2-942/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2002-2003

20 FÉVRIER 2003


Commission d'enquête parlementaire chargée d'enquêter sur l'exploitation et le commerce légaux et illégaux de richesses naturelles dans la région des Grands Lacs au vu de la situation conflictuelle actuelle et de l'implication de la Belgique


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE « GRANDS LACS » PAR MM. COLLA ET DALLEMAGNE


SOMMAIRE


  1. Introduction
  2. Rapport d'expertise
  3. Constatations et recommandations
    Les annexes seront distribuées ultérieurement
  4. Liste des experts et des témoins entendus par la commission
  5. Avis de Maître Dominique Blommaert, du 22 décembre 2002, analyse de la convention créant la joint venture « Groupement pour le traitement du terril de Lubumbashi » (GTL) ainsi que des contrats annexes et de l'intervention de l'Office national du Ducroire
  6. Note de synthèse de Maître Dominique Blommaert du 22 décembre 2002
  7. Rapport de synthèse de la mission d'information d'une délégation de la commission au Rwanda et en RDC (9-21 novembre 2002)
  8. Liste des documents mis à disposition
  9. Règlement d'ordre intérieur de la commission
  10. Comptes rendus des auditions publiques

I. INTRODUCTION

Procédure

Le 30 juin 2000, la commission des Relations extérieures et de la Défense a été saisie d'une proposition visant à instituer une commission d'enquête parlementaire chargée d'enquêter sur l'exploitation et le commerce légaux et illégaux de richesses naturelles dans la région des Grands Lacs au vu de la situation conflictuelle actuelle et de l'implication de la Belgique (doc. Sénat, nº 2-408/1). Cette proposition avait été déposée par M. Dallemagne.

Après discussion et amendement au sein de cette commission le 28 juin 2001, l'assemblée plénière du Sénat a procédé, le même jour, à la discussion et à l'adoption du rapport oral du président et rapporteur, M. Colla.

On a ensuite institué au Sénat une commission d'enquête parlementaire chargée d'enquêter sur l'exploitation et le commerce légaux et illégaux de richesses naturelles dans la région des Grands Lacs au vu de la situation conflictuelle actuelle et de l'implication de la Belgique.

Avant les vacances d'été, le 19 juin 2001, la commission d'enquête a été constituée comme suit : VLD : André Geens, Jan Remans, Paul Wille; CD&V : Sabine de Bethune, Jacques D'Hooghe, Erika Thijs; PS : Marie-José Laloy, Anne-Marie Lizin; PRL FDF MCC : Alain Destexhe, Philippe Monfils; Vlaams Blok : Jurgen Ceder; SP.A : Marcel Colla; Ecolo : Josy Dubié; Agalev : Michiel Maertens; cdH : Georges Dallemagne.

(Le 18 avril 2002, M. Josy Dubié a été remplacé par M. Jacky Morael, le 7 novembre 2002, M. Philippe Monfils a été remplacé par M. Olivier de Clippele et le 13 février 2003 par M. Jean-Marie Dedecker.)

Le même jour, le bureau de la commission a été constitué comme suit :

Président : VLD : André Geens,

Vice-présidents : CD&V : Sabine de Bethune; PS : Marie-José Laloy; Agalev : Michiel Maertens,

Rapporteurs : SPA : Marcel Colla; cdH : Georges Dallemagne; MR : Philippe Monfils.

Règlement d'ordre intérieur

Le 30 novembre 2001, la commission d'enquête Grands Lacs a approuvé un règlement d'ordre intérieur (voir l'annexe 6). Ce règlement porte notamment sur l'accès aux réunions de la commission, la convocation, la prestation de serment, le secret relatif aux informations obtenues à l'occasion des réunions qui ne sont pas publiques, l'interrogatoire des témoins et les contacts avec les médias.

Mission

La commission d'enquête du Sénat a pour mission :

1º d'organiser une enquête concernant les activités légales et illégales exercées par des entreprises, institutions et personnes en République démocratique du Congo et dans la région, durant la période couverte par les rapports des Nations unies, et au vu de la situation conflictuelle actuelle et de l'implication de la Belgique;

2º d'évaluer le cadre juridique et les mécanismes de contrôle en la matière;

3º de formuler des recommandations basées sur les constatations faites.

Il faut rappeler que la commission d'enquête a été instituée à l'occasion du rapport des Nations unies relatif aux activités illégales d'entreprises belges et autres en République démocratique du Congo. Ce premier rapport de l'ONU date du 12 avril 2001 et est intitulé Rapport du groupe d'experts sur l'exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de la République démocratique du Congo, le 12 avril, Nations unies, Conseil de sécurité, S/2001/357.

La Commission a également analysé le deuxième rapport de l'ONU, qui date du 22 mai 2002 et qu'est intitulé Rapport intérimaire du groupe d'experts sur l'exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de la République démocratique du Congo, le 22 mai 2002, Conseil de sécurité, S/2002/565 et le troisième rapport de l'ONU, qui date du 16 octobre 2002 et qui est intitulé Rapport final du groupe d'experts sur l'exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de la République démocratique du Congo, 22 mai 2002, Conseil de sécurité, S/2002/1146.

Expertise

La commission a fait appel à un certain nombre d'experts au cours de ses travaux et, notamment, à Mme C. André, maître en sciences économiques et sociales et chercheuse dans la région des Grands Lacs, en tant qu'experte économique. Elle a assisté la commission au cours de ses travaux, en collaboration avec une série de spécialistes, entre autres, Jeroen Cuvelier, Tim Raeymakers, Johan Peleman et Christian Dietrich. La partie II du rapport, qui concerne le rapport d'expertise, est le résultat de cette contribution scientifique. Après la clôture de la phase des auditions, les projets de textes préparatoires à cette partie II ont été discutés en détail en commission au cours des mois de janvier et de février 2003.

À partir de novembre 2002, M. A. Vandeplas, président de chambre honoraire de la cour d'appel d'Anvers et professeur extraordinaire émérite à la Katholieke Universiteit Leuven, a assisté la commission en sa qualité de spécialiste de la procédure pénale.

Dans le courant du mois de novembre 2002, Maître D. Blommaert, spécialisé en droit des obligations, à été chargé de la tâche spécifique d'analyser les documents transmis par l'Office national du ducroire à propos des contrats assurés par l'OND entre l'OMG Group Inc., le Groupe Forrest SA (GGF) et la Générale des Carrières et des Mines (Gécamines) qui ont créé ensemble la joint venture Groupement pour le traitement du terril de Lubumbashi (GTL). Il a fourni l'avis ainsi qu'une note de synthèse le 20 décembre 2002 (voir les annexes 2 et 3). Un échange de vues y a été consacré en commission le 10 janvier 2003.

Auditions

Entre novembre 2001 et janvier 2003, la Commission a organisé plus de septante auditions d'experts et de témoins. Bien que les auditions soient en principe publiques, un tiers des auditons en question ont eu lieu à huis clos, à la demande des personnes à entendre.

L'annexe 1 comprend un aperçu chronologique des auditions avec mention de la date, de la fonction de la personne entendue, du thème en question et du caractère public ou non de l'audition.

L'annexe 7 contient les rapports des auditions publiques.

Mission d'information

Une délégation de la commission, composée de M. A. Geens, président, Mme S. de Bethune, première vice-présidente, Mme M.-J. Laloy, deuxième vice-présidente, M. W. Maertens, troisième vice-président, et MM. M. Colla et G. Dallemagne, rapporteurs, effectue une visite de travail au Rwanda et à la RDC du 9 au 21 novembre. Un rapport de synthèse de cette mission d'information figure à l'annexe 4.

Documents consultés

La plupart des documents qui ont été communiqués à la Commission proviennent des personnes entendues et de témoins congolais anonymes. Il s'agit principalement de contrats, de factures, de documents douaniers et de notes diverses (voir l'annexe 5).

Rédaction et discussion des constatant et recommandations

De nombreuses longues réunions ont été consacrées, au cours des mois de janvier et février 2003, à la rédaction, la discussion et à l'amendement des constatations et des recommandations (voir la partie III).

II. RAPPORT D'EXPERTISE

SOMMAIRE

  1. Contexte politique et économique de la République démocratique du Congo
    1. Introduction
    2. Évolution de la structure politique
      1. Sous le président Mobutu : État prédateur, clientélisme et réseau d'élites
      2. Sous le président Laurent-Désiré Kabila 1996-2000
      3. Accession du président Joseph Kabila au pouvoir
    3. Évolution de la situation économique congolaise et conséquences
      1. Potentiel économique de la République démocratique du Congo
      2. Évolution de l'économie congolaise : croissance jusqu'en 1974 puis récession
      3. Contraction économique générale et développement d'une économie informelle
      4. Effets de la mondialisation sur l'économie congolaise : insertion insuffisante de l'économie congolaise dans le système mondial, diminution des investissements directs étrangers, réduction drastique des intérêts économiques
      5. Liens de l'économie congolaise avec les économies régionales
      6. Criminalisation de l'économie par l'élite politico-militaire, commercialisme militaire par les armées étrangères et pillages des ressources de la République démocratique du Congo
      7. Aspects de criminalisation de l'économie : des années 80 aux années 90.
      8. Privatisation et criminalisation des espaces publics
      9. Enjeux des pays voisins et commercialisme militaire et économie de guerre
      10. Aspects de pillage de ressources et degrés de militarisation des filières
        1. Ressources pillées :
        2. Lien entre pillage, profits personnels, financement de la guerre et paupérisation
    4. Conséquences sociales
    5. Politique d'aide régionale « deux poids deux mesures »
    6. Conclusions
  2. Définitions, concepts, méthodologie
    1. Concepts de légalité/illégalité
    2. Financement de la guerre et contribution à la poursuite du conflit par le biais de taxes ou par la coopération et la participation directe dans les filières monopolisées par des armées
    3. Réseaux criminels et liens entre certaines filières, exploitation illégale et le financement de la guerre
      1. Distinction entre entreprises installées localement depuis de nombreuses années et celle tirant parti de la situation de conflit
      2. Description et fonctionnement des réseaux d'élite (congolaise, rwandaise, ougandaise)
    4. Financement de la guerre par le contrôle et l'accaparement des surplus économiques générés par l'exploitation et la commercialisation des ressources : concept de pillage
    5. Concept de licite/d'illicite, éthique/non éthique, de « responsabilité collective » par rapport aux conséquences externes d'une activité
    6. Principes de l'OCDE et code de conduite des entreprises oeuvrant dans les pays en guerre
    7. Méthodologie
  3. Filière coltan
    1. Introduction
    2. Description des filières
      1. Sociétés exploitant et commercialisant le coltan localement au Congo
      2. Les sociétés qui commercialisent le coltan au niveau international et qui ont des liens avec l'Afrique centrale
      3. Laboratoires d'analyse
      4. Entreprises de stockage et/ou de broyage et d'expédition
      5. Sociétés de transports et sociétés transitaires
      6. Entreprises de traitement du coltan pour extraire de la poudre de tantale, entreprises de fabrication de condensateurs et de circuits électriques et industrie de la haute technologie
    3. Évolution de l'implication et du positionnement des entreprises au cours de la guerre. Apparition de nouvelles entreprises, reflet d'enjeux commerciaux nouveaux
      1. Impact de la présence rwandaise au Congo et de la hausse subite des cours internationaux du tantale sur une redistribution du marché des minerais et apparition de nouvelles filières
      2. Effet du monopole : éviction de certaines sociétés congolaises exportatrices et rupture de liens commerciaux avec l'étranger
      3. Fin du monopole : des sociétés congolaises cherchent de nouveaux partenaires commerciaux étrangers
      4. Conclusions
    4. De l'illégalité ou pas du monopole, des filières rwandaises, des activités de l'armée rwandaise au Congo
    5. Rôle des taxes dans le financement et la poursuite de la guerre
      1. Financement de la guerre des mouvements rebelles par les taxes
      2. Paiement des taxes par les comptoirs congolais agréés au mouvement rebelle et lien avec le financement de la guerre au Congo
      3. Rôle des taxes de la Somigl dans le financement du mouvement rebelle
      4. Forfaits, réductions ou exemption de taxes pour certaines sociétés rwandaises et lien avec la poursuite de la guerre et le financement de la guerre
    6. Contribution au pillage du Congo et à la spirale de récession économique (fraude et part de la valeur ajoutée restant au Congo)
      1. Fraude transfrontalière avec le Rwanda : avantages comparatifs du Rwanda libre de taxes pour l'exportation du coltan ­ ampleur de celui-ci
      2. Fraude sur la valeur à l'exportation des produits stratégie pour réduire le montant des exportations
      3. Évaluation du chiffre d'affaires sur le coltan et répartition de la valeur ajoutée
      4. Conclusions
    7. Filières criminelles dans l'exploitation etla commercialisation du coltan
    8. Considérations éthiques et recommandations de l'application des principes de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales
    9. Conclusions et recommandations spécifiques à la filière coltan
  4. Filière diamant
    1. Introduction
    2. Filières : place et rôle de la Belgique dans le commerce des diamants
      1. Place diamantaire d'Anvers
      2. Liens entre comptoirs d'exportation du Congo liés aux entreprises belges
    3. Diamant illégal, illicite et diamant de guerre
      1. Quelle évaluation peut-on faire de la contrebande et quels sont les mécanismes sous-jacents à la contrebande ?
      2. Le diamant de guerre : définitions diverses
      3. Niveaux de légalité et d'illégalité de certains diamants
      4. Financement de la guere par les taxes sur le diamant, par les licences et l'octroi de monopole d'exportation
      5. Financement de la guerre par des ponctions et par l'octroi de certaines concessions
    4. Évaluation du pillage sur la valeur ajoutée du diamant
    5. Réseaux criminels
    6. Conséquences sociales
    7. Processus de Kimberley
      1. Attitude pro-active d'Anvers : système de certification d'origine infalsifiable pour résoudre le problème du diamant de guerre, en Angola, Sierra Leone et le Congo
      2. Processus de Kimberley
        1. Conséquences du procès Kimberley
        2. Avantages du processus de Kimberley
        3. Problèmes potentiels liés au processus de Kimberley
        4. Contingentement des importations par rapport aux règles de libre échange éditiées par l'Union européenne de l'OMC
        5. Recommandations
    8. Le système belge
    9. Conclusions
  5. Filière d'or
    1. Méthodologie
    2. Description des filières
      1. Remarques préalables
      2. Historique de l'exploitation de l'or dans l'Est du Congo : « descente aux enfers »
        1. Sominki : le dindon de la farce
        2. Filière ougandaise
        3. Intérêts belges en baisse
        4. Augmentation de la criminalité
      3. Filières
    3. Influence sur les pillages
      1. Ouganda
      2. Rwanda et Burundi
    4. Fraude et financement de la guerre, participation à la guerre
  6. Filière cuivre-cobalt-germanium
    1. Introduction
    2. Bref aperçu du contexte minier au Katanga et évolution de la Générale des carrières et des mines (Gécamines)
    3. Description des filières
      1. Exploitation des gisements de la GCM et autres, concentration, traitement et exportation
      2. Acheteurs de minerais, traders de la Gécamines, comptoirs d'hétérogénite, sociétés d'expédition, transporteurs
      3. Conclusions
    4. Évolution de l'implication et du positionnement des entreprises au cours de la guerre. Apparition de nouvelles entreprises au Katanga, reflet d'enjeux commerciaux nouveaux et positionnement
    5. Exploitation des terrils et tailings sur fond de vide juridique
    6. Rôle de l'octroi de concessions et des « ponctions » du gouvernement dans le financement et la poursuite de la guerre (et des taxes sur l'hétérégonite pour le financement de certains services étatiques
    7. Contribution au pillage du Congo et à la spirale de récession économique
      1. Exploitation et exportation de l'hétérogénite
      2. Exploitation de minerais et concentration au traitement partiel
      3. Usines métallurgiques
      4. Création de valeur ajoutée, investissements productifs au Congo et répartition des bénéfices au sein des partenariats avec la Gécamines
      5. Activités qui entraînent une récession économique
    8. Filières criminelles dans l'exploitation et la commercialisation des gisements et rejets ds la GCM (sur base du rapport des Nations unies)
    9. Considérations éthiques
    10. Conséquences sociales de la récession économique du Katanga
    11. Conclusions
  7. Filière d'armes
    1. Contexte
    2. Aperçu de l'assistance militaire aux parties combattantes dans la République démocratique du Congo
      1. Mesures restrictives à l'égard de l'exportation d'armes vers l'Afrique centrale
      2. Description de l'assistance militaire aux parties combattantes en Afrique centrale
        1. Assistance militaire aux membres de l'alliance gouvernementale
        2. Assistance militaire aux mouvements rebelles et à leurs alliés étrangers
      3. Le rôle de l'aéroport d'Ostende
        1. Le rôle de l'aéroport d'Ostende
        2. L'implication présumée de sujets belges dans l'assistance militaire aux parties combattantes en Afrique centrale
        3. La législation belge sur le commerce des armes
      4. Conclusions générales

1. CONTEXTE POLITIQUE ET ECONOMIQUE DE LA REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

1.1. Introduction

L'objet de cette partie consiste à esquisser le contexte de la République démocratique du Congo, les grandes caractéristiques du système politique congolais (sous les présidents Mobutu et Kabila père), héritage du Congo politique actuel et les grandes étapes qui ont marqué l'évolution économique du Congo indépendant jusqu'à présent.

Le Congo actuel hérite d'une situation politique caractérisée par un État qui ne remplit plus ses fonctions et laisse un vide, une absence de cadre réglementaire et institutionnel, laquelle est l'un des facteurs de la guerre en ce sens qu'il a permis aux armées étrangères de déployer leurs activités militaires et économiques au Congo (première partie). Par ailleurs, le Congo hérite d'une longue crise économique dont les racines remontent aux années 70, à l'époque du président Mobutu. Cette crise économique a mené l'élite politique à adopter, d'une part, un comportement de prédateur et à mener, d'autre part, à une criminalisation de l'État et de l'économie (seconde partie). La guerre, l'exploitation et le pillage des ressources de la République démocratique du Congo s'inscrivent sur fond de vide étatique et de récession économique profonde. Les intérêts économiques que suscitent les dernières ressources exploitables dans un tel contexte donnent lieu à un commercialisme militaire pour les troupes étrangères et à la poursuite du pillage des ressources du Congo pour les armées « invitées » (troisième partie). Le rôle de la communauté internationale dans la région est ambigu et tendrait plutôt à favoriser la poursuite du conflit et l'exploitation des ressources de la République démocratique du Congo par les armées étrangères (quatrième partie).

1.2. Évolution de la structure politique

1.2.1. Sous le président Mobutu : État prédateur, clientélisme et réseau d'élites

Paule Bouvier, dans son audition publique du 30 novembre 2001, a exposé les principales caractéristiques du système politique congolais à l'époque du président Mobutu.

Selon elle, en ce qui concerne le registre institutionnel, l'on ne peut pas parler de trois pouvoirs indépendants au Congo (1) : le gouvernement, le parlement et le pouvoir judiciaire sont inféodés au chef de l'État ou sont des « paravents ». Le pouvoir de décision revient au chef de l'État, mais les institutions existent. Dès lors, il est préférable de distinguer deux cercles de pouvoir : le premier (le cabinet, et les proches) qui contribuent avec le chef de l'État à faire la décision, le second, visible et public est la classe politique, les « barons du régime ». Au sein de ce second cercle, des factions se font concurrence (2).

En ce qui concerne les pratiques de ces acteurs, il y a d'abord la prédation, puis le clientélisme. Le Congo est un État prédateur, c'est-à-dire « qu'il y a tout simplement accaparemment des recettes pour les dilapider dans toutes sortes de dépenses ostentatoires et qu'il n'y a pratiquement qui rien soit réinvesti dans l'économie nationale. Il y a donc prédation pure et simple » (3). À côté de l'accaparemment des revenus de l'État, le clientélisme est une seconde pratique importante au Congo, érigé comme système de gestion du politique. Elle décrit le clientélisme comme « un ensemble de filières qui partent du sommet de la pyramide politique et redescendent d'échelon en échelon, de relations personnalisées entre patrons et clients jusqu'à la base de la pyramide nationale, dans un système d'échanges personnalisés, avec un rapport inégal de supérieur à inférieur. [...]. Le clientélisme devient un système de redistribution en cascade et il a réellement constitué les fondements du système politique durant toute une période » (4). Ce système ne fonctionne que tant qu'il y a un minimum de ressources disponibles (c'est aussi cas de l'aide que certaines autorités vont tenter de capter pour la redistribuer au sein des filières).

Cette structure politique s'est dégradée au rythme de la dislocation de l'économie (les causes de la contraction de l'économie sont développées dans la partie traitant de l'évolution économique). Une fois l'État ruiné, certaines filières clientélistes tendent à se disloquer, le premier cercle autour du chef de l'État se rétrécit, l'aire d'exercice du pouvoir se rétrécit et ce rétrécissement aboutira à la disparition quasi-complète de l'État : l'État ne remplit plus ses fonctions et laisse un « vide », tant au niveau national qu'au niveau local (5).

Les structures et les institutions étatiques n'assurent plus leurs fonctions mais elles subsistent néanmoins et sont « parasitées » par des réseaux d'élites politico-commerciales (6). Au plan macro-politique, les gouvernements ont perdu toute légitimité et tout facteur de légitimation. L'administration régionale se fait en dehors de Kinshasa, selon un axe ethnique qui a repris racine dans beaucoup de régions (7). Mais le chef de l'État continue à accaparer le pouvoir pour bénéficier des privilèges que son exercice confère, mais cette volonté de se maintenir au pouvoir aura des conséquences (l'enlisement de la Conférence nationale par exemple) (8).

Ce vide est comblé par d'autres acteurs tels que les églises, les organisations non gouvernementales, mais également par des « seigneurs de guerre », des milices ethniques ou des intervenants étrangers qui profitent du vide existant pour déployer des activités extraterritoriales aussi bien militaires qu'économiques (9). En effet, les régimes des pays voisins (Rwanda sous Habyarimana et Burundi sous Buyoya) sont structurellement semblables.

Les conséquences violentes telles que les guerres civile, économique ou sécuritaire régionale actuelle, inter-étatique sont l'expression de cette quête de pouvoir, du chaos politique et de la réaction des différents réseaux et factions qui résultent de la contraction de l'économie et de la réaction perverse de l'élite qui continue à vouloir s'accaparer la rente économique. Paule Bouvier, Stefaan Marysse, Hugues Leclerq et Filip Reyntjens se rejoignent tant au niveau de leur analyse du Congo en terme d'État prédateur et de mise en place de réseaux d'élites pour capter la rente au fur et à mesure de la contraction économique qu'au niveau des conséquences violentes que ce mode de gestion politique implique (10). Ils rejoignent les analyses théoriques de Jean-François Bayart et de William Reno pour certains États africains : l'État prédateur devient criminel lorsqu'il cherche à s'accaparer des revenus des ressources par la violence et au détriment de l'intérêt de la population (11). Il y a criminalisation des États mais également des économies (voir partie économique).

1.2.2. Sous le président Laurent-Désiré Kabila 1996-2000

La première guerre a débuté en septembre-octobre 1996 dans l'Est de la République Démocratique du Kongo. Laurent-Désiré Kabila a pris le pouvoir à Kinshasa en mai 1997. Depuis 1996, le Congo a été victime de deux guerres qui ont accentué la désintégration de l'État. Le mode de gestion politique est resté le même et la criminalisation de l'État et de l'économie se sont accentuées.

a. Alliances et enjeux

Le succès du président Laurent-Désiré Kabila et de son alliance résulte, selon Filip Reyntjens, d'une part, du « trou noir » ­ un pays presque sans État ou avec un État qui ne remplit pas ses fonctions de base ­ et, d'autre part, d'une coalition régionale (12).

L'alliance du président Laurent-Désiré Kabila avec le président Paul Kagame repose sur un argument sécuritaire (milices hutu et réfugiés du génocide de 1994 installés à l'est de la République Démocratique du Congo représentaient une source d'insécurité pour le régime de Kigali) (13). L'Angola, mais également l'Ouganda et le Burundi soutiennent le président Laurent-Désiré Kabila sur base du principe : « l'ennemi de mon ennemi est mon ami » (14). En effet, ces différents pays sont menacés par des rébellions soutenues par le président Mobutu et qui prennent le Congo comme base-arrière. Le Congo est le théâtre de conflits voisins réglés sur le sol congolais.

La seconde guerre a éclaté le 2 août 1998 et est un prolongement de la première. Le président Laurent-Désiré est confronté à un problème de légitimité interne de son pouvoir. En prenant distance vis-à-vis de ses parrains rwandais, ougandais et, dans une moindre mesure, burundais, ceux-ci lancent la seconde guerre qui provoque un glissement d'alliance. L'Angola et le Zimbabwe interviennent militairement en envoyant des troupes en invoquant le droit international mais, en réalité, pour défendre des intérêts propres (15).

b. Financement de la guerre

La première guerre du président Laurent-Désiré Kabila est financée par les « parrains », ougandais, rwandais et dans une moindre mesure, burundais qui résolvent ­ partiellement du moins ­ leurs problèmes sécuritaires à l'Est. Le problème de l'Angola est également résolu par l'accession de Laurent-Désiré Kabila au pouvoir en mai 1997.

Pour financer la guerre, Laurent-Désiré Kabila a utilisé différentes techniques (16) qui ne diffèrent pas véritablement des méthodes de financement et d'obtention rapide de fonds utilisées par le président Mobutu (17) :

1. surévaluation du franc congolais, ce qui lui a permis d'acheter davantage de dollars avec peu de francs congolais;

2. tentative de contrôle des exportations frauduleuses de diamants par l'instauration d'un monopole pour l'achat de diamants (Idi Diamond) et leur évacuation par Brazzaville, ce qui a provoqué une plus grande fuite de diamants en fraude et au marché noir;

3. obtention de prêts en contrepartie de concessions (concessions accordées à des Zimbabwéens en échange de transport et financement d'armes), et contribution de la Miba à l'effort de guerre du président Laurent-Désiré Kabila;

4. imposition de prix minima pour le carburant et revente de ce carburant à Brazzaville, 4 fois plus cher;

5. recours à la « planche à billet » en 1998, comme le président Mobutu l'a fait;

6. vente de concessions pour tirer rapidement des revenus de cette vente (Tenke Fungurume sous la présidence de Mobutu a généré des centaines de millions de dollars US; le pipe de Tchibwa cédé aux Zimbabwéens ou les hectares boisés à Dara Forest; parfois en cessions successives à plusieurs acheteurs (18);

7. « ponctions » des entreprises publiques : la Miba a été « ponctionnée » comme la Gécamines le fut largement sous la présidence de Mobutu (et aussi sous celle de Laurent-Désiré Kabila) (19).

1.2.3. Accession du président Joseph Kabila au pouvoir

Le président Laurent-Désiré Kabila est assassiné en janvier 2001 et son fils, Joseph Kabila le remplace à la présidence de la République Démocratique du Congo. Le bilan des premiers mois de sa présidence sont marqués par la reprise des relations diplomatiques avec l'Occident et les institutions financières internationales (Banque mondiale et FMI) et une volonté de parvenir à des Accords de paix ainsi qu'à une solution politique.

1.3. Évolution de la situation économique congolaise et conséquences

Le Congo dispose d'un potentiel économique important. Cependant, après une période de croissance économique jusqu'en 1974, il a subit une forte récession économique jusque dans les années 90 qui s'est accentuée au cours de la dernière décennie, suite, notamment à la suspension des coopérations et de l'aide bilatérales et multilatérales mais aussi à la criminalisation de l'économie et aux deux guerres successives.

1.3.1. Potentiel économique de la République Démocratique du Congo

Outre les ressources minières traditionnelles (telles que le cuivre, cobalt, or, étain, coltan, ...), le Congo dispose d'un potentiel important en bois, eau, énergie, en terres agricoles, pétrole et minerais. En effet, 40 % du territoire congolais sont couverts de forêt primaire, la plus grande d'Afrique tropicale; le Congo représente première source d'eau douce pour l'Afrique et la seconde au plan mondial; grâce à ses barrages, le Congo représente un potentiel en énergie renouvelable important dans la région (Inga notamment); ses terres agricoles s'étendent sur une superficie de 900 000 km2 dont seuls 10 % sont utilisés pour une agriculture de subsistance mais n'ont jamais été envisagées comme terres exploitables industriellement pour l'exportation. Le Congo dispose également de mines exploitables industriellement, de réserves de pétrole qui s'étendraient du lac Albert au lac Tanganyika et de minerais exportables, dont le coltan, dont les réserves au Congo s'élèveraient à deux-tiers des réserves mondiales (20).

1.3.2. Évolution de l'économie congolaise : croissance jusqu'en 1974 puis récession

a. Les grandes périodes de l'économie congolaise

Au cours de la période s'étalant entre 1967 et 1974, la croissance économique s'élevait à 7,6 %/an et l'accroissement de l'industrie manufacturière est estimé à 8,6 %/an. Le Congo est alors la troisième puissance régionale de l'Afrique. Le moteur de l'économie congolaise est la Gécamines (ex-Union minière du Haut-Katanga) avec l'exploitation des minerais. Le Congo tire alors sa puissance économique des revenus générés par l'extraction, le traitement et l'exportation des minerais. En 1974, l'économie congolaise repose sur un ensemble d'entreprises publiques dont la plus importante est la Gécamines (ancienne Union Minière du Haut Katanga), sixième entreprise mondiale, troisième d'Afrique. Cette entreprise s'appuyait sur deux entreprises publiques de transport, à savoir, Onatra et CNCZ, et aussi la société nationale d'électricité dont Inga, deuxième centrale avec ligne à haute tension vers le Katanga (21).

b. Facteurs de récession économique à partir de la moitié des années 70

À partir de 1974, et jusqu'à ce jour, le Congo entre dans une période de forte récession. Plusieurs facteurs expliquent cette contraction économique brutale. Tout d'abord, au plan international, la chute de 50 % du prix du cuivre et d'autres minerais et la hausse des prix du pétrole lors de la crise pétrolière mondiale. Au plan régional, la guerre en Angola entraîne la rupture des voies d'exportation des produits katangais via l'Angola sur l'Atlantique. Au plan national, la politique de nationalisation des grandes entreprises, la « zaïrianisation » menée par le président Mobutu qui consiste à redistribuer à une élite politico-commerciale une large partie des actifs congolais, se traduit par une succession de mesures de politiques économiques improvisées et contradictoires. Enfin, les deux guerres du Shaba et le départ des étrangers ­ et notamment d'une grande partie du personnel de la Gécamines ­ entraînent un effondrement des structures technico-administratives de la Gécamines (22).

Les grandes conséquences de cette politique de zaïrianisation combinée à un environnement économique mondial défavorable sont une période de récession de 6 %/an entre 1976 et 1978 accompagnée d'inflation. La corruption se généralise. Succède alors une période de désinvestissements et non-investissements. Leclerq conclut son analyse en disant que « La capacité d'une économie moderne de créer, d'engendrer des revenus de la valeur ajoutée n'existe plus » (23). En effet, d'une capacité à créer de la valeur ajoutée pour un montant de 10 milliards de dollars US par an en 1974, le secteur moderne n'en produit plus que 3,8 milliards en 1990 (24). Entre 1976 et 1990, l'économie congolaise connaît une « descente aux enfers », à savoir une contraction économique brutale accompagnée d'inflation (25).

c. Accentuation du déclin dans les années 90, après la fin de la guerre froide

En 1990, avec l'effondrement de la mine de Kamoto, c'est la Gécamines, mais aussi, par voie de conséquence, l'ensemble du secteur public congolais et l'appareil politique qui s'effondrent également. Le Congo est victime de deux grandes vagues de pillage (en septembre 1991, et en 1993). Toutes les structures modernes, institutionnelles et économiques s'effondrent complètement et entraînent l'implosion du système monétaire. L'armée n'est plus payée.

Depuis le vide politique apparu après la chute du mur de Berlin, le taux de croissance du PIB décroît de manière spectaculaire, atteignant des taux de décroissance annuels jamais atteints au cours des années précédentes, allant jusqu'à 13 et même 16,5 %/an en 1992-1993 et en 1999-2000 (26).

Tableau 3 : Taux de croissance du PIB et revenu par habitant 1967-2000

Période Taux de croissance
annuel moyen par
habitant
Revenu par habitant
en dollars US
1965-1974 2,7
1974-1983 - 3,5
1980-1984 - 4,6
1986 - 0,1
1990 - 6,6 168
1991 - 3,4 157
1992 - 13,4 146
1993 - 16,5 122
1994 - 7,0 113
1995 - 2,5 110
1996 - 4,3 106
1997 - 8,3 97
1998 - 5,0 92
1999 - 13,4 80
2000* - 14,3 68

* les estimations de la décroissance par le FMI (voir tableau 1) sont moins pessimistes et la décroissance par tête ne serait « que » de 7,5 % et donnent un revenu de 85 dollars. Ces estimations sont meilleures mais encore assez loin de la réalité puisqu'on ne prend que très partiellement en compte le secteur informel (tiré d'un article de Stefaan Marysse, « Besoins de financement de la reconstruction de l'économie congolaise : ampleur et considérations préalables », dans Reyntjens, F., Marysse, S., L'Afrique des Grands Lacs. Annuaire 2001-2002).
Source : Banque nationale congolaise, condensé de statistiques, différents numéros, Kinshasa, 2000-5/2001.

En 20 ans, la population a doublé et le PNB n'est plus que de 30 % de ce qu'il était (27).

Le secteur formel se contracte, la masse salariale diminue et le niveau des salaires ne sont pas réajustés ou rarement mais partiellement seulement. L'emploi formel est passé de 2,7 % de la population totale en 1967 à 1,7 % en 1999 et le niveau des salaires dans le secteur formel est passé de 1 500 de dollars US à 50 dollars US au cours de la même période (28). Les quantités de ciment produit (et consommé) et l'un des indicateurs important de l'activité économique (secteur de la construction) est en forte baisse, comme le montre le tableau ci-dessous.

Les recettes ordinaires actuelles de l'État du Congo sont passées de 2 milliards de dollars US dans les années 80 à quelque 200 millions de dollars US dans les années 90 (29). Elles ne représentent plus qu'une centaine de millions de dollars, soit un dixième du budget de la ville d'Anvers. Les exportations ne représentent plus qu'un tiers de ce qu'elles étaient au début des années 80 (30).

Autres indicateurs économiques

eenheden
­
unités
1980 1999
Bevolking. ­ Population Miljoen inwoners. ­ Millions d'habitants 27 50
Interne productie. ­ Production intérieure In miljoen dollars US. ­ En millions de dollars US 14 922 5 200
Binnenlands Product (%). ­ Produit intérieur (%) In % of 1980. ­ en % of 1980 100 35
Invoer. ­ Importations In miljoen dollar US. ­ En millions de dollars US 1 117 540
Uitvoer. ­ Exportations In miljoen dollar US. ­ En millions de dollars US 2 507 1 050
Productie-export van koper. ­ Production-exportation de cuivre in/en 1 000 ton/tonnes 468 (jaar/année 1988) 35
Productie van cement. ­ Production de ciment in/en 1 000 ton/tonnes 485 (jaar/année 1988) 149
Productie-export van diamanten. ­ Production-exportation de diamants in/en 1 000 karaat/carats 18 163 (in/en 1988) 26 084

Source : World Bank, « World Development Indicators en Lukusa », CEDAF, 1999 dans Marysse, S., « Regress and war : the case of DRCongo », « European Journal for Development Research », 2003.

En particulier, les exportations de cuivre ne sont plus que de 10 % de ce qu'elles étaient il y a 20 ans et seules les exportations de diamant ont augmenté et constituent aujourd'hui 60 % des exportations totales (31). Le diamant remplace progressivement le cuivre dans la balance des paiements. L'économie informelle se développe au fur et à mesure de la contraction du secteur formel de l'économie congolaise. Ainsi, les revenus du diamant (issus principalement de l'exploitation informelle) ont pratiquement remplacé de revenus que constituaient la Gécamines (secteur formel). Dans la balance des paiements et dans la composition du PIB, apparaît une ressource nouvelle : celle du diamant, dont l'exploitation fut libéralisée en 1981.

L'inflation ou l'hyperinflation ont accompagné la récession économique. Sous la présidence de Mobutu, entre 1978 et 1996, trois chocs monétaires ont été induits politiquement. Aucune des réformes menées n'a atteint l'effet escompté au plan macro-économique (dont la stabilisation monétaire) principalement à cause des difficultés d'un État faible d'appliquer ces politiques dans une société fragmentée. Cependant, ils ont servi les intérêts de l'élite et ont permis de générer lui des sources de revenus qui dépassaient largement les revenus ordinaires publics, alors en baisse (32).

Chaque nouvelle émission de monnaie provoquait, auprès de l'élite contrôlant l'économie moderne, une demande accrue de billets qu'elle transformait en monnaie étrangère (dollars US), et, en répercussion, une inflation des prix des biens dans l'économie informelle et, à terme, une perte de valeur des billets (33).

Chacun des chocs monétaires a provoqué une redistribution de revenus de la population vers l'élite politico-commerciale, et une paupérisation de la population (34). Les gagnants de ces opérations étaient l'élite politico-commerciale, bien informée et au courant des émissions de monnaie, tandis que la victime a été la population qui ne disposait ni des moyens ni des opportunités pour changer rapidement de sa monnaie.

Ces politiques peuvent être considérées comme criminelles (voir plus loin). Seuls les pauvres détiennent encore la monnaie congolaise aujourd'hui. La totalité de la monnaie scripturale est aux mains de l'économie populaire et son utilité est de financer les biens d'approvisionnement, le transport, etc.

Le résultat de cette hyperinflation fut sans aucun doute la marginalisation de la monnaie nationale et dollarisation de l'économie ainsi que la fragmentation du territoire congolais en plusieurs zones monétaires (35). La guerre a accru ce phénomène de fragmentation en deux zones économiques caractérisées par une différence de valeur du franc congolais (36). Vingt pour-cent de la population congolaise est isolée et ne participe pas à ce réseau monétisé : il y a un phénomène d'autonomisation régionale (37).

Face à la régression économique, à l'effondrement de l'économie formelle, au déclin continu de l'emploi formel, et à la réduction du budget de l'État, deux réactions s'observent. La première, provient de la population qui subit cette évolution politique et économique. Il s'agit plutôt d'une stratégie de survie qui favorise le développement d'activités informelles de survie et de petite production domestique. Ces activités informelles génèrent peu ou pas de croissance économique. L'autre réaction, perverse et violente, provient de l'élite politique et commerciale (38) : cette catégorie de la population « criminalise » l'État et l'économie.

1.3.3. Contraction économique générale et développement d'une économie informelle

Suite à la contraction de l'économie, et, en particulier de l'économie formelle, se développe l'économie informelle, appelée aussi économie populaire informelle ou économie de pauvres. Il s'agit d'une stratégie de survie de la population ou d'anti-crise (39) ou d'une alternative à la violence suite à l'effondrement de l'État (40). La forme d'exploitation industrielle disparaît peu à peu au profit d'une informalisation de l'exploitation, grâce aussi à la libéralisation de l'exploitation artisanale (que ce soit pour le diamant, l'or, ou l'hétérogénite) (41).

Cette économie informelle est actuellement dominante puisqu'elle assure deux tiers du PIB qui, en 1998, était de 11 milliards de dollars US (42). Dans le cas particulier du diamant, les revenus de son exploitation atteignaient entre 600 et 700 millions de dollars US au cours de la période 1991-1992 à 1995, et jusqu'à 800 millions de dollars US en 1998 (43).

Il s'agit d'une économie rassemblant des millions d'activités très précaires mais dont la caractéristique fondamentale est une économie de marché ancrée dans des réseaux de solidarité fondée sur des liens familiaux, ethniques et autres ayant des contacts au plan local d'abord, puis transfrontaliers. Cette économie garde des contacts avec l'économie moderne via les élites (44). Si l'économie informelle n'est pas réglementée, elle est partiellement structurée. Gauthier de Villers définit en ces termes les activités informelles comme « activités échappant au cadre institutionnel et réglementaire officiel de l'économie (inspection du travail, chambre de commerce, circuit bancaire, etc.), qui sont dès lors non contrôlées et non enregistrées et, à des degrés divers, en dépit du fait qu'elles sont le plus souvent pratiquées au grand jour, non légales (ne se conformant pas à la réglementation, par exemple en matière de taxes) ou illégales (ayant un objet contraire à la loi, par exemple le change de monnaie en dehors des banques et bureaux agréés quand les autorités ont conféré à de telles institutions le monopole des opérations de change) » (45).

Selon Marysse, les activités informelles résultent de stratégies de survie. Elles ont peu de potentiel de croissance et elles disparaîtront au fur et à mesure de la reprise économique du secteur formel (46). Cependant, le secteur formel nécessite un cadre macro-économique et politique stable à long terme, une sécurité juridique pour ses avoirs et ses investissements, etc. que le contexte des années 80-90 n'offre pas. L'avantage de l'économie informelle par rapport à l'économie informelle est la redistribution large de la valeur ajoutée au sein des filières. Le grand désavantage économique, au-delà du peu de potentiel de croissance qu'elle comporte, est l'exportation de minerais à plus faible valeur ajoutée pour le pays (hétérogénite, coltan) et l'écrémage des sites miniers qui augmentent fortement les coûts d'une reprise de l'exploitation des gisements par le secteur formel (47).

1.3.4. Effets de la mondialisation sur l'économie congolaise : insertion insuffisante de l'économie congolaise dans le système mondial, diminution des investissements directs étrangers, réduction drastique des intérêts économiques belges au Congo, caractéristiques des nouveaux opérateurs économiques

La mondialisation induit des changements structurels au niveau national. En effet, le système des États nationaux, avec des structures de gouvernement hiérarchisés, est remplacé par des structures horizontales ou des structures multipolaires de pouvoir au sein desquelles l'État national n'est qu'un élément. Dans les pays du Nord, la multiplication des centres de pouvoir est contrebalancée par la formation de structures d'intégration régionale comme l'Union européenne. La mondialisation a érigé les grandes entreprises privées au-dessus des États et institutions nationales. En Afrique, la libéralisation mondiale a accéléré l'effondrement des structures étatiques et à la criminalisation de l'État ainsi que, au plan local, au développement de l'économie informelle (48). En effet, l'État national remplit le rôle d'intermédiaire entre les niveaux locaux et mondiaux. Or, dans plusieurs pays d'Afrique, les détenteurs du pouvoir essaient d'exercer leur puissance en contrôlant les courants économiques entre les niveaux international et local, c'est-à-dire les importations et exportations. Au Congo, depuis une vingtaine d'années, les institutions nationales ont fait place à des réseaux personnels. Sous la présidence de Mobutu, ceux-ci faisaient partie de son entourage : une série de patrons locaux veillaient à être les intermédiaires entre les niveaux locaux et internationaux. Sous le président Laurent-Désiré, des militaires ont pris la place, « avec la différence essentielle qu'il ne s'agit plus de Congolais » (49). Au Congo, les militaires et les réseaux locaux gèrent et arbitrent la libéralisation économique et la mondialisation des échanges.

Cette analyse rejoint celle de Marysse qui montre clairement que le Congo n'a pas opté pour une ouverture vis-à-vis des opportunités économiques nouvelles qu'offre la mondialisation des échanges. Au contraire, le Congo a adopté une attitude de repli face à la mondialisation. L'élite a opté pour une attitude perverse, criminelle, à savoir, tenter de contrôler, de monopoliser et de détourner les flux à son profit suite à une longue période de récession ou même de régression économique et d'effondrement de l'Etat, en utilisant, au besoin, la violence (voir ci-dessous, la partie concernant la criminalisation de l'Etat) (50).

Le manque d'ouverture à la mondialisation et le repli du Congo s'illustrent par une diminution de l'investissement direct étranger et des échanges de la République Démocratique du Congo vis-à-vis de l'extérieur.

Évolution des investissements directs étrangers nets au Congo entre 1970 et 1995

IDE in mio dollars
­
IDE en mios de dollars
1970 1975* 1980 1985 1990* 1991 1992 1993 1994 1995
Burundi 0 0 0 1 1 1 1 0 0 2
Congo (Braza) 0 40 0 0 0 0 0 1
Kenia. ­ Kenya 14 17 79 18 57 19 6 2 4 32
Rwanda 0 3 16 15 8 8 2 3 1 1
Uganda 4 2 0 - 4 0 1 3 55 88 121
Tanzanië. ­ Tanzanie 0 0 0 14 0 0 12 20 50 150
Congo (Zaïre) 0 16 0 69 - 12 15 1 1 1 1
Afrika ten zuiden van de Sahara. ­ Afrique Sub-Saharienne 428 33 926 1 597 816 1 593 3 113 2 157

* En 1990, la coopération belge se retire, suivie des autres coopérations bilatérales puis multilatérales. Les investisseurs suivent le mouvement.

Sources : *World Bank, « Trends in Developping Economies 1996 », Washington, World Bank, 1996; World Bank, « Global Development Finance 1997. Volume 2 Country Tables », Washington, World Bank, 1997.

Ces quelques chiffres montrent le niveau extrêmement faible (voire quasi-nul) des investissements vers le Congo, mais également vers le Rwanda, le Burundi et le Congo Brazzaville alors que la Tanzanie, le Kenya (un peu moins) et l'Ouganda restent des pôles attrayants pour l'investissement étranger.

Face à l'éventail des possibilités d'investissement que représente l'ouverture aux marchés mondiaux, les grandes entreprises privées, autrefois liées à long terme au Congo, se désengagent, délocalisent et optent pour des investissements relativement peu importants, rentables et financés à très court terme. Cette politique des grandes entreprises répond, d'une part, à la multiplication des possibilités d'investissements dans le monde et à des délocalisations, mais également aux exigences des financeurs (actionnaires) qui exercent une pression pour des profits rapides (51). Le secteur minier en est un bon exemple. Les grandes entreprises refusent de prendre des risques et laissent la place aux juniors qui les prennent notamment dans le secteur minier. Ces entreprises se chargent de la prospection, tentent d'obtenir des droits de propriété lorsqu'une concession s'avère rentable puis revendent les concessions à des plus grandes sociétés (52).

En ce qui concerne le secteur minier congolais, les groupes belges (comme l'Union minière) se sont retirés (53), tandis que des intérêts canadiens (via des juniors, AMFI, Anvil Mining, Banro, Melchior Resources contrôlées parfois par des majors, comme Trillion Resources ), américains (Lundin, une junior, Barrick Gold et OM Group, deux majors) ou anglais (via certaines majors comme Anglo American) et australien (BHP ­ Broken Hill Proprietary, une major) tendent à se profiler. Le Canada, qui se profile comme le premier producteur minier du monde, mène une politique active au Congo, notamment en concluant des contrats en 1996-1997 par le biais de sociétés de prospection, des juniors (54). L'Australie vient en seconde place et l'Afrique en troisième position.

Sous la pression de la Banque mondiale, le Congo lance un mouvement de privatisation de ses entreprises publiques qui est adopté en 1994, sous Kengo, mais il n'est pas en position de force pour négocier avec des entreprises étrangères après l'effondrement de la Gécamines et les désinvestissements de la Miba (55). La plupart des contrats de privatisation sont signés sous Kengo. Le gouvernement congolais aurait voulu avoir une participation de 51 % dans ces contrats, mais en réalité, le Congo n'a pas été en position pour imposer sa majorité dans les contrats. Mais depuis la conclusion des contrats, aucune société n'a entrepris de grands investissements ni n'a débuté de grands travaux : les conditions contextuelles ne sont pas remplies (sécurité juridique, sécurité des investissements à long terme, notamment en ce qui concerne les mines. Anglo-American s'est retiré du projet de Kolwezi, AMFI de même que Lundin attendent l'application de la nouvelle loi minière, plusieurs refusent ou hésitent à lever des fonds et démarrer les projets.

a. Place de la Belgique dans le commerce avec la République Démocratique du Congo

En l'espace de quarante années, la Belgique est passée de la place de premier partenaire commercial avec le Congo parmi les pays du Tiers Monde à la 25e place. La Belgique n'a pas été remplacée par d'autres nations industrialisées. Pourtant, une série de juniors cherchant un profit rapide ont montré un certain intérêt pour le Congo lors de l'arrivée au pouvoir de Laurent-Désiré Kabila. Cependant, jusqu'à présent, ils n'ont pas réellement investi dans un pays où les coûts de transactions sont extrêmement importants pour les compagnies étrangères (56).

1.3.5. Liens de l'économie congolaise avec les économies régionales

Le Congo se caractérise par la perméabilité de ses frontières, au travers des relations ethniques et de marché, avec l'Ouganda, la Tanzanie, le Rwanda, la république Centrafricaine, l'Angola et le Congo-Brazzaville. Selon Paule Bouvier, les zones frontalières connaissaient une forte prospérité par rapport à l'intérieur du pays, grâce au commerce transfrontalier et à la contrebande. Cependant, la violence régionale a eu pour conséquences une atomisation et un retour à une économique d'autosubsistance.

Ces circuits commerciaux comportaient une série d'échanges frauduleux et dès lors, déjà illégaux avant la guerre. Ces circuits commerciaux ont été considérés comme illégaux à partir du moment où ils ont été contrôlés par des rebelles. Tant que ces autorités n'étaient pas légitimées politiquement par des accords, toute exportation qui ne transitait pas par Kinshasa était considérée comme illégale. Pourquoi n'avoir pas réagi pendant des années vis-à-vis de cette fraude frontalière ? En effet, l'or de l'est du Congo était, en grande partie, fraudé vers le Burundi qui l'exportait vers la Belgique. Cette activité était déjà en grande partie illégale avant la guerre (57). La guerre a permis aux armées des pays voisins de contrôler et monopoliser ces circuits existants (notamment l'or et le coltan), dont la majorité de la commercialisation était frauduleuse.

Comme Jan Gorus le fait remarquer, la plupart des activités économiques principales de la République Démocratique du Congo se situent dans les régions transfrontalières du Congo. Ces activités requièrent soit des échanges avec les pays voisins, soit leur collaboration (pour le transport et l'exportation par exemple). « Ces activités ont toujours donné lieu à une ingérence des pays voisins. Certains Etats, comme le Rwanda et l'Ouganda, ont tiré parti de l'implosion de l'État zaïro-congolais pour infiltrer le territoire congolais » (58).

L'intervention des pays voisins dans la guerre au Congo a permis à ceux-ci de réorienter les réseaux déjà existants, notamment en matière d'or et, dans une moindre mesure, de diamant : dans le cas de la région du Kivu, le Rwanda a réorienté le commerce par des moyens militaires via Kigali, au détriment de Bujumbura (centre d'exportation) ou de l'Ouganda (59). Les réseaux de diamants sont puissants et difficilement véritablement contrôlables. Des zones économiques nouvelles se développent au cours de ces dernières années : la première, autour du Rwanda, du Burundi et de la région du Kivu, la seconde, à la frontière avec l'Ouganda, autour du Katanga et de la Zambie septentrionale. Ces différentes régions tendent à être contrôlées par les pays voisins, faute d'institutions politiques et de gestion de la structure informelle mise en place : le Congo risque d'imploser (60).

1.3.6. Criminalisation de l'économie par l'élite politico-militaire, commercialisme militaire par les armées étrangères et pillage des ressources de la République Démocratique du Congo

La combinaison de ces deux processus, la marginalisation économique de l'Afrique et le ralentissement de l'aide qui laissent vide les caisses de l'État, entraînent une « criminalisation de l'État ». Celle-ci est d'autant plus importante que l'État est moins présent et que le pays est potentiellement riche : la classe politique, militaire, et commerciale cherche davantage à renforcer sa position. La guerre et la violence sont des moyens utilisés par les factions pour renforcer leur position et leur autonomie. C'est dans ce contexte qu'il faut, selon Marysse, situer le pillage.

Pour Kennes, cette criminalisation de l'État congolais se conjugue avec une mondialisation de l'économie criminelle internationale, une zone d'ombre de l'économie mondiale difficile à maîtriser (61). Il y a un danger de criminalisation de toute la région (62). Gorus note les effets de l'ouverture du Congo au début des années 90 à de nouveaux axes économiques générant de nouvelles voies commerciales, notamment des échanges avec Dubaï ou l'Afrique du Sud, échanges qui sont inscrits au sein de nouveaux rapports géopolitiques régionaux (dont le Zimbabwe et la Namibie cherchent le leadership).

a. Criminalisation de l'économie

Ce phénomène de criminalisation des États et des économies est perceptible ailleurs en Afrique et résulte, selon Marysse, du vide géopolitique créé dans toute l'Afrique suite à la chute du mur de Berlin, et qui se caractérise par un net ralentissement de l'aide au développement et de la marginalisation économique de toute l'Afrique. Le Congo, comme beaucoup d'autres pays africains, n'ont pas profité de la mondialisation; ils ont trop peu intégré les avantages de la mondialisation (63).

Face à cette contraction intérieure de l'économie et à la réduction de l'aide extérieure, et à l'effondrement de l'État, au mouvement de démocratisation, la réaction des élites politico-commerciales congolaises fut celle décrite par Bayart, à savoir, celle de réagir violemment en prédateurs pour tenter de monopoliser la faible rente qui restait dans le pays. Voici ce qu'il entend par criminalisation de l'État. La violence illégitime et la délinquance économique s'articulent désormais à des stratégies politiques, à des transformations sociales et économiques, à des configurations internationales qui leur confèrent un sens inédit et les font peut-être participer d'un grand basculement du sous-continent.

Les pratiques dites criminelles ne nous retiendront dans cette étude que si elles sont collectives, voire organisées par une relation forte, et même organique, avec les détenteurs du pouvoir politique ou les institutions de l'État » (64). Selon Marysse et André, deux aspects sont à considérer pour pouvoir parler de criminalisation de l'État.

Tout d'abord, les actes commis doivent revêtir d'un aspect d'enrichissement personnel ou factionnel (de réseau). Ensuite, ils doivent s'effectuer au détriment de la population, victime de la violence ou d'un appauvrissement. En bref, le trait essentiel qui caractérise la criminalisation de l'État, est que les hommes politiques et les militaires soient impliqués d'une manière systématique et collective dans un enrichissement illicite et non productif, au détriment de l'intérêt général (65).

Dans le cas de la République démocratique du Congo, deux périodes apparaissent distinctement : une première période de criminalisation de l'État et de l'économie se situe entre les années 80 et 90. Leclercq décrit bien cette évolution vers un État prédateur à cette période : « C'est alors que l'on a vu, en réaction, se mettre en place un autre mode de gestion politique, non plus à travers une administration et des institutions formelles comme en 1972-1973, mais par le biais d'élites politico-commerciales avec des filières dominantes travaillant uniquement à travers des réseaux. Dès lors, le pouvoir appartenait à une chaîne d'institutions soutenues par des élites : banque centrale, Gécamines, institutions de sécurité » (66).

Les différentes techniques consistaient en la corruption, la fraude généralisées, le blanchiment d'argent de la drogue, etc. La seconde commence à partir des années 90, lorsque le régime du président Mobutu s'est senti menacé et fragilisé par le mouvement de démocratisation et par la réduction des revenus provenant de l'aide (67). En effet, l'aide structurelle était passée de près d'un milliard de dollars à la fin des années 80 à une centaine de millions de dollars à la fin des années 90 (68). La situation était devenue « intenable » (69), la criminalisation de l'État et de l'économie s'est intensifiée.

1.3.7. Aspects de criminalisation de l'économie : des années 80 aux années 90

Globalement, les aspects de criminalisation de l'État et de l'économie concernent avant tout la fraude et la corruption qui atteignent des proportions élevées dans les années 90, le blanchîment d'argent, l'utilisation de la « planche à billet », diffusion de fausse monnaie pour servir les intérêts à court terme d'une élite fragilisée et déjà à la fin des années 90, la multiplication des ventes de concessions. Ces pratiques restent courantes sous le président Laurent-Désiré et certaines sont utilisées pour financer sa guerre (dans ce cas, elles peuvent ne pas être considérées comme criminelles dans le cas de la guerre).

L'État lui-même ou des autorités étatiques organisaient la fraude et l'illégalité. En effet, la valeur de lots de diamants pour l'exportation était sous-évaluée par les fonctionnaires responsables de leur évaluation (70). À partir du moment où l'État ne remplit plus sa fonction de pourvoyeur de services, lorsqu'il ne paie plus ses employés et quand ceux-ci se financent sur les services qu'ils rendent, la fraude, illégale, devient économiquement intéressante au niveau individuel, tant pour l'employé que pour l'opérateur économique ou le citoyen, qui négocient le prix des services.

Selon Kennes, si des pratiques de dessous de table avaient cours sous la présidence de Mobutu, certaines normes existaient, « aujourd'hui, la situation est devenue ingérable » (71).

Au début des années 90 déjà, alors que la production s'effondrait complètement, que les recettes du pays diminuaient, l'élite et le président Mobutu lui-même, ont agi de manière perverse en faisant imprimer massivement de la vraie-fausse monnaie pour se permettre d'assurer leurs dépenses. Le résultat fut, en 1993, une hyperinflation atteignant 32 000 %, taxant fortement les plus pauvres incapables de changer cette monnaie en dollars ou en diamants (72). La réforme menée en 1993 est un autre exemple de politique « criminelle » : son but était, pour le régime du président Mobutu arrivant à sa fin, de réactiver l'inflation dont l'élite gagnait les profits à court terme.

Sous la présidence de Mobutu déjà, puis sous celle de Laurent-Désiré Kabila, certaines concessions ont été cédées à plusieurs acheteurs successifs (voir les cas de Dara Forest, Tenke Fungurume, association Cosleg pour le pipe de Tchibwa, ...) : ces transferts permettent de générer des millions de dollars de recettes officielles (73). Ces grandes sociétés et entreprises sont en outre « grignotées de l'intérieur » (74) c'est-à-dire, par des ponctions de membres de l'élite.

Dietrich signale que le président Mobutu lui-même, des membres de sa famille et son entourage cherchèrent à tirer des profits de l'économie informelle après l'effondrement de l'économie formelle, en participant activement au commerce de diamant (y compris avec l'Unita), ainsi qu'à des transactions de change frauduleuses et au trafic de drogue (76).

Plusieurs entreprises exercent des activités de blanchîment d'argent, telles que Socodis (vente à Lubumbashi de poisson acheté à l'étranger à des prix bradés et achat de diamants avec les profits) (77).

Selon Johan Peleman, certains diamantaires de la place d'Anvers sont également négociateurs dans le commerce des armes, et il y a une possibilité d'un lien entre le diamant de la guerre et Al-Qaeda (78).

Ces différentes pratiques se sont multipliées et intensifiées au fur et à mesure de l'effondrement de l'État congolais, de la contraction de l'économie, de la réduction de l'aide extérieure et de la guerre. L'économie criminelle devient économiquement rentable, bénéficie à des factions ou des réseaux d'élites mais la population en supporte les coûts et s'appauvrit.

1.3.8. Privatisation et criminalisation des espaces publics

L'État n'assure plus ses propres dépenses. L'élite, en agissant comme prédateur, mine la base financière de l'État, qui devient petit à petit incapable de financer ses fonctionnaires et offrir les biens publics de base. L'on assiste à une privatisation de la fonction fiscale : des individus prélèvent des taxes et des impôts un peu partout dans le pays (le long des routes, aux barrières, ...).

L'État congolais ne finance plus son armée, il n'assure plus la fonction de maintien de la sécurité. Cette fonction du maintien du droit, de l'ordre et de la sécurité revient à des privés, des milices ethniques, des mouvements rebelles et des armées étrangères qui maintiennent un certain ordre au Congo leur permettant l'exploitation économique du territoire (79). Des firmes privées de sécurité assurent également la sécurité telles que Executive Outcomes ou Sandline (société britannique), IDAS (belge), etc.

1.3.9. Enjeux des pays voisins et commercialisme militaire et économie de guerre

Les pays voisins tirent avantage de l'effondrement de l'État congolais, avec la complicité directe ou indirecte d'acteurs locaux (80).

Différentes personnes auditionnées s'accordent pour dire que le « vide » étatique, l'absence d'État est la cause première de l'invasion des troupes invitées et non-invitées au Congo (81).

Dès lors, au-delà des enjeux de sécurisation des frontières invoqués dans un premier temps par tous les pays impliqués dans la guerre au Congo, au-delà des enjeux de contrôle de vastes territoires ou des intérêts géopolitiques de certains pays occidentaux (82), la guerre et l'instabilité permettent à des groupes militaro-commerciaux d'accéder à des ressources économiques, de contrôler des sites ou des filières, de mener des activités économiques illicites. L'absence d'État, la situation de guerre et l'instabilité créent une opportunité de prédation (Rwanda, Ouganda, Zimbabwe). Par commercialisme militaire, l'on entend l'implication de plus en plus grandes de militaires dans des activités économiques (83).

Par ailleurs, lors d'une audition, des membres de MSF ont montré le lien direct entre le positionnement des troupes étrangères au Congo et les sites miniers et pôles stratégiques au Congo (84).

La guerre et l'insécurité deviennent des enjeux pour le contrôle de centres miniers [cas de mines d'or de Kilo et de Moto administrées par deux entreprises Egimex et Okimo mais contrôlées en réalité par des militaires qui exigent un droit d'exploitation (85)].

Des conflits locaux opposent des factions de milices Maji-Maji pour le contrôle de certaines régions riches en coltan autour de Beni et de Butembo, par exemple (86).

Les pays impliqués et leurs armées basent de plus en plus leurs décisions sur des considérations commerciales plutôt que stratégiques ou tactiques et les armées sont déployées principalement dans les régions, les villes et les sites qui recèlent des matières premières (87).

Dans ce contexte, les activités économiques et militaires leur rapportent davantage que dans une situation de paix et de stabilité (88).

En d'autres termes, l'instabilité rapporte davantage que la paix et le retrait des troupes de ces régions implique pour les pays qui les soutiennent un coût et une perte de revenus (89).

Le retrait des troupes d'un pays intègre des considérations commerciales et donc l'estimation des pertes de revenus (90).

Enfin, la commercialisation du déploiement militaire des troupes étrangères au Congo soit est institutionnalisé, soit relève de l'initiative individuelle de haut-gradés militaires. Au Rwanda et au Zimbabwe, les activités d'exploitation sont organisées par le pouvoir central et institutionnalisées, tandis qu'en Ouganda, elles sont le fait d'individus appartenant à l'armée, des généraux et hauts-gradés (91).

Le Zimbabwe et le Rwanda sont très actifs dans l'exploitation des ressources. Ces deux pays ont mis sur pied des institutions pour le contrôle de leurs activités et des revenus de l'exploitation. Dans le cas du Zimbabwe, une organisation au sein de l'armée (Osleg) conclut des contrats d'exploitation de concession en contrepartie de prêts devant notamment servir à financer la guerre. Bien qu'elle soit centralisée, l'exploitation bénéficie davantage à des personnes privées qu'à l'État (92).

Au Rwanda, le Service de renseignements extérieurs dispose d'un « Bureau Congo » doté d'une division « production » qui gère les revenus du Congo (93).

Les retombées économiques diffèrent d'un pays à l'autre selon que la commercialisation du déploiement militaire est institutionnalisée ou pas, et selon le coût d'un éventuel retrait.

1.3.10. Aspects de pillage de ressources et degré de militarisation des filières

La criminalisation de l'État n'a pas commencé mais s'est accentuée avec la guerre. C'est dans ce contexte de criminalisation de l'État, puis de guerre et de commercialisme militaire que, selon Marysse, il faut placer le pillage. Le pillage existait déjà à l'époque du président Mobutu, il s'intensifie à partir des années 90 avec l'intensification de la criminalisation de l'État et de l'économie. Enfin, sous la présidence de Laurent-Désiré Kabila, le pillage sert aussi à financer la guerre.

a. Ressources pillées :

Le diamant, l'or, le coltan, le bois, le cuivre et le cobalt sont les principales ressources qui font l'objet d'un pillage. Celui-ci est plus ou moins intense selon la forme d'exploitation (artisanale ou industrielle), selon le type de contrôle (militaire, réseaux d'élites, ou pas). Le pillage se produit à différents niveaux au sein des filières : par les exportateurs qui se situent souvent en bout de chaîne, mais également par les intermédiaires et négociants qui contrôlent la majeure partie de la valeur ajoutée. Le creuseur, l'exploitant artisanal ne récupère qu'une faible partie allant de 5 à 10 % de la valeur du produit exploité (que ce soit pour le coltan, l'hétérogénite), à un maximum de 50 % pour l'or ou le diamant dont le prix est connu.

Le diamant

Aperçu

Le Congo produit 20 % du volume et 11 % de la valeur totale de la production mondiale (94). Le diamant est actuellement la principale matière première du Congo. Le diamant artisanal occupe une place prépondérante avec 20 millions de carats environ produits par an, tandis que la production industrielle (par la Miba) s'élève à 5 millions de carats environ (95).

Selon Gilbert Chartry, Mbuji Mayi et Tshikapa sont les deux grands champs diamantifères du Congo, Kisangani ne représente que 4 % de la production du Congo au cours d'une année normale. De petits dépôts sont situés un peu partout au Congo, s'étendant le long d'un large couloir partant du nord au sud du Congo, s'étendant du Nord-Congo, en province orientale autour de Kisangani, jusqu'au Sud-Kivu et au Kasaï oriental. Ces dépôts sont actuellement exploités artisanalement, même si certaines sociétés se sont parfois intéressées à une exploitation industrielle antérieurement (notamment au Nord Congo et à Tshikapa).

Les réserves du champ diamantifère de Mbuji Mayi restent importantes, celles du champ de Tshikapa sont difficilement évaluables et les autres dépôts, parsemés au Nord-Congo et en Province orientale n'ont pas été évalués (96). En effet, leur exploitation économique n'est pas rentable qu'en situation de pauvreté et de précarité que connaît le Congo actuellement : leur exploitation permet aux artisans de survivre. La qualité des diamants diffèrent selon les zones diamantifères : la production de Mbuji Mayi consiste en 90 % de diamants industriel et 10 % de gemmes, moyennement plus gros qu'à Tshikapa où 65 % des diamants sont de qualité de joillerie et dont la valeur en carats est plus élevée (97). Kisangani produit également des diamants de qualité gemme et si sa production en carats ne représente que 4 % de la production nationale, elles'élève en valeur à 14,5 %, d'où l'intérêt de la ville pour les armées étrangères (rwandaises et ougandaises) (98).

Militarisation des filières artisanales

Le diamant congolais a la caractéristique qu'il est répandu sur l'ensemble du territoire et qu'il n'est exploitable qu'artisanalement, à l'exception des pipes de kimberlites de Mbuji Mayi où l'exploitation peut se réaliser industriellement. Le diamant est léger, il se met en poche, ne pose pas de problème de transport, contrairement au coltan par exemple, et son transport est donc difficilement contrôlable. Au Congo, les sites (excepté les sites de la Miba) et les filières sont difficilement militarisables car le diamant se trouve partout et les sites d'extraction ne sont pas contrôlables comme en Angola par exemple.

Dès lors, selon Leclerq, le lien entre le diamant et le financement de la guerre au Congo est difficile à établir. Comme nous le verrons plus loin, les Rwandais ne sont pas parvenus à contrôler les réseaux de commercialisation du diamant de Kisangani, mais contrôlent les taxes sur ces diamants. Selon Peleman, les intérêts étaient importants, car Kisangani a justifié les affrontements à Kisangani. Pour Johan Peleman, « des liens sont possibles avec la sphère du crime organisé : des représentants de l'industrie diamantaire anversoise sont liés à ces circuits du crime organisé ». Le lien se fait donc via des réseaux internationaux criminels (99).

Estimation du pillage par l'estimation de la valeur ajoutée et sa répartition au sein des filières artisanales

En ce qui concerne le pillage du diamant, entre 75 et 80 % des revenus du diamant sont réintégrés dans l'économie congolaise et 20 à 25 % des 600-700 millions de dollars US que représente le diamant reviennent à des étrangers (100). À titre d'exemple, l'on peut affirmer qu'entre le camp et Kisangani, le diamant est payé à Kisangani entre 65 et 70 % de sa valeur à Anvers même. Puis, 5 à 7 % de sa valeur à Anvers est payée entre Kisangani et Kinshasa pour couvrir les frais des comptoirs d'achat et les risques (101).

Selon Leclercq, l'on ne peut parler de véritable pillage par l'extérieur pour le diamant, la valeur ajoutée est redistribuée le long d'une chaîne (du creuseur aux comptoirs). Cependant, il est certain que même si une grande partie de la valeur ajoutée produite au Congo reste au Congo, elle n'est pas redistribuée de façon égale tout au long de la chaîne, du creuseur à l'exportateur. En effet, les intermédiaires, les négociants ­ que ce soit au niveau de la mine, des comptoirs d'achats ou encore les transporteurs ­ s'approprient une plus grosse partie de la valeur du diamant, laissant au creuseur une partie plus faible (102).

Le secteur administratif bénéficie également, sous forme de corruption, d'une partie de la valeur ajoutée. Dans le domaine du diamant, les exportations sont compensées par des importations sur lesquelles d'importants bénéfices sont réalisés. Sur les exportations de diamant, la concurrence est très forte, le marché du diamant à Anvers est très compétitif, les prix s'alignent sur ceux d'Anvers, les marges à l'exportation restent faibles. Les liens personnels entre les diamantaires anversois et congolais et la connaissance des prix sur le marché anversois impliquent partiellement que la majeure partie de la valeur ajoutée du diamant reste au Congo (104). Les bénéfices récoltés sur les exportations de diamant sont réinvestis en fonds de commerce (notamment pour les communautés libanaises, ...). La concurrence ne joue pas de la même manière sur les importations de produits qui alimentent ces fonds de commerce et qui procurent des marges bénéficiaires largement supérieures à celles offertes par le diamant (105).

Entre diamant licite, illicite et diamant de guerre, la distinction réside essentiellement dans la qualité de l'acheteur-exportateur. Si celui-ci dispose de licences, la production est légale, sinon, elle ne l'est pas. Par ailleurs, tout diamant provenant de régions contrôlées par des rebelles qui ne disposent d'aucune légitimée politique peut être considéré comme diamant de guerre. Tout diamant exporté par un point de sortie non agrée par l'autorité de Kinshasa est illégal (voir filière diamant).

En conclusion, nous pouvons dire que le contrôle du diamant congolais exploité artisanalement par des étrangers ou des militaires sur des dépôts diamantifères est difficile, et que les trois quarts de la valeur ajoutée du diamant reste au Congo, même si elle est répartie de manière très inégale entre les creuseurs et les intermédiaires. L'exploitation artisanale du diamant reste une activité de survie. La paupérisation et la violence caractérise ce type d'exploitation (106).

Coltan

Aperçu

Le coltan est exploité de façon totalement artisanale, sur des sites. Le Congo n'est traditionnellement pas producteur de coltan, mais de cassitérite. Cependant, une flambée des prix du tantale apparut à la fin des années nonante, suite à une hausse de sa demande dans l'industrie électronique que l'offre n'a pu satisfaire immédiatement. Cette hausse subite s'étend sur quelques mois (entre les mois d'août et décembre 2000) atteint des sommets à la fin de l'année 2000 et décroît tout aussi rapidement au début de l'année 2001 (107). Cette hausse subite de prix créa, à l'est du Congo, une véritable ruée vers le coltan (108).

Militarisation des filières

Le coltan est facilement contrôlable par des filières militaires, que ce soit ses sites d'extraction, son transport et sa commercialisation (la description et l'analyse de la filière le démontrent). Cependant, en raison du manque d'informations sur les marchés internationaux et l'ignorance des petits creuseurs du prix que peuvent obtenir certains intermédiaires commerciaux auprès des usines de traitement par des contrats à long terme, le marché du coltan devient plus opaque. Par ailleurs, il n'existe pas de liens personnels ou relativement directs entre les intermédiaires congolais et les usines de traitement en Chine, en Allemagne ou aux États-Unis.

Évaluation du pillage et répartition de la valeur ajoutée au sein des filières artisanales

La valeur ajoutée restant au Congo est donc moindre : entre 0 et 50 % seulement. Le degré du pillage dépend étroitement de l'intensité de la répression militaire (109). Enfin, le commerce du coltan serait lié à une filière d'exportation d'armes (Victor Bout ­ voir filière coltan).

L'exploitation de coltan (dont la production est relativement faible par rapport à l'ensemble des productions congolaises, 1 800 milliards de dollars US) est facilement militarisable selon Leclercq parce que son exploitation et le transport de celui-ci peuvent facilement être contrôlés par des militaires; elle exige des infrastructures de transport et une structure institutionnelle tout comme le bois (Dara Forest) (110).

L'or

Aperçu

La production d'or de l'Est est estimée entre 15 et 20 tonnes, dont 8 tonnes passaient par l'Ouganda (principalement celui provenant du Nord-Kivu et de la Province orientale) et 10 par le Burundi (111). La production actuelle évaluée à une quinzaine de tonnes représentant entre 120 et 140 millions de dollars US (en 1998) (112). L'exploitation est artisanale.

L'or représente un enjeu économique futur essentiel. D'importants gisements se situent actuellement à l'est du Congo, d'autres, petits, de moindre importance économique, exploitables qu'artisanalement, se trouvent dans la région de Lubumbashi, au Katanga, dans la région du Kasaï et du Bas-Congo. Les grands gisements sont situés à l'est, le long des frontières. Les gisements connus et exploités jusque très récemment sont ceux de Kilo-Moto, et ceux allant du Nord du lac Tanganyika au sud, exploités par la société Sominki, reprise par Banro (canadienne) qui n'exploite pas pour le moment.

Le potentiel de ces gisements est sans commune mesure par rapport à l'exploitation actuelle. À titre d'expemple, les réserves d'un des quatre gros gisements exploités et repris par Banro s'élèvent à environ 150 tonnes d'or (pour un seul gisement sur les quatre que contrôle la société). Une production industrielle pourrait atteindre quelques dizaines de tonnes par an. Pour être rentables, ces gisements doivent être exploités industriellement par des sociétés. Mais les investissements pour une telle exploitation sont importants aussi et peuvent se monter à des dizaines de millions de dollars. L'or est actuellement un enjeu beaucoup plus important que le diamant aujourd'hui au Congo (113).

Le contrôle de ces sites aurifères pourrait également être un enjeu non dévoilé de la guerre au Congo.

Militarisation des sites (Kilo-Moto) et sites alluvionnaires d'exploitation

L'or provenant de l'exploitation artisanale alluvionnaire est difficilement militarisable mais les filières peuvent être plus facilement contrôlées par des militaires lorsqu'ils ont monopolisé le marché et exclu certains concurrents locaux (dans le cas du Rwanda) (114). Ce n'est cependant pas le cas pour les sites d'exploitation comme Kilo-Moto. Par ailleurs, le cours mondial de l'or, publié, est connu. L'information se transmet et les creuseurs connaissent les prix internationaux et peuvent mieux négocier son prix. Dès lors, dans le cas de l'or provenant de l'exploitation artisanale alluvionnaire, l'on peut affirmer que la majeure partie de la valeur ajoutée reste au Congo, tandis que, dans le cas où la filière est contrôlée par les militaires, la valeur ajoutée captée par les militaires est plus grande. La marge prise dépendra du degré de contrôle de la filière par les militaires, et donc aussi de la relative liberté que le creuseur aura de négocier son prix.

Le bois

Le bois est l'une des seules ressources naturelles qui échappe totalement à l'économie populaire et qui doit être exploité industriellement. L'exploitation, le transport et l'expédition sont réalisés par des entreprises étrangères (115) (comme Dara Forest).

La caractéristique de ce type d'exploitation rend celle-ci facilement militarisable ou contrôlable par des filières criminelles. La cession de concessions forestières à des Zimbabwéens aurait permis de générer des revenus qui ont pu financer la guerre au Congo (116).

Par ailleurs, une exploitation non rationnelle et cherchant à maximiser ses profits, telle que celle de Dara Forest, dénoncée par le premier panel de l'ONU pourrait avoir, à terme des conséquences économiques et écologiques graves tant pour le Congo qu'au plan mondial. Par manque de temps, la Commission s'est limitée à une seule audition.

Le cobalt, le cuivre et autres minerais

Le cobalt, le cuivre et les autres minerais exigent une exploitation industrielle. Dans le contexte d'une économie de guerre, ces matières telles que le cuivre et le cobalt sont exploitées en partie sous contrat par des sociétés. Selon Peleman, des-dessous de table sont sans doute versés à l'un ou l'autre intermédiaire important ainsi qu'au président et à son entourage, contrairement à d'autres matières comme le diamant, le coltan ou l'or où les profits et taxes sont redistribués tout au long d'une longue chaîne (117).

Cependant, à côté de ce type d'exploitation s'est développée une exploitation artisanale de l'hétérogénite de certains gisements principalement parce ce type d'exploitation représente la dernière source de revenus dans le contexte katangais. Il s'agit une fois encore d'activités de survie, faute d'alternatives de sources de revenus (les employés de la Gécamines ne sont pas payés).

Le pétrole

Selon Misser, la société TotalFina Elf exploite du pétrole off-shore sur une étendue non délimitée. Cette exploitation pourrait se réaliser au détriment du Congo (118).

Conclusions

Le coltan, le diamant, l'hétérogénite, l'or sont des activités informelles, artisanales, des activités de survie qui font vivre des millions de personnes au Congo (3-4 millions rien que dans le secteur du diamant). Des enfants sont concernés (119).

Ces activités permettent à la population de survivre, néanmoins dans des conditions de vie de plus en plus précaires et de pauvreté croissante. Pour quelles raisons ? D'une part, parce que le secteur formel s'est réduit et ne représente plus, par filière qu'une partie infime de l'exploitation minière largement dominée par l'artisanat qui n'assure que des revenus de survie. Ensuite, lorsque l'on analyse la manière dont la valeur ajoutée est redistribuée au sein des filières, l'on constate que les creuseurs ne perçoivent qu'une petite partie de la valeur ajoutée redistribuée au Congo.

Comme nous le verrons dans l'analyse des filières, globalement les creuseurs perçoivent entre 10 % (coltan, hétérogénite) et 50 % (dans le cas du diamant, de l'or), de la valeur ajoutée qui est produite au Congo. Les négociants et intermédiaires bénéficient d'une autre partie, tandis que les exportateurs et les interrmédiaires à l'étranger perçoivent une dernière part. Dans quelles proportions ? Tout dépend des filières, de la transparence des marchés, de la qualité de l'information (parfaite ou pas), du degré de militarisation ou du contrôle qu'exerce un réseau d'élites ou des militaires sur la filière.

Les filières artisanales, (diamant et or alluvionnaire), peu ou pas localisées sont plus difficilement militarisables et monopolisables que les filières industrielles ou les filières d'exploitation localisées (coltan, or de Kilo-Moto, Miba, bois ...). Les caractéristiques structurelles des minerais (leur poids surtout et le type de transport qu'ils exigent) déterminent également le degré de militarisation possible des filières. La répartition des bénéfices dépend également du type d'exploitation industrielle ou artisanale.

En effet, les profits retirés des filières de diamant, de coltan, ou d'or sont redistribués tout au long d'une chaîne de personnes qui alimentent cette économie de guerre, contrairement au pétrole (tenu par des multinationales) ou au cobalt ou au cuivre (qui sont principalement exploités sous contrat) et ne profitent qu'à un petit nombre de personnes, qui font également parfois parties de factions militaires ou de réseaux d'élites (120).

Le pillage rapporte relativement peu, selon Leclercq, et la militarisation des filières répond avant tout à des intérêts individuels. Cependant, selon lui, c'est l'utilisation de la contre-valeur de ce pillage et les profits générés par ces trafics qui illustrent les réels enjeux de la guerre et les intérêts personnels (121).

Il montre bien que ce n'est pas le pillage des ressources (coltan, or, diamant) en lui-même qui génère le plus de profits, mais bien les trafics qui se réalisent à partir de la contre-valeur des ressources pillées.

En effet, dans le cas des armes, la contre-valeur finance les armes, mais le profit maximal est généré par la commercialisation des armes. Pour prendre un autre exemple, l'on pourrait citer celui des biens importés (biens de première nécessité). La vente des ressources de la République Démocratique du Congo (or, diamant, ...) génère avant tout des devises (122) qui offrent la possibilité d'importation de biens de première nécessité sur lesquels les exportateurs de matières premières qui sont aussi importateurs de ces produits réalisent un profit nettement supérieur.

Leclerq conclut que les bénéfices réalisés sur les importations sont nettement supérieurs à ceux réalisés sur les exportations de matières premières. Selon lui, l'enrichissement des élites ou des filières criminelles provient davantage des importations et du transport (armes, carburant, pièces de rechange et produits de première nécessité) que du commerce même de certaines matières premières (cas de certains Zimbabwéens dans le cas du Katanga, ou les Russes et Ukrainiens dans le cas du coltan). Ces aspects collatéraux ont été peu abordés par la Commission d'enquête.

Peleman, quant à lui, met le doigt sur le lien entre économie de guerre et crime organisé : au Congo, dans certaines parties de la République Démocratique du Congo, le diamant est plus cher qu'à Anvers, signifiant par là que les acheteurs ne sont pas concernés par la valeur du diamant mais par sa valeur politique ou illégale et met le doigt sur une méthode de financement des rebelles. Le commerce du diamant peut donc facilement être infiltré par le crime organisé (123).

Certains mineurs dans l'Est sont réduits en esclavage (124) et gardent peu du produit de leur travail. L'économie de survie est importante pour la population et, à la fois, elle est le terreau d'une criminalisation de l'économie au plus haut niveau (125).

b. Lien entre pillage, profits personnels, financement de la guerre et paupérisation

Au Congo

Comme nous venons de le voir rapidement, la part de la valeur ajoutée pillée (qui sort du pays sans contrepartie) varie entre 20 et 50 % (exceptionnellement 100 % pour les filières militaires contrôlant le coltan) selon que la filière est plus ou moins militarisée, selon que l'information des marchés internationaux est plus ou moins parfaite. Le pillage se réalise au détriment de la population. Deux types de pillage apparaissent clairement ici : celui issu d'un vide politique et d'une contraction de l'économie apparu à l'époque du président Mobutu déjà, et celui mené (notamment par des filières militaires) pour financer la guerre au Congo.

Les deux ont des conséquences semblables au niveau de la paupérisation de la population, et de l'aggravation de la régression (126) économique qu'ils provoquent. Cependant, la responsabilité des acteurs dans la guerre est différente. Cette distinction n'est pas faite dans le cadre du dernier rapport de l'ONU mais elle nous semble néanmoins utile car les conséquences et l'utilisation du pillage sont différentes : un pillage alimente directement la guerre et contribue à la poursuite du conflit, l'autre à servir des intérêts personnels ou de réseaux. La violence peut être utilisée dans les deux cas.

Dans les pays impliqués dans la guerre au Congo

En ce qui concerne les pays impliqués dans la guerre au Congo, la guerre serait financée par le contribuable, organisé par l'armée (cas du Rwanda) ou des individus appartenant à l'armée (cas de l'Ouganda) ou encore par le biais de montages de sociétés impliquant des individus appartenant au réseau d'élites politique, commerciale et militaire (cas des joint ventures entre Zimbabwéens et Congolais). Les bénéfices de ces opérations reviendraient à des réseaux ou à des individus comme le pense Misser.

En effet, selon lui, l'argent tiré des taxes ou de l'octroi de concessions, etc. par les Rwandais, les Ougandais, les Congolais ou encore Zimbabwéens, ne reviennent pas dans les comptes du trèsor public. Au contraire, ils serviraient peut-être à l'enrichissement personnel et seraient versés sur des comptes bancaires. Le financement de la guerre serait supporté par les contribuables des différents pays et les bénéfices serviraient à l'enrichissement personnel des personnes impliquées dans les opérations militaires et commerciales. Outre les taxes payées, les montants versés pour l'octroi de concessions, les recettes (intérieures et provenant également de l'aide extérieure) de chacun des pays pourraient donner une vue plus précise du financement de la guerre, de son coût et bénéfices générés (127).

Par ailleurs, l'analyse plus précise des flux financiers et de leur placement dans des paradis fiscaux donnerait des indications des choix de placement et d'investissement à l'étranger des profits du pillage du Congo (128).

Selon Misser, le pillage ne se traduit pas par un renforcement de l'État : le pillage du Congo ne sert pas à alimenter le trésor public. « Il y a une sorte de joint venture entre les nomenklatura de tous ces pays, y compris les rebelles, et les puissances invitées et les agresseurs, bref, entre toutes les élites, pour piller la population congolaise ainsi que, d'une certaine manière, les contribuables des pays dont les chefs ont envoyé les armées. Le pillage sert d'enjeu, c'est plus qu'un nerf de la guerre. L'un des enjeux, c'est l'enrichissement personnel » (129).

L'on arrive à la conclusion que tous les pays impliqués dans la guerre au Congo criminalisent leur propre État (en faisant financer leur effort de guerre par leurs contribuables) dans l'unique but de s'enrichir personnellement.

1.4. Conséquences sociales

Au plan social et culturel, l'on assiste à un démantèlement socio-familial, la résurgence du sacré, au phénomène de la multiplication des églises, au développement du sectarisme. Il y a, selon Bouvier, une sorte d'émiettement sur les plans sociaux et culturels (130). Kennes observe lui aussi une profonde déstructuration sociale et la disparition des principes moraux (131).

La paupérisation est déjà perceptible au cours des années 80, elle s'accentue dans les années 90 et atteint des seuils dramatiques dans certaines régions au cours de la guerre.

L'exploitation artisanale (du diamant, de l'hétérogénite, du coltan, de l'or) se passe dans des conditions extrêmement difficiles pour la population qui n'a d'autre choix pour survivre que d'y participer. À défaut de pouvoir trouver un emploi dans le secteur formel, toutes les couches de la population s'oriente vers l'exploitation artisanale : universitaires, abbés, personnes n'ayant pas fait d'études, fonctionnaires, etc.

Des enfants travaillent dans ces exploitations minières (132).

L'état sanitaire de la république Démocratique du Congo a été révélé aux médias et à la communauté internationale lors de la guerre de Kisangani en 1999. Les structures hospitalières et de santé sont délabrées, vides, parce que l'État ne finance le secteur de la santé. D'une part, l'offre de services de santé et de médicaments est fortement réduite depuis les années 80, et seule une aide humanitaire subsiste depuis la suspension de l'aide structurelle bilatérale et multilatérale. D'autre part, la population ne dispose pas des moyens pour accéder aux soins de santé (faute de routes, de moyens de transport, de moyens financiers, etc.) : l'accessibilité aux soins est extrêmement réduite. Le problème est avant tout structurel, mais la guerre l'accentue encore, car le personnel soignant abandonne les infrastructures de santé (133).

La violence et la guerre ont un impact direct sur le taux de mortalité. Dans les zones de front, les niveaux de mortalité sont intolérables. Dans les zones de repli ou d'enjeux économiques, qui sont les zones où l'insécurité est la plus grande, la situation sanitaire et la mortalité sont critiques et la situation humanitaire risque de basculer dans la catastrophe. Dans les zones de front et de repli, la concentration de troupes est importante et il y a peu de réserves vivrières. La circulation monétaire est limitée voire inexistante. La population est utilisée par les soldats à des fins de services. Elle souffre et meurt de maladies infectieuses (infections respiratoires, diarrhéiques), de malnutrition, de malaria lors de leurs long déplacements forcés ou de leur fuite en forêt. Des épidémies nouvelles apparaissent et sont dues au fait que les gens doivent rechercher leur nourriture en forêt. Les viols et la promiscuité entraînent une augmentation des maladies sexuellement transmissibles. Jusqu'à 85 % des familles sont touchées par la violence dans les régions proches de la ligne de front : destruction de maison, de récoltes, pillages, incendies, vols, coups, tortures, viols, blessures par armes, emprisonnement, recrutements forcés, embrigadement des enfants (comme soldats), etc. La violence est liée à l'état de survie des populations et des militaires : en effet, ces derniers ne sont pas payés, volent, pillent, utilisent la population pour différents services : ils sont hors contrôle. La population résiste. À l'exception de villages qui mettent sur pied des groupes d'auto-défense, des Mayi-Mayi, la population essaie d'échapper aux violences et fuit. Certains aspects de la guerre auront des conséquences et des effets psychologiques mais aussi sanitaires à long terme (comme les effets de la pollution que représentent certains produits utilisés ou les rejets de l'activité minière entraînés par l'exploitation sauvage ou encore la radio-activité de l'hétérogénite exploitée sur des sites uranifaires) (134).

La situation humanitaire se détériore et le coût humain de la guerre est important : selon une étude de l'IRC, plus de 2,5 millions de personnes auraient été victimes directement ou indirectement de la guerre et des violences au Congo (135).

1.5. Politique d'aide régionale « deux poids deux mesures »

Les institutions multilatérales telles que l'Union européenne, le FMI ou la Banque mondiale adoptent depuis une dizaine d'années, une politique d'aide différenciée ou qualifiée de « deux poids deux mesures » dans les différents pays impliqués actuellement dans la guerre au Congo. Les flux, les critères et les conditions imposées pour l'octroi ou la poursuite de l'aide divergent fondamentalement selon qu'ils s'appliquent à un pays ou à un autre. Le Rwanda, l'Ouganda et l'Angola jouissent d'une aide quasi « inconditionnelle » de la part de ces institutions multilatérales tandis que le Congo ne bénéficie plus d'aide depuis le retrait des coopérations bilatérales en 1990; le Burundi voit son aide fortement réduite depuis 1996 et conditionnalisée aux avancements démocratiques. Le Zimbabwe, enfin, voit également son aide conditionnalisée à une stabilisation économique et des avancées au plan politique. Pour certains pays de la région, les aspects de démocratisation conditionnent l'octroi ou la poursuite de l'aide (Congo, Burundi, Zimbabwe) tandis que pour d'autres, les progrès politiques sont considérés comme devant être le résultat d'une aide soutenue (Rwanda, Ouganda, Angola). Une politique d'aide différenciée (quasi-inconditionnelle pour certains pays impliqués dans le conflit au Congo et conditionnalisée pour d'autres) représente un soutien politique et économique aux pays bénéficiaires des aides. Ces derniers sont en position de force sur le plan politique et dans les négociations et ont la possibilité de mener la guerre tout en réalisant les objectifs qui leur sont imposés dans les programmes d'ajustement structurels (en terme de dépenses sociales, ...). Tandis que les autres, peu ou pas aidés, utilisent pour financer la guerre d'autres moyens qui déstabilisent davantage encore leurs économies fragiles et qui ont des conséquences sociales graves (136).

Évolution de l'aide publique au développement (en millions de dollars US) des donateurs bilatéraux graphique et multilatéraux entre 1990 et 1999

Sources : OECD-DAC, « Development cooperation. Efforts and policies of the members of the development Assistance Committee. 1994 », Report, Paris, 1995, Table 37; OECD-DAC, « The DAC Journal. Development Co-operation. 2000 Report », Vol.1., Nº 1, 2001, Table 25.

Les raisons évoquées par Reyntjens et Ajello pour expliquer l'attitude de l'Union européenne sont multiples. Mais, tout d'abord, il n'existe pas de politique européenne commune à l'égard de l'Afrique centrale et les pays membres adoptent des décisions et résolutions selon un plus petit dénominateur commun (137). Par ailleurs, l'Afrique centrale ne représente un intérêt réel que pour un petit nombre de pays européens. Le temps de décision et de réaction est extrêmement long. Ces différents facteurs favorisent certains jeux menés par les différents pays d'Afrique centrale. Ce type de politique a des conséquences car l'Union européenne (de même que le FMI ou la Banque mondiale) envoie de « mauvais » signaux aux chefs de guerre (138).

La poursuite d'une politique d'aide différenciée et l'absence d'une réelle volonté partagée par l'ensemble de la communauté internationale d'appuyer le processus de paix pourrait favoriser la poursuite de la guerre au Congo.

1.6. Conclusions (139)

Le Congo a connu une longue régression économique interne depuis le milieu des années 70 due principalement à des facteurs structurels (politique de zaïrianisation peu attrayante pour l'investissement extérieur direct, activités productives à faible valeur ajoutée, position commerciale défavorable au plan international) et cette régression s'est accentuée au début des années 90 suite à des facteurs externes, comme la baisse de l'aide publique au développement. Face à cette régression économique, l'État congolais a agi en prédateur, pour tenter de monopoliser la faible rente qui diminue au fil des années. L'État s'effondre, il ne remplit plus ses fonctions. L'élite et ses réseaux « parasitent » les structures et les institutions de l'État pour capter à son propre profit les ressources congolaises qui diminuent pour devenir, sous la présidence de Laurent-Désiré Kabila, extrêmement réduites. La criminalisation de l'État qui avait débuté au début des années 80, s'est intensifiée dans le courant des années 90, après le retrait des institutions multilatérales et des coopérations étrangères et l'abandon de la République démocratique du Congo par l'Occident après la chute du mur de Berlin (140).

Au cours des années 90, la violence et la guerre deviennent l'un des moyens utilisés pour monopoliser et s'emparer des ressources du Congo. Ces réseaux utilisent l'instabilité politique et l'absence d'État pour extraire les ressources sans compenser ces exploitations et exportations par des investissements : il y a pillage. La présence même de ces réseaux contribuent au maintien d'un État sans État, et de réseaux criminels qui ont pour conséquence d'alimenter la spirale de pillage, de régression économique et d'économie de guerre et nourrit l'instabilité politique et économique. Les conséquences sociales sont extrêmement lourdes pour la population qui subit la violence et le pillage. La disparition de l'État pose le problème plus important de l'absence de structures tant au plan national qu'au plan local, avec comme conséquence que tous les principes moraux et autres disparaissent.

Le pillage est intimement lié à l'effondrement de l'État et remonte aux années 80. Cependant, celui-ci s'accentue dans les années 90, à la fin du régime du président Mobutu. Sous la présidence de Laurent-Désiré Kabila, il est utilisé non seulement pour des intérêts personnels ou de faction, mais également pour financer la guerre. Le pillage finance non seulement la guerre de la République Démocratique du Congo mais également celle des pays impliqués dans cette guerre (alliés ou non). Le vide politique est l'une des causes de l'invasion de la République Démocratique du Congo par des troupes étrangères. Si des considérations sécuritaires justifiaient l'implication des troupes étrangères au Congo, elles se sont muées rapidement en considérations économiques. Le déploiement des troupes comporte des objectifs économiques et commerciaux. Le pillage de la République Démocratique du Congo, le financement de la guerre et la poursuite du conflit sont intimement liés au commercialisme militaire que les différents pays impliqués dans la guerre ont mis sur pied (Rwanda, Ouganda et Zimbabwe).

Enfin, les institutions multilatérales telles que le Fonds monétaire international, la Banque mondiale ou l'Union européenne ont mené une politique différenciée dans les différents pays de la région impliqués dans la guerre au Congo. Cette politique « deux poids deux mesures » n'a certainement pas contribué à dissuader les pays impliqués dans la guerre de poursuivre celle-ci et d'aboutir rapidement à des Accords de paix dans la région.

Les chapitres suivants approfondissent les aspects d'exploitation illégale, de pillage et les liens avec le financement de la guerre au Congo. Le chapitre 2 propose quelques concepts permettant d'aborder ces aspects. L'application et/ou la combinaison de plusieurs concepts offrent des outils pour déterminer et évaluer la responsabilité des entreprises belges dans l'exploitation des ressources congolaises telles que le coltan (chapitre 3), le diamant (chapitre 4), l'or (chapitre 5), le cobalt et le cuivre (chapitre 6) et le commerce d'armes (chapitre 7).


2. DÉFINITIONS, CONCEPTS, MÉTHODOLOGIE

Pour déterminer et analyser le type d'activités des entreprises belges au Congo, plusieurs définitions permettent d'aborder les différents aspects du type d'exploitation de ces entreprises, à savoir : d'abord, la légalité des activités, leur licité et leur éthique (Nations unies), ensuite, l'importance du pillage des ressources du Congo par ces différentes activités d'exploitation (Marysse et André), et leur lien avec le financement de la guerre (en alimentant un fonds finançant directement la guerre (Maire) et/ou via les taxes payées aux différentes autorités (IPIS-OCDE) et leur degré de criminalité (au sens de Bayart, concept sur base duquel se fonde le troisième rapport des Nations unies). Chacun de ces concepts pose des questions lors de leur application à une réalité mais ils sont utiles pour comprendre différents aspects et mécanismes relatifs aux activités des entreprises et des filières au Congo.

2.1. Concepts de légalité/illégalité

Les premier et second rapports de l'ONU traitent de l'exploitation illégale des ressources par les pays impliqués dans la guerre au Congo (141) :

­ L'exploitation concerne les activités de production et d'extraction mais aussi toutes les activités qui permettent aux acteurs et parties prenantes de mener dans les secteurs primaire, secondaire et tertiaire des activités professionnelles liées aux ressources naturelles et d'autres richesses de la RDC.

­ l'illégalité repose sur 4 éléments :

· Violation de la souveraineté : toutes les activités ­ extraction, production, commercialisation et exportation ­ qui sont menées en RDC sans le consentement du gouvernement légitime sont illégales.

· Non-respect des règlements existant dans le pays ou le territoire où les acteurs opèrent ou mènent leurs activités.

· Incompatibilité des pratiques commerciales normalement acceptées et des méthodes pratiquées en RDC. [ ...] : l'utilisation du pouvoir et de l'abus de pouvoir relève de l'illégalité

· Violation du droit international.

Cette définition présente des désavantages car elle rend illégale toute activité exercée sans le consentement du gouvernement légitime. La définition proposée par le rapport des Nations Unies pose le problème de la légitimité de l'autorité (142) : quelle est l'autorité légitime : les « rebelles » ou l'autorité de Kinshasa ? Les différentes autorités (rebelles et de Kinshasa) sont contestables sur base du principe qu'aucune autorité (rebelle ou de Kinshasa) n'est légitimée par des élections libres, mais se sont imposées par la force et les armes. En outre, les factions rebelles ainsi que l'opposition politique interne contestent l'autorité de Kinshasa sur base du fait qu'elle gouverne sous un système de parti-unique et non de pluralisme politique. Par ailleurs, les accords de Lusaka ont légitimé politiquement les autorités mises en place par les mouvements rebelles.

Par ailleurs, sous la présidence de Laurent-Désiré Kabila, les autorités congolaises elles-mêmes utilisèrent des méthodes illégales ou illégitimes pour financer sa guerre, comme le monopole sur le commerce de diamants, l'utilisation d'un taux de change surévalué pour, et contrats entre une de ses sociétés (Comiex) et des membres de l'armée zimbabwéenne (143).

Le Congo se caractérise par son absence de cadre réglementaire et ce, à cause du vide politique, lui-même facteur de la guerre. Lorsque les règles sont peu connues, changeantes et qu'elles sont transgressées et violées par le gouvernement lui-même, l'analyse en terme de légalité est insuffisante (144).

La question de la légalité ou d'illégalité soulève également le problème du contrôle. Dans le cas du Congo, l'État n'existe plus en tant que tel : ses structures ont été « parasitées », elles sont utilisées pour légitimer un pouvoir politique et au profit des individus qui les occupent et qui exercent un contrôle relatif (145). La législation en vigueur est contournée par des « discussions », des « arrangements » et des accords informels. Par ailleurs, certains circuits commerciaux, notamment dans les régions frontalières font l'objet d'une importante fraude depuis de nombreuses années. Ces échanges sont illégaux, mais tolérés par la communauté internationale depuis de nombreuses années. L'exemple le plus pertinent est celui de l'or, exploité artisanalement à l'Est du Congo et passant en grande partie en fraude au Burundi d'où il était exporté vers la Belgique (146). De telles pratiques sont dénoncées actuellement en temps de guerre, mais étaient courantes avant la guerre. Ces flux n'étaient pas contrôlés par les autorités politiques et ces trafics n'ont jamais été dénoncés comme illégaux au plan internationaux.

L'analyse en terme de légalité ne permet pas de mettre en lumière les processus et les mécanismes à l'origine de la guerre; or le Congo subit une crise économique et politique profonde et est impliqué dans une guerre régionale.

Enfin, ces notions d'activités d'exploitation légales ou illégales ne se révèlent pas suffisamment efficaces pour analyser dans quelle mesure celles-ci contribuent à alimenter le conflit, à financer la guerre et à déterminer les entreprises qui y sont directement ou indirectement liées : certaines transactions économiques légales peuvent en effet avoir un impact négatif sur l'évolution du conflit (147) et avoir des conséquences sociales et économiques graves pour le pays et ou les générations futures. Face à un État en déliquescence, face à des structures faibles, les opérateurs économiques ont la possibilité de tirer parti de la situation à des fins personnelles et de conclure des contrats déséquilibrés en faveur des investisseurs ou même léonins.

Cependant, il est indéniable que le groupe d'experts a permis, dans son premier rapport, de mettre en lumière des filières d'exploitation illégale de ressources du Congo ainsi que les conséquences économiques et sociales graves que celle-ci engendre. C'est pourquoi, nous utiliserons cette définition pour montrer dans quelle mesure certaines pratiques illégales favorisent les exploitations et exportations illégales de ressources du Congo, si elles sont liées au financement de la guerre et dans quelle mesure. En effet, treize entreprises belges sont citées dans les rapports de l'ONU.

2.2. Financement de la guerre et contribution à la poursuite du conflit par le biais de taxes ou par la coopération et la participation directe dans des filières monopolisées par des armées

La guerre se finance également par les différentes contributions (taxes, licences, ...) versées aux autorités militaires et politiques par les exploitants, les importateurs et exportateurs, mais également la population. Ces contributions contribuent à générer les moyens de financer des conflits et leur enjeux. Dans son ouvrage consacré aux recommandations aux entreprises multinationales dans des situations de conflits violents, l'OCDE montre que les entreprises peuvent jouer un rôle indirect (et involontaire) dans la logique de violence et des violations des droits de l'homme en acquittant des taxes et des redevances (148).

IPIS reprend en partie cette approche dans deux dossiers consacrés à l'implication d'opérateurs économiques privés exploitant le coltan (149) et montre comment ceux-ci contribuent de manière directe ou indirecte au financement de la guerre au Congo et à la poursuite du conflit, soit en coopérant avec des filières militaires, soit par le biais de contributions aux mouvements rebelles (150).

En effet, IPIS part du lien (direct ou indirect) entre, d'une part, exploitation, commerce et transport des ressources naturelles et, d'autre part, financement de la guerre par le paiement de taxes au RCD-Goma (pour les sociétés qui paient effectivement leurs taxes au RCD et qui financent ainsi indirectement la guerre au Congo) ou par le « commercialisme militaire » (filières militarisées et/ou utilisation de réseaux criminels pour le transport et la commercialisation de leurs produits).

Cette définition a l'avantage de montrer que certaines sociétés ont pu participer de manière indirecte et involontaire au financement de la guerre, mais a le désavantage d'englober de manière systématique tous les opérateurs, importateurs et exportateurs payant des taxes, dont notamment les ONG travaillant sur le terrain. Dans quelle mesure peut-on établir une responsabilité (directe ou indirecte) entre les opérateurs économiques, organisations et individus taxés et l'allocation de ces taxes par des autorités politiques (considérées ou non comme légitimes) au financement de la guerre ? Les opérateurs économiques interrogés au cours des auditions ont strictement réfuté cette responsabilité. Les auteurs des deux rapports font néanmoins une distinction supplémentaire entre les sociétés payant des taxes et celles directement liées aux mouvements rebelles par des liens de coopération et d'association dans des sociétés directement liées aux acteurs politiques et militaires (rebelles, rwandais ou ougandais) (151).

La notion de filière criminelle permet de réduire le champ des opérateurs, des organisations et individus concernés plus directement dans l'exploitation illégale, le financement de la guerre et la poursuite du conflit, mais aussi dans leur contribution plus large au processus de criminalisation de l'État et de l'économie congolaise. Cette notion réunit les points de vue de Peleman et de Misser. Selon Peleman, il est nécessaire de lier les notions d'activités d'exploitation et de commercialisation légales ou illégales des ressources à celle de pillage pour un profit personnel ou pour le financement de la guerre au détriment de la population (152). Misser insiste sur les aspects du pillage liés à la situation même du conflit et sur ses effets négatifs pour ceux qui le subissent (153).

Le troisième panel des Nations unies reprend ce concept de réseau criminel pour élaborer le troisième rapport.

2.3. Réseaux criminels et liens entre l'exploitation illégale et le financement de la guerre

Le concept de légalité/illégalité n'offre pas un cadre d'analyse suffisant pour rendre compte de la réalité congolaise et propose d'établir une première distinction entre les entreprises.

2.3.1. Distinction entre entreprises installées localement depuis de nombreuses années et celle tirant parti de la situation de conflit

Dans une lettre ouverte (154), Henri Maire tente de préciser l'approche du panel et propose d'établir une distinction entre les différentes entreprises agissant dans le pays afin de permettre de comprendre les enjeux de certaines entreprises et leur lien éventuel avec le financement de la guerre. Selon Henri Maire, le groupe d'experts des NU fait (ou tente de faire) une distinction entre

­ des sociétés locales et étrangères qui agissent légalement depuis de nombreuses années dans la région, qui agissent en toute transparence et qui, de par leurs activités contribuent à augmenter le potentiel de développement de petits entrepreneurs locaux;

­ les sociétés (locales et étrangères) qui se sont constituées exclusivement pour prendre avantage d'une aubaine économique à des fins personnelles ou avec comme objectif d'alimenter la machine militaire; ces sociétés sont orientées vers la production forcée (souvent contrôlée par des militaires) de minerais (coltan) par n'importe quels moyens : incluant l'utilisation de prisonniers de sources diverses, le travail forcé, etc. et utilisant tout transport disponible, tel que celui fourni par les militaires ou par d'autres contrats ad hoc. Ces groupes utilisent habituellement des réseaux internationaux criminels pour commercialiser leurs produits. Dans ce cas, l'impact de leurs activités ont des conséquences économiques et humaines désastreuses pour la RDC (155).

Maire propose donc une distinction entre des opérateurs « anciens » agissant depuis de nombreuses années et des opérateurs qui ont tiré avantage d'une situation particulière de changement politique et de guerre (entreprises « opportunistes » et entreprises ayant des liens avec les filières criminelles internationales) ce qui nous permet de distinguer, dans le coltan, deux types de filières : une filière « traditionnelle », « ancienne », reconnue légalement par les lois en vigueur au Congo avant 1996, et une filière nouvelle, qui échappe à la réglementation locale et qui, dans le cas du coltan, bénéficie d'un régime fiscal différent qui lui est favorable.

Cette distinction omet cependant le fait que certaines entreprises, établies depuis longtemps au Congo ont pu tirer un avantage de la situation de guerre et d'instabilité politique pour leur profit personnel ou pour financer la guerre.

Un deuxième panel approfondit cette idée et part du concept de « réseaux d'élites ».

2.3.2. Description et fonctionnement de ces réseaux d'élite (congolaise, rwandaise, ougandaise) (156)

Le panel distingue trois zones de réseaux d'élites : celle tenue par le gouvernement congolais, celle tenue par le Rwanda et celle tenue par l'Ouganda (157). Ils définissent le concept de réseaux d'élites comme suit :

1. Ces réseaux sont composés d'un petit noyau de personnes issues de l'élite politique, militaire et commerciale, à savoir « des dirigeants politiques et militaires et des hommes d'affaires, et, dans les zones occupées, de certains chefs rebelles et d'administrateurs » (158).

2. Ils coopèrent et mettent en place des mécanismes générateurs de revenus.

3. Les réseaux d'élites assurent la viabilité de leurs activités économiques en utilisant la force et la violence (armées ou forces de sécurité) pour assurer le contrôle des ressources et de leurs activités de pillage.

4. Ils monopolisent la production, le commerce et les fonctions fiscales.

5. Ces réseaux exercent un contrôle sur les activités économiques et monopolisent les activités d'exploitation et de commercialisation des ressources naturelles, ainsi que la fonction fiscale (notamment le détournement de recettes fiscales) et d'autres opérations productrices de revenus (159).

6. Ils utilisent les administrations rebelles dans les régions occupées pour générer des recettes publiques et couvrir des détournements à leur profit personnel.

7. Ils détournent des bénéfices financiers en recourant à diverses activités criminelles (escroquerie, détournement de fonds « publics », sous-évaluation des produits, contrebande, fausses factures, fraude fiscale, versements de pots-de-vin à des hauts fonctionnaires et corruption).

8. Certaines filières ont un lien avec des réseaux criminels organisés et transnationaux (transport aériens, trafic illicite d'armes, ...).

Cette approche conceptuelle offre l'avantage de se focaliser sur les réseaux qui ont mis sur pied une économie de guerre qui s'autofinance en tirant profit du conflit et du contexte criminalisé. Le groupe d'experts du panel des Nations unies définit une série d'activités qu'ils qualifient de « criminelles » dans le sens qu'elles contribuent, d'une part, soit à un enrichissement personnel ou factionnel, soit à la poursuite de la guerre et, d'autre part, à la récession économique et à la paupérisation de la population qui en est victime. Les auteurs du rapport final rejoignent la notion de criminalisation de l'État au sens de Bayart, à savoir : des hommes politiques et/ou militaires et des opérateurs économiques en général sont impliqués d'une manière systématique et collective dans un enrichissement illicite et non productif, personnel ou factionnel, au détriment de l'intérêt général et de la population, victime de la violence et d'un appauvrissement.

Cependant, cette définition s'attâche moins à déterminer l'implication de certaines entreprises dans des chaînes qu'à se focaliser sur la destination des bénéfices de l'exploitation des ressources et du commerce de celles-ci, mais la prise en compte de ce concept nécessite un très grand nombre d'informations sur les réseaux de personnes et d'influences. La Commission n'a pas pris en compte de cette approche au cours de ses travaux, principalement parce que ce n'était pas son objectif. Par ailleurs, la Commission n'était pas en mesure de rassembler toutes les informations, vu son mandat limité dans le temps. Dès lors, les auditions permettent surtout de dégager un aperçu du contexte particulier du Congo et d'obtenir une série d'informations sur les activités des entreprises y oeuvrant et d'auditionner des responsables d'entreprises citées dans le premier rapport de l'ONU. Néanmoins, cette approche telle qu'elle a été menée par le groupe d'experts du panel des Nations unies apporte un éclairage complémentaire sur les mécanismes de l'exploitation illégale et le pillage des ressources au Congo.

2.4. Financement de la guerre par le contrôle et l'accaparement des surplus économiques générés par l'exploitation et la commercialisation des ressources : concept de pillage

L'approche des Nations unies est essentiellement descriptive, efficace pour mettre en lumière le fonctionnement de réseaux, les mécanismes de pillage et les processus qui alimentent une économie de guerre et contribuent à la récession économique générale et à la violence. Cette définition illustre la dynamique de l'exploitation des ressources, mais cette définition ne permet pas de distinguer les différents niveaux de responsabilités des sociétés et acteurs dans cette dynamique de guerre et de pillage.

Pour mieux saisir la portée d'un pillage et des moyens dégagés par certaines filières pour financer la guerre, Marysse propose une définition du pillage économique en partant du concept de valeur ajoutée. L'utilisation de ce concept permet de montrer comment des transactions économiques de production et d'exportation de certaines ressources du Congo génèrent une valeur ajoutée pour ceux qui financent directement ou indirectement la guerre en période d'insécurité. La question du pillage du Congo et du financement de la guerre repose davantage sur le contrôle et l'accaparement de la valeur ajoutée produite et de l'utilisation de ce surplus économique à des fins de financement de la guerre ou de profit personnel (160).

Selon Marysse, le pillage concerne la part de la valeur ajoutée qui sort du pays sans contre-prestation, sans être compensée par des importations équivalentes, en biens ou en monnaie (161). Dès lors, selon Marysse, il ne s'agit pas de pillage si des diamants sont exportés illégalement et si les dollars que ces exportations procurent sont réinvestis dans le pays (mais ce n'est pas le cas du Congo). Il y a pillage lorsque des résidents d'un pays placent une partie de la valeur des exportations sur un compte à l'étranger ou l'investissent dans des activités qui ne profitent pas au pays.

Le pillage au Congo tel qu'il est défini ici ne débute pas avec la guerre. En effet, le Congo a été pillé surtout après 1974 et s'est intensifié suite à l'affaiblissement de l'État et aux agissements d'une classe politico-commerciale qui s'est enrichie au détriment de la population, comme le montre l'exemple des exportations illégales et frauduleuses de diamant non compensées par des importations équivalentes (162).

Dans cet ordre d'idées, les exportations frauduleuses de diamant constituent un pillage à partir du moment où une partie ne rentre pas au pays. Les exportations frauduleuses des diamants, représentent, dans les années 90 deux à trois fois les exportations officielles et six fois le budget total du Congo, cela était expliqué par la faiblesse de l'État (163).

Dans le cas du diamant de Mbuji Mayi, par exemple, 80 % de la valeur des exportations totales sont réinjectées dans le circuit local : le pillage ne concerne que les 20 % des exportations frauduleuses (164). Cependant, le pillage s'est amplifié avec la guerre et les bénéficiaires de celui-ci ont changé, profitant également à des filières militaro-commerciales rwandaises, ougandaises et zimbabwéennes (165).

Cette définition sera appliquée ici pour donner une estimation de la part que représente le pillage des différentes ressources pour les pays impliqués dans la guerre au Congo. Cette définition a l'avantage de montrer que le pillage existe depuis longtemps et que seuls la méthode et les bénéficiaires de ce pillage ont changé, de par la réorientation d'une partie des circuits commerciaux vers les pays impliqués directement dans le conflit. Cette définition permet aussi de quantifier le pillage et de déterminer la part de la valeur ajoutée qui revient au Congo (en consommation ou en investissement) mais elle exige la récolte d'une série de statistiques et d'informations économiques (prix, quantités, ...) difficiles à obtenir sans enquêtes approfondies. Les données du rapport d'expertise seront limitées à de grandes estimations faites sur base de calculs rapides qui offriront néanmoins des ordres de grandeur.

2.5. Concept de licite/illicite, éthique/non éthique et de « responsabilité collective » par rapport aux conséquences externes d'une activité

Le caractère licite ou illicite et éthique ou non-éthique pourrait être mis en regard des conséquences qu'une activité d'exploitation ou une transaction provoque sur la poursuite du conflit. Cette idée rejoint celle adoptée par Jeroen Cuvelier et Tim Raeymaekers dans leur second rapport sur le coltan. Les auteurs montrent qu'au-delà des conséquences directes liées aux activités que les entreprises internalisent, c'est-à-dire, dont elles subissent directement les conséquences (coûts et bénéfices), ces activités peuvent également engendrer des conséquences externes, supportées par un ensemble de personnes allant des partenaires commerciaux aux fournisseurs, aux clients, mais aussi aux autorités, aux ONG, à la population en général (166).

La question revient in fine à déterminer si les activités de l'une ou l'autre firme produit des externalités (négatives sur la poursuite du conflit, la récession économique) et qui en supporte les coûts ? Les recommandations viseraient alors à analyser comment limiter et/ou internaliser ces externalités, c'est-à-dire, comment sensibiliser une entreprise et/ou lui faire porter le coût social et économique ainsi que la responsabilité collective de ses activités dans des régions en conflit.

L'OCDE aborde la question de responsabilité des entreprises et de leur rôle direct ou indirect qu'elles peuvent jouer dans la logique de violence et des violations des droits de l'homme dans un document intitulé. « Les entreprises multinationales dans des situations de conflits violents et de violations généralisées des droits de l'homme. » Jusqu'où ces entreprises sont-elles « responsables » des conséquences involontaires de leurs activités dans des pays en conflit et caractérisés par des violations graves des droits de l'homme ? Quel « juste » rôle doivent-elles jouer dans des pays où « [ ...] la plupart des difficultés résultent de l'absence de « responsabilité de l'État » [ ...] et en particulier d'une gestion publique médiocre (système budgétaire, transparence et contrôle des actions de l'État, protection des droits civils et politiques » (167).

L'OCDE propose une série de principes de conduite à l'attention des entreprises actives dans les régions en conflit.

2.6. Principes éthiques de l'OCDE et code de conduite des entreprises oeuvrant dans les pays en guerre

Les pays de l'OCDE sont signataires de ces recommandations (168) c'est-à-dire que les gouvernements adhérents s'engagent à encourager le respect de ces principes, même si ceux-ci ne sont pas contraignants. Certaines entreprises ont souscrit à une code de bonne conduite (169).

2.7. Méthodologie

Ces différents concepts offrent des clés d'étude et d'analyse de la problématique de l'exploitation, de la commercialisation, du transport et du traitement des ressources du Congo dans un contexte de récession économique, de criminalisation de l'État et d'économie de guerre. Ils permettent de décrire les filières, d'établir le type de lien entre les activités des entreprises et le financement et la poursuite de la guerre, et de décrire les mécanismes de pillage des ressources.

Pour décrire les mécanismes d'exploitation illégale et de pillage des ressources du Congo et l'implication des entreprises belges, et pour analyser le contenu des auditions, nous proposons de reprendre la catégorisation des entreprises selon la proposition de Maire, en la complétant. Combiner les différentes approches permettrait de mieux déterminer la responsabilité de certains acteurs et des entreprises dans l'exploitation et le pillage des ressources.

1. Description des filières d'exploitation, de commercialisation, de transport, de traitement des ressources du Congo ainsi que rôle et place d'entreprises belges dans ces filières. Les filières étudiées concernent le coltan, le diamant, le cuivre-cobalt, l'or. Nous ferons une première distinction entre des filières qui coopèrent directement avec des acteurs appartenant à l'élite politique et militaire (rebelle ou étrangère), impliquée dans le commercialisme militaire et les autres filières criminelles.

Ensuite, dans les filières, nous ferons une distinction entre filières anciennes (présentes avant la guerre) et nouvelles (qui sont nées avec la guerre ou en conjoncture favorable (hausse prix du coltan), légales et illégales, criminelles ou non (dans la mesure où nous disposons d'éléments pour étayer ces hypothèses). Évolution des activités des entreprises (nouvelles et anciennes) et de leur positionnement au cours de la guerre (étaient-elles présentes avant la guerre ? Leur implication dans la filière date-t-elle de la guerre ?) Évolution de leurs activités au cours de la guerre ? Sont-elles légales ou illégales.

2. Détermination du type de lien (direct ou indirect) avec le financement et la continuation de la guerre :

a) par les liens directs avec les autorités rebelles, les régimes congolais, rwandais, ougandais, zimbabwéens;

b) via les taxes et autres contributions aux autorités locales (dans la mesure où ce facteur est pertinent).

3. Contribution au pillage du Congo et à la spirale de récession économique :

a) mécanismes de pillage et effets économiques;

b) tentative de détermination de la valeur ajoutée et de son affectation au sein des filières;

c) part des taxes partiellement ou non payées ­ tentative d'évaluation de la fraude et de la contrebande ­ et/ou non utilisées à des fins civiles publiques;

d) activités criminelles.

4. Filières criminelles (telles que reprises dans le dernier rapport des Nations unies).

5. Conséquences sociales et humanitaires.

6. Questions des activités éthiques et de la responsabilité éthique collective.

7. Recommandations concernant les mécanismes observés et plus particulièrement les circuits.

3. FILIÈRE COLTAN

3.1. Introduction

Le travail de préparation des auditions se base sur les deux premiers rapports de l'ONU et du premier rapport rapport d'IPIS (170).

Une première liste de personnes à interroger et un questionnaire ont été établis. Ces personnes et sociétés ont été choisies pour plusieurs raisons, à savoir, le fait qu'elles ont été citées dans le rapport de l'ONU, qu'elles soient sociétés belges ou dirigées et gérées par des Belges, qu'elles appartiennent à la filière. Certaines personnes ont demandé à être entendues telles que Aziza Kulsum et Jacques Van Den Abeele.

L'audition de Franceschi, expert géologue et économiste, a permis de clarifier le contexte et les filières coltan tandis que Hoogsteyns a apporté des renseignements sur la filière rwandaise. L'ordre de passage et le choix des personnes a été déterminé principalement de manière à illustrer la filière congolaise, d'abord, puis la filière rwandaise, mais également en fonction de leur présence en Belgique lors de la période d'auditions. Il faut noter que certaines personnes se sont montrées très réticentes à parler de certaines filières (rwandaises par exemple), par crainte de représailles.

Les documents recueillis concernent principalement des documents de douane, des contrats, des copies de statistiques.

Dans l'ensemble, la filière congolaise est relativement bien illustrée, mais les auditions contiennent relativement peu d'informations sur les filières rwandaises et plus particulièrements les filières qualifiées directement liées au régime de Kigali, à savoir, (Rwanda Metals et Great Lakes Metals).

En ce qui concerne la filière rwandaise Eagle Wings, une délégation de la commission a rencontré Anthony Marinus, employé belge de la société, et Alfred Rwigema, gestionnaire de la même entreprise, au cours de leur mission d'information dans la région des Grands Lacs.

Les auditions n'ont apporté aucune information sur les filières ougandaises ni zimbabwéennes.

Des informations sur les filières ougandaises et burundaises sont partielles.

Ce chapitre comporte de nombreuses références à des articles, ouvrages parus ou encore au rapport de l'ONU, faute de divulguer l'information contenue dans les auditions des entreprises, qui pour la plupart ne sont pas publiques.

3.2. Description des filières

Deux grands types de filières exploitant et exportant le coltan apparaissent des différentes auditions : d'une part, la filière congolaise et, d'autre part, la filière rwandaise. Au sein de chacune des filières, certaines sociétés sont liées au mouvement rebelle du RCD-Goma et/ou à l'armée ou l'appareil politique rwandais. Ce schéma comprend quelques sociétés qui exploitent, commercialisent et exportent le coltan à partir du Rwanda, du Burundi et d'Ouganda. Il n'est pas exhaustif, mais situe les entreprises belges au sein des grandes filières d'exploitation, de commercialisation, de transport du coltan à partir du Congo.

3.2.1. Sociétés exploitant et commercialisant le coltan localement au Congo

Localement, les sociétés se classent en quatre catégories en fonction de leur nationalité (congolaise, rwandaise, burundaise et ougandaise) et selon qu'elle ont un lien direct avec les régimes politiques et militaires rebelles ou rwandais (171) :

­ Les sociétés congolaises enregistrées depuis longtemps et qui exercent leurs activités minières commerciales depuis de nombreuses années : MDM, Socomi, Shenimed, Singoma, ... La société Gemicom a été créée après le monopole, suite à la rupture des partenariats d'achat de la Sogem avec MDM.

­ La société Somigl a été créée à la fin du mois de novembre 2000 pour assurer le monopole d'exportation du coltan qu'elle s'est vu conférer par arrêté interdépartemental du RCD-Goma. Cette société n'a pas survécu à la chute des prix du coltan ni à la concurrence (172) et a cessé ses activités au cours du mois de mars 2001. La société Congo Holding Development Corporation contrôle les concessions de l'ex-Sominki et semble étroitement lié au RCD-Goma. Ils envoient leurs minerais à la société sud-africaine de traitement Metal processing association, basée à Gisenyi au Rwanda.

­ Viennent ensuite les entreprises, rwandaises à l'origine, qui ont établi des comptoirs au Congo et qui y sont établies suite à la présence armée rwandaise (au cours des années 1999-début 2000) : Sogermi Congo, Eagle Wings, etc. Lors de la hausse du prix du coltan, se sont créés de nombreux comptoirs qui n'ont exporté que des tonnages restreints (comptoirs congolais, burundais ou rwandais). Tous ne sont pas repris dans le schéma général.

­ Deux sociétés sont inscrites dans la filière rwandaise ayant des liens directs avec l'APR (Great Lakes Metals) et le FPR (Rwanda Metals) (173).

3.2.2. Les sociétés qui commercialisent le coltan au niveau international et qui ont des liens avec l'Afrique centrale

­ Sogem (belge); Cogecom (belge); Trademet (belge) et Speciality Metals (belge).

­ Afrimex (anglaise), A&M (anglaise), Masingiro (allemande), Eagle Wings Resources International (joint venture entre la société américaine Trinitech et hollandaise, Chemie Pharmacie Holland) (174), Euromet (sud-africaine);

­ Finmining, Finconcord, Raremet, Northington Trading Company forment un ensemble de sociétés basées à la même adresse, aux Caraïbes, et présidées par Chris Huber, un Suisse et Semion Briskin, un Russe.

3.2.3. Les laboratoires d'analyse :

Alex Stewart (société anglaise) et Alfred Knight (firme anglaise).

3.2.4. Les entreprises de stockage et/ou de broyage et d'expédition

­ Stockage : Steinweg (belge), Magemon (belge);

­ Expédition : Hollands Veem/Handels Veem (hollandaise, filiale de Steinweg).

3.2.5. Sociétés de transport et sociétés transitaires

Transports régionaux (camions) : TMK (société congolaise); sociétés d'aviation (New Gomair, Air Navette, Jambo Safari, ...) (175);

Transports internationaux : Sabena/Swiss Cargo (suisse), CMB (belge), Das Air (ougandaise), Abac, Flight Line (rwandais), Tristar (rwandais), Martinair (filiale de KLM, hollandaise);

­ Transitaires : SDV (français), Transintra (belge), Abac (belge).

3.2.6. Entreprises de traitement du coltan pour extraire de la poudre de tantale, entreprises de fabrication de condensateurs et de circuits électroniques et industrie de la haute technologie

­ Entreprises de traitement : Ulba Metalurgical Plant (Kazakhstan) (176), Nac Kazatomprom (filiale d'Ulba), Trinitech et Cabot (USA), H.C. Starck (Allemagne), Ningxia (NNMS-Chine), Shoa-Cabot (Japon), Mitsui (Japon).

­ Les sociétés belges travaillent plutôt avec les entreprises de traitement allemande (Starck), chinoise (Ningxia) ou américaine (Cabot). Les filières rwandaises (Great Lakes Metals et Rwanda Metals) liées directement à l'APR, expédient leurs matières vers l'usine d'Ulba et utilisent la filière « kazakhe ».

­ Entreprises de fabrication de condensateurs : Kemet (USA), Hitachi (Japon), Vishay (USA-Israël).

­ L'industrie de la haute technologie : (Compacq, Alcatel, Dell, Ericsson, ...) pour la production de téléphones mobiles, ordinateurs, ...

3.3. Évolution de l'implication et du positionnement des entreprises au cours de la guerre. Apparition de nouvelles entreprises, reflet d'enjeux commerciaux nouveaux

Plusieurs sociétés présentes avant la guerre au Congo exploitaient et commercialisaient le coltan, la cassitérite et autres minerais associés (MDM et Socomi depuis 1990, Shenimed). Ces sociétés étaient liées commercialement à des sociétés basées en Belgique depuis plusieurs années (Sogem, Cogecom), ou en Angleterre [Afrimex (société Socomi basée à Londres)].

3.3.1. Impact de la présence rwandaise au Congo et de la hausse subite des cours internationaux du tantale sur une redistribution du marché des minerais et apparition de nouvelles filières

À l'est du Congo, l'on constate une redistribution du marché des minerais et une apparition de nouvelles filières suite, dans un premier temps, à la présence militaire rwandaise dans la région, puis, dans la seconde moitié de l'année 2000, consécutive à la hausse des cours du tantale sur le marché mondial.

Au Congo, d'autres comptoirs, filiales de sociétés rwandaises, se sont installés après la seconde guerre et au début des années 2000 : il s'agit de Sogermi-Congo dépendant de Sogermi à Kigali et Eagle Wings. Avec Eagle Wings, c'est une nouvelle filière qui se crée, porteuse d'intérêts américains et hollandais, la société a signé un contrat exclusif d'analyses avec le laboratoire Alex Stewart et leurs clients sont Starck, Ninxhia et Ulba (177) mais aussi Cabot à qui la société livre régulièrement.

En 2000 déjà, un comptoir rwandais, Kafarege était présent au Congo et dépendait diretement de la société Rwanda Metals. Le comptoir Kafarege exporte vers le Kazakhstan via deux sociétés liées : Finmining et Finconcord, mais également Raremet (178). Cette société est la seule cliente d'un ensemble de sociétés (Finmining, Finconcord, Raremet, ...) dirigées par Chris Huber (179).

Selon le premier rapport de l'ONU, Rwanda Metals et Great Lakes Metals sont liées à l'armée rwandaise qui contrôle une part importante de l'extraction et de la vente du coltan par l'intermédiaire de ces deux sociétés et de leurs comptoirs au Congo (180). Ces deux sociétés sont liées également au Bureau Congo, le service des renseignements étrangers, la branche « commerciale » de l'APR qui perçoit les taxes sur certains minerais en provenance du Congo (diamant notamment) ainsi que d'autres revenus.

Avec l'influence rwandaise croissante au Kivu, une nouvelle répartition du marché s'opère, au détriment d'opérateurs économiques locaux et « anciens » (TMK (181), MDM, Sogem, ...) au bénéfice d'entreprises et de filières dépendant directement des pays impliquées dans la guerre au Congo (entreprises rwandaises établies au Congo et entreprises liées à la filière militaire (Rwanda Metals, Great Lakes Metals). Ces nouvelles filières civiles et militaires travaillent principalement en partenariat avec de nouveaux opérateurs hollandais, allemands, américains ou kazakhe). Les réseaux commerciaux profitent de la présence politico-militaire du Rwanda au Congo oriental pour étendre leurs propres intérêts commerciaux (Sogermi, Eagle Wings, Kafarege). Certaines de ces nouvelles sociétés bénéficient d'un régime favorable de taxes [Eagle Wings par exemple (182)], un forfait voire une exemption.

En ce qui concerne le coltan, la présence rwandaise au Congo se traduit par une répartition du marché en faveur de filières non officielles et militaires. Selon une brève évaluation, les exportations mensuelles en octobre 2001 s'élevaient à 45 tonnes pour les comptoirs exportateurs officiels au Congo (183) comparé à des estimations de 100 tonnes par mois pour la filière militaire, soit 2 fois plus selon ces estimations (184).

Les traders belges voient diminuer leurs parts de marché en Afrique centrale. Cette évolution est en partie la conséquence des changements d'alliances politiques de certains pays occidentaux vis-à-vis du Rwanda (Pays-Bas, Grande-Bretagne, Allemagne, États-Unis).

Dans la zone contrôlée par l'Ouganda, l'on observe également des exportations de coltan sous le couvert d'entreprises congolaises (cas de la société Conmet) (185).

3.3.2. Effet du monopole : éviction de certaines sociétés congolaises exportatrices et rupture de liens commerciaux avec l'étranger

En novembre 2000 (jusqu'en janvier 2001), une hausse subite de la demande de coltan et de son prix provoqua une ruée dans les régions productrices de l'est du Congo, à savoir, au Sud et au Nord-Kivu ainsi qu'au Maniema. Cette hausse subite du prix du coltan suscita l'intérêt de diverses sociétés, mais également celui de filières militaires qui s'infiltrèrent dans l'exploitation et le marché du coltan. Les autorités du RCD-Goma accordèrent un monopole d'exportation du coltan à une société congolaise, la Somigl. Cette réglementation accordant un monopole d'exportation à la Somigl visait à « accroître sa contribution aux recettes du Trésor public » (186). Le monopole cessa lorsque les prix du coltan chutèrent et de nombreux comptoirs fermèrent leurs portes au Congo (jusqu'en mars 2001).

La hausse du prix puis l'établissement du monopole d'exportation provoquèrent une répartition nouvelle du marché du coltan, tant au niveau des sociétés qui l'exploitent et le commercialisent localement qu'au niveau des partenaires commerciaux étrangers. Ce monopole eut pour effet d'exclure du marché certaines sociétés congolaises liées contractuellement à une entreprise étrangère chargée de commercialiser les minerais, le cas de MDM. Celle-ci était liée à la Sogem qui fut obligée de suspendre ses importations tandis que MDM fut contrainte de suspendre ses activités, obligée de vendre à la Somigl, ce qu'elle refusa. D'après un courrier émanant de la Fédération des entreprises du Congo, il semblerait que l'imposition de ce monopole ait été défavorable à plusieurs comptoirs congolais, installés depuis longtemps dans la région (187).

Par ailleurs, certains traders traditionnels se sont vus évincés du marché (la Sogem) au profit d'alliés commerciaux du monopole (Cogecom) et de filières rwandaises. Comme l'indique le tableau ci-dessous, la part de marché revenant aux principaux partenaires commerciaux belges (Trademet, Sogem et Cogecom) représentent un huitième du marché du coltan en 2000. La filière militaire rwandaise contrôle à elle seule 60 % du marché du coltan.

Évolution de la place et du rôle de certaines entreprises belges ­ parts de marché au cours de l'année 2000 (188)

Circuits
­
Filières
Great Lakes
Metals en
Rwanda Metals
­
Great Lakes
Metals et
Rwanda Metals
Cogecom-Cogear
­
Cogecom-Cogear
Trademet-Sogem
­
Trademet-Sogem
Kotecha-
Afrimex
­
Kotecha-
Afrimex
Eagle
Wings
­
Eagle
Wings
Andere
­
Autres
Raming voor het gebied : 1 800-2 500 ton ­ Estimations pour la région : 1 800-2 000 tonnes 1 200* 170 80 207 88 250
100 % (op 2 000 ton) ­ 100 % (sur 2 000 tonnes) 60 % 8,5 % 4 % 10,4 % 4,4 % 1,25 %

* Nations unies, Conseil de Sécurité, Rapport du groupe d'experts sur l'exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de la République démocratique du Congo, le 12 avril 2001, § 130. Pour les autres statistiques : statistiques d'exportation congolaises du RCD-Goma. Ces chiffres ont été confirmé lors des auditions.

Le tableau montre que la guerre a provoqué une réallocation du marché en faveur des filières militaires rwandaises qui ont monopolisé le secteur des minerais.

3.3.3. Fin du monopole : des sociétés congolaises cherchent de nouveaux partenaires commerciaux étrangers

Lorsque le monopole prit fin, certaines sociétés congolaises cherchèrent de nouveaux partenariats pour vendre leur coltan. C'est ainsi que Gemicom fut créée par deux anciens exportateurs congolais de coltan, Muyeye et Mudekereza. Certains partenaires refusèrent de collaborer, d'autres acceptèrent.

3.3.4. Conclusions

La place et le rôle d'entreprises belges ou de Belges s'est réduit au sein des filières traditionnelles. Tandis que certaines sociétés se voyaient exclues ou se retiraient pour des raisons éthiques, d'autres traders belges acceptaient de travailler avec des sociétés congolaises ou des filières rwandaises établies au Congo, en toute légalité. Tandis que des considérations de survie économiques justifient la poursuite des activités ou l'entrée sur le marché des uns, d'autres se retirent pour des raisons éthiques, sous la pression de campagnes de presse des ONG belges.

La description de l'évolution du marché du coltan entre 1998 et 2001 montre qu'au cours de cette période de guerre, de monopole et d'après-monopole, le marché a été redistribué en faveur de filières rwandaises, militaires principalement qui monopolisent l'exploitation et la commercialisation du coltan. L'on peut parler de criminalisation de l'économie du coltan congolais.

Dans quelle mesure ces entreprises ont-elles contribué et contribuent toujours au financement de la guerre, à l'économie de guerre à l'est du Congo ? Dans quelle mesure les mouvements rebelles ont-ils contribué à étouffer l'économie locale par des impôts exorbitants et par l'établissement d'un monopole (189) et favoriser la fraude vers le Rwanda ? Dans quelle mesure ces filières liées plus directement aux régimes rebelle et rwandais permettent de financer la guerre au Congo ?

3.4. De l'illégalité ou pas du monopole, des filières rwandaises, des activités de l'armée rwandaise au Congo

En ce qui concerne le monopole, le RCD-Goma a vu la possibilité de prélever davantage de taxes à l'exportation du coltan lors de la hausse de son prix. Le niveau des taxes légales s'élevaient alors à un pourcentage de la valeur du minerais exporté [8 % (190)]. Suite à la hausse du prix à 80 voire 100 dollars US/livre au mois de novembre 2000, le RCD a proposé une hausse des taxes que la Fédération des entreprises congolaises a refusée. Par contre, Kulsum Gulumani a accepté de payer le montant de 10 dollars US/kilo comme taxes au RCD et a accepté le poste d'adminisrateur de la société Somigl créés par les sociétés Africom, Cogecom et Premeco (191) et dont le monopole a été accepté par le RCD-Goma (192). Par la suite, d'autres négociations relatives au montant des taxes ont eu lieu entre la FEC et le RCD-Goma sans parvenir à un accord.

Les questions de légalité se posent vis-à-vis du mouvement rebelle du RCD-Goma : depuis les accords de Lusaka, celui-ci jouit d'une légitimité politique et a donc la capacité légale de déterminer le niveau des taxes, par exemple. Une discussion est en cours actuellement à propos de la légalité du monopole et des pouvoirs que le RCD dispose pour le négocier avec une société créée à cet effet (193).

La question subsidiaire se pose vis-à-vis des partenaires commerciaux de la Somigl, et notamment Cogecom, société belge, partenaire commercial de longue date d'Aziza Gulumani, mais également des clients de la Somigl. Quels sont le rôle et la responsabilité des clients de Cogecom (entreprises anglaise, chinoise, ...) et de l'ensemble de la filière partant de la Somigl si le monopole était illégal ?

L'armée rwandaise joue un rôle prépondérant dans l'extraction et la commercialisation du coltan à l'est du Congo. Cette exploitation est frauduleuse et illégale (194).

L'ampleur de la fraude transfrontalière est importante : elle concerne au moins les 2/3 de la production congolaise. Cette fraude est illégale. Le sujet est traité plus loin dans le texte.

3.5. Rôle des taxes dans le financement et la poursuite de la guerre

3.5.1. Financement de la guerre des mouvements rebelles par les taxes

Selon Cuvelier, dans la région contrôlée par l'Ouganda, la majeure partie des recettes fiscales est destinée à couvrir les « coûts salariaux » des membres gravitant autour du responsable du mouvement rebelle, le RCD-ML, dirigé par Mbusa. Elles proviennent de différents services, entre autres de l'Ofida. « Il n'est pas question d'investir dans les soins de santé, dans la construction de routes ou l'enseignement » (195). De même, au plan commercial, les petits exportateurs ont peu à peu été exclus au profit d'un petit groupe d'exportateurs, les « barons » qui collaborent avec les militaires ougandais et ont l'avantage d'être exemptés d'impôts (196).

En ce qui concerne le RCD-Goma, celui-ci finance ses besoins liés à l'effort de guerre grâce à la mise en place d'un système fiscal performant, par ses activités commerciales par la vente de coltan, de bois, d'or et de diamants. Quant aux organismes que le RCD-Goma a créé (la Sonex par exemple, le montage de la Somigl peut-être), ils auraient servi à financer en partie la guerre du Rwanda au Congo par le biais de la vente de cassitérite et de coltan (197).

3.5.2. Paiement des taxes par les comptoirs congolais agréés au mouvement rebelle et lien avec le financement de la guerre au Congo

MDM et d'autres sociétés congolaises inscrites à la Chambre de commerce de Bukavu, apparaissent comme opérateurs économiques agissant en toute légalité, disposent des licences requises et nécessaires, et agissent conformément à la loi sur les entreprises. Elles sont également tenues contractuellement de payer leurs impôts. C'est pourquoi, les sociétés établies depuis plusieurs années reconnaissent payer des taxes régulièrement, conformément aux règlements des autorités locales et aux lois congolaises. Dès lors, questionnés à ce sujet lors des différentes auditions, les différents opérateurs économiques rétorquent qu'ils ont agi en conformité avec la loi et les règlements, qu'ils ne sont pas responsables de la manière dont les autorités politiques gèrent ces recettes, même si des informations extérieures indiquent que ces taxes financent la guerre, servent des intérêts personnels, ...). Ils ne se sentent pas responsables non plus des changements des taux de taxation par ces autorités.

Que dire également de la « responsabilité sociale » qui incombe à tout importateur, tout ménage, tout exportateur tout négociant qui doit payer des taxes aux autorités ? En effet, depuis la chute des prix du coltan, l'on assiste à un retrait de certaines sociétés : le secteur a été quelque peu apuré. Cependant, les mouvements rebelles qui se finançaient grâce aux taxes sur les sociétés exportatrices cherchent ailleurs leurs sources de financement, notamment par le prélèvement d'impôts sur les importations de certaines ONG (198). Les taxes à l'importation s'élèvent de 3 à 5 % pour les denrées de première nécessité, mais peuvent aller jusqu'à 100 % pour d'autres produits. Dans quelle mesure certaines institutions, ONG, entreprise, individus portent-ils une responsabilité sociale dans la poursuite du conflit en payant des taxes à des autorités qui les utilisent en partie pour financer la guerre ?

3.5.3. Rôle des taxes de la Somigl dans le financement du mouvement rebelle

Le 20 novembre 2000, suite à la hausse du prix du coltan et afin de monopoliser les taxes sur le coltan et contrôler les flux commerciaux, le RCD imposa un monopole d'exportation et un nouveau système de taxes, à savoir un montant de 10 dollars US par kilo de coltan exporté. Le monopole avait été octroyé à la société Somigl, gérée par Kulsum. Les taxes devaient permettre au RCD-Goma de se financer à raison de 1 million de dollars US par mois (199) (chiffre atteint au mois de décembre seulement). Suite à la chute des prix du coltan, le monopole fut aboli en mars 2001 et le marché fut à nouveau libéralisé (200). Dans la mesure où la Somigl est directement une société créée dans le but de fournir un volume important de taxes à l'exportation au RCD-Goma, qu'il lui a conféré le monopole d'exportation et que certains profits de la société et les taxes perçues financent le mouvement rebelle, cette société peut être classée comme maillon de la filière coopérant directement avec les autorités du RCD-Goma pour lui assurer un certain montant de taxes.

Cogecom est également liée commercialement à la Somigl. Les transactions commerciales de la Cogecom auraient représenté plus de 50 % des revenus de la Somigl durant la première moitié du mois de décembre (201). Dans quelle mesure celle-ci, en tant que courtier de la Somigl, est-elle impliquée de manière directe ou indirecte dans l'alimentation des recettes du RCD-Goma ? Quelle « responsabilité sociale » cette société porte-t-elle dans le financement du conflit ? Au cours de notre enquête, aucune preuve n'a été découverte d'un lien direct entre ses transactions commerciales et le financement du RCD-Goma. Cependant, une analyse des transactions et des mouvements de capitaux semble confirmer la participation directe de la Cogecom au financement du mouvement rebelle RCD-Goma comme l'écrivent les récents journaux à propos de l'enquête judiciaire lancée en Belgique par le juge d'instruction Claise sur les activités de la Cogecom et de Kulsum (202).

3.5.4. Forfaits, réductions ou exemption de taxes pour certaines sociétés rwandaises et lien avec la poursuite de la guerre et le financement de la guerre

Des firmes rwandaises installent un comptoir au Congo et exportent leurs marchandises à partir du territoire rwandais. Certaines d'entre elles bénéficieraient d'un régime de taxes privilégié (forfaits, allègement, exemption), dans les zones administrée tant par le RCD-Goma que par le RCD-ML. Ces régimes de faveur ne favorisent-ils pas, au contraire, la présence de ces sociétés et filières rwandaises au Congo, la poursuite de la guerre et l'influence rwandaise croissante au Congo ? Les systèmes différents de taxation favorisent également la fraude au Congo en faveur du Rwanda. Le Rwanda tire un avantage certain du système de taxation forte que le RCD-Goma impose aux comptoirs congolais comparé au sien, libre de taxes. Ce régime différencié défavorise les rares comptoirs congolais qui subsistent encore et qui paient l'entièreté des taxes. Ces comptoirs ne parviennent plus à concurrencer les comptoirs tenus par l'APR et le Rwanda (203).

Le système différencié de taxes favorise commercialement les sociétés de filières jouissant de forfaits, de réductions voire d'exemption de taxes, instaure une concurrence déloyale, contribue à favoriser l'emprise économique rwandaise au Congo, prive le Congo de volumes substantiels de taxes et provoque l'éviction du marché d'opérateurs congolais qui ne parviennent plus à soutenir la concurrence.

3.6. Contribution au pillage du Congo et à la spirale de récession économique (fraude et part de la valeur ajoutée restant au Congo)

La fraude (transfrontalière ou sur la valeur à l'exportation) et le pillage d'une partie de la valeur ajoutée quittant le Congo représentent des manques à gagner pour le Congo congolaise et alimentent la spirale de récession économique.

3.6.1. Fraude transfrontalière avec le Rwanda : avantages comparatifs du Rwanda libre de taxes pour l'exportation du coltan ­ ampleur de celle-ci

Le Rwanda a adopté pour les minerais exportés un système libre de taxes : il présente dès lors des avantages comparatifs certains, à rajouter à d'autres tels que un réseau de voierie et un aéroport en bon état, un système bancaire qui fonctionne.

Sur une production régionale estimée à 150-200 tonnes par mois : 45 tonnes sont déclarées (204); 100 à 150 tonnes passent en fraude (205), en contrebande ou par des filières militaires. La fraude par pirogue, camion ou avion représente un « gain » direct de 1 000 à 1 500 de dollars US par tonne pour les fraudeurs lors de la période du monopole, soit un gain total sur 150 tonnes par mois environ équivalant à 1,5 million de dollars US de manque à gagner pour le fisc congolais.

L'un des objectifs du monopole d'exportation était de contrôler les flux sortants pour tenter de limiter la fraude vers le Rwanda, les fraudes sur les déclarations à l'exportation, alimenter les recettes fiscales du RCD-Goma. Le monopole d'exportation n'a permis de limiter la fraude qu'un mois seulement car le Rwanda étant sous régime libre de taxes, les opérateurs économiques (petits négociants) avaient intérêt à aller vendre leurs minerais de l'autre côté de la frontière. Le monopole a privé le Rwanda de certaines revenus prélevées sous forme d'impôts par le RCD-Goma (206).

3.6.2. Fraude sur la valeur à l'exportation des produits comme stratégie pour réduire le montant des exportations

Un second type de fraude quasi-généralisé existe depuis de nombreuses années : il consiste à sous-évaluer systématiquement la valeur à l'exportation des produits exportés afin de payer moins de taxes (207). Selon certaines estimations, celle-ci serait systématiquement sous-évaluée.

Ce type de fraude répond à une logique de minimisation des coûts de transaction pour les opérateurs économiques dans un pays où les taxes et les frais d'import-export sont nombreux (208) et lourds, auxquels s'ajoutent les frais de corruption. Ce système présente des effets pervers :

­ un manque à gagner dans les recettes de l'État qui sont compensées par des augmentations de taxes (notamment d'importation) et par l'exigence de « matabishi » complémentaires : cette pratique alimente la spirale « diminution recettes de l'État ­ augmentation de la corruption » dans une relation win-win pour chacune des parties impliquées individuellement;

­ une fuite de capitaux : en effet, ces transactions d'exportation sont financièrement réglées sur des comptes à l'étranger (suite à l'effondrement du système bancaire congolais) et seule une partie de ces montants sont rapatriés, non-officiellement.

3.6.3. Évaluation du chiffre d'affaire sur le coltan et répartition de la de la valeur ajoutée

a. Pour les filières congolaises

Comment se répartit la valeur ajoutée au sein de la filière du coltan, allant du creuseur aux grandes entreprises de traitement du coltan ?

La filière coltan et la valeur ajoutée générée à chaque étape de la chaîne allant de l'exploitation à l'exportation est bien décrite dans l'article de Didier de Failly « Le coltan : pour comprendre » (209).

Selon l'auteur, au moment de la forte hausse du prix du coltan aux mois de novembre et de décembre 2000, le creuseur vendait au prix de 7 à 10 dollars US son kilo de coltan, qui était revendu à au tarif allant de 40 à 60 de dollars US/kilo dans les grands centres miniers de Mwenga et Kamituga et au prix allant de 60-80 de dollars US (210) dans les grandes villes de Bukavu.

La Somigl a exporté ce coltan au prix le plus élevé de 100 de dollars US/kilo (équivalent à 225 de dollars US/livre) (211). Ce niveau de prix, 225 de dollarsUS/livre, représente la part de la valeur ajoutée restant au Congo. Comparé aux sommets atteints par les prix au plan international, soit le prix de 375 de dollars US/livre auquel a été adjugé le stock américain de la DLA, l'on peut dire que 60 % de la valeur ajoutée reste au Congo. Cette valeur ajoutée est redistribuée principalement au niveau des commerçants.

Selon une étude approfondie de Marysse sur la répartition de la valeur ajoutée au sein de la filière coltan, il apparaît que la majeure partie de la valeur ajoutée aurait été réalisée en dehors du Congo, par les traders qui vendent sur le « spot market » aux grandes compagnies de traitement du coltan (Starck, Cabot, Ningxia, Shoa-Cabot) (212).

Selon les estimations de Stefaan Marysse, les prix des contrats à long terme des grandes compagnies de traitement du coltan pouvaient s'élever au double du prix offert aux comptoirs exportateurs lors de la période du boom du coltan. Ceci signifie que 50 % environ de la valeur ajoutée du coltan restait au Congo tandis que les traders internationaux réalisaient 50 % de la valeur en revendant aux grandes compagnies de traitement du coltan.

Des traders régionaux et internationaux ont bénéficié de la ruée vers le coltan lorsque les prix flambèrent. Cependant, il faut souligner que les 50 % de la valeur ajoutée restant au Congo est redistribuée inégalement au sein de la chaîne allant des creuseurs aux intermédiaires, commerçants et exportateurs. Le creuseur ne perçoit que 10 à 20 % seulement de la valeur ajoutée créée au Congo,et revenant au Congo.

Les intermédiaires perçoivent 50 % de la valeur ajoutée restant au Congo et l'exportateur, le reste. Les intermédiaires et les traders sont deux catégories de personnes qui ont le plus bénéficié de la hausse des prix du coltan et de l'opacité des marchés mondiaux, mais ont pris également le plus de risques et ont certainements subi des pertes lors de la baisse des prix.

Ces prix sont descendus rapidement, pour atteindre, quelques mois après, le niveau de 31-33 dollars US/livre, pour se stabiliser en-deça de la moyenne à long terme en 2002, à savoir 22 dollars US/livre. Le prix continue de baisser. Le commerce reste encore rentable pour des matières enrichies et pré-traitées (c'est-à-dire pour des teneurs allant de 25 à 30 %). Pour des prix aussi bas, la part de la valeur ajoutée restant au Congo est sans doute plus grande et devrait tourner autour des 80 % (213).

Peut-on faire un lien entre les filières dont la majeure partie de la valeur ajoutée quitte le Congo et la possibilité que cette valeur ajoutée puisse être utilisée pour financer la guerre ? Dans le cas des traders et de certains intermédiaires locaux, nous ne disposons pas d'indices qui puissent nous permettre de faire le lien.

b. Pour les filières disposant d'avantages fiscaux ou ne payant aucune taxes

La part de la valeur ajoutée revenant au Congo diminue selon que les filières paient moins de taxes [cas d'Eagle Wings notamment (214)], qu'elles disposent de leurs propres sites d'exploitation et qu'elles recrutent leurs propres travailleurs à des conditions salariales minimales (dans les cas d'Eagle Wings, MHI ou Rwanda Metals) (215).

Dans le cas de l'armée rwandaise, utilisant ses propres prisonniers ou de la main-d'oeuvre forcée ou encore par ses propres soldats ainsi que son propre transport et ne payant aucune taxe au RCD-Goma, l'on peut affirmer qu'elle bénéficie de l'ensemble de la valeur ajoutée réalisée à chaque étape de la filière allant de l'extraction, au transport et à l'expédition du coltan vers l'étranger. Le pillage est dans ce cas maximal. Où est réinvestie cette valeur ajoutée ? À l'extérieur ? Est-elle utilisée pour financer la guerre ? Des informations du panel des Nations unies établissent le lien pour la filière militaire rwandaise.

c. Évaluation du pillage de l'armée rwandaise et du financement de la guerre au Congo

Selon certaines estimations, au cours de l'année 2000, la société Great Lakes Metals contrôlée par l'APR, aurait exploité et importé 1 200 tonnes de coltan (216). Ce tonnage aurait généré des revenus d'un montant variant aux alentours de 80 à 100 millions (217). Ces revenus représentent l'équivalent du budget officiel du Rwanda affecté aux dépenses militaires pour l'année 2000 (218). Des estimations semblables nous ont été apportées au cours de nos auditions.

L'exploitation illégale et le pillage de certaines filières rwandaises au Congo financent la guerre. Hoogsteyns estime que les revenus générés par le coltan financent 60 à 70 % de l'effort de guerre au Congo (219). Le coût de la guerre au Congo pourrait s'élever aux alentours de 140 millions de dollars environ pour une année (220).

3.6.4. Conclusions

La fraude constitue un manque à gagner pour l'État congolais et favorise la fuite de capitaux vers l'étranger. L'estimation du pillage du coltan a été relativement important lors de la hausse du prix du coltan, allant de 50 à 100 % (pour la filière militaire). Depuis la baisse du prix international du coltan, l'on peut estimer que la plus grande partie de la valeur ajoutée reste au Congo en ce qui concerne les filières « congolaises », mais le pillage reste maximal pour la filière militaire rwandaise extrayant le minerais, l'exportant et engageant ses propres agents et ses propres moyens.

L'on peut conclure en reprenant le constat de Marysse, qui dit que la valeur ajoutée a probablement été réalisée par les traders internationaux sans être reversée en partie à l'économie congolaise. Certains traders régionaux (militaires et civils) et internationaux ont bénéficié du boom du coltan et ont récolté la majeure partie des profits de cette aubaine. Cependant, force est de constater aussi qu'en termes de ventes totales pour le secteur mondial de traitement du tantale, le Congo a permis d'apporter une réponse intéressante, facile et rapide à une hausse subite de la demande de coltan, mais n'est pas considéré comme une source d'offre stable de coltan.

Le Congo a retrouvé sa position marginale qu'il tenait auparavant sur le marché du coltan, n'attirant pas d'investissement sérieux à long terme à cause de son instabilité (221). L'intérêt subit des américains, anglais, allemands ou sud-africains pour le secteur du coltan lors de sa hausse de prix répond-il à une volonté d'investir à long terme dans la région ?

3.7. Filières criminelles dans l'exploitation et la commercialisation du coltan

Le rapport final du groupe d'experts des Nations unies décrit le rôle criminel du réseau d'élites associées à l'armée rwandais. Celui-ci a un avantage substantiel du micro-conflit en ayant mis sur pied une guerre qui s'autofinance et dont le but est d'exercer un contrôle économique sur certaines régions. Ce réseau fonctionne grâce à la collaboration de différentes institutions comme l'armée rwandaise, le Bureau Congo, le RCD-Goma. Ce réseau a des liens commerciaux avec les réseaux criminels transnationaux (de transport, comme Victor Bout, d'émission de fausse monnaie, comme Sanjivan Ruprah et Mwamba Nosi). Le contrôle économique se réalise par un contrôle militaire des sites d'extraction et du transport. Ces activités génèrent des revenus et des bénéfices qui alimentent la caisse du Bureau Congo (l'aile commerciale de l'APR) permettant de financer la guerre au Congo (222).

L'exploitation minière contrôlée et organisée par des militaires a des conséquences économiques, sociales, humanitaires, très graves (223).

Elle a un impact négatif pour l'ensemble de l'économie régionale, tant pour les opérateurs économiques qui se voient évincés des marchés par les filières militaires, que les nouvelles autorités politiques du RCD-Goma, qui se voient privés de revenus, que la population qui subit les vols, les destructions de récoltes, les rançons, ... Ces filières militaires utilisent de la main-d'oeuvre captive (enfantine parfois) ou des travailleurs soumis à des conditions de travail difficiles : elles violent les droits humains. Les affrontements armés ont provoqué des déplacements de population considérables dans la région et ont alimenté la spirale de violence par la formation de groupes armés locaux d'auto-défense, la multiplication des milices armées, etc. Les actes de violence se sont multipliés (vols, viols, sévices sexuels, meurtres, tortures, ...) (224).

L'insécurité alimentaire, les taux de malnutrition et de mortalité élevés (3,5 millions de décès à l'est du Congo depuis le début du conflit) traduisent les conséquences humanitaires graves du conflit et des conséquences qu'il entraîne (225).

3.8. Considérations éthiques et recommandations de l'application des principes de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales

Dans quelle mesure les sociétés ayant des activités au Congo sont-elles responsables socialement de la poursuite du conflit et de ses conséquences ?

Le premier rapport des Nations unies considère que toutes les entreprises liées de près ou de loin à l'exploitation et à la commercialisation des ressources du Congo sont complices actives ou passives de la poursuite du conflit, alimentant le conflit et ajoutant aux violations des droits de l'homme. Dans le rapport final, le groupe d'experts distingue deux types d'entreprises, les sociétés actives au sein de réseaux criminels, d'une part, et, d'autre part, celles qui violent certains principes de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales (226) qui concernent des recommandations en matières de publication d'informations, d'emploi, de lutte contre la corruption, de respect de l'environnement, de concurrence, de fiscalité, de droits de l'homme, etc.

Le respect de ces principes éthiques vise à contribuer à créer les conditions pour l'investissement et le développement durable. Les experts estiment que les pays signataires sont moralement tenus de veiller à ce que les entreprises commerciales se conforment et se tiennent à ces principes, ne violent pas le code de conduite qu'ils ont adopté comme principe juridique (227), même s'ils n'ont pas force de loi.

Dans le cas du Congo, quelle entreprise peut affirmer avoir exercé des activités économiques avec le Congo sans qu'elles ne bénéficient directement ou indirectement à la logique de guerre [que ce soit en payant ou pas des taxes, en achetant du minerais à des groupes armés (228), ...]. Si certaines entreprises participent activement à entretenir un contexte de guerre, d'autres s'y sont adaptées, peu sans doute se sont retirées pour des raisons éthiques.

3.9. Conclusions et recommandations spécifiques à la filière coltan

1. Place et rôle de la Belgique dans l'exploitation et le commerce de coltan :

Quelques Belges restent actifs dans l'exploitation, le commerce et le transport de minerais (coltan) au Congo. Leurs sociétés sont congolaises, rwandaises, ... La Belgique garde une position dominante comme plaque commerciale et de transit pour les minerais à destination des grandes usines de traitement situées en Allemagne, en Chine, ... Quelques sociétés belges restent actives dans le commerce, l'expédition et le transport, le stockage du coltan.

Par ailleurs, d'autres pays européens prennent peu à peu la place et la position dominante que tenait la Belgique naguère dans ce commerce (le début d'une tendance à long terme ou temporaire ?). Il s'agit des Pays-Bas, de l'Allemagne et du Royaume-Uni.

2. Hormis peut-être l'une ou l'autre société, les sociétés belges ne sont pas accusées d'activités illégales, mais plutôt non-éthiques et non conformes aux principes de l'OCDE (commercialisation et exportation de coltan exploité et commercialisé illégalement (fraude), ou dont l'exploitation viole les droits de l'homme, finance indirectement la guerre en payant des taxes, en engageant de la main-d'oeuvre forcée, rebelle, ...).

En fonction de ce type d'implication d'entreprises belges dans la guerre au Congo, à quels niveaux agir ?

Au niveau des sociétés

­ Engager et favoriser une approche nouvelle, fondée sur la responsabilité sociale et l'éthique des sociétés (229). Cette approche doit être mise en regard du danger de criminalisation de l'ensemble. Dans cette perspective, comment favoriser les activités des entreprises multinationales et autres entreprises belges dans la région ? Que proposer aux entreprises multinationales (plus sensibles à l'opinion publique, aux principes édictés par différentes institutions en matière de commerce) mais également aux petites entreprises qui ont des activités dans des régions en conflit ? La souscription à un code de conduite, une sensibilisation aux principes de l'OCDE afin qu'elles puissent agir dans le sens d'une plus grande responsabilisation sociale éthique.

La responsabilisation sociale des entreprises doit s'envisager à plusieurs niveaux institutionnels (voir plus loin pour une discussion plus complète). En Belgique, le besoin de transparence et d'informations devrait se traduire par la multiplication de contrôles et de supervision (des achats-ventes, des importations et exportations, des opérations financières des compagnies qui sont actives dans la région qui proviennent des zones en conflit et des pays avoisinnants, mise sur pied de mécanismes de supervision des filières commerciales (ministère des Affaires économiques, meilleure coopération avec les NU, échange d'informations, ...).

Au niveau de la politique extérieure

­ Favoriser une approche régionale de politique d'aide, politique économique (régionalisation des échanges, du système de taxes, ...),

­ Aide importante à la région au niveau des structures de santé, éducatives, infrastructures routières, ...

4. FILIÈRE DIAMANT

4.1. Introduction

Après avoir situé le rôle et la place d'Anvers dans le commerce mondial du diamant brut (premier point), ce chapitre aborde le problème du diamant de guerre et de la contrebande (second point), puis le rôle du diamant dans le financement de la guerre actuelle (troisième partie), les filières qualifiées de criminelles par le rapport des Nations unies (quatrième point), l'évaluation du pillage sur ces filières (cinquième point), les conséquences sociales et économiques du développement de l'activité artisanale. Enfin, nous analyserons les différentes propositions pour combattre efficacement le diamant de guerre : le système proposé par le Conseil supérieur du diamant comparé à celui que propose les accords de Kimberley (sixième partie). En fin de chapitre, nous signalerons quelques failles du système belge que nous avons relevées au cours des auditions publiques (septième point).

Les auditions du Sénat se sont davantage concentrés sur les aspects belges de la commercialisation du diamant de même que le processus de Kimberley, le système proposé par le Conseil supérieur de diamant et le système belge. Les filières d'exploitation et de commercialisation au Congo ont peu ou pas été abordés. C'est la raison pour laquelle ce chapitre part des aspects belges et des systèmes proposés pour résoudre la question du diamant de guerre et de conflit. Quelques passages seulement aborderont les aspects congolais.

4.2. Filières : place et rôle de la Belgique dans le commerce de diamants

4.2.1. Place diamantaire d'Anvers

Environ 80 % des diamants bruts produits dans le monde subissent une transformation physique à Anvers. Anvers réexporte 99 % des diamants importés. Le secteur diamantaire a un chiffre d'affaires de 26 milliards de dollars. Le secteur du diamant représente à lui seul 7 % des exportations belges. Si Anvers était le seul centre de taille important voici 20 ans, il ne l'est plus depuis étant donnés les coûts importants de la main-d'oeuvre. En effet, d'autres centres de transformation sont situés en Chine, en Inde, en Extrême-Orient et en Israël. La moitié des diamants taillés retournent à Anvers qui jouit des avantages d'échelle en tant que grand centre commercial. Toutes les grandes entreprises diamantaires sont présentes à Anvers (De Beers, BHP, Rio Tinto, ASCorp) (230).

En effet, la société De Beers basée en Angleterre importe 42 % de ses diamants via Anvers. BHP, société canadienne, importe 65 % de ses diamants commercialisés par Anvers; Rio Tinto importe la totalité de ses diamants via Anvers et ceux-ci concernent la production australienne et une partie de la production canadienne; 65 % des diamants de l'ASCorp, le conglomérat actif en Angola passe par la Belgique (231).

Les avantages comparatifs de la place d'Anvers sont indéniablement ses banques, ses facilités, sa situation au centre de l'Europe, le fait que ce soit « le » centre mondial de tri du diamant brut. La valeur ajoutée qu'apporte Anvers consiste principalement en un triage des diamants des arrivages différents par lots de couleur, de taille et de pureté identiques qui détermine son prix (232).

Malgré ces avantages, la concurrence internationale reste une donnée importante pour le pays, notamment vis-à-vis d'Israël qui tente de prendre des marchés et applique une règlementation moins stricte, proche de celle proposée par l'Union européenne (233), notamment congolais sous Laurent Kabila, et aussi angolais, mais aussi, en second lieu, vis-à-vis de New York qui tente de conclure des contrats en Sierra Leone et au Congo. Dubaï est un centre nouveau du diamant en pleine émergence : les Émirats arabes se positionnent en nouveau centre de commerce du diamant. Enfin, l'Afrique du Sud commence également à prendre une place dans le traitement et le commerce de diamants bruts en Afrique (234).

Ces quelques indicateurs positionnent commercialement la place d'Anvers tant au niveau belge que mondial.

4.2.2. Liens entre comptoirs d'exportation du Congo liés aux entreprises belges

Selon Christian Dietrich, il est extrêmement difficile de prouver les véritables liens entre les sociétés belges et les revendeurs de diamants actifs sur le territoire de la RDC, car les diamants sont transportés par des personnes, et il existe peu de documents relatifs à ces transactions commerciales. Les diamants passent par des réseaux de connaissances personnelles et de confiance.

Une société belge peut très bien ne pas être liée officiellement à un comptoir en Afrique centrale, si ce n'est de par la plaque figurant sur la porte du bureau belge ou parce que les commettants du comptoir travaillent dans des bureaux quasi voisins. Les relations entre les acheteurs individuels en RDC et les sociétés belges sont d'autant plus vagues. La plupart de ces acheteurs ne sont pas actionnaires dans les sociétés, mais agissent plutôt de manière indépendante, financés par des investisseurs étrangers. Ces connections restent secrètes.

Ainsi, il est impossible de déterminer quelles sociétés à Anvers importent des diamants de la RDC ou quelles sociétés sont actives dans le négoce des diamants congolais importés par une société liée uniquement par une amitié personnelle. Il va de soi que les nuances du commerce légal de diamants sont savamment tenues secrètes, notamment parce que l'industrie du diamant ne publie pas de statistiques sur les sociétés individuelles. Les comptoirs individuels ne font pas exclusivement affaire avec une seule société à l'extérieur de la RDC. En fait, ils sont associés à plus de cinquante sociétés diamantifères différentes, en Belgique seulement (235).

Les comptoirs en RDC vendent des diamants à de nombreux clients pour augmenter leur rendement lorsque le gouvernement a imposé des exigences minimales d'exportation à toutes les sociétés obtenant un permis d'exportation. Ainsi, les plus gros comptoirs représentent un regroupement de fournisseurs qui travaillent pour différents payeurs, en Belgique et ailleurs, du fait du nombre restreint de permis d'exportation délivrés par les autorités à Kinshasa après la suppression du monopole de l'IDI début 2001.

Suit ci-après une liste non exhaustive de cetains comptoirs ayant eu des relations commerciales avec des sociétés en Belgique et en Israël, ce qui n'implique pas des relations commerciales directes, systématiques et régulières entre les sociétés congolaises et les sociétés étrangères (236) :

· Tofen-Congo : membres inconnus de l'empire des diamants Leviev et certains actionnaires de la société belge Omega, bien qu'il soit difficile de définir avec précision l'actionnariat exact. Omega et Servdiam BVBA occupent les mêmes bureaux à Anvers. Omega importe régulièrement des diamants en provenance de ce comptoir.

· IDI-Congo : International Diamond Industries d'Israël : est fournisseur unique d'une société établie en Israël.

· Primogem : a eu des relations commerciales avec Sierra Gem Diamonds en Belgique, mais celles-ci sont limitées à des achats sporadiques.

· Ashley : Roni Ben Simhon de la RBS en Belgique.

· Millenium : a vendu des diamants à Musa Ahmad de Triple A Diamonds en Belgique. Mais ils n'ont pas de liens contractuels entre eux. Triple A n'est pas acheteur unique.

· International Trading and Diamonds (Intradia) : son affiliation est inconnue, mais la société a envoyé des diamants entre autres à Nami Gems en Belgique, mais cette société a d'autres acheteurs également.

· Kasaï wa Balengela : ce comptoir s'est ouvert en août 2002. La société Windiam travaille avec eux mais également Diamond Trading NV.

· Socico : le comptoir s'est ouvert en septembre 2002, mais nous ne disposons d'aucune information permettant de mentionner certains de leurs acheteurs.

· Certains comptoirs ont fermé à cause de forte pression fiscale, notamment le comptoir Empire dont l'affiliation est inconnue et qui a fermé au cours de l'année 2002 ainsi que le comptoir MBC (Minerals Business Company) porteur d'intérêts zimbabwéens qui n'exporte plus depuis le mois de novembre 2002.

Selon les informations de Christian Dietrich, la moitié des comptoirs travailleraient sous une licence de Triple A Diamonds et de Sierra Gem Diamonds.

Les sociétés importatrices importantes de diamants de la RDC sont,

­ pour 2001, S. Langer Diamant qui importait les diamants de la Miba, International Diamond Exporters, Windiam BVBA, Seber NV qui importa des diamants de Kisangani en 2001 et 2002, Diamond Trading NV, Zurel Bros. NV, Samir Gems NV, Servdiam BVBA, Spidiam, Ahmad Diamond Corporation, Sierra Gem Diamonds Co, Triple A Diamonds NV;

­ pour 2000 : Ahmad Diamond Corporation, Sierra Gem Diamonds Co, Triple A Diamonds NV, Aziz Nassour achetait pour ASA Diam.

En 1998, le nombre de comptoirs agréés étaient au nombre de 37 et attiraient quelques 200 acheteurs, actuellement il reste moins d'une dizaine de comptoirs fournissant des diamants à une centaine d'acheteurs étrangers (237).

En effet, en octobre 2002, il y avait huit comptoirs actifs, bien que seuls cinq d'entre eux puissent être considérés comme des exportateurs importants : Ashley, IDI-Congo, Millenium, Primogem et Tofen. Trois comptoirs plus petits continuent leurs activités bien que leurs exportations soient très faibles : Kasai wa Balengela, Minerals Business Company (MBC) et Socico (238).

Par ailleurs, selon nos sources, plusieurs sociétés ont importé des diamants du Congo entre 1997 et 2002.

Enfin, nous disposons de très peu d'informations concernant les comptoirs à Kisangani, Aziz Nassour a eu un monopole à Kisangani entre les mois de mai et de novembre 2000. Avant ce monopole, étaient établis une dizaine de comptoirs, et actuellement, il y en aurait actuellement encore trois.

4.3. Diamant illégal, illicite et diamant de guerre

Le diamant de guerre concerne 3 % à 4 % du diamant mondial (239), tandis que le diamant de contrebande, illégal, représente 20 % du diamant commercialisé dans le monde, mais ce chiffre pourrait atteindre 50 % selon Peleman (240). En effet, le diamant « présente des caractéristiques qui en font un objet de prédilection pour la contrebande » (241A).

Tout d'abord, le rapport entre son volume et sa valeur est extrêmement élevé, les gemmes étant réduites et faciles à transporter. Ensuite, l'absence de structure fiable, en particulier au Congo, favorise naturellement la contrebande. Enfin, ce marché est relativement opaque [ ...] » (241).

La contrebande est une caractéristique des pays où les fonctionnaires des administrations ne sont pas payés ou très mal payés (242). Face au problème de diamant de guerre mis au jour par le rapport Fowler, le Conseil supérieur du diamant adopta une attitude pro-active et proposa de concentrer son attention sur les pays africains qui posaient problème, à savoir, l'Angola, la Sierra Leone et le Congo, d'établir un système de certification d'origine et un système de transmission électronique de données de manière à enregistrer, vérifier et contrôler les données (voir la partie processus de Kimberley) (243). Ce processus vise à s'attaquer en premier lieu au diamant de guerre et non de contrebande. Les initiatives du Conseil supérieur du diamant et les accords de Kimberley se heurtent en de nombreux points aux règlementations garantissant le libre-échange au sein de l'Union européenne et selon les accords de Cotonou, avec les pays ACP.

La commission se penche sur l'exploitation illégale des ressources qui contribue à la poursuite de la guerre au Congo : quelle évaluation a-t-on de ce problème de diamant de contrebande, de guerre (principalement du diamant de Kisangani, dont les revenus ont été l'enjeu d'affrontements sanglants entre les troupes rwandaises et ougandaises) et de l'étendue du problème du diamant illégal ?

4.3.1. Quelle évaluation peut-on faire de la contrebande et quels sont les mécanismes sous-jacents à la contrebande ?

Jusqu'au milieu des années 90, le Congo exportait officiellement entre 200 et 250 millions de dollars US de diamants (selon les chiffres publiés par le centrenational d'expertise). Actuellement, ces chiffres ont doublé. Cependant, selon Peleman, ces chiffres officiels sont largement sous-estimés, et pourraient être 2, à 3 ou même cinq fois plus importants que ceux déclarés par la CNE et pourraient atteindre plusieurs millards de dollars (244).

Le tableau ci-dessous indique des différences importantes entre les exportations de la RCD et les importations en Belgique. Plusieurs raisons peuvent expliquer ces différences :

D'une part, il y a fraude au niveau des volumes exportés (les diamantaires cherchent à maintenir un certain volume de commercialisation et d'exportation sous peine que le comptoir ne soit fermé en l'accusant de fraude). Ceci se traduit en partie dans la différence entre les statistiques d'exportation de la RDC et les importations en Belgique. D'autre part, il peut y avoir une fraude sur la valeur des diamants exportés, afin de payer moins de taxes. Par ailleurs, il se peut qu'il y a eu, dans les années 90, une tendance à surévaluer les diamants à l'importation, une fois de plus, pour payer moins d'impôts calculés sur les bénéfices. Le système fiscal a été revu en Belgique et ceci a désormais limité cette tendance d'une évaluation à la hausse. Enfin, il peut y avoir fraude sur l'origine des diamants de Kisangani, d'Angola ou de Brazzaville par exemple. Il se peut que la déclaration ne mentionne pas le pays d'origine si celle-ci n'est pas connue.

Export uit de DRC
­
Exportations en Belgique
Import in België
­
Importations belges
Karaat
(miljoenen)
Carat
(millions)
USD
(miljoenen)
USD
(millions)
USD/karaat
USD/carat
Karaat
(miljoenen)
Carat
(millions)
USD
(miljoenen)
USD
(millions)
USD/karaat
USD/carat
1995 21,8 377 17,29 18,6 646 34,73
1996 21,9 388 17,71 15,1 667 44,17
1997 21,7 386 17,78 15,8 553 35,00
1998 26,0 450 17,30 20,8 614 29,51
1999 20,1 289 14,37 23,4 758 32,39
2000 16,0 234 14,62 17,0 629 37,00
2001 17,1 273 15,96 19,6 495 25,25

Source : gouvernement du Congo, statistiques officielles; et données du Conseil supérieur du diamant, Anvers.

La contrebande estimée sur base des statistiques de sortie du Congo et d'entrée en Belgique n'en est qu'une estimation, car le diamant de contrebande transite également par les pays voisins, tout comme le diamant produits dans certains pays voisins transitent par le Congo. Ainsi, les diamants du Congo sont écoulés via des pays voisins producteurs, tels que l'Angola, la République centrafricaine et la Tanzanie et par les pays voisins non producteurs, tels que le Rwanda, l'Ouganda, le Burundi, le Congo Brazzaville et la Zambie. Il est difficile de déterminer avec exactitude le volume des diamants fraudés et exportés par les pays voisins du Congo car l'Angola et la République Centrafricaine, eux-mêmes sont victimes d'écoulements frauduleux vers des pays voisins des diamants qu'ils ont produits (245).

Selon le Conseil supérieur du diamant, la contrebande est dictée par des raisons économiques principalement (prix offert, parfois moindre pour un monopole ou pour des multinationales) : les expéditeurs déterminent leur choix à partir d'une analyse coûts-bénéfices. Par contre, pour un diamantaire, il semble que ceux-ci préfèrent la voie de la légalité à celle de la contrebande car les lots représentent des dizaines de milliers d'euros et les risques que représente la contrebande sont lourds de conséquences (perte d'un lot de plusieurs millions de dollars US non assurés, coût de devoir aller vendre ses diamants via le Rwanda ou le Burundi est plus important que via Kinshasa (246).

La fraude et le problème du diamant de guerre commencent sur le terrain, au niveau le plus bas et se poursuit au niveau des négociants, des comptoirs, des agents qui l'exportent, ... et s'inscrivent dans un contexte général de pays caractérisés par une corruption et une pauvreté généralisée. Peleman rejoint Misser dans son analyse : la contrebande est le produit d'un contexte. S'attaquer au niveau de l'exportation et du transit ne résoudra pas le problème de contrebande si chacun a un intérêt plus grand à frauder qu'à respecter la règle. Aucun moyen actuel mis en place ne permet de lutter efficacement contre la fraude et encore moins du diamant de guerre.

4.3.2. Le diamant de guerre : définitions diverses

Selon Christian Dietrich, le diamant de guerre n'a jamais été clairement défini et les définitions divergent selon qu'elles proviennent des Nations unies, des ONG ou encore de Kimberley. Les diamants de guerre sont généralement considérés comme ceux qui financent la guerre par rapport à ceux considérés comme « légitimes », commercialisés par les gouvernements légitimés. Les Nations unies considèrent que les diamants de guerre sont ceux frappés d'un embargo. La commercialisation des diamants frappés de sanctions des Nations unies est alors considérée comme illégale au plan international. C'est à cette mesure que se réfèrent les pays importateurs, tels que la Belgique.

Cependant, selon les ONG, le diamant de guerre recouvre une définition plus large, à savoir, tout diamant qui finance la guerre, que ce soit du côté rebelles, des armées étrangères impliquées dans le conflit ou encore des gouvernements. Cette définition est plus ou moins étendue aux différents groupes selon que l'on considère la légitimité internationale des autorités, et selon le degré de légitimité de la guerre. Dans le cas de la RDC, peut-on considérer comme légitime et légal des diamants commercialisés par des autorités mises en place par le RCD-Goma ou du MLC reconnues légalement par les accords de Lusaka ? Par contre, des diamants commercialisés par les armées étrangères, rwandaises ou ougandaises resteraient considérés comme diamants de guerre. Enfin, quelle légitimité accorder aux diamants commercialisés par le gouvernement de Kinshasa ?

Tout dépend du jugement de valeur international que l'on porte à cette commercialisation, à la nature du conflit et au degré de légitimité que l'on porte sur cette guerre (c'est la question de la « juste » guerre). Le panel des Nations unies, dans son premier rapport sur l'exploitation illégale des richesses du Congo, considérait comme diamant de conflit, les diamants commercialisés dans les zones sous contrôle rebelle (notamment en provenance de Kisangani). Dans quelle mesure cette vison des Nations unies peut-elle se traduire au plan international en terme de légalité ou pas ?

Dans sa définition du diamant de conflit, le processus de Kimberley se réfère une nouvelle fois aux résolutions prises par les Nations unies : « Les diamants de conflit concernent les diamants bruts utilisés par des mouvements rebelles et leurs alliés pour financer un conflit dont le but est de renverser un gouvernement légitime, tel qu'il est décrit par des résolutions des Nations unies. Le processus de Kimberley donne les outils (certification d'origine, ...) pour déterminer de manière efficace un diamant légal ou pas, mais, selon les ONG, contribue de manière insuffisante à résoudre véritablement les conflits et à contrer les processus qui alimentent le cycle de la violence (247).

4.3.3. Niveaux de légalité et d'illégalité de certains diamants

La question de la légalité ou de l'illégalité du diamant se présente différemment selon le niveau auquel il est posé : au Congo même, la légalité ou pas du diamant dépend de la période, au plan international les règles de l'OMC ne reconnaissent comme diamant illégal que le diamant frappé d'embargo, c'est-à-dire une restriction des échanges édictée par les Nations unies; au niveau belge ou européen, les notions diffèrent; les accords de Kimberley ont également leur propre définition du diamant illégal.

Au niveau du Congo

Jusqu'en août 2000, tous les diamants bruts devaient passer par le Comptoir national d'expertise pour y être évalué et pour des raisons fiscales. Trois bureaux étaient officiellement reconnus dans le pays, celui de Kinshasa, celui de Kisangani et celui de Goma, trois point de sortie agrées pour le diamant produit au Congo. La CNE délivrait un document douanier qui prouvait que les taxes avaient effectivement été payées et qui accorde à l'exportateur le droit de disposer librement de sa marchandise. Au Congo, sous la CNE, tout diamant légal était celui passé par ce comptoir (ou l'un des bureau provinciaux agréés tels que celui de Kisangani ou de Goma), les autres étaient considérés comme illégaux. Dès lors, au Congo, était considéré comme diamant illégal tout diamant qui n'était exporté par un bureau de la CNE.

Lorsque la guerre a éclaté, des mouvements rebelles ou des armées étrangères ont pris Kisangani et Goma. Tant que les accords de Lusaka n'étaient pas signés, les autorités mises en place par les mouvements rebelles à Kisangani ou à Goma ne disposaient pas de légitimé politique et donc, tout diamant sortant par des bureaux de la CNE de Kisangani ou Goma était illégal et considéré comme diamant de guerre. Après la signature des accords de Lusaka, les autorités mises en place par les mouvements rebelles étaient à nouveau considérées comme légitimes.

Le Centre national d'expertise a été fermé le 2 août 2000, laissant la place à la société israëlienne IDI qui s'est vue conféré un monopole d'exportation qui n'a tenu que 6 mois : seuls les diamants exportés via cette société étaient considérés comme légaux. Une nouvelle institution a alors vu le jour, le CEEC qui est actif à Kinshasa depuis le mois de mars 2002. En principe, tout diamant originaire du Congo et en provenance du Congo qui n'est pas passé par le bureau de la CEEC de Kinshasa est illégal (il n'existe pas encore, comme sous la CNE de bureau provincial à Kisangani et à Goma).

Au plan des échanges internationaux

En vertu du libre-échange des produits entre les pays africains et dans l'Union européenne, le diamant au Congo n'est pas conditionné au niveau des échanges internationaux : le diamant de contrebande, de guerre et le diamant illégal sont libres de circulation au niveau international tant qu'un embargo ne conditionne pas ou ne sanctionne pas l'importation. Tout diamant en provenance d'un pays producteur sous embargo est illégal (Angola, Sierra Leone, Libéria) (250).

L'OMC reconnaît l'exportation de diamants par des pays non producteurs : dans le cadre des règlements de l'OMC, des accords commerciaux de Lomé, ou de l'Union européenne, des pays comme le Rwanda ou l'Ouganda sont autorisés à exporter des diamants non produits sur leur territoire, même s'il s'agit de diamants de guerre. Le diamant de pays non producteurs n'est pas illégal tant que le pays d'orgine du diamant qui transite est producteur et n'est pas sous embargo. La Belgique ne dispose pas de base légale pour refuser des importations en provenance de pays non producteurs : leur importation n'est pas illégale (251).

Le secteur diamantaire anversois ne dispose pas de moyens juridique pour refuser des diamants en provenance du Rwanda ou d'Ouganda, originaires du Congo, ou encore en provenance et originaires du Congo même lorsque ceux-ci ne sont pas passés par le bureau officiel de la CNE ou du CEEC qui délivre le document attestant de l'origine du diamant qui est considéré comme document douanier (252).

« La législation douanière européenne n'exige pas de document. Elle demande uniquement une déclaration conforme au document unique. Si cette déclazration est en ordre, on ne pose pas de question. » En conclusion, le certificat d'expertise pour exportation délivré par le CEEC du Congo n'a pas de valeur à l'importation en Belgique. La Belgique ne dispose pas non plus de moyens juridiques pour arrêter l'importation de ce diamant considéré comme illégal au Congo.

Légalité et illégalité des diamants sous les accords de Kimberley

Kimberley remédie à ce vide juridique en obligeant le pays exportateur à n'exporter que des diamants officiellement importés (253). Les échanges sont limités aux pays signataires de l'accord : est alors considéré comme diamant illégal tout diamant originaire d'un pays et en provenance d'un pays non signataire des accords.

4.4. Contribution du diamant au financement de la guerre et à la poursuite du conflit; rôle des taxes prélevées et de l'octroi de certaines concessions

4.4.1. Financement de la guerre par les taxes sur le diamant, par les licences et l'octroi de monopole d'exportation

Le président Laurent-Désiré Kabila a accordé un monopole d'exportation vers Tel-Aviv à la firme israëlienne IDI Diamonds et a eu cours de septembre 2000 à avril 2001.

L'État perçoit des revenus sur le diamant, par l'imposition de taxes sur la valeur à l'exportation (de 3 %), et le paiement des licences accordées aux comptoirs d'achat. Selon Misser, le volume de ces taxes est très faible par rapport au coût de la guerre (notamment celui du soutien zimbabwéen évalué à 300 millions de dollars US par an). Misser rejoint le scepticisme de Leclerq qui ne pense pas que des diamantaires soient directement impliqués dans des trafics d'armes, si ce n'est au travers la filière israëlienne, lors de l'octroi du monopole d'exportation à IDI Diamonds (254).

En effet, selon Dietrich, en juillet 2000, la société israélienne, International Diamond Industries (IDI), dirigée par Dan Gertler, se voit accorder un monopole de 18 mois sur les exportations de diamants de la RDC, par l'intermédiaire de sa filiale, IDI-Congo, prenant effet dans les 30 jours suivant la signature du contrat. Celui-ci est révoqué en avril 2001, bien que la société poursuive ses activités d'achat. Au moment de la signature, le ministre des mines en RDC, Bishikwabo Chubaka, défendait le monopole de diamants.

Malgré les allégations des représentants du gouvernement visant à défendre le contrat comme moyen de prévenir les exportations de diamants de guerre et accroître les recettes de l'état, le contrat servait en réalité à fournir les liquidités nécessaires pour les efforts de guerre ainsi qu'une assistance militaire utile, de la part probablement des Israéliens (255).

L'imposition de ce monopole a eu des conséquences importantes pour le marché du diamant congolais. En effet, le contrat d'exportation octroyé à l'IDI-Congo coïncide avec la suspension par le gouvernement de tous les autres permis, normalement valables jusque fin 2000. Les revendeurs étrangers étaient tenus de quitter la RDC vu l'annulation de leurs permis. Les creuseurs artisanaux et les négociants locaux pouvaient poursuivre leurs activités, mais devaient vendre leur production à l'IDI-Congo. Comme la plupart des négociants locaux refusèrent de vendre leurs produits à l'IDI-Congo, l'on assista à une recrudescence de la fraude.

Les concurrents accusèrent le monopole de n'acheter que les pierres de qualité supérieure et d'offrir des prix en dessous du marché pour les diamants de moins bonne qualité. La contrebande qui s'en suivit dans la République du Congo Brazzaville augmenta. La fin du monopole de l'IDI début 2001 a annoncé l'apparition de nouveaux comptoirs, dont la plupart étaient déjà présents en RDC avant l'arrivée de l'IDI. Ces comptoirs devaient verser des droits s'élevant à 250 000 dollars US et devaient satisfaire à des exigences minimales d'exportation de 4 millions de dollars US par mois. Faute de quoi, les comptoirs étaient tenus d'acquitter une amende. Début 2002, le gouvernement imposa un régime fiscal astreignant pour les comptoirs. Le gouvernement eut recours à des critères de performances pour le premier trimestre de 2002.

Pratiquement tous les comptoirs ont été pénalisés pour leurs sous-performances et pour ne pas avoir soumis régulièrement des rapports d'activités. Ces comptoirs, par contre, se plaignaient du fait qu'ils étaient tenus de payer pour une unité anti-fraude qui n'était pas opérationnelle, et que la fraude exercée par des exportateurs sans permis en RDC et dans les pays voisins créait une concurrence déloyale (256).

Par ailleurs, selon Marysse et André, Kisangani représente un enjeu de la guerre comme ville diamantaire. Comme nous l'avons vu plus haut, contrôler militairement les dépôts et carrières diamantifères est extrêmement difficile, de même que tenter de contrôler les filières. L'enjeu était, pour l'armée rwandaise de contrôler les taxes (257) sur les comptoirs de Kisangani et sur certaines carrières (258).

À Kisangani, deux comptoirs ont obtenu un monopole lorsque la ville était sous contrôle rwandais. Les taxes sont revenues au Rwanda, de même, sans doute qu'une partie de la valeur ajoutée du diamant réexporté par le Rwanda. Sur un chiffre d'affaire évalué à 36 millions de dollars US, le montant des taxes s'éleverait à 2 millions de dollars US. Les Ougandais ne contrôlaient pas la ville mais bien les alentours de Kisangani. Selon certaines estimations, la part de la valeur ajoutée du commerce de diamant revenant au Rwanda et à l'Ouganda pouvait s'élever, en 2000, respectivement à 7 et 8 millions de dollars US par an (259).

Les diamants de Kisangani contribuent-ils à financer la guerre ? Le contrôle des voies d'exportations, des comptoirs et des taxes fut un enjeu de la guerre à Kisangani (260).

Ces deux cas, le monopole accordé à IDI Diamond par le gouvernement de Kinshasa et le monopole accordé aux comptoirs libanais à Kisangani sont exemplatifs de la manière dont la commercialisation du diamant permet de financer la guerre.

4.4.2. Financement de la guerre par des ponctions et par l'octroi de certaines concessions

Un courrier fut dressé en 1997 par la Miba à la Belgolaise l'enjoignant de verser via la Citibank et une banque rwandaise, la BCDI, une somme de 3,5 millions de dollars US au bénéfice de la compagnie de M. Laurent-Désiré Kabila, la Comiex (261).

Par la suite, la Miba a subi toutes sortes de ponctions dénoncées par les syndicats de l'entreprise, pillage de son charroi, etc. (261A). La Miba a vu sa production diminuer drastiquement, elle subit des désinvestissements. Le rapport final des experts des Nations unies dénoncent les pratiques de détournement de fonds de certaines autorités de la Miba (262).

Une joint venture entre la firme zimbabwéenne Osleg, et l'entreprise de Kabila, Comiex, donna naissance à la société Sengamines dont l'actionnariat comprend des membres de l'armée et de la défense zimbabwéennes. Sengamines s'appropria la concession du pipe kimberleytique de Tshibwe dont l'exploitation fut confiée contractuellement à la société Oryx.

Selon Misser, une concession de diamant à Tshikapa aurait pu jouer un rôle dans le financement de la guerre en associant plusieurs personnes au sein de l'armée namibienne et autres associée au marchand d'armes John Bredenkamp (263).

La Miba s'est vue privée d'un de ses gisements très important, considéré comme réserve et elle s'est vue réduite à exploiter des rejets (264).

Si le prix payé pour obtenir les droits sur la concession pourrait avoir servi à financer l'aide militaire du Zimbabwe, la production de Sengamines est si faible que l'on ne peut affirmer que l'exploitation de ce pipe joue un rôle prépondérant dans le financement actuel de la guerre au Congo.

4.5. Évaluation du pillage sur la valeur ajoutée du diamant

La fraude sur la valeur peut être considérée comme une forme de pillage. Celle-ci avait cours à l'exportation. Elle peut être mesurée en partie par la différence entre la valeur des diamants expertisés et évalués à l'exportation du Congo par le Centre national d'expertise et leur valeur estimée à l'importation par les experts du ministère des Affaires économiques : la première étant plus basse que la seconde. Pour quelles raisons ? Pour payer moins de taxes sur la valeur à l'exportation, certaines personnes étaient « convaincues » d'ajuster certaines valeurs. Comme le constate Mark Van Bockstael, dans le pays d'origine, la valeur à l'exportation est toujours plus basse que la valeur réelle, ce qui s'explique par la taxe d'exportation (265).

Au Congo, les comptoirs ne peuvent payer que 80-85 % de la valeur demandée à Anvers s'ils exportent par la voie officielle car le reste de la marge permet de couvrir les coûts d'exploitation des comptoirs et les différentes taxes à l'exportation, le prix de la licence, etc. (266).

Cependant, la répartition de la valeur ajoutée au sein de la filière revient, pour 50 % au creuseur et à l'organisation autour de la mine et pour 30 % environ aux intermédiaires (267).

Il faut noter que, comme pour d'autres filières artisanales, la valeur ajoutée est inégalement redistribuée au sein de la filière.

4.6. Réseaux criminels

Selon Peleman, des diamantaires seraient liés à des réseaux dans des trafics d'armes. Des représentants de l'industrie diamantaire anversoise seraient liés à des circuits finançant Al Qaeda. « On a affaire à des réseaux spécialisés de criminalité qui se sont incorporés dans les territoires en conflit. Ils ont un accès direct aux régimes ou aux chefs rebelles, aux marchés internationaux et aux systèmes financiers. Il y a aussi des liens avec le crime organisé russe et avec Al Qaeda » (268).

Interrogés à ce sujet, le Conseil supérieur du diamant semblait, au contraire, réfuter ces allégations, faute de preuves. Une enquête est menée par le procureur du Roi, notamment sur les agissements de Ossaily et de Nassour et leur lien présumé avec Al Qaeda (269).

À la question de savoir si certaines entreprises mentionnées dans le rapport de l'ONU font l'objet d'une enquête judiciaire en Belgique concernant leurs pratiques frauduleuses, Johnny Cappelle, responsable du service des douanes, répond que certaines enquêtes ont déjà été menées à la fin des années 80 et au début des années 90 qui auraient révélé certains constats mais qui ne concluaient pas de fraudes d'envergure. Par ailleurs, en ce qui concernent les accusations récentes, ceux-ci ont été transmis à la Direction nationale de recherches des douanes et ils seront examinés en sous-commissions dont font partie la justice et les Affaires économiques pour évaluer s'il existe suffisamment d'éléments pour lancer une enquête. Le lien avec le terorisme est une affaire concernant la Justice (270).

4.7. Conséquences sociales

Trois à quatre millions de personnes, principalement des enfants, travaillent dans le secteur informel du diamant, peut être davantage vu les très mauvaises conditions économiques. Le travail des enfant constitue un problème, mais il s'agit d'un pillier de l'économie de survie (271).

Ces activités sont des activités de survie, les creuseurs vivent dans une situation de très grande pauvreté. Ces creuseurs occupent une place dans l'exploitation minière qui ne serait pas rentable pour l'industrie minière.

Des sites entiers sont détruits. Van Bockstael suggère que des efforts soient accomplis pour rendre à nouveau fertiles les terres dévastées par les extractions dans le cadre des efforts déployés par la coopération pour redresser ces pays (272).

4.8. Processus de Kimberley

4.8.1. Attitude pro-active d'Anvers : système de certification d'origine infalsifiable pour résoudre le problème du diamant de guerre, en Angola, Sierra Leone et le Congo

Le Conseil supérieur du diamant adopte en janvier 2000 une attitude pro-active vis-à-vis du problème de diamant de guerre, notamment en Angola ou en Sierra Leone. Comment s'attaquer efficacement au diamant de guerre sans pour cela priver les populations de revenus substanciels, en imposant des embargos. Ou comment instaurer un système de certification permettant de lever les embargos conditionnels (dans le cas de l'Angola ou de la Sierra Leone, les embargos étaient conditionnalisés à un système de certification).

En quoi consiste la proposition du Conseil supérieur du diamant ? Tout d'abord, créer au sein des pays africains concernés par le problème une structure locale du Diamond Office semblable à celle d'Anvers de manière à assurer une évaluation indépendante du diamant; ensuite, instaurer des nouveaux certificats d'origine infalsifiables; établir une ligne fermée entre pays importateur et exportateur grâce à un document de confirmation d'importation (permettant de remédier aux différences d'évaluation des diamants exportés et importés); enfin, mettre au point un système électronique de transmission des données permettant d'enregistrer numériquement la photographie du lot de diamants exportés, de comparer et vérifier les données électroniques au lot physique et de les contrôler; un document de réception est renvoyé dans le pays exportateur permettant des comparaisons entre les exportations et les importations et de publier les données pour une plus grande transparence du secteur.

Dans les accords ont été signés avec l'Angola et la Sierra Leone et le système y a été établi (273).

Le système de certificat d'origine a été sanctionné par les Nations unies (274).

Il n'existe qu'un seul point d'exportation et le système est calqué sur le système belge du Diamond office : toute importation ou exportation nécessite une licence; un distributeur de diamant doit être enregistré au ministère des affaires économiques. Tous les diamants font l'objet d'une inspection physique à leur entrée ou à la sortie de la Belgique par des fonctionnaires du ministère des Affaires économiques et d'un contrôle par les services douaniers lesquels dépendent du ministre des Finances (275).

Ce système assure la traçabilité complète du diamant.

Cependant, le système qu'Anvers propose se heurte en plusieurs points aux règles de libre échange imposé par l'UE et l'OMC. En effet, par exemple, le diamant actuellement importé de France est statistiquement relevé comme tel et assure sa traçabilité. Avec la circulation libre des produits au sein de l'Union européenne, seul le point d'entrée sera repris.

Or, les différents points d'entrées du diamant actuels n'assurent pas le contrôle tel qu'appliqué par Anvers.

Le système proposé par le Conseil supérieur du diamant vise non seulement à s'attaquer au diamant de guerre mais cherche également à maintenir la position d'Anvers sur le marché du diamant. Sous cet aspect, le système n'est pas conforme aux règles commerciales internationales de libre échange.

4.8.2. Processus de Kimberley

Le processus de Kimberley visaient à traiter la problématique du diamant de guerre et impliquait ONG, représentants de l'industrie du diamant et le gouvernement belge. Les premières rencontres de Kimberley ont débuté les 11 et 12 mai 2000 donnant suite à une initiative de la SADC ? En particulier, l'Afrique du Sud.

Par le processus de Kimberley, il s'agit de réguler un marché entre des pays producteurs et des pays consommateurs. Ce processus concerne 38 États, pays producteurs, importateurs, ONG, l'industrie du diamant étaient représentés (276).

L'objectif est d'élaborer un système permettant la traçabilité depuis l'importation initiale via un système de garanties que les diamantaires seront obligés d'apposer sur toutes les factures. Un certificat d'origine, élaboré par le Conseil supérieur d'Anvers a été mis au point pour l'Angola et la Sierra Leone et a été préconisé comme modèle pour le groupe de Kimberley, chargé par les Nations unies d'élaborer un système de certification d'origine pour le diamant brut.

Un système de certificat d'origine et la nécessite de statistiques publiques et comparables concernaient les deux axes de réflexion pour améliorer la transparence du marché du diamant et faciliter le contrôle. Ce système de certification internationale concerne le diamant brut et « vise à organiser un contrôle renforcé et temporaire sur le commerce du diamant brut, en veillant à en exclure au maximum le diamant de la guerre, même si ce dernier n'intervient, selon les estimatons que pour 4 % dans le commerce mondial » (277).

Selon Van Bockstael, l'objectif est d'élaborer un système permettant la traçabilité depuis l'importation initiale : le pays d'origine garantit la traçabilité du diamant depuis la mine jusqu'à l'exportation et sa légitimité grâce à un système de warranties. Les diamants pourvus de tels documents seront légitimes, ce qui ne signifie que le diamant de guerre ne pourra dès lors être acquis légalement. Tous les pays signataires de Kimberley disposeront, à terme, de certificats d'exportation ou de réexportation, les pays producteurs disposeront en premier lieu de celui-ci (278).

Les accords de Kimberley ont un caractère politique. Ils seront mis en application par le Conseil de sécurité des Nations unies dont les résolutions ont un caractère contraignant pour les pays qui y participent et priment par rapport aux règles commerciales internationales comme les accords de Cotonou, de l'OMC, etc. (279).

Les systèmes mis au point par le Conseil supérieur du diamant et celui vers lequel se dirigent les participants au processus de Kimberley diffèrent assez fortement : le système anversois est plus strict. En effets, les contrôles ne seraient pas systématiques, mais aléatoires; le coût du système en place serait moins onéreux que celui d'Anvers (280).

La présentation du certificat d'origine sera sans doute légèrement différente (notamment en ce qui concerne certaines parties du certificat tel que proposé par Anvers, comme un volet confirmation à l'importation, mais le code douanier européen ne le prévoit pas, dès lors, il ne sera pas joint (281).

Le certificat que proposent les accords de Kimberley ne répondent pas de manière aussi efficace aux problèmes du diamant de guerre que le système de certificat d'origine mis au point par le Conseil supérieur du diamant.

a. Les effets du processus de Kimberley

Le « processus de Kimberley » a été initié par le gouvernement d'Afrique du Sud en mai 2000, dans un effort de s'attaquer au problème des « diamants de la guerre ». Sensibilisés par le fait que les guerres financées au moyen de diamants en Angola, Sierra Leone et en République démocratique du Congo (RDC) pourraient entraver le commerce légitime dans les autres pays producteurs, plus de 50 États se sont réunis à intervalles réguliers afin de mettre au point un système de certification international pour les diamants bruts. En novembre 2002, ils sont parvenus à une convention concernant les principes et de nombreux détails d'un système qui a été mis en place au début de 2003 (282).

Les participants africains du processus de Kimberley sont : l'Angola, le Botswana, le Burkina Faso, la République de Centrafrique, la Côte d'Ivoire, la République Démocratique du Congo, le Gabon, le Ghana, la Guinée, le Lesotho, l'île Maurice, la Namibie, le Sierra Leone, l'Afrique du Sud, Swaziland, la Tanzanie et le Zimbabwe.

Il faudra cependant un certain temps pour constater les effets du processus de Kimberley sur le commerce congolais des diamants. Ce processus exige que l'ensemble des exportations de diamants bruts de RDC soient canalisées via les autorités gouvernementales et bénéficie d'un scellé inaltérable reconnu au niveau international, comme mentionné dans la convention du processus de Kimberley. Il exige également que l'ensemble des exportations de diamants bruts de RDC soient envoyés aux membres du processus de Kimberley, tels que la CE, qui ont initié leurs propres mécanismes de contrôle concernant l'import-export de diamants bruts.

La Communauté européenne est considérée comme une entité sans frontières internes pour les besoins du plan de certification du processus de Kimberley. La Belgique, en tant que membre de la CE, doit se conformer aux réglementations mentionnées dans la Réglementation du Conseil (CE) nº 2368/2002 du 20 décembre 2002. Selon cette réglementation, qui met en oeuvre le plan de certification du processus de Kimberley pour le commerce international de diamants bruts, la CE ne peut pas importer de diamants bruts sous réserve de remplir les conditions suivantes de l'article 3 :

(a) les diamants bruts sont accompagnés d'un certificat validé par les autorités compétentes d'un État participant;

(b) les diamants bruts sont contenus dans des coffres inaltérables et les scellés appliqués à l'exportation par l'État participant ne sont pas brisés;

(c) le certificat identifie clairement la cargaison à laquelle il se réfère.

Les deux dernières conditions sont de nature plus technique, et devront être contrôlées par les membres du processus de Kimberley. Les autorités compétentes mentionnées dans la première condition, en ce qui concerne la RDC, concernent le Centre d'expertise, d'évaluation et de certification (CEEC), dirigé par M. Victor Kasongo (283).

Le Conseil supérieur du diamant de Belgique a conclu un accord avec le CEEC à la mi-2002 concernant l'évaluation du commerce des diamants entre la Belgique et la RDC, mais cet accord a été supplanté par les réglementations de la CE concernant le processus de Kimberley.

Le processus de Kimberley ne présente pas une situation idéale pour l'évaluation du commerce des diamants. Il constitue un premier pas nécessaire, mais ne fournit pas de solution complète. En effet, on peut se demander si ce compromis entre le secteur diamantaire et les gouvernements concernés et organisations sans but lucratif modifiera de manière substantielle les pratiques existantes dans le commerce du diamant, telles que la fraude et l'évasion fiscale qui offrent une couverture au blanchiment d'argent et d'autres activités criminelles, qui sont les éléments dominants sur le marché des « diamants de la guerre ».

b. Le profit tiré de Kimberley

Le volume en carats des importations de diamants bruts en CE depuis la RDC doit être égal aux exportations de diamants bruts en provenance de la RDC destinés à la CE. La Belgique a importé un volume en carats de diamants de RDC supérieur à ce que le pays a officiellement exporté depuis 1999, du fait de la faiblesse des contrôles douaniers en RDC et des déclarations spontanées aux douanes des importateurs de diamants en Belgique. La valeur du volume excédentaire de diamants importés en Belgique depuis la RDC a été particulièrement importante depuis la fin des années 1990, comme il sera démontré ci-dessous.

Le contrôle du trajet officiel des diamants entre Kinshasa et Bruxelles devrait endiguer une méthode élémentaire de fraude et de contrebande; cela signifiera essentiellement que les diamants exportés illégalement depuis la RDC ne pourront plus être déclarés officiellement en Belgique. Ceci pourrait, en théorie, forcer les circuits de contrebande à faire passer leurs diamants via les contrôles officiels à l'exportation en RDC afin d'obtenir les documents nécessaires pour une importation ultérieure en Belgique.

Le commerce légal des diamants entre Kinshasa et Bruxelles sera également contrôlé de façon plus intensive. Le comptoir à l'exportation en RDC doit fournir au CEEC la destination des diamants et le nom de l'importateur. Précédemment, le comptoirs fournissait au CEEC la destination déclarée des diamants, bien que de nombreuses sociétés abusaient de ce système en effectuant des déclarations frauduleuses, ce qui faisait que le gouvernement de la RDC n'avait que peu d'informations concernant la véritable destination des diamants exportés officiellement.

D'autre part, un membre de la CE tel que la Belgique ne peut plus importer de diamants bruts depuis les pays voisins de la RDC si ces pays ne sont pas membres du processus de Kimberley.

La République du Congo (Brazzaville), par exemple, n'est officiellement pas un exportateur commercial qui exploite des diamants, mais a servi de point de passage régional pour les diamants illicites, et représentait chaque année pour un total approximatif de six cent millions de dollars US dans les importations en Belgique depuis 1995. Si la République du Congo devenait un membre du processus de Kimberley, ce pays devrait alors se plier aux même réglementations que celles exigées des autres États membres, à savoir l'importation de diamants bruts accompagnés de certificats valides des autres États membres.

Les volumes substantiels de diamants illicites en provenance d'Angola et de la RDC qui passent actuellement par la République du Congo devraient être importés conformément aux directives de Kimberley (284).

Les diamants bruts exploités dans les territoires rebelles de la RDC et qui transitent par Kigali ou Kampala avant leur importation dans la CE seront bannis sous réserve de l'acceptation par le Rwanda et l'Ouganda du processus de Kimberley, auquel cas ces pays pourront compter sur l'importation légale de ces diamants depuis d'autres États membres du processus de Kimberley. Précédemment, les sociétés belges qui recevaient des diamants depuis une ville telle que Kisangani importaient les diamants officiellement en provenance de RDC. Cependant, ces diamants n'avaient pas été exportés légalement via les autorités gouvernementales de Kinshasa, mais bien en transit via les pays voisins tels que le Rwanda, l'Ouganda, la RCA, le Burundi et la Tanzanie.

c. Les problèmes potentiels liés au processus de Kimberley

Les problèmes liés au processus de Kimberley ne deviendront visibles qu'après plusieurs mois d'application. Immédiatement après la mise en oeuvre du processus, des problèmes initiaux sont apparus, mais ont été résolus depuis lors. Toutefois, des divergences institutionnelles deviendront sensibles ultérieurement, parmi lesquelles :

Premièrement, le volume de diamants bruts officiellement exportés en provenance de la RDC à destination de la CE sera égal au volume des diamants bruts importés par la CE en provenance de la RDC. La valeur de ces diamants sera également identique sur les documents du processus de Kimberley tant à l'exportation depuis la RDC que lors de l'importation dans la CE.

Lorsque les diamants sont ensuite triés, vendus et à nouveau exportés à partir de la CE, le prix augmentera en reflet de la valeur ajoutée. Cette valeur ajoutée aux diamants est normale à partir du moment où les lots sont triés et vendus à profit par les importateurs à des sociétés spécialisées dans certains types de diamants bruts.

Les négociants en diamants se plaignent généralement de marges bénéficiaires limitées où, selon leurs « estimations », la valeur ajoutée aux diamants de RDC lors de l'exportation à partir de la CE ne s'élèverait qu'à quelque pourcents. Malheureusement, il n'est pas possible de vérifier ces marges bénéficiaires, et il n'est pas non plus possible de suivre les diamants de RDC depuis leur importation jusqu'à leur exportation à partir de la CE, ce qui empêche toute estimation de la valeur effectivement ajoutée aux diamants de RDC dans la totalité des exportations de diamants bruts à partir de la CE.

Cette valeur ajoutée dans la CE est importante car elle reflèterait également la différence entre la valeur déclarée à l'exportation en provenance de RDC et la valeur réelle des diamants sur le marché international. Elle permettrait également d'indiquer à Kinshasa des déclarations frauduleuses à l'exportation en termes de valeur. C'est du moins ce que démontrent les données des importations belges passées en provenance de RDC. Il est fréquent que les exportateurs de RDC sous-estiment leurs diamants, et convainquent ou exercent des pressions sur les autorités congolaises responsables de la contre évaluation pour qu'elles fassent de même.

Le résultat est que le même lot de diamants exporté à partir de la RDC avec une certaine valeur déclarée, arrivait en Belgique (avant le processus de Kimberley) avec une plus value substantielle par rapport à celle déclarée par l'importateur ­ une valeur qui pouvait dépasser de 50 % ou plus de la valeur déclarée à l'exportation en RDC. Ceci reflète des pratiques frauduleuses à l'exportation en RDC qui ont permis aux exportateurs sous licence d'éluder les taxes.

De telles divergences entre la valeur des exportations en RDC et des importations dans la CE seront masquées par le fait que la valeur réelle du marché des diamants en question ne deviendra apparente qu'une fois que les diamants seront exportés hors de la CE, mais ceux-ci se confondront aux diamants importés dans la CE à partir d'autres provenances. Il apparaît, pour cela, que le processus de Kimberley conserve et même renforce le fait que le gouvernement de RDC ne perçoive pas les taxes sur la véritable valeur du marché des exportations de diamants ­ pour être plus précis, les exportateurs paient des taxes sur ce que le secteur décrit comme les « prix africains » qui sont sensiblement moins élevés que la valeur réelle. La poursuite de ce système entretient les mécanismes précédents de fraude et d'évasion fiscale, et contribue à la pauvreté de la RDC, qui est elle-même un catalyseur de conflits internes.

Deuxièmement, le plan de certification du processus de Kimberley exige que chaque participant « établisse un système de contrôles internes destiné à éliminer la présence de « diamants de la guerre » dans les lots de diamants bruts importés vers et exportés en provenance de son territoire ». Cette dépendance des contrôles internes par les membres individuels est conforme aux principes de base de souveraineté nationale dans une convention internationale. Toutefois, elle serait peu praticable en réalité, du fait de la nature largement dérégulée du commerce des diamants en Afrique et de la facilité avec laquelle les diamants sont passés en contrebande et blanchis au travers des circuits légaux existants.

Les contrôles internes du commerce des diamants sont la seule méthode efficace pour prévenir l'entrée de « diamants de la guerre » dans les circuits légaux des producteurs africains de diamants. Cependant, lorsque ces contrôles n'existent pas ou ne sont pas appliqués de façon concrète, il n'existe aucun moyen d'éviter totalement les diamants de la guerre. Dans l'hypothèse où le gouvernement de Kinshasa accepterait de refuser tout diamant produit en territoire rebelle, ce gouvernement reste totalement incapable d'éviter le blanchiment clandestin des diamants de la guerre au sein de l'économie diamantaire chaotique qui règne sur le territoire gouvernemental.

L'auto-réglementation par les comptoirs (exportateurs de diamants) n'est pas non plus une option viable étant donné que ces sociétés escroquent régulièrement le gouvernement et transgressent les réglementations gouvernementales; il n'est pas non plus improbable que les individus qui achètent les diamants des rebelles aient des contacts privilégiés à Kinshasa. Même si les comptoirs étaient correctement contrôlés, ces exportateurs ne sont généralement pas certains à 100 % de l'origine exacte des diamants qu'ils achètent.

L'exploitation artisanale de diamants est pratiquée par des centaines de milliers de personnes en RDC, et s'étend sur un territoire incroyablement vaste. Des intermédiaires achètent ces diamants et les revendent à d'autres intermédiaires plus importants qui vendent les lots de diamants assemblés aux comptoirs. L'intrusion de diamants de la guerre dans ce système ne pourrait en pratique pas être régulé, en particulier en provenance des positions rebelles proches du territoire gouvernemental.

Il en va de même pour les diamants de la guerre qui sont blanchis dans des États voisins tels que la RCA et la Tanzanie, ou même la Namibie et l'Afrique du Sud. L'incapacité du gouvernement de la RDC à gérer l'importation illicite de diamants angolais le long des frontières qu'il partage avec ces pays souligne ce point, en particulier depuis que Kinshasa octroie des licences à des comptoirs pour l'achat de diamants dans des zones qui sont connues comme destinations privilégiées pour les diamants illicites angolais.

S'il existait un groupe de rebelles tels que l'Unita qui vendait des diamants, il n'existe aucune preuve que les contrôles nationaux existants en Angola ou en RDC, ou dans aucun des États voisins de la région, n'aurait un impact quelconque sur la vente de ces « diamants de la guerre ». Le fait que le dirigeant des rebelles du MLC, Jean-Pierre Bemba, soit intervenu à deux reprises de manière décisive en RCA au nom du Président Patassé souligne probablement le mieux l'abus possible des contrôles nationaux dans le blanchiment de ces « diamants de la guerre » (285).

Troisièmement, le plan de certification du processus de Kimberley pourrait placer un volume très important de diamants sur le marché noir. Il n'existe pas de données précises estimant l'ampleur du marché global des diamants illicites, bien que l'on estime en général que celui-ci représente environ trente pourcents du marché légal.

Les distributeurs de diamants qui préfèrent opérer de manière clandestine continueront de fournir leurs diamants aux centres commerciaux internationaux où a toujours existé un important marché noir. La mise en oeuvre du processus de Kimberley entraînera le fait que certains de ces négociants, qui avaient précédemment tenté de légitimiser des diamants sortis en contrebande d'Afrique en les important officiellement dans un pays tel que la Belgique, ne possèderont plus les documents nécessaires du pays d'origine pour le faire.

Le résultat probable sera la stratification encore plus poussée du marché légal et du marché noir des diamants à un point plus avancé dans la chaîne globale des diamants tel que les centres de polissage. La Belgique sera donc toujours utilisée pour le transit de diamants illicites qui sont transportés en contrebande vers et en dehors de la CE, mais ces diamants ne parviendront dans les statistiques globales qu'une fois qu'ils auront été polis.

Le processus de polissage réduit de façon importante le volume du diamant, ce qui fait qu'il serait quasiment impossible de comparer les importations de diamants bruts aux exportations de diamants taillés d'un pays tel que l'Inde qui serait l'une des destinations principales des diamants illicites. Les nouveaux centres de polissage en Europe de l'Est et en Asie seront également exploités par les négociants de manière clandestine. Etant donné que le plan de certification du processus de Kimberley s'applique uniquement aux diamants bruts, les diamants polis ne seront pas contrôlés et seront supposés totalement « propres » ­ ou non reliés à des conflits sur le continent africain.

d. La question du contingentement des importations par rapports aux règles de libre échange éditées par l'Union européennes, ou l'OMC

Les participants au processus ne peuvent faire du commerce qu'avec les pays participant au processus de Kimberley : il s'agit d'une restriction relative à la liberté des échanges qui doit être envisagée par le groupe de travail de manière à ne pas aller à l'encontre des règles de libre échange de l'OMC. L'Union européenne aurait laissé entendre que le certificat d'origine serait en contradiction avec les règles de l'OMC et du libre échange (286). Selon Peter Meeus, les mesures de limitation des importations sont soumises aux règles du GATT pour les pays de l'OMC. Par les Accords de Cotonou sur les liens commerciaux entre les pays européens et ACP, ceux-ci sont de la compétence exclusive de l'Union européenne. Les mesure unilatérales de contingentement des importations doivent reposer sur une base légale solide (287).

Le problème du diamant de guerre se pose moins dans les pays où il y a un embargo que dans les pays où aucun embargo n'est décrété car des accords politiques visant à respecter le commerce entre deux pays qui ont pris des dispositions entre eux est fondamentalement contraire aux lois de l'OMC (288).

Les règles de libre-échange posent un problème pour les diamants de guerre. Cependant, certaines règles de l'OMC spécifient clairement les dérogations au libre-échange.

Selon Peleman, les accords de Kimberley ne sont pas réellement dissuasifs. Ils concernent avant tout le diamant déclaré et ne répond pas au problème de contrebande; le certificat d'origine est un document supplémentaire requis dans la procédure de vente du diamant, mais n'est pas le moyen le plus efficace pour s'attaquer au diamant de guerre, mais uniquement au diamant de guerre.

Il risque même de devenir le moyen par excellence pour blanchir le diamant de guerre (car il n'existe pas de réel contrôle de l'origine du diamant au sein du pays : des arrangements entre parties rebelles et autres peuvent permettre à un diamant extrait en zone rebelle de sortir du pays avec un certificat d'origine et parce que le diamant d'un pays voisin peut sortir avec un certificat d'origine qui n'est pas le sien (exemple donné est celui de diamants provenant du Libéria sortant avec un certificat d'origine de Sierra Leone : jouant sur le mélange de lots, les ressemblances entre diamants provenant de régions différentes (289).

Dès lors, pour que le système de certification d'origine ne peut fonctionner que moyennant la participation de tous les États membres. Or l'élaboration et la mise en oeuvre du système prend du temps : en effet, tous les pays producteurs, exportateurs, importateurs ou de transit doivent signer des conventions internationales, mettre en place des systèmes de feedback et élaborer des règles douanières bilatérales. Dans le cas des diamants de guerre, l'élément temps est important, mais la mise en application du système prend du temps. Mais il faut reconnaître qu'à l'avenir, le processus empêchera les rebelles de se financer par le commerce de diamant et résoudra donc le diamant de guerre.

Peter Meeus reconnaît aussi que le système de certification d'origine qui a été établi avec deux pays seulement (l'Angola et la Sierra Leone) n'est pas suffisant pour enrayer la question du diamant de guerre lorsque d'autres pays africains exportateur de diamant sont le théâtre de certains trafics, non seulement du diamant de guerre, mais également et surtout du diamant de contrebande. C'est pourquoi, ce système n'est efficace que s'il est également appliqué à d'autres pays exportateurs officiels de diamants tels que la Guinée, le Congo, le Libéria et la République centrafricaine.

La Guinée a signé en mai 2001 un accord de mise en place d'un système de certification et d'un système informatique. Le Conseil supérieur du diamant a également eu des contacts avec le Libéria, la République centrafricaine et un accord a été conclu avec le ministre congolais des Mines et le système sera appliqué dès le mois de mars 2002 (290). L'application de ce système à un grand nombre de pays permettra aux pays importateurs qui ont adopté les accords de refuser les diamants exportés par des pays qui n'ont pas adopté les ale système de certification de Kimberley (291).

Annemie Neyts admet que ce système n'est crédible que s'il peut être appliqué de manière universelle de manière à empêcher de se créer d'autres circuits alternatifs des diamants de la guerre. Le processus de Kimberley est essentiel mais insuffisant pour assainir le commerce du diamant. Des mesures complémentaires sont nécessaires pour résoudre le problème (comme l'instauration ou le renforcement de structures de contrôle dans les pays exportateurs de diamants, conclusion d'accords de collaboration entre douanes de pays importateurs et exportateurs, financement du programme par le Nord, ...) (292).

Malgré la mise en place d'un tel processus, il n'évitera pas les agissements de certaines maffias et de réseaux. Dans un pays en guerre, nous sommes confrontés au défi de la construction du renforcement de l'état en Afrique et même sur d'autres continents (et des moyens mis en place pour lutter efficacement contre la criminalisation de l'État).

e. Recommandations

Comme le processus de Kimberley ne concerne que le diamant de guerre, que proposer pour le diamant de contrebande ? Selon Peleman, il s'agit d'un problème de maintien d'ordre. Il recommande une attention et une intervention particulière des services de police et de douane qui interviennent en première ligne, puis la justice.

Peleman propose de procéder par coups de sonde : effectuer un plus grand nombre de contrôles ici et sur place en Afrique, pour assurer une meilleure traçabilité du diamant; faire vérifier par une délégation des Affaires économiques si le volume des diamants déclarés et les stocks correspondent bien aux données d'exportation, comparer les importations et les exportations des grands exportateurs de diamant, vérifier que le négociant s'est bien rendu à l'étranger. Les contrôles seraient multipliés, des pruves rassemblées et éventuellement présentées à la Justice, dans le but de dissuader la contrebande et inciter le pays exportateur à s'attaquer au problème de corruption. Selon lui, ce genre de mesures seraient plus efficaces que des initiatives législatives qui ne font que placer la Belgique à contre-courant de l'europe et de l'OMC et pousseraient les marchés à se déplacer vers d'autres centres commerciaux.

Enjeux : la Belgique défavorisée par l'application du processus de Kimberley ? Le processus de Kimberley contraire aux règlementations qui régissent le commerce international ? Les accords de Kimberley ne peuvent s'imposer comme traité commercial, mais n'ont le poids que comme accord politique, sur base largemment volontaire et, hélàs, ces accords doivent dès lors respecter les lois du libre échange.

4.9. Le système belge

Plusieurs auditions ont traité du système belge, son côté extrêmement strict, sévère et efficace par rapport aux autres pays de l'Union européenne mais aussi aux autres pays du monde, mais également ses failles. Ce point met en vis-à-vis les craintes ou les reproches du monde des ONG principalement (293) avec les réponses et les arguments du Conseil supérieur du diamant.

D'un côté, selon Peleman, Anvers n'est pas seule responsable, mais elle n'engage pas les moyens nécessaires pour dissuader effectivement les trafiquants. Les accords de Kimberley ne sont pas réellement dissuasifs. Car ils ne portent que sur les diamants repris dans les statistiques et non pas ceux de la contrebande. N'est pas une solution pour l'économie de guerre qui concerne justement les circuits non-officiels ? Le certificat d'origine peut devenir un moyen de blanchir de l'argent. Cette affirmation est fortement contesté par le Conseil supérieur du diamant qui rétorque qu'elle ne dispose pas des outils légaux pour le faire et que, dans certains cas, le système d'autorégulatoire agit bien, mais dans d'autres, tels que pour des diamantaires non inscrits en bourse, ce système ne fonctionne pas. Selon eux, sans moyens légaux, que proposer ? Par ailleurs, si la Belgique disposait auparavant de la possibilité de prendre unilatéralement des mesures pour refuser des diamants d'une certaine origine, elle disposait des moyens de le faire qu'elle n'a plus avec l'Union européenne et les directives de libre-échange.

Si l'on arrive à Zaventem avec du diamant dont l'origine est un pays qui ne produit pas de diamant, la douane ne pose pas de question concernant l'origine exacte du diamant, parce que ce n'est pas illégal : le processus de Kimberley réglementera à terme cette question, mais, jusqu'à présent, les limitations commerciales que pourrait imposer la Belgique se heurte chaque fois aux principes de libre commercialisation des produits d'une part, entre les pays d'Afrique qui ne sont pas soumis à des embargos et, d'autre part, au sein de l'Union européenne. Imposer un système de contrôle et de restriction des importations en provenance de certains pays africains va à l'encontre des accords de libre-échange ACP-UE (294). Soutenir le système proposé par le Conseil supérieur du diamant d'Anvers constitue la solution idéale pour combattre le plus efficacement possible le diamant « de conflit ».

Selon Peleman, l'intérêt du diamantaire est de déclarer trop peu en Afrique (pour y payer moins de taxes sur la valeur) et de déclarer trop ici à l'entrée en Belgique pour réduire ses marges bénéficiaires ici et payer moins de taxes ici en Belgique sur la revente des diamants. La fiscalité belge constitue un problème car l'impôt est calculé sur le bénéfice (295). Le Conseil supérieur du diamant répond à cette critique de deux manières. Selon Peter Meeus, les pouvoirs publics se sont engagés à relever les recettes taxables et un protocole d'accord a été signé avec le fisc, un accord que le ministre des Finances a également signé (296).

Selon Peleman, le Diamond Office a été créé un bureau de douane interne du Conseil supérieur du diamant, qui travaille au nom de l'État (pour les Affaires économiques) mais avec des personnes expertes en évaluation du diamant. Ce système n'est par conséquent pas efficace pour décourager la fraude car il n'est chargé que d'évaluer le diamant, mais il ne s'ocupe pas de l'origine du diamant (297).

Le diamant est déclaré à la douane. L'importation de diamant dans l'Union européenne se réalise encore via les services nationaux de douane. En Belgique, le diamant est déclaré à la douane, scellé et envoyé au Diamond Office pour être contrôlé et expertisé par des évaluateurs professionnel. Aucun autre pays de l'Union européenne ne dispose d'experts ni d'une institution telle que celle du Diamond Office. Dès lors, les autres pays de l'Union européenne risquent certainement de ne pouvoir identifier les diamants de conflit, mais ils sont également incapables d'évaluer la valeur du diamant (298).

Les contrôles des lots de diamants en Belgique sont systématiques : chaque lot est ouvert et évalué par les experts des Affaires économiques. Les douanes ouvrent et contrôlent 5 % des paquets de diamants à Anvers (et contrôle sur base d'une analyse de risques). Ce pourcentage équivaut plus ou moins à la norme européenne s'appliquant aux produits agricoles (299). Le contrôle et l'évaluation systématique par la Belgique sont relativement plus stricts que ce que la norme européenne n'impose, notamment par rapport aux contrôles aléatoires des lots sur des échantillons dans les pays membres de l'Union. Si le ministère des Affaires économiques requiert une législation plus stricte au niveau européen, le compromis accepté est le système de contrôle aléatoire, car pour la douane, le diamant concerne un des produits importés parmis d'autres et ne jouit pas d'un statut particulier au sein des produits échangés (300).

En ce qui concerne le problème de valeur d'un colis voilant un éventuel problème de contrebande, le service des douanes se heurte au problème de la preuve à fournir s'il conteste une facture. En effet, en tant que douaniers, ceux-ci doivent déterminer que les documents douaniers sont en ordre et que la facture et la valeur qui y est mentionnée est acceptable. S'ils rejettent la facture, ils doivent prouver qu'elle est fausse (301).

Seuls les experts du Diamond Office peuvent évaluer la valeur réelle du lot. S'il existe une grande différence entre la facture (qui reprend la valeur du lot extrait de la mine et tous les frais jusqu'à la frontière de l'UE), force est de constater que le secteur dispose de peu de moyens pour agir et réagir à un problème de fraude, si ce n'est la possibilité d'effectuer un contôle ciblé ou un contrôle a posteriori (contrôle comptable ou contrôle des stocks). La spécificité du système belge permet la possibilité de tels contrôles (302).

La constitution d'une banque de données et la solution proposée par le Conseil supérieur du diamant de renvoyer systématiquement chaque évaluation de lot au pays exportateur pourraient améliorer le système actuel. En effet, selon Mark Van Bockstael, une différence entre la valeur exportée et importée d'une vingtaine de pourcents est acceptable, selon le Conseil supérieur du diamant. Cependant, des différences de l'ordre de 100-200 % indiquent un problème sérieux au niveau du pays exportateur que le Conseil supérieur du diamant peut constater mais sur lequel il dispose de peu de moyens, surtout au sein du processus de Kimberley où l'évaluation de l'importation en Belgique n'est plus renvoyée au pays exportateur.

Une fois de plus, cet exemple indique que le système mis au point par le Conseil supérieur du diamant s'avère plus performant pour résoudre le problème de contrebande ou du diamant de conflit que le système mis en place par les accords de Kimberley, mais que le Conseil supérieur du diamant se heurte à la volonté et aux problèmes internes de certains pays exportateurs par rapport auxquels il dispose de peu de moyens pour agir (303).

Qu'en est-il des diamants non déclarés, entrés totalement en fraude ? Une vingtaine de cas de fraude (diamants cachés sur les passagers) ont été découverts au temps de la Sabena (304). Est-ce peu ? beaucoup ? L'échantillon est-il représentatif ? Selon Cappelle, ce type de contrebande concerne de faibles quantités.

Qu'en est-il de la coordination des services entre eux ? De l'échange de données ? Comment se fait-il que la Belgique ne soit pas au courant de certains faits criminels dénoncés par les Nations unies ? Comment fonctionne le système ? L'organisme européen de lutte contre la fraude (OLAF) centralise les signalements de mouvements de marchandises suspectes et les renvoie aux 15 États membres. Il existe également sur papier une coordination permettant des contacts directs avec les administrations douanières des autres pays de l'Union. Le système n'est pas encore totalement informatisé.

En Belgique, une banque de données (SCGI) a été créée par l'administration de l'information et recueille l'information criminelle. Le système automatisé des documents de douane, la Sadbel reprend les informations relatives à des sociétés qui auraient fourni des informations inexactes par exemple qui permet d'effectuer des contrôles systématiques et exhaustifs de la douane sur les sociétés reprises. Ce système reprend des informations du ministère des Affaires étrangères. Mais il n'existe pas de liens ou de coordination directe entre différents service de sécurité et les douanes par exemple (305).

Les contacts entre la Police, le ministère des Affaires économiques et les Douanes ont lieu au travers de la Task-Force diamant constitué à cet effet. Le système de licence appliqué en Belgique offre déjà l'obligation de contrôles supplémentaire par rapport aux biens qui ne sont pas couverts par une licence. À partir de ces informations données par les Douanes, il est relativement difficile d'évaluer dans quelle mesure des recommandations peuvent être suggérées pour améliorer l'efficacité du système, si ce n'est davantage de collaboration entre différents services (Sécurité belge, Douane, Affaires économiques, police, Affaires étrangères, Service de renseignements militaires, ministère des Finances, ...).

Le système belge présente un grand avantage par rapport aux États-Unis, l'Inde ou Israël qui ne disposent pas de services douaniers spécialisés : les diamants sont expertisés et évalués par des experts officiels. En Belgique, tout comme le font les pays exportateurs, ce sont des experts du milieu diamantaire qui sont impliqués dans la déclaration et l'estimation des pierres. La Belgique dispose d'un système transparent de statistiques (306).

Les dédouanements en Belgique sont davantage contrôlés que dans les 14 autres pays membres de l'Union. Au sein de l'Union européenne, les diamants en provenance d'un autre pays de la communauté européenne qui y ont été déclarés sont libres de circulation. Pour améliorer le système (et réduire les possibilités de fraude par un contrôle exhaustif comme le fait la Belgique), une solution serait de choisir un ou deux points d'entrée préférentiels au sein de l'Union, mais la proposition belge se heurte au refus de certains États membres (307).

La coordination globale et l'échange intensif de données entre les différentes administrations (ministère des affaires économiques, la douane, absence de feed-back à propos des enquêtes pénales menées par la justice, etc.) semblent faire défaut. Selon Cappelle, le cadre législatif fait défaut et le type de données à échanger doit être précisé. En effet, dans le code des douanes, il est stipulé que des renseignements mentionnés sur les documents de douane relèvent du secret professionnel et que dès lors, ces informations ne peuvent être délivrées que sur demande et autorisation du responsable de la douane. Mais, en ce qui concernent les Affaires économiques, l'obligation de transmission est légale et la collaboration entre ce ministère et la Justice serait bonne (308).

Selon Peleman, celui qui veut importer un lot en Belgique doit disposer d'une facture attestant que le client est diamantaire accrédité auprès du Conseil supérieur du diamant à Anvers. Deux mille diamantaires peuvent importer légalement des diamants en Belgique. La personne qui importe déclare ses diamants, présente un certificat d'origine. Le paquet est scellé, envoyé et transporté au diamond office à Anvers. Le colis y est ouvert en présence du vendeur et du destinataire officiel, les experts du Diamond Office et de la douane. L'expert évalue le lot et le compare au montant de la facture. Le diamant est déclaré (les chiffres des Affaires économiques reprend ces chiffres dans les statistiques). Mais le destinataire officiel n'est pas nécessairement l'acheteur. Le destinataire demande alors au vendeur un pourcentage ou une commission pour être déclaré comme tel.

Les diamants déclarés officiellement sont :

1. soit transmis, en vue d'une négociation en bourse, au sponsor qui l'a payé pour acheter des diamants en Afrique

2. soit transmis à un autre acheteur à Anvers, qui peut être accrédité par le Conseil supérieur du diamant, mais pas nécessairement. Il existe en effet un circuit de vendeurs de diamants et d'intermédiaires non enregistrés, ou encore à un acheteur de l'industrie du diamant (qui se charge de la taille du diamant) qui offrent éventuellement un meilleur prix pour le lot ou une partie de celui-ci, les diamants étant triés pour répondre au mieux aux besoins des acheteurs et en obtenir un meilleur prix. Le commerce de diamant n'est interdit à personne mais seules les entreprises inscrites au CSD peuvent les importer (309).

Le fait que les lots soient régulièrement mélangés entraîne qu'il est impossible d'accompagner chaque pierre par son certificat d'origine. Une fois le diamant entré en Belgique, l'on perd sa traçabilité. Le fait que le diamant réimporté en Belgique ne revient pas nécessairement à la personne déclarée sur la facture peut expliquer certaines des différences entre les statistiques du ministère des Affaires économiques et les statistiques des diamantaires à propos des diamants importés du Congo.

4.10. Conclusions recommandations

Au travers de l'étude, il apparaît clairement que la Belgique a essayé de mener une action pro-active pour tenter d'enrayer le diamant de conflit en mettant au point un système extrêmement strict de certification d'origine. Ce système a été appliqué à l'Angola, la Sierra leone, le Libéria et la Guinée sur base volontaire de ces pays. Ces systèmes connaissent des failles, principalement car il devrait également être appliqué aux pays voisins, ce que propose les accords de Kimberley. Cependant, pour être appliqués, ceux-ci doivent se conformer aux grands principes de libre circulation des biens au sein des pays ACP et au sein de l'Union européenne.

Dès lors, le système proposé par le Conseil supérieur du diamant et plus globalement le système belge de contrôle exhaustif et d'évaluation des diamants effectués au Diamond Office se heurtent aux règles européennes de libre-échange par leur caractère restrictif, systématique et exhaustif. Cependant, force est de constater que des failles du système belge soulevée par la commission restent d'actualité (doc. Sénat, nº 1-326/9). Les propositions visent principalement une amélioration du système existant, en permettant au Conseil supérieur du diamant de poursuivre leur démarches pro-actives vis-à-vis de l'Union européenne et du processus de Kimberley tout en sachant que celui-ci se heurte constamment aux injonctions de libre échange stiplées par les accords de Cotonou ou au sein de l'Union européenne et à certains « vides » juridiques.

Le problème de la fraude est relativement difficile à évaluer d'une part et à circonscrire ici en Belgique. La question du diamant de guerre pourra largement être résolu grâce à la mise en application des accords de Kimberley qui garantit une certaine traçabilité tout en ne le résolvant pas totalement. Une question de temps est en jeu, car la mise en application de ces accords prennent, du temps. Si le Conseil supérieur du diamant cherche à résoudre activement le problème de la fraude et du diamant de guerre, il se heurte néanmoins à la volonté politique de certaines autorités africaines, où, lorsque le système est appliqué, représente une nette diminution de revenus que tiraient certains particuliers.

5. FILIERE OR

5.1. Méthodologie

Le chapitre qui suit est basé sur les constatations de Catherine André et Stefaan Marysse à propos du pillage des matières premières en République démocratique du Congo (RDC), l'attention étant également portée sur la problématique de l'exploitation de l'or (310).

En ce qui concerne l'historique, l'on s'est référé à l'article d'Erik Kennes publié dans l'Annuaire des Grands Lacs de 1999-2000, intitulé « Le secteur minier au Congo : « déconnexion » et descente aux enfers » ainsi qu'à un certain nombre d'autres sources secondaires. Pendant l'enquête, l'on a également rassemblé du matériel concernant l'évolution des concessions et des divers comptoirs établis en RDC et au Burundi.

Deux témoins ont été entendus par la commission : Mme Aziza Kulsum (propriétaire d'Uzabuco à Bukavu), auditionnée à huis clos et M. Antoine Goetz (ex-directeur du comptoir d'or Affimet à Bujumbura), entendu au cours d'une audition publique le 6 décembre 2002. L'exposé de M. Guy Franceschi ainsi que celui de M. Gilbert Chartry ont apporté des précisions sur le contexte général de l'exploitation de l'or en RDC et l'enjeu futur que représente l'or de l'est du Congo (311).

Les auditions et le matériel rassemblés ont pour but essentiel d'apporter un éclairage sur la filière congolaise en attachant à cet égard une attention spécifique à la part des entreprises belges dans ce secteur. En ce qui concerne la filière burundaise, l'on se référera essentiellement aux activités de Affimet et de son gérant, Antoine Goetz. En ce qui concerne les filières ougandaises et rwandaises, il convient de se référer aux chiffres de l'ONU ainsi qu'aux constatations d'André et Marysse.

Nous essaierons d'établir une première distinction entre les réseaux commerciaux qui collaborent étroitement avec les acteurs appartenant à l'élite politique et militaire (rebelles et unités d'armées étrangères) et les autres Congolais et commerçants étrangers. Dans cette dernière catégorie, nous essaierons, dans la mesure du possible, de faire une distinction entre les réseaux commerciaux « traditionnels » (existant avant la guerre) et les « nouveaux » (créés pendant la guerre), ainsi que les réseaux opérant dans les milieux du crime. Nous nous attacherons à cet égard à la question de la légalité-illégalité de l'exploitation et des transactions commerciales, au rôle des impôts perçus par les diverses armées rebelles et divers acteurs étrangers ainsi qu'au problème de la fraude pour autant que nous disposions d'éléments suffisants pour affiner ces hypothèses. Cette analyse servira de base à un certain nombre de recommandations portant spécifiquement sur l'exploitation de l'or et sa commercialisation.

5.2. Description des filières

5.2.1. Remarques préalables

Contrairement au coltan, l'exploitation de l'or dans l'Est de la République Démocratique du Congo baigne dans une atmosphère de grande confusion. Il règne en premier lieu, contrairement par exemple à ce qui est le cas pour le coltan ou le diamant, un grand flou à propos du contexte de l'exploitation de l'or en RDC. Néanmoins, dans leur premier rapport d'enquête d'avril 2001, les experts de l'ONU nous donnent un premier aperçu de l'organisation de l'exploitation de l'or dans le reste du Congo.

Nous y reviendrons plus longuement par la suite. En second lieu, le travail de la commission ne pouvait pas se baser sur une enquête originale comme ce fut le cas pour le coltan. Par exemple, dans la plupart des cas, la plupart des éléments de preuve élémentaires font défaut tels que contrats de constitution, documents douaniers ou statistiques d'exportations. Les seules statistiques sur lesquelles la Commission peut se baser proviennent du rapport des experts des Nations unies d'avril 2001 (voir tableau 1).

En outre, IPIS dispose d'un matériel de preuves documentaires relatif à l'exportation d'or dans la région contrôlée par le RCD-Goma. Il s'agit de chiffres d'exportation individuels de trois comptoirs d'or à Bukavu : Shenimed ­ qui est également un comptoir coltan (voir ci-avant), Panju et Congocom. Ces comptoirs ont respectivement exporté en 2000, 86 914,2 grammes (683 705 dollars US), 1 307 479,8 grammes (10 265 801 dollars US) et 6 000 grammes (49 911 dollars US) d'or (voir tableau 2). Nous reviendrons ultérieurement sur ces chiffres.

Tableau 1 : Ouganda ­ exportations d'or 1994-2000

Année Exportation (tonnes) Production (tonnes)
1994 0.22 0.0016
1995 3.09 0.0015
1996 5.07 0.03
1997 6.82 0.0064
1998 5.03 0.0082
1999 11.45 0.0047
2000 10.83 0.0044

Source : Nations unies, « Rapport du groupe d'experts sur l'exploitation illégale des ressources et autres richesses de la République démocratique du Congo », 12 avril 2001 (Uganda, Ministry of Energy and Mineral Development).

Tableau 2 : Exportations d'or RCD-Goma 2000
­ Comptoir Panju

Date Quantité (grammes) Valeur (en dollars US)
5 janvier 28 223,7 228 343
25 janvier 28 300,2 226 122
27 janvier 28 353,2 232 120
7 février 28 343,2 238 878
9 février 28 422,5 234 580
26 février 28 541,1 242 525
7 mars 28 503,8 236 132
20 mars 28 561,5 230 504
24 mars 28 480,8 230 823
5 avril 28 582,3 244 405
12 avril 28 580,1 224 899
21 avril 28 587,2 226 867
2 mai 28 597,6 227 078
8 mai 28 667,4 222 836
16 mai 28 627,4 223 235
22 mai 28 653,6 221 564
29 mai 28 657,6 221 564
5 juin 28 663,4 219 542
13 juin 29 526,2 231 645
21 juin 29 526,1 238 255
27 juin 29 550,5 241 055
6 juillet 31 426,2 258 073
17 juillet 31 662,2 253 808
25 juillet 31 585,7 250 421
2 août 31 527 248 088
10 août 32 023,3 248 881
18 août 32 237,7 250 641
24 août 32 277,8 251 329
1er septembre 32 311,5 249 948
12 septembre 32 347,3 252 450
20 septembre 32 452,7 251 743
29 septembre 32 465 248 423
11 octobre 32 581,1 251 556
17 octobre 33 009,1 254 581
20 octobre 32 485,8 249 719
30 octobre 32 817,3 247 621
13 novembre 65 598,4 478 275
29 novembre 52 910,2 392 948
14 décembre 51 356,8 394 553
29 décembre 52 455,3 408 270
Total 1 307 479,8 10 265 801

Source : RCD Goma, Département des terres, mines et énergie, statistiques des exportations de l'or, 2000.

Tableau 3 : Exportations d'or RCD Goma 2000 ­ Comptoir Shenimed

Date Quantité (grammes) Valeur (en dollars US)
24 février 15 245,6 128 580
21 avril 25 257,2 197 119
29 juin 17 518 134 988
11 août 15 662,1 120 891
23 septembre 13 231,3 102 127
Total 86 914,2 683 705

Source : RCD Goma, Département des terres, mines et énergie, statistiques des exportations de l'or, 2000.

Tableau 4 : Exportations d'or RCD Goma 2000
­ Comptoir Congocom

Date Quantité (grammes) Valeur (en dollars US)
28 février 6 000 49 911

Source : RCD Goma, Département des terres, mines et énergie, statistiques des exportations de l'or, 2000.

Avant d'examiner ces chiffres de plus près, il est nécessaire de reconstituer le contexte historique dans lequel l'expoitation minière a évolué ces dernières années au Congo. Dans l'ensemble, le secteur minier congolais a connu les tendances générales constatées par Erik Kennes (312) (la difficile libéralisation dans les années 80, l'absence d'exploitation industrielle, les tentatives timides de privatisation par le gouvernement Kengo-Wa-Dondo qui, peu de temps après, étaient annulées par le régime de Kabila et l'invasion étrangère). Il en va naturellement de même pour l'exploitation de l'or. Deux cas illustrent plus particulièrement l'accroissement de la criminalité au niveau de l'exploitation minière dans l'Est du Congo après la chute du régime Mobutu. Il s'agit des entreprises d'État « Société minière du Kivu » (Sominki) et de l'« Office des mines d'or du Kilo Moto » (Okimo).

5.2.2. Historique de l'exploitation de l'or dans l'Est du Congo : « descente aux enfers »

L'or est principalement extrait dans l'Est du Congo : dans la province orientale et dans les deux provinces du Kivu (Nord et Sud). Sur les 5 505 kilogrammes produits en 1970, 4 556 provenaient des mines de Kilo-Moto au Nord-est et 1 025 de la mine Mobale dans le Kivu (informateur 1).

Jusqu'avant la guerre de 1996, les réserves d'or du Sud étaient aux mains de la Sominki, une entreprise d'État congolaise qui était exploitée par le groupe Empain-Schneider. Les réserves du Nord étaient gérées par Okimo (« Office des mines d'or de Kilo-Moto ») qui disposait d'une concession de 83 000 km2 autour de Bunia. En 1998, une partie de cette concession (2 200 km2) est tombée aux mains de Kimin, une joint-venture entre l'État zaïrois et le groupe belgo-canadien Mindev. Il est significatif qu'au cours de toute la période qui a suivi la libéralisation (1983-1996), la seule convention minière conclue pour l'exploitation de l'or l'a été dans l'Est du Zaïre. Cette concession n'a en outre connu qu'un début d'exécution (313).

a. Sominki : dindon de la farce

À partir de 1995, le gourvernement Kengo-Wa-Dondo a manifestement mis le secteur minier en phase d'accélération. Au cours de la période 1995-1997, il a délivré au total 340 « Zones exclusives de recherche » principalement à des petites entreprises relativement inconnues (314). Parmi ces « juniors » se trouvait également la Banro Resource Corporation (Banro) canadienne, une entreprise cotée à la bourse de Toronto et dirigée par le belgo-américain Bernard Van Rooyen. Le 17 mars 1997, deux mois après l'entrée en lice de l'AFDL, la République du Zaïre a consolidé la nouvelle convention minière entre l'État zaïrois, la Sominki (voir plus haut) et Banro. La convention prévoyait la reprise de tous les droits miniers de Sominki par Sakima, une nouvelle joint-venture constituée par Banro et Cluff Mining, une entreprise britannique. Bien que la Sominki disposait de réserves importantes de cassitérite et de coltan, il est évident que l'intérêt de Banro portait essentiellement sur les mines d'or prometteuses de Twangiza, Kamituga, Lugushwa et Namoya dans le Sud-Kivu (315), quatre gisements importants qui contiennent de grandes réserves d'or (316).

Mais Banro a tout réussi sauf à gérer sa concession. Le 29 juillet 1998 ­ quelques jours après que Kabila ait renvoyé ses ministres rwandais ­ le nouveau président congolais a mis fin au contrat que Kengo-Wa-Dondo avait conclu avec Banro et remplaça Sakima par Somico (Société minière du Congo). À ce moment, la zone où se trouvaient les concessions de Banro est tombée sous le contrôle du Rassemblement congolais de la démocratie (RCD) et des troupes rwandaises. En réponse à la décision de Kabila, Banro a introduit une action en dédommagement de 1 milliard de dollars US auprès de l'« International Center for the Settlement of Investment Disputes » (ICSID) et ultérieurement devant la Cour fédérale à Washington. Les deux procédures allaient traîner pendant des années. En juillet 2000, Banro s'est finalement entièrement retirée du Congo.

b. La filière ougandaise

Déjà pendant la campagne de l'ADFL, s'est manifestée une filière ougandaise dans l'exploitation de l'or au Nord-est du Congo. Un rôle de pionnier en cette matière a été joué par le beau-frère du président ougandais Salim Saleh. Après la conquête de l'Est du Zaïre, celui-ci a créé quasi immédiatement à Kisangani (province Orientale), un poste commercial pour l'achat d'or et de diamants sous le nom de « Caleb International » (317). Caleb Saleh était déjà introduit dans le secteur de l'exploitation d'or en Ouganda par le biais de son actionnariat dans « Branch Energy Uganda », une filiale de l'empire d'affaires du britannique Tony Buckingham, dont l'entreprise de mercenaires « Executive Outcomes » relevait. Ces liens étroits entre l'élite politico-militaire ougandaise et les réserves d'or congolaises se sont manifestés peu de temps après sous la forme d'un incident aérien au cours duquel non seulement un colonel ougandais mais aussi un représentant de l'empire d'affaires de Salim Saleh, ont perdu la vie (voir cadre).

« Plane crashes with Congo's gold »

« In Uganda, the smuggling activities of UDPF became public knowledge after a dramatic plane crash at Beni airport (DRC) on 25 september 1998. The crash caused the death of Kazini's brother « Jet » Mwebaze, who had been travelling along the Israelian businessman Zeev Schif ­ the manager of Salim Saleh's investment holding Efforte. Along with the two men, the plane also carried Rose Kirungi, the sister-in-law of the number two of the DRC expedition corps Reuben Ikondere, an Indian Businessman (Arif Mulji) and 1.2 million USD in cash. Coming from Wilson airport (Kenya), the plane crew had deluded its flight plan to the aviation authorities in Entebbe by saying it was flying to Kabarole (Uganda). Instead, it flew to the Congolese town of Bunia to pick up a large consignment of gold which the UDPF had procured illegally and which would be commercialised through Efforte and the company of Arif Mulji », Banda Electricals (Prunier 1999).

Dans l'intervalle, les milieux gravitant autour du président ougandais Yoweri Museveni se sont également mis à lorgner sur les gigantesques réserves d'or du Nord-est du Congo qui étaient gérées par l'entreprise d'État zaïroise Okimo. Comme on l'a dit, le groupe canadien Kimin s'est vu attribuer en 1996 une petite part de cette concession.

Mais la part du lion est revenue au conglomérat canadien Barrick Gold Corporation, une entreprise minière de format qui comptait parmi ses administrateurs l'ancien président américain George Bush et l'ex-premier ministre canadien Brian Mulroney. En juillet 1996, quelques semaines seulement avant l'accession au pouvoir de Laurent Désiré Kabila et de l'AFDL dans l'Est du Zaïre, l'État zaïrois a signé (à concurrence de 51 %) une convention minière avec Barrick (à concurrence de 49 %) dont les investissements atteignaient quelque 350 millions de dollars US (informateur 1).

Le fait que Barrick ait signé son contrat quelques semaines seulement avant que l'AFDL n'occupe l'Est du Zaïre permet de présumer que ce géant de l'or était, comme le suggèrent certains (318), à tout le moins informé de la rébellion toute proche et de son issue. À la direction de Barrick siège également un Belge, Paul Desmarais, un homme qui avait également des intérêts dans la filiale Tractebel de la Générale et dans le Groupe Bruxelles Lambert (319).

Enfin, une autre entreprise s'est également positionnée dans la compétition internationale pour les réserves d'or congolais : l'entreprise Russell Ressources. Cette entreprise s'est vue promettre par le régime de Kabila la concession qui, jusqu'alors, était gérée par le groupe belgo-canadien Kimin. Ce groupe avait en 1997 déjà cédé ses actions au groupe ghanéen Ashanti Goldfields. Russel Ressources était dirigé par l'ex-général israélien David Agmon. L'arrivée d'Agmon qui avait servi sous les ordres des services militaires israéliens à Kinshasa a malgré tout contribué à alimenter les spéculations à propos de l'aide militaire israélienne au nouveau régime de Kinshasa (320).

Un fait était qu'en avril 1998, David Agmon, avec l'aide d'une garnison locale de troupes congolaises avait chassé manu militari le personnel de Kimin de la concession. Ce véritable coup de force décrit par le parquet de Kinshasa comme une « flagrante violation des droits de l'homme » (321) a, quoi qu'il en soit, constitué une solide atteinte aux intérêts belges dans les réserves d'or du Nord-est de la RDC.

Sous l'occupation ougandaise (1998-2002), Agmon allait finalement s'associer avec Salim Saleh pour l'exploitation des réserves d'or à Durba, dans la concession d'Okimo. Agmon est également cité comme figure centrale du trafic d'armes dans cette région (322).

c. Intérêts belges en baisse

Dans les autres régions également, la part de la Belgique dans le secteur minier congolais a diminué à vue d'oeil. Alors qu'au Nord-Kivu, le comptoir belge Zafrimin fermait ses livres en 1997, le nombre de concessionnaires belges ou de titulaires d'une « Zone exclusive de recherche » au Sud-Kivu au cours de la période 1997-2002 est tombé de 8 (Nema Congo, Gecimex, Minière des Grands Lacs-Congo, Sominki, Kivumines, Miluba, Kinoretain, Belgikamin) à 5 (Miluba, Kivumines, Minière des Grands Lacs-Congo, Kinoretain, Belgikamin).

d. Augmentation de la criminalité

Kilo-Moto

La criminalité qui s'était déjà manifestée sous le régime Kabila a atteint un point culminant après l'invasion de l'Est du Congo par le Rwanda, l'Ouganda et le Burundi et leurs alliés congolais. Le rapport des experts de l'ONU décrit dans le détail comment les troupes ougandaises, après avoir occupé la concession de Kilo-Moto, ont mis sur pied un véritable mécanisme de contrôle pour l'exploitation minière locale, en prévoyant notamment que les mineurs locaux devaient chaque jour apporter deux kilogrammes d'or au responsable militaire (paragraphe 59). Les experts ont même rencontré des cas où des militaires participaient eux-mêmes à l'extraction du minerai (paragraphe 57).

Tout ceci était dans une large mesure encouragé par le haut commandement ougandais qui profitait lui-même de l'exploitation de l'or par le biais de son actionnariat dans Trinity et Victoria, deux entreprises écran qui opéraient en bénéficiant d'un régime d'exonération d'impôts dans les territoires occupés et dont les revenus provenaient essentiellement de l'exploitation de matières premières congolaises et de leur commercialisation. Un rôle important était finalement réservé à Atenyi Tibasiima, le ministre des Mines du Front de libération du Congo (FLC, un amalgame de RCD-ML et MLC de Jean-Pierre Bemba) ayant sa base dans la région de Kilo-Moto.

En mars 2001, Tibasiima a essayé d'élaborer un status quaestionis du secteur minier dans sa région plus que probablement dans l'intention de conclure de nouveaux contrats (323). Mais étant donné que le FLC s'est ensuite à nouveau scindé en deux fractions distinctes, il est peu probable que cette initiative ait donné lieu au moindre contrat.

Sud-Kivu

Le Sud-Kivu ne connut pas un sort différent. La direction du RCD-Goma y accorda en décembre 2000 le monopole des exportations de coltan à SOMIGL, entreprise qu'elle avait elle-même créée (voir plus haut). Un élément intéressant dans le domaine de l'exploitation de l'or est ensuite l'entreprise Congo Holding Development Company (CHDC), qui en septembre 2001 se vit attribuer la quasi totalité des concessions de l'ex-Sominki par le RCD-Goma, parmi lesquelles les concessions aurifères de Twangiza.

La CHDC était dirigée par Félicien Ruchacha et Gertrude Kitembo, deux fidèles du régime rwandais et a conclu une joint-venture avec la société sud-africaine Trackstar Trading 151 Ltd. Cette dernière alliance commerciale a incontestablement servi des fins politiques lors des négociations à Sun City et Pretoria (avril et décembre 2002).

Il est également plus que vraisemblable que l'attribution de la mine de Twaginza à la CHDC allait causer de sérieux problèmes au nouveau gouvernement congolais étant donné que cette même mine avait été promise en avril de la même année à son repreneur légal : la société canadienne Banro Ressource Corporation. La « descente aux enfers » dont il est question dans l'article d'Erik Kennes semble ici parfaitement se confirmer.

Enfin, l'ONU épingle encore un certain nombre d'individus qui, à son avis, ont joué un rôle important dans le commerce de l'or avec les réseaux militaires gravitant autour du RCD-Goma et de l'UDPF. Il y avait en premier lieu Ali Hussein, important commerçant en or à Bukavu et Kisangani (paragraphe 92). Et en second lieu, Aziza Kulsum, dont il a déjà été question. Dans les paragraphes qui suivront, nous examinerons de plus près les différentes filières qui commercialisent l'or provenant de l'Est du Congo.

5.2.3. Filières

a. Bukavu

Aujourd'hui, il existe à Bukavu trois comptoirs d'or disposant d'une licence. Depuis toujours, ces comptoirs achètent les réserves d'or amenées par les mineurs artisanaux et provenant des mines à proximité de Kamituga, Twangiza, Namoya et Lugushwa. Le premier comptoir, Shenimed, a, en 2000, exporté officiellement 86 914,2 grammes d'or, pour une valeur de 683 705 dollars US (voir tableau 2). Le comptoir appartient à Shenila Mwanza, la fille de Aziza Kulsum. Celle-ci exporte tout son or en Suisse à une entreprise de raffinage dénommée Metalor. Selon plusieurs sources, elle exporterait entre 100 et 150 kilos d'or par mois, comme Panju.

En outre, il y a le comptoir Congocom qui, en 2000, a exporté 6 kilogrammes d'or au départ du Bukavu. Enfin, il y a le comptoir Panju, dirigé par l'Indien Zulfa Karim Panju. Cet homme a été arrêté à Bruxelles fin novembre dans le cadre d'une enquête judiciaire sur les activités d'Aziza Kulsum dans le commerce de coltan (324).

D'après le juge d'instruction bruxellois Michel Claise, M. Panju est accusé de fraude régulière d'or (une centaine de kilos) vers la Belgique au départ de la zone contrôlée par le RCD-Goma. Ces chiffres correspondent aux statistiques d'exportation officielles de Panju qui fait état d'exportations mensuelles de 108 956,67 grammes pour l'année 2000 pour une valeur totale de 10 265 801 dollars US (voir tableaux prédécents). Quant à savoir si la justice bruxelloise a pu démontrer un lien entre Aziza Kulsum et Panju est une question restée jusqu'à présent sans réponse. Néanmoins, une enquête financière devrait confirmer ou non que ces deux personnes ont approvisionné la caisse du RCD-Goma via la Belgique. Le juge d'instruction déclare à cet égard : « Le fruit de ces transactions repartait finalement au Rwanda où il sert à armer la rébellion active dans le Sud-Kivu congolais » (325). Cette constatation correspond à celle de l'ONU affirmant que « The gold and diamonds are being sold by RCD-Goma in exchange for cash or bartered for armaments and medicines to support continuation of the current hostilities » (paragraphe 146).

b. Burundi

Enfin, il y a le comptoir Affimet à Bujumbura (Burundi) qui opère depuis 1993 sous le statut de zone de libre-échange et qui a été créé par le gouvernement Buyoya. Le comptoir a été dirigé jusqu'en 2000 par Alain Goetz et ses fils Sylvain et Sven de l'entreprise « Goetz et fils » à Anvers. Étant donné que le Burundi ne dispose pas de réserves d'or, Affimet exerçait principalement ses activités dans la réexportation d'or congolais via la capitale burundaise. En outre, la famille Goetz disposait également d'une banque offshore (ABC Bank) qui a été fermée à la mi-2000 et d'une compagnie aérienne, City Connection Airlines pour pouvoir exporter l'or, l'importer et le transformer ainsi que pour le transport de passagers (326).

Ces activités lucratives ­ d'après une commission instituée par le gouvernement Ndadaye (successeur de Buyoya), Affimet a exporté entre avril et juillet 1993, 1 079 kilogrammes d'or d'une valeur de 12 millions de dollars US (327) ­ ont incité le gouvernement Ndadaye a exiger le paiement d'une somme de 3 millions de dollars US d'impôts non payés. Simultanément, il a retiré sa licence à Affimet (328).

Le coup d'État burundais et l'assassinat du président Melchior Ndadaye en octobre 1993 ont mis le dossier Affimet encore dans de plus mauvais draps. D'une part, l'entreprise a essayé de récupérer son statut de faveur qui, selon ses propres dires, lui avait été enlevé injustement par le président burundais assassiné, d'autre part, les fils d'Antoine Goetz ont essayé de rétablir des relations avec le nouveaux gouvernement burundais Buyoya (329). Finalement, l'entreprise a décidé de déposer plainte auprès de l'« International Center for the Settlement of Investment Disputes » (ICSID) de la Banque mondiale. Après un procès qui a duré plusieurs années, elle a obtenu, en 1999, un dédommagement de 2 989 636 de dollars US, somme qui devait être payée en trois versements (330). Un an auparavant, le nouveau gouvernement Buyoya avait déjà rétabli le statut de libre-échange de Affimet. En 2000, cela a finalement donné lieu à de sérieuses difficultés entre Affimet et le gouvernement burundais qui, à ce moment-là, n'avait pas encore effectué le moindre versement sur le montant que lui avait imposé la Banque Mondiale.

En février 2000, M. Goetz fut expulsé du pays, les activités d'Affimet ont continué un certain temps par le biais des cadres locaux, puis elles ont pris fin (331). La famille Goetz gère une entreprise belge de traitement de l'or, une SA, appelée Tony Goetz & Zonen qui traite 10 tonnes d'or par an (332).

5.3. Influence sur les pillages

Partant des données de l'ONU, des calculs de Catherine André et Stefaan Marysse et des statistiques du RCD-Goma, nous pouvons donner une estimation des « pillages » des stocks d'or congolais et de la récupération de la valeur-ajoutée par les puissances d'occupation. L'article de André et Marysse nous donne déjà un aperçu assez clair de la chose. Se basant sur les évaluations du professeur Hughes Leclerq et les chiffres de Tom De Herdt (333), ils ont fait une estimation de la part de la valeur ajoutée de l'or congolais restant au Congo et celle qui quitte le Congo sans contrepartie.

D'après les chiffres de De Herdt, les importations belges ont représenté, au cours des années 1980, 90 % des exportations du Congo, du Burundi et du Rwanda : au début des années 1980, cet or provenait essentiellement du Zaïre; à partir du milieu des années 1980 jusqu'à la première moitié des années 1990, ce commerce s'est effectué via le Burundi (jusqu'à 9 tonnes en 1995) et le Rwanda (entre 1990 et 1993, jusqu'à 2,5 tonnes). À partir de 1996, les importations burundaises ont fléchi jusqu'à une tonne et l'or fut principalement importé via l'Ouganda, le Rwanda (4,5 tonnes en 1994) et le Congo (un peu plus d'une tonne en 1997). À partir de 1998, la filière de l'or a presque entièrement été contrôlée par les réseaux militaires qui exportaient leur or vers d'autres pays que la Belgique, notamment vers le Royaume-Uni et la Suisse (Métalor).

5.3.1. Ouganda

D'après les chiffres de l'ONU (tableau 1), l'Ouganda a commencé à exporter de l'or en 1994, atteignant jusqu'à 5 et 6 tonnes en 1997 et 1998. Selon Alain Goetz, Kampala aurait autorisé le commerce de l'or en 1997-1998 (334). À partir de 1998, les exportations d'or ont doublé juqu'à atteindre environ 11 tonnes en 1999 et 2000 pour une valeur de respectivement 95 millions et 90 millions de dollars US (335). Comme on l'a déjà dit, l'Ouganda n'extrayait pratiquement pas d'or sur son territoire et cette augmentation des exportations d'or ougandais était entièrement due à l'occupation du Nord-Kivu et de la riche région aurifère de Kilo-Moto.

Selon le premier rapport de l'ONU décrivant la situation dans un gisement de Kilo Moto sous contrôle militaire, 50 % de la valeur ajoutée de ces exportations est retournée aux mineurs congolais en raison d'un contrat prévoyant un gramme pour les mineurs et un gramme pour les militaires qui garantissaient la sécurité (336). Cette constatation correspond grosso modo à la description donnée par l'ONU de l'exploitation à Kilo-Moto (voir plus haut). L'on peut donc dire que, lorsque les filières sont contrôlées par des militaires, la valeur ajoutée accaparée par les officiers et les militaires est d'environ 50 %, c'est-à-dire plus grande qu'au sein des filières non militarisées.

Par ailleurs, l'or du Nord Kivu aurait transité par le réseau Hema-Nande qui contrôle une grande partie de l'économie locale (337).

Étant donné qu'au Congo, aucun impôt n'était payé sur les exportations d'or mais que l'Ouganda percevait des taxes sur les réexportations, André et Marysse estiment la valeur du pillage économique à 19 millions de dollars US en 1999 et à 18 millions de dollars US en 2000, sur base des chiffres donnés par le premier rapport des Nations unies.

5.3.2. Rwanda et Burundi

En ce qui concerne la zone contrôlée par le RCD-Goma, les experts de l'ONU estiment la production d'or qui passait entièrement par le Rwanda (338) à 720 kilogrammes pour 1999 et à 1 200 kilogrammes pour l'année 2000. Ces chiffres correspondent plus ou moins aux statistiques officielles d'exportation du RCD-Goma (tableau 2). En ce qui concerne la période précédente 1996-1998, la production d'or de cette même zone équivalait, d'après André et Marysse à quelque 3,5 tonnes par an. Ce chiffre correspond lui aussi plus ou moins aux chiffres belges relatifs aux importations du Rwanda (4,3 tonnes en 1997 et 3,75 tonnes en 1998). Au Congo, les impôts sur les exportations sont estimés à 5 % du chiffre d'affaires.

Sur base de ces données et partant d'un même taux d'intérêt que pour l'Ouganda (338A), André et Marysse ont conclu que le pillage économique par le Rwanda sur les exportations d'or revient respectivement à 5,6 et 5,4 millions de dollars US pour 1999 et 2000. Si l'on extrapole les chiffres des exportations du Burundi pour 1998 aux années 1999 et 2000 (1 tonne par an), le pillage économique par le Burundi s'élèverait finalement à un total de 4,98 millions de dollars US pour l'ensemble de la période 1998-2000.

Lorsque les filières ne sont pas contrôlées par les militaires, l'on peut estimer qu'une plus grande proportion de la valeur ajoutée de l'or reste au Congo pouvant atteindre jusqu'à 80 %. En effet, la part revenant aux creuseurs, et aux comptoirs surtout, est généralement plus élevée qu'au sein des filières contrôlées militairement car le cours mondial de l'or est connu des commerçants. L'information circule, et donc, les marges bénéficiaires sont moindre que lorsque les creuseurs se voient obligés de vendre à un seul acheteur ou type d'acheteurs (338B).

Il faut noter que, comme dans le coltan ou le diamant, ou encore l'hétérogénite, la valeur ajoutée qui reste localement est inégalement redistribuée au sein de la chaîne (creuseurs, intermédiaires, comptoirs, exportateurs). En effet, l'unité de mesure pour le pesage de l'or est le « macuta », ancienne pièce de monnaie, dont le poids est de 1,25 grammes, mais l'or ne serait payé qu'au prix du gramme, laissant au négociant une marge de 25 % rien qu'en fraudant sur les quantités !

Une fois de plus, l'on peut conclure que ce sont les comptoirs et les négociants qui récupèrent les plus grands profits dans cette chaîne artisanale. Ces bénéfices retirés permettent, pour la plupart des commerçants d'obtenir des devises de la vente de leur or, compensées par des importations en denrées, en biens de première nécéssité, bref, à alimenter un fond de commerce local. Dans quelle mesure les marges réalisées sur l'or permettent-elles aux différentes filières de financer leur présence militaire au Congo ?

5.4. Fraude et financement de la guerre, participation à la guerre

Enfin, il convient de remarquer que les exportations d'or de l'Est du Congo ont fait l'objet de fraudes importantes. Les taxes perçues par les militaires locaux à Kilo-Moto et au Sud-Kivu (1 gramme d'après les experts de l'ONU) s'effectuait en effet sur base d'une mesure locale « la macuta », correspondant à 1,25 grammes.

D'après les informations dont nous disposons du juge Michel Claise sur base de ses investigations financières, il semblerait que les bénéfices des exportations d'or du comptoir Panju vers la Belgique soient également partiellement retournés à la caisse du RCD-Goma. Divers comptes bancaires y compris un certain nombre de comptes de la direction du RCD, ont pour cette raison été saisis en Belgique et dans d'autres pays et ce à concurrence d'une valeur de 2 millions d'euros. Les importations de lingots d'or via le Rwanda n'auraient pas été déclarées en Belgique. Ensuite, l'on peut difficilement considérer les impôts levés sur les exportations par le RCD-Goma (5 %) comme un retour de la valeur ajoutée au Congo : ces impôts, de même que ceux encaissés pour le coltan, sont entièrement utilisés pour financer leurs propres efforts de guerre. Partant des statistiques officielles relatives aux exportations du RCD-Goma (tableau 2), ce financement de la guerre sur base des impôts sur les exportations s'élèverait à 549 970,85 dollars US pour l'année 2000.

L'on peut ajouter que Alain Goetz a reconnu que leur avion, régulièrement loué par le gouverneur de Goma, avait transporté à une seule reprise, des milaires.

6. FILIÈRE CUIVRE, COBALT, GERMANIUM

6.1. Introduction

Cette partie touche à l'exploitation et au traitement miniers du Katanga, où la Gécamines, société parastale, détient la majorité des droits miniers. En 1994 ont été conçus les premiers partenariats de la Gécamines avec d'autres sociétés pour l'exploitation des gisements miniers.

Cette partie aborde d'abord l'exploitation minière au Katanga sous l'angle de la Gécamines, première entreprise du pays, sixième plus grande entreprise minière mondiale en 1973, poumon de l'économie katangaise qui connaît un déclin important depuis les années 80, mais, depuis le début des années 90, s'effondre. La majorité des entreprises qui fonctionnent actuellement sont partenaires de la Gécamines, détentrice des droits miniers. L'on ne peut aborder l'exploitation minière de certaines entreprises au Katanga sans aborder ce contexte minier étroitement lié à celui de la Gécamines. Un second point retrace brièvement l'évolution de l'entreprise et les causes de son effondrement; ensuite seront décrites les filières, la place et le rôle de la Belgique au sein de celles-ci (3e point), puis le rôle du changement politique dans le positionnement de certaines entreprises et la conclusion de certains partenariats (4e point), la question du vide juridique sur les rejets (5e point), du rôle de l'octroi de certaines concessions dans le financement de la guerre (6e point), la contribution de certaines sociétés au pillage et à la spirale de récession économique (7e point); le point de vue des Nations unies sur les activités qualifiées de criminelles de certaines filières (8e point), les considérations éthiques que l'on peut tirer de l'analyse et des conclusions (9e et 10e points).

Cette analyse se base principalement sur les auditions publiques, sur une série de documents dont dispose le Sénat, sur des rapports d'institutions internationales (notamment en ce qui concerne la situation de la Gécamines et de son évolution), sur le rapport de l'ONU pour certaines activités d'entreprises n'ayant pas de lien avec la Belgique et les accusations relatives aux activités criminelles.

6.2. Bref aperçu du contexte minier au Katanga et évolution de la Générale des carrières et des mines (Gécamines)

L'effondrement de la Gécamines résulte de la combinaison de plusieurs facteurs externes et internes : baisse de 50 % du cours du cuivre en 1974, quadruplement du prix des produits pétroliers, fermeture des voies d'exportation vers l'Angola en 1975 suite au déclenchement de la guerre civile, mesures de zaïrianisation fin de l'année 1973 et, enfin, mesures contradictoires qui ont suivi, les deux guerres du Shaba (339).

Leclerq cite l'exemple de la Gécamines comme exemple de destruction : « Un exemple typique est celui de la Gécamines; toutes les tentatives de réforme ont été perverties, elles n'ont jamais abouti. Des investissements très importants ont été consentis à la Gécamines mais celle-ci été rongée de l'intérieur, même si, à première vue, on ne pouvait le voir. Les outils étaient vieux, les biens d'approvisionnement surfacturés, les gisements écrémés; l'organisation était défaillante, une grande partie des recettes détournée. Tout cela a été constaté par des institutions internationales. C'était comme si une sorte de termite rongeait l'intérieur de cette formidable infrastructure que constituait la Gécamines » (340).

Le rapport Bomsel de 1991 énonce les causes de la crise de la Gécamines :

­ ses difficultés financières : problèmes de trèsorie suite à l'effondrement de la mine de Kamoto;

­ la hausse des coûts de production (suite à la baisse de production des différents sites miniers, Kamoto, Kipushi, ...);

­ les effets d'une fiscalité trop lourde, d'un sous-investissement, du sous-équipement, de la mauvaise maintenance et entretien des équipements, de la dégradation de la politique salariale et du manque de productivité des travailleurs (340A);

­ les causes techniques : écrémage des gisements en vue d'une maximisation de la production au détriment des investissements et travaux de découverture nécessaires à une exploitation rationnelle des sites miniers; insuffisance d'investissements de rénovation et d'amélioration du faible taux de récupération des usines minéralurgiques);

­ de son modèle d'organisation industrielle, celle de l'entreprise-État dans une économie d'enclave dans un contexte de dégradation générale de la situation économique, sociale et sanitaire du Congo (341). Il faut souligner un décuplement des cadres depuis la nationalisation alors que la production n'a plus jamais atteint le niveau qu'elle avait alors.

L'auteur montre comment la Gécamines reflète le modèle de gestion de l'État que nous avons décrit dans la première partie de ce rapport « Dans la période post-coloniale, non seulement l'État n'a pas su prendre le relais de la responsabilité du social, mais, en outre, l'accès de certains à la rente, d'une part, et, d'autre part, l'appauvrissement du plus grand nombre ont favorisé l'installation d'une logique perverse au sein de la Gécamines » (342).

L'auteur dénonce également les pratiques de monopolisation de la rente minière, fiscalité et ponctions de l'État non liés à la production de la Gécamines, pratiques de tarification « exorbitante » par les sous-traitants de la GCM (343), commissions aux intermédiaires financées par la rente, ampleur des vols dans les installations, généralisation des fuites de capital.

L'auteur conclut en ces termes : « Gécamines a fait face à la désorganisation interne provoquée par cette dynamique en écrémant dramatiquement ses gisements, c'est-à-dire en sacrifiant au besoin financier immédiat l'accessibilité à long terme du minerai. Cette logique implacable arrive désormais à son terme : l'épuisement de la rente minière » (344).

Cette situation, décrite en 1991, s'aggrave au cours de ces 10 dernières années : la production de la Gécamines n'atteint plus que 5 % du niveau de celle de la fin des années septante (345).

Source : Gécamines, exposé lors du passage du président André Geens à Lubumbashi, août 2002.

Le chiffre d'affaire de la Gécamine passe de 1 426 millions de dollars US en 1989 à 72 millions en 2002, comme le montre le graphique ci-dessous.

Sachant que la Gécamines assurait 50 % des recettes de l'État, l'on mesure l'effet dévastateur et les conséquences dramatiques de la politique économique suivie par l'entreprise sur l'ensemble de l'économie congolaise.

En août, un responsable de la Gécamines présentait les difficultés auxquelles la société était confrontée :

­ des difficultés financières telles que le manque de capitaux, l'insuffisance des recettes d'exploitation, retard de paiement de la fiscalité, alourdissement de la dette globale, abandon de la société par les bailleurs de fonds (banque mondiale et FMI);

­ des difficultés économiques : dégradation de l'outil de production, faible production et hors normes commerciales, saisies en Europe, en Zambie et en Afrique du Sud, sous-investissements, vandalisme et vols dans les installations, retards dans la réalisation de travaux miniers de découverture de mines à ciel ouvert et dans la réalisation de grands projets miniers et métallurgiques (Tenke Fungurume et rejets de Kolwezi);

­ difficultés au niveau de l'emploi : personnel pléthorique et âgé, retards de paiement des salaires et des avantages sociaux, malaise social accompagné de grèves (346).

C'est sur fond de cette crise profonde de la GCM et de guerre qu'opèrent actuellement les quelques entreprises encore actives au Katanga.

Selon Gorus, les bénéfices de la Gécamines ont été affectés en premier lieu à l'effort de guerre (347). Les pratiques de « ponctions » de l'État semblent se poursuivre actuellement : « Régulièrement, l'autorité centrale de Kinshasa prend une partie des sommes gagnées par la Gécamines. Les gains vont à la Trésorie de l'État et devraient être restitués à la Gécamines. En réalité, ce n'est pas le cas, de sorte que la Gécamines n'a pas de revenus et n'est pas en mesure de payer ses dettes » (348).

Les problèmes de trésorie se sont aggravés avec la baisse de la production au cours des dix dernières années) La Gécamines n'a que des dettes envers des créanciers. Elle est donc obligée de recourir à toutes sortes de constructions financières pour éviter que son minerai ne soit saisi par ses créanciers (349). C'est une des raisons pour lesquelles, mise sous pression en raison de son endettement, elle recourt désormais de plus en plus à des traders pour la commercialisation de sa production qui acceptent de lui fournir des avances pour qu'elle assure la production et lui achètent le produit fini. Ce choix auquel elle a été amenée représente des manques à gagner très importants (taux d'intérêts élevés pratiqués par les traders, application d'un cours désavantageus pour la Gécamines, etc.).

Le problème de la dette de la GCM, évaluée à 1,5 milliards de dollars US environ, pèse de tout son poids dans le problème de la dette du pays et les solutions envisagées pour une reprise de l'exploitation industrielle et de la production sont étroitement liées à cet aspect. Le Congo a fait appel à la Banque Mondiale pour restructurer l'entreprise et gérer sa dette.

Les vols de matières semblent se poursuivre et certaines entreprises en ont été victimes, notamment dans le projet d'exploitation de la mine de Kamoto. En effet, une partie des stocks de minerais extraits furent saisis dans l'usine de Shituru par Billy Rautenbach, traités et vendus à son propre profit (350).

Donc, plusieurs indices montrent que, malgré l'état d'épuisement dans lequel se trouve la Gécamines, des pratiques d'« accaparemment de la rente » décrites par Bomsel se perpétuent et les partenariats conclus font apparaître d'autres types de problèmes, liés aux contrats et à l'exécution de ceux-ci au bénéfice du partenaire, mais aussi au changement politique, à la situation d'insécurité et au contexte minier et économique général.

6.3. Description des filières ­ liste non exaustive

6.3.1. Exploitation des gisements de la GCM et autres, concentration, traitement et exportation

a. Exploitation de gisements

Projet Entreprises-partenariats Situation en 2002
Luiswishi EGMF ­ GCM Arrêt décembre 2002
Kababankola Mining Company (KMC) Tremalt ­ GCM Gisements autour de Kakanda-Kambove, Kakanda-Kamoya, Shangolowe) : faible niveau d'investissement : à l'arrêt
Central Mining Group (CMG) Ridgepointe Overseas Developments Ltd ­ GCM Exploitation des gisements de Kababankola, Kamoya, Shinkolobwe, Mukondo et concentration des minerais de Kambove et Kakanda et Shituru ­ révocation de la coopération par décret gouvernemental et B. Rautenbach est en procès depuis 2000
Minière Kalumbwe-Myunga (MKM) EXACO-GCM Exploitation gisement : en cours mais grosses difficultés et repris par un autre gérant
Ruashi Mining CMC ­ GCM Exploitation gisement de Ruashi et des remblais de l'Étoile : négociations
Exploitation gisement de l'Étoile COMIN ­ GCM Arrêt
Remblais du Ruashi l'Étoile ERENA Négociations en cours
Kalukundi Swanepoel 1 ­ GCM Pas démarré
Chabara Swanepoel 2 ­ GCM Pas démarré
Comide Cico ­ RDC ­ GCM Prospection exploitation minière ­ traitement
PCZ Melkior ­ GCM Prospection en cours
Société Minière de Kabolela et Kipese (SMKK) Melkior ­ GCM Exploitation Kabolela et Kipese : projet interrompu
Luisha COMIEX ­ GCM À l'arrivée de l'AFDL
Kipoi ORION ­ GCM Arrêt ­ pas démarré
Tenke Fungurume (TFM) Lundin ­ GCM Pas de démarrage
Mine de Kipushi AMFI ­ GCM Projet en veilleuse
Shinkolobwe EGMF ­ GCM Projet suspendu
Sofwe EGMF ­ GCM Pas commencé (coltan)
Mine de Kamoto à long terme Kumba Resources (Ex-Iscor ­ GCM Réhabilitation filière KTO-KTC-Luilu : Projet sur 15 ans ­ pas démarré ­ superposition avec Kinross et Altair
Mine de Kamoto KINROSS ­ EGMF ­ GCM Projet à long terme (20 ans) - réhabilitation
Mine Kamoto court terme Financement Altajir Financement réhabilitation KTO-KTC-Lui projet 3 ans
Mine de Kamoto-projet Ashanti Goldfield
Kaleshi (Kanwale - Concentrateur de Kalmbove et Shituru Marc Rich ­ GCM Réhabilitation filière KWL-KVE-US : en cours
Tilwizembe Afmet ­ GCM MAD exploite les couches riches dans Felco Filière TWZ-KZC-LUI : attente démarrage

b. Gisements hors Gécamines

Gisements Société exploitante Observations
Dikulushi, Kapulo, Luantete, Kiaka Anvill Mining Exploitation et exportation pour traitement vers la Zambie (Ndola) de cuivre d'argent
Lonshi First quantum Minerals Exploitation et stockage sur place pour exportation future vers la fonderie de FQM en Zambia (Bwana Mikuba)
Musoshi, Tshisenda Exploité par la Sodimico en jv avec KGM Exploitation cuivre et cobalt
Kisenge, Musefu Kisenge-Manganèse en collaboration avec Cluff Mining Prospection et exploitation d'or

c. Sociétés de traitements
des rejets

Projet Entreprises En courss
GTL : traitement des terrils Lubumbashi GGF-OMG-GCM En fonctionnement
KMT : traitement des tailings Kolwezi CMD-GCM Attente nouveau code minier
Traitement des scories des mines de Kakanda et Kambove International Panorama Recources Corp.-GCM Projet en veilleuse (électrolyse)

d. Sociétés de traitemnt de l'hétérogénite

Traitement de l'hétérogénite Sociétés Remarques
Traitement de l'hétérogénite (notamment de Tilwizembe) Felco MAD-GCM Four électrique à Luilu : démarrage 2003
Traitement de l'hétérogénite : Papsi-Exaco-MKM Comin (Congo Minerals), lié au project MKM Hydrométallurgie (carbonate)
Traitement de l'hétérogenite Four appartenant à un indien Carbonnates : en fonctionnement

6.3.2. Acheteurs de minerais, traders de la Gécamines, comptoirs d'hétérogénite, sociétés d'expédition, transporteurs

­ Traders de la Gécamines : Speciality Metals, Marc Rich- Glencore;

­ Quelques acheteurs de minerais : Pong, Falconbridge, Laspesia (filière allemande);

­ Sociétés qui ont obtenu des autorisations d'exporter l'hétérogénite jusqu'au 31 mars 2003, date à laquelle des fours construits localement pourront concentrer et trtaiter l'hétérogénite produite au Congo : Somikat, Kemaf, TSM, Orka, Emak (vend pour leurs affiliés) : Nouco : organisant le marché;

­ Société d'expédition : Polytra (ensemblier de transport), Manika (sud-africains), Transintra;

­ Transporteurs : Wiels of Africa (Billy Rautenbach reste en contact), GDC (sud-africain ou Zimbabwéen).

6.3.3. Conclusions

Seules les sociétés belges de Forrest International et MAD ont investi en capital dans le secteur industriel minier de la Gécamines et leurs projets sont en activité (ou en voie de l'être pour MAD). Seule la mine de Luiswishi est exploitée en partenariat avec la Gécamines. Il est à mentionner que les activités ont été arrêtées depuis le 1er décembre 2002 d'une part, parce que le partenaire, OMG, disposant d'un stock trop important de concentrès cobaltifères, a décidé de suspendre son approvisionnement en provenance de Luiswishi et, d'autre part, pour effectuer des travaux de maintenance. L'usine STL du projet GTL est en activité. Les autres projets de partenariat sont à l'arrêt, suspendus ou en cours de négociations.

L'exploitation minière au Katanga se déplace progressivement de l'exploitation de la mine au traitement des rejets (tailings et terrils) et au développement de l'exploitation artisanale du minerai riche en cobalt, l'hétérogénite. En réalité, seule la mine de Lwiswishi était exploitée (jusqu'à la fin 2002), ainsi que les mines de Mukondo et de Kabamba Kola (projet KMC) (350A), le terril de Lubumbashi est exploité par la société GTL et l'exploitation artisanale et l'exportation d'hétérogénite constitue un marché en plein expansion.

Comme nous le verrons plus loin, en une vingtaine d'années, l'économie katangaise basée sur l'exploitation industrielle formelle s'est transformée en une économie informelle artisanale. Le Katanga, qui produisait et exportait des produits raffinés dans ses usines (du cuivre et du cobalt à 99 %) produit et exporte aujourd'hui des produits concentrés (de 6 à 8 % de cobalt), ou des alliages (351) à relativement faible teneur en cuivre et cobalt ou l'hétérogénite (à 6 % en moyenne de cobalt). Le secteur évolue vers une exploitation et une exportation de produits à moindre coût (352) mais aussi à plus faible valeur ajoutée créée sur place : le produit est transformé, concentré et raffiné à l'extérieur du Congo (353).

Le secteur artisanal prend le relais du secteur formel dont l'effondrement s'est accéléré dramatiquement au cours des dix dernières années. Une économie informelle, « souterraine » se développe et des activités de survie se mettent en place, créant une valeur ajoutée plus faible que ce que faisait ou produisait encore le secteur formel, mais celle-ci est répartie sur un plus grand nombre de personnes.

6.4. Évolution de l'implication et du positionnement des entreprises au cours de la guerre. Apparition de nouvelles entreprises au Katanga, reflet d'enjeux commerciaux nouveaux et positionnement

Comme nous l'avons vu dans la première partie de ce rapport, la situation économique continue de se détériorer lorsque le président Laurent-Désiré Kabila arrive au pouvoir. Cependant, certaines entreprises (majors et juniors) étaient séduites par les réserves importantes et espéraient investir sous le nouveau régime qui envisageait de grands projets. Mais les grandes entreprises (majors), telles que BHP et Anglo American se sont ensuite retirées principalement en raison suite aux indécisions du gouvernement, à la radicalisation du régime, et par ce que le nouveau régime ne leur offrait pas de sécurité juridique garantie (354).

L'exploitation minière nécessite des investissements importants et exigent un cadre formel et juridique qui leur assure la sécurité de leurs investissements réalisés à très long terme. Le contexte congolais n'offrait pas, jusqu'à présent, les conditions de sécurité des investissements et les conditions de marché du cuivre et du cobalt ne sont pas favorables actuellement pour des grandes entreprises, les « majors » [Anglo American, Broken Hill Propietary (BHP), OM Group et Umicore] (355).

Dès lors, seules les juniors (AMFI, Anvill Mining, First Quantum Minerals, Melkior Resources, Tenke Mining) (356) sont intéressées. Selon Gorus, ces sociétés cherchent à réaliser des opérations boursières fructueuses, soit, lorsqu'elles appartiennent à des à des entreprises plus grandes, elles sont utilisées pour se positionner dans une région minière riche : « Elles se servent de plus petites sociétés pour obtenir des conceessions et occuper le terrain » (357).

Ces sociétés cherchent à faire, à terme, une opération boursière.

Lors du changement de pouvoir en 1996-1997, des transactions ont été conclues au nom de l'État congolais parfois alors même que Kabila n'était pas encore arrivé à Kinshasa. « En 20 ans, jamais de tels investissements n'avaient eu lieu : des investissements coulés dans des préaccords, des concessions accordées à certaines entreprises. [...]. Toutefois, aucun de ces préaccords n'a débouché sur un contrat [...] un certain nombre de ces contractants étaient des « junior mining », c'est-à-dire des entreprises fonctionnant avec des capitaux à risque. Étant donné qu'elles n'investissent pas dans dans la région où se trouve leur concession, elles n'apportent pas de plus-value à l'économie locale. C'est en jouant en bourse à Vancouver ou à Toronto qu'elles tirent leur profit. [...] Tous ces contrats sont cependant encore pendants. On sait que bon nombre d'entreprises, « junior mining » et autres, ont acheté leurs droits à Kabila et peut-être aussi aux rebelles actuels. Ces documents n'auront de la valeur qu'à la fin du conflit, au moment où il deviendra réellement intéressant de pomper dans le sol de l'argent qui ne rapportera que dans 10 ou quinze ans » (358).

Certains risques ont été évoqués par rapport aux différents projets de traitement des scories ou des tailings : les risques techniques, le prix de revient forts différents d'un projet à l'autre semble-t-il dans un contexte où le prix de marché du cobalt tend à rester relativement bas à long terme, et les risques liés à la guerre et à l'insécurité politique et militaire. Le choix des projets s'oriente vers des projets à court terme pour générer des rendements rapides et obtenir des retours sur investissement rapides pour réduire ces risques au maximum. Les investisseurs exigent pour les projets de traitement des terrils des rendements sur fonds engagés de l'ordre de minimum 20 %, oscillant entre 30 et 50 %. La relance de l'économie katangaise pourrait néanmoins reposer sur de tels projets qui ont des effets multiplicateurs importants sur l'ensemble de l'économie et de la société (359).

6.5. Exploitation des terrils et tailings sur fond de vide juridique

En matière de traitement des rejets, l'ancien code minier n'offrait qu'un vide juridique (360), dans le sens où l'ancien code estimait que les rejets, comme les gisements appartiennent à l'Etat et sont incessibles (361). Seuls des droits d'extraction et d'exploitation de certaines matières (cuivre, cobalt, germanium, ...) des gisements (comme des rejets et des déchets) sont accordés par l'État, dans ce cas-ci à la Gécamines.

L'ancien code minier ne régissait pas leur exploitation, ni par la Gécamines elle-même ni par d'autres sociétés, et stipulait qu'ils étaient propriété de l'État. En effet, selon maître Mukendi, « En vertu du principe de la propriété étatique des mines, la Gécamines n'est pas propriétaire du gisement découvert qui demeure la propriété de l'État. La Gécamines n'acquiert que la propriété des substances minérales concédées qui revêtent un caractère de produits marchands, soit après leur extraction, soit après leur traitement, soit encore après leur transformation. »

Si la Gécamines peut obtenir des droits d'exploitation de ses propres rejets, par interprétation et extension à ses rejets du droit d'extraction de certaines matières qu'elle détient sur ses gisements, elle ne peut vendre ses rejets. Maître Emery Mukendi Wafwana, l'un des auteurs du nouveau code minier, en déduit que, sous l'ancien code minier, la commercialisation des scories (dans le cas de GTL) ou l'appropriation privée des rejets (ou de KMT) est illicite (362) ).

Face à ce vide juridique concernant l'exploitation, appropriation des rejets ou leur commercialisation, l'interprétation a donné lieu à différentes solutions adoptées selon les projets. En ce qui concerne le projet de traitement des scories du terril de Lubumbashi (GTL), le vide juridique n'apparaît pas comme tel. Le projet de traitement des scories devenait économiquement rentable à partir du moment où la technologie existait (STL), la Gécamines a signé un contrat de vente de sa scorie et le gouvernement donna son aval pour le projet. Les partenaires de la Gécamines ont un droit d'usage sur une partie du terril (un peu moins d'un tiers) (364).

En ce qui concerne le projet de traitement des tailings de Kolwezi, la Gécamines a proposé à plusieurs sociétés le traitement de ces tailings et c'est AMFI qui a obtenu, en 1997, une concession pour les retraiter (365).

Les sociétés intéressées par le projet (AMFI et Anglo American) ont demandé la propriété des tailings afin de sécuriser légalement leurs droits sur ces déchets de concentrateurs. Face au vide juridique relatif à l'appropriation privative des tailings, les sociétés impliquées dans le projet attendent la mise en application du nouveau code minier qui régit l'appropriation et le traitement des rejets miniers (366). En effet, celui-ci, en son article 86, régit l'exploitation des rejets.

En conclusion, l'on peut dire que le gouvernement a donné son accord à la Gécamines pour concéder des droits d'exploitation des rejets à des tiers, un cas de figure non régi par la loi. Par ailleurs, la Gécamines aurait déjà cédé et commercialisé des rejets à plusieurs reprises, et ceci n'aurait pas posé de problème juridique, malgré leur caractère apparemment illicite.

Ces cas illustrent une fois de plus le caractère parfois illicite ou même illégal de certaines décisions en matière minière qui ont été prises au Congo, sous la présidence de Mobutu encore, mais également sous le régime de Laurent-Désiré Kabila. En effet, une trentaine de contrats miniers ont été signés depuis 1996, dont certains lors de la transition politique avant même que Laurent-Désiré Kabila n'arrive au pouvoir, d'autres ont été signés par les mouvements rebelles. Ces contrats ne risquent-ils pas d'être opposables ? Les procédures suivies étaient-elles conformes ? Le prix d'acquisition correspondait-il à la valeur sur le marché actuel du gisement et des réserves ? Ces contrats, ratifiés après la prise de pouvoir par le président Laurent-Désiré Kabila, sont valables au plan juridique, mais pourraient être revus au plan politique. Ainsi la Banque Mondiale s'est récemment penchée sur chacun des contrats signés par la Gécamines afin de les évaluer.

6.6. Rôle de l'octroi de concessions et des « ponctions » du gouvernement dans le financement et la poursuite de la guerre (et des taxes sur l'hétérogénite pour le financement de certains services étatiques)

L'exportation d'hétérogénite offre à toutes les composantes de l'administration locale la possibilité de percevoir des revenus via l'imposition de taxes, d'amendes lors des transactions commerciales, lors du transport, et lors du passage de frontières. Ces réseaux dépendent de deux ministres qui contrôlent tout le système (367).

D'après cette remarque faite en audition publique, l'on pourrait établir un lien entre le financement de taxes sur l'hétérogénite et le financement de la guerre au Katanga (ou l'enrichissement personnel).

Cependant, la commission a peu enquêté sur ce marché en plein développement et aucune indication ne nous permet d'établir le lien direct entre le paiement des taxes et le financement de la guerre par le gouvernement de Kinshasa. Selon la littérature à ce sujet (rapport des Nations unies principalement), le gouvernement de Kinshasa finance le soutien militaire du Zimbabwe en contre-partie de concessions (dans le cas du Katanga, de Mbuji Mayi).

L'octroi de concessions semble avoir joué un rôle déterminant dans le financement de la guerre au Katanga. Ce mode de financement a été largement décrit dans les rapports du panel d'experts des Nations unies et concernent principalement les « pas de porte » sur les concessions accordées à certaines entreprises.

Certaines entreprises auraient joué un rôle mineur dans le financement de la logistique militaire ou du soutien militaire de l'AFDL (AMFI, voir référence GCF pour le financement de quelques véhicules, ...). Plus important est enfin le fait que certaines entreprises établies au Congo subissent régulièrement des « saignées » de la part du gouvernement ou se sentent obligées de verser des « enveloppes ». Nous n'avons toutefois pas de plus amples informations qui nous permettraient de vérifier les montants ni de déterminer dans quelle mesure ces moyens sont utilisés pour financer la guerre au Congo.

6.7. Contribution au pillage du Congo et à la spirale de récession économique

Pour rappeler la définition apportée par Marysse, le pillage concerne « la part de la valeur ajoutée qui sort du pays sans contre-prestation, sans être compensée par des importations équivalentes, en biens ou en monnaie ». Dans le cadre de cette partie, il est important de distinguer trois types d'activités au Katanga qui apportent au Congo une valeur ajoutée différente : les activités d'exploitation et de commercialisation de l'hétérogénite qui ne subit aucune transformation sur place pour la concentrer davantage encore, les activités de concentration ou de traitement sous forme d'alliages blancs, et enfin, les activités de production de métaux relativement purs. Ces activités se distinguent par la valeur ajoutée créée sur place, au Congo. Au plus le minerai a subi des transformations pour obtenir un métal pur, au plus la valeur ajoutée créée sur place est grande, au moins il est traité, au plus l'on peut considérer qu'il y a pillage d'une partie de la valeur ajoutée qui aurait pu être créée sur place en fonction des technologies existantes localement.

6.7.1. Exploitation et exportation de l'hétérogénite

Abordons d'abord les activités qui apportent peu de valeur ajoutée : il s'agit de l'exploitation et de la commercialisation de l'hétérogénite. La valeur ajouté de ce type d'activités est très faible, mais elle est redistribuée au sein d'un grand nombre de personnes qui exploitent artisanalement le minerais. Cette activité n'est pas porteuse de croissance économique : il s'agit d'activités de survie. Le marché de l'hétérogénite semble en pleine expansion. Pour une grande partie, le minerai est exporté sans traitement vers l'étranger, où il est partiellement concentré et traité. Dès lors qu'il existe des techniques sur place pour concentrer ce minerais et le traiter de manière à exporter un produit fortement concentré, un alliage, ou un métal pur à 99 %, l'on pourrait considérer qu'il y a pillage, car une partie de la valeur ajoutée que le secteur minier pourrait créer sur place est créée ailleurs et bénéficie à des opérateurs économiques étrangers (368).

Peut-on estimer l'étendue de ce marché ? Si l'on estime à 70 kilos la quantité moyenne d'hétérogénite exploitée par artisan par mois et en prenant le nombre de creuseurs avancé par Gorus lors de son audition publique, à savoir, 71 000 creuseurs, l'on arrive, à des quantités exportées s'élevant à 4 000 tonnes par mois, sans doute davantage, contenant 300 tonnes de métal à 6 dollars US/livre pour un chiffre d'affaire d'environ 4 millions de dollars US par mois environ. Cette valeur ajoutée est répartie de manière inégale au sein de la chaîne : les acheteurs et intermédiaires s'accaparent la majorité de la valeur ajoutée, le reste est redistribué au sein des creuseurs et transporteurs (369).

En effet, le creuseur serait payé pour l'hétérogénite au prix de 0,25 dollar US pour un kilo de cobalt contenu ... alors que le cobalt est vendu à 6 dollars US la livre sur le marché international.

Il s'agit d'une exploitation et d'un commerce illégal sur les gisements de la Gécamines mais autorisée par le gouverneur de la province du Katanga et les autorités de Kinshasa (370). Cette exportation d'hétérogénite est autorisée jusqu'à la fin du mois de mars 2003, date à partir de laquelle l'exportation d'hétérogénite sera interdite et celle-ci devra être concentrée et traitée sur place.

Cette décision gouvernementale, prise en novembre 2000, répond à un besoin social local : les travailleurs de la Gécamines ainsi que leurs familles ne sont plus payées depuis de nombreux mois. Libéraliser le marché de l'hétérogénite permet de fournir de faibles revenus à des milliers creuseurs. Cette décision va à l'encontre des intérêts de la Gécamines.

En effet, la Gécamines ne perçoit aucun revenu de cette exploitation sur ses propres gisements. Elle pourrait traiter l'hétérogénite, mais étant donné les problèmes de trésorerie, elle n'a pas les moyens de racheter ce minerais aux artisans. Les conséquences de ce type d'exploitation non réglementé sont de type environnementales et sanitaires. D'un point de vue minier, les artisans ne sont pas protégés et ce type d'exploitation écrème la couche supérieure des gisements, augmente les coûts de découverture future et réduit les bénéfices de l'exploitation des couches supérieures riches des gisements. Par ailleurs, de telles quantités de matières mises sur le marché ont un effet déstabilisateur pour celui-ci et contribuent à maintenir une tendance des prix mondiaux à la baisse (371).

La question pour un économiste est celle-ci : comment arrive-t-on à une situation où l'exportation du minerais est préférable économiquement à toute solution qui intègre une concentration ou un traitement supplémentaire ? Pour les opérateurs économiques, le développement de ces activités artisanales et le commerce de l'hétérogénite est plus rentable à court terme, moins risqué, moins coûteux dans le contexte actuel du Congo que toute autre activité qui exige un investissement (dont le coût comporte non seulement le coût de l'investissement dans l'outil de production, mais également le financement du coût du contexte congolais (backshish, financement des autorités de l'administration, « tracasseries », ...) (372).

Du côté de la population, le développement de ces activités de survie est un indicateur du degré de paupérisation et du niveau de récession économique auxquels elle est confrontée, de même que de l'absence d'alternatives en terme d'emplois et de moyens de survie. Par ailleurs, ce type d'exploitation serait actuellement réglementé de manière à obliger les commerçants à traiter et concentrer sur place l'hétérogénite. Face à ce type d'exploitation qualifiée de pillage minier, quelle responsabilité éthique et sociale portent les opérateurs économiques qui commercialisent l'hétérogénite exploitée illégalement sur les gisements de la Gécamines ? Certains gisements étant naturellement radio-actifs (Shinkolobwe), quels risques les creuseurs courent-ils pour leur santé (373) ?

Enfin, l'on constate que les activités d'exploitation minière, de commercialisation évoluent vers des activités qui créent peu de valeur ajoutée, ou des activités informelles artisanales (exploitation de l'hétérogénite), celles-ci ne sont pas suffisantes pour amorcer un développement économique. Ces activités sont porteuses de peu de croissance économique (même si une étude approfondie révélerait sans doute des petites capacités d'épargne et d'investissement que des statistiques plus agrégées ne montrent pas). Cependant, il serait possible d'améliorer l'investissement dans le secteur informel. Par ailleurs, si certaines entreprises transportent de l'hétérogénite vers la Zambie, il est difficile de concevoir que le Congo ne puisse offrir également ces possibilités de traitement supplémentaire (concentration ou transformation en usine métallurgique).

6.7.2. Exploitation de minerais et concentration ou traitement partiel

La Gécamines pourrait investir et remettre ses fours en état, des sociétés privées sont construit des fours électriques, seules ou en partenariat avec la Gécamines tels que Exaco, Felco, et d'autres.

Le secteur formel évolue vers la production et l'exportation de produits traités ou concentrés, mais non raffinés.

En effet, de façon générale, l'on peut dire que sur une trentaine de contrats de partenariats signés depuis 1996 avec la Gécamines, seuls quelques projets industriels fonctionnent réellement actuellement et un partenariat prévoit la construction d'un four permettant de concentrer l'hétérogénite démarera en mars 2003 (Felco). Ces projets comportent des investissements importants et qui produisent des alliages ou des concentrés créant une valeur ajoutée supérieure dans le pays (par rapport à l'exploitation et la commercialisation de minerais d'hétérogénite à faible teneur), mais inférieure aux potentialités qu'offrait le raffinage de ceux-ci dans les installations de la Gécamines.

Ces projets en cours créent un produit à valeur ajoutée relativement moins grande que le contrat ou les prévisions ne le prévoyaient. En effet, lors de la réalisation de certains projets, les choix d'investissements se sont parfois orientés davantage vers des solutions créatrices de moins de valeur ajoutée par rapport au projet initial, répondant à une logique de minimisation des coûts à court terme dans un contexte incertain et de forte baisse du cours du cobalt (374).

En effet, dans le cas du projet de traitement du terril de Lubumbashi, le projet initial comportait la construction de deux fours et d'un concentrateur et a évolué vers un projet comportant un seul grand four et pas de convertisseur (375).

Au fil des années, le coût du projet a augmenté et la décision de postposer la construction du convertisseur répondait à une logique de limiter temporairement l'investissement. Cette décision prise par les investisseurs, retardent dans le temps la création de bénéfices dont la Gécamines aurait pu jouir plus rapidement si le projet avait été réalisé conformément au projet initial et si les cours du cobalt avaient été plus élevés. Par ailleurs, des difficultés sont apparues liées au démarage délicat du grand four. Les risques et les coûts des arrêts du grand four auraient été réduits et partagés sur deux fours si cette option avait été réalisée. La production d'alliage par deux fours plutôt qu'un aurait pu assurer une production continue et plus régulière dans le temps. La suppression momentanée du convertisseur réduit le taux de concentration de l'alliage. L'alliage produit contient 18 % de cobalt (au lieu de 35 % prévus contractuellement) : les coûts de transport sont plus élevés que prévus. La capacité de production du four est également plus faible que prévue et n'atteint que 40 %. De ce fait, la rentabilité de ce four est moindre. La Gécamines se voit privée d'une partie des bénéfices escomptés.

Par ailleurs, en ce qui concerne les projets de Luiswishi et de GTL, ceux-ci comportent des prévisions d'extension des activités créatrices de produits plus à haute valeur ajoutée [le concentrateur supplémentaire pour STL, possibilité de raffinage dans les usines locales évoquée dans les contrats (en particulier pour Luiswishi), investissement dans une usine d'acide sulfurique capable d'alimenter l'usine métallurgique de Shituru ou une nouvelle usine pour le projet Luiswishi (376) ...]. Des projets sont en cours pour fabriquer localement des produits à plus haute valeur ajoutée (377). L'amélioration du contexte et des conditions économiques, la stabilisation politique et une augmentation du cours du cobalt sur les marchés internationaux représenteraient certainement des conditions à la mise en place et à la réalisation de ces projets, créateurs de valeur ajoutée pour le pays.

6.7.3. Usines métallurgiques

Seule la Gécamines produit encore des produits raffinés. Cependant, sa production a fortement diminué au cours des 15 dernières années. Les rendements de ses usines de Shituru et de Luilu sont relativement faibles par rapport aux nouvelles technologies et des investissements seraient nécessaires pour rénover l'outil. Comparativement, de nouvelles unités plus productives seraient à long terme plus rentables.

Les différents projets en cours actuellement intègrent la possibilité de raffinage des concentrés et des alliages dans les usines de la Gécamines, cependant, différentes difficultés poussent les opérateurs économiques et les partenaires à opter pour l'exportation d'un produit concentré ou d'un alliage. Il s'agit des problèmes d'approvisionnement en matières premières (acide sulfurique par exemple pour Shituru), de vols, de transport, ... Toute la discussion des conditions de redémarrage de la Gécamines, des investissements à réaliser et des conditions à une relance de la production de tels produits est actuellement en cours au niveau de la Banque Mondiale. Toute solution qui assurerait la création d'unité à haute valeur ajoutée serait positive pour le développement minier du Katanga et aurait des effets multiplicateurs sociaux et économiques sur l'ensemble de la province.

6.7.4. Création de valeur ajoutée, investissements productifs au Congo et répartition des bénéfices au sein des partenariats avec la Gécamines

Comme nous l'avons vu, sur 35 contrats de partenariat signés depuis 1996, seuls quelques projets fonctionnent dont le projet d'exploitation minière de Luiswishi et de concentration de minerais à la mine de Kipushi (actuellement momentanément à l'arrêt) et celui de GTL-STL d'extraction et de traitement en alliage de cobalt et de cuivre du terril de Lubumbashi. Ces partenariats créent une valeur ajoutée localement. Des investissements industriels sont réalisés ou en cours de réalisation. Des bénéfices sont générés.

a. Réinvestissement local d'une partie de la valeur ajoutée créée

Les bénéfices de ces projets sont, en partie du moins, réinvestis au Congo et des investissements futurs sont prévus dans des unités de production à plus forte valeur ajoutée comme, par exemple, les projets d'investissements nécessaires à l'exploitation de Luiswishi (32 millions supportés par le Groupe Forrest), une usine de fabrication d'acide sulfurique (à l'état de projet pour 14 millions de dollars US), projet de production de produits à haute valeur ajoutée (41 millions de dollars US) (378). D'après les quelques chiffres dont nous disposons, il semble bien qu'une partie au moins de la valeur ajoutée créée revient au Congo sous forme d'investissements industriels (379), mais les données dont nous disposons ne nous permettent pas d'évaluer pour les projets actuels la part de la valeur ajoutée qui sort du pays et qui ne rentre pas sous forme d'investissement ou autre. Cependant, il faut souligner qu'aucune information ne permet de déceler un lien entre la génération de ces profit et leur utilisation pour financer la guerre au Congo.

b. Répartition de la valeur ajoutée et des bénéfices entre les partenaires des projets et la Gécamines

Si l'on peut dire que la valeur ajoutée revenant au Congo et provenant des activités d'extraction, de traitement et d'exportation de minerais est de plus en plus faible dans le temps, le principal reproche adressé par la presse ou le rapport des Nations unies à certains opérateurs économiques au Katanga concerne principalement la répartition de cette valeur ajoutée entre opérateurs économiques associés (la Gécamines détient les droits miniers et les concède à un partenaire) et concerne aussi la gestion des actifs et des outils de la Gécamines entre les partenaires. Les critiques stigmatisent principalement le déséquilibre de la répartition de la valeur ajoutée entre partenaires, le plus souvent au détriment de la Gécamines et au bénéfice des investisseurs.

Des déséquilibres semblent trouver leur origine en partie dans le contrat lui-même : l'un ou l'autre partenaire se trouve contractuellement lésé ou en position de faiblesse. Il semblerait également que plusieurs contrats de partenariat soient plutôt favorables au partenaire et défavorables à la Gécamines, qui arbore une position de faiblesse (380).

Où et comment cela manifeste-t-il ? Les déséquilibres apparaissent principalement dans quatre secteurs : au sein de la répartition des parts et de la politique de partenariat, au niveau de la répartition des bénéfices et des coûts au sein des partenariats, au niveau de la surfacturation au détriment de la Gécamines et au bénéfice d'un partenaire et enfin, au niveau de la répartition et de l'utilisation des marges et des royalties revenant à la Gécamines.

a) Répartition contractuelle des parts et politique des partenariats

L'idée des partenariats était de faire financer des projets d'exploitation par des entrepreneurs extérieurs. Les partenaires apportent le financement, la Gécamines, le gisement et ses usines de traitement à façon (concentration) et transformation-raffinage moyennant paiements des frais. Les bénéfices sont répartis selon une convention contractuelle.

Étant donné les différentes formules de partenariats et les parts de la Gécamines dans les différents projets (qui détient, selon les cas, 50 %, 40 % ou encore 20 % des parts), la question posée à deux opérateurs économiques lors des auditions publiques concerne la manière dont les participations respectives aux bénéfices sont déterminées.

Selon Denis, celle-ci dépend des négociations et des conditions économiques. Pour un prix élevé du cobalt, les partenaires acceptaient que la Gécamines soit majoritaire (cas de Kasombo). Mais actuellement, le prix du cobalt ayant baissé, les taux de rentabilité sont donc plus faibles, elle est minoritaire avec 40 % des parts dans le cas du projet des tailings de Kolwezi (KMT) (381).

Dans le cas du projet GTL, la GCM a des parts pour 20 % : le projet aurait pu être réalisé sans elle puisque, selon Forrest, l'usine lui achète les scories (382).

b) Répartition des bénéfices et des coût : conflits entre partenaires

Il semblerait que les déséquilibres dans la répartition des coûts et des bénéfices surviennent surtout lors de la réalisation des projets et lors de l'exécution des contrats. Ainsi, des pratiques, difficilement vérifiables par une commission d'enquête et non vérifiées, ont été dénoncées vis-à-vis de certains partenariats.

Tout d'abord, en ce qui concerne le projet GTL, du germanium se retrouve en faible quantité dans l'alliage blanc cobaltifère produit par STL. OMG a mis au point un procédé d'extraction et de production du germanium. Celui-ci est donc valorisé par OMG, mais les contrats sont muets à propos du germanium (383).

Pour quelles raisons de tels contrats ne comportent pas une clause stipulant que des éléments valorisables ultérieurement doivent faire l'objet d'une négociation relative au partage des bénéfices ? Jusqu'à présent, la Gécamines ne perçoit pas les bénéfices de la vente du germanium. Y a-t-il pillage ?

En règle générale, un sous-produit est valorisable à partir du moment où le bénéfice retiré est supérieur à son coût d'extraction, sinon, il est considéré comme impûreté. Le terril contiendrait un total de 3 000 tonnes de germanium, (ce qui équivaut à 30 fois la production mondiale annuelle s'élevant à 100 tonnes environ) (384).

Mais GTL n'a un droit d'usage que sur un tiers du terril environ, soit 4,5 millions de tonnes dans lesquels la proportion de germanium serait de 500 tonnes. En effet, au sein du terril, le germanium est inégalement distribué car il provient principalement du traitement du minerai provenant de Kipushi. Ces 500 tonnes seront exploitées sur une durée de 20 ans d'exploitation du terril. Par ailleurs, ce germanium se retrouve dans les trois phases du traitement de la scorie : une partie se retrouve dans l'alliage, une autre, dans les rejets et enfin, une troisième, dans les oxydes de zinc (385).

Cinq tonnes de germanium pourraient être récupérées annuellement et cette quantité pour une valeur estimée de 5 millions de dollars US. Ce chiffre d'affaires rendait rentable l'investissement technique pour extraire le germanium de l'alliage et OMG a investi dans une unité qui extrait le germanium de l'alliage, devenant, de ce fait, producteur de germanium (386).

Pour quelles raisons le germanium n'a-t-il pas été mentionné dans le contrat entre OMG et la Gécamines alors qu'il s'agit d'un élément valorisé par OMG ? Une des raisons évoquées est d'ordre technique : le germanium se retrouve en partie dans les rejets, en partie dans l'alliage, dans les rejets, et associé aux oxydes de zinc, dans des proportions qui étaient inconnues au moment de la conclusion du contrat.

OMG a averti la Gécamines qu'il était techniquement possible de récupérer le germanium, mais cette dernière est restée muette (387). Pour quelles raisons ?

Néanmoins, deux propositions de répartition des bénéfices de la vente de germanium ont été soumises à la Gécamines et les pourparlers pour une répartition des bénéfices sont en cours (388).

c) Surfacturation au détriment de la Gécamines et au bénéfice d'un partenaire :

Les surfacturations concernent principalement les tarifs de découverture et les tarifs de transport. Cependant, faute d'étude approfondie des marchés locaux, il est difficle d'évaluer la valeur des propos. Comme le mentionnait le rapport d'Olivier Bomsel, les taux de découverture sont relativement élevés pour l'ensemble de la Gécamines. Les tarifs pratiqués semblent s'aligner entre les différents projets (Tenke Fungurume-Luiswishi) (389) et se justifient dans le but d'un retour sur investissements le plus rapide possible dans un contexte risqué et incertain. En ce qui concerne les coûts de transport, Velge, le transporteur Polytra qui effectue le transport pour GTL, justifie l'importance de ses coûts de transport qui recouvrent une série de frais (transport mais aussi : entreposage, chargement-déchargement, frais de transbordement, frais de douane, coûts des bureaux à Lubumbashi, en Zambie et à Anvers). Selon Velge, il n'existe pas de normes internationales, et le prix n'est pas fonction de la distance mais d'une négociation avec des représentants de GFI et d'OMG.

Y a-t-il surfacturation de coût à la Gécamines par certains partenaires ? Nos enquêtes n'ont pu le déterminer. Un audit de la Gécamines pourrait déterminer avec précision l'existence et l'ampleur de telles pratiques et l'étendue des préjudices pour la Gécamines. Comment les charges et les bénéfices sont-il effectivement répartis au sein de ces associations qui ne sont pas réellement des sociétés ? Quelles autres offres de transport le marché offre-t-il ? À quel prix ? Pour des conditions semblables ? Une étude demarché pourrait relever les différentes possibilité d'offres de transport, leurs conditions, et leur prix : sont-elles semblables dans le contexte congolais.

d) Répartition et utilisation des marges et des royalties revenant à la Gécamines dans le partenariat sur le gisement de Luiswishi

À quoi est affectée la valeur ajoutée du projet ? Selon certaines sources, la Gécamines serait privée de royalties et de marges sur le profit réalisé lui revenant (notamment dans le partenariat sur l'exploitation de Luiswishi). Selon le protocole d'accord signé au mois de juin 2001 lorsque Forrest assurait encore la présidence du conseil d'administration de la Gécamines, le gouvernement lui-même a décidé qu'une partie des marges bénéficiaires et des royalties (se montant à 20 % du chiffre d'affaires) serait totalement affectée à la voierie et à la reconstruction nationale, c'est-à-dire, au financement et à la réalisation de travaux publics (marché à Lubumbashi, marché à Kinshasa, construction du palais présidentiel à Lubumbashi), à valoir sur la fiscalité de la Gécamines, c'est-à-dire en déduction des impôts que lui doit la Gécamines.

Ce protocole d'accord stipule également l'acquisition par la société du statut de SPRL [avec des participations respectives de 51 % pour EGMF et de 49 % pour la GCM et l'État congolais (390)], la cession du gisement par la Gécamines à la nouvelle société ainsi que la mise à disposition du cascade-mill de Kipushi.

EGMF s'engage quant à lui à financer l'étude de faisabilité, de financer un nouveau concentrateur, et de financer, construire et équiper les usines de traitement métallurgique et le concentrateur (391).

La Gécamines est-elle lésée ? Selon certaines sources, cette décision gouvernementale priverait la Gécamines d'une partie du chiffre d'affaires, un montant relativement important dont elle aurait besoin pour fonctionner (montants difficilement évaluables selon nos moyens d'enquête). Peut-on, parler de pillage ? Les bénéfices du projet sont partiellement au moins ou totalement peut-être réinvestis au Congo sous forme de travaux publics (marché à Kinshasa, ...), et EGMF s'engage à financer d'autres investissements dans le projet (392).

Si, au plan macro-économique, l'effet global d'une telle décision devrait être identique à un prélèvement d'impôts réaffectés à des travaux publics décidés par le gouvernement, la méthode utilisée par le gouvernement reste surprenante pour un observateur extérieur même si ce cas reflète un certain mode de gestion budgétaire de l'État. En outre, certaines questions restent posées concernant les procédures relatives à l'attribution des marchés, au contrôle, au suivi et au financement des travaux. Dans quelle mesure cette décision gouvernementale est-elle préjudiciable pour la Gécamines ? Elle est privée d'un de ses outils de production, le cascade-mill. Seule une étude financière approfonde pourrait le déterminer le préjudice.

e) Révision des contrats ou des accords de partenariat au profit de l'un des partenaires :

Y a-t-il eu confusion d'intérêts par Rautenbach et Forrest lorsqu'ils étaient en même temps à la tête de la Gécamines et partenaires actifs de la Gécamines. Y a-t-il eu des changements contractuels ou dans les partenariats au profit des partenaires lors de leur présidence (393) ?

Dans le cas des projets où sont impliquées les entreprises de George Forrest, les contrats ont été signés antérieurement à sa présidence. Cependant, ce contrat a été remanié sur plusieurs points tels que l'affectation des bénéfices et des royalties, l'utilisation du cascade mill de Kipushi, etc. (394).

Ces décisions du gouvernement pourraient priver la Gécamines de certaines marges (mais une étude approfondie devrait être menée pour évaluer le poids de cette mesure pour la Gécamines) et a privé la Gécamines d'un outil de production durant plusieurs mois.

En conclusion, les pratiques mentionnées ci-dessus reflète une Gécamines qui n'a pas les moyens d'exercer un contrôle sur sa propre gestion. Au cours des nombreux entretiens privés, ont été signalés des vols de matières, des sous-évaluation de volumes extraits, des surévaluation de volumes produits dans les usines qui ne correspondent pas aux volumes de minerais entrés, des surévaluations d'heures prestées, surévaluation systématique des approvisionnements (matériel et autres) etc. qui montrent à quel point la Gécamines manque d'organe indépendant capable d'exercer le contrôle.

De telles pratiques rongent la Gécamines depuis près de vingt ans; cependant, si, il y a vingt ans, l'entreprise était capable d'absorber les ponctions et les effets de telles pratiques, aujourd'hui,elle ne l'est plus avec une production qui équivaut à 5 % de celle de la fin des années 1980 et avec des taux de cuivre et de cobalt aussi bas.

6.7.5. Activités qui entraînent une récession économique

Comme cela vient d'être signalé, les causes de l'effondrement de la Gécamines remontent aux années 1980 et concernent fondamentalement le mode de gestion de celle-ci. Les difficultés rencontrées au sein des partenariats se greffent sur une situation d'entreprise qui se dégrade aux plans industriel et financier depuis de nombreuses années. En d'autres termes, le pillage (395) de l'entreprise parastatale ne coïncide pas avec l'arrivée au pouvoir du président Kabila, mais remonte à l'époque du président Mobutu.

Si ce pillage se perpétue actuellement encore, la Gécamines actuelle en hérite certainement aussi des conséquences dans un contexte général de criminalisation de l'État et de l'économie congolaise.

L'exécution des contrats de partenariat indique clairement que les opérateurs, seuls investisseurs au Katanga, agissent à court terme, de manière à promouvoir leurs intérêts au détriment parfois de la Gécamines, de leurs partenaires, ou d'autres utilisateurs des structures de la Gécamines (en détournant ou monopolisant les outils de production à leur bénéfice).

La logique privative et les intérêts privés poursuivis par les partenaires s'accordent difficilement avec la gestion collective des outils de traitement et de production de la Gécamines, engendrant de nombreux conflits. Ceci amène certains observateurs à penser la survie de la Gécamines en terme de privatisation et d'intégration du processus d'extraction et de production (396), d'autres en terme de privatisation de sa gestion. Les propositions doivent incorporer nécessairement la question de la dette de la Gécamines évaluée à un milliard et demi de dollars.

Les projets qui ont été menés au cours des dix dernières années n'ont pas permis d'insuffler un redémarrage de la Gécamines et du Katanga. Ont-ils contribué à une récession plus grande encore de la situation économique de cette province ? Aucun élément ne permet de conclure à cette hypothèse, car nous ne disposons pas de suffisamment de données pour évaluer d'une part l'impact économique positif des projets menés ni, d'autre part, le poids économique des dysfonctionnements au sein de la Gécamines et le coût des conflits au sein de ses différents et multiples partenariats.

Cependant, la multiplication de petits projets menés à court terme, ou encore la relance d'un très grand projet comme celui de Tenke Fungurume pourraient être une solution à l'essor économique et social du Katanga à condition d'offrir aux opérateurs économiques un cadre garantissant les conditions de sécurité des investissements. Or, celui-ci fait cruellement défaut au Congo, et c'est la raison première pour laquelle les grands opérateurs économiques, présents actuellement au Katanga retardent la mise en route de leur projet ou quittent le Congo.

6.8. Filières criminelles dans l'exploitation et la commercialisation des gisements et rejets de la GCM (sur base du rapport des Nations unies)

Le rapport des Nations unies accuse le réseau d'élites congolais et zimbabwéen à garder la main-mise sur les ressources naturelles (cobalt, diamant, cuivre et germanium) et reproche à ce réseau d'avoir acquis des actifs de très haute valeur : 5 milliards de dollars) sans verser de contrepartie au Trésor public de la RDC (397).

Le réseau d'élites compte un certain nombre de fonctionnaires zimbabwéens et congolais mais aussi des hommes d'affaire. En ce qui concerne le Katanga, des fonctionnaires ont joué un rôle important dans la conclusion de contrats d'exploitation de cobalt et de cuivre de la société Trémalt (Bredenkamp) (398).

En ce qui concerne les hommes d'affaires, Forrest est accusé d'une part, d'avoir utilisé ses liens établis de longue date avec les autorités locales pour son ascension dans le secteur, d'avoir utilisé sa position à la tête de la présidence du conseil d'administration de la Gécamines pour négocier de nouveaux contrats « manifestement dans l'intention d'utiliser les avoirs de la Gécamines pour son profit personnel » et d'avoir, durant cette période constitué le portefeuille minier le plus diversifié au Congo. Enfin, le panel signale qu'il bénéficie « du ferme soutien de certains milieux politiques en Belgique » (399).

Sur base des données dont dispose la commission, ces accusations ne peuvent pas être prouvées. Comme nous l'avons signalé plus haut, aucun nouveau contrat n'a été signé au cours de sa présidence, bien que le contrat relatif à l'exploitation de Luiswishi ait été remanié par un protocole d'accord.

Le rapport des experts dénonce également les pratiques criminelles de Bredenkamp et de Rautenbach directement liées au financement de la guerre en RDC, ainsi que d'autres sociétés telles que Exaco.

Le panel décrit les pratiques criminelles du réseau d'élite qui est actif dans le secteur minier des zones contrôlées par le Congo et notamment les cinq stratégies pour se procurer des revenus par le biais des sociétés minières et par la coordination des opérations des branches politiques, militaires et commerciale à savoir : la spoliation des sociétés minières publiques, le contrôle des marchés et de la comptabilité, les vols organisés, les sociétés écrans et les recettes tirées des activités minières et l'armée.

Le Groupe George Forrest (GGF) est principalement accusé de contrôler les marchés pour maximiser des profits, dans le cadre du projet GTL avec OMG et la Gécamines, et d'écarter certains concurrents ou investisseurs potentiels au Katanga, etc. Il est clair que les projets dans lesquels participe le Groupe GF sont les seuls partenariats où d'importants investissements industriels ont été financés et fonctionnent actuellement au Katanga.

La majorité des autres projets de partenariat sont en attente. Forrest jouit indéniablement d'un avantage comparatif par rapport à des nouveaux investisseurs étrangers en ce qui concerne son réseau local de relations sans lequel toute activité est rendue difficile voire impossible au Congo. Dans le contexte actuel du Congo décrit au premier chapitre, les relations entretenues avec les réseaux d'élites politiques et commerciales sont un atout sinon une nécessité pour poursuivre des activités économiques dans ce pays et permettent de réduire une part de l'insécurité liée aux investissements.

Par contre, ne pas bénéficier de ce capital social représente certainement un handicap pour des nouveaux investisseurs. Nos sources ne permettent pas d'affirmer que la position du Groupe George Forrest ­ qui se retrouve quasi seul opérateur économique au sein des partenariats de la GCM et dont les projets sont en activité ­ jouent ou ont joué en défaveur d'autres investisseurs étrangers potentiels. Par ailleurs, des analyses complémentaires comparant les prix de revient de production du cobalt de chacun des projets déposés ou en cours, permettrait d'évaluer dans quelle mesure les différents projets producteurs de cobalt pourraient être concurrents dans un pays qui dispose de réserves telles qu'il pourrait noyer le marché du cobalt s'il produisait à un coût de revient comparativement plus faible qu'ailleurs dans le monde.

Une telle analyse permettrait de situer les différents projets les uns par rapport aux autres sur le marché du cobalt et du cuivre et de déterminer le degré de fragilité de certains d'entre eux si la production du Katanga augmentait et provoquait une baisse supplémentaire des prix du cuivre, du cobalt et d'autres minerais.

Enfin, le rapport des Nations unies tend à mettre sur le même pied d'accusations différentes personnes et différentes sociétés établies au Katanga. Cependant, en ce qui concerne le Groupe George Forrest, nous n'avons pas d'indice des liens entre ses activités et le financement de la guerre au Congo et/ou la poursuite du conflit.

6.9. Considérations éthiques

Les entreprises oeuvrant au Katanga portent une part de responsabilité éthique et sociale dans les dysfonctionnements actuels et les difficultés rencontrées au sein des partenariats actuel de la Gécamines, dont les causes fondamentales de l'effondrement remontent à un mode de gestion adopté au cours des années 1980 qui se perpétue aujourd'hui encore. La Gécamines n'est pas réellement considéré comme « partenaire » et ne dispose pas des moyens pour assurer sa position dans la négociation et l'exécution des contrats.

Le partenariat représente la possibilité pour une entreprise étrangère de s'associer avec la Gécamines, détentrice des droits miniers sur ses gisements pour exploiter des gisements, sans supporter son passif (dettes se montant à 1,5 milliards de dollars US) tout en lui accordant une part des bénéfices (variant de 60 % dans le cas de Ridgepoint à 20 % dans le cas de GTL). La Gécamines ne disposant pas de pouvoir de contrôle et de faire-valoir ses droits lors de l'exécution des contrats, et étant donnés certains problèmes que révèlent les contrats, le partenaire se retrouve libre d'user des faiblesses qui lui sont offertes.

Un code de conduite pourrait-il empêcher des abus que cette situation offre ? Y a-t-il des partenariats et projets meilleurs en termes d'équité que d'autres pour les partenaires ? N'y a-t-il pas des procédures qui garantissent un meilleur équilibre entre les partenaires ?

Les opérateurs économiques sont-ils responsables éthiquement de choix qui leur paraissent plus favorables économiquement, mais qui, en termes de valeur ajoutée créée, se révèlent défavorables pour le pays ? ou qui privent le pays ou, dans ce cas-ci, la Gécamines d'une part de la valeur ajoutée qu'elle aurait pu obtenir en poursuivant le traitement du minerais ou des concentrés dans ses propres installations plutôt que de les envoyer directement à l'étranger ? Y a-t-il, au Katanga, un éventail de possibilités économiques semblables offrant des choix éthiquement différents ? Y a-t-il une véritable alternative entre le choix d'exporter et celui de concentrer et raffiner sur place ?

Si le choix est techniquement possible, il ressort des différents entretiens qu'il ne l'est pas économiquement ou il ne représente pas un avantage évident pour les opérateurs économiques (étant donné les problèmes structurels de la GCM tels que la gestion des concentrés venant des différentes exploitations, le partage des concentrateurs, la répartition des tâches et la gestion des concentrés dans les usines de traitement de la GCM, etc.). Les opérateurs économiques optent pour un traitement à l'étranger (OMG, Umicore ...), car celui-ci est plus sûr et économiquement plus rentable pour eux, mais défavorable au pays.

Existe-t-il une éthique régissant le choix de projets à assurer par des organismes d'assurance, à promouvoir par le Commerce extérieur ou même à financer par les Banques, notamment par rapport à la valeur ajoutée qu'ils apportent au pays, à leur mise en oeuvre, à leurs coût de fonctionnement et à leur rentabilité comparative à d'autres ?

Enfin, par rapport à certains grands projets dont la rentabilité peut être mise en doute ou par rapport à certaines pratiques de gestion au sein de grandes entreprises paraétatiques, quelle responsabilité éthique la Belgique porte-t-elle ?

De Villers, Willame et d'autres auteurs dénoncent depuis longtemps ces pratiques et ce type de projets mis en place au cours des 30 dernières années au Congo et l'attitude passive des pays occidentaux et des organisation internationales : quelle solutions et recommandations proposer pour enrayer ces pratiques qui donnent lieu à une criminalisation de l'économie et de l'État ?

6.10. Conséquences sociales de la récession économique du Katanga

La situation de la Gécamines a des conséquences sociales dramatiques pour les 25 000 travailleurs de la Gécamines et les familles. Le niveau de vie est en baisse depuis une vingtaine d'années (400). Les conditions de travail des creuseurs sont dramatiques. L'exploitation de certains gisements radio-actifs n'est pas contrôlée, ni règlementée alors qu'elle est dangereuse pour les creuseurs, soumis à des taux de radio-activité supérieur au seuil toléré.

La population n'a que peu de choix : entre un secteur formel qui s'est réduit fortement et n'assurant plus des emplois rémunérés (à l'exception de quelques entreprises), la population ne doit sa survie qu'aux revenus de l'exploitation artisanale, faiblement rémunérée.

6.11. Conclusions

L'économie du Katanga repose sur l'exploitation atisanale de l'hétérogénite et sur un secteur formel dont les activités ont été fortement réduites et sont créatrices de relativement moins de valeur ajoutée, à l'exception de certains projets.

L'évolution générale de la GCM et celle, politique, des partenariats doivent être analysées dans leur contexte historique. La Gécamines n'hérite pas d'une situation née de la guerre, mais des effets d'un mode de gestion et de pratiques de pillage remontant à l'époque du président Mobutu. Les partenariats se greffent sur une entreprise qui produit 5 % de ce qu'elle produisait à la fin des années 1980.

La structure de la Gécamines ne dispose pas ni du pouvoir de négocier ses partenariats, ni de contrôler l'exécution de ceux-ci, ni de résoudre efficacement les conflits qu'ils sucitent. En ce qui concerne les entreprises belges, les pratiques liées aux partenariats relèvent davantage d'un système mis en place dans les années 1980 que d'un pillage systématique des ressources naturelles mis en place pour financer la guerre.

Cependant, ces conflits et ces pratiques posent les questions de responsabilité éthique au sein des partenariats vis-à-vis d'une entreprise d'État qui a peu de pouvoir au sein de ses associations. Par ailleurs, d'autres enquêtes plus approfondies devraient déterminer dans quelle mesure certaines pratiques ont été préjudiciables pour la Gécamines et déterminer précisément les responsabilités.

Enfin, la question reste posée de savoir dans quelle mesure et jusqu'où certaines entreprises ont été sollicitées ou participent au financement de la guerre en payant des taxes, en acceptant d'être « ponctionnées », en versant des « enveloppes » au gouvernement de Kinshasa ? Ces sociétés semblent jouer un rôle plutôt passif par rapport à d'autres qui ont obtenu des concessions en finançant des « pas de porte » au moment du changement politique.

Recommander le soutien des entreprises du secteur formel et le financement des projets créateurs de haute valeur ajoutée au Katanga représente une alternative au scénario catastrophe évoqué par Denis, Bomsel, ou encore Leclerq, c'est-à-dire celui d'une économie souterraine dominée par les activités artisanales de survie sur des gisements écrémés.

7. FILIÈRE ARMES

7.1. Contexte

Faire une analyse raisonnée des mécanismes de l'assistance militaire et de l'approvisionnement des acteurs armés dans la République démocratique du Congo n'est pas chose simple. La recherche est entravée avant tout par le manque d'informations objectives. Les données disponibles ne constituent qu'un reflet partiel de la réalité et, en outre, elles paraissent bien souvent avoir été manipulées par l'une des parties concernées dans le conflit, ce dans l'intention de susciter une perception incorrecte de la concurrence.

Le présent chapitre ne se veut donc aucunement exhaustif sur le plan des éléments de fait. Il tentera cependant de donner en des termes généraux un aperçu des mesures restrictives en vigueur dans le domaine de l'exportation d'armes vers la région de l'Afrique Centrale, des aspects logistiques d'un transfert d'armes, des différents types d'assistance militaire, des sources d'approvisionnement et de la composition des réseaux qui interviennent dans l'approvisionnement et l'assistance militaires. Il consacrera en outre une attention spéciale au rôle de la Belgique et des acteurs belges et il s'étendra également sur un nombre de lacunes dans les législations actuelles, belge et internationale, en la matière. L'analyse décrite sert de base à la formulation d'une série de recommandations au gouvernement belge.

La présente étude fait appel à des sources tant primaires que secondaires. Parmi les sources primaires il y a les auditions ainsi que les médias belges et étrangers. Les sources secondaires principales sont les rapports des Nations unies sur le pillage des matières premières au Congo et les rapports du UN Monitoring Mechanism pour les sanctions contre l'UNITA, les rapports d'enquête des centres de recherche belges GRIP et IPIS, les banques de données du SIPRI et le Registre d'armes conventionnelles des Nations unies (401).

La présente analyse se base sur des définitions du groupe d'experts des Nations unies pour les armes de petit calibre. Le groupe définit les armes de petit calibre comme étant les armes fabriquées selon des spécifications militaires et destinées à être utilisées par une seule personne.

Dans la catégorie des « armes de petit calibre » entrent les revolvers et pistolets à chargement automatique; fusils et carabines; mitraillettes; fusils d'assaut; fusils-mitrailleuses. Contrairement aux armes de petit calibre, les armes légères sont utilisées par plusieurs personnes travaillant en équipe.

Le terme « armes légères » porte sur les mitrailleuses lourdes; lance-grenades à fusil et sur affût; mitrailleuses portables anti-aériennes; mitrailleuses portables antichars; fusils sans recul; lanceurs portables de missiles et de systèmes de roquettes antichars; lanceurs portables de missiles antiaériens; mortiers de moins de 100 mm.

Les Nations unies comptent également parmi les armes légères et de petit calibre les munitions et explosifs. Il s'agit ici des cartouches pour armes de petit calibre; obus et missiles pour armes légères; conteneurs mobiles de missiles ou obus pour systèmes antichars ou antiaériens à action unique; grenades portables antipersonnelles ou antichars; mines terrestres et explosifs (402).

Le Registre des armes classiques des Nations unies distingue sept catégories d'armes classiques, à savoir, chars de bataille, véhicules blindés de combat, systèmes d'artillerie de gros calibre, avions de combat, hélicoptères d'attaque, navires de guerre, missiles et lanceurs de missiles (403).

Notre définition du « trafic illicite d'armes » est fondée sur le paragraphe 7 des Directives pour les transferts internationaux d'armes de la Commission du désarmement des Nations unies, qui définit le « trafic illicite d'armes » comme étant « tout commerce international d'armes classiques qui est contraire à la législation des États et/ou au droit international ».

Dans le présent chapitre, un « courtier d'armes » sera défini comme une personne morale ou privée qui intervient en tant qu'intermédiaire entre un exportateur d'armes et un preneur d'armes, sans pour autant prendre possession des marchandises comme le ferait un marchand d'armes. Le courtier reçoit une commission, payée en règle générale par les deux parties à une transaction (404).

7.2. Aperçu de l'assistance militaire aux parties combattantes dans la République démocratique du Congo

7.2.1. Mesures restrictives à l'égard de l'exportation d'armes vers l'Afrique centrale

Pour évaluer la légalité de transferts d'armes vers l'Afrique Centrale, il faut se fonder sur les mesures restrictives qui étaient en vigueur sur le plan international au moment du transfert. Il apparaîtra de l'aperçu ci-dessous que des embargos impérieux n'ont été édictés que contre une petite partie des acteurs impliqués dans le conflit congolais. Doivent être considérés comme illicites tous les transferts d'armes lors desquels de tels embargos impérieux ou des éléments de ceux-ci ont été foulés aux pieds. Les acteurs ou groupes d'acteurs qui étaient impliqués dans de tels transferts font partie, selon notre proposition déjà proposée ci-dessus d'une filière criminelle. Dans le cas d'une infraction à une « soft law », c'est-à-dire des mesures qui ne peuvent être imposées par la voie légale par les gouvernements nationaux, nous n'utiliserons pas le terme « filière criminelle ».

La République démocratique du Congo est soumise depuis le 7 avril 1993 à un embargo impérieux sur les armes décrété par l'Union européenne. L'embargo résultait de la décision du gouvernement zaïrois de l'époque de nommer Faustin Birindwa en qualité de premier ministre. L'opinion du Haut Conseil de la République n'avait pas été prise en considération et la nomination de Birindwa ne s'inscrivait donc pas dans le processus de transition, tel qu'il avait été défini par la Conférence nationale souveraine. Outre la nomination de Birindwa, la « loi de transition harmonisée », adoptée en 1993, offusquait l'UE. Les États membres étaient d'avis que cette loi n'était pas conforme aux conditions périphériques de la transition vers la démocratie au Zaïre (405).

En vertu du paragraphe 19 de la résolution 864 des Nations unies, le Conseil de Sécurité lança le 15 septembre 1993 un appel à un embargo provisoire sur les armes contre le mouvement rebelle angolais Unita. Il fut stipulé que tous les États des Nations unies devaient empêcher que leurs sujets ne se trouvent impliqués dans l'approvisionnement de l'Unita en pétrole ou en produits du pétrole ou dans la fourniture d'armes et de tout matériel apparenté, véhicules et équipements militaires et pièces détachées de ceux-ci. Il convenait également d'éviter que le territoire, les bateaux sous drapeau des États membres des Nations unies et/ou les avions enregistrès dans ces États membres ne soient utilisés en vue de la fourniture des produits susvisés (406). Le 10 décembre 2002, il fut décidé de lever les sanctions économiques et financières subsistantes contre l'Unita. Cela signifie, concrètement, que l'interdiction de voyager dans le chef de représentants de l'Unita et l'interdiction de vendre des diamants Unita fut mise à néant, que les restrictions imposées à la vente de tous les produits oléagineux angolais furent supprimées et que les comptes en banque de l'Unita furent « dégelés » (407).

Le 17 mai 1994, peu après le début du génocide au Rwanda, le Conseil de Sécurité des Nations unies a décrété un embargo général sur les armes contre le Rwanda. Par le paragraphe 7 de la résolution 1011, votée entre temps le 16 août 1995, il fut cependant décidé que les restrictions de l'embargo décrété en 1994 ne seraient plus applicables aux fournitures d'armes au gouvernement rwandais, même si le texte ajoutait que les fournitures de matériel militaire devaient avoir lieu en passant par les entry points fixées par les Nations unies. Jusqu'à maintenant, un embargo sur les armes reste effectivement en vigueur pour les fournitures à l'ancienne armée gouvernementale rwandaise (dite ex-FAR) et à tous les acteurs non étatiques au Rwanda (408).

Enfin, en juin 1998 le Conseil de l'Union européenne approuva le Code de conduite pour les exportations d'armes. Le code est relatif à l'exportation de marchandises militaires (y compris les armes légères) et de dual-use goods, c'est-à-dire des marchandises qui ont une application tant civile que militaire. Il importe d'observer qu'il n'a aucun caractère obligatoire et qu'il relève toujours de la compétence des États membres respectifs d'y rattacher leur propre réglementation sur le plan national. Les observateurs sont unanimes pour considérer que l'adoption du Code de conduite a constitué un premier pas important vers l'harmonisation des réglementations et de la politique des quinze États membres européens en matière d'exportations d'armes. Bien que, théoriquement, toute demande d'exportation de marchandises militaires doive être examinée à la lumière de 8 critères, il convient d'observer que, dans la pratique, ces critères n'ont pas tous le même poids. En règle générale, une licence d'exportation n'est pas accordée lorsqu'il existe un risque manifeste que les marchandises exportées ne soient utilisées en vue de la répression interne et/ou lorsqu'elles pourraient être utilisées afin de s'emparer par la force du territoire d'autrui (409).

De l'aperçu qui précède il convient de conclure que seuls certains transferts d'armes vers la République démocratique du Congo, l'Unita et le Rwanda peuvent être qualifiés d'illégitimes, à savoir a) toutes les fournitures d'armes des pays de l'UE à la RDC pendant la période après le 7 avril 1993, b) toutes les fournitures d'armes d'États membres des Nations unies au mouvement rebelle angolais Unita au cours de la période suivant let 15 septembre 1993, c) toutes les fournitures d'armes d'États membres des Nations unies au Rwanda (y compris le gouvernement rwandais) par des États membres des NU au cours de la période entre le 17 mai 1994 et le 16 août 1995, et d) toutes les fournitures d'armes d'États membres des NU à l'ancienne armée gouvernementale rwandaise (ex-FAR) et à des acteurs non étatiques au Rwanda pendant la période suivant le 17 mai 1994.

7.2.2. Description de l'assistance militaire aux parties combattantes en Afrique Centrale

À l'instar de la présentation faite par Georges Berghezan au cours de l'audition du 5 juillet 2002, l'aperçu suivant analysera d'abord l'assistance militaire accordée aux membres de l'alliance gouvernementale et ensuite aux mouvements rebelles. Il sera fait une distinction entre quatre types d'aide militaire, à savoir (a) la fourniture d'armes de petit calibre et d'armes légères et classiques, (b) l'organisation de programmes de formation militaire (410), (c) soutien militaire par le truchement de Private Military Companies et (d) la conclusion d'accords pour la production d'armes sous licence (411).

Tendances générales

Le panel des Nations unies a montré que des liens existaient entre le commerce des matières premières et l'aide militaire aux parties concernées dans le conflit dans la République démocratique du Congo. Cette tendance est visible, non seulement du côté des mouvements rebelles, mais aussi du côté de l'alliance gouvernementale (412).

Les mouvements rebelles dépendent essentiellement, pour leur approvisionnement militaire, de leurs alliés régionaux, les armées nationales du Rwanda et de l'Ouganda. On peut affirmer la même chose pour le régime de Kinshasa, qui dépend tout autant pour l'assistance militaire des autres membres de l'alliance gouvernementale.

Les grands fournisseurs sont généralement motivés par des considérations d'ordre purement commercial, dans lesquelles interviennent quelquefois des obligations de loyauté vis-à-vis d'alliés de la période de la guerre froide.

À la suite de la prolifération des armes au cours de la Guerre froide, beaucoup de pays de l'ancien Bloc de l'Est possèdent une industrie de l'armement endogène fort développée et disposent de réserves considérables d'armes « résiduelles ». Étant donné que les parties combattantes dans la République démocratique du Congo disposent de peu de moyens financiers et tentent dès lors d'obtenir des armes de la manière la moins coûteuse possible, elles frappent souvent à la porte de fournisseurs d'armes d'Europe de l'Est.

Bien des transferts d'armes vers les parties combattantes dans la République démocratique du Congo sont parfaitement légaux au point de vue du droit international. L'on n'a pu constater qu'un nombre d'infractions à l'embargo européen sur les armes à l'égard de la RDC et au Code de conduite européen pour les exportations d'armes. Il peut en être conclu que les rôle des fabricants d'armes européens dans la fournitures d'armes de petits calibre et d'armes légères et classiques est relativement restreint.

Pour tous les pays impliqués dans le conflit au Congo, il existe des conditions strictes imposées par le FMI, la Banque mondiale et les pays donateurs en matière de discipline budgétaire, notamment en matière de dépenses pour la défense. C'est l'un des motifs pour lesquels la plupart des contrats d'armes avec les pays impliqués dans le conflit se situent dans une zone grise où les pays exportateurs d'armes et les fabricants se font représenter par des particuliers, tandis que la plupart des fournitures ont lieu au moyen de bateaux ou d'avions de transport affrétés auprès de compagnies d'aviations privées.

TABLEAU 1 : Dépenses militaires et importations d'armes par les pays impliqués dans le conflit dans la République démocratique du Congo (413)

1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000
Angola A 1 128 1 214 656 2 322 1 591 2 474 1 860 732 2 418 ...
A' 1 788 1 709 2 147 ... 1 221 ... ... ... ... ...
B 6,8 12,0 12,5 19,8 17,6 19,5 22,3 11,4 23,5 ...
C ... ... 81 96 1 10 3 183 134 253
D 57 44 302 767 124 92 80 ... ... ...
E ... ... ... ... ... ... ... ... 113 000 ...
Burundi A 49,4 50,8 50,3 52,6 43,8 50,8 53,0 52,0 61,6 ...
A' ... ... ... ... ... ... ... ... ... ...
B 3,8 3,6 3,7 3,9 4,2 5,7 6,3 5,9 6,1 ...
C ... ... ... ... ... ... ... ... ... ...
D 11 0 5 11 0 5 20 ... ... ...
E ... ... ... ... ... ... ... ... 40 000 ...
RDC A ... ... ... ... ... ... ... ... ... ...
A' 43 ... ... ... ... ... ... ... ... ...
B ... ... ... ... ... ... ... ... ... ...
C ... ... ... ... ... 46 18 ... 72 108
D 34 0 11 0 0 31 20 ... ... ...
E ... ... ... ... ... ... ... ... 56 000 ...
Oeganda/Ouganda A 92,2 70,7 84,5 79,7 80,4 99,7 115,0 146,0 154,0 137,0
A' 91 73 71 ... 191 202 ... ... ... ...
B 2,2 1,5 1,8 1,6 1,5 1,8 1,9 2,1 2,1 ...
C ... ... ... ... ... ... ... 45 31 ...
D 23 11 0 0 10 41 30 ... ... ...
E ... ... ... ... ... ... ... ... 40 000 ...
Rwanda A 132,0 108,0 105,0 28,4 60,1 86,1 79,2 87,5 88,6 59,9
A' 133 110 ... ... ... ... ... ... ... ...
B 5,5 4,4 4,6 3,4 3,9 5,2 4,1 4,3 4,2 ...
C ... ... ... ... ... 1 2 2 41 ...
D 0 0 11 21 5 5 20 ... ... ...
E ... ... ... ... ... ... ... ... 47 000 ...
Zimbabwe A 269 215 191 199 197 200 212 173 213 401
A' 370 418 368 273 238 ... ... ... ... ...
B 3,8 3,7 3,4 3,3 3,6 3,2 3,4 2,7 3,4 ...
C ... ... ... ... ... 3 ... 1 23 ...
D 57 100 22 21 41 41 10 ... ... ...
E ... ... ... ... ... ... ... ... 39 000 ...

Légende :

A : Dépenses militaires, exprimées en millions de dollars américains, selon les prix et cours du change de1998 (données SIPRI).

A' : Dépenses militaires, exprimées en millions de dollars américains, selon les prix et cours du change de 1990 (données SIPRI).

B : Dépenses militaires en tant que pourcentage du produit intérieur brut (données du SIPRI).

C : Importations d'armes classiques, exprimées en millions de dollars américains, selon les prix et cours du change de 1990.

D : Importations d'armes classiques, exprimées en millions de dollars américains, selon les prix et cours du change de 1997 (données du US State Department).

E : Nombre de soldats engagés au cours de la guerre en RDC, données UNDP (

a. Assistance militaire aux membres de l'alliance gouvernementale

République démocratique du Congo

Le Zimbabwe est généralement considéré comme le plus grand fournisseur d'armes du Congo. Depuis le début du conflit, il aurait déjà fourni des armes pour un montant de 90 millions de dollars américains (414).

Selon certaines sources au sein du gouvernement congolais, l'on dépendrait en grande partie, pour le surplus de l'approvisionnement militaire, d'entreprises en Chine et en Europe de l'Est (415).

Nous pouvons inférer des données du SIPRI que le régime de Kinshasa a reçu au moins une fois un nombre assez petit de pièces d'artillerie d'une entreprise bulgare qui les avait fournies par l'intermédiaire de la Pologne. En échange des fournitures d'armes, Laurent Kabila aurait concédé une concession minière lucrative à une entreprise chinoise et une entreprise publique congolaise (416). Laurent Kabila aurait également cherché indirectement un rapprochement avec l'industrie militaire israélienne, ce qu'il a fait en accordant un monopole pour le diamant à l'entreprise International Diamond Industries (IDI), établie en Israël.

L'alliance avec IDI était conçue comme la possibilité de gagner rapidement de l'argent en vue d'acheter la quantité requise d'armes, de résoudre certains problèmes avec les alliés militaires du Congo et afin d'accéder au matériel militaire israélien et aux informations des services de renseignement israéliens. Il convient d'observer qu'IDI n'a jamais fourni le matériel militaire promis. De même, la Libye, la Géorgie et l'Iran auraient été impliqués dans la fourniture d'armes de petit calibre et d'armes légères et classiques au régime de Kinshasa (417).

En échange des entraînements militaires assurés pour le compte de l'armée gouvernementale congolaise par un nombre d'instructeurs nord-coréens, le gouvernement de Corée du Nord aurait reçu une concession minière à proximité de Shinkolobwe (418).

Quant à l'assistance militaire que le gouvernement de Laurent Kabila aurait reçue par le truchement de Private Military Companies, l'on se référera aux accords qui existaient au début de la deuxième guerre du Congo entre l'entreprise de mercenaires sud-africaine Executive Outcomes et tant le gouvernement angolais ­ en vue de la protection de ses intérêts économiques ­ que le régime de Kinshasa. Un an plus tard, des rumeurs ont circulé quant à des tentatives de constituer une armée de mercenaires en Europe, mais ces nouvelles n'ont jamais été confirmées (419).

Le Zimbabwe

Deux fournisseurs traditionnels d'armes de petit calibre et d'armes légères et classiques au régime de Harare sont la Grande-Bretagne et l'Afrique du Sud. Toutefois, dès le début de la guerre du Congo, les fabricants d'armes britanniques ont, officiellement, complètement cessé leurs fournitures et les fabricants d'armes sud-africains n'ont plus fourni que des appareils militaires non « létaux » (420).

La Russie et la Chine ont pris leur place. En outre, par l'expansion de l'entreprise « Zimbabwe Defence Industries », le Zimbabwe a considérablement renforcé sa production d'armes interne et semble avoir reçu également, au moins une fois, une livraison d'armes illégitime. La filière criminelle qui a permis en 1999 le transfert aux forces armées du Zimbabwe en RDC d'une quantité d'armes bulgares, consistait en quatre entreprises : Air Cargo plus, immatriculée au Luxembourg, la firme britannique Air Charter Service et la firme Air Charter Service d'Amsterdam (421).

Encore à l'heure actuelle, les États-Unis assureraient des programmes de formation militaire pour l'armée gouvernementale du Zimbabwe. Au cours de l'année fiscale 2000, 1,5 millions de dollars US furent prévus pour « International Military Education and Training ». Le Pentagone et le State Departement auraient voulu ainsi créer un contrepoids pour les liens entre la Chine et certains dirigeants zimbabwéens (422).

Enfin, le rapport des Nations unies d'octobre 2002 fait mention de « l'entreprise militaire » Avient Air, qui fournirait du matériel militaire et différents services aux Zimbabwe Defence Forces et aux Forces armées congolaises. Avient travaille en collaboration étroite avec Oryx Natural Resources et aurait entre autres joué un rôle dans une campagne de bombardements dans l'Est du Congo et dans la fourniture d'hélicoptères de combat au régime de Kinshasa (423).

L'Angola

Jusqu'en 1998, l'Afrique du Sud était parmi les fournisseurs d'armes les plus importants de l'Angola. Toutefois, depuis peu la Russie, l'Ukraine et la Slovaquie se seraient substitués à l'Afrique du Sud. Au sein de l'Union européenne, l'Espagne semble être (avoir été) l'un des fournisseurs principaux du régime de José Dos Santos (424).

Sur le plan du trafic illégitime d'armes, il y a eu le scandale de l'Angolagate, à l'occasion duquel de hauts fonctionnaires du ministère français des Affaires étrangères auraient procuré au régime angolais, en 1993 et 1994, des armes d'Europe de l'Est, en échange d'un nombre d'avantages financiers (425).

Tout comme le Zimbabwe, l'Angola aussi a part au programme américain IMET, lancé officiellement en 2000 (426).

Avec le Congo, le régime de Luanda a en commun la collaboration avec l'entreprise de mercenaires sud-africaine Executives Outcome. Dans le cadre de cette collaboration, EO a notamment assuré la livraison d'avions, de pilotes d'hélicoptères et d'avions, une planification stratégique et l'organisation d'un réseau de renseignement (427).

La Namibie

Les achats d'armes de la Namibie ont connu une croissance considérable à partir de la seconde moitié des années nonante. Ces dernières années, la Chine est apparue comme le fournisseur d'armes par excellence du régime de Sam Nujoma. En 2000, elle aurait envoyé 4 délégations en Afrique subsaharienne afin d'y jeter les fondations d'un nouveau marché pour les armes, et c'est dans ce contexte que les fournisseurs d'armes chinois sont parvenus à ajouter le gouvernement de la Namibie à son fichier clients. Tout comme ce fut le cas pour le Zimbabwe, il semble exister pour la Namibie également un rapport entre les fournitures d'armes à Kabila et l'obtention de concessions minières (428).

Groupes armés rwandais (ALIR I et ALIR II)

Malgré les rumeurs selon lesquelles Kinshasa fournirait des armes à ALIR I et à ALIR II afin de contrer une menace d'invasion RPF, aucune preuve solide n'a encore été produite quant à un tel soutien.

Le régime de Kinshasa, le Zimbabwe et Ernest Wamba-dia-Wamba ont tous été accusés d'avoir soutenu l'Interahamwe et l'ancienne armée gouvernementale rwandaise au moyen de formations militaires.

Groupes armés burundais (= les Forces de défense de la démocratie (FDD) et les Forces nationales de libération)

Les FDD seraient approvisionnées par Kinshasa et par ses alliés. Il est question, en outre, de fournitures illicites d'armes par le truchement de la Zambie. De hauts fonctionnaires de la Sécurité zambienne ont été accusés récemment d'avoir aiguillé des armes et des munitions vers les FDD par le port tanzanien de Kigoma (429).

Selon le GRIP, il existe des indices que le Zimbabwe et la Corée du Nord assurent des formations militaires pour les forces armées des FDD. Les entraînements auraient lieu à Bulawayo et à Lubumbashi (430).

Groupes armés ougandais

Dans les sources ouvertes aucune information n'est disponible quant aux sources d'approvisionnement en armes des six groupes armés ougandais qui sont mentionnés dans l'Accord de Lusaka de 1999. Seul l'Allied Democratic Front seraient encore actif à l'heure actuelle (431).

Les groupes Mayi Mayi

Raf Kusters, un journaliste qui a visité plusieurs fois les provinces du Kivu et a publié plusieurs articles sur les mouvements rebelles dans l'Est du Congo, caractérise les Mayi Mayi comme un mouvement miséreux. La méthode qu'ils utiliseraient le plus fréquemment pour obtenir des armes consisterait à spolier des troupes ennemies (432).

Selon le GRIP, certains groupes Mayi-Mayi recevraient de Kinshasa un soutien militaire et logistique, tandis que d'autres auraient pris fait en cause pour le Front patriotique rwandais et seraient dès lors approvisionnés à partir de Kigali (433).

b. Assistance militaire aux mouvements rebelles et à leurs alliés étrangers

Le Rwanda et le RCD-Goma

Après la levée de l'embargo général sur les armes pour le Rwanda en 1995 (voir ci-dessus, point 7.2.1), le gouvernement de Kagame fit appel avant tout, en vue de son approvisionnement, à des fabricants d'armes sud-africains. Bien que la deuxième guerre du Congo semblât avoir signifié la fin des fournitures d'armes sud-africaines, il existerait toujours des relations amicales entre Pretoria et Kigali (434).

Une seconde manière de maintenir à niveau le stock d'armes dans la période après l'embargo consistait à s'emparer d'armes au détriment de l'ennemi. C'est ainsi que les armes conquises sur le Zimbabwe après la bataille de Pweto (fin 2000) devaient permettre au Front patriotique rwandais de soutenir son effort de guerre pendant cinq années supplémentaires. Pour l'expansion de leur parc d'avions et l'achat d'hélicoptères militaires russes, des représentants du régime rwandais se sont rendus dans des pays de l'ancien Bloc de l'Est.

Enfin, le régime de Kagame entretiendrait (aurait entretenu) également des liens avec les trafiquants d'armes Victor Bout, Jacques Lemaire et Imad Kabir (435).

Il est certain que le RCD-Goma dépend directement du Rwanda pour son approvisionnement militaire. Surtout au début de la deuxième guerre du Congo, l'aéroport de Goma était fort recherché par des avions transportant des armes. D'autre part, certaines filières criminelles de trafiquants d'armes étaient également contactées directement par les rebelles d'Adolphe Onusumba. Des exemples en sont le réseau autour de l'entreprise britannique Sky Air Cargo (entre-temps liquidée) qui était dirigée par Syed Naqvi, et le réseau autour de l'entreprise Occidental Airlines du Belge Ronald Rossignol (voir ci-dessous) (436).

Les grands initiateurs en matière de programmes de formation militaire sont une fois de plus les États-Unis. Des programmes de formation connus sont le Joined Combined Exchange Training (JCET), le Enhanced International Military Training Education and Training et le Rwanda Interagency Assessment Team (RIAT). Bien que l'on ne puisse affirmer avec certitude si les programmes de formation RIAT et JCET ont été poursuivis après 1998, il peut être inféré de documents du Département d'État américain et du Department of Defence que tel est bel et bien le cas. Le Kenya s'est lui aussi engagé à assister le FPR. Selon un accord signé en 2000, un nombre d'instructeurs occidentaux collaboreraient également au programme kenyan (437).

Selon le journaliste enquêteur américain Wayne Madsen, certaines PMC américaines auraient été attirées elles aussi pour prendre part à des opérations américaines de soutien dans la Région des Grands Lacs. Madsen allègue notamment que Brown & Root, une entreprise qui semble avoir des liens étroits avec le vice-président américain Dick Cheney, aurait construit une base militaire à proximité de Cyangungu (438).

L'Ouganda, le MLC, le RCD-ML et le RCD-National

Il est difficile de faire la distinction entre les fournitures d'armes de petit calibre et d'armes légères et classiques à l'armée gouvernementale ougandaise, d'une part, et aux mouvements rebelles soutenus par l'UPDF, d'autre part. Bien que l'Ouganda ait fait des efforts, ces dernières années, afin d'étendre sa production endogène d'armes (cf. ci-dessous), il n'est pas encore en mesure de pourvoir entièrement à ses besoins. En Europe de l'Est, il a notamment acheté des armes conventionnelles en Ukraine et en Pologne (439).

Il est de notoriété générale que des conseillers et firmes israéliens tiennent souvent un rôle clef dans la conclusion d'accords de livraisons d'armes à l'Ouganda. Des noms souvent cités dans ce contexte sont ceux d'Amos Golan et de sa firme Consolidated Sales Corporation. Les firmes d'aviation congolaises Planetair et New Gomair auraient été impliquées, à leur tour, dans des livraisons d'armes aux troupes soutenues par l'Ouganda au Congo (440).

L'armée de Jean-Pierre Bemba était approvisionnée à l'origine à partir de l'aéroport militaire d'Entebbe. Quand il apparut que l'Ouganda ne pouvait ou ne voulait plus assurer l'approvisionnement militaire, Bemba contacta le trafiquant d'armes tadjik Victor Bout. Le groupe d'experts des Nations unies indique dans son rapport d'avril 2001 que le gouvernement de la République Centrafricaine était parfaitement informé des activités commerciales organisées dans la capitale centrafricaine, Bangui, par un nombre d'amis de Bemba, à savoir Jean-Pierre Dupont et Jean-Pierre Saber.

Ces deux personnages sont essentiellement actifs dans le commerce du diamant et du café. D'autres comparses de Bemba, dont Victor Bout, utiliseraient l'aéroport de Bangui pour décharger du café et embarquer des armes (441).

En vue de sa lutte contre le mouvement rebelle de l'ADF, l'UDPF a pris part jusqu'en 1997 à l'African Crisis Response Initiative et au Joined Combined Exchange Training, organisés par les Américains. Après l'immixtion de l'Ouganda, le soutien américain fut cependant considérablement réduit. Compte tenu de cette réduction de l'aide étrangère, l'Ouganda ­ tout comme le Zimbabwe ­ se livre depuis quelque temps à des efforts afin de pourvoir à ses propres besoins en matière d'approvisionnement d'armes.

Les trois principales fabriques d'armes sont la Nakasongola Arms Factory, Saracen et Ottoman Engineering. Certainement jusqu'en 1999, la première de ces firmes était entre les mains d'intérêts publics et privés en Chine, la deuxième fait partie du cartel Strategic Resources Corporation, apparenté à la firme sud-africaine Executive Outcomes, et la troisième est essentiellement active sur une base locale et dispose d'une licence pour la vente d'armes à feu. Les enquêteurs du GRIP, Berghezan et Nkundabagenzi, faisaient état en 1999 d'une véritable expansion de l'industrie ougandaise de l'armement.

À l'époque, Nakasongola, en collaboration avec des experts chinois et nord-coréens, était sur le point de lancer la production d'armes légères, tandis qu'une autre firme locale aurait été chargée d'assurer la réparation et la fabrication de pièces de rechange pour les chars T-55 de seconde main importés d'Ukraine (442).

L'Unita

Pour obtenir des armes, l'Unita s'adressait généralement à des fournisseurs bulgares. Kas Engineering, une entreprise immatriculée à Gibraltar mais ayant également un siège à Sofia, la capitale bulgare, était l'une des firmes qui recherchait pour le compte de Jonas Savimbi les partenaires commerciaux les plus intéressants.

En Afrique, ce furent le Congo-Brazzaville et le Rwanda qui soutinrent militairement l'Unita. Le président congolais de l'époque, Lissouba, autorisa Savimbi, après l'accord de Lusaka de 1994, à stocker temporairement des armes à Brazzaville, de manière à permettre leur réimportation subséquente par la fraude en Angola, en passant par Pointe Noire.

La collaboration entre l'Unita et le Rwanda impliquait que Savimbi envoyait des Anti-Aircraft Crews (SAMIG) en RDC afin d'y donner un coup de main aux mouvements rebelles soutenus par le Rwanda, tandis que le régime de Paul Kagame permettait à des représentants de l'Unita de négocier à Kigali des ventes de diamant et d'organiser des rencontres avec des négociants d'armes. Des entreprises qui ont servi d'intermédiaires, ce au moins jusqu'en 1999, à l'occasion de fournitures d'armes à l'Unita, sont Starco Investment Trade, East European Shipping Corporation et Armitec. Des courtiers notoires étaient Victor Bout et Johannes Parfirio Parreira (443).

L'aperçu qui précède de l'assistance militaire aux parties combattantes en République démocratique du Congo fait déjà apparaître que le rôle de la Belgique et de sujets belges dans l'alimentation de l'économie de guerre congolaise est plutôt restreint. Compte tenu du domaine étudié par la commission d'enquête, nous tenterons néanmoins d'aligner un nombre de données et d'observations relatives à l'implication belge. Nous porterons successivement l'attention sur l'aéroport d'Ostende, sur le rôle d'un nombre de trafiquants d'armes belges, présumés tels, et sur une série de lacunes dans la législation belge en la matière.

7.3. Le rôle de la Belgique

7.3.1. Le rôle de l'aéroport d'Ostende

La logistique et le transport des armes constituent un maillon important dans les livraisons d'armes. Dès le début du conflit, on trouve dans la presse africaine et internationale les noms de plusieurs petites compagnies d'aviation qui étaient impliquées dans la fourniture d'armes à plusieurs parties dans le conflit.

L'aéroport d'Ostende est considéré, déjà depuis les années 80, comme un aéroport que des sociétés de cargo opérant essentiellement en Afrique ont élu comme port d'attache. Plus particulièrement vers le milieu des années 90, plusieurs de ces sociétés étaient mