juridiques. Il y a des problèmes marginaux liés au divorce et aux effets de celui-ci. Les citoyens demandent aussi plus de clarté sur la question des dommages. En ce qui concerne les dommages, la Cour de cassation a formulé des règles très strictes, basées sur le texte de 1804. Les citoyens demandent aussi des précisions en ce qui concerne les successions et le droit des sociétés.
Les fonctionnaires ont très largement contribué à la rédaction du texte proposé.
Le projet est né au sein du ministère de la Justice, où il a grandi dans le cadre d'un débat constant avec Mme Demoustier, représentante de l'administration et interprète de l'immense expérience accumulée par cette administration.
Il se fait qu'aujourd'hui a lieu le congrès annuel des 340 officiers flamands de l'état civil qui ont tous demandé, dans le passé, que l'on précise ce qu'ils doivent faire lorsqu'ils sont confrontés à des actes et des décisions provenant de l'étranger.
Les fonctionnaires et les citoyens demandent aussi une certaine guidance morale. La proposition tient aussi compte de plusieurs problèmes sociaux et politiques, par exemple en ce qui concerne la répudiation. C'est aux parlementaires qu'il appartient de prendre des décisions à ce sujet et les professeurs peuvent leur venir en aide en leur fournissant une justification technique cohérente.
Le texte est techniquement au point et il innove en matière de droit international privé par sa méthodologie. Pour la première fois, un texte détaille la compétence internationale en Belgique. Dans chaque chapitre un lien est établi entre la compétence et la loi applicable.
La proposition a aussi un aspect pédagogique. C'est la première fois que le Conseil d'État a admis la mention dans la législation belge de titres et d'une structure récurrente; le Conseil d'État a aussi insisté pour que l'on précise les règles générales et les règles spéciales. L'intervenant est convaincu que la proposition est techniquement au point maintenant.
Le professeur Van Houtte souligne que ce texte est le résultat de discussions très intéressantes. Six professeurs soutiennent dès lors les lignes de force de ce texte. L'orateur insiste pour que l'on ne se focalise pas sur les détails et pour que l'on en distingue les grandes lignes.
Le sénateur Mahoux avait invoqué le Code Napoléon et souligné qu'il était applicable en France. La France utilise, certes, pour son droit international privé, le même texte de base que la Belgique, mais il n'en existe pas moins des différences substantielles. La Cour de cassation française s'est montrée beaucoup moins rigide que son pendant belge. Le législateur français a aussi voté des lois spécifiques relatives à certains problèmes actuels. L'on ne peut dès lors prendre pour prétexte le fait que la France n'a pas de codification pour ne pas codifier les choses en Belgique.
Le texte proposé s'inscrit dans le prolongement des tendances européennes. Il suit les principes du droit international privé néerlandais, allemand et suisse.
S'agissant du « gouvernement des juges », l'intervenant reconnaît que les juges doivent bénéficier d'une certaine marge d'appréciation. Il note toutefois qu'il a réalisé, il y a quelque temps, une enquête sur la filiation auprès des divers tribunaux de première instance, pour savoir quel droit ils appliquent. Le Code prévoit en effet simplement que la loi nationale est la loi concernant l'état et la capacité des personnes; il n'y a pas deux tribunaux qui ont répondu de la même manière à cette question.
Les choses sont donc simples : soit on continue à se fonder sur l'article 3 du Code civil, auquel cas les choses vont encore se compliquer et l'insécurité juridique va encore grandir, soit on adopte un texte strict et clair impliquant des choix auxquels tout le monde peut souscrire.
On a fait allusion à l'insécurité juridique qui naîtrait d'une modification des dispositions sur les conflits de lois. L'intervenant renvoie tout d'abord aux dispositions transitoires qui prévoient que la loi s'applique aux actes et aux faits juridiques qui sont survenus après son entrée en vigueur. Il ne faut pas non plus se braquer sur le fait que la modification des règles de rattachement entraînerait une modification des règles de droit. Une règle de rattachement se borne à faire référence à un autre droit, lequel peut facilement changer. Selon lui, le problème ne réside donc pas dans les règles de droit international privé, mais plutôt dans celles relevant du droit matériel. Le droit international privé est lui aussi appliqué dans le respect des droits établis.
La dernière observation concerne la remarque selon laquelle on devrait en fait opter pour une application aussi large que possible du droit belge. La loi proposée applique en effet plus souvent le droit belge. Actuellement, le facteur de rattachement retenu est souvent le lieu de résidence. De plus, les tribunaux belges sont déclarés également compétents en cas de nécessité.
D'autre part, le droit international privé est bien plus que le fait de déclarer le droit national applicable à toutes les situations. Les concitoyens qui se rendent à l'étranger doivent y reconnaître la situation existante. Une harmonisation internationale est donc importante.
Le professeur Fallon précise ensuite la relation entre la proposition de loi à l'examen et les conventions de La Haye ou le droit européen.
La proposition de loi portant le Code de droit international privé trouve son origine lointaine dans une recherche, effectuée avant 1995 par le monde académique, sur la politique de ratification par la Belgique des conventions de La Haye. En effet, les professeurs avaient été frappés par l'absence de ratification depuis les années 70 et souhaitaient établir un inventaire des textes internationaux dont la ratification était recommandée.
Au cours de ce travail, il est apparu, que pour de nombreuses conventions, la ratification n'était pas souhaitable car elles étaient dépassées ou posaient des difficultés d'application. Or, cela visait des matières d'une grande utilité pratique, telles que le droit applicable aux régimes matrimoniaux ... Les professeurs ont, à la suite de cette constatation, décidé d'entamer la rédaction d'un texte martyr conservant les éléments positifs des conventions de La Haye tout en modifiant les éléments faisant difficulté. Ce texte est à la base de la présente proposition de loi.
Le professeur Fallon fait ensuite remarquer que la codification internationale, notamment dans le cadre de la Conférence de La Haye, reste assez fragmentaire et ne saurait, en aucune façon, rendre la codification du droit international privé belge sans objet.
En ce qui concerne les conventions de la Conférence de La Haye sur les conflits de lois, l'orateur reconnaît que celles-ci ont un spectre mondialiste dans la mesure où elles peuvent désigner le droit d'un État non-contractant comme étant applicable à une situation de droit international privé. Cependant, dans la pratique, ce type de convention est, en moyenne, ratifié par à peine huit États. En termes d'uniformisation internationale, cela réduit fortement la portée pratique de ce type de convention.
Pour ce qui concerne les conventions réglant des questions de compétence judiciaire et d'efficacité des jugements étrangers, le taux de ratification est sensiblement plus élevé, en moyenne une quarantaine d'États. Cependant, ce bon résultat est contrebalancé par le domaine spatial plus limité de ces conventions qui, par hypothèse, ne s'appliquent qu'entre les États qui les ont ratifiées.
Par conséquent, le professeur Fallon estime qu'un Code de droit international privé contenant le droit commun reste indispensable soit pour régler les situations internationales avec des États non liés par les conventions internationales soit pour régler des matières pour lesquelles des règles internationales de conflits de loi n'existent pas.
Le professeur Fallon reconnaît que la question soulevée par le Conseil d'État de l'articulation du nouveau Code de droit international privé et de la législation européenne est plus délicate. Depuis l'entrée en vigueur, en 1999, du Traité d'Amsterdam, qui attribue des compétences à l'Union en matière de droit international privé, de nombreuses règles de droit international privé ont été créées au niveau européen et il est probable que ce mouvement s'amplifie.
L'intevenant cite notamment le Règlement CE du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (Bruxelles I), le Règlement CE du Conseil du 29 mai 2000 relatif à la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale des enfants communs (Bruxelles II), le Règlement CE du Conseil du 29 mai 2000 relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale, le Règlement du Conseil du 28 mai 2001 relatif à la coopération entre les juridictions des États membres dans le domaine de l'obtention des preuves en matière civile ou commerciale ...
Faut-il en conclure qu'une codification nationale n'a plus de sens ? L'intervenant ne le pense pas.
Pratiquement tous les textes européens concernent la matière des conflits de juridictions et visent seulement des relations entre États membres. Ils ne remplacent pas la nécessité d'une codification nationale pour régler toutes les situations subsidiaires de droit international privé impliquant un État non-membre de l'Union européenne.
D'autre part, le domaine matériel des textes européens est partiel. L'orateur cite l'exemple de la convention de Bruxelles II en matière de litiges matrimoniaux dont le champ d'application est limité aux nullités du mariage, au divorce et à la séparation de corps mais qui ne règle pas les questions concernant les effets patrimoniaux des relations matrimoniales, du divorce ...
Le processus de négociations politiques internationales ne permet pas de s'accorder sur un ensemble vaste de matières. L'on opte dès lors pour un découpage des matières qui conduit à un phénomène de parcellisation du droit civil, sans vue d'ensemble. Cela laisse également une place résiduelle pour des règles nationales de compétence internationale dans les matières non visées par les règles européennes.
L'Union européenne ira-t-elle plus loin dans son processus d'harmonisation en adoptant des actes destinés à se substituer aux règles nationales dans la matière des conflits de lois ? Le professeur Fallon estime qu'il est difficile de faire des prévisions précises sur ce point.
Une proposition de règlement sur le conflit de lois en matière non contractuelle (Rome II) est déjà bien avancée. La commission a transmis un texte au Conseil en juillet 2003. Ce futur règlement, qui a un champ d'application très étendu et qui désigne le droit applicable (acte de caractère universaliste), devrait aboutir au plus tôt en 2005. Quoi qu'il en soit, si ce règlement est adopté, il faudrait supprimer les dispositions correspondantes du Code de droit international privé.
Enfin, la Commission a commencé l'instruction d'un dossier en vue d'une harmonisation en matière de régimes matrimoniaux et de successions. Les travaux scientifiques de faisabilité ont démarré mais ce dossier ne devrait aboutir qu'à l'horizon 2010.
M. Mahoux n'est pas hostile à l'idée d'une codification du droit international privé belge qui serait une sorte de législation intermédiaire, dans l'attente des actes européens. Il insiste cependant pour que les deux démarches se fassent de façon harmonieuse. Il faut, à tout le moins, que les orientations belges soient compatibles avec les options retenues au niveau européen.
Mme de T' Serclaes fait remarquer qu'une des évolutions principales du droit international privé, c'est de donner une préférence à la résidence comme facteur de rattachement plutôt qu'à la nationalité. Ce principe, qui fait l'objet d'un large consensus au niveau européen, sert de fil conducteur à la proposition de codification qui est ainsi en phase avec la codification européenne.
Enfin, l'oratrice plaide pour qu'à l'occasion des travaux, les professeurs établissent une liste des conventions internationales non encore ratifiées par notre pays et pour lesquelles une ratification rapide permettrait de combler des vides juridiques malgré la codification qui est entreprise.
M. Coveliers estime qu'il faut être prudent avec l'espoir que l'on place dans les traités multilatéraux. Leur ratification se fait attendre très longtemps. De plus, les chefs de gouvernement font parfois des déclarations singulières après même que les traités ont été signés. Souvent, la signature n'est qu'un acte purement politique qui permet de ne pas se faire exclure de certaines institutions multilatérales.
Une seconde observation concerne l'évolution en Europe. Même si on parvenait à une réglementation couvrant l'ensemble du droit interne européen, on aurait encore besoin d'un droit international privé pour les pays ne faisant pas partie de l'Europe. Plus le droit touche de près à l'individu, plus il sera difficile de le codifier au niveau européen. Mais la codification reste nécessaire, notamment en ce qui concerne la responsabilité quasi délictuelle. C'est un plan sur lequel l'élément individuel n'intervient pas, puisqu'un accident « arrive » à quelqu'un. Il est important de parvenir dès que possible à une codification.
Mme Van dermeersch retient que les professeurs sont partisans d'une codification pour clarifier et simplifier les choses. Les citoyens, les juristes et les fonctionnaires sont demandeurs. Il importe toutefois qu'il s'agisse d'une simplification et d'une clarification des règles du droit international privé. Les juristes semblent dès lors privilégier un code minimaliste. Le texte à l'examen comporte quelques nouveautés. Le but est-il d'introduire des termes rénovés et de nouvelles définitions ou veut-on seulement uniformiser et simplifier le droit international privé existant, qui se caractérise par la dégression des règles et la casuistique ? A-t-on pris comme point de départ notre droit à nous et opté pour une conception minimaliste ?
M. Hugo Vandenberghe souligne qu'il y a une différence entre coordination et codification. Une codification va au-delà d'une simple compilation de la législation existante. Une codification suppose une nouvelle réflexion sur les points de départ que l'on prend pour résoudre les problèmes.
Il serait utile que soit fournie aux membres de la commission une note énumérant toutes les règles de source européenne applicables aujourd'hui.
La question est de savoir s'il faut un droit international privé spécifique pour l'Union européenne ou si l'on tendra plutôt vers un ius commune de l'UE. L'élaboration d'un ius commune suscite des oppositions, eu égard au principe de subsidiarité en vigueur. Il faut tenir compte des lieux, des moments, de la diversité de la culture juridique et des conceptions juridiques.
Quoi qu'il en soit, le code trouve donc à s'appliquer dans le monde, pour les cas se situant en dehors de l'Union européenne. Il est aussi d'actualité en raison de l'internationalisation de la planète. En troisième lieu, une codification est également intéressante parce qu'elle garantit au citoyen et au praticien l'accès au droit international privé. Il existe un code. S'il y a des modifications, elles seront apportées dans celui-ci. La consultation d'un seul document permet de connaître la situation juridique. Actuellement, les sources sont trop éparses et il y a un manque de sécurité juridique.
La ministre souligne le travail scientifique considérable qui sous-tend le texte à l'examen.
Elle constate un intérêt unanime pour ce dernier et une volonté commune de le faire aboutir.
L'intérêt pratique de légiférer en cette matière est évident. Les règles existantes sont peu nombreuses, éparses, et parcellaires.
Une législation structurée permettra d'aboutir non seulement à une uniformisation des solutions appliquées, à tout le moins au niveau belge, mais aussi à une clarification des règles, qui les rende accessibles et compréhensibles tant pour le praticien que pour le justiciable.
Il faudra cependant trouver un système permettant d'éviter le risque, inhérent à une codification, d'être rapidement dépassée par les règles nouvelles de droit international.
À cet égard, la ministre tient à faire le point sur tous les traités existant en la matière, notamment au sein de la Conférence de la Haye de droit international privé, et que la Belgique n'a pas ratifiés, afin de voir s'il n'y aurait pas un intérêt à s'engager plus résolument dans un rattrapage d'instruments ayant encore un intérêt réel en droit contemporain.
Sur les trente-cinq conventions négociées au sein de la Conférence de la Haye, une vingtaine ont été adoptées depuis le début des années 70, et la Belgique n'est partie qu'à deux de ces traités, alors que notre pays fut le premier État-Partie au statut de la Conférence, et fut à l'origine du mouvement de codification internationale de la matière.
M. Hugo Vandenberghe fait observer que de nouvelles ratifications ne sont à envisager que pour les conventions qui ne sont pas contredites par le code en projet.
La ministre confirme que la prise en considération du droit existant dans le texte en discussion est un point qui devra être tranché.
À ce stade, elle n'a pas une position arrêtée sur le texte, mais est consciente que, sous les clarifications techniques apportées, il y a, sur certains points, des conséquences politiques importantes à prendre en considération. Une cohérence politique doit aussi être assurée, par rapport à certains projets récemment adoptés par le parlement et soutenus par le gouvernement, comme la législation nouvelle sur le mariage.
Avant d'arrêter sa position politique définitive, la ministre souhaiterait bénéficier d'un éclairage scientifique sur une série de questions, soulevées notamment par le Conseil d'État.
Ainsi, faut-il opter pour un code mettant en avant un ancrage national ?
On peut lire dans l'avis du Conseil d'État des réactions considérant qu'il y aurait, dans cette hypothèse, une certaine logique à ne plus adhérer à des traités internationaux ou nouveaux.
On pourrait, pour contourner cet argument, s'inspirer du système du récent article 12bis du Titre préliminaire du Code de procédure pénale. Celui-ci établit, en matière de compétence extraterritoriale, une règle de droit interne permettant d'intégrer automatiquement des règles de droit international.
Il faudra aussi examiner l'utilité de créer des règles qui intégreraient dans notre système des institutions juridiques qui lui sont inconnues à ce jour, comme, par exemple, le trust.
Des questions du Conseil d'État portant sur certaines clarifications relatives à la technique utilisée dans la proposition devront aussi être rencontrées. Ainsi, dans le chapitre Ier, relatif aux dispositions générales, on trouve une série de définitions, dont celle du domicile et de la résidence habituelle.
Pour cette dernière, les définitions permettent de déterminer où elle se trouve, que ce soit en Belgique ou à l'étranger.
Par contre, en ce qui concerne le domicile, le texte ne précise pas comment déterminer où il se situe, lorsqu'il n'est pas établi en Belgique.
Une réponse technique devrait être apportée aux observations formulées par le Conseil d'État à ce sujet.
Il en va de même pour les remarques de ce dernier à propos des règles de compétence.
Le Conseil d'État fait observer qu'il est très utile de disposer d'un texte qui fixe des règles de compétence juridictionnelle au niveau international.
Ainsi, pour telle ou telle matière, comme par exemple celle des droits de succession, on prévoit que les juridictions belges sont compétentes sur la base de certains critères de rattachement. Mais le texte ne dit pas quel tribunal belge est compétent.
L'on a alors tendance à se reporter aux règles du Code judiciaire, mais on s'aperçoit que ces règles ne sont d'aucune utilité pour le critère de rattachement fourni pour déterminer la compétence au niveau international.
En conclusion, beaucoup de questions techniques doivent être examinées. L'apport scientifique est essentiel, mais le travail du parlement a bien évidemment une résonance politique, dont il faudra tenir compte au-delà des aspects techniques.
La ministre examinera en détail les choix techniques et politiques possibles, et leurs conséquences, et pourra ainsi, au terme d'une première lecture, définir plus précisément sa position.
M. Hugo Vandenberghe relève que la ministre fait une distinction entre les observations d'ordre politique et les observations d'ordre technique. Il estime pour sa part que les observations techniques deviennent politiques aussi dès l'instant où elles sont formulées au Parlement. Tous les arguments appellent donc une réponse, même si tout le monde sait bien qu'il y a une gradation dans les arguments. Certains éléments sont plus politiques, comme le problème de la résidence, d'autres le sont moins, comme la question du rattachement. Tous les problèmes se manifesteront au cours d'une première lecture, chapitre par chapitre.
Article 1er
M. Hugo Vandenberghe fait remarquer que l'on n'a pas appliqué en l'espèce la méthode de travail habituelle. En effet, la proposition contient aussi bien des dispositions réglant une matière bicamérale (article 77 de la Constitution) que des dispositions réglant une matière facultativement bicamérale (article 78 de la Constitution). En principe, les dispositions réglant une matière visée à l'article 78 de la Constitution, et qui relèvent donc de la procédure bicamérale facultative, font l'objet d'une proposition de loi distincte. L'intervenant comprend certes que cette règle de scission soit difficile à mettre en pratique dans le cadre d'une codification.
Mme de T' Serclaes renvoie à ce sujet au commentaire de l'article 1er figurant dans les développements précédant la proposition de loi (doc. Sénat, nº 3-27/1, p. 25).
M. Vandenberghe fait observer qu'avec le Code des sociétés, il s'agissait d'une coordination, plutôt que d'une véritable codification.
Chapitre Ier Dispositions générales
M. Hugo Vandenberghe souligne l'importance de ce chapitre qui contient des dispositions générales et fondamentales. L'intervenant énumère les diverses sections et demande aux professeurs de commenter les choix qui ont été opérés.
Article 2
Le professeur Fallon indique que cet article comporte un rappel, adressé aux juges, aux avocats et aux fonctionnaires, des impératifs découlant des traités internationaux et des actes adoptés sur la base des traités européens.
La problématique technique liée à l'existence du droit communautaire et de la compatibilité de la proposition avec celui-ci, devra être examinée chapitre par chapitre, pour indiquer, par exemple, les questions sur lesquelles la Cour de Justice de Luxembourg s'est déjà prononcée.
En outre, l'article 2 définit les matières visées et, a contrario, en exclut d'autres comme l'arbitrage (où le Code judiciaire continue à s'appliquer).
L'article précise également que le texte s'applique sous réserve des lois particulières. Il a donc une portée générale, mais si des lois particulières subsistent dans le système juridique, ou sont adoptées ultérieurement, elles auront la primauté (ex. la récente loi sur l'adoption, qui contient certaines règles spéciales de droit international privé).
M. Hugo Vandenberghe demande ce que l'on entend au juste par les mots « en matière civile et commerciale ». Ont-ils bien un champ d'application fixe ? La notion de « droit civil » en droit belge est, par exemple, tout à fait différente de celle définie à l'article 6 de la CEDH. Ces notions sont aussi utilisées dans la Convention de Bruxelles. Il est capital de savoir avec précision ce que l'on entend par ces notions, parce qu'elles déterminent le champ d'application du code.
Le professeur Van Houtte note que la finalité de l'article 2 est d'indiquer que les règles européennes priment. C'est ainsi que la Convention de Bruxelles s'applique effectivement aux actes authentiques en matière civile et commerciale. En conséquence, toutes les matières civiles et commerciales visées par la Convention de Bruxelles tombent en dehors du champ d'application de la proposition de loi.
M. Hugo Vandenberghe demande par ailleurs si le mot néerlandais « besluiten » est la traduction fidèle du mot français « actes ».
Le professeur Fallon répond que l'expression vient de la Convention de Rome de 1980 sur le droit applicable aux obligations contractuelles, conclue entre les États membres de l'Union européenne.
Dans cette convention, une priorité est donnée aux actes communautaires.
Le texte du présent article reprend la terminologie figurant dans le texte néerlandais de la loi d'approbation de 1987.
On vise ici les règlements et les directives, alors que le terme « besluit » vise une décision individuelle.
Quant à la Constitution européenne, elle tombe sous la catégorie des traités internationaux.
La ministre demande s'il ne faudrait pas plutôt utiliser l'expression « droit dérivé », expression consacrée en droit international.
Le professeur Fallon fait observer que la distinction entre droit primaire et droit dérivé est une terminologie académique plutôt que législative.
L'expression « actes émanant de ... » est plus courante.
L'intervenant suggère en tout cas un terme neutre, faute de quoi il risque d'être rapidement dépassé.
Section 2 Détermination de la nationalité, du domicile et de la résidence
Article 3 Nationalité
Article 4 Domicile et résidence habituelle
M. Mahoux demande quelle est la portée juridique exacte de l'expression « les liens les plus étroits ». Le sens doit être suffisamment précis pour pouvoir opérer des choix.
L'intervenant présume par ailleurs que le § 4 vise les cas où il n'est pas possible de faire un choix entre différentes nationalités. Y-a-t-il d'autres hypothèses où il est impossible de définir la nationalité d'une personne ?
M. Willems fait remarquer qu'à l'article 3, on a opté pour la notion de résidence habituelle, ce qui laisse une marge d'interprétation.
M. Hugo Vandenberghe renvoie aux remarques du Conseil d'État sur la section 2. Il voudrait savoir dans quelle mesure on en a déjà tenu compte. Il importe d'avoir une définition précise des mots nationalité, domicile et résidence, étant donné que ces critères de rattachement jouent un rôle clé dans la solution de nombreux problèmes en droit international privé.
Le professeur Van Houtte précise que la disposition relative à la nationalité constitue une codification du droit existant. On y reprend en fait, à titre éducatif, les principes de la Convention de La Haye de 1930.
La notion de « liens les plus étroits » a été définie en droit par la Cour internationale de justice dans l'affaire Notteboom. En Belgique aussi, cette casuistique relative aux liens les plus étroits a fait l'objet de nombreux arrêts. Si le juge est confronté aux faits, il éprouve moins de difficultés à trancher la question de la définition de cette notion. L'intervenant donne un exemple. Un étudiant de Gand, né en Angleterre et résidant aux États-Unis, souhaite épouser une Belge. La question s'est posée de savoir s'il fallait indiquer, dans l'acte de mariage, le nom anglais ou le nom américain de cet étudiant à double nationalité. Le juge anglais a estimé que ses liens les plus étroits étaient ses liens avec les États-Unis, puisqu'il y avait passé toute sa vie et qu'il y retournerait vraisemblablement. Il a dès lors opté pour la nationalité américaine.
Il est des cas dans lesquels il est impossible de déterminer la nationalité, comme celui d'un sans-papiers qui en profite pour se soustraire à toutes sortes d'obligations. Voilà pourquoi on a ajouté un § 4 à l'article 3, prévoyant que, dans ces cas-là, il y a lieu de faire référence à la résidence habituelle.
La notion de domicile est en fait ambiguë en tant que son contenu en droit civil n'est pas le même qu'en droit judiciaire. En droit judiciaire, le domicile est un critère de désignation du tribunal compétent, et c'est l'inscription au registre de la population qui fait foi. Dans la proposition à l'examen, le domicile sert de critère de compétence du juge belge. Il est inutile de se demander s'il y a un domicile à l'étranger, puisqu'on ne désignera de toute façon jamais un juge étranger.
La notion de résidence habituelle s'inscrit dans le prolongement de celle de domicile en droit civil et est utilisée couramment dans les Conventions de La Haye. Le sens propre de cette notion en droit international privé est clairement indiqué à l'article 4.
Le professeur Fallon souligne que la question touche à deux caractéristiques du « profilage » de la loi, qui sera partagé entre règles générales et règles précises tendant à tout prévoir.
Les termes « liens les plus étroits » et « résidence habituelle » sont aujourd'hui utilisés couramment dans le droit international privé moderne, et donnent lieu à une appréciation de fait, qui suppose une certaine liberté d'appréciation dans un cas concret. Cette souplesse est nécessaire pour que la règle puisse s'adapter à la variété des cas.
M. Mahoux fait observer que le texte précise le sens de la notion de « résidence habituelle », alors qu'il ne le fait pas pour celle de « liens les plus étroits ».
M. Coveliers souhaite intervenir à propos de la notion de liens les plus étroits. Il peut exister un lien par le biais d'une habitation, de la famille et des intérêts économiques ou sociaux, entre autres. L'intervenant fait remarquer que la notion en question a déjà été utilisée mutatis mutandis dans la loi sur la compétence universelle, là où référence est faite au forum le plus adéquat devant lequel une plainte peut être envoyée, sans indication des critères exacts. On a aussi laissé au juge le soin de désigner le forum le plus adéquat dans ce cas-là. Il s'agit aussi d'une évaluation de fait.
Le professeur Van Houtte estime qu'il s'agit d'une question de casuistique. Par quoi est-on le plus concerné ? Dans la mesure où la famille représente plus pour telle personne que pour telle autre, on peut difficilement affirmer d'une manière générale que la famille, par exemple, est un élément essentiel pour déterminer quel est le lien le plus étroit.
M. Willems répète que la notion de résidence habituelle laisse une marge d'interprétation. Pourquoi n'est-il dès lors fait référence qu'à la résidence habituelle à l'article 3 ?
M. Coveliers répond que la notion de résidence habituelle telle qu'elle figure à l'article 3 sert de critère de référence pour déterminer la nationalité, tandis que l'article 4 donne une définition des notions de résidence habituelle et de domicile.
Le professeur Van Houtte répète que la notion de domicile a une utilité procédurale et que, comme dans le Code judiciaire, elle permet de désigner le tribunal compétent, à savoir celui du lieu où l'intéressé est inscrit au registre de la population. La notion de résidence habituelle est une notion factuelle qui est illustrée en l'espèce à l'intention du juge.
La ministre croit savoir que l'affaire Notteboom concernait un problème de fraude à la loi commis par une personne qui changeait de nationalité. Or, le problème qui se pose ici est différent.
Il s'agit d'une personne qui a plusieurs nationalités et, au lieu de choisir la nationalité qui correspond à sa résidence habituelle, on choisira celle de l'État avec lequel elle a les liens les plus étroits.
La résidence habituelle n'est qu'un élément parmi ces derniers.
Le professeur Van Houtte précise qu'il veut dire qu'il s'agit d'une notion à laquelle il est fait référence à tous les niveaux de la jurisprudence. L'affaire Notteboom est toujours citée pour illustrer le fait qu'il doit y avoir un lien étroit pour que l'on puisse déterminer la nationalité. La notion est en fait reprise de la Convention de La Haye de 1930; s'il faut choisir entre deux nationalités étrangères, il faut choisir la plus pertinente, soit celle de l'État avec lequel on a le lien le plus étroit. Dans d'autres pays aussi, il existe une jurisprudence relative au lien le plus étroit. On n'a d'ailleurs jamais fait référence à l'affaire Notteboom dans le cadre des travaux préparatoires.
M. Hugo Vandenberghe renvoie à l'avis du Conseil d'État à propos de la notion de nationalité (doc. Sénat, nº 2-1225/1, p. 249) : « contrairement à ce qu'indique cet intitulé, ces textes ne définissent en réalité que les notions de domicile et de résidence car l'article 3 du projet, qui concerne la nationalité, ne fournit pas la définition de la notion proprement dite. »
C'est pourquoi le Conseil d'État propose de reformuler l'article 3.
Les professeurs répondent que l'on a tenu compte de cette observation (voir article 3, § 1er).
M. Mahoux suggère qu'au § 2, le texte français soit aligné sur le texte néerlandais, en remplaçant le mot « elle » par les mots « cette personne », afin d'éviter toute ambiguïté.
Mme de T' Serclaes demande, à propos du § 4 de l'article 3, ce qui se passe lorsqu'il n'y a pas non plus de résidence habituelle.
M. Hugo Vandenberghe estime que, dans ce cas, cette résidence doit être considérée comme fixée à l'endroit où se trouve la personne.
M. Mahoux évoque le cas d'une personne sans papiers et sans domicile, qui se trouve dans la zone de transit de l'aéroport.
Le professeur Van Houtte répond que dire que certaines parties de l'aéroport de Zaventem ne font pas partie du territoire belge relève de la fiction. À Zaventem, on se trouve en territoire belge. Reste donc à savoir dans quel pays l'intéressé a sa résidence habituelle. À défaut d'une autre indication, il s'agit de la Belgique.
M. Coveliers estime qu'il y a par définition une autre indication, puisque la personne en question débarque d'un avion.
M. Hugo Vandenberghe renvoie aux remarques du Conseil d'État sur la question de domicile et de résidence habituelle (doc. Sénat, nº 2-1225/1, p. 249-255).
M. Coveliers renvoie à la jurisprudence du Conseil d'État sur la résidence en matière électorale et, plus particulièrement, en matière d'élections des conseils communaux, dans le cadre de laquelle on a surtout insisté sur les intérêts sociaux de l'intéressé.
L'intervenant voudrait savoir si la résidence habituelle n'entre en jeu en l'espèce qu'en l'absence de domicile. La première de ces notions est-elle subsidiaire de l'autre ?
M. Hugo Vandenberghe cite la remarque du Conseil d'État selon laquelle la définition des notions de domicile et de résidence habituelle pour l'application de la présente loi a pour conséquence que la disposition en projet n'affecte pas les autres règles du droit international privé belge, qui ne sont ou ne seraient pas comprises dans le code en projet, et qui font ou feraient aussi usage de ces notions classiques.
Les auteurs de la proposition doivent se demander si laisser subsister en droit international privé plusieurs notions pour ce qui est du domicile en Belgique et de la résidence habituelle en Belgique ou ailleurs, auxquelles il y aurait lieu de se référer respectivement selon que les règles relatives à ces notions figurent ou non dans le code en projet, correspond bien à ce qui est leur intention.
Se pose en outre la question de savoir si l'on veut que la notion de résidence habituelle ne serve de référence que pour l'application de ce code ou si on veut aussi qu'elle serve de référence pour l'application des règles telles qu'énoncées dans les règlements européens.
Le professeur Fallon indique que le terme « domicile » est utilisé uniquement pour les besoins de la compétence internationale.
Par conséquent, le domicile ne sert qu'à une localisation recherchée en Belgique. Il s'agit uniquement de rechercher si les tribunaux belges sont compétents en raison du domicile forcément localisé en Belgique.
De ce point de vue, la question de la localisation possible à l'étranger est sans objet, puisque le domicile n'est utilisé qu'en matière de compétence.
En revanche, la « résidence habituelle » n'intervient pas de manière subsidiaire par rapport au domicile, pour déterminer la compétence, mais bien pour la détermination du droit applicable au fond.
Ces deux critères ont donc des fonctions différentes.
Les raisons pour lesquelles la résidence habituelle est retenue pour la question du droit applicable sont les suivantes.
Tout d'abord, c'est devenu une pratique constante dans les conventions de La Haye, où l'on utilise le critère de résidence habituelle, et non celui de domicile, pour la question du droit applicable.
Cette constante obéit à une nécessité technique.
En effet, le droit applicable que l'on recherche peut être un droit étranger. Ainsi, si un juge belge cherche le droit applicable à une question concernant la garde d'un enfant belge résidant au Chili, la règle de rattachement désignera, par exemple, le droit chilien. Pour appliquer le droit chilien, il faut savoir si la personne est localisée là-bas.
Si l'on avait retenu le domicile comme facteur de localisation, on aurait couru le risque que la définition du domicile selon le droit chilien soit difficile (cf. le droit anglo-saxon, où le « domicile » n'a pas le même sens que chez nous).
D'où la nécessité de retenir un critère concret, factuel, ayant un sens commun.
Les développements précédant la proposition de loi répondent en ce sens au Conseil d'État.
M. Hugo Vandenberghe comprend que les notions de domicile et de résidence habituelle soient utilisées dans l'acception classique du droit international privé, comme ce fut le cas au cours des 50 dernières années.
Que se passe-t-il si des lois particulières, qui font référence à la résidence habituelle ou au domicile, ne contiennent aucune indication au sujet du contenu de ces notions ? Ne vaudrait-il pas mieux prévoir, dans la proposition de loi à l'examen, une mention précisant que ces notions doivent être interprétées au sens de celle-ci ?
Et quid si ces législations particulières sont des directives et des règlements de l'Union européenne ?
On peut s'interroger sur l'impact d'une telle situation sur d'autres lois dans lesquelles les termes en question sont également utilisés. Il serait préférable, dans un souci d'harmonisation et d'uniformité, de donner toujours le même contenu à ces notions en droit international privé.
Le professeur Fallon répond que pour les questions de compétence, les règlements communautaires utilisent encore le critère de la résidence habituelle.
Au contraire, la proposition à l'examen retient uniquement le critère du domicile.
L'autre observation du Conseil d'État est techniquement pertinente. Si l'on définit ici la résidence habituelle et le domicile, et que d'autres lois belges utilisent aussi ces concepts, utilisera-t-on ceux-ci dans le sens donné par les lois particulières ou par la loi générale ?
Comment corriger le risque d'acceptions diverses d'un même concept dans un système juridique, si ce n'est en adoptant des règles et définitions générales ?
L'intervenant ajoute que cette diversité dans les acceptions va subsister, en raison du fait que les termes « résidence habituelle » ou « domicile » peuvent aussi être utilisés par des actes communautaires en vigueur en Belgique. Si une loi belge transposant une directive utilise les termes « résidence habituelle », on sait que ceux-ci devront être utilisés par référence à la directive.
Ce sera au juge à rechercher quelle aura été la volonté du législateur dans le cadre de telle législation particulière.
La notion de résidence habituelle est devenue tout à fait courante dans le droit international privé comparé depuis cinquante ans.
Dans la proposition à l'examen, on trouve une formalisation de cette acception, qui s'inspire d'une définition donnée par le Conseil de l'Europe en 1972, confortée par une jurisprudence de la Cour de Luxembourg qui, pour les besoins du droit communautaire, a dû interpréter la notion de résidence habituelle apparaissant dans différentes directives communautaires.
Mme de T' Serclaes attire l'attention sur le fait que l'article 4 indique clairement que ses dispositions valent « pour l'application de la présente loi ».
M. Hugo Vandenberghe note qu'il peut quand même toujours y avoir des lois particulières qui ne tombent pas formellement dans le champ d'application du code à l'examen, et dans lesquelles les termes « domicile » et « résidence habituelle » sont utilisés sans avoir pour autant été définis.
Ne pourrait-on pas dire que la proposition de loi à l'examen consacre l'interprétation habituelle des notions en question, ce qui signifie qu'elle est applicable aussi dans les règlements particuliers, sauf si ceux-ci s'en écartent expressément ?
Le professeur Fallon répond que l'on pourrait rencontrer cette observation en formulant l'article 4, § 1er, comme suit : « Pour les besoins du droit international privé,... ».
Cela signifierait que, hormis le cas des actes internationaux, toute loi qui intéresserait le droit international privé serait interprétée en fonction de ces définitions.
M. Mahoux rappelle qu'en principe, une loi particulière a priorité sur la loi générale à laquelle elle déroge. Il renvoie à ce sujet aux arguments développés lors de la discussion de la loi de compétence universelle.
L'intervenant souhaiterait obtenir confirmation de la hiérarchie des normes en la matière.
Le professeur Van Houtte estime que la discussion en cours est un peu trop académique. Il n'a connaissance d'aucune loi de droit international privé qui soulève ce genre de problème. Il pense en outre que l'argument dans le cadre duquel le Conseil d'État fait référence aux conventions de New York et de Genève (p. 249) n'est pas convaincant, étant donné que la notion de résidence habituelle n'est apparue que dans les années 60, soit après la conclusion desdites conventions. Il n'est pas favorable à l'instauration d'une règle absolue prévoyant, par exemple, que la notion de domicile doit être interprétée comme désignant la résidence habituelle, car une telle règle pourrait avoir des effets connexes imprévisibles.
M. Coveliers demande si la notion de « résidence habituelle » figure déjà dans une loi. Selon lui, non.
M. Hugo Vandenberghe renvoie à l'avis du Conseil d'État sur la notion de domicile (p. 250) : « Il convient d'observer que la notion de domicile énoncée au paragraphe 1er, 1º, de l'article 4 du projet permet seulement d'identifier un domicile en Belgique et ne permet donc pas d'identifier un domicile situé ailleurs qu'en Belgique. »
Cette remarque ne semble pas pertinente. Seule la compétence du juge belge doit être établie.
Voici ce que dit le Conseil d'État à propos de la notion de « résidence habituelle » : « L'article 4 du projet, qui définit la résidence habituelle, ne distingue pas le cas où celle-ci serait en Belgique du cas où elle se situerait à l'étranger. Il est cependant permis de s'interroger sur la question de savoir si ces cas ne doivent pas être distingués l'un de l'autre. » (voir également p. 253, alinéa 3)
Le professeur Van Houtte répond que, par définition, ces cas ne peuvent pas être distingués l'un de l'autre. On applique le même critère, que l'on se réfère au droit belge ou au droit étranger. La question implique une négation du système.
Le professeur Fallon souligne que le texte proposé est assez classique et prudent. Certaines des observations du Conseil d'État peuvent être vues comme très progressistes du point de vue technique.
Les développements précédant la proposition répondent à cet élément de l'avis du Conseil d'État que, certes, lorsque la résidence habituelle est prétendument en Belgique, et qu'il y a un domicile en Belgique, le juge vérifiera s'il y a bien concordance entre ce dernier et l'établissement général de la personne.
En effet, si cette concordance est la règle, comme le prescrit la loi de 1991 relative aux registres de la population, il y aura cependant des cas où elle ne sera pas respectée.
Mme Van dermeersch fait observer qu'il n'est nullement question d'une personne morale à l'article 3. Quant à l'article 4, § 1er, 2º, il dispose que le domicile se comprend comme le lieu où une personne morale a, en Belgique, son siège statutaire. Pourquoi « en Belgique » ?
Le professeur Fallon répond qu'à l'article 4, § 1er, 2º, on ne se réfère qu'au siège statutaire en Belgique parce que le domicile sert uniquement à fixer la compétence judiciaire, et que cette question ne peut se poser qu'à propos d'un tribunal belge. Dès lors, la portée utile de la disposition se limite au cas où le domicile de la société se situe en Belgique.
Le texte utilise le siège statutaire qui, par analogie avec les personnes physiques, renvoie à une formalité administrative d'inscription.
En ce qui concerne l'article 3, l'intervenant déclare que la nationalité n'est utilisée dans le projet que pour les personnes physiques (en matière familiale), et non pour les personnes morales.
Ce point devra être réexaminé lors de la discussion du chapitre sur les sociétés, où l'on a retenu le critère de l'établissement principal qui, formellement, se distingue de la nationalité.
Cependant, il est vrai que la pratique du droit international privé montre que, pour les besoins de l'application de traités internationaux, multilatéraux ou bilatéraux, il peut être nécessaire de rechercher la nationalité d'une personne morale. On peut citer comme exemple le traité CEE, ou l'accord bilatéral entre la Belgique et le Libéria prévoyant des avantages réciproques au bénéfice des nationaux de chacune des parties pour l'accès à la justice. La question s'est posée de savoir si, pour l'application de ce dernier traité, une société du Libéria pouvait être considérée comme un national de ce pays.
Une question se pose quant à la méthode à adopter : faut-il profiter du texte à l'examen pour définir de manière générale la nationalité d'une personne morale, ce qui pourrait s'avérer utile dans d'autres textes.
Le professeur Van Houtte reconnaît que la nationalité des sociétés pose effectivement problème. Néanmoins, cette question n'a pas sa place ici, car la loi belge sur la nationalité concerne non pas les sociétés mais les personnes. Pour que ces dernières puissent être concernées, il faudrait insérer, par exemple, dans la loi sur les sociétés une disposition relative à la nationalité des sociétés.
Section 3 Compétence judiciaire (articles 5 à 14)
Le professeur Fallon précise que dans la section 3 sont rassemblées les règles qui déterminent la compétence des tribunaux belges dans les cas internationaux.
Il s'agit de règles générales, auxquelles il peut être dérogé matière par matière.
Certaines de ces dispositions (articles 5, 8 et 10) s'inspirent de la « loi-modèle » qu'est devenue la Convention de Bruxelles de 1968, conclue entre les États de l'Union européenne.
Par ailleurs, ces règles générales comblent une lacune du droit actuel relative à la validité de clauses de juridictions internationales, lacune qui est particulièrement gênante dans le droit des affaires.
Les articles 6 et 7 répondent à cette question, en envisageant respectivement l'hypothèse où ce sont les tribunaux belges qui sont désignés, et celle où ce sont les tribunaux étrangers qui sont désignés. Cette distinction fait suite à une observation du Conseil d'État.
La section comporte par ailleurs certaines innovations. La plus sensible concerne les extensions de compétence en matière de connexité et de litispendance internationales.
Le Code judiciaire règle ce genre de problème pour les affaires purement internes, afin d'éviter le risque de jugements contradictoires.
En revanche, dans les contentieux transfrontières, il n'y a pas de règle de litispendance, car il est très difficile de l'élaborer.
La proposition est, sur ce point, très audacieuse. Elle tente de régler le problème de la litispendance internationale, en s'inspirant de la rare jurisprudence existant en cette matière en France.
Une autre innovation concerne l'attribution exceptionnelle de compétence (article 11).
Dans des cas exceptionnels, lorsque les tribunaux belges ne peuvent être compétents en vertu des règles prévues dans le texte, on peut, pour éviter un déni de justice, admettre une compétence subsidiaire des tribunaux belges. Le juge devra motiver les circonstances exceptionnelles justifiant sa compétence.
M. Hugo Vandenberghe fait observer qu'il s'agit d'une application de l'article 6 CEDH, qui garantit le droit à un juge.
Le professeur Fallon cite, à titre d'exemple, le cas d'un Belge résidant à l'étranger, dans un pays lointain, et qui veut obtenir un changement de son statut personnel. S'il n'y arrive pas par exemple pour des raisons politiques liées à l'État où il réside , ce Belge pourrait-il s'adresser à la juridiction belge ? Il s'agit là d'un problème très délicat.
L'article 14 du Code Napoléon prévoyait que le national pouvait toujours agir devant un tribunal belge. Cette règle a toutefois été abrogée en 1948.
La jurisprudence a, pour pallier cette disparition, considéré que, de manière tout à fait exceptionnelle, il fallait accepter la compétence des tribunaux belges en matière familiale.
En ce qui concerne les mesures provisoires et conservatoires et les mesures d'exécution visées à l'article 10, M. Hugo Vandenberghe demande si elles sont conformes à la nouvelle conception internationale, selon laquelle on peut, dans les cas d'urgence, saisir la juridiction de son lieu de résidence. Quel est, en l'occurrence, le point de rattachement avec le droit belge ?
Le professeur Van Houtte répond que les mesures concernent des biens ou des personnes se trouvant en Belgique. Les personnes doivent résider effectivement et physiquement en Belgique.
Le professeur Fallon rappelle que cette disposition est inspirée de la Convention de Bruxelles de 1968, telle qu'elle a été interprétée par la Cour de Luxembourg.
Mme de T' Serclaes demande, à propos des cas de litispendance internationale, comment ceux-ci sont résolus à l'heure actuelle.
Le professeur Fallon répond qu'en l'absence de traité international, pour un cas « hors Europe », la solution appliquée est radicale : les deux procédures sont menées parallèlement.
Ainsi en va-t-il, par exemple, d'un problème de contrat entre un Belge et un Américain, auquel un texte européen ne serait pas applicable.
À l'heure actuelle, le juge belge statue sur sa compétence en ignorant délibérément la saisine du juge étranger. Les deux procédures se poursuivent, avec un risque de conflit de décisions a posteriori.
De plus, le fait que le jugement belge a été rendu sera une raison pour s'opposer à l'effet du jugement américain.
La règle retenue par la proposition en matière de litispendance traduit, à nouveau, une ouverture internationale puisqu'elle va entraîner le juge belge, lorsqu'il est saisi en second lieu, à surseoir à statuer ou même à se dessaisir, s'il évalue que le jugement étranger qui sera rendu pourra ensuite être reconnu en Belgique. Il s'agit d'une règle classique en matière de litispendance interne, à savoir la priorité au juge premier saisi.
Aucune autre solution praticable n'a pu être trouvée.
Le professeur Van Houtte souligne le caractère facultatif de cette disposition, qui figure à l'article 14. Le juge belge peut surseoir à statuer et tient compte des exigences d'une bonne administration de la justice. Il n'y a pas d'automatisme absolu.
M. Willems renvoie à l'autonomie de la volonté des parties dans la désignation du juge compétent. En droit commercial, et surtout en droit de la distribution (contrats d'agence, franchise), on rencontre généralement des contrats types, une partie adhérant à une convention imposée, en réalité, par le commettant. Dans la distribution internationale, il arrive souvent aussi que l'on désigne le juge étranger compétent dans ces contrats. La partie la plus faible, qui est en réalité celle qui devrait être protégée, a donc un sérieux handicap à surmonter pour faire valoir sa demande devant un juge étranger. Les dispositions de la proposition de loi permettent-elles à la partie concernée, s'il s'agit d'un entrepreneur belge, de s'adresser quand même au juge belge ?
Le professeur Van Houtte souligne que la loi en projet n'est pas applicable aux cas qui tombent dans le champ d'application du règlement de Bruxelles. C'est alors le droit européen qui s'applique. Le mot clé de l'article 6 se trouve au § 1er : la convention entre les parties doit être conclue valablement. La loi sur les concessions de vente exclusive (article 6) n'admet pas la désignation d'un juge étranger.
M. Willems fait observer que les contrats de franchise ne sont pas réglés par la loi; c'est le droit contractuel pur et simple qui joue en l'occurrence. On ne pourrait alors pas s'adresser au juge belge en cas de litiges portant, par exemple, sur les conditions d'exécution ou l'indemnité.
Le professeur Van Houtte souligne que l'article 6 est en réalité une exception, dans laquelle un seul juge est déclaré compétent. L'unique question qui se pose est celle de savoir si le juge désigné est compétent ou non. Si la réponse est négative, on en revient aux règles générales (voir par exemple l'article 5, domicile du défendeur).
Le professeur Fallon déclare que cette question soulève le problème de la réalité de l'acceptation de la clause. Il résulte du texte qu'il faut une convention. Les développements précédant la proposition précisent que le juge devra opérer un double contrôle.
Il devra vérifier s'il y a eu une convention, c'est-à-dire contrôler la réalité du consentement de chacune des parties.
De plus, en droit familial, c'est le droit belge qui déterminera si la matière est disponible ou pas. La réponse est négative pour la plupart des questions.
M. Hugo Vandenberghe fait observer que si l'on allègue que le juge étranger est incompétent à la lumière de l'article 1108 du Code civil (contrat nul en raison de l'absence de consentement), le juge étranger devra juger de sa compétence en fonction des dispositions du Code civil. Le juge étranger devra donc examiner d'abord si le contrat est valable en droit belge. N'y a-t-il pas là un problème ?
Le professeur Van Houtte répond que cela se produit souvent. La discussion sur le fond, même devant le juge belge, est souvent menée sous le couvert d'une question de compétence.
M. Willems estime qu'il conviendrait d'insérer, dans le texte à l'examen, une disposition prévoyant que la partie la plus faible peut s'adresser au juge belge. La partie la plus faible ne s'adressera pas à un juge étranger pour un litige ordinaire, en vue de plaider l'absence de consentement. Les frais seraient trop élevés. Cela revient en fait à exclure la partie la plus faible.
Le professeur Van Houtte répond que ce problème est partiellement réglé, dans la proposition de loi à l'examen, par la compétence exceptionnelle. Le juge belge reste compétent s'il est déraisonnable d'exiger de quelqu'un qu'il s'adresse au juge étranger. En outre, il est également possible d'insérer des règles de compétence spécifiques dans des lois particulières (par exemple en ce qui concerne les contrats d'agence).
M. Coveliers objecte qu'il y a également un problème d'exécution du jugement (exequatur).
Le professeur Van Houtte concède qu'on ne peut pas garantir l'exécution des jugements belges dans le monde entier. Par ailleurs, on ne doit pas non plus exécuter en Belgique tout jugement rendu à l'étranger.
M. Hugo Vandenberghe se réfère à l'avis du Conseil d'État sur la compétence judiciaire internationale (doc. Sénat, nº 2-1225/1, p. 255) : « les lignes essentielles du régime actuel de la compétence judiciaire dans les affaires comportant un élément d'extranéité ont été fixées par l'article 52 de la loi du 25 mars 1876; c'est un texte de principe qui est resté en vigueur jusqu'aujourd'hui puisqu'il a été reproduit « mot à mot » dans l'article 635 du Code judiciaire ».
Il a été répondu à cette remarque, puisque l'on entend supprimer l'article 635.
Le Conseil d'État constate également que le projet de loi rompt avec la tradition. « Cette rupture tient en ceci que si le projet commence toujours par énoncer le principe selon lequel les juridictions belges sont compétentes si le défendeur est domicilié ou réside habituellement en Belgique, il complète ou écarte ensuite ce principe par toute une série d'autres règles. »
Le professeur Van Houtte souligne que l'on a accordé en l'occurrence davantage de compétences au juge belge que ne le faisaient les règles antérieures. Il renvoie à la discussion générale et au souci de M. Willems d'améliorer l'accès à la justice.
M. Hugo Vandenberghe cite le passage suivant de l'avis du Conseil d'État (doc. Sénat, nº 2-1225/1, p. 259) :
« Une jurisprudence récente des juridictions de fond montre qu'en matière de divorce surtout, s'est manifestée une tendance à revenir à l'idée, abandonnée par la loi de 1876, de permettre aux Belges de plaider en Belgique, quelle que soit la localisation des autres éléments du litige ...
Logiquement, ce raisonnement aurait dû détourner les auteurs du projet de l'idée d'introduire dans la compétence judiciaire le critère de la nationalité ... »
Le professeur Fallon répond que l'avis du Conseil d'État a été suivi sur la question de la compétence interne, qui avait été omise dans le premier texte, parce que l'on estimait que le Code judiciaire devait continuer à s'appliquer.
L'article 13 actuel de la proposition ne crée pas à proprement parler de règle de compétence, même si, subsidiairement, l'article 13 désigne le tribunal de Bruxelles lorsqu'il n'y a pas d'autre solution.
Il renvoie aux règles de compétence interne du Code judiciaire (articles 624 à 634).
Lorsque ces articles ne suffisent pas pour désigner le tribunal compétent, le texte prévoit qu'il faut en revenir à la règle de compétence internationale du texte, et utiliser également les critères de compétence internationale comme critères de compétence interne.
Sur le plan de l'efficacité de la politique législative, il paraît indispensable que les règles de compétence territoriale interne soient respectées par les plaideurs, que le litige soit interne ou international.
Il faut rappeler que, parmi les critères de compétence interne, il y a des critères impératifs ou d'ordre public (articles 627 et suivants du Code judiciaire).
Le Conseil d'État estime que, dans les contentieux transfrontières, lorsque la règle de compétence internationale désigne les tribunaux belges, il suffit de dire que le tribunal belge désigné par cette règle est compétent.
Or, pour la compétence internationale, les règles ne sont pas impératives ou d'ordre public.
Dès lors, si l'on étendait, pour la compétence interne, les règles de droit international, on risquerait de déterminer la compétence interne sur la base de critères assez larges, alors que, pour les cas internes, le demandeur serait lié par des règles impératives ou d'ordre public. Cela n'est pas souhaitable. Il faut une égalité dans l'application des règles impératives ou d'ordre public pour la compétence interne, qu'il s'agisse de cas internes ou internationaux.
On pourrait aussi se demander pourquoi on en revient à la règle de compétence internationale du texte, pour déterminer la compétence interne, au cas où le Code judiciaire n'est pas suffisant.
La raison en est que l'on retient comme critère de compétence internationale, notamment, la nationalité, dans certains cas relevant de la matière familiale (ex. l'autorité parentale).
Si les tribunaux belges sont compétents sur la base de la nationalité, il faut ensuite déterminer la compétence interne.
Il faut tout d'abord vérifier dans le Code judiciaire s'il existe un critère territorial pouvant servir à fixer la compétence.
À défaut (lorsque la personne a des contacts territoriaux avec l'étranger), il faut trouver une solution dans le texte.
Section 4 Conflits de lois (articles 15 à 21)
Le professeur Fallon précise que cette section traite de questions générales relatives aux conflits de lois.
Il ne s'agit pas nécessairement de règles déterminant le droit applicable, mais de règles concernant le fonctionnement des règles. Lorsque le juge doit appliquer un droit étranger, il doit respecter un certain nombre de règles, par exemple dans la manière d'appliquer ce droit étranger. Ces règles de fonctionnement concernent toutes les matières, et revêtent donc un caractère général.
La plupart d'entre elles reprennent des règles existantes développées par la jurisprudence, souvent sur la base de théories scientifiques.
Il en va ainsi de l'article 15 relatif à l'application du droit étranger, de l'article 18 sur la fraude à la loi, et de l'article 20 sur les règles d'applicabilité, où la pratique a toujours admis l'existence, à côté des règles de conflits de lois, de règles dérogatoires par lesquelles une loi spéciale peut prévoir qu'elle s'applique de manière urgente et prioritaire dans certains cas particuliers.
Ainsi, en matière de contrats, la règle générale de conflits de lois peut désigner la loi choisie par les parties, alors qu'une loi spéciale, par exemple en matière de crédit à la consommation, s'applique lorsque le consommateur réside en Belgique.
L'article 21 revêt une grande importance pour la pratique, puisqu'il concerne l'exception d'ordre public. Ici encore, l'article formalise de manière légale la pratique jurisprudentielle.
La section 4 comporte par ailleurs certaines nouveautés. Il s'agit de l'article 16 sur le renvoi, et de l'article 19 sur la clause d'exception.
Le renvoi concerne l'hypothèse où le juge belge saisi applique un droit étranger. En principe, s'il s'agit par exemple d'un problème de succession d'un ressortissant belge établi en Espagne, on appliquera les règles matérielles de droit espagnol en la matière. Telle est la technique normale, qui est celle proposée dans le texte. Cependant, il existe une technique dérogatoire, dite du renvoi, développée par la jurisprudence depuis de nombreuses années.
Dans l'exemple cité, elle consiste à dire que, lorsque la règle belge désigne le droit espagnol, cela signifie que l'on appliquera, non pas le Code civil espagnol, mais la règle de conflit de lois espagnole. On va donc examiner quelle loi nationale le législateur espagnol désigne. Si dans l'exemple, il s'agit d'un Belge résidant en Espagne, et que la règle de conflit de lois espagnole désigne la loi de la nationalité, le juge belge appliquera le droit belge.
Dans la pratique, cette technique permet le plus souvent au juge de revenir à son propre droit. En effet, statistiquement, il s'agit souvent de cas familiaux qui concernent des ressortissants de pays anglo-saxons, où les questions familiales sont souvent régies par la loi du domicile ou de la résidence.
Cette technique, si elle présente des avantages pratiques non négligeables, soulève aussi des problèmes importants, qui expliquent la réticence de certains scientifiques à son égard. C'est pourquoi le groupe de scientifiques qui, en Belgique, a préparé le texte à l'examen, propose de supprimer cette technique et d'en revenir à la méthode normale.
L'article 16 réserve toutefois certaines dispositions particulières. Dans certains chapitres, le renvoi est proposé pour certaines matières spéciales, à savoir les sociétés et les successions immobilières.
La Fédération des notaires, qui a été consultée, s'est déclarée favorable, notamment, à l'approche proposée en matière de successions.
À la demande de Mme Nyssens, l'intervenant précise que la Cour de cassation a mis près d'un siècle à assimiler la technique du renvoi, et l'a finalement adoptée par un arrêt du 17 octobre 2002. La solution proposée ici renverse donc la solution adoptée par la Cour de cassation.
Mme Nyssens se réfère à l'observation du Conseil d'État selon laquelle, par la technique choisie, on donne au juge un plus large pouvoir d'appréciation. L'intervenante aimerait des précisions à ce sujet.
Le professeur Fallon répond que dans la pratique, l'un des inconvénients souligné par la doctrine à l'encontre du renvoi était la large liberté d'appréciation donnée au juge parce que l'on ne savait pas clairement si le juge devait soulever d'office cette technique, que les magistrats connaissaient d'ailleurs mal.
L'incertitude qui en résultait pouvait être exploitée par les plaideurs les plus habiles.
À cet égard, l'arrêt de la Cour de cassation de 2002 dit clairement que, dès lors que le renvoi est admis comme technique, le juge doit l'appliquer.
L'intervenant conclut que la solution proposée à l'article 16 lui paraît plutôt limiter la liberté d'appréciation du juge.
Le professeur Van Houtte souligne que l'on ne sait pas très bien dans quels domaines le renvoi est autorisé. Tant que la jurisprudence ne sera pas uniforme en la matière, il existera une certaine flexibilité, ce qui, dans un certain sens, peut être favorable mais crée par ailleurs une certaine insécurité juridique.
La proposition de loi délimite clairement les domaines pour lesquels le renvoi est autorisé. Elle clarifie donc les choses par rapport à la situation actuelle.
Pour le reste, il se pose également des problèmes si l'ordre juridique a renvoie à b, que b renvoie à c et que c renvoie de nouveau à a. Le simple renvoi, par contre, a renvoyant à b et b renvoyant à son tour à a, est assez simple.
L'intervenant estime qu'en fait, le renvoi est quelque peu dépassé. L'avantage est que le juge peut appliquer son propre droit. C'était surtout intéressant à l'époque où il était difficile de connaître le droit étranger. Le renvoi devient moins approprié à mesure que l'on connaît plus facilement le contenu d'une règle étrangère. Il est alors préférable d'avoir une solution identique dans tous les pays.
Mme de T' Serclaes demande, à propos de l'article 15, § 2, ce que recouvre exactement l'expression « lorsqu'il est manifestement impossible d'établir le contenu du droit belge en temps utile ».
M. Hugo Vandenberghe répond que l'on vise, par exemple, les mesures urgentes en référé.
Le professeur Erauw se réfère à une décision de la Cour de cassation qui a confirmé cette règle dans la jurisprudence, à l'occasion d'une décision relative au droit de garde parental d'un homme et d'une femme de nationalité iranienne. La Cour de cassation a dit que pour des mesures urgentes et temporaires, le juge peut appliquer provisoirement le droit belge. L'article 15 vise à donner à ce principe une base légale, parce qu'il est utile dans la pratique.
Les professeurs ont eu une longue discussion sur la question de savoir s'il fallait ou non une disposition particulière en matière de référé. Selon l'intervenant, la disposition à l'examen donne une indication suffisante. Bien entendu, le juge pourrait aussi utiliser abusivement cette disposition et décider trop rapidement d'appliquer le droit belge. Comme il faut faire preuve de toute la prudence voulue, les mots « manifestement impossible » ont été insérés. On s'est également efforcé d'inciter les juges à respecter le droit étranger.
La disposition est principalement une codification de la jurisprudence existante. Le § 2 vient en aide aux juges en disposant qu'ils peuvent également requérir la collaboration des parties. Si nécessaire, les débats peuvent donc être rouverts.
M. Hugo Vandenberghe évoque le problème des pays où sévissent continuellement des conflits armés et où l'on est confronté à une occupation de fait. Quel est par exemple le droit applicable à un Soudanais qui se trouve au Sud-Soudan, région soumise à un autre pouvoir de fait ? Il peut se produire des circonstances dans lesquelles il est impossible de déterminer clairement le droit applicable.
Le professeur Erauw donne un autre exemple de problèmes qui peuvent se poser. La Cour de cassation belge dit que le droit étranger doit être bien appliqué. Il s'agissait d'un arrêt en vertu duquel un article du Code civil français a dû être appliqué dans une interprétation contra legem. Il existe un article identique en France et en Belgique concernant les vices cachés de la chose vendue (article 1641 du Code civil). En France, la jurisprudence a évolué de telle sorte que son interprétation est en contradiction avec celle consacrée en Belgique. La Cour de cassation a dit qu'il fallait appliquer le droit étranger comme il l'avait été par la jurisprudence. Cela signifie qu'il ne suffit pas de connaître le texte de la loi, mais qu'il faut connaître aussi l'ensemble de la doctrine et de la jurisprudence étrangères.
M. Hugo Vandenberghe résume en disant que le droit belge peut encore être appliqué subsidiairement, et ce pas seulement en référé. Il peut aussi y avoir d'autres circonstances où le juge estimera qu'il doit prendre une mesure et où il ne peut pas connaître la loi étrangère en temps utile.
Le professeur Van Houtte fait remarquer qu'il peut également arriver qu'il n'existe pas de droit.
M. Hugo Vandenberghe abonde dans le même sens. La question est de savoir quand le droit peut être considéré comme tel, au sens de la loi.
M. Willems demande si les professeurs ont l'impression que le juge belge tente d'appliquer plutôt le droit belge ou si, au contraire, il fait l'effort de connaître le droit étranger.
Le professeur Van Houtte répond que si le juge belge a tendance à appliquer le droit belge, c'est principalement dans le secteur du droit familial. L'intervenant cite l'exemple d'un couple marocain, pour lequel, si un problème de droit de garde des enfants se pose, la loi marocaine ne correspond pas tout à fait aux conceptions belges. Dans des cas comme celui-là, le juge appliquera plutôt le droit belge.
Le texte à l'examen opte pour le critère de la résidence, ce qui permet d'échapper à ces difficultés. Le juge peut ainsi appliquer le droit belge sans problème.
Le professeur Erauw renvoie à l'enquête effectuée par le professeur Meeusen (UIA). Avec les Pays-Bas et l'Allemagne, la Belgique fait partie d'un petit groupe de pays qui se montrent plus ouverts au droit étranger. Les juges belges font l'effort de trouver une solution qui sera également appréciée ailleurs. Bien entendu, il y a tout un sac à malices, toute une technique par laquelle on tente d'arrondir les angles. Il est un fait que les juges ont des moyens d'échapper à la difficulté que représente la consultation du droit étranger. On a également constaté que beaucoup d'avocats ne connaissent pas bien le droit international privé et passent donc sous silence la possibilité de consulter le droit étranger. Le droit est partiellement à la disposition des parties. Si, par exemple, aucun des deux avocats n'invoque le caractère international d'un contrat commercial, le juge ne doit même pas soulever la question; il peut présumer que les avocats ont opté pour le droit belge.
Le droit familial, par contre, n'est pas à la disposition des parties; or, on connaît des cas où les avocats, par incompréhension ou non, consentent à ce que le droit belge soit appliqué. En droit familial, pourtant, la chose est techniquement incorrecte, car il faut appliquer le droit national des parties. C'est pourquoi, lors de l'introduction de la cause, des tribunaux s'informent de la nationalité des parties et attirent l'attention des avocats sur l'existence d'une complication en raison de l'application d'un droit étranger.
La ministre indique que sans avoir de position arrêtée sur le sujet, il lui paraît nécessaire d'approfondir la question du renvoi.
La proposition suggère de renverser la solution appliquée depuis des décennies, et qui vient à peine d'être confirmée par la Cour de cassation.
A-t-on envisagé toutes les conséquences du rejet de la solution actuelle, notamment dans une série de matières où l'on ne prévoit pas d'exception à la règle générale formulée par l'article 16 ?
L'argument tiré de la simplification est certes essentiel, mais il est insuffisant à lui seul pour justifier le choix opéré.
L'une des conséquences de celui-ci est de réduire assez considérablement le pouvoir d'appréciation du juge.
L'article 16 va donc au-delà d'une simple codification, et légifère véritablement sur le sujet.
Il serait intéressant de disposer d'informations sur la solution appliquée dans les autres États membres de l'Union européenne.
Y a-t-il, dans les États de l'Union qui connaissent la règle du renvoi, une tendance à la rejeter ?
L'une des conséquences intéressantes de l'application de la règle du renvoi est qu'elle permet, dans certaines matières, d'appliquer plus souvent le droit belge ou un système juridique comparable, au lieu de systèmes juridiques très différents du nôtre concernant des règles parfois choquantes pour nous, mais que l'ordre public international ne permet pas d'écarter.
L'intervenante suggère enfin d'entendre un représentant de la Fédération des notaires sur des questions générales comme celle du renvoi, et sur des matières plus spécifiques comme les régimes matrimoniaux.
Mme Nyssens demande si, en matière de droit familial, la solution proposée risque de renvoyer certaines personnes, relevant de systèmes juridiques plus traditionnels, comme ceux des pays du Maghreb, à leur droit d'origine, alors qu'à l'heure actuelle, ces personnes bénéficient, grâce à la jurisprudence, de l'application de règles plus progressistes.
Le professeur Fallon répond, à propos de la situation dans les autres pays de l'Union européenne, que la plupart des États acceptent le renvoi avec certaines nuances dans la version « au premier degré », c'est-à-dire le retour vers le droit du for, qui permet au juge d'appliquer un droit qu'il connaît. La tendance des législateurs nationaux est de maintenir ou même de rétablir le renvoi, comme en Italie, où il a été rétabli en 1995 après avoir été interdit pendant un siècle.
Une autre constante est que le législateur international (notamment la Conférence de La Haye, mais aussi le droit de l'Union européenne) exclut le renvoi de manière catégorique.
La rédaction de l'article 16 s'inspire de ces traités internationaux.
Sur le plan de la cohérence politique, si l'on admet le renvoi comme règle générale, il y aura des matières où, sans aucune raison objective, le renvoi sera exclu parce que la matière est régie par un traité, alors qu'il sera admis dans d'autres matières, parce qu'elles sont régies par la loi nationale.
Le problème posé par le renvoi est son caractère aveugle. Le juge du for, qui désigne un droit étranger, s'en remet à la règle de conflit de lois du tribunal étranger.
En ce qui concerne les effets du rejet du renvoi sur les ressortissants de systèmes juridiques plus traditionnels, l'intervenant pense que la solution proposée ne changera rien à la situation actuelle.
En effet, aujourd'hui, le renvoi ne fonctionne pas vis-à-vis de ces pays, parce que ceux-ci désignent aussi la loi nationale.
Par ailleurs, la règle de l'exception d'ordre public subsiste. Elle est rédigée de façon très prudente, en raison de la conséquence grave qu'elle entraîne, à savoir le fait d'écarter l'application du droit étranger pour un motif tenant aux valeurs fondamentales de notre société. Cette rédaction est également inspirée de la formule utilisée en la matière dans les traités internationaux.
Cette règle permettra par exemple d'éviter que l'on célèbre en Belgique un mariage polygame. L'intervenant estime qu'il ne convient pas d'utiliser le renvoi pour atteindre un tel objectif parce que le renvoi joue « à l'aveugle », parce que son application dépendra du juge et des parties, et parce que son aspect mécanique ne permet pas de prendre en compte l'aspect exceptionnel de l'éviction du droit étranger.
Il importe d'indiquer, tant au juge qu'au politique, que l'exception d'ordre public est une clause générale, qui vaudra dans toutes les matières, mais aussi qu'elle doit jouer de manière exceptionnelle.
Le professeur Van Houtte fait observer que la notion de flexibilité n'est absolument pas à l'ordre du jour en ce qui concerne le renvoi. Une fois que le renvoi a été accepté, il doit être pleinement appliqué. Les règles restent tout aussi automatiques.
La ministre se demande s'il ne faudrait pas inverser le système proposé, et établir plutôt une liste limitative des matières où le renvoi ne s'appliquerait pas.
Il est vrai que certaines conventions que nous avons ratifiées excluent explicitement le renvoi. Toutefois, ces conventions ont généralement un champ d'application très limité.
M. Hugo Vandenberghe fait observer que la loi doit être accessible et que son application doit être prévisible. Le système du renvoi répond-il à ces exigences ? L'application stricte du renvoi pose un problème fondamental qui touche à la conception de l'État de droit.
Mme de T' Serclaes souligne qu'il faut aussi avoir égard au côté pratique des choses. C'est pourquoi elle n'est pas convaincue qu'il faille modifier l'article 16 proposé.
Elle aimerait également savoir ce que représentent les cas de renvoi par rapport à l'ensemble des affaires de droit international privé.
Le professeur Erauw estime qu'il y a lieu d'être pratique. Il peut se rallier à la suggestion de la ministre d'envisager la proposition matière par matière et d'examiner quel est le choix social ou politique qui est fait. En ce qui concerne par exemple les effets du mariage, on opte dans la proposition pour le droit du domicile. Ce sera, en règle générale, le droit belge. La présente codification opte plutôt pour une application du droit belge dans les questions familiales. La question du renvoi ne se posera guère en l'occurrence. Il y aura par contre un problème par exemple dans le cas d'un couple belge habitant Rabat. En l'occurrence, le renvoi sera demandé.
L'intervenant attire également l'attention, à cet égard, sur la libre volonté des parties qui peuvent opter pour le droit belge.
Dans la situation actuelle, le renvoi est régulièrement appliqué dans les questions d'héritage. Si un Belge qui est domicilié en Espagne y décède et y possède un appartement, le droit espagnol s'applique à la transmission successorale de l'appartement. Or le droit espagnol prévoit que les héritages relèvent de la loi nationale. On appliquerait donc le droit belge en Espagne.
Il faut réfléchir matière par matière.
Il ne faut pas considérer le renvoi comme un « retour ». Le renvoi est une complication qui implique de consulter la totalité du droit lorsque l'on consulte le droit étranger (Gesammtverweisung). Il faut donc examiner également le droit international privé des pays en question. Il y a le renvoi simple (renvoi au premier degré), le renvoi double, le renvoi ricochet. La théorie veut que l'on respecte le droit étranger. On ne saurait utiliser le renvoi pour « accaparer ». Il y a pour cela l'exception d'ordre public.
La Cour de cassation a elle-même fait savoir qu'elle n'était pas disposée à respecter le droit étranger dans toute sa complexité. L'intervenant se réfère à une affaire concrète dans laquelle il fallait appliquer le droit irlandais dans le cadre du divorce d'un Irlandais domicilié à Bruxelles. Il faut examiner comment les Irlandais résoudraient le cas international dans leur droit international privé et donc si celui-ci ne comporte pas une règle qui appliquerait le droit du domicile. La Cour de cassation estime que si l'on consulte le droit irlandais, on devra consulter effectivement le droit international privé irlandais. Le droit irlandais n'applique pas en l'occurrence le droit du domicile.
Toutefois, si on étudie de plus près le droit irlandais, on constate qu'en Irlande le divorce d'un Irlandais à l'étranger peut être reconnu. Il ne faut donc pas envisager seulement les règles de renvoi, mais aussi les règles de reconnaissance.
Le professeur Fallon répond à Mme de T' Serclaes que la pratique du renvoi a montré des dysfonctionnements de deux types, qui sont apparus assez récemment.
Le premier type se rencontre souvent lorsqu'un litige familial concerne des ressortissants de pays anglo-saxons. Classiquement, la jurisprudence belge applique le renvoi, mais les juges ne se rendent pas compte que, dans ces systèmes étrangers, il n'y a pas vraiment de règle de conflit de lois, parce que les juges y appliquent toujours leur propre droit. Pour statuer sur un litige transfrontier, ils utilisent plutôt des règles de compétence internationale.
Dès lors, à leur insu, les magistrats belges appliquent une nouvelle variété de renvoi, le renvoi « latent ».
Cette technique ne fonctionne pas bien, car les règles de compétence internationale ont une structure tout à fait différente des règles de conflit de lois. Elles sont de nature alternative et ne sont donc pas aptes, le plus souvent, à désigner un ordre juridique déterminé.
Ainsi, si un juge du Nevada veut statuer en matière d'adoption, il appliquera son propre droit. Il dispose d'une liste de critères de compétence qui lui sont ouverts et parmi lesquels il choisira. Pratiquement, le renvoi ne fonctionne pas dans cette hypothèse.
L'autre type de dysfonctionnement est que l'on a vu des magistrats appliquer le renvoi dans des cas qui conduisaient à appliquer une règle de conflit de lois étrangère contestable sur le plan des valeurs. Il existe ainsi un cas d'application en Belgique du droit international privé japonais à une question de régimes matrimoniaux, où le juge belge a appliqué la loi nationale du mari, prévue par le droit international privé japonais. Or, il s'agit d'une règle de conflits de lois que nous avons abandonnée depuis 1975, parce qu'elle heurte le principe d'égalité entre l'homme et la femme.
Dans l'affaire précitée, traitée par la Cour de cassation en 2002, celle-ci a, curieusement, appliqué la règle de conflit de lois portugaise en matière d'aliments après divorce. Or, il s'agissait d'une règle de conflit de lois figurant dans une Convention de La Haye sur le droit applicable aux aliments, convention qui excluait le renvoi, et qui n'était pas ratifiée par la Belgique parce qu'elle contenait une règle de conflit de lois discutable pour les aliments après divorce. Ainsi, le juge du for était amené à choisir d'un point de vue théorique et dogmatique la technique du renvoi, qui aboutit à appliquer un texte hostile à cette technique.
Il existe donc une série de raisons qui justifient le choix opéré dans l'article 16, même si ce choix peut paraître audacieux.
M. Willems estime qu'en réalité, les tribunaux utilisent souvent le renvoi pour des raisons d'économie du procès, afin de pouvoir quand même appliquer le droit belge, qu'ils connaissent bien. Il peut également y avoir un conflit de systèmes.
Le professeur Erauw souligne que l'on ne peut pas éliminer le conflit de systèmes, même dans les pays où le renvoi est appliqué. Le renvoi ne permet pas de garantir une harmonie. C'est pourquoi une approche pratique est nécessaire.
Le professeur Van Houtte fait observer que le renvoi exige des efforts intellectuels considérables. En droit de la famille, le renvoi se rencontrera souvent dans les affaires impliquant des parties qui sont peu aisées (le renvoi n'existe pas dans le droit des contrats); on oblige ainsi des parties qui sont moins nanties à faire des efforts intellectuels considérables pour trouver leur chemin dans le droit international privé étranger.
Qui plus est, il se pose un problème de connaissance et d'information. Dans tout système juridique, le droit matériel est beaucoup plus développé que le droit international privé. Au Burundi par exemple, il n'existait jusqu'il y a peu qu'un seul jugement de droit international privé, datant de 1954.
Comment pourrait-on connaître le droit international privé d'un pays où rien n'existe ? C'est un élément pratique qui justifie la limitation du renvoi.
M. Hugo Vandenberghe renvoie en outre aux observations du Conseil d'État concernant les silences (doc. Sénat, nº 2-1225/1, p. 264) et plus spécialement le problème de la qualification et le changement de facteur de rattachement.
Le professeur Fallon répond, sur le premier point, que le problème de la qualification est peut-être l'un des plus difficiles de la matière. Il n'est pas sûr que l'on puisse rédiger à ce sujet une disposition concise.
En droit comparé, les rares exemples de formulation ne sont pas probants.
C'est pourquoi on opte ici pour une solution de prudence.
Les développements répondent à l'observation du Conseil d'État que le problème de la qualification n'en est, en réalité, pas un.
La difficulté soulevée par le Conseil d'État concerne les cas où le juge belge est saisi d'une demande portant sur une institution juridique inconnue chez nous, comme par exemple la demande de confirmation de la validité d'un mariage polygamique.
Dans quelle catégorie du droit belge va-t-il faire entrer cette demande ?
L'intervenant répond que les différentes catégories juridiques prévues dans la loi sont aussi souples que possible.
Dans l'exemple cité, le juge constatera que la demande concerne les relations matrimoniales, et entre naturellement dans le domaine de la règle de conflit de lois qui concerne le mariage.
On peut tenir le même raisonnement en ce qui concerne, par exemple, la validation d'un partenariat enregistré suédois.
C'est pourquoi les développements précédant la proposition soulignent qu'il faut agir sur la façon dont on définit le domaine de chacune des règles de conflit de lois. Cette définition doit être formulée de manière concrète, souple et ouverte.
C'est la raison pour laquelle, dans le document proposé, pour chacune des matières, la règle de conflit de lois est accompagnée d'une liste de questions juridiques couvertes par la règle.
En ce qui concerne la deuxième question du précédent intervenant, elle concerne le problème du conflit mobile.
Le texte proposé présente également sur ce point une nouveauté par rapport au droit comparé : pour chaque règle, le texte résout le « conflit mobile ».
La règle de conflit de lois utilise des facteurs de localisation, comme par exemple la résidence. Or, celle-ci peut changer. C'est pourquoi le texte précise, dans la règle elle-même, pour chaque matière, à quel moment il faut considérer le facteur de localisation.
Ainsi, pour les effets du mariage, il est précisé que l'on prend en considération la résidence au moment où la demande est présentée.
Le Conseil d'État formulait par ailleurs une critique quant à la solution donnée au conflit mobile en matière de droits réels (voir infra).
M. Hugo Vandenberghe renvoie aussi aux observations du Conseil d'État au sujet de l'article 17. Cet article est-il adapté à la lumière de ces observations ?
Le professeur Fallon répond que l'article 17 n'est pas indispensable. Les autres lois nationales de droit international privé ne tranchent pas le problème.
La question concerne le cas où la règle belge désigne un système plurilégislatif comme, par exemple, le droit américain en matière familiale. Il n'existe pas de droit américain de la famille, mais chaque État de la fédération a son propre droit.
L'article 17 précise ce qu'il faut faire dans un tel cas.
La formulation de cet article s'inspire moyennant de légères améliorations puisées dans l'exemple allemand de la disposition-type figurant dans les traités internationaux.
M. Hugo Vandenberghe trouve que l'article 18, qui traite de la fraude à la loi, est un article important. Est-il possible de préciser le champ d'application de cette disposition ?
Le professeur Erauw répond que l'on constate souvent dans le contexte international que des particuliers, personnes physiques ou morales tentent d'éluder la loi. Ces personnes créent avec un pays déterminé un lien par lequel elles peuvent conférer un caractère international à l'affaire, ce qui leur permet d'échapper au droit belge. L'on peut ainsi prétendre par exemple qu'une donation a été faite aux Pays-Bas alors qu'en réalité, elle a été faite en Belgique.
M. Hugo Vandenberghe cite l'exemple d'une personne qui prend un domicile fictif dans un pays où elle ne séjourne pas de manière effective et où la réserve légale n'existe pas, dans le dessein de déshériter entièrement quelqu'un. En pareil cas, il y a manifestement fraude à la loi. Mais qu'advient-il lorsque quelqu'un s'établit effectivement dans un pays dans le seul but de se soustraire aux règles légales belges en matière de successions ?
Le professeur Erauw renvoie à la formulation très claire de l'article 18 en vertu duquel il n'est pas tenu compte des faits et des actes constitués dans le seul but d'échapper à l'application du droit désigné par la présente loi.
L'article 18 confère en fait une base légale au principe général du droit selon lequel « fraus omnia corrumpit ». Le juge dispose bien sûr toujours d'une marge de manoeuvre. Il y a toujours une ligne très fine.
Si quelqu'un change de nationalité dans le but d'atteindre un certain résultat, mais qu'il ou elle respecte tous les actes et effets juridiques de ce changement de nationalité, on peut difficilement y objecter quoi que ce soit.
Si quelqu'un réalise son patrimoine et transfère son domicile dans un État qui n'applique pas la réserve légale, et que cette personne assume toutes les conséquences de ce choix, ses enfants risquent de ne plus avoir de part d'héritage protégée. Cette succession ne sera plus traitée en Belgique. Il est en tout cas utile d'avoir un fondement légal, même si le traitement casuistique par le juge subsiste.
M. Hugo Vandenberghe conclut donc que l'on peut dire que l'article 18 reprend le principe général du droit énoncé par l'adage « fraus omnia corrumpit ».
Le professeur Van Houtte répond affirmativement. Il se réfère à la zone grise qui sépare la planification fiscale de la fraude fiscale. Les juges savent faire la différence. Ils traceront la ligne de démarcation.
Article 19
Le Conseil d'État a également émis des observations à propos des clauses d'exception de l'article 19. M. Hugo Vandenberghe demande que l'on y réponde.
Le professeur Erauw précise que la clause d'exception est une nouveauté en droit belge. Elle offre au juge un nouvel élément de souplesse dans un cas concret. Tout le monde se rend bien compte qu'il peut y avoir dans les affaires internationales des cas où les règles du code à l'examen risqueraient de conduire à un résultat indésirable.
L'idée d'une clause d'exception est empruntée au Code de droit international privé suisse, qui est appliqué depuis une décennie déjà. On constate que cette clause est un outil utile si elle est utilisée avec sagesse par le juge. Elle prévoit que les juges peuvent ne pas tenir compte du droit énoncé dans le code en question. Le Conseil d'État conçoit que cette clause puisse être utile mais demande qu'on lui donne à tout le moins une orientation. C'est ce qu'on a fait.
Le texte prévoit ainsi que les juges peuvent déroger au droit désigné, mais seulement dans des cas particuliers et moyennant une motivation adéquate.
M. Hugo Vandenberghe estime que pour l'interprétation de cette règle, on peut se référer aux exemples du droit suisse, dès lors qu'elle est empruntée à ce droit. Existe-t-il des publications récentes sur cette disposition suisse ? Si oui, il convient de les inclure dans le rapport.
Le professeur Erauw ajoute que cette règle a aussi été comparée à d'autres clauses dérogatoires, comme l'exception d'ordre public et l'exception de fraude.
Cette règle spécifique répond aussi à un autre souhait, à savoir tenir compte du fait qu'il n'est pas raisonnablement possible de prévoir tous les cas.
L'intervenant prend l'exemple d'un couple qui s'est marié en Russie et qui a ensuite vécu des années durant en Roumanie. S'il vient s'installer en Belgique, devons-nous alors subitement décréter que le régime matrimonial belge leur est applicable, étant donné que le domicile est le critère de rattachement ? Cela pourrait leur valoir de fameuses surprises, notamment si l'un des époux venait à décéder. La clause en question permet alors au juge de déroger au droit désigné.
Mme Nyssens fait observer que, pour des raisons d'« équité », on opte ici pour une solution qui est contraire aux principes de sécurité juridique et de prévisibilité mis en avant à propos d'autres dispositions de la proposition.
Il est vrai que l'article est rédigé de façon assez stricte, mais ne s'agit-il pas ici, à nouveau, d'une solution très audacieuse ?
L'intervenante estime dès lors qu'une obligation explicite de motivation devrait figurer dans l'article.
Le professeur Van Houtte trouve la remarque de Mme Nyssens très pertinente et peut y souscrire dans une certaine mesure. La tendance actuelle en droit international privé consiste toutefois à créer un certain cadre prévisible, assorti de safety clauses, c'est-à-dire de soupapes de sécurité. La formation des juges est telle aussi qu'ils peuvent utiliser ces soupapes de sécurité.
L'intervenant renvoie également à cet égard à l'article 20. Un juge peut écarter le droit choisi par les parties, parce qu'une autre règle impérative lui semble plus pertinente.
Le professeur Fallon souligne que le § 1er, alinéa 2, de la disposition a été complété à la suite de l'avis du Conseil d'État. L'avis montre que cette clause peut jouer un rôle positif dans certains cas.
L'alinéa nouveau vise à formaliser les critères d'appréciation du juge, et notamment à répondre au cas russe précédemment évoqué par le professeur Erauw. La solution donnée à ce cas fait en quelque sorte réapparaître le renvoi, puisque l'on va appliquer des règles de conflit de lois étrangères, lorsque cela paraît approprié sur le plan de l'équité et de la prévisibilité.
On répond ainsi à une critique du Conseil d'État, qui faisait observer que l'Institut de droit international acceptait le renvoi.
Or, cet Institut l'accepte dans une hypothèse correspondant exactement à celle décrite ici, pour conforter un rapport de droit établi à l'étranger de manière valable.
Une seconde observation est que les clauses d'exception, que l'on commence à rencontrer dans les codifications modernes, tendent justement à établir cette balance entre le besoin de règles légales rigides, et celui d'une certaine liberté d'appréciation à laisser au juge pour régler les conflits de systèmes.
Du point de vue politique, le législateur doit montrer l'orientation au moyen de règles, mais il faut aussi veiller à assurer une certaine souplesse. C'est ce que tend à faire la clause d'exception.
Article 20
À propos de l'article 20, le professeur Erauw précise que l'impérativité le caractère contraignant de certaines règles, édictées pour protéger certains groupes, peut constituer une difficulté dans des cas transfrontaliers. Si les parties réclament que soit appliqué le droit étranger, il est difficile de déterminer en termes généraux quand il faut renoncer à appliquer ce droit au profit des règles impératives de notre droit. Il peut parfois s'avérer utile de respecter en l'espèce les règles impératives d'un autre pays pour des motifs de bon voisinage.
La disposition de l'article 20 a été empruntée à une convention européenne relative aux obligations contractuelles.
L'intervenant renvoie aussi à cet égard à l'article 91 de la proposition à l'examen. Il s'agit d'une règle floue à plus d'un titre. Il s'agit en fait d'une ouverture de notre droit aux règles étrangères lorsque le juge a le sentiment que leur application est appropriée dans le cas concret et compte tenu du degré d'impérativité des règles étrangères (article 20, alinéa 2).
M. Hugo Vandenberghe se réfère à l'expression « en raison de leur but manifeste », qui figure à l'alinéa 1er. Le législateur a-t-il conscience, au moment où il vote une loi, du but manifeste de celle-ci ? Qu'entend-on au juste par « but manifeste » ?
L'intervenant demande en outre ce que l'on entend précisément par droit impératif. Quelle est la portée de cette expression ?
Le professeur Van Houtte précise que l'on ne vise pas en l'occurrence le droit interne belge. En droit interne, tout ce qui ne revêt pas un caractère supplétif est du droit impératif. On vise en l'espèce la situation dans laquelle on a opté pour un système juridique déterminé, à côté duquel il existe néanmoins encore des règles de droit impératif (d'application immédiate) d'un autre système juridique. La notion est en réalité plus proche de celle d'ordre public que de celle de droit impératif telle qu'on la connaît en droit interne belge.
Le professeur Fallon déclare, à propos des termes « but manifeste », qu'ils ont effectivement été critiqués par le Conseil d'État pour le même motif que celui développé par un précédent intervenant.
La jurisprudence a utilisé ces termes en matière de contrat de travail dans les années 70. Elle a estimé que, lorsqu'il s'agit d'accorder des dommages-intérêts au travailleur en cas de résiliation unilatérale par l'employeur, la loi de 1978 sur le contrat de travail, qui protège le travailleur, s'applique dans tous les cas, lorsque le travailleur exécute ses prestations en Belgique, même si la règle de conflit de lois désigne une loi étrangère.
La justification est qu'il s'agit là d'une norme revêtant une impérativité particulière qu'elle soit impérative ou d'ordre public impliquant une application dans tous les cas internationaux.
Cette jurisprudence s'est également basée sur un texte figurant depuis 1804 à l'article 3, § 1er, du Code civil, et dont l'article 20 de la proposition est une explicitation.
M. Willems estime que le terme « impérativement dwingend » est lourdement connoté et susceptible de prêter à confusion, vu la signification de l'expression « dwingend recht » (impératif). « Impérativement » ne devrait-il pas s'interpréter ici au sens de « principalement » ?
Le professeur Erauw comprend que ce terme puisse poser problème. Même en droit interne, cette notion n'est pas toujours aisée à cerner. Mais la plupart du temps, c'est la dogmatique qui, dans les diverses disciplines du droit, indique quels sont les aspects à respecter pour protéger les intérêts de certains groupes d'individus (par exemple, des mesures de protection des consommateurs ou des mesures dans le domaine du travail).
Lorsque le législateur précise expressément dans une loi que l'on ne peut y déroger, il est question d'impérativité interne. Cependant, ces mesures ne sont pas d'ordre public.
Les mots « en raison de leur but manifeste » ont leur utilité, car le législateur ne peut pas toujours prévoir que pourrait se produire, dans le contexte international, une situation où le caractère impératif pourrait être mis en doute. Lorsqu'on élabore une loi, on ne pense pas toujours expressément aux situations internationales. Le caractère impératif semble parfois tellement évident que le législateur ne pense pas à le mentionner explicitement.
L'intervenant cite l'exemple des exigences légales en matière de sécurité alimentaire. Ces réglementations s'appliquent au marché belge, mais il va de soi que les produits en provenance d'autres pays qui sont vendus dans nos supermarchés doivent, eux aussi, s'y conformer.
Le caractère impératif peut résulter d'une loi explicite, mais aussi du sentiment qu'en ont les juges et la doctrine.
La ministre fait référence à l'avis du Conseil d'État, dans lequel celui-ci demandait que soit prévue une liste exhaustive des lois visées à l'article 20, alinéa premier. L'intervenante se rend compte que dresser une liste exhaustive est difficilement réalisable. En revanche, une énumération de ces lois, à titre indicatif, lui paraîtrait intéressante.
M. Hugo Vandenberghe estime, lui aussi, que dresser une liste exhaustive n'est pas faisable. Par contre, l'énumération de quelques exemples pourrait contribuer utilement à orienter le juge dans l'interprétation de cette disposition.
Le professeur Fallon ajoute que le Conseil d'État a également déclaré que, dans la plupart des cas, ces lois spéciales se rencontrent dans la matière des contrats.
Or, celle-ci est désormais régie par la Convention de Rome de 1980, et non par la loi en projet. Le Conseil d'État en conclut que l'article n'a guère d'utilité.
Ceci n'est que partiellement vrai. Des lois de ce type peuvent se rencontrer en matière d'obligations quasi délictuelles. Donner une liste exhaustive est impossible.
En réponse à l'avis du Conseil d'État, les développements précédant la proposition donnent deux exemples, qui sont peut-être dépassés ou déplacés. L'un des exemples concerne les effets du mariage. La question de l'occupation du logement familial ou celle de la protection du ménage contre les dettes mettant en péril les intérêts de la famille ont été considérées par les juges du fond comme des lois spéciales du type de celles visées ici.
Cependant, la Cour de cassation en a décidé autrement, par une jurisprudence qui a fait l'objet de nombreuses critiques.
Pour résoudre cette controverse jurisprudentielle, et garantir la sécurité juridique, il est proposé de prévoir ces deux cas particuliers.
Un second exemple concerne la France, où le Code civil prévoit que le mariage par procuration célébré à l'étranger et où un Français est impliqué, est interdit.
La doctrine française considère qu'il s'agit d'une loi du type de celles visées à l'article 20.
Si l'article 20 ne joue que dans des cas rares, et qu'il n'est pas indispensable, il donne cependant un signal au juge.
Une autre hypothèse à envisager, qui s'applique sans doute davantage en matière patrimoniale que familiale, concerne les lois de droit public comme celles sur le contrôle des changes, sur la protection des travailleurs sur leur lieu de travail, ...
Article 21
Le professeur Fallon indique qu'il s'agit d'une disposition importante, qu'il faut toujours avoir à l'esprit lors de l'examen des différentes matières.
La formulation proposée est inspirée des articles-types figurant dans les traités internationaux qui, tous, admettent ce genre de clause.
Les alinéas 2 et 3 contiennent cependant une innovation.
L'alinéa 2 indique au juge quels critères il doit utiliser pour apprécier l'ordre public. L'alinéa 3 explique quels sont les effets de la mise en oeuvre de cette exception.
L'exception d'ordre public ne constitue pas une critique du droit étranger en tant que tel. C'est pourquoi le texte parle de l'application d'une disposition de droit étranger.
L'appréciation de l'ordre public variera donc en fonction de l'espèce.
Ainsi, en matière de mariage polygamique, on ne pourra pas exiger d'une femme qu'elle cohabite en Belgique avec une autre femme, au motif qu'il s'agit d'un mariage polygamique.
En revanche, si la question porte sur un effet patrimonial du mariage, il n'est pas impossible que l'on puisse admettre ce mariage polygamique.
M. Hugo Vandenberghe fait observer que, du point de vue politique, cela peut susciter des difficultés dans certains domaines, comme par exemple la sécurité sociale.
Mme Nyssens demande quels critères on applique pour évaluer l'intensité du rattachement, et s'il existe à cet égard un critère prépondérant.
Le professeur Fallon répond que cela s'apprécie en fonction de l'ensemble des circonstances.
M. Hugo Vandenberghe prend l'exemple de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH), qui, en principe, est d'ordre public. Toute application d'une règle qui serait contraire à l'application de la CEDH serait dont rejetée par cette disposition. La CEDH confirme par exemple le droit au mariage, ce qui exclut la polygamie.
Le professeur Fallon répond qu'il s'agit de questions nouvelles, qui font encore l'objet de discussions et sur lesquelles il n'existe pas encore de conclusions scientifiques précises.
Le texte donne toutefois un début de réponse, qui constitue un signal donné au juge.
Le critère de la gravité de l'effet pourrait notamment être utilisé.
M. Hugo Vandenberghe estime que le législateur doit être fixé sur le point de savoir si le texte qu'il vote exclut l'application en Belgique d'une disposition étrangère contraire à la CEDH.
L'intervenant estime qu'il doit en être ainsi.
Lorsqu'on applique en Belgique une disposition de droit étranger qui est contraire à la Convention européenne des droits de l'homme, on viole en fait la signature que l'on a apposée sur la convention. En effet, celle-ci s'applique à quiconque réside dans notre pays. On peut difficilement laisser à la jurisprudence le soin de décider si la CEDH relève ou non de l'ordre public, comme prévu à l'article 21.
Le professeur Van Houtte, poussant plus loin l'exemple cité, évoque l'hypothèse où une règle de rattachement étrangère devrait être appliquée dans le cadre du renvoi, et où l'on opterait pour la loi nationale du mari, en contradiction avec la CEDH. Dans ce cas, on devrait en principe affirmer que ce droit ne peut pas être appliqué, alors que ses effets ne sont nullement répréhensibles.
Le professeur Erauw répond que la jurisprudence a déjà jugé que les éléments de la CEDH relèvent de l'ordre public international.
L'orateur évoque également l'article 25, § 1er, 1º, qui dispose qu'une décision judiciaire étrangère n'est ni reconnue ni déclarée exécutoire si l'effet de la reconnaissance ou de la déclaration de force exécutoire est manifestement incompatible avec l'ordre public.
M. Hugo Vandenberghe signale qu'il ne s'agit pas d'une question théorique. Il existe des pays, signataires de la Convention européenne ou membres de l'Union européenne, où les juges sont systématiquement partiaux, où l'on peut obtenir un jugement contre paiement et où l'on peut donc démontrer manifestement que la norme juridique minimale du jugement n'est pas respectée.
Le professeur Erauw évoque l'exemple des mariages d'enfants. En principe, l'État belge n'y collaborera pas. Mais la situation serait différente si l'on devait être confronté, en Belgique, à une dame de 25 ans, mariée dans un autre pays à l'âge de, mettons, 13 ans, qui revendique une pension alimentaire.
Il faut se garder d'une formulation trop rigide de la loi, qui contraindrait le juge à prononcer l'annulation du mariage. Par souci d'équité, il importe de prévoir une certaine marge de manoeuvre, ce qui n'empêche pas que les droits humains fondamentaux relèvent de l'ordre public. Il n'est pas question ici de relativité, même si l'on peut parler d'une certaine relativisation des effets.
M. Hugo Vandenberghe souligne que, pour ce qui est des mariages d'enfants, on peut invoquer la possession d'état. On ne peut, d'autre part, instaurer une distinction entre les Belges, qui doivent observer la CEDH, et les non-Belges, qui résident dans notre pays et ne doivent pas la respecter. Ce serait une violation manifeste de la CEDH.
La ministre revient sur l'élaboration d'une liste d'exemples de lois à caractère impératif. Elle sait qu'il n'est pas possible d'établir une liste exhaustive, mais rappelle que l'on se trouve souvent face à des contradictions au sein de la jurisprudence, par exemple par l'application de l'effet atténué de l'ordre public.
L'intervenante cite l'exemple de la polygamie et des répercussions de celle-ci pour le secteur de la sécurité sociale. La polygamie en tant que telle porte atteinte à l'ordre public et ne peut dès lors être reconnue. Cela n'empêche pas que l'on puisse reconnaître certains effets juridiques de la polygamie, comme l'octroi d'une pension alimentaire, le versement à plusieurs épouses d'une rente pour cause d'accident du travail d'un homme polygame. La jurisprudence est relativement contradictoire.
Dans certains cas, une prestation est accordée à chaque épouse, dans d'autres, elle est divisée entre les épouses; dans d'autres encore, elle est refusée. En laissant au juge une grande marge d'appréciation, on risque de tomber dans des contradictions.
M. Coveliers ne peut donner son accord à l'octroi d'une double indemnité dans le cas d'un mariage polygame. Cela va à l'encontre de son sens de la justice. C'est inacceptable. L'indemnité pourrait en revanche être divisée.
M. Hugo Vandenberghe estime qu'en effet les choses doivent être politiquement claires.
Le professeur Van Houtte pense que le problème soulevé est pertinent, mais il doute qu'il soit utile de le résoudre dans la loi proposée. Il s'agit de choix politiques graves.
M. Hugo Vandenberghe souligne qu'il pourrait arriver que les différentes épouses d'un mari polygame se constituent partie civile dans le cas d'un fait quasi délictuel. Il y a lieu, sur le plan politique, de faire toute la clarté.
Le professeur Erauw estime que la question est très difficile. On peut la poser ici, mais elle resurgira dans les différentes matières, notamment au sujet du mariage. À propos du divorce, par exemple, il y a lieu de tenir un langage clair concernant la répudiation.
Il est difficile également de prendre position à l'égard des mariages polygames. Il est clair que l'on ne peut pas contracter de deuxième mariage en Belgique. Mais les choses se présentent différemment pour les revendications que peuvent formuler les femmes d'un mari polygame. La jurisprudence a par exemple admis que les femmes peuvent réclamer une pension alimentaire à leur mari. Les choses sont par contre plus difficiles lorsque les revendications s'adressent à des tiers.
M. Hugo Vandenberghe pense qu'il n'y a pas de problème si la question se limite à quelques cas de droit international privé et n'a donc aucune influence sur l'homogénéité du système juridique. Mais dès l'instant où elle devient sociologiquement importante par le nombre, la question dépasse la simple application du droit international privé et on se met à penser que l'on a un pays avec un ordre juridique dédoublé; un pour les Belges et un pour les autres.
Le professeur Van Houtte souligne que de plus en plus d'étrangers acquièrent la nationalité belge et que la polygamie se rencontre de moins en moins. Le problème est donc en train de disparaître.
Le professeur Fallon souligne que la fréquence sociologique de l'institution en question est effectivement un élément important. En ce qui concerne la polygamie, l'intervenant rejoint le point de vue exprimé par le professeur Van Houtte.
Il ajoute que, dans beaucoup de cas, il y a en fait une succession de femmes.
Il est très difficile de formuler une clause d'ordre public positif, lorsque le nombre de cas reste très limité.
L'intervenant suggère dès lors d'agir avec prudence et d'examiner, pour chaque matière, si une telle clause peut être formulée.
Section 5 Efficacité des décisions judiciaires et des actes authentiques étrangers
Articles 22 à 31
Le professeur Fallon indique que cette section remplacerait l'article 570 du Code judiciaire, qui est de facture ancienne. Celui-ci attribue compétence au tribunal de première instance pour toutes les questions concernant l'exequatur des jugements étrangers. Cet article ne concerne pas les actes publics étrangers.
La section 5 comporte quant à elle une dizaine d'articles. Elle porte à la fois sur les jugements étrangers et sur les actes publics étrangers, et tend à couvrir l'ensemble des effets que l'on peut obtenir de ceux-ci en Belgique.
On distingue traditionnellement parmi ces effets la force exécutoire (c'est-à-dire pouvoir obtenir sur la base du jugement étranger une mesure d'exécution sur les biens ou sur les personnes), l'autorité de la chose jugée (ce que le texte appelle la « reconnaissance »), et la force probante (c'est-à-dire le point de savoir si le jugement peut aider à apporter la preuve de certains faits matériels rapportés par le juge étranger).
Quant au contenu, ces articles reprennent largement la jurisprudence actuelle, moyennant certaines innovations.
En ce qui concerne la procédure en vue d'obtenir l'effet de la décision en Belgique, le texte s'inspire de la Convention de Bruxelles. Le Règlement de Bruxelles I a innové considérablement en précisant les conditions de procédure, qui ne figuraient pas dans les droits nationaux. La procédure mise en place visait à accélérer le processus de reconnaissance.
L'objectif du texte proposé ici est de favoriser la circulation internationale des jugements, c'est-à-dire admettre, autant que possible, en Belgique l'efficacité de jugements prononcés à l'étranger.
Cette politique est tout à fait cohérente par rapport à la pratique très ouverte des juges belges à l'égard des jugements étrangers.
D'autres pays, comme les pays nordiques, sont beaucoup plus réticents à admettre l'efficacité des jugements étrangers.
Les innovations introduites par le texte proposé concernent plutôt la matière patrimoniale (aliments, contrats, matière quasi délictuelle, ...).
La première est que, pour reconnaître en Belgique un jugement étranger, on ne doit plus réviser celui-ci au fond, au contraire de la situation actuelle, où le juge belge refait le procès en vérifiant tous les éléments de fait et de droit tranchés par le jugement étranger.
Cette révision au fond serait donc supprimée pour toutes les matières, alors qu'à l'heure actuelle, elle ne l'est que pour les matières familiales. Cette extension est également préconisée par le Conseil d'État.
Une seconde innovation, liée à la précédente, est que, pour obtenir en Belgique l'autorité de la chose jugée étrangère, il n'est pas nécessaire de s'adresser d'abord au tribunal de première instance. La partie demanderesse peut invoquer directement le jugement étranger devant toute autorité publique belge. C'est ce que l'on appelle le système de la reconnaissance de plein droit.
Ce système est proposé pour l'ensemble de la matière civile et commerciale alors qu'actuellement, il n'existe que pour les questions familiales. Le Conseil d'État a poussé à cette innovation, qui est plus développée que dans la première version du texte.
Pour le surplus, les articles assez techniques de la section 5 décrivent dans le détail les différentes conditions à remplir pour obtenir l'effet du jugement ou de l'acte étranger.
