3-408/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2003-2004

10 DÉCEMBRE 2003


Proposition de loi portant modification de la loi organique des centres publics d'aide sociale

(Déposée par M. Christian Brotcorne)


DÉVELOPPEMENTS


Le 1er janvier 2004, cela fera quinze ans que la loi du 9 août 1988 portant modification de la loi communale, de la loi électorale communale, de la loi organique des centres publics d'aide sociale, de la loi provinciale, du Code électoral, de la loi organique des élections provinciales et de la loi organisant l'élection simultanée pour les chambres législatives et les conseils provinciaux, est entrée en vigueur. Cette loi du 9 août 1988 a fixé un régime spécial pour huit communes : Comines-Warneton, Fourons et les six communes de la périphérie bruxelloise.

Depuis 1988, la loi prévoit que, dans ces communes, les membres du conseil de l'aide sociale ainsi que les membres du bureau permanent ne sont plus choisis par les conseillers communaux après les élections, mais qu'ils sont désignés directement par l'assemblée des électeurs communaux selon le principe de la représentation proportionnelle. Selon son quotient électoral, chaque parti dispose d'un nombre de sièges directement attribués au conseil de l'aide sociale et au bureau permanent.

Il s'ensuit d'une part que le bureau permanent, dont la création est obligatoire dans les communes précitées, n'est plus nécessairement homogène. En effet, désormais, les membres du conseil de l'aide sociale sont directement désignés comme membres du bureau permanent indépendamment de la constitution d'une majorité politique.

D'autre part, les élections du conseil de l'aide sociale et de son bureau permanent étant séparées des élections communales, les résultats risquent de ne pas coïncider. Ainsi, l'on pourrait avoir des majorités multipartites différentes au sein du collège des bourgmestre et échevins et au sein du bureau permanent de l'aide sociale.

De plus, cette loi introduit l'obligation pour le bureau permanent de l'aide sociale de prendre ses décisions par consensus. L'ensemble de ces mesures revient donc à donner un droit de veto à tout membre du bureau permanent de l'aide sociale, même s'il appartient à la minorité non pas linguistique mais politique. En cas de blocage, une décision refusée pour défaut de consensus au sein du bureau permanent de l'aide sociale doit être remise en délibération au conseil de l'aide sociale. Ce système ralentit donc les travaux du bureau et est contraire à une gestion saine et efficace de l'intérêt communal.

L'objectif de cette loi dite de « pacification communautaire » était de protéger les minorités en leur accordant de droit une représentation au sein du bureau permanent du CPAS et en évitant leur minorisation au sein de celui-ci par le biais de la règle du consensus.

Si nous souscrivons à la philosophie de la loi lorsqu'elle aboutit effectivement à protéger la minorité, nous estimons qu'elle ne doit pas être appliquée lorsque ce n'est pas le cas, c'est-à-dire lorsque ce système aboutit à la constitution d'un bureau homogène sur le plan linguistique, car ses inconvénients sont réels.

Or, l'objectif de protection des minorités linguistiques, recherché par la loi, n'est pas atteint dans la commune de Comines-Warneton puisque aucun membre du bureau permanent de l'aide sociale du groupe linguistique minoritaire n'a été élu depuis 1988, pas plus qu'un conseiller de l'aide sociale. L'application de cette loi a abouti à ce qu'un bureau permanent de l'aide sociale tripartite ou bipartite francophone soit proclamé élu systématiquement alors que d'autres majorités politiques étaient possibles. Pire encore, la composition du bureau permanent impose également une composition bipartite ou tripartite dont le résultat ne reflète pas nécessairement, comme c'est le cas actuellement à Comines, celui de la « coalition » également imposée du collège échevinal.

Il est permis de se demander si le système tel qu'il fonctionne à Comines est bien compatible avec les exigences des articles 10 et 11 de la Constitution tels qu'ils ont été interprétés par la Cour d'arbitrage dans son arrêt du 23 mai 1990.

