3-332/3

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2003-2004

3 DÉCEMBRE 2003


Projet de loi relatif aux infractions terroristes


Procédure d'évocation


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE LA JUSTICE PAR MME de T' SERCLAES ET M. WILLEMS


I. PROCÉDURE

Le présent projet de loi, qui relève de la procédure facultativement bicamérale, a été adopté par la Chambre des représentants le 13 novembre 2003, par 131 voix contre 3 et 1 abstention. Il a été transmis le 14 novembre 2003 au Sénat, qui l'a évoqué le 26 novembre 2003.

La commission de la Justice l'a examiné lors de ses réunions des 2 et 3 décembre 2003, en présence de la ministre de la Justice.

II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE LA MINISTRE DE LA JUSTICE

Le projet de loi à l'examen vise avant toute chose à répondre aux obligations internationales de la Belgique en matière de lutte contre le terrorisme. En effet, l'objectif principal de ce projet est de transposer en droit belge les obligations qui découlent de la décision-cadre du Conseil de l'Union européenne relative à la lutte contre le terrorisme, dont la finalisation, dans le contexte que l'on connaît, a représenté, avec celle de la décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen, l'un des résultats majeurs de la présidence belge du Conseil de l'Union européenne en 2001. Cette décision-cadre, conformément à ce que préconisait une résolution du Parlement européen du 5 septembre 2001, vise à harmoniser les législations pénales des États membres, en imposant des prescriptions minimales en matière d'incrimination et de sanction dans le domaine du terrorisme.

C'est donc dans ce contexte asssez contraignant que doit être compris ce projet de loi, dont la ministre parcourt les points saillants.

Le droit pénal belge ne prévoit pas à l'heure actuelle de dispositions spécifiques en matière de terrorisme. Les principales nouveautés du projet de loi sont donc d'insérer la notion d'« infraction terroriste » (1) et celle de « groupe terroriste » (2) dans notre Code pénal.

(1) Le projet de loi définit les infractions terroristes, dans un nouvel article 137 du Code pénal, comme étant celles qui, par leur nature ou leur contexte, peuvent porter gravement atteinte à un pays ou à une organisation internationale et qui sont commises intentionnellement dans le but d'intimider gravement une population ou de contraindre indûment des pouvoirs publics ou une organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte, ou de gravement déstabiliser ou détruire les structures gouvernementales politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales d'un pays ou d'une organisation internationale.

Pour définir les comportements punissables, le projet de loi, d'une part, fait référence à une série d'infractions de droit commun dont les peines sont aggravées du fait de leur qualification terroriste, et d'autre part, détermine de nouveaux comportements qui n'étaient pas incriminés antérieurement dans le Code pénal de manière spécifique.

(2) Le projet de loi définit la notion de groupe terroriste, dans un nouvel article 138 du Code pénal, comme une association structurée de plus de deux personnes, établie dans le temps et qui agit de façon concertée en vue de commettre des infractions terroristes. À l'instar de ce qui existe pour les organisations criminelles (article 324bis du Code pénal), le projet de loi rend punissable la direction et la participation au groupe terroriste. Il prévoit également que ne peut être poursuivie comme groupe terroriste « une organisation dont l'objet réel est exclusivement d'ordre politique, syndical, philanthropique, philosophique ou religieux (...) », texte également présent à l'article 324bis du Code pénal.

Lors des travaux à la Chambre, un article nouveau a été inséré dans le projet avec le soutien du gouvernement. Il s'agit d'un nouvel article 141ter du Code pénal qui s'appliquerait à l'ensemble du nouveau titre insérant les infractions terroristes dans le Code pénal. Cet article précise qu'« aucune disposition (de ce) titre ne peut être interprétée comme visant à réduire ou à entraver les droits ou libertés fondamentales tels que le droit de grève, la liberté de réunion, d'association ou d'expression, y compris le droit de fonder avec d'autres des syndicats et de s'y affilier pour la défense de ses intérêts, et le droit de manifester qui s'y rattache ». En outre, l'article se réfère explicitement, mais non exclusivement aux articles 8 à 11 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Le projet de loi vise enfin à mettre en conformité le droit belge avec la Convention des Nations unies pour la répression du financement du terrorisme, signée par la Belgique le 27 septembre 2001. Une nouvelle incrimination a été introduite à cet égard, par le biais de l'insertion d'un nouvel article 141 au Code pénal, qui complète le projet de loi de manière à répondre adéquatement aux obligations en cette matière.

En ce qui concerne la compétence des cours et tribunaux belges, le projet de loi précise que pourra être poursuivi tout Belge ou toute personne ayant sa résidence en Belgique, qui commet une infraction terroriste en Belgique ou hors du territoire du Royaume (nouveau point 1erter introduit à l'article 6 du titre préliminaire du Code de procédure pénale), de même que toute personne qui aura commis une telle infraction contre un ressortissant ou une institution belge ou une institution de l'Union européenne (nouveau 4º, inséré à l'article 10ter du même titre).

La décision-cadre prévoit que les États membres doivent la mettre en oeuvre pour le 31 décembre 2002, mais l'évaluation de la manière dont les États s'acquittent de cette obligation est appréciée par le Conseil sur rapport de la Commission au 31 décembre 2003 au plus tard.

Nous avons déjà raté le premier rendez-vous fixé par le texte européen sous la précédente législature; afin de ne pas manquer le second, la ministre a fait déposer ce projet de loi à la Chambre des représentants dès la rentrée parlementaire de la présente session.

Ce projet présente d'une manière plus nettement équilibrée que ne le laisse entrevoir la décision-cadre à première lecture, un juste compromis entre les impératifs d'une lutte renforcée contre le terrorisme et la protection des valeurs fondamentales qui sous-tendent notre État de droit. C'est pourquoi la ministre invite les sénateurs à apporter leur soutien au texte tel qu'amendé par la Chambre et cela, comme à la Chambre, par-delà les clivages traditionnels distinguant majorité et opposition.

III. DISCUSSION GÉNÉRALE

A. Questions et observations des membres

M. Mahoux peut souscrire à l'intervention de la ministre. L'on pourrait craindre qu'un texte relatif à la lutte contre le terrorisme puisse entraîner une restriction des libertés individuelles. Cette crainte a été rencontrée par les corrections qui ont été apportées au texte initial de la décision-cadre et la définition même de la notion d'infraction terroriste, telle qu'elle figure à l'article 137 proposé, répondent à cette préoccupation relative aux libertés individuelles. D'autre part, les libertés syndicales sont rappelées dans la loi. Même si le Conseil d'État considère comme superfétatoire d'inscrire dans ce projet le rappel du respect des libertés, il paraît important de le faire, précisément afin d'assurer l'équilibre entre la garantie des libertés individuelles et la lutte contre le terrorisme.

L'intervenant ne trouve pas, dans la définition de l'infraction terroriste, telle qu'elle figure aux §§ 2 et 3, de référence explicite aux dégâts occasionnés à des systèmes informatiques et affectant la collectivité toute entière. La définition de l'infraction qui cause de tels dégâts est-elle incluse implicitement dans une autre définition ?

L'intervenant se réjouit du fait que les infractions maritimes sont également mentionnées.

M. Vankrunkelsven se dit préoccupé par la définition très vaste des infractions terroristes. Il rappelle aussi la préoccupation des organisations de défense des droits de l'homme à ce sujet. C'est ainsi que le § 1er de l'article 137 proposé qualifie d'infraction terroriste l'infraction consistant à contraindre des pouvoirs publics ou une organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte. Le § 2, 4º, fait référence aux dégradations responsables de pertes économiques considérables. La définition figurant à l'article 137 proposé est tellement vaste que certaines actions qui sont accomplies dans un dessein politique et qui sont susceptibles d'occasionner des dommages à certaines institutions tombent dans son champ d'application. L'intervenant évoque les actions auxquelles a donné lieu le stockage de déchets nucléaires à Kleine Brogel.

M. Hugo Vandenberghe souligne que tant la section française que la section néerlandaise de la Ligue des droits de l'homme ont demandé à être entendues dans le cadre de la discussion du présent projet.

Mme de T' Serclaes affirme n'être guère favorable à une audition. Les publications de la Ligue reflètent son point de vue de manière suffisante. Elle s'en remet à la sagesse de la commission sur ce point.