M. Zenner demande quel est l'intérêt requis pour obtenir un exequatur.
L'intervenant se réfère à ce sujet à l'affaire « Federal Mogul ». Federal Mogul est le plus grand manufacturier mondial de pièces pour véhicules automobiles. Ce groupe américain se trouve confronté à entre 5 000 et 10 000 actions en dommages-intérêts de travailleurs ou anciens travailleurs, du fait de maladies prétendument professionnelles découlant de l'usage de l'amiante.
Dès lors, ce groupe a demandé aux États-Unis le bénéfice du « Chapter XI » c'est-à-dire un concordat à l'américaine pour la société faîtière et pour 300 filiales.
Il a entrepris, en Angleterre, la même procédure pour une société faîtière anglaise (filiale du groupe des 300 sociétés sous concordat) et 80 filiales anglaises.
Il s'est demandé s'il fallait introduire des procédures analogues dans les autres pays européens, et notamment en Belgique.
Le plan de restructuration était relativement simple : on crée un fonds qui servira à payer les indemnités du chef de maladies professionnelles qui seraient allouées par les tribunaux, et l'on recapitalise le groupe qui, comme tel, est parfaitement sain et développe une activité bénéficiaire.
La question est de savoir si les créanciers travailleurs ou anciens travailleurs peuvent toucher aux actifs du groupe localisés en Belgique, sans qu'il soit nécessaire d'entreprendre dans notre pays une procédure de concordat.
Ce problème risque de se poser de plus en plus souvent à l'avenir, compte tenu de l'internationalisation du droit de l'insolvabilité.
C'est en quelque sorte l'inverse de ce qui s'est passé dans le dossier Lernout et Hauspie, où des procédures avaient aussi été engagées aux États-Unis et en Belgique et où les commissaires au sursis belges, devant l'incertitude liée à l'inexistence de dispositions légales, n'ont pas voulu connaître des problèmes juridiques que posait la reconnaissance aux États-Unis des jugements yprois.
Tout cela présente donc un intérêt fondamental pour les créanciers, pour l'emploi, et pour toutes les personnes concernées par la marche de l'entreprise.
La question s'est notamment posée de savoir s'il était possible d'obtenir à titre préventif un exequatur ou une reconnaissance du jugement américain qui serait rendu au terme de la procédure du Chapter XI, sans devoir introduire à une demande expresse.
Quelle est la portée exacte de la notion d'« intérêt », figurant au § 2 de l'article 22 de la proposition de loi ?
M. Hugo Vandenberghe souligne que le problème soulevé est celui de l'action « ad futurum ».
En ce qui concerne l'article 22, § 2, il fait observer que les termes néerlandais « elke belanghebbende » n'ont pas exactement le même sens que l'expression française « toute personne qui y a intérêt ».
Le professeur Fallon estime que la disposition proposée, si elle n'a pas été rédigée pour le type de cas exposé par M. Zenner, pourrait s'y appliquer. Elle a été rédigée au vu des problèmes rencontrés en matière familiale, où s'était développé un système jurisprudentiel de reconnaissance de plein droit.
Dans la jurisprudence s'est posé le problème de l'action déclaratoire. Ce problème est très connu en France, où la jurisprudence a nettement répondu par l'affirmative.
En Belgique, l'intervenant s'est prononcé en faveur de l'action déclaratoire. La jurisprudence belge est divisée sur la question.
Le système de la reconnaissance de plein droit soulève en effet une difficulté.
Si l'on considère, par exemple, le cas de l'officier de l'état civil qui doit examiner un jugement de divorce étranger, la position qu'il prendra n'aura pas l'autorité de chose jugée. S'il se trompe dans son appréciation, le deuxième mariage sera nul. C'est ce que l'on appelle la précarité de la reconnaissance de plein droit.
En raison de cette précarité, la personne concernée a intérêt à demander une action déclaratoire pour que la reconnaissance du jugement étranger soit fixée par un jugement ayant autorité de chose jugée.
M. Zenner fait observer que cet exemple concerne une action individuelle, où le demandeur a un adversaire.
Le texte semble indiquer que, désormais, il s'agira d'une procédure de droit commun, contradictoire et non plus sur requête unilatérale, devant le tribunal et non plus devant son président. Dès lors, contre qui dirigera-t-on l'action, dans les cas comparables à celui de l'affaire Federal Mogul ?
Le professeur Fallon répond que, dans le cadre du texte proposé, la procédure en première instance est unilatérale, comme l'indique l'article 23, § 3. Cette innovation s'inspire de la Convention de Bruxelles.
M. Hugo Vandenberghe fait observer que la tierce opposition reste possible.
Le professeur Erauw renvoie à l'article 23, § 3, qui prévoit que la demande est introduite et instruite conformément à la procédure prévue aux articles 1025 à 1034 du Code judiciaire.
La question très spécifique de M. Zenner appelle une observation générale portant à la fois sur la procédure et sur le caractère général des dispositions à l'examen.
La procédure est effectivement mieux définie que précédemment. Jadis, la difficulté liée aux reconnaissances déclaratoires était l'absence de partie adverse. C'est ainsi que l'on a cité à comparaître un officier de l'état civil, comme partie défenderesse, dans une affaire d'exequatur, dans le seul but de mettre un terme à l'insécurité juridique. Les agents concernés ont ressenti la chose comme un blâme.
Le législateur a voulu mettre fin à cette pratique, principalement à la demande des administrations (officiers de l'état civil, administrations des pensions, administrations fiscales). En effet, ces personnes pouvaient faire une reconnaissance de plein droit, mais pas sans risque. La reconnaissance, par exemple, d'un divorce présentait toujours un caractère précaire, dans la mesure où un juge pouvait décider après celui-ci que l'intéressé n'avait pas divorcé. Mais quid alors si l'intéressé(e) s'était remarié(e) dans l'intervalle ?
L'on a voulu dissiper en partie cette insécurité en instaurant une procédure de requête plus facile. Cette procédure est engagée sur une base unilatérale, mais le juge conserve une grande marge de manoeuvre en la matière. Il peut en effet entendre les parties.
Les dispositions de la section 5 ont un caractère général et procédural. Il y a bien sûr aussi des bases de contrôle, à savoir les motifs de refus (article 25).
Le problème soulevé par M. Zenner est un problème concret d'insolvabilité (voir l'article 121 du Code proposé).
Il faut bien garder la structure du Code à l'esprit : d'abord les dispositions générales et ensuite quelques dispositions spécifiques (concernant la répudiation, l'adoption étrangère, les sociétés étrangères).
Au cours des travaux préparatoires du présent code, l'actualité a été marquée par l'affaire Lernout et Hauspie, qui a trouvé son reflet dans l'article 121 concernant l'effet des décisions judiciaires étrangères en matière d'insolvabilité. Lorsque le siège est situé en Belgique, les autorités belges ne sont pas très enclines à reconnaître pareilles décisions. Dans le cas de figure évoqué par M. Zenner, le siège de l'entreprise concernée est situé à l'étranger et une reconnaissance est donc en principe possible. Tout dépendra de l'appréciation du juge.
S'il sent qu'en engageant rapidement une action en Belgique, une partie tente d'obtenir dans notre pays l'autorité de la chose jugée pour un jugement étranger qui lui est favorable, le juge doit, dans la requête visant à rendre la reconnaissance définitive, inviter les parties à lui faire part de leur point de vue.
M. Zenner fait observer que la notion de « siège » est interprétée de façon différente en droit anglo-saxon et en droit civil européen. De plus, l'article 121 a trait à la reconnaissance, qui est une notion distincte de l'exequatur.
L'intervenant conclut en tout cas des explications fournies par les professeurs que la nécessité d'une action déclaratoire suffit aux yeux des précédents orateurs, et que la procédure est unilatérale, de sorte qu'il ne faut pas nécessairement d'adversaire.
Le même intervenant demande confirmation de ce que le critère de la réciprocité n'est pas repris par la proposition de loi.
Le professeur Fallon le confirme, en soulignant que c'est là une bonne chose.
La jurisprudence belge s'est, depuis longtemps déjà, montrée assez libérale à l'égard des jugements étrangers. Leur reconnaissance est admise en Belgique sans condition de réciprocité, au contraire de la tradition germanique, où la reconnaissance est soumise à l'existence d'un traité international.
Il subsiste par ailleurs l'exception d'ordre public. Celle-ci est énoncée dans la proposition de loi comme elle l'est actuellement en droit belge.
Le professeur Erauw attire l'attention sur un aspect très technique qui est apparenté à celui de la réciprocité. La Belgique n'exige pas que les autres pays fournissent la garantie qu'ils reconnaissent les jugements rendus par des juridictions belges. En ce qui concerne la reconnaissance, le droit international privé français exige que le jugement étranger applique le même droit qu'en France (contrôle de la loi convenable). Le droit français est plus strict en cela plus que le droit belge. La Belgique est plus libérale; l'on y examine les mérites du jugement étranger, sans contrôler si le juge étranger est parvenu à la même conclusion.
La codification du droit de la reconnaissance de l'acte dont il est question dans ce chapitre constitue une innovation importante. Le droit belge était très vague sur ce point. Les officiers de l'état civil n'ont jamais su sous quelles conditions ils pouvaient reconnaître un acte étranger.
Le droit international privé consiste en grande partie à utiliser souplement les actes et les jugements étrangers. Le code proposé comble une lacune en précisant de manière concise quand un acte peut être reconnu. La reconnaissance de l'acte en question est certes subordonnée au « contrôle de la loi applicable ». Il s'agit non pas d'une exigence de réciprocité, mais d'un contrôle de compatibilité. La réciprocité existe entre les pays européens. La disposition de l'article 27 s'applique toutefois au monde entier.
M. Hugo Vandenberghe estime qu'il faut établir une distinction entre les actes et les jugements. Quid de la force juridique d'un jugement, un acte juridictionnel, provenant d'un pays où les juges ne sont pas impartiaux et où il sont même corrompus ? L'article 26 prévoit qu'une décision judiciaire étrangère qui produirait un effet manifestement incompatible avec l'ordre public ne peut pas être reconnue. Quel sens faut-il donner au mot « manifestement » ?
La norme européenne minimale de l'article 6 de la CEDH devrait être respectée, même pour ce qui est de jugements provenant de pays qui ne font pas partie du Conseil de l'Europe. Sinon, on aurait intérêt à obtenir un jugement dans un pays où cette norme minimale n'est pas applicable, étant donné qu'il pourrait ensuite être reconnu et mis à exécution ici.
Le professeur Fallon indique que, dans les motifs de refus de l'article 25 figurent notamment la violation de l'ordre public et le non-respect des droits de la défense.
Des décisions jurisprudentielles ont refusé des jugements étrangers parce que l'ordre public procédural n'avait pas été respecté, une partie n'ayant pas été convoquée.
L'intervenant renvoie aussi à un précédent intéressant, l'arrêt Krombach, prononcé par la Cour de justice dans le cadre de la Convention de Bruxelles (affaire C-7/98, 28 mars 2000).
Cette dernière, qui concerne les pays de l'Union européenne, tend à assurer la libre circulation des jugements. On y retrouve également le motif d'ordre public.
La Cour estime que, même s'il faut favoriser la libre circulation des jugements entre États de l'Union européenne, la CEDH constitue un texte de base qui doit être respecté.
L'arrêt confirme donc que le standard de la CEDH est inclus dans l'ordre public.
M. Hugo Vandenberghe trouve que le mot « manifestement » sème la confusion. Il laisse une trop grande marge d'interprétation.
L'intervenant renvoie à l'arrêt Pellegrini concernant la reconnaissance des jugements du Vatican (Cour européenne des droits de l'homme, arrêt Pellegrini/Italie, 20 juillet 2001).
Il est évident selon lui, qu'avant de pouvoir mettre le jugement à exécution il faut vérifier si la norme minimale de l'article 6 de la CEDH est respectée.
M. Nimmegeers ne voit pas, dans la perspective de l'extension de l'Union européenne (peut-être à long terme avec des pays qui ne sont pas des États de droit, comme l'Albanie), quels critères objectifs on va pouvoir utiliser pour déterminer si les décisions de justice de ces États peuvent ou non être reconnues.
On pense manifestement que le système judiciaire de certains États laisse à désirer. Et si l'on parvient quand même à prendre des décisions sereines dans ces États ? Comment arrivera-t-on à faire une distinction ?
M. Hugo Vandenberghe renvoie au rapport de l'Union européenne, qui contient une évaluation concernant les dix nouveaux adhérents. À l'égard de la Pologne par exemple, des réserves sont émises à propos de plusieurs affaires judiciaires. Le traité d'adhésion contient une « clause de sauvegarde ». La Commission européenne peut bloquer l'exécution notamment de décisions des tribunaux polonais.
On ne peut évidemment pas, en tant que particulier (avocat, par exemple), émettre un jugement collectif sur un système. Voilà pourquoi, il incombe à la Commission européenne et aux organes de contrôle, et éventuellement, pour les cas individuels, à la jurisprudence de la Cour de Justice d'indiquer si le pouvoir judiciaire est de qualité suffisante.
Au sein du Conseil de l'Europe, il existe aussi une commission des droits de l'homme qui procède à une évaluation du respect de la CEDH et qui répertorie les problèmes dans ses rapports. L'évaluation de la garantie d'avoir porté l'État de droit à un degré suffisant d'évolution relève de la politique internationale et du contrôle judiciaire. Il existe des moyens d'objectiver cette garantie. Mais on ne peut évidemment pas laisser dépendre cette tâche d'initiatives individuelles.
En ce qui concerne la deuxième question de l'intervenant précédent, deux possibilités se présentent à un avocat. Soit il y a une tromperie spécifique dans l'affaire (ce qui relève de l'impartialité individuelle), et on doit alors pouvoir le prouver ou faire en sorte que cela soit suffisamment crédible. Soit il est question d'impartialité institutionnelle.
Il est en tout cas indispensable que le juge étranger rende un jugement impartial et un contrôle est nécessaire lorsqu'on en demande l'exécution en Belgique.
Mme de T' Serclaes demande comment la proposition de loi assure une plus grande sécurité juridique des officiers d'état civil confrontés à la production d'un acte étranger.
M. Willems fait remarquer que le tribunal de première instance est désigné comme tribunal compétent pour contrôler les conditions. S'agissant, par exemple, de l'exécution d'un jugement relatif au Chapter XI (Concordat à l'américaine), ne devrait-on pas, logiquement, opter de préférence pour le tribunal de commerce ? A-t-on jamais envisagé, au moment de l'élaboration du texte, de prévoir qu'un autre tribunal puisse être compétent ?
M. Hugo Vandenberghe estime que l'adjectif « incompatible » concerne tant l'ordre public en droit procédural que l'ordre public en droit matériel. Faut-il dès lors prévoir, pour l'évaluation, une répartition des compétences en fonction de la compétence ratione materiae des diverses juridictions ?
En ce qui concerne le terme « manifestement », le professeur Erauw souligne tout d'abord que l'on a accordé beaucoup d'importance à la formulation du texte. Il n'en reste pas moins perfectible, notamment parce qu'il serait préférable de remplacer les mots « toute personne » par les mots « une partie », de manière à renvoyer à l'intérêt procédural.
En revanche, le mot « manifestement » a un sens que la plupart des gens connaissent dans la mesure où les conventions internationales soulignent depuis longtemps que l'ordre public interne et l'ordre public international sont deux choses différentes. La Cour de cassation l'a encore confirmé en 2001 à propos d'une clause de calcul des intérêts dans un contrat de leasing. Elle a jugé que, bien que l'arrêt a quo considère pareil calcul des intérêts comme contraire à l'ordre public, la Cour aurait dû dire clairement si le calcul des intérêts est également interdit dans les contrats internationaux. On demande à la Belgique de faire preuve de plus de souplesse dans les affaires internationales que dans les affaires intérieures.
Il y a, depuis 1952, une jurisprudence constante de la Cour de cassation qui impose plus de souplesse dans les affaires internationales que dans les affaires nationales. C'est ainsi qu'en droit interne, il faut introduire une demande en désaveu de paternité dans les deux mois, délai au-delà duquel il n'est plus possible de le faire.
En Grèce, on a décidé que le désaveu de paternité était soumis au délai de prescription général, c'est-à-dire 30 ans. La Cour de cassation a décrété qu'il fallait faire preuve de plus de souplesse en cas de confrontation avec des Grecs.
M. Hugo Vandenberghe précise que sa question porte surtout sur l'exécution d'un jugement rendu dans un autre État, et donc en application d'un autre droit national, et non pas sur l'application du droit international.
Il y a lieu de respecter la norme minimale pour l'application du droit national d'un autre État. Quelle est la norme de procédure minimale à respecter, surtout en cas d'exécution de jugements rendus ailleurs ?
L'intervenant estime qu'il y a une différence entre des actes qui relèvent du pouvoir exécutif et des jugements qui relèvent du pouvoir judiciaire. Les modes d'opposition et de contestation diffèrent aussi selon qu'il s'agit d'actes ou de jugements.
L'intervenant estime que, pour l'élaboration d'une norme minimale européenne, il y a lieu de faire une distinction entre les actes et les jugements. En ce qui concerne l'ordre public de droit matériel, il y a lieu d'examiner si l'exécution d'un jugement formellement acceptable porterait atteinte à notre ordre public. Le fait d'appliquer la loi grecque à des personnes d'origine grecque ne porte pas atteinte à l'ordre public.
Le professor Erauw comprend le souci du préopinant de protéger l'aspect procédural.
Il renvoie sur ce point à l'article 25, § 1er, 2º, selon lequel la violation des droits de la défense constitue un motif de refus. Peut-être faut-il compléter la disposition en question par les termes « y compris les conditions visées à l'article 6 de la CEDH ». Il est clair, selon l'intervenant, que les principes qui figurent à l'article 6 de la CEDH sont reconnus, en Belgique et partout en Europe, comme étant la norme minimale, ce qui a d'ailleurs été souligné dans les développements.
M. Hugo Vandenberghe cite l'exemple d'un système pénal dans le cadre duquel le principe de la présomption d'innocence ne serait pas respecté dans le droit de la preuve, et dans lequel la condamnation pénale engagerait la responsabilité civile. Il est évident qu'au cas où l'on demanderait l'exécution en Belgique d'un jugement issu d'un tel système juridique, il devrait être possible de faire valoir le fait que le principe de la présomption d'innocence n'a pas été respecté. La présomption d'innocence dépasse le cadre des droits de la défense. L'intervenant craint que sans cela, les avocats risquent d'organiser des procès ailleurs.
Pour répondre à la préoccupation qu'inspire à M. Nimmegeers le fait que l'on va bientôt se mettre à reconnaître des jugements étrangers fondés sur d'autres concepts d'équité ou de justice, alors que l'on peut parfaitement poser de bons actes juridiques, le professeur Erauw renvoie à la casuistique. On ne peut pas émettre de jugement général; on ne peut pas condamner sans plus le droit, par exemple, de l'Albanie.
Il n'est pas indiqué de le faire si l'on veut sauvegarder des relations internationales constructives. C'est pourquoi la tâche en question est confiée aux juges. On se dirige plutôt vers une protection procédurale. La personne concernée a-t-elle pu défendre ses droits en Albanie ? Le juge a-t-il répondu aux arguments ?
Si la réponse à ces questions est négative, le jugement ne pourra pas être reconnu. Il est plutôt question d'une protection procédurale que d'une protection quant au fond. Il appartient au juge de prendre la décision finale dans un cas concret, sur la base d'un dossier. Le contrôle procédural fournit de bonnes garanties au juriste.
L'intervenant souligne que la procédure de l'exequatur est aussi quelque peu contradictoire. L'introduction se fait sur requête unilatérale, mais le juge peut entendre les parties, ce qui offre de sérieuses garanties.
Le professeur Erauw fait également part des observations suivantes. On ne peut perdre de vue, dans le cadre du chapitre en question, qui concerne la reconnaissance des jugements étrangers que l'on a toujours la possibilité, au niveau mondial, donc en dehors des règlements « Bruxelles », d'intenter un procès déterminé en Belgique. On ne dépend donc pas nécessairement de la jurisprudence, par exemple, du Nigeria ou de l'Albanie. Si la cause présente un lien avec la Belgique, une des parties peut intenter une action devant un tribunal belge.
L'intervenant renvoie à l'article 11 qui prévoit cette possibilité lorsque l'on ne peut pas raisonnablement exiger que la demande soit formée à l'étranger. Cela signifie en fait que cette possibilité existe lorsque la juridiction étrangère en question est corrompue ou peu fiable. Par conséquant, les justiciables qui craindraient d'avoir à subir un mauvais traitement à l'étranger, peuvent intenter une action en Belgique en application de l'article précité. Il existe encore bien d'autres possibilités d'intenter un procès en Belgique que celle qu'offre l'article 11.
L'intervenant renvoie aussi à l'article 14 relatif à la litispendance internationale. Lorsqu'une action est pendante dans un pays situé en dehors de l'Union européenne, les juridictions ne sont pas tenues par cette litispendance. Le justiciable qui craint d'avoir à subir de mauvais traitements à l'étranger peut saisir une juridiction belge. Le juge n'est pas tenu d'attendre la décision étrangère.
En réponse à une question de Mme T' Serclaes, l'intervenant déclare que dans la recherche de plus de sécurité juridique, l'instrument de la prévisibilité n'est pas un instrument parfait toujours incontestable. Les fonctionnaires ne disposent malheureusement pas d'un instrument plus différencié.
L'article 25 détaille les bases de contrôle, alors que l'ancien article 570 était très lapidaire. Pour ce qui est des matières spécifiques telles que l'adoption, l'insolvabilité et la répudiation, les choses sont encore plus détaillées. L'objectif est d'offrir une aide aux personnes qui sont confrontées à des problèmes relatifs à ces matières.
De plus, l'article 31, qui a trait à la mention et à la transcription des décisions judiciaires et des actes authentiques étrangers en matière d'état et de capacité, indique plus clairement la marche à suivre. La transcription dans les registres requiert un contrôle préalable, notamment de la compatibilité (contrôle de la loi convenable).
Le § 3 prévoit que le Roi peut créer un registre des décisions et des actes qui satisfont aux conditions visées au § 1er. L'objectif est de faire un tout de l'expérience accumulée. Le § 2 consacre aussi le droit du fonctionnaire de consulter le procureur du Roi compétent pour contrôler l'administration. Les procureurs procèdent à une concertation hiérarchique qui pourrait déboucher sur une procédure de traitement uniforme.
L'intervenant cite l'exemple de l'acte néerlandais de divorce sans intervention d'un juge ou d'un avocat (le « divorce-éclair » ou « plan en deux étapes »). Dans un premier temps, le mariage est transformé en cohabitation, et, immédiatement après les ex-époux mettent un terme à celle-ci sur une base volontaire.
Les autorités néerlandaises font preuve d'une grande ouverture en la matière et autorisent même ce type de divorce éclair dans les ambassades lorsque l'une des deux parties est un ressortissant néerlandais ou réside aux Pays-Bas. Il serait utile que la ministre de la Justice fournisse une ligne directrice en la matière et que l'on constitue, par exemple, une base de données où seraient enregistrés les précédents intéressants.
À l'heure actuelle, les fonctionnaires peuvent adopter des attitudes différentes d'une commune à l'autre, si bien que l'on peut parfois avoir des surprises en cas de déménagement d'une des parties.
Mme de T' Serclaes demande de quels recours disposent les personnes qui estiment que l'officier d'état civil refuse à tort.
Le professeur Erauw répond qu'elles peuvent s'adresser au juge.
En ce qui concerne l'observation de M. Willems à propos du tribunal de première instance compétent, l'intervenant reconnaît que dans certains cas, d'autres tribunaux sont effectivement mieux placés pour statuer, par exemple, dans des affaires concernant le droit des sociétés ou les litiges à caractère commercial. L'introduction de la reconnaissance de plein droit permettra cependant au tribunal de commerce de statuer lui-même. Au cas où, par exemple le tribunal de commerce serait saisi d'une demande de paiement de factures alors qu'une décision judiciaire aurait déjà été prise à New York, le tribunal de commerce devrait vérifier si l'autre décision est passée en force de chose jugée, ce qu'il peut faire lui-même.
M. Hugo Vandenberghe fait remarquer qu'il faut en tout cas empêcher l'ouverture de deux procédures parallèles de reconnaissance d'une décision d'insolvabilité prise par une juridiction étrangère, à savoir, par exemple, une procédure devant le tribunal de commerce et une autre devant le tribunal de première instance.
M. Zenner ne saisit pas quelle est au juste la distinction qu'il y a lieu de faire entre la reconnaissance de plein droit et la force exécutoire. Quels sont les effets de la reconnaissance, par exemple, d'une déclaration de faillite prononcée par une juridiction étrangère ?
M. Hugo Vandenberghe souscrit à ces propos. Qu'entend-on exactement par la reconnaissance, la validité, l'effet de fait et la législation ?
Le professeur Erauw renvoie à l'exposé des motifs. La distinction entre l'autorité de la chose jugée et la force de la chose jugée est très importante. Ces notions sont définies dans le Code judiciaire.
Toute décision judiciaire doit être respectée (autorité) et peut dès lors, par exemple, faire obstacle à l'ouverture d'une autre procédure. La force de la chose jugée est la portée qui est donnée à une décision qui n'est plus susceptible d'appel.
L'appréciation de plein droit est une appréciation sur incident; le juge doit pouvoir répondre à une question préjudicielle ou à une demande incidente et le faire lui-même. De ce fait, le juge spécialisé peut examiner l'affaire et les effets peuvent concerner notamment le statut (par exemple invalidation d'une faillite ou de la constitution d'une société). Dans ce cas, le juge s'en remet à la décision étrangère et en intègre les effets dans sa propre décision.
Le juge peut aussi donner un autre effet à un jugement étranger, par exemple en considérant qu'il peut servir de base à une compensation de dette. L'exception de chose jugée est invoquée lorsqu'un juge consulaire est confronté à une demande sur laquelle une juridiction étrangère a statué (non bis in idem, il y a force de chose jugée). La demande ne peut alors pas être déclarée recevable, parce qu'elle se heurte à une exception de chose jugée.
Le jugement étranger que le juge consulaire aura estimé admissible, après l'avoir examiné, sera intégré dans la motivation du jugement belge et constituera un élément conduisant à la chose jugée.
La Cour de cassation estime que, lorsque l'appréciation de la reconnaissance a eu lieu dans le cadre d'un examen par le juge belge et qu'elle a constitué une considération significative dans le cadre de la prise d'une décision, elle est englobée dans ce qui a force de chose jugée. En l'espèce, l'appréciation judiciaire aura été effectuée non pas par le tribunal de première instance, mais par le tribunal spécialisé compétent. On veut éviter, en Belgique, que l'on puisse encore porter atteinte par la suite à l'appréciation que le juge national aura porté sur le jugement étranger.
M. Hugo Vandenberghe note que le juge au principal est le juge de l'incident. Lorsque survient devant le tribunal de commerce un incident basé sur une décision étrangère, on applique la reconnaissance de plein droit et le juge peut apprécier si l'affaire a été ou non menée à son terme. S'il estime qu'elle ne l'a pas été, le demandeur n'est plus fondé à l'invoquer et une procédure peut éventuellement être engagée devant le tribunal de première instance.
M. Zenner revient au cas « Federal Mogul » précédemment évoqué. Dans un tel cas, on peut donc envisager, d'une part, un exequatur à titre déclaratoire, une fois que le jugement américain clôturant la procédure « Chapter XI » est rendu. L'entreprise s'adresse au juge belge et demande de donner force exécutoire à cette décision pour éviter que des créanciers américains ou belges n'agissent sur des actifs qui se trouveraient en Belgique.
D'autre part, on pourrait aussi envisager de ne pas demander l'exequatur à titre déclaratoire mais, si un créancier poursuit la société devant le tribunal de Bruxelles, de lui opposer, à ce moment, la décision américaine que le tribunal reconnaîtrait, de sorte qu'à travers la force de chose jugée, le caractère exécutoire serait ainsi indirectement conféré par la décision du tribunal de commerce.
M. Hugo Vandenberghe fait observer que ceci ne vaut qu'entre les parties.
Selon lui, la lecture de l'arrêt de la Cour de cassation amène à la conclusion qu'il est question non pas d'un obiter dictum, mais d'un motif fondant la décision.
Le professeur Erauw précise qu'en matière de faillite, le but poursuivi est toujours de faire établir l'opposabilité aux tiers de la décision en question. Si l'affaire présente des liens étroits avec la Belgique, par exemple par la présence d'un important stock de biens en Belgique, on peut trouver sur cette base un fondement de compétence permettant d'engager une action en Belgique. Dans une nouvelle action au fond, on pourra produire le document américain, le faire valider et le rendre opposable à une nouvelle partie adverse.
M. Hugo Vandenberghe relève que dans l'exemple de M. Zenner, le défendeur invoque le « Chapter XI ». La firme sous concordat judiciaire en Belgique peut intervenir volontairement et il peut y avoir tierce opposition, si bien que le procès sur l'incident devient le procès sur l'exécutabilité de la décision du « Chapter XI » des États-Unis.
Pour ce qui est de la faillite, on a intérêt a faire reconnaître la décision étrangère en Belgique par une procédure de droit commun devant le tribunal de première instance. Sinon, on est confronté à la relativité de la chose jugée.
M. Zenner déclare que, dans le domaine de l'insolvabilité, contrairement à celui de la famille et même des successions, la doctrine sur le droit belge à dimension internationale est très limitée.
La doctrine sur le droit international de la faillite, à l'exception du domaine européen, l'est encore plus.
La ministre revient à l'article 31. Tout d'abord, il conviendrait sans doute d'uniformiser la terminologie des §§ 1er et 2 dans le texte français, où il est question respectivement de « vérification » et de « contrôle ».
L'intervenante rappelle que le Conseil d'État critiquait vivement la possibilité d'un recours pour avis au ministère public, et celle pour la ministre de la Justice d'établir des directives. Il serait souhaitable que des arguments plus précis soient développés pour répondre aux critiques du Conseil d'État.
Celui-ci a également estimé que la référence à la notion de « doute », figurant au § 2 de l'article 31, pourrait faire l'objet d'une précision.
Ne faudrait-il pas soit faire disparaître ce terme, soit le clarifier ?
Le professeur Fallon rappelle que l'un des arguments du Conseil d'État était qu'il appartenait au tribunal de statuer sur les dysfonctionnements de l'état civil. Le texte de l'article 31 ne contredit nullement cette affirmation.
Le texte original du § 2 était plus affirmatif, puisqu'il prévoyait : « En cas de doute, celui-ci transmet ... ».
L'un des arguments du Conseil d'État était le caractère souverain de l'état civil, qui est indépendant du ministre, et qui ne peut donc avoir aucune obligation de prendre contact avec le parquet.
C'est pourquoi la nouvelle version du texte prévoit une simple faculté dans le chef de l'officier d'état civil.
Mme de T' Serclaes craint que cela ne donne lieu à une consultation systématique du parquet. Elle se demande si les mots « en cas de doute » ne devraient pas être supprimés.
Le professeur Fallon rappelle que les circulaires seront là pour réguler les pratiques.
M. Hugo Vandenberghe souligne, à titre de comparaison, que les conservateurs des hypothèques doivent faire la transcription en cas de doute.
La ministre partage la crainte d'une précédente intervenante sur le risque de consultation systématique du parquet. Plutôt que de supprimer les termes « en cas de doute », peut-être vaut-il mieux clarifier leur portée.
M. Hugo Vandenberghe fait observer que les actes authentiques ont force probante par eux-mêmes et qu'ils ne peuvent être contestés qu'à l'occasion d'un incident concernant leur fausseté éventuelle. Par hypothèse, il est question ici d'un acte authentique. L'idée selon laquelle on solliciterait toujours l'avis du ministère public lorsqu'on est confronté à un acte étranger reviendrait à nier la force probante des actes authentiques. Il faudrait, en tout cas, indiquer clairement en quoi peut consister le doute.
Le professeur Fallon estime utile d'expliciter le mot « peut », faute de quoi les officiers d'état civil risquent de ne pas en comprendre la portée.
Il est vrai, par ailleurs, que le mot « contrôle » devrait, au § 2, être remplacé par le mot « vérification », comme au § 1er.
C'est lorsque l'officier d'état civil a un doute sur le respect des conditions visées au § 1er qu'il peut recourir à l'aide du parquet.
Les directives visées au § 2, alinéa 2, devraient permettre d'éviter la surcharge du parquet.
M. Vandenberghe rappelle que les magistrats du parquet ont l'obligation de contrôler chaque année tous les actes de l'état civil. Or, cette obligation n'est plus généralement respectée. Il faut préciser en quoi le doute consiste exactement. Concerne-t-il la question de savoir si l'acte doit être transcrit ou non, ou porte-t-il sur la crédibilité de l'acte ?
Le professeur Erauw renvoie aux critères de contrôle détaillés dont il est question par exemple à l'article 25. Il n'y a pas si longtemps que les magistrats du parquet ont arrêté peut-être pas partout de contrôler les actes de l'état civil.
Dans certains cas, c'était à la demande du procureur du Roi, qui craignait un afflux de dossiers.
Cette disposition a été prévue en concertation avec la ministre de la Justice, mais également avec les juges. Ces derniers craignent que les tribunaux soient submergés d'actes. Il ne faut pas oublier qu'il y a une énorme quantité d'actes étrangers. On doit également se demander si la Belgique se montre coopérative ou non en la matière. L'acte authentique fait foi, jusqu'au moment de l'inscription en faux. On veut à présent conférer une force transfrontalière aux actes, jugements et autres documents étrangers. On veut permettre aux officiers de l'état civil de faire une reconnaissance de plein droit.
L'intervenant juge cette disposition utile. Dans les cas qui ne posent pas de difficultés majeures, les officiers de l'état civil et les notaires doivent pouvoir faire une reconnaissance. Il n'est pas concevable de prévoir l'obligation de visa du juge pour chaque acte. La crainte de voir de nombreux officiers de l'état civil « ouvrir leur parapluie » est généralement injustifiée. La plupart du temps, ceux-ci prennent leurs responsabilités avec compétence et courage et ne s'adressent au juge qu'en cas de nécessité.
La ministre demande si l'on ne pourrait pas inverser les éléments figurant au § 2, en indiquant d'abord par qui le contrôle est réalisé, en précisant ensuite que des indications utiles pourront être trouvées dans les directives ministérielles, et en terminant par la phrase « En cas de doute ... ».
Le professeur Erauw pense que cela est possible, mais qu'en procédant de la sorte, on opérerait un glissement centralisateur obligeant l'administration à prendre des directives. Il faut voir dans quelle mesure le Conseil d'État n'aurait pas un peu raison lorsqu'il dit que le statut de la personne est basé sur un principe de légalité.
La loi est à présent plus détaillée. Les directives du SPF Justice seront conformes à la législation. Le contenu de la loi doit encore être précisé dans une circulaire.
Le Conseil d'État a précisé qu'il fallait laisser l'officier de l'état civil appliquer la loi. En précisant dans la loi qu'il faut d'abord vérifier les directives, on sème la confusion autour du principe de légalité.
M. Hugo Vandenberghe souligne que le but n'est pas de mener une discussion de principe sur la disposition à l'examen, mais seulement de demander des éclaircissements et de résoudre au mieux des problèmes concrets. Ce n'est pas la première fois que les officiers de l'état civil reçoivent des directives du ministre compétent.
M. Willems fait remarquer que le ministre de la Justice peut toujours élaborer des directives conformes à la loi et qu'il n'a besoin d'aucune base légale pour ce faire. Cette disposition ne prête-t-elle pas à confusion ?
Chapitre II Personnes physiques
Section 1re État, capacité, autorité parentale et protection de l'incapable
Articles 32 à 41
Le professeur Fallon indique que ce chapitre comporte trois sections : la première est générale, la deuxième traite spécifiquement des nom et prénoms, et la troisième concerne l'absence.
La section 1 porte sur l'état et la capacité des personnes. Elle couvre aussi les questions d'autorité parentale et de protection des incapables.
En ce qui concerne les relations juridiques et notamment la filiation, un chapitre spécial y est consacré.
Les articles du chapitre II ne sont pas révolutionnaires. Ils confirment l'importance de la nationalité en la matière.
Ce critère sert surtout à déterminer le droit applicable. Il intervient aussi pour déterminer la compétence internationale.
Il paraît normal qu'un Belge puisse s'adresser aux tribunaux belges pour une question d'état, sauf dans des matières particulières, où le législateur dérogerait à ce principe.
Il y a cependant une innovation : pour les questions relatives à l'autorité parentale, à la tutelle, et à la protection de l'incapable, l'article 35 de la proposition se réfère, pour déterminer le droit applicable, à la loi de la résidence habituelle alors qu'actuellement, la solution traditionnelle retenue par la jurisprudence est d'appliquer la loi de la nationalité.
Cette option correspond à l'évolution du droit comparé et surtout des conventions internationales. La Conférence de La Haye, qui a adopté des conventions sur la protection des enfants, montre une évolution vers le facteur de la résidence habituelle au détriment de celui de la nationalité, en ce qui concerne la protection d'un incapable.
Le professeur Erauw note qu'il faut également être attentif aux conséquences du choix du droit de l'État de résidence. Il y a en effet également des Belges qui résident à l'étranger et qui y sont confrontés à des problèmes juridiques qui sont évoqués devant des juges belges. C'est la raison pour laquelle l'article 35, alinéa 2, précise que le droit de l'État de résidence habituelle doit prévoir une protection substantielle.
Si le droit étranger applicable n'offre pas cette protection, on applique le droit belge. Les dispositions résultent du souci des auteurs d'opter pour une solution multilatérale et de respecter éventuellement le droit étranger du lieu de résidence, si du moins celui-ci satisfait aux exigences minimales d'une bonne protection. Outre l'exception de l'ordre public, la proposition à l'examen prévoit donc aussi une condition de protection suffisante.
M. Hugo Vandenberghe fait référence à l'article 34, relatif au droit applicable en matière d'état et de capacité. Qu'entend-on par capacité ? Cette notion concerne-t-elle uniquement les mineurs et le concept de minorité, ou couvre-t-elle aussi les malades mentaux, etc. ?
Le professeur Erauw répond que la minorité prolongée et l'imputabilité ressortissent aussi à la loi nationale.
M. Hugo Vandenberghe demande ce qui se passe lorsqu'un juge de paix entame une procédure de collocation à l'égard d'une personne qui réside fortuitement en Belgique.
Le professeur Erauw pense que ces cas se présentent régulièrement en pratique, de même que la nécessité de prendre en urgence des mesures de tutelle pour protéger une personne. On s'efforce malgré tout, en pareil cas, de s'aligner sur la loi nationale étrangère compte tenu de ce que l'intéressé pourrait retourner dans le pays en question.
S'il s'agit de la protection des incapables, de la minorité prolongée ou de l'imputabilité limitée, la loi étrangère doit en tout cas offrir une protection minimale, conformément au droit belge (article 35).
M. Hugo Vandenberghe souligne qu'il peut arriver que la résidence habituelle d'une personne trouvée en Belgique (par exemple un sans-abri) ne soit pas connue.
Le professeur Erauw répond que, si l'on ne peut connaître le droit étranger, on applique le droit belge. Si l'on ne connaît ni la nationalité ni le domicile d'une personne, les traités peuvent aider. Il existe ainsi une convention relative aux réfugiés, qui est largement appliquée en Belgique.
Si une personne n'a pas de statut personnel ou si celui-ci est inconnu, on applique le droit local. Cette règle est ancrée dans la pratique.
Si des mesures de sécurité doivent être prises pour protéger le patrimoine d'une personne saisie d'une folie subite, on appliquera en Belgique, le droit local, conformément à une pratique établie.
La disposition de l'article 34 est virtuellement très large, mais il s'agit en fait d'une disposition résiduelle. Toutes les dispositions suivantes concernent des aspects de l'état et de la capacité, qui font l'objet d'une réglementation spécifique et dérogent la plupart du temps à la disposition générale.
M. Hugo Vandenberghe cite l'exemple d'un accident survenu en Belgique mais dont tous les autres éléments sont étrangers (victimes, assurance). Appliquera-t-on le droit belge ? La capacité aquilienne peut être réglée d'une autre manière dans le droit étranger que dans le droit belge.
Le professeur Erauw répond que l'on peut appliquer l'article 19. On peut déroger à la loi si son application conduit à une distorsion, à une injustice vivement ressentie comme telle.
L'article 34 énonce en matière de statut un principe de départ qui était nécessaire pour éviter des lacunes. Il y a par exemple des aspects qui ne sont pas traités dans notre droit. Mais la plupart du temps, on aura à faire à des dérogations à la règle prévue à l'article 34. Si l'on considère le pourcentage d'application de la loi nationale et celui du droit du domicile, on constate que c'est le droit du domicile qui est le plus souvent appliqué.
Ce qui subsiste de l'application de la loi nationale fait figure d'exception, mais est substantiel. Pour le statut général, la détermination du nom, la conclusion d'une relation matrimoniale et certains aspects de la filiation, on se réfère encore à la nationalité. Pour le reste, le droit du domicile se substitue au droit de la nationalité. Une première dérogation à l'article 34 est prévue à l'article 35 et concerne la minorité prolongée, etc.
M. Hugo Vandenberghe demande ce qu'il en est de la capacité d'ester en justice. Que se passe-t-il si un étranger doit lancer une assignation en Belgique ? Qu'advient-il si cette personne est originaire d'un pays où la majorité ne s'acquiert qu'à 21 ans ?
Le professeur Erauw répond que c'est la loi nationale de la personne qui s'applique en l'espèce. Si le demandeur qui veut assigner en Belgique est âgé de 18 ans et qu'il n'est pas majeur au regard de sa loi nationale, il devra se faire représenter. La capacité d'ester relève du statut personnel. La question s'est souvent posée aussi pour des personnes morales. La majorité n'est toutefois plus qu'exceptionnellement fixée à 21 ans.
Mme Van dermeersch demande quelle nationalité doit être retenue pour une société créée en Angleterre mais établie en Belgique.
Le professeur Erauw répond que, strictement, on ne peut pas parler de nationalité pour les sociétés. Par comparaison avec les personnes physiques, on s'informe toutefois du statut de la société.
En Belgique, une société est considérée comme une entité belge si elle est administrée chez nous. Pour la capacité d'ester en justice et la représentation, on juge alors selon les normes belges. Les conséquences peuvent être importantes. On peut ainsi briser l'écran de la société et citer individuellement les administrateurs si la société, qui est administrée en Belgique, ne satisfait pas aux normes juridiques belges. La société est alors considérée comme non constituée valablement et comme une société civile.
Mme de T' Serclaes cite deux exemples.
1) Un couple de Norvégiens habite en Belgique avec ses enfants mineurs. L'épouse décède en Belgique. Elle avait des biens en Norvège.
Que se passe-t-il dans ce cas, pour les enfants mineurs et pour la succession ?
2) Un Belge épouse une Polonaise. Ils habitent en Pologne avec leurs enfants mineurs. L'épouse décède dans ce pays. Le conjoint survivant belge continue à habiter en Pologne avec ses enfants. Peut-il néanmoins faire appel, pour ses enfants mineurs, à une loi étrangère plus favorable ?
Le professeur Erauw répond qu'il faut considérer ce que les personnes demandent à nos juges belges. Si ce sont des mesures de protection de l'enfant, on se réfère à l'article 35 et on applique le droit local.
Il y a dans ce domaine un problème connu à propos de la tutelle. Aux Pays-Bas, par exemple, la tutelle ne s'ouvre pas si l'un des deux parents vient à décéder.
M. Hugo Vandenberghe fait observer que c'est le droit norvégien qui est d'application, et qui détermine si les enfants mineurs ont ou non la saisine, et si un tuteur est désigné.
Un chapitre particulier est consacré à la succession. La question de la capacité est liée à celle du règlement de la succession.
Le professeur Erauw note que ce problème se pose régulièrement. Il se souvient du cas d'un enfant de père algérien et de mère belge. Le père est retourné en Algérie, puis la mère de l'enfant est décédée. En Belgique, on s'est tourné vers la lignée maternelle pour le régime de la tutelle. Le grand-père est également décédé avant qu'un membre de la famille de la mère n'ait été désigné. Il est alors apparu que le père devait être associé aux mesures à prendre.
Soit il existe une convention consulaire. Sit il n'y en a pas. Dans le cas présent, il y a une convention consulaire avec l'Algérie. En Algérie, on soulèvera la question de savoir ce qu'il doit advenir de la tutelle de l'enfant. Si l'autorité algérienne n'agit pas, la tutelle sera déclarée ouverte conformément au droit national.
En l'occurrence, la tutelle devait être organisée selon le droit belge, mais il fallait convoquer le père. La tutelle devait être confiée au père. Les membres de la famille de la mère craignaient que l'ensemble de la succession du grand-père et de la mère ne soit transféré en Algérie.
La tutelle peut être réglée selon le droit belge, mais le père doit y être associé.
Dans l'exemple cité de la mère norvégienne décédée, il faut considérer le droit applicable à la tutelle, c'est-à-dire le droit local, donc le droit belge. Selon le droit belge, le père a le pouvoir de représentation bancaire.
M. Hugo Vandenberghe estime qu'il y a bien un problème dans l'exemple algérien esquissé, où le père devient automatiquement le tuteur. Dans la loi actuelle sur la tutelle, on a supprimé les mesures relatives au conseil de famille et au subrogé tuteur de la branche du défunt, ce qui ne joue pas toujours à l'avantage du mineur et de sa protection. S'agissant des mineurs, la culture maghrébine a en effet de toute autres conceptions.
M. Hugo Vandenberghe estime que le chapitre sur l'état et les personnes est très important. Vu l'internationalisation de la société, on peut difficilement qualifier encore la problématique de marginale. En Belgique vivent 860 000 étrangers reconnus. S'il arrive quelque chose aux parents, les mineurs constituent de toute façon la partie vulnérable.
La ministre rappelle que la philosophie générale du code est basée sur un abandon de la technique du renvoi, sauf dans certaines matières telles que les personnes morales. Cette option est justifiée par le choix de la résidence habituelle comme critère de rattachement de base. En effet, en vertu de ce critère de rattachement, le droit belge trouvera à s'appliquer, sans recours au renvoi, dès lors que la personne physique est établie à titre principal dans notre pays.
Par contre, pour ce qui concerne l'état et la capacité des personnes, le code opte pour le principe du rattachement de la personne au droit de l'État dont elle possède la nationalité. L'intervenant s'interroge dès lors sur les conséquences qu'aurait la suppression du renvoi sur la matière de l'état et la capacité des personnes.
Le professeur Fallon reconnaît que si l'on exclut le principe du renvoi en matière d'état et de capacité des personnes, il y aura plus de cas d'application de la loi étrangère sur la base du critère de la nationalité. En effet, actuellement, dans les relations entre l'Europe et le monde anglo-saxon, les juges sont ramenés au droit belge chaque fois que des personnes de même nationalité vivent en Belgique. Avec le nouveau code, cela ne sera plus le cas et le droit étranger trouvera à s'appliquer plus fréquemment.
L'orateur rappelle cependant que, d'un point de vue matériel, les règles de conflit de loi sont neutres. Elles ne tiennent pas compte du contenu du droit applicable, sauf lorsque l'on utilise l'exception d'ordre public. On ne peut dès lors pas dire que la suppression du renvoi va défavoriser des personnes par rapport à l'hypothèse dans laquelle le renvoi serait admis. La modification proposée dans le code est neutre.
M. Hugo Vandenberghe remarque qu'une règle techniquement neutre peut cependant avoir des effets pervers dans la pratique. Ne faut-il pas craindre que le contentieux sera plus complexe si les juges belges doivent appliquer plus souvent la loi étrangère en vertu du critère de la nationalité ?
Mme de T' Serclaes souhaite obtenir des précisions sur la manière dont fonctionne le renvoi en matière d'état et de capacité des personnes : le renvoi est-il possible si l'un des conjoints est belge ? Est-il possible si l'enfant est belge ? Que se passe-t-il si les deux parents et l'enfant sont de nationalité étrangère mais qu'ils résident habituellement en Belgique ?
Le professeur Fallon signale qu'en ce qui concerne l'état et la capacité des personnes, la proposition de code innove. Dans l'hypothèse de l'organisation d'une tutelle, qui est une pure mesure de protection, le code attribue une compétence internationale aux juridictions belges dès que l'enfant a sa résidence habituelle en Belgique et c'est le droit belge qui sera le plus souvent applicable. Le critère de la résidence est retenu car l'on estime que cela correspond au milieu d'intégration sociale de l'enfant. L'intervenant signale que si le droit belge s'applique, ce n'est cependant pas par un recours à la technique du renvoi car il n'y a pas de retour de compétence qui s'effectue en vertu d'une règle de rattachement du droit étranger.
À l'heure actuelle, dans l'hypothèse de l'organisation de la tutelle d'un enfant étranger vivant en Belgique, la technique du renvoi peut trouver à s'appliquer. Si la règle de rattachement du droit étranger désigné en vertu du critère de nationalité soumet la tutelle au droit de la résidence de l'enfant, le juge belge appliquera la loi belge.
Le renvoi est cependant une solution surprenante car le législateur de droit international privé belge s'en remet à la politique du législateur étranger. Selon l'orateur, le code propose une solution plus cohérente : il estime par exemple que, pour l'organisation de la tutelle, il est préférable, d'un point de vue de politique sociale, d'appliquer les règles du milieu de vie de la personne. Ainsi par exemple, si un enfant belge vit en France, c'est le législateur belge qui estime qu'il est préférable que le juge belge applique le droit français.
M. Mahoux met en garde contre les risques de tout principe général par lequel on s'en remet systématiquement, pour des problèmes qui concernent l'état des personnes, aux législations de pays tiers, indépendamment du droit matériel de ce pays.
M. Hugo Vandenberghe estime que le noeud du problème est de savoir s'il faut retenir la technique du renvoi, qualitate qua, s'il est préférable de l'adapter ou si cette solution doit être abandonnée. Le code opte pour la dernière solution, moyennant certaines exceptions. Cela n'est pas neutre politiquement, surtout si l'on prend en compte la multiculturalité de notre société.
M. Zenner rappelle que le succès du renvoi devant les juridictions de fond était motivé par un souci de facilité pour le juge, cette technique lui permettant le plus souvent d'appliquer le droit belge. Si l'objectif est que le droit belge s'applique dans une série de situations (par exemple la tutelle), l'orateur pense qu'il serait plus clair de ne pas le faire par le jeu du renvoi mais de le spécifier dans la loi.
Le professeur Erauw souligne que la codification innove et tente de proposer une solution mûrement réfléchie en appliquant plutôt le droit belge sur la base du droit du domicile. À cet égard, la ministre a souligné que la loi nationale joue encore bel et bien un rôle dans certains cas. Est-ce justifié dans ces cas-là ?
L'intervenant précise que dans la proposition de loi à l'examen, la nationalité n'est plus appliquée qu'en matière d'attribution du nom, de conclusion de mariage, de création de liens de parenté et de filiation par origine ou par adoption.
En ce qui concerne l'attribution du nom, le professeur Erauw est convaincu que l'on est doté, en Belgique, d'une très bonne administration de l'état civil, qui a appris à manier tous les noms des personnes étrangères. Opter pour la loi nationale pour l'attribution du nom, est un choix pondéré et correct. Miser sur le renvoi pour le nom n'est pas une solution. Le renvoi en matière de nom n'existe, selon l'intervenant, que dans quelques pays de common law ainsi qu'au Danemark, en Norvège et en Suède. Il n'y a pas beaucoup de pays qui appliqueraient le droit domiciliaire en matière de droit international du nom.
En ce qui concerne la conclusion d'un mariage, on peut examiner si un renvoi est utile. Mais l'intervenant pense que cette solution est trop compliquée aussi en l'espèce.
En ce qui concerne l'adoption, on se réfère à la loi nationale de l'enfant adoptif mineur pour déterminer si cet enfant peut être adopté. Cette règle représente une reconnaissance internationale pour les pays d'origine des enfants en question. La Convention de La Haye indique qu'il faut tenir compte du pays d'origine pour savoir si il est ou non disposé à laisser partir l'enfant. Le renvoi ne serait pas utile en l'espèce.
De plus, dans ce domaine aussi, seuls les pays scandinaves, l'Angleterre et les États-Unis appliquent le droit du lieu de résidence de l'enfant. Il est rare que les enfants concernés habitent déjà en Belgique; rechercher pour ces cas très rares l'avantage d'appliquer le droit belge en passant par une technique qui nous astreint systématiquement à un travail juridique ardu, ne semble pas opportun.
D'autre part, il y a aussi des cas où l'on peut se demander s'il est bon d'appliquer le droit domiciliaire, notamment dans le cas de deux Belges qui habitent à Shanghai et qui sont confrontés à un problème de régime matrimonial sur un bien qui se trouve par exemple en Belgique, ou qui veulent divorcer en Belgique. Pour les conséquences du mariage et du divorce, on appliquera le droit du domicile commun.
Il ne faut toutefois pas non plus perdre de vue la volonté des parties, le libre choix. Les Belges peuvent conclure un contrat de mariage. S'ils souhaitent divorcer en Belgique, ils peuvent opter pour la loi belge. À cet égard, il n'y a pas de cas où le code induise une solution inéquitable qui mettrait deux Belges en difficulté. L'intervenant ne voit donc pas l'utilité d'invoquer le renvoi dans tous les cas.
Il faut examiner les choses matière par matière. Il n'y a aucun problème sauf en ce qui concerne les héritages et les sociétés.
La ministre reconnaît que la technique du renvoi peut avoir un effet de roulette russe puisque l'on s'en remet au droit étranger pour désigner le droit applicable. Elle constate cependant que lorsque l'on opte pour un critère de rattachement basé sur la nationalité, le droit étranger sera appliqué directement par le juge.
La ministre propose d'opérer une distinction entre une série de matières spécifiques relevant de l'état et la capacité des personnes (la tutelle, l'autorité parentale ...) pour lesquelles il y a une volonté d'appliquer un critère de rattachement précis (la résidence habituelle) permettant de désigner le droit matériel applicable, sans renvoi possible.
Par contre, pour d'autres matières non spécifiques relevant de l'état et de la capacité des personnes, une règle résiduaire serait prévue, proposant la nationalité comme critère de rattachement, avec possibilité de faire jouer le renvoi.
M. Mahoux rappelle l'objectif politique qui doit sous-tendre la réforme de notre droit international privé. Il faut que le nouveau code représente une avancée sur le plan de la sécurité juridique par rapport à la situation actuelle. Dans cette logique, pour ce qui concerne les mineurs qui ont un lien avec notre pays, l'intervenant pense que leur sécurité juridique est la mieux garantie s'ils peuvent bénéficier de la protection du droit belge.
Le professeur Fallon estime que l'article 35 du Code rencontre les préoccupations du préopinant. En matière d'autorité parentale, de tutelle et de protection de l'incapable, c'est en principe le droit du lieu de la résidence habituelle qui régit la situation de la personne (alinéa 1er). Si ce droit n'offre pas de protection suffisante, c'est le droit de l'État dont la personne a la nationalité qui s'appliquera (alinéa 2). Enfin, on en revient au droit belge lorsqu'il s'avère impossible de prendre les mesures prévues par le droit étranger (alinéa 3).
M. Mahoux n'est pas rassuré par la solution proposée. Le critère de la résidence habituelle n'offre pas une garantie suffisante. Il pense par exemple à la situation de couples mixtes dont les parents sont séparés et dont l'un des époux quitte la Belgique avec les enfants.
M. Hugo Vandenberghe fait remarquer que le but de l'article 35 du Code est d'élargir le champ d'application du droit belge. Il attire cependant l'attention sur un effet pervers des modifications apportées à notre législation sur la tutelle. On a supprimé la tutelle lors du décès d'un des conjoints. C'est automatiquement le conjoint survivant qui devient le tuteur.
Or, dans le cas évoqué ci-avant du conjoint étranger qui retourne dans son pays d'origine à la suite du décès de son conjoint belge, cela conduit à une impasse puisqu'il n'est plus possible d'organiser une tutelle en vertu du droit belge.
Le professeur Erauw pense que la définition de la résidence habituelle proposée à l'article 4 du code permet d'éviter les risques de dérapages évoqués par certains commissaires. Il est précisé que pour déterminer la résidence habituelle, il faut tenir compte de circonstances de nature personnelle ou professionnelle qui révèlent des liens durables avec ce lieu ou la volonté de nouer de tels liens. Ainsi, si l'un des parents emmène de force ses enfants à l'étranger, il est évident que le critère de rattachement ne jouera pas.
Par ailleurs, lorsque le droit étranger, applicable sur la base du critère de la résidence habituelle, n'offre pas de protection suffisante, le code prévoit une règle matérielle qui déroge au critère de la résidence au profit de la nationalité.
M. Mahoux considère que la notion de protection suffisante dépend d'une appréciation selon des critères différents de pays à pays.
Le professeur Erauw répond que les critères d'appréciation sont les critères belges. L'article 35, alinéa 2, prévoit que le juge fait application du droit de l'État dont la personne a la nationalité. Dès lors qu'un Belge réside à l'étranger, la protection minimale dont il devra jouir est celle que lui garantit le droit belge.
M. Hugo Vandenberghe met en garde contre des solutions trop radicales qui viseraient à déclarer le droit belge systématiquement applicable. De telles solutions s'écarteraient trop des principes généraux du droit international et mettraient en péril la reconnaissance à l'étranger des décisions rendues par les juridictions belges à l'encontre de personnes résidant à l'étranger.
Le professeur Erauw revient ensuite à la proposition formulée par le gouvernement de prévoir le recours à la technique du renvoi lorsqu'aucune règle de conflit de lois n'est prévue explicitement en matière d'état et de capacité des personnes. L'intervenant n'est pas opposé à cette idée.
L'article 34, § 1er, pourrait être complété en ce sens en précisant qu'un renvoi simple est possible lorsqu'il n'existe aucune règle spécifique de conflit de lois. Les hypothèses dans lesquelles le renvoi pourrait s'appliquer sont cependant extrêmement peu nombreuses.
M. Hugo Vandenberghe pose une question d'interprétation concernant les articles 34 et 35 de la proposition de code.
Il prend l'exemple d'un mineur qui commettrait un homicide volontaire ou involontaire. Les parents sont civilement responsables, sur la base de l'article 1384, alinéa 2, du Code civil. La minorité est fixée par la loi nationale. Elle ne l'est pas à 18 ans dans tous les pays. Certains États appliquent une limite d'âge plus élevée ou moins élevée que celle-là.
Quand les parents sont-ils responsables du fait dommageable de leur enfant mineur ?
L'article 34, § 2, dispose que les incapacités propres à un rapport juridique sont régies par le droit applicable à ce rapport. Le fait dommageable ou punissable qui engage la responsabilité en Belgique entraîne l'application de la loi belge.
Toutefois, le droit applicable en matière d'autorité parentale est celui de l'État de la résidence habituelle. La présomption de responsabilité à charge des parents découle de l'autorité parentale. Les parents sont réputés responsables de l'enfant mineur parce qu'ils sont censés exercer leur autorité de manière à empêcher le fait dommageable.
S'il s'agit d'un enfant mineur de parents étrangers résidant en Belgique, le fait dommageable est soumis à la lex loci, alors que la présomption trouve son origine dans l'autorité parentale, qui est soumise au droit de l'État de résidence habituelle. Le lieu de la résidence habituelle peut être différent de celui où les faits sont commis. Comment résout-on ce problème ?
Le professeur Erauw confirme que l'article 34, § 2, est une dérogation qui permet, dans un rapport juridique spécifique en l'espèce, le rapport quasi délictuel de soumettre la capacité au régime juridique propre au rapport en question. Dans l'exemple cité, il s'agit donc de la loi locale.
L'intervenant cite un exemple tiré de la jurisprudence : l'affaire en question, dont le tribunal de Charleroi avait été saisi, concernait un enfant qui avait crevé l'oeil d'un camarade de jeu avec une flèche. L'enfant auteur des faits était de nationalité italienne. Sa grand-mère, présente dans l'appartement au moment des faits, avait été déclarée responsable parce qu'elle n'avait pas surveillé l'enfant comme elle aurait dû. La défense avait fait valoir, dans cette affaire, que la grand-mère n'était pas responsable en droit italien. Le tribunal de Charleroi a jugé qu'il fallait appliquer le droit belge.
La règle prévue à l'article 1384 du Code civil prime celle de l'autorité parentale. Lex specialis generalibus derogat. Cela n'est bien sûr pas sans conséquences pour les Belges dont les enfants ont commis un acte répréhensible à l'étranger. Ainsi, un militaire belge a été déclaré responsable d'actes de vandalisme commis par son fils en Allemagne sur plusieurs voitures. On a appliqué le droit étranger. L'article 34, § 2, prime l'article 35.
La ministre se réfère à l'article 35, alinéa 3, qui prévoit que lorsqu'il est impossible de prendre les mesures prévues par le droit étranger applicable, c'est le droit belge qui s'applique. Quelle est la nature de cette impossibilité : est-elle pratique ou juridique ? Que veut-on écarter comme règles étrangères ?
Le professeur Fallon répond qu'il existe plus de deux cents États souverains dans le monde dont le droit est en constante adaptation. Lors de la rédaction d'un code de droit international privé, les auteurs doivent prévoir des règles générales permettant au juge belge de trouver une solution à des hypothèses imprévisibles. La règle de l'article 35, alinéa 3, est de cette nature. Elle couvre à la fois des impossibilités pratiques mais aussi juridiques d'appliquer le droit étranger. Cette solution n'est pas isolée en droit comparé. Elle est également appliquée dans les conventions de La Haye.
Mme Nyssens constate, à la lecture du code, que celui-ci énonce souvent des critères en cascade dont l'application est soumise à l'appréciation du juge. Il est probable que cette manière de légiférer est nécessaire pour répondre à la réalité sociologique qui évolue. L'intervenante se demande cependant si le nouveau code atteint son objectif de sécurité juridique et de prévisibilité des règles applicables. Elle peut se rallier au choix de la résidence habituelle comme critère de rattachement même si ce facteur est beaucoup plus mobile que la nationalité.
M. Hugo Vandenberghe renvoie à l'article 32 du code qui règle la compétence internationale en matière d'état et de capacité. Les juridictions belges sont compétentes lorsque la personne a sa résidence habituelle en Belgique lors de l'introduction de la demande. Ne serait-il pas préférable de prévoir que la condition de résidence doit être remplie lors de la survenance de certains évènements (ouverture de la succession, ouverture de la tutelle à la suite du décès des parents ...), qui, par définition, ne sont pas manipulables ?
Le professeur Erauw évoque le problème de la mobilité de la résidence, qui est réglé chapitre par chapitre. En droit successoral, on prend comme référence des moments fixés dans le temps. Il n'en reste pas moins, évidemment, que le domicile est un facteur variable. Toutefois, dans les questions de droit de garde parental, on peut être assuré que l'éloignement abusif d'un enfant de sa résidence habituelle n'aura pas d'effet sur la localisation de la résidence habituelle. C'est un principe reconnu, et même consacré par des traités internationaux, qu'un enfant qui est déplacé contre une décision judiciaire en matière d'autorité parentale ne se voit pas attribuer une nouvelle résidence.
M. Hugo Vandenberghe estime néanmoins qu'il y a là une contradiction interne. Il cite l'exemple de l'ouverture de la tutelle suite au décès des parents. Pour la succession, on se base sur la loi du domicile au moment du décès; pour l'organisation de la tutelle, on tient compte de la résidence habituelle. Pour les biens, on se base donc sur le moment du décès, tandis que pour l'organisation de la tutelle, c'est l'introduction de la demande qui est pertinente.
En réponse à la remarque de Mme Nyssens, le professeur Erauw précise que la seule façon de garantir la sécurité en droit international, c'est de toujours appliquer le droit belge. C'est un point de départ envisageable, mais qui n'a jamais été suivi en Belgique. Il ne faut toutefois pas oublier que la disposition très générale du § 3 de l'article 3 du Code civil crée une insécurité, en notariat par exemple, pour tout acte concernant les effets du mariage et le régime matrimonial, le droit de garde des enfants, etc. La première étape consistant à appliquer le droit domiciliaire aux personnes qui résident en Belgique présente de grands avantages en termes de sécurité juridique.
Section 2 : Nom et prénoms (articles 36 à 39)
Le professeur Fallon précise que la section 2 contient des règles de compétence internationale et de droit applicable à la détermination et au changement de nom. Le code ne modifie pas la pratique actuelle. Le code confirme que la détermination du nom et du prénom relève de la loi de l'État dont la personne a la nationalité.
En ce qui concerne le changement de nom intervenu à l'étranger, une règle plus sévère que les règles générales de la reconnaissance est prévue pour les décisions judiciaires étrangères. Lorsque le changement intéresse un Belge, la reconnaissance est refusée. Pour la détermination du nom ab initio, le jugement étranger n'est reconnu que s'il est conforme au droit belge.
L'orateur fait ensuite référence à l'arrêt rendu le 2 octobre 2003 par la Cour de Justice des Communautés européennes dans l'affaire Carlos Garcia Avello contre l'État belge.
Cette décision concerne une procédure de changement de nom introduite en Belgique par une personne belgo-espagnole. La conséquence de cet arrêt est que la pratique administrative belge devra, lors du changement de nom, tenir compte de la manière dont le nom est attribué selon le droit étranger même si la personne en question est aussi belge.
La ministre confirme que cette section du code ne bouleverse pas l'ordonnancement juridique applicable actuellement. C'est une véritable codification de la situation existante.
En ce qui concerne les conséquences de l'arrêt Garcia Avello sur la codification du droit international privé belge, l'oratrice constate que le principe général de l'article 2 doit être précisé. Cette disposition prévoit que le code s'applique sous réserve des traités internationaux ou des actes émanant des Communautés européennes. La disposition est par contre muette en ce qui concerne l'articulation entre le code de droit international privé belge et le droit dérivé de l'Union européenne.
Elle plaide pour que l'on tienne compte de la jurisprudence de la Cour de Justice en adaptant l'article 38 du code.
Sur le fond de l'affaire, la ministre rappelle que M. Garcia Avello, ressortissant espagnol et son épouse, Mme Weber, de nationalité belge, ont assigné les autorités belges car elles refusaient d'accepter le changement de nom de leurs enfants (binationaux). L'officier d'état civil belge leur avait en effet attribué le seul nom patronymique du père (Garcia Avello).
Saisie d'une question préjudicielle, la Cour de Justice a estimé que la procédure belge de changement de nom devait permettre de modifier le nom patronymique d'un enfant mineur binational afin de respecter la tradition d'une des lois nationales de l'enfant en l'occurrence la loi espagnole et de lui octroyer le nom patronymique sur la base du premier nom des deux parents (Garcia-Weber).
Pour tenir compte de cette jurisprudence, la ministre propose, non pas de modifier le critère de rattachement basé sur la nationalité, mais de laisser aux parents, lorsque l'enfant est binational, le choix de la loi nationale qu'ils désirent appliquer. Cette solution vaudrait lorsqu'il y a accord des parents. En l'absence d'accord, si l'enfant est binational et qu'une de ses deux nationalités est la nationalité belge, on appliquerait d'office la loi belge.
Enfin, l'intervenante trouve qu'il serait injuste de limiter les effets de l'arrêt Garcia Avello aux ressortissants communautaires. La Cour a fondé sa décision sur le principe de la libre circulation des personnes. Or, dans une société de plus en plus mobile sur le plan international, la liberté de circulation doit pouvoir jouer pour des étrangers non communautaires même si ces derniers ne bénéficient pas de la protection de la Cour de Justice.
M. Willems demande quelle serait l'attitude de l'officier d'état civil belge dans l'hypothèse où M. et Mme Avello-Weber avaient entamé la procédure de changement de nom en Espagne, pays où ils auraient probablement obtenu gain de cause. Cet acte espagnol serait-il transcrit par l'officier d'état civil belge dans les registres ?
D'autre part, l'intervenant demande si la jurisprudence de la Cour de Justice n'aboutit pas à une discrimination. Ainsi, les Belges qui ont une seconde nationalité pourront éventuellement adopter un nom patronymique composé du premier nom des deux parents alors que cette possibilité n'est pas ouverte aux personnes qui n'ont que la seule nationalité belge.
Mme Nyssens se réfère à la suggestion du gouvernement de tenir compte de la binationalité pour l'attribution du nom. Ne faudrait-il pas également tenir compte de la multinationalité dans les autres matières du code ?
M. Hugo Vandenberghe estime que la question de la primauté de l'arrêt par rapport au droit belge ne se pose pas. En effet, la Cour de Justice, à travers ses arrêts, fait une interprétation authentique des traités. Or, les dispositions des traités, telles qu'interprétées authentiquement par la Cour de Justice, priment sur le droit belge.
L'intervenant souligne ensuite la logique basée sur des considérations économiques qui sous-tend les décisions de la Cour de Luxembourg dont les compétences sont limitées à la sphère économique au sens large.
On ne peut cependant pas réduire la problématique de l'attribution du nom à la seule dimension de la libre circulation des personnes. La Cour, dans son arrêt, ne prend pas en considération la dimension culturelle et personnelle du problème.
Enfin, M. Hugo Vandenberghe soutient l'argument selon lequel, en permettant à un belge binational de choisir entre la loi belge et la loi de l'autre nationalité pour la détermination du nom, l'on crée une discrimination à l'égard de l'enfant dont les deux parents sont belges. D'autre part, la solution proposée par le gouvernement bat en brèche l'idée que l'état et le nom de la personne ressortent de l'ordre public national.
Mme de T' Serclaes estime qu'il faut replacer l'arrêt Garcia Avello dans une juste perspective. La décision condamne la procédure belge de changement de nom et pas celle de l'attribution du nom. C'est en assouplissant les règles applicables au changement de nom qu'il faut rencontrer les objections de la Cour de Justice et pas en adaptant la proposition de Code de droit international privé.
M. Hugo Vandenberghe répond qu'il est juridiquement correct de constater que l'arrêt de la Cour de Justice ne vise pas la procédure d'attribution du nom. Cependant, d'un point de vue politique, l'on ne peut scinder la discussion sur le changement de nom de celle sur l'attribution du nom. Il met en garde contre les risques liés à des procédures de changement de nom trop souples. La stabilité du nom est un élément essentiel si l'on veut assurer la sécurité juridique dans une société globale.
M. Mahoux estime que l'on ne peut se contenter d'une analyse étriquée de l'arrêt Garcia Avello. Il est évident que de façon indirecte cette jurisprudence concerne la procédure belge d'attribution du nom.
M. Hugo Vandenberghe admet que l'on ne peut ignorer les conséquences de l'arrêt Garcia Avello mais le législateur est confronté à une problématique beaucoup plus large que les faits de la cause soumise à la Cour de Justice.
M. Willems pense qu'une plus grande souplesse dans l'attribution et le changement de nom risque d'avoir pour conséquence que l'autorité publique, pour des impératifs de sécurité juridique, attribuera à chaque personne un numéro d'identification unique (Big Brother).
M. Hugo Vandenberghe fait remarquer que les effets induits sont très nombreux parce que beaucoup d'enfants naissent en dehors d'une relation matrimoniale normale. Se repose alors la question du système de la reconnaissance, qui permet tout un trafic au niveau de l'attribution du nom.
Le professeur Erauw considère que ce n'est pas aux experts scientifiques d'émettre un avis sur la législation relative à l'attribution du nom et les modifications qu'il y lieu d'y apporter. Il précise que les professeurs ont un jour été invités à donner leur avis sur les aspects internationaux du nom, dans le cadre d'une proposition déposée à la Chambre.
Il se souvient de la tension entre le choix des époux et la norme, c'est-à-dire la règle en cas d'absence d'unanimité entre les époux; nous parlons d'une règle par défaut ou d'une norme supplétive. Il y a bel et bien une différence entre l'attribution du nom original à la naissance et un changement de nom.
L'arrêt Garcia Avello (Cour de Justice européenne, 2 octobre 2003) soulève des questions fondamentales sur l'absence de liberté pour ce qui est de donner un nom à l'enfant. Mais l'arrêt est très limité et traite uniquement de la procédure de modification du nom.
Il a été pris de l'avis conforme de l'avocat général Jacobs, qui a pour réputation d'étendre sa vision économique au droit du nom et à l'extension de la compétence européenne. Pourtant, l'avocat général Jacobs s'est efforcé, comme la Cour, de limiter fortement l'effet de l'arrêt. Les Pays-Bas sont également en train d'élaborer un code de droit international privé; là aussi, on s'interroge sur la portée de l'arrêt.
L'intervenant souligne encore une fois que la Belgique dispose d'une excellente administration et d'un état civil rigoureux, ce qui n'est pas le cas en Irlande et en Angleterre.
Dans son avis, M. Jacobs a seulement fait référence au droit anglais et irlandais, dans lequel les parents peuvent choisir le nom de leur enfant. Sans doute, tous les pays continentaux affirmeront-ils que l'on ne peut pas adopter un système à l'anglaise, c'est-à-dire sans état civil. La brèche que l'on risque d'ouvrir ici est que l'on compromettrait toute la sécurité de l'administration en matière de droit du nom si l'on permettait à chacun de choisir librement un nom. C'est pour plus tard.
M. Hugo Vandenberghe reconnaît que ce débat ne peut pas être tranché dans le cadre d'un code de droit international privé.
Le professeur Erauw suggère de donner une réponse minimaliste qui puisse répondre à la demande du gouvernement. En ce qui concerne la modification (article 38), l'on peut préciser qu'à ce moment, il peut être tenu compte d'une autre nationalité. L'article 38 contient déjà un alinéa 2 qui s'inscrit dans une autre tendance, qui existe par exemple en droit allemand et qui consiste à laisser changer de nom au moment du mariage. L'important, c'est qu'il y ait accord entre les époux au moment du changement de nom. Cela peut permettre à l'administration d'agir.
À la naissance, il faut avoir une règle par défaut, savoir quelle est la norme supplétive. Si les époux font une modification, c'est contrôlable. Rares seront les époux à demander une modification parce qu'ils n'accordent guère d'importance au nom.
M. Hugo Vandenberghe considère que la demande des deux époux qui veulent, à la naissance de leur enfant, donner à celui-ci le nom de la mère et du père, est politiquement identique à celle visant après quelques années à substituer au nom du père celui des père et mère.
M. Mahoux se réfère à l'article 38, alinéa 2, de la proposition de code. Cette disposition permet de choisir, à l'occasion du mariage, un nom lorsque le droit de l'État dont l'un des époux a la nationalité le permet. L'intervenant demande s'il ne faut pas également prévoir une règle en cas de divorce.
Il plaide à nouveau pour ne pas suivre une approche étriquée de l'arrêt Garcia Avello. Il ne fait pas de doute que si M. Garcia s'était heurté à un refus de l'officier d'état civil d'inscrire ab initio son enfant dans les registres sous le nom de Garcia-Weber, en application de la règle espagnole, il aurait introduit son recours contre la procédure belge d'attribution du nom.
Mme de T' Serclaes rappelle que le recours de M. Avello trouve son origine dans le fait que son enfant était inscrit dans les registres, en Espagne, selon le régime espagnol, et en Belgique selon la règle belge. L'enfant avait deux noms différents et la Belgique refusait de changer le nom pour rétablir la concordance. Dès lors, ce sont uniquement les règles de changement de nom qui ont été condamnées.
M. Hugo Vandenberghe suggère que la discussion soit menée au niveau des règles de droit international privé en matière de nom. Il n'est pas souhaitable, à l'occasion du présent débat, d'ouvrir la discussion sur le droit matériel belge concernant l'attribution et le changement de nom.
Par ailleurs, si l'on admet en Belgique, en cas de pluralité de nationalités, que l'enfant porte le nom des deux parents, la fiabilité de notre système d'état civil devient dépendante de la qualité de l'état civil étranger. Il faut dès lors être conscient des répercussions pratiques du choix d'une règle de droit international privé.
La ministre pense que le problème de fond doit être résolu dans le cadre de la loi sur l'attribution du nom et le changement de nom, ce qui sort du cadre des travaux en cours.
Par contre, il faut tenir compte de l'arrêt de la Cour de Justice en adaptant l'article 38 du code afin de prévoir, pour le droit applicable au changement de nom, que les parents d'une personne plurinationale peuvent, de commun accord, déterminer quelle est la loi nationale dont il faut tenir compte.
Enfin, en ce qui concerne la procédure de reconnaissance en Belgique de la détermination ou du changement de nom intervenu à l'étranger (article 39), l'intervenant demande si les conditions énoncées pour que l'on refuse la reconnaissance sont cumulatives ou non. À la lecture des développements, il semble que la volonté soit que les deux conditions se cumulent. Le libellé de l'article et l'emploi de la conjonction « ou » laissent par contre penser que les conditions sont alternatives.
Mme Nyssens demande quel est l'objectif du refus de reconnaissance d'une décision étrangère. D'autre part, l'article précise qu'une décision judiciaire étrangère concernant la détermination ou le changement de nom d'une personne n'est pas reconnue en Belgique. Cela vise-t-il une personne étrangère, un Belge ou les deux hypothèses ?
Le professeur Erauw répond que l'objectif de cet article était très strict et que les motifs de refus sont alternatifs. Au cours des discussions, il est apparu que le régime de l'article 38 devrait être assoupli afin de prendre en compte la binationalité pour l'attribution ou le changement de nom.
En ce qui concerne le champ d'application de l'article 39, alinéa 1er, la ministre pense que celui-ci s'applique au Belge, y compris le binational. Cela découle du libellé des alinéas 2 et 3 qui précisent les conditions dans lesquelles le changement de nom d'un Belge ou la détermination du nom d'un Belge ne sont pas reconnus en Belgique.
Le professeur Erauw précise que l'article 39 ne règle pas le problème de la binationalité. Cette question est réglée à l'article 3, § 2, du code : lorsqu'une personne physique a deux ou plusieurs nationalités, c'est la nationalité belge qui est seule prise en compte si la nationalité belge figure parmi les nationalités de la personne.
Section 3 Absence (articles 40 à 41)
Le professeur Fallon souligne que les articles 40 et 41 ont été insérés dans un souci de codification complète de la matière civile même si ces dispositions ne sont pas réellement indispensables d'un point de vue pratique. La jurisprudence publiée ne montre pas que cette matière ait donné lieu à des problèmes particuliers.
La logique du code part de l'idée que l'absence concerne l'existence de la personne, donc son état. Pour le droit applicable, l'on retient la loi de l'État dont la personne avait la nationalité lors de sa disparition.
Pour les critères de compétence, ce sont les critères alternatifs de la nationalité et de la résidence qui sont proposés. Une règle spécifique est cependant prévue pour les biens situés en Belgique afin que les tribunaux belges puissent prendre des mesures même si l'absent n'était pas de nationalité belge ou ne résidait pas en Belgique.
Chapitre III : Relations matrimoniales (articles 42 à 57)
Sections 1 à 3 : compétence internationale Droit applicable à la promesse de mariage et au mariage.
Le professeur Fallon précise qu'historiquement et depuis plus d'un siècle, tant en Belgique qu'à l'étranger, c'est surtout la question des relations matrimoniales qui a donné lieu à des litiges en droit international privé devant les juridictions.
C'est donc en ce domaine que l'on rencontre le plus de difficultés, mais aussi que l'on a le plus d'expérience.
C'est à la suite des observations du Conseil d'État que l'on a réuni dans un chapitre distinct la question des relations matrimoniales.
La section 1 concerne la compétence juridictionnelle. Les autres sections ont trait à la détermination du droit applicable et, lorsqu'il y a lieu, à la reconnaissance des jugements étrangers, matière par matière.
C'est ainsi que l'on distingue le mariage, le régime matrimonial et le divorce.
D'autres questions marginales (aliments entre ex-époux, cohabitation légale) sont traitées dans d'autres chapitres.
M. Mahoux demande pourquoi on a procédé de la sorte.
Le professeur Fallon répond que, pour les aliments, la raison en est que la tendance actuelle est de leur appliquer une solution convergente.
Pour la cohabitation légale, la raison est que la loi belge n'assimile pas du tout la cohabitation au mariage. Cependant, la proposition préconise des solutions convergentes dans les deux matières.
L'orateur indique qu'il faut tout d'abord considérer les relations matrimoniales classiques, de type hétérosexuel, et aborder ensuite l'évolution du concept de relations matrimoniales, avec les extensions que nous connaissons actuellement.
En ce qui concerne les relations matrimoniales classiques, la proposition de loi, dans un souci de clarification et de cohérence, établit une distinction entre la création de la relation d'état, et la question des effets (y compris le régime matrimonial) et de la dissolution.
Pour la création de la relation matrimoniale, la solution proposée est classique.
Conformément au système actuel, c'est la loi nationale de chacun des époux qui s'applique.
En revanche, pour les effets du mariage, le régime matrimonial et le divorce, des nouveautés sont introduites.
Dorénavant, la loi du pays dans lequel les parties résident habituellement devrait prédominer en ces matières.
Lorsque les parties ne résident pas dans le même pays, la règle subsidiaire serait l'application de la loi de la nationalité commune des parties.
Dans le droit actuel, l'échelle de rattachement est inverse. La jurisprudence a dû créer des solutions, pour faire face à des situations, non prévues par le législateur de 1804, où les époux ne partagent pas la même nationalité.
Lorsque les époux ont la même nationalité, le régime matrimonial est actuellement régi par la loi de la nationalité commune.
S'ils n'ont pas la même nationalité, c'est la loi de la résidence commune qui s'applique.
La même solution a été dégagée, plus laborieusement, pour les effets du mariage visés aux articles 212 et suivants du Code civil (contribution aux charges du mariage, devoir de cohabitation, ...).
En cas de conflit mobile, c'est-à-dire lorsque le facteur de rattachement a changé dans le temps, la jurisprudence actuelle se réfère, en matière de régimes matrimoniaux, à la situation au moment du mariage. Au contraire, pour les effets du mariage, la jurisprudence tient compte de l'évolution du facteur de rattachement, et retient la concrétisation actuelle de ce facteur (nationalité ou résidence au jour où l'effet est demandé).
Comme indiqué, la proposition de loi s'inspire de la jurisprudence, mais en inversant l'échelle de rattachement.
En cas de conflit mobile, pour le régime matrimonial, il est proposé de se référer à la situation au moment du mariage.
Pour les effets du mariage, il est proposé de se fixer au moment où l'effet est postulé.
Mme de T' Serclaes demande quelle est la justification du changement proposé par rapport au système actuel.
Le professeur Fallon répond que, pour le régime matrimonial, l'inversion proposée de l'échelle de rattachement s'inspire de la Convention de La Haye de 1978 sur le droit applicable aux régimes matrimoniaux.
En droit comparé, là où la jurisprudence ou le législateur ont visé ce problème, on maintient généralement l'échelle traditionnelle, comme en Allemagne, en France ou en Italie, par exemple.
L'idée qui sous-tend le choix de la loi de la résidence commune est la suivante : l'expérience montre que, pour des questions concrètes, comme l'appartenance d'un bien à l'un ou l'autre des époux, ou la contribution aux charges du ménage, il est plus approprié d'appliquer la loi du pays qui correspond à l'intégration sociale des personnes.
Ainsi, à l'heure actuelle, la jurisprudence devrait appliquer la loi marocaine à un problème de contribution aux charges du mariage entre des époux marocains vivant en Belgique. En pratique, la jurisprudence en arrive systématiquement à appliquer l'exception d'ordre public, ou à adopter une position contra legem.
Sur le plan sociologique, le message sera beaucoup plus clair si la loi indique explicitement que, dorénavant, on appliquera la loi de la résidence commune.
En ce qui concerne le divorce, la question du droit applicable aujourd'hui est complexe, car le législateur a envisagé le problème de manière très parcellaire. En 1960, il a visé, en quelque sorte, les cas d'urgence.
À l'époque, il s'agissait essentiellement de Belges qui épousaient des Italien(ne)s; or, le divorce n'était pas possible en Italie. Le législateur a paré au plus pressé en prévoyant que, chaque fois qu'un(e) Belge est impliqué(e) dans une procédure de divorce, on applique la loi belge.
Le sort des divorces d'étrangers fut laissé de côté.
La loi a posé beaucoup de problèmes de cohérence et d'interprétation.
Un des mérites du futur code serait de remettre un peu d'ordre dans la question du droit applicable au divorce.
La proposition préconise en la matière la même échelle inverse que pour les effets du mariage.
Lorsque les deux conjoints, même étrangers, résident en Belgique au moment de la procédure en divorce, celui-ci serait régi par le droit belge. S'ils ne résident pas tous deux en Belgique, le divorce serait régi par la loi nationale commune.
À défaut de nationalité commune et de résidence commune, on appliquerait la loi belge.
Le texte prévoit en outre une possibilité pour les parties de modifier cet ordre en faisant le choix volontaire d'une autre loi, parmi celles présentées dans l'échelle. On aboutirait ainsi à une simplification de la matière. Statistiquement, le droit belge du divorce serait appliqué dans la plupart des cas.
À côté des relations matrimoniales classiques, la seconde question générale à aborder est celle des variations dans la notion de mariage.
Le droit comparé dans le monde, et notamment en Europe, montre un changement très sensible dans la notion de relation de vie commune.
Historiquement, le mouvement est venu des pays scandinaves, qui ont créé le « registered partnership ». Il s'agit d'une formule d'union de vie commune ayant des effets analogues au mariage, généralement réglée dans une loi très courte prévoyant que, pour l'union homosexuelle, les règles relatives aux conditions du mariage, à ses effets, et à sa dissolution sont applicables, à l'exception des règles relatives à la filiation.
Ces formes d'union sont réservées aux relations homosexuelles.
Quant aux hétérosexuels, ils sont ramenés formellement aux règles sur le mariage.
Dans ces systèmes scandinaves, il existe une assimilation entre le mariage hétérosexuel et le partenariat.
Ensuite, l'institution s'est étendue du nord vers le sud de l'Europe.
Ce sont tout d'abord les Néerlandais qui ont ouvert le mariage aux homosexuels. La Belgique a suivi ce mouvement au début de l'année 2003. L'Allemagne l'a fait également, avec une législation sur le partenariat qui paraît très proche du système scandinave.
La différence entre les divers droits nationaux se marque dans le choix relatif ouvert aux personnes qui veulent entrer dans une union.
Dans les systèmes scandinaves, on n'a pas le choix. Les hétérosexuels entrent dans le mariage, et les homosexuels dans le partenariat.
En droit néerlandais, le mariage homosexuel est assimilé au mariage hétérosexuel; il existe aussi une forme de partenariat enregistré, dont les effets semblent assez proches du partenariat scandinave.
Les homosexuels et les hétérosexuels ont dès lors le choix entre les deux formules.
En Belgique, ils ont également le choix entre mariage et cohabitation légale. La particularité de celle-ci, qui n'est pas un partenariat, est qu'elle ne modifie pas l'état de la personne. Elle se rapproche du Pacs français. Une autre particularité est que la cohabitation est ouverte aux personnes de même sexe vivant en dehors d'une relation de type marital, comme les frère et soeur.
Le système allemand est comparable au système scandinave : l'institution du mariage est réservée aux hétérosexuels, et le partenariat aux homosexuels. Les effets du partenariat allemand sont équivalents à ceux du mariage.
M. Hugo Vandenberghe signale qu'un recours a été introduit devant la Cour constitutionnelle allemande à propos de ces deux formes de vie commune, car le mariage fait l'objet d'une protection dans la Constitution allemande, ainsi que dans l'article 12 de la Convention européenne des droits de l'homme.
La Cour constitutionnelle a estimé que la conception du mariage que nous connaissons avec le mariage homosexuel ne fait pas l'objet d'une protection au sens de la CEDH.
Le professeur Fallon poursuit en indiquant, à propos des conditions de cessation de la relation, que le système scandinave prévoit le même genre de conditions que pour le mariage.
Le système belge et le Pacs français sont plus souples, puisque le mariage subséquent fait cesser automatiquement de plein droit la cohabitation.
Une déclaration unilatérale est également possible.
Aux Pays-Bas, en ce qui concerne le partenariat, un acte consensuel devant notaire est nécessaire. Quant au mariage homosexuel, il est dissout par le divorce.
Il faut toutefois signaler une particularité : l'« omzetting », qui permet à des « époux » ayant passé une forme d'union de la convertir dans l'autre forme.
Il en résulte une pratique de « flitsechtscheiding » (divorce éclair), selon laquelle les homosexuels mariés qui veulent divorcer passent un premier acte notarié transformant leur union en partenariat, puis un second dissolvant le partenariat.
Le professeur Erauw ajoute que des bulletins d'informations à ce sujet ont été distribués par les chancelleries des Pays-Bas à l'étranger. Deux actes peuvent être passés au cours de la même journée, de manière à divorcer sans passer devant un juge.
Cet effet semble ne pas avoir été prévu par le législateur néerlandais.
Le professeur Fallon commente ensuite les orientations choisies dans la proposition de loi. Il faut tout d'abord souligner que le texte a été conçu sous la précédente législature, à un moment où le droit belge ne prévoyait pas encore le mariage homosexuel.
Cependant, on savait que des problèmes internationaux pouvaient être soumis à nos juges, à propos de la validité d'une relation homosexuelle conclue à l'étranger.
L'approche proposée est de soumettre autant que possible les différents types d'union à une règle unique. Il faut considérer comme un tout les questions de relations de vie commune, sachant qu'il existe aujourd'hui :
un mariage « ouvert » (où la différence des sexes comme condition de validité a disparu, en droit belge et en droit néerlandais);
le partenariat nordique (qui est un quasi-mariage), où il est suggéré d'appliquer les mêmes règles de conflit de lois que pour le mariage homo- ou hétérosexuel;
la cohabitation de type plus contractuel (que l'on trouve en Belgique, en France, et dans certaines régions autonomes d'Espagne), traitée dans un chapitre spécifique de la proposition de loi.
Dans la section 3 du chapitre III, consacrée au mariage, on propose d'appliquer la même règle de rattachement pour le mariage hétérosexuel, le mariage homosexuel et le partenariat scandinave.
Cette conception large du mariage n'est pas une nouveauté, puisque la jurisprudence belge a déjà dû rencontrer l'institution du mariage posthume et celle du mariage rétroactif existant respectivement en droit français et en droit marocain.
L'effet de cette approche est que l'on applique la loi nationale des parties.
Si celles-ci sont de nationalité différente, on applique à chacune sa loi nationale. Cette solution, dite de l'application distributive, conduit à un résultat cumulatif lorsque les deux lois divergent sur une question intéressant un lien entre les deux parties.
Lorsqu'il s'agit par exemple d'apprécier les empêchements de sang, on appliquera la loi la plus stricte.
Le rattachement cumulatif appliqué au mariage hétérosexuel ne soulève pas de problème majeur, car cette institution est connue par tous les États du monde.
Il en va différemment du mariage homosexuel et du partenariat scandinave.
Concrètement, le rattachement cumulatif conduira donc par exemple à dire qu'un Belge ne pourra pas épouser un Italien devant une autorité belge.
En revanche, ce sera possible pour un Belge et un Néerlandais, et sans doute aussi pour un Belge et un Danois ou un Suédois.
La loi belge récente sur le mariage homosexuel est muette en ce qui concerne les aspects de droit international privé.
Par contre, les travaux préparatoires indiquent nettement que, par son silence, le législateur a adhéré à la solution classique du rattachement cumulatif, abstraction faite de la solution du renvoi, ainsi que de l'exception d'ordre public si l'on estimait que ne pas permettre le mariage homosexuel serait contraire à l'ordre public international.
Pour la cohabitation légale, il est également proposé d'appliquer la même règle que pour le mariage.
M. Mahoux déclare qu'il faut faire une distinction entre le mariage et les conséquences de celui-ci. Au lieu de considérer que le mariage homosexuel ne peut être célébré en Belgique lorsque ce mariage n'est pas reconnu par la loi nationale de chacun des deux époux, on pourrait dire que le mariage peut être célébré en Belgique, mais que ses effets seront nuls et non avenus dans le pays du conjoint dont la loi nationale ne le reconnaît pas. Ce point devrait être clarifié.
M. Hugo Vandenberghe répond que, lors de la discussion de la loi sur le mariage homosexuel, on a explicitement exclu la modification du droit international privé.
Le professeur Fallon ajoute que, dans son avis à propos de l'ouverture du mariage aux personnes de même sexe, le Conseil d'État indiquait, dans une phrase très courte, que le mariage homosexuel belge risquait de ne pas être reconnu à l'étranger.
Il faut par ailleurs signaler un cas soumis à la Cour de Justice (arrêt du 31 mai 2001), qui concernait des fonctionnaires suédois dont le partenariat avait été enregistré en Suède. La question était de savoir si ces fonctionnaires étaient mariés ou pas au sens du statut des fonctionnaires, pour une question de protection sociale.
Il est intéressant de noter que le gouvernement suédois, qui a déposé des observations dans cette affaire, a affirmé que le partenariat prévu par le droit suédois était assimilable au mariage.
La Cour de Justice a estimé qu'au moment où les statuts avaient été rédigés, le mariage que l'on avait voulu viser à l'époque ne pouvait être que le mariage hétérosexuel.
Mme de T' Serclaes demande quelle solution adopte le droit international privé néerlandais par rapport au mariage homosexuel lorsque la loi nationale d'un des conjoints ne reconnaît pas ce mariage.
L'intervenante demande également, à propos de l'article 46, si cette disposition permet d'exclure en Belgique le mariage polygamique, en considérant la monogamie comme la règle la plus restrictive.
Le professeur Fallon répond à la première question que la règle néerlandaise, assez généreuse, permet la célébration aux Pays-Bas d'une union homosexuelle dès lors que l'une des parties est néerlandaise ou qu'elle est autorisée à résider de manière régulière aux Pays-Bas.
Ceux-ci ont par ailleurs ratifié la Convention de La Haye de 1978 sur le mariage. Celle-ci s'écarte assez audacieusement de l'application classique de la loi nationale, au profit de la loi du lieu de célébration du mariage.
Cette convention, qui soulève des problèmes techniques, a été ratifiée par très peu de pays.
Actuellement, les Pays-Bas préparent un projet de loi sur le droit applicable au partenariat enregistré, qui montre une tendance à appliquer en la matière les mêmes règles que pour le mariage (en l'occurrence, la loi du lieu de célébration de l'union).
En ce qui concerne la polygamie, la question a été résolue en Belgique de la façon suivante. Supposons un Marocain dont la première femme est marocaine, et la deuxième belge.
La première question est de savoir si ce deuxième mariage est valable en droit international privé belge. Une partie de la doctrine a estimé que la question de la polygamie concerne le mari. Si la loi nationale de celui-ci permet la polygamie, le mariage pourrait être considéré comme valable. En France, par contre, il faut que la polygamie soit admise par la loi des deux parties.
Cela ne signifie pas que tous les effets de la polygamie seront admis en Belgique.
Après avoir vérifié si la loi du mari autorise la polygamie, la jurisprudence vérifie si l'application de cette loi sur la polygamie heurte ou non l'ordre public dans le cas d'espèce.
Ainsi, la cour d'appel de Liège a estimé qu'un mariage polygamie marocain (célébré en l'espèce à l'étranger) ne soulevait pas de difficulté en matière d'ordre public lorsque le procès concerne la réparation de dommages causés par un accident de voiture. En l'espèce, le mari polygamie était décédé dans l'accident, et l'une des femmes demandait la réparation auprès de l'assureur.
M. Hugo Vandenberghe demande ce qui se passe si les deux épouses se portent partie civile.
Le professeur Fallon pense que, dans ce cas, l'indemnité sera répartie entre celles-ci. Chacune d'elles devra prouver son préjudice, en termes de perte de revenus.
Un autre cas serait celui où l'homme marocain exigerait de ses deux femmes qu'elles vivent avec lui simultanément, ou encore celui où l'homme marocain a épousé une première femme au Maroc, puis est venu en Belgique et veut y épouser une seconde femme avant la dissolution de son premier mariage.
Dans ce cas, on applique l'exception d'ordre public pour refuser le mariage, car on estime que, dans ce second type de cas, l'effet demandé de l'union polygame est beaucoup plus grave : il s'agit soit de faire vivre plusieurs femmes ensemble avec un même homme, soit de demander aux autorités d'un État monogamique de participer à la création d'une relation polygame.
M. Mahoux fait observer qu'une autre approche consisterait à ne reconnaître aucun mariage polygame. On ne peut faire l'économie d'une discussion sur le bien-fondé de la reconnaissance de la polygamie, notamment par rapport à ses conséquences en ce qui concerne la sécurité des femmes.
M. Coveliers pose la question de savoir dans quelle mesure la Belgique peut imposer sa conception de l'ordre public à un autre État. L'intervenant renvoie à l'arrêt Yerodia, à l'occasion duquel le président a posé cette même question : dans quelle mesure peut-on s'ingérer dans le droit d'un autre pays ?
M. Hugo Vandenberghe fait observer qu'il faut faire la distinction entre le droit international public et le droit international privé.
M. Coveliers demande si on peut affirmer sans plus que la polygamie est contraire à l'ordre public et que, par conséquent, aucun de ses aspects ne peut être reconnu en Belgique.
Le professeur Fallon estime qu'il faut être réaliste, et prendre également en considération l'expérience des magistrats des différents pays de l'Union européenne.
L'expérience montre que l'approche de l'ordre public est une approche nuancée. Les magistrats sont conscients du fait qu'il n'est pas indiqué d'affirmer de façon absolue dans un jugement que la polygamie doit être rejetée et qu'il ne faut lui accorder aucun effet.
Ils perçoivent le degré d'acceptabilité des effets d'un tel mariage, en fonction du cas d'espèce. C'est ce que l'on appelle l'effet atténué de l'ordre public.
Supposons un Marocain qui a épousé au Maroc une première femme marocaine, puis une deuxième. Le premier mariage est dissous par le décès. Le mari a toujours vécu au Maroc, mais il fait valoir sa qualité d'époux en Belgique, par exemple pour faire connaître son état matrimonial lors de la vente d'un immeuble. Il ne semble pas aberrant, dans ce cas, de lui reconnaître l'état d'époux.
Ce cas est très différent de celui des gens vivant en Belgique.
La jurisprudence, malgré quelques décisions en sens contraire, a généralement considéré que, lorsqu'une des femmes est belge, la relation polygame ne lui est pas opposable et le mariage est considéré comme nul.
Cela montre bien que, lorsque la situation a des liens proches avec un système monogamique, les juges sont réticents à accepter la polygamie.
En conclusion, dans la grande majorité des cas, la relation polygame sera considérée comme sans effet. Il y aura cependant un certain nombre de cas où, en raison des particularités de l'espèce, le juge estimera qu'il n'est pas excessif d'accorder un effet atténué à l'institution étrangère.
Mme Nyssens demande quelle est la loi applicable à la nullité du mariage.
L'intervenante estime par ailleurs inutile et audacieux d'abandonner le critère de la loi nationale au profit d'un autre, comme celui de la loi du lieu de la célébration.
Ne vaut-il pas mieux, compte tenu du choix fait par la plupart des pays voisins, en rester à la règle standard de la loi nationale ?
Sinon, cela ne posera-t-il pas, notamment, des problèmes de reconnaissance dans ces pays ?
Le professeur Fallon répond que la proposition désigne la loi nationale pour régir les conditions de fond, mais qu'il existe une règle particulière relative aux formalités de l'acte; la solution constante est de se référer à la loi du lieu de la célébration (locus regit actum).
Cela suppose par exemple que si des personnes veulent se marier en Espagne, et que, dans ce pays, le mariage religieux a un effet civil, cela est possible. La jurisprudence n'a pas considéré cela comme contraire à l'ordre public.
Si l'on soumettait les conditions de fond du mariage à la loi du lieu de la célébration, quelles seraient les chances de reconnaissance du mariage à l'étranger ?
La Convention de La Haye a aperçu ce problème. Elle procède en deux temps.
Elle établit tout d'abord une première règle, selon laquelle le mariage est possible s'il l'est selon la loi du lieu de célébration.
Une deuxième règle oblige les États contractants à reconnaître ce mariage.
Sur le continent européen, les Anglo-Saxons et les nordiques retiennent plutôt le facteur du domicile, qui, dans ce système, ne doit pas s'entendre nécessairement de la résidence habituelle, mais peut être le domicile « d'origine » (par ex. le domicile des parents de l'intéressé).
Au début, la jurisprudence belge n'avait pas vu cette particularité, et appliquait la loi belge par l'effet du renvoi, pensant que le « domicile » du droit anglais était la résidence habituelle.
Les autres pays européens (sauf les Pays-Bas où la Convention de La Haye est d'application) utilisent plutôt le critère de la nationalité.
M. Mahoux revient à la problématique du mariage polygame. Il demande si la nullité éventuelle frappe le premier mariage, ou le ou les mariages subséquents.
Le professeur Fallon répond qu'au moment du premier mariage, le problème ne se posait pas. Sous réserve du respect des autres conditions, ce premier mariage sera valable, en l'absence de mariage antérieur.
C'est au moment du deuxième mariage que le problème apparaîtra.
M. Mahoux observe que la situation est différente si le deuxième mariage a eu lieu au Maroc. Celui-ci sera-t-il, dans ce cas, reconnu en Belgique ?
Le professeur Erauw répond que ce dernier point concerne les mariages conclus à l'étranger. Les règles qui ont été expliquées par le professeur Fallon sont les règles applicables aux mariages conclus en Belgique.
Il y a trois catégories de mariage : les mariages conclus en Belgique devant un officier de l'état civil, les mariages conclus devant les autorités belges à l'étranger (dans les chancelleries et les consulats) et les mariages conclus à l'étranger devant des autorités étrangères. Il faut mener une politique cohérente à l'égard des mariages conclus en Belgique et des mariages conclus à l'étranger.
Les articles 27 et 31 contiennent une règle générale : ils prévoient que les mêmes conditions doivent être remplies en Belgique et à l'étranger.
En ce qui concerne la distinction, mentionnée par M. Mahoux, concernant la validité de la conclusion du mariage et les effets de celui-ci, l'intervenant précise que l'on ne juge pas in abstracto de la validité du mariage. On est toujours confronté à un de ses effets.
Quand on a à connaître, en Belgique, d'une demande de l'époux, des enfants ou d'une administration, on est toujours confronté à un effet du mariage en Belgique.
Quand on examine cet effet, on doit évidemment examiner aussi si le lien du mariage a été formé valablement. Le professeur Fallon a attiré, à cet égard, l'attention sur la relativité de l'exception d'ordre public.
En ce qui concerne le cas concret de la polygamie, l'intervenant note que lorsque l'on demande un effet de la polygamie en Belgique, il est presque toujours impossible (dans 90 à 95 % des cas) de le donner. L'effet demandé a en effet un lien avec la Belgique. Il est clair que l'officier de l'état civil belge ne peut accepter de demande visant à la conclusion d'un mariage polygame en Belgique.
La jurisprudence belge est très claire aussi à propos des cas où un deuxième mariage est conclu avec une femme marocaine, après qu'un premier mariage a été valablement conclu avec une femme belge. Le deuxième mariage n'est pas valable et ne peut sortir aucun effet en Belgique.
Le premier mariage est monogame, la promesse est monogame et doit le rester. Il en va de même pour un premier mariage entre un Marocain et une Française. Le juge belge estime que la femme française possède un lien suffisant dans un mariage monogame.
On ne peut donc plus donner effet qu'aux seuls mariages conclus à l'étranger au moment où il n'y avait aucun lien avec la Belgique et si l'effet demandé en Belgique est jugé équitable. Dans ce cas, on peut, par exemple, donner suite à la revendication faite par une femme de droits successoraux ou de biens qui ont été aliénés sans son accord, de pensions alimentaires, d'un statut légal pour ses enfants, etc.