En effet, selon la Cour d'arbitrage, l'objectif des auteurs de la loi, lorsqu'ils ont traité différemment les communes de Comines-Warneton, de Fourons, ainsi que les six communes de la périphérie bruxelloise, était « d'assurer la pacification communautaire », (...), « permettre une participation harmonieuse des majorités et minorités linguistiques à la gestion communale et à rencontrer certains souhaits des minorités linguistiques. » (B.9.1). Selon la Cour, « les dispositions de la loi se justifient par l'intention de sauvegarder l'intérêt public supérieur, pourvu que les mesures prises puissent être raisonnablement considérées comme n'étant pas disproportionnées à l'objectif général poursuivi par le législateur » (B.9.2).

Or, selon la Cour d'arbitrage, « l'objectif d'une association de la minorité linguistique à la gestion des intérêts locaux est rencontré par la loi de pacification, le recours à l'élection directe assurant avec une plus grande probabilité la participation d'élus appartenant à la minorité linguistique au sein du conseil » (B.12.2.).

En conséquence de quoi, la Cour d'arbitrage conclut que, « comme les dispositions ne sont pas disproportionnées par rapport à l'objectif général de la loi, il n'y a pas de violation des articles 10 et 11 de la Constitution ».

Il est permis de douter que l'application du système à Comines est bien proportionnée à l'objectif poursuivi tel que défini par la Cour d'arbitrage, dès lors qu'il n'a jamais atteint cet objectif depuis que la loi est en vigueur.

Aussi, l'objectif de la présente proposition est de n'appliquer le régime dérogatoire de l'élection directe des membres du bureau permanent de l'aide sociale que lorsque celui-ci aboutit effectivement à protéger la minorité linguistique.

Christian BROTCORNE.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 77 de la Constitution.

Art. 2

Dans l'article 17bis, alinéa 1er, de la loi organique du 8 juillet 1976 des centres publics d'aide sociale, inséré par la loi du 9 août 1988, les mots « des communes de Comines-Warneton et » sont remplacés par les mots « de la commune ».

Art. 3

Un nouvel article 17ter, rédigé comme suit, est inséré dans la même loi organique :

« Art. 17ter ­ Pour la commune de Comines-Warneton, s'il ressort du résultat des élections communales qu'un représentant de la minorité linguistique a été élu, les membres du conseil de l'aide sociale sont élus conformément à l'article 17bis, alinéa 1er, dans les deux mois qui suivent l'élection. »

Art. 4

L'article 18ter de la même loi organique en devient l'article 18quater.

Art. 5

Un article 18ter, rédigé comme suit, est inséré dans la même loi organique :

« Art. 18ter ­ Toutefois, l'article 18bis ne s'applique pour la commune de Comines-Warneton que lorsque le conseil de l'aide sociale a été élu en application de l'article 17ter. »

Art. 6

Un nouvel article 21ter, rédigé comme suit, est inséré dans la même loi organique :

« Art. 21ter. ­ Toutefois, l'article 21bis ne s'applique pour la commune de Comines-Warneton que lorsque le conseil de l'aide sociale a été élu en application de l'article 17ter. »

Art. 7

L'article 25bis de la même loi organique est complété par un alinéa 3, rédigé comme suit :

« Toutefois, l'article 25bis ne s'applique pour la commune de Comines-Warneton que lorsque le conseil de l'aide sociale a été élu en application de l'article 17ter. »

Art. 8

Un nouvel article 27ter, rédigé comme suit, est inséré dans la même loi organique :

« Art. 27ter. ­ Toutefois, l'article 27bis ne s'applique pour la commune de Comines-Warneton que lorsque le conseil de l'aide sociale a été élu en application de l'article 17ter. »

Art. 9

Dans l'article 113 de la même loi organique, modifié par la loi du 9 août 1988, l'alinéa suivant est inséré entre les alinéas 2 et 3 :

« Toutefois, l'alinéa 2, ne s'applique pour la commune de Comines-Warneton que lorsque le conseil de l'aide sociale a été élu en application de l'article 17ter. »

19 novembre 2003.

Christian BROTCORNE.