L'intervenante s'enquiert de l'état d'avancement de la transposition de la décision-cadre dans les autres pays européens. Comment les autres pays européens ont-ils transposé la décision-cadre dans leur ordre juridique interne ? L'ont-ils transposée de la même manière que dans le projet de loi à l'examen ? C'est important si l'on veut pouvoir garantir l'efficacité de la coopération internationale dans la lutte contre les infractions terroristes.

Une deuxième question a trait aux institutions qui existent au niveau européen, c'est-à-dire Europol et Eurojust. Quel sera leur rôle après la transposition de la décision-cadre; sera-t-il ou non renforcé ?

En troisième lieu, l'intervenante renvoie aux lois relatives à la criminalité organisée. Elle demande des précisions sur le parallélisme entre les mesures existantes relatives aux organisations criminelles et les mesures proposées dans le projet à l'examen. Y a-t-il un parallélisme parfait entre ces mesures ?

Elle fait en outre une observation concernant les textes internationaux qui existent en dehors du cadre européen. Comment le texte à l'examen s'articule-t-il sur les textes internationaux ? Une vaste politique de lutte contre le terrorisme paraît en effet nécessaire au niveau international.

Enfin, l'intervenante demande comment les services belges de renseignement seront associés à cette lutte. Elle renvoie à la note de politique dans laquelle la lutte contre le terrorisme et la mise à la disposition de moyens nouveaux sont considérées comme des priorités.

M. Willems souligne que le texte à l'examen s'inscrit dans un grand carcan européen qui ne laisse guère de marge de manoeuvre.

La définition du terrorisme soulève une série de questions. Cela n'a rien d'anormal, étant donné que la loi n'est pas encore appliquée dans la pratique. Il faudra voir comment les acteurs de terrain mettront en oeuvre la définition donnée, surtout dans le cadre de l'action publique (parquet, juges d'instruction, utilisation de méthodes policières). Les objections relatives à la violation des droits de l'homme seront confirmées ou infirmées au vu de la manière dont la législation sera mise en oeuvre au niveau du parquet et des services de police.

En ce qui concerne le droit matériel et, plus particulièrement, la définition de l'infraction terroriste, l'intervenant juge positif que l'on donne une formulation nouvelle à des infractions que l'évolution sociale fait naître sur le terrain. Pour l'instant, pareille définition n'existe pas et la police et les parquets sont contraints de recourir à une mosaïque de références à des dispositions du Code pénal, qui, en réalité, ne sont pas destinées aux faits concernés. Vu l'évolution internationale et la montée des mouvements terroristes et compte tenu du cadre créé par l'Europe, le texte à l'examen semble équilibré.

M. Van Duppen estime essentiel que la législation à l'examen bénéficie d'une large assise sociale. L'intervenant met également en doute l'affirmation selon laquelle la décision-cadre imposerait un carcan à la Belgique. Ne s'agit-il pas davantage d'une demande, d'un encouragement à lutter contre le terrorisme de la manière proposée ?

Qui plus est, les définitions en projet ne sont pas toujours claires et précises. L'intervenant renvoie au drame de Manage; s'agissait-il d'une prise d'otages ou pas ?

Il semble en tout cas nécessaire de réfléchir au texte à l'examen. L'intervenant propose dès lors d'entendre quelques organisations, comme la Ligue des droits de l'homme et, éventuellement, les organisations syndicales.

M. Ceder estime qu'il faut être prudent dans le choix des personnes que l'on choisira éventuellement d'entendre; ce n'est pas parce qu'une organisation inscrit les termes « droits de l'homme » dans sa dénomination qu'elle défend effectivement ces droits. Ainsi la Ligue des droits de l'homme, dont M. Vander Velpen est président, ne lui semble-t-elle pas représentative des associations qui veulent défendre les droits de l'homme.

La ministre estime qu'il n'est pas nécessaire d'organiser des auditions. Les objections que, par exemple, la Ligue des droits de l'homme avait émises concernent le texte avant sa modification par la Chambre. Les amendements adoptés à la Chambre répondent aux préoccupations en matière de droits de l'homme.

M. Hugo Vandenberghe confirme que l'initiative du gouvernement concernant le texte à l'examen fait suite à la décision-cadre de l'Union européenne adaptée après les événements du 11 septembre 2001. À l'époque, l'intervenant avait déjà soulevé le problème que pose le fait que des ministres, donc le pouvoir exécutif, décident en détail d'un texte de loi, en ne laissant guère aux Chambres la possibilité de l'amender, parce que la décision est prise au niveau européen.

Les parlements nationaux doivent être associés davantage à la préparation de pareilles décisions. Le Parlement a un rôle essentiel à jouer lorsqu'il s'agit de se prononcer sur des dispositions privatives de liberté et réprimant des infractions graves.

L'intervenant estime ensuite que la discussion concernant les lignes de démarcation éventuelles n'est pas nouvelle. Il rappelle les discussions qui ont eu lieu au cours de la précédente législature à propos du projet de loi relatif à la criminalité organisée, et au cours desquelles on a débattu des délits de participation à la criminalité organisée et d'appartenance à des organisations criminelles. On s'est interrogé, à l'époque, sur la question de savoir s'il fallait conserver ou non les références au terrorisme. Finalement, on a décidé de ne pas le faire.

Le problème des délits politiques se pose automatiquement. Vu la nature des peines, il n'est pas exclu que les infractions dans le texte à l'examen doivent être déférées à la cour d'assises. Le § 1er de l'article 137 contient l'élément moral. La définition figurant au § 1er est-elle ou non la définition d'un délit politique ? Le délit est-il potentiellement qualifiable de délit politique ? Si oui, il doit être jugé par la cour d'assises, ce qui constitue une garantie supplémentaire pour l'inculpé.

L'article 137, § 2, contient l'élément matériel et définit les infractions qui concrétisent l'élément moral.

Le § 3 proposé contient de possibles menaces supplémentaires qui élargissent l'élément matériel.

Pour ce qui est du drame de Manage, auquel il a été fait référence, indépendamment du fait que l'on puisse parler ou non en l'occurrence d'une prise d'otages, l'intervenant renvoie à l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme qui concerne les garanties en matière de privation de liberté. Une limitation ou une privation de la liberté constitue une atteinte aux droits constitutionnels, quel qu'en soit l'auteur. Le fait qu'elle émane des pouvoirs publics constitue une circonstance aggravante.

L'article 138 proposé fixe les peines.

L'article 139 proposé répond manifestement aux objections du Conseil d'État. Il y insiste sur la nécessité d'une association structurée et prévoit une exception pour les organisations dont l'objet réel est exclusivement d'ordre politique, syndical, philanthropique, philosophique ou religieux ou qui poursuivent exclusivement tout autre objectif légitime. L'intervenant renvoie au terme « exclusivement ». Dans bien des cas, on est confronté à des groupes à caractère mixte, conjuguant criminalité organisée et terrorisme. De quelle définition ces groupes relèvent-ils ? S'ils présentent un caractère mixte, ils relèvent vraisemblablement de la définition du terrorisme. Il y a un aspect complémentaire, en ce sens que leur caractère mixte peut signifier qu'ils se livrent à la criminalité organisée, au terrorisme et à des actions dans le domaine politique.

L'intervenant cite l'exemple du PKK. Si l'on fomente, en Belgique, une activité terroriste contre un État qui est membre d'une organisation internationale, commet-on le délit défini en l'espèce, compte tenu notamment de l'extension de la compétence des cours et tribunaux, entre autres à l'article 9 ?

Le Conseil d'État a formulé trois observations générales.

La première observation concerne l'admissibilité du projet au regard du principe de la légalité des incriminations (voir doc. Chambre, nº 51-0258/001, p. 25) ou l'application de l'article 7 de la CEDH. Le Conseil d'État arrive à la conclusion que les définitions de termes « groupe terroriste » et « infraction terroriste » auraient pu être plus précisés.

Une deuxième observation concerne la définition de l'infraction terroriste et son articulation avec d'autres définitions figurant dans le droit en vigueur (voir doc. Chambre, nº 51-0258/001, p. 31). L'intervenant voudrait savoir dans quelle mesure on a tenu compte de ces observations.

Le projet à l'examen décrit des infractions qui sont ajoutées à la liste figurant à l'article 90ter du Code d'instruction criminelle. Cela signifie que ces infractions légitiment l'usage de l'écoute téléphonique, de la recherche proactive et des méthodes particulières de recherche (telles que l'observation, l'infiltration et le recours aux informateurs).

L'article 6 de la décision-cadre du Conseil de l'Europe va toutefois encore plus loin. Il invite les États membres à prendre les mesures nécessaires pour que les peines visées à l'article 5 puissent être réduites si l'auteur de l'infraction renonce à ses activités terroristes et fournit aux autorités administratives ou judiciaires des informations qu'elles n'auraient pas pu obtenir autrement, et les aident à prévenir ou à limiter les effets de l'infraction, à identifier ou à traduire en justice les autres auteurs de l'infraction, à trouver des preuves ou empêcher que d'autres infractions prévues aux articles 1er à 4 soient commises. Cela signifie que la décision-cadre prévoit que, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, les peines peuvent être réduites en cas de participation fonctionnelle des repentis. L'intervenant demande à cet égard quelles sont les intentions du gouvernement en ce qui concerne la réglementation du statut du repenti.

L'intervenant conclut qu'il faut se prononcer sur la nécessité ou non de donner suite à la requête de la Ligue des droits de l'homme d'être entendue.

M. Willems se montre réticent à l'idée d'organiser des auditions sur le projet à l'examen. Le rapport des discussions à la Chambre est complet. De plus, il est absurde de n'entendre que la Ligue des droits de l'homme. Si l'on procède à des auditions, il faut y associer le parquet général et le monde académique.

En ce qui concerne les auditions, Mme Nyssens s'y dit favorable. Elle renvoie notamment à l'appel lancé par deux cents juristes de l'Europe tout entière, qui émettent des objections contre la législation sur le terrorisme et en soulignent le caractère exceptionnel. Les droits de la défense et les libertés fondamentales constituent un aspect non négligeable de la discussion en cours. Il semble indispensable d'organiser au moins une audition.

M. Van Duppen marque son accord sur l'audition de plusieurs associations. Elle peut être rapide et ad rem, et ne pas allonger nécessairement les travaux.

Mme de T' Serclaes estime qu'il serait utile, avant de se prononcer, d'entendre les réponses de la ministre.

Elle trouve que des précisions s'imposent à propos du parallélisme avec la lutte contre la criminalité organisée.

Il lui semble que les auditions seraient superflues, dans la mesure où elles ne pourraient apporter aucun élément nouveau par rapport aux auditions qui ont été organisées dans le cadre de la discussion du projet de loi relative aux organisations criminelles.

M. Mahoux constate que le texte tente de trouver un équilibre entre la possibilité de combattre le terrorisme et le maintien des libertés. Une discussion similaire a déjà eu lieu lorsqu'on a abordé la criminalité organisée. On avait eu à l'époque un large échange d'arguments pour et contre et des auditions avaient eu lieu.

Il ne faut pas non plus perdre de vue que la Belgique accuse déjà un sérieux retard dans la transposition de la décision-cadre.

Les auditions doivent avoir lieu en début de processus législatif, et l'intervenant les considère aujourd'hui comme tout à fait dépassées.

M. Nimmegeers se demande si l'on a bien réussi à donner une bonne définition de la notion de « terrorisme ». Il renvoie à la discussion juridique menée actuellement au sein de la Tweede Kamer néerlandaise sur la question de savoir si des membres d'une organisation de défense des droits des animaux qui s'attaquent à des « restaurants hamburgers » commettent ou non des infractions terroristes. Certains juristes considèrent que l'on ne peut parler de terrorisme que si c'est l'ensemble de la population ou une grande partie de celle-ci qui est attaquée, mais d'autres estiment que c'est également le cas lorsqu'on s'attaque à quelques personnes. Le gouvernement néerlandais est, lui aussi, partagé à ce sujet. Cette discussion peut également s'engager demain dans notre pays.

La ministre renvoie à l'exposé qu'elle a fait précédemment et souligne que le projet de loi à l'examen est en conformité avec la définition figurant dans la décision-cadre européenne du Conseil du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme, dans laquelle sont définis les éléments matériels et moraux de l'infraction. Du reste, le projet précise en deux endroits qu'il ne peut en aucune manière porter préjudice aux droits et libertés fondamentales en vigueur qui ont été consacrés par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

M. Hugo Vandenberghe estime que la notion de « terrorisme » a en tout état de cause une connotation politique et doit donc être corrélée à la notion de « délit politique ». Il va de soi que l'interprétation concrète que l'on donne à ces éléments varie en fonction du contexte politique et de l'esprit du temps. Dans notre pays, c'est la cours d'assises qui juge les délits politiques. La définition proposée ­ l'infraction ... qui, de par sa nature ou son contexte, peut porter gravement atteinte à un pays ou à une organisation internationale et est commise intentionnellement dans le but d'intimider gravement une population ... » ­ autorise elle aussi une marge d'appréciation.

B. Réponses de la ministre

La ministre souhaite attirer l'attention sur l'urgence à adopter ce projet. En effet, l'article 11 de la décision- cadre prévoit en son point 1 que les États membres adoptent les mesures nécessaires pour se conformer à la présente décision-cadre au plus tard le 31 décembre 2002. Le point 2 prévoit pour sa part que les États membres communiquent au plus tard le 31 décembre 2002 au secrétariat général du Conseil et de la Commission le texte des dispositions transposant dans leur droit national les obligations que leur impose la décision-cadre. Sur la base d'un rapport établi à partir de ces informations et d'un rapport de la Commission, le Conseil vérifie, au plus tard le 31 décembre 2003, si les États membres ont pris les mesures nécessaires pour se conformer à la présente décision-cadre.

Répondant à la sénatrice Nyssens qui faisait observer qu'il était important d'avoir une vision de droit comparé en la matière, la ministre entend au préalable se référer à la philosophie générale du projet. Les infractions incriminées se bornent au strict minimum exigé par la décision-cadre. Les sanctions pénales sont les sanctions minimales imposées. La décision-cadre imposait d'appliquer dans le cadre des sanctions pénales des sanctions immédiatement supérieures à celles prévues par le droit commun pour des comportements identiques. Enfin, par rapport aux autres États de l'Union, la Belgique est le seul État à prévoir explicitement, à ce stade, des dispositions de protection des droits de l'homme dans une législation anti-terroriste.

En ce qui concerne les infractions relatives aux attaques contre les systèmes informatiques, problème soulevé par le sénateur Mahoux, la ministre fait observer qu'elles sont visées par l'article 3 du projet qui insère un article 137 dans le Code pénal dont le § 2, 4º, se réfère explicitement à l'article 550bis du Code pénal, lequel couvre les atteintes aux systèmes informatiques. Les atteintes contre les navires sont quant à elles couvertes par différentes dispositions, notamment les articles 137, § 3, 1º et 2º, mais aussi l'article 137, § 3, 6º.

La question a également été soulevée de savoir comment cette décision-cadre a été mise en oeuvre dans les autres pays européens. La ministre répond sur ce point que l'objet de cette décision-cadre est d'obtenir une harmonisation minimale en matière de lutte contre le terrorisme. Deux types de démarches ont dès lors eu lieu au sein de l'Union européenne. Certains pays tels que la France et le Royaume-Uni disposaient déjà d'une législation antiterroriste extrêmement large. Ces États n'ont dès lors pas eu à modifier leur législation en la matière. D'autres États, à l'instar du nôtre, ont prévu une législation spécifique. Quant à la coopération européenne, il est à noter que celle-ci s'en trouvera facilitée en raison même de l'objet de la convention-cadre.

Faisant allusion aux dispositions régissant la criminalité organisée, la ministre reconnaît qu'on pourra se trouver face à des actes couverts aussi bien par le droit commun que par la législation antiterroriste. Les règles en matière de concours d'infractions (articles 61 et suivants du Code pénal) trouveront à s'appliquer en l'espèce.

La ministre précise par ailleurs que le projet couvre non seulement les dispositions obligatoires de la décision-cadre mais aussi celles de la Convention des Nations unies pour la répression du financement du terrorisme, convention qui sera ratifiée prochainement. Un article visant à réprimer le financement d'un acte terroriste isolé a précisément été inséré dans le projet pour satisfaire aux obligations imposées par cette dernière convention. Il s'agit de l'article 141 nouveau du Code pénal (article 7 du projet de loi).

L'oratrice fait également observer, dans un autre ordre d'idées, qu'il n'aurait pas été raisonnable d'étendre la compétence de la Sûreté de l'État sur la base d'une liste d'infractions terroristes. La loi sur la Sûreté de l'État prévoit déjà une définition propre en matière de terrorisme, délimitant ainsi la compétence de l'institution dans ce domaine.

La ministre insiste sur le caractère équilibré du projet. En réponse aux observations du Conseil d'État sur le point de la protection des libertés fondamentales, l'option a été prise d'être « inutilement » explicite plutôt que dangereusement silencieux et ambigu. Le projet prévoit dès lors deux dispositions très claires en matière des droits de l'homme qui ont un impact considérable sur le texte. Il s'agit, d'une part, de la disposition attachée à la définition du groupe terroriste et qui reprend mot pour mot le texte introduit par l'article 324bis du Code pénal relatif aux organisations criminelles, et, d'autre part, de l'article 141ter nouveau qui couvre tout le chapitre sur les infractions terroristes.

Quant au lien entre le présent projet et les délits politiques, soulevé à juste titre par le président de la commission, la ministre fait observer que le texte n'a pas pour objet de définir légalement ce qu'est un délit politique. La jurisprudence de la Cour de cassation continuera donc à s'appliquer en l'espèce. Il est à noter que celle-ci a une vision assez restrictive du délit politique. Toutefois, la plupart des infractions visées dans ce projet sont des crimes. La cour d'assises sera dès lors compétente en tout état de cause. L'incidence de l'observation est donc mineure pour le projet.

M. Hugo Vandenberghe fait observer que les crimes peuvent être correctionnalisés, ce qui a dès lors une incidence sur la compétence de la cour d'assises. La ministre poursuit en indiquant que le projet ne prévoit pas de règles particulières en matière de procédure. Il va de soi que si, sous le couvert d'une organisation philanthropique, des infractions sont commises, des poursuites pour ces infractions seront entamées.

Abordant le problème de la légalité des peines et de la précision dans la définition des infractions, l'intervenante s'en réfère à l'avis du Conseil d'État qui, traitant de la définition de l'infraction terroriste, estime que : « Cette rédaction ne crée pas au profit des juridictions un pouvoir d'incrimination propre. Le vocabulaire utilisé, comme les mots « gravement », « indûment », « détruire », ne peut conduire à qualifier des faits comme tombant sous le coup de cette infraction que s'ils manifestent une intention particulièrement vive de porter atteinte aux éléments visés, ce qui circonscrit de manière suffisante les éléments constitutifs, tant matériels que moral (sic), de l'infraction et ce qui permet raisonnablement aux sujets de droit de connaître de manière préalable les conséquences pénales des comportements ainsi définis qu'ils adopteraient » (doc. Chambre, nº 51-258/1, p. 30). Et le Conseil d'État de conclure que les considérations qui précèdent peuvent s'appliquer à la définition du groupe terroriste.

La ministre en vient ensuite au prescrit de l'article 6 de la décision-cadre. Celui-ci prévoit que chaque État membre peut prendre les mesures nécessaires pour que les peines visées à l'article 5 puissent être réduites lorsque l'auteur de l'infraction renonce à ses activités terroristes et fournit aux autorités administratives ou judiciaires des informations qu'elles n'auraient pas pu obtenir autrement.

Il s'agit là du seul article de la décision-cadre qui se limite à prévoir pour les États membres une possibilité (et non une obligation) de prendre des mesures nécessaires, ceci à la demande de la Belgique qui ne souhaitait pas prendre des mesures allant dans le sens de la loi italienne sur les repentis. De plus, le droit pénal belge, contrairement à ce qui se fait dans d'autres pays qui imposent une peine fixe, utilise un système de fourchette de peines, système qui permet au juge de tenir compte de circonstances atténuantes. Les objectifs de l'article 6 de la décision-cadre peuvent donc être rencontrés de la sorte sans qu'il y ait lieu de prendre de dispositions spécifiques en l'espèce.

Mme de T' Serclaes s'interroge sur le fait de savoir pourquoi, contrairement aux dispositions relatives à la criminalité organisée et plus particulièrement les articles 324bis et 324ter du Code pénal, où le fait d'être membre d'une organisation criminelle est considéré comme une infraction en soi, il n'existe pas de disposition équivalente dans le présent projet.

La ministre répond que la logique de ces dispositions se retrouve à l'article 6 du projet de loi.

Mme de T' Serclaes fait observer que les mots « sciemment et volontairement » de l'article 324ter ne sont pas repris à l'article 6.

La ministre répond que les dispositions du projet ont été insérées dans le Code pénal de sorte que toutes les dispositions du livre Ier de ce code s'appliquent. Comme pour toute infraction, le dol est applicable. L'article 140 du Code pénal inséré par l'article 6 du projet requiert même un dol spécial puisqu'il prévoit comme élément constitutif de l'infraction la « connaissance que cette participation contribue à commettre un crime ou un délit du groupe terroriste ».

À la suite des explications de la ministre, M. Van Duppen considère que la demande de procéder à des auditions est devenue sans objet. La commission se rallie à cet appréciation.

IV. DISCUSSION DES ARTICLES

Articles 1er et 2

Ces articles n'appellent aucune observation.

Article 3

L'infraction terroriste.

Mme Nyssens demande si la notion d'infraction terroriste telle qu'elle est proposée à l'article 137, § 1er, en projet, n'est pas trop large en ce qu'elle vise l'infraction qui peut porter gravement atteinte à un pays. La décision-cadre va-t-elle aussi loin ?

La ministre répond que le projet est conforme au texte de la décision-cadre sur ce point.

L'enlèvement

M. Hugo Vandenberghe signale que l'article 137, § 2, 3º, en projet, du Code pénal dispose que « l'enlèvement visé aux articles 428 à 430 et 434 à 437 » peut être considéré comme une infraction terroriste.

Cela englobe également l'article 429 du Code pénal. Cet article punit non pas l'enlèvement de mineurs, mais le recel de mineurs enlevés. Cette infraction relève-t-elle du champ d'application de la notion d'« enlèvement visé aux articles 428 à 430 » ? Cela paraît contestable, surtout compte tenu de l'interprétation restrictive qu'il faut donner à la loi en matière pénale.

Si l'on souhaite également considérer comme une infraction terroriste le recel de mineurs, il paraît opportun de reformuler l'article 137, § 2, 3º, comme suit : « l'enlèvement ou le recel visés aux articles 428 à 430 et ... » ou « les faits punissables visés aux articles 428 à 430 et ... ».

La ministre répond que le texte vise les articles 428 à 430 du Code pénal pour répondre à l'avis motivé du Conseil d'État.

La destruction ou la dégradation massives

M. Hugo Vandenberghe constate que l'article 137, § 2, 4º, en projet, dispose que « la destruction ou la dégradation massives visées aux articles 521, alinéas 1er et 3, 522, 523, 525, (...) » constituent des infractions terroristes.

Le législateur entend disposer que la destruction ou la dégradation ne peuvent être considérées comme des infractions terroristes que si elles sont massives.

La formulation actuelle du texte ne reflète pas pleinement cette intention. Elle peut donner l'impression que la destruction ou la dégradation visées dans ces articles sont massives par définition.

On pourrait clarifier le texte comme suit :

« 4º la destruction ou la dégradation visées aux articles 521, alinéas 1er et 3, 522, 523, 525, 526, 550bis, § 3, 3º, à l'article 15 de la loi du 5 juin 1928 portant révision du Code disciplinaire et pénal pour la marine marchande et la pêche maritime, ainsi qu'à l'article 114, § 4, de la loi du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises publiques économiques, à condition que cette destruction ou cette dégradation soit massive et qu'elle ait pour effet de mettre en danger des vies humaines ou de produire des pertes économiques considérables; »

L'intervenant pense que le libellé proposé de l'article 137, §2, 4º, ne fait pas clairement apparaître que la destruction massive constitue un des éléments matériels des infractions mentionnées dans l'énumération.

Pour ce qui est de l'article 137, § 2, 4º, la ministre répond que l'on a également suivi l'avis du Conseil d'État sur la formulation du texte, en ce qui concerne le caractère massif de la destruction et de la dégradation.

Ce caractère ne définit pas les infractions visées par l'article, mais c'est une condition supplémentaire qui doit s'appliquer aux articles visés.

En ce qui concerne l'article 521, alinéa 2, du Code pénal, c'est volontairement que l'on n'a pas repris cette disposition, parce que rien, dans la décision-cadre, n'imposait d'incriminer ce type de faits dans le contexte terroriste.

L'objectif était de transposer de façon stricte la décision-cadre qui qualifie d'infraction terroriste « le fait de causer des destructions massives à une installation gouvernementale ou publique... » [article 1er, § 1er, d)].

La mise au point d'armes biologiques et d'armes à toxines

M. Hugo Vandenberghe signale que, selon l'article 137, § 2, 10º, en projet, les faits punissables visés à l'article 2, 2º, de la loi du 10 juillet 1978 peuvent être considérés comme des infractions terroristes.

L'article 2, alinéa 1er, de la loi du 10 juillet 1978, est rédigé comme suit :

« Art. 2. ­ Il est interdit de mettre au point, de fabriquer, de stocker, d'acquérir, de conserver, de garder, de détenir ainsi que de transférer :

1º des agents microbiologiques ou autres agents biologiques ainsi que des toxines, quelle qu'en soit l'origine ou le mode de production, de types ou de quantités qui ne sont pas destinés à des fins prophylactiques, de protection ou à d'autres fins pacifiques;

2º des armes, de l'équipement ou des vecteurs spécifiquement conçus pour l'emploi de tels agents ou toxines à des fins hostiles ou dans des conflits armés. »

Les infractions à l'article 2, alinéa 1er, 2º, sont punies d'un emprisonnement de huit jours à un an. S'il s'agit d'une infraction terroriste, la peine est portée à un emprisonnement de trois ans au plus (article 138, § 1er, 3º, en projet).

L'on peut se demander si la différence n'est pas trop grande par rapport aux peines réprimant la mise au point d'armes chimiques (article 137, § 3, 3º, en projet). La fabrication d'armes chimiques est punie, s'il s'agit d'une infraction terroriste, de la réclusion à perpétuité (article 138, § 2, 3º, en projet).

Cette différence ne peut-elle constituer un motif d'annulation par la Cour d'arbitrage ? La Cour a déjà estimé que l'appréciation du caractère plus ou moins grave d'une infraction et de la sévérité avec laquelle cette infraction peut être punie relève en principe du jugement d'opportunité qui appartient au législateur. En ce qui concerne la peine, la Cour s'estime toutefois compétente pour se prononcer sur les cas dans lesquels le choix du législateur contient une incohérence telle qu'elle aboutit à une différence de traitement manifestement déraisonnable d'infractions comparables (Cour d'arbitrage, 25 janvier 2001, 5/2001)

On ne peut pas exclure que la Cour juge déraisonnable la différence qui sépare une peine d'emprisonnement de trois ans au plus pour le développement d'armes biologiques (peine correctionnelle) et la réclusion à perpétuité pour la fabrication d'armes chimiques (peine criminelle), à moins que l'on ne puisse démontrer que cet écart se justifie par la différence entre le développement d'armes biologiques et le développement d'armes chimiques.

À propos du développement d'armes biologiques et à toxines (article 137, § 2, 10º), la ministre répond que l'on respecte la logique générale du projet. La disparité de peines signalée existe, en vertu des dispositions pénales actuelles, entre les infractions commises avec des armes chimiques et bactériologiques et des infractions relatives à l'utilisation d'armes nucléaires ou de matières radioactives, plus récentes et plus lourdement sanctionnées.

La philosophie du projet à l'examen est de mettre en oeuvre la décision-cadre, sans modifier les peines existant en droit commun.

Une modification éventuelle devrait donc plutôt être discutée dans le cadre de la loi du 10 juillet 1978.

Cette discussion pourrait avoir lieu, dans les prochains mois, dans le cadre de l'examen d'un projet de loi adaptant le droit interne, à la suite de la ratification par la Belgique de la Convention de Paris sur les armes chimiques.

À cette occasion, on pourra réévaluer toute la problématique des infractions relatives à ces armes.

M. Hugo Vandenberghe attire une fois encore l'attention sur le fait qu'en ce qui concerne la fabrication d'armes chimiques au sens de l'article 137, § 3, 3º, proposé, du Code pénal, la peine est la réclusion à perpétuité, conformément à l'article 138, § 2, 3º, proposé, du même Code. Par contre, en ce qui concerne la mise au point d'armes biologiques, qui peuvent être au moins aussi dangereuses que les armes chimiques, la peine applicable à ce type d'infraction terroriste est de trois ans au plus. On ne saurait nier qu'il se pose en l'occurrence un problème de proportionnalité des peines prévues.

L'intervenant renvoie à la peine applicable en cas de coups et blessures involontaires ayant entraîné la mort, qui est de cinq ans au plus. Un attentat terroriste commis à l'aide d'armes biologiques, par contre, n'est puni que d'un emprisonnement de trois au plus. C'est là une erreur qui doit être corrigée.

La ministre répond que le problème de la proportionnalité des peines se pose plutôt dans le droit pénal commun, et non pas tellement dans le projet de loi à l'examen, lequel qualifie d'infractions terroristes certaines infractions commises dans un contexte particulier. Il faut donc remédier à ce défaut dans le droit pénal commun.

En effet, si on ne modifiait que l'article 2, alinéa 1er, de la loi du 10 juillet 1978, comme le propose l'intervenant, il y aurait une incohérence entre cette disposition et les autres articles de cette loi. Il va de soi que telle ne saurait être l'intention du législateur. Il faudrait, dès lors, revoir l'ensemble de la loi du 10 juillet 1978. Du reste, pour ce qui est de la mise au point d'armes biologiques, on peut également invoquer l'article 137, § 3, proposé, du Code pénal.

M. Hugo Vandenberghe réplique que si, comme le fait le projet de loi à l'examen, on majore systématiquement d'un tiers, pour les infractions terroristes, les peines prévues dans les lois pénales particulières, on confirme et renforce dans le même temps certaines inconséquences existant dans ces lois pénales particulières.

Mme de T' Serclaes souhaite savoir si le gouvernement a l'intention de déposer devant les Chambres législatives un projet de loi modifiant la loi du 1978; si oui, dans quel délai, et si non, une initiative parlementaire en la matière serait-elle opportune ?

La ministre confirme qu'au niveau des services publics fédéraux concernés, il existe déjà un accord provisoire sur un premier projet de loi en la matière, qui doit certes encore être approuvé par le Conseil des ministres. On peut donc s'attendre à ce que le gouvernement dépose un projet de loi dans les mois à venir.

La menace de réaliser une infraction terroriste

M. Hugo Vandenberghe relève qu'aux termes de l'article 137, § 3, 6º, proposé, constitue une infraction terroriste « la menace de réaliser l'une des infractions énumérées au § 2 ou au présent paragraphe ».

Par conséquent, si on lit le texte littéralement, la menace de réaliser l'infraction visée au § 3, 6º, est elle-même punissable; en d'autres termes, il est répréhensible de menacer de menacer de réaliser une infraction terroriste. Cette disposition n'a guère de sens et sème inutilement la confusion. L'intervenant estime qu'on pourrait reformuler l'article 137, § 3, 6º, par analogie avec l'article 1er, paragraphe 1, troisième tiret, i), de la décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme, de la manière suivante :

« 6º la menace de commettre l'une des infractions visées au § 2 ou aux points 1º à 5º. »

Mme Nyssens demande si le projet ne va pas trop loin en punissant la menace de réaliser une infraction terroriste. La décision-cadre vise-t-elle la menace ?

La ministre répond que l'article 1er, § 1er, i), de la décision-cadre prévoit que la menace de commettre un acte terroriste doit également être incriminée.

Article 4

M. Hugo Vandenberghe demande quelques précisions techniques concernant les peines qui seraient applicables aux infractions terroristes.

L'infraction visée à l'article 405bis, 11º, du Code pénal peut être qualifiée d'infraction terroriste (voir l'article 137, § 2, 1º, en projet, du Code pénal).

La peine applicable ordinairement à l'infraction fixée à l'article 405bis, 11º, est la réclusion de dix-sept à vingt ans.

L'article 138, § 1er, en projet, ne précise pas par quelle peine il y a lieu de remplacer la sanction en question au cas où l'article 405bis, 11º, est qualifié d'infraction terroriste.

Peut-on mettre cette peine sur un pied d'égalité avec la réclusion de dix à vingt ans, qui est remplacée par la réclusion de quinze à vingt ans ?

Ou faut-il considérer cette peine comme une réclusion de quinze à vingt ans, qui est remplacée par une réclusion de vingt à trente ans ?

Ou ne peut-on, à défaut de mention expresse, en aucun cas remplacer cette peine ?

En ce qui concerne la question de l'emprisonnement de 17 à 20 ans, la ministre explique qu'il faut se référer à l'échelle de peines prévue à l'article 11 du livre Ier du Code pénal. L'échelle de peines de 17 à 20 ans s'inscrit dans l'échelle de 15 à 20 ans prévue à cet article 11. C'est donc à cette dernière qu'il faut se référer.

M. Hugo Vandenberghe constate également que la menace de réaliser une infraction terroriste est punie d'une réclusion de cinq à dix ans (article 138, § 2, 1º). Cette peine est plus lourde que celle qui frappe la commission de certaines infractions terroristes elles-mêmes.

Aux termes du projet, la commission d'une infraction est punie moins sévèrement que la menace d'en commettre une. La question se pose de savoir si le choix du législateur pour ce qui est du taux de la peine n'est pas à ce point incohérent qu'il induit une différence de traitement manifestement anormale entre des infractions comparables.

M. Mahoux se rallie à cette remarque. Il est en effet incohérent de punir plus sévèrement la menace que l'acte lui-même.

Amendement nº 4

À la suite de cette discussion, le gouvernement dépose l'amendement nº 4 (doc. Sénat, nº 3-332/2), visant à remplacer l'article 138, § 2, 1º, du Code pénal par une disposition qui permet de mettre les peines en conformité avec celles que prévoient les dispositions du même Code relatives aux menaces d'attentat contre les personnes ou contre les propriétés.

On met ainsi fin à l'incohérence qui caractérise les peines prévues par la loi en projet.

Le caractère délictuel ou criminel dépendra de l'infraction concernée; la menace en soi n'aura donc pas ce caractère.

À propos de l'élément moral de l'infraction, Mme Nyssens ne comprend pas la remarque des juristes qui a été évoquée précédemment. Dans un arrêt du 14 mai 2003 annulant une loi-programme du 30 décembre 2001, la Cour d'arbitrage aurait jugé qu'il y avait une discrimination entre le droit pénal commun et le droit spécifique en ce qu'on prévoyait une intention particulière non requise pour les infractions ordinaires. Cet arrêt a-t-il été pris en considération dans l'examen de la question présente ?

M. Ceder trouve aussi qu'avec la définition du terrorisme proposée, on peut facilement glisser vers la conclusion qu'il s'agit d'un délit politique, qui ne peut être jugé que par la cour d'assises. Cela s'accorde d'ailleurs avec la définition restrictive que donne la Cour d'arbitrage. Le gouvernement tient-il suffisamment compte de cet aspect ? Ou est-ce précisément ce qu'il veut ?

La ministre répond que l'arrêt de la Cour d'arbitrage du 14 mai 2003 ne portait pas sur la même question. Le problème posé concernait une disproportion dans les moyens mis en oeuvre pour résoudre des affaires judiciaires portant sur n'importe quel type d'infraction de droit commun.

À la deuxième question, la ministre a déjà répondu en renvoyant notamment à la jurisprudence de la Cour de cassation. Le fait que les peines proposées sont des peines de droit commun indique clairement que le gouvernement ne considère pas les infractions comme étant ipso facto des délits politiques.

M. Hugo Vandenberghe répète néanmoins que l'acte de terrorisme tel que défini dans le projet de loi peut facilement être assimilé à un délit politique. Le problème n'est pas neuf. En Espagne, par exemple, la question se pose depuis longtemps de savoir si les actes de terrorisme des Basques doivent être considérés comme des délits politiques.

En ce qui concerne le critère de la quantité, la ministre déclare que lorsque l'infraction n'est pas de nature extrêmement grave comme le serait un meurtre par exemple, l'infraction, pour être qualifiée de terroriste doit en effet satisfaire à une condition de quantité. Ainsi, l'article 137, § 2, 4º, proposé, ne vise les destructions et dégradations que dans la mesure où elles sont massives. Autre exemple, l'article 137, § 3, 4º et 5º, exige que les actes aient « pour effet de mettre en danger des vies humaines ».

Amendement nº 1

M. Hugo Vandenberghe dépose l'amendement nº 1 (doc. Sénat, nº 3-332/2) visant à compléter l'article 138, en projet, du Code pénal, par un § 3. L'auteur rappelle que l'article 6 de la décision-cadre du 13 juin 2002 prévoit la possibilité d'octroyer une réduction de peine en faveur des repentis. L'amendement vise, afin de lutter plus efficacement contre le terrorisme, à instaurer en droit belge un régime de réduction de peine en faveur des terroristes repentis.

Article 5

Amendement nº 2

M. Hugo Vandenberghe dépose l'amendement nº 2 (doc. Sénat, nº 3-332/2) visant à remplacer l'alinéa 2 de l'article 139, en projet, du Code pénal. L'auteur estime que la notion « d'objet réel » d'une organisation d'ordre politique, syndical, philanthropique, philosophique ou religieux manque de précision. Il craint que la disposition ne soit pas applicable sur le terrain. À partir de quel moment pourra-t-on considérer que l'objet réel d'une organisation n'est pas d'ordre terroriste ? À l'inverse, à partir de quel moment pourra-t-on, dans les faits, considérer que l'objet réel d'une organisation est d'une nature telle que le recours à des méthodes particulières de recherche se justifie ?

La ministre répond que le souci du gouvernement est d'assurer un parallélisme entre le régime que le projet veut instaurer pour les organisations terroristes et celui qui existe pour les organisations criminelles. Le libellé de l'article 139, alinéa 2, en projet, reprend le texte de l'article 324bis, alinéa 2, du Code pénal. L'intervenante met en garde contre le risque de voir se développer une jurisprudence différente si ces deux dispositions du Code pénal ne sont pas libellées de la même manière (article 139, alinéa 2, nouveau, et actuel article 324bis, alinéa 2).

En ce qui concerne la détermination du moment à partir duquel le recours à des techniques spéciales d'enquête est justifié, l'intervenante fait remarquer que ce problème n'est pas spécifique aux infractions terroristes. Les techniques spéciales s'appliquent avant même qu'il y ait jugement. Comme pour toute autre infraction, sur la base des éléments à disposition des magistrats instructeurs, il faudra voir, dans les limites prévues dans la loi, si ces techniques spéciales d'enquête peuvent être appliquées.

L'intervenante fait remarquer que le projet vise les infractions terroristes qui sont particulièrement graves, et que le recours aux techniques spéciales dans un tel domaine est pleinement justifié. Elle comprend que certaines personnes s'inquiètent de l'utilisation de plus en plus généralisée des techniques spéciales d'enquête, même pour des actes criminels assez banals. Ce débat doit être mené dans le cadre d'une réflexion sur le champ d'application de la loi sur les méthodes particulières de recherche et non à l'occasion de l'examen du présent projet.

Amendement nº 3

M. Hugo Vandenberghe dépose l'amendement nº 3 (doc. Sénat, nº 3-332/2) visant à remplacer, dans le texte néerlandais de l'article 139, alinéa 1er, en projet, les mots « die sinds enige tijd bestaat » par les mots « die duurt in de tijd ». L'amendement a pour but d'assurer la concordance entre le texte du projet et l'article 324bis du Code pénal.

La ministre souligne que le projet reprend sur ce point le texte de l'article 2, 1º, de la décision-cadre, dans les différentes langues de l'Union.

M. Hugo Vandenberghe demande également s'il ne vaudrait pas mieux rédiger le texte de l'alinéa 1er en projet comme suit :

« Pour l'application du présent titre, on entend par groupe terroriste l'association structurée de plus de deux personnes, qui existe depuis un certain temps, et qui agit de façon concertée en vue de commettre des infractions terroristes visées à l'article 137. »

L'intervenant souligne que ce n'est pas l'association qui agit de façon concertée, mais que ce sont les personnes qui agissent ainsi. Il s'agit pour ainsi dire de la transposition littérale de la définition de la décision-cadre (article 2, 1º).

La ministre estime que la formulation retenue est équivalente à celle proposée.

Articles 6 et 7

M. Hugo Vandenberghe constate que, contrairement à ce que prévoit l'article 140, la personne qui fournit des informations en vue de la commission d'une infraction terroriste n'est pas punie. Est-ce là l'objectif visé ?

Cet article punit la personne qui fournit des moyens matériels en vue de la commission d'une infraction terroriste, « hors les cas prévus à l'article 140 ». L'article 140 punit notamment la personne qui fournit des moyens en vue de la commission d'un crime ou d'un délit par un groupe terroriste. Autrement dit, l'article 141 punit la participation à une infraction terroriste qui n'est pas commise par un groupe terroriste.

Pareille participation est punie d'une réclusion de cinq à dix ans. Dans certains cas, cette peine est plus sévère que la peine que peut encourir l'auteur de l'infraction terroriste proprement dite.

Dans ce cas-ci aussi, la question se pose de savoir si le choix du législateur en matière de peine n'est pas à ce point incohérent qu'il induit une différence de traitement manifestement déraisonnable entre des infractions comparables.

En outre, l'intervenant renvoie au régime de droit commun en matière de complicité et de participation.

Les coauteurs sont considérés comme des auteurs et sont punis de la même peine que les auteurs (article 66 du Code pénal).

Les complices d'un crime sont punis d'une peine immédiatement inférieure à celle qu'ils auraient encourue s'ils avaient été les auteurs de ce crime et ce, conformément aux articles 80 et 81 du Code pénal. La peine prononcée contre les complices d'un délit ne peut pas excéder les deux tiers de celle qui leur aurait été appliquée s'ils avaient été les auteurs de ce délit (article 69 du Code pénal).

Dans certains cas, les complices d'une infraction terroriste sont toutefois punis plus sévèrement que l'auteur proprement dit.

La ministre signale que l'article 7 du projet assure la mise en conformité du droit belge avec la Convention internationale de répression du financement du terrorisme, faite à New York le 9 décembre 1999. La logique de cette convention est de s'attaquer aux personnes qui fournissent à l'organisation terroriste ou à un terroriste agissant isolément une aide, notamment financière, sans laquelle aucun acte terroriste ne serait possible. C'est la raison pour laquelle le projet attribue une peine spécifique lourde aux personnes qui « aident » une organisation terroriste sans savoir à l'avance quel acte terroriste spécifique sera commis ou pas. Il est dès lors possible que la peine soit plus lourde que celle qui s'applique aux infractions terroristes qui seraient commises en final.

M. Hugo Vandenberghe signale que la Convention des Nations unie ne règle pas le problème de la peine. La question est de savoir si la peine qui s'applique aux personnes qui fournissent des moyens matériels en vue de la commission d'une infraction terroriste peut être supérieure à celle applicable à l'exécution de cette infraction. La règle de proportionnalité est-elle respectée ?

La ministre fait remarquer que la logique de l'article 141 en projet est la même que celle retenue à l'article 140, qui lui-même se fonde sur la logique retenue pour les organisations criminelles. Une personne qui aide à la commission d'infractions terroristes fait l'objet d'une peine particulière qui peut être plus lourde que celle appliquée à une personne qui commet une infraction terroriste spécifique.

M. Mahoux soutient la logique qui sous-tend le projet. Etant donné la dangerosité de l'acte de soutien aux activités terroristes, il n'est pas illogique que le financement du terrorisme soit plus lourdement puni que certains actes terroristes.

À propos de la répression de la fourniture d'informations, la ministre explique que l'article 141 ne vise pas la simple fourniture d'informations en dehors du cadre d'un groupe terroriste (article 140 nouveau) car celle-ci n'est pas visée par la Convention des Nations unies sur la répression du financement du terrorisme. Ceci n'exclut pas que la fourniture d'informations puisse être sanctionnée par le biais notamment de la complicité.

M. Hugo Vandenberghe fait remarquer que l'argument selon lequel la Convention internationale ne vise pas un certain élément de l'infraction n'est pas du tout déterminant. La fourniture d'informations servant à commettre un acte terroriste doit à l'évidence être visée par le Code pénal. Cela semble d'autant plus logique que l'article 140 proposé punit la personne qui participe à l'acte terroriste par la fourniture d'informations en sachant qu'elle contribue à commettre l'acte terroriste.

La ministre rappelle que l'ensemble du Code pénal s'applique aux infractions terroristes. Lorsque l'information fournie est un élément essentiel pour commettre l'infraction, l'article 66 du Code pénal s'appliquera et la personne pourra être poursuivie comme coauteur. Si elle ne constitue pas un élément essentiel, la personne pourra être poursuivie pour complicité.

M. Hugo Vandenberghe observe que si l'on fournit des informations dans un cadre terroriste, et que cet acte ne rentre pas dans le champ de l'article 140, § 1er, il relève de la peine de droit commun.

Or, pour un délit, la peine minimale de droit commun n'est pas de cinq ans de réclusion.

La ministre répond que selon l'article 140 (comme selon la décision-cadre), toute personne qui donne une aide, y compris par le moyen d'informations, à un groupe terroriste, est passible d'une peine de cinq à dix ans. L'article 141 met en oeuvre la Convention sur le financement du terrorisme, et vise à réprimer les sources matérielles de l'infraction terroriste lorsque le crime est commis par un terroriste isolé.

L'auteur d'une telle infraction est passible également d'une peine de cinq à dix ans. Cette même peine s'appliquera au coauteur, en application de l'article 66 du Code pénal. Or, comme il vient d'être précisé, celui qui fournit des informations qui se révèlent être une aide essentielle à la commission de l'infraction terroriste pourra être poursuivi comme coauteur, aux conditions de l'article 66 précité et sera alors passible de la même peine de cinq à dix ans.

M. Nimmegeers constate que l'interprétation du texte en projet donne déjà lieu à des contestations. Il se demande si les articles 140 et 141 ne devraient pas être reformulés et rassemblés dans une seule et même disposition.

M. Istasse fait observer qu'au-delà de l'explication de fond donnée par la ministre, il faut tenir compte de la volonté politique de ne pas aller, dans ce cas-ci, au-delà de qui est prescrit au niveau international. Ceci plaide pour le maintien du texte en l'état.

Mme de T' Serclaes souligne que la notion de « moyens matériels » figurant à l'article 141 peut aussi être interprétée de façon extensive. Elle ne comprend dès lors par pourquoi l'on hésite tellement à ajouter à cet article la mention de la fourniture d'informations.

M. Willems, répondant à l'interrogation d'un précédent orateur, estime que, si l'article 141 vise les coauteurs, il est superflu car les personnes en question font partie d'un groupe terroriste, et tombent sous le coup de l'article 140.

Il doit par conséquent s'agir, à l'article 141, de complices.

M. Hugo Vandenberghe ajoute que c'est là qu'il formule une objection, tirée du fait que le complice est puni comme le coauteur.

M. Willems déclare qu'il peut, par contre, s'accorder avec le souci de viser, par l'article 141, ce qui ne serait pas visé par la décision-cadre et par l'article 140. L'aide apportée aux terroristes isolés doit pouvoir être poursuivie.

Mme Nyssens n'est pas convaincue de l'utilité absolue de l'article 141. Le but du projet est de donner suite à la décision-cadre sur le terrorisme, avec application éventuelle de l'article de celle-ci sur l'incitation, la complicité et la tentative se rapportant aux infractions qu'elle vise.

La ministre rappelle que la Belgique s'est engagée à ratifier au plus vite la Convention sur le financement du terrorisme, et que le projet de loi d'assentiment est actuellement à l'examen du Sénat. Cette convention ne pourra de toute façon pas être ratifiée tant que l'on n'aura pas inséré un article 141 dans le Code pénal.

La technique du projet à l'examen permet d'avoir une vue d'ensemble de toutes les infractions terroristes couvertes par le droit international et par le droit européen.

Article 8

Cet article n'appelle aucune observation.

Article 9

M. Hugo Vandenberghe se demande s'il n'y a pas une discordance entre le texte français et le texte néerlandais de l'article 141ter en projet. Dans le texte néerlandais, il est question des droits et libertés fondamentales tels que consacrés par les articles 8 à 11 de la CEDH. Dans le texte français, il est question des droits et libertés tels que consacrés « notamment » par les articles 8 à 11 de la CEDH. C'est probablement la version française qui est correcte.

La ministre soutient cette suggestion. L'idée n'est pas d'avoir un renvoi vers une liste exhaustive de dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH).

M. Hugo Vandenberghe pense qu'il est toujours délicat de se référer à certaines dispositions spécifiques de la CEDH. Même si la liste des articles auxquels il est renvoyé n'est pas limitative, l'on court le risque que certaines personnes soutiennent que les garanties offertes par les dispositions de la CEDH qui ne sont pas mentionnées ne sont pas d'application.

M. Ceder trouve qu'il est pour le moins curieux, d'un point de vue légistique, de renvoyer, à l'article 141ter en projet, aux articles 8 à 11 de la CEDH. Soit le but de ce renvoi est d'établir une règle interprétative en invitant les juges à interpréter le projet de loi à la lumière de la CEDH, soit l'on veut établir une règle d'exception en invitant les juges à ne pas appliquer les dispositions qui seraient contraires à la CEDH. Quoi qu'il en soit, dans les deux hypothèses, un tel renvoi est superflu.

Enfin, l'orateur constate que l'article 141ter en projet vise le droit de grève (...) tel que consacré notamment par les articles 8 à 11 de la CEDH. Or, les dispositions citées de la CEDH ne consacrent pas le droit de grève mais les libertés syndicales.

Mme Nyssens renvoie à une disposition de la loi anti-discrimination qui se réfère, de manière générale, à la CEDH. Il serait peut-être judicieux de faire à l'article 141ter en projet, un renvoi global au texte de la CEDH.

M. Mahoux rappelle que le renvoi à la CEDH a été ajouté lors des débats à la Chambre. Cette précision a une dimension symbolique. Cela permet de rassurer les personnes qui redoutent que l'interprétation ultérieure du projet de loi dépasse les objectifs poursuivis.

Articles 10 à 12

Ces articles ne donnent lieu à aucune observation.

Article 13

M. Hugo Vandenberghe constate que l'article 13 modifie l'article 6 de la loi contenant le titre préliminaire du Code de procédure pénale.

En vertu de la nouvelle version de cet article, tout Belge peut être poursuivi en Belgique lorsqu'il se rend coupable, en dehors du territoire de la Belgique, « d'une infraction terroriste visée au livre II, titre Ier, du Code pénal ».

Question : qu'est-ce qu'une infraction terroriste ?

­ S'agit-il seulement des infractions visées à l'article 137 du Code pénal ? Telles sont, en effet, les infractions que la loi elle-même définit explicitement comme étant des « infractions terroristes ».

­ Ou s'agit-il de toutes les infractions énumérées au livre II, titre Ierter, du Code pénal ? En effet, le titre Ierter, intitulé « Des infractions terroristes », comprend non seulement les infractions visées à l'article 137, mais également celles visées aux articles 140 et 141 du Code pénal. Les articles 140 et 141 sanctionnent les personnes qui participent aux activités d'un groupe terroriste ou qui fournissent des moyens matériels en vue de la commission d'une infraction terroriste visée à l'article 137.

La ministre répond que la deuxième interprétation correspond aux intentions du gouvernement.

Le texte vise les infractions terroristes qui sont définies dans le titre dans son ensemble, c'est-à-dire les infractions visées par les articles 137, 140 et 141 du Code pénal en projet.

Le 1ºter en projet a été rédigé de manière cohérente par rapport aux autres références faites au sein du même article, notamment le 1ºbis dudit article 6.

Article 14

M. Hugo Vandenberghe renvoie à l'article 12, alinéa 1er, de la loi contenant le titre préliminaire du Code de procédure pénale, qui dispose ce qui suit :

« Sauf dans les cas prévus à l'article 6, 1º, 1ºbis et 2º, à l'article 10, 1º, 1ºbis et 2º, et à l'article 12bis ainsi qu'à l'article 10bis, la pouruite des infractions dont il s'agit dans le présent chapitre n'aura lieu que si l'inculpé est trouvé en Belgique. »

Par conséquent, les infractions terroristes ne figurent pas parmi les exceptions mentionnées à l'article 12. Cela correspond-il à l'intention du législateur ?

La ministre renvoie aux travaux parlementaires relatifs à l'article 12bis du titre préliminaire du Code de procédure pénale.

Il y était précisé que l'article 12bis, qui fait lui-même exception à l'application de l'article 12, visait aussi le droit dérivé de l'Union européenne.

Une disposition de l'actuelle loi-programme propose de modifier l'article 12bis en ce sens.

Dans le cadre des travaux en cours à la Chambre au sujet de cette loi-programme, le gouvernement va redéposer une liste de tous les traités et décisions-cadre qui tombent sous le coup de l'application de l'article 12bis.

Pour rappel, au sein du groupe de concertation « coopération judiciaire internationale » qui réunit les différentes autorités judiciaires et administrations concernées par l'entraide judiciaire internationale, un accord est intervenu pour qu'une circulaire soit préparée au sujet de l'article 12bis. Outre la reprise de cette liste et son adaptation, la circulaire donnerait une explication circonstanciée sur l'application de l'article 12bis.

Si nécessaire, la liste précitée pourra être redéposée ici, lors de la discussion de la loi-programme au Sénat.

Article 15

M. Hugo andenberghe formule une observation technique à propos de l'article 15 qui tend à remplacer l'article 90ter, § 2, 1ºbis à 1ºsepties, du Code d'instruction criminelle.

Or, le nouvel article 90ter, § 2, 1ºbis, est absolument identique à la disposition actuelle.

L'article 15 devrait donc se limiter à remplacer les points 1ºter à 1ºsepties.

La ministre estime que l'observation relative à l'article 90ter, § 2, 1ºbis CIC est justifiée.

Amendement nº 5

À la suite de cette précision, M. Hugo Vandenberghe dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-332, amendement nº 5), tendant à modifier l'article 15, pour en faire disparaître la mention du 1ºbis de l'article 90ter, § 2, CIC.

V. VOTES

L'amendement nº 1 de M. Hugo Vandenberghe est rejeté par 8 voix contre 3 et 1 abstention.

L'amendement nº 4 du gouvernement est adopté à l'unanimité des 12 membres présents.

L'amendement nº 2 de M. Hugo Vandenberghe est retiré.

L'amendement nº 3 de M. Hugo Vandenberghe est rejeté par 7 voix contre 1 et 4 abstentions.

L'amendement nº 5 de M. Hugo Vandenberghe est adopté à l'unanimité des 12 membres présents.

L'ensemble du projet de loi amendé a été adopté à l'unanimité des 12 membres présents.

À la même unanimité, confiance a été faite aux rapporteurs pour la rédaction du présent rapport.


La commission a également apporté les corrections formelles suivantes au projet de loi :

Article 2

Les mots « rédigé comme suit » sont remplacés par le mot « intitulé ».

Article 3

­ Les mots « est inséré au titre Ierter du livre II du même Code » sont supprimés après les mots « Un article 137 » et insérés après les mots « rédigé comme suit ».

­ Une correction analogue est apportée aux articles 4 à 9.

­ Au § 2, 10º, de l'article 137 en projet, les mots « alinéa premier » sont insérés entre le chiffre « 2 » et le chiffre « 2º »;

­ Au § 3, 3º, de l'article 137 en projet, le mot « et » devant le mot « chimiques » est à chaque fois remplacé par le mot « ou ».

Article 4

Au § 1er, alinéa 1er, de l'article 138 en projet, le mot « définies » est remplacé par le mot « énumérées », et les mots « , si ces infractions consituent des infractions terroristes » sont insérés après les mots « comme suit ».

Article 5

Dans le texte néerlandais de l'alinéa 2, de l'article 139 en projet, le mot « elk » est remplacé par le mot « enig ».

Article 6

­ Dans le texte néerlandais du § 1er de l'article 140 en projet, in fine, le mot « een » devant le mot « geldboete » est supprimé.

­ Dans le texte néerlandais du § 2 du même article, le mot « de » devant le mot « terroristische » est remplacé par le mot « een » et le mot « een » devant le mot « geldboete » est supprimé.

­ Dans le texte français, le mot « consacrées » est remplacé par le mot « consacrés ».

Article 9

­ Dans le texte néerlandais de l'article 141ter, en projet, les mots « met name » sont remplacés par les mots « onder meer ».

­ Dans le même texte, in fine, le mot « en » est inséré avant le mot « zoals ».

Article 10

Les mots « le chapitre 1er » sont remplacés par les mots « Chapitre 1er. Des délits relatifs à l'exercice des droits politiques ».

Article 11

Dans le texte néerlandais, le mot « eredienst » est remplacé par le mot « erediensten ».

Article 15

­ Dans la phrase prélimiaire, le mot « du » devant les mots « 13 avril 1995 » est remplacé par les mots « des 7 et ».

­ Au 1ºter proposé, le mot « ou » est remplacé par le mot « et ».

Les rapporteurs,
Nathalie de T' SERCLAES.
Luc WILLEMS.
Le président,
Hugo VANDENBERGHE.