L'intervenant conclut en affirmant que la jurisprudence constante relative aux effets demandés veut que l'on vérifie s'il existe, au moment de la conclusion du mariage, avec la Belgique, un lien territorial ou un lien en matière de nationalité; s'il y a un lien avec la Belgique, la conclusion du mariage polygame ne peut sortir aucun effet en Belgique.
La ministre déclare qu'elle prend note avec intérêt de la tentative de clarification et d'unification des règles en la matière.
Il est aussi intéressant de constater que, suivant en cela une certaine évolution dans la société, on propose l'inversion d'une logique très ancienne, qui se comprenait sans doute à un moment où les gens voyageaient peu, et où le lien entre l'individu et sa patrie était essentiel.
La règle proposée donne priorité au critère de rattachement de la résidence habituelle des personnes concernées et applique, à défaut, la loi nationale commune.
Ceci s'appliquerait notamment à la promesse de mariage, aux effets du mariage, au régime matrimonial et, assez largement, au divorce.
Au contraire, pour la formation du mariage, on s'en tient à une solution beaucoup plus traditionnelle, à savoir la référence stricte à la loi nationale.
Comme déjà souligné, cela pose des problèmes, notamment de restriction des possibilités de mariage ou de contrat de vie commune pour des personnes de nationalités différentes ou de nationalité étrangère lorsqu'il s'agit d'un mariage entre personnes du même sexe.
Sur ce point, le choix de la ministre se porte sur une solution d'ouverture.
Sans choisir d'emblée telle ou telle solution technique, il lui semble par exemple que le choix proposé par la loi hollandaise est intéressant.
Il se rapproche en outre de la solution apportée par la proposition de loi pour la plupart des autres éléments liés au mariage ou à la relation commune, à savoir la référence à la résidence commune, ou à défaut à la loi nationale commune, ou à défaut au droit belge (articles 35, 49 et suivants, 55).
Une autre possibilité serait d'écarter la loi nationale qui ne reconnaîtrait pas le mariage entre personnes de même sexe, en appliquant l'ordre public international, ce qui se rapproche de ce que l'on vient d'évoquer pour la polygamie.
Il faut évidemment examiner les problèmes pratiques que cela peut poser à l'étranger, notamment en ce qui concerne la reconnaissance et les conséquences patrimoniales qui en découlent.
Toutefois, ce genre de difficultés se présente aussi pour des mariages hétérosexuels, et cela n'a jamais conduit à remettre en cause les mariages en question.
L'intervenante cite le cas d'un Belge, qui épouse une Iranienne. Celle-ci a toujours vécu en Belgique, sa famille ayant fui au moment de la révolution. Cette personne hérite de certains biens en Iran. Si elle venait à décéder, son conjoint n'aurait aucun droit sur ces biens, parce qu'il n'est pas de religion musulmane.
Cela constitue certes un problème, mais on n'a pas pour autant empêché ce Belge d'épouser cette Iranienne.
De la même manière, il serait assez étonnant qu'un Belge ne puisse épouser un Italien, alors que tous deux résident en Belgique, et que tous leurs biens s'y trouvent, sous prétexte qu'ils sont de même sexe, et que la loi italienne ne permet pas la célébration en Italie de mariages homosexuels.
La ministre annonce dès lors le dépôt d'amendements sur ce point.
Elle est également très attentive à la problématique de la polygamie.
Mme Nyssens demande si la solution envisagée par la ministre concernerait aussi le cas de deux étrangers qui souhaitent célébrer leur mariage en Belgique, ou s'il faut que l'un des époux soit belge.
La ministre répond qu'à ce stade de la discussion, elle souhaite une solution plus ouverte que celle proposée.
Quant aux modalités de cette ouverture et aux critères de rattachement qui la permettront, il faut encore y réfléchir.
M. Zenner souligne que deux questions se posent effectivement.
La première concerne l'effet qu'aurait à l'étranger le mariage célébré en Belgique entre homosexuels. Dans ce domaine, à défaut de convention internationale, notre pays n'a aucune prise.
La deuxième question, qui est de nature politique, est de savoir s'il faut revenir sur ce qui avait été entendu, fût-ce implicitement, lors des travaux préparatoires de la loi sur le mariage homosexuel, à savoir qu'il n'y aurait pas de modification du droit international privé.
L'intervenant n'a pas, à ce jour, de position arrêtée sur le sujet. Il ne lui paraît pas illogique de souhaiter une ouverture, mais il comprend aussi la question indirecte d'une précédente intervenante, sur la nécessité d'éviter le « tourisme marital ».
L'intervenant comprend également que la ministre ne souhaite pas se prononcer aujourd'hui sur la solution à adopter.
M. Willems estime que la proposition de la ministre à ce sujet se situe dans le prolongement de notre législation matérielle. On doit cependant être conscient du fait que les effets juridiques cessent dès que l'on a quitté la Belgique; il faut se garder de donner trop l'impression que pareil régime pourrait avoir un impact important. On peut comparer cela à un mariage religieux qui n'aurait aucun effet en droit civil.
M. Zenner répond que l'effet ne serait pas purement symbolique, dans l'hypothèse où l'un des deux époux est belge, puisqu'il s'agit de la levée de l'interdiction, pour un Belge, d'épouser un ressortissant d'un pays qui ne reconnaît pas le mariage homosexuel.
M. Mahoux demande si les conditions énumérées à l'article 44 sont cumulatives.
M. Hugo Vandenberghe répond que non. Il suffit que l'une d'elles soit remplie.
M. Mahoux estime qu'il serait intéressant de connaître l'historique du fait que des non-Belges puissent se marier en Belgique.
M. Coveliers renvoie à la définition de la résidence telle qu'elle figure au début de la proposition de loi. Il n'est pas nécessaire de disposer d'un titre légal de résidence en Belgique pour y avoir sa résidence au sens du présent texte. Cela peut effectivement donner lieu à un phénomène de shopping.
Le professeur Erauw note que cette question remonte en fait au XIXe siècle. Après la publication du Code civil en 1804, on a tout de même vécu pendant 75 ans avec l'idée qu'une personne possédant une nationalité donnée ne pouvait modifier son statut que dans son pays d'origine. C'est ainsi que les Français ne pouvaient divorcer qu'en France et qu'en France, on ne prononçait pas le divorce de personnes étrangères.
La notion de « loi nationale » était aussi liée à celle d'« autorité nationale ». Les autorités extraterritoriales, c'est-à-dire les consuls de France dans les États tiers, pouvaient quant à eux aider leurs nationaux à l'étranger. On devait respecter la loi nationale et les autorités nationales.
Dans la Convention de 1902 concernant la tutelle, l'on a suivi le même point de vue qui voulait que les gens s'adressent aux agents diplomatiques et consulaires. La Belgique l'a abandonné bien avant la France. Il y a une tradition d'ouverture et de fourniture de services; comme il existe une grande mobilité, les autorités belges doivent intervenir. Il n'a même pas fallu répéter la règle en question pour les étrangers qui résident dans notre pays. Cela fait effectivement longtemps (1860-1870) que la Belgique a admis que les étrangers qui habitent chez nous doivent pouvoir se faire aider au niveau des actes administratifs. Le fait que les Belges qui habitent à l'étranger puissent aussi se marier en Belgique constitue le seul élément novateur. Dans ce cas, la loi à appliquer est la loi nationale.
M. Hugo Vandenberghe demande si cette faculté est réservée aux Belges.
M. Erauw répond par la négative. Toute personne qui réside en Belgique a le droit de s'y marier.
M. Mahoux souligne qu'il est utile, à l'occasion du présent débat, de rediscuter des fondements des règles actuelles.
Qu'est-ce qui fait que, pour des couples quels qu'ils soient qui résident en Belgique, la condition de nationalité belge d'un des conjoints n'est pas une condition nécessaire ?
M. Hugo Vandenberghe note que l'article 44 définit la compétence des autorités belges pour célébrer le mariage. Les dispositions qui suivent concernent l'application des normes au dit mariage. Il faut distinguer la validité du mariage et ses effets juridiques. En ce qui concerne ces derniers, le premier critère de rattachement est la résidence habituelle.
Le professeur Fallon renvoie aux développements précédant la proposition, qui s'intéressent plutôt à la question inverse de celle de M. Mahoux, à savoir : pourquoi permettre le mariage de Belges alors qu'ils vivent à l'étranger ?
Le Code civil édicte une règle selon laquelle, dans les cas purement internes, le mariage a lieu au domicile ou à la résidence d'un des époux. Le critère de domicile ou de résidence envisagé ici vient d'une sorte de transposition de cette règle interne vers les cas internationaux.
La portée utile de l'article 44 est plutôt de montrer que les Belges qui résident à l'étranger peuvent toujours se marier en Belgique.
Le cas inverse, c'est-à-dire celui d'un futur époux vivant en Belgique, vise aussi le cas des étrangers vivant en Belgique, ce qui semble sociologiquement approprié. L'absence d'une telle règle pourrait s'avérer incompatible avec le traité CEE, en tout cas pour les ressortissants communautaires.
M. Hugo Vandenberghe souhaite alimenter la discussion par les considérations générales suivantes.
Il y a tout d'abord l'élément de la fraude à la loi. L'intervenant renvoie à cet égard au phénomène des mariages blancs. Les possibilités de fraude à la loi sont multipliées par l'internationalisation de la société. C'est ainsi que l'on peut, par exemple, contracter mariage dans le seul but d'acquérir la nationalité belge. Il faut en tenir compte pour la fixation des critères de rattachement. À cet égard se pose la question de savoir si l'on est suffisamment armé pour lutter contre la fraude à la loi.
Une deuxième considération concerne le fait qu'en Belgique, il y a 825 000 étrangers. L'intervenant appuie dès lors le point de vue selon lequel la résidence est le facteur de rattachement pour ce qui est des effets juridiques du mariage. En effet, si l'on continuait à considérer la nationalité comme point de rattachement pour de grands groupes d'étrangers localisés à certains endroits, on passerait d'une société multiculturelle à un État de droit multiculturel.
Un troisième point concerne la reconnaissance des effets juridiques du mariage homosexuel. L'intervenant estime qu'il faut faire une distinction entre le droit public et le droit privé.
Le professeur Erauw trouve importante la question relative aux mariages simulés. Il existe une pratique consistant à simuler des mariages et des filiations. Les mariages simulés préoccupent les fonctionnaires du Service Public Fédéral de l'Intérieur.
Une version antérieure du texte en discussion prévoyait, à la demande du SPF de l'Intérieur, qu'une personne domiciliée en Belgique qui va se marier à l'étranger doit publier les bans de mariage en Belgique. On considérait que cette disposition assurait une protection supplémentaire. Elle a toutefois été abrogée à la suite de la suppression de la publication des bans en 1999.
L'intervenant estime que le système du « contrôle de la loi convenable » fournit maintenant les moyens de lutter contre les mariages simulés. Les articles 27 et 31 disposent que le mariage contracté à l'étranger doit satisfaire aux mêmes conditions que celles qui sont applicables en Belgique. Cela semble suffisant. L'ouverture du mariage à des personnes de même sexe ne présente aucun risque complémentaire. Celui qui désire tourner la loi ne cherchera vraisemblablement pas une personne du même sexe.
Dans un pays d'immigration, la multiplication des cas dans lesquels la nationalité est utilisée en tant que facteur de rattachement est tout normalement une chose suspecte.
En ce qui concerne l'ouverture du mariage à des personnes de même sexe, l'intervenant estime qu'il faut s'intéresser spécifiquement aux mariages contractés à l'étranger devant des autorités belges. Dans l'hypothèse où un Belge désirerait épouser un Iranien, il faudrait en principe appliquer le droit du lieu de domicile. Il arrive souvent que l'autorité belge choisisse la prudence, pour ne pas mettre en danger la protection diplomatique dont elle bénéficie.
La ministre demande, à propos de l'assimilation au mariage d'autres institutions, comme le partenariat enregistré, sur quel élément on s'appuierait pour faire cette assimilation.
Vérifie-t-on, dans la loi de l'État qui a créé cette institution, si le fait qu'une personne soit engagée dans les liens d'un partenariat l'empêche de conclure en même temps un mariage, ce qui suppose que le partenariat soit assimilé au mariage ?
À défaut d'un tel empêchement, et si la célébration d'un mariage implique automatiquement dissolution de ce contrat, celui-ci serait plutôt assimilé à une relation de vie commune visée au chapitre IV (cf. le contrat de cohabitation légale belge ou le Pacs français).
Le professeur Fallon renvoie aux développements précédant la proposition, qui traitent de l'article 58.
Il cite comme exemple le cas où le droit étranger prévoit que la relation est un empêchement à la conclusion d'un nouveau mariage.
Concrètement, l'autorité va se situer par rapport à l'objet de la demande; le juge examinera la nature de l'institution qui est demandée, et le sens de l'institution que l'autorité s'apprête à recevoir.
S'il constate, par exemple, que le partenariat suédois constitue un empêchement à remariage, il fera plutôt entrer l'institution dans la catégorie « mariage et assimilés ».
En ce qui concerne les moyens de se prémunir contre les risques de fraude, si les critères de nationalité et de résidence sont relativement stables et traduisent une proximité entre la personne et le système juridique, l'intervenant déconseille par contre de se référer au lieu de célébration, qui ouvre précisément la porte à toutes sortes de fraudes.
La ministre a évoqué comme une solution possible le fait de permettre de passer un mariage entre personnes de même sexe s'il s'agit d'un belge ou d'une personne résidant en Belgique. Il faut cependant savoir que ce type de solution, dite unilatérale, n'est efficace qu'à très court terme. En effet, ce genre de règle est insuffisante car, peu de temps après, il est probable qu'un juge belge devra aussi statuer sur la validité d'une relation passée par exemple en Allemagne entre un Français et un Italien.
Il est donc insuffisant, pour déterminer la loi applicable, de régler de manière unilatérale les seuls cas qui ont une relation avec le système belge. Il faut des règles multilatérales, de type mondial, qui indiquent au juge ce qu'il doit faire lorsque la situation a des points de contact avec n'importe quel autre système juridique.
Section 4 Droit applicable au régime matrimonial (articles 49 à 54)
Le professeur Fallon précise qu'historiquement, le groupe d'experts qui a commencé à travailler voici 7 ou 8 ans avait commencé par un exercice sur le droit applicable aux régimes matrimoniaux. Il avait examiné la solution de la Convention de La Haye pour voir s'il fallait en suggérer la ratification par la Belgique et avait conclu qu'une ratification n'était pas conseillée, en raison de certaines imperfections contenues dans la Convention.
Le groupe d'experts avait préparé un texte martyr, autour duquel a été construit l'ensemble du code.
Les dispositions proposées ont été soumises à la Fédération des notaires, et ont reçu un accueil assez positif. Les notaires ont marqué leur intérêt, non seulement pour les dispositions sur les régimes matrimoniaux, mais aussi pour toutes les autres.
Ils ont insisté sur la nécessité de doter le pays de règles claires et certaines pour les praticiens.
Ils estimaient que, de façon générale, le contenu du texte répondait à cette attente.
La section 4 de la proposition a retenu le meilleur de la Convention de La Haye, en écartant ce qui paraissait impraticable.
Cela conduit à un système assez complet, où les époux ont la possibilité de choisir la loi applicable à leur régime matrimonial.
En l'absence de choix, on retrouve l'échelle inversée dont il a déjà été question : on applique la loi de la résidence commune des parties au moment du mariage ou, à défaut, la loi de leur nationalité commune. S'ils n'ont ni l'un ni l'autre, on applique la loi du lieu de célébration. Ce dernier « échelon » avait été conseillé par les notaires.
La section 4 comporte, à l'article 54, une disposition nouvelle relative à la protection des tiers qui ont contracté avec un des époux.
Le contenu n'en est cependant guère original, puisqu'il est inspiré de la Convention de La Haye.
M. Hugo Vandenberghe note que dans notre droit, certains articles relatifs au droit matrimonial sont d'ordre public (les articles 212 à 226 du Code civil concernant le régime primaire). Un système dans lequel le choix est entièrement libre est-il compatible avec le régime primaire ? L'article 48, § 2, répond-il à cette question ? Qu'en est-il des donations faites dans le cadre du contrat de mariage ?
Le professeur Erauw précise que les obligations primaires des conjoints ont fait couler beaucoup d'encre en droit international privé, parce qu'elles sont personnelles mais aussi patrimoniales. Il y a en effet souvent de l'argent en jeu. Certains auteurs trouvaient que ces articles avaient un caractère contraignant et qu'il fallait dès lors toujours appliquer le droit belge.
Face à cela, il y a une décision très controversée que la Cour de cassation a prise sur avis de Mme Liekendael. Le droit national avait été appliqué à la protection du logement familial en Belgique conformément à l'article 3, alinéa 3, du Code civil. L'article 48, § 3, apporte une solution légale à ce problème. La résidence principale du ménage est protégée en Belgique par le droit belge.
L'article 54, § 2, concerne le mandat domestique (l'article 221 du Code civil). La problématique de l'article 224 la protection d'un époux contre des engagements conclus par son conjoint se retrouve au § 1er de cet article 54.
On a donc tenté de trouver une solution spécifique aux problèmes difficiles.
Le professeur Erauw conclut que, dans le régime primaire, on applique le droit belge en ce qui concerne les personnes qui vivent en Belgique dans les liens du mariage. C'est ainsi qu'une Marocaine peut ouvrir un compte en banque (article 218), étant donné que cette opération implique l'intervention d'un tiers, le banquier. Nous devons accorder en l'espèce ce droit fondamental d'égalité de capacité.
Une donation entre époux constitue un aspect du droit matrimonial.
M. Hugo Vandenberghe souligne qu'en droit belge, les dons entre époux sont révocables. Qu'en est-il de la donation dans le cadre du contrat de mariage. Le régime choisi est-il applicable ?
Le professeur Erauw répond par l'affirmative. Les donations que des personnes qui séjournent en Belgique mais qui choisissent de conclure un contrat de mariage de droit costaricain, auront faites dans le cadre de leur contrat de mariage tomberont également sous l'application du droit costaricain.
Mme Nyssens demande pourquoi le dernier échelon de l'échelle de rattachement n'est pas le droit belge, comme dans les autres matières.
Le professeur Erauw précise que l'on a opté pour un régime plus ouvert. Dans une matière qui est contractuelle, il ne faut pas nécessairement s'en tenir au droit belge. Certains conjoints ne viennent en Belgique qu'après avoir vécu longtemps à l'étranger. Le problème théorique qui se pose est de savoir si la Belgique peut appliquer son droit international privé à des conjoints qui ont vécu à l'étranger pendant quinze ans. Si un contrat de mariage a, par exemple, été conclu au Costa Rica, il faut également respecter les perspectives qu'avaient les intéressés en vertu de ce droit.
Le professeur Fallon ajoute que la Convention de La Haye se réfère à la loi des liens les plus étroits.
Or, ce critère ne convient nullement aux notaires, car comment déterminer cette loi ? Cette appréciation est généralement faite par le juge.
La solution proposée dans le code est beaucoup plus certaine et plus claire.
Mme de T' Serclaes demande si l'article 49 doit bien se lire en ce sens que, si l'un des époux est belge, il peut choisir de passer son contrat de mariage devant un notaire belge.
Le professeur Fallon souligne que l'article 49 ne sert qu'à déterminer le droit applicable. Il ne dit pas devant quelle autorité il faut passer.
La précédente oratrice demande comment le contrat passé devant un notaire belge est reconnu à l'étranger, si les conjoints décident d'aller y habiter.
Le professeur Erauw estime que, dans un tel cas, on ne peut absolument pas anticiper. Le pays étranger décide lui-même ce qu'il fera. Les Pays-Bas sont connus comme un exemple de pays unilatéral. Jadis, ils ne reconnaissaient un contrat de mariage que s'il avait été conclu par des Néerlandais devant un notaire ou un diplomate néerlandais. La véritable solution à la problèmatique évoquée serait une convention.
La convention de La Haye n'est d'aucune utilité dans ce contexte. Elle vise à introduire dans la loi nationale une règle multilatérale sans condition de réciprocité, même pour les pays qui l'ont ratifiée; il s'avère maintenant que la convention de La Haye offre deux solutions pour ce qui est du droit matrimonial. L'État qui ratifie doit alors choisir. Il n'y a donc pas d'harmonisation. On ne peut pas savoir ce qu'il advient de nos contrats à l'étranger. C'est le problème du caractère national du droit international privé.
Le professeur Fallon ajoute qu'il est conseillé aux personnes qui prévoient un déplacement ou une vie internationale non seulement de faire un choix du droit applicable, mais aussi un contrat de mariage.
Abstraction faite de certaines politiques nationales très fermées, les contrats de mariage sont, aujourd'hui, généralement reconnus dans les autres pays.
En fait, les problèmes rencontrés dans la jurisprudence étaient des cas d'époux négligents, pour lesquels la question du régime matrimonial surgissait des années après le mariage.
Le problème de la Convention de La Haye est que les solutions sont tellement complexes que la Convention n'est praticable que si les époux ont fait le choix d'une loi et conclu un contrat.
L'intervention de M. Willems s'inscrit dans le prolongement d'une intervention antérieure de Mme Nyssens, dans laquelle celle-ci suggérait qu'à défaut d'une possibilité de choisir le droit applicable, on se rabatte sur le droit belge. L'intervenant renvoie à l'article 53, § 2, qui concerne la liquidation et le partage en cas de mariage étranger dissous en Belgique. Il s'avère qu'en l'espèce, le droit applicable est celui de l'État sur le territoire duquel les biens se trouvent. Finalement, on doit quand même se rabattre sur le droit belge.
Le professeur Erauw souligne que la règle prévue par l'article 53, § 2, est une règle très exceptionnelle. Elle existe également en matière de succession. Elle est inspirée par le souci de ne pas contredire le statut des biens. La formation des lots ou des parcelles peut, par exemple, être liée à la copropriété. Il s'agit d'un aspect très technique.
M. Hugo Vandenberghe conclut que le régime est partagé selon le droit applicable, mais que des complications peuvent se produire. Tel peut être le cas, par exemple, quand quelqu'un possède un immeuble à appartements au Brésil, où l'on applique un statut de la copropriété qui serait inconciliable avec le régime de partage prévu par le droit belge.
Le professeur Erauw note que des biens maintenus en société pourraient soulever un problème similaire. Si l'un des conjoints possède certains droits partiels auxquels sont attachés un droit de vote ou certains droits financiers, il est possible, qu'en vertu du statut de la société, l'autre conjoint ne puisse jamais entrer dans celle-ci.
M. Hugo Vandenberghe cite l'exemple de fondations de droit néerlandais dans lesquelles des familles nobles font l'apport de leur patrimoine. Il est possible en conséquence que la famille alliée ne puisse pas prétendre à la succession.
Le professeur Erauw renvoie à l'article 111, qui résout ce problème. L'intervenant évoque une étude relative à cette problématique de Mme Watté.
M. Willems demande si le mot « biens » qui figure à l'article 53, § 2, désigne les biens mobiliers et les biens immobiliers.
M. Hugo Vandenberghe répond par l'affirmative.
M. Willems se réfère au droit de préemption des conjoints qui leur permet de procéder à l'achat du logement familial. Des étrangers séjournant en Belgique peuvent-ils se prévaloir de cette règle ?
Le professeur Erauw estime que cette règle vise à protéger l'un des conjoints. C'est ainsi que l'on ne suivra pas nécessairement sur ce plan la lex causae, le droit applicable au régime. Il existe une règle spécifique qui prévoit que les droits du conjoint sont impérativement protégés. On peut donc franchement dire que dans pareil cas, le juge appliquera en principe l'article 48, § 3.
Section 5 Droit applicable à la dissolution du mariage et à la séparation de corps (articles 55 à 57)
Le professeur Fallon indique que la section 5 traite de deux types de questions; l'une concerne le droit applicable au divorce international, et l'autre porte sur l'effet en Belgique des actes de répudiation.
En ce qui concerne la première question, la situation est la suivante en droit existant. Depuis une loi adoptée en 1960, la plupart des actions en divorce devant un tribunal belge sont régies par le droit belge. Il en est ainsi dès qu'un époux est belge, ou même lorsque les deux époux sont étrangers et qu'il s'agit d'une procédure pour cause déterminée.
D'autre part, la législation actuelle soumet à la loi nationale des parties le cas du divorce entre étrangers par consentement mutuel.
Ce système assez complexe a été critiqué par la doctrine sur le plan de la méthode législative.
En effet, il ne s'agit pas d'une réglementation globale, puisqu'elle néglige le divorce pour séparation de fait d'une certaine durée, de sorte qu'il a fallu interpréter la loi pour régler ce genre de cas.
De plus, la distinction entre divorce pour cause déterminée et divorce par consentement mutuel, bien connue en droit belge, est parfois assez difficile à pratiquer lorsqu'il faut appliquer un droit étranger qui ne connaît pas cette distinction.
Du point de vue formel, la proposition de loi est assez innovante, même si, sur le plan pratique, elle l'est un peu moins.
L'article 55 est la disposition centrale en cette matière.
Comme pour les effets du mariage et pour le régime matrimonial, une préférence est donnée à la loi du pays dans lequel les deux époux résident habituellement au moment de la procédure.
À défaut d'une telle résidence commune, il est proposé d'appliquer la loi de la nationalité commune.
Enfin, à défaut de nationalité commune, on appliquerait le droit belge.
Il existe par ailleurs une possibilité d'option de législation, qui permet aux parties de changer cet ordre de priorité.
Il faut pour cela un accord exprès des deux époux, acté par le juge.
L'article 55, § 3, comporte en outre une clause d'ordre public positif, qui tend à garantir à tout le moins qu'un divorce soit possible. Il peut en effet arriver (assez rarement désormais) que la loi étrangère désignée ignore le divorce.
Les règles proposées vont donc dans le sens d'une simplification, puisque la même règle s'applique pour toutes les formes de divorce, et que l'on ne fait plus de distinction selon que l'une des parties est belge ou étrangère.
En ce qui concerne la reconnaissance des actes de répudiation, l'article 57 vise les cas où une dissolution du mariage a été établie à l'étranger.
Cette question est régie par les règles générales des articles 22 et suivants.
La proposition traite cependant la reconnaissance des répudiations comme un cas tout à fait spécifique, qui appelle des règles particulières. Par contraste avec l'attitude proposée pour d'autres hypothèses de dissolution à l'étranger, l'orientation proposée ici est très sévère.
Il existe un certain nombre de décisions jurisprudentielles, tant des juges du fond que de la Cour de cassation, à propos des répudiations étrangères. Elles ont, de façon générale, manifesté le souci de préserver les droits de la défense de la femme, exigeant au minimum que la femme ait été convoquée lors de la procédure étrangère.
À l'heure actuelle, la jurisprudence exige pratiquement une acceptation par la femme. La pratique des juges du fond montre que l'on se satisferait d'une acceptation ultérieure. Cependant, la Cour de cassation a pris une autre attitude, lors de deux arrêts prononcés respectivement en 2002 et en septembre 2003.
L'enseignement de ces décisions est que, lorsque l'acceptation par la femme est ultérieure, cela ne peut être considéré comme un critère pertinent.
L'arrêt de 2002 semble toutefois indiquer que, lorsque la femme a accepté la répudiation au moment de la procédure, la répudiation serait acceptable.
Une autre tendance exprimée par la jurisprudence est de rejeter la répudiation, lorsque l'une des parties est belge ou réside en Belgique, ce qui suppose une grande proximité entre la situation matrimoniale et le système juridique belge.
Dans les autres pays européens, on observe plus ou moins les mêmes tendances.
Seuls le Royaume-Uni et les Pays-Bas disposent de règles écrites en matière de répudiation. Au Royaume-Uni, on retient uniquement le critère de proximité. Aux Pays-Bas, le critère décisif est l'acceptation par la femme.
La proposition soumet la reconnaissance de répudiation à une série de conditions assez sévères, qui sont une explicitation des concepts généraux d'ordre public et de respect des droits de la défense.
Au nom de la sécurité juridique, elle donne aux autorités de terrain une indication sur la façon de traiter la répudiation.
Trois éléments devront être contrôlés de manière très concrète :
1) il est exigé que la répudiation fasse l'objet d'une intervention judiciaire dans le pays étranger. La répudiation est, intrinsèquement, un acte privé unilatéral du mari. Il en va ainsi dans les pays musulmans d'Asie, où il n'est même pas nécessaire de passer par une autorité juridictionnelle.
Cependant, dans certains pays musulmans, comme l'Algérie et le Maroc, il y a une intervention judiciaire. En Algérie, le juge décide de la dissolution du mariage. Au Maroc, il se contente de l'homologuer, après avoir vérifié que la femme a été convoquée.
2) il est exigé que la femme soit convoquée et qu'elle ait accepté la dissolution au moment de la procédure. Dans la plupart des cas, cette acceptation n'aura pas eu lieu.
La pratique observée montre aussi qu'il existe des hypothèses où la femme demande au mari de la répudier. Ainsi, le droit marocain connaît la répudiation « khol ».
3) si l'une des parties réside en Belgique ou est belge, la répudiation ne sera pas possible.
Ces critères sont cumulatifs.
Ainsi, si des époux marocains résident en Belgique, et que le mari, à l'occasion de vacances au Maroc, pratique une « répudiation touristique », celle-ci ne sera pas reconnue en Belgique, même si la femme l'a acceptée, car il existe une proximité particulière de la situation matrimoniale par rapport à la Belgique.
En tout état de cause, si une répudiation n'est pas reconnue en Belgique, la femme vivant en Belgique pourra toujours y demander le divorce.
La pratique a montré que les juges ont accepté de prononcer le divorce dans ce cas, pour abandon du domicile conjugal.
La question des aliments après divorce fait l'objet d'un chapitre distinct, où l'on applique la loi de la résidence du demandeur d'aliments.
Mme Nyssens renvoie aux discussions qui ont eu lieu au sujet de la répudiation lors de la précédente législature, sur la base de propositions de loi partielles. À cette occasion, des femmes concernées avaient été entendues.
Beaucoup d'entre elles souhaiteraient, dans certains cas, voir reconnaître les effets de la répudiation pour obtenir des aliments.
Ce problème est-il vraiment rencontré par le texte proposé ?
Souvent, ces femmes ne prennent pas l'initiative des procédures, sont mal conseillées et sont sous l'emprise d'une autorité maritale extrêmement forte.
L'intervenante aimerait également savoir si dans le processus de modernisation des droits familiaux des pays musulmans, en particulier ceux du Maghreb, il y a une évolution sur la question de la répudiation.
Enfin, elle demande quelle est l'hypothèse visée par l'article 57, § 2, 4º, et en quoi consistent exactement les observations du Conseil d'État sur ce point.
M. Willems demande qui, de l'homme ou de la femme, prend l'initiative de la reconnaissance en Belgique de l'acte de répudiation étranger.
En ce qui concerne l'homologation à la demande de l'homme, l'intervenant considère qu'une procédure contradictoire est nécessaire. Le juge belge doit être convaincu de la volonté de la femme.
Mme Bousakla souligne que dans les pays musulmans et en tout cas au Maroc, il n'est pas toujours tenu compte de la volonté de la femme en cas de répudiation. Des femmes qui vivent en Belgique depuis 30 ou 40 ans sont parfois répudiées dans leur pays d'origine en leur absence. Les choses évoluent toutefois dans un sens où la présence de la femme est requise. Cela ne signifie toutefois pas que la répudiation corresponde à la libre volonté de la femme.
En outre, répudiation ne signifie pas dissolution. Bon nombre de femmes préfèrent la séparation à la répudiation. La présence de la femme n'est pas non plus une garantie de son accord. Le plus souvent, la répudiation est simplement confirmée par le juge, en présence de la femme, certes, mais sans que celle-ci puisse faire connaître sa volonté.
L'intervenante plaide pour la conclusion de conventions internationales avec les pays concernés, de sorte que la répudiation de femmes qui séjournent chez nous depuis un certain temps ne soit plus possible.
La ministre déclare, à propos de la tendance générale contenue dans la proposition en matière de divorce, et du souci de créer une certaine uniformité de solution de la naissance du mariage à sa dissolution, que cette façon de procéder paraît séduisante.
En ce qui concerne l'article 57, la ministre considère que le principe qui sous-tend cette disposition est raisonnable, et constitue une piste à explorer, et éventuellement à simplifier.
Il s'agit d'une question difficile, parce qu'elle soulève un débat éthique et humain, et qu'elle entraîne des conséquences pratiques pour les personnes concernées.
S'il peut paraître choquant de reconnaître une institution qui viole à ce point les droits d'une des parties, il peut s'avérer tout aussi choquant, en pratique, de ne lui donner aucun effet, ce qui lèse la personne la plus fragilisée dans la relation.
M. Hugo Vandenberghe déclare qu'il trouve assez choquant le § 1er de l'article 57.
Il estime que l'on pourrait dire qu'en droit belge la répudiation constitue une injure grave.
L'intervenant peut difficilement souscrire au § 1er de l'article 57 proposé, qui prévoit que la répudiation peut être acceptée s'il y a réciprocité. Si l'homme pouvait répudier la femme et la femme pouvait répudier l'homme, cela deviendrait acceptable. Ce raisonnement paraît singulier. Il permettrait également d'accepter l'engagement d'une procédure unilatérale sans respect des droits de la défense à la condition que la partie adverse puisse, elle aussi, engager une telle procédure.
La question se pose de savoir si l'on peut admettre que la répudiation ait des effets juridiques en tant que mode de dissolution. Il n'est pas question de l'acceptation ou non de la répudiation.
L'intervenant estime que l'exécution d'un titre qui a vu le jour sans la moindre garantie de respect des droits de la défense est contraire à l'ordre public.
Pourquoi ne dit-on pas que la répudiation constitue une injure grave ? Il n'est en effet pas question d'accepter. Si l'on « accepte » ultérieurement les faits, c'est plutôt comme si l'on cédait à la réalité.
La ministre répond que c'est précisément pour cela qu'elle soulignait la nécessité de mettre en balance une réflexion éthique, et la nécessité que le résultat de celle-ci ne soit pas strictement défavorable à la partie qui, dans le mariage, est déjà en position de faiblesse.
Il y a un lien essentiel entre cette problématique et celle du droit aux aliments du conjoint répudié.
M. Hugo Vandenberghe répond qu'il peut y avoir un lien, mais que la réponse à la première question ne préjuge pas de la réponse à la seconde.
Le problème de la pension alimentaire doit être résolu au profit de la partie la plus faible. Il doit l'être sur la base de motifs pertinents en rapport avec la question de savoir si la répudiation peut être admise comme mode de dissolution du mariage.
Selon l'intervenant, la répudiation est un traitement contraire à la dignité humaine au sens de l'article 3 de la CEDH. Comment pourrait-on assortir d'effets juridiques en Belgique un acte juridique qui viole l'article 3 de la CEDH ? Il faut tenter de résoudre les problèmes liés au statut de la femme et de formuler, sur cette base, des critères de rattachement en vue de protéger la femme.
La réciprocité, telle qu'elle est formulée à l'article 57, § 1er, est cynique.
L'intervenant souligne encore qu'en Belgique, le droit du divorce a en fait aussi évolué dans le sens de la répudiation.
La ministre souhaite obtenir quelques précisions sur plusieurs points.
Tout d'abord, le Conseil d'État souligne que la référence à l'article 25 risque d'aboutir à un refus systématique de reconnaissance, et à vider l'article 57 de son contenu.
En ce qui concerne la question de la volonté de la femme lors de l'homologation de la répudiation, l'intervenante se demande s'il s'agit là d'un élément qui peut être facilement pris en considération.
Ne faut-il pas, tout d'abord, faire une distinction entre la signification que l'on peut donner à la volonté exprimée et celle de la simple présence de la femme ?
Ne vaut-il pas mieux s'intéresser à la volonté de la femme au moment où elle désire faire produire des effets à la dissolution du mariage par répudiation, en veillant à ce que de tels effets ne puissent être produits sans que la femme ait, à un moment ou à un autre, pu exprimer sa volonté ?
Si l'on devait par contre suivre le Conseil d'État, et supprimer cette condition, et si la femme avait, à un moment donné, exprimé clairement son refus de la répudiation, pourrait-on lui permettre de revenir sur ce refus, et de disposer ainsi de son état ?
L'intervenante se rallie également à l'observation d'une précédente oratrice à propos du § 2, 4º, de l'article.
À première vue, elle ne voit guère de raison de suivre la remarque du Conseil d'État, mais réserve sa position définitive.
Mme Bousakla déclare que la discussion a soulevé de nombreuses questions importantes. La répudiation est inadmissible pour les démocrates. L'on accorde de l'importance au critère de la présence de la femme, mais il ne faut pas perdre de vue que bien des femmes sont présentes sous la contrainte. Présence et consentement ne sont pas forcément synonymes.
L'intervenante insiste aussi sur le fait que la répudiation ne peut pas être assimilée à un divorce. Une femme répudiée n'est pas une femme divorcée; elle ne peut pas se remarier sans l'autorisation de l'homme qui l'a répudiée. La répudiation est un acte totalement unilatéral. La pension alimentaire n'existe pas non plus dans la plupart des pays musulmans. La femme peut cependant souvent conserver la maison et le droit de garde des enfants.
M. Hugo Vandenberghe confirme que la définition de la répudiation relève de l'euphémisme. De plus, il n'est pas d'accord avec le postulat de départ de l'article 57, § 1er. Une solution consisterait à trouver rapidement, pour les femmes répudiées, un moyen permettant de mettre un terme à leur situation en droit belge.
Mme Nyssens se demande s'il ne faut pas examiner le contenu du droit marocain sur la nécessité ou non de l'acceptation. En droit maghrébin, pour qu'il y ait répudiation, la femme doit-elle ou non l'accepter ?
Le professeur Erauw se dit convaincu qu'il est possible de répondre à toutes les préoccupations de la ministre et des commissaires. La proposition répond d'ailleurs à ces préoccupations.
Il ne faut pas oublier que la proposition repose sur l'expérience de professeurs qui enseignent le droit international privé depuis 20 ans, ainsi que sur une étude réalisée à la demande du premier ministre de l'époque, concernant la situation juridique des femmes marocaines en Belgique. De plus, elle est le résultat d'une longue concertation avec les fonctionnaires du SPF Justice et avec le groupe de travail intercabinets.
Mme Nyssens a posé la question fondamentale qui est de savoir si la partie faible, la femme en l'occurrence, ne serait pas lésée en cas d'octroi éventuel d'une pension alimentaire. L'orateur a l'impression que l'on est en train de créer un faux problème à cet égard. La femme qui réside en Belgique a en tout état de cause droit à une pension alimentaire, qu'elle soit mariée ou divorcée. Si la femme est réputée divorcée sur la base de l'acte juridique rédigé à l'étranger, elle peut effectivement prétendre à une pension alimentaire une fois le divorce prononcé.
La femme divorcée qui séjourne dans notre pays est soumise au droit belge. Il est cependant inexact d'affirmer que la femme qui ne peut pas invoquer le divorce prononcé à l'étranger est plus mal lotie. Si la femme ne peut pas invoquer le divorce, elle reste une femme mariée et, même dans ce cas, elle peut bénéficier d'une pension alimentaire en application du droit belge.
Si elle est mariée, elle bénéficie d'une pension alimentaire et elle est protégée dans la résidence conjugale; les mesures nécessaires seront ordonnées par le juge de paix. La femme ne sera pas mieux protégée si l'on reconnaît la répudiation, si ce n'est dans quelques cas où la répudiation a eu lieu à un moment où il n'existait aucun lien avec la Belgique.
En ce qui concerne l'évolution dans les pays islamiques, l'intervenant est quelque peu réservé. Ces 25 dernières années, la situation a souvent évolué dans le sens du fondamentalisme. Il faut espérer qu'une libéralisation va maintenant s'amorcer. Le droit belge ne doit cependant pas être influencé par l'évolution des choses et il doit pouvoir offrir une réponse même à tous les cas extrêmes qui peuvent se présenter.
En ce qui concerne l'article 57, § 2, 4º, qui prévoit que la décision judiciaire étrangère n'est pas reconnue en Belgique si, au moment de l'homologation, l'un des époux était belge, mais que le juge peut écarter cette condition, l'intervenant trouve que le Conseil d'État s'est montré trop dogmatique et n'a dès lors pas pu relativiser la notion de nationalité.
L'on peut imaginer des cas de personnes de nationalité belge qui se seraient parfaitement intégrées dans un pays islamique. La simple possession de la nationalité belge doit pouvoir être relativisée.
La Belgique octroie facilement la nationalité à ceux qui la demandent et, comme les intéressés peuvent même souvent conserver leur nationalité d'origine, ils deviennent plurinationaux. L'enfant d'un ressortissant belge peut, par exemple, être parfaitement intégré en Égypte pour y avoir grandi. La notion de nationalité doit pouvoir être envisagée à la lumière de son effectivité. Cette tendance existe aussi dans d'autres pays.
M. Willems a demandé qui prend l'initiative de la reconnaissance. En théorie, cela peut être n'importe lequel des deux conjoints. Dans la pratique, l'initiative vient souvent de l'autorité compétente en matière de pension, du fisc, de l'administration communale, etc. La plupart du temps, cette question se pose lorsque l'autorité attache certains effets au statut conjugal. Dans un État de droit, il semble indiqué de donner une réponse unique à tous ces cas. L'avantage de l'élaboration d'une loi réside dans le fait que la législation essaie de fournir des réponses uniformes.
L'intervenant comprend qu'il y a des cas dans lesquels la femme serait heureuse d'être divorcée.
La femme peut avoir intérêt, après l'humiliation que représente la répudiation, si elle n'a pas pu assister à la procédure ou se faire entendre au cours de celle-ci comme elle l'aurait souhaité et qu'elle s'est finalement pliée à la décision, à ce que cette répudiation soit reconnue. Il n'est dès lors pas sage de rejeter catégoriquement la répudiation ou d'en faire un sujet tabou; dans certains cas, la femme invoquera la possession d'état et il faut conserver cette ouverture, qui lui est donnée par l'intermédiaire du juge. La procédure d'agrément de l'acte judiciaire par lequel la répudiation est prononcée passe en tout cas par le juge.
En ce qui concerne la formulation de l'article 57, § 1er, l'intervenant précise que le but n'était absolument pas de donner l'impression que la répudiation pourrait être acceptable du point de vue éthique ou moral au cas où la femme pourrait elle aussi en user. Ce paragraphe donne un modèle de définition et s'efforce de ne pas utiliser le mot « répudiation ». La répudiation khôl revêt en effet plusieurs formes (comme la répudiation moyennant compensation). Le but est de définir la répudiation comme un acte juridique que l'homme est le seul à pouvoir poser et qui méconnaît absolument la femme. Il n'existe d'ailleurs aucun exemple dans le monde d'un droit, pour la femme, de répudier unilatéralement son mari.
En ce qui concerne le droit de la défense, le professeur Erauw précise que l'article 25 n'est pas vidé de sa substance par l'article 57. La répudiation qui aura été prononcée par exemple au Maroc entre une Marocaine et un Marocain à l'époque où ils y habitaient ensemble pourra sans doute être reconnue, pour autant que les droits de la défense n'aient pas été bafoués. La femme doit avoir été informée, au cours du procès, de la plainte formée contre elle, elle doit avoir pu se faire représenter, elle doit avoir pu présenter sa défense, etc. La pratique révèle toutefois que, dans la plupart des cas, les femmes ne sont pas entendues dans les procès en question.
M. Hugo Vandenberghe se demande si l'on peut admettre certains actes juridiques sur la foi d'arguments d'ordre sociologique. Si oui, on se trouverait dans une situation qui aurait même permis de reconnaître les lois qui avaient été votées en Allemagne, sous le régime Nazi, interdisant le mariage avec une personne juive et autorisant la répudiation.
On constate que, si l'on fait une exception, la pratique du droit a toujours tendance à l'étendre. La formulation du § 1er semble en tout cas inadéquate. Si l'on est confronté à un acte juridique posé dans un État où la femme jouit aussi d'un droit de répudiation, la règle définie au § 1er ne s'applique pas.
Selon le professeur Erauw il n'y a aucun pays au monde où la femme a elle aussi un pouvoir de répudiation. De plus, l'article 25 continue de s'appliquer.
M. Hugo Vandenberghe renvoie à la remarque de M. Erauw selon laquelle il n'est pas nécessaire pour la femme de faire valoir que la répudiation marque la fin du mariage, étant donné que la protection dont elle jouit en Belgique est au moins aussi grande dans le mariage qu'après la dissolution de celui-ci. On a néanmoins évoqué le risque de problèmes au niveau du fisc, de l'administration des pensions, etc.
L'intervenant fait remarquer à cet égard que les notions de droit civil du droit de la famille ne sont pas utilisées en droit fiscal ni dans le droit de la sécurité sociale. C'est ainsi que si la séparation de fait a des conséquences immédiates en droit fiscal, tel n'est pas le cas en droit civil. Le critère de rattachement du droit international privé sert à résoudre les problèmes de droit civil et privé, et non pas des problèmes entre autres, du fisc, qui dispose d'autres moyens d'appréhender les faits sans avoir à se prononcer sur la validité juridique du mariage ou du divorce.
L'intervenant estime qu'il faut prévenir l'évolution vers un État de droit multiculturel; nous vivons dans une société multiculturelle, mais pas dans un État de droit multiculturel. Il est inconcevable que l'on institutionnalise dans l'État de droit un phénomène comme la répudiation.
M. Willems note qu'une séparation de fait de plus de deux ans peut être considérée comme une répudiation. Cela vaut évidemment pour les deux partenaires.
L'intervenant estime néanmoins que le recours à la règle de non-reconnaissance de la répudiation doit se faire avec prudence; dans certains cas, elle ne présente aucun intérêt pour la femme.
M. Hugo Vandenberghe ajoute que la procédure belge de la séparation de fait est également contradictoire. Selon l'intervenant, la répudiation est contraire à l'article 3 de la CEDH et constitue un traitement humiliant. L'article 3 ne souffre aucune exception. La violation de l'article 3 lui semble être une raison de divorce de plano. L'article 3 est applicable au moment où l'exécution est demandée en Belgique.
M. Hugo Vandenberghe répond qu'on ne peut jamais renoncer à la protection offerte par l'article 3 de la CEDH. Si la partie faible, humiliée, souhaite que sa situation soit suivie d'effets, on pourra trouver une solution, mais pas par le biais de la reconnaissance de la répudiation.
Le professeur Erauw renvoie, en ce qui concerne l'application rigoureuse de l'article 3 de la CEDH, au phénomène de la putativité qui est connu en droit belge. Le mariage putatif n'est pas un mariage. Selon la règle inscrite à l'article 57, on doit s'opposer dans presque tous les cas à la répudiation. Il pourrait toutefois y avoir une sorte de putativité, au cas où il n'aurait existé aucun lien avec la Belgique au moment de la répudiation. Voir les choses ainsi ne semble pas être contraire aux droits de l'homme. La question est de savoir si nous devons imposer nos concepts dans le cas où un acte juridique a été posé totalement en dehors de la Belgique.
Mme de T' Serclaes renvoie aux auditions réalisées par la commission de la Justice lors de la précédente législature au sujet de la proposition de loi de Mme Lizin. Il faudrait examiner ce qui avait été dit à l'époque, pour tenir compte de ce que pensent les premières intéressées à ce sujet.
À l'époque, Mme Nyssens avait également déposé des amendements qui introduisaient une certaine souplesse dans le système.
Enfin, il faut tenir compte des récentes déclarations du roi du Maroc à propos d'une modification du droit de la famille allant dans le sens d'une plus grande égalité entre homme et femme.
Cette matière fait par ailleurs l'objet, depuis des années, de négociations bilatérales entre divers pays européens et les pays du Maghreb.
L'intervenante aimerait savoir quel est l'état de la question.
Il faut éviter que la loi future ne soit en contradiction avec l'évolution que l'on constate dans ces pays. Une position extrême en la matière risquerait d'être contre-productive.
Mme Nyssens se demande si d'autres États pourraient considérer notre système de cohabitation légale, dont il est assez aisé de sortir, comme contraire à l'ordre public.
Les questions que l'on se pose ici à propos du divorce se posent-elles dans les mêmes termes pour les autres formes de vie commune ?
La ministre répond que le problème de la cohabitation légale ne doit pas être assimilé à celui du mariage, car il s'agit davantage d'une question d'organisation matérielle de vie que d'une consécration sentimentale.
En ce qui concerne l'évolution de nos relations bilatérales avec les pays du Maghreb en matière de droit de la famille, la ministre fournira ultérieurement des précisions sur ce point.
Quant à l'évolution du droit marocain à terme, il semble que le projet de réforme n'aille pas aussi loin qu'on pourrait l'espérer, car il s'agit surtout de confirmer clairement que la répudiation ne pourrait avoir lieu si la femme n'a pas été convoquée et n'a pas eu la possibilité d'être présente. Cela ne va pas jusqu'à lier la répudiation à l'accord de la femme.
La ministre retient par ailleurs de la discussion qu'il existe un très large consensus en faveur d'une solution qui préserve les intérêts essentiels de la femme, même s'il y a des point de vue divergents sur la technique à utiliser, sur les conséquences juridiques qui en découlent, et sur la conformité aux droits fondamentaux.
M. Hugo Vandenberghe se demande s'il ne suffirait pas de prévoir que des décisions unilatérales de divorce peuvent être reconnues comme une injure grave ou comme une forme de fin du mariage que le juge constaterait. Il lui donnerait un effet, non en tant que répudiation, mais en tant que divorce selon la loi belge.
La question est de savoir s'il faut régler cela ici ou dans le Code civil.
Le professeur Fallon déclare, à propos du renvoi à l'article 25, qu'il s'agit d'un signal au juge indiquant que les règles générales continuent à s'appliquer. Dans un souci de sécurité juridique, l'article 57 explicite certains des motifs de l'article 25, à savoir l'ordre public et le respect des droits de la défense, étant entendu que les autres motifs de refus subsistent.
D'autres motifs qui conservent une portée utile sont, notamment, ceux qui concernent les conflits de procédures ou de décisions lorsqu'il y a des procédures parallèles en Belgique et à l'étranger.
Quant aux droits de la défense, peut-être faudrait-il ajouter, dans l'article 57, qu'il faut que la femme ait pu faire valoir ses moyens en temps utile.
En ce qui concerne l'ordre public, il est vrai qu'il faudrait expliciter la portée de l'article 3 CEDH. Le texte donne en effet à entendre que si la femme a accepté au moment de la procédure, il y aurait compatibilité avec l'article 3. Ce point doit être vérifié.
Au cours des dernières années, la Cour de cassation de France l'a très explicitement déclaré, en constatant que lorsqu'il y a acquiescement de l'épouse, l'objection tirée du non-respect des droits fondamentaux est levée.
Quant au moment de l'acceptation, au sein du groupe d'experts qui a préparé le texte, on avait tout d'abord opté pour la possibilité d'une acceptation ultérieure.
Ensuite, on a exigé l'acceptation au moment de la procédure, tout en se rendant compte que cette hypothèse serait assez rare.
Cette solution se défend, tant du point de vue technique que pratique.
Sur le plan technique, reconnaître une décision étrangère, c'est lui donner la portée qu'elle a reçue ou qu'elle aurait pu recevoir lorsqu'elle a reçu ses effets à l'étranger.
Du point de vue pratique, permettre l'acceptation ultérieure par la femme créerait une période d'incertitude entre le moment de la répudiation et l'acceptation.
Cela placerait aussi la femme devant des dilemmes, car tout dépendrait du premier contentieux qu'elle rencontrerait.
De plus, comment mettre en oeuvre cette règle de l'acceptation ultérieure lorsque la femme est tierce au litige (ex. lorsque l'homme a un litige avec l'Office des pensions) ?
M. Hugo Vandenberghe estime que la répudiation devrait être une cause suffisante pour permettre à la femme d'obtenir le divorce. Dès lors, la femme qui réside en Belgique aurait le choix : soit elle se considère comme mariée, et jouit de la protection qui accompagne cet état en droit belge, soit elle refuse la répudiation mais demande le divorce sur cette base selon le droit belge.
Dans le premier cas, rien n'empêche le mari d'intenter une procédure en divorce selon les règles du droit belge.
Le professeur Fallon répond que, dans ce cas, outre la règle selon laquelle la dissolution n'est pas reconnue, il faut une deuxième règle selon laquelle toute décision de nullité ou de dissolution de mariage prononcée à l'étranger et qui ne peut être reconnue en Belgique est une cause de divorce. Une disposition de ce genre existe en droit italien.
Dans ce cas, il faut une règle sur le droit applicable. Si l'on utilise à cet effet l'article 55, et que les deux conjoints habitent en Belgique, le droit belge est applicable. Si, par contre, le mari est retourné au Maroc, que la femme vit en Belgique, et que tous deux sont marocains, c'est le droit marocain qui s'applique.
M. Hugo Vandenberghe fait observer que celui qui invoque la nullité est déjà dans une situation où il peut invoquer le droit international privé belge. Par hypothèse, il y a un litige en Belgique.
Le professeur Erauw note que les règles de compétence relatives au divorce sont fixées ici. Il est possible d'appliquer le droit belge, si le dernier domicile conjugal se trouvait en Belgique.
En ce qui concerne l'ajout d'un nouveau motif de divorce (la répudiation à l'étranger), l'intervenant renvoie à la pratique, qui apporte une solution au problème. En effet, la jurisprudence prévoit que la répudiation relève de la notion d'injure.
Par ailleurs, il faut bien se rendre compte que la procédure de divorce est assez coûteuse en Belgique et qu'elle est plutôt longue. À cet égard, certaines personnes estiment qu'il faut aider la femme marocaine, ce qui pose problème à l'intervenant. En effet, il faut respecter une égalité entre les femmes marocaines et les femmes belges. Il appartient au législateur de modifier la procédure de divorce.
L'acceptation a posteriori par la femme créerait, le cas échéant, une inégalité phénoménale entre les femmes qui ont un lien avec l'islam et toutes les autres femmes qui résident en Belgique. Laisser à la femme le soin de prendre la décision porterait atteinte à la sécurité juridique dans un État de droit (voir la remarque du Conseil d'État).
Les époux qui voudraient se séparer d'un commun accord pourraient alors se servir d'une répudiation prononcée à l'étranger et que la femme pourrait ensuite accepter en Belgique. L'État de droit veut également que l'homme soit protégé et qu'il y ait une sécurité juridique à propos de la question de savoir si la répudiation est reconnue ou non. Il se pourrait que l'on exerce d'énormes pressions sur la femme pour qu'elle accepte la répudiation, ou que l'on fasse chanter l'homme.
La Cour de cassation a estimé, dans son arrêt du 29 septembre 2003, que l'on ne saurait s'en remettre entièrement à l'opinion de la femme.
M. Hugo Vandenberghe est d'accord pour dire que l'on ne saurait subordonner toute la question au seul avis de la femme, mais on ne saurait renoncer sans plus à l'application de l'article 3 de la CEDH dans cette question de contrainte institutionnelle.
Mme Bousakla reste d'avis que la répudiation constitue une humiliation pour toutes les femmes. On ne saurait en aucun cas la comparer à la séparation de fait qui offre les mêmes possibilités aux deux conjoints. Qui plus est, la répudiation a parfois lieu en la présence supposée de la femme en question alors que la femme voilée que l'homme a amenée à l'audience est une autre.
L'intervenante estime qu'il reste pas mal de travail à accomplir dans ce domaine en vue de la conclusion d'accords bilatéraux, par exemple dans le domaine de la reconnaissance du divorce. Un divorce entre une Belge et un Marocain ne sera pas reconnu au Maroc. On devrait s'orienter vers une reconnaissance automatique du divorce dans le pays d'origine. La reconnaissance d'un mariage mixte constitue elle aussi toujours un problème.
La ministre indique qu'il avait existé une première mouture de conventions belgo-marocaines en 1990, et qu'elles n'ont pas été ratifiées, notamment en raison du problème de la reconnaissance de la répudiation.
De nouvelles conventions ont été négociées avec le Maroc, et ont permis d'aboutir, le 26 juin 2002, à la signature de deux conventions portant respectivement sur les obligations alimentaires et sur la garde des enfants.
Un projet de troisième convention, relatif au mariage et à sa dissolution, n'a pas été finalisé lors des négociations sur les deux autres conventions, parce qu'en dernière minute, l'autorité marocaine a eu un scrupule, dû au fait que la commission de révision mise en place devait aboutir à des propositions de réformes du droit familial.
Ces propositions ont depuis lors reçu un soutien clair de la part du chef de l'État marocain.
Toutefois, il ne faut pas oublier que, lors de la négociation de cette convention, il y avait un intérêt de la part des autorités marocaines à reconnaître nos formes de dissolution du mariage, dès lors que l'on n'excluait pas totalement les leurs.
Un refus absolu de reconnaissance de la répudiation, même dans la philosophie qui vient d'être exposée, risque d'entraîner un refus strict des autorités marocaines de reconnaître notre divorce, pour des raisons diamétralement opposées.
M. Hugo Vandenberghe estime que la question de la conclusion d'accords réciproques entre deux États et l'élaboration de normes de droit international privé pouvant avoir une portée générale dans un pays où vivent 850 000 étrangers sont deux questions totalement différentes. L'intervenant invoque l'intérêt social croissant à cet égard.
La ministre partage le point de vue selon lequel on ne peut se baser exclusivement sur les relations avec un pays déterminé pour définir une règle générale.
Cependant, il faut tenir compte de cet élément, sachant que cela peut avoir des conséquences sur un nombre très important de personnes vivant en Belgique et confrontées à une répudiation.
L'intervenante ajoute, à propos de l'article 57, § 2, 4º, qu'il faut avoir à l'esprit que l'on risque de mettre le doigt dans l'engrenage d'une éventuelle exception à la règle générale de l'article 3, § 2.
Mme de T' Serclaes rappelle qu'il existe aussi des discussions avec les pays du Maghreb sur la problématique des gardes d'enfants et des enlèvements d'enfants. Tout cela fait partie d'un ensemble.
Dans tous ces domaines, l'intervenante estime qu'il faut fixer des critères tels que la résidence habituelle, qui favorisent au maximum l'application du droit belge, en vue de protéger de façon optimale les personnes concernées.
Le professeur Fallon déclare qu'il ne lui paraît pas exister de contradiction entre l'article 57, § 2, 4º, et l'article 3, § 2, de la proposition.
En effet, dans le cas de l'article 57, on demande au juge belge de connaître d'une décision rendue à l'étranger, et d'un état constitué à l'étranger (théorie des droits acquis).
Cela est très différent du cas où l'on demande au juge belge de constituer une nouvelle situation.
M. Hugo Vandenberghe répète qu'en ce qui concerne l'article 57, § 1er, la formule italienne précitée lui paraît intéressante. Il estime également que la relation entre le § 1er et le § 2 devrait être clarifiée.
Le professeur Fallon répond que pareille clarification pourrait être obtenue par une fusion des paragraphes.
Quant à la première mouture de conventions bilatérales belgo-marocaines, l'intervenant signale que, lorsqu'une convention bilatérale comporte des règles de rattachement (par exemple sur la validité du mariage), il y a risque de discrimination par rapport à d'autres pays, sans parler de problèmes pratiques pour déterminer quels sont exactement les cas de mariage visés sous l'angle international.
En revanche, la méthode bilatérale est un outil efficace pour les mécanismes de coopération, tant en matière d'enlèvement d'enfants qu'en matière de coopération administrative ou judiciaire, et pour autant que le contenu de la coopération constitue une amélioration par rapport au droit commun.
Chapitre IV Relation de vie commune (articles 58 à 60)
Le professeur Fallon présente le chapitre IV.
L'article 58, qui définit les rapports juridiques visés par la notion de « relation de vie commune », a été introduit dans un souci de clarification, à la suite des remarques du Conseil d'État. La définition proposée est de nature fonctionnelle : les dispositions du chapitre IV visent une situation de vie commune ne créant pas, entre les cohabitants, de lien équivalent au mariage. Si le rapport juridique en cause crée des liens équivalents au mariage (par exemple le partenariat enregistré de type scandinave), ce sont les dispositions du chapitre III qui s'appliquent. Le chapitre IV vise des institutions telles que le pacte civil de solidarité (Pacs) en France ou la cohabitation légale en Belgique.
La philosophie des auteurs est que les règles applicables à la relation de vie commune soient aussi proches que possible des règles applicables au mariage. L'on évite de la sorte les problèmes délicats de qualification. D'autre part, il faut éviter que les gens optent pour telle ou telle institution en fonction des facilités qu'offriraient des droits matériels désignés en fonction de règles de conflit de lois différentes.
L'article 59 règle le problème de la compétence internationale. L'article 60 définit le droit applicable à la relation de vie commune. Pour tenir compte de l'avis du Conseil d'État, cette disposition a été remaniée. Le texte fait la différence selon que la relation a été initialement enregistrée en Belgique ou non. Lorsque la relation a été enregistrée en Belgique, la loi belge s'applique aux modes de conclusion, aux effets et à la cessation du rapport juridique. Dans les autres cas, on se réfère, autant que possible, par analogie, aux règles sur le mariage.
Étant donné le parallélisme entre les règles de droit applicables au mariage et celles relatives à la relation de vie commune, l'orateur pense qu'il faudra que la commission arrête d'abord ses choix politiques concernant les solutions retenues pour le mariage avant de fixer ses choix pour la relation de vie commune.
En ce qui concerne la cessation d'une relation de vie commune enregistrée à l'étranger, M. Willems constate que l'article 60, § 3, alinéa 2, renvoie, par analogie, aux règles applicables à la dissolution du mariage. Ne serait-il pas préférable de soumettre la cessation de la relation au droit applicable lors de la conclusion de celle-ci ?
L'intervenant rappelle que le contrat de cohabitation légale est conçu en Belgique comme un rapport juridique de nature purement patrimoniale. Le facteur servant à déterminer le droit applicable retenu dans la proposition de code peut avoir pour conséquence que le droit belge s'applique à la cessation d'une relation de vie commune conclue sous l'empire d'un autre droit. Il risque d'y avoir des hiatus lorsque l'institution étrangère et l'institution belge ne correspondent pas.
Comment pourra-t-on par exemple régler, en vertu du droit belge, les conséquences personnelles de la cessation d'une relation de vie commune puisque notre contrat de cohabitation légale est limité aux seuls éléments patrimoniaux ?
M. Mahoux demande ce qui se passe dans un pays qui ne dispose pas de législation réglementant la relation de vie commune. Faut-il en déduire qu'un contrat de vie commune est impossible, à défaut de législation l'autorisant expressément ? Ou faut-il au contraire considérer qu'en l'absence de législation donc d'interdiction expresse ce type de contrat est possible ?
Le professeur Fallon répond que, selon l'interprétation qui prévaut en droit comparé, lorsque le droit étranger ne prévoit pas une institution du type de la cohabitation légale, c'est qu'elle n'est pas possible. Par exemple, si le droit brésilien ne prévoit pas d'autre forme de relation de vie commune que le mariage, il faut en déduire que le droit brésilien ne permet pas la cohabitation, sous réserve bien évidemment de l'union libre qui est une situation de fait.
M. Mahoux considère que cette thèse est le résultat d'une interprétation mais qu'il serait tout aussi possible de suivre le raisonnement inverse. Il fait le parallèle avec le mariage. Pratiquement tous les pays ont une législation sur le mariage. On peut accepter que, pour les conditions du mariage applicables à un étranger, l'on se base sur les conditions fixées dans la législation de son pays d'origine et cela exclut pour ces personnes d'autres possibilités que celles prévues dans la législation du pays tiers.
Par contre, pour la relation de vie commune, il existe de nombreux pays qui n'ont pas de législation spécifique. Pourquoi dès lors en déduire qu'aucun contrat de vie commune ne peut être conclu en Belgique par un étranger dont le pays d'origine ne connaît pas une telle institution ? On pourrait tout au contraire considérer que s'il n'existe pas de législation spécifique dans le droit étranger, il n'existe a fortiori pas de règles interdisant la conclusion d'un contrat de vie commune en Belgique.
M. Hugo Vandenberghe estime que la réponse à la question soulevée par le préopinant dépend de l'intensité du statut du mariage dans le droit étranger. Si le droit étranger ne connaît, comme forme de vie commune, que le mariage, institution d'ordre public, il n'y a pas d'alternative possible au mariage, sous réserve de l'union libre qui est une communauté de fait.
La ministre se rallie à l'option retenue par les auteurs concernant l'orientation générale du chapitre IV : la relation de vie commune est une problématique qui présente de nombreuses similitudes avec celle du mariage, il est dès lors logique d'arriver à une similitude de solutions.
En ce qui concerne la conclusion de contrats de vie commune, l'intervenante plaide pour que celle-ci soit possible dans notre pays dès que l'une des parties a sa résidence habituelle en Belgique ou dès que l'une des parties a la nationalité belge. C'est la pratique actuelle des communes.
Sur la question des effets des contrats de vie commune, la ministre pense qu'il est préférable d'appliquer au contrat le droit qui a été appliqué à la création de l'institution.
Enfin, elle demande si la proposition de code contient une disposition sur la reconnaissance en Belgique des contrats de cohabitation conclus à l'étranger. L'article 60 ne règle pas ce problème. La ministre est favorable à une application de la lex loci (droit du pays où le contrat a été conclu) pour déterminer les règles de reconnaissance du contrat en Belgique.
Mme de T' Serclaes estime que, lorsque l'institution juridique du contrat de vie commune n'existe pas dans le pays de l'un des contractants ou des deux, cela n'exclut pas que ces personnes puissent valablement conclure en Belgique un tel contrat. Le problème qui se pose est celui des effets de cet acte juridique en dehors de notre territoire. Nous n'avons pas la capacité d'obliger un État tiers à reconnaître des conséquences juridiques à une institution que le droit de ce pays ne connaît pas.
M. Hugo Vandenberghe pense qu'au niveau du droit international privé, le problème à régler n'est objectivement pas le même pour la relation de vie commune que pour le mariage. Le mariage étant une institution connue dans pratiquement tous les ordres juridiques, le droit international privé s'attache à régler les conflits entre les systèmes juridiques pour les coordonner.
Par contre, lorsqu'une institution n'existe que dans quelques pays, la question est de savoir de quelle manière on va régler les conséquences juridiques liées à cette institution dans les pays où elle n'est pas connue.
La cohabitation légale étant en Belgique un contrat de nature purement patrimoniale, l'on peut opérer une distinction entre la capacité nécessaire pour la conclure et les effets qui en découlent. Dans l'exemple de deux Brésiliens vivant en Belgique, il n'y a pas d'objection à ce que ceux-ci concluent un contrat de cohabitation légale en Belgique. On reconnaîtra, dans notre pays, les conséquences de ce contrat.
Par contre, si un problème se pose concernant un bien immobilier détenu par l'une des deux personnes au Brésil, on ne tiendra pas compte du contrat de vie commune conclu en Belgique pour déterminer le statut juridique de ce bien.
La ministre pense qu'il y a une logique à faire un parallèle sur la question de la capacité de conclure un contrat de mariage et un contrat de vie commune. C'est par contre beaucoup moins évident de vouloir un tel parallélisme des solutions pour les effets et la dissolution du mariage et du contrat de vie commune.
En effet, comme déjà souligné précédemment, peu de pays disposent d'une législation réglementant la relation de vie commune et, lorsqu'elles existent, les règles sont fort hétérogènes.
L'intervenante cite l'exemple de deux Français qui ont conclu un pacte civil de solidarité (Pacs) en France et qui viennent s'établir en Belgique. En application de l'article 60, § 2, alinéa 2, de la proposition de code, par analogie avec les règles sur le mariage, l'on appliquera au Pacs les effets du contrat de cohabitation légale belge, qui est très différent au niveau du contenu (beaucoup plus restrictif).
La ministre considère qu'il est préférable que les deux Français puissent continuer à bénéficier en Belgique des effets de la loi française sur le Pacs. De même, il est préférable qu'ils puissent mettre fin à leur contrat sur la base des conditions prévues par la loi française sur le Pacs plutôt que sur la base des conditions prévues par la loi belge sur les contrats de cohabitation légale.
Mme de T' Serclaes se rallie à cette intervention. Le contrat de cohabitation légale belge peut même être conclu entre frère et soeur, ce qui est tout à fait spécifique par rapport aux solutions retenues par les autres pays qui ont adopté une législation sur la relation de vie commune. Cela illustre à quel point il est difficile de faire un parallélisme entre les régimes de vie commune existants et justifie que l'on s'écarte, en droit international privé, des solutions retenues pour le mariage.
M. Hugo Vandenberghe rappelle que l'article 60, § 1er, alinéa 1er, prévoit que les conditions de validité de la relation de vie commune sont régies par le droit national des contractants. La question qui se pose est de savoir si deux étrangers résidant habituellement en Belgique peuvent conclure un contrat de cohabitation légale chez nous alors que leur droit national ne connaît pas ce type de relation de vie commune. L'intervenant pense que la réponse à cette question est positive même si les effets à l'étranger de ce contrat sont directement liés à l'existence ou non d'une institution de ce type.
La ministre précise que son intervention visait l'hypothèse du couple ayant conclu un contrat de vie commune à l'étranger.
Contrairement aux solutions retenues pour le mariage, l'intervenante pense qu'il y a une logique à ce que l'on applique aux effets de la relation et à la cessation de celle-ci le droit qui a été appliqué lors de la conclusion de celle-ci.
Sur la question de la capacité de conclure un contrat de relation de vie commune en Belgique, elle rappelle que cela doit être possible dès que l'une des parties a la nationalité belge ou si les deux personnes ont leur résidence habituelle en Belgique, peu importe leur nationalité. Il est exact que les effets à l'étranger d'un tel contrat seront à géométrie variable selon que le droit étranger connaît ou non une institution réglant la relation de vie commune.
M. Mahoux pense qu'il faut sortir le débat de la sphère purement juridique, qui a pour seul objectif d'atteindre une certaine uniformisation sur le plan international. Il faut réfléchir sur la nature du lien qui peut exister entre deux personnes et sur la contractualisation de la relation.
L'on ne peut accorder à la notion de mariage un côté symbolique tel que l'on considère sur le plan international que cela couvre le même type de réalité partout. L'intervenant pense qu'il existe plus de différences entre le mariage tel que nous le connaissons et le mariage polygame tel qu'il est admis dans certains pays qu'entre le mariage et le Pacs français.
Il plaide pour une réflexion sur les fondements mêmes de l'institution, basée sur des considérations d'ordre éthique, de conception d'organisation de la société, de protection des sexes ... L'on ne peut faire l'économie de ce type de discussion dans l'approche que l'on a d'une tentative de règlement de tous les conflits qui peuvent exister en droit international privé.
Le professeur Erauw est convaincu qu'une solution peut être trouvée pour le problème des mariages homosexuels et se réjouit du fait que les commissaires estiment que cette solution peut être comparable à ce qui prévaut pour les contrats de cohabitation.
Compte tenu des considérations du sénateur Mahoux, il est un fait que cette problématique s'inscrit dans une continuité; c'est la raison pour laquelle l'intervenant est partisan de solutions parallèles.
L'intervenant souhaite revenir un instant sur les trois aspects suivants : la conclusion du mariage, ses effets et sa dissolution.
Si l'on admet la possibilité pour deux personnes de même sexe de cohabiter ou de se marier lorsqu'elles vivent toutes deux en Belgique, l'intervenant estime qu'il y a un lien très fort avec la Belgique. Il paraît alors politiquement justifié de dire que l'on ne peut en fait pas tenir compte pleinement des règles applicables dans les pays étrangers concernés.
Si l'on admet qu'un des deux intéressés doit être Belge, il faut tenir compte du fait que ce Belge peut éventuellement s'adresser à l'ambassade ou au consulat, par exemple à Téhéran, au Soudan ou à Marrakech, même s'il se marie avec une personne possédant la nationalité de l'endroit. C'est alors un geste politique très significatif. Il faut tenir compte du problème de la protection diplomatique.
La solution proposée est beaucoup plus stricte et repose sur le régime actuel, fondé sur l'article 3, § 3, du Code civil, qui fait primer la lex patriae, la loi de la patrie. Si l'on a opté pour cette règle stricte, c'est à cause de l'importance que l'on accorde à la coopération internationale. On pourrait pourtant certainement défendre une règle souple. Mais il ne faut pas perdre de vue la coopération.
S'agissant des effets et de la dissolution du mariage, l'intervenant se réfère à la question du sénateur Willems, qui portait sur le point de savoir si la dissolution du mariage ne peut pas être soumise à la lex celebrationis, c'est-à-dire la loi en vertu de laquelle le mariage a été célébré. On peut certes formuler les choses ainsi, mais il subsiste un problème.
Que se passe-t-il lorsque des personnes qui adhèrent à cette institution dans un pays étranger se sont mariées dans le respect de plusieurs lois, par exemple, celle de la patrie de chacun des conjoints ? Il vaut mieux dans ce cas faire référence au lieu où le partenariat a été enregistré.
L'on a aussi demandé s'il ne faudrait pas harmoniser davantage les effets du mariage avec le statut pour lequel les intéressés ont opté. C'est possible bien sûr, mais dans ce cas, on défend à nouveau le contrat que l'on a conclu, la relation dans laquelle on s'est engagé. Cela revient à considérer très nettement l'institution comme une institution contractuelle et l'on opte donc pour une espèce de lex contractus.
Dans la littérature spécialisée, des auteurs français et helvétiques se sont demandé si cette institution ne pouvait pas recevoir une qualification contractuelle. C'est donc tout à fait envisageable. Mais il faut cependant tenir compte du fait qu'en Belgique par exemple, on assortit une telle qualification d'un effet statutaire qui peut avoir une incidence sur les relations avec les tiers. Les contrats de cohabitation engendrent incontestablement un régime patrimonial, lequel donne naissance à une relation avec les tiers. On peut trouver une solution, mais la prudence s'impose : qu'allons-nous faire de la protection du domicile commun et des articles 212 à 226 ?
Mme de T' Serclaes pense que les conditions dans lesquelles un contrat de vie commune peut être valablement conclu en Belgique doivent être cumulatives (une des deux parties est Belge et réside en Belgique). Elle rappelle que le contrat de cohabitation légale a été institué pour permettre à deux personnes qui veulent vivre ensemble, de s'octroyer une protection mutuelle, notamment en ce qui concerne le logement.
Si l'on admet que la nationalité belge d'une des deux parties, sans résidence en Belgique, est une condition suffisante, cela n'a pas de sens car un des éléments essentiels de l'institution (la protection du logement) devient inapplicable.
Le professeur Fallon estime que la proposition de code essaie de répondre, de manière équilibrée et logique, aux différentes situations évoquées par les intervenants précédents.
Il prend l'exemple de deux Français qui ont conclu un Pacs en France et qui sont entre-temps venus s'établir en Belgique. Si un problème d'occupation du logement commun survient, il est logique que le juge belge, saisi du litige, applique le droit belge comme il le ferait dans le cadre d'une question d'occupation du logement familial d'un couple marié. Cette solution découle de la règle spéciale de localisation de l'immeuble.
De même, si le litige porte sur la contribution aux charges du ménage, il y a une communauté de problèmes entre deux personnes mariées et deux personnes ayant conclu un Pacs. En terme de désignation du droit applicable, il est cohérent de dire que si les deux personnes résident en Belgique, les dispositions du Code civil belge sont applicables au titre de loi de la résidence.
Sur la question soulevée de la loi appliquée aux effets et à la dissolution du contrat de vie commune, l'intervenant comprend la suggestion formulée par certains membres de désigner comme critère de rattachement la loi du pays d'enregistrement de la convention. Cette solution offre l'avantage de la facilité car elle permet d'identifier clairement le droit applicable (intégration verticale de l'institution). Le professeur Fallon se rallie à la remarque de son collègue Erauw, lequel demandait que l'on retienne le pays d'enregistrement comme critère de rattachement pour la désignation du droit applicable, car cela évite d'appliquer dans certaines situations deux droits différents à un même rapport juridique.
Cette solution n'est cependant pas idéale en termes de cohérence de la politique sociale. Elle peut en effet avoir pour conséquence que l'on applique le droit matériel d'un État avec lequel les intéressés n'ont plus aucun lien depuis de nombreuses années.
Le professeur Fallon formule ensuite deux remarques sur la manière dont le code se propose de régler la relation de vie commune :
la proposition de code rencontre le souci d'intégration verticale du rapport juridique. Il cite l'exemple de deux Belges qui ont conclu, en Belgique, un contrat de cohabitation et qui vont ensuite s'établir au Maroc. Si un problème de contribution aux charges du ménage se pose devant un juge belge, le code désigne dans un premier temps la loi de la résidence commune. Le droit marocain ne connaissant pas l'institution du contrat de vie commune, l'article 60, § 4, propose d'écarter le droit étranger si celui-ci n'organise pas de relation équivalente. L'orateur y voit la preuve d'une prise en compte, dans le code, du problème de cohérence verticale évoqué par M. Willems;
la proposition de code est basée sur une technique de solution des conflits de lois garantissant le caractère multilatéral de la règle.
Selon l'orateur, il faut éviter d'appliquer des règles asymétriques qui résolvent différemment les cas belges et les cas étrangers. Or, en permettant de conclure un contrat de vie commune en Belgique dès que l'une des parties est belge ou réside en Belgique, l'on instaure une solution asymétrique. Si l'option recherchée est d'écarter la loi nationale comme règle de rattachement, la seule solution est d'utiliser le facteur de la résidence, mais de manière multilatérale. Dans cette dernière hypothèse, une relation de vie commune ne pourra être conclue que si le droit du pays de la résidence connaît une telle institution.
La ministre rappelle que l'officier de l'état civil, lorsqu'on lui demande de procéder à l'enregistrement d'une déclaration de cohabitation légale, vérifie que les deux personnes sont cohabitantes. La condition de résidence commune est intrinsèque au contrat et vise dès lors les deux parties.
Elle n'est pas convaincue par les arguments développés par le professeur Fallon sur les conséquences illogiques d'une intégration verticale de la loi applicable au contrat de vie commune.
Elle cite l'exemple de deux Belges qui ont conclu un contrat de cohabitation légale en Belgique et qui vont ensuite résider en France. Il serait illogique, comme le prévoit pourtant le code, qu'une des deux parties puissent intenter une action en Belgique, sachant que le juge belge appliquera la loi française (régime du Pacs) qui peut lui être nettement plus favorable que le régime belge de la cohabitation légale. Il semble plus cohérent de soutenir que les parties qui se sont engagées en Belgique, en application du régime belge, restent soumises à la loi belge, tant pour les effets que pour la cessation de leur convention.
Le professeur Fallon remarque que cette analyse du contrat de cohabitation légale insiste sur la nature contractuelle de la relation, ce qui justifierait que l'on applique la même loi aux effets et à la cessation de la relation que celle appliquée à la conclusion.
L'intervenant n'est cependant pas certain que l'on puisse considérer le contrat de cohabitation légale comme un contrat au sens classique du droit civil. Il se réfère aux études publiées en France où une partie de la doctrine a considéré que le Pacs devait s'analyser comme un contrat et qu'il fallait dès lors y appliquer les règles classiques de conflit de lois applicables en matière contractuelle puisque la loi française sur le Pacs ne contient aucune règle spécifique sur ce point. Cette solution conduit cependant à des situations aberrantes de telle sorte que de nombreux auteurs s'interrogent sur la nature purement contractuelle de l'institution.
D'autre part, en dehors de toute considération de droit international privé, le professeur Fallon constate que le législateur belge, en réglementant la cohabitation légale, renvoie pour les effets à une série de dispositions du Code civil sur le mariage, qui s'appliquent par analogie. Il y voit la preuve que, pour ce type de questions de vie, l'on n'est plus dans la sphère des contrats classiques. Le législateur a voulu une certaine impérativité aux effets liés à la conclusion d'un contrat de vie commune. Le droit applicable à ces effets doit pouvoir se détacher d'une approche purement contractuelle.
M. Willems maintient son point de vue. Ce que la proposition de loi à l'examen qualifie de cohabitation est défini d'une manière totalement différente dans plusieurs autres systèmes juridiques. La comparaison ne tient donc pas.
Les règles relatives à la cohabitation légale figurent dans la partie du Code civil intitulée « des biens », donc pas dans le livre Ier, mais bien dans le livre II. L'orateur n'accepte pas l'idée que l'on considère ce système comme une espèce de mini-mariage.
Le but du législateur de l'époque était précisément de dissocier la notion de cohabitation légale de l'idée de relation de couple. La cohabitation légale peut concerner aussi bien deux frères ou deux soeurs, deux personnes dont il se fait qu'elles vivent ensemble, sans qu'il soit question d'une quelconque relation sexuelle.
L'intervenant trouve que la cohabitation légale est une institution très valable. Ce n'est pas à proprement parler une institution, mais plutôt un contrat que l'on passe, que l'on rend opposable aux tiers en le faisant transcrire à l'état civil, précisément pour pouvoir protéger le partenaire ou le cocontractant plus faible. La relation de cohabitation n'est pas à la bonne place dans la proposition; elle devrait en fait figurer dans la partie qui traite des biens.
Il semble indiqué de limiter ici la réglementation. On ne peut en tout cas pas inclure ici la cessation, en droit belge, par exemple du partenariat enregistré de droit néerlandais ou du partenariat de droit scandinave, qui sont reconnus dans notre pays. La comparaison ne tient pas.
Lorsque l'on est confronté à des institutions étrangères de ce type, qui peuvent effectivement être assimilées à un mini-mariage, celles-ci ne peuvent en fait être dissoutes qu'en vertu des règles du lieu où ce contrat a été conclu. La cohabitation légale est quelque chose de différent; la motivation conduisant à la création d'une cohabitation légale peut être tout autre.
M. Hugo Vandenberghe trouve que le titre est en fait trompeur. Il n'y a pas de relation. M. Willems le dit : il y a une cohabitation, assortie d'effets patrimoniaux, organisée par la loi.
M. Mahoux met en garde contre des règles de droit international privé qui mettraient en place un système qui permet aux juridictions belges de rendre des décisions qui n'auraient malheureusement pas de force exécutoire à l'étranger. Une telle solution crée un sentiment de déni de justice chez le justiciable et lui fait perdre confiance dans la justice.
Sur la question de la loi applicable à la relation de vie commune, et sans se prononcer en faveur de tel ou tel critère de rattachement, l'orateur insiste pour que le droit étranger, lorsqu'il est déclaré applicable, ne le soit qu'à la condition qu'il soit compatible avec notre conception éthique de l'organisation de la société. Il pense notamment au principe de l'égalité des genres.
M. Mahoux revient ensuite à l'exemple des deux Français qui ont conclu chez eux un Pacs et qui viennent s'établir en Belgique. Conformément au principe proposé dans le code, c'est le droit de la résidence qui s'applique en cas de conflit. Quelle règle de droit belge va-t-on appliquer à cette situation puisqu'il n'y a pas d'équivalence entre le Pacs français et le contrat de cohabitation légale belge ?
Selon M. Hugo Vandenberghe, la réponse à cette question est pragmatique. Si le litige qui oppose les deux Français en Belgique vise la résidence commune, le juge appliquera les règles du régime primaire en matière de mariage. Il est cependant possible que la réponse soit plus délicate pour certains problèmes lorsque l'institution belge la plus proche ne correspond pas à celle du pays d'origine. Ainsi, si le régime du Pacs impose par exemple des obligations personnelles qui n'existent pas dans le contrat de cohabitation légale belge, le juge devra voir où cette obligation est réglée.
M. Mahoux déduit des débats que lorsqu'il y a correspondance entre l'institution belge et l'institution de droit étranger, il n'y a pas de difficultés. Par contre, la situation est plus délicate lorsqu'il n'y a pas de concordance entre les deux régimes. L'intervenant se demande si le but de la codification est de résoudre ces problèmes par la loi ou si c'est le juge qui devra déterminer quel est le système le plus proche de la situation réelle des parties.
La ministre évoque un autre exemple d'effet pervers de la règle de rattachement proposée dans le code (loi de la résidence) quant aux effets du contrat de cohabitation légale. Elle cite le cas de deux Belges qui concluent un contrat de cohabitation légale en Belgique. Un des buts recherchés est de permettre au cohabitant B de bénéficier du régime favorable des droits de succession prévu par les régions sur l'immeuble détenu par le cohabitant A.
Les deux personnes déménagent en France pour des raisons professionnelles. Le cohabitant A y décède et la partie B souhaite bénéficier des dispositions testamentaires en sa faveur. Le juge belge appliquera la loi française, loi de la résidence des cohabitants.
Or, en droit français, le Pacs n'a des conséquences en matière de succession que si la cohabitation a duré au minimum trois ans. Le juge belge acceptera la dévolution testamentaire mais le cohabitant B ne pourra pas bénéficier du taux préférentiel des droits de succession.
Selon l'intervenante, en appliquant à la relation de vie commune les effets de la loi du pays dans lequel le contrat a été enregistré, l'on évite ce genre de problèmes.
Le professeur Fallon fait observer que le cas soulevé concerne une demande successorale, laquelle sera régie par le droit de situation de l'immeuble, à savoir le droit belge dans cet exemple.
Le professeur Erauw pense que les conséquences sont multiples. Pour certains aspects, l'intervenant est ouvert à une approche plus contractuelle.
S'agissant des relations entre époux dans le cadre d'un régime patrimonial, l'intervenant renvoie à l'article 51 de la proposition. Par analogie avec le mariage, les cohabitants jouiraient d'un plus grand libre-arbitre. Ils peuvent faire dépendre la relation qui les unit du régime patrimonial. Les époux doivent être libres, en dehors du droit contraignant (le statut primaire la protection du domicile conjugal, diverses relations avec les tiers). L'article 51 prévoit que les époux, ou les cohabitants, peuvent choisir leur régime matrimonial et l'on en reste là.
La cohabitation sortit cependant encore d'autres effets. L'intervenant cite l'accès au territoire et le droit successoral. L'on ne peut donc pas affirmer que la relation de cohabitation est une relation purement contractuelle. Il faut tenir compte des conséquences sociales, et pas uniquement des conséquences interpersonnelles.
Le problème de droit successoral évoqué est un problème délicat, qui porte sur la qualification. Comment doit-on considérer la réserve légale d'une femme mariée ou des époux ? Le code en projet dispose en son article 80, § 1er, 6º, que la réserve fait partie de la succession. Si la réserve porte sur un bien immeuble sis en France, il faudrait effectivement appliquer le droit français en l'espèce. Mais même le droit français connaît l'electio juris : les époux peuvent se rendre chez un notaire français et acter que leur héritage sera intégralement soumis au droit belge.
Les cohabitants pourront faire de même, comme l'indique clairement la définition du champ d'application du régime matrimonial, qui figure à l'article 53.
Il convient de dire encore quelques mots de l'intégration verticale, c'est-à-dire le choix du statut auquel on souscrit. Les intéressés peuvent choisir le statut dont ils dépendent puisqu'il leur est loisible de conclure un contrat. À défaut de contrat, ce sera la règle du rattachement au droit de leur résidence commune qui jouera.
Compte tenu de l'article 53 l'exclusion des relations avec les tiers c'est encore en grande partie le droit belge qui s'appliquera en Belgique, et donc le droit local.
Si l'on fait un parallèle entre mariage et cohabitation, il faut faire preuve de la même ouverture d'esprit et de la même approche constructive pour trouver une solution au problème des effets.
Il y a des effets qui ont des conséquences dans la sphère sociale et vis-à-vis des tiers.
L'intervenant renvoie à l'exemple cité par son collègue, le professeur Fallon. Deux personnes ont jadis entamé une relation de cohabitation, par exemple en Slovénie où ce type de relation est autorisé. Ces personnes habitent en Belgique depuis 10 ans. Vat-on leur appliquer le droit slovène ? Le même problème se pose pour les personnes mariées. Nous pouvons respecter le contrat de mariage que les époux ont conclu dans le cadre de leurs relations privées et de plus, ils peuvent conclure un contrat de mariage tout en étant déjà mariés.
Cela reste naturellement un choix politique.
M. Hugo Vandenberghe pense qu'il serait bon qu'à la fin de la discussion, les professeurs dressent une liste des options controversées, pour lesquelles il y a eu une discussion par rapport aux hypothèses de départ du texte. La rédaction d'un code n'a de sens que si nous avons un tout cohérent pour lequel on peut dire que nous avons un accord-cadre sur l'ensemble des problèmes. Si l'on modifie donc certaines hypothèses de départ du texte proposé, il faut en connaître tous les tenants et aboutissants.
Le professeur Fallon signale que le code reprend la distinction classique entre deux types de filiation : la filiation biologique et la filiation adoptive.
Section Ire La filiation biologique (articles 61 à 65)
Il n'y a pas de difficultés en ce qui concerne la compétence internationale ni l'efficacité des jugements en matière de filiation. Pour ce qui concerne la détermination du droit applicable, le droit actuel se caractérise par l'absence de règle légale particulière. La jurisprudence s'est dès lors basée sur le principe général de l'application de la loi nationale (article 3, alinéa 3 du Code civil). Cette solution engendre cependant certaines difficultés car la filiation est une relation entre des personnes qui peuvent avoir des nationalités différentes. Faut-il dans ce cas appliquer la loi nationale de l'enfant, celle du père ou de la mère ?
La jurisprudence opère une distinction basée sur les différents types de filiation biologique connus traditionnellement :
pour la filiation légitime, la Cour de cassation applique la loi nationale du père aux actions en désaveu de paternité;
pour la filiation naturelle, la jurisprudence applique la loi nationale de l'enfant.
Les auteurs de la proposition de code ont estimé que cette distinction classique ne pouvait être maintenue, notamment en raison de l'évolution de notre droit matériel en matière de filiation. Le code propose, à l'article 62, une règle unique qui s'applique dans tous les cas : filiation paternelle, maternelle, dans le mariage, hors mariage, recherche ou contestation de filiation.
Le principe de base proposé est d'appliquer la loi nationale de l'auteur dont la paternité ou la maternité est en cause.
Si l'enfant cherche à établir la filiation maternelle, l'on appliquera la loi nationale de la mère. S'il cherche à établir ou contester la filiation paternelle, c'est la loi nationale du père qui sera appliquée.
Le Conseil d'État a soulevé une difficulté pratique : le critère proposé peut aboutir à un conflit positif de filiations. Le professeur Fallon cite l'exemple d'un enfant pour lequel deux hommes de nationalité différente se présentent comme étant le père. En vertu de la règle générale, l'on applique, à chacune des deux personnes sa loi nationale. Il est possible que chacun des deux hommes soit considéré comme le père en application de son droit national.
Même si ce genre de conflit positif de filiations est rare dans la pratique, le code se devait, dans un souci de systématique, d'y apporter une solution. C'est l'objet de l'article 62, § 2.
À la suite de l'avis du Conseil d'État, les auteurs ont précisé, à l'article 63, la liste des questions juridiques couvertes par la règle de rattachement visée à l'article 62.
M. Hugo Vandenberghe demande s'il y a beaucoup de problèmes dans la jurisprudence en matière de filiation.
Le professeur Fallon estime que non. Dans les années septante, la doctrine a montré que l'application de la loi nationale de l'enfant était un critère difficile à utiliser dans la pratique. Le problème du cercle vicieux suscité par la recherche de la filiation basée sur la nationalité de l'enfant alors que la détermination de la nationalité dépend du lien de filiation a été abondamment commenté en doctrine.
La jurisprudence a suivi une proposition formulée par une partie de la doctrine et qui consiste à se référer à la loi nationale de l'auteur en cas de filiation paternelle et maternelle légitime (application de l'adage mater semper certa est). La proposition reprend cette solution.
Pour être complet, l'intervenant signale que certains juges du fond ont écarté le facteur national au profit du facteur de la résidence. Il pense à une affaire qui concernait des Turcs vivant en Belgique. Or, la loi turque en matière de filiation prévoit des délais de prescription très courts. Le juge a appliqué la loi belge car toutes les parties vivaient en Belgique et il a estimé qu'il y avait une proximité plus forte avec la loi belge.
L'intervenant pense que cette interprétation est discutable de lege lata. De lege ferenda, le code contient une clause générale d'exception qui permet d'écarter la loi normalement applicable en vertu de la règle de conflit de lois au profit d'une autre loi avec laquelle la relation a des liens plus proches. Cette disposition doit garder un caractère exceptionnel.
Mme Nyssens constate que le principe « mater semper certa est » est suivi dans de nombreux pays. Les solutions proposées dans le code restent-elles applicables lorsque le pays étranger ne suit pas le principe précité mais applique des règles de filiation que nous ne connaissons pas ? Elle pense par exemple à l'accouchement sous x en France. Cela pose-t-il un problème de reconnaissance éventuelle de la filiation ?
Le professeur Van Houtte estime que cela n'est pas un problème. En effet, le principe de départ est que le régime applicable est déterminé par la nationalité de la personne qui reconnaît l'enfant. Dans l'exemple évoqué, la mère n'a pas reconnu l'enfant, et la loi pertinente sera la loi nationale de l'homme qui reconnaît éventuellement l'enfant. Il est évident qu'une adoption est également possible.
L'intervenant précise qu'il a fait, dans le passé, une recherche sur la pratique des tribunaux qui l'a amené à constater qu'il y a relativement peu de jugements publiés. Interrogés sur la question de savoir quelle loi ils appliqueraient, les juges avaient donné des réponses très diverses. Cela est inquiétant. Il apparaît que les juges se voient dans l'obligation, en quelque sorte, de « bricoler ». En cette matière, une règle claire, sans trop de variantes, est plus que jamais nécessaire.
M. Zenner revient à l'hypothèse de l'accouchement sous x. Il pense au cas d'un enfant belge entamant une action en recherche de maternité en Belgique car il croit être l'enfant d'une femme française qui a accouché sous x en France. L'orateur déduit des règles prévues par le code que le juge belge reconnaîtra le principe de l'accouchement sous x et rejettera l'action en recherche de maternité.
Le professeur Fallon partage cette analyse.
La ministre constate que, dans le chapitre V, les auteurs ne font pas un simple travail de codification mais qu'il y a un véritable travail législatif. En ce qui concerne l'option proposée dans le code de retenir un critère de rattachement unique applicable aux différents problèmes liés à la filiation, l'intervenante n'y est pas opposée. Elle signale cependant que cette solution n'aboutit pas à l'application d'une loi unique aux problèmes de filiation. Dans les situations complexes, il y aura pluralité de lois applicables.
Le professeur Fallon reconnaît que la règle de rattachement peut aboutir à l'application de plusieurs lois nationales. Il pense cependant que la règle proposée est nettement plus simple à appliquer que la situation actuelle. Il renvoie par ailleurs à l'article 62 du code qui résout notamment le problème du conflit mobile, c'est-à-dire la difficulté suscitée par la modification du facteur de rattachement dans le temps.
Pour la filiation établie de plein droit, c'est la loi de l'État dont l'enfant avait la nationalité au moment de la naissance qui reste applicable. Pour l'établissement de la filiation par acte volontaire, c'est la nationalité au moment de l'acte qui est prise en compte. L'intervenant estime que cela illustre le souci de précision et la volonté de circonscrire le risque de multiplicité de lois applicables à une même situation.
M. Willems a l'impression qu'en matière de filiation, on place la barre très haut et qu'en comparaison avec d'autres matières, la confrontation à la loi belge est très nettement mise en avant. Sur le plan de la reconnaissance également, l'impact du juge belge semble très important.
L'intervenant renvoie à ce propos à la Convention de La Haye concernant la reconnaissance des adoptions. Cette convention a-t-elle une incidence sur les reconnaissances ou les adoptions intervenues dans les pays signataires ?
Le professeur Fallon signale que cette question porte sur les effets de la Convention de La Haye sur l'adoption, une matière qui est traitée à la section 2 du chapitre V. Cette convention est sans incidence sur les questions de filiation biologique.
Mme Nyssens demande si le code permet de prendre en compte d'autres catégories de filiation que la filiation biologique ou adoptive. Elle pense par exemple aux propositions de loi sur la parenté sociale ou à des formes de filiation qui ne sont ni biologiques ni adoptives et qui pourraient exister dans d'autres pays. Est-ce le juge qui devra faire le raisonnement de l'assimilation de l'institution étrangère qui correspond à notre filiation ?
Le professeur Fallon renvoie à la qualification qu'il a fallu donner à une institution de droit marocain : la Kafalla. Selon l'intervenant, cette institution, qui est une prise en charge d'un enfant, est à classer dans la catégorie des mesures de protection de l'enfant et d'autorité parentale.
Le professeur Van Houtte confirme que la jurisprudence considère que cette institution n'est pas une adoption au sens du droit belge.
En ce qui concerne la parenté sociale, et sans avoir analysé de façon détaillée les textes, le professeur Fallon estime que ce sont des mesures entourant l'enfant dans sa vie sociale auxquelles le code applique le critère de la résidence habituelle de l'enfant.
M. Mahoux se demande quels sont les nouveaux types de filiation auxquels il est fait allusion. Il considère qu'il n'existe pas de modulation possible de la filiation biologique, quelle que soit la manière dont le lien biologique est obtenu. Soit la filiation est biologique, soit elle s'établit par adoption. Il n'y a pas d'autre possibilité.
Mme Nyssens fait référence au droit canadien où des textes existent sur de nouvelles formes de filiation. Elle souhaitait savoir si notre législation sur la filiation permet d'appréhender toutes les formes de filiation qui existent à l'étranger et comment de tels cas sont réglés en droit international privé.
M. Hugo Vandenberghe estime qu'il n'est pas possible, lors de la codification du droit international privé belge, d'anticiper toutes les modifications législatives susceptibles d'être apportées dans les systèmes de droit étrangers.
Le professeur Van Houtte attire l'attention sur le fait que la qualification (la question de savoir comment on transpose des faits en notions) n'est pas réglée par le code à l'examen. Si certains faits ne peuvent plus être rattachés à des notions existantes, il faudra instaurer une nouvelle notion.
Section II La filiation adoptive (articles 66 à 72)
Le professeur Fallon signale que la préparation du Code de droit international privé a été entamée vers 1996, en parallèle avec la préparation de ce qui est entre-temps devenu la loi du 24 avril 2003 réformant l'adoption. Cette loi a été adoptée en prévision de la ratification de la Convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération internationale en matière d'adoption.
Le projet de loi réformant l'adoption comprenait initialement un volet sur la détermination du droit applicable à l'adoption internationale. Ce chapitre a été retiré de la loi spéciale pour que les règles de détermination du droit applicable soient intégrées dans le Code de droit international privé. Il n'y a pas de risque d'incompatibilité entre les deux textes sur ce point.
En ce qui concerne la compatibilité des deux textes sur la question de la reconnaissance des adoptions étrangères, l'orateur est plus nuancé. Il est probablement souhaitable d'adapter la proposition de code pour assurer une concordance avec les dispositions de la loi spéciale réformant l'adoption.
Détermination du droit applicable
Le législateur de 1987 a opéré une distinction en fonction de l'âge de l'adopté.
Si l'adopté a plus de quinze ans, c'est la loi nationale de chacune des parties (adoptants et adopté) qui s'applique. Ce rattachement cumulatif est une solution assez stricte car, si la loi d'une des parties ne permet pas l'adoption, celle-ci n'est pas possible. Ainsi, le droit marocain ne connaissant pas l'adoption, il est impossible pour des adoptants belges d'adopter un enfant marocain de plus de quinze ans.
Lorsque l'adopté a moins de quinze ans, le législateur de 1987 a innové en optant pour le critère de rattachement de la résidence. L'adoption simple est permise, même si la loi de l'adopté ou des adoptants ne connaît pas l'adoption, à condition que l'adopté soit né en Belgique ou y réside depuis deux ans ou que les adoptants résident en Belgique depuis cinq ans. Cette solution est cependant fort complexe, et elle ne tient pas compte de personnes résidant dans un autre pays connaissant l'adoption.
Pour la détermination du droit applicable, le code propose une solution qui se rapproche de celle retenue pour la filiation biologique. L'adoption est régie par la loi de l'adoptant ou par celle des adoptants si ceux-ci ont la même nationalité (article 67, alinéa 1er). Lorsque les adoptants n'ont pas de nationalité commune, c'est le droit de la résidence commune des adoptants qui régit l'adoption. À défaut de résidence commune, de manière subsidiaire, c'est la loi belge qui s'applique (article 67, alinéa 2).
D'un point de vue statistique, la règle proposée conduit à ce que la loi belge sera le plus souvent applicable. Cette solution rend également possible l'adoption en Belgique, par deux Belges, d'un enfant marocain. En revanche, cela ne permet pas à deux Marocains vivant en Belgique d'adopter un enfant belge.
Cependant, l'article 67, alinéa 3, prévoit une clause spéciale. Le juge pourra écarter le droit étranger au profit du droit belge, dans l'intérêt manifeste de l'enfant et si les adoptants ont des liens étroits avec la Belgique.
Pour être complet, le professeur Fallon signale qu'une règle particulière est prévue concernant le consentement de l'adopté. Le code se réfère à la loi de la résidence habituelle de l'adopté. Cependant, si la loi étrangère ignore l'adoption ou ne prévoit pas de règle sur le consentement de l'adopté, on en revient au droit belge.
Les auteurs ont également cherché la concordance entre la proposition de code et la loi spéciale sur l'adoption. Le professeur Fallon estime que deux points devraient être précisés. La loi spéciale prévoit que deux règles matérielles doivent être respectées, même lorsque l'adoption est régie par une loi étrangère : c'est la prise en compte de l'intérêt de l'enfant et le consentement de l'adopté s'il a plus de douze ans.
Intérêt de l'enfant
L'article 344-1 du Code civil, inséré par la loi du 24 avril 2003, prévoit que l'adoption ne peut avoir lieu que dans l'intérêt supérieur de l'enfant. Dans les dispositions de droit international privé insérées dans le Code civil par la loi de 2003, il est prévu à l'article 357 que « Quel que soit le droit applicable à l'établissement de l'adoption, les conditions visées à l'article 344-1 doivent être remplies ( ...). ».
Dans la proposition de Code de droit international privé, la prise en compte de l'intérêt de l'enfant est visée à l'article 67, alinéa 3. Cet alinéa prévoit que le droit étranger est écarté lorsqu'il nuit gravement à l'intérêt supérieur de l'adopté.
Le professeur Fallon pense que le renvoi formel, dans la loi spéciale, à l'article 344-1 du Code civil alors que la proposition de code n'y renvoie pas, est de nature à susciter certaines questions lorsque les magistrats devront appliquer ces dispositions.
Pour assurer la concordance entre les deux textes, il serait peut-être souhaitable de supprimer l'alinéa 3 de l'article 67 et de prévoir que cet article s'applique sans préjudice de l'article 344-1 du Code civil.
Consentement de l'adopté
Cette question est réglée à l'article 68 de la proposition de code. Pour déterminer le droit applicable au consentement de l'adopté, l'alinéa 1er renvoie à la loi du pays où l'adopté a sa résidence habituelle. Une règle de protection minimale est prévue à l'alinéa 2 : l'on revient au droit belge si la loi applicable en vertu de l'alinéa 1er ne prévoit pas la nécessité du consentement de l'adopté.
Pour assurer la concordance avec les dispositions de la loi spéciale, le professeur Fallon propose de supprimer l'alinéa 2 de l'article 68 et de prévoir que cet article s'applique sans préjudice de l'article 348 du Code civil, lequel précise « Toute personne âgée de douze ans au moins lors du prononcé du jugement d'adoption doit consentir ou avoir consenti à son adoption. »
Compétence internationale
Le professeur Fallon estime qu'il n'y a pas d'incompatibilité entre le code et la loi spéciale sur ce point. L'article 66 du code vise l'hypothèse de l'établissement et de la révocation de l'adoption. Les hypothèses de la conversion et de la révision de l'adoption ont été ajoutées par la loi spéciale qui renvoie aux règles générales de droit international privé pour déterminer la compétence internationale.
Du point de vue de la technique légistique, il serait préférable de concentrer les règles de compétence internationale dans le code à l'examen et de supprimer, dans la loi spéciale, le renvoi qui y est fait aux règles du droit international privé.
Reconnaissance d'une adoption établie à l'étranger
Le code opte pour une solution assez classique en droit international privé pour la reconnaissance en Belgique d'une adoption prononcée à l'étranger. Un jugement d'adoption est considéré comme un jugement et l'on applique les règles générales sur la reconnaissance des décisions étrangères en matière d'état des personnes. C'est un régime assez libéral puisqu'il ne faut pas passer par un juge belge pour obtenir la reconnaissance de la décision étrangère.
L'article 72 ajoute cependant une condition particulière de compétence : le juge étranger doit être soit le juge de la nationalité soit le juge de la résidence d'une des parties. L'on veut éviter des adoptions touristiques à l'étranger, raison pour laquelle le code impose un lien minimum entre le juge étranger et la situation.
La loi spéciale prévoit quant à elle un système de reconnaissance administrative inspiré du droit germanique. Une autorité administrative (autorité diplomatique ou autorité centrale) belge va devoir se prononcer sur la décision étrangère et vérifier que les conditions prévues dans la loi sont remplies. Ce système est plus strict que celui proposé dans le code car il n'y a pas de reconnaissance de plein droit de la décision étrangère. Le professeur Fallon pense que l'article 72 du code n'est pas compatible avec les conditions prévues dans la loi spéciale. Il propose, dans l'article 72, de renvoyer à la loi spéciale.
Enfin, pour être complet, il faut souligner que lorsque la Convention de La Haye sera ratifiée par la Belgique, ce sont les dispositions de la Convention qui s'appliqueront à la reconnaissance des décisions d'adoption émanant d'autorités d'un État partie.
Mme Nyssens déduit de l'exposé qu'il ne faut plus passer par la procédure d'exequatur pour reconnaître une décision d'adoption étrangère. Les autorités administratives prendront-elles leurs responsabilités pour reconnaître de plein droit les décisions étrangères ? La solution proposée va-t-elle changer la situation sur le terrain ?
Elle fait ensuite référence au problème pratique auquel sont confrontées de nombreuses personnes adoptées à l'étranger et dont l'adoption a été homologuée en Belgique. Ces personnes éprouvent souvent des difficultés lorsqu'elles doivent produire un certificat de naissance. À défaut, elles font valoir leur jugement d'homologation mais cette solution n'est pas admise. Comment peut-on résoudre ce problème pratique ?
M. Mahoux insiste pour que la sécurité des adoptants soit totale. Comment peut-on garantir une sécurité maximale pour que les adoptions pratiquées à l'étranger ne fassent pas l'objet de contestations de la part des juridictions belges ? De telles remises en cause ont des conséquences humaines désastreuses.
Par ailleurs, si l'on admet que notre pays exerce un contrôle sur les décisions d'adoption rendues à l'étranger, il faut accepter que les pays étrangers exercent un contrôle sur les décisions d'adoption rendues en Belgique. Il faut s'assurer que les décisions belges ne fassent pas l'objet de contestations à l'étranger.
En ce qui concerne la question de l'exequatur, le professeur Van Houtte souligne qu'il est parfaitement possible d'assigner l'officier de l'état civil et de demander, dans cette procédure, la reconnaissance du jugement. Les critères de contrôle sont identiques.
L'idéal serait évidemment que tous les actes belges soient reconnus à l'étranger, mais cela n'est pas toujours possible. C'est également la raison pour laquelle les compétences belges sont plutôt limitées. Le juge belge n'est compétent que si des Belges sont concernés ou si la résidence habituelle est établie en Belgique. Le tourisme à des fins d'adoption est donc exclu.
C'est le droit étranger qui détermine si une adoption belge est reconnue à l'étranger.
En complément, le professeur Fallon ajoute que la technique juridique a ses limites et qu'elle ne permet pas d'assurer à 100 % que tout jugement rendu en Belgique sera efficace à l'étranger. L'on peut cependant essayer de réduire le nombre de problèmes.
La première piste de solutions est de nature multilatérale. La Convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération internationale en matière d'adoption assure, entre les États parties à la convention, l'efficacité des jugements d'adoption rendus dans un État partie. Plus le nombre d'États qui ratifieront la convention est élevé, plus grande sera la sécurité juridique.
La seconde possibilité est de nature unilatérale. L'orateur estime que le critère, proposé dans le code, d'appliquer le droit du pays d'origine des adoptants lorsqu'ils ont la même nationalité, anticipe certains problèmes éventuels. Ainsi, il semble plus probable, si les deux adoptants quittent notre pays, qu'ils retourneront dans leur pays d'origine, lequel ne devrait pas faire problème pour reconnaître l'adoption pratiquée en Belgique en application du droit étranger. Il n'est cependant pas possible d'anticiper toutes les situations possibles.
Enfin, le professeur Fallon précise que le système de la reconnaissance administrative retenu dans la loi spéciale a le mérite d'offrir la sécurité juridique car il y a une décision d'une autorité administrative.
M. Mahoux rappelle que le nombre d'enfants adoptables en Belgique est très réduit. De nombreux candidats adoptants sont obligés de se tourner vers l'étranger. Il est vraiment fondamental qu'on puisse leur donner les garanties juridiques que le jugement d'adoption rendu à l'étranger sera reconnu en Belgique.
Le professeur Fallon signale que ce souci de sécurité juridique est rencontré dans le code. Celui-ci confirme et étend la pratique de l'action en opposabilité d'un jugement étranger. Les adoptants ou l'adopté peuvent, même en dehors de tout procès, demander à un juge belge de se prononcer sur la décision d'adoption étrangère.
La ministre demande une précision concernant l'application de l'article 67, alinéa 3. Cette disposition permet d'écarter le droit étranger applicable en vertu des principes du code lorsque cela nuit manifestement à l'intérêt supérieur de l'adopté. Peut-on imaginer que cette clause joue en sens inverse et permette d'écarter le droit belge lorsque le droit étranger autorise l'adoption mais que le droit belge ne l'admet pas ?
Le professeur Fallon répond que l'hypothèse la plus fréquente sera celle où la loi étrangère, qui ne permet pas l'adoption, sera écartée au profit du droit belge. La notion d'intérêt supérieur de l'enfant n'est pas définissable a priori. C'est au praticien et au juge qu'il appartient de l'appliquer au cas concret.
La condition matérielle de l'adopté est un élément important lorsqu'il faut apprécier son intérêt supérieur. L'orateur cite l'exemple d'un enfant mineur orphelin qui est dans un organisme de placement en Belgique et pour lequel il existe une possibilité d'adoption alors qu'une disposition du droit étranger rend cette adoption impossible. Si c'est le seul motif rendant l'adoption impossible, il est probable que le juge écartera le droit étranger et considérera que l'adoption est dans l'intérêt supérieur de l'enfant car celui-ci est dans le besoin d'un point de vue affectif et matériel.
L'intervenant rappelle ensuite que le droit belge admet également l'adoption d'un majeur, ce que de nombreux droits étrangers ne connaissent pas. Dans l'exemple évoqué ci-avant, si l'adopté est majeur, il est probable que le juge, sauf circonstances particulières, ne prononcera pas l'adoption, comme le confirme un arrêt de la Cour de cassation du 10 avril 2003.
La ministre revient à la question qui visait l'hypothèse inverse de celle évoquée par le préopinant. Elle prend le cas d'un couple homosexuel dont le droit national permet d'adopter un enfant belge alors que le droit belge ne le permet pas. Le juge belge va-t-il utiliser l'alinéa 3 pour écarter l'adoption ?
Le professeur Fallon répond qu'actuellement, en droit comparé, seul le droit néerlandais permet l'adoption par des adoptants du même sexe. Il pense que le droit néerlandais impose comme condition que l'adopté doit être Néerlandais et résider aux Pays-Bas. Dans l'exemple évoqué, il est probable que l'adoption en Belgique d'un enfant belge par un couple de Néerlandais du même sexe, ne serait pas possible en application du droit néerlandais.
La seule hypothèse possible pour un couple homosexuel hollandais qui vit en Belgique, serait d'adopter un enfant néerlandais. Le problème est de savoir si la notion d'intérêt supérieur de l'enfant ou éventuellement celle d'ordre public international doit être utilisée pour s'opposer à une telle adoption au motif qu'elle pourrait être nuisible pour l'enfant. Sous réserve d'un examen plus approfondi, le professeur Fallon pense que l'adoption d'un enfant néerlandais par un couple du même sexe sera probablement admise par le juge belge car, en termes de proximité de la situation avec l'ordre juridique belge, l'exception d'ordre public ne devrait pas jouer ici. En ce qui concerne l'intérêt de l'enfant, le juge fera probablement appel à une expertise psychologique pour s'assurer que l'adopté n'est pas mis en situation difficile par rapport au profil des adoptants.
La ministre en conclut que l'article 67, alinéa 3, trouve à s'appliquer au cas par cas, en fonction de la situation concrète mais que cette disposition n'a pas pour objectif d'écarter systématiquement des types d'adoption qui pourraient ne pas être connus en droit belge mais bien à l'étranger.
Le professeur Van Houtte confirme que la notion de l'intérêt de l'enfant est ancrée dans le droit, y compris dans le droit international privé, et qu'on lui a conféré un contenu limité. Selon l'intervenant, il n'y a aucun risque de voir soudainement le contenu de cette notion s'étendre considérablement.
M. Mahoux demande si l'on procède également à un examen des conditions d'adoptabilité en fonction des différents pays.
Le professeur Fallon fait remarquer que la réponse juridique à la question d'adoptabilité figure dans la loi spéciale belge sur l'adoption, qui précise quels documents attestant de l'adoptabilité doivent être présentés à l'autorité. Ces formalités sont applicables dans le cadre international dès que l'adoption est passée en Belgique. Le juge applique dans ce cas les conditions de la loi spéciale.
Le code a une portée assez limitée sur la question de l'adoptabilité. Il détermine la loi applicable à certaines conditions de l'adoption (l'âge pour être adopté, empêchements bilatéraux). Pour la reconnaissance des décisions étrangères d'adoption, les réponses sont à trouver dans la loi spéciale.
En ce qui concerne la loi applicable à la révocation de l'adoption, la ministre constate que l'article 71 opte pour le droit de l'État dont l'adoptant a la nationalité lors de la demande de révocation. Il est dès lors possible que la loi applicable à la révocation soit différente de celle applicable lors de l'établissement de l'adoption, lorsque l'adoptant a changé de nationalité. Est-ce logique ?
Le professeur Fallon répond que l'orientation proposée est basée sur l'idée qu'il est préférable de se prononcer sur la révocation en fonction de la situation telle qu'elle se présente au moment de la demande. La solution proposée au conflit mobile vise à désigner la loi la plus proche de la situation au moment de l'action. Mais il est techniquement acceptable de faire régir l'adoption, depuis l'établissement jusqu'à la révocation, par une loi unique. Les deux solutions sont possibles.
La ministre pense que la solution proposée dans le code peut aboutir à des situations illogiques. Elle cite l'exemple d'une adoption effectuée sous l'empire d'une loi qui n'admet pas la révocation. En changeant de nationalité, l'adoptant pourrait déjouer cette impossibilité et opter pour une loi nationale qui connaît la révocation. Dans la mesure où, concernant la loi applicable à la révocation, il n'y a pas d'argument technique en faveur d'une option ou d'une autre, l'intervenante est favorable au système de la loi unique. De la sorte, l'adoptant sait quelles sont les règles qui régissent l'adoption et celles-ci sont maintenues jusqu'au bout de l'institution.
M. Zenner pense qu'il ne faut pas exagérer les risques évoqués par la ministre. Il n'est en effet pas aisé de changer de nationalité.
Chapitre VI Obligation alimentaire (articles 73 à 76)
Le professeur Fallon signale que le but de la proposition est de soumettre à une loi unique les différentes hypothèses d'actions alimentaires. Le droit international privé belge ne comprend pas, à l'heure actuelle, de règle légale en matière d'aliments. Toutefois, la Belgique a ratifié la Convention de La Haye du 24 octobre 1956 sur la loi applicable aux obligations alimentaires à l'égard des enfants. Son champ d'application est très limité car elle ne vise que les cas où l'enfant réside sur le territoire d'un État contractant. D'autre part, en ce qui concerne les aliments entre époux, il n'y a rien. Une règle de droit commun est souhaitable.
La jurisprudence des années soixante et la doctrine ont longtemps rattaché la question des aliments à celle de l'état et de la capacité des personnes, en appliquant la loi nationale. En droit comparé et au sein de la Conférence de La Haye, c'est le critère de la résidence habituelle du demandeur d'aliments qui est devenu habituel. Le code propose, à l'article 74, de suivre ce principe, sous réserve de deux nuances.
Lorsqu'il y a fuite du créancier alimentaire : l'orateur cite l'exemple d'un créancier alimentaire belge, qui part résider en France, alors que le débiteur alimentaire, qui est lui aussi belge, reste dans le pays de la nationalité. Il serait choquant, en application de la règle générale, de soumettre cette situation au droit français. L'article 74, § 1er, alinéa 2, utilise le critère de rattachement national de telle sorte que le litige sera soumis au droit belge, qui est le droit avec lequel la situation a le plus d'éléments de convergence.
Pour les aliments entre époux ou envers les enfants, l'article 74, § 2, prévoit une clause d'ordre public qui déroge au principe de rattachement à la loi de la résidence du créancier d'aliments. Lorsque le droit désigné n'attribue pas d'aliments, le § 2 propose une solution en cascade, inspirée de la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur la loi applicable aux obligations alimentaires. L'on appliquera, comme solution alternative, le droit national du créancier et du débiteur d'aliments et, en dernier ressort, le droit belge si le droit étranger normalement désigné n'attribue pas d'aliments.
Le professeur Fallon souligne que la Convention de La Haye de 1973 sur la loi applicable aux aliments n'a pas été ratifiée par la Belgique car elle présentait un défaut majeur : elle prévoit, pour les aliments entre ex-époux, que l'on applique la loi applicable au divorce.
Or, cette solution présente un inconvénient majeur si la dissolution du mariage est prononcée dans un pays de droit musulman où les aliments ne sont pas dus à la femme. Si une action alimentaire est introduite en Belgique par un créancier d'aliments vivant en Belgique, celui-ci n'aurait pas droit à des aliments en application des principes de la Convention de La Haye.
Le code s'inspire largement des solutions positives contenues dans la Convention de La Haye mais en élimine les aspects plus criticables.
M. Hugo Vandenberghe constate que l'option retenue par la Convention de La Haye d'appliquer aux aliments la même loi que celle applicable à la dissolution du mariage, est défendable au niveau des principes. Il rappelle que pour l'adoption, certaines personnes ont plaidé pour que l'on applique à la révocation la même loi que celle appliquée lors de son établissement.
Mme Nyssens demande si, pour les pays membres de l'Union européenne, la matière des aliments n'est pas réglée par les Conventions de Bruxelles.
Le professeur Van Houtte répond que le règlement de Bruxelles I concerne la compétence judiciaire. Cet acte ne vise pas les conflits de lois.
Le professeur Fallon précise que l'article 73 (règle de compétence internationale en matière d'obligation alimentaire) du code ne jouera pas chaque fois que l'action entre dans le champ d'application du règlement de Bruxelles I, c'est-à-dire, lorsque le débiteur d'aliments est domicilié dans un pays membre de l'Union européenne à l'exception du Danemark.
Mme Nyssens estime que la proposition de code permet de protéger les femmes maghrébines qui vivent en Belgique et qui font valoir leurs droits à des obligations alimentaires chez nous.
Le professeur Fallon confirme que c'est un des intérêts du code. Actuellement, les juges ont tendance à écarter, pour des motifs divers, la loi étrangère, lorsqu'ils se prononcent sur une demande d'aliments introduite par un couple uninational d'Algériens ou de Marocains vivant en Belgique. Cette pratique jurisprudentielle est contra legem car les actions alimentaires sont régies par la loi nationale des parties. Le code permet de résoudre ces difficultés car il permet de protéger sociologiquement les demandeurs d'aliments vivant en Belgique.
La ministre voit un intérêt essentiel dans les dispositions du chapitre VI. Quelle que soit la solution réservée à la question de la répudiation, l'article 74 permet à la femme de bénéficier d'une solution avantageuse car l'on favorise systématiquement le choix d'une loi qui connaît l'existence d'aliments en faveur de la personne considérée. Cela ne résout cependant pas la question de l'exécution à l'étranger des décisions prises par les juridictions belges en matière d'aliments.
En ce qui concerne les conventions alimentaires, l'intervenante constate que l'article 75, § 3, prévoit que la convention est valable quant à la forme si elle répond aux conditions prévues soit par le droit normalement applicable en vertu des règles de rattachement soit en vertu du droit de l'État sur le territoire duquel elle a été conclue. Quelle est la logique qui consiste à rendre valable une convention sur la base d'un droit autre que celui de l'État où elle est conclue ?
Le professeur Van Houtte renvoie à la règle générale selon laquelle les conditions de forme peuvent être réglées par une autre voie, soit en vertu de la lex causae, soit en vertu du lieu. Il n'y a aucune raison pour que le droit international soit plus sévère en l'espèce en ce qui concerne la souplesse des formalités.
Chapitre VII Successions (articles 77 à 84)
Sur la question de la compétence internationale des tribunaux belges en matière de succession, le professeur Fallon renvoie à l'article 77 de la proposition de code.
En ce qui concerne le droit applicable aux successions, l'orateur rappelle qu'il n'existe pas de règles légales. La jurisprudence a dégagé une solution nette en distinguant deux types de masse :
la masse successorale mobilière, qui est unique et qui est régie par la loi du lieu d'ouverture de la succession, c'est-à-dire la loi du lieu où le défunt avait sa dernière résidence habituelle;
la masse immobilière, qui peut être multiple, et qui est régie par la loi du lieu de situation de l'immeuble.
À la demande du notariat, le code confirme la pratique actuelle concernant les règles applicables à la dévolution successorale, sous réserve de deux nuances.
Pour les successions immobilières, l'article 78, § 2, alinéa 2, préconise un renvoi simple lorsque le droit international privé du pays où est situé l'immeuble désigne la loi de la dernière résidence habituelle du défunt. Le professeur Fallon précise que ce renvoi n'est pas aveugle et que le code opte, de manière exceptionnelle, pour cette solution car elle permet de revenir à une unité de la masse successorale.
L'article 79 propose d'introduire une nouveauté, en permettant à une personne de choisir la loi qui va régir sa succession. La personne peut, de la sorte, reconstituer elle-même l'unité de la masse successorale. L'option de législation n'est pas totalement libre. L'autonomie de la volonté est limitée à la désignation du droit de la nationalité ou du droit de l'État dans lequel la personne avait sa résidence habituelle au moment de la désignation ou du décès. D'autre part, ce choix ne peut avoir pour conséquence de détourner les règles sur la réserve.
L'intervenant signale que l'idée de permettre une certaine autonomie de la volonté en matière successorale avait été retenue dans la Convention de La Haye de 1989 sur le droit applicable aux successions. Cette convention n'a cependant pas rencontré beaucoup de succès car elle mettait en place un régime fort compliqué. Les auteurs du code se sont inspirés des éléments positifs de cette convention.
M. Hugo Vandenberghe demande des précisions concernant l'article 79 proposé. Quid lorsqu'on possède la nationalité d'un État doté d'un système fédéral ou confédéral, au sein duquel les entités (con)fédérées appliquent des droits successoraux différents ? L'intervenant cite l'exemple des États-Unis, où certains États permettent de déroger au système de la réserve. Peut-on, le cas échéant, choisir d'appliquer le droit privé de tel État plutôt que celui d'un autre ?
Le professeur Fallon répond que l'article 17 du code, qui vise les systèmes plurilégislatifs, apporte un début de solution au problème évoqué. Il pense que le juge belge regardera quelle est la règle de conflit de lois interne qui existe aux États-Unis en matière de succession intra-américaine et qu'il tentera de l'utiliser. Si pareille règle n'existe pas, l'article 17 renvoie à la loi de l'État américain avec lequel la succession a les liens les plus étroits, le choix effectué pouvant constituer un indice.
La ministre n'a pas de position définitive concernant le principe de l'option de législation proposé à l'article 79. Elle se demande cependant si, par le choix d'une loi applicable à la succession, l'on ne permet pas d'éviter tout ou partie des droits de succession qui seraient normalement dus en vertu de la loi désignée en application des principes définis à l'article 78.
M. Hugo Vandenberghe pense que le chapitre VI du code ne règle pas les aspects fiscaux de la succession.
Le professeur Fallon partage cette analyse.
Le professeur Van Houtte note que le fisc applique le droit fiscal belge même aux biens immeubles sis à l'étranger qui sont indéniablement soumis à la loi du lieu où ils se trouvent.
La ministre demande quelles sont les conséquences d'une application combinée de l'article 78, § 2, alinéa 2, et de l'article 79. Elle cite l'exemple d'un Belge disposant d'une fortune mobilière importante. Dans le but de planifier sa succession, il achète un immeuble à l'étranger, dans un pays où les droits de succession sont favorables, et il unifie le droit applicable à sa succession en optant pour le droit du pays de la situation de l'immeuble. De la sorte, il soumet l'ensemble de sa succession à un régime fiscal plus favorable.
Le professeur Fallon répond que l'option de législation prévue dans le code ne permet pas au futur défunt de désigner la loi du lieu de l'immeuble. Seul le choix de la loi de la nationalité ou du lieu de la résidence est admis.
L'orateur précise que la question met en exergue une pratique existante de la part de testateurs qui modifient la nature de leur patrimoine pour « mieux préparer » leur succession. Ils achètent, par exemple, un immeuble au Royaume-Uni, pays qui ne connaît pas la réserve. Cette construction peut avoir pour conséquence que la réserve qu'auraient eue les héritiers sur la part mobilière du patrimoine est altérée. La solution du renvoi proposée à l'article 78, § 2, alinéa 2, permet d'atténuer cette pratique et de neutraliser la stratégie du défunt lorsque le droit étranger de l'État sur lequel se situe l'immeuble désigne le droit de la résidence du défunt. Cette règle ne permet cependant pas de solutionner tous les problèmes.
La ministre veut savoir jusqu'où l'on peut aller en application des principes du code. Elle pense à un Belge qui décide de déménager au Royaume-Uni où il achète un immeuble. Conformément à l'article 79, il décide de soumettre sa succession au droit britannique. Il peut ainsi éviter la réserve puisque cette institution n'existe pas en droit anglais.
Le professeur Fallon indique que le droit actuel permet déjà ce résultat. Il pense que la seule solution qui permette de rencontrer la préoccupation de la ministre serait d'appliquer, en droit des successions, la loi belge dans tous les cas. Cette solution extrême n'est cependant pas réaliste.
La technique de l'exception de la fraude à la loi pourra jouer dans les cas exceptionnels pour contrecarrer les intentions de fraude.
M. Willems demande si aucun problème ne se pose en matière d'application du droit international privé aux biens mobiliers (comme les comptes bancaires à l'étranger). L'intervenant fait référence, notamment, aux cas de saisie des comptes en question.
M. Van Houtte répond que l'héritier réservataire peut en tout cas exiger devant le juge belge le respect de son droit à la réserve, y compris en ce qui concerne les comptes bancaires.
M. Hugo Vandenberghe note qu'il appartient au législateur de définir les principes. Il incombe ensuite au juge de trouver le droit adéquat à la lumière des principes fixés.
Chapitre VIII Biens (articles 85 à 95)
Le professeur Fallon indique que la matière traitée dans ce chapitre, si elle ne semble pas susciter de problèmes politiques majeurs, soulève par contre des difficultés techniques.
L'une des difficultés est que, dans la pratique, une question relative à un bien aura des relations avec différentes catégories juridiques à la fois.
Il y a le droit réel c'est-à-dire l'emprise sur une chose , la question contractuelle, et l'incidence éventuelle d'une procédure d'insolvabilité.
Or, en droit international privé classique, ces trois catégories juridiques peuvent relever de règles différentes.
En outre, le législateur national a perdu une partie de sa liberté en matière de droit des contrats et de droit de la faillite internationale, et doit respecter les actes internationaux en vigueur en Belgique en cette matière.
Le chapitre VIII ne comporte pas de dispositions révolutionnaires. Les auteurs du texte se sont surtout efforcés de consolider des règles existantes fort anciennes.
Le principe qui régit la matière est celui de la lex rei sitae, c'est-à-dire le droit du pays où le bien se trouve.
Ce principe, essentiellement pratique et généralement accepté en droit comparé, est repris par le chapitre VIII.
Il existe une difficulté en ce qui concerne la localisation d'universalités ou de biens incorporels représentés par un titre.
Dans la discussion de ce chapitre, la question stratégique sera de savoir jusqu'où il faut aller dans les détails, avec le risque de ne pas envisager toutes les hypothèses possibles.
Le chapitre traite classiquement de la compétence et du droit applicable; il comporte en outre une règle spécifique sur la reconnaissance des jugements en matière de propriété intellectuelle.
Les articles 85 et 86, relatifs à la compétence, opèrent une distinction entre les litiges portant sur des droits réels sur un bien corporel, et ceux portant sur la protection de la propriété intellectuelle.
Pour les biens corporels, outre la règle générale de compétence du domicile du défendeur en Belgique, on trouve le critère du lieu de situation du bien.
Pour les droits de propriété intellectuelle, on reprend des règles figurant dans la Convention de Bruxelles de 1968. Lorsque le droit est inscrit dans un registre, les tribunaux du pays du registre sont compétents. Dans les autres cas, les tribunaux belges sont compétents, lorsque la protection du droit est recherchée en Belgique.
En ce qui concerne le droit applicable, la proposition reprend le principe lex rei sitae à l'article 87.
Des cas particuliers sont prévus pour les choses en mouvement, pour la revendication d'un bien culturel par l'État, dans le cas où le bien culturel a été exporté illicitement, pour les biens volés, et pour les titres (lorsqu'il s'agit d'une inscription dans un registre ou sur un compte).
L'article 87, qui régit les droits réels sur les biens corporels, désigne la loi du lieu de situation au moment où le droit est invoqué (loi du lieu de situation actuelle).
Le § 2 de l'article vise l'hypothèse particulière du conflit mobile. Il prévoit que, pour connaître les conditions d'acquisition ou de perte d'un droit réel, il faut se reporter au moment où le droit est prétendument acquis.
Le mot « prétendument » a été inséré suite à une observation du Conseil d'État, soulignant que l'on créait un cercle vicieux en soumettant la question de la validité de l'acquisition à la loi du pays de situation au moment de l'acquisition.
Comme l'indiquent les développements, on vise ici le genre de cas suivant : une voiture acquise en Allemagne est volée et se retrouve en Belgique en possession d'un tiers. Une action en revendication est introduite par le propriétaire allemand de la voiture.
La portée du texte proposé est la suivante. La question de savoir si le possesseur jouit d'une protection dépend du droit belge (§ 1er de l'article 87 lieu de situation actuelle).
La question de savoir si le demandeur en revendication peut être propriétaire de la voiture dépend du droit allemand, qui déterminera par exemple s'il y a eu transfert de propriété par remise de la chose à l'époque où la voiture se trouvait en Allemagne.
Il faut ici concilier le droit de la situation ancienne d'un bien, et celui de sa situation actuelle. Une préférence sera accordée à cette dernière.
M. Hugo Vandenberghe fait remarquer que l'article 87 proposé ne s'applique qu'aux droits réels sur les biens corporels. Or, il existe aussi des droits réels sur les biens mobiliers incorporels. Où trouvera-t-on le critère de rattachement par exemple pour ce qui est de l'usufruit de créances ?
En droit néerlandais et en droit allemand, on fait une distinction entre les droits réels qui ne concernent que des biens corporels, et les autres droits patrimoniaux. En droit belge et en droit français, les droits réels peuvent porter tant sur des biens corporels que sur des biens incorporels.
Le professeur Erauw estime que les articles 87, 90 et 91 de la proposition de loi à l'examen offrent une réponse suffisante à ce problème.
L'intervenant renvoie également à l'exposé des motifs relatif à l'article 87, qui mentionne la pratique concernant les droits réels sur les titres qui attestent l'existence d'une obligation, comme le droit de créance.
En ce qui concerne les droits réels sur les valeurs ou sur les droits de créance ayant la forme d'un titre, c'est la lex rei sitae, la loi de l'endroit où se trouve le titre, qui est applicable.
Le droit néerlandais détaille toutes ces questions de manière approfondie. En droit belge, on a opté pour une règle générale. L'article 87 concerne également les droits de créance sur papier, l'article 93 porte sur un large éventail de droits intellectuels et l'article 91 concerne les titres qui attestent un droit de créance et qui sont négociables.
L'intervenant reconnaît qu'en ce qui concerne les droits réels sur les avoirs bancaires, on ne sait pas toujours bien où se trouvent les avoirs bancaires. Dans la pratique, on part du principe que le droit réel peut être établi lors de la domiciliation du compte bancaire.
M. Hugo Vandenberghe maintient son point de vue. En droit belge, les droits réels peuvent porter aussi bien sur des biens corporels que sur des biens incorporels. Il y a une différence entre un droit réel et un droit de créance. Dans le cas des titres nominatifs, on peut parler d'un droit de créance, dans le cas de titres au porteur, par contre, il est question d'un droit réel sur un bien incorporel.
L'intervenant estime qu'il vaudrait mieux trouver un point de rattachement pour les droits réels sur des biens mobiliers incorporels. En effet, le droit belge fait une nette distinction entre les droits réels sur des biens corporels, les droits réels sur des biens incorporels et les droits réels sur des droits intellectuels.
M. Zenner souligne que la discussion revêt ici une double dimension politique.
Tout d'abord, plus encore que dans d'autres matières, la sécurité juridique est ici indispensable au développement des activités internationales, car elle affecte l'importance des places financières.
Si des places comme celles de New-York, Londres ou Luxembourg se développent, c'est parce que le droit y est beaucoup plus sûr, et plus adapté que chez nous aux réalités actuelles.
En outre, on se trouve aujourd'hui devant une situation assez choquante, où une série de dispositions inspirées par le souci d'assurer l'avenir de la place financière de Bruxelles, ou à tout le moins de conserver ce qu'il en reste, sont adoptées, qui adaptent certes notre droit, mais uniquement en faveur des institutions financières.
En 1993, on a prévu l'opposabilité totale de la compensation.
Lorsqu'on a introduit le concordat, on a précisé que la règle selon laquelle il ne peut être mis fin aux contrats en cours ne s'appliquerait pas aux institutions financières.
Au niveau européen, des directives visant spécifiquement les questions relatives aux institutions financières ont été adoptées.
Il existe aussi depuis peu une directive relative aux garanties en général, qui doit être transposée.
L'intervenant conclut qu'il lui paraît fondamental de ne pas avoir un droit « à deux vitesses », l'un pour les institutions financières, et l'autre pour les autres entreprises.
C'est pourquoi il plaide depuis longtemps pour que l'on donne une valeur générale à ces règles édictées pour les institutions financières.
À propos de l'article 85, l'intervenant observe que cette disposition ne traite que des droits réels sur un bien corporel, sans doute pour éviter des localisations fictives.
Il ne faut pas en déduire que l'on ne vise pas les droits réels sur des biens incorporels, auxquels s'applique le droit commun des articles 5 et suivants.
Une autre remarque concerne les chapitres 8 et 11, qui ne comportent pas de dispositions relatives au droit applicable aux privilèges qui ne constituent pas des sûretés réelles.
Or, beaucoup de questions se posent par exemple sur leur cessibilité, sur leur caractère dans ou hors commerce, ...
En matière de droits incorporels se pose la question de l'opposabilité, de la cession, de la mise en gage, etc. Les cessions fiduciaires se pratiquent très largement mais, en Belgique, la jurisprudence a estimé que l'on pouvait mettre en place des mécanismes préférentiels, c'est-à-dire des constructions contractuelles faisant échapper un bien au patrimoine du débiteur de sorte qu'en cas de faillite ou de défaillance, il garantisse la personne qui en a, par exemple, financé l'acquisition.
La cour d'appel de Liège, puis la Cour de cassation, ont estimé ces mécanismes valables, sous réserve de l'application de la règle fraus omnia corrumpit. Depuis des années, la doctrine s'interroge sur le sens de cette jurisprudence.
Dès lors, en Belgique, on ne fait pas de cession fiduciaire, mais on préfère pour cela aller à Luxembourg ou à Londres.
Le mécanisme de la compensation, et son opposabilité, suscitent aussi de nombreuses questions.
Il en va de même de la clause d'inexécution, de la clause résolutoire expresse, etc.
Ces incertitudes dans notre droit ont pour conséquence que, tous les jours, des opérations sont signées à l'étranger, avec une clause d'attribution de compétence au droit étranger.
Il est possible que, comme l'indique le professeur Erauw, certains de ces points soient couverts implicitement.
Cependant, les choses ne sont pas claires, car on pourrait aussi dire que certains aspects sont couverts par les dispositions relatives à l'insolvabilité. Or, celle-ci ne couvre pas toutes les formes de concours. Par exemple, la liquidation volontaire, de plus en plus fréquente, n'est pas visée ici par les dispositions sur l'insolvabilité.
Dans certains cas, des conflits peuvent survenir sans qu'il y ait concours, par exemple en cas de saisie ou de cession.
Ainsi, la cour d'appel de Liège a examiné le point de savoir si l'exception d'inexécution pouvait être opposée quand la compensation ne pourrait pas l'être parce que le cessionnaire avait accepté la compensation.
Toutes ces questions sont complexes. Ce n'est pas parce que le chapitre relatif à l'insolvabilité comporterait un renvoi au règlement européen en la matière qu'elles seraient nécessairement réglées.
Enfin, le règlement communautaire ne contient que de très rares dispositions de conflit de lois, de sorte que l'on ne peut guère s'en inspirer.
Quant à la Convention de Rome, elle ne s'applique qu'aux obligations contractuelles.
M. Hugo Vandenberghe estime que la remarque relative à la lecture conjointe du chapitre VIII sur le régime des biens, du chapitre IX sur les obligations et du chapitre XI sur l'insolvabilité est fondée.
L'intervenant fait observer que l'article 94 ne mentionne que les sûretés réelles. Qu'en est-il de l'ordre des sûretés personnelles ?
M. Zenner ajoute que la question est d'autant plus importante que l'on semble assister à un revirement de la Cour de cassation. Très réticente, jusqu'en 1997, à l'égard de toutes ces nouvelles pratiques, elle semble évoluer vers une meilleure reconnaissance de la liberté contractuelle.
M. Hugo Vandenberghe confirme que l'on a créé de nouvelles sûretés sous l'influence du droit étranger.
M. Zenner approuve ce qui vient d'être dit et demande si les privilèges tombent également sous l'application de cet article. En effet, selon le règlement européen, les privilèges ne sont pas des sûretés réelles. Il y a en outre aussi de nouvelles formes de sûreté.
Le professeur Fallon répond qu'il faudra effectivement établir la hiérarchie entre les différentes sûretés réelles et personnelles.
L'article 94 ne concerne par définition que les sûretés réelles, puisqu'il vise l'article 87.
Le professeur Fallon fait remarquer qu'en ce qui concerne la hiérarchie entre les sûretés, évoquée à l'article 94, 7º, il serait peut-être judicieux de compléter cet article par un § 2, précisant que le 7º s'applique aussi à la hiérarchie entre sûretés réelles et personnelles.
Pour le reste, l'intervenant souligne que soit il s'agit d'un droit sur un titre nominatif auquel cas l'article 91, § 1er prévoit l'application de la loi du lieu d'enregistrement , soit il s'agit de sûretés issues de la pratique et qui sont conventionnelles.
Or, pour le droit des contrats, nous sommes liés par la Convention de Rome, et peut-être bientôt par un règlement communautaire dit « Rome I », qui déterminera le droit applicable aux obligations contractuelles.
M. Zenner fait observer que la Convention de Rome ne règle que les aspects contractuels, et non les effets externes d'opposabilité, etc. Ces questions sont fondamentales, notamment pour tout ce qui concerne les cessions de créance. Ceci mériterait d'être approfondi.
M. Hugo Vandenberghe renvoie à l'étude sur le fonctionnement réel de la cession, réalisée par M. V. Sagaert, chargé de cours à l'UIA, et intitulée « Les nouvelles règles de droit international privé après la loi du 2 août 2002 » (traduction). Il y est indiqué que « le droit international privé est régi, pour ce qui est du rapport, en droit des obligations contractuelles, entre le cédant et le cessionnaire, par la Convention européenne sur les obligations de 1980. Une modification très importante a été apportée récemment en ce qui concerne les aspects réels de la cession. »
Il y a, dans les relations juridiques, une évolution qui se caractérise par la nécessité de moduler l'ancienne conception selon laquelle les rapports en droit réel sont opposables à toute personne, alors que les rapports en droit des obligations contractuelles sont relatifs et non opposables à toute personne. La question se pose de savoir quand les rapports en droit des obligations sont relatifs et dans quelle mesure ils le sont. Le droit matériel belge a manqué son effet en l'espèce en raison d'une approche purement fragmentaire, plus particulièrement dans le cadre de lois-programmes; on a dès lors laissé une nouvelle insécurité juridique s'installer.
Le professeur Fallon rappelle la nécessité de disposer de règles suffisamment générales, faute de quoi l'on risque d'être rapidement dépassé par les nouvelles pratiques.
En ce qui concerne les cessions de créance, l'article 145 de la loi du 2 août 2002 règle en réalité une question d'intérêt beaucoup plus général que celle des seules institutions financières.
Cette méthode législative a fait l'objet de critiques. Une suggestion consisterait à insérer cette disposition dans le code, au chapitre des contrats. L'opposabilité aux tiers de la cession de créance est une question actuellement soulevée par la Commission européenne, dans le cadre du livre vert qu'elle a diffusé sur une révision de la Convention de Rome.
Ce document lance le processus qui pourrait conduire à terme à un règlement communautaire sur le droit applicable aux contrats.
Ceci montre que la question de l'opposabilité de la cession de créance est liée au contexte contractuel.
Du reste, les solutions apportées actuellement (par la Convention des Nations unies sur la cession de créance, par le « Hoge Raad » aux Pays-Bas, par l'article 145 précité, ...) tendent à désigner la loi d'une des créances concernées.
On se détache donc du critère du lieu de situation, en raison de la difficulté de localiser la créance.
M. Zenner répond que, pour les créances, on pourrait effectivement songer à appliquer la loi du contrat, sous réserve de la difficulté qu'il y a parfois à la déterminer.
Pour les privilèges, l'intervenant donnerait la préférence à la lex rei sitae, tant pour les privilèges généraux que pour les privilèges spéciaux.
Il souligne en outre qu'avec la question de l'opposabilité, la Commission européenne pose, fondamentalement, celle des formes à respecter pour qu'un acte soit opposable aux tiers.
Ici, lorsqu'on parle de l'opposabilité des garanties nouvelles, on s'interroge sur la validité du mécanisme, dès lors qu'un conflit avec un tiers surgit.
La ministre déclare, à propos de l'article 90, que le gouvernement précédent et le gouvernement actuel se sont lancés dans le processus de ratification des conventions Unesco et Unidroit en matière de lutte contre le trafic illicite de biens culturels, qui régissent notamment le problème de la restitution des biens culturels volés.
Il conviendrait de vérifier s'il n'y a pas, dans les conventions, d'éléments contradictoires par rapport au texte à l'examen.
De même, il faudrait vérifier la compatibilité de celui-ci avec la Convention de La Haye de 1954 sur le vol et la restitution des biens culturels en cas de conflit armé, ainsi qu'avec le premier protocole additionnel de la même année, et le deuxième protocole additionnel, en cours de ratification.
Le professeur Fallon répond que lors de la rédaction de la proposition, les auteurs ne savaient pas que le processus de ratification allait être lancé. Cependant, ces textes internationaux ont été consultés, et vont dans la direction de la proposition de loi.
Il faut noter que ces conventions ne seront pas applicables de manière universelle et que, dès lors, il faudra toujours un droit commun national subsidiaire.
Il existe aussi une directive européenne sur la restitution des biens culturels, dont la proposition s'inspire également.
Les règles sont comparables pour les biens volés et pour les biens culturels, et favorisent l'auteur de la revendication. Un choix est laissé entre l'application de la loi ancienne (du lieu d'où vient le bien) et celle de la loi nouvelle.
Ceci constitue une dérogation à la règle de l'article 87.
À la suite des observations du Conseil d'État, une règle a été introduite en vue de la protection du possesseur de bonne foi, qui peut compter sur la loi actuelle.
La ministre souligne qu'il faut prendre en considération la problématique des musées.
Les conventions Unesco et Unidroit prévoient explicitement, ou permettent, par le biais d'une déclaration de réserve, de limiter leur application aux biens qui font l'objet d'un trafic illicite après l'entrée en vigueur de la Convention, pour l'État qui ratifie celle-ci.
La place de Bruxelles est l'objet de l'attention d'une série d'États qui, légitimement, veulent retrouver des oeuvres d'art qu'ils considèrent comme appartenant à leur patrimoine culturel national.
Mme Nyssens renvoie au colloque récemment organisé au Sénat sur le thème des biens culturels.
Elle demande également comment répondre à l'objection du Conseil d'État sur la philosophie qui inspire le chapitre sur les biens.
Le Conseil d'État se demandait si les critères de rattachement choisis en matière de compétence n'étaient pas curieux, par rapport aux règles habituelles de compétence territoriale en matière de biens, et s'ils n'auraient pas pour conséquence, dans un nombre important de cas, un très faible lien avec le pays désigné par la règle de rattachement.
Le professeur Erauw sait que les règles de compétence en vigueur dans certains États, tels que l'Allemagne et l'Autriche, qui se réservent le droit de trancher des litiges qui reposent sur la présence d'un bien, sont vivement critiquées (le champion de ski français, J.-C. Killy, a été cité jadis à comparaître en Autriche à propos d'une obligation contractuelle, à cause de la présence dans sa chambre d'hôtel d'un sous-vêtement lui appartenant).
La présence d'un bien est considérée chez nous comme un lien trop ténu pour l'exercice de la compétence générale. La compétence prévue en l'espèce ne concerne cependant que l'aspect réel (in rem) du bien qui se trouve en Belgique. Elle ne lui semble pas excessive. Peut-être faut-il étendre la disposition, notamment aux biens incorporels.
Le professeur Fallon ajoute qu'il faut rappeler la distinction entre compétence internationale et compétence interne.
Le code cherche à déterminer si les juridictions belges dans leur ensemble sont compétentes.
Ensuite, la détermination du tribunal compétent en Belgique est opérée par le Code judiciaire.
Or, dit le Conseil d'État, il n'y a aucune règle dans le Code judiciaire qui désigne le tribunal compétent en la matière. La réponse à cette question figure dans une disposition plus générale, à l'article 13 de la proposition de loi.
Concrètement, dès lors que le Code judiciaire ne prévoit pas de règle spéciale pour la compétence interne, le juge doit en revenir à l'article 85, où il trouvera alors à la fois une règle de compétence internationale et une règle de compétence interne, en l'occurrence le tribunal du lieu de situation du bien.
En ce qui concerne les biens des musées, l'article 90 répond à la préoccupation exprimée par la ministre.
Si un juge belge est saisi de la revendication d'un tel bien, il examinera quand celui-ci a été importé en Belgique. L'article 90 prévoit que le bien doit avoir quitté le territoire de l'État d'origine de manière illicite au regard du droit de cet État au moment de son exportation.
Il y a là une certaine protection assurée au pays importateur.
M. Zenner demande si, lorsque la revendication ne peut se faire au titre de bien culturel, elle ne peut pas se faire au titre de bien volé.
Le professeur Erauw souligne que cette question a déjà été posée par le Conseil d'État. Il peut arriver qu'un bien culturel ait été volé et qu'il figure en même temps sur la liste nationale des biens culturels. Les deux articles en question sont alors applicables conjointement. Le vol d'un bien dans un musée belge exclut la limitation dans le temps de l'article 90. La protection du possesseur de bonne foi est certes un aspect marginal et doit à ce titre être minimale.
M. Zenner demande ce que l'on entend exactement par « la revendication » d'un bien volé. Quel est le sens exact du terme « vol » en l'occurrence ?
Un collectionneur qui a commencé une collection en 1935, en achetant à l'étranger, à un prix défiant toute concurrence, des biens ayant aujourd'hui une grande valeur, ne pourrait-il se voir opposer par le revendicant étranger qu'en fait, il s'agit d'un vol, en raison de la faible contrepartie donnée à l'époque ?
L'État belge sera-t-il considéré comme possesseur de bonne foi d'un bien figurant dans un musée belge depuis un siècle, et revendiqué par un État tiers ? Les dispositions en discussion ici sont très importantes. On imagine les abus auxquels pourrait donner lieu la règle selon laquelle la revendication du bien culturel est régie par le droit de l'État qui formule cette revendication.
Le professeur Erauw estime que la règle doit être considérée non pas sous le seul angle de la protection de certains biens qui se trouvent en Belgique, mais plutôt sous l'angle plus large d'une protection internationale. Il peut effectivement s'ensuivre qu'un bien doive être restitué.
L'Unesco a stigmatisé, à plusieurs reprises, les agissements sur les marchés belge et néerlandais des antiquités. Lorsque des gens achètent un bien ici, ils doivent avoir la garantie qu'il a fait l'objet de vérifications et qu'il est fiable.
Les principaux contrôles relatifs aux biens volés et aux biens culturels se situent actuellement dans la sphère privée (sites internet relatifs à des oeuvres d'art volées, etc.). La règle définie en l'espèce offre un moyen d'assurer un équilibre entre la protection du possesseur de bonne foi et une attitude de favoritisme à l'égard du revendicant.
M. Willems souligne que cette règle reste une règle de droit international privé et a dès lors une portée limitée. Par ailleurs, l'intervenant a l'impression que cet article est important surtout en ce qui concerne le bien privé qui circule dans le circuit commercial.
À propos des musées, l'intervenant note qu'il ne s'agit pas d'un patrimoine culturel, mais d'un bien culturel de la communauté. Il part du principe qu'il s'agit d'une possession de bonne foi.
La ministre souligne que, même si l'on s'en tient au droit en vigueur à l'époque où le bien culturel a été exporté, il n'est pas évident que tous les biens de nos musées aient abouti de manière légale en Belgique, et que les musées ne pouvaient l'ignorer.
Le professeur Fallon ajoute qu'il faut aussi avoir à l'esprit l'impact des dispositions transitoires contenues dans la proposition de loi.
L'article 127 prévoit, de manière générale, que la loi ne s'applique qu'aux faits et aux actes produits après son entrée en vigueur.
Il faudra déterminer si les « actes » en question sont, en l'occurrence, les actes illicites qui sont à la base de la revendication. Il ne s'agit en tout cas pas de l'action en justice.
Une disposition spécifique peut être insérée, si l'on estime que la portée de la règle générale n'est pas claire en cette matière particulière.
M. Zenner demande s'il existe beaucoup d'études sur le sujet.
Le professeur Erauw répond qu'il existe des revues spécialisées concernant la législation internationale en matière d'art. Il y a aussi des débats publics sur la spoliation et sur la restitution des biens juifs ou russes.
M. Zenner rappelle que sa préoccupation concernait les créances incorporelles et les privilèges. Il renvoie par ailleurs à ce sujet à ce qu'il a exposé au sujet de la valeur dans les relations internationales des dispositions contractuelles prises entre parties.
Le professeur Erauw conclut qu'il est très judicieux de considérer d'un oeil critique ce qui peut être mentionné explicitement dans les articles à l'examen. Bien des facettes précitées des nouveautés exigent de faire une distinction entre les aspects liés au droit des obligations contractuelles (aspects contractuels, inter partes) et ceux liés au droit réel.
L'intervenant reconnaît qu'il faut prévoir des indications concernant l'opposabilité des contrats aux tiers, c'est-à-dire leur effet à l'égard de ceux-ci. L'on ne peut cependant pas perdre de vue q'une grande partie des aspects des droits réels en Belgique, définis selon le droit belge, peuvent avoir trait à des documents papier, des pièces qui attestent d'un engagement. La littérature spécialisée fait à cet égard une distinction entre le droit papier (usufruit, possession, sûretés réelles) et le droit sur papier.
Ce dernier ne peut pas être réglé dans le chapitre à l'examen. Les effets de la cession et des contrats pour les tiers doivent plutôt être réglés dans le chapitre relatif aux obligations.
Chapitre IX Obligations (articles 96 à 108)
Section 1 Compétence internationale
Le professeur Fallon indique que ce chapitre comporte deux sections, l'une sur la compétence, et l'autre sur le droit applicable.
Le chapitre porte, de façon générale, sur les obligations : obligations contractuelles, obligations non contractuelles, et quasi-contrats.
Comme déjà indiqué, le législateur national n'a plus de liberté en ce qui concerne le droit applicable aux contrats, ainsi qu'à certaines obligations non contractuelles (essentiellement les actions en réparation liées à un accident de voiture).
Les conventions en la matière (Convention de Rome et Convention « accidents de voiture ») comportent des règles universelles, c'est-à-dire qui remplacent le droit commun. La prudence s'impose lors de l'élaboration de règles « satellites » autour de ces conventions, qui couvrent un domaine très large, y compris les sûretés conventionnelles.
En ce qui concerne les contrats, l'article 98 renvoie aux Conventions en vigueur.
La compétence internationale est réglée par les articles 96 et 97. L'article 97 comporte des règles de protection spéciale du consommateur et du travailleur. L'article 96 vise les actions de manière plus générale.
Il faut tenir compte du règlement Bruxelles I, qui couvre les obligations, et qui s'applique chaque fois que le défendeur est domicilié dans un pays de l'Union européenne. Dès lors, sur le plan pratique, l'importance des articles 96 et 97 est limitée.
Le contenu des règles de compétence s'inspire à la fois du Code judiciaire actuel et, pour les consommateurs et les travailleurs, du règlement Bruxelles I.
Pour les contrats, on retient comme critères le lieu de la conclusion du contrat, ou le lieu de l'exécution de l'obligation.
Les auteurs du texte n'ont pas jugé nécessaire de préciser le lieu d'exécution de l'obligation.
La pratique jurisprudentielle relative à l'application du Code judiciaire, qui prévoit un critère similaire (article 635), n'a pas soulevé de difficulté particulière, même si l'on sait qu'en soi, déterminer le lieu d'exécution d'une obligation pour les besoins de la détermination de la compétence peut soulever une difficulté, illustrée par l'application de la Convention de Bruxelles.
Initialement, celle-ci comportait aussi le critère du lieu de l'exécution. La question était de savoir si la localisation de l'exécution, notamment pour l'obligation de payer, se détermine en fonction du droit applicable à l'obligation, ou de manière concrète et directe.
La Cour de justice des Communautés européennes a préféré s'en remettre à la loi applicable à l'obligation.
Le règlement Bruxelles I a quelque peu modifié les données. Il prévoit que, lorsque le contrat porte sur la fourniture d'un produit ou d'un service, l'exécution de l'obligation est au lieu de fourniture de ce produit ou de ce service.
L'objectif du règlement, qui est un texte uniforme, est de répartir les compétences entre les juridictions des différents États membres.
Dans le droit commun, l'objectif est assez différent. Les règles nationales sont unilatérales. Elles fixent l'étendue de la compétence des juridictions nationales, sans se préoccuper de la façon dont les juridictions étrangères sont compétentes selon le droit étranger, pour autant que les critères de compétence soient raisonnables.
On peut concevoir que les juges belges interprétant ces notions le fassent de façon raisonnablement extensive, pour permettre au plaideur l'accès à la justice.
C'est pourquoi le texte de la proposition est ici assez simple.
M. Zenner souligne que, dans la pratique, les questions récurrentes concernent le caractère quérable ou portable de la dette, et la prestation ou l'obligation caractéristique.
Ainsi, en cas de concession de vente à durée indéterminée, le législateur avait prévu que le concessionnaire pouvait assigner devant le tribunal de son domicile, qui appliquait la loi belge.
À la suite de la Convention de 1968, cette règle n'a plus été appliquée à l'égard de concédants établis dans d'autres États membres de l'Union européenne.
Cela a donné lieu à un débat, sur le point de savoir si le juge belge n'est pas compétent parce que les dettes sont quérables à défaut d'autres dispositions dans le contrat.
Puis, on a souligné que c'était l'obligation caractéristique qui déterminait la compétence.
Qu'en est-il dans la Convention de Rome ? Suffit-il de dire que l'on applique la lex contractus sans distinguer suivant le contrat dont on recherche l'exécution ?
Le professeur Fallon répond que la Convention de Bruxelles prévoit qu'il faut isoler l'obligation en litige (et non le contrat en général), sauf pour les contrats de travail, où la jurisprudence de la Cour de justice a retenu une autre solution.
Pour la concession exclusive de vente, contrat commercial, il faut donc isoler d'abord l'obligation en litige.
La jurisprudence est restée fidèle au point de vue de la Cour de justice, mais en interprétant de manière dynamique et volontariste la Convention de Bruxelles.
Lorsqu'une concession a été résiliée unilatéralement par le concédant, et que celui-ci doit payer des dommages et intérêts, elle a raisonné de la façon suivante.
Tout d'abord, l'obligation de payer n'est pas une obligation autonome. Il faut rechercher l'obligation qui a été violée, en amont de cette obligation de payer.
Selon la Cour de cassation de Belgique, c'est l'obligation de donner un préavis.
Ensuite, la Cour a cherché à localiser l'exécution de cette dernière obligation. Elle a considéré qu'elle se localisait au lieu de l'exécution du contrat de concession par le concessionnaire, c'est-à-dire en Belgique.
L'interprétation que la jurisprudence a donnée de la Convention de Bruxelles aboutit donc au même résultat que l'application de la loi de 1961.
La Convention de Rome, elle, concerne le droit applicable. Il est nécessaire de trouver une loi unique régissant le contrat. La Convention applique à ce sujet le critère de la prestation caractéristique.
Elle ne dit pas quelle est cette prestation, selon le type de contrat. Cependant, le rapport explicatif indique que dans la vente, il s'agit de la prestation du vendeur, dans le bail celle du bailleur, dans le prêt celle du prêteur, etc.
Le résultat sera en principe que, dans la vente par exemple, la Convention de Rome va désigner la loi de la résidence habituelle du vendeur.
Toutefois, les parties ont la possibilité de choisir une autre loi.
Le juge peut aussi appliquer une autre loi, lorsque le contrat a des liens plus étroits avec un autre pays.
M. Zenner rappelle qu'il existe actuellement un débat sur le point de savoir quand les obligations naissent. Ainsi, en matière de bail, naissent-elles au moment de la conclusion du bail, ou s'agit-il à chaque fois d'une obligation ultérieure ?
La Cour de cassation a opté pour la première solution.
La question subsiste cependant de savoir, par exemple, lorsque les loyers d'un bail sont cédés à une banque à titre de garantie et qu'une situation de concours survient, si la cession englobe tous les loyers jusqu'au moment de la faillite, ou s'étend à la période ultérieure, surtout lorsque le curateur cède le fonds de commerce et qu'un tiers reprend l'exécution du bail.
Comment résoudrait-on ici la question du lieu de naissance de l'obligation ?
Le professeur Erauw souligne que c'est toujours le droit applicable qui détermine si le contrat est né, quand il est né et où il doit être exécuté.
La Convention de Rome est toujours appliquée et elle a une portée universelle pour la détermination du droit applicable. Une fois que l'on a déterminé quel est le droit applicable, on connaît la lex contractus; il faut alors examiner dans le droit substantiel quand le contrat est né, etc. Il faut ensuite vérifier si la compétence en Belgique peut être basée effectivement sur la naissance d'un contrat en Belgique.
Un contrat belgo-chinois est signé par exemple à Hongkong; la règle de rattachement amène à constater qu'il s'agit d'un contrat chinois. En droit chinois, on vérifie où est né le contrat. S'il est né en Belgique, ce sont les juridictions belges qui sont compétentes.
M. Zenner aborde une autre question, qui ne concerne qu'indirectement l'article 96, et qui porte sur la compétence internationale.
On donne cette compétence lorsque le défendeur réside ou est domicilié en Belgique. Mais rien n'est prévu pour le demandeur. Ne faudrait-il pas prévoir qu'au cas où ce dernier est domicilié ou réside habituellement en Belgique, le juge ne pourra pas décliner sa compétence ?
Le professeur Fallon répond que le Code judiciaire contient une règle générale à l'article 638. Pour toutes matières confondues, celui-ci prévoit le critère du domicile ou de la résidence du demandeur.
Si ce genre de solution devait être retenue, il faudrait la formuler plutôt comme une règle de compétence.
Il faut cependant savoir que, lorsque le législateur a édicté cette règle, c'est-à-dire en 1875, il a eu conscience de ce qu'il formulait un for exorbitant.
Il a dès lors accompagné ce critère d'une limitation figurant à l'article 636, et qui permet au défendeur de décliner la juridiction.
Toutefois, ce dernier ne peut le faire que sous condition de réciprocité, ce qui est une source de nombreux conflits, parce qu'il est difficile d'établir l'existence concrète de la réciprocité.
On observe que le système de la Convention de Bruxelles considère ce critère comme exorbitant et qu'à l'étranger, ces fors du patrimoine ou du demandeur commencent aussi être considérés comme excessifs.
C'est pourquoi la proposition opte pour un autre système.
Pour ce qui est du demandeur, s'il s'agit d'un contrat, il peut prévoir une clause d'élection de for (articles 6 et 7).
Un deuxième outil est celui du for de la nécessité, introduit par la disposition générale de l'article 11.
L'article 97 prévoit un troisième outil. Il rend compte de l'évolution politique des quarante dernières années en Europe, où la tendance est de protéger le travailleur et le consommateur lorsqu'ils sont demandeurs.
À propos de l'article 96, 2º, b), M. Willems fait référence à l'attitude restrictive de la Cour de cassation (arrêt de février 2002 (voir RW)) concernant un accident de la route survenu en France, pour lequel les victimes furent citées à comparaître en Belgique devant le tribunal d'Anvers, sous prétexte que le dommage avait été subi en Belgique (frais d'enterrement, frais médicaux, etc.). Selon la Cour de cassation, la juridiction belge n'est pas compétente.
Mme Nyssens demande des précisions sur les conventions internationales applicables en matière de sécurité routière.
À la question de Mme Nyssens, le professeur Erauw répond que les accidents de la route sont régis par le règlement Bruxelles I pour ce qui est de la compétence internationale, et par la Convention de 1971, qui est universellement applicable (voir l'article 99, 5º). Le code ne contient aucune règle relative aux accidents de la route, parce qu'il y a une règle conventionnelle qui peut toujours être appliquée. Cette règle est une application mixte de la lex loci et parfois de la loi du lieu d'immatriculation du véhicule.
En ce qui concerne la remarque de M. Willems, le professeur Erauw précise que l'arrêt de la Cour de cassation auquel il est fait allusion concernait la lecture de l'article 5, 3º, du règlement européen. La règle de compétence telle que définie à l'article 96, 2º, utilise la loi du lieu de l'accident ou de l'acte illicite. Il s'agit d'une règle importante dans le cadre de la Convention européenne, parce qu'elle implique un accord entre les États membres; si l'accident de la route s'est produit en France, il faut rester devant les tribunaux français; une interprétation limitative s'impose.
La décision de la Cour de cassation s'inscrit donc dans le droit fil de la jurisprudence de la Cour européenne. En conséquence, le lieu de naissance du dommage n'est pas le lieu où le dommage (la douleur) est finalement subi, mais le lieu de l'impact, c'est-à-dire le point où se rencontrent la cause et la conséquence.
M. Zenner demande ce qui se passe lorsque le dommage ne se produit qu'ultérieurement, après le retour de la personne dans son pays.
Le professeur Fallon répond qu'un tel cas n'est pas hypothétique, notamment en matière de dommages causés par des produits défectueux.
Par exemple, une personne achète aux États-Unis un médicament qui y est commercialisé. Elle l'utilise là-bas pendant six mois, puis rentre en Belgique, où elle poursuit son utilisation. Après cinq ans, le médicament provoque une maladie.
Ce cas soulève la question du lieu de survenance d'un tel dommage.
Un juge pourrait considérer que, si la maladie est survenue en Belgique après une absorption continue, et que l'on peut prouver que c'est l'accumulation du produit qui a causé l'affection, le dommage est survenu en Belgique.
Même s'il faut tendre à la sécurité juridique, il est impossible de rencontrer par une règle toute la diversité des cas possibles.
Section 2 Droit applicable (articles 98 à 108)
Le professeur Fallon expose que dans cette section sont rassemblées les règles de conflit de lois concernant respectivement les contrats, les obligations non-contractuelles, et les quasi-contrats.
La matière des contrats est traitée à l'article 98. Pour l'essentiel, celui-ci renvoie à la Convention de Rome de 1980 pour les contrats en général. Pour certains contrats spéciaux, il est renvoyé aux Conventions de Genève sur les chèques et les billets à ordre.
Ces différentes conventions sont de type universaliste. Elles remplacent le droit commun pour les contrats visés. Le législateur national n'a dès lors pas le choix. Soit il dénonce ces conventions, soit il leur accorde la priorité.
Le § 1er de l'article 98, qui renvoie à la Convention de Rome, étend celle-ci aux quelques contrats qu'elle ne couvre pas.
On vise essentiellement ici les clauses de juridiction.
La Convention exclut en effet les clauses d'arbitrage et les clauses d'élection de for (clauses de juridiction). Cela signifie qu'en droit commun, pour ces deux types de clauses, il faut, pour rechercher le droit applicable, une règle de conflit de lois.
Dans un but de simplification, le juge pourrait trouver les règles de conflit de lois pertinentes dans la Convention, qui est ainsi étendue.
Pour les clauses d'arbitrage, il faut respecter la Convention de Genève du 21 avril 1961.
Par ailleurs, comme déjà indiqué précédemment, il faudra sans doute prévoir une disposition insérant ici l'article 145 de la loi du 2 août 2002, sur l'opposabilité de la cession de créance aux tiers en ce qui concerne les entreprises de services financiers.
Il faudra examiner si la solution retenue par l'article 145 est souhaitable.
Un second volet de la section 2, traité à l'article 99, concerne le droit applicable aux obligations non contractuelles.
La jurisprudence belge de la Cour de cassation est, en cette matière, quelque peu dogmatique. Elle date de 1957. Selon cette jurisprudence, toute action en réparation d'un dommage causé par un quasi-délit est soumise à la loi du lieu où celui-ci a été commis (lex loci delicti commissi).
Concrètement, cela signifie par exemple que, si un groupe de jeunes Belges part en vacances aux Pays-Bas, et qu'un jeune cause un dommage à un autre dans ce pays, toute action en responsabilité quasi délictuelle à l'encontre des organisateurs du groupe sera régie par le droit néerlandais, alors même que le demandeur et le défendeur sont des Belges vivant en Belgique.
Cette solution assez radicale a été fort critiquée par les juges de terrain qui, depuis vingt ans, appliquent la loi belge dans ce genre de cas.
La réforme proposée prend acte de cette évolution.
Par ailleurs, il existe actuellement, au sein de la Communauté européenne, une proposition de règlement appelée « Rome II », qui porte sur le droit applicable aux obligations non contractuelles et aux quasi-contrats.
Ce texte a été transmis par la Commission au Conseil en juillet 2003, et le processus de co-décision entre le Conseil et le parlement européen est en cours. S'il est adopté, ce ne serait pas avant 2005, de sorte qu'il n'entrerait sans doute pas en vigueur avant 2007.
Ce texte a pour origine un document préparé par des scientifiques dans les années 95, qui a également inspiré la proposition à l'examen. Celle-ci comporte à la fois des similitudes et des divergences par rapport au texte élaboré par la Commission européenne.
L'article 99 comporte une règle générale, et des règles concernant des délits spéciaux.
La règle générale, figurant au § 1er, met en avant la loi du pays de résidence des parties, lorsque celles-ci résident dans le même pays.
On retrouve la même règle dans le document émanant de la Commission européenne.
À défaut de résidence dans le même pays, la première règle subsidiaire désigne la loi du pays dans lequel se trouve le fait générateur du dommage, mais à condition que dans le même pays n'ait eu lieu aussi la survenance du dommage.
Si tel n'est pas le cas, une seconde règle subsidiaire désigne la loi du pays avec lequel le litige a les liens les plus étroits. On retrouve ici la notion de proximité entre la loi applicable et la situation visée, comme en matière de contrats.
La proposition de la Commission retient aussi cette idée, mais elle privilégie davantage le lieu de survenance du dommage. Elle prévoit en effet que, lorsque les parties ne résident pas dans le même pays, on applique la loi du lieu de survenance du dommage, même lorsque l'acte générateur s'est produit dans un autre pays.
L'article 99, § 2, vise des délits spéciaux assez importants dans la pratique : diffamation et atteinte à la vie privée, concurrence déloyale, dommage dû à un produit ou à un service défectueux, atteinte à l'environnement, accident de voiture (dans ce dernier cas, on se réfère à la Convention de La Haye de 1971).
Dans les différents délits spéciaux évoqués ici, on applique, à quelques nuances près, la loi du lieu de convenance du dommage.
On voit donc qu'il existe une convergence, en termes de politique législative, entre la proposition à l'examen et celle de la Commission européenne : mise en avant de la loi du dommage et du facteur de la résidence des parties dans le même pays. C'est pourquoi l'orateur estime qu'il n'y a pas de contradiction politique entre les deux textes. Il suggère dès lors de laisser la proposition à l'examen suivre son parcours parlementaire, et de voir ce qu'il adviendra du texte de la Commission.
M. Hugo Vandenberghe fait observer que si le projet de règlement européen est adopté, il remplacera purement et simplement les dispositions correspondantes de la proposition de loi.
Le professeur Fallon poursuit en indiquant qu'en ce qui concerne les quasi-contrats, l'article 104 prévoit différents cas de figure. Les dispositions figurant dans la proposition de la Commission européenne sont, en cette matière, identiques.
La section 2 comporte également des dispositions sur l'action directe (article 106) et la subrogation légale (article 107). L'article 107 ne peut pas porter sur la subrogation conventionnelle puisque la Convention de Rome (article 13) comporte une disposition sur ce sujet.
La ministre note avec intérêt la technique consistant à se référer explicitement, à plusieurs reprises, à la disposition de droit international actuellement applicable.
Elle se demande toutefois si c'est là une solution idéale. Si elle aide incontestablement le juge à court terme, ne risque-t-elle pas, à plus long terme, de l'induire en erreur, des protocoles additionnels et autres textes pouvant être adoptés à l'avenir sur le même sujet ?
L'intervenante se demande si l'on ne pourrait pas plutôt utiliser une technique comparable à celle appliquée lors de l'adoption de l'article 12bis du titre préliminaire du Code de procédure pénale, qui se référait au droit international applicable.
Une circulaire pourrait éventuellement expliciter de quels textes il s'agit, et pourrait être facilement adaptée, le cas échéant.
À propos de l'article 99, § 2, 1º, qui concerne la diffamation et les atteintes à la vie privée, l'intervenante note que l'on applique le droit de l'État sur le territoire duquel le fait générateur ou le dommage est survenu ou menace de survenir, au choix du demandeur, à moins que la personne responsable n'établisse qu'elle ne pouvait pas prévoir que le dommage surviendrait dans cet État.
Ce texte n'est-il pas trop large, particulièrement si l'on considère le cas de la diffamation par le biais d'Internet ?
Si on crée un site, on ne peut pas ne pas savoir que le dommage peut survenir n'importe où dans le monde.
Le texte permettrait au demandeur d'obtenir l'application de lois en matière de réparation qui, pour nous, relèvent de principes assez étonnants (cf. le droit anglo-saxon).
M. Zenner fait observer que le texte parle tantôt de « fait générateur du dommage », tantôt de « fait générateur et le dommage », tantôt de « fait générateur ou le dommage ».
Ces variations ont-elles une raison d'être ? Ceci a notamment une importance en matière de responsabilité du fait des produits.
L'intervenant renvoie à l'affaire « Federal Mogul » déjà citée.
Imaginons qu'un travailleur soit occupé aux États-Unis. Il est exposé à l'amiante. Ensuite, ayant atteint l'âge de la pension, il revient vivre en Belgique. Ce n'est que plusieurs années après que se manifestent les conséquences de l'accident.
Mme Nyssens demande pourquoi l'on a choisi quatre domaines (et notamment la concurrence) régis par des règles spécifiques. Est-ce parce que « Rome II » le prévoit, ou parce qu'il existe une jurisprudence bien établie dans ces domaines particuliers ?
M. Hugo Vandenberghe souhaite obtenir des précisions sur l'interprétation du § 2, 1º, de l'article 99 proposé. Qu'entend-on au juste par « droits de la personnalité » ? Évoquant l'atteinte à l'intégrité physique, l'intervenant se demande s'il est question d'un droit de la personnalité au sens de la disposition proposée. Si tel est effectivement le cas, on peut dire que, dans le cas d'un accident de la circulation, par exemple, les dégâts à la voiture seraient indemnisés en application d'un autre droit que les dommages à la personne.
L'intervenant signale ensuite que le critère de rattachement peut poser problème. En principe, on engage une action pour fait dommageable lorsque le dommage est survenu. Le critère de rattachement de fait est le dommage. Si l'on souhaite que soit prise une mesure préventive pour limiter le dommage, il semble logique, vu l'urgence à laquelle on est confronté, de s'adresser au juge du pays où le dommage menace de survenir. Mais un problème se pose du fait que la cause de responsabilité « le fait générateur » , la notion de faute, est nationale.
Le principe général de prudence implique la prévisibilité de l'existence du dommage. Peut-on, par exemple, raisonnablement attendre, de celui qui a commis un acte en Belgique, qu'il puisse prévoir que cet acte est susceptible de causer un dommage au Brésil ? Lorsqu'on agit en Belgique, on doit connaître non seulement la loi belge, mais aussi l'appréciation de la notion de faute dans le droit d'un autre État, qui constitue un élément de la prévisibilité du dommage qui s'inscrit dans le cadre de la notion de prudence.
À une question de Mme Nyssens, le professeur Erauw répond que la logique qui sous-tend la proposition à l'examen est liée à l'importance sociale des questions que celle-ci tente de résoudre. Par le passé, ces questions ont soulevé de grandes difficultés dans la pratique. Des problèmes se posaient en ce qui concerne les actes de concurrence, de responsabilité du fait de produits défectueux, etc. Il était donc utile de rechercher une solution spécifique à ces problèmes.
Vu la spécificité de la problématique, il est préférable de se référer ici au droit du dommage. Celui-ci garantit la protection des droit personnels, la protection du consommateur et la protection du marché sur lequel les actes de concurrence sont posés. L'intervenant évoque également le caractère facultatif de cette règle.
Le § 2, 1º, énonce en effet une règle ouverte, qui fait référence soit à l'endroit où un acte a été posé, soit à l'endroit où un acte a un effet dommageable. Ce n'est pas vraiment nouveau, mais il y avait jadis un manque de clarté et d'uniformité dans la jurisprudence belge. La règle en question joue en faveur de la personne qui subit le préjudice.
Cette règle est avantageuse pour celui qui se trouve en Belgique et qui peut y prétendre à une meilleure protection. Elle est également avantageuse pour la personne lésée qui, se trouvant en Belgique, souhaite se prévaloir du droit d'un pays qui offre une meilleure protection (songeons par exemple aux montants élevés des dommages-intérêts prévus par le droit américain).
La question de la ministre concernant l'internet est très pertinente. La règle qui nous occupe est toutefois formulée de manière multilatérale, parce qu'on considère d'une manière générale que les deux lieux en question celui du téléchargement (upload) et celui du télédéchargement (download) sont des lieux importants. Cette règle est d'ailleurs appliquée depuis longtemps en cas de dommage transfrontalier (pollution d'une rivière, pollution nucléaire, ...)
L'internet n'innove pas à cet égard, car la radio et la télévision ont déjà mondialisé le problème. Il est donc connu et on estime que l'exception de prévisibilité qui est formulée n'entraîne pas de risque excessif. On fait référence à la même exception au 4º de l'article 99 proposé, en ce qui concerne les produits. Cette exception n'est-elle pas trop vague ?
L'intervenant répond que, dans l'ensemble de la jurisprudence américaine et australienne, par exemple, on examine, en ce qui concerne les délits relatifs à internet, à qui s'adresse le site internet en question. C'est ainsi que l'on examine notamment quelle est la langue utilisée. On examine surtout le caractère interactif d'un site (on regarde au départ de quel endroit on peut commander quelque chose par exemple). On examine donc surtout le suivi accordé au site internet.
Le législateur doit également viser à ce que les personnes qui prennent un engagement en Belgique soient tenues au paiement d'une indemnité lorsqu'elles causent un préjudice dans un autre pays, sachant bien que leur action vise un pays étranger.
L'intervenant tient à souligner qu'en ce qui concerne internet, il n'est pas question de poursuites pénales dans le projet de loi à l'examen. On ne vise en l'occurrence que les dommages individuels. On devrait se préoccuper autant des individus qui se trouvent en Belgique que de ceux qui se trouvent à l'étranger.
Il faudra examiner de plus près la définition des droits de la personnalité qui figure au § 2, 1º. Pour l'intervenant, il est question de la « bonne réputation » d'une personne.
M. Zenner conclut que l'article 99, § 2, 1º, doit être lu comme suit : « ... par le droit de l'État sur le territoire duquel le fait générateur ou le dommage est survenu ou sur le territoire duquel il menace de survenir ».
L'intervenant rappelle par ailleurs qu'en matière de diffamation, et sauf fait établi par un jugement ou à l'égard d'un fonctionnaire public, on n'est pas autorisé à rapporter la preuve que ce qu'on dit est la réalité.
L'orateur comprend le raisonnement consistant à dire qu'il faut s'inscrire dans un mouvement universaliste, et fournir un système juridique acceptable.
Imaginons qu'à la tribune du parlement belge, un parlementaire déclare que le président des États-Unis est un escroc.
Supposons que le Wall Street Journal reproduise les propos en question et que le président des États-Unis dépose plainte devant une cour fédérale pour diffamation.
En droit belge, l'immunité parlementaire est absolue dans ce cas, mais non en droit américain.
Le président des États-Unis pourrait soutenir que le dommage survient aux États-Unis, et le parlementaire belge pourrait être poursuivi là-bas.
M. Hugo Vandenberghe fait observer que le jugement qui interviendrait devrait obtenir l'exequatur en Belgique. Or, l'immunité parlementaire est, chez nous, d'ordre public.
L'intervenant n'est du reste pas certain qu'aux États-Unis, cette immunité ne serait pas prise en considération pour évaluer les faits.
M. Zenner demande, à propos de l'article 99, § 2, 4º, si le texte vise bien la responsabilité du fait des produits.
Les termes « bien ou service défectueux » sont-ils adéquats ?
Dans l'exemple précité, peut-on dire que l'amiante était « défectueuse » ?
Le professeur Erauw répond que le juge belge qui est confronté à pareille question doit d'abord qualifier les choses en fonction de ce droit. Avant d'appliquer cette règle, le juge belge devra se demander si le bien en question est vraiment défectueux. Le jugement quant au fond ne peut être rendu qu'ensuite.
M. Zenner fait observer qu'en néerlandais, il n'est pas question de « goed » mais de « product ».
L'intervenant se demande, par exemple, si l'on peut dire d'une cigarette qu'elle est un produit défectueux.
M. Hugo Vandenberghe répond que l'on peut utiliser la notion fonctionnelle du mot « défectueux ».
Le professeur Erauw renvoie à la qualification des produits dangereux, dans le cadre de laquelle il existe une responsabilité objective. Il serait peut-être préférable de supprimer l'adjectif et de parler simplement des effets dommageables d'« un bien ».
M. Hugo Vandenberghe estime que l'énumération n'est pas complète. Il est question d'un bien défectueux et d'un service défectueux. Quid d'une chose défectueuse ? Qu'entend-on exactement par « service » ? L'intervenant fait par exemple référence à la responsabilité de l'hôpital lorsqu'une faute a été commise lors d'une opération.
M. Zenner propose de rédiger le texte comme suit « ... en cas de responsabilité du fait de produits ou de services ... ».
M. Hugo Vandenberghe se demande pourquoi on exclurait les biens défectueux de cette disposition.
La ministre revient au § 2, 1º, et à l'observation de M. Zenner à propos du triple choix qu'offrirait la disposition : la loi du territoire où a eu lieu le fait générateur, celle du territoire où le dommage est survenu, ou celle du territoire où le dommage menaçait de survenir.
Faut-il placer ces trois éléments sur le même pied, et dès lors comprendre que, même si le dommage est survenu quelque part, on peut aussi choisir la loi d'un autre territoire, où le dommage n'a fait que menacer de survenir ?
Ou bien faut-il comprendre que l'on n'a qu'un double choix : soit la loi du territoire où s'est produit le fait générateur, soit la loi du territoire où le dommage est survenu (si un dommage est survenu), ou la loi du territoire où le dommage a menacé de se produire (si le dommage n'est pas survenu) ?
Ceci peut avoir une importance, par exemple, dans le cadre de problèmes environnementaux.
Imaginons un nuage toxique qui se dégage dans un État. Des dommages surviennent sur la moitié de l'Europe. On pourrait soutenir que, selon la direction du vent, ils auraient pu menacer de survenir dans l'autre moitié de l'Europe.
Finalement, le demandeur disposerait d'un choix énorme de lois possibles.
La ministre se demande en outre s'il serait exagérément restrictif de dire que, si la compétence du juge belge est fondée sur le fait que le dommage est survenu en tout ou en partie en Belgique, et si le demandeur veut choisir la loi du lieu où le dommage est survenu, on devrait d'office appliquer le droit belge.
Supposons un enfant handicapé né en France, qui reproche au médecin de ne pas avoir pratiqué d'interruption de grossesse. Peut-il choisir la France, où le dommage est né ?
Elle déclare que son inquiétude porte plutôt sur les problèmes que l'on peut rencontrer avec certaines ONG, qui tiendraient sur leur site des propos malheureux sur certains chefs d'État. Cela pourrait amener à des procédures en Belgique, où l'on appliquerait, par exemple, le droit américain.
Le professeur Fallon observe que beaucoup des questions qui viennent d'être évoquées se posent depuis des années.
Pour ce qui concerne le cas d'une personne qui saisit un tribunal belge sur base de la localisation en Belgique d'une partie du dommage, et qui demande réparation pour le tout, dans ce cas s'applique l'article 96, 2º, b), qui est ainsi libellé : « b) si et dans la mesure où le dommage est survenu ou menace de survenir en Belgique ».
La Cour de justice des Communauté européennes a connu de ce genre de problème, à propos d'un critère de compétence identique à celui-ci dans la Convention de Bruxelles.
La Cour a estimé que la demanderesse, en l'occurrence anglaise, pouvait agir en Angleterre uniquement pour la partie du dommage survenue dans ce pays (arrêt Shevill).
Si le demandeur agit en Belgique sur la base d'un autre critère, par exemple le domicile du défendeur ou la localisation de l'acte générateur, l'objet de son action peut porter sur tout le dommage, et il faudra rechercher la loi (étrangère) applicable.
En ce qui concerne la protection excessive de la victime d'un délit, les tribunaux européens et japonais ont eu l'expérience des dommages punitifs américains. Les tribunaux européens ont refusé ceux-ci, en les considérant comme contraires à l'ordre public.
Au sein de la Conférence de La Haye, où ont lieu des négociations américano-européennes sur les règles de compétence et de reconnaissance des jugements, il est imposé une disposition permettant aux États européens de refuser de donner effet à des dommages punitifs.
En ce qui concerne les délits de diffamation, la clause générale d'ordre public déjà évoquée jouera.
Pour ces délits, la proposition de règlement « Rome II » désigne la loi du lieu du dommage, mais mentionne également explicitement que les droits fondamentaux de liberté d'expression et de respect de la vie privée doivent être respectés. Le juge devra apprécier, in concreto, le respect de ces droits.
M. Hugo Vandenberghe fait remarquer que toutes les dispositions de la CEDH peuvent être utilisées lors de la réparation du dommage.
Soit il y a un conflit de droits fondamentaux, et les principes de proportionnalité et de juste équilibre joueront, soit il s'agit d'un dommage matériel, et l'article 1er du premier Protocole sur la protection des biens s'applique, conformément aux mêmes principes.
La clause pénale explicitement prévue pour ce qui est du dommage aquilien est également contraire à l'ordre public.
Le professeur Fallon poursuit en indiquant, à propos des droits de la personnalité, qu'à l'origine, le texte avait été négocié entre les différents pays. Il est probable que ces termes ont été introduits à la demande des Allemands.
M. Hugo Vandenberghe souligne que ces termes spécifiques viennent du § 823 du « Bürgerliches Gesetzbuch », où il est question de délits aquiliens.
Le professeur Fallon ajoute que la catégorie de rattachement doit être ouverte, pour permettre de recevoir une action venant d'un droit étranger.
Le projet « Rome II » parle aussi d'atteinte aux droits de la personnalité.
En ce qui concerne l'expression « dommage dû à un bien ou à un service défectueux », sans doute vaudrait-il mieux employer l'expression classique « du fait d'un produit ou d'un service ».
L'orateur n'étendrait pas le texte à la chose viciée au sens de l'article 1384 du Code civil car, sociologiquement, le souci est d'accorder une protection lorsque le défendeur est un fabricant professionnel.
Pour ce qui est de l'observation légistique de la ministre à propos de la référence aux textes internationaux, la référence est utile en ce qui concerne la Convention de Rome, que l'on étend à des contrats en principe exclus.
Il est vrai que, pour la Convention de La Haye, cette référence n'est pas indispensable.
Pour rappel, l'article 2 de la proposition de loi réserve les traités internationaux.
Le maintien de la référence signifie notamment que si le traité vient à disparaître parce qu'il ne réunit plus les ratifications nécessaires, il subsistera en tant que droit commun.
Quant à la nécessité de suivre l'évolution du traité, il est vrai que cela suppose un travail de surveillance, mais cela est justifié car la modification du traité universaliste revient à modifier le droit commun.
En ce qui concerne la remarque légistique à propos de la référence à des traités internationaux, le professeur Erauw estime que cette référence revêt un aspect pédagogique. On ne vise d'ailleurs que les traités qui contiennent des règles universelles.
Pour ce qui est de la préoccupation de la ministre concernant la possibilité de « pick and choose » le cas d'un demandeur qui vient en Belgique tirer avantage de l'application d'un droit étranger , l'intervenant renvoie à l'article 5.
Comme les juridictions belges sont compétentes si le défendeur habite en Belgique, elles peuvent être amenées à connaître de dommages qui sont survenus dans plusieurs pays, y compris en Belgique. Il convient toutefois de clarifier les choses. Le fait d'appliquer le droit du lieu où le dommage est survenu ne signifie pas qu'on a le loisir de choisir le droit le plus avantageux lorsque le dommage en question est survenu dans plusieurs pays. Il n'est pas possible de pratiquer le « shopping ».
Une autre remarque concerne la portée du § 2, 1º. Le choix est triple. Il y a lieu d'être réaliste en ce qui concerne l'action préventive dans le contexte international et d'admettre qu'une personne puisse engager une action préventive en Belgique pour un dommage qui pourrait survenir en Belgique.
Pour ce qui est de l'action préventive, M. Hugo Vandenberghe note que, de par la Constitution (interdiction de la censure, etc., et responsabilité en cascade), on ne dispose de pratiquement aucun moyen qui permette d'en engager une en Belgique en ce qui concerne la liberté de la presse.
En France, on dispose de moyens préventifs plus nombreux grâce à la loi sur la liberté de la presse. On pourrait donc avoir intérêt à engager une procédure en France, en ce qui concerne, par exemple, la distribution d'un livre qui peut causer des dommages en Belgique. C'est ainsi que la princesse Lilian a engagé, à Paris, une procédure contre un livre de M. Mertens. L'intervenant estime cependant que les dispositions de droit commun peuvent fournir des moyens de trouver des solutions.
La ministre prend acte que le texte ouvre bien trois options possibles à l'article 99, § 2, 1º.
M. Zenner se réfère à l'article 100, relatif au « rattachement accessoire ». L'intervenant avait cru comprendre qu'il existait une alternative entre l'article 99 et l'article 100.
En est-il ainsi, ou est-ce au contraire cumulatif ?
Le professeur Fallon répond que l'article 100 est dérogatoire à l'article 99.
Le rattachement accessoire est une théorie doctrinale qui s'est développée aux Pays-Bas voici quelques décennies.
M. Zenner propose de faire commencer l'article 100 par les mots « Par dérogation à l'article 99, ... ».
L'intervenant rappelle son exemple précité d'un travailleur exposé à l'amiante.
Le professeur Fallon répond que, selon l'article 6 de la Convention de Rome, on appliquera principalement le droit du pays d'exécution habituelle des prestations à l'action contractuelle. La règle relative au droit applicable aux rapports sociaux n'est pas décrite dans le code puisqu'elle est incluse dans cette Convention. Pour l'action quasi délictuelle, la proposition renverrait à la loi qui régit la responsabilité du fait des produits.
M. Zenner observe que l'article 6 de la Convention de Rome s'applique donc dans l'affaire Ryanair.
Le professeur Fallon le confirme. Il faudra déterminer in concreto si les pilotes exécutent principalement leurs prestations en Belgique ou non.
M. Hugo Vandenberghe demande des précisions à propos de l'article 103, § 2. Cette disposition signifie-t-elle effectivement que le droit applicable n'a pas la pertinence nécessaire pour permettre de déterminer la responsabilité de l'État ou d'autres personnes morales de droit public ?
Le professeur Fallon répond que le domaine de l'exception est limité aux actes accomplis dans l'exercice de la puissance publique.
M. Hugo Vandenberghe fait observer qu'il s'agit là du critère ancien déterminé par l'arrêt Flandria de 1920.
Ce critère n'est pas clair. Il a donné lieu à de nombreuses discussions, et est dépassé.
L'intervenant cite l'exemple d'un permis délivré par l'État pour l'exploitation d'une centrale nucléaire dans des conditions qui ne respectent pas les normes internationales.
Quel est exactement le champ d'application du § 2 de l'article 103 ?
Le professeur Fallon répond qu'une question se pose de façon récurrente dans le droit de conflit de lois en droit comparé : l'action en responsabilité civile contre l'État peut-elle ou non être régie par un droit étranger ?
Certains soutiennent qu'il faut dans tous les cas appliquer le droit de l'État concerné.
On ne peut déduire du § 2 que l'État ne sera pas responsable.
Peut-être son libellé devrait-il être revu.
L'intention de cette disposition est que, lorsque l'acte imputable à l'État dans l'espèce est un acte dit de la puissance publique, le droit de l'État est applicable.
Par contre, lorsqu'on ne se trouve pas dans cette hypothèse, on applique les règles normales de conflit de lois, ce qui signifie que la responsabilité de l'État pourra alors être régie par un droit étranger.
Si l'on estime trop difficile de faire la distinction entre les différentes espèces d'actes, on peut supprimer le § 2 et laisser aux juges le soin de trancher.
L'intervenant se réfère au cas de jurisprudence relatif à un accident causé par une erreur de pilotage sur l'Escaut.
C'est un exemple d'acte de la puissance publique qui dépend de la loi de l'État.
La question politique est de savoir si l'État peut « organiser à son bénéfice une immunité législative » pour toutes les actions de responsabilité civile, même celles qui ne sont pas de puissance publique.
M. Hugo Vandenberghe signale qu'en vertu de la Constitution, le juge civil se prononce sur les droits civils et politiques, sauf les exceptions établies par la loi.
Dans tous ses arrêts relatifs à la responsabilité des pouvoirs publics, la Cour de cassation a dit que la Constitution confie au juge civil la protection des droits civils à l'égard de tout un chacun, quelle que soit sa qualité. La Constitution ne permet pas de faire une distinction en fonction de la qualité de l'auteur d'un fait dommageable. Comment peut-on appliquer la règle prévue au § 2 à la lumière de l'article 1382 ?
M. Zenner estime que la question de la justification de cette dérogation se pose puisque, dans notre conception, l'État subit le régime commun.
L'évolution existant en la matière vient encore de connaître un épisode récent, avec un arrêt sur l'immunité d'exécution.
La deuxième question est de savoir ce qu'est exactement l'exercice de la puissance publique.
On retrouve cette question dans le droit de la saisie et des procédures collectives.
Ainsi, peut-on saisir les tableaux d'une assemblée parlementaire ou d'un musée lorsque l'autorité en qualité de propriétaire, ne respecte pas ses obligations, et que ces biens ne sont pas nécessaires à l'exercice de la puissance publique ?
De même, peut-on déclarer en faillite des sociétés publiques qui ont des activités commerciales (TEC, BIAC, ...) ?
La troisième question est de savoir qui décide de la responsabilité : est-ce l'État lui-même ?
M. Willems trouve qu'il faut effectivement veiller à l'équilibre entre le citoyen et les pouvoirs publics.
M. Zenner note qu'il subsiste en tout cas une immunité d'exécution à l'égard des pouvoirs publics.
M. Hugo Vandenberghe souligne qu'un ambassadeur, par exemple, ne peut jamais être tenu personnellement responsable au civil. Il va de soi que ces immunités restent acquises. Des problèmes d'interprétation peuvent toutefois se poser concernant la notion de puissance publique, au sens de l'article 103, § 2. Qu'en est-il si les ambassades accomplissent des actes ? Le principe de l'égalité peut poser un problème.
Le professeur Erauw signale que, dans la doctrine américaine, on formule souvent des réserves.
Il dit pouvoir se figurer le cas d'un particulier qui intenterait devant un juge civil un procès dans lequel il implique une autorité publique d'un pays étranger, dans l'exercice de la puissance publique.
Dans la littérature américaine, on peut lire qu'il faut éviter que les juges civils prononcent des jugements qui risquent de porter préjudice à la politique étrangère (exception of the act of state).
L'intervenant est toutefois partisan d'une égalité de traitement.
M. Hugo Vandenberghe évoque la jurisprudence de la Cour de justice sur le non-respect des règles communautaires qui engage automatiquement la responsabilité de l'autorité concernée (l'arrêt Francovitch démontre que l'exception de l'État dans l'exercice de la puissance publique ne vaut pas en cas de défaut d'action légale des pouvoirs publics).
Le professeur Fallon conclut que, selon le précédent intervenant, l'État belge pourrait être condamné devant un juge belge par application d'un droit étranger.
Le précédent orateur le confirme, lorsqu'il s'agit d'un acte à l'étranger qui a une conséquence pour le droit civil en Belgique.
M. Zenner souligne les problèmes que cela pourrait poser, et que l'on a connus récemment dans le domaine pénal.
Supposons que l'intervention en Irak ait été précédée d'une décision de l'OTAN, et qu'un citoyen irakien ou belge blessé en Irak mette en cause la responsabilité des États-Unis pour avoir provoqué cette décision par la fourniture de rapports inexacts.
Le fait générateur se situe à Bruxelles, de sorte que nos tribunaux seraient compétents.
Imaginons que l'État américain soit condamné.
M. Hugo Vandenberghe observe qu'en ce qui concerne l'OTAN, il existe un traité spécifique.
M. Zenner note que le texte ne vise pas les organisations internationales. Il suppose que c'est parce qu'il existe des traités à ce sujet.
M. Hugo Vandenberghe aimerait savoir quelles conventions sont potentiellement d'application en matière d'immunité.
La ministre répond qu'en ce qui concerne l'OTAN, une dizaine de traités peuvent s'appliquer de manière cumulée.
Les personnes qui travaillent à l'OTAN, même épisodiquement, ou qui y sont invitées sont particulièrement bien protégées, tant en matière d'immunité de juridiction que d'immunité d'exécution.
Depuis la dernière loi sur les violations graves du droit international humanitaire, on a introduit explicitement une règle sur les immunités à l'article 12bis du Titre préliminaire du Code de procédure pénale. Cette disposition s'applique mutatis mutandis aux personnes morales.
Elle vise à la fois les immunités de juridiction et d'exécution.
Dans l'exemple cité par un précédent intervenant, on peut fort bien imaginer que des officiels d'un État ne bénéficient pas d'une immunité de juridiction en Belgique, mais s'ils devaient être condamnés et venir en visite officielle dans notre pays, ils bénéficieraient d'une immunité d'exécution.
Il n'est pas possible de fournir une réponse complète car les contours des immunités, qu'elles soient de juridiction ou d'exécution quand on ne se réfère pas aux immunités coutumières ou aux immunités conventionnelles de base que sont les immunités diplomatiques ou consulaires varient d'un accord de siège à l'autre.
M. Hugo Vandenberghe remarque que l'État ou l'entreprise publique qui ne respectent pas un contrat peuvent quand même être cités devant un tribunal. Pourquoi ne peut-on faire de même pour un acte illicite ?
Peut-être faudrait-il compléter le § 2 de l'article par une formule renvoyant aux traités existant en matière d'immunité des États, ce qui laisserait au juge un certain pouvoir d'appréciation dans les affaires délicates.
Peut-être serait-il opportun de préciser au § 2 que cette disposition ne porte pas préjudice aux conventions qui consacrent l'immunité des États ? Le juge devrait alors examiner s'il peut appliquer sans plus la théorie du fait dommageable à l'égard de l'État étranger.
L'intervenant estime que l'exception prévue au § 2 va trop loin. Peut-être conviendrait-il de supprimer ce paragraphe et de chercher une formulation intermédiaire pour dire que cette disposition ne porte préjudice ni à d'éventuelles conventions qui prévoient l'immunité, ni à l'immunité de l'État que reconnaît le droit international.
M. Zenner demande à la ministre si les immunités prévues à l'article 12bis du Titre préliminaire du Code de procédure pénale ne s'appliquent pas uniquement en matière pénale.
M. Hugo Vandenberghe fait remarquer que l'immunité pour les infractions exclut l'action civile sur la base desdites infractions, et ce, en raison de l'identité entre l'infraction et le fait dommageable. Si l'on commet une infraction qui porte préjudice à une victime et qu'il y a immunité pénale, il y a également immunité civile.
M. Zenner fait observer qu'il peut y avoir des fautes qui ne constituent pas des infractions pénales.
La ministre confirme que l'article 12bis précité ne concerne que la matière pénale. Mais cela ne doit pas donner l'impression que le droit international sur les immunités se limite à cela.
Mme Nyssens croit savoir que l'actuelle loi-programme contient une disposition modifiant les articles 12 et 12bis du Titre préliminaire du Code de procédure pénale.
La ministre répond qu'il s'agit de rectifier une erreur technique.
La précédente intervenante rappelle, à propos des liens entre faute pénale et faute civile, que la déclaration gouvernementale annonce la possibilité de dissocier ces fautes.
Cette question ne doit pas être résolue dans le cadre du texte à l'examen.
En ce qui concerne la responsabilité de l'État, l'intervenante renvoie à la discussion de la proposition de loi déposée en son temps par M. Cerexhe à propos de l'article 1412bis du Code judiciaire.
M. Hugo Vandenberghe estime que la question de la protection juridique du citoyen belge qui serait menacé par un État étranger est fondamentale. Cette protection juridique doit-elle être moins forte que la protection juridique du citoyen belge vis-à-vis de l'État belge ? Dans l'affirmative, on doit savoir quels motifs justifient cette distinction, sinon, on est confronté à un problème eu égard au principe d'égalité.
M. Zenner demande confirmation, à propos de l'article 106, de ce que les autres actions directes sont régies par les dispositions communes du projet.
La Cour de cassation est actuellement saisie de plusieurs demandes en matière d'action directe des travailleurs maçons, apprentis, charpentiers et sous-traitants.
De nombreuses questions se posent aujourd'hui à ce sujet, quant à la forme dans laquelle la demande doit être introduite, quant au conflit avec les gagistes, etc.
Quel est par exemple le droit applicable si le maître de l'ouvrage ou le donneur d'ordre est français ?
L'intervenant suppose que l'on appliquera le droit français pour l'action sur son patrimoine.
Le professeur Fallon répond que si l'action directe se situe dans le contexte contractuel et est liée à une chaîne de contrats (de même nature ou non), la question relève de la Convention de Rome.
Par contre, dans l'hypothèse d'une action directe en dehors d'un contrat, le cas que l'on rencontre dans la pratique est celui de l'action directe contre l'assureur.
S'il s'agit d'une personne quelconque agissant contre une autre, c'est la loi de la prétendue responsabilité qui déterminera l'accès à l'action.
M. Zenner évoque l'hypothèse d'un contrat principal entre un maître de l'ouvrage français et un entrepreneur principal belge, réservant au premier l'agréation du sous-traitant belge. Celui-ci, n'étant pas payé par l'entrepreneur principal, actionne directement le maître de l'ouvrage. Quel est le droit applicable à son action portée, sur la base de la Convention de Rome, devant le juge du contrat, c'est-à-dire le juge belge ?
Le professeur Fallon rappelle que le législateur national est lié par la Convention de Rome, et qu'il faudrait, pour répondre à la question, attendre d'avoir soit une modification à cette Convention, soit une interprétation précise de celle-ci.
Or, il y a peu de jurisprudence à ce sujet. La Convention de Rome est une convention classique conclue entre États membres de l'Union européenne.
À l'époque de sa signature, elle était accompagnée par un protocole qui confiait une compétence d'interprétation uniforme à la Cour de Justice des Communautés européennes dans le cadre d'une procédure de renvoi préjudiciel.
Ce protocole a été ratifié par tous les États membres de l'Union européenne, sauf la Belgique.
Or, il ne peut entrer en vigueur qu'après ratification par l'ensemble des États membres.
La Cour de Justice des Communautés européennes n'est donc pas en mesure d'assurer une interprétation uniforme de ce texte.
Ne serait-ce pas l'occasion de relancer le dossier de ratification de ce protocole ?
M. Zenner demande s'il est impossible de concevoir une disposition de ratification dans le cadre du texte à l'examen.
M. Hugo Vandenberghe répond que seul un projet de loi peut proposer une ratification.
En ce qui concerne l'action directe, le professeur Fallon répond que sa raison d'être est de protéger un créancier. La loi applicable est donc, assez logiquement, celle de la créance protégée.
À propos de l'article 107, M. Zenner rappelle qu'il a été dit qu'il ne visait que la subrogation légale.
Cependant, les développements précisent à ce sujet que « l'article confirme la solution traditionnelle telle que consacrée notamment par la Convention de Rome ».
Comment concilier ces deux affirmations ?
Le professeur Erauw répond que l'article en question confirme effectivement la jurisprudence traditionnelle. La Cour de cassation a déjà maintes fois appliqué la même règle, par exemple en ce qui concerne le dédommagement des militaires.
On a octroyé aux pouvoirs publics allemands le droit de demander en Belgique réparation à un militaire anglais pour des dommages qu'il avait causés en Belgique, parce qu'en vertu de la législation militaire allemande, les pouvoirs publics allemands devaient payer un dédommagement.
L'article 106 constitue donc la confirmation d'une solution appliquée traditionnellement en Belgique et fondée sur la jurisprudence. Cette solution est parallèle à celle de la subrogation contractuelle.
M. Hugo Vandenberghe fait référence à la subrogation légale (article 1251, 1 et 3) pour ce qui est de l'application des articles 1382 et suivants. C'est par exemple le cas lorsqu'une personne est tenue pour responsable de la chose défectueuse sur la base de l'article 1384, alinéa 1er, mais que le défaut a été occasionné par un tiers. La personne tenue pour responsable répare donc la faute d'autrui. Dans le droit belge, celui qui paie a un droit de recours contre le débiteur effectif. Cela peut valoir également en ce qui concerne les cas dans lesquels il y a une condamnation in solidum.
Le facteur de rattachement visé à l'article 106 peut-il donner lieu à l'application d'un autre système juridique que celui qui régit le fait dommageable ?
Le professeur Fallon répond que, dans la dernière hypothèse évoquée de responsabilité in solidum, on appliquera la loi de la responsabilité (article 107, § 2).
Dans l'autre hypothèse, visée par le professeur Erauw, qui concernait l'action d'une institution publique, il existe une jurisprudence de la Cour de cassation et de la Cour de Justice des Communautés européennes, qui applique à l'existence de la subrogation la loi de l'institution dont la loi prévoit l'obligation de payer.
La formulation retenue ici reprend celle de la Convention de Rome. Elle a l'avantage de couvrir les deux types de situations évoquées.
M. Zenner souligne que l'on parle bien ici de subrogation légale dans un contexte de responsabilité civile de faits dommageables.
Il existe d'autres espèces de subrogation légale. Imaginons un travailleur allemand occupé en Belgique, qui perd son emploi dans une faillite. Le Fonds d'indemnisation intervient. Il est subrogé aux droits et actions du travailleur allemand. Applique-t-on la même règle ?
Le professeur Fallon répond que la Convention de Rome s'applique dans ce cas, parce qu'il s'agit d'une subrogation liée à une action contractuelle qu'aurait le travailleur.
Le précédent intervenant se demande également ce qu'il en est en cas de cession.
Applique-t-on la même solution qu'en cas de subrogation ?
En ce qui concerne la débition solidaire, il suppose que c'est la Convention de Rome qui s'applique.
Le professeur Fallon confirme ce dernier point, s'il s'agit d'une obligation contractuelle.
M. Zenner s'interroge également sur les effets vis-à-vis des tiers.
En ce qui concerne la cession et les effets à l'égard de tiers, le professeur Erauw estime qu'il faut prévoir une disposition large et en tout cas plus large que celle qui est inscrite à l'article 145 de la loi du 2 août 2002. Cet aspect peut alors être mentionné dans la section relative aux obligations contractuelles.
En ce qui concerne le paiement volontaire (article 1251, 1 ou 3), l'intervenant note que l'article 107, alinéa 1er, parle explicitement de « l'obligation » d'un tiers. Il se pourrait donc que l'article 107 ne concerne pas l'hypothèse soulevée par M. Hugo Vandenberghe.
Dans ce cas, M. Hugo Vandenberghe estime que l'article 107 doit prévoir aussi la situation en question.
Le professeur Erauw estime qu'il y a lieu d'appliquer en l'espèce les règles relatives à l'opposabilité. S'il n'y a pas d'obligation contractuelle préexistante de paiement, on appliquera probablement le droit du domicile du créancier dans le cas d'un acquittement volontaire.
Selon M. Hugo Vandenberghe, il y a lieu de se demander s'il ne convient pas d'apprécier la subrogation légale dont il est question en l'espèce à la lumière de la loi relative au fait dommageable. Il s'agit d'un fait dommageable dont plusieurs personnes sont responsables, mais qui engendre une dette dont une seule personne s'acquitte volontairement. Comme il y a chose défectueuse, elle paie la dette d'autrui. Que peut-on en dire ?
Le professeur Fallon répond que la solution à ce problème est mentionnée à l'article 104 relatif à l'obligation quasi contractuelle : « Toutefois, l'obligation résultant du paiement d'une dette d'autrui est présumée, sauf preuve contraire, avoir les liens les plus étroits avec l'État dont le droit régit la dette. »
Chapitre X Personnes morales (articles 109 à 115)
M. Zenner fait observer qu'en ce qui concerne les personnes morales, on parle de centre des intérêts principaux (présumé être le principal établissement), de principal établissement, de siège, de siège statutaire.
Or, ces notions ne sont pas toujours très précises.
La notion sans doute la plus usitée au niveau européen est celle du centre des intérêts principaux, que l'on retrouve dans le règlement relatif aux procédures d'insolvabilité.
Ce dernier précise aussi que le centre des intérêts principaux est supposé se trouver au siège statutaire.
Pour l'intervenant, cette notion s'identifie à celle de principal établissement. C'est le siège de direction effective.
Il faut veiller à ce que l'ensemble des dispositions en la matière soient cohérentes.
En ce qui concerne la structure du chapitre, le professeur Fallon explique que la division classique entre la compétence internationale, la loi applicable et l'efficacité de décisions étrangères a été reprise.
Le Code des sociétés prévoit actuellement une règle de conflit de lois qui soumet la constitution, le fonctionnement et la dissolution de la société au droit belge, lorsque la société a son siège réel en Belgique. Le droit belge connaît le principe du siège réel.
La proposition à l'examen n'est pas révolutionnaire sur ce point. Elle tend à confirmer la tendance actuelle, tout en introduisant une série de précisions qui peuvent être utiles pour la pratique.
La compétence internationale, donc la question de savoir quand les juridictions belges peuvent statuer sur une question de validité, fonctionnement, dissolution ou liquidation de la société, est régie par l'article 109 proposé. Cet article est un article miroir par rapport à la disposition analogue qui figure dans le règlement de Bruxelles, qui concerne le cas de sociétés dont le siège est dans la Communauté européenne.
L'article a un caractère restrictif et limite les cas d'intervention possible des tribunaux belges. Il faut que l'établissement principal ou le siège de la personne morale soit situé en Belgique lors de l'introduction de la demande. Il faut bien tenir compte de la portée très limitée de cette disposition.
En effet, le règlement Bruxelles I a priorité en tant qu'acte communautaire et l'article 109 ne pourra donc intervenir que de manière subsidiaire. En réalité, ceci signifie qu'il ne peut intervenir que dans le cas où la société n'aura pas son siège en Belgique ou dans la Communauté européenne (dans ce cas, priorité est donnée au règlement de Bruxelles); vu la formulation restrictive de l'article 109, il ne sera pratiquement pas possible d'agir en Belgique. En effet, l'article 109 dispose qu'il n'y a pratiquement pas de compétence à l'égard de sociétés de pays tiers.
En ce qui concerne les conflits de lois, la règle principale se trouve à l'article 110. Elle retient le critère de l'établissement principal, non celui du siège réel.
L'article 111 définit les questions juridiques relevant du droit des sociétés.
L'article 112 traite du cas particulier du transfert de l'établissement principal d'un État à un autre. La société est dans ce cas contrainte de respecter le droit du pays de l'ancien siège et le droit du pays du nouveau siège à partir du transfert.
L'article 113 concerne la fusion; chaque société est régie par son propre droit. Cette disposition est inspirée par une proposition de directive de la Commission.
Le professeur Fallon attire surtout l'attention sur le critère de l'établissement principal, qui est déterminant pour le droit applicable, et sur la solution donnée aux conflits mobiles. Dans ce dernier cas, le siège de la constitution de la société est déterminant. Cette disposition devra favoriser la sécurité juridique par rapport au droit actuel.
L'article 110, alinéa 2, prévoit le renvoi. L'orateur cite l'exemple d'une société dont le siège est au Royaume-Uni et qui est inscrite dans le registre des sociétés aux Pays-Bas. Le § 1er désigne la loi anglaise comme droit applicable (État de l'établissement principal). Si le juge belge est saisi, il regardera en droit anglais comment se rattache la société. Le droit anglais prévoit la solution de l'incorporation. La société est régie par le droit du pays dans lequel elle est incorporée, donc pratiquement par la loi du pays dans lequel elle est inscrite dans le registre des sociétés, en l'occurrence par le droit néerlandais. La proposition de loi prévoit également le renvoi en matière de succession.
Le professeur Fallon fait observer qu'il reste un facteur d'incertitude, lié aux sociétés européennes. En effet, la Cour de Justice des Communautés européennes a rendu des arrêts, dont le plus récent date du mois de septembre 2003, et qui nécessitent peut-être de la part du législateur national une solution spéciale pour toutes les sociétés constituées dans les États membres.
Malheureusement, les termes spécifiques à utiliser par le législateur national ne sont pas assez déterminés par la jurisprudence de la Cour. De plus, cette jurisprudence est très récente (arrêts Cour de Justice européenne Daily Mail de 1988, Centros de 1999, Ueberseering de 2002 et Inspired Art du 30 septembre 2003).
M. Hugo Vandenberghe demande quelle est la portée de ces arrêts.
Le professeur Fallon explique que l'arrêt Daily Mail concerne une société incorporée au Royaume-Uni qui voulait transférer son siège dans un autre État de l'Union européenne. Le droit anglais empêchait ce transfert de siège, pour des raisons fiscales. Il fallait d'abord la dissolution de la société. La Cour de Justice a été saisie, vu qu'il existait dans le droit anglais une contrainte, une entrave à la liberté d'établissement. Dans cette affaire, la Cour de Justice a estimé que le droit d'origine de l'entreprise pouvait très bien limiter ainsi cette liberté d'établissement.
L'arrêt Centros concerne une société incorporée au Royaume-Uni qui appartenait à deux particuliers danois, résidant au Danemark et exerçant une activité au Danemark. Cet enregistrement au Royaume-Uni ne correspondait à guère d'activité dans ce pays. Il y avait seulement une inscription au registre des sociétés. Les autorités danoises exigeaient que cette société, pour exercer son activité en permanence au Danemark, respecte les conditions au niveau du capital minimal. La Cour de Justice a arrêté que les autorités danoises ne peuvent pas exiger le capital minimal tel que prévu par le droit danois.
L'affaire Ueberseering concerne une société néerlandaise dont les actions avaient été rachetées par des Allemands, résidant en Allemagne. Cette société avait un litige en matière civile contre un maître d'oeuvre en Allemagne. Selon le droit allemand des sociétés, le transfert de siège des Pays-Bas vers l'Allemagne était irrégulier. La société ne pouvait donc pas agir en justice en Allemagne. La Cour de Justice a décidé que l'Allemagne ne pouvait pas s'opposer à l'action en justice de la société néerlandaise.
L'affaire Inspired Art concerne une société britannique entre les mains d'un Néerlandais vivant aux Pays-Bas. Les autorités néerlandaises exigent le respect du capital minimal existant en droit néerlandais. La Cour de Justice a déclaré que le droit néerlandais ne pouvait pas être opposé à la société.
Il s'agit donc chaque fois d'une société d'un pays d'incorporation qui veut agir dans le pays du siège réel.
L'interprétation de ces arrêts peut être que, pour les sociétés visées par le traité CEE, le législateur national doit se satisfaire des règles du pays d'origine de la société, qu'il faut donc se référer au droit du pays de constitution.
M. Hugo Vandenberghe estime qu'on suit ici le principe de la libre circulation des personnes.
Le professeur Meeusen signale que la Cour de Justice met l'accent sur le lien entre la société et le droit en vertu duquel celle-ci a été constituée. Dès l'instant où la société qui relève de l'application du Traité CEE est valablement constituée, elle peut bénéficier de la liberté d'établissement et doit donc pouvoir prendre part aux relations juridiques, y compris dans les autres États membres. Rien, ni même le droit international privé, ne peut entraver sa liberté.
En appliquant sans restriction la théorie du siège légal, on obligerait en fait la société concernée à toujours se conformer au droit du pays dans lequel est établi son siège réel. On veut ici poser le principe que la société doit pouvoir fonctionner, dès l'instant où elle a été constituée valablement. Il y aurait lieu d'insérer dans le code une règle sur ce point.
M. Hugo Vandenberghe en déduit qu'un amendement s'impose qui fasse référence à l'application du droit européen.
Le professeur Meeusen est d'avis que l'on peut même rendre les choses plus claires au moyen de l'amendement. En effet, l'article 2 fait déjà des réserves pour l'application du droit européen. Il ne faut pas non plus oublier que le droit européen concerne la plupart des cas auxquels nos tribunaux seront confrontés.
M. Zenner estime que les articles 109 et 110 soulèvent plusieurs problèmes : un problème de terminologie, un problème de droit européen évoqué à l'instant et un problème concernant la nationalité des sociétés.
Pour ce qui est de la terminologie, l'orateur attire l'attention sur le manque d'uniformité entre les divers chapitres. Or, l'article 109 doit être lu en corrélation avec les articles 4 et 118.
Il est fait mention dans ces articles tantôt de centre des intérêts principaux, tantôt d'établissement, de succursale, d'agence, etc.
Il serait très utile de définir ce que recouvrent les termes utilisés et de veiller à utiliser partout les mêmes termes.
En droit belge, on parle traditionnellement de l'établissement en général. En droit européen, il existe une définition de l'établissement; il est défini comme étant tout lieu d'opération où les débiteurs exercent de façon non transitoire une activité économique avec des moyens humains et des biens.
Lors de la discussion de la loi sur la faillite (en 1995), le président de la commission de la Justice (M. Lallemand) avait fait l'analogie entre cette notion et celle d'établissement permanent en droit fiscal.
Il est important de s'accorder sur la notion que l'établissement est bien ce qui a été défini par le règlement européen.
Un autre terme utilisé dans la proposition est celui d'établissement principal. Celui-ci est le lieu où se trouve la direction administrative et comptable du commerçant et d'où il dirige ses affaires. C'est le lieu où se trouve le bureau du commerçant, sa comptabilité; c'est l'endroit d'où il expédie sa correspondance.
La question se pose parfois de savoir ce qui se passe quand le débiteur a plusieurs établissements de même nature, dans plusieurs arrondissements ou dans plusieurs pays. Alors, c'est le centre d'activités le plus important qui détermine la compétence.
Une autre notion, retrouvée dans la directive européenne, est celle du centre de direction des affaires, le centre des intérêts principaux. La plupart des auteurs considèrent que ceci correspond en fait au principal établissement. Dans le rapport précédant le règlement, il y a un certain nombre de critères d'appréciation de cette notion et aussi la présomption que le siège statutaire est le siège du principal établissement.
Il ne faut pas oublier qu'il existe toute une controverse autour de la notion de siège. Quel est le siège quand le siège réel ne correspond pas au siège statutaire ? La jurisprudence en Belgique a toujours considéré qu'il fallait prendre en compte le siège réel.
Il faut des clarifications sur les termes utilisés dans les 3 dispositions. L'enjeu est la lutte contre la fraude.
L'orateur fait remarquer que les arrêts européens cités par M. Fallon concernent le droit européen et donc pas le droit international privé non européen, que l'on tend à régler dans la proposition à l'examen. Selon l'orateur, il ne faut donc pas d'amendement pour référer au droit européen. Il est évident qu'il est préférable d'avoir les mêmes solutions. Il y a un risque de pollution. Les concepts qui se développent dans le droit européen risquent en effet de pénétrer dans le droit non européen.
M. Zenner renvoie à l'arrêt Centros. Il s'agit de deux épiciers danois qui veulent constituer une petite société. Au Danemark, il faut un capital minimum (25 000 euros). Les personnes vont à Londres pour constituer leur société modeste au capital de 10 livres. L'immatriculation au Danemark de cette société est refusée, vu qu'il n'y a aucun lien avec l'Angleterre. La Cour de Justice leur a donné raison. Cet arrêt illustre les enjeux de façon très claire.
La question développée à la suite de ces arrêts est de savoir si on peut encore tenir compte du siège réel ou non. Particulièrement, en cas de faillite, peut-on poursuivre les sociétés dans l'État du siège réel ? Le problème du siège réel par rapport au siège statutaire y est posé.
L'orateur préférerait utiliser les termes actuels dans l'article 109, l'article 4 et la disposition concernant l'insolvabilité, à savoir la notion de centre des intérêts principaux, d'établissement, avec la même présomption réfragable que le siège statutaire correspond au principal établissement.
Ceci pourrait permettre d'éviter une certaine insécurité juridique.
En dernier lieu, l'orateur soulève le problème de la nationalité des sociétés. L'exposé des motifs énonce que cette disposition n'affecte pas la nationalité des sociétés. Se pose alors la question de savoir quelle est la nationalité des sociétés. Est-ce que la nationalité a encore un certain intérêt ou non ?
M. Willems estime qu'il est difficile de chercher des éléments de rattachement belges dans ce contexte économique. Dans un tel contexte, il n'appartient pas au législateur d'opérer un choix entre les éléments de rattachement possibles. Il en va autrement sur le plan du droit des personnes et de la famille.
D'autre part, il faut également tenir compte du fait que des sociétés d'autres pays, situées pour la plupart en dehors de l'Union européenne (par exemple, au Panama, ...), échouent dans le monde juridique belge avec des intentions peu avouables; en ce qui les concerne, il ne serait pas mauvais non plus que le législateur belge fasse un choix parmi les éléments de rattachement.
L'intervenant souhaiterait obtenir, par ailleurs, des précisions sur les termes « succursale » et « agence » (alinéa 2 de l'article 109). Qu'entend-on exactement par là ? Les agences ne s'inscrivent-elles pas plutôt dans le contexte du contrat d'agence et ne relèvent-elles pas plutôt, dès lors, du droit contractuel ou sont-elles des personnes morales auxquelles s'applique le premier alinéa ?
En ce qui concerne la première remarque de l'intervenant précédent, M. Zenner renvoie à la possibilité de se livrer à du « forum shopping » (voir l'article dans Insolve world « how Europe became the capital of forum shopping »).
L'orateur est d'accord que les termes « succursale » et « agence » méritent une clarification, par rapport au terme « établissement ».
L'intervenant souhaite toutefois attirer l'attention sur le fait que l'alinéa 1er et l'alinéa 2 de l'article 109 proposé concernent des situations différentes. L'attribution de la compétence internationale, à l'alinéa 1er, ne concerne que la validité, le fonctionnement, la dissolution ou la liquidation d'une personne morale. L'alinéa 2 concerne tous les autres litiges.
Mme Nyssens estime que l'alinéa 2 est au moins aussi important que le premier, puisqu'il concerne le contentieux quotidien d'une personne morale. L'alinéa 2 ne constitue pas l'exception.
M. Willems précise qu'il souhaite simplement obtenir des précisions sur les termes agence et succursale. La relation entre l'agence et le principal est de nature contractuelle.
M. Zenner ajoute qu'il y a également des dispositions spécifiques concernant l'attribution de compétences, par exemple dans le domaine du droit du travail et des contrats de travail. Quelle est l'interférence entre ces dispositions et les dispositions actuelles ? L'article 109, alinéa 2, constitue-t-il une disposition dérogatoire ou supplémentaire ?
En ce qui concerne la terminologie de l'article 109, M. Wautelet répond qu'on la retrouve dans le règlement européen. L'objectif est simple. Il existe des sociétés qui ont des activités et un siège en dehors de l'Europe, mais qui possèdent une succursale en Belgique, ce qui signifie qu'elles exercent ici une activité économique sans avoir la personnalité juridique.
Il devrait être possible, pour les Belges qui ont conclu des contrats avec la succursale, de citer la société à comparaître en Belgique. Telle est la portée de l'article 109, alinéa 2. Il doit être possible, pour la partie belge, de citer les sociétés étrangères n'ayant qu'une présence restreinte en Belgique.
Les termes repris de la Convention de Bruxelles sont des termes généraux qui visent toutes les activités économiques qui ne sont pas incorporées dans une personne morale indépendante.
Force est de se demander si l'article 109, alinéa 2, vise ou non les seuls litiges relatifs au droit des sociétés. Selon l'intervenant, les litiges commerciaux sont également visés.
M. Zenner rappelle qu'il a été mentionné qu'on entendait par établissement « tout lieu d'opération où le débiteur exerce de façon non transitoire une activité économique avec des moyens humains et des biens ». Quelle est la différence exacte avec une agence ou avec une succursale ? Une explicitation du texte lui semble nécessaire.
Le professeur Fallon rappelle que cette disposition a été reprise du règlement de Bruxelles I. La Cour de Justice européenne s'est déjà prononcée sur la portée de cette disposition et il faut donc s'aligner sur son interprétation.
Le mot « agence » peut éventuellement être supprimé, vu que les mots « tout établissement » constituent une notion générique. Le mot établissement est distinct du mot filiale, car il couvre une permanence sans personnalité juridique.
Le professeur a cependant un doute sur la nature des litiges visés. Si la nature des litiges dépasse le droit des sociétés, il est peut-être préférable de déplacer l'article et de le placer dans les dispositions générales.
M. Zenner affirme pour conclure qu'il y a lieu de fournir des précisions sur la nature des litiges possibles et d'indiquer à quel endroit du projet il faut inscrire la disposition en question.
La ministre souhaite revenir à la remarque relative à l'interprétation des arrêts de la Cour européenne de Justice.
L'administration estime plutôt, comme l'a affirmé M. Meeusen, que l'arrêt de la Cour européenne signifie surtout que l'on ne peut limiter le droit au libre établissement. Une société qui a été constituée valablement dans un État membre de l'Union européenne ne pourrait donc rencontrer aucune entrave à son fonctionnement en Belgique. L'intervenante a toutefois l'impression que la portée de cette affirmation est inférieure à celle d'un renoncement définitif à la théorie du « siège réel ». Qu'en est-il ?
Le professeur Meeusen confirme que la jurisprudence de la Cour de Justice n'emporte aucune condamnation de la théorie du siège réel. Cette question ne préoccupe d'ailleurs pas le droit européen; un État membre peut appliquer sa propre théorie du droit des sociétés.
Le droit européen ne sera concerné et n'imposera des obligations qu'en ce qui concerne les cas transfrontaliers, c'est-à-dire les cas dans lesquels une société issue d'un autre État membre travaille en Belgique et souhaite participer aux relations juridiques en Belgique. La liberté d'établissement veut alors que l'on n'impose aucune restriction à cette société. Il n'est donc nul besoin de renverser totalement la doctrine belge, surtout pas en ce qui concerne la protection contre les pays situés en dehors de la CEE.
Dans le cadre de la CEE, où l'on applique les principes de reconnaissance et de confiance mutuelles, et où l'on tend vers une harmonisation du droit matériel, on fait une exception à la théorie du siège réel. L'application de cette doctrine ne saurait entraver le droit à la libre circulation d'une société valablement créée selon le droit d'un autre État membre.
On pourrait éventuellement ajouter un alinéa formulant une réserve en ce qui concerne l'application du droit européen. L'intervenant estime qu'il faut définir précisément cette réserve.
M. Zenner dit pouvoir souscrire à ce qui vient d'être dit.
Les arrêts ne lui semblent pas toucher à la doctrine du siège réel si ce n'est sous l'angle de la liberté d'établissement. La meilleure preuve en est que le règlement européen qui est postérieur à certains arrêts a retenu comme critère le centre des intérêts principaux, qui est le siège réel. Le critère du siège réel est quasi validé par le règlement.
À propos de la cohérence sémantique entre les expressions « centre des intérêts principaux », « établissement principal » et « siège statutaire », le professeur Meeusen déclare que l'on s'est véritablement efforcé de la garantir dans le cadre de la proposition de loi à l'examen. Le point de départ est en fait en l'espèce l'établissement principal de la société. L'expression « centre des intérêts principaux » ne figurerait dans le code qu'eu égard à la réglementation européenne en matière d'insolvabilité. L'expression « centre des intérêts principaux » n'est pas une expression usuelle en droit international privé. Par ailleurs, le fait de désigner les principaux intérêts peut parfois contrarier ceux-ci.
Pour la clarté, on a abandonné la notion de siège réel pour la remplacer par celle d'« établissement principal ». Cette notion semble plus claire et plus consistante, dans la mesure où l'on conserve la notion de résidence habituelle pour les personnes physiques. On limite ainsi autant que possible les dérogations qu'imposent les règles européennes en matière d'insolvabilité.
M. Zenner déclare pouvoir suivre ce raisonnement. Il souhaite avant tout que le texte soit très clair sur ce sujet, et qu'il contienne, à l'article 4 ou à l'article en discussion, une définition de la notion de principal établissement ou de centre des intérêts principaux, selon ce que l'on choisira.
L'intervenant rappelle par ailleurs sa question sur la nationalité de la personne morale.
Il renvoie à ce sujet au commentaire de l'article 109 précédant la proposition de loi.
Le professeur Fallon fait observer que la proposition de loi n'utilise le terme « nationalité » pratiquement qu'en matière familiale.
La nationalité ne sera jamais utilisée en droit international privé pour les sociétés.
Il en va différemment pour la résidence habituelle, qui est une notion classique en droit international privé.
L'article 4 opère un lien nécessaire en indiquant que la résidence habituelle est, pour les sociétés, l'établissement principal.
Pour la nationalité, il n'en va pas de même. L'approche proposée permet de se passer de la notion de nationalité.
Cela ne signifie pas que la notion de nationalité des sociétés n'a plus d'importance.
À titre d'exemple, l'orateur se réfère à un accord entre la Belgique et le Libéria, sur l'accès à la justice.
Cet accord prévoit que les nationaux de chaque État membre ont droit à des avantages pour l'accès aux tribunaux.
La jurisprudence a interprété le traité comme signifiant qu'il couvre toute société reconnue comme telle par chacun des États contractants.
La solution technique du traité CEE est assez comparable, puisque l'article 43 de ce traité prévoit la liberté d'établissement pour les ressortissants des États membres.
L'article 48 précise ce que l'on entend par nationalité pour les personnes morales (toute société constituée dans un État membre) et énonce les différents critères de rattachement de la nationalité des sociétés connus en droit comparé (incorporation, administration centrale, ou établissement principal).
L'orateur conclut qu'il ne lui paraît pas indispensable de faire figurer dans le Code de droit international privé une définition de la nationalité des sociétés.
Si la commission est d'un avis contraire, on peut le faire à l'article 3, qui traite de la nationalité des personnes physiques.
M. Zenner estime que, si l'on choisit de ne pas régler la question, il faut alors écarter les considérations figurant à ce sujet dans le commentaire de l'article 110 (doc. Sénat, nº 3-27/1, p. 130).
M. Hugo Vandenberghe comprend que la nationalité ne soit pas un facteur important à prendre en compte pour résoudre un problème de droit international privé. L'intervenant ne voit toutefois pas pourquoi on ne pourrait pas régler la question ici dans la mesure où il n'y a aucune contestation à propos de la nationalité d'une personne morale.
Le professeur Meeusen déclare que la notion de la nationalité des sociétés est contestée et qu'il lui semble dès lors préférable de ne pas y toucher.
M. Zenner fait observer, à propos de l'article 110, qu'au moment précis où une société est constituée, elle n'a pas encore d'établissement principal.
L'article permet par exemple à des Belges de se rendre à Londres pour y fonder une société et de faire jouer le droit anglais.
M. Wautelet répond que vraisemblablement, ces personnes auront déjà posé en Belgique des actes préparatoires (exemple : conclusion d'un contrat de bail pour l'ouverture d'un commerce, contacts avec des fournisseurs belges), qui démontrent leur intention de développer une activité économique en Belgique, et qu'ils utilisent simplement l'incorporation anglaise pour des raisons de facilité, parce que le capital social minimum en Angleterre est beaucoup plus réduit.
Mais puisque l'article 110 se rattache à l'établissement principal, qui est un concept factuel correspondant à la réalité économique, la société sera régie par le droit belge.
Ceci est la confirmation de la théorie du siège réel, mais en utilisant une autre expression, vu les confusions auxquelles ce dernier concept pourrait donner lieu.
M. Zenner conclut que l'article vise ce qui sera le premier principal établissement après la constitution de la société.
Cela peut mener à certains paradoxes. Dans l'exemple cité, une société anglaise sera régie par le droit belge.
Qu'est-ce que cela signifie en pratique ? Sera-ce le droit des sociétés qui déterminera le nombre des administrateurs, le capital minimum, la fréquence de réunion de l'assemblée générale, la responsabilité des administrateurs, ... ?
Le même intervenant se demande pourquoi l'article 110 recourt au renvoi, alors que celui-ci a été écarté de façon générale.
Le professeur Fallon répond qu'il faut distinguer plusieurs hypothèses.
Plaçons-nous tout d'abord en dehors de l'Europe, et envisageons par exemple le cas d'une société incorporée aux Bermudes.
Si la société a son siège réel en Belgique, elle devra se conformer aux règles du droit belge des sociétés.
Il y a une différence entre la nationalité et le droit applicable au fonctionnement de la société.
L'État des Bermudes a le droit de déterminer qui sont ses nationaux. Cette déclaration de nationalité sera sans effet pour la Belgique, sauf accord entre ces deux États.
Le législateur belge peut, quant à lui, déterminer quelle est sa part de responsabilité dans la gestion des rapports sociaux sur le territoire belge, et considérer que si une personne morale est ancrée dans la vie économique belge, les règles du droit belge des sociétés seront applicables, pour des impératifs de protection des créanciers, mais aussi d'égalité de concurrence entre les sociétés.
Le renvoi vise l'hypothèse inverse : c'est le cas où une société a son siège réel à l'étranger, par exemple aux Bermudes, et qu'elle est incorporée par exemple au Delaware.
Dans ce cas, les impératifs précités ne s'imposent plus, du point de vue unilatéral de l'économie belge.
Si l'État des Bermudes considère cette société comme inexistante selon son droit, et se réfère au droit du Delaware, selon l'article 110, il y a lieu, de façon pragmatique, de prendre acte de ce renvoi.
M. Zenner demande si l'on ne pourrait pas dire clairement que la personne morale est régie par le droit belge lorsque son établissement principal était situé en Belgique au moment de sa constitution.
Le professeur Fallon répond que cette observation se comprend, au regard de la formulation classique de la règle de conflit de lois en Belgique (ancien article 197 du Code de commerce, et actuel article 56 du Code des sociétés).
Cependant, dans un Code global de droit international privé, l'approche est quelque peu différente. Pour l'ensemble des matières, on emploie des règles de conflit de lois de type multilatéral, c'est-à-dire que l'on identifie un État de manière objective, sans le nommer.
C'est pourquoi l'article 56 précité est abrogé à l'article 135, 9º. Cette abrogation ne modifie pas la règle.
M. Willems demande des précisions sur le 6º de l'article 11 proposé. Il trouve en effet quelque peu étonnant que les rapports internes entre associés, c'est-à-dire les relations contractuelles entre actionnaires, soient également réglés par le droit applicable aux personnes morales.
Cet article porte en outre sur les rapports entre la personne morale et les associés ou membres de celle-ci. Pourquoi cet article se limite-t-il aux rapports avec ces personnes ? Pourquoi n'a-t-on rien prévu pour ce qui est des rapports avec les liquidateurs, avec les commissaires, etc. ? Pourquoi cet article est-il formulé de manière limitative ?
Dans le même ordre d'idées, M. Zenner observe que l'article 111, 9º, limite à la violation du droit des sociétés ou des statuts la compétence des tribunaux belges pour connaître de la responsabilité des dirigeants.
Ceci est à examiner en conjonction avec les règles sur l'insolvabilité. L'intervenant pense en particulier à la responsabilité aggravée en cas de faillite, et à la responsabilité de droit commun ou sur base du mandat.
Le texte n'exclut pas la compétence des tribunaux belges en ces matières, mais cette compétence est déterminée selon le droit commun par les autres dispositions du Code.
Le professeur Fallon le confirme.
Mme Nyssens s'interroge sur le champ d'application des articles 110 et 111. Elle suppose qu'il va bien au-delà du droit des sociétés, et s'étend par exemple aussi aux ASBL.
Le professeur Fallon répond que le texte introduit une précision utile pour la sécurité juridique, à savoir que le chapitre porte sur les personnes morales, et pas seulement sur les sociétés commerciales.
À propos de l'article 112, M. Zenner fait observer qu'il est à mettre en lien avec l'article 110. L'intervenant suppose qu'à l'alinéa 2, il faut interpréter les mots « le droit de cet État est applicable à partir du transfert » comme signifiant que, par dérogation à l'article 110, la personne morale est régie par le droit du lieu du principal établissement à partir de ce transfert.
M. Hugo Vandenberghe demande pourquoi la disposition relative à la prétention dérivant d'une émission publique figure dans le chapitre à l'examen.
Le professeur Wautelet précise que l'article 114 est une protection. Le porteur des titres a ici le choix entre deux systèmes juridiques, soit le droit applicable à la personne morale, soit le droit de l'État sur le territoire duquel l'émission a eu lieu. L'investisseur est donc protégé. La personne qui achète des titres n'est donc pas nécessairement tenue par la lex societatis.
M. Hugo Vandenberghe évoque le cas de titres ou de valeurs au porteur en Belgique. La meilleure protection des titres au porteur en Belgique est offerte par l'article 2279 du Code civil aux termes duquel possession vaut titre. Cette protection juridique n'apparaît pas ici. Pourquoi ?
M. Zenner estime qu'il faut avant tout préciser ce que l'on entend par « prétention ».
Il pense que, dans l'intention des auteurs, la question de l'article 2279 est réglée par le statut des biens.
M. Hugo Vandenberghe note qu'il se pourrait qu'il y ait une discordance entre les textes français et néerlandais. Le mot français « prétentions » est traduit par le mot néerlandais « vorderingen ». Selon l'intervenant, la prétention réside dans le titre.
Le professeur Fallon fait remarquer que l'intention des auteurs est beaucoup plus limitée. Il renvoie aux développements. L'article 114 s'inspire de la loi suisse sur le droit international privé. La disposition à l'examen contient une règle de protection de l'investisseur en rendant les articles 88 et 107 du Code des sociétés éventuellement applicables aux litiges qui dérivent de l'émission publique de titres.
L'article 114 donne une application particulière de la notion de loi de police visée à l'article 20 de la proposition de code. Il précise les conditions d'applicabilité des dispositions du Code des sociétés relatives à l'émission d'actions en bourse et dont le but est de protéger les épargnants.
M. Zenner constate que l'article 115 propose de refuser de reconnaître en Belgique des effets à une décision judiciaire étrangère concernant la validité, le fonctionnement, la dissolution ou la liquidation d'une personne morale dont l'établissement principal et le siège statutaire étaient situés en Belgique. Pourquoi exiger que tant l'établissement principal que le siège statutaire soient situés en Belgique ?
Le professeur Fallon signale que les effets de la règle proposée à l'article 115 (refus de reconnaissance) sont assez sévères. Les auteurs ont, par mesure de prudence, voulu limiter les effets restrictifs aux cas de sociétés avec un ancrage national fort. C'est pour cette raison que les deux critères énoncés sont prévus de manière cumulative.
M. Zenner constate que l'on atténue de la sorte l'effet de certaines règles antérieures.
Le professeur Fallon admet que le critère du siège statutaire pourrait éventuellement être supprimé.
Mme de T' Serclaes demande si le code modifie les règles de rattachement en matière de fusion de sociétés.
Le professeur Meeusen précise que la doctrine courante, celle de l'application distributive des lois nationales concernées, est ici confirmée. Par conséquent, aucune modification n'est apportée au droit existant et, qui plus est, la Commission européenne a encore fait récemment une nouvelle proposition de fusion transfrontalière, qui confirme aussi cette même règle. Les personnes morales concernées doivent satisfaire aux conditions de leur droit national. La directive ajoute encore des règles matérielles supplémentaires, par exemple en ce qui concerne l'annonce.
L'article 113 est la confirmation d'une règle classique qui est reconnue d'une manière plus générale, y compris dans la législation européenne.
Chapitre XI Règlement collectif de l'insolvabilité (articles 116 à 121)
Le professeur Erauw donne une présentation générale de la situation actuelle et aborde plus en détail le règlement européen relatif à la procédure d'insolvabilité et la proposition d'extension de cette procédure qui est contenue dans le chapitre à l'examen.
Pour l'instant, la Belgique a une approche universaliste de la procédure d'insolvabilité. La Belgique est tout d'abord réticente à intégrer des procédures internationales d'insolvabilité. De plus, au cas où la Belgique se pencherait sur une faillite internationale, elle réglerait tout le dossier au départ de notre pays, notamment pour déterminer la masse faillie et pour régler toutes les prétentions sur cette masse. Dans le souci de traiter sur un pied d'égalité tous les créanciers du débiteur à déclarer en faillite, la Belgique veut prendre une décision qui devra nécessairement avoir des effets partout dans le monde sur l'ensemble des biens du failli.
Ce concept est évidemment impossible à réaliser dans la pratique si l'on ne peut pas assurer que les juridictions étrangères se rallieront au point de vue de la Belgique sur la déclaration de faillite et le partage des biens sis à l'étranger. Il y a donc des limitations à la conception universaliste actuelle, parce qu'il y a peu de conventions contenant des accords en la matière. En matière de faillite internationale, il n'y a que des conventions bilatérales avec la France, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et l'Autriche.
En Belgique, on n'envisage pas de faillite partielle lorsque des biens sont sis en Belgique, mais que le siège social ou effectif de la personne morale est situé à l'étranger. La Belgique a donc une attitude cohérente, en ce sens que nous prenons des mesures là où est établi le siège de la société. Lorsque le siège n'est pas établi chez nous, la Belgique applique une règle de compétence négative et n'intervient pas. Lorsque des juridictions belges se déclarent compétentes, elles appliquent le droit belge de manière conséquente. On parle de lex concursus, c'est-à-dire le droit qui traite du concours de toutes les créances contre le débiteur insolvable.
Ces règles ont été modifiées par le règlement européen du 29 mai 2000 qui est entré en vigueur à la fin de 2002 (règlement 1346/2000). Ce règlement a provoqué une véritable révolution dans le droit belge de la faillite internationale et en ce qui concerne d'autres procédures d'insolvabilité. L'avantage du nouveau régime est qu'il est très détaillé et qu'il définit plusieurs termes.
Le règlement part du principe que les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel est situé le centre des principaux intérêts d'une personne ou d'une entité peuvent ouvrir la procédure d'insolvabilité.
Le règlement précise que le centre des intérêts principaux est présumé se trouver dans le pays où est établi le siège statutaire. Dans un cas concret, à savoir lorsque le siège statutaire revêt un caractère fictif, le tribunal peut toutefois le localiser sur le territoire d'un autre État, par exemple celui sur lequel se trouve le centre de gestion de la société ou son principal siège d'exploitation.
Lorsqu'une juridiction ouvre une procédure principale d'insolvabilité dans l'État membre où est situé le centre des intérêts principaux, elle applique le droit de cet État membre. Si le centre d'activité principale est situé en Belgique, la faillite principale relève du droit belge. Le règlement prévoit toutefois une série d'exceptions.
Un des points essentiels du règlement a trait à la reconnaissance; les décisions du tribunal compétent sont reconnues dans tous les autres États membres. Les décisions prises produisent leur plein et entier effet dans les autres États membres, c'est-à-dire par-delà les frontières. Les pouvoirs d'un curateur désigné dans une faillite de ce type seront reconnus dans les autres États membres et il pourra représenter valablement la masse faillie dans ceux-ci. Le jugement déclaratif de faillite a également des effets universels. Il est d'emblée reconnu comme tel dans les autres pays. L'universalité de ses effets est bien sûr toujours limitée à l'Europe.
Il y a une exception importante, à savoir la faillite territoriale. Il s'agit d'une petite faillite, parfois d'une faillite secondaire. On accepte aujourd'hui qu'il peut y avoir aussi plusieurs faillites simultanées dans plusieurs pays. Lorsqu'un tribunal est saisi de la faillite principale dans le pays où se trouve le centre des principaux intérêts, il peut y avoir une faillite partielle dans un autre pays où se trouve une filiale. La faillite partielle est alors limitée aux biens qui se trouvent sur le territoire du pays concerné. Il s'agit d'un élément nouveau, qui rompt avec le souhait initial de la Belgique de traiter sur un pied de stricte égalité tous ceux qui sont impliqués dans une faillite.
Pour ce qui est des cas où plusieurs faillites se produisent simultanément, le règlement indique ce que le curateur de la faillite principale doit faire pour jouer un rôle directeur et un rôle de coordination et dans quelle mesure il faut garantir, lors de la liquidation, un traitement égal et équitable des créanciers du failli. Il est possible, sous l'empire de la réglementation européenne actuelle, d'engager une petite faillite locale en Belgique avant de lancer la procédure de faillite principale dans le pays où se trouve le centre des principaux intérêts.
Le juge qui examine la faillite (faillite principale ou faillite territoriale) n'applique pas toujours le droit du for. Des exceptions sont prévues pour les sûretés réelles. On fait notamment une exception en ce qui concerne la clause de réserve de propriété. Grâce à ces exceptions, on évite que les accords existants soient perturbés par l'introduction de la procédure d'insolvabilité.
Cela ouvre aux milieux financiers des perspectives leur permettant de séparer de la faillite les sûretés qu'ils ont sur des biens immobiliers ou sur des valeurs mobilières et de garantir qu'elles continuent à être traitées conformément au statut réel.
La présente proposition part du principe qu'il faut maintenir cette approche européenne. En effet, le règlement européen ne règle pas tout. Son incidence territoriale est strictement limitée aux frontières physiques de l'Union européenne. Lorsqu'un débiteur a le centre de ses principaux intérêts au sein de la CEE, la compétence est déterminée par le règlement. Cette compétence ne couvre toutefois pas les biens situés hors de l'Europe. Le législateur belge tente à présent d'étendre cette compétence. Il entend rendre les dispositions du règlement applicables même pour ce qui est des biens qui sont situés hors d'Europe.
Pour le reste, le règlement ne s'applique pas aux personnes qui ont le centre de leurs principaux intérêts en dehors de la CEE. La proposition de loi suggère aussi sur ce point l'acceptation de la compétence du juge du centre des principaux intérêts. La terminologie utilisée se réfère à celle du règlement européen. On souhaite que les dispositions du règlement européen soient applicables dans le monde entier. Il va de soi que cette vision universaliste est limitée par le fait qu'elle ne peut pas être imposée aux pays non européens.
L'article 119 proposé, par exemple, est très important. Il dispose que la procédure d'insolvabilité est régie par le droit applicable en vertu du règlement européen, même lorsque ce droit est celui d'un État auquel le règlement ne s'applique pas. Alors que le règlement renvoie au droit d'un État membre, on se réfère ici au droit d'un État quelconque. Par conséquent, lorsqu'une procédure de faillite est ouverte au Canada, on admet qu'un certain nombre de choses seront réglées en application du droit canadien. On peut toutefois aussi engager une procédure territoriale en Belgique ou dans un pays tiers.
On peut dire, si on projette l'approche européenne à l'échelle mondiale, que la Belgique pourra continuer à engager des procédures relatives à de petites faillites, avec liquidation et partage de biens situés chez nous, en application du droit belge. L'article à l'examen rend applicables les diverses dispositions du règlement, y compris les exceptions, à savoir le respect des droits réels et des sûretés réelles, la liquidation, la réserve de propriété.
L'article 119 étend la nouvelle approche à l'échelle mondiale. Pour les biens situés en Belgique, on peut continuer à respecter les sûretés réelles de la Belgique face à une faillite étrangère. On permet la collaboration entre les curateurs d'une faillite principale à l'étranger et les curateurs d'une faillite territoriale belge, ou inversement, mais les règles en question ne peuvent bien entendu pas être rendues contraignantes.
M. Zenner souligne la complexité de la matière traitée dans le chapitre XI de la proposition de loi, dont les règles essentielles viennent d'être synthétisées.
Cette matière est également d'une grande actualité puisqu'un juge américain vient d'interdire à des réviseurs d'entreprises belges d'exercer leurs droits tendant à la protection de leur secret professionnel en introduisant une action devant le juge des référés du tribunal de commerce de Bruxelles.
Le juge américain a jugé que le droit américain de la faillite primait sur le droit belge du secret professionnel et a interdit à ces réviseurs d'entreprises de faire valoir leurs droits.
L'orateur rappelle qu'en droit belge, les dispositions de droit international privé applicables aux procédures collectives transfrontalières résultent de trois sources principales :
le règlement 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité, qui ne vise que les relations entre États membres (le règlement insolvabilité);
le droit commun en matière de conflits de juridictions pour les faillites internationales est visé aux articles 631 et 635, 8º, du Code judiciaire;
les règles de conflit de lois sont quant à elles d'origine purement jurisprudentielle (1).
Quelques conventions bilatérales s'appliquaient antérieurement à la matière de la faillite mais elles ont été abrogées (en ce qui concerne les aspects relatifs à la faillite) à l'occasion de l'entrée en vigueur du règlement insolvabilité (2). Il faudrait d'ailleurs envisager d'abroger officiellement ces conventions car le fait qu'elles subsistent pour certains aspects (par exemple les sûretés pour certaines d'entre elles) est de nature à créer des confusions (3).
Les règles prévues actuellement par le droit international privé belge laissent subsister une véritable insécurité juridique, or les procédures d'insolvabilité internationales avec répercussion en Belgique sont de plus en plus nombreuses, particulièrement en ce qui concerne les groupes américains disposant de filiales belges qui recourent au fameux « chapter XI » de droit US. L'extension des règles du règlement insolvabilité aux États tiers est donc une décision à encourager qui apportera une sécurité juridique accrue nécessaire au développement des relations économiques et une plus grande facilité de coopération judiciaire (notamment grâce à la possibilité d'ouvrir des faillites secondaires).
L'intervenant insiste sur le fait que, lorsqu'on parle d'« insolvabilité », on pense généralement d'abord aux faillites.
Mais le droit de l'« insolvency », tel qu'il est conçu en droit anglo-saxon, concerne aussi, chaque jour et dans chaque opération internationale, la question de savoir comment couvrir le créancier.
Lorsque le ministère des Finances vend la tour des Finances, on s'interroge, aux États-Unis, sur le crédit de la Régie des Bâtiments. Les cabinets bruxellois sont interrogés sur la question très complexe de savoir si les dettes de la Régie des Bâtiments s'inscrivent dans le patrimoine de l'État ou non.
En fonction de la réponse à cette question, les institutions de rating américaines donneront un rating de crédit différent à l'opération, dont ressortira une majoration du coût du crédit pour l'État belge ou pour ses organes.
Qu'il s'agisse du financement d'un Boeing ou d'un Airbus, ou d'une titrisation permettant à des banques de donner plus facilement des crédits aux PME, se posent tous les problèmes que l'on examine aujourd'hui dans le cadre de la proposition de loi.
Quelle est la mesure d'adaptation du droit aux relations internationales ?
Quelle que soit l'opinion que l'on peut avoir sur le fond, il importe avant tout que la Belgique ne reste pas en retard par rapport à d'autres juridictions (Londres, Luxembourg, New York, ...), qui attirent par leur adaptation permanente.
En ce qui concerne l'extension du règlement par analogie, l'orateur note que le projet de loi prévoit d'étendre les règles prévues dans le règlement 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité (le règlement) aux relations avec les États tiers (i.e. le Danemark et les États non membres de l'UE). Plutôt que d'intégrer les dispositions du règlement relevantes, le projet de loi prévoit une application par analogie en faisant référence aux dispositions du règlement de manière générale (à l'article 117) et de manière plus spécifique dans les articles suivants. Une insertion dans le texte même du projet de code serait plus opportune, d'une part, pour des raisons de légistique formelle et, d'autre part, à cause du caractère inapproprié de l'application de certaines dispositions du règlement aux relations avec des États tiers ou de l'inutilité de certaines dispositions.
La section de législation du Conseil d'État condamne le procédé qui consiste à faire référence à un instrument de droit européen plutôt que d'intégrer l'entièreté du texte dans un projet de loi.
Ainsi, en ce qui concerne la transposition de directives européennes, le Conseil d'État indique qu'il « condamne le procédé par référence consistant à déclarer simplement applicable telle ou telle directive, sans intégrer effectivement ses dispositions, en tous ses éléments, dans le droit interne. Ce n'est en effet pas la directive elle-même, mais les prescriptions de droit interne qui en transposent les dispositions dans l'ordre juridique national qui seront applicables dans cet ordre juridique. Il faut également satisfaire à l'exigence de publicité au Moniteur belge desdites règles » (4).
Les arguments développés par le Conseil d'État sur cette technique légistique à propos de la transposition de directives européennes vaut a fortiori en ce qui concerne l'extension du champ d'application d'un règlement dont le champ d'application est limité aux relations entre États membres (alors que les directives ont quant à elles vocation, dans une certaine mesure, à s'appliquer directement).
Sauf erreur, le chapitre sur les procédures collectives d'insolvabilité ne se trouvait pas encore dans le projet de texte tel que soumis au Conseil d'État, ce qui explique son absence de réaction sur ce procédé.
Conclusion : une simple référence au règlement est insuffisante, il faudrait intégrer dans le texte du code les dispositions du règlement que l'on veut appliquer par analogie.
Dans la mesure où il n'y aura pas de contrepartie des États étrangers, cette absence de réciprocité doit être prise en compte lorsque l'on examine les dispositions à étendre ou non. Peut-être faudrait-il prévoir une clause générale indiquant que les tribunaux belges ne sont tenus de respecter telle ou telle obligation prévue par le code qu'à condition que le droit de l'autre État prévoie une disposition équivalente (comme déjà prévu à l'article 120, § 1er) ?
Des voix s'élèvent, à l'heure actuelle, pour exprimer des doutes sur la confiance que méritent certains régimes juridiques des pays adhérents à l'Union européenne.
Mais la confiance que mérite le régime juridique de pays tiers à cette Union, telle qu'elle se composera demain, pose davantage encore de questions.
Ces questions sont d'ailleurs délicates, même entre États voisins.
À cet égard, l'orateur se réfère à une affaire qu'il a vécue personnellement en 1978, alors qu'il avait été désigné comme curateur à la faillite de l'orfèvrerie Wiskemann. Celle-ci, établie à Bruxelles, disposait à Paris d'un fonds de commerce, qui occupait dix personnes, et qui était d'une grande valeur.
Fort du traité franco-belge de 1898, l'orateur s'est présenté à Paris, trois jours après la déclaration de la faillite à Bruxelles, pour faire inventaire.
Le personnel présent a appelé la police. L'orateur a fait valoir que le traité franco-belge assurait la reconnaissance, en France, des décisions de justice belges, et qu'il pouvait dès lors fermer le magasin durant quelques heures pour dresser un inventaire.
La police ne l'a pas compris ainsi, et a mis l'orateur en détention.
En fin de soirée, il est passé devant un substitut, qui lui a signifié qu'il avait commis une atteinte à la liberté du travail, et qu'il serait poursuivi. Compte tenu de sa bonne foi, l'orateur a été libéré.
Un an plus tard, il a effectivement été condamné de ce chef par le tribunal correctionnel de Paris.
Ainsi, même dans les relations entre la France et la Belgique, les notions peuvent être comprises de manière fort différente.
La question se pose donc de savoir dans quelle mesure les dispositions du règlement méritent d'être insérées dans le Code de droit international privé, compte tenu, notamment, de cette absence de réciprocité.
Il faudrait examiner le point de savoir si, dans l'ensemble, il ne faudrait pas une règle de réciprocité. L'intervenant n'y est, a priori, pas favorable, car il est bon, ici comme dans d'autres domaines, que l'on puisse aller de l'avant sans attendre la réciprocité.
L'intervenant a également procédé à une première analyse du règlement, et formule à ce sujet les observations suivantes :
Article 1er, § 1er (champ d'application) : à transposer en l'adaptant. En effet, en ce qui concerne les procédures collectives belges visées, elle sont déjà indiquées à l'article 116 du projet de code. Le texte de l'article 1er, § 1er, reste utile afin de déterminer quel type de décisions étrangères seraient visées par le chapitre IX du Code de droit international privé.
Article 1er, § 2 (exclusions de certains types de sociétés du champ d'application du règlement) : voyez notre commentaire sous l'article 117, 1º, ci-dessus.
Ceci pose le problème du sort des compagnies d'assurances, des institutions de crédit et des organismes de placement collectif, qui sont exclus du règlement, et qui ont donné lieu à une directive spécifique devant encore être transposée en droit belge.
Article 2 (définitions) : à insérer mais certaines définitions sont inutiles ou à adapter au droit belge (en général « procédure d'insolvabilité » n'est pas nécessaire car visée à l'article 116; « syndic » est à remplacer par « curateur, commissaire au sursis et médiateur de dettes » pour la Belgique, la définition du règlement (hormis la référence à l'annexe C) valant pour les États tiers; toute référence à un « État membre » sera bien entendu supprimée, ...).
Article 3 (compétence internationale) : voyez le commentaire de l'article 117 ci-dessous, point 12.
Article 4 (loi applicable) : voyez le commentaire de l'article 119 ci-dessous.
Article 5 (droits réels) : cette disposition paraît pouvoir être insérée telle quelle (sous réserve de l'adaptation de la rédaction pour ne pas viser le territoire d'un État membre mais celui d'un État tiers, par exemple).
Article 6 (compensation) : la question de savoir si l'article 6 du règlement a vocation à protéger les clauses dites de « close-out netting » généralement insérées dans les conventions conclues entre professionnels des marchés financiers, comme par exemple les ISDA Master Agreements applicables aux contrats de swaps n'est pas claire. L'incertitude quant à l'application de l'article 6, 1, à ce type d'accord s'explique par le fait que la compensation n'est qu'un des éléments constitutifs des accords de « close-out netting ».
En effet, le « close-out netting » est un mécanisme plus large que la compensation au sens strict puisqu'il suppose généralement la résiliation anticipée préalable du contrat (« early termination ») et l'exigibilité anticipée des créances (« acceleration of claims »). Or, s'il est certain que la compensation est protégée par l'article 6.1. du règlement, il n'en va pas nécessairement de même pour les mécanismes d'« early termination » et d'« acceleration of claims ».
Il ne nous semble pas que la volonté des auteurs du règlement ait été de permettre aux accords de « close-out netting » de sortir leurs effets malgré l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité (5).
Le juge devant, dans le cadre d'une faillite, décider s'il doit ou non donner effet à une clause de « close-out netting » contenue dans une convention conclue par le débiteur devrait dès lors, en application de l'article 4.2, (e), du règlement, vérifier si aucune disposition impérative du droit de la faillite applicable ne s'oppose à ce que les clauses d'« early termination » ou d'« acceleration of claims » ne sortent leurs effets malgré la procédure d'insolvabilité et ensuite il lui appartiendra de faire application de l'article 6, 1, du règlement en ce qui concerne le mécanisme de compensation au sens strict.
Il serait dès lors utile d'étendre expressément les dispositions de l'article aux clauses de « close-out netting » puisqu'il s'agit d'un mécanisme particulièrement important dans la pratique.
Articles 7 (réserve de propriété), 8 (contrat portant sur un bien immobilier), 9 (systèmes de paiement et marchés financiers), 10 (contrat de travail), 11 (effets sur les droits soumis à l'enregistrement), 12 (brevets et marques communautaires), 13 (acte préjudiciable), 14 (protection du tiers acquéreur), et 15 (effets de la procédure d'insolvabilité sur les instances en cours) : ces dispositions paraissent pouvoir être insérées telles quelles (sous réserve de l'adaptation de la rédaction pour éviter les références aux État membres).
Articles 16, 17 (reconnaissance de la procédure d'insolvabilité), 25 (reconnaissance et caractère exécutoire d'autres décisions) et 26 (ordre public) : à ne pas insérer car remplacés par l'article 121 du projet de code (voyez le commentaire au point 19 ci-dessous).
Article 18 (pouvoirs du syndic) : l'application de ces dispositions dans les relations avec les États tiers pourrait se révéler très difficile.
D'un côté, dans un souci de modernité, l'on est tenté de les intégrer dans le texte. De l'autre, on peut se demander si elles sont réalistes.
Un administrateur belge a le devoir de veiller à ce que sa liquidation se passe au mieux. Si, dans ce contexte, il peut coopérer avec un curateur étranger, il est censé le faire. Imposer des règles spécifiques, excellentes dans l'absolu, pourrait être démesuré par rapport aux réalités de la pratique, sachant qu'il s'agit souvent de faillites avec peu ou pas d'actif.
Article 19 (preuve de la nomination du syndic) : ne pas insérer en raison de l'absence d'accord de coopération avec les États tiers similaires à ceux applicables entre États membres.
Article 20 (restitution et imputation) : peut être inséré tel quel.
Articles 21, 22, 23, 24 (publicité et conséquences) : non applicables en pratique vis-à-vis d'États tiers.
Article 27 (procédures secondaires) : puisque l'on se trouve dans le cadre d'un règlement unilatéral, on pourrait prévoir que la Belgique peut ouvrir une procédure secondaire. Mais la référence faite au règlement semble indiquer que les États tiers ont compétence pour ce faire.
Articles 28, 29, 30, 32 (loi applicable, droit de demander l'ouverture, avance des frais et dépens, exercice des droits des créanciers) : peuvent être repris dans le projet de code tels quels (sous réserve de l'adaptation de la rédaction pour éviter les références aux États membres).
Articles 31 (devoir de coopération et d'information) et 33 (suspension et liquidation) : peuvent être insérés mais avec une réserve de réciprocité. Par ailleurs, la rédaction doit être amendée car cette obligation ne peut être bilatéralisée.
Article 34, § 1er, (mesures mettant fin à la procédure secondaire d'insolvabilité) : ne semble pas applicable sans accord de coopération. Le 34, § 2, pourrait être intégré dans le projet de code. L'article 34, § 3, peut être inséré mais avec une réserve de réciprocité.
Article 35 (surplus d'actifs dans la procédure secondaire), article 36 (ouverture ultérieure de la procédure principale), article 37 (conversion de la procédure antérieure) : peuvent être insérés mais sans que cela soit bilatéralisé. Semble difficile à mettre en pratique avec des États tiers.
Article 38 (mesures conservatoires), article 40 (obligation d'informer les créanciers) et article 42 (langues) : non applicables avec des États tiers.
Article 39 (droit de produire les créances) : peut être inséré tel quel mais avec une réserve de réciprocité.
Article 41 (contenu de la production d'une créance) : peut être inséré tel quel mais avec une réserve de réciprocité.
Articles 43 à 47 (dispositions finales et transitoires) : non relevants.
L'intervenant procède ensuite à un commentaire article par article.
« A. Article 116 : champ d'application
Il faudrait préciser dans l'exposé des motifs que parallèlement à la solution retenue dans le règlement, il n'est en effet pas nécessaire de mentionner que seules les procédures « transfrontalières » ou « internationales » seront visées, ou encore que la société doit avoir des établissements ou des actifs à l'étranger. Dès qu'une question de droit international privé survient à l'occasion d'une faillite ouverte en Belgique, les règles du code auront vocation à s'appliquer. Par ailleurs, il serait utile de prévoir que le chapitre IX constitue le droit commun du droit international privé belge en matière de faillite et qu'il trouvera à s'appliquer dans tous les cas, sous réserve de l'application du règlement. Ceci signifie qu'il s'appliquera non seulement aux procédures d'insolvabilité non visées par le règlement mais également qu'il règlera certains aspects non visés dans le règlement de procédures d'insolvabilité qui tombent dans son champ d'application et qui sont visées dans le code.
C'est dans cet article qu'il faudrait également insérer une disposition relative à l'application rationae personae de ce chapitre (actuellement prévue à l'article 117 à supprimer). L'article 1er, § 2, du règlement exclut de son champ d'application (i) les établissements de crédit, (ii) les entreprises d'assurance, (iii) les organismes de placement collectif et (iv) les entreprises d'investissements qui fournissent des services impliquant la détention de fonds ou de valeurs mobilières de tiers.
Le champ d'application du code par rapport à celui prévu à l'article 1er du règlement ne devrait être étendu qu'aux entreprises d'investissement qui fournissent des services impliquant la détention de fonds ou de valeurs de tiers et aux organismes de placement collectif, et non aux établissements de crédit, ni aux compagnies d'assurance. En effet, les établissements de crédit et les compagnies d'assurance sont visés par deux directives européennes qui en règlent la liquidation et l'assainissement au moyen de règles adaptées à leur pratique (directive 2001/24/CE sur l'assainissement et la liquidation des établissements de crédit et directive 2001/17/CE sur l'assainissement et la liquidation des entreprises d'assurance). Ces deux directives ne sont pas encore en vigueur en Belgique mais devraient l'être dans les prochains mois (le délai de transposition de la directive assurances était le 20 avril 2003 et celui de la directive établissements de crédit est fixé au 5 mai 2004; il est probable que les deux textes entreront vraisemblablement en vigueur ensemble).
Il serait dès lors plus logique de s'inspirer des dispositions prévues dans ces directives respectives en ce qui concerne l'insolvabilité de ce type de sociétés (en ayant bien entendu à l'esprit que les règles applicables risquent d'être différentes de celles prévues dans ces directives en raison du cadre légal et réglementaire fortement différent au sein des États membres en ce qui concerne ce type de société en raison notamment du passeport européen, du régime de libre prestation de services et du système du « home country control »). Il convient en tous cas selon l'intervenant de ne pas permettre l'ouverture de faillites secondaires en ce qui concerne ces sociétés.
Les entreprises d'investissement qui fournissent des services impliquant la détention de fonds ou de valeurs de tiers et les organismes de placement collectif ne font pas l'objet actuellement de directives visant à organiser les cas d'insolvabilité; les dispositions du règlement pourraient dès lors leur être étendues (sans différencier selon qu'il s'agit de sociétés dont le centre des intérêts principaux (« COMI ») se situe dans ou hors de la Communauté). Il faudrait ici également interdire l'ouverture de faillites secondaires.
L'idée est d'éviter de compromettre une mesure d'assainissement prise sur l'initiative des autorités de contrôle dont relève cette entreprise financière en raison de la compétence exclusive que doit garder l'État d'origine en matière bancaire et financière (6).
Ceci est bien entendu vrai en ce qui concerne les sociétés financières dont le COMI est situé au sein de l'UE, mais il est également opportun de l'appliquer aux sociétés financières dont le COMI est situé à l'étranger. [Ivan, Alain, Considering the practice, do you agree with this statement ?]
L'article 117, 2º, actuel du projet de code (champ d'application territorial) devrait être inséré également à l'article 116. Après l'actuel article 116, § 1er, l'on pourrait prévoir que : « Le présent chapitre s'applique également aux procédures collectives étrangères fondées sur l'insolvabilité d'un débiteur dont le centre des intérêts principaux (au sens du règlement 1346/2000/CE du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité et tel qu'interprété par la Cour de justice des Communautés européennes) est situé sur le territoire d'un État auquel le règlement ne s'applique pas et qui entraînent le dessaisissement partiel ou total de ce débiteur ainsi que la désignation d'un (syndic/curateur). » Il est logique ici de prendre comme critère le COMI puisque cela permettra de ne pas laisser de marge entre l'application du règlement et l'application du code. Il serait d'ailleurs utile de préciser qu'il s'agit du COMI au sens du règlement et tel qu'interprété par la CJCE.
On pourrait préciser que c'est le centre des intérêts principaux au sens du règlement insolvabilité et tel que cette notion sera interprétée par la Cour de justice des Communautés européennes qui a compétence pour interpréter le règlement insolvabilité.
B. Article 117 (Compétence internationale)
Article 117, § 1er : à supprimer puisque le texte du règlement adapté devrait être repris intégralement dans le projet de code.
Article 117, § 2, 1º : à ce sujet, voyez le commentaire au point 7 ci-dessus en ce qui concerne les établissements de crédit, entreprises d'assurance, organismes de placement collectif et les entreprises d'investissements qui fournissent des services impliquant la détention de fonds ou de valeurs mobilières de tiers. Ce paragraphe peut donc être supprimé également vu qu'il sera inséré dans l'article 116.
Article 117, § 2º : à supprimer puisqu'il sera inséré dans l'article 116.
L'article 117 : pourrait s'intituler « compétence internationale » et il pourrait contenir les règles en la matière prévues à l'article 3 du règlement » (7). Il faudra bien entendu l'adapter par exemple en supprimant les références à « État membre », et en remplaçant dans l'alinéa 1er de l'article 3 la référence au « siège statutaire » par une référence au siège social ou au lieu d'établissement principal en ce qui concerne les personnes physiques » (afin de sauvegarder la cohérence avec la théorie du siège réel confirmée apparemment en matière de lex societatis).
C. Article 118
Article 118, § 1 : voyez le commentaire ci-dessus, point 12, sur l'article 117.
Article 118, § 2 : Actions dérivant de la procédure d'insolvabilité
Il semble utile de préciser ce qu'il faut entendre par « contestations qui dérivent de la procédure d'insolvabilité ».
En droit interne, l'article 574, 2º, du Code judiciaire prévoit la compétence du tribunal de commerce également pour connaître : « des actions et contestations qui découlent directement des faillites et des concordats judiciaires, conformément à ce qui est prescrit par la loi sur les faillites et par la loi relative au concordat judiciaire, et dont les éléments de solution résident dans le droit particulier qui concerne le régime des faillites et des concordats judiciaires. »
En droit international, la définition résulte de l'arrêt Gourdain rendu par la CJCE (8). La Cour, après avoir indiqué, comme énoncé ci-dessus, que sont exclues du champ d'application de la Convention de Bruxelles les actions nées de la faillite, a précisé qu'il s'agit de celles qui « dérivent directement de la faillite et s'insèrent étroitement dans le cadre d'une procédure de liquidation des biens ou d'un règlement judiciaire. »
La définition de l'arrêt Gourdain est plus adaptée à un contexte international. Il serait peut-être judicieux d'étendre le § 2 de l'article 118 sur la base de cette définition.
Extension de faillite
En ses arrêts des 1er juin 1979 et 12 février 1981, la Cour de cassation a décidé que l'extension de la faillite à un maître de l'affaire ou associé doit être analysée comme une faillite distincte, indépendante de la faillite principale, avec la conséquence que les conditions de la faillite doivent être recherchées dans le chef de l'associé ou du maître de l'affaire lui-même (9). Cette décision a été largement suivie par la jurisprudence (10).
Cependant, la Cour de cassation a également indiqué que « dans le cas d'une société en nom collectif, le tribunal territorialement compétent pour déclarer la faillite de la société est seul compétent pour connaître de la demande en déclaration de faillite des associés indéfiniment et solidairement responsables » (11). Dans le cas où une faillite des associés doit automatiquement intervenir, la Cour semble donc considérer que le même tribunal que celui chargé de prononcer la faillite principale est également compétent pour connaître de cette action. Il en résulte une certaine incertitude quant à cette question. L'on pourrait dès lors expressément confirmer la position de la Cour de cassation (faillites autonomes dans le code).
Article 118, § 3 : le principe est bon, mais la rédaction est à adapter (pour éviter la référence au règlement).
NB : les dispositions de l'article 118 actuel peuvent remonter dans l'article 117 et idem pour les articles suivants.
D. Article 119 (Droit applicable au règlement collectif de l'insolvabilité)
Les développements qui précèdent le projet de loi précisent (page 136) qu'il n'est pas nécessaire d'énoncer expressément le domaine de la lex concursus car il suffirait de se référer à l'article 4,2 du règlement (12).
Ceci n'est pas correct. Tout d'abord, c'est principalement l'article 4,1 et non 4,2 qui doit être visé puisqu'il prévoit que « la loi de l'État d'ouverture détermine les conditions d'ouverture, le déroulement et la clôture de la procédure d'insolvabilité ». La liste non-exhaustive des situations soumises à la loi de la faillite visée à l'article 4,2 n'a été insérée que pour faciliter l'interprétation de l'article 4,1 (13). Par ailleurs, l'article 4,2 est purement exemplatif (14). Son objet est de renvoyer au droit national applicable. Dès lors, rien n'empêche le législateur belge d'ajouter des dispositions à la liste reprise à l'article 4,2 pour autant (i) qu'il n'en résulte pas une contradiction avec d'autres dispositions du règlement. Par contre, l'on ne saurait enlever certaines des dispositions reprises à l'article 4,2 et (ii) que ces dispositions tombent dans la définition plus générale reprise à l'article 4,1.
La disposition à insérer à l'article 119 devrait donc reprendre les éléments invoqués à l'article 4,2, en y ajoutant d'autres éléments et en adaptant le wording au droit belge (par exemple, sous le point m) on fera expressément référence à la période suspecte). Par ailleurs, une bilatéralisation de cet article n'est pas nécessaire.
Il faudrait autant que possible prévoir l'articulation de cet article avec le droit des sûretés car il existe en la matière une grande insécurité juridique. On pourrait ainsi insérer un paragraphe reprenant des matières non visées par la loi sur la faillite.
Ainsi, en ce qui concerne les sûretés : il faudrait préciser que : (i) la création de rapports contractuels entre la partie qui constitue la sûreté et celle qui en bénéficie est soumise à la loi applicable au contrat à l'origine de la sûreté qui est librement déterminée par les parties (la lex contractus) (15), (ii) l'aspect droit réel est généralement soumis à la loi de la situation du bien (la lex rei sitae), qu'elle soit réelle ou fictive, qui détermine les conditions de validité et d'opposabilité du droit réel (perfection de la sûreté, formalités, ...) ainsi que les types de sûretés disponibles (numerus clausus) et (iii) en cas de concours sur les biens du débiteur, la loi applicable au concours en général la loi de la faillite (la lex concursus) aura vocation à régir également certains aspects des sûretés.
Les opinions divergent quelque peu dans la doctrine quant au champ d'application de la lex concursus et la jurisprudence n'apporte que peu d'éléments à cet égard. La plupart des auteurs, à juste titre selon nous, attribuent à la lex concursus une compétence négative. La lex concursus n'intervient que pour limiter les droits du créancier tels que consacrés par la lex rei sitae (16).
Il ne s'agit donc pas de rendre applicable à la sûreté l'ensemble des dispositions de la lex concursus, mais uniquement celles qui limitent ou s'opposent à l'efficacité de la sûreté en cas de concours (règles relatives à la période suspecte,...). Bien entendu, le rang continuerait également d'être régi par la lex concursus. Il s'agirait d'une confirmation de la répartition correcte des compétences entre les différentes lois applicables.
La compensation est visée à l'article 4,2 et dès lors, il semble impossible de l'exclure. Cela constituerait d'ailleurs un changement radical d'approche du droit international privé en la matière, ce qui n'est pas heureux au niveau de la sécurité juridique. Voyez à cet égard les remarques générales du Conseil d'État sur l'opportunité de codifier le droit international privé (17). L'hypothèque ne pose pas problème en droit international privé belge.
Restent encore le gage et la cession de créances à titre de garantie. En ce qui concerne la cession de créances à titre de garantie et le gage sur créances, nous suggérons d'insérer dans le code un article similaire à l'article 145 de la loi du 2 août 2002 (mais plutôt dans le chapitre sur les biens). À cet égard, il faudrait préciser dans l'exposé des motifs qui précèdera le code que l'objet de cette disposition, comme celle de l'article 145, est de soumettre l'opposabilité aux tiers, en ce compris en cas de faillite, à la lex contractus plutôt qu'à la lex domicili debitoris. De cette manière on évitera de manière certaine les commentaires qui pourraient considérer que cette nouvelle disposition ne viserait qu'à régir la question de l'opposabilité hors cas de concours.
E. Article 120
Cette disposition ne paraît pas devoir être améliorée, sous réserve de son adaptation afin de ne pas faire référence au règlement mais d'insérer les différentes dispositions relevantes.
F. Article 121 (effets des décisions judiciaires étrangères en matière d'insolvabilité)
Il faudrait préciser que la décision étrangère d'insolvabilité sera rendue exécutoire aux conditions prévues par l'article 23 du projet de code (pour l'instant, on fait seulement référence à la reconnaissance).
Il faudrait également effacer le mot « judiciaires » du titre ou ajouter « et administratives » puisque dans certains États, certaines décisions d'insolvabilité sont du ressort des tribunaux administratifs.
Il faudrait également préciser que ces dispositions valent pour des procédures qui ne sont pas textuellement des procédures d'insolvabilité mais qui sont relatives au déroulement et à la clôture d'une procédure d'insolvabilité (similaire à l'article 25 du règlement). »
M. Hugo Vandenberghe estime que la question cruciale est de savoir si la référence au règlement européen suffit. N'y a-t-il pas un risque de coexistence de réglementations contradictoires ? Peut-on supprimer des dispositions du règlement ? N'est-il pas préférable, pour la lisibilité du texte, de reprendre le règlement ?
Mme de T' Serclaes demande pourquoi, alors que le règlement relatif à la compétence internationale définit le centre des intérêts principaux comme étant, jusqu'à preuve du contraire, le lieu du siège statutaire, la proposition en donne une autre définition, à savoir le lieu de l'établissement principal.
Le règlement est d'application directe mais, pour les pays tiers, on appliquerait donc une autre définition.
Ce système paraît manquer quelque peu de cohérence.
Le professeur Fallon répond que les auteurs ont longuement réfléchi au problème légistique soulevé par M. Zenner, dans le souci, notamment, d'éviter un allongement excessif du texte par rapport à l'ensemble.
S'agissant d'un règlement et non d'une directive, le choix de se limiter à un renvoi se justifie, car on évite ainsi les problèmes d'articulation ou d'interaction entre des textes, qui risquent de se poser si l'on a, d'une part, un règlement et, de l'autre, un autre texte qui lui ressemble mais en diffère sur certains points.
Il paraît préférable d'étendre, autant que faire se peut, les dispositions du règlement par la technique du renvoi. Cela signifie, concrètement, que les questions d'interprétation pourront être résolues par la Cour de justice.
De façon générale, celle-ci accepte qu'un juge national lui pose une question préjudicielle d'interprétation de la loi nationale, lorsque celle-ci a étendu un acte communautaire au-delà de son domaine, et à condition que le juge national soit obligé de se conformer à la réponse de la Cour.
Si le législateur décide ici que le juge belge va considérer le règlement comme le texte de base pour ses procédures internationales, ce juge sera tenu par la jurisprudence de la Cour s'il lui pose une question préjudicielle.
Par ailleurs, il ne faut pas trop craindre l'« extension » du règlement, qui est relative. Il s'agit d'une extension pour les questions concernant, par exemple, les créanciers.
Pour ce qui est de la procédure elle-même, le texte prévoit que les tribunaux belges ne sont compétents que dans les cas où le règlement donne compétence pour la procédure.
L'article 118 signifie que, lorsqu'il s'agit d'un débiteur de pays tiers (c'est-à-dire qu'il a son siège statutaire et/ou son établissement principal dans un pays tiers), il n'y a pas de compétence.
En ce qui concerne les questions de coopération entre autorités belges et pays tiers, il ne faut pas négliger le caractère très ouvert de notre droit actuel, puisque nous admettons la reconnaissance de plein droit d'une décision étrangère ouvrant ou déclarant une faillite.
Dans le cas cité par un précédent orateur à propos du traité franco-belge, il n'aurait pas du tout été exclu que, si un syndic américain avait formulé la même demande en Belgique, on admette la reconnaissance de plein droit d'une décision américaine nommant un syndic et lui donnant des pouvoirs.
M. Zenner souligne que, de plus en plus, les Américains ont tendance à considérer que leur ordre public a vocation à s'appliquer internationalement, et que les autres doivent s'effacer.
S'il trouve positif que l'on soit progressiste et que l'on reconnaisse le droit étranger comme tel, l'intervenant ne pense pas qu'il faille systématiquement céder face à ce genre d'attitude.
Dans des matières aussi sensibles, la question de la réciprocité se pose plus encore qu'ailleurs.
Le respect de notre ordre public belge et de nos valeurs européennes doit aussi être reconnu à l'étranger.
Le professeur Watté répond que l'un des objectifs de la proposition de code est précisément de donner au juge belge la possibilité d'ouvrir une procédure territoriale.
Cela est particulièrement important puisque, à défaut d'une telle disposition, et si le règlement ne s'applique pas, on se trouverait devant un vide juridique.
En effet, le règlement se limite à l'hypothèse du centre des intérêts principaux situé dans un État membre.
Si ce centre est situé hors de l'Union européenne, le règlement ne joue pas.
Quant à la réciprocité, elle doit, par hypothèse, être acceptée par l'autre partie.
La seule chose que l'on peut faire est de voir jusqu'où le juge belge peut aller mais, si un curateur belge veut saisir des biens à l'étrangers, il dépendra évidemment toujours du bon vouloir du juge étranger.
En revanche, si un curateur étranger veut saisir des biens en Belgique, il faudra une reconnaissance; le code prévoit à cet égard des règles particulières qui vont s'appliquer lorsque le règlement ne s'applique pas : ordre public international, contrôle de compétence, ...
L'oratrice partage le sentiment d'un précédent orateur, en ce qui concerne l'intérêt qu'il y aurait à viser également les procédures administratives.
En ce qui concerne la question de la référence au règlement, elle a été longuement discutée par les experts, dont les opinions étaient et sont toujours partagées.
C'est la considération relative à la longueur du texte qui l'a emporté.
L'avantage de la référence au règlement est de tenir compte d'une possible évolution de celui-ci.
L'article 46 du règlement prévoit en effet qu'après cinq ans, un rapport sera établi sur la manière dont il fonctionne. Des modifications éventuelles pourraient ensuite y être apportées.
Si l'on reprenait tout le texte du règlement dans la proposition, il y serait figé, alors que le règlement lui-même continuerait à évoluer au plan communautaire.
Sans doute un précédent orateur a-t-il raison dans ses observations relatives au problème matériel des relations entre syndics et aux problèmes d'information.
Il avait semblé bon aux auteurs du texte que des créanciers habitant dans des régions relativement lointaines soient informés qu'une procédure est ouverte.
Mais on ne sait pas très bien, dans le règlement, comment cette information va fonctionner, car rien n'est prévu à ce sujet.
Le professeur Van Houtte est conscient de la difficulté de convaincre les juges américains. Mais le problème, dans l'affaire Lernout & Hauspie, aux États-Unis, résidait dans le fait que la Belgique tenait à l'universalisme et qu'il ne fut pas possible d'arriver à un accord avec les curateurs américains à propos d'une faillite territoriale. Le juge belge affirmait que tout lui incombait, ce que les curateurs américains ont mal pris. La possibilité d'une faillite secondaire permettrait donc de résoudre bon nombre de problèmes.
M. Zenner ne croit pas que le fait d'instituer une procédure secondaire aura vraiment un effet sur le comportement impérialiste de la justice américaine à l'égard de notre justice.
L'intervenant se réfère à la faillite Lernout & Hauspie. Le centre des intérêts principaux de la société était situé en Belgique. Le juge aurait été compétent pour prononcer la faillite. Par connexité, il l'aurait été pour prononcer la faillite ou le concordat de la société américaine.
Mais, même si l'on se limitait à une procédure secondaire en Belgique, le juge américain conserverait sans doute la même attitude.
Le professeur Van Houtte répète que le problème venait du fait que le président du tribunal de commerce d'Ypres, qui avait prononcé la faillite, avait déclaré avoir une compétence universelle et avait refusé de négocier avec les curateurs américains. Il était question en particulier de droits sur des biens intellectuels localisés aux États-Unis. La possibilité d'une faillite secondaire résoudrait de nombreux problèmes.
Le professeur Erauw dit comprendre la préoccupation de M. Zenner et évoque les propos rassurants du professeur Watté. À présent, on peut agir pour tous les intérêts situés en Belgique.
De plus, il est rassurant de savoir que les compétences d'un curateur désigné à l'étranger seront reconnues en Belgique. L'intervenant se réfère à l'article 118, alinéa 3.
Quant à l'observation de Mme de T' Serclaes à propos de la confusion de deux critères, à savoir le siège et le centre des intérêts principaux, l'intervenant émet la réflexion suivante.
Il importe de maintenir le critère européen d'une manière uniforme. Lorsque le centre des intérêts principaux est situé en Belgique, c'est d'office le règlement européen qui s'applique. Du fait de l'extension prévue, les biens situés en dehors de la CEE et les créanciers établis en dehors de la CEE seront désormais également visés. On vise donc toujours l'universalisme. Le concept essentiel est l'établissement principal. Grâce au deuxième critère, on essaie de s'aligner sur le principe du droit en vigueur au siège de la société. L'article 118, alinéa 3, offre une protection supplémentaire.
L'intervenant note que l'on a maintes fois essayé d'insérer dans le droit international privé des règles nécessitant la réciprocité. On ne peut toutefois pas imposer la condition de réciprocité, sous peine d'être confronté à une absence de règle au cas où la réciprocité ne serait pas prévue à l'étranger. Dans ce cas, on ne dispose plus que du principe de l'universalisme, qui est encore plus creux. De très nombreux pays ont prévu la faillite territoriale et la coopération entre curateurs. Jusqu'à présent, la Belgique était un des rares pays à ne pas les prévoir.
M. Hugo Vandenberghe note que certains articles du règlement semblent être contraires à des dispositions du code. Qu'en est-il ? Une référence peut-elle suffire dans ce cas ?
Le professeur Fallon répond qu'il a été fort surpris de constater que le règlement européen relatif aux procédures d'insolvabilité contenait des règles de rattachement qui n'y sont pas à leur place. Ces dispositions visent les matières contractuelles.
Or, dans cette matière, la Belgique est liée par les règles de conflit de lois contenues dans la Convention de Rome de 1980. Ce n'est plus une matière réglée par le droit commun belge. Si une contradiction existe entre le règlement et la convention de Rome, c'est le législateur européen qui doit résoudre ce problème. Le cas échéant, cela fera l'objet d'une question préjudicielle à la Cour de justice pour savoir comment concilier les deux textes.
En ce qui concerne les effets de la procédure d'insolvabilité sur les droits réels des tiers (article 5 du règlement), l'intervenant fait remarquer que l'interprétation de cette disposition est délicate. Cet article définit-il une règle de conflit de lois ?
Pour éviter tout risque de contradiction entre le code et le droit européen, le professeur Fallon suggère d'adapter la proposition de code en y insérant une disposition concernant les droits sur des biens incorporels. La localisation de ces droits devrait s'inspirer de la solution proposée à l'article 2 du règlement.
M. Hugo Vandenberghe demande si le Conseil d'État n'a pas formulé de remarques en la matière.
M. Zenner répond que le chapitre XI relatif au règlement collectif de l'insolvabilité ne comprenait pas, dans l'avant-projet de loi qui a été soumis pour avis au Conseil d'État, une référence au règlement sur l'insolvabilité.
Mme Nyssens demande une précision quant au champ d'application du chapitre XI. Est-il réservé aux seules personnes morales ou vise-t-on également les personnes physiques ? Elle rappelle qu'en droit belge, le règlement collectif de dettes s'applique aux personnes physiques.
Mme Watté répond que la proposition de code vise à la fois les personnes physiques et les personnes morales. Elle renvoie à l'article 117, 2º, qui s'applique, de manière générale, aux débiteurs, sans opérer de distinction entre les personnes physiques et les personnes morales.
M. Hugo Vandenberghe demande si la liquidation volontaire relève ou non du règlement européen.
Le professeur Van Houtte répond que c'est une procédure destinée à résoudre les problèmes d'insolvabilité.
Le professeur Erauw estime que la proposition vise des procédures collectives concernant l'insolvabilité du débiteur. Une fois qu'une juridiction a été saisie de la faillite principale, aucune procédure d'accompagnement ne peut plus être ouverte.
Le professeur Van Houtte souligne qu'il y a lieu d'appliquer un droit étranger comme on a voulu qu'il soit appliqué. La réponse à la question de savoir à qui le droit étranger en matière de faillites s'appliquerait, qu'a posée Mme Nyssens, est liée au droit étranger; en Belgique, c'est le droit belge qu'il y a lieu d'appliquer.
M. Zenner reconnaît que la question soulevée par M. Hugo Vandenberghe est fort importante dans la pratique puisqu'il existe une série de techniques qui sont à qualifier de para-faillites. Il souligne que le règlement relatif aux procédures d'insolvabilité s'applique aux procédures collectives qui entraînent un dessaisissement du débiteur ainsi que la désignation d'un syndic. Ce n'est pas le cas de la liquidation. Il faut d'ailleurs souligner que la liquidation n'est pas mentionnée aux annexes du règlement, dans la liste des procédures d'insolvabilité visées par le règlement pour notre pays.
M. Hugo Vandenberghe fait référence au cas de la liquidation volontaire d'une société étrangère conformément au droit étranger qui a des répercussions sur le statut juridique des créanciers belges. Quel droit international privé doit-on appliquer quand un créancier belge s'adresse à une juridiction belge ?
Le professeur Erauw renvoie à l'article 5 et déclare qu'à son avis, il y aura lieu d'appliquer le droit de la société.
M. Zenner insiste sur les efforts pédagogiques qui doivent être déployés à l'occasion de la codification de notre droit international privé en matière de procédures collectives d'insolvabilité. La personne qui traite dans un contexte international doit être consciente des risques qu'elle court. Elle doit les mesurer mais il est impossible d'offrir la sécurité absolue. Le législateur ne doit pas chercher à verrouiller toutes les transactions internationales.
La ministre se rallie à la logique qui sous-tend le chapitre XI de la proposition de code. Elle soutient l'objectif d'harmonisation des règles applicables aux procédures collectives d'insolvabilité du débiteur, qui se fonde sur le règlement européen (art. 117), mais qui est assorti de certains garde-fous pour la reconnaissance en Belgique des décisions étrangères (art. 121). De la sorte, le terrain est mieux balisé car l'on n'accepte la reconnaissance d'une décision étrangère que si celle-ci respecte des principes fondamentaux.
D'un point de vue légistique, la ministre pense qu'il serait plus clair, à l'article 117, de mentionner les dispositions du règlement 1346/2000/CE du Conseil du 29 mai 2000 qui sont applicables par analogie, même lorsque l'on est en dehors du champ d'application territorial du règlement.
D'autre part, l'article 2 du règlement se réfère à une série de concepts qui sont clarifiés, pour tous les États membres de l'Union européenne, par le biais des annexes. Chaque État membre y mentionne la liste des procédures d'insolvabilité auxquelles le règlement s'applique. Une telle annexe n'existe bien évidemment pas pour les États qui ne sont pas membres de l'Union. Dès lors, une seconde analogie interviendra pour déterminer, à l'aune des annexes, quelles sont les procédures spécifiques d'insolvabilité auxquelles il faut appliquer le règlement.
Enfin, la ministre pense que le renvoi par rebond opéré aux articles 118 à 121 du code, lesquels se réfèrent « au règlement visé à l'article 117 », est fort complexe. Elle cite l'exemple de l'article 119 qui prévoit que « la procédure collective fondée sur l'insolvabilité du débiteur est régie par le droit désigné en vertu du règlement visé à l'article 117 même lorsque ce droit est celui d'un État auquel le règlement ne s'applique pas ».
Ne serait-il pas plus simple de renvoyer à l'article 119 « aux cas prévus à l'article 117 » et de n'opérer qu'un seul renvoi au règlement 1346/2000/CE du Conseil du 29 mai 2000 à l'article 117 ?
Le professeur Watté comprend la remarque précédente mais elle pense qu'il n'est pas toujours possible de supprimer ce genre de renvoi. Dans l'hypothèse de l'article 119, le droit qui est désigné par le règlement 1346/2000 peut être très variable : loi du pays du concours, loi du lieu de la situation du bien, loi contractuelle, loi de la sûreté ... Il est difficile de mentionner toutes ces hypothèses dans le corps de l'article.
D'autre part, le règlement 1346/2000 utilise la notion « d'État membre ». Il n'est pas possible, dans une législation de droit international privé belge, d'utiliser une telle notion. Les auteurs du code l'ont remplacée par l'expression « État auquel le règlement ne s'applique pas ». Cela vise bien entendu tous les États qui ne sont pas membres de l'Union européenne mais également le Danemark qui, bien que membre de l'Union, n'est pas lié par le règlement.
La ministre pense qu'il serait plus simple, d'un point de vue légistique, de régler le problème de l'extension du champ d'application du règlement 1346/2000 à l'article 117 du code et de se contenter, à l'article 119, de prévoir que la procédure collective fondée sur l'insolvabilité du débiteur est régie par le droit désigné en application de l'article 117.
M. Zenner demande que l'on profite de la codification des règles relatives aux procédures collectives d'insolvabilité pour clarifier la problématique des sûretés.
Le professeur Fallon fait remarquer que la sûreté relève soit du droit conventionnel soit des droits réels. Ce sont dès lors les dispositions du code applicables aux contrats ou aux droits réels qui s'appliqueront.
M. Hugo Vandenberghe pense que la question fondamentale en matière de sûreté, au-delà de la question de la qualification entre le droit réel et le droit contractuel, est celle de l'opposabilité.
M. Willems renvoie à l'article 121 relatif à l'efficacité d'une décision judiciaire étrangère. Ne serait-il pas préférable de confier cette compétence au tribunal de commerce ? L'intervenant fait également référence à l'article 25.
La ministre indique que le gouvernement prépare, avec les professeurs, des amendements qui rencontreront la préoccupation exprimée par le préopinant.
Chapitre XII Trusts (articles 122 à 125)
M. Hugo Vandenberghe souligne que le trust n'existe pas en droit belge. Notre droit prévoit un numerus clausus pour les droits réels, y compris les sûretés réelles, eu égard à la protection des créanciers. Le trust est une forme d'administration de droits réels, que le droit belge ne connaît donc pas. Dans quelle mesure le chapitre XII respecte-t-il le principe en question ? La question se pose en effet dans la mesure où le chapitre XII est tel qu'il permet d'appliquer la figure juridique du trust en Belgique. Or, selon la Cour de cassation, le numerus clausus est un principe d'ordre public.
Le professeur Fallon reconnaît que le trust n'existe pas en droit belge et que les règles du code ne peuvent avoir pour effet d'introduire cette institution dans notre droit matériel. Pour ce faire, il faudrait une modification de notre droit civil, ce qui n'est pas l'objet du code de droit international privé.
Pour répondre à une remarque formulée par le Conseil d'État, les auteurs ont précisé à l'article 125, § 2, que le droit applicable au trust en vertu du § 1er, ne peut pas affecter les droits réels tels qu'ils sont organisés par le droit belge. L'intervenant en déduit que l'utilisation du trust n'est pas envisagée pour des biens situés en Belgique.
Le but du chapitre XII est de donner la possibilité à des opérateurs belges d'être nommés gérants d'un trust portant sur des biens situés à l'étranger. Les règles du code sont inspirées de la Convention de La Haye sur le trust. Cette convention n'a pas rencontré le succès escompté car ses dispositions manquaient de précision. Le code reprend les principes de cette convention mais propose des règles plus précises.
Enfin, le professeur Fallon signale que l'Italie et les Pays-Bas ont ratifié la Convention de La Haye sur le trust alors que leur droit matériel ne connaît pas une telle institution. C'est la preuve qu'il est possible d'avoir des règles de droit international privé visant une institution que le droit matériel du pays concerné ne connaît pas.
M. Hugo Vandenberghe estime que le § 2 de l'article 125 doit être formulé autrement. Selon lui, il est question non pas simplement d'un transfert de propriété, mais de la constitution et du transfert de droits réels. On vise en fait à faire en sorte que la constitution et le transfert des droits réels soient régis par le droit national.
Le professeur Meeusen souligne que l'introduction d'un chapitre sur les trust est nécessaire, étant donné que l'on doit pouvoir disposer d'une définition de la notion de trust. On peut se référer ainsi à une catégorie distincte, mais n'ayant aucun effet sur le droit national.
Le professeur Fallon présente le chapitre XII relatif au trust. La figure du trust étant une singularité du droit anglo-saxon, il a paru nécessaire d'en donner une définition à l'article 122 de la proposition de code. Celle-ci reprend la définition du trust contenue dans la Convention de La Haye du 1er juillet 1985.
En ce qui concerne la compétence internationale en matière de trust, le code innove puisque la Convention de La Haye ne vise que le droit applicable.
Les solutions proposées par le code pour déterminer le droit applicable au trust sont inspirées de celles retenues dans la Convention de La Haye. L'article 124, § 1er, consacre le principe de l'autonomie de la volonté du fondateur du trust, avec une limite : le choix ne peut avoir pour conséquence de priver un héritier de son droit à la réserve.
Le § 2 du même article règle l'hypothèse dans laquelle le fondateur n'a pas opéré de choix. Dans une telle situation, c'est le droit de l'État de la résidence habituelle du trustee qui s'applique. Les auteurs ont considéré que c'était le droit avec lequel le trust avait, en principe, le lien le plus étroit.
Cependant, la clause générale d'exception prévue à l'article 19 du code peut jouer et le trust sera régi par la loi de l'État avec lequel les liens sont manifestement plus étroits que ceux avec l'État dont le droit est désigné en application de l'article 124, § 2.
Le professeur Wautelet illustre par un exemple l'utilité pratique du chapitre XII de la proposition de code. Aux États-Unis ainsi qu'au Canada, pour répondre à leurs obligations prudentielles, les compagnies d'assurances confient la gestion de leurs réserves à des trusts. Ce sont le plus souvent les organismes de contrôle qui imposent cette obligation pour avoir un meilleur contrôle sur la gestion des réserves. Si parmi ces fonds, il existe des titres mis en dépôt dans un organisme de clearing situé en Belgique (par exemple Euroclear), lorsque le trust canadien ou américain veut exercer ses droits sur ses biens en Belgique, l'on est actuellement dans une impasse. Il n'est pas possible de garantir la sécurité juridique. Les règles prévues dans la proposition de code permettent de rencontrer ce problème.
Chapitre XIII Dispositions finales
Section 1 Dispositions transitoires (articles 126 et 127)
Pour ce qui concerne les dispositions transitoires, le professeur Fallon signale que l'option retenue vise à éviter une application rétroactive des dispositions du code tant pour les règles de compétence internationale que pour les règles de conflit de lois.
Les règles de compétence internationale des juridictions s'appliquent aux demandes introduites après l'entrée en vigueur du code. C'est le même principe qui vaut pour la reconnaissance des actes et décisions étrangers. Les règles du code concernant leur reconnaissance s'appliquent aux décisions rendues et aux actes établis après l'entrée en vigueur de la loi (article 126).
Pour les règles de droit applicable, le code s'applique aux actes et aux faits juridiques survenus après son entrée en vigueur (article 127, § 1er, alinéa 1er).
L'intervenant reconnaît que la règle transitoire proposée entraîne politiquement une acceptation par le législateur d'un retard dans l'application du nouveau code puisque tous les actes et faits survenus avant son entrée en vigueur restent régis par les anciennes règles. La solution proposée est indispensable si l'on veut garantir la sécurité juridique.
Le professeur Fallon ne comprend pas la remarque formulée par le Conseil d'État qui estime que l'adoption de nouvelles règles de droit international privé a pour effet de soumettre le citoyen à l'insécurité juridique car les nouvelles règles pourraient affecter des situations acquises antérieurement. L'intervenant estime que cela n'est pas le cas. Les dispositions transitoires s'efforcent de garantir que le code n'a d'effets que pour l'avenir même si cela a pour conséquence de retarder certains bienfaits de la nouvelle loi.
L'orateur précise enfin que certains effets du code peuvent être anticipés, mais uniquement dans un sens favorable. Il cite les deux exemples suivants :
Concernant l'efficacité des actes et jugements étrangers, l'article 126, § 2, permet que l'on applique les nouvelles règles à un acte passé ou un jugement rendu avant l'entrée en vigueur du code, lorsque la nouvelle loi permet de faciliter la reconnaissance en Belgique de cet acte ou de ce jugement. Il est proposé ainsi d'appliquer le régime du nouveau code lorsqu'il est plus favorable.
Pour le conflit de lois, l'article 127, § 2, permet également à la nouvelle loi d'avoir un effet rétroactif en validant un choix de droit applicable pratiqué avant l'entrée en vigueur du code lorsqu'il satisfait aux conditions du nouveau code. Cette solution permet de valider a posteriori un choix de loi pratiqué avant l'entrée en vigueur du code. Elle permet d'assurer la sécurité juridique.
Mme de T' Serclaes constate que l'article 126, § 1er, prévoit que les dispositions du nouveau code concernant la compétence internationale s'appliquent aux demandes introduites après l'entrée en vigueur de la loi. Comment la date d'introduction d'une affaire est-elle fixée ?
Le professeur Wautelet se réfère à la jurisprudence de la Cour de cassation. Pour les affaires introduites par citation, c'est la date à laquelle la citation est signifiée au défendeur.
Sections 2 et 3 : Dispositions modificatives et abrogatoires (articles 128 à 135)
Le président, M. Hugo Vandenberghe, propose que la commission reporte l'examen de ces sections puisque ces dispositions découlent directement des options retenues dans le corpus du Code de droit international privé.
Entrée en vigueur (article 136)
M. Hugo Vandenberghe ne peut pas souscrire à la formulation choisie, parce qu'elle laisse, à son avis, la porte ouverte à l'arbitraire. Il y a en tout cas lieu de fixer une date limite.
Au terme de la première lecture de la proposition de loi, il a été demandé de rédiger un inventaire des problèmes soulevés au cours de cette lecture, afin d'aider à structurer les travaux au cours de la seconde lecture. Sont indiquées dans cet inventaire les questions de nature à conduire à des amendements éventuels. Les demandes de clarification sont répertoriées si elles ont affecté l'orientation de certaines dispositions. Ne sont pas mentionnées les questions portant sur des aspects purement terminologiques, ces questions ayant pu être enregistrées par les représentants de la ministre aux fins de proposer les amendements nécessaires.
Discussion générale
Globalement, les membres de la commission estiment que la proposition en discussion permet d'apporter une clarification dans une matière complexe, tout en dégageant les grandes lignes d'une politique en la matière, de façon plus cohérente que par l'adoption de lois particulières. La question de la relation du code avec les instruments internationaux et communautaires existants a été posée, et il a été convenu que de tels instruments, tout en jouissant de la primauté, ne suffisaient pas à donner des réponses globales à court terme.
Article 4
Domicile et résidence habituelle. Au cours de la discussion concernant le droit des sociétés, est apparue l'utilité de mettre en exergue une définition du lieu de « l'établissement principal », qui est utilisé par les articles 109 et suivants.
Article 16 Renvoi
La proposition d'exclure cette technique hormis en matière de successions et de sociétés a suscité un large débat portant sur les avantages (désignation fréquente du droit belge) et inconvénients (référence aveugle à la politique législative étrangère) de cette technique. Les professeurs invités ont réitéré leurs réserves à l'encontre de cette technique. Il a été suggéré d'examiner l'opportunité de la méthode en d'autres matières au cas par cas mais, dans la suite de la discussion, cette opportunité n'est pas apparue comme devant s'imposer, si ce n'est éventuellement pour la règle générale concernant la capacité (article 34).
Article 20 Règles spéciales d'applicabilité
Des questions sont posées au sujet du type de dispositions visées : s'agit-il uniquement des dispositions impératives, ou aussi de dispositions d'ordre public ? D'autre part, la référence au « but manifeste » de ces dispositions a suscité une inquiétude en termes de prévisibilité, car elle paraît laisser au juge un large pouvoir d'appréciation pour déceler une règle implicite d'applicabilité dans une loi particulière.
Sur chacun de ces points, il a été répondu que le texte s'aligne sur des concepts classiques en la matière. L'expression « dispositions impératives » entend inclure a fortiori des règles d'ordre public. La référence au but manifeste rend compte de la nécessité d'une certaine souplesse, que la pratique a révélée. Toutefois, ces cas sont restés exceptionnels, et le juge devra motiver avec précision les conditions d'utilisation de l'article 20.
Article 25 Motifs de refus de la reconnaissance ou de la force exécutoire
L'importance du motif de l'ordre public a été signalée, puisqu'elle permet la sauvegarde des valeurs essentielles de la société. La crainte a été émise que cette notion reste difficile à définir. De plus, l'importance de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme ne doit pas être négligée.
Il a été répondu que la référence à l'ordre public, dans les législations de droit international privé, est fréquente, sans qu'y apparaisse une précision sur son contenu, et qu'il est entendu qu'elle comprend les principes énoncés par la Convention de sauvegarde, dont l'effet utile est par ailleurs préservé par l'article 2.
Article 31 Mention et transcription des décisions judiciaires et des actes authentiques étrangers en matière d'état et de capacité
La crainte a été exprimée que le texte ne soit pas assez précis quant à la détermination des hypothèses dans lesquelles le dépositaire du registre fera bien de s'adresser au ministère public. Le texte pourrait être clarifié, quant à l'emplacement de la référence aux directives et quant à la qualification des éléments relatifs au doute.
Articles 32 et 34 Compétence internationale et droit applicable en matière d'état et de capacité
Des questions ont été posées quant à la portée exacte de la règle et quant à l'opportunité d'admettre le renvoi de manière générale en matière d'état.
Quant à la portée des termes « état et capacité », ceux-ci sont traditionnels en droit international privé et ils couvrent l'ensemble des questions relevant du droit des personnes et de la famille, selon l'acception moderne. En réalité, les articles 32 et 34 auront une portée pratique limitée, car leur domaine se limite aux questions qui ne sont pas couvertes par des règles spéciales, dans les sections suivantes. Pratiquement, l'effet utile est de couvrir la capacité générale (détermination de l'âge de la majorité) et de prévoir une disposition résiduelle pour le cas où la demande concerne une institution étrangère pour laquelle aucune règle particulière n'a été prévue dans la loi.
Quant au renvoi, la question de son utilisation dans la règle résiduelle de l'article 34 est restée ouverte, à la demande de la ministre.
Articles 33 et 35 Compétence internationale et droit applicable en matière d'autorité parentale, de tutelle et de protection de l'incapable
Des questions ont été posées à la fois sur l'opportunité d'une désignation de la loi de la résidence habituelle et sur la signification du concept de protection de l'incapable.
Il a été répondu que ces questions ont donné lieu à de vastes débats dans la doctrine classique, mais que la tendance est d'appliquer le facteur territorial de la résidence, non seulement parce que cette solution permet de réaliser un objectif de protection sociale de la population vivant sur le territoire, mais aussi parce que l'utilisation d'une règle unique pour l'autorité parentale, la tutelle et d'autres mesures de protection permet d'éviter les difficultés de différenciation entre ces catégories.
D'autres questions ont porté sur le sens du rattachement subsidiaire prévu lorsque la loi désignée organise des mesures insuffisantes. Il a été répondu que la règle présente une structure de nature alternative, qui est classique en la matière, permettant d'appliquer la loi la plus favorable aux intérêts à protéger.
Des demandes de clarification sont formulées au sujet d'une meilleure différenciation, dans le texte, des mesures concernant la personne de celles concernant les biens, et pour une solution plus appropriée du conflit mobile, en retenant le moment des faits plutôt que celui de la demande.
Articles 37, 38 et 39 Droit applicable et efficacité des décisions en matière de détermination et de changement de nom
Des questions ont porté sur l'effet de l'arrêt Garcia Avello de la Cour de justice et sur une clarification des dispositions concernant l'efficacité des décisions étrangères.
Il semble difficile d'anticiper dès à présent les conséquences précises que l'arrêt peut avoir sur la détermination du nom, mais, dès à présent, l'arrêt implique essentiellement une modification de la pratique administrative concernant l'autorisation de changement de nom.
Une modification de la loi sur le nom atténuerait aussi la problématique. La question d'un libre choix de la nationalité pour les bi-nationaux a également été évoquée.
Article 46 Droit applicable à la formation du mariage
Diverses questions ont porté sur le fonctionnement de l'ensemble des règles de rattachement concernant la validité et les effets du mariage, ainsi que l'étendue de la compétence de célébrer le mariage en Belgique à l'égard d'étrangers. D'autres questions ont porté sur l'incidence du jeu de l'ordre public, principalement à propos du mariage polygamique. La ministre a également évoqué la problématique de l'élargissement du mariage aux personnes de même sexe, indiquant la possibilité d'appliquer en premier lieu le critère de la résidence habituelle, ou celle de permettre le mariage lorsqu'une partie est belge ou réside en Belgique. D'autres soulignent le risque de « tourisme marital » en cas d'ouverture large aux étrangers ou résidents étrangers et indiquent que, bien souvent, le mariage célébré en Belgique sera sans effet à l'étranger.
De manière générale, la proposition en examen ne modifie pas la pratique existante, sauf en accentuant le rôle de la résidence habituelle pour les effets du mariage. S'agissant de l'exception d'ordre public, l'article 21 permettra, comme c'est le cas actuellement, de limiter la portée d'une union polygamique, en fonction de la gravité de l'effet invoqué et du degré de proximité de la situation avec l'ordre juridique belge. Quant au mariage des personnes de même sexe, la règle de l'application de la loi nationale de chacune des parties implique l'impossibilité de conclure l'union lorsque la loi nationale de l'une des parties l'exclut.
Article 57 Dissolution du mariage fondée sur la volonté du mari
La question de l'efficacité en Belgique d'un acte de répudiation établi à l'étranger a fait l'objet d'un large débat, notamment au regard de l'incidence de la Convention européenne de sauvegarde.
La plupart des interventions soulignent la nécessité de protéger la femme. Le texte en discussion tend à ne permettre l'efficacité que dans des cas tout à fait exceptionnels, où les époux n'avaient pas de liens avec la Belgique et en l'absence de fraude à la compétence.
L'importance de la question du respect des droits de la défense a été soulevée, de même que la question de savoir si la femme peut faire valoir ultérieurement en Belgique l'état de divorcée. La possession d'état pourrait jouer un rôle à cet égard, et permettre d'éviter une aggravation du statut de la femme.
De même, a été posée la question de savoir si le fait de la répudiation doit faciliter la possibilité pour la femme de demander le divorce en Belgique. Cette possibilité existe déjà en droit belge par application des dispositions générales du Code civil sur les causes du divorce, mais on peut songer à insérer dans le Code civil une disposition consacrant pour cause de divorce la circonstance que le mariage a été annulé ou dissous à l'étranger par une décision qui n'est pas susceptible d'être reconnue en Belgique.
D'autres questions ont porté sur une clarification des termes du § 1er et sur la possibilité d'admettre la répudiation au cas où, en dehors de la nationalité, la situation ne présente aucune attache avec la Belgique. De plus, la circonstance que les règles nouvelles sont plus strictes que la pratique actuelle appelle à une attention particulière en ce qui concerne la solution du conflit transitoire (voy. l'article 126 ci-dessous).
Articles 58, 59 et 60 Compétence internationale et droit applicable en matière de relations de vie commune
La solution consistant à se référer par analogie aux règles sur le mariage a soulevé des questions en termes de praticabilité. Les interventions soulignent les difficultés issues de la situation du droit comparé, car peu de législations connaissent une forme d'organisation de relations de vie commune.
Certains membres ont alors évoqué l'utilité d'une règle de rattachement se référant à la loi du lieu d'enregistrement de la relation, et cette loi régirait l'ensemble des questions affectant la relation (validité, effets, dissolution). La question de la faculté pour des étrangers vivant en Belgique de conclure une relation de cohabitation légale a également été soulevée. D'autres solutions ont été évoquées, notamment une distinction entre le droit applicable à la validité de la relation et le droit applicable aux effets et à la dissolution. Pour certains, l'ouverture doit être limitée, par exemple en exigeant un lien territorial minimal, comme la résidence, éventuellement combinée avec la nationalité.
Articles 61 à 72 Filiations biologique et adoptive
Les dispositions relatives à la filiation biologique ont soulevé plusieurs questions de clarification portant notamment sur diverses hypothèses d'accouchement sous X, de nouveaux modes de procréation ou de nouvelles formes de parenté sociale, sans mettre en cause le contenu des dispositions.
Les discussions relatives à l'adoption montrent la nécessité d'une grande sécurité juridique, afin de ne pas remettre en question des situations acquises. Des questions ont porté sur la notion d'intérêt de l'adopté. La disposition relative à la révocation a fait l'objet d'une objection, relative à la solution du conflit mobile, proposition étant faite de se référer plutôt à la loi qui a permis l'établissement de l'adoption. Plus généralement, les dispositions devront être adaptées au contenu de la loi spéciale sur l'adoption, qui comporte des règles sur le droit international privé. Il s'agit d'adaptations techniques de l'un ou de l'autre texte, car il n'y a pas de contradiction de fond entre ceux-ci.
Articles 73 à 76 Obligations alimentaires
Les dispositions concernant les obligations alimentaires n'ont pas soulevé d'objections fondamentales. Il a été relevé qu'elles s'écartent des solutions de la Convention de La Haye de 1973 (non en vigueur en Belgique) en ce qui concerne les époux divorcés, mais qu'elles permettent précisément de protéger, notamment, la femme après une répudiation, par la désignation de la loi de sa résidence habituelle.
Articles 77 à 84 Successions
Les dispositions relatives aux successions n'ont pas soulevé d'autres questions qu'à propos du choix de la loi applicable par le disposant et de la protection de la réserve. Il a toutefois été relevé que le choix est limité et qu'il n'affecte pas la réserve, tandis que le droit actuel permet déjà la délocalisation de biens. De plus, ce choix permet d'assurer, en collaboration avec le notaire, une unité de la loi successorale unité que recherchent certains législateurs en droit comparé , et de faciliter ainsi le règlement concret de la succession.
Articles 85 et 87 Compétence internationale et droit applicable en matière de droits réels
Des questions sont posées à propos de la localisation de biens incorporels. Il est relevé que la proposition en examen contient des règles spécifiques uniquement en ce qui concerne les biens corporels. Toutefois, les biens incorporés dans un titre ou inscrits sur un registre public font l'objet de dispositions appropriées. Il est suggéré de chercher à compléter ces règles spécifiques pour inclure le traitement de droits sur des créances, ainsi que la question du rang des privilèges.
D'autres questions de clarification sont posées à propos des relations entre la problématique des droits réels et celle du droit des contrats ou du droit de l'insolvabilité. Toutefois, le domaine des dispositions en examen se limite à la première entendue au sens strict, sans affecter les règles qui déterminent le droit applicable aux contrats ni celles qui visent à protéger la masse des créanciers en cas de faillite.
Article 90 Droit applicable au bien culturel
Des questions sont posées au sujet de la présence de biens culturels dans les musées nationaux. La protection offerte à l'État étranger, auquel il serait loisible de définir quand une exportation est illicite, pourrait affecter les collections qui se trouvent en Belgique depuis de nombreuses années. L'on cherchera à résoudre cette difficulté, éventuellement par le biais d'une disposition transitoire, en conformité avec les conventions internationales en la matière.
Articles 96 à 98 Compétence internationale et droit applicable en matière d'obligations contractuelles
Il est pris acte de l'importance pratique de deux instruments internationaux, le règlement de Bruxelles I et la Convention de Rome de 1980, auxquels la proposition se garde de déroger. S'agissant du conflit de lois, la question de la pertinence d'une référence à la Convention de 1980 est soulevée, même si elle se comprend dans un but de clarification dans le contexte d'une codification globale.
En ce qui concerne la compétence internationale, certaines interventions ont porté sur l'étendue de la protection du demandeur dans les litiges transfrontières. Il a été répondu que le texte en examen tend à s'aligner sur les tendances observables en la matière, spécialement dans le contexte européen, notamment pour la protection des consommateurs et des travailleurs (article 97).
La question du droit applicable à l'opposabilité aux tiers de la cession de créances a été soulevée, en raison de son importance pratique. Une insertion de l'article 145 de la loi du 2 août 2002 qui ne traite de ce sujet que partiellement et pour un secteur spécifique seulement, ou d'une disposition analogue à celle de la convention des Nations Unies de 2001, a été suggérée.
Articles 96 et 99 à 108 Compétence internationale et droit applicable aux obligations non contractuelles
Les instruments internationaux existants sont évoqués, pour indiquer à la fois leur importance pratique et certains problèmes d'interprétation. La relation avec une proposition de règlement (dit « Rome II ») est également présentée. La convergence des tendances des deux textes est soulignée.
Plusieurs questions portent sur la clarification de termes tels que « fait dommageable », « survenance du dommage », « droits de la personnalité », « dommage dû à un produit ou à un service défectueux », « rattachement accessoire », « subrogation ».
Le débat a porté également sur la problématique de la liberté d'expression et sur le droit applicable à la responsabilité de l'État pour des actes de puissance publique, par exemple pour des interventions humanitaires à l'étranger. Sur ce dernier point, les membres de la commission ont eu tendance à ne pas apporter de solution particulière.
Article 109 Compétence internationale relative aux personnes morales
Il est demandé de clarifier la portée de l'alinéa 2, relatif aux litiges concernant un établissement secondaire, dans la mesure où il n'apparaît pas que ces litiges concernent spécifiquement le droit des sociétés.
Articles 110 à 114 Droit applicable aux personnes morales
Les questions soulevées concernent principalement la terminologie relative au facteur de rattachement, la conformité du texte en discussion avec la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes et la pertinence de l'utilisation du renvoi. Quant au facteur de rattachement, il est suggéré de mettre en évidence la définition de « l'établissement principal », par exemple en clarifiant l'article 4.
S'agissant de la portée de la jurisprudence de la Cour de justice, il est convenu que celle-ci condamne moins le critère du siège réel qu'elle n'impose à l'État de préserver la liberté d'établissement, ce qui supposerait un amendement clarifiant cette incidence du traité CE. En ce qui concerne le renvoi, il est indiqué que la méthode suivie tend à concilier, dans les cas appropriés, la dualité observée en droit comparé entre les systèmes qui utilisent le critère du siège réel et ceux qui utilisent le critère de l'incorporation.
D'autres questions portent sur des clarifications concernant le droit applicable en cas de transfert de siège, sur la portée de l'article 114 relatif aux émissions publiques, sur la raison de la limitation du domaine de la loi de la société aux relations entre associés à l'exclusion des rapports avec les liquidateurs. La portée du concept de nationalité est également soulevée, mais il est indiqué que ce concept n'occupe pas de place utile dans le texte en discussion, recours étant fait à d'autres critères de rattachement. En revanche, le concept peut jouer un rôle utile dans la mise en oeuvre d'instruments internationaux qui en font usage, comme l'article 48 du traité CE.
Article 115 Efficacité des décisions étrangères relatives aux personnes morales
Il est relevé que la règle de compétence indirecte figurant au texte utilise le critère du siège statutaire en plus de celui de l'établissement principal, ce qui peut dépasser l'objectif de la disposition, en regard de ce que prévoit la règle de compétence internationale.
Articles 116 à 121 Compétence internationale, loi applicable et efficacité des décisions étrangères en matière d'insolvabilité
Sur le fond, les membres partagent l'orientation consistant à appliquer, pour les cas n'entrant pas dans le domaine du règlement 1346/2000, des règles inspirées de ce règlement, sous réserve de l'adoption d'une loi spéciale de transposition des deux directives sectorielles concernant les services financiers (banque et assurance).
Des questions sont toutefois posées sur l'adéquation d'une technique consistant à renvoyer au règlement sans en reproduire le contenu, ainsi que sur l'adéquation de certaines dispositions du règlement, essentiellement celles qui énoncent des devoirs de l'administrateur à l'égard des créanciers et en matière de coopération avec des autorités de pays tiers. Toutefois, l'intérêt d'une habilitation en vue de l'échange de données et d'une coopération avec des instances étrangères a été souligné, non sans préciser que ce devait être dans un esprit de loyauté réciproque. La circonstance que la Belgique s'apprête à accepter le fait d'une procédure territoriale étrangère devrait aussi inciter les instances étrangères à une certaine retenue.
S'agissant de points particuliers, la notion d'insolvabilité devrait couvrir des procédures prévues par le droit étranger mais inconnues en droit belge; une position devrait être prise sur le cas des entreprises d'investissement, qui ne sont couvertes ni par le règlement ni par les directives sectorielles; une position pourrait aussi être prise à propos de l'extension de la faillite au maître de l'affaire. D'autres questions encore ont été posées à propos des relations des règles sur l'insolvabilité avec le droit des sûretés ou avec le droit des sociétés. Leur solution pourrait être recherchée soit dans l'insertion, au sein de la réglementation de la faillite, de règles matérielles spécialement adaptées au caractère international de la situation, soit dans un renvoi plus circonstancié aux solutions qui prévalent au sein de l'Union européenne.
De plus, il a été suggéré d'attribuer au tribunal de commerce la compétence pour connaître de la reconnaissance de jugements étrangers. D'autre part, les limites dans lesquelles la reconnaissance est accordée devraient apparaître clairement, et la question a été soulevée de la vérification, au moment de la reconnaissance, du respect des règles protectrices posées par le droit applicable.
Articles 122 à 125 Compétence internationale et droit applicable en matière de trust
Globalement, les membres approuvent l'insertion de dispositions sur le trust, même si l'institution est inconnue en droit matériel belge, au nom de la sécurité juridique. Ces dispositions, qui traitent d'une relation de gestion fiduciaire, sont un outil juridique pour la pratique des affaires en Belgique, en permettant des transactions internationales ayant des liens avec le pays, notamment lorsque des personnes, des gestionnaires ou des banques établis en Belgique ont des droits ou des obligations dans des valeurs situées à l'étranger. Des précisions doivent toutefois être apportées dans l'article 125, à propos des relations avec la problématique des droits réels.
Articles 126 et 127 Conflits transitoires
Les solutions proposées pour le conflit transitoire n'ont pas soulevé d'objection particulière. Les règles nouvelles de compétence internationale sont d'application aux demandes postérieures à l'entrée en vigueur de la loi. De même, les règles sur l'efficacité des jugements et actes étrangers n'affectent normalement que les jugements et actes ultérieurs. En matière de conflit de lois, la nouvelle loi n'affectera pas les actes ou faits antérieurs, mais bien normalement les effets ultérieurs de ceux-ci, sauf exception. Plusieurs dispositions tendent à favoriser la validité d'un acte antérieur. Il en va de même des jugements et actes publics étrangers. Sur ce dernier point, le cas des répudiations pourrait poser problème, car les règles nouvelles introduisent un régime plus strict qui, pour protéger un droit fondamental de la femme, pourrait devoir régir les actes de répudiation antérieurs, tout en se conciliant avec les exigences de la sécurité juridique.
Articles 128 à 135 Dispositions modificatives et abrogatoires
La commission examinera ces dispositions au terme de la seconde lecture, après les décisions prises sur l'ensemble des articles.
Article 136 Entrée en vigueur
Le souhait a été émis que la loi fixe elle-même le moment de son entrée en vigueur, au lieu d'une référence à une date fixée par la loi. Il a été noté que l'entrée en vigueur ne présuppose l'adoption d'aucune mesure d'exécution.
B. Échange de vues (à la suite de la note des professeurs)
Article 57
À propos de cet article, M. Mahoux fait observer que le fait de reconnaître le terme « répudiation » dans le droit belge a une grande portée symbolique.
Autre chose est de considérer qu'il existe des situations liées à la répudiation pratiquée dans un autre pays, et dont il faut tenir compte dans notre droit.
Il faudrait trouver une formule qui tienne compte de ces situations, sans inscrire pour autant l'acceptation de la répudiation dans notre droit.
M. Hugo Vandenberghe renvoie au compte rendu de la discussion longue et nuancée déjà menée à ce sujet par la commission. Il en ressort clairement que certains membres, dont l'intervenant, n'accepteront jamais la répudiation car celle-ci est contraire à l'article 3 de la CEDH.
Mais la question ne s'arrête pas là. Il s'agit de savoir quelles conséquences juridiques on reconnaît en Belgique à une décision de répudiation prononcée à l'étranger.
Le débat sur ce point n'est pas clos et doit se poursuivre dans le cadre de la discussion de l'article 57.
La ministre rappelle que le Comité d'avis pour l'égalité des chances mène actuellement une réflexion approfondie sur le sujet. Les auditions qui y sont organisées devraient permettre d'affiner la réflexion de la présente commission sur le sujet.
Il ne s'agit pas de reconnaître la répudiation en Belgique, mais de prendre conscience de l'existence de certains drames humains nés hors de chez nous et de voir comment en tenir compte lorsque les personnes concernées arrivent en Belgique.
M. Hugo Vandenberghe déplore la méthode de travail consistant à organiser, dans le cadre du Comité d'avis, des auditions sur un sujet qui occupe la présente commission depuis plusieurs mois.
Mme Nyssens répond que le Comité d'avis peut se saisir motu proprio de certains sujets, mais qu'il n'entend nullement se substituer à la commission de la Justice.
Articles 61 à 72
M. Mahoux signale qu'il existe en Grande-Bretagne une proposition de loi reconnaissant le droit de suite par rapport à la filiation biologique, c'est-à-dire au donneur de gamètes.
Cela créerait-il une situation nouvelle dans le cadre du texte à l'examen ?
M. Hugo Vandenberghe fait observer que cette question ne relève pas, en soi, du droit international privé, mais du droit matériel.
Le professeur Fallon indique qu'il faut d'abord voir quelle est la nature du droit conféré par le législateur étranger (filiation, parenté, droit aux relations avec l'enfant, ...).
La question soulevée est, sans doute, le défi des années à venir en matière de filiation.
Il faut également rappeler que l'exception d'ordre public pourrait jouer, si un juge belge ou la communauté des juristes en Belgique estimait que l'établissement d'un lien de filiation par ces nouveaux modes de procréation heurte les valeurs fondamentales de la société.
Cependant, il semble un peu prématuré de prendre position sur ce point, car il s'agit d'une problématique en émergence dans le cadre du droit international privé.
M. Mahoux souligne que la question est de savoir si, sur des sujets très controversés, et pour des raisons de cohérence du droit, on peut accepter, en droit international privé, des règles que l'on n'accepte pas en droit interne.
M. Hugo Vandenberghe fait remarquer que la discussion déborde en fait largement le cadre du simple problème concret. La Common Law s'inscrit en effet dans une perspective totalement différente de celle du droit continental, en ce qui concerne tant l'approche que les choix politiques. Elle part du principe que ce qui est possible du point de vue scientifique doit être autorisé sur le plan juridique.
La question qui se pose en droit international privé est non pas de savoir si la Belgique doit prendre les mêmes options de fond, mais plutôt de savoir si elle doit tenir compte du droit reconnu en Angleterre.
Le professeur Erauw souligne qu'il s'agit d'un problème nouveau lié à la filiation.
Il faut examiner la loi nationale de la personne à l'égard de laquelle la filiation est demandée. En Belgique, les questions de l'utilisation de présomptions de filiation et de l'admissibilité de la preuve du lien de filiation seront examinées à la lumière du droit qui règle la relation matérielle.
Cela ne signifie pas pour autant que l'on ne risque pas d'être confronté à des problèmes très délicats concernant, par exemple, les techniques de preuve.
L'intervenant se dit convaincu que le code à l'examen contient les règles nécessaires à son application pratique.
M. Mahoux rappelle qu'une proposition de loi sur les mères porteuses vient d'être déposée au Sénat. Ce n'est donc pas seulement à l'étranger, mais aussi en Belgique, que les problèmes de ce type risquent de se poser.
M. Hugo Vandenberghe renvoie aux principes généraux. Ceux-ci doivent en effet permettre d'anticiper les développements dont le législateur n'a pas connaissance aujourd'hui et qu'il ne saurait prévoir. Voilà précisément ce qui fait la force d'un code.
Le professeur Erauw note que la Belgique sera bientôt confrontée aux questions juridiques relatives au phénomène des mères porteuses. Des conflits ont déjà éclaté en Amérique; certains pays assortissent le statut de mère porteuse d'une série d'effets juridiques, d'autres pas. Toute la question est de savoir si le statut de mère porteuse est basé sur un contrat ou sur une adoption. Il faudra appliquer les règles générales.
Le professeur Fallon indique qu'à sa connaissance, un cas a été tranché au début des années 90 par les juridictions françaises, jusqu'à la Cour de cassation. Il s'agissait d'apprécier la validité d'un contrat conclu entre la mère porteuse et le père.
Les juges ont tout d'abord appliqué les règles de conflit de lois pour définir quel droit régissait la question de la filiation.
Ensuite, ils ont écarté cette loi faisant application de l'exception d'ordre public.
Articles 116 à 121
M. Zenner observe que, selon la note, sur le fond, les membres partagent l'orientation consistant à appliquer, pour les cas n'entrant pas dans le domaine du règlement 1346/2000, des règles inspirées de ce règlement, « sous réserve de l'adoption d'une loi particulière de transposition des deux directives sectorielles concernant les services financiers (banque et assurances) ».
Il suppose que cette dernière réserve fait référence au fait qu'il avait regretté la faveur, faite aux banques, aux compagnies d'assurances, et aux sociétés de bourse, de bénéficier d'un régime particulier, et qu'il estimait que toutes les entreprises devraient être mises sur le même pied.
Le professeur Fallon répond que l'on a voulu souligner qu'il fallait être attentif à l'existence de ces deux directives européennes concernant les entreprises financières en question. Ces directives appellent une transposition dans une loi particulière, transposition pour laquelle la Belgique est en retard.
Une loi belge devra être adoptée pour régler la liquidation et l'assainissement de ces entreprises.
Le législateur belge n'a donc plus le choix; il ne peut plus aller à l'encontre des politiques de préférences établies par le législateur communautaire pour ces entreprises.
M. Zenner fait observer que l'on pourrait, par une brève disposition, prévoir que les mêmes dispositions s'appliquent à l'ensemble des entreprises.
À titre d'exemple, la faillite prend effet, pour tout un chacun, à 0 heure le jour où le jugement déclaratif est prononcé. En revanche, pour les trois catégories d'entreprises susmentionnées, elle prend effet à l'heure où le jugement est prononcé, ce qui les protège.
M. Hugo Vandenberghe observe qu'il s'agit là d'une question de droit matériel.
Le professeur Fallon ajoute qu'en droit international privé, pour les entreprises non financières établies dans la Communauté, c'est le règlement qui s'applique.
Pour les mêmes entreprises, établies dans un pays hors Communauté, le législateur dispose d'une relative liberté, à condition de ne pas affecter le fonctionnement du règlement.
Pour les entreprises financières établies dans la Communauté, les directives doivent être transposées par des lois spéciales et laissent peu de liberté au législateur.
Pour les entreprises financières dans les pays tiers, le législateur jouit d'une totale liberté : soit il étend les deux directives sectorielles à ces entreprises, soit il leur étend les dispositions du règlement.
La différence entre ces deux méthodes concerne la possibilité de faillite territoriale : les procédures locales sont exclues pour les entreprises financières visées par les directives, et possibles pour les autres entreprises.
Une option devra être prise pour les entreprises d'investissement, qui ne sont visées ni par les directives ni par le règlement.
On peut soit ne rien en dire, soit les traiter dans le code, ce que l'orateur juge préférable.
M. Zenner souligne que les règles du droit matériel ne sont pas moins importantes que les autres. De plus, il ne s'agit pas que de droit matériel. Ainsi, le règlement européen prévoit des règles spécifiques de renvoi à des droits nationaux en matière de compensation. Or, notre droit est bien moins favorable pour les créanciers ordinaires que pour les créanciers bancaires ou financiers.
Dans la transposition de ces règles, et dans la mesure où il dispose d'une certaine liberté, le législateur devrait veiller à ce que tous soient sur pied d'égalité.
Le professeur Fallon répond qu'au moment de la discussion sur les lois de transposition des directives, il faudrait examiner les règles matérielles nouvelles qui favorisent les entreprises financières, et se demander s'il convient ou non de modifier la loi sur les faillites pour étendre ces règles matérielles à l'ensemble des créanciers.
M. Mahoux demande ce que l'on entend exactement par « succursale ».
À propos de la signification exacte du mot « succursale », le professeur Erauw répond qu'il s'agit d'une entité non incorporée. Il s'agit donc d'un établissement qui n'a pas lui-même le statut de personne morale.
La traduction néerlandaise exacte du mot « succursale » est « filiaal ». Le terme français « filiale » désigne une entreprise dépendant d'une société mère et dotée de la personnalité juridique. La faillite territoriale concerne les établissements matériels qui n'ont pas le statut de personne morale, comme une centrale de fabrication ou un bureau. Une entreprise ne peut donc pas se soustraire à la faillite en établissant son siège à l'étranger tout en conservant une présence effective en Belgique.
Il est cependant nécessaire que le curateur belge et le curateur étranger travaillent de concert.
M. Zenner renvoie à un cas très récent, qui a donné lieu à un jugement du tribunal de commerce de Bruges. Il s'agissait d'une action en faillite d'une petite entreprise brugeoise, qui occupait un certain nombre de travailleurs, lesquels n'étaient plus payés.
À l'audience, un avocat annonce au tribunal que la société a été déclarée en faillite en Angleterre, sans que les circonstances soient clairement établies.
Le tribunal décide de surseoir à statuer. Cette situation incertaine se prolonge pendant plusieurs mois, pendant lesquels les travailleurs n'ont aucune indemnisation.
S'il existait une procédure territoriale, le tribunal pourrait ouvrir une faillite limitée à la Belgique.
Le professeur Erauw souligne que les lois régissant la comptabilité et les comptes annuels des sociétés fournissent aussi des garanties.
Les exploitations belges sont toutefois tenues de fournir des informations sur la société proprement dite. On réglera alors la faillite en connaissant des éléments d'actifs de la personne morale proprement dite.
Articles 122 à 125
Quant au fait que seules des modifications techniques seraient nécessaires, la ministre rappelle que, sans aller dans un sens ou dans un autre, le gouvernement réserve sa position de principe sur ces dispositions.
En effet, le trust constitue une matière sensible, parce que cette institution n'existe pas en droit belge.
Il convient de définir jusqu'où on veut aller dans sa reconnaissance.
Certains aspects de cette matière relèvent d'ailleurs de la compétence d'autres ministres.
Le professeur Fallon rappelle que, lors de la discussion, il a été relevé que les règles sur la réserve, par exemple, prévalaient sur les règles du trust, tout comme en matière de succession.
Pour répondre à Mme de T' Serclaes, M. Hugo Vandenberghe renvoie à la possibilité qu'auraient les Belges d'organiser systématiquement un trust à l'étranger, dès l'instant où ils sauraient que la Belgique attache des effets juridiques à cette figure juridique.
La reconnaissance d'une figure juridique créée à l'étranger permet de contourner le fait que pareille figure n'existe pas en droit belge et est impossible en vertu du principe du numerus clausus des droits matériels.
Le professeur Fallon souligne qu'il faut rester modeste quant à la portée du texte, qui ne garantit pas aux Belges qu'ils pourront constituer un trust, mais précise seulement quel est le droit applicable.
Article 1er
Amendement nº 114
Le gouvernement dépose un amendement technique (doc. Sénat, nº 3-27/6, amendement nº 114), tendant à réorganiser les références à l'article 1er, qui règlent la procédure parlementaire selon les matières couvertes par les différents articles.
L'amendement nº 114 du gouvernement et l'article 1er ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 2
Amendement nº 11
Le gouvernement dépose l'amendement nº 11 (doc. Sénat, nº 3-27/3) qui a pour but de mieux préciser la portée de la disposition.
La ministre signale que l'amendement tient compte des remarques formulées lors de la première lecture. Certains membres s'étaient interrogés sur la portée exacte de l'expression « actes émanant des institutions des Communautés européennes ». Pour que la réserve formulée à l'article 2 ait une portée la plus large possible, l'amendement propose de remplacer les mots « actes émanant des institutions des Communautés européennes » par la notion de « droit de l'Union européenne ».
De la sorte, la réserve, qui vaut pour l'ensemble du code, vise le traité CE, le droit dérivé, la jurisprudence de la Cour de Justice ainsi que d'autres instruments internationaux liés au traité CE.
Mme de T' Serclaes demande si la nouvelle formulation couvre l'ensemble des décisions et actes émanant de l'Union européenne.
Le professeur Fallon répond que l'expression « droit de l'Union européenne » est générique. Elle a notamment l'avantage d'inclure certains traités internationaux liés au traité CE tels que le traité EEE (traité l'Espace économique européen) qui étend les règles du marché intérieur à certains États de l'Association européenne de libre échange. L'orateur précise que le droit dérivé de l'Union est souvent étendu à ces États. De même, la Cour de justice considère le plus souvent qu'une violation du traité CE constitue également une violation du traité EEE. Il est par conséquent souhaitable de joindre ces deux traités.
L'amendement nº 2 et l'article 2 ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 3
Amendement nº 12
Le gouvernement dépose l'amendement nº 12 (doc. Sénat, nº 3-27/3) qui est de nature purement linguistique et vise à clarifier le texte français de l'article.
Amendement nº 25
Mme Nyssens dépose l'amendement nº 25 (doc. Sénat, nº 3-27/3) qui précise que la solution, prévue à l'article 3, § 2, pour régler le conflit positif de nationalités, est facultative.
L'auteur constate que le libellé de la disposition fait penser que la solution proposée est impérative, ce qui constitue une dérogation à la solution consacrée par la coutume internationale et par la Convention de La Haye du 12 avril 1930. Les auteurs du code veulent-il s'écarter des solutions classiques facultatives en matière de conflit positif de nationalités ?
Selon la ministre, la crainte exprimée par la préopinante que l'article 3 du code impose la nationalité belge, en cas de conflit positif, si la nationalité belge figure parmi les nationalités de l'intéressé, n'est pas fondée.
Dans la justification de l'amendement nº 25, l'auteur renvoie à des situations où il existe des liens tellement forts entre la personne et une autre nationalité que la nationalité belge, qu'il est n'est pas bon d'imposer la nationalité belge en cas de conflit positif.
L'intervenante précise que le code doit être lu dans son ensemble et que l'article 3 doit être mis en parallèle avec la clause d'exception prévue à l'article 19, § 1er. Cette exception permet d'écarter le droit normalement désigné en vertu des règles générales de rattachement lorsqu'il apparaît manifestement que la situation n'a qu'un lien très faible avec l'État dont le droit est désigné, alors qu'elle présente des liens très étroits avec un autre État.
La combinaison des articles 3 et 19 du code confirme la situation actuelle en matière de conflit positif de nationalités. Si le seul lien entre l'intéressé et la Belgique est la nationalité, mais que la situation a des liens plus étroits avec un autre État dont l'intéressé a également la nationalité, en application de l'article 19, c'est la loi nationale de cet autre État qui sera appliquée.
Le professeur Erauw note que la Convention de La Haye, qui lie les États, autorise les États membres à donner la priorité à leur droit national en cas de concours de droits. C'est ce qui se fait d'ailleurs dans la pratique générale. La présente disposition écrite se borne à consacrer cette pratique.
Le professeur Van Houtte est entièrement de cet avis. L'amendement proposé par Mme Nyssens pourrait être une grande source de confusion; l'article 19 et l'article 3 constituent la meilleure solution.
Mme Nyssens prend acte du fait que le code permet au juge belge, dans une situation de conflit positif de nationalités, d'écarter la nationalité belge au profit d'une nationalité étrangère lorsque le lien de la personne avec l'État étranger est très étroit. À la suite de ces précisions, elle retire l'amendement nº 25 (doc. Sénat, nº 3-27/3).
L'amendement nº 12 du gouvernement et l'article 2 ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 4
Amendement nº 13
Le gouvernement dépose l'amendement nº 13 (doc. Sénat, nº 3-27/3) qui est de nature purement formelle mais ne modifie pas la disposition sur le fond.
M. Zenner demande si la notion « d'établissement principal » d'une personne morale utilisée dans le code correspond à la notion de « centre des intérêts principaux » utilisée en droit européen. L'intervenant considère que ces deux notions sont identiques. Il faudrait éviter d'avoir des concepts différents en droit international privé belge et en droit européen. Si l'intention des auteurs est de faire correspondre les deux notions, ne faudrait-il pas le préciser dans le texte ?
Enfin, que vise-t-on par les notions de « centre de direction », de « centre des affaires ou des activités » et de « siège statutaire » ?
Le professeur Fallon répond que la notion de « centre des intérêts principaux » est apparue dans le règlement (CE) nº 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité.
En droit positif, cette notion sert uniquement en matière de faillite. C'est le résultat d'un compromis entre les États membres et, sous l'angle juridique, il apparaît que cette notion n'est pas idéale. L'intervenant pense qu'elle sera adaptée dans les années qui viennent.
Il faut également être conscient que la notion de « centre des intérêts principaux » doit servir à localiser à la fois des personnes morales et des personnes physiques puisque les procédures d'insolvabilité s'appliquent aux unes et aux autres.
L'intervenant estime qu'il serait dangereux d'utiliser cette expression dans une loi belge générale étant donné que cela ne correspond pas à notre pratique juridique et que la notion a un caractère très spécifique lié à sa genèse.
En ce qui concerne la notion d'établissement principal, le professeur Fallon remarque qu'elle s'inscrit dans le prolongement de la pratique en droit positif belge. La définition proposée, qui retient prioritairement l'indice du centre de direction, opte pour un critère qui est facile à déceler pour les tiers. C'est de nature à favoriser la sécurité juridique. Il remarque que la Cour de justice a également retenu le critère de la direction centrale pour localiser l'établissement principal dans un groupe de sociétés.
M. Zenner demande des précisions sur la notion de « centre des affaires ou des activités » par rapport à celle de « centre de direction ». Quelle est la différence entre ces deux notions ?
Le professeur Fallon répond qu'il peut y avoir une dissociation entre les deux concepts. D'autre part, le centre des activités vise les personnes morales civiles qui ne font pas d'affaires mais ont des activités.
L'amendement nº 13 du gouvernement et l'article 4 ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 5
Amendement nº 14
Le gouvernement dépose l'amendement nº 14 (doc. Sénat, nº 3-27/3) qui vise à insérer, dans l'article 5, une disposition qui figure actuellement dans le chapitre X sur les personnes morales. Il est en effet préférable que la règle de compétence internationale relative aux personnes morales, qui a une portée générale, soit insérée dans le chapitre Ier contenant les dispositions générales. Il est pour le surplus renvoyé à la justification écrite de l'amendement.
L'amendement nº 14 et l'article 5 ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Articles 6 et 7
Ces articles n'appellent pas d'observations. Ils sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 8
Amendement nº 15
Le gouvernement dépose l'amendement nº 15 (doc. Sénat, nº 3-27/3) qui vise à améliorer la concordance entre le texte néerlandais et le texte français.
L'amendement nº 15 et l'article 8 ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Articles 9 et 10
Ces articles n'appellent pas d'observations. Ils sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 11
Bien qu'il n'ait pas déposé d'amendement, M. Zenner souhaite rappeler, à la lumière d'expériences passées, les dangers du principe d'attribution exceptionnelle de compétence internationale prévu à l'article 11.
Il cite l'exemple d'une faute commise par l'armée américaine dans le cadre de la préparation d'un dossier qui débouche sur une décision de l'OTAN prise à Bruxelles. Certaines personnes pourraient, en se basant sur l'article 11, entamer une action devant un juge belge. Le lien avec notre pays est établi par le lieu où la décision a été prise. Par ailleurs, on peut considérer que la procédure contre les responsables à l'étranger est impossible. Certains dérapages ne sont-ils pas à redouter ?
M. Mahoux pense qu'il n'y a plus de risques depuis que la loi de 1993 sur la compétence universelle a été vidée de sa substance par la loi du 5 août 2003.
M. Zenner fait remarquer que les modifications apportées récemment à la loi de 1993 ont réglé les aspects pénaux des mises en cause. Ne faut-il pas également veiller à régler les aspects civils de ces questions ? Les immunités existantes sont-elles suffisantes et s'appliquent-elles en matière civile ? L'orateur pense qu'il faut mener une réflexion approfondie quant aux conséquences de l'article 11 proposé.
La ministre remarque que la question des immunités a été tranchée, non pas par la loi du 5 août 2003 en matière pénale, mais bien par l'arrêt rendu par la Cour internationale de Justice dans l'affaire du mandat d'arrêt du 11 avril 2000, dite « affaire Yerodia Ndombasi ». Bien que la Cour se soit prononcée sur un cas spécifique, la logique veut que l'on déduise de cet arrêt que toute règle d'immunité internationale s'impose aux États et qu'aucune disposition de droit interne ne peut s'y opposer.
Pour ce qui concerne l'OTAN, l'intervenante signale qu'il existe différents traités, notamment l'accord de siège, qui développent ces immunités civiles et pénales très larges.
M. Zenner en déduit qu'aucun risque civil n'existe.
Le professeur Erauw note que l'article à l'examen tend à prévenir le déni de justice. L'intervenant renvoie aux développements qui indiquent clairement qu'il s'agit d'une application exceptionnelle et subsidiaire, lorsque les liens avec la Belgique sont très étroits. L'intervenant est persuadé que ces restrictions seront respectées par les juges.
M. Zenner insiste pour qu'il ressorte clairement des travaux préparatoires que la volonté du législateur est de considérer l'article 11 comme une disposition tout à fait subsidiaire qui ne s'applique que de manière exceptionnelle.
M. Nimmegeers demande si l'on a la garantie que les juges respecteront les restrictions prévues. Ou les choses ne dépendent-elles que du bon vouloir du juge individuel ?
Le professeur Erauw ne peut évidemment donner aucune garantie à cet égard, mais il est convaincu que les juges respecteront les restrictions. Le texte est d'ailleurs formulé en des termes très stricts.
L'intervenant renvoie à l'exemple dans lequel le pouvoir judiciaire ne peut pas fonctionner dans un pays déterminé. Pareil article existe d'ailleurs déjà depuis dix ans en Suisse où il n'a jamais entraîné d'abus ni de pressions sur les juges. De plus, il y a toujours la possibilité de se pourvoir en appel ou en cassation.
Le professeur Van Houtte suppose que les États-Unis n'émetteront aucune critique à propos de cette règle. En effet, le système de compétence belge est un système strict avec des règles fixes qui ne laissent qu'une marge de manoeuvre réduite. Aux États-Unis et en Grande-Bretagne, la notion de compétence est beaucoup plus large; « faire des affaires » y fournit matière à compétence, envoyer une lettre aux États-Unis est un motif suffisant pour être amené à comparaître devant un juge. Chez les Américains, le fondement de la compétence est donc très large et on applique le principe du « forum non conveniens ». Chez nous, on fait l'inverse : on s'en tient aux règles strictes, mais, en cas de besoin, on peut étendre la compétence.
Pour conclure la discussion sur la question des immunités, la ministre précise que la Cour de cassation, dans l'affaire Sharon, avait rejeté les poursuites car l'intéressé bénéficiait d'une immunité de juridiction internationale. La Cour a estimé qu'il fallait respecter les règles supérieures du droit international. Cet arrêt a été rendu avant même que la loi de 1993 dite de compétence universelle ait été modifiée par le Parlement en août 2003.
L'article 11 est adopté à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 12
Cet article n'appelle pas d'observations. Il est adopté à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 13
Amendement nº 16
Le gouvernement dépose l'amendement nº 16 (doc. Sénat, nº 3-27/3) qui vise à réparer un oubli dans le texte de la proposition. Il est précisé que lorsque les juridictions belges sont internationalement compétentes, les dispositions du Code judiciaire déterminent non seulement la compétence territoriale mais aussi la compétence d'attribution du tribunal belge.
La modification proposée à l'alinéa 2 est de nature purement technique.
Le professeur Fallon pense que dans le 1º de l'amendement nº 16 (doc. Sénat, nº 3-27/3), les mots « du tribunal » sont superflus. Il va de soi, dans l'article 13, que l'on vise une compétence judiciaire. D'autre part, le terme « tribunal » est généralement évité dans la proposition de code car, en droit interne, « le tribunal » se différencie techniquement de « la cour ».
La ministre n'est pas opposée à ce qu'un sous-amendement soit déposé en vue de supprimer les mots « le tribunal ». C'est l'objet de l'amendement nº 48 déposé par M. Mahoux et consorts (sous-amendement à l'amendement nº 16 du gouvernement, doc. Sénat, nº 3-27/3).
Par cohérence, la ministre se demande s'il ne faut pas également adapter l'article 12 pour y remplacer le mot « tribunal » par un terme plus générique.
Le professeur Fallon reconnaît que le texte de la proposition n'est pas toujours cohérent sur ce point. Il renvoie notamment aux articles 5, 6, 7, 8 et 14.
Il propose de suivre la logique suivante. Dans le texte français, le mot « juge » est à utiliser chaque fois que syntaxiquement, l'on vise la personne qui agit (le juge vérifie, se saisit, se dessaisit ...). Le terme « juridiction » est à utiliser, tantôt au singulier, tantôt au pluriel, dans un sens plus abstrait (« une juridiction » « les juridictions belges sont compétentes » ...).
Certaines dispositions de la proposition devront être relues à l'aune de ces critères et être éventuellement corrigées légistiquement. Le texte néerlandais est quant à lui plus cohérent.
M. Willems demande pourquoi on n'utilise pas systématiquement le terme « tribunaux ». Pourquoi faire une distinction entre les juges et les tribunaux ?
Le professeur Van Houtte indique que la notion de « tribunal » peut semer la confusion; en effet, que fait-on dans ce cas des cours ?
L'amendement nº 48 de M. Mahoux et consorts et l'amendement nº 16 du gouvernement, tel que sous-amendé, sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
L'article 13 amendé est adopté à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 14
M. Mahoux renvoie à la discussion de l'article 13. Y-a-t-il concordance entre le texte français « demande pendante devant un tribunal étranger » et le texte néerlandais « aanhangig voor een buitenlands rechter » ?
Le professeur Fallon pense que le texte français est correct mais qu'il faudrait remplacer, dans le texte néerlandais le mot « rechter » par le mot « gerecht ».
Le professeur Erauw fait remarquer que le mot « gerechten » est, dans la proposition de code, toujours utilisé au pluriel et il propose de maintenir le terme « rechter » dans le texte néerlandais de l'article 14.
M. Hugo Vandenberghe propose que cette question légistique soit examinée par les professeurs en veillant à trouver une solution qui assure la cohérence et l'uniformité des différentes dispositions du code.
L'article 14 est adopté à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 15
Cet article n'appelle pas d'observations. Il est adopté à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 16
Mme Nyssens rappelle que le gouvernement avait exprimé certaines inquiétudes, lors de la première lecture, concernant la suppression de la règle du renvoi. Quelle est sa position actuelle sur ce point ?
La ministre reconnaît que le gouvernement était inquiet face à une disposition qui supprime, de manière générale, la règle du renvoi. Après avoir examiné, par matière, les conséquences de cette suppression et tenant compte du fait que la proposition de code prévoit déjà deux exceptions dans lesquelles la technique du renvoi reste d'application, le gouvernement peut se rallier à l'article 16, à condition qu'une troisième exception soit prévue.
Le gouvernement déposera à cet effet un amendement afin que la technique du renvoi trouve une application limitée en matière de capacité des personnes, lorsque le droit étranger conduit à l'application du droit belge.
Mme Nyssens prend acte de cette décision politique.
L'article 16 est adopté à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 17
Cet article n'appelle pas d'observations. Il est adopté à l'unanimité des 17 membres présents.
Article 18
M. Zenner signale que l'article 18 est une application du principe général fraus omnia corrumpit. En droit belge, ce principe est d'application assez limitée. Dans les commentaires de l'article, les auteurs renvoient à « la théorie générale du droit international privé (qui) permet au juge saisi de faire abstraction de tout facteur de rattachement créé de manière artificielle par les parties dans le seul but d'échapper au droit normalement applicable » (doc. Sénat, nº 3-27/1, p. 43). La difficulté est de tracer la frontière entre l'activité permise et l'artifice interdit. Cette théorie générale est-elle d'application courante en droit international privé ?
Le professeur Fallon répond que la jurisprudence applique le principe de la fraude à la loi de manière tout à fait exceptionnelle.
Le précédent le plus typique a été tranché par la Cour de cassation dans un arrêt du 28 juin 1979. Le litige opposait un concessionnaire à un concédant, à la suite de la résiliation unilatérale du contrat de concession. Les parties avaient fictivement localisé l'exécution du contrat en Allemagne alors que le concessionnaire restait en Belgique.
Or, la loi du 27 juillet 1961 relative à la résiliation unilatérale des concessions de vente exclusive à durée indéterminée prévoit une règle de protection chaque fois que la concession s'exécute en Belgique. La Cour de cassation, faisant application de la théorie générale de la fraude à la loi en droit international privé, a permis de neutraliser la localisation fictive.
M. Zenner pense qu'il serait plus clair de parler de critère de rattachement créé de manière fictive par les parties.
M. Mahoux précise que les adjectifs « fictif » et « artificiel » n'ont pas du tout le même sens. Le qualificatif « fictif » vise quelque chose qui n'existe pas alors que le qualificatif « artificiel » vise une réalité créée par artifice.
Le professeur Van Houtte note que l'arrêt de la Cour de cassation qui a été cité ne laisse aucune place à la confusion; il s'agissait d'une donnée totalement fictive, irréelle.
Il arrive cependant aussi que des personnes organisent quelque chose de réel pour atteindre un but déterminé (voir les mariages à Gretna Green). Par contre, en droit international privé, les points de rattachement artificiels sont importants. L'intervenant suggère de laisser le texte en l'état.
M. Hugo Vandenberghe estime que le texte est limitatif. Il faut entendre ici par « fraude à la loi » le but exclusif d'échapper à l'application de la loi. La création de circonstances qui empêchent l'application de la loi n'est pas suffisant pour que l'on puisse parler de fraude à la loi.
L'article 18 est adopté à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 19
Amendement nº 26
Mme Nyssens dépose l'amendement nº 26 (doc. Sénat, nº 3-27/3) visant à compléter le § 1er de cet article. L'auteur renvoie à l'avis du Conseil d'État, lequel met en garde contre l'imprévisibilité et l'insécurité juridique auxquelles la clause d'exception peut aboutir. L'amendement a pour but d'encadrer plus strictement le pouvoir de correction du juge en prévoyant que le juge doit motiver sa décision lorsqu'il écarte le droit désigné en application du code.
La ministre pense que cet amendement n'est pas strictement nécessaire car tout jugement doit être motivé. Même si l'amendement est superflu, elle ne s'y oppose pas dans la mesure où il clarifie l'obligation générale de motivation en précisant que celle-ci doit porter sur les raisons pour lesquelles le juge écarte le droit normalement désigné.
Amendement nº 27
Mme Nyssens dépose l'amendement nº 27 (doc. Sénat, nº 3-27/3) qui s'inscrit dans la lignée de l'amendement nº 26. L'auteur, se référant à l'avis du Conseil d'État, propose que le juge, lorsqu'il s'écarte du droit désigné en application du code, tienne compte des droits régulièrement acquis par la personne à l'étranger.
Le professeur Fallon signale que le texte de l'article 19 a été modifié par rapport à l'avant-projet de loi qui a été soumis au Conseil d'État. L'alinéa 2 actuel a été ajouté pour rencontrer la remarque concernant la nécessité de préserver les droits régulièrement acquis à l'étranger.
L'intervenant précise que l'objectif de l'amendement nº 27 est déjà rencontré par l'alinéa 2 de la proposition de code qui prévoit que le juge tient compte de la circonstance que la relation a été établie régulièrement selon les règles de droit international privé des États avec lesquels cette relation présentait des liens au moment de son établissement. Il pense que si l'amendement est accepté, cela entraînera une certaine confusion dans l'esprit des juges qui se demanderont si le texte vise deux situations différentes alors que les deux formulations ont un objectif identique.
La ministre met en garde contre le danger d'interprétation a contrario de l'amendement nº 27 (doc. Sénat, nº 3-27/3). Il faudrait libeller l'amendement de manière telle que sa portée exemplative par rapport à l'alinéa 2 ressorte clairement.
M. Mahoux juge que l'alinéa 2 est rédigé de manière alambiquée. Il pense qu'un effort de simplification du texte faciliterait la compréhension.
Le professeur Fallon reconnaît que le texte est complexe mais il faut être conscient du caractère technique de la règle de droit. La phrase est longue mais elle indique techniquement au praticien la méthode à suivre pour déterminer si l'indice joue. Le praticien est invité à regarder les règles du droit international privé des États avec lesquels la situation avait des liens au moment de son établissement.
M. Hugo Vandenberghe invite les professeurs à formuler une proposition alternative de rédaction de l'alinéa 2 qui soit plus pédagogique.
Amendement nº 99
M. Hugo Vandenberghe dépose l'amendement nº 99 (doc. Sénat, nº 2-27/6). Cet amendement vise à améliorer la lisibilité de l'alinéa 2 du § 1er.
Le professeur Fallon signale que l'amendement vise à réaliser une simple réorganisation de la disposition afin d'en faciliter la compréhension.
À la suite des explications fournies lors de la discussion, Mme Nyssens retire les amendements nºs 26 et 27.
L'amendement nº 99 de M. Hugo Vandenberghe et l'article 19 ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 20
Amendement nº 17
Le gouvernement dépose l'amendement nº 17 (doc. Sénat, nº 3-27/3) qui vise à clarifier la portée de cette disposition. Il est proposé de préciser que le Code de droit international privé ne porte pas atteinte à l'application tant des règles impératives que des règles d'ordre public du droit belge.
La ministre précise que la référence faite, dans la justification, à l'article 1er du décret du 6 fructidor an II sur le port du nom exprimé dans l'acte de naissance est un peu malheureuse car son application n'est pas aussi générale que la justification de l'amendement le laisse supposer. Cette disposition s'applique essentiellement aux actes de naissance rédigés en Belgique.
Mme de T' Serclaes demande quelle est la portée de l'amendement par rapport à l'article 1er du décret précité.
La ministre répond que l'article 1er du décret du 6 fructidor an II prévoit que nul ne peut porter un nom différent de celui mentionné dans son acte de naissance. Dans le contexte de l'article 20 de la proposition de code, qui vise les règles impératives ou d'ordre public qui régissent une situation internationale, l'on pourrait penser que l'article 1er du décret s'applique tant aux actes de naissance rédigés en Belgique qu'à ceux établis à l'étranger. En réalité, le décret ne peut pas toujours être appliqué lorsqu'interviennent des événements postérieurs à l'acte dont on est obligé de tenir compte.
L'oratrice cite l'exemple de la zaïrisation des noms qui a été imposée au Zaïre, sans que l'acte de naissance des personnes concernées soit modifié. Il est impossible de suivre le prescrit du décret de fructidor dans une telle situation. Dès lors, la référence qui y est faite dans la justification de l'amendement nº 17 n'est pas très heureuse. Cela n'enlève rien à la portée générale de l'amendement.
La ministre souligne que le but de l'amendement est d'intégrer dans le code les notions de « règles impératives ou d'ordre public » qui sont des concepts existants dans notre droit et qui ont, à la lumière de la jurisprudence de la Cour de cassation, une portée plus précise que la notion de « règles du droit belge qui régissent impérativement la situation » qui figure dans le texte de base.
M. Hugo Vandenberghe pense que l'amendement permet de régler le problème d'interprétation soulevé lors de la première lecture quant à la portée exacte de la notion de « règles du droit belge qui régissent impérativement la situation ». Il rappelle que les notions de règles impératives ou d'ordre public couvrent des réalités juridiques différentes.
M. Zenner précise qu'une règle impérative s'oppose à une règle supplétive. Les parties peuvent uniquement déroger à cette dernière catégorie de règles. Les règles d'ordre public touchent quant à elles aux fondements de notre vie en société. Elles entraînent, en cas de méconnaissance, la nullité absolue alors que la violation d'une règle impérative est frappée de nullité relative. Ces concepts évoluent dans le temps. Ainsi, la faillite, qui était précédemment considérée comme d'ordre public est aujourd'hui classée dans la catégorie des règles impératives par la Cour de cassation.
Selon M. Hugo Vandenberghe il y a, en droit privé, peu de règles qui sont d'ordre public.
M. Mahoux constate que l'article 20 écarte l'application des règles de droit étranger normalement désignées par les règles de conflit de lois lorsque ces règles de droit étranger sont contraires à l'ordre public. Toute la question est de savoir ce qui est contraire à l'ordre public.
Le professeur Fallon précise que la répudiation est qualifiée par la jurisprudence belge de décision étrangère. Elle concerne un cas individuel. Pour apprécier une telle décision, l'on passe par la technique de la reconnaissance où l'ordre public peut être utilisé pour s'opposer à la reconnaissance. C'est l'hypothèse visée par l'article 25 du code qui concerne l'exception d'ordre public pour les décisions.
En ce qui concerne l'article 20 de la proposition de code, qui doit être lu en parallèle avec l'article 21, la notion d'ordre public joue également un rôle, mais l'on se situe dans l'hypothèse de l'application de normes et pas dans celle de décisions individuelles.
L'article 20 vise le cas d'une règle spéciale du législateur belge dont l'applicabilité va se déterminer indépendamment des règles générales de conflit de lois proposées dans le code. Les exemples sont rares, car la proposition de code a, par matière, cherché à isoler les cas de règles d'applicabilité spéciale.
L'intervenant cite l'exemple de la protection du logement familial pour deux Marocains vivant en Belgique. Va-t-on leur appliquer l'article 215 du Code civil ?
Le juge belge va chercher le droit applicable à la situation en utilisant la règle de rattachement normale. Dans l'état actuel de notre droit, c'est la loi marocaine qui s'applique à la question de la protection du logement familial concernant un couple de Marocains.
La doctrine considère cependant que cette solution pose problème, car la question du logement familial touche à la protection sociale. Il y a une disposition précise du législateur dont la volonté manifeste est de concerner les immeubles situés en Belgique. Il s'agit d'une loi spéciale de protection dont l'application a un sens lorsqu'il s'agit d'immeubles situés en Belgique.
Bien que, dans le droit actuel, la matière des effets du mariage soit réglée par la loi nationale commune des parties, en application de la théorie des règles spéciales d'applicabilité, l'on écarte cette solution en appliquant, pour certaines questions, une règle dérogatoire. Le code prend en compte cette approche dans l'article 48, § 3.
C'est dans la matière des contrats que les exemples sont les plus nombreux, chaque fois que le législateur veut protéger socialement ou économiquement une partie faible dans le contrat. Ainsi, la loi du 12 juin 1991 sur le crédit à la consommation s'applique lorsque le consommateur réside en Belgique et conclut le contrat en Belgique. Alors que la règle générale de conflit de lois pour les contrats est la loi du vendeur, dans une loi spéciale, le législateur prévoit une dérogation afin de protéger le consommateur. Pour être précis, l'orateur signale que le dernier exemple est déjà couvert par la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles.
M. Mahoux évoque ensuite la question de la réserve. La part réservataire est-elle d'ordre public ? Il cite le cas d'un couple de Tunisiens vivant en Belgique et dont l'enfant est devenu belge. Le juge écartera-t-il, en application de l'article 21, la loi tunisienne qui ne connaît pas la réserve ?
Tout en estimant que, dans le cas relevé, le droit belge régirait probablement la succession, à moins qu'il s'agisse d'un immeuble localisé en Tunisie, le professeur Fallon signale qu'un problème similaire se rencontre dans l'hypothèse d'une personne qui décède en Angleterre où elle était domiciliée. La règle de rattachement désigne la loi anglaise. Or, le droit anglais ne connaît pas la réserve.
L'intervenant n'a pas le sentiment que le juge belge, confronté à une telle situation, ferait application de l'article 21 pour écarter la loi anglaise au motif que l'absence de réserve serait contraire à l'ordre public.
M. Hugo Vandenberghe précise que la règle de la fraude à la loi pourrait jouer s'il apparaît que la personne s'est domiciliée en Angleterre dans le seul but de contourner la réserve. Il rappelle que dans la conception napoléonienne du Code civil, la réserve était d'ordre public.
M. Mahoux déduit de l'interprétation du professeur Fallon que la réserve ne fait pas partie de l'ordre public puisque le juge belge n'appliquerait pas l'article 21.
Le professeur Van Houtte souligne qu'en cas de nécessité, on peut toujours invoquer l'ordre public. Il ne faut pas non plus perdre de vue qu'en cas d'abus, les héritiers réservataires trouveront un allié dans le fisc belge. Si celui-ci découvre qu'un héritage est maintenu en dehors du pays pour des raisons fictives, il ne manquera pas d'intervenir.
M. Hugo Vandenberghe fait observer que les héritiers réservataires sont plus souvent complices du de cujus que du fisc.
M. Zenner rappelle qu'il faut opérer une distinction entre l'ordre public interne et l'ordre public international.
Selon l'orateur, la réserve relève du premier, plutôt que du second.
L'orateur est par ailleurs réticent à considérer que le fait comme tel d'aller demeurer en Angleterre pour échapper au système de la part réservataire constitue une fraude à la loi.
M. Hugo Vandenberghe précise qu'il veut souligner que l'article 18 est en fait très restrictif (« le seul but »). La planification patrimoniale reste possible si elle ne vise pas uniquement à échapper à l'application de la loi.
M. Zenner souligne que l'article 18 ne joue que pour les matières où les personnes ne disposent pas librement de leurs droits.
Le droit d'établissement, quel que soit le but poursuivi, est un droit fondamental dans l'Union européenne.
Les choses seraient différentes s'il s'agissait d'une situation tout à fait artificielle.
L'effet pervers de ce genre de théorie pourrait être d'empêcher des personnes qu'une relation de couple a amené à faire le choix de résider en Belgique, de s'y marier par la suite, même après plusieurs années. L'on pourrait en effet considérer que le but unique était de se marier, et qu'il y a fraude à la loi.
M. Hugo Vandenberghe estime que l'article 18 est applicable en ce qui concerne la réserve, parce que l'on ne peut pas, en droit interne, librement disposer de sa succession.
M. Mahoux souligne que cette restriction détermine un droit dans le chef des bénéficiaires de la réserve.
M. Hugo Vandenberghe rappelle que la question est déterminée par le critère de rattachement que l'on applique.
Or, en matière de successions, on applique, pour les immeubles, la loi du lieu où ceux-ci sont situés, et, pour les meubles, celle du lieu du dernier domicile.
Le professeur Erauw se rallie aux observations de M. Vandenberghe. Ces questions de principe sont bien sûr extrêmement importantes et de portée générale. C'est pourquoi la disposition en question figure au début du code. Mais si on se pose une question spécifique, par exemple concernant la réserve, il faut d'abord examiner les points de rattachement prévus dans le chapitre concernant le droit successoral lui-même, à savoir la situation du bien et le dernier domicile. La situation du bien est évidemment un critère très réel, auquel il n'est pas aisé de se soustraire. On est en droit de se demander pourquoi une personne a acheté une maison, mettons, à Gibraltar.
Le dernier domicile est le deuxième point de rattachement. C'est la plus ancienne règle du droit international privé belge et elle permet une localisation correcte. Le but n'est pas non plus d'appliquer le droit belge à tous les cas. Le droit étranger mérite d'être respecté, et donc il faut également faire la distinction entre l'ordre public interne et l'ordre public international. Les juges, en effet, n'entendent pas régir le monde entier depuis la Belgique. Mais il ne faut pas se livrer à des manipulations et chercher un rattachement fictif. Il n'est du reste pas facile de manipuler les rattachements en droit successoral. Si on veut par exemple aller habiter le Minesota pour déshériter ses héritiers, encore faut-il y séjourner effectivement et pouvoir supporter aussi les côtés moins agréables de cette situation.
L'intervenant souligne la relativité de ces questions. Les techniques citées peuvent être utilisées en théorie, mais il est important, vu la diversité de la réalité internationale, de laisser les juges faire leur travail.
En 2002, la Cour de cassation a confirmé, dans un arrêt relatif au leasing d'une voiture de société qui avait été volée au Luxembourg, qu'un leasing au Luxembourg n'était pas identique à un leasing en Belgique. Le juge doit donc se prononcer sur le point de savoir si cela lui semble fondamental ou non.
Le chapitre relatif aux successions règle ces questions et laisse une certaine liberté aux parties. Toutefois, le texte prévoit que si on choisit, on ne peut pas toucher à la réserve.
Le professeur Van Houtte estime qu'il faut également voir les choses du point de vue pratique. Comment, par exemple, appliquer la réserve belge à un bien situé en Arabie Saoudite ? Il faudra pour cela passer par le juge saoudien, qui ne laissera pas faire sans réagir.
Amendement nº 28
Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/3, amendement nº 28), tendant à supprimer, à l'alinéa 1er, les mots « ou en raison de leur but manifeste ».
L'auteur renvoie à la discussion relative à cette notion lors de la première lecture.
Ces mots élargissent le pouvoir du juge de telle façon qu'il n'y aura plus que des cas d'espèce.
La ministre répond que la suppression de ces mots fermerait définitivement la porte à toute interprétation jurisprudentielle d'un texte qui ne dit pas explicitement, par exemple, que lorsque la situation concerne un Belge ou une personne habitant en Belgique, c'est le droit belge qui s'applique.
L'intervenante renvoie à ce qui vient d'être dit par le professeur Fallon quant au « but manifeste » du législateur lorsqu'il a adopté des règles de protection de la résidence conjugale.
Mme Nyssens répond que, dans ce dernier cas, il s'agit d'une règle impérative.
La ministre répète que l'amendement aura pour conséquence que l'on ne pourra plus appliquer l'article 20 que lorsque la loi est tout à fait explicite.
M. Vandenberghe note qu'il existe, en droit privé, très peu de dispositions indiquant qu'elles sont impératives ou d'ordre public. C'est souvent la logique interne du système juridique qui indique si des dispositions sont impératives ou d'ordre public. En ce qui concerne la distinction entre biens mobiliers et biens immobiliers, par exemple, rien n'est dit sur le caractère d'ordre public. Mais chacun sait qu'un diamant, par exemple, est un bien mobilier. Voilà ce qu'il faut entendre ici par le mot « but ».
Le professeur Van Houtte cite l'exemple du calcul des délais de préavis dans les contrats de travail (formule Claeys, etc.). Ce mode de calcul est impératif en Belgique. Si l'on choisit de soumettre le contrat de travail à l'application d'un droit étranger, la loi ne vaut que dans une certaine mesure.
M. Hugo Vandenberghe se pose une question à ce propos. Il pense au cas où un travailleur occupé dans les liens d'un contrat de travail de droit étranger de droit français, par exemple est impliqué dans un accident en Belgique. Selon le droit du travail belge, on applique l'article 18 de la loi relative aux contrats de travail, aux termes duquel le responsable est l'employeur, et non pas le travailleur qui commet la faute.
L'article 18 prévoit l'immunité en faveur du travailleur belge dans le cadre de la loi relative aux contrats de travail. Certains juges estiment que l'article 18 du droit du travail belge constitue une règle générale de responsabilité et qu'il s'applique dès lors également aux contrats de travail étrangers exécutés en Belgique. L'immunité relative doit donc être appliquée également aux personnes occupées dans les liens d'un contrat étranger auquel est applicable un autre droit du travail.
Le professeur Erauw répond qu'un tel problème relève en principe du droit applicable au règlement de l'indemnisation ou au fait illicite. La Cour de cassation s'est montrée très stricte à ce propos dans le passé.
La règle applicable actuellement en matière de fait dommageable est beaucoup plus subtile et elle permet d'établir, dans les dispositions relatives au fait, le lien accessoire avec le droit qui régit la relation. Il faut voir alors si la règle qui a été instaurée en Belgique l'a été pour protéger un groupe et, donc, si elle est par conséquent de nature impérative. Il est donc possible que le juge considère le lien avec la Belgique comme suffisamment établi dans le cas en question et qu'il tienne compte de l'objectif de la loi. Le professeur Erauw estime que, dans l'exemple évoqué, on fera jouer la règle de rattachement du fait dommageable proprement dit.
M. Hugo Vandenberghe objecte que le fait dommageable est régi en Belgique par les articles 1382 et suivants du Code civil et qu'il existe, en application de l'article 18, une immunité pour les travailleurs belges qui se trouvent dans les liens d'un contrat de travail belge. Et quid d'un étranger qui travaille dans un lien de subordination mais qui est victime d'un accident en Belgique ? Peut-il invoquer le bénéfice de l'application de l'article 18 ?
Le professeur Van Houtte souligne que le fait illicite n'est pas régi uniquement par les articles 1382 et suivants du Code civil; il peut également y avoir une disposition relative au fait dommageable dans d'autres lois.
M. Hugo Vandenberghe conclut qu'il faut considérer dans ce cas que l'article 18 a une portée générale au sens du droit de la responsabilité en vue de protéger le travailleur en Belgique; cette protection va donc plus loin que celle qui est prévue par le droit du travail belge. C'est une interprétation possible.
La ministre indique que, dans l'exposé des motifs de la proposition de loi, on trouve un exemple de ce genre (doc. Sénat, nº 3-27/1, p. 48). On peut y lire : « Les dispositions impératives visées sont uniquement celles qui entendent déroger au jeu normal des règles de rattachement et, le plus souvent, elles constituent une dérogation aux règles matérielles mêmes qui, plus généralement, régissent le rapport juridique. Cette volonté de dérogation d'une loi particulière est normalement marquée par la présence d'une règle d'applicabilité dans le corps de cette loi, mais il est arrivé que la jurisprudence déduise l'existence d'une telle règle par voie d'interprétation, en ayant égard à l'objectif particulier des règles matérielles en cause. »
Une note précise que cette méthode a été suivie par la Cour de cassation afin d'assurer la protection contractuelle du travailleur (Cass., 25 juin 1975, Taylor, Pas., 1975, I, p. 1038, Arr. Cass. 1975, p. 1146).
M. Zenner fait observer que la même question se pose pour l'attribution d'un privilège à un travailleur étranger occupé par un employeur belge dans une succursale. La loi belge définit le privilège par rapport à la notion de rémunération au sens de la législation sur le travail.
La somme que touche le travailleur étranger en vertu de son contrat de travail n'est pas une rémunération au sens de la loi belge. Le privilège joue-t-il ou non ?
La réponse se trouve dans l'extrait des développements précédant la proposition, cité par la ministre, mais elle laisse un large pouvoir d'appréciation.
L'intervenant estime pour sa part que la réponse devrait être affirmative.
M. Hugo Vandenberghe fait valoir que le privilège visé à l'article 19 revêt un caractère personnel.
Mme Nyssens conclut que la liberté d'appréciation laissée au juge est justifiée par un souci de protection.
Par ailleurs, les cas d'application de ce texte devraient être assez rares. Par conséquent, Mme Nyssens retire son amendement nº 28.
L'amendement nº 17 du gouvernement et l'article 20 ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 21
Cet article ne suscite aucune observation. Il est adopté à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 22
Amendement nº 18
Le gouvernement dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/3, amendement nº 18), tendant à remplacer, dans le texte néerlandais du § 2, le mot « belanghebbende » par les mots « persoon die een belang heeft », en vue de clarifier la portée du texte.
L'amendement nº 18 et l'article 22 ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 23
Amendement nº 2
MM. Willems et Coveliers déposent un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/3, amendement nº 2), tendant à compléter le § 1er de l'article 23.
M. Willems souligne qu'il est indiqué que le tribunal de commerce soit compétent pour la reconnaissance et la force exécutoire des décisions judiciaires étrangères fondées sur l'insolvabilité du débiteur. L'amendement n'instaure cette compétence exceptionnelle qu'en ce qui concerne les intéressés qui sont des commerçants.
Amendement nº 19
Le gouvernement dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/3, amendement nº 19), tendant à apporter des modifications aux §§ 1er, 2 et 5 de l'article 23.
La modification proposée au § 1er vise à réserver la compétence du tribunal de commerce en ce qui concerne les demandes portant sur des décisions relevant du droit de l'insolvabilité lorsque le débiteur est un commerçant.
Un amendement devra également être déposé à l'article 121, en vue de traduire la même idée, sous réserve d'une différence éventuelle de formulation.
En effet, en s'inspirant du contenu du règlement européen sur l'insolvabilité, on a recherché une formulation couvrant toutes les décisions d'ouverture et de clôture d'une procédure, ainsi que toutes les décisions relatives au déroulement de la procédure.
L'amendement du gouvernement a en tout cas le même objectif que l'amendement nº 2 de MM. Willems et Coveliers.
L'amendement nº 2 de MM. Willems et Coveliers est retiré.
L'amendement nº 19 du gouvernement et l'article 23 ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 24
Cet article ne suscite aucune observation. Il est adopté à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 25
Amendement nº 20
Le gouvernement dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/3, amendement nº 20), tendant à compléter le § 1er, 1º, et à modifier le § 1er, 9º, de l'article 25, en vue de répondre à des préoccupations exprimées par des membres de la commission au cours de la première lecture.
Ceux-ci ont notamment formulé le souhait que l'on soit plus précis en ce qui concerne les critères.
La tentative de précision du texte a toutefois ses limites, car on ne peut aller trop loin dans l'explication d'une notion à contenu variable, dans une situation qui, par définition, aura été configurée à l'étranger.
Le professeur Fallon précise que l'amendement ajoute deux indices d'appréciation analogues à ceux retenus pour le conflit de lois (article 21) : la gravité de l'effet produit, et l'intensité du rattachement de la situation avec l'ordre juridique belge.
Les mêmes indices seront donc utilisés à l'égard d'une loi étrangère et à l'égard d'une décision étrangère.
La doctrine a été rassurée de voir que la Cour de cassation avait retenu ce type d'indices à propos des décisions étrangères. En effet, dans un arrêt du 29 avril 2002, la Cour a, pour la première fois, étendu aux décisions étrangères les critères d'appréciation de l'intensité du rattachement et de la gravité de l'effet, qui sont connus et pratiqués en matière de conflits de lois en droit international privé depuis plusieurs décennies, et qui étaient pratiqués aussi, de façon moins explicite, pour les décisions étrangères.
Quant au point 2 de l'amendement, il s'agit d'une simple correction technique.
L'amendement nº 20 du gouvernement et l'article 20 ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 26
Cet article ne suscite aucune observation. Il est adopté à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 27
Amendement nº 21
Le gouvernement dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/3, amendement nº 21), tendant à apporter plusieurs modifications à l'article 27.
La ministre précise que le motif de l'amendement réside dans la situation actuelle découlant du Code judiciaire.
Celui-ci prévoit un système cohérent en ce qui concerne la reconnaissance et l'exécution des jugements (article 570 du Code judiciaire).
Par contre, il est beaucoup moins complet en ce qui concerne les actes authentiques.
S'il contient en effet une disposition relative à l'exequatur des actes authentiques (article 568, 2º et 3º, il n'envisage pas le cas où il y aurait un litige sur la reconnaissance d'un tel acte. Dès lors, à défaut d'autre précision, un tel recours serait introduit selon la procédure de droit commun, à savoir la citation.
Les auteurs du code ont suivi la même logique que le Code judiciaire et n'ont donc pas traité spécifiquement des litiges relatifs à la reconnaissance des actes authentiques.
L'amendement proposé vise à compléter le code pour le rendre plus cohérent, et assurer le parallélisme, en ce qui concerne les actes authentiques, avec ce qui a été prévu pour les jugements.
La première modification vise à remplacer, dans l'intitulé, le mot « Validité » par le mot « Reconnaissance », afin de souligner le parallélisme.
La deuxième modification tend à mettre en évidence qu'il s'agit d'un système de reconnaissance de plein droit, sans aucune procédure, pour les actes authentiques.
La troisième modification, nouvelle par rapport au Code judiciaire, prévoit l'hypothèse où une autorité refuserait de reconnaître la validité de l'acte.
La modification vise à organiser, dans ce cas, un recours devant le tribunal de première instance, sans préjudice de l'article 121 (cf. l'exception pour les procédures d'insolvabilité).
Contrairement à ce que prévoit actuellement le Code judiciaire, ce recours serait introduit par requête unilatérale.
La quatrième modification concerne le caractère exécutoire, et prévoit l'hypothèse où il faut s'adresser au tribunal pour obtenir la déclaration du caractère exécutoire de l'acte authentique.
La procédure est semblable à celle décrite ci-avant en matière de reconnaissance.
Le professeur Fallon souligne l'importance du fait que pour pouvoir obtenir la reconnaissance ou la force exécutoire de l'acte étranger, il faudra vérifier si l'acte est valable, en vérifiant le droit applicable.
Ainsi, la reconnaissance d'un acte authentique de mariage célébré à l'étranger supposera que l'on vérifie s'il est valablement fait. Pour ce faire, on appliquera les règles de rattachement prévues par le code.
L'amendement nº 21 et l'article 27 ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 28
Cet article ne suscite aucune observation. Il est adopté à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 29
Amendement nº 22
Le gouvernement dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/3, amendement nº 22), tendant à remplacer les mots « Il est tenu compte » par les mots « Il peut être tenu compte ».
L'amendement concerne l'effet de fait des décisions judiciaires et des actes authentiques étrangers.
La formule de l'amendement est plus édulcorée que le texte initial, car il s'agit de prendre en compte des cas exceptionnels, où le fait qu'un jugement ait été rendu peut constituer un cas de force majeure.
L'amendement nº 22 et l'article 29 ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 30
Amendement nº 29
Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/3, amendement nº 29), tendant à faire débuter le § 1er de l'article 30 par les mots « Sauf disposition contraire d'un traité international ou de la loi ».
La rédaction actuelle de l'article 30 donne l'impression que toute décision judiciaire étrangère doit être légalisée.
Or, un nombre considérable de traités internationaux suppriment cette exigence de légalisation, ou la remplacent par une procédure simplifiée.
L'attention des praticiens devrait être attirée sur ce point.
La ministre répond que le risque est de n'attirer l'attention sur l'existence d'un traité ou d'une loi impérative ou d'ordre public que dans un article, alors que cette observation vaut pour presque tous les articles du code.
Le choix qui a été fait est d'énoncer cette règle dans les dispositions contenant les principes généraux (voir par exemple les articles 2, 20 et 21).
Le professeur Fallon observe que la justification de l'amendement attire l'attention sur l'existence de lois anciennes relatives aux actes notariés et qui traitent de la légalisation.
L'auteur de l'amendement répond que ce point fera l'objet d'un amendement distinct à l'article 135.
L'amendement nº 29 est retiré.
L'article 30 est adopté à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 31
Amendement nº 4
MM. Willems et Coveliers déposent un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/3, amendement nº 4).
M. Willems précise que l'amendement vise à supprimer l'alinéa 2 du § 2. La ministre de la Justice peut en effet édicter des directives à tout moment, mais ces directives ne font pas partie de la législation. La délégation du législateur ne peut en effet se faire que par un arrêté royal ou un arrêté ministériel.
La ministre répond qu'il a paru opportun de mentionner ce pouvoir du ministre dans le contexte de l'état civil, car la base légale du pouvoir du ministre de donner des directives aux officiers de l'état civil est particulière.
Elle vient d'une très ancienne doctrine et passe par l'intermédiaire du parquet. Celui-ci a dans ses attributions le contrôle des actes et des registres de l'état civil.
Or, le ministre a la surveillance du parquet dans ses attributions.
Toutes les circulaires ministérielles en matière d'état civil ne sont jamais adressées directement aux officiers de l'état civil, mais toujours aux procureurs généraux, aux procureurs du Roi et aux officiers de l'état civil.
Si cela ne figurait pas dans la loi, cela ne supprimerait certes par le pouvoir du ministre, mais il a semblé utile d'indiquer dans cet article par quel mécanisme l'officier de l'état civil effectue sa vérification.
M. Willems continue malgré tout à éprouver quelques appréhensions face au procédé qui consiste à faire référence à des directives dans un texte de loi. La ministre a également annoncé des directives concernant la problématique du mariage. L'intervenant veut éviter que l'on ne fasse de ces directives une sorte de « législation douce ».
M. Hugo Vandenberghe renvoie à une question qu'il a posée à la ministre de la Justice, quant au point de savoir si l'on applique encore aujourd'hui les dispositions du Code civil selon lesquelles le parquet contrôle annuellement les actes de l'état civil.
Le professeur Van Houtte se demande si, à partir du moment où l'on inscrit une telle disposition dans l'article 31, il ne faut pas l'inscrire également dans d'autres articles.
M. Vandenberghe est d'accord avec cet argument. Si l'on mentionne cette disposition ici, on devrait aussi la mentionner explicitement dans toutes les matières qui relèvent de la compétence du ministre de la Justice. Il serait peut-être préférable de l'insérer une seule fois à un autre endroit.
M. Willems marque son accord à ce sujet.
La ministre souligne qu'en l'espèce, la situation est un peu différente de celle des autres circulaires car le destinataire final de la circulaire, à savoir l'officier de l'état civil, ne relève pas de la tutelle du ministre de la Justice.
La fonction principale du parquet en matière de contrôle des actes de l'état civil n'est en pratique pas toujours exercée.
Le danger existe dès lors que le pouvoir du ministre de la Justice soit un jour remis en question.
Le professeur Erauw note qu'il faut certainement tenir compte des problèmes qui se posent aux administrations et aux officiers de l'état civil. Les unes et les autres sont de grands demandeurs d'instructions et d'explications. L'intervenant estime, d'une part, qu'il est correct de mentionner expressément, dans la disposition en question, que le ministre de la Justice peut établir des directives, et, d'autre part, que l'article 31 est l'article approprié pour ce faire, étant donné qu'aucune autre disposition ne fait référence à l'inscription dans les registres.
M. Mahoux fait observer qu'il existe toute une série d'exemples où le pouvoir fédéral est amené à émettre des circulaires par rapport à des fonctionnaires communaux (casier judiciaire, problématique des handicapés, certificats de bonne vie et moeurs assez controversés dans le cas d'une fonction supposant des contacts avec les mineurs, ...).
M. Willems estime qu'on attribue ainsi explicitement une compétence au ministre de la Justice. C'est le justiciable qui rencontre la principale difficulté du fait qu'il est confronté à un certain problème et qu'il ne peut pas prendre connaissance de ces directives non publiées du ministre de la Justice.
M. Hugo Vandenberghe objecte qu'une directive de portée générale devrait en tout cas être publiée.
La ministre signale que l'essentiel de ces circulaires sont publiées.
Le professeur Erauw estime que des garanties sont également fournies du fait que les fonctionnaires ont en tout cas l'obligation de respecter le principe de légalité. La disposition en question fait d'ailleurs référence aux conditions légales. Si une circulaire est contraire à la loi, le fonctionnaire ne doit pas s'y conformer et le juge peut se prononcer en toute indépendance en ce qui la concerne.
M. Vandenberghe estime qu'il faut tenir compte du fait que le contrôle des actes de l'état civil diminue. C'est pourquoi il est utile de signaler que de nouvelles directives sont prévues. Vu le développement du phénomène des mariages de complaisance, etc., un contrôle plus sévère s'impose.
M. Willems demande pourquoi on n'opterait pas plutôt pour un arrêté ministériel.
Selon M. Hugo Vandenberghe, une directive n'ajoute rien à la loi. Un arrêté ministériel exécute la loi, ce qui signifie que la loi laisse au ministre une certaine marge d'appréciation quand il rend la loi opérationnelle. Un arrêté ministériel ajoute donc des conditions de fond supplémentaires pour rendre la loi opérationnelle.
La ministre ajoute que, très souvent, ces directives portent sur des questions très concrètes et pratiques.
Vu le grand nombre de communes, on considère qu'il est malsain que les personnes concernées soient traitées différemment selon la commune à laquelle elles s'adressent.
Une directive a par exemple été prise au moment où une vague d'adoptions d'enfants roumains a eu lieu.
Ces adoptions avaient lieu en Roumanie, où l'on refaisait l'acte de naissance de l'enfant, en y inscrivant le nom de la mère adoptive comme étant sa mère biologique.
Les parents adoptifs revenaient en Belgique, et demandaient à l'officier de l'état civil de transcrire cet acte. Certains refusaient, en considérant qu'il s'agissait d'un faux.
D'autres estimaient qu'il fallait demander la rectification de l'acte au tribunal.
D'autres encore transmettaient au parquet.
Une circulaire a dès lors été prise, indiquant que, dans tous les cas, il fallait transmettre au parquet qui demanderait une rectification d'office, sans frais pour les parents concernés.
Un autre cas était celui de femmes turques mariées avec des Turcs et ayant changé de nom à la suite de leur mariage.
Séjournant depuis un certain nombre d'années en Belgique, elles obtenaient la nationalité belge sur la base de leur nom de jeune fille, alors qu'elles n'avaient pas changé de nom pour la Turquie.
Certaines communes les inscrivaient sous le nom turc, d'autres sous le nom sous lequel elles avaient obtenu la nationalité.
Dans de tels cas, une circulaire est prise en vue d'harmoniser les pratiques.
Il s'agit rarement de circulaires d'explication de la loi.
Le professeur Van Houtte demande si ces règlements internes spécifiques sont publiés au Moniteur belge ou s'il s'agit plutôt de documents administratifs non publiés.
La ministre répond que les circulaires ne sont pas toujours publiées au Moniteur belge, mais qu'en matière d'état civil, la tradition est de les publier, sauf s'il s'agit de « cuisine interne » à l'usage des officiers de l'état civil.
Amendement nº 23
Le gouvernement dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/3, amendement nº 23), tendant à apporter plusieurs modifications à l'article 31.
La ministre précise que la première modification proposée est purement technique. Elle prévoit que, pour obtenir la reconnaissance de la décision par mention ou transcription, il conviendra de produire également les documents requis par l'article 24.
La deuxième modification est un ajout qui organise, comme on l'a fait à l'article 27 pour les actes authentiques, un recours contre les refus de reconnaissance se traduisant par un refus de procéder à une mention ou à une transcription. Le recours se fera devant le tribunal de première instance sur requête unilatérale, conformément à l'article 23.
La troisième modification consiste à remplacer au § 2, alinéa 1er, les mots « le contrôle » par les mots « la vérification », conformément au souhait exprimé lors de la première lecture par des membres de la commission.
Les quatrième et cinquième modifications visent à réorganiser quelque peu le § 2, à la suite de la discussion de l'article en première lecture.
Un premier alinéa préciserait que le contrôle est réalisé par le dépositaire de l'acte ou du registre. Un deuxième alinéa traiterait des directives que peut donner le ministre de la Justice. Un troisième alinéa reprendrait, en le modifiant, ce qui figure actuellement dans la deuxième phrase de l'alinéa 1er, à savoir que le dépositaire peut, en cas de doute sérieux, lors de l'appréciation des conditions visées au § 1er, transmettre l'acte ou la décision pour avis au ministère public qui procède si nécessaire à des vérifications complémentaires.
L'ajout des mots « en cas de doute sérieux » résulte de la discussion en première lecture, et vise à éviter le recours abusif à cette procédure.
L'amendement nº 4 de MM. Willems et Coveliers est rejeté par 11 voix contre 2 et 1 abstention.
L'amendement nº 23 du gouvernement et l'article 31 ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 32
Cet article n'appelle pas d'observations. Il est adopté à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 33
Amendement nº 49
Le gouvernement dépose l'amendement nº 49 (doc. Sénat, nº 3-27/4) qui vise à clarifier l'article. Il est proposé de scinder le premier alinéa en deux alinéas distincts afin de distinguer les mesures de protection visant la personne incapable et celles visant ses biens.
L'amendement nº 49 et l'article 33 ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 34
Amendement nº 50
Le gouvernement dépose l'amendement nº 50 (doc. Sénat, nº 3-27/4) qui vise à introduire, à l'article 34, un cas de renvoi en matière de capacité des personnes. Ce renvoi est limité aux cas où le droit étranger conduit à l'application du droit belge. Cette solution, qui s'inspire de la philosophie de la récente loi sur les mineurs non accompagnés, permet d'appliquer à la personne incapable le régime le plus protecteur.
L'amendement nº 50 et l'article 34 ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 35
Amendement nº 51
Le gouvernement dépose l'amendement nº 51 (doc. Sénat, nº 3-27/4) qui vise à remplacer l'article 35.
L'amendement aligne la terminologie utilisée sur celle proposée à l'amendement nº 49 (doc. Sénat, nº 3-27/4) pour définir la compétence internationale en matière d'état et de capacité des personnes.
Lors de la première lecture, il a été souligné qu'il n'était pas approprié de faire dépendre le droit applicable en matière d'autorité parentale, de tutelle et de protection de l'incapable, de la résidence habituelle au moment de l'introduction de la demande car il existe de nombreuses hypothèses dans lesquelles aucune demande formelle n'est introduite. L'amendement propose un libellé plus général : « au moment des faits donnant lieu à la détermination de l'autorité parentale, à l'ouverture de la tutelle ou à l'adoption des mesures de protection ».
La ministre précise que l'amendement nº 51 ajoute également deux dispositions inspirées de la Convention de La Haye du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants.
La première règle prévoit que l'on applique le droit de l'État de la nouvelle résidence habituelle en cas de changement de la résidence habituelle, lorsque cela permet d'investir de l'autorité parentale une personne le plus souvent une femme qui ne l'était pas en vertu de la loi de l'État de résidence au moment des faits donnant lieu à la détermination de l'autorité parentale ou de la tutelle.
La seconde règle, qui est ajoutée au § 1er, alinéa 2, permet de dissocier la loi applicable à la détermination de l'autorité parentale de celle applicable ultérieurement aux problèmes qui surviennent au cours de l'exercice de l'autorité parentale. C'est la loi de la résidence de l'enfant au moment où l'effet est invoqué qui est applicable pour des raisons de lien avec l'environnement social de l'enfant.
En ce qui concerne les autres modifications proposées, l'intervenante renvoie à la justification écrite.
Mme Laloy demande comment la résidence habituelle est déterminée pour un mineur non accompagné se trouvant sur notre territoire.
La ministre répond que lorsqu'un mineur non accompagné se trouve en Belgique, il faut considérer que sa résidence habituelle est en Belgique.
M. Hugo Vandenberghe précise qu'il existe un statut spécifique pour les mineurs non accompagnés. C'est parce que l'on considère que le mineur réside en Belgique qu'on lui désigne un tuteur.
Le professeur Erauw explique que l'article 4 est basé sur la résidence effective. Un mineur non accompagné qui se trouve en Belgique de manière effective a sa résidence habituelle dans notre pays. La définition prévoit que la volonté de l'intéressé(e) est un critère. Un enfant mineur âgé de moins de 7 ans n'a bien sûr pas la possibilité d'exprimer sa volonté. Dans le cas d'un enfant mineur âgé de plus de 7 ans, on examinera l'ensemble des circonstances. En principe, c'est le droit belge qui sera appliqué. Cette solution est déjà appliquée pour ce qui est des mesures de protection; on vérifie la présence réelle en Belgique.
La ministre attire l'attention des membres sur un problème potentiel auquel l'article 35 peut aboutir par rapport à la résolution de la question préalable d'attribution de la nationalité.
Elle cite l'exemple d'une personne de nationalité étrangère qui vit en Belgique et qui obtient la nationalité belge. Cette personne demande que ses enfants obtiennent également la nationalité belge, ce que la loi permet. Cependant, pour que l'enfant obtienne la nationalité belge, il faut que le lien de filiation soit établi.
Les questions préalables qui peuvent se poser pour l'octroi de la nationalité belge sont soit des questions de filiation, soit des questions d'autorité parentale. Le problème est de savoir si, pour résoudre la question de filiation ou d'autorité parentale, il faut utiliser un critère de rattachement qui renvoie potentiellement au droit étranger ou si l'on résout cette question en appliquant d'office le droit matériel belge en la matière.
L'article 35 à l'examen utilise le lieu de résidence habituelle comme critère de rattachement. Dans l'exemple précité, si les enfants résident à l'étranger, c'est le droit de l'État de résidence qui s'applique pour déterminer l'autorité parentale, ce qui peut jouer un rôle dans l'octroi de la nationalité. À l'heure actuelle, la pratique administrative consiste à appliquer systématiquement le droit matériel belge pour déterminer quelle personne a l'autorité parentale sur les enfants résidant à l'étranger. L'article 35, en permettant l'application de la loi étrangère, peut changer la pratique actuelle. L'intervenante a chargé le service public fédéral Justice d'examiner les conséquences de la solution proposée.
Le professeur Fallon signale que le problème évoqué par la préopinante a largement été étudié par la doctrine, qui s'est penchée sur la question préalable de filiation lorsqu'elle sert à déterminer la nationalité dans un système appliquant le ius sanguinis. En droit belge actuel, la filiation est déterminée, le plus souvent, par la loi nationale de l'enfant. Or, notre pays appliquant le ius sanguinis, l'enfant est belge si le père est belge. Pour connaître la nationalité de l'enfant, il faut que la filiation soit établie. Or, pour établir la filiation, il faut utiliser la loi nationale de l'enfant.
Ce problème d'ordre technique constitue un véritable cercle vicieux qui peut être résolu de deux manières : soit l'on change la règle de conflit de lois, soit on applique toujours le droit du for pour les besoins de l'application du droit de la nationalité.
Si l'on veut être logique, la première solution doit être privilégiée. Il faut rechercher le droit applicable au lien de filiation en appliquant, le cas échéant, la loi nationale de l'auteur et non plus celle de l'enfant. La doctrine a en effet mis en avant que la seconde solution était incohérente car elle détermine de manière différente la filiation selon que la question se présente comme préalable à une question de nationalité ou de manière principale.
La doctrine, qui vise à assurer la cohérence technique, estime qu'il faut rechercher la filiation internationale en vertu du droit national applicable. Le code propose, à l'article 62, une nouvelle règle de conflit de lois qui désigne la loi nationale de l'auteur. Cette solution permet d'éviter le cercle vicieux en ce qui concerne la détermination de la filiation.
Pour la matière de l'autorité parentale, le professeur Fallon renvoie à l'article 12 du Code de la nationalité belge qui prévoit que, lorsqu'une personne acquiert volontairement la nationalité belge, celle-ci est également attribuée à l'enfant de moins de dix-huit ans sur lequel la personne exerce l'autorité. Pour l'interprétation de la condition d'exercice de l'autorité parentale, il faut chercher le droit applicable à cette question. Si l'enfant réside à l'étranger au moment où la question se pose, c'est le droit étranger qui sera appliqué pour déterminer l'autorité parentale. La règle de conflit de lois joue de manière neutre en désignant le droit applicable indépendamment de son contenu, sous la réserve générale de l'exception d'ordre public.
Depuis les circulaires du ministre de la Justice du début des années 80, l'Administration a pris parti dans cette controverse en décidant, que pour les besoins de l'application du droit de la nationalité, les questions préalables de filiation doivent être résolues par référence au droit civil belge, mais non nécessairement toute question d'état : par exemple, le mode de détermination de la validité du mariage doit-il varier selon que la question se pose ou non en marge de la détermination de la nationalité ?
Le professeur Fallon conclut que les solutions proposées par le code pour les questions préalables d'état ne sont pas de nature à poser de grosses difficultés.
Pour les questions de filiation, dans la pratique, la règle de conflit de lois désignera le droit belge, dès lors que l'auteur de référence aura la nationalité belge.
Pour les questions d'autorité parentale, la règle de rattachement proposée peut conduire, dans le cas où l'enfant réside à l'étranger, à l'application du droit étranger. Il ne faudrait cependant pas faire preuve d'une méfiance excessive vis-à-vis du droit étranger. Quoi qu'il en soit, l'exception d'ordre public peut jouer.
L'amendement nº 51 et l'article 35 ainsi amendé, sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 36
Cet article n'appelle pas d'observations. Il est adopté à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 37
Amendement nº 30
Mme Nyssens dépose l'amendement nº 30 (doc. Sénat, nº 3-27/3) qui prévoit que l'article 37 s'applique sans préjudice du régime relatif au port du nom que l'auteur propose d'insérer dans le code, à l'amendement nº 36 (doc. Sénat, nº 3-27/3). Il est renvoyé sur ce point aux discussions relatives à l'article 134bis (nouveau).
L'amendement nº 30 est rejeté par 11 voix contre 1 et 2 abstentions.
L'article 37 est adopté par 13 voix et 1 abstention.
Article 38
Amendement nº 31
Mme Nyssens dépose l'amendement nº 31 (doc. Sénat, nº 3-27/3) qui prévoit que l'article 38 s'applique sans préjudice du régime relatif au port du nom que l'auteur propose d'insérer dans le code à l'amendement nº 36 (doc. Sénat, nº 3-27/3).
Il est renvoyé à la discussion de l'amendement nº 36 à l'article 134bis (nouveau).
L'amendement nº 31 est rejeté par 11 voix contre 1 et 2 abstentions.
L'article 38 est adopté par 13 voix et 1 abstention.
Article 39
Amendement nº 32
Mme Nyssens dépose l'amendement nº 32 (doc. Sénat, nº 3-27/3) qui prévoit que l'article 39 s'applique sans préjudice du régime relatif au port du nom que l'auteur propose d'insérer dans le code à l'amendement nº 36 (doc. Sénat, nº 3-27/3).
Il est renvoyé à la discussion de l'amendement nº 36 à l'article 134bis (nouveau).
Amendement nº 42
Mme Nyssens dépose l'amendement nº 42 (doc. Sénat, nº 3-27/3) qui vise à clarifier le texte.
Le professeur Fallon soutient l'objectif de cet amendement car les hypothèses visées à l'article 39 ne sont pas suffisamment différenciées. Il constate que l'amendement nº 52 du gouvernement procède du même souci.
Amendement nº 52
Le gouvernement dépose l'amendement nº 52 (doc. Sénat, nº 3-27/4) qui vise à remplacer l'article 39.
La ministre signale que l'amendement met le texte du dispositif en concordance avec la jurisprudence récente de la Cour de Justice des Communautés européennes. Ce texte précise que l'article 39 vise tant les décisions administratives que les décisions judiciaires étrangères. Il est en outre proposé de modifier la structure de l'article pour distinguer plus clairement l'hypothèse du changement de nom par acte volontaire (1º) de celle de la détermination du nom (2º).
Enfin, le 3º règle la détermination ou le changement de nom de personnes étrangères qui ne seront reconnues en Belgique que si l'État dont la personne a la nationalité accepte de les reconnaître.
Il est renvoyé pour le surplus à la justification écrite.
L'amendement nº 32 de Mme Nyssens est rejeté par 11 voix contre 1 et 2 abstentions.
L'amendement nº 42 de Mme Nyssens est retiré.
L'amendement nº 52 du gouvernement est adopté à l'unanimité des 14 membres présents.
L'article 39 amendé est adopté par 13 voix et 1 abstention.
Article 40
Cet article n'appelle pas d'observations. Il est adopté à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 41
Amendement nº 53
Le gouvernement dépose l'amendement nº 53 (doc. Sénat, nº 3-27/4) afin de modifier la règle concernant le droit applicable à l'administration des biens de l'absent. Il est proposé de désigner prioritairement le droit de l'État sur le territoire duquel la personne avait sa résidence habituelle lors de sa disparition. Si ce droit ne permet pas d'organiser l'administration provisoire, l'amendement désigne, à titre subsidiaire, le droit belge.
L'amendement nº 53 et l'article 41 ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 42
Amendement nº 43
Mme Nyssens dépose l'amendement nº 43 (doc. Sénat, nº 3-27/3) qui vise à remplacer, au 2º, en ce qui concerne le délai entre la fin de la résidence commune en Belgique et l'introduction d'une action en matière de relations matrimoniales, les mots « moins de » par le mot « minimum ».
La ministre demande si, par souci de cohérence, il ne faut pas également modifier le 3º de l'article qui utilise l'expression « une résidence habituelle depuis douze mois au moins ».
Le professeur Fallon estime que l'amendement nº 43 n'est pas purement syntaxique. Il modifie profondément la portée de la disposition.
L'intervenant rappelle que l'article 42 règle un problème de compétence internationale en matière de relations matrimoniales. Le 2º offre la possibilité à des conjoints, qui ont résidé ensemble en Belgique mais qui ne résident plus dans notre pays, d'agir devant une juridiction belge. Il ne peut cependant s'être écoulé plus de douze mois entre la fin de la résidence en Belgique et le moment où la demande est introduite. La volonté des auteurs est de limiter la durée de ce délai à un maximum de douze mois, alors que l'amendement en ferait un délai minimum. Il plaide pour le maintien du texte.
L'amendement nº 43 est retiré.
L'article 42 est adopté à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 43
Cet article n'appelle pas d'observations. Il est adopté à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 44
Amendement nº 100
M. Hugo Vandenberghe dépose l'amendement nº 100 (doc. Sénat, nº 3-27/6).
L'auteur choisit, à l'article 44, de ne plus considérer dans tous les cas la résidence habituelle comme un lien suffisant pour pouvoir se marier en Belgique. Le but de l'amendement est d'empêcher le « forum-shopping » en matière de mariage homosexuel.
Le professeur Fallon reconnaît que, sur le fond, les conditions proposées dans l'amendement ne sont pas choquantes par rapport à l'objectif, qui est de lutter contre le tourisme matrimonial. Il formule cependant les considérations techniques suivantes.
La condition de domicile prévue au 2º est sévère quant à sa durée. La période de douze mois qui est prévue peut être fort longue par rapport à la durée d'une grossesse. Il est possible que, dans certains cas, il soit demandé au parquet de pouvoir déroger à cette condition.
L'orateur rappelle ensuite que l'article 63 du Code civil, modifié par la loi du 4 mai 1999, prévoit les règles de compétence interne pour la célébration du mariage. Le législateur de 1999 a voulu clarifier la pratique existante. Le mariage peut être célébré en Belgique dans trois hypothèses : si un des futurs époux est domicilié en Belgique, s'il réside en Belgique ou, s'il est belge, même lorsqu'il n'a ni domicile ni résidence en Belgique. Le professeur Fallon pense qu'il faudrait réfléchir aux conséquences de l'amendement nº 100 sur le régime mis en place à l'article 63 du Code civil.
Enfin, l'orateur met en garde contre un risque d'incohérence entre les règles déterminant la compétence des autorités belges pour célébrer le mariage et les règles de conflit de lois applicables au mariage. Pour le mariage de personnes de même sexe, l'amendement nº 24 du gouvernement (doc. Sénat, nº 3-27/3) permet un tel mariage lorsque l'un des futurs époux a sa résidence habituelle sur le territoire d'un État dont le droit permet le mariage homosexuel.
L'amendement nº 100 (doc. Sénat, nº 3-27/6) impose, quant à lui, un critère de domicile pour la célébration du mariage en Belgique. Est-il techniquement souhaitable d'imposer dans un cas une condition de domicile et dans l'autre une condition de résidence ?
M. Hugo Vandenberghe estime que le problème tient au fait que l'on a conservé le terme « mariage », alors que sa signification a changé. Le risque de « forum-shopping » est réel à présent, parce qu'il est désormais possible de contracter en Belgique des mariages qui ne peuvent pas l'être à l'étranger. Cette discussion est politique.
Le professeur Fallon pense qu'une solution intermédiaire peut être trouvée. L'article 44 du code prévoit, pour la célébration du mariage en Belgique, les conditions du domicile ou de la résidence alors que l'amendement nº 100 de M. Hugo Vandenberghe (doc. Sénat, nº 3-27/6) ne retient que la condition du domicile couplée à une durée minimale. L'intervenant propose de conserver les critères de domicile ou de résidence mais d'y affecter la condition de durée ou d'ajouter, à tout le moins, la condition de durée au seul critère de la résidence, tout en réduisant la durée requise.
Mme Laloy ne pense pas que la condition de durée de six mois ou un an soit de nature à changer, sur le fond, le problème du shopping en matière de mariage.
Le professeur Fallon fait remarquer que la notion de résidence habituelle, telle qu'elle est définie à l'article 4 du code, vise également le cas de personnes qui arrivent en Belgique avec l'intention de s'y établir de manière durable et principale. La résidence habituelle ne nécessite pas de durée préalable. En ajoutant une condition de durée pour la célébration du mariage en Belgique, on rend la règle plus stricte.
M. Hugo Vandenberghe reconnaît que le problème est lié au fait que l'article 4 ne prévoit pas de délai lorsqu'il définit la résidence habituelle.
La ministre confirme que l'article 4 ne fixe aucun délai, mais il note qu'il prévoit clairement qu'il doit être question du lieu où la personne s'est établie à titre principal. Le tourisme est exclu en tant que tel.
M. Hugo Vandenberghe pense qu'il est difficile de contrôler les choses en la matière. Le lieu de résidence est un élément de fait qui ne repose que sur des déclarations.
La ministre souhaite faire observer que le droit de se marier est un droit fondamental. De plus, le phénomène des mariages blancs est déjà trés durement combattu, d'une part, de manière préventive par l'officier de l'état civil et, d'autre part, de manière répressive par le biais de l'annulation et du retrait du droit de séjour.
M. Hugo Vandenberghe maintient que la condition d'établissement définie à l'article 44 est dénuée de sens et n'offre pas de garanties suffisantes pour lutter contre le « forum-shopping ».
Amendement nº 105
M. Willems déclare qu'il n'est pas question de l'insertion d'un délai. Il considère qu'il vaut mieux supprimer la notion de résidence habituelle pour la sécurité juridique et que les éléments de rattachement que sont la nationalité et le domicile offrent davantage de garanties. Il dépose dans cette optique l'amendement nº 105 (doc. Sénat, nº 3-27/6).
La ministre trouve que cet amendement va lui aussi trop loin, même s'il va moins loin que celui de M. Vandenberghe. Le droit au mariage doit être garanti, comme le confirment la jurisprudence et même la haute jurisprudence, y compris pour les personnes qui séjournent illégalement dans notre pays.
L'intervenante estime qu'en considérant le mariage entre des personnes de même sexe comme un droit fondamental en droit interne et en droit international privé, la Belgique ne viole pas l'article 12 de la CEDH.
M. Hugo Vandenberghe estime que la haute jurisprudence précitée donne du mariage une interprétation avec laquelle le mariage homosexuel ne cadre pas. Si on autorise cela ici, on admet le « forum-shopping ».
Le professor Erauw demande si la jurisprudence passée relative au droit qu'ont les illégaux de se marier en Belgique et la précédente circulaire du ministre Vande Lanotte qui confirme ce droit, ne sont pas basées sur le fait que les personnes qui séjournent en Belgique peuvent aussi se marier en Belgique. Selon l'intervenant, on a déclaré qu'aucune discrimination fondée sur le caractère légal ou illégal du séjour n'était permise. Cela ne veut pas dire qu'on peut invoquer ce droit universellement pour aller se marier dans n'importe quel pays.
M. Hugo Vandenberghe souscrit à ces propos. La Cour de Strasbourg a dit que l'application de l'article 12 de la CEDH par le droit national peut être soumise à certaines conditions. Il est évident que l'État national peut définir les conditions prévues à l'article 12. L'on pourrait parfaitement prévoir que pour pouvoir se marier en Belgique, il faut avoir son domicile sur le territoire belge.
La ministre ne le nie pas. Elle tient simplement à dire que la Cour n'interdira pas une interprétation ouverte.
M. Hugo Vandenberghe répète qu'il est question d'un choix politique. Si l'on est prêt à accepter le « forum-shopping », c'est une option politique.
Le professeur Erauw fait référence à la déclaration politique faite par la ministre au cours de la première lecture consacrée à l'article 46. Elle a affirmé que l'article 44 ne permettrait en tout cas aucune discrimination en fonction du sexe. Il doit y avoir équivalence parfaite entre les mariages hétérosexuels et les mariages homosexuels. La question de savoir quand on peut se marier en Belgique concerne les deux types de mariages. La question se pose de savoir combien de mariages on souhaite en Belgique.
La condition de domicile semble être parfaitement admissible sur le plan juridique. En revanche, si on maintient la condition de la résidence, il faudrait peut-être y lier une période d'attente. Dans ce cas, il ne sera pas facile non plus de contrôler l'administration de la preuve en ce qui concerne la durabilité. Il faut également tenir compte de l'article 4, qui permet simplement de projeter dans l'avenir et où il est question de la volonté qu'a la personne concernée de créer des liens au cours de la période qui suit. Peut-être l'article 44 doit-il y ajouter quelque chose, sans que cela n'induise une quelconque discrimination entre homosexuels et hétérosexuels.
M. Willems comprend que l'on peut préciser que la résidence habituelle en Belgique doit exister avant la conclusion du mariage.
M. Hugo Vandenberghe estime que cela est possible, mais il souligne que la résidence est un élément de fait.
Le professeur Erauw tient à préciser que ce problème ne se pose que dans des situations extrêmes; si l'un des deux partenaires est belge ou habite en Belgique, il n'y a aucun problème.
La principale différence entre le domicile et la résidence habituelle tient au fait qu'une seule et même personne peut avoir plusieurs résidences. Le domicile implique une inscription.
Le professeur Fallon estime que la définition que donne l'article 4 de la résidence habituelle est très minutieuse. C'est le lieu où la personne physique s'est établie à titre principal. Le code donne à cette notion un sens spécifique. Il en découle que la résidence habituelle est unique alors que le domicile, qui est une simple inscription dans un registre, peut ne pas être unique.
La question est de savoir s'il faut ajouter, à l'article 44, une condition de durée anticipative pour la résidence habituelle, par rapport à la définition générale qui en est donnée à l'article 4.
M. Hugo Vandenberghe pense que cette condition de durée de la résidence est également importante pour lutter contre les mariages blancs.
La ministre estime que le problème des mariages blancs ne se pose pas en l'espèce. Ainsi qu'on l'a dit, il existe suffisamment de garanties contre les mariages blancs, tant sur le plan préventif que sur le plan répressif. Il est, en outre, prévu que des contrôles de cohabitation doivent avoir lieu après le mariage. Si l'on souhaite lutter plus sévèrement contre les mariages blancs, on doit le faire dans le cadre du droit interne.
Amendement nº 115
Le gouvernement dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/6, amendement nº 115), contenant une proposition de compromis répondant aux inquiétudes soulevées par certains sénateurs lors des précédents débats.
Celles-ci concernaient la compétence des autorités belges pour procéder à la célébration d'un mariage en Belgique, et le risque de voir des mariages blancs conclus par des personnes n'ayant pas de lien de rattachement suffisant avec la Belgique.
La proposition prévoit que les autorités belges sont compétentes dès lors qu'un des futurs conjoints est belge, ou a son domicile en Belgique, ou encore a sa résidence habituelle en Belgique.
L'amendement propose d'exiger que la résidence habituelle soit établie en Belgique depuis plus de trois mois, ce qui va au-delà du visa touristique.
Un séjour très bref en Belgique ne pourrait donc pas, à lui seul, rendre les autorités belges compétentes pour célébrer le mariage.
Amendements nºs 117 et 118
M. Hugo Vandenberghe dépose les amendements nºs 117 et 118 (doc. Sénat, nº 3-27/6) dont la portée est similaire à celle de son amendement nº 100 (doc. Sénat, nº 3-27/6).
L'amendement nº 117 implique que la conclusion du mariage est toujours subordonnée à l'existence d'un lien significatif avec la Belgique : soit la nationalité, soit le domicile.
L'amendement nº 118 est subsidiaire et il ajoute une possibilité de contracter mariage dans deux cas : lorsqu'un des futurs époux a sa résidence habituelle en Belgique depuis au moins douze mois et lorsque les deux futurs époux ont leur résidence habituelle en Belgique depuis au moins six mois.
Mme Nyssens demande confirmation de ce que la législation actuelle n'impose aucune condition de résidence en Belgique pour célébrer un mariage.
La ministre confirme qu'il en est bien ainsi lorsque l'un des futures conjoints est Belge.
M. Hugo Vandenberghe fait remarquer que le terme « mariage » a pris une autre signification.
Il souligne également que la portée de la disposition est limitée. Si un des deux partenaires est belge, il n'y a aucune condition de résidence. Le problème concerne uniquement le cas où aucun des deux n'est belge et n'a son domicile en Belgique.
M. Mahoux ajoute que des Belges résidant à l'étranger peuvent contracter mariage en Belgique, avec pour localisation leur lieu de naissance, leur lieu de dernière résidence, ou Bruxelles.
Ils ont la possibilité de se marier en Belgique s'ils s'y domicilient, sans condition de durée de domiciliation, et qu'il s'agisse de personnes de sexe différent ou de même sexe.
La ministre répond que selon les règles actuelles du Code civil, pour pouvoir se marier en Belgique, il faut soit que l'un des deux conjoints soit belge, soit qu'il soit inscrit dans un registre de population en Belgique, soit qu'il réside en Belgique (sans autre indication de ce que signifie cette « résidence »).
Selon l'amendement du gouvernement, il faudra soit que l'un des conjoints soit belge (même s'il n'a aucune résidence ni domicile en Belgique), soit que l'un des conjoints soit domicilié en Belgique (sans délai particulier et au sens du code de DIP, c'est à dire qu'il est inscrit dans un registre de la population), soit que l'un des conjoints réside en Belgique depuis plus de trois mois.
M. Mahoux demande s'il faut en conclure que tout reste en l'état, sauf que pour les conjoints dont l'un n'a pas la nationalité belge, il faut trois mois de résidence.
La ministre le confirme, mais ajoute que si l'un des deux est domicilié en Belgique, aucun délai spécifique n'est requis.
Les amendements nºs 100 de M. Hugo Vandenberghe, 105 de M. Willems et 118 de M. Hugo Vandenberghe sont retirés.
L'amendement nº 115 du gouvernement est adopté par 13 voix et 1 abstention.
L'amendement nº 117 de M. Hugo Vandenberghe est rejeté par 11 voix contre 3.
L'article 44 amendé est adopté par 11 voix et 3 abstentions.
Article 45
Cet article n'appelle pas d'observations. Il est adopté à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 46
Amendement nº 1
M. Guilbert dépose l'amendement nº 1 (doc. Sénat, nº 3-27/2) visant à remplacer l'article.
L'auteur rappelle que lorsque le législateur belge a ouvert le mariage aux personnes de même sexe, il n'avait pas l'intention de limiter cette possibilité aux seuls citoyens belges ou néerlandais. Or, en raison de l'utilisation de la nationalité comme critère de rattachement, le droit international privé empêche le mariage de deux personnes de même sexe, lorsque le droit national de l'un des futurs époux n'admet pas cette forme de mariage. L'amendement propose de mettre fin à cette discrimination en utilisant la résidence habituelle des futurs conjoints comme critère de rattachement.
Amendement nº 3
MM. Willems et Coveliers déposent un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/3, amendement nº 3).
M. Willems explique que cet amendement propose de prendre comme point de rattachement la résidence habituelle et non plus la nationalité. Il supprime de la sorte toute discrimination. Dans tous les autres cas (3º), le droit applicable serait le droit belge, comme à l'article 45 relatif à la promesse de mariage.
M. Nimmegeers approuve le contenu des amendements nºs 1 et 3. L'intervenant est partisan de la suppression de toute discrimination relative au mariage homosexuel. Il se demande toutefois quelle est la place des règles en question dans le contexte international. Sont-elles réalistes sur le plan juridique ?
M. Hugo Vandenberghe estime que le fait que les diverses législations nationales puissent différer n'emporte pas a priori une discrimination. Ce n'est pas parce que les pays appliquent un système national différent en droit international privé qu'ils se rendent coupables d'une discrimination.
Amendement nº 39
Mme de T' Serclaes dépose l'amendement nº 39 (doc. Sénat, nº 3-27/3) visant à ouvrir la possibilité de contracter mariage en Belgique à des personnes de même sexe qui ne sont pas de nationalité belge, à condition que celles-ci soient durablement installées dans notre pays et que leur projet de vie commune soit de continuer à vivre en Belgique. L'auteur estime que cette condition est logique dans la mesure où un mariage homosexuel contracté en Belgique risque de ne pas être reconnu dans le pays d'origine des époux si leur droit national ne connaît pas cette forme de mariage. Elle propose en outre de prévoir une obligation d'information de la part de l'officier d'état civil qui célèbre le mariage en Belgique. Cette information doit concerner les effets du mariage au regard du droit de l'État national des futurs conjoints.
Amendement nº 24
Le gouvernement dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/3, amendement nº 24), tendant à compléter l'article 46 par un alinéa nouveau.
La ministre expose que la proposition du gouvernement consiste à conserver le lien de rattachement ordinaire à savoir la loi nationale pour toutes les conditions du mariage. Toutefois, si, ce faisant, une des lois applicables ne permet pas le mariage entre personnes de même sexe, cette condition est écartée au profit du droit belge autorisant le mariage entre personnes de même sexe.
Ainsi, cet amendement neutralise la condition de sexe en matière de mariage.
Quant aux conséquences juridiques que cela peut avoir pour les conjoints à l'étranger, la circulaire du ministre Verwilghen, confirmée par la récente circulaire de la ministre sur ce point, demande aux officiers de l'état civil, chaque fois qu'ils célèbrent un mariage entre personnes de même sexe, d'attirer leur attention sur le fait que leur mariage pourrait ne pas avoir d'effets juridiques dans certains États étrangers qui ne permettent pas ce type de mariage.
La ministre souligne que ce n'est pas parce qu'un État ne connaît pas l'institution du mariage de personnes de même sexe qu'il ne donnera pas d'effets juridiques à cette institution. Ce ne sera le cas que s'il considère que ce mariage est contraire à son ordre public international.
Le raisonnement est comparable à celui appliqué en Belgique en matière de polygamie. Celle-ci est exclue, mais, dans certains cas, des effets sont reconnus à un mariage polygame, notamment le droit à une pension de veuve pour la seconde épouse.
M. Hugo Vandenberghe observe que, depuis la Seconde guerre mondiale, le droit social a toujours procédé de la sorte, en donnant effet à des relations même non reconnues par le droit civil.
En effet, le droit social a un autre objectif que le droit civil.
La ministre poursuit en indiquant que l'amendement de M. Guilbert, en apparence comparable à celui du gouvernement, est en réalité beaucoup plus restrictif.
En effet, les conditions du mariage y sont régies par le droit de l'État sur le territoire duquel les futurs époux résident habituellement lors du mariage.
Cela signifie par exemple que deux femmes belges, habitant Paris pour des raisons de travail, ne pourront pas se marier en Belgique, alors que, pour les hétérosexuels, il suffit que l'un des deux époux soit belge ou réside habituellement en Belgique pour que le mariage puisse avoir lieu en Belgique.
À défaut de résidence habituelle sur le territoire d'un même État, l'amendement de M. Guilbert prévoit l'application du droit de l'État dont les futurs époux ont la nationalité lors du mariage.
Supposons que l'une des futures épouses habite Lille et ait la nationalité française, l'autre étant aussi française mais habitant Bruxelles. Le mariage ne sera pas possible, contrairement à ce qui se passerait pour des hétérosexuels. À présent, si ces personnes sont de nationalité différente, la validité du mariage dépendra du lieu de célébration et il suffirait alors de procéder à cette célébration en Belgique.
L'amendement de MM. Willems et Coveliers soulève des difficultés comparables.
En ce qui concerne l'amendement de Mme de T' Serclaes, il utilise également l'ordre public international pour écarter la difficulté que présente le mariage de personnes de même sexe, dans certains cas, mais les cas dans lesquels on l'écarte sont plus restrictifs : le mariage ne serait possible que si les deux personnes habitent dans un pays qui admet le mariage de personnes de même sexe, comme la Belgique ou les Pays-Bas.
Ainsi, une Belge et une Française habitant Lille ne pourraient pas se marier en Belgique si elles sont homosexuelles, mais bien si elles sont hétérosexuelles.
Mme de T' Serclaes souligne que la seule différence entre son amendement et celui du gouvernement est qu'il requiert comme conditions que les deux personnes résident habituellement en Belgique ou que leurs deux lois nationales permettent le mariage homosexuel. Dans l'amendement du gouvernement, l'une de ces conditions ne doit être remplie que dans le chef d'une des deux personnes.
Mme de T' Serclaes précise que son amendement vise à éviter le « tourisme marital ».
M. Hugo Vandenberghe estime qu'il y a une différence entre l'amendement de Mme de T' Serclaes et le point de vue du gouvernement.
Dans l'amendement de Mme de T' Serclaes, il est prévu que deux personnes résidant en Belgique et dont aucune n'a la nationalité d'un pays où le mariage homosexuel est autorisé, peuvent néanmoins contracter un mariage homosexuel en Belgique. L'amendement du gouvernement prévoit, quant à lui, un critère de rattachement, à savoir la nationalité d'une des parties.
En l'occurrence, la nationalité paraît être à l'intervenant un facteur important, car il s'agit d'une donnée objective et stable en droit international privé. Prendre la résidence habituelle comme critère de rattachement ne permet pas d'exclure le shopping matrimonial.
La ministre précise que l'amendement du gouvernement, tout comme ceux de MM. Willems, Coveliers et Guilbert, relève d'un souci de non-discrimination.
Il existe un lien avec l'article 44 du code, qui parle de la compétence des autorités belges pour célébrer le mariage :
« Le mariage peut être célébré en Belgique lorsque l'un des futurs époux est belge, est domicilié ou a sa résidence habituelle en Belgique lors de la célébration. »
Si le mariage peut être célébré en Belgique, dans une situation donnée, alors que l'on a affaire à un couple hétérosexuel, il n'y a pas de raison de ne pas le permettre au seul motif qu'il s'agirait d'un couple homosexuel.
C'est pourquoi l'amendement du gouvernement prévoit qu'il suffit que l'un des deux époux soit belge ou réside en Belgique pour que l'on écarte une loi nationale étrangère qui ne permettrait pas le mariage de personnes de même sexe.
Quant aux risques liés à l'absence d'effets juridiques dans d'autres pays, les futurs époux en sont avertis et prendront leur décision en connaissance de cause. Ces risques existent d'ailleurs dans d'autres cas de mariage.
Supposons par exemple un mariage entre une Iranienne et un Belge non musulman. Si cette Iranienne a des biens en Iran, son conjoint n'en bénéficiera nullement si elle venait à décéder.
S'ils ont un enfant, celui-ci sera illégitime au regard du droit iranien et n'aura aucun droit à la succession de sa mère.
Quant au « tourisme marital », il n'est pas plus favorisé par l'amendement du gouvernement en matière de mariage homosexuel, qu'il ne l'est en matière de mariage hétérosexuel.
Ce tourisme est davantage favorisé par des systèmes comme celui appliqué à San Francisco où aucune condition de nationalité ni de résidence dans le chef des conjoints n'est prévue.
À la lumière de ces précisions, M. Guilbert retire son amendement au bénéfice de celui du gouvernement.
L'intervenant se demande toutefois si l'on n'aurait pas pu rédiger l'amendement de façon à étendre son champ d'application à d'autres discriminations, comme celles sur la religion, l'origine ethnique, etc.
La ministre répond que cela n'a pas paru nécessaire parce qu'en ce qui concerne ces conditions, la jurisprudence est bien établie de longue date. Ces conditions sont d'office écartées sur la base de l'ordre public international belge.
M. Hugo Vandenberghe renvoie en la matière à l'article 12 de la CEDH, qui prévoit explicitement le droit au mariage. Cet article doit aussi être lu conjointement avec l'article 14 relatif à l'interdiction de discrimination, avec l'article relatif à la liberté d'expression, etc. Le problème soulevé n'est pas réel pour les juristes parce qu'il existe de très nombreux moyens pour écarter ces empêchements.
M. Willems estime que les amendements en discussion représentent deux courants. L'amendement de l'intervenant et celui de M. Guilbert procèdent d'une réglementation plus générale, qui tend à l'ouverture complète avec la résidence comme critère de rattachement. D'autre part, l'amendement du gouvernement continue à partir du principe que la situation envisagée est exceptionnelle.
L'intervenant reste partisan d'une réglementation plus générale, permettant à tout un chacun qui réside dans notre pays d'accéder librement au mariage, qu'il soit hétérosexuel ou homosexuel. Il veut toutefois bien prévoir une précaution pour prévenir le tourisme matrimonial.
M. Hugo Vandenberghe souligne que l'amendement du gouvernement autorise également le mariage en question.
M. Willems en convient, mais répète que l'amendement du gouvernement continue à considérer ce mariage comme exceptionnel.
Le gouvernement pense-t-il que son amendement empêchera les Belges qui ont leur résidence habituelle à l'étranger de venir en Belgique pour se marier ?
La ministre confirme que l'amendement du gouvernement vise à empêcher que des Belges résidant tous deux à l'étranger ne puissent pas se marier en Belgique, comme c'est le cas avec la règle choisie dans l'amendement du précédent intervenant.
En un premier temps, le gouvernement avait envisagé de travailler à partir des liens de rattachement, comme le font l'amendement de M. Guilbert et celui de MM. Willems et Coveliers.
Mais ce faisant, on modifie la loi applicable ordinairement pour toutes les conditions du mariage, et l'on multiplie les cas de mariage dont les effets à l'étranger peuvent poser problème.
Ainsi, la loi belge prévoit des empêchements au mariage différents de ceux prévus dans d'autres lois.
Supposons que la résidence habituelle des deux personnes se trouve en Belgique, mais que celles-ci soient de nationalité étrangère mais identique, et que leur loi nationale prévoie certaines règles d'empêchement qui, en Belgique, ne sont pas contraires à l'ordre public. Si l'on applique les règles ordinaires, ces personnes ne pourront pas se marier, car les autres empêchements que celui lié au sexe joueront.
Par contre, si l'on applique un système de lien de rattachement comme celui proposé par le précédent orateur, on appliquera la loi belge, qui leur permettra de se marier, mais cela risque de poser problème si ces personnes retournent dans leur pays d'origine.
M. Willems souligne que l'on doit résider effectivement en Belgique pour se marier. La notion de « résidence habituelle » implique que les intéressés résident réellement en Belgique.
M. Hugo Vandenberghe fait remarquer que la résidence habituelle est une notion de fait, que l'on peut manipuler. Il craint que la portée de l'amendement de M. Willems soit difficile à cerner; on ne sait pas exactement quels effets juridiques on peut attacher à ce mariage.
Le professeur Fallon précise, à propos du mariage hétérosexuel, que de manière générale, dans les pays du continent européen, la règle de conflit de lois est restée traditionnellement attachée à la désignation de la loi de la nationalité des personnes.
Une autre règle, que l'on trouve dans la Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la célébration des mariages, tend à rattacher les conditions de fond du mariage au droit du pays de célébration.
Il s'agit d'une solution assez révolutionnaire, qui se heurte au risque de tourisme matrimonial. Cette convention (non en vigueur en Belgique) n'a été ratifiée que par un petit nombre d'États.
Même si la loi de la résidence habituelle présente l'avantage du lien de proximité, elle ne correspond pas à la tendance actuelle en Europe continentale.
En ce qui concerne les règles de conflits de lois spéciales relatives au mariage homosexuel, qu'en est-il à l'étranger ?
Les Pays-Bas ont, en matière de mariage hétérosexuel, ratifié la Convention de La Haye de 1978 et appliquent donc normalement les conditions de fond du droit du pays de célébration.
Pour le mariage homosexuel, la loi sur l'ouverture du mariage aux homosexuels a prévu que quiconque peut se marier aux Pays-Bas, et conformément au droit néerlandais, lorsqu'un des futurs époux est néerlandais ou est en séjour régulier aux Pays-Bas.
Par ailleurs, on dit souvent que seuls les Pays-Bas et la Belgique autorisent le mariage homosexuel.
L'orateur souligne cependant que les partenariats enregistrés de droit scandinave et le partenariat enregistré prévu par la loi allemande sont des institutions équivalentes au mariage.
On se reportera, à ce sujet, à l'arrêt déjà cité de la Cour de Justice des Communautés européennes à propos du statut marital des fonctionnaires suédois aux Communautés européennes.
Dans ses observations, le gouvernement suédois a estimé que le partenariat enregistré du droit suédois était un mariage.
L'Allemagne a adopté une règle de conflit de lois assez ouverte, selon laquelle le partenariat enregistré à l'allemande est valable dès lors qu'il y a enregistrement en Allemagne. La Suède exige quant à elle, comme d'autres pays scandinaves, que l'un des futurs époux soit suédois et réside en Suède mais elle a ensuite ouvert cette conditin en se satisfaisent aussi d'un domicile en Suède de l'une des parties depuis deux ans.
On peut conclure que les pays qui ont introduit une institution d'union pour les personnes de même sexe ont jugé nécessaire d'adopter une règle de conflit de lois particulière pour cette institution, soit dans le sens extensif (cf. les Pays-Bas et l'Allemagne), soit de façon plus prudente (cf. les pays scandinaves).
Quant aux amendements déposés ici, ils se répartissent en deux catégories : d'une part, ceux de M. Guilbert et de MM. Willems et Coveliers, et d'autre part ceux du gouvernement et de Mme de T' Serclaes.
Les premiers sont intéressants sur le plan technique parce qu'ils illustrent le regard nouveau que l'on porte en Europe continentale sur les questions de droit applicable en matière d'état et privilégient le lien de proximité que constitue la résidence.
Cependant, il est à craindre qu'ils manquent leur but, pour les raisons exposées précédemment.
De plus, ils auraient une portée considérable par rapport au droit actuel, car ils régiraient aussi les mariages hétérosexuels, par exemple celui de deux Belges résidant au Maroc et qui se marient là-bas. La validité de ce mariage serait appréciée en Belgique par application du droit marocain.
Les amendements de Mme de T' Serclaes et du gouvernement limitent au contraire leur champ d'application au mariage entre personnes de même sexe.
Ils utilisent la même technique, en restant fidèles à la règle de rattachement de la nationalité, mais ont recours au concept de l'exception d'ordre public, et exigent une proximité avec le système juridique qui permet le mariage de personnes de même sexe.
La proximité requise est plus stricte dans l'amendement de Mme de T' Serclaes.
M. Willems émet encore un certain nombre d'observations.
Dans nombre de dispositions connexes de la proposition à l'examen (obligations alimentaires, divorce, autorité parentale), on opte pour le critère de la résidence habituelle. La tendance semble être d'abandonner la nationalité comme critère de rattachement au profit de la résidence habituelle.
L'intervenant croit d'ailleurs savoir qu'en Suisse, c'est la résidence habituelle qui est le critère de rattachement.
Il convient de relativiser l'affirmation selon laquelle il faut faire preuve de prudence sur le plan international.
L'intervenant se réfère par exemple à la situation qui prévaut en Jamaïque, où le mariage religieux a des effets civils, qui sont de surcroît reconnus internationalement. Il suffit en outre de se trouver en Jamaïque pour se marier.
Chaque pays a donc sa propre culture matrimoniale et cela ne pose pas trop de problèmes au niveau international. L'intervenant maintient donc son point de vue selon lequel il est préférable de prendre la résidence habituelle comme critère général de rattachement.
Le professeur Fallon confirme que la loi suisse met en avant le facteur du domicile. Ce modèle a été utilisé pour la confection de la proposition de loi, mais dans certaines limites, car le système de la loi suisse est très complexe et ne retient jamais la nationalité de manière multilatérale. C'est plutôt le domicile qui constitue le principe de rattachement général.
Il est vrai que la proposition de loi à l'examen utilise beaucoup le critère de la résidence habituelle.
Cependant, ce n'est jamais le cas pour les questions qui affectent l'état d'une personne, c'est-à-dire pour le nom, la capacité, le mariage, la filiation, l'adoption, où l'on retient toujours la loi nationale du moins comme rattachement de base.
La résidence habituelle intervient pour les effets d'une question d'état, ainsi que pour la question du régime matrimonial.
Enfin, en ce qui concerne le mariage en Jamaïque, on trouve des cas similaires pour les catholiques en Espagne, ou pour les anglicans en Angleterre.
Si des Belges vont se marier là-bas, et passent par l'autorité religieuse qui a une fonction civile, la solution classique dans les États laïques européens est de dissocier les formalités et les conditions de fond.
Pour ce qui est des formalités, elles sont régies par le droit du pays de célébration. Par contre, les conditions de fond sont régies par la loi nationale.
M. Nimmegeers se réjouit que le monde entier évolue et que la reconnaissance internationale gagne ainsi de plus en plus de terrain.
L'intervenant se demande également s'il ne serait pas possible d'insérer dans la loi une disposition permettant à tous les Belges, quel que soit l'endroit où ils habitent, de contracter le mariage prévu.
Enfin, l'intervenant craint qu'il ne soit pas facile de définir juridiquement la notion de « résidence ». Il prend par exemple le cas de danseurs de ballet résidant sous contrat en Belgique pendant quatre ans. Peuvent-ils se marier dans notre pays ?
M. Hugo Vandenberghe demande en quoi consiste exactement la différence entre la résidence principale et la résidence habituelle.
M. Thissen renvoie à la définition très large que donne la proposition à l'examen de la notion de résidence habituelle (article 4, § 2, 1º). Aucune autorisation de séjourner ou de s'établir n'est requise.
Dans les pays où le partenariat enregistré est autorisé, le mariage reste, sur le plan symbolique, « autre chose ».
Il est donc indéniable que, pour les personnes de même sexe désirant contracter une union, notre pays exerce un effet d'attraction important.
Or, chacun semble s'accorder sur la nécessité d'éviter le tourisme marital. Quelles précautions vat-on prendre pour éviter de telles dérives ?
L'orateur estime également important de formuler explicitement dans le texte une obligation d'information à l'égard des futurs époux à propos des risques liés à l'absence d'effets juridiques de telles unions dans d'autres pays.
La ministre répond à M. Nimmegeers que l'exemple qu'il a cité est couvert par l'amendement du gouvernement. Il ne pose pas de problème tant que l'on conserve le principe de l'application de la loi nationale des conjoints, et si l'on se trouve dans les conditions de compétence requises pour que les autorités belges puissent célébrer le mariage, ce qui est le cas en vertu de l'article 44.
Les amendements nºs 1 de M. Guilbert et 3 de MM. Willems et Coveliers, sont retirés.
L'amendement nº 24 du gouvernement est adopté par 10 voix contre 1 et 3 abstentions.
L'amendement nº 39 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 10 voix contre 3 et 1 abstention.
L'article 46 amendé est adopté par 11 voix contre 1 et 2 abstentions.
Article 47
Amendement nº 54
Le gouvernement dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/4, amendement nº 54), tendant à insérer, au § 2, 2º, de l'article 47, les mots « établi et » entre les mots « doit être » et le mot « transcrit ».
Il s'agit d'une modification purement technique à apporter au texte.
L'amendement nº 54 et l'article 47 ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 48
Amendement nº 33
Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/3, amendement nº 33), tendant à remplacer, au § 1er, les mots « de l'article 53 » par les mots « des articles 49 à 54 inclus ».
En effet, il ressort clairement du commentaire de l'article 48 que c'est toute la matière des régimes matrimoniaux qui est exclue de cet article, et pas simplement l'article 53.
Amendement nº 44
Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/3, amendement nº 44), tendant à insérer, au § 1er, 1º, après le mot « habituelle », les mots « commune ou séparée ».
L'auteur estime qu'il faut préciser, dans un souci de clarté, qu'il peut s'agir d'une résidence commune ou séparée, du moment que celle(s)-ci se situe(nt) sur le territoire du même État.
Amendement nº 55
Le gouvernement dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/4, amendement nº 55), tendant à modifier l'article 48.
L'article précise que les effets du mariage sont régis par le droit de l'État sur le territoire duquel les époux ont leur résidence habituelle au moment où ces effets sont invoqués.
L'amendement propose d'ajouter que, lorsque l'effet invoqué affecte un acte juridique, c'est au moment où celui-ci a été passé que l'on va se placer.
Le but est d'empêcher qu'à la suite de changements de résidence habituelle, on remette en cause la validité juridique d'actes passés entre les époux.
La ministre déclare, à propos de l'amendement nº 33 de Mme Nyssens, que l'élargissement proposé ne lui paraît pas recommandé sur le plan technique.
Quant à l'amendement nº 44 du même auteur, il pourrait donner lieu à une interprétation a contrario erronée, par rapport à tous les autres articles et aux lois particulières contenant des règles de droit international privé, où la même précision ne serait pas apportée.
Le professeur Fallon se rallie à ce point de vue à propos de l'amendement nº 44.
En ce qui concerne l'amendement nº 33, l'orateur pense que le texte actuel de la proposition est techniquement correct, mais que l'amendement l'est également.
L'article 53 définit la notion de régime matrimonial. Lorsque l'article 48 réserve l'article 53, il signifie qu'il porte sur toutes les questions issues du mariage et relatives aux biens, à l'exception du régime matrimonial (article 53).
Mais l'article 53 n'a de sens que par rapport aux articles 49 à 54.
Si le texte gagne en clarté grâce à l'amendement, l'orateur n'a pas d'objection à l'insérer.
Le gouvernement se rallie dès lors à l'amendement nº 33.
L'amendement nº 44 de Mme Nyssens est retiré.
Les amendements nºs 33 de Mme Nyssens et 55 du gouvernement, et l'article 48 ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 49
Cet article ne suscite aucune observation. Il est adopté à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 50
Amendement nº 45
Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/3, amendement nº 45), tendant à remplacer, au § 2, le mot « paragraphe » par le mot « alinéa ».
Le gouvernement se rallie à cet amendement.
L'amendement nº 45 et l'article 50 ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 51
Amendement nº 5
MM. Willems et Coveliers déposent un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/3, amendement nº 5), visant à remplacer le 3º.
Selon M. Willems, il est plus facile de faire relever la catégorie restante du droit belge, parce que le lien sera plus fort avec le droit belge qu'avec le droit de l'État dans lequel les intéressés ont pu contracter mariage.
La ministre observe que l'on se trouve peut-être dans une situation où il n'existe pas de lien de rattachement avec la Belgique. Est-il justifié, dans ce cas, d'appliquer le droit belge ?
Le professeur Erauw fait remarquer que l'on suppose que les personnes qui se sont mariées à l'étranger y ont demandé les informations nécessaires. Dans la majorité des cas, le lieu du mariage ne sera pas le fruit du hasard. S'il apparaissait que tel est vraiment le cas, on pourrait d'ailleurs invoquer l'article 19. La fédération belge des notaires partage ce point de vue. Même pour le contrat de vie commune, on tient compte du lieu où la relation est née.
M. Willems reconnaît que la clause d'exception de l'article 19 répond effectivement à sa préoccupation.
L'amendement nº 5 est retiré.
L'article 51 est adopté à l'unanimité des 14 membres présents.
Articles 52 à 54
Ces articles ne donnent lieu à aucune observation. Ils sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 55
Amendement nº 40
Mme de T' Serclaes dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/3, amendement nº 40), tendant à modifier le § 1er de l'article 55.
Le but de l'amendement est d'insérer une hypothèse supplémentaire entre le 1º et le 2º de l'article, en prévoyant l'application du droit de l'État où se situait la dernière résidence habituelle commune des époux, lorsque l'un d'eux a sa résidence habituelle sur le territoire de cet État lors de l'introduction de la demande.
On vise ici le cas où un conjoint quitterait le domicile conjugal et retournerait au pays avant qu'une demande soit introduite, pour échapper à la loi du pays où les époux avaient leur résidence habituelle.
Le professeur Erauw peut se rallier à cet amendement, bien qu'il complique quelque peu les choses. Il traduit une préoccupation légitime par rapport au fait qu'une personne pourrait se livrer à des manipulations en déplaçant son domicile. Dans la référence par échelons qui figurait précédemment dans le projet loi-uniforme Benelux relative au droit international privé (à partir de la première proposition de Convention Benelux de 1951), l'hypothèse proposée constituait d'ailleurs un des cinq échelons.
Amendement nº 46
Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/3, amendement nº 46), ayant la même portée que l'amendement nº 44 du même auteur à l'article 48.
Compte tenu des objections formulées à propos de l'amendement nº 44, l'amendement nº 46 est retiré.
L'amendement nº 40 de Mme de T' Serclaes et l'article 55 ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 56
Cet article ne donne lieu à aucune observation. Il est adopté à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 57
Mme Laloy rappelle que la disposition à l'examen a une dimension liée à l'égalité entre les hommes et les femmes. Le Comité d'avis pour l'égalité des chances s'est saisi de la question et a procédé à une série d'auditions de personnes et institutions concernées par la problématique de la répudiation. Elle demande aux membres qu'ils tiennent compte de l'avis rendu par le Comité d'avis (doc. Sénat, nº 3-27/5) pour avoir un éclairage complet sur la question.
Amendement nº 6
MM. Willems et Coveliers déposent l'amendement nº 6 (doc. Sénat, nº 3-27/3), visant à remplacer les §§ 1er et 2 de l'article 57.
Les auteurs considèrent que la répudiation est contraire à l'ordre public et au principe de l'égalité entre les hommes et les femmes. On ne peut dès lors reconnaître d'effets en Belgique à une dissolution du mariage fondée sur la volonté unilatérale du mari si la femme ne dispose pas d'un droit égal.
Amendement nº 41
Mmes Lizin et Bousakla déposent l'amendement nº 41 (doc. Sénat, nº 3-27/3) qui tend à supprimer, d'une part, les mots « conformément à l'article 22 que s'il a été homologué par une juridiction de l'État où il a été établi » au § 1er et, d'autre part, le § 2.
Mme Bousakla estime que l'article proposé est inadmissible. La procédure de répudiation est une humiliation pour la femme et la reconnaître équivaudrait à sanctionner celle-ci une deuxième fois.
L'intervenante ne peut pas davantage accepter la proposition de transformer la répudiation en divorce. Il faut tenir compte des effets que cela pourrait avoir au niveau du regroupement familial (par le biais de la seconde épouse). Il pourrait en résulter un flux migratoire.
Amendement nº 47
Mme de T' Serclaes dépose l'amendement nº 47 (doc. Sénat, nº 3-27/3) qui vise à remplacer l'article.
La première lecture a montré que la problématique de la répudiation est fort sensible. Mme de T' Serclaes constate que le terme « répudiation » ne figure pas, en tant que tel, dans le texte de la proposition de code, qui emploie l'expression « dissolution du mariage fondée sur la volonté du mari ». L'intervenante propose de libeller cette expression de manière plus neutre en retenant la « dissolution du mariage fondée sur la volonté d'un seul époux ».
L'oratrice rappelle que la solution proposée à l'article 57 est plus restrictive que celle retenue par la jurisprudence, qui admet la reconnaissance de la répudiation même lorsqu'un des époux est belge ou réside habituellement en Belgique. Elle renvoie sur ce point aux 3º et 4º de l'article qui empêchent de reconnaître en Belgique une décision étrangère homologuant une répudiation lorsqu'une des parties est belge ou réside habituellement en Belgique. Le code n'admet la reconnaissance d'une répudiation que dans des cas très limités.
Si elle se rallie sur le fond à l'article 57, elle pense par contre que la rédaction devrait en être modifiée pour clarifier la disposition. C'est le but de l'amendement nº 47 (doc. Sénat, nº 3-27/3).
L'auteur propose de poser, au § 1er, le principe général selon lequel notre pays refuse de reconnaître des effets à une répudiation établie à l'étranger.
Pour tenir compte de la situation sur le terrain, Mme de T' Serclaes propose au § 2, de reconnaître, dans des cas exceptionnels, des effets à certaines répudiations. Il ne faudrait pas que des personnes, victimes d'une répudiation à l'étranger, soient une seconde fois victimes en Belgique de positions de principe trop strictes.
Le but d'un Code de droit international privé est de trouver des solutions à ce genre de difficultés, sachant que des modes de dissolution unilatérale du mariage existent dans une série de pays. Pour le reste, les conditions proposées dans son amendement sont très proches de celles mentionnées dans le texte de la proposition.
Enfin, l'auteur reconnaît que l'amendement n'offre aucune solution pour les personnes répudiées à l'étranger mais qui sont de nationalité belge ou qui résident habituellement en Belgique. Elle estime que dans une telle situation, il n'y a pas lieu de s'écarter des modes de dissolution du mariage connus dans notre pays. Autre chose serait de modifier le droit matériel belge pour faciliter le divorce dans ces cas. La solution ne doit pas être cherchée dans le Code de droit international privé.
Amendement nº 56
Le gouvernement dépose l'amendement nº 56 (doc. Sénat, nº 3-27/4) qui vise à remplacer l'article 57.
La ministre reconnaît que la philosophie de l'amendement nº 56 est proche de celle de l'amendement nº 47 (doc. Sénat, nº 3-27/3) de Mme de T' Serclaes.
Le point de départ du gouvernement est identique à celui des auteurs des amendements nº 41 et 47 (doc. Sénat, nº 3-27/3) : c'est le refus de reconnaître des effets juridiques à une répudiation prononcée à l'étranger.
Il faut cependant prendre en considération le vécu des femmes victimes d'une répudiation et pouvoir leur donner des réponses claires quant à leur situation juridique en Belgique lorsqu'elles sont, à un moment de leur vie, en contact avec notre pays.
Deux cas de figure peuvent se rencontrer :
Lorsque l'on est en présence de femmes qui ont un lien de rattachement avec notre pays, c'est le droit belge qui doit régler les situations qui se sont déroulées en Belgique. Il n'est pas possible, dans une telle hypothèse, de reconnaître des effets à une répudiation pratiquée à l'étranger.
Lorsque l'on est en présence de femmes de nationalité étrangère, nées à l'étranger et vivant dans un pays où ce mode de dissolution du mariage est admis, il ne faudrait pas, lorsque ces femmes arrivent en Belgique, les placer dans un vide juridique. Or, il faut savoir que si l'on refuse de reconnaître tout effet juridique à la répudiation, il est également impossible pour ces femmes d'obtenir le divorce en Belgique car nos juridictions ne sont normalement pas compétentes tant que la condition de durée de la résidence prévue à l'article 42 n'est pas remplie. L'idée est de permettre que la répudiation puisse sortir ses effets juridiques en Belgique à des conditions strictes, afin d'éviter l'incertitude juridique.
Pour des raisons de preuve, la répudiation doit avoir été officialisée par une autorité publique qui l'a homologuée.
La situation de répudiation doit avoir trouvé une certaine forme de « bilatéralisation ». Contrairement à la jurisprudence de la Cour de cassation, qui exige que le consentement de la femme soit donné au moment de l'homologation, le gouvernement estime que ce consentement doit pouvoir être donné, au plus tard, au moment où l'une des parties veut que la répudiation sorte des effets juridiques en Belgique.
Par ailleurs, il ne peut être question de détourner le droit du divorce belge en admettant de reconnaître des effets à une répudiation lorsqu'un des époux avait sa résidence habituelle dans un État dont le droit ne connaît pas cette forme de dissolution du mariage.
La ministre fait remarquer que les conditions strictes dans lesquelles le gouvernement accepte de reconnaître des effets à la répudiation correspondent aux cas dans lesquels la femme répudiée ne pourrait pas obtenir le divorce en Belgique. Dans une telle situation, si elle le désire, la femme pourra obtenir que des effets juridiques soient reconnus en Belgique à la répudiation pratiquée à l'étranger.
D'autre part, le gouvernement appelle de ses voeux une modification du droit matériel belge concernant les procédures de divorce afin d'assouplir la procédure dans des cas de répudiation. L'accord de gouvernement prévoyant que cette matière est une prérogative du Parlement, la ministre ne prendra pas d'initiative sur ce point mais elle examinera avec attention toute proposition de loi qui permettrait de résoudre ce problème.
Enfin, en ce qui concerne la présentation de l'article 57, la ministre peut se joindre à la piste retenue dans l'amendement nº 47 (doc. Sénat, nº 3-27/3) de Mme de T' Serclaes, qui balise mieux la problématique de la répudiation. Elle est favorable à l'idée d'une affirmation claire, dans un premier paragraphe, du principe général du refus de reconnaître la répudiation, assorti, au § 2, d'exceptions strictes dans les conditions prévues à l'amendement nº 56 du gouvernement (doc. Sénat, nº 3-27/4).
Amendement nº 64
Mme de Bethune et consorts déposent un amendement nº 64 (doc. Sénat, nº 3-27/4), qui vise à remplacer cet article.
Mme de Bethune estime que la disposition proposée en matière de répudiation, telle qu'amendée par le gouvernement, représente en tout cas un progrès par rapport à la situation et à la jurisprudence actuelles.
L'intervenante souligne que la répudiation n'est plus possible si l'un des époux est belge ou s'il a sa résidence principale en Belgique ou dans un pays qui ne reconnaît pas la répudiation.
L'amendement proposé est double. D'une part, il conserve le principe selon lequel la dissolution latérale du mariage est contraire à l'ordre public et aux droits de la défense. D'autre part, il cherche une solution permettant d'éviter la double victimisation. Une femme qui a fait l'objet d'une répudiation doit avoir l'occasion de refaire ensuite sa vie dans de bonnes conditions.
L'intervenante estime que l'amendement proposé par le gouvernement va trop loin parce qu'il inscrit la reconnaissance de la répudiation dans notre ordre juridique, même si ce n'est que dans un nombre très limité de cas. L'intervenante en fait une objection de principe, et estime également que le texte proposé n'est pas non plus correct du point de vue juridique. Il lui paraît contraire aux conventions internationales auxquelles la Belgique a adhéré.
Elle renvoie également aux observations du Conseil d'État concernant l'article à l'examen.
Selon elle, il y a lieu de continuer à affirmer que la dissolution unilatérale du mariage est contraire aux principes de notre droit et qu'elle n'est par conséquent pas possible. Il faut chercher une autre solution aux problèmes des femmes qui sont confrontées à la répudiation.
Dans notre système de valeurs, on peut considérer la répudiation comme une injure grave et, par conséquent, comme un motif de divorce. L'intervenante est consciente que cela implique une réforme, non seulement du droit international privé, mais aussi du droit interne de la famille. Cette solution a l'avantage de ne pas toucher aux principes internationaux.
Amendement nº 66
Mmes Lizin et Bousakla déposent à l'amendement nº 56 du gouvernement un sous-amendement (doc. Sénat, nº 3-27/4, amendement nº 66), ayant le même objet que leur amendement principal nº 41.
Mme Lizin rappelle que, pour les auteurs de ce dernier, le principe à inscrire dans la loi est celui de l'interdiction de la répudiation, car on donne ainsi d'office des droits à la personne qui en est victime.
C'est ailleurs parmi les mécanismes de l'ensemble du code qu'il faut trouver une façon de corriger, dans certains cas, un éventuel effet négatif.
L'intervenante estime même que la répudiation devrait être placée au rang des actes graves punissables pénalement, au même titre que la violence conjugale.
Mme Pehlivan estime que le principe de la répudiation mérite qu'on lui consacre une discussion de fond. C'est aussi la raison pour laquelle le Comité d'avis pour l'égalité entre les hommes et les femmes a étudié le problème et organisé une série d'auditions en vue de rendre un avis à la commission de la Justice. L'intervenante demande que l'on tienne compte de cet avis (doc. Sénat, nº 3-27/5).
L'intervenante estime que dans la discussion, on se base trop sur la situation de la femme marocaine. En effet, la répudiation est un phénomène qui ne se rencontre pas seulement au Maroc, mais aussi dans beaucoup d'autres pays (pensons, par exemple, aux femmes iraniennes qui demandent l'asile politique en Belgique), où les droits des femmes sont foulés aux pieds. Il faut faire en sorte que la femme ne soit pas victime une deuxième fois.
Mme Nyssens constate qu'il existe un large consensus pour considérer la répudiation comme une institution étrangère à notre conception du droit et de l'égalité entre les hommes et les femmes. La discussion porte essentiellement sur la manière de traduire cela en droit.
En ce qui concerne l'amendement nº 56 du gouvernement (doc. Sénat, nº 3-27/4), l'intervenante demande à quel moment le consentement de la femme concernant la dissolution du mariage peut intervenir. La femme peut-elle encore accepter la répudiation lorsqu'elle en fait valoir les effets devant un tribunal belge ?
D'autre part, Mme Nyssens constate que la condition prévue au 4º proposé peut être écartée par le juge « si la situation ne présentait pas d'autre lien significatif » avec l'État dont le droit ne connaît pas la répudiation. Cela n'ouvre-t-il pas trop largement la porte à la reconnaissance de répudiations ?
Mme Nyssens renvoie ensuite à l'amendement nº 64 de Mme de Bethune (doc. Sénat, nº 3-27/4). Cet amendement a pour effet de modifier notre droit matériel du divorce en considérant la répudiation comme une injure grave. L'intervenante n'est pas favorable à ce type de solution. Il n'est pas souhaitable, sur le plan des principes généraux, de modifier notre droit matériel par rapport à une institution de droit étranger dans le but de résoudre un problème de droit international privé.
D'autre part, l'amendement a pour effet d'obliger la femme, victime d'une répudiation à l'étranger, à recommencer une procédure en Belgique.
L'intervenante se réfère également aux auditions effectuées par le Comité d'avis sur l'égalité des chances entre les femmes et les hommes. Certains experts ont invité les membres à faire preuve de prudence dans la manière dont nous jugeons une institution de droit étranger. Il faut tenir compte de l'évolution des droits des pays du Maghreb. Ainsi, au Maroc, il semble que la nouvelle Moudawana reconnaisse aux femmes des possibilités de demander le divorce autres que la répudiation. Cela constitue-t-il « un droit égal » au sens de l'amendement nº 56 du gouvernement (doc. Sénat, nº 3-27/4) ?
Quoi qu'il en soit, Mme Nyssens conclut en précisant que les règles de droit international privé belge ne peuvent avoir pour conséquence que nous adoptions un regard désobligeant sur la manière dont un État étranger règle des situations de droit étranger qui ne nous appartiennent pas.
Mme Laloy pense qu'une solution acceptable se dégage pour rencontrer les problèmes des femmes répudiées vivant en Belgique. Il n'est pas possible de laisser ces personnes dans une situation de no man's land juridique. L'amendement nº 56 du gouvernement (doc. Sénat, nº 3-27/4) répond en grande partie à toutes les préoccupations exprimées au cours des débats. Il faudrait en adapter la présentation en s'inspirant de l'amendement nº 47 de Mme de T' Serclaes (doc. Sénat, nº 3-27/3).
Mme de T' Serclaes revient aux conditions prévues dans l'amendement nº 56 du gouvernement (doc. Sénat, nº 3-27/4) pour reconnaître des effets à une répudiation. Sur la question du moment auquel l'épouse peut accepter la dissolution unilatérale du mariage, l'intervenante pense, qu'en différant largement dans le temps le moment de l'acceptation, l'amendement du gouvernement risque de saper les évolutions constatées dans certains pays en vue de mieux garantir les droits de la femme au cours de la procédure de répudiation. Ainsi, au Maroc, le tribunal ne peut homologuer la répudiation que si l'épouse est présente. Il faut responsabiliser les femmes pour qu'elles assument les droits que la nouvelle loi leur reconnaît. Or, en admettant que le consentement puisse être donné ultérieurement dans un autre pays, ou même remis en cause, l'on risque de décourager le processus d'évolution en faveur des femmes.
En ce qui concerne le 4º proposé à l'amendement nº 56 (doc. Sénat, nº 3-27/4), l'intervenante se rallie à la remarque de Mme Nyssens.
Mme Bousakla n'entend pas nier qu'une évolution positive soit en cours au Maroc. Seulement, il ne suffit pas de modifier la loi, un changement de mentalité est également nécessaire. La répudiation est un acte unilatéral de l'homme, qui constitue une discrimination à l'égard de la femme. Les abus ne sont pas à exclure. Bien qu'on puisse observer une évolution positive, on est confronté chaque année, au mois de septembre, à de nouveaux dossiers de répudiation. Si l'on reconnaît ici la répudiation, les abus ne sont pas à exclure. Ce n'est donc pas une solution.
La ministre répond comme suit aux questions de Mme Nyssens.
En ce qui concerne la deuxième condition posée par l'amendement du gouvernement, il est exact que l'examen de celle-ci ne se fait plus uniquement par rapport au moment de l'homologation. Il peut se faire postérieurement, et au plus tard au moment où des effets juridiques de la dissolution du mariage par répudiation seraient demandés en Belgique.
À cet égard, l'intervenante souligne l'importance des observations formulées par Mme Pehlivan.
Il s'agit ici d'un texte général qui, sans doute, trouvera souvent à s'appliquer par rapport à la communauté marocaine en Belgique, mais qui concernera aussi beaucoup d'autres femmes.
Il serait bon, il est vrai, de développer une réflexion à titre pédagogique, pour que les femmes puissent de plus en plus s'exprimer et revendiquer des droits dans leur propre pays.
La réforme de la Moudawana contribuera sans doute, avec le temps, à améliorer les choses.
Mais ceci ne concerne que le Maroc, et on peut difficilement attendre la même démarche des femmes d'autres pays.
Par l'exigence de l'acceptation, l'amendement du gouvernement « bilatéralise » en quelque sorte la situation.
Quant à la quatrième condition, il y a effectivement une condition de refus en cas de nationalité belge, avec toutefois un tempérament qui sera sans doute de plus en plus utile à l'avenir.
Le droit belge prévoit comme condition principale d'octroi de la nationalité belge le droit du sang. La Belgique a connu un flux de personnes originaires du Maghreb venant notamment en Belgique pour travailler dans le cadre des accords bilatéraux conclus à l'époque par notre pays.
Il est probable que ce flux va s'inverser, et que la deuxième ou la troisième génération de ces personnes va retourner dans son pays d'origine pour y vivre. Il y aura ainsi des binationaux, dont le seul lien avec la Belgique sera l'une de leurs deux nationalités.
C'est cette situation que l'on vise ici et où, contrairement à la règle générale appliquée en matière de binationalité, si le seul lien avec la Belgique est d'avoir la nationalité belge, on peut ne pas tenir compte de celle-ci, lorsqu'il existe manifestement des liens avec un autre État et que les autres conditions sont remplies.
Le professeur Erauw déclare que lui-même et ses confrères savent très bien que la décision finale en cette matière est d'ordre politique. Leur seule contribution au présent débat consiste en arguments techniques.
Comme il l'a montré à travers les différents articles qu'il a rédigés à ce sujet depuis 1976, l'intervenant se dit opposé à toute reconnaissance de la répudiation. Il peut cependant se rallier aux exposés de la minstre et de Mme de T' Serclaes tendant à adopter comme attitude de base un rejet de principe, tout en ménageant une petite ouverture. Dans certaines situations concrètes, il faut pouvoir laisser au juge une « porte de sortie ».
L'amendement nº 64 de Mme de Bethune et consorts pose la question du rapport entre un divorce en Belgique et la répudiation qui a eu lieu à l'étranger.
L'intervenant pense que le souhait de Mme de Bethune à ce propos est déjà réalisé. Il existe en effet une jurisprudence des juges de première instance et de la cour d'appel de Bruxelles (1998) qui affirme clairement que l'homme qui renvoie sa femme par répudiation unilatérale pose un acte répréhensible qui, en droit belge du divorce, est un motif de divorce pour cause déterminée.
Cette possibilité est beaucoup plus large que l'exception limitée prévue par l'article. En effet, cette exception prévoit seulement que, dans certains cas exceptionnels, le statut de la femme doit pouvoir être reconnu pour des relations qui n'avaient aucun lien avec la Belgique.
Évidemment, il y aura toujours le cas des Marocains qui répudient leur épouse durant les vacances. L'homme aime toujours divorcer en terrain connu. Le législateur belge n'a pas prise sur ce genre de situation.
Selon l'intervenant l'article 42, 3º, offre aux femmes qui ont été répudiées dans leur pays d'origine et qui résident en Belgique, une base juridique pour demander le divorce.
Dans de nombreux cas, le droit belge s'appliquera.
Il n'y a pas lieu de s'inquiéter; il n'est pas vraiment nécessaire de modifier la loi pour venir en aide aux femmes répudiées.
On connaît l'injure grave en Belgique. Cela paraît suffisant. Il n'est pas nécessaire non plus d'adapter le droit interne belge.
L'intervenant est d'accord avec la remarque de Mme Nyssens. La Belgique n'a pas prise sur certaines situations à l'étranger, lorsque celles-ci ne présentent aucun lien avec la Belgique. Il s'agit d'une reconnaissance exceptionnelle, tant dans la proposition à l'examen que dans les amendements proposés par le gouvernement et par Mme de T' Serclaes.
L'avantage de l'amendement nº 47 tient à ce que la formulation qu'il propose commence par rejeter la répudiation. Les causes exceptionnelles de reconnaissance ne sont énumérées qu'ensuite (voir aussi les articles 22 à 25 concernant la reconnaissance avec motifs de rejet). La force de cette formulation réside en ce qu'elle mentionne explicitement le mot « cumulatives ». Elle offre également l'avantage d'inclure dans le rejet toutes les dissolutions basées sur la volonté d'un des époux.
L'orateur suggère pour sa part de recourir, par souci de clarté, à la déclaration « unilatérale » de volonté. En effet, de nombreuses femmes sont mises sous pression.
En ce qui concerne l'acceptation de la répudiation, l'intervenant fait remarquer qu'elle intervient souvent ultérieurement. La femme devrait également pouvoir l'accepter ultérieurement. On pourrait éventuellement insérer ici « la possession d'état ».
L'intervenant souligne qu'il y a encore une grande différence entre la proposition de Mme T' Serclaes et celle du gouvernement.
Pour Mme T' Serclaes, le rejet est la règle et l'acceptation pourrait être prononcée par un tribunal (référence à la procédure visée à l'article 23). Il y a donc ici un élément de contrôle. Il faut, en effet, se demander quelles entités pourraient être confrontées à la répudiation. Sont concernés notamment les fonctionnaires de l'état civil, les administrations belges (administration fiscale, pensions, sécurité sociale), les notaires de Belgique et les juges de paix. L'intervenant pense qu'il serait bon, par souci de prudence, de soumettre le dossier à un juge. La loi belge le prévoit déjà pour les adoptions internationales.
Mme Bousakla tient à rappeler une fois encore que nombre de femmes agissent sous la contrainte. On est souvent confronté aussi à des dossiers où le mari emmène au tribunal une femme voilée qui n'est même pas son épouse. Les abus subsisteront.
L'intervenante aimerait savoir ce qu'il advient des droits successoraux dans le pays d'origine d'une femme qui peut divorcer en Belgique. La loi belge peut-elle préserver les droits successoraux de la femme dans le pays d'origine (p. ex. achat d'une habitation au Maroc)?
Le professeur Erauw répond que la loi belge n'aura guère de prise sur les biens sis au Maroc, en raison des limitations auxquelles le législateur belge est soumis, en ce sens qu'il ne peut pas légiférer pour le monde entier. Compte tenu de ces limitations, on laisse aussi toujours une ouverture au juge pour qu'il dispose d'une marge d'appréciation dans chaque affaire particulière.
En ce qui concerne l'intervention simulée de la femme, l'intervenant renvoie au point de vue du gouvernement selon lequel la femme véritable doit également pouvoir donner son opinion par la suite.
Le professeur Van Houtte souscrit à ces propos. S'agissant des biens immeubles sis au Maroc, l'intervenant déclare qu'ils ne relèvent pas de la succession dans le cadre du droit successoral belge. Cela ne concerne toutefois que les biens immeubles, car les biens meubles sont réputés constituer une grande masse unique.
Mme Pehlivan se réjouit que les femmes qui ont un lien avec la Belgique ne pourront plus être répudiées. Elle tient cependant à souligner que le Maroc connaît une évolution positive, mais qu'il n'en va pas de même dans tous les pays (cf. la situation au Nigéria et au Soudan). Que se passera-t-il lorsque des femmes originaires du Nigéria voudront se marier en Belgique ?
Le professeur Erauw renvoie à l'article 42, 3º, qui fournit un fondement de compétence. Il existe aussi, pour ces femmes, des moyens de divorcer en Belgique.
Mme Nyssens demande si les mots « à la demande de l'époux », contenus dans l'amendement de Mme de T' Serclaes, ne sont pas nécessaires, compte tenu du fait que la reconnaissance de la répudiation devra nécessairement être demandée à un tribunal, et que quelqu'un devra nécessairement saisir celui-ci.
La ministre répond qu'il y a effectivement une différence sur ce point entre l'amendement du gouvernement et celui de Mme de T' Serclaes. Celui-ci prévoit qu'il y aura d'office une procédure pour obtenir la reconnaissance alors qu'en droit belge, une telle procédure n'existe normalement pas en matière d'état.
L'amendement du gouvernement ne le prévoit pas. En effet, chacun s'accorde à reconnaître que la femme qui ferait la démarche se trouve dans la situation d'une victime. Pourquoi, dès lors, lui imposer une procédure qui, en principe, n'existe pas pour la reconnaissance de jugements en matière d'état ?
Ce qui importe, c'est que la reconnaissance se fasse par une autorité publique, à des conditions légales strictes et claires.
Mme Nyssens déduit du texte que si une femme répudiée ayant deux nationalités, dont la nationalité belge, veut faire valoir une créance alimentaire vis-à-vis de son (ex)-mari, elle le fera non sur la base de la dissolution du mariage, mais dans le cadre du mariage.
La ministre le confirme. Dans le code, la matière des obligations alimentaires est distincte de celle de la répudiation.
Mme de Bethune fait observer que dans l'amendement nº 47 de Mme de T' Serclaes, la version néerlandaise des 2º et 3º du § 2 devrait être revue.
Mme de T' Serclaes déclare, à propos du § 2 de l'amendement nº 47, et de la référence qui y est faite à l'article 23, que l'homologation par un tribunal ne constitue pas une procédure particulièrement lourde, et offre, dans certains cas, de meilleures garanties qu'une vérification par un officier de l'état civil.
M. Hugo Vandenberghe conclut en soulignant l'importance juridique et politique du débat sur la répudiation.
La première question qui se pose est celle de savoir si l'on choisit de ne pas reconnaître d'effets juridiques à la répudiation parce que l'homme peut répudier sa femme mais pas l'inverse. Reconnaîtrait-on dès lors des effets juridiques à la répudiation si la femme pouvait répudier aussi bien que l'homme ? Les amendements partent du principe que l'on ne donne pas d'effets juridiques à la répudiation parce que l'homme est seul à pouvoir répudier.
Selon l'intervenant, la répudiation est toujours un acte unilatéral. Il y a en effet une différence entre la formulation d'une règle juridique, d'une part, et la manière dont elle est appliquée et perçue, d'autre part. En effet, où est la réciprocité en matière de répudiation lorsqu'un des conjoints a répudié l'autre ?
Le droit de répudier n'existe plus une fois qu'un conjoint en a fait usage. La répudiation unilatérale par un conjoint emporte la disparition du droit de répudier l'autre. Il est en effet mis fin au mariage. Le débat sur la réciprocité est dont purement théorique selon l'intervenant.
Le véritable problème réside dans la conception que l'on a du mariage et de la répudiation. Il s'agit de l'acceptation de la répudiation comme mode de dissolution du mariage. Il y a aussi, actuellement, des couples belges qui mettent fin à leur mariage d'une manière qui s'apparente à une répudiation, du moins dans les faits, et qui a les mêmes conséquences psychologiques que celle-ci, à ceci près que l'un ou l'autre des conjoints peut prendre l'initiative. Il y a réciprocité.
Les amendements partent de l'existence du droit à la répudiation, à la condition qu'il soit réciproque.
La discussion juridique se fait à deux niveaux. Il y a lieu de se demander si l'on agit contre la répudiation, parce qu'elle constitue un acte unilatéral ou si l'on considère qu'elle pose problème en tant que mode de dissolution du mariage ?
Une troisième question qui se pose est celle de savoir s'il faut règler toutes ces questions dans le cadre du droit international privé.
Amendement nº 65
M. Destexhe dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/4, amendement nº 65), tendant à sous-amender l'amendement nº 41. Ce sous-amendement s'inspire de la considération qu'il vaut mieux partir, comme le propose Mme Lizin, d'une interdiction formelle, plutôt que du texte de l'article 57 qui
1) ne condamne pas suffisamment la répudiation et
2) ne garantit pas l'acceptation libre et sans contrainte de la femme répudiée.
Toutefois, il faut prévoir des exceptions pour que, si elles s'exercent, elles le soient dans l'intérêt de la femme répudiée (possibilité de refaire sa vie, d'obtenir une pension alimentaire, des allocations familiales, etc.).
La répudiation ne peut être acceptée, non seulement si un des conjoints réside en Belgique (ce que propose l'article 57), mais dans tout autre pays qui n'accepte pas cet acte (deuxième partie du sous-amendement).
Toutefois, compte tenu de la discussion qui précède, l'auteur ne voit pas d'objection à prendre l'amendement du gouvernement ou celui de Mme de T' Serclaes comme texte de base.
Mme Bousakla continue à penser que la solution proposée par le gouvernement n'est pas suffisante. Elle est provisoire et ne s'applique qu'en Belgique.
La ministre répond que la femme ayant été répudiée, n'est plus mariée au Maroc. Elle ne serait mariée qu'aux yeux du droit belge, si elle apparaissait des années plus tard sur notre territoire. Grâce au système proposé, son mariage sera partout considéré comme dissous.
Mme de Bethune attire l'attention sur le problème de la double victimisation. Les textes proposés par le gouvernement et par Mme de T' Serclaes offrent une solution marginale, qui ne résout pas la question de la double victimisation. L'intervenante estime qu'il sera nécessaire d'intervenir dans le cadre du droit belge de la famille, par exemple en créant une possibilité de divorce au moyen d'une procédure simplifiée.
Mme Pehlivan souligne qu'il n'est pas sûr que le rejet de la répudiation en Belgique soit accepté sans plus au Maroc.
La ministre répond que le législateur ne peut que modifier le droit belge, et non le droit marocain.
Des répudiations pourront avoir lieu au Maroc.
Ce que l'on propose ici, c'est de passer par le divorce lorsqu'il est possible en Belgique (en simplifiant éventuellement la procédure), et, lorsqu'il ne l'est pas, de faire en sorte que la répudiation sorte ses effets juridiques en Belgique si la femme est d'accord.
M. Hugo Vandenberghe fait observer qu'à un moment donné, elle n'a pas d'autre choix que d'être d'accord, et que c'est bien là le problème.
Amendement nº 98
Mme de T' Serclaes et consorts déposent un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/6, amendement nº 98), tendant à remplacer l'article 57.
Mme Laloy indique que cet amendement, qui fait l'objet d'un large consensus, résulte d'une négociation tant avec le Comité d'avis pour l'égalité des chances entre les femmes et les hommes qu'avec le gouvernement.
Le présent amendement reprend le paragraphe 1er de l'amendement nº 47 déposé précédemment.
Pour ce qui a trait au paragraphe 2, l'élément principal du présent amendement repose sur le consentement de la femme. Les auteurs ont supprimé la condition relative à la présence de la femme à la procédure de dissolution. En exigeant une convocation en bonne et due forme lors de la procédure de dissolution, cela a pour conséquence principale d'exclure de facto la majorité des femmes de la procédure de reconnaissance. En effet, dans la plupart des pays de culture islamique, les femmes ne sont pas convoquées à la procédure.
Les auteurs ont donc supprimé cette exigence et ils l'ont remplacée par un élargissement de la condition de consentement de la femme : elle peut accepter la dissolution postérieurement à l'homologation. L'officier de l'état civil devra s'assurer de la réalité de l'acceptation de la femme surtout lorsque la demande de reconnaissance provient de l'homme.
Quant à la procédure utilisée pour la reconnaissance de la dissolution du mariage fondée sur la volonté du mari, les auteurs se réfèrent à ce qui se fait habituellement en matière familiale, à savoir une vérification par l'officier de l'état civil. Ils insistent cependant encore sur la nécessité de prendre des garanties en ce qui concerne l'interprétation que les officiers de l'état civil donneront de l'article 57.
Enfin, dans le souci d'éviter toute discrimination, et par conséquent une éventuelle censure de la Cour d'arbitrage, le mari peut également, dans le respect des mêmes conditions, demander la reconnaissance de la dissolution du mariage.
La ministre déclare que le gouvernement n'a aucune objection à l'égard de cet amendement.
Il en va de même des professeurs Fallon et Erauw.
Selon M. Coveliers, l'amendement proposé présente indubitablement l'avantage de résoudre quelques problèmes, mais il estime qu'il ne sera pas facile, pour le juge, de constater dans la pratique certaines des conditions cumulatives mentionnées. À qui incombe la charge de la preuve ? Il faudra bien examiner comment les tribunaux vont interpréter les conditions dans la pratique.
La ministre souligne que le juge belge est censé connaître la loi étrangère, en ce qui concerne non seulement le contenu, mais aussi l'application dans le cadre de la jurisprudence.
Le professeur Erauw note qu'il est question en l'espèce de la charge de la preuve de certains faits, et que cette preuve est toujours difficile à administrer.
M. Coveliers abonde dans le même sens. Il ne faut pas non plus oublier que les parties se trouvent dans une situation conflictuelle.
La ministre fait observer que le moment de l'homologation est déterminant.
M. Coveliers estime qu'au bout d'un certain nombre d'années, il faudra de toute façon évaluer cette disposition.
M. Hugo Vandenberghe signale que le texte de l'article 57 proposé est plus strict que le texte initial.
Mme Nyssens fait observer que, sur le point soulevé par M. Coveliers, il n'y a aucun changement.
La remarque relative à la preuve s'appliquait déjà au texte initial.
Quant au moment de l'acceptation, le représentant de la ministre a déclaré à plusieurs reprises que la femme devait avoir accepté au moment de l'homologation dans son pays d'origine, et devait continuer à accepter au moment où elle demande la reconnaissance ici.
Le professeur Fallon répond que dans la jurisprudence et en droit comparé, la question ne se pose pas en ces termes.
Les juges ont recherché s'il y avait eu une acceptation lors de l'homologation, ou après. Il s'agit donc plutôt d'une alternative. L'important est qu'il y ait une acceptation libre et certaine. Le texte se satisfait d'une acceptation à tout moment.
Les amendements nºs 6, 47 et 56 sont retirés.
Les amendements nºs 41 et 65 sont rejetés à l'unanimité des 14 membres présents.
L'amendement nº 64 est rejeté par 12 voix contre 1 et 1 abstention.
L'amendement nº 98 est adopté par 12 voix et 2 abstentions.
L'amendement nº 66 devient sans objet.
L'article 57 amendé est adopté par 12 voix et 2 abstentions.
Article 58
Cet article ne suscite aucune observation. Il est adopté à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 59
Amendement nº 57
Le gouvernement dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/4, amendement nº 57), tendant à supprimer l'alinéa 2 de cet article.
La ministre rappelle que l'article 59 traite de la compétence internationale en matière de relation de vie commune, cette dernière étant définie à l'article 58.
L'alinéa 2 de l'article 59 est, tout d'abord, contraire à la loi du 23 novembre 1998 sur la cohabitation légale, puisque celle-ci n'est ouverte qu'aux personnes ayant un domicile commun, et qu'en outre une des formalités indispensables est la mention, par l'officier de l'état civil, de la déclaration au registre de population.
Le gouvernement a raisonné au départ de la situation belge, en considérant que, dans un État étranger, on ne pouvait pas non plus conclure une relation de cohabitation légale belge, car les formalités administratives sont trop liées à la réalité belge.
En Belgique, on pouvait se trouver confronté à des difficultés identiques, si l'on donnait aux autorités administratives belges la compétence de conclure des relations de vie commune de droit étranger.
C'est pourquoi le gouvernement a opté pour la suppression de l'alinéa 2 de l'article 59, et pour la limitation de la compétence des autorités administratives en Belgique à la cohabitation légale de droit belge.
Par contre, l'alinéa 1er de l'article 59 n'a pas été supprimé, ce qui permettra de maintenir, le cas échéant, la compétence du juge belge, s'il était saisi d'une demande de dissolution d'une relation de vie commune conclue à l'étranger, selon un droit qui permet que cette dissolution soit faite par le juge.
Dans ce cas, selon les règles normales de reconnaissance des jugements applicables dans l'État étranger, ce jugement belge pourrait, le cas échéant, recevoir effet à l'étranger.
M. Hugo Vanderberghe renvoie à la justification de l'amendement. À l'alinéa 6 de cette justification, les mots « révision du droit matériel de la cohabitation légale » sont traduits en néerlandais par « herziening van het zakelijk recht inzake wettelijke samenwoning ». Par « zakelijk recht », on entend bien entendu « materieel recht ».
Mme de T' Serclaes demande pourquoi le gouvernement a opté, en matière de relation de vie commune, pour une autre solution que pour le mariage.
Le professeur Fallon répond qu'il s'agit ici de l'une des matières les plus difficiles du droit international privé, sur le plan technique.
On assiste en Europe à l'émergence de nouvelles formes juridiques, très disparates, de vie commune.
Dans le passé, il n'existait qu'une forme de relation stable entre les personnes vivant dans notre société : le mariage.
Il n'en va plus de même à l'heure actuelle.
Il n'est pas aisé de comprendre la portée exacte des relations créées par un droit étranger, et de déterminer les équivalences éventuelles entre ces institutions étrangères et les nôtres.
La première version du texte relevait peut-être d'une vision quelque peu idéaliste ou intellectuelle. Elle s'inspirait de l'idée qu'il fallait considérer la fonction que remplit une institution du point de vue socio-politique.
De ce point de vue, on peut distinguer le mariage au sens strict, le mariage ouvert aux personnes de même sexe, le partenariat enregistré, la cohabitation, le pacs, ...
On constate à chaque fois que le législateur, à un moment de son histoire, estime qu'il faut intervenir, pour des motifs divers liés, non seulement à la détermination de l'ascendance ou à la dévolution des biens faisant partie du patrimoine familial, mais aussi à la nécessité de protéger la partie la plus faible et de sauvegarder l'ordre public.
Partant de là, il est assez logique de rechercher des règles de droit international privé qui conviennent pour ces différentes formes d'institutions, du mariage jusqu'au pacs ou à la cohabitation légale.
Cela était le point de départ du travail, dont on trouve encore des traces à l'article 60. Celui-ci tend à choisir le droit applicable à la cohabitation légale d'une façon similaire à celle utilisée pour rechercher le droit applicable au mariage.
Une fois ce principe établi, on est passé à l'article 59, dont l'unique objet est la compétence, avec toutefois deux « sous-objets » : la compétence du juge, et celle des administrations.
Le texte de base a été conçu en parallèle avec celui relatif au mariage : l'article 59, alinéa 2, correspond à l'article 44.
L'amendement du gouvernement à l'article 60 (voir infra amendement nº 58), qui aborde le droit applicable à la relation de vie commune, montre un décalage par rapport au projet initial, à la suite de différentes réactions exprimées par des membres de la commission en première lecture.
Ceux-ci prônaient une approche pragmatique face à la disparité des droits nationaux en la matière, et suggéraient de se focaliser sur le lieu d'enregistrement pour déterminer la loi applicable. Cette solution, qui a le mérite de la simplicité et de la clarté, est celle d'un rattachement unique et vertical, où la même loi va régir les différentes étapes de la vie de la relation du début à la fin.
Pour le mariage, la situation est beaucoup plus complexe, puisque l'on n'appliquera pas nécessairement la même loi pour la célébration du mariage, pour les effets de celui-ci entre les personnes, et pour sa dissolution.
L'article 1476 du Code civil prévoit une règle apparemment simple, selon laquelle la déclaration est déposée devant l'officier de l'état civil de la commune du domicile commun. Cette disposition néglige complètement l'hypothèse des situations internationales.
On peut l'interpréter de deux manières : soit on estime qu'elle exige que les personnes soient domiciliées en Belgique (ce qui semblait constituer un présupposé dans le chef du législateur, la cohabitation n'étant qu'une consécration d'une situation de fait préexistante), soit on en déduit que, lorsque le domicile est en Belgique, la déclaration doit être enregistrée au lieu du domicile mais que, lorsqu'il ne l'est pas, il faut trouver une règle subsidiaire.
En droit comparé, on constate, pour ces relations distinctes du mariage, une tendance à se référer au lieu d'enregistrement, qui, comme en Allemagne, ne nécessite pas toujours un domicile.
Dans le projet existant en Suisse, par contre, on tend dans la mesure du possible à édicter des règles communes pour les différentes formes de relation.
La solution contraire a pour inconvénient de soulever, à chaque fois, des questions de qualification, relatives à la détermination exacte de la catégorie dans laquelle ranger l'institution en cause dans un cas particulier.
Le professeur Erauw trouve au contraire que la proposition formulée et la méthode de travail suivie dans le cadre de celle-ci ne sont pas tout à fait claires. L'objectif était de toujours suivre la même procédure, même en ce qui concerne les relations de vie commune, et donc de décrire tant la compétence juridictionnelle que la compétence administrative. L'amendement constitue donc une dérogation remarquable. La justification manque d'ailleurs aussi de clarté.
Si l'on considère que la modification des conditions à remplir pour pouvoir conclure une relation de vie commune de droit belge implique une révision du droit matériel, on a l'impression que l'affaire en question est encore indécise. Si l'on estime qu'il faut avoir habité préalablement en Belgique pour pouvoir conclure un contrat de vie commune, mieux vaut le dire expressément.
La ministre déclare qu'il est effectivement difficile d'examiner l'article 59 sans envisager aussi l'article 60.
La logique qui sous-tend les amendements du gouvernement a pour conséquence que, du début à la fin de la relation, les personnes concernées connaissent avec précision toutes les conséquences de leurs engagements.
Si l'on ne suivait pas cette logique, on aboutirait à des situations extrêmement complexes, compte tenu de la mobilité des personnes, particulièrement en Europe, et vu la grande disparité des institutions dans les différents pays.
Cette complexité serait très difficile à gérer pour les officiers de l'état civil. De plus, il n'est pas certain que les pays qui ont créé chez eux ce genre d'institutions considèrent qu'elles peuvent être valablement constituées à l'étranger.
Le professeur Fallon fait remarquer qu'il s'agit d'un domaine où l'on observe une certaine imperméabilité juridique. Celle-ci est temporaire, parce que des institutions juridiques nouvelles émergent en fonction de l'évolution de la société.
Dès lors, dans un certain temps, on en arrivera sans doute à la vision que traduisait la version initiale du texte.
Une autre raison technique justifie la suppression de l'alinéa 2 : si l'on étend la compétence de l'officier de l'état civil à la réception de la déclaration de deux Belges domiciliés à l'étranger, une règle subsidiaire de compétence administrative interne est nécessaire, à propos de leur inscription, ailleurs que dans le registre de la population.
En France, le pacs est enregistré au greffe du tribunal de grande instance. C'est le greffe du tribunal de grande instance de Paris qui est compétent pour les Français non domiciliés en France.
Le professeur Erauw maintient son point de vue. Il se rallie à l'argument du degré de difficulté et de l'imperméabilité. Il peut marquer son accord sur l'article 60. À défaut d'une meilleure réglementation, on continue de conclure en Belgique un contrat de vie commune belge, un pacs en France, etc.
Cela ne justifie pas pour autant qu'à l'article 59, on permette à quiconque dans le monde entier de venir chez nous conclure un contrat belge; l'intervenant a l'impression que l'on élude le problème. Si l'on supprime l'alinéa 2, il n'y a aucune réglementation.
M. Hugo Vandenberghe note que dans son argumentation, le professeur Fallon se réfère au Code civil, qui dit qu'il faut avoir son domicile en Belgique. Le problème évoqué à l'alinéa 2 n'est donc pas pertinent. Selon lui, le droit matériel belge prévoit clairement que l'on peut conclure un contrat belge de cohabitation en cas de domicile en Belgique.
Le professeur Fallon déclare qu'il serait peut-être utile d'indiquer dans le texte que l'enregistrement n'est possible en Belgique que si les deux parties sont domiciliées en Belgique.
M. Hugo Vandenberghe répète que selon l'argumentation du gouvernement et du professeur Fallon, le domicile est requis dans la réglementation matérielle. L'alinéa 2 pourrait donc être supprimé. On ne peut d'ailleurs pas modifier inplicitement le droit matériel par le biais du droit international privé.
Le professeur Erauw souligne que de très nombreuses autres dispositions du code explicitent et systématisent les règles en vigueur actuellement. Pourquoi dès lors se priver d'un détail très utile en ce qui concerne le règlement de la relation de vie commune (la condition préalable du domicile en Belgique) ? Il est risqué de se baser exclusivement sur le Code civil. Il ne faut pas non plus perdre de vue les implications considérables du contrat de vie commune (regroupement familial, etc.).
M. Willems fait observer qu'il faut garder à l'esprit la finalité de la cohabitation légale. Dans notre droit, le contrat de cohabitation est principalement un contrat portant sur des biens, destiné à des personnes habitant en Belgique.
L'article 1476 du Code civil mentionne le domicile commun. Il faut éviter d'empiéter sur le domaine personnel. Le pacs, par exemple, a une autre portée et est plutôt un « mini-mariage ». Il est nécessaire de connaître exactement les implications de la suppression de l'alinéa 2. On ne peut ignorer l'objet réel de la loi relative à la relation de vie commune, qui est une réglementation relevant du droit des biens.
M. Hugo Vandenberghe constate que dans l'argumentation du préopinant, la cohabitation légale est une forme de copropriété organisée. Il y a une copropriété de fait induite par la vie commune, qui reçoit une protection juridique.
M. Willems ajoute que dans cette optique, la cohabitation légale n'est pas du tout destinée aux personnes qui vivent à l'étranger. Elle vise des personnes qui ont un domicile commun en Belgique.
La ministre souligne que la logique des amendements aux articles 59 et 60 est que, la loi belge ayant créé des conditions particulières pour conclure un contrat de cohabitation légale, c'est à ces seules conditions que les autorités publiques belges peuvent consacrer un contrat de cohabitation légale, et qu'elles ne pourront consacrer en Belgique que ce dernier contrat (et non un pacs, un partenariat enregistré néerlandais, etc.).
En France, la perception est la même. De façon explicite, il est prévu, à propos de la compétence, que si les Français qui vivent à l'étranger veulent conclure un pacs, ils ne peuvent le faire à l'étranger, mais doivent s'adresser au tribunal de grande instance de Paris.
Le professeur Erauw maintient son point de vue selon lequel il est plus clair d'indiquer dans le texte que les personnes qui veulent conclure chez nous une relation de vie commune doivent y vivre au préalable. Pourquoi n'inscrire l'intention ni dans le texte, ni dans la justification?
M. Willems souligne que la réglementation belge de la relation de vie commune n'a aucune visée sur le plan personnel. C'est pourquoi elle diffère, par exemple, de la réglementation française ou scandinave. Il ne faut pas placer ces relations sous un même dénominateur.
Le Code civil dit que c'est l'officier de l'état civil du domicile commun qui est compétent.
M. Hugo Vandenberghe comprend la remarque du professeur Erauw selon laquelle la disposition du Code civil ne règle pas vraiment le problème du droit international privé. On ne dit pas non plus que ce doit être l'officier de l'état civil belge.
Le professeur Erauw reconnaît que l'on peut interpréter l'article 1476 en ce sens qu'il faut avoir un domicile commun en Belgique. Pourquoi ne pas le préciser dans le Code de droit privé international?
Mme de T' Serclaes se demande si, plutôt que de supprimer purement et simplement l'alinéa 2, on ne pourrait pas le reformuler pour clarifier sa portée exacte.
M. Willems pense que la solution pourrait être trouvée dans l'analogie avec le droit des biens, pour lequel le lieu où les biens se trouvent est déterminant.
M. Hugo Vandenberghe relève qu'il y a encore un autre problème. Qu'en est-il des Français qui ont conclu un pacs en France ou des Néerlandais qui ont conclu un contrat de vie commune aux Pays-Bas?
Mme de T' Serclaes envisage l'hypothèse de deux Français ayant conclu un pacs en France, qui viennent s'installer en Belgique et veulent y faire reconnaître leur pacs. Comment résout-on cette situation ?
Le professeur Fallon répond que le problème surgira dans l'hypothèse d'un conflit entre les deux parties. Peuvent-elles s'adresser à un juge belge ? L'article 59, alinéa 1er, répond par l'affirmative, en renvoyant à l'article 42.
La compétence d'un juge se présente de façon très différente de celle d'une administration. En effet, un tribunal dispose de la plénitude de juridiction, c'est-à-dire qu'il peut connaître de toute demande soumise par une partie, pour éviter un déni de justice, y compris à propos d'une institution inconnue chez nous.
Le juge appliquera l'article 60, et vérifiera s'il y a bien eu un pacs enregistré en France selon le droit français.
Dans l'affirmative, il appliquera les effets du pacs en droit français.
Amendement nº 97
M. Mahoux dépose l'amendement nº 97 (doc. Sénat, nº 3-27/6) visant à remplacer l'alinéa 2 de cet article car il l'estime contraire à la loi du 23 novembre 1998 sur la cohabitation légale.
Au nom de l'auteur, Mme Laloy renvoie à la justification écrite.
Le professeur Fallon pense que, lorsque l'article 1476 du Code civil utilise la notion de domicile commun, c'est le domicile administratif qui est visé. En effet, la formalité d'enregistrement de la relation de vie commune a comme caractéristique qu'elle donne lieu à l'inscription dans le registre de la population.
L'amendement qui prévoit que l'enregistrement de la conclusion de la relation de vie commune ne peut avoir lieu en Belgique que lorsque les parties ont leur résidence habituelle commune dans notre pays au moment de la conclusion, n'est pas réaliste.
La ministre estime que la discussion est utile, car il a toujours régné une très grande confusion entre les notions de domicile et de résidence habituelle. Elle se rallie à l'intervention de M. Fallon et considère qu'il est opportun de renvoyer au lieu d'inscription d'un des partenaires.
Amendement nº 121
M. Willems dépose à l'amendement nº 97 de M. Mahoux un sous-amendement (doc. Sénat, nº 3-27/6, amendement nº 121), qui vise à remplacer, à l'alinéa 2 proposé, les mots « une résidence habituelle commune » par les mots « un domicile commun ».
Le Code civil fait en effet état du domicile commun et en outre, la déclaration doit être actée dans le registre de la population.
La ministre souligne que la loi sur la cohabitation légale, qui utilise la notion de domicile commun, se trouve dans le Code civil, et doit être interprétée en conséquence.
Ici, l'on a une définition différente du domicile et de la résidence. Pour faire coïncider les deux, on a utilisé, dans l'amendement, la notion de résidence, qui correspond, dans le Code de droit international privé, à la notion de domicile dans le Code civil.
M. Willems fait valoir que pour une résidence habituelle commune, il n'y a pas d'inscription dans le registre de la population. Comment se fait alors l'enregistrement de la vie commune ?
L'intervenant souligne également que la cohabitation légale figure dans le livre du Code civil qui traite des biens.
La ministre répond qu'au sens du Code civil, le domicile n'est pas le lieu d'inscription au registre de la population. Les deux cohabitants doivent avoir un domicile commun. Ils vont se présenter à l'officier de l'état civil, qui va accepter la déclaration après avoir vérifié les conditions légales, et qui va ensuite inscrire cette déclaration au registre de la population.
Il est vrai qu'en pratique, il y aura le plus souvent coïncidence entre le domicile commun et l'inscription au registre de la population.
Il pourrait exceptionnellement arriver que, par exemple, ces personnes aient négligé de prendre une inscription au registre de la population.
Dans ce cas, l'officier de l'état civil va immédiatement le constater, et les personnes seront inscrites dans ce registre.
Le professeur Erauw comprend que dans la pratique, il devra y avoir une inscription avant que l'enregistrement ne puisse intervenir. Il peut comprendre que M. Willems souhaite voir inscrire cela explicitement dans le texte. Il ajoute que le gouvernement estime que ce problème relève du droit territorial, du droit local du lieu où se fait l'enregistrement.
La ministre rappelle que la difficulté vient essentiellement du fait que le mot « domicile » a un sens différent dans les deux textes.
Il paraît essentiel de garder à l'esprit d'une part la définition des notions utilisées dans le droit matériel belge (dont fait partie la loi sur la cohabitation légale) et d'autre part la définition des mêmes notions utilisées dans le Code de droit international privé.
C'est pourquoi le gouvernement émet de nettes réserves à propos du sous-amendement de M. Willems.
M. Hugo Vandenberghe conclut que le gouvernement considère que le sous-amendement de M. Willems n'est pas nécessaire. On applique la solution dans la pratique.
Les amendements nºs 57 du gouvernement et 121 de M. Willems sont retirés.
L'amendement nº 97 de M. Mahoux et l'article 59 ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 60
Amendement nº 7
MM. Willems et Coveliers déposent un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/3, amendement nº 7), qui vise à remplacer le § 3 proposé concernant la cessation de la relation de vie commune.
M. Willems renvoie à la discussion de l'article 59. La réglementation belge accorde une place centrale aux effets patrimoniaux et n'est pas directement comparable aux réglementations d'autres pays où c'est l'aspect personnel qui prime. L'intervenant signale qu'une erreur matérielle s'est glissée dans le texte de la justification de l'amendement. À l'alinéa 2, le mot « peut » doit être remplacé par les mots « ne peut pas ».
Les règles de la cessation en droit belge ne sont pas applicables aux relations conclues dans d'autres pays et il est préférable que la cessation soit régie par le droit de l'État sur le territoire duquel la relation a été enregistrée.
Amendement nº 58
Le gouvernement dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/4, amendement nº 58), tendant à remplacer l'article 60.
L'amendement vise à appliquer à la relation de vie commune la loi du lieu de son premier enregistrement.
La suggestion de M. Willems est incorporée dans cet amendement.
Pour le surplus, il est renvoyé à la discussion de l'article 59.
À propos du chapitre IV sur la relation de vie commune, et de la comparaison avec le mariage, la ministre évoque le problème des institutions équivalentes.
Faut-il traiter de la même façon un pacs, ou un contrat de cohabitation légale « à la belge », et des institutions comme le partenariat suédois qui consistent à attribuer tous les droits du mariage hormis la filiation sans en utiliser l'appelation ?
Les premiers ne constituent pas un empêchement au mariage, les secondes bien.
Une solution possible serait de prévoir qu'est équivalente au mariage une institution qui crée un empêchement au mariage, sauf si, dans l'État qui a créé cette institution, les personnes qui l'ont conclue pouvaient se marier.
Ainsi, un partenariat suédois, qui crée les mêmes droits que le mariage, serait, sur le plan du droit international privé, traité comme un mariage.
Par contre, le partenariat enregistré néerlandais ne le serait pas car, s'il crée les mêmes droits que le mariage, ceux qui, aux Pays-Bas, veulent se marier peuvent le faire, quel que soit leur sexe ou leur orientation sexuelle. Ils choisissent donc délibérément le partenariat enregistré plutôt que le mariage.
Le pacs, lui, ne crée aucun empêchement au mariage, et ne doit donc pas être considéré comme une institution équivalente à celui-ci. Il s'agit donc bien d'une relation de vie commune, régie par les règles propres à cette institution.
L'administration devra trouver une solution à ce problème dans sa gestion quotidienne des contacts avec les personnes.
Soit on règle explicitement la question dans la loi, soit on applique la règle qui vient d'être exposée.
Mme de T' Serclaes estime qu'il faut régler de façon pragmatique les cas qui se présentent, et laisser évoluer les institutions, comme on l'a dit à propos de l'article 59.
L'amendement nº 7 de MM. Willems et Coveliers est retiré.
L'amendement nº 58 du gouvernement et l'article 60 ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Articles 61 à 65
Ces articles ne suscitent aucune observation. Ils sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 66
Amendement nº 59
Le gouvernement dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/4, amendement nº 59), tendant à modifier l'article 66.
La ministre précise que tous les amendements suivants déposés par le gouvernement en matière d'adoption ont essentiellement pour objectif de mettre les dispositions du code en conformité avec la récente loi sur l'adoption, qui comportait des règles de droit international privé.
Elle indique que l'amendement nº 59 prévoit la compétence des juridictions belges pour deux cas prévus dans la loi sur l'adoption : la conversion d'une adoption qui n'a pas eu pour effet de rompre le lien préexistant de filiation en une adoption plénière, et la révision d'une adoption.
L'amendement nº 59 et l'article 66 ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 67
Amendement nº 60
Le gouvernement dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/4, amendement nº 60), tendant à réserver, à l'article 67, l'application de l'article 357 nouveau du Code civil qui prévoit que, quel que soit le droit applicable à l'établissement de l'adoption, les conditions visées à l'article 344-1 doivent être remplies et l'adoptant ou les adoptants doivent être qualifiés et aptes à adopter.
L'article 344-1 prévoit que toute adoption est subordonnée à l'intérêt supérieur de l'enfant.
Amendement nº 34
Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/3, amendement nº 34), tendant à compléter l'alinéa 3 de l'article 67 par la phrase : « En ce cas, l'article 19 n'est pas applicable. »
L'amendement nº 34 est retiré.
L'amendement nº 60 du gouvernement et l'article 67 ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 68
Amendement nº 61
Le gouvernement dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/4, amendement nº 61), tendant à modifier l'article 68.
Il s'agit de réserver, à l'article 68, l'application de l'article 358 du Code civil, qui dispose que, dans certains cas, quel que soit le droit applicable en vertu des règles de droit international privé, certains consentements sont obligatoires. C'est notamment le cas de l'adopté de plus de douze ans, et de l'enfant, quel que soit son âge, et de ses père et mère, lorsqu'il s'agit d'une adoption plénière établie en Belgique.
L'amendement remplace également l'intitulé de l'article, pour le mettre en conformité avec le contenu de ce dernier.
L'amendement nº 61 et l'article 68 ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Articles 69 et 70
Ces articles ne suscitent aucune observation. Ils sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 71
Amendement nº 62
Le gouvernement dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/4, amendement nº 62), tendant à remplacer l'article 71.
La ministre précise que l'on a voulu retirer de la loi sur l'adoption quelques dispositions qui concernaient encore des règles de conflit de lois, afin que toutes les règles figurent dans le code.
Il faudra, en conséquence, dans les dispositions finales, modifier les articles correspondants de la loi sur l'adoption.
L'amendement nº 62 et l'article 71 ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 72
Amendement nº 63
Le gouvernement dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/4, amendement nº 63), tendant à remplacer l'article 72.
La ministre précise que l'on déroge, par la disposition proposée, au régime normal de reconnaissance prévu par le code.
En effet, la loi sur l'adoption a prévu un régime de reconnaissance tout à fait particulier, dérogatoire au droit commun, pour mettre le droit belge en conformité avec la Convention de La Haye du 29 mai 1993 sur l'adoption internationale.
La reconnaissance se fera via le recours à l'autorité centrale fédérale, créée au sein du SFP Justice, et qui traitera des reconnaissances conventionnelles ainsi que de celles qui ont lieu en dehors du cadre de la Convention de La Haye.
Mme de T' Serclaes renvoie au débat consacré, lors de la précédente législature, aux relations entre l'autorité centrale et les Communautés chargées de la préparation des dossiers.
Où en est-on sur ce point ?
La ministre répond que des discussions sont en cours avec une Communauté. Un travail important est actuellement réalisé en vue de surmonter le plus rapidement possible les problèmes matériels et politiques qui se posent.
Le professeur Fallon souligne que l'article 72 suppose que la loi spéciale sur l'adoption entre en vigueur avant le nouveau code.
M. Hugo Vandenberghe répond que cela doit être réglé dans les dispositions finales relatives à l'entrée en vigueur.
L'amendement nº 63 et l'article 72 ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 73
Cet article ne suscite aucune observation. Il est adopté à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 74
Amendement nº 35
Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/3, amendement nº 35), tendant à remplacer, au § 1er de l'article 74, les mots « L'obligation alimentaire » par les mots « Toute obligation alimentaire », en vue de souligner que l'article s'applique à toutes les actions alimentaires, quelles que soient les personnes concernées.
Le professeur Fallon exprime des réserves à propos de cet amendement. Il fait observer que l'expression « l'obligation alimentaire » a un sens générique et que partout dans le code, cette formule est utilisée. Elle implique certainement une application à toutes les actions alimentaires.
L'amendement nº 35 est rejeté par 11 voix contre 1 et 2 abstentions.
L'article 74 est adopté par 13 voix et 1 abstention.
Articles 75 et 76
Ces articles ne suscitent aucune observation. Ils sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 77
Cet article n'appelle pas d'observations. Il est adopté par 13 voix et 1 abstention.
Article 78
M. Mahoux demande comment le chapitre VII du code, qui traite des successions, garantit que les règles en matière de réserve et d'usufruit du conjoint survivant sont respectées.
La ministre répond que le code confirme les solutions classiques du droit international privé pour déterminer le droit applicable à la succession. Pour les biens meubles, c'est la loi de l'État sur le territoire duquel le défunt avait sa résidence habituelle qui régit la succession. Pour les immeubles, c'est la loi du lieu où ces immeubles sont situés.
L'oratrice précise qu'en application de ces principes, là où une réserve existe, celle-ci sera confortée. Elle cite le cas où le droit étranger établit une réserve en faveur d'un héritier; celle-ci sera respectée, même si celui-ci n'est pas réservataire aux yeux du droit belge.
M. Mahoux n'a pas de difficulté par rapport à la manière dont on règle la succession d'étrangers résidant en Belgique. Sa préoccupation vise par contre la situation d'héritiers de nationalité belge qui perdraient les protections accordées par le droit belge en matière de réserve à la suite du déménagement vers l'étranger du futur de cujus. Dans une telle hypothèse, c'est la loi étrangère qui s'applique à la succession. De même, des héritiers belges peuvent-ils faire valoir leurs droits à la réserve sur un immeuble situé à l'étranger ?
M. Zenner renvoie aux discussions antérieures. Il rappelle que l'autonomie de la volonté du futur de cujus est la règle. Le principe selon lequel les créanciers suivent la foi de leur débiteur joue également pour les ayants cause. Le futur de cujus est libre de s'établir là où il le souhaite, sauf si le changement de résidence s'effectue dans le seul but d'éluder une règle belge d'ordre public. L'orateur met cependant en garde contre une application trop extensive de la théorie de la fraude à la loi car cela risque d'entraîner la remise en cause d'autres dispositions du code.
M. Mahoux ne remet pas en question la liberté d'établissement dont jouit chaque personne. Il rappelle cependant que le législateur belge a pris des mesures limitant la liberté du futur défunt quant à la manière dont il peut disposer de ses biens par testament. Ce sont des règles à respecter de manière absolue.
Or, les critères de rattachement proposés dans le code peuvent avoir pour conséquence que l'on renonce à l'application de nos règles en matière de réserve. Pourquoi ne pas opter pour un critère de rattachement basé sur la nationalité, garantissant que la loi belge s'applique dès lors que le défunt ou un des héritiers est belge ?
M. Zenner estime que la proposition du préopinant remet en cause toute la cohérence du code, qui retient le critère de la résidence habituelle comme facteur de rattachement de base. Cette option est conforme à l'approche nouvelle de la réglementation des rapports privés internationaux. Si l'on veut, en matière de succession, revenir au facteur de la nationalité, pourquoi ne pas le faire également pour d'autres matières ?
D'autre part, pour qu'un système de droit international privé national soit accepté sur le plan international, il faut que ce système accepte la réciprocité et soit fondé sur les coutumes et usages généralement admis.
M. Mahoux constate que la proposition de code permet au futur de cujus de priver ses héritiers de leur droit à la réserve, dès lors qu'il choisit de partir s'établir à l'étranger. Il faut s'opposer à ces pratiques.
M. Zenner estime qu'il n'y a pas de droit absolu à la réserve. Rien ne peut empêcher une personne qui continue à vivre en Belgique de dépenser son patrimoine de son vivant. Dans ce cas, il ne restera plus de biens sur lesquels la réserve jouera.
M. Mahoux considère que cette dernière hypothèse est différente. Dans la situation qu'il évoque, le futur défunt veut conserver son patrimoine mais le code met en place un système qui lui permet d'échapper à la réserve. D'autre part, il ne comprend pas en quoi le principe de réciprocité s'oppose au choix du facteur de la nationalité comme critère de rattachement. Un étranger n'est en rien lésé si l'on retient le facteur de rattachement national pour déterminer le droit applicable à la succession.
La ministre rappelle que la solution qui s'est historiquement développée en matière de succession, et qui est confirmée dans le code, est basée sur des considérations de praticabilité et de respect strict des notions de souveraineté.
La matière des successions a pour but de savoir comment l'on va régler la dévolution des biens du défunt. L'oratrice prend l'exemple d'une succession dans laquelle figure un immeuble situé en Italie. Comment espérer que les autorités italiennes accepteront l'envoi en possession de l'immeuble basé, pour la dévolution successorale, sur une règle belge qui serait totalement différente de la règle italienne ?
La solution proposée dans le code est équilibrée : pour un immeuble, la succession est régie par la loi du pays où il est situé, alors que pour les biens meubles, c'est la loi de l'État dans lequel ceux-ci sont fictivement regroupés sur la base du critère de la résidence habituelle qui régit la succession.
L'intervenante admet que l'on réfléchisse à d'autres facteurs de rattachement. Elle est cependant très réservée quant à l'utilisation du facteur de la nationalité car il pose de nombreux problèmes pratiques. Cela risque en effet d'avoir pour conséquence que l'on appliquera à des biens situés en Belgique, des règles de dévolution successorale étrangères parfois discriminatoires. Elle pense notamment à certains systèmes juridiques connaissant des régimes inégaux d'attribution des biens entre les enfants.
Enfin, elle signale que dans la plupart des situations impliquant des pays où les systèmes juridiques sont proches du nôtre, il y a des règles de réserve qui jouent et qui seront respectées. Il peut même y avoir des lois étrangères prévoyant des règles en matière de réserve plus larges que les nôtres.
Le professeur Fallon formule plusieurs observations.
En droit civil international moderne, par souci de réalisme, plus aucun législateur national n'aspire à ce que ses règles aient une portée universelle.
En droit comparé, la tendance majoritaire est de retenir un facteur de type territorial, pour des raisons d'efficacité. En Belgique et en France, pour la masse mobilière, on considère par fiction qu'elle est située au domicile du défunt. L'orateur n'a pas connaissance de systèmes juridiques utilisant le critère de la nationalité des héritiers. En Espagne par exemple, la nationalité est retenue, mais il s'agit de celle du défunt.
L'intervenant pense que pour des raisons de praticabilité, il faut que la règle de rattachement permette d'assurer l'unicité de la loi applicable à une masse déterminée. Si l'on ne parvient pas à cette unicité, cela causera de nombreuses difficultés pratiques. Or, le critère de la nationalité des héritiers peut mener à des conflits de loi lorsque les héritiers ont des nationalités différentes. Comment faudra-t-il régler la dévolution de la masse mobilière si plusieurs lois nationales sont applicables ? L'orateur en déduit que pour des raisons techniques, l'organisation de la dévolution sur la base de la nationalité des héritiers est très difficile.
Une solution au problème évoqué par M. Mahoux pourrait être de rédiger une clause d'ordre public prévoyant que la loi belge serait applicable lorsque l'héritier est belge. Le professeur Fallon met en garde contre le risque de discrimination auquel une telle règle pourrait aboutir. En droit européen, il faudrait à tout le moins bilatéraliser la solution pour assurer aux étrangers communautaires qu'ils bénéficient de la même protection que celle accordée à nos ressortissants.
En ce qui concerne le risque de fraude, l'orateur rappelle que l'article 78, § 1er, retient le critère de la résidence habituelle du défunt, comme c'est le cas du droit actuel. C'est l'endroit où il a établi le centre de ses intérêts familiaux et patrimoniaux. Il est bien entendu possible de changer sa résidence habituelle pour échapper aux règles en matière de réserve, mais ce risque est faible car un simple déménagement ne suffit pas nécessairement.
Enfin, le professeur Fallon signale que le fil conducteur dans la proposition de code est de réduire l'importance du facteur de la nationalité, sauf en matière d'état et de capacité des personnes.
M. Mahoux fait remarquer que le principe de l'égalité de traitement entre les ressortissants de l'Union européenne n'est pas un principe absolu et qu'il existe de nombreuses exceptions.
Les auteurs du code rejettent le facteur de rattachement national pour des raisons de cohérence, car ils privilégient le facteur de la résidence habituelle. Cette logique a pour conséquence, en matière de succession, de privilégier les biens par rapport aux personnes. Cela ne correspond pas à la vision de l'intervenant. Il signale que la règle proposée à l'article 78 a pour conséquence que des discriminations peuvent être créées entre citoyens belges car leurs droits seront différents selon que le défunt avait sa résidence habituelle en Belgique ou à l'étranger.
M. Hugo Vandenberghe pense que le choix en droit international privé belge de la nationalité comme facteur de rattachement en matière de succession poserait un problème d'effectivité par rapport à la très grande majorité des pays qui appliquent un facteur de rattachement territorial.
M. Zenner ne partage pas l'analyse de M. Mahoux. Le but de l'article 78 est de voir comment les intérêts des personnes en cause sont les mieux servis par la règle de droit. Il ne s'agit pas de privilégier les biens par rapport aux personnes. L'orateur reconnaît que le régime proposé dans le code peut donner lieu à des abus éventuels mais il n'a pas connaissance de tels cas.
Il rappelle enfin que l'article à l'examen codifie une règle reçue sur la base de l'expérience et qu'il ne faut pas la modifier au motif que quelques cas de fraudes sont possibles. Il plaide dès lors pour le maintien du texte.
La ministre précise que la matière des successions vise à régler le sort des biens du défunt. L'idée n'est donc pas de savoir si l'on privilégie les biens par rapport aux personnes. La règle de base, en droit civil patrimonial, est que la loi belge régit les biens situés en Belgique. La loi belge n'a pas vocation à régir les biens des Belges situés à l'étranger, y compris en matière de succession.
Enfin, si les règles de conflit de lois proposées dans le code désignent le droit étranger, le juge belge, confronté à un litige entre héritiers, écartera la loi étrangère si celle-ci est discriminatoire. Il fera jouer l'exception d'ordre public. La solution obtenue devant le juge belge risque cependant de ne jamais être exécutée à l'étranger car les autorités étrangères ne verront pas d'un bon oeil que l'application de leur droit ait été écartée au profit du droit belge.
Amendement nº 67
Le gouvernement dépose l'amendement nº 67 (doc. Sénat, nº 3-27/6) qui vise à élargir, au § 2, alinéa 2, les cas dans lesquels l'utilisation de la technique du renvoi permet d'appliquer une loi unique pour la masse mobilière et la masse immobilière de la succession.
M. Mahoux se demande si le § 2 de l'article ne gagnerait pas en clarté en fusionnant les deux alinéas. Il propose le libellé suivant « la succession immobilière est régie par le droit de l'État sur le territoire duquel l'immeuble est situé sauf si le droit étranger conduit à l'application du droit de l'État sur le territoire duquel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès. Dans ce cas, le droit de cet État est applicable ».
La ministre n'a pas d'objection quant à cette nouvelle formulation.
Le professeur Fallon reconnaît que la modification proposée ne change en rien la disposition sur le fond. Il plaide cependant pour le maintien du texte, dans un souci de cohérence. Il y a d'autres articles du code dans lesquels une présentation identique à celle de l'article 78, § 2, est retenue. Le principe est posé dans le premier alinéa et l'on présente l'exception dans un alinéa distinct.
Le professeur Erauw pense que le libellé de l'article, en scindant en deux alinéas distincts la règle générale et l'exception, montre mieux le caractère tout à fait exceptionnel de l'application de la règle du renvoi.
L'amendement nº 67 et l'article 78 ainsi amendé sont adoptés par 13 voix et 1 abstention.
Article 79
Cet article n'appelle pas d'observations. Il est adopté par 13 voix et 1 abstention.
Article 80
Amendement nº 68
Le gouvernement dépose l'amendement nº 68 (doc. Sénat, nº 3-27/6) qui vise à remplacer le § 2 de l'article 80.
L'amendement propose d'abandonner le critère du lieu d'ouverture de la succession pour déterminer le droit applicable au mode d'acceptation ou de renonciation à une succession. Il est proposé de soumettre l'acceptation et la renonciation au droit de l'État sur le territoire duquel les biens sont situés au moment du décès.
La ministre estime que la solution proposée dans l'amendement est plus pragmatique. Elle aboutira, le plus souvent, à l'application de la même loi à la question de l'acceptation ou la renonciation de la succession ainsi qu'à la dévolution successorale. Elle renvoie pour le surplus à la justification écrite.
Mme Nyssens demande si l'amendement codifie la pratique jurisprudentielle ou s'il la modifie.
Le professeur Erauw renvoie à un arrêt de la Cour de cassation de 1968 relatif à une succession ouverte aux États-Unis. Il concernait une Anversoise qui s'était établie aux États-Unis. Un partage partiel avait été demandé concernant les biens immeubles situés en Belgique. L'arrêt a autorisé ce partage partiel en Belgique. À cette occasion, le Comité d'études et de législation du notariat publia un avis, dans lequel il souligna que l'on pourrait prévoir une déclaration d'acceptation ou de renonciation concernant les biens immeubles situés en Belgique. La règle proposée confirme la pratique.
M. Hugo Vandenberghe comprend l'amendement du gouvernement. Si l'acceptation est liée à l'obligation d'accomplir certaines formalités dans le pays où est situé le bien immeuble, elle peut avoir des conséquences pour ce qui est des droits des créanciers. On doit accomplir alors les formalités qui sont imposées par la lex loci.
L'amendement nº 68 et l'article 80 ainsi amendé sont adoptés par 13 voix et 1 abstention.
Articles 81 à 84
Ces articles n'appellent pas de remarques. Ils sont adoptés par 13 voix et 1 abstention.
Article 85
Amendement nº 69
Le gouvernement dépose l'amendement nº 69 (doc. Sénat, nº 3-27/6) qui vise à étendre la compétence internationale des juridictions belges en matière de droits réels aux demandes concernant des droits réels sur une créance, lorsque le débiteur est domicilié en Belgique ou y a sa résidence habituelle au moment de l'introduction de la demande.
L'amendement nº 69 est adopté par 13 voix et 1 abstention.
Article 86
Cet article n'appelle pas d'observations. Il est adopté à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 87
Amendement nº 70
Le gouvernement dépose l'amendement nº 70 (doc. Sénat, nº 3-27/6) qui vise à compléter l'article par deux nouveaux paragraphes, pour tenir compte des remarques formulées lors de la première lecture.
Le nouveau § 2 vise à régler le problème de la localisation d'un bien faisant partie d'un ensemble de biens affectés à une destination particulière.
Le nouveau § 3 vise quant à lui à régler la loi applicable aux effets d'une cession de créance. Cette question est actuellement réglée par la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers. Le régime légal existant ne vise cependant que les cessions intéressant des établissements financiers.
Il est proposé d'abroger l'article 145 de la loi du 2 août 2002 et d'insérer, dans le code, une solution ayant une portée générale.
Le professeur Erauw confirme qu'il y a bien eu collaboration avec l'administration pour combler la lacune relative à la localisation de certains biens.
En ce qui concerne le débat sur la loi spéciale du 2 août 2002, on a également tenu compte des critiques qui ont été formulées. Celles-ci portaient essentiellement sur le fait que la loi avait été élaborée pour les besoins de quelques établissements financiers et sur le fait que la règle en question était très spécifique, puisque l'on n'avait examiné que la question de l'opposabilité d'une cession. En l'occurrence, tous les aspects réels sont pris en compte. La réglementation proposée a également été proposée par UNCITRAL, et elle bénéficie du soutien de milieux européens.
M. Mahoux demande une précision concernant le dernier membre de phrase de l'article 87, alinéa 2, du code « pour fonder l'acquisition ou la perte de ces droits ». Vise-t-on une alternative ou faut-il lire la disposition comme se référant tantôt à la loi de l'État dans lequel l'acquisition des droits s'est produite tantôt à la loi de l'État dans lequel la perte s'est produite ? La disposition ne gagnerait-elle pas en clarté si l'on scindait plus clairement les deux hypothèses ?
Le professeur Erauw est d'avis qu'on n'a pas le choix; la réponse dépend de la question de droit qu'il y a lieu d'examiner. Il est question de droits réels; quand on pose la question de la perte, on examine les conditions relatives à la perte; quand on pose la question de l'acquisition, on examine les conditions relatives aux actes qu'il y a lieu d'accomplir en vue de l'acquisition.
M. Hugo Vandenberghe souscrit à ces propos. Il y a deux hypothèses distinctes. On n'a pas de choix, en ce sens qu'il n'y a pas deux réponses possibles à une seule question. Il y a en l'occurrence deux réponses distinctes à deux questions distinctes, l'une relative à l'acquisition du droit, l'autre relative à l'extinction de celui-ci.
M. Mahoux déduit des explications que, pour l'acquisition des droits, c'est le droit de l'État sur lequel l'acquisition a eu lieu qui régit la situation. De même, pour la perte, c'est le droit de l'État sur lequel la perte a eu lieu qui régit la situation. Il n'y a pas d'alternative car il n'y a pas de choix possible quant au droit applicable.
M. Zenner estime que l'amendement nº 70 du gouvernement (doc. Sénat, nº 3-27/6) apporte un progrès sensible par rapport au texte de base. Il permet de couvrir des hypothèses qui n'étaient pas réglées initialement. D'autre part, il met sur le même pied tous les créanciers, quelle que soit leur nature.
L'amendement consacre le recours à la cession de créance à titre de garantie. Une telle cession est intrinsèquement valable et opposable aux tiers. N'est-il pas souhaitable de le mentionner expressément dans le corps de l'article ?
L'intervenant réserve cependant son opinion en ce qui concerne le nouveau critère de rattachement proposé. L'amendement s'inscrit dans la lignée de la solution proposée par M. Sagaert. Il semble cependant que certains praticiens soient réticents à l'idée d'un changement du facteur de rattachement. Le critère proposé à l'article 145 de la loi du 2 août 2002 était le fruit d'un consensus. Faut-il changer la règle ?
Le professeur Erauw fait remarquer que le choix, dans l'amendement nº 70 (doc. Sénat, nº 3-27/6), de la résidence habituelle du cédant comme facteur de rattachement, est considéré par la doctrine comme un critère objectif et facilement contrôlable.
M. Hugo Vandenberghe note que les sûretés peuvent mettre à mal l'égalité de traitement entre les créanciers. L'opposabilité des sûretés n'est pas un simple point formel. C'est aussi un point d'égalité. Lorsque le facteur de rattachement des accords contractuels est incertain, cela risque de menacer l'égalité de traitement entre les créanciers. C'est pourquoi on recherche un facteur de rattachement objectif pour l'opposabilité des sûretés.
Sur la question de l'opportunité de mentionner, dans le corps du texte, que la cession peut être effectuée à titre de garantie, le professeur Fallon renvoie à la justification écrite, qui est très claire : « le texte comprend sous le mot « cession » toute cession aux fins de sûreté ».
M. Zenner fait remarquer que les notions de « sûreté » et de « garantie » sont différentes. Il renvoie à l'échange de vues auquel la commission a procédé, le 6 janvier 2004, avec des hauts magistrats de la Cour de cassation (doc. Sénat, nº 3-453/1). Il faudrait, à tout le moins, viser les sûretés et les garanties.
Le professeur Erauw signale qu'il partage dans une large mesure l'analyse de M. Vincent Sagaert. Tous les aspects des droits réels sont visés par le régime en question. C'est pourquoi il est partisan d'une formulation générale.
M. Hugo Vandenberghe estime aussi qu'il serait bon d'utiliser un terme général. Cela permettrait à la pratique d'évoluer.
M. Zenner précise que la sûreté est une forme de garantie mais qu'il existe également d'autres formes de garanties. La confusion en cette matière trouve son origine dans l'arrêt de la Cour de cassation du 17 avril 1996 (arrêt « Sart-Tilman »). La Cour y a conçu la cession de créance à titre de garantie comme une sûreté. Le président Verougstraete a reconnu que cet arrêt était obscur et qu'il avait provoqué un trouble considérable parmi les opérateurs économiques et commerciaux. Cet arrêt n'a pas eu de suites (voir rapport du 3 février 2004, doc. Sénat, nº 3-453/1, p. 12).
Or, en mentionnant uniquement le mot « sûreté » dans la justification, on confirme l'arrêt « Sart-Tilman ». L'orateur plaide dès lors pour que l'on remplace le mot « sûreté » par le mot « garantie » ou que l'on mentionne à tout le moins les mots « sûreté et garantie ».
M. Hugo Vandenberghe ne pense pas que l'élaboration du Code de droit international privé soit l'occasion de mener un débat sur les notions de « sûreté » et de « garantie » ni de prendre des positions concernant la jurisprudence de la Cour de cassation en cette matière.
La ministre estime que l'amendement clarifie la portée de l'article 87 du code et que la justification apporte des précisions sur les contours de la règle proposée. Elle pense que cela doit être suffisant pour permettre une interprétation correcte du texte.
M. Hugo Vandenberghe renvoie à la justification écrite qui précise que « le texte comprend sous le mot « cession » toute cession aux fins de sûreté, y compris la cession fiduciaire que connaissent certains droits étrangers ».
M. Zenner considère que la justification apporte plus de complexité que de clarification. D'autre part, la cession fiduciaire n'est pas une cession aux fins de sûreté.
Le professeur Erauw souligne que le texte ne fait référence qu'aux droits réels. Viennent ensuite deux exemples qui ne sont pas forcément contradictoires. Il ne faut pas vouloir les opposer. Le texte est de nature générale et globale, et il concerne la constitution de droits réels.
M. Zenner précise qu'il n'a pas d'objection de principe en ce qui concerne le dispositif de l'amendement. Il est par contre radicalement opposé à la justification qui laisse sous-entendre que notre pays ne connaît pas la cession fiduciaire et qui ne voit l'utilisation de la cession de créance que comme une sûreté et pas comme une garantie.
M. Hugo Vandenberghe déclare que la problématique de la fiduciaire ne se situe pas au niveau des droits réels et des sûretés réelles. Les nouvelles garanties qui soulèvent un problème d'opposabilité relèvent plutôt du droit des obligations.
M. Zenner insiste sur le fait que la discussion n'est pas purement théorique. Tout le monde associatif se préfinance auprès des banques par des cessions de subventions à titre de garantie.
M. Hugo Vandenberghe précise que les techniques évoquées par le préopinant relèvent du droit des obligations et pas des droits réels même si elles présentent certains points communs (par exemple la question de leur opposabilité aux tiers).
La ministre se rallie au préopinant. Elle rappelle que l'article 87 du code règle des matières relatives aux droits réels. Il faut dès lors faire preuve de circonspection vis-à-vis de la justification lorsqu'elle donne des éléments de réflexion qui s'écartent de la matière des droits réels.
L'amendement nº 70 et l'article 87 ainsi amendé sont adoptés par 13 voix et 1 abstention.
Articles 88 et 89
Ces articles n'appellent pas d'observations. Ils sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 90
M. Mahoux demande comment un État pourra réclamer la restitution d'un bien culturel sur la base de la disposition à l'examen. Il rappelle que la problématique concerne en général des oeuvres qui ne sont pas répertoriées et dont l'existence n'apparaît que lorsqu'elles se trouvent dans le pays qui les a importées.
Amendement nº 71
Le gouvernement dépose l'amendement nº 71 (doc. Sénat, nº 3-27/6) qui vise à figer le contenu du droit de l'État requérant la restitution, au moment de l'exportation illicite.
La ministre rappelle le régime proposé à l'article 90 : en cas d'exportation illicite d'un bien culturel, l'État d'origine a, pour la revendication, le choix entre l'application de son propre droit ou celui de l'État sur le territoire duquel le bien se situe. L'amendement a pour but d'intervenir lorsque l'État revendiquant a choisi d'appliquer son propre droit. Pour éviter que l'État revendiquant modifie sa législation, l'amendement propose de figer le droit au moment où a eu lieu l'exportation illicite.
Le gouvernement insérera, dans les dispositions transitoires, un article qui limitera l'application du régime de l'article 90 aux exportations illicites intervenues après l'entrée en vigueur du code.
La ministre confirme que, si la loi de l'État propriétaire du bien à l'origine ne connaît pas de disposition similaire à l'article 2279 du Code civil, et que le bien se trouve en Belgique, la règle de l'article 2279 du Code civil assurera la protection du possesseur de bonne foi en Belgique. Ceci est à distinguer de la problématique générale de la restitution internationale, qui sera réglée parallèlement, par des conventions internationales dont on prépare la ratification.
Il s'agit notamment de la convention UNESCO de 1970, qui organise un système de restitution internationale avec dédommagement éventuel du possesseur de bonne foi. Cette convention ne s'applique qu'aux trafics illicites qui ont eu lieu après l'entrée en vigueur de la convention pour l'État concerné. Tous les États anciens colonisateurs craignaient en effet de voir se vider leurs musées si l'on prévoyait une règle différente.
La convention UNESCO a donc une importance considérable, mais essentiellement pour l'avenir. Le trafic illicite de biens culturels est un problème qui reste tout à fait contemporain. On examine également la possibilité de ratifier la convention UNIDROIT, beaucoup plus complexe, et qui permet, le cas échéant, un retour dans le passé.
Mme Nyssens rappelle qu'il existe aussi une directive sur les biens culturels.
M. Hugo Vandenberghe ajoute qu'en cas de possession de mauvaise foi, le délai de prescription est de 30 ans.
M. Mahoux estime que l'on peut s'interroger à propos des États qui établissent des règles de droit international concernant leurs propres méfaits.
Sur le plan moral, il s'agit de règles inacceptables qui permettent de se « dédouaner » de ses spoliations.
L'intervenant aimerait aussi s'assurer que le texte proposé n'empêche pas toute forme de revendication par rapport aux restitutions, c'est-à-dire qu'il ne constitue pas un argument a contrario pour les spoliateurs à l'égard des spoliés.
L'orateur se demande en outre ce que l'on considère comme une exportation illicite. En effet, le texte fait référence à une législation qui existerait au moment où l'exportation s'est produite.
Or, pour la plupart des biens qui ont été exportés de manière moralement illicite, de telles règles n'existaient pas au moment de l'exportation.
Imaginons que la Grande-Bretagne décide de vendre les frises du Parthénon par morceaux, et qu'un tiers s'en porte acquéreur.
Quel est le caractère illégal de la possession des frises du Parthénon par la Grande-Bretagne ?
M. Hugo Vandenberghe précise le texte de l'article 90. La personne qui importe dans un autre pays que le sien, et ce, en violation de sa législation nationale, un bien qui fait partie du patrimoine culturel de son pays en vertu d'une disposition de la législation de celui-ci qui est applicable au moment où ledit bien quitte son territoire, elle est réputée de mauvaise foi. L'État qui a été spolié du bien détient alors contre le recéleur un droit de recours qu'il peut exercer sur le territoire de l'État où le bien se trouve. L'importateur est de mauvaise foi; le tiers acquéreur peut être de bonne foi ou de mauvaise foi. L'article 90 se fonde sur un vice non pas dans les éléments objectifs de la possession, mais dans les éléments subjectifs de la possession, à savoir la bonne foi.
La ministre souligne que la règle figurant dans le projet de code est plus favorable que la situation actuelle pour l'État revendicateur.
Aujourd'hui, celui-ci ne peut invoquer que la loi de l'État sur le territoire duquel se trouve le bien après trafic illicite.
Le projet de code prévoit par contre que si, au moment où l'exportation a eu lieu, il s'agissait d'un trafic illicite au regard du droit de l'État revendicateur, celui-ci peut choisir entre l'application de son propre droit, et celle du droit de l'État sur le territoire duquel le bien se trouve au moment de sa revendication.
Il est vrai que l'on évite de remettre en cause la possession de biens qui se trouvent depuis un certain temps dans nos musées, sinon par des accords bilatéraux, comme cela arrive parfois.
Cependant, la solution adoptée ne vaut pas uniquement pour l'avenir.
Ainsi, le droit international humanitaire en cas de conflit armé vise les exportations illicites de biens. Ces règles supranationales existent depuis, notamment, les conventions de La Haye de 1954, et le premier protocole additionnel sur les exportations de biens en temps de guerre.
Des exportations réalisées alors que ces textes internationaux étaient d'application seraient des exportations illicites qui permettraient de mettre en oeuvre la loi de revendication de l'État revendicateur.
Voici deux ans, la Belgique avait aussi été saisie par le Cambodge d'une demande de saisie de biens se trouvant à la foire des antiquaires de Bruxelles.
Le Cambodge dispose aujourd'hui d'une législation très protectrice de son patrimoine culturel.
Grâce au texte proposé, le droit cambodgien pourrait trouver à s'appliquer, si un tel cas se présentait à nouveau, quitte à trouver un système de dédommagement du possesseur de bonne foi en Belgique.
Selon M. Hugo Vandenberghe, on peut citer quantité d'exemples qui ont trait aux effets positifs de l'internationalisation du droit.
Le professeur Erauw souscrit à ce que la ministre a déclaré, dans le cadre de son exposé, au sujet de l'équilibre à poursuivre entre l'ouverture en faveur des États qui ont été spoliés de biens culturels et les garanties à donner aux États qui ont acquis ces biens.
Aux questions de M. Mahoux, l'intervenant répond que l'article 87 est applicable à une grande partie des biens culturels.
Selon l'article 87, qui a une portée générale, l'acquisition des droits réels est régie par le droit de l'État sur le territoire duquel le bien se trouve au moment de la transaction.
Les articles 90 et 92 énoncent un régime spécifique concernant les biens culturels et un problème spécifique, à savoir celui du droit régissant la revendication. L'article 90 ne dit pas qui est le propriétaire ni comment la propriété s'acquiert. Il se borne à régler le problème de la revendication. Lesdites dispositions sont intéressantes pour ce qui est du problème de la spoliation.
L'amendement nº 71 et l'article 90 ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Articles 91 à 93
Ces articles ne suscitent aucune observation. Ils sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 94
Amendement nº 72
Le gouvernement dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/6, amendement nº 72), tendant à modifier l'article 94.
Cet article énumère les différents cas de figure où la loi applicable aux biens, telle que définie dans les articles précédents, s'applique.
Le 7º traite de la hiérarchie entre les sûretés.
En première lecture, il avait été observé que l'on ne parlait pas des privilèges.
L'amendement proposé vise à combler cette lacune, en supprimant le 7º, et en complétant l'article par un § 2, libellé comme suit :
« Aux fins de réalisation du bien d'un débiteur, le droit applicable en vertu de la présente section détermine également l'existence de causes de préférence et leur rang, ainsi que la distribution du produit de la réalisation, sans préjudice de l'article 119. »
Cependant, dans le texte néerlandais de l'amendement, le mot « voorrechten » doit être remplacé par les mots « een recht van voorrang », et le mot « hun » par le mot « de ».
L'amendement nº 72 et l'article 94 ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Articles 95 et 96
Ces articles n'appellent pas d'observation. Ils sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 97
Amendements nºs 8 et 9
MM. Willems et Coveliers déposent les amendements nºs 8 et 9 (doc. Sénat, nº 3-27/3), relatifs au contrat d'agence commerciale.
M. Willems estime en effet que la loi relative au contrat d'agence commerciale est une loi de protection, comme celle relative aux contrats de travail. Les amendements visent à rendre l'article 97 applicable aussi aux agences commerciales.
Le professeur Fallon comprend le souci des auteurs des amendements. Cependant, un problème légistique se pose.
En effet, la loi du 13 avril 1995 sur la protection de l'agent commercial, qui transpose une directive européenne, a ajouté un article 27 selon lequel l'activité d'un agent qui a son principal établissement en Belgique relève de la loi belge et de la compétence des tribunaux belges.
Il s'agit là d'une règle de compétence internationale qui permet de fonder la compétence des juridictions belges lorsque l'agent a son principal établissement en Belgique. Cette disposition est impérative : la compétence du juge belge existe même si une clause de juridiction désigne des tribunaux étrangers.
Soit on transfère cette règle de la loi de 1995 dans le code mais il faut alors abroger la disposition de la loi de 1995 , soit on laisse les choses en l'état.
Une raison plaidant pour le maintien de l'article 27 est que celui-ci comporte une double règle : une règle de compétence et une règle d'applicabilité. Seule la première devrait, le cas échéant, être abrogée.
Pour des raisons de facilité et de clarté, l'orateur suggère le statu quo.
On pourrait se demander pourquoi on n'ajouterait pas une disposition similaire dans la loi sur le contrat de travail.
Plusieurs lois particulières protègent le consommateur.
Pour le travailleur, plusieurs lois peuvent régir la relation de travail : il y a non seulement le contrat de travail, mais aussi le contrat de marin, etc.
Par contre, l'agent commercial est régi par une loi spécifique, celle de 1995.
Quant à la concession exclusive de vente, elle est régie par la loi du 27 juillet 1961, qui comporte aussi une règle de compétence internationale.
L'article 97 ne tend pas à modifier ces lois particulières.
Selon l'article 2, les lois particulières prévalent. On trouve ici un exemple d'une telle loi particulière.
La ministre déclare ne pas avoir d'objection par rapport au fond de l'amendement, qui reprend le droit actuel.
Cependant, il lui paraît préférable de maintenir cette disposition dans la loi particulière, pour les raisons que vient d'exposer le professeur Fallon.
Ayant entendu les arguments invoqués, M. Willems retire les amendements nºs 8 et 9. L'intervenant attire l'attention sur la spécificité du contrat d'agence commerciale, qui résulte du fait que la législation relative à ce contrat est fondée sur une directive européenne.
L'article 97 est adopté à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 98
Amendement nº 73
Le gouvernement dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/6, amendement nº 73), en vue d'apporter à l'article une correction purement formelle.
L'amendement nº 73 et l'article 98 ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 99
Amendement nº 74
Le gouvernement dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/6, amendement nº 74), en vue de remplacer le § 2, 4º, de l'article 99, qui traite de la responsabilité du fait des produits.
Pour des raisons de protection de la victime, la référence au lieu de survenance du dommage est remplacée par une référence au lieu de la résidence de la victime.
Les autres modifications visent à rapprocher le texte des concepts habituels en matière de responsabilité du fait des produits, que l'on trouve dans la loi belge qui a transposé la directive à ce sujet.
On parle donc de responsabilité du producteur, de l'importateur ou du fournisseur, lesquels sont, aux termes de cette loi, les trois personnes qui peuvent se trouver investies d'une responsabilité.
Mme Nyssens se rallie à la modification proposée par l'amendement, qui va dans le sens d'une meilleure protection de la victime. Elle demande si, dans le cadre du droit européen, la règle est la même.
Le professeur Fallon répond que les travaux européens sont en cours. Il existe une proposition de règlement sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (dite « Rome II »), qui pourrait aboutir en 2006 pour entrer en vigueur en 2007.
Contrairement au texte antérieur, la version finale transmise par la Commission européenne au Conseil comporte une modification tendant à permettre l'application de la loi de la résidence habituelle de la personne lésée. C'est l'une des raisons de l'amendement proposé.
Le jour où ce règlement entrera en vigueur, il remplacera les articles 99 à 104 de la loi.
La structure et l'esprit des dispositions en discussion s'inspirent des travaux « Rome II ».
L'amendement nº 74 et l'article 99 ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 100
Amendement nº 75
Le gouvernement dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/6, amendement nº 75), tendant à faire débuter l'article par les mots « Par dérogation à l'article 99 ». Cet amendement ne modifie rien quant au fond.
L'amendement nº 75 et l'article 100 ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Articles 101 et 102
Ces articles n'appellent pas d'observation. Ils sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 103
Amendement nº 10
MM. Willems et Coveliers déposent un amendement visant à supprimer le § 2 proposé (doc. Sénat, nº 3-27/3, amendement nº 10).
M. Willems renvoie à la discussion qui a été menée en première lecture. Il estime que l'application d'un traitement différent à l'État ou à d'autres personnes morales de droit public serait injustifiée et constituerait une violation du principe d'égalité.
M. Hugo Vandenberghe précise que l'amendement signifie que, lorsqu'un État étranger sera poursuivi en Belgique en raison d'un acte illicite (par exemple une réglementation lacunaire en matière de sécurité routière), il se verra appliquer le droit belge en matière de responsabilité.
La ministre déclare que le principe de l'amendement ne suscite pas de difficultés. Elle émet cependant des réserves sur sa praticabilité. Comment imposer à l'État étranger une loi qui n'est pas la sienne, pour la mise en oeuvre de sa propre responsabilité ?
M. Willems souligne que le § 2 proposé exclut non seulement la responsabilité de l'État ou d'autres personnes morales de droit public, mais aussi celle de leurs organes ou agents. On peut se demander jusqu'où va l'immunité. Cela soulève un problème pour le justiciable qui est victime de pareil acte illicite. L'article porte atteinte au sens de l'équité de l'intervenant.
M. Zenner fait observer que l'on incite les parties à engager des procès, et à obtenir des jugements qui risquent d'être inapplicables face à l'autorité condamnée.
La ministre souligne qu'en l'occurrence, il ne s'agit pas, à proprement parler, d'un problème d'immunité au sens du droit international.
Puis, lorsqu'il y aura un jugement impliquant une autorité publique étrangère, se posera le problème de l'immunité d'exécution (l'immunité de juridiction pouvant, elle, être soulevée dès le début du procès et y mettre rapidement fin).
Pour ce qui est du problème posé ici, il y a une certaine logique à dire que ce n'est pas parce que l'auteur du dommage est une autorité publique ou des agents ou des organes de cette autorité qu'il faut décider de lui offrir comme droit applicable son propre droit plutôt que le droit plus « naturellement » applicable.
M. Hugo Vandenberghe estime que le § 2 pose deux questions distinctes.
La première question est celle de savoir si l'on va tenir l'État étranger pour responsable. Cette question relève en fait du droit matériel.
La seconde question est celle de savoir si les personnes qui ont provoqué l'accident ont un lien suffisamment qualitatif avec l'État étranger pour pouvoir engager celui-ci. Il est d'une certaine manière logique que ce lien qualitatif soit apprécié en fonction du droit national. En revanche, il semble logique d'apprécier en fonction du droit belge dans quelle mesure un État est responsable d'un acte illicite commis en Belgique.
Le professeur Erauw renvoie à l'article 11, § 1er, 5º, de la proposition pour ce qui est du champ d'application du droit applicable à la personne morale. Il y est prévu que le droit applicable à la personne morale détermine la composition, les pouvoirs et le fonctionnement de ses organes.
L'intervenant est convaincu qu'en l'espèce, on vise également des personnes morales de droit public.
M. Hugo Vandenberghe demande si l'on ne peut pas formuler le § 2 autrement.
Le professeur Erauw estime qu'il se pourrait que cette règle ne soit pas inscrite à la bonne place.
M. Willems trouve que la formulation négative du § 2 n'est pas très réussie. Il y aurait effectivement lieu de chercher une formulation plus positive.
La ministre déclare que, comme déjà indiqué, la logique du § 2 s'inspire de l'idée que c'est le droit de l'État dont la responsabilité des agents est engagée qui règle la manière dont la responsabilité de ses agents l'engage.
Mais ce n'est effectivement pas ce que dit le § 2, qui écarte la règle normalement applicable du § 1er dans les cas visés.
Compte tenu des précisions apportées par le professeur Erauw, l'oratrice pense que l'on peut admettre plus aisément la suppression au § 2, sachant que la difficulté particulière de déterminer si l'État peut voir sa responsabilité engagée du fait de telle personne devant ou non être considérée comme son agent ou son organe est réglée par le droit applicable à la personne morale.
À cet égard, les articles 110 et 111 vont dans le sens de la logique défendue par le gouvernement et par M. Hugo Vandenberghe.
En ce qui concerne l'exécutabilité, M. Hugo Vandenberghe estime qu'il existe une certaine garantie pour les pays membres du Conseil de l'Europe. En effet, il est possible de poursuivre en dommages et intérêts, devant la Cour de Strasbourg, l'État qui n'exécute pas un jugement.
Amendement nº 76
Le gouvernement a également déposé un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/6, amendement nº 76), qui vise à remplacer le 2º du § 1er par ce qui suit : « 2º la responsabilité du fait des personnes, des choses ou des animaux ».
M. Hugo Vandenberghe signale que cet amendement renvoie à la responsabilité qualitative du fait des personnes, des choses ou des animaux.
Le professeur Erauw souhaite obtenir davantage de précisions sur la portée exacte de l'amendement. Il fait observer que le Code civil cite également les immeubles.
Ensuite, il y a lieu de se demander si l'on entend exclure également les formes plus modernes de responsabilité qualitative ou objective.
Selon M. Hugo Vandenberghe, la disposition proposée ne vise que la responsabilité dérivant d'un fait dommageable.
Le professeur Erauw pense que certaines formes modernes de responsabilité sont quand même de l'ordre du fait dommageable.
Il renvoie aux nouvelles règles concernant la pollution pétrolière ou la responsabilité des membres de la protection civile. Il faut veiller à ce que toutes les formes de responsabilité objective dérivant d'un fait dommageable soient bel et bien couvertes par cette disposition.
M. Hugo Vandenberghe reconnaît qu'il existe plusieurs formes de responsabilité objective. On peut toutefois se demander s'il faut toutes les faire relever de la responsabilité objective dérivant d'un fait dommageable. Si l'on souhaite élargir le champ d'application, il est peut-être préférable de ne pas le faire ici.
Le professeur Fallon fait remarquer que les termes français « le fait dommageable », tels qu'ils sont apparus voici plusieurs décennies avec cette forme de responsabilité objective, sont des termes neutres, repris tels quels de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968.
Il ne fait aucun doute que ce terme couvre toute hypothèse de réparation découlant d'un fait qui cause un dommage dont la réparation est demandée, indépendamment de la question de savoir si ce fait est une faute, un fait illicite, etc., et à condition qu'il n'y avait pas de contrat.
Que le fait causant le dommage donne lieu à une responsabilité objective ou pas est indifférent.
M. Hugo Vandenberghe fait remarquer que l'on a d'abord opéré une distinction entre la responsabilité contractuelle et les autres.
Lorsqu'on parle ensuite de « fait dommageable », il ne s'agit pas d'un bon critère de synthèse.
Le professeur Fallon répond qu'il faudrait peut-être alors préciser, à l'article 99, que l'on vise les obligations non contractuelles dérivant d'un fait dommageable.
La même précision devrait être apportée à l'article 100.
M. Hugo Vandenberghe fait observer que les mots « onrechtmatige daad » ne constituent pas une traduction correcte du concept de « fait dommageable ».
En droit belge, la responsabilité extracontractuelle suppose trois éléments : la faute, le dommage et le lien de causalité.
La théorie de feu le procureur général Leclercq, selon laquelle le fait dommageable est la faute, a été rejetée par la Cour de cassation depuis les années 30.
Le fait dommageable n'est pas un acte illicite en soi. Il faut une violation de la loi.
Le professeur Erauw estime qu'il faut utiliser la terminologie avec prudence. Si l'on écrit « au moment de la survenance du dommage », tous les éléments constitutifs du fait dommageable doivent déjà être présents.
M. Hugo Vandenberghe estime qu'il vaut mieux faire figurer dans un paragraphe distinct les autres formes de responsabilité objective sans faute.
Le professeur Erauw estime qu'il faut donner la portée la plus large possible au champ d'application. Les mots « du fait des personnes, des choses ou des animaux » ne doivent pas être interprétés de manière limitative.
Le professeur Fallon propose de vérifier la terminologie utilisée dans la version néerlandaise de la Convention de Bruxelles ou dans le réglement 44/2001, dit « Bruxelles I » y déclare qu'en ce qui concerne l'expression « fait dommageable », il n'y a pas d'objection à maintenir le texte en néerlandais, puisque la Convention de Bruxelles et le règlement Bruxelles I utilisent dans l'article 5, 3º, le terme « verbintenissen uit onrechtmatige daad ».
Cela aurait le mérite de montrer qu'il y a un vocabulaire commun à ces différentes sources légales qui concernent toutes le droit international privé.
La seule question est de savoir s'il faut ou non ajouter les mots « non contractuelles ».
M. Hugo Vandenberghe répond qu'en néerlandais, les mots « onrechtmatige daad » renvoient par définition au domaine non contractuel.
Le professeur Fallon en conclut que le texte peut par conséquent demeurer inchangé.
Sur le second point, les différents articles qui, dans le code, définissent le domaine de la loi applicable, comme c'est le cas de l'article 103, doivent aider le praticien et le juge dans l'utilisation du code.
Dès lors, les termes utilisés dans ces articles sont assez naturellement empruntés au droit belge.
Une autre question est de savoir s'il faut introduire dans le texte la responsabilité du fait des immeubles.
M. Hugo Vandenberghe estime que non. Les immeubles sont des choses (zaken).
M. Zenner fait observer qu'en français, « chose » et « bâtiments » sont deux concepts différents. Ce sont des biens.
En néerlandais, le mot « zaak » vise-t-il aussi un bien immeuble ?
M. Hugo Vandenberghe confirme que oui.
Le terme « biens » (goederen) est le terme général permettant d'inclure les choses incorporelles dans la distinction. Les « choses » (zaken) sont des biens corporels.
La responsabilité de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, est une responsabilité du fait des choses, qui, en réalité, peut également concerner les immeubles, sauf si les bâtiments visés à l'article 1386 provoquent un dommage par suite d'un vice de construction ou du défaut d'entretien.
Des immeubles ne se trouvant dans l'hypothèse de l'article 1386, peuvent quand même donner lieu à une responsabilité en vertu de l'article 1384, parce que le gardien de l'immeuble peut être une autre personne que le propriétaire.
L'article 1386 concerne le propriétaire, et l'article 1384 concerne le gardien de la chose.
On peut plaider, à l'égard du même immeuble, que le propriétaire est responsable sur la base de l'article 1386 et le gardien en vertu de l'article 1384.
Les amendements nºs 76 du gouvernement et 10 de MM. Willems et Coveliers sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
L'article 103 ainsi amendé est adopté à l'unanimité des 14 membres présents.
Articles 104 à 106
Ces articles n'appellent pas d'observation. Ils sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 107
Amendement nº 77
Le gouvernement dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/6, amendement nº 77), tendant à préciser que l'on vise dans cet article la subrogation légale, et non la subrogation conventionnelle, qui reste régie par la Convention de Rome du 19 juin 1980.
L'amendement nº 77 et l'article 107 ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 108
Cet article n'appelle pas d'observation. Il est adopté à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 109
Amendement nº 78
Le gouvernement dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/6, amendement nº 78), tendant à supprimer l'alinéa 2 de l'article 109.
Ceci est une conséquence de l'amendement déposé à l'article 5, où il était proposé de transférer la disposition en question, parce qu'elle y trouvait plus logiquement sa place, s'agissant non de la compétence relative à la validité de la personne morale et à son fonctionnement, mais bien à l'exploitation des établissements.
L'amendement nº 78 et l'article 109 ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 110
Amendement nº 79
Le gouvernement dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/6, amendement nº 79), tendant à apporter une correction technique à l'article 110.
L'amendement nº 79 et l'article 110 ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 111
Cet article n'appelle pas d'observation. Il est adopté à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 112
Amendement nº 80
Le gouvernement dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/6, amendement nº 80), tendant à clarifier la terminologie de l'article, en alignant la structure de la phrase sur celle utilisée dans les autres articles de la proposition.
L'amendement nº 80 et l'article 112 ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 113
Cet article n'appelle pas d'observation. Il est adopté à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 114
Amendement nº 81
Le gouvernement dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/6, amendement nº 81), tendant à remplacer le mot « prétentions » par le mot « droits », qui a une connotation plus juridique.
L'amendement nº 81 et l'article 114 ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 115
Amendement nº 82
Le gouvernement dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/6), amendement nº 82), tendant à remplacer les mots « l'établissement principal et le siège statutaire de la personne morale étaient situés » par les mots « l'établissement principal de la personne morale était situé ».
La version actuelle de l'article prévoit des cas de non-reconnaissance de la décision qui concerne la validité, le fonctionnement, la dissolution ou la liquidation d'une personne morale si l'établissement principal et le siège statutaire de celle-ci sont situés en Belgique.
Il avait été observé en première lecture que ce cumul ne se justifiait pas.
Le critère pertinent étant l'établissement principal, il est proposé de supprimer la condition cumulative relative au siège statutaire.
L'amendement nº 82 et l'article 115 ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 116
M. Zenner précise que ses amendements aux articles 116 et suivants sont le fruit d'un travail collectif.
À la suite des réflexions échangées lors de la première lecture, l'intervenant et les professeurs Fallon et Erauw, ainsi que d'autres experts, comme Mme Watté, professeur à l'ULB, et M. Verougstraete, président de la Cour de cassation, se sont réunis pour un travail essentiellement technique d'aménagement des dispositions des articles 116 et suivants.
Les amendements sont le fruit d'une réflexion commune, qui se poursuit d'ailleurs encore.
Le point de départ de la rédaction de ces articles du projet de code était de travailler par analogie avec le règlement européen sur l'insolvabilité.
Cependant, un renvoi pur et simple au règlement en termes généraux posait des problèmes d'interprétation et de compréhension.
Dès lors, tout en maintenant la même philosophie, on a réduit les renvois au règlement. Sur d'autres points, et compte tenu des questions soulevées par la pratique, il a paru nécessaire de modifier la rédaction de certaines dispositions.
Le professeur Erauw évoque le souhait, exprimé dès la première lecture, de s'aligner sur l'Union européenne en ce qui concerne le régime d'insolvabilité. Les amendements proposés traduisent en droit belge le règlement européen sur l'insolvabilité.
Il faut cependant tenir compte aussi de deux directives européennes qui ont une incidence sur le plan du droit international privé, et dont la procédure de transposition en droit belge est déjà bien avancée.
Elles concernent les organismes financiers et les compagnies d'assurances. Dans le projet de loi transposant ces directives, le souhait est exprimé de voir étendre au reste du monde les principes qu'elles consacrent. Il est dit que les principes en question ne peuvent fonctionner logiquement que s'ils s'appliquent à l'ensemble des pays (y compris non européens). L'objectif est qu'il y ait bientôt pour la Belgique une loi ad hoc réglant les relations extra-européennes pour le secteur des institutions bancaires et celui des compagnies d'assurances.
Selon M. Hugo Vandenberghe, le projet de loi transposant la directive devrait être déposé dès que possible, afin que l'on puisse en évaluer au mieux les effets sur le droit international privé.
Il demande quelles sont les intentions du gouvernement en ce qui concerne l'exécution des deux directives en cause.
La ministre répond qu'un projet de loi commun réalisant la transposition des directives relatives à la liquidation des établissements de crédit et à la liquidation des établissements d'assurances a été adopté lors du dernier Conseil des ministres, et sera prochainement transmis au Conseil d'État, pour avis dans les 45 jours.
Sur le plan des principes, le règlement consacre une primauté de la procédure principale, avec toutefois la possibilité d'ouvrir des faillites ou des procédures territoriales.
La procédure principale peut être tant une procédure de redressement qu'une procédure de liquidation, alors que les procédures territoriales ne sauraient être que des procédures de liquidation.
Le règlement prévoit aussi certaines règles en ce qui concerne la primauté de la loi de l'État sur le territoire duquel a été ouverte la procédure principale.
Cette loi s'exportera dans toute l'Union, sauf le cas où une procédure territoriale a été ouverte, auquel cas on appliquera la loi de l'État sur le territoire duquel a été ouverte la procédure territoriale, mais dans les limites du territoire de cet État.
Par contre, les deux directives relatives aux établissements financiers consacrent plutôt le principe de la primauté de l'État sur le territoire duquel est situé le siège de l'entreprise, notamment parce que ce type de société est soumis à un contrôle prudentiel assez strict, et qu'il paraissait logique de ne pas permettre d'ouvrir des procédures territoriales à l'encontre des succursales, mais de consacrer les principes d'unité et d'universalité.
Les deux textes organisent une collaboration entre les autorités compétentes.
À la différence du règlement, la directive prévoit que les autorités de l'État membre sur le territoire duquel est située une succursale n'ont qu'un rôle d'avertisseur, mais ne peuvent en aucun cas prendre des mesures de redressement ou de cessation des activités à l'encontre des établissements.
Le professeur Fallon ajoute que, puisque les directives consacrent le principe de l'universalité, lorsque l'entreprise d'assurances a son siège en Belgique, les tribunaux belges seront exclusivement compétents. Lorsque l'entreprise a son siège en France, les tribunaux français seront exclusivement compétents, sans aucune possibilité de faillite locale.
Lorsque l'entreprise a son siège aux États-Unis, les tribunaux belges ne seront pas compétents.
Le régime de la directive, qui est destinée à couvrir les cas communautaires, simplifie les choses, parce qu'il ne laisse plus de place à une compétence en droit commun. Il s'en déduit que les tribunaux belges ne seront pas compétents lorsque les entreprises financières auront leur siège principal dans un pays tiers.
Si le règlement avait adopté la solution de l'universalité, l'exercice s'en serait trouvé considérablement simplifié.
C'est parce que cette possibilité nouvelle de faillite locale est ouverte que la combinaison entre droit commun et droit communautaire est délicate.
Amendement nº 90
M. Zenner dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/6, amendement nº 90), tendant à remplacer l'article 116.
L'alinéa 1er proposé est un « condensé » de la disposition.
En droit belge, parmi les procédures collectives fondées sur l'insolvabilité figure notamment la liquidation déficitaire volontaire ou forcée, ce qui n'est pas le cas dans le règlement. Celui-ci a procédé par voie d'énumération de l'ensemble des procédures visées dans chaque pays.
Il n'est évidemment pas possible ici de couvrir le monde entier. Il fallait donc avoir recours à une notion relativement large.
D'autre part, les directives concernant des organismes particuliers les organismes financiers ne visent que les établissements de crédit et les entreprises d'assurances, à l'exclusion des entreprises d'investissement qui fournissent des services impliquant la détention de fonds ou de valeurs mobilières de tiers, ainsi que des organismes de placement collectif.
Il a paru opportun de préciser explicitement que ces derniers tombent sous le coup de ce droit commun-ci.
M. Hugo Vandenberghe se demande s'il y a lieu de le mentionner expressément dans le texte.
M. Zenner répond qu'au départ, on n'avait pas prévu de procéder ainsi, mais que les professeurs ont estimé qu'il y avait quelque utilité à le faire.
Le professeur Erauw note que le règlement sème lui-même la confusion par les exclusions qu'il contient en son article 1er, alinéa 2. Le règlement exclut lui-même les matières en question de son propre champ d'application.
M. Hugo Vandenberghe fait remarquer qu'en tout état de cause, le règlement prime la loi. L'alinéa 1er de l'article proposé est formulé en termes généraux et l'intervenant pense qu'il suffit d'indiquer l'interprétation souhaitée dans la justification.
Le professeur Fallon reconnaît qu'il y a un problème technique à étendre le domaine du règlement qualitate qua aux entreprises visées à l'alinéa 2.
Cela fonctionne pour les entreprises « pays tiers ». Par contre, pour les entreprises situées dans un État membre autre que la Belgique, on aboutirait à une solution illogique.
Le règlement répartit les compétences et comporte des règles uniformes pour l'ensemble des États membres.
Or, on se trouve ici dans une hypothèse où l'on étendrait le domaine du règlement en dehors de ses prévisions.
Si cela ne soulève pas de problème institutionnel au regard du droit communautaire, il faut cependant vérifier si cela fonctionne.
Ainsi, si l'on prévoit que, lorsqu'une entreprise a son centre en France, les tribunaux belges sont incompétents, c'est dans l'attente que les tribunaux français le soient. Mais rien ne garantit qu'ils le seront, puisque les Français n'auront pas nécessairement étendu le règlement.
Si l'on supprime toute référence à l'alinéa 2, le règlement ne sera jamais applicable à ces entreprises, lorsque le chapitre en discussion le sera.
Pour une entreprise établie en Belgique, l'article 118, § 1er, alinéa 2 jouera, et l'on utilisera le critère de l'établissement principal localisé en Belgique.
Le professeur Erauw souscrit à l'intervention de M. Vandenberghe. La règle de droit commun s'applique toujours. On peut donc biffer la mention expresse. Celle-ci n'est cependant pas dénuée d'utilité dans la mesure où cette règle suppose une tout autre extension que l'extension territoriale. Il s'agit en effet en l'espèce d'une extension matérielle du domaine. Le problème est surtout d'ordre légistique.
M. Zenner rappelle qu'au départ, la disposition en discussion n'avait pas été prévue parce qu'elle est en réalité superfétatoire. Cependant, elle n'en est pas pour autant inutile.
La préoccupation a été d'ordre pédagogique.
Dès lors que l'on applique en dehors de la Communauté européenne et au Danemark le système retenu par le règlement, dans toute la mesure du possible, sur la base de ce code, la logique va conduire le praticien à en déduire que cela ne s'applique pas aux établissements financiers, ni aux compagnies d'assurances, ni aux entreprises d'investissement qui fournissent des services impliquant la détention de fonds ou de valeurs mobilières de tiers.
Or, s'il est vrai que cela ne s'applique pas aux compagnies d'assurances ni aux établissements de crédit en raison de l'existence des deux directives précitées, en revanche, il n'y a pas de régime spécial européen pour ces entreprises-ci.
Le fait d'insérer la précision dans le texte lui-même et non dans les travaux préparatoires se justifie par le souci de s'assurer qu'elle n'échappera pas aux praticiens.
M. Hugo Vandenberghe observe que les amendements ne prévoient pas que l'on applique le règlement européen sur l'insolvabilité au reste du monde. La justification de l'amendement nº 107, notamment, indique que les règles belges de droit international privé commun s'inspirent des principes du règlement sur l'insolvabilité.
L'amendement à l'article 116 va beaucoup plus loin que le texte initial en prévoyant que les hypothèses que le règlement exclut sont couvertes ici. L'alinéa 2 prévoit un critère temporel et n'a pas sa place dans un code.
La ministre déclare, à propos de l'ensemble des articles, qu'une question résolue de longue date est celle de savoir si les faillites internationales qui échappent au champ d'application du règlement devaient obéir à des règles différentes de celles que celui-ci contient.
Il a été décidé qu'il convenait d'étendre le mécanisme du règlement à toutes ces faillites.
Se posait également la question de la formulation concrète de cette extension.
L'intervenante pense que sur le plan des principes, il n'est pas souhaitable de reproduire dans la loi belge les dispositions d'un règlement européen qui, dans la hiérarchie des normes, est supérieur à la loi belge et risque de lui faire concurrence, tant sur le plan de l'application que sur le plan de l'interprétation des dispositions.
Toutefois, les dispositions reprises ici, et qui reflètent le règlement, s'appliqueraient à une hypothèse différente, dans un champ d'application différent de celui du règlement.
La présente discussion témoigne de la complexité de la question, et du fait que cette matière risque de susciter certains débats.
Le souci de sécurité juridique doit aussi entrer en ligne de compte.
Sur le fond, le gouvernement n'est pas opposé aux amendements mais il souhaiterait quelques éclaircissements sur l'un ou l'autre point.
Pour M. Hugo Vandenberghe, l'article 116 décrit simplement l'application du droit international privé belge aux procédures d'insolvabilité. Le champ d'application de ces procédures y est défini plus largement que celui du règlement européen, sans que cela soit contraire au droit européen. On peut élaborer des règles pour d'autres procédures que celles prévues dans le règlement européen.
Amendement nº 106
MM. Zenner et Hugo Vandenberghe déposent un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/6, amendement nº 106), tendant à remplacer l'article 116.
Cet amendement comporte des améliorations techniques par rapport à l'amendement nº 90 de M. Zenner.
Le professeur Fallon rappelle que, dans l'article 116, qui définit le domaine d'application du chapitre sur l'insolvabilité, une disposition prévoyait l'application du texte aux entreprises de placement collectif.
Il paraissait judicieux de supprimer cette disposition, et d'en reprendre simplement la teneur dans la justification. C'est ce que fait l'amendement.
L'amendement nº 90 est retiré.
L'amendement nº 106 est adopté à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 117
Amendement nº 91
M. Zenner dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/6, amendement nº 91), tendant à remplacer l'article 117.
Il a semblé utile, pour la compréhension du texte, de rassembler, dans une deuxième disposition, des définitions de la procédure d'insolvabilité, de la procédure principale, de la procédure territoriale, du règlement sur l'insolvabilité, et de l'administrateur étranger (correspondant en Belgique au « curateur »).
M. Hugo Vandenberghe souligne que cela implique une modification fondamentale de l'article 117.
Amendement nº 107
MM. Zenner et Hugo Vandenberghe déposent un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/6, amendement nº 107), tendant à remplacer l'article 117.
Cet amendement remplace l'amendement nº 91, auquel il apporte des améliorations techniques.
L'amendement nº 91 est retiré.
L'amendement nº 107 est adopté à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 118
Amendement nº 92
M. Zenner dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/6, amendement nº 92), tendant à remplacer l'article 118.
Dans cet article sont définis les seuls cas dans lesquels les juridictions belges sont compétentes pour ouvrir une procédure d'insolvabilité.
Le premier cas est l'application de l'article 3 du règlement européen sur l'insolvabilité, c'est-à-dire lorsque le centre des intérêts principaux se trouve en Belgique.
Les deux autres cas ne sont pas visés par le règlement sur l'insolvabilité.
Cela s'applique aux pays que ce règlement ne couvre pas, c'est-à-dire le Danemark et les pays non membres de l'Union européenne.
Dans ces cas, les tribunaux sont compétents :
pour ouvrir une procédure principale lorsque l'établissement principal ou le siège statutaire d'une personne morale est situé en Belgique, ou lorsque le domicile d'une personne physique est situé en Belgique;
pour ouvrir une procédure territoriale, lorsque le débiteur possède un établissement situé en Belgique.
On a supprimé la présomption selon laquelle l'établissement principal est au siège statutaire, pour éviter que les sociétés ne puissent se soustraire à la compétence des juridictions belges en déplaçant leur siège statutaire à l'étranger.
La ministre observe que, s'agissant des procédures qui viseraient des entreprises non couvertes par le règlement, on s'écarte de la solution de ce dernier. Tant l'établissement principal que le siège statutaire, lorsqu'ils sont situés sur le territoire belge, justifieraient la compétence des juridictions belges et l'application de la loi belge.
La ministre a des réticences par rapport à la justification, qui considère que cette solution résulte de la définition de l'article 109 et « se justifie par le fait que le choix du débiteur d'établir son siège statutaire en Belgique doit emporter l'application du droit belge aux questions importantes liées à la vie sociétaire ... ».
Mais ici, on se trouve dans une hypothèse de lex societatis, et non de lex concursus. Faut-il forcément appliquer la même solution lorsque le droit de l'insolvabilité est concerné ? Cette solution ne risque-t-elle pas de créer des difficultés vis-à-vis de pays tiers ?
M. Zenner rappelle que, lors de la première lecture, il avait beaucoup été question de fraude à la loi. L'on avait conclu qu'il fallait éviter autant que possible de recourir à des notions vagues.
L'expérience montre qu'un jeu se fait, dans certaines conditions, par des entreprises en difficulté, sur les plans interne et international; il s'agit de déplacements de siège, pour éviter l'intervention de certains tribunaux.
On sait par exemple que les services de dépistage de Bruxelles sont assez actifs.
En cas de difficulté, la société est mise en liquidation, ou déplace son siège vers un arrondissement jugé moins répressif.
La même technique s'applique sur le plan international, comme la jurisprudence en montre des exemples.
En pratique, il est parfois difficile de définir ce qu'est un établissement principal.
Peut-on encore prononcer la faillite lorsque le siège statutaire a été déplacé ? La réponse est positive et, pour éviter toute difficulté, on a finalement retenu le texte proposé, qui a été suggéré par M. Verougstraete.
En ce qui concerne la différence avec le critère européen, elle se justifie par les difficultés d'application de ce dernier.
Il existe actuellement une jurisprudence très disparate, qui tient en fait à la volonté des tribunaux anglais de dominer le droit de la faillite internationale en interprétant la notion de centre des intérêts principaux d'une personne morale comme se rattachant aux intérêts principaux du groupe.
Les Anglais ont tendance à considérer que, dès lors qu'existe un groupe de sociétés, dont le centre des intérêts principaux est en Grande-Bretagne, toutes les sociétés filiales, où qu'elles se trouvent, ont également leur siège en Grande-Bretagne. Cela a d'ailleurs suscité une révolte des juridictions étrangères, comme le tribunal de commerce de Tongres, qui a refusé de reconnaître ces jugements anglais.
L'option prise par l'amendement permet d'éviter ce genre de problème, en conservant une certaine compétence aux tribunaux belges.
M. Hugo Vandenberghe estime qu'il y a une différence entre le fait de déroger au règlement et le fait d'y être contraire. On peut déroger à un règlement si l'on rend les obligations encore plus strictes.
L'intervenant peut marquer son accord sur l'amendement de M. Zenner.
M. Zenner ajoute que, dans le passé, le droit anglais attribuait compétence aux tribunaux anglais pour prononcer une faillite si le débiteur se trouvait, même momentanément, en Angleterre, ou avait séjourné en Angleterre.
Il est difficile, pour les magistrats anglais, de se détacher de la situation passée.
La ministre comprend le but de sécurité poursuivi par l'amendement. Elle se demande cependant si la difficulté n'aurait pas été mieux résolue dans le cadre de l'article 121, en prévoyant une sanction à la reconnaissance de la décision étrangère, pour le cas où celle-ci aurait été manifestement abusive dans l'interprétation de la notion d'établissement principal.
Le professeur Erauw précise que le groupe de travail qui a rédigé le code est parfaitement conscient de la primauté des règles du règlement européen. C'est pourquoi l'article 118 dispose très clairement que la compétence des juridictions belges est déterminée avant tout par le règlement sur l'insolvabilité. L'attention des lecteurs est donc attirée sur la hiérarchie des normes.
Si l'article 3 du règlement sur l'insolvabilité n'est pas applicable, la règle belge y supplée.
Amendement nº 108
MM. Zenner et Hugo Vandenberghe déposent un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/6, amendement nº 108), tendant à remplacer l'article 118.
Cet amendement remplace l'amendement nº 92, auquel il apporte des améliorations techniques.
L'amendement nº 92 est retiré.
L'amendement nº 108 est adopté à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 119
Amendement nº 93
M. Zenner dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/6, amendement nº 93), tendant à remplacer l'article 119.
M. Zenner précise que cet amendement ne vise qu'une clarification.
La commission avait considéré que le renvoi pur et simple au règlement posait des problèmes, et avait décidé de reformuler de manière autonome la plupart des règles et principes résultant du règlement sur l'insolvabilité, en tant que règles du droit belge.
C'est ce que fait l'amendement. Il commence par une disposition générale relative au champ d'application de la lex concursus, et par une référence plus explicite aux questions juridiques mentionnées dans le règlement sur l'insolvabilité, comme tombant sous le champ d'application de cette loi.
La justification rappelle quelle est la teneur de cet article du règlement.
Les exceptions sont inspirées de celles prévues au règlement. Il y a toutefois une modification, tenant aux droits intellectuels.
Le règlement contient une règle particulière prévoyant qu'un jugement unique et final soit rendu au sein des États membres par le tribunal de la procédure principale, sur la question des droits intellectuels.
Ceci tient à l'organisation d'une réglementation uniforme, au niveau européen, en matière de marques et de brevets, qui justifie qu'un seul tribunal s'en occupe.
Comme il n'existe rien d'analogue au niveau mondial, on a estimé ne pas pouvoir transposer cette solution dans notre droit international privé.
La ministre observe que, s'agissant de la compensation, le texte s'écarte du rapport Virgos et du considérant 26 du règlement, qui précise que le droit du créancier d'invoquer la compensation de sa créance est subordonné à la circonstance que la loi de la procédure principale refuse la compensation.
D'autre part, le rapport Virgos précise que le droit applicable à la créance du débiteur insolvable est le droit de l'insolvabilité, et pas seulement le droit commun.
M. Hugo Vandenberghe renvoie au § 2, 2º, de l'article 119 proposé par l'amendement, qui le dit explicitement.
Le professeur Fallon précise que le règlement comporte, pour ce genre de dispositions, certaines incertitudes, sinon certaines anomalies sur le plan du droit international privé.
Dans les articles 5 et 6, qui concernent respectivement les droits réels et la compensation, ainsi que dans l'article relatif à la réserve de propriété, tous points visés ici au § 2, 1º à 3º, le règlement prévoit que la procédure n'affecte pas les droits réels, ni la compensation, ni la réserve de propriété, lorsque les biens sont situés dans un autre État.
Pour la compensation, le texte ajoute « lorsque cette compensation est permise par la loi applicable à la créance du débiteur insolvable ».
Le texte du règlement comprend donc une règle matérielle, alors que le préambule indique que ces articles comportent des règles de conflit de lois.
Il y a là une certaine ambiguïté, que la Cour de Justice devra lever.
Comme on se trouve ici en dehors de l'hypothèse du règlement, et que le législateur belge dispose dès lors d'une autonomie, il est préférable d'avoir une règle claire.
Dans le cadre du Code de droit international privé, il s'agit uniquement d'énoncer des règles de rattachement, c'est-à-dire de déterminer quel est le droit applicable, quel que soit le contenu matériel de ce droit.
L'article proposé montre qu'il en est ainsi.
L'éventuelle modification du droit de la faillite en ce qui concerne l'incidence d'une procédure de faillite sur certains droits réels est une question de droit matériel, qui doit être réglée par le droit applicable.
Pour le surplus, l'article proposé, comme l'article 6 du règlement, se réfère à la loi applicable à la créance du débiteur insolvable.
La ministre renvoie au considérant 26 du règlement, qui prévoit : « si la loi de l'État d'ouverture n'admet pas la compensation, un créancier a néanmoins droit à une compensation, si celle-ci est permise en vertu de la loi applicable à la créance du débiteur insolvable. »
Cette possibilité est donc soumise à une condition, qui ne se trouve pas dans le texte proposé.
M. Zenner répond que notre loi n'admet pas la compensation en cas de faillite (sauf en cas de connexité). On se trouve donc dans le cas de figure visé par le règlement.
La ministre réplique que si notre droit l'admettait, il y aurait lieu de modifier cette disposition.
M. Zenner fait observer qu'il a été convenu de ne pas toucher au droit matériel. Cependant, dans un autre contexte, il partage le point de vue du gouvernement et espère qu'une adaptation rapide en ce sens pourra avoir lieu.
Le professeur Fallon conclut que, le jour où le législateur modifiera le droit matériel de la faillite, il devra être attentif à l'impact de cette modification sur les questions de droit international privé.
Amendement nº 103
M. Zenner signale qu'une nouvelle version de l'amendement, légèrement adaptée par les professeurs, est déposée (doc. Sénat, nº 3-27/6, amendement nº 103 de MM. Zenner et Hugo Vandenberghe).
Le professeur Erauw observe que l'article est très long et ne contient que des règles de référence. Le nouvel amendement ne modifie en rien le contenu et ne propose qu'une autre division (réaménagement en quatre paragraphes plutôt qu'en trois). Il s'agit donc de corrections techniques et d'une restructuration.
À propos du § 3, 4º, de l'amendement, la ministre observe que cette disposition est le pendant de l'article 11 du règlement, qui précise que les effets de l'ouverture de la procédure en question sont régis par la loi de l'État membre sous l'autorité duquel le registre est tenu.
Le texte repris ici sous le § 3, 4º, est différent, puisqu'il vise le droit applicable aux droits du débiteur.
Le professeur Fallon répond que l'on voit ici pourquoi le texte du droit commun doit s'écarter du règlement. La formule proposée par le § 3, 4º, arrivera au même résultat que le règlement. Elle s'explique par le fait que l'on se trouve ici dans le cadre d'un code global.
En effet, la formule du § 3, 4º, se réfère à la règle de rattachement applicable en la matière. Cette règle figure au chapitre des droits réels. Celui-ci contient une règle de conflit de lois spéciale concernant les hypothèses où le droit est inscrit dans un registre. La règle de conflit de lois désigne précisément la loi du lieu du registre.
Le fait que l'on procède ici à une codification globale a pour conséquence que l'on ne peut répéter plusieurs fois la même règle de rattachement. La règle de rattachement pertinente se trouve au chapitre des droits réels et ici, il a suffi de se référer à ce chapitre, ce que le règlement ne pouvait pas faire. En effet, dans l'état actuel de ses compétences normatives, le législateur communautaire n'est pas en mesure de prendre des codifications globales.
Amendement nº 109
MM. Zenner et Hugo Vandenberghe déposent un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/6, amendement nº 109), tendant à remplacer l'article 119.
Cet amendement se substitue aux amendements nºs 93 et 103, auxquels il apporte des améliorations techniques.
Les amendements nºs 93 et 103 sont retirés.
L'amendement nº 109 est adopté à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 120
Amendement nº 94
M. Zenner dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/6, amendement nº 94), tendant à remplacer l'article 120.
M. Zenner précise que cet amendement tient compte de l'échange de vues qui a eu lieu à propos de cet article lors de la première lecture.
Le principe de l'obligation d'une coopération de curateur à curateur est maintenu, mais à deux conditions : la réciprocité, et le caractère raisonnable des frais que cela suppose.
M. Hugo Vandenberghe propose de remplacer, dans le texte néerlandais de l'intitulé de l'article 120, les mots « informeren » et « samenwerken » respectivement par les mots « informatie » et « samenwerking ».
La commission se rallie à cette suggestion.
M. Hugo Vandenberghe demande un complément d'explications quant aux effets de l'amendement sur une affaire comme celle de Lernout et Hauspie.
Le professeur Erauw répond que l'article conserve une part d'incertitude. On espère que le droit des États étrangers en matière d'insolvabilité se montrera enclin aussi à coopérer. C'est pourquoi on a prévu explicitement la réciprocité. On a le sentiment qu'on aurait pu faire davantage dans l'affaire Lernout et Hauspie si l'on avait réussi à établir une coopération constructive avec un curateur américain. Il n'y a cependant aucune garantie.
Le présent article autorise les curateurs belges à comparer les coûts et les avantages de la collaboration, sous la surveillance du juge-commissaire.
L'article 121 complète le système. Cet article relatif à la reconnaissance fait deux choses. D'une part, il permet de vérifier que les curateurs n'ont pas exercé plus de compétences à l'étranger qu'il n'y a lieu. D'autre part, il impose les principes qui ont été formulés à l'article 119. L'article 119 garantit par exemple qu'un contrat de travail ou un droit réel établi dans un régime juridique déterminé continue à être régi par le droit applicable au contrat de travail ou au droit réel. Si nos curateurs collaborent avec d'autres, ils doivent vérifier que ces derniers observent les mêmes restrictions.
Les articles 119, 120 et 121 forment un tout.
M. Hugo Vandenberghe demande comment on compte faire respecter ces règles, par exemple aux États-Unis.
Le professeur Erauw répond que ces règles ne sont pas contraignantes aux États-Unis. Mais il y a la règle de reconnaissance de l'article 121. Le droit privé international belge fait une offre de collaboration dans un esprit internationaliste. S'ils ne coopèrent pas et édictent au contraire une règlementation unilatérale, nous ne pourront probablement pas reconnaître leurs décisions selon l'article 121, pour autant qu'elles tendent à sortir leurs effets chez nous.
Le professor Fallon précise qu'à l'origine, il considérait lui aussi que les devoirs de coopération n'existaient que lorsqu'il existait un accord formel de réciprocité, c'est-à-dire un traité.
M. Verougstraete a toutefois souligné que, dans la pratique, il n'en allait pas nécessairement ainsi.
La portée juridique de la règle est de donner, en quelque sorte, une compétence d'attribution au curateur.
À défaut d'une telle règle, ce serait laissé à l'initiative du curateur, sans même que l'on sache s'il a le pouvoir de le faire.
La clarification est donc utile.
En termes de politique législative, elle montre que le législateur belge fait l'effort d'une politique de coopération quand cela est possible.
M. Hugo Vandenberghe fait observer qu'il s'agit en fait d'une règle de droit interne, qui implique une discussion plus approfondie.
On donne en l'occurrence un très grand pouvoir au curateur.
M. Zenner rappelle que, lors de la première lecture, il avait manifesté un certain scepticisme quant à l'utilité d'une telle disposition, parce qu'il s'agit d'un idéal.
De plus, de lege lata, l'intérêt de la masse, qui est le critère de la conduite du curateur, l'oblige, chaque fois que les créanciers y ont un intérêt, à poser un acte, dans la mesure où il est raisonnable par rapport à son coût.
L'intervenant a connu des cas de coopération internationale dans des faillites avec la France, la Grèce, les Pays-Bas, par exemple dans le cas des sociétés immobilières, actives sur la Côte d'Azur et à Knokke, où la coopération entre curateurs était très utile.
Pour ce qui concerne les États-Unis, il s'agit essentiellement d'une question de coût.
Un arrêt récent d'une juridiction fédérale américaine a d'ailleurs mis un frein à la propension de certains tribunaux américains à vouloir tout diriger à l'étranger, en remettant en cause la possibilité pour le juge américain d'interdire à une partie étrangère de saisir son juge naturel en vue d'une expertise, d'une mesure provisoire en référé, etc.
Il reste que, dans des affaires très importantes, où existent des enjeux symboliques, le droit est parfois écarté purement et simplement, et qu'il n'y a pas de volonté de coopérer.
Le texte proposé a le mérite de formuler un idéal et d'inciter à la coopération, moyennant les conditions de coopération réciproque et du caractère raisonnable des frais.
M. Hugo Vandenberghe se réfère à l'alinéa 2 de l'article proposé, où il est prévu que les devoirs décrits à l'alinéa 1er ne doivent être respectés que dans la mesure où les frais d'inscription, de publicité et de coopération ne sont pas déraisonnables. Il appartient au curateur d'apprécier ce caractère raisonnable ou déraisonnable.
M. Zenner déclare que l'on peut difficilement imaginer que le curateur doive, à chaque instant, se rendre au tribunal. On pourrait envisager une intervention du juge-commissaire.
Aujourd'hui déjà, la liberté d'action du curateur est beaucoup plus réduite qu'elle ne l'était voici cinq ou dix ans.
Comment pourrait-on subordonner le critère de proportionnalité à l'appréciation du juge-commissaire ?
Un curateur prudent aborde la question avec son juge-commissaire, mais il est vrai que l'attitude de ce dernier peut varier selon les cas.
M. Hugo Vandenberghe renvoie à l'affaire Lernout et Hauspie. Lors de la procédure de liquidation, d'énormes honoraires ont été payés en Belgique.
M. Zenner répond que c'est le tribunal qui en fixe le montant, en application d'un barème légal.
M. Hugo Vandenberghe souligne qu'il ne parle pas des honoraires des curateurs, mais de ceux des liquidateurs.
L'intervenant renvoie à une interview, au cours de laquelle M. Hauspie avait, à tort ou à raison, attaqué le montant de certaines rémunérations.
La distance qui sépare la réalité économique et les honoraires est en effet parfois très grande.
La ministre indique que le gouvernement n'a aucune objection en ce qui concerne l'article 120 proposé par l'amendement en discussion.
Amendement nº 110
MM. Zenner et Vandenberghe déposent un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/6, amendement nº 110), tendant à remplacer l'article 120.
Cet amendement remplace l'amendement nº 94, auquel il apporte des améliorations techniques.
L'amendement nº 94 est retiré.
L'amendement nº 110 est adopté à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 121
Amendements nºs 95 et 104
M. Zenner dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/6, amendement nº 95), tendant à remplacer l'article 121.
Cet amendement est ensuite redéposé moyennant quelques améliorations techniques (doc. Sénat, nº 3-27/6, amendement nº 104 de MM. Zenner et Vandenberghe).
M. Zenner indique que l'amendement reprend le principe général de la reconnaissance de plano des décisions étrangères.
En revanche, en vue d'une protection de nos intérêts, la reconnaissance de décisions relatives à des procédures principales étrangères peut être limitée lorsque le juge belge considère qu'une telle procédure principale doit être ouverte en Belgique.
Une nouvelle limitation a été formulée pour les procédures territoriales qui ne peuvent pas étendre leurs effets aux biens situés sur un territoire étranger.
Le professeur Erauw souligne qu'il n'est pas proposé de modifications quant au fond. Il existe une reconnaissance de plano des jugements de faillite étrangers et de la compétence de l'administrateur étranger.
Deux aspects distincts sont explicités, à savoir la décision étrangère dans une procédure principale et la décision étrangère dans une procédure territoriale. Il est possible de reconnaître une procédure principale étrangère, mais on formule plus de restrictions qu'auparavant (dans l'esprit de l'article 119). S'il s'agit d'une faillite principale, on part du principe que l'administrateur a plus d'autorité et un rôle centralisateur dans le cadre de la coopération.
Le § 4 consacre deux exceptions concernant la compétence du tribunal qui accorde l'exequatur. L'orateur renvoie à la justification de l'amendement.
Amendement nº 83
Le gouvernement dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/6, amendement nº 83), tendant à modifier l'article 121.
La ministre précise que cet amendement et l'amendement nº 104 de MM. Zenner et Hugo Vandenberghe se complètent utilement, notamment sur le plan de la protection des intérêts belges en la matière, des garanties des créanciers eux-mêmes et de la présence éventuelle de l'établissement principal sur le territoire belge.
Sans doute serait-il opportun de regrouper ces deux amendements dans un même texte.
Le professeur Erauw se réfère à la discussion de l'article 23, dans le cadre de laquelle le gouvernement avait annoncé un amendement pour modifier la compétence. Entre-temps, des aspects complémentaires ont été examinés qui sont totalement intégrés dans l'amendement nº 95 de M. Zenner.
Le professeur Fallon souligne qu'il existe une différence d'approche entre les deux amendements.
Dans le § 4 qui attribue compétence au tribunal de commerce, l'amendement de MM. Zenner et Vandenberghe exclut cette compétence lorsque le débiteur n'a pas la qualité de commerçant selon le droit belge.
L'amendement du gouvernement ne prévoit pas cette exclusion.
Pour le surplus, les deux textes sont effectivement complémentaires.
M. Zenner attire l'attention sur le fait que l'on arrive ici au terme des dispositions sur l'insolvabilité, mais que les articles 133 et 134 ramèneront à cette matière.
Peut-être l'article 133 devra-t-il aussi être adapté, compte tenu du fait que le critère du siège social a été retenu en même temps que celui du principal établissement.
Le professeur Fallon rappelle que l'article 133 propose de modifier l'article 631 du Code judiciaire, pour que cet article consacre le critère de l'établissement principal, retenu aussi par la proposition de loi initiale.
Cependant, la proposition telle qu'amendée prévoit désormais aussi une compétence internationale lorsque le siège statutaire est en Belgique.
Qu'en est-il dans un cas où la compétence internationale des tribunaux belges est fondée sur le siège statutaire en Belgique, alors que l'établissement principal se trouve dans un pays tiers ?
L'article 118 dit seulement que les tribunaux belges dans leur ensemble sont compétents pour connaître de ce cas, sans dire quel est le tribunal en Belgique qui pourra ouvrir la procédure. Pour le connaître, il faut se reporter à l'article 631 du Code judiciaire.
Tel qu'il est proposé de le reformuler, celui-ci prévoit que l'on peut agir devant le tribunal du lieu de l'établissement principal.
M. Zenner indique qu'il faut être attentif à l'évolution récente de l'article 631.
En effet, il y a une distorsion dans la réforme de 1997, où, pour le concordat, on avait retenu l'établissement principal, et pour la faillite, le siège social ou le domicile.
Ensuite, une courte loi a adapté ce système, en retenant le siège dans les deux cas.
Le professeur Fallon précise que, dans l'exemple qu'il vient de donner, lorsque l'établissement principal est situé dans un pays tiers, et le siège statutaire en Belgique, la compétence internationale des tribunaux sera fondée sur l'article 118. En consultant l'article 631, nouvellement rédigé selon l'article 133 de la proposition à l'examen, on constatera que celui-ci ne trouve pas à s'appliquer, puisque l'établissement est à l'étranger.
Mais il n'y a pas de lacune, car l'article 13 du code comporte une disposition générale prévoyant que, lorsque le Code judiciaire ne suffit pas à fixer la compétence territoriale, on revient au code, et l'on applique le critère de compétence internationale pour fixer la compétence territoriale.
Dans le cas de figure indiqué, lorsque le siège statutaire est en Belgique :
1º on constate qu'il existe une compétence internationale des tribunaux belges sur base de l'article 118;
2º pour rechercher la compétence territoriale, on consulte d'abord l'article 631 du Code judiciaire, mais celui-ci ne trouve pas à s'appliquer;
3º on en revient au code, dont l'article 13 renvoie à l'article 118 pour fixer la compétence territoriale : le tribunal qui ouvrira la faillite est celui du lieu du siège statutaire. Mais le professeur Fallon admet que, dès lors que le nouvel article 118 introduit le critère du siège statutaire, la raison d'être d'une nouvelle modification de l'article 631 au profit du critère de l'établissement principal n'apparaît plus aussi nettement.
M. Zenner en conclut que l'article 133 semble dès lors inutile.
M. Hugo Vandenberghe demande si l'on veut supprimer entièrement l'article 133. Cela ne paraît pas évident.
M. Zenner répond que l'on se proposait d'opérer une modification législative, qui est survenue dans l'intervalle dans le cadre d'une loi spéciale.
La ministre confirme qu'il existait une distorsion entre les faillites et le concordat judiciaire en ce qui concerne le critère de compétence, et que cette distorsion a été supprimée par une loi de 1998.
Amendement nº 111
MM. Zenner et Vandenberghe déposent un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/6, amendement nº 111), tendant à remplacer l'article 121.
Cet amendement remplace les amendements nºs 95 et 104, auxquels il apporte des améliorations techniques.
Les amendements nºs 83 du gouvernement, et 95 et 104 de M. Zenner sont retirés.
L'amendement nº 111 est adopté à l'unanimité des 14 membres présents.
Articles 122 à 124
Ces articles ne suscitent pas d'observations. Ils sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 125
Amendement nº 84
Le gouvernement dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/6, amendement nº 84), tendant à remplacer la première phrase du § 2 de l'article 125.
La ministre souligne que le gouvernement n'est pas opposé à l'introduction du trust dans le code de droit international privé. L'amendement proposé, qui est plutôt d'ordre technique, étend la disposition à l'ensemble des droits réels en insérant les mots « actes d'acquisition ».
L'amendement nº 84 et l'article 125 ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 126
Amendement nº 101
Le gouvernement dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/6, amendement nº 101), tendant à compléter le § 2 de l'article 126 par un troisième alinéa.
La ministre précise que l'amendement tend à insérer dans les dispositions transitoires une règle relative au mariage entre personnes du même sexe.
L'amendement nº 101 et l'article 126 ainsi amendé sont adoptés par 11 voix et 3 abstentions.
Article 127
Amendement nº 102
Le gouvernement dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/6, amendement nº 102), tendant à insérer dans l'article 127 des §§ 2bis et 5bis nouveaux.
La ministre précise que l'amendement (§ 2bis) tend à insérer dans les dispositions transitoires une règle relative au mariage entre personnes du même sexe (voir aussi l'amendement nº 101 à l'article 126).
Le § 5bis proposé concerne la disposition transitoire relative aux biens culturels. L'article 90 n'a pas d'effet rétroactif.
L'amendement nº 102A est adopté par 11 voix et 3 abstentions et l'amendement nº 102B est adopté à l'unanimité des 14 membres présents.
L'article 127 ainsi amendé est adopté par 11 voix et 3 abstentions.
Article 128
Cet article n'appelle pas d'observations. Il est adopté à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 128bis (nouveau)
Amendements nºs 119, 120 et 122
M. Hugo Vandenberghe dépose les amendements nºs 119, 120 et 122 (doc. Sénat, nº 3-27/6) visant à insérer un article 128bis.
L'amendement nº 119 modifie l'article 63, § 1er, alinéa 2, du Code civil.
Pour la discussion, l'intervenant renvoie à l'article 44.
Les amendements nºs 119, 120 et 122 sont retirés.
Article 129
Cet article n'appelle pas d'observations. Il est adopté à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 129bis (nouveau) (article 130 du texte adopté)
Amendement nº 85
Le gouvernement dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/6, amendement nº 85), tendant à insérer un article 129bis (nouveau).
La ministre précise que l'amendement concerne la loi sur l'adoption et vise à supprimer, dans l'article 359-3 du Code civil, les mots « Les règles de droit international privé et ». L'article 71 de la proposition à l'examen rend en effet superflu ce membre de phrase.
L'article 85 est adopté à l'unanimité des 14 membres présents.
Articles 130 et 131 (articles 131 et 132 du texte adopté)
Ces articles n'appellent pas d'observation. Ils sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 132 (article 133 du texte adopté)
Amendement nº 86
Le gouvernement dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/6, amendement nº 86), tendant à remplacer l'article 132 et son intitulé.
La ministre note que l'amendement proposé vise à mettre le Code judiciaire en conformité avec l'article 121 qui confie au tribunal de commerce la reconnaissance et l'exequatur des décisons judiciaires étrangères en matière d'insolvabilité.
L'amendement nº 86 est adopté à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 133 (article 134 du texte adopté)
Amendement nº 112
MM. Zenner et Vandenberghe déposent un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/6, amendement nº 112), tendant à supprimer les §§ 1er et 3 de l'article 133, et à en remplacer le § 2.
L'article 133 concerne la compétence territoriale interne. Tel que formulé dans la proposition, il tendait à modifier l'article 631 du Code judiciaire, qui traite de la compétence territoriale en matière de faillites.
L'article 631 du Code judiciaire, dans sa version actuelle, utilise comme critère de compétence, pour les personnes physiques, l'établissement principal, et pour les sociétés, le siège social.
Dans la version initiale de la proposition de loi, pour la compétence internationale, il était suggéré d'abandonner le critère du siège social pour ne retenir que celui de l'établissement principal.
La série d'amendements déposés par M. Zenner aux articles 116 et suivants tend, pour la compétence internationale, à retenir également, pour les personnes morales, le critère du siège statutaire.
Par conséquent, en ce qui concerne la compétence internationale interne, il n'est plus approprié de supprimer, dans l'article 631 du Code judiciaire, la référence au critère du siège social.
Toutefois, une correction technique à l'article 631 est nécessaire en ce qui concerne les procédures territoriales. Cette correction est proposée dans l'amendement nº 112.
M. Zenner rappelle que la question du choix de l'établissement ou du siège social comme critère de la compétence territoriale du tribunal de commerce pour la déclaration de faillite de sociétés, a une longue histoire.
La loi a varié plusieurs fois sur ce point.
L'article 440 de la loi de 1851 sur les faillites attribuait compétence au tribunal de commerce du domicile du failli en termes généraux.
Le domicile de référence était celui existant au moment de la cessation de paiement plutôt qu'au moment de la déclaration de la faillite, règle dictée à l'époque par le souci d'éviter qu'un débiteur virtuellement failli échappe à la compétence de son juge naturel en transférant son domicile dans un autre arrondissement judiciaire.
On entendait par domicile le lieu du principal établissement commercial.
Cette règle a prévalu de 1851 à 1967, jusqu'à l'adoption du Code judiciaire.
Après celle-ci, rejetant la thèse des juges de fond, la Cour de cassation a décidé que, pour les personnes physiques, le domicile devait être interprété au sens du Code judiciaire, c'est-à-dire le lieu où le commerçant est inscrit à titre principal sur les registres de la population.
Cela a suscité beaucoup de difficultés en pratique.
La Cour de cassation considérait que, pour les sociétés commerciales, il s'agissait du siège social, pour autant qu'il soit réel.
Lors de la préparation de la réforme de 1997, la question s'est posée de savoir s'il fallait en revenir au principal établissement ou au siège social.
Le premier projet de réforme (nº 631), établi par la Commission Krings, retenait à l'égard des commerçants le domicile au sens du lieu d'inscription, et pour les sociétés commerciales le siège social.
Ces choix étaient justifiés par la considération que ces critères « ont l'avantage de la simplicité et de la stabilité et évitent en outre les conflits positifs de juridictions. »
Ces critères ont été maintenus dans le projet suivant (nº 330).
Le Sénat et la Chambre ont longuement discuté de la question de savoir quel était le régime le plus opportun.
On a admis qu'il fallait maintenir le principal établissement pour les commerçants personnes physiques, et le siège social pour les sociétés.
Cependant, à la suite d'un amendement dont la portée n'a pas été envisagée au moment de son dépôt, cette règle a été modifiée pour ce qui concerne la faillite, tout en la conservant pour le concordat.
Les difficultés pratiques qui s'en sont suivies ont mené à l'adoption, le 27 mai 1998, d'une première loi de réparation, qui a modifié l'article 631 du Code judiciaire pour revenir, dans tous les cas, tant en matière de faillite que de concordat, au critère du siège social pour les sociétés commerciales.
La paix judiciaire s'est faite sur cette base. La question se posait à présent de savoir s'il fallait à nouveau revenir en arrière.
Après en avoir délibéré avec les professeurs et avec M. le président Verougstraete, les auteurs des amendements ont considéré qu'il valait mieux s'en tenir à la solution retenue par le législateur dans la réforme de 1997 telle que proposée, et dans la loi de 1998.
La ministre déclare pouvoir se rallier à l'ensemble des amendements nºs 106 à 112 déposés par MM. Zenner et Vandenberghe.
L'amendement nº 112 et l'article 133 ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité des 13 membres présents.
Article 134 (article 135 du texte adopté)
Cet article n'appelle pas d'observation. Il est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.
Article 134bis (nouveau) (article 136 du texte adopté)
Amendement nº 36
Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/3, amendement nº 36), tendant à insérer un article 134bis (nouveau).
L'auteur rappelle qu'une personne qui fait établir son acte de naissance à l'étranger, par exemple aux États-Unis, peut, selon ce pays, ressortir à une autre nationalité que la nationalité belge, peut obéir à d'autres règles que les règles belges en matière de nom de famille, et peut par exemple recevoir le nom du père et de la mère.
Les personnes voulant faire la démarche de transcription non seulement dans les registres étrangers, mais auprès des autorités diplomatiques belges, rencontrent régulièrement des difficultés, parce que l'acte de naissance, tel qu'il est établi à l'étranger, ne peut être accepté ni transcrit en Belgique, le port d'un double nom étant normalement impossible pour un ressortissant belge.
C'est pourquoi l'auteur de l'amendement souhaite voir modifié le décret du 6 fructidor an II.
Elle propose de libeller comme suit le § 1er, alinéa 1er: « Une personne physique se trouvant en Belgique ne peut porter d'autre identité que celle exprimée dans son acte de naissance établi en Belgique ou, s'il a été établi à l'étranger, dans son acte de naissance ayant force probante en Belgique selon les dispositions de la présente loi. »
L'ajout de la seconde partie de la phrase aurait pour effet d'obliger les autorités belges à l'étranger à prendre en compte l'acte de naissance tel que rédigé dans le pays étranger.
M. Hugo Vandenberghe se demande s'il ne s'agit pas là d'un problème de droit matériel, plutôt que de droit international privé.
Le professeur Erauw a l'impression que l'amendement a trait à la reconnaissance des actes relatifs au nom. Cela concerne deux séries de règles de droit qui figurent déjà dans le code, à savoir les dispositions relatives à la reconnaissance des actes et les dispositions relatives au nom et à la question de savoir si certaines personnes peuvent ou non changer de nom à l'étranger. Les agents consulaires et diplomatiques belges sont soumis aux dispositions du code à l'examen. L'intervenant craint qu'une législation trop détaillée ne crée d'autres problèmes.
La ministre estime que le problème évoqué dans la justification ne doit pas être résolu par une modification de nos règles de droit international privé.
Une première piste serait de changer les règles du droit matériel belge concernant l'attribution du nom. L'amendement nº 36 n'apporte qu'une solution très partielle au problème évoqué. Seule une faible minorité de citoyens pourraient bénéficier du régime proposé, à savoir ceux qui, par les effets du hasard, sont binationaux et lorsque le droit de l'État de leur seconde nationalité prévoit des règles d'attribution du nom différentes de celles prévues par le droit belge.
L'intervenante pense qu'une seconde piste de solution est envisageable si l'on modifie la procédure de changement de nom. Elle précise que l'amendement nº 52 du gouvernement (doc. Sénat, nº 3-27/4) permet au binational qui possède à la fois la nationalité belge et celle d'un autre État de l'Union européenne, d'obtenir, par changement de nom, le nom qu'il aurait porté si on avait appliqué la loi de l'autre pays de l'Union européenne en matière de détermination du nom. Cette solution est conforme à la jurisprudence de la Cour de justice.
La ministre estime que l'amendement est de nature à susciter une série de difficultés pratiques. Celui-ci veut étendre aux étrangers vivant en Belgique les principes du décret du 6 fructidor an II, ce qui n'est pas réaliste.
Elle rappelle que le décret n'est, pour des raisons pragmatiques, pas appliqué de manière stricte aux situations internationales. L'oratrice cite l'exemple de la zaïrisation des noms décidée par voie législative. Notre pays a accepté que les Zaïrois portent leur « nouveau » nom même si celui-ci ne correspondait plus au nom mentionné dans l'acte de naissance. L'amendement a pour conséquence de rendre au décret de fructidor une valeur qu'il n'a plus actuellement.
L'oratrice constate par ailleurs que le § 2 proposé concernant l'usage de surnoms ou pseudonymes contient une règle de droit matériel qui n'est pas à sa place dans un code de droit international privé.
Elle soulève une dernière objection concernant la solution proposée à l'amendement nº 36 (doc. Sénat, nº 3-27/3). Celui-ci pourrait avoir pour conséquence que les différents enfants d'une même famille ne portent pas le même nom patronymique selon leur lieu de naissance.
M. Thissen prend acte du fait qu'une solution est proposée par la procédure de changement de nom. Cela ne vise cependant que les citoyens de pays membres de l'Union européenne. Il existe une série d'autres situations internationales auxquelles aucune réponse satisfaisante n'est donnée. L'amendement permet de résoudre certains problèmes dans l'attente d'une réforme plus large de la législation sur l'attribution du nom dont on peut se demander quand elle aboutira.
Mme de T' Serclaes demande si la procédure de changement de nom, telle qu'elle est proposée par le gouvernement à l'amendement nº 52 (doc. Sénat, nº 3-27/4), permet de régler le problème de l'enfant belge né au Canada, évoqué dans la justification de l'amendement nº 36 de Mme Nyssens (doc. Sénat, nº 3-27/3).
La ministre répond que dans l'amendement nº 52, le gouvernement fait une application stricte de la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes (arrêt Garcia Avello du 2 octobre 2003). L'amendement ne vise que les situations de binationaux qui ont à la fois la nationalité belge et celle d'un des États membres de l'Union.
Elle n'est cependant pas opposée à l'idée d'élargir la solution proposée aux autres personnes binationales dont la deuxième nationalité n'est pas celle d'un État membre de l'Union.
La ministre reconnaît enfin que l'exemple cité par Mme Nyssens est sympathique et qu'il est tentant de vouloir y apporter une solution. Elle rappelle cependant que le code de droit international privé est un outil destiné à contenir des règles générales et cohérentes.
Or, la solution proposée à l'amendement nº 36 (doc. Sénat, nº 3-27/3) met cette cohérence en péril car elle déroge au principe défini à l'article 3, § 2, selon lequel, lorsqu'une personne a plusieurs nationalités, c'est la nationalité belge qui prime si celle-ci figure parmi ses nationalités.
Le professeur Erauw estime que l'exemple évoqué suscite effectivement une certaine sympathie. On ne peut toutefois pas légiférer en se basant sur quelques cas individuels, sinon la législation serait trop détaillée. En outre, la proposition de Mme Nyssens ne résout pas le problème de la contradiction entre les actes belges et les actes étrangers. Elle soulèverait même plus de problèmes qu'elle n'en résoudrait. L'intervenant fait référence à l'article 27; il n'est pas nécessaire de répéter cette règle. D'ailleurs, cela ne permettrait pas de résoudre quoi que ce soit.
Le professeur Fallon souligne qu'il convient d'éviter tout risque de contradiction entre ce qui pourrait figurer dans ces dispositions, et les règles de droit international privé.
Il estime qu'il ne suffit pas qu'un Belge aille faire naître un enfant à l'étranger, dans un pays où son acte de naissance pourra comporter la mention de deux noms, pour lui donner droit à la détermination du nom selon cet acte de naissance.
Si l'amendement était néanmoins retenu, il faudrait en tout cas, au § 3, supprimer les mots « ou dans les décisions judiciaires ».
En effet, l'une des ambiguïtés du texte est précisément de savoir si l'on peut s'adresser ou non au juge.
Si celui-ci doit statuer sur le nom en Belgique, il appliquera les règles de droit international privé et ne sera pas nécessairement tenu par les mentions de l'acte de naissance étranger.
Mme Nyssens répète qu'à son estime, il ne s'agit pas d'un problème de droit matériel, mais d'une question de reconnaissance de l'acte de naissance. Elle cite l'exemple d'un Espagnol vivant en Belgique. Son acte de naissance porte deux noms. On ne lui interdira pas de porter ces deux noms en Belgique.
Le professeur Fallon renvoie aux règles actuelles de droit international privé, ainsi qu'au chapitre du projet de code qui concerne le nom, et en particulier aux articles relatifs à la détermination du nom d'un Belge et à la reconnaissance de décisions étrangères et d'actes publics étrangers en matière de nom.
Mais l'article sur la reconnaissance exige pour le Belge que le droit belge sur le nom soit respecté, indépendamment des cas européens, où l'exception « Garcia Avello » a été introduite.
Dans le cas, par exemple, d'un enfant belge né au Canada, la détermination du nom se fera en fonction du droit belge et le contenu de l'acte établi au Canada devra être écarté.
Mme Nyssens rappelle l'existence d'un correctif en ce qui concerne les binationaux.
Le professeur Fallon répond que, abstraction faite des cas de l'Union européenne, tant selon la pratique actuelle que selon le projet de code, en cas de conflit de nationalité belgo-canadienne, la nationalité belge sera en principe préférée.
La ministre confirme que la solution passerait par une réforme du droit matériel et qu'il ne faudrait pas passer par le détour de l'acte de naissance étranger pour contourner l'application normale des règles de dévolution du nom.
Il vaudrait mieux ne pas toucher au décret du 6 fructidor an II et en laisser la révision à la future réforme de la législation relative au nom.
L'amendement nº 36 de Mme Nyssens est rejeté par 11 voix contre 1 et 2 abstentions.
Amendement nº 87
Le gouvernement dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/6, amendement nº 87), tendant à insérer un article 134bis (nouveau).
L'amendement vise à aligner la terminologie du Code des sociétés sur celle du projet de code.
L'article 58 du Code des sociétés contient en effet une règle relative aux sociétés étangères, qui retient comme critère « le siège réel ».
L'amendement tend à remplacer ce dernier par celui de l'établissement principal.
L'amendement nº 87 du gouvernement est adopté à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 134ter (nouveau) (article 137 du texte adopté)
Amendement nº 37
Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-27/3, amendement nº 37), tendant à insérer un article 134ter (nouveau).
Cet article nouveau a pour but d'imposer à l'autorité, que ce soit l'officier de l'état civil ou le juge, d'attirer l'attention de la personne concernée, dans tous les cas où elle obtiendrait en Belgique un changement d'état civil qui pourrait ne pas être reconnu à l'étranger.
Le professeur Erauw estime que la responsabilité ne doit pas incomber aux agents de l'état civil. Le législateur belge a décidé de ne pas considérer le droit national de la personne. Le citoyen est censé connaître la loi. L'amendement lui semble trop moralisateur et superflu. L'effet limité du droit international privé est bien connu.
La ministre partage l'avis du professeur Erauw. L'amendement suscitera nombre de questions chez les justiciables et ne favorisera pas la sécurité juridique. L'agent de l'état civil peut être confronté à pas mal de questions auxquelles on ne peut répondre.
Le professeur Fallon ajoute que, si l'amendement était retenu, il serait préférable de ne pas l'étendre aux décisions judiciaires.
À titre de comparaison, l'amendement nº 39 déposé par Mme de T' Serclaes à l'article 46 comportait cette obligation, mais dans l'hypothèse très précise du mariage de personnes de même sexe, où la règle de rattachement conduira à étendre l'application du droit belge à des cas où, auparavant, ce droit ne devait pas s'appliquer.
Par contre, établir cette obligation d'avertissement de manière générale paraît peu praticable, si l'on considère le nombre d'actes internationaux que les officiers de l'état civil sont amenés à passer.
Quelle serait par ailleurs la sanction en cas de non-respect de cette obligation ?
Mme Nyssens demande si, dans la pratique, les officiers de l'état civil jouent un rôle de conseil, même si cela ne rentre pas dans leur mission légale.
Le professeur Erauw répond que les fonctionnaires sont tenus, dans l'exercice de leur fonction, de contrôler le respect de la loi. Il existe notamment une circulaire ministérielle sur les mariages fictifs qui leur fait jouer un rôle proactif et poser des questions. Il s'agit d'un rôle difficile, d'autant plus que nos fonctionnaires sont peu encadrés.
Aux Pays-Bas et en Allemagne, par exemple, ils bénéficient d'une formation permanente. Un fonctionnaire exerce avant tout une fonction exécutive et doit pouvoir appliquer la loi en toute sérénité. Il faut se garder d'obliger les fonctionnaires à tenir des interrogatoires ou de leur attribuer un rôle de consultant. En revanche, ils doivent contrôler la légalité des actes.
Amendement nºs 96 et 113
M. Zenner dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/6, amendement nº 96), tendant à insérer un article 134bis (nouveau).
Il indique qu'outre la question de lisibilité du texte, se pose un problème de fond quant au fait de tenir compte ou non du crédit à l'étranger.
Actuellement, la loi prévoit que la faillite est subordonnée à deux conditions de fond, indépendamment de la condition de commercialité : il faut que le débiteur soit en état de cessation de paiement persistant et que son crédit soit ébranlé.
L'amendement supprime la condition d'ébranlement du crédit pour une faillite territoriale. Les tribunaux belges pourraient donc déclarer la faillite de l'établissement d'une société dont le siège social est à l'étranger et qui, elle, demeure in boni.
Cette formule a des avantages mais peut aussi paraître choquante à certains égards.
M. Hugo Vandenberghe demande s'il ne s'agit pour le juge que d'une possibilité.
M. Zenner répond par la négative.
La loi prévoit que la personne qui a cessé ses paiements de manière durable et dont le crédit est ébranlé est en état de faillite. Le tribunal doit le constater.
M. Hugo Vandenberghe précise qu'il s'agit de la même société qui a un établissement en Belgique et dont les sièges sociaux et d'exploitation sont à l'étranger. Elle a des actifs à l'étranger alors qu'en Belgique, son crédit est ébranlé et elle n'est plus en mesure de respecter ses obligations. Se pose alors la question de savoir si l'on tient compte des moyens financiers dont cette entreprise dispose à l'étranger. Est-ce un motif suffisant pour rejeter la demande de faillite en Belgique ?
M. Coveliers estime que le problème se pose surtout lorsque les sièges se situent dans un pays où il est difficile d'exporter.
M. Zenner se réfère à une situation comparable à celle de Renault Vilvorde, où l'on imaginerait que Renault Vilvorde ne soit qu'un simple établissement, et non une société filiale.
On peut se dire qu'il y a intérêt pour les travailleurs à déclarer la faillite, parce que cela fait valoir un ensemble de droits sociaux, par exemple à l'égard du Fonds d'indemnisation.
En revanche, il est assez choquant que la « maison-mère » puisse abandonner sans plus un établissement.
M. Hugo Vandenberghe précise que la question est de savoir comment le juge va apprécier la situation à l'étranger. L'intervenant estime qu'il n'y a pas d'automatisme.
La ministre souligne que, dans le cadre de la réforme de 1997, on s'est longuement interrogé sur la pertinence du critère de l'ébranlement du crédit. Il a été retenu, notamment, parce qu'il aurait permis, même si la société était en état de faillite, d'autoriser une liquidation comme alternative à la faillite.
Dans ce cas de figure, le critère de l'ébranlement du crédit présentait encore un intérêt certain. En effet, si l'un ou l'autre créancier n'avait plus confiance dans le débiteur, il pouvait toujours le citer en faillite et le tribunal aurait reçu la demande.
Dès lors que l'on a une procédure territoriale, n'est-ce pas en définitive l'aspect territorial belge qu'il faut appréhender et exclure toute considération relative au crédit à l'étranger ?
M. Zenner déclare que l'on pourrait garder les critères traditionnels, en prévoyant qu'ils s'apprécient uniquement au regard de la situation en Belgique.
Ce serait alors au juge à déterminer si le crédit dont la société dispose encore à l'étranger a un impact sur sa situation en Belgique.
M. Hugo Vandenberghe estime que pour évaluer dans quelle mesure un crédit est ébranlé, on ne peut pas exclure que l'on tienne compte aussi du crédit à l'étranger. Ce serait une violation du principe de proportionnalité.
L'amendement nº 37 de Mme Nyssens est rejeté par 11 voix contre 1 et 2 abstentions.
L'amendement nº 96 de M. Zenner est retiré.
L'amendement nº 113 de MM. Zenner et Hugo Vandenberghe est adopté à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 135 (article 138 du texte adopté)
Amendement nº 38
Mme Nyssens dépose l'amendement nº 38 (doc. Sénat, nº 3-27/3), qui vise à compléter l'article 135 par un 10º.
Amendement nº 88
Le gouvernement dépose l'amendement nº 88 (doc. Sénat, nº 3-27/6) qui vise à supprimer l'abrogation des articles 344 à 344quater du Code civil car ces dispositions ont été remplacées par la loi du 24 avril 2003 réformant l'adoption.
Le gouvernement propose d'autre part d'abroger l'article 145 de la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers. Cet article, qui règle le droit applicable à la cession de créance, devient sans objet à la suite de l'amendement nº 70 du gouvernement (doc. Sénat, nº 3-27/6). L'idée est en effet d'insérer, à l'article 87 du code, une règle générale sur le droit applicable à la cession de créance.
Amendement nº 116
Le gouvernement dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-27/6, amendement nº 116), tendant à supprimer le 8º de l'article 135.
Cette modification purement technique est une conséquence de l'amendement nº 96 de M. Zenner proposant d'insérer un article 134bis nouveau.
L'amendement nº 38 est retiré.
Les amendements nºs 88 et 116 du gouvernement, ainsi que l'article 135 tel qu'amendé, sont adoptés à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 136 (article 139 du texte adopté)
Amendement nº 89
Le gouvernement dépose l'amendement nº 89 (doc. Sénat, nº 3-27/6) qui modifie le régime d'entrée en vigueur du nouveau code. Il est proposé que la loi entre en vigueur le premier jour du septième mois suivant sa publication au Moniteur belge.
Cet amendement est adopté à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 57
M. Mahoux précise que le vote de son groupe se justifie par la volonté de ne pas voir inscrite dans la loi la reconnaissance de la répudiation et, d'autre part, de prendre en compte les situations spécifiques des femmes étrangères qui se trouvent en Belgique, et qui, sinon, subiraient ce que l'on peut qualifier de « double peine ».
La ministre ajoute qu'à cet égard, la formulation de l'amendement de Mme de T' Serclaes traduit parfaitement ce souci puisque, d'une part, il rappelle le principe du refus d'une reconnaissance de situations de répudiation et permet d'autre part, par dérogation, d'éviter une double victimisation.
Article 77
M. Mahoux précise qu'il s'abstiendra lors du vote des articles relatifs aux successions car la discussion de ces articles n'a pas totalement apaisé ses craintes au sujet de la garantie des droits des réservataires de nationalité belge (y compris le conjoint survivant).
L'option prise de privilégier la cohérence ne lui semble pas disposer de plus de légitimité que celle qui garantit les droits reconnus à nos compatriotes en droit belge.
Article 87
M. Zenner déclare qu'il s'abstiendra sur l'amendement nº 70, ainsi que sur l'article 87. Il renvoie à cet égard aux observations qu'il a formulées lors de la discussion.
La ministre remercie les professeurs pour l'ampleur et la qualité du travail qu'ils ont accompli.
Elle remercie également la commission et se réjouit qu'un travail approfondi en vue d'une codification attendue ait pu être mené à terme.
La ministre ajoute qu'elle demandera à la Chambre un examen rapide du texte.
M. Hugo Vandenberghe s'associe à l'intervention de la ministre et remercie les professeurs pour le travail qu'ils ont accompli. Il remercie aussi les fonctionnaires de l'administration ainsi que la ministre et ses collaborateurs pour leur contribution constructive. Les membres de la commission de la Justice ont fait en sorte que la discussion d'un sujet aussi complexe et technique puisse se dérouler dans un climat très positif.
La proposition de loi amendée a été adoptée à l'unanimité des 14 membres présents.
Le rapport a été approuvé par les 10 membres présents.
Les rapporteurs, | Le président, |
Clotilde NYSSENS. Luc WILLEMS. |
Hugo VANDENBERGHE. |
(1) Cass. 6 août 1852, Pas. 1852, I, qui a instauré l'application de la théorie de l'unité et de l'universalité de la faillite.
(2) Convention du 8 juillet 1899 conclue par la Belgique et la France; Convention du 28 mars 1925, conclue par la Belgique et les Pays-Bas; Convention du 16 juin 1959 conclue par la Belgique et l'Autriche; Convention du 2 mai 1934 conclue entre la Belgique et le Royaume-Uni.
(3) Sauf la Convention avec le Royaume-Uni qui n'est pas limitée à la faillite et est utile à certains égards pour la reconnaissance de décisions anglaises qui ne tombent ni dans le champ d'application du règlement, ni dans celui du règlement Bruxelles I sur la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale.
(4) Légistique formelle, « Recommandations et formules », Conseil d'État, bureau de coordination, novembre 2001, nº 3.1, p. 17 et suivantes.
(5) L'argument selon lequel la notion de compensation utilisée à l'article 6.1 du règlement doit s'entendre comme englobant les accords de « close-out netting » et que les deux concepts seraient interchangeables ne nous semble pas convaincant étant donné qu'à l'occasion d'autres directives européennes, prises il est vrai dans des domaines plus spécifiques aux marchés financiers, le législateur européen a expressément différencié les notions de compensation et de « close-out netting ». Ainsi, l'article 23 de la directive 2001/24/CE concernant l'assainissement et la liquidation des établissements de crédit protège la compensation contre la mise en oeuvre de mesures d'assainissement ou l'ouverture d'une procédure de liquidation de l'établissement de crédit dans des termes analogues à ceux du règlement, tandis que son article 25 offre une protection aux accords de « netting » en les soumettant exclusivement à la lex contractus. De même, la directive concernant les contrats de garantie financière et la directive dite « finalité » font expressément référence au mécanisme de « netting ». Il nous semble dès lors que le législateur européen ne considère pas les notions de compensation et de « close-out netting » comme des institutions équivalentes et que l'on peut donc difficilement interpréter l'article 6.1 du règlement qui ne vise expressément que la compensation comme offrant la même protection contre l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité aux accords de « close-out netting ».
(6) Commentaires généraux, exposé des motifs du projet de loi ayant pour objet de transposer les deux directives banques et assurances.
(7) L'article 3 du règlement dispose que :
« Compétence internationale
1. Les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure d'insolvabilité. Pour les sociétés et les personnes morales, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu'à preuve contraire, être le lieu du siège statutaire.
2. Lorsque le centre des intérêts principaux du débiteur est situé sur le territoire d'un État membre, les juridictions d'un autre État membre ne sont compétentes pour ouvrir une procédure d'insolvabilité à l'égard de ce débiteur que si celui-ci possède un établissement sur le territoire de cet autre État membre. Les effets de cette procédure sont limités aux biens du débiteur se trouvant sur ce dernier territoire.
3. Lorsqu'une procédure d'insolvabilité est ouverte en application du paragraphe 1, toute procédure d'insolvabilité ouverte ultérieurement en application du paragraphe 2 est une procédure secondaire. Cette procédure doit être une procédure de liquidation.
4. Une procédure territoriale d'insolvabilité visée au paragraphe 2 ne peut être ouverte avant l'ouverture d'une procédure principale d'insolvabilité en application du paragraphe 1er que :
a) si une procédure d'insolvabilité ne peut pas être ouverte en application du paragraphe 1er en raison des conditions établies par la loi de l'État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur; ou
b) si l'ouverture de la procédure territoriale d'insolvabilité est demandée par un créancier dont le domicile, la résidence habituelle ou le siège se trouve dans l'État membre sur le territoire duquel est situé l'établissement concerné, ou dont la créance a son origine dans l'exploitation de cet établissement. »
(8) C.J.C.E. 22 février 1979, Gourdain c. Nadler, aff. 133/78, Rec. 1979, p. 733; Krings, « L'application de la Convention de Bruxelles de 1968 par la Cour de justice des Communautés européennes », C.D.E. 1981, p. 151 et s.; Civ. Gand, 1er février 1996, RGDC 1997, p. 334.
(9) Pas. 1979, I, p. 1129; Pas. 1981, I, p. 653.
(10) Liège, 13 juin 1983, Jur. Liège, 1983, p. 561; Comm. Bruxelles, 24 juin 1997, RDC, 1997, p. 312 et suiv.
(11) Cass. 18 février 1999, J.L.M.B. 1999, p. 974, T.R.V. 1999, 419, note J. Windey; voyez aussi App. Bruxelles 18 juin 1996, note V. Marquette, « la faillite internationale : observations sur l'application du traité franco-belge du 8 juillet 1899 », RDC, 1997, p. 312 et s.
(12) L'article 4 du règlement énonce que :
« Loi applicable
1. Sauf disposition contraire du présent règlement, la loi applicable à la procédure d'insolvabilité et à ses effets est celle de l'État membre sur le territoire duquel la procédure est ouverte, ci-après dénommé « État d'ouverture ».
2. La loi de l'État d'ouverture détermine les conditions d'ouverture, le déroulement et la clôture de la procédure d'insolvabilité. Elle détermine notamment :
a) les débiteurs susceptibles de faire l'objet d'une procédure d'insolvabilité du fait de leur qualité;
b) les biens qui font l'objet du dessaisissement et le sort des biens acquis par le débiteur après l'ouverture de la procédure d'insolvabilité;
c) les pouvoirs respectifs du débiteur et du syndic;
d) les conditions d'opposabilité d'une compensation;
e) les effets de la procédure d'insolvabilité sur les contrats en cours auxquels le débiteur est partie;
f) les effets de la procédure d'insolvabilité sur les poursuites individuelles, à l'exception des instances en cours;
g) les créances à produire au passif du débiteur et le sort des créances nées après l'ouverture de la procédure d'insolvabilité;
h) les règles concernant la production, la vérification et l'admission des créances;
i) les règles de distribution du produit de la réalisation des biens, le rang des créances et les droits des créanciers qui ont été partiellement désintéressés après l'ouverture de la procédure d'insolvabilité en vertu d'un droit réel ou par l'effet d'une compensation;
j) les conditions et les effets de la clôture de la procédure d'insolvabilité, notamment par concordat;
k) les droits des créanciers après la clôture de la procédure d'insolvabilité;
l) la charge des frais et des dépenses de la procédure d'insolvabilité;
m) les règles relatives à la nullité, à l'annulation ou à l'inopposabilité des actes préjudiciables à l'ensemble des créanciers. »
(13) M. Virgos et E. Schmit, Rapport sur la convention relative aux procédures d'insolvabilité, nº 91.
(14) N. Watté et V. Marquette, « Le règlement communautaire du 29 mai 2000, relatif aux procédures d'insolvabilité », RDC, 2001, nº 33, p. 574.
(15) Une limite à la lex contractus consiste en le choix d'un type de sûreté existant dans le droit de l'État où est situé le bien (lex rei sitae).
(16) N. Watté, « Questions de droit international privé des sûretés » in Le droit des sûretés, Éd. Jeune Barreau, 1992, nº 91 et les références citées aux notes 153 et 154; I. Peeters, « Internationaal privaatrecht », Comm. Voorr., Kluwer, nº 7-8, nº 129 et suivants et les nombreuses références citées; V. Marquette, L'incidence du Règlement 1346/2000 relatif aux procédures d'insolvabilité sur les sûretés bancaires contractuelles, à paraître, in AEDBF, Les sûretés bancaires », nº 2. Certains auteurs minoritaires estiment que la lex concursus ne devrait en aucun cas limiter les droits des créanciers titulaires d'une sûreté en cas d'insolvabilité du débiteur (voy. not., L. Barnich, note sous Comm. Bruxelles, 25 janvier 1984, Clunet 1989, 1074 et suivantes; G. Van Hecke, « Le droit international privé des sûretés issues de la pratique », in Les sûretés, Feduci, p. 459). Selon un autre courant doctrinal encore, la lex concursus devrait être appliquée cumulativement à la lex rei sitae en sorte que pour sortir ses effets en cas de faillite du débiteur, la sûreté doit être reconnue tant par la lex rei sitae que par la lex concursus (not. H. Van Houtte, op. cit., 393, note 100bis).
(17) Avis du Conseil d'État, p. 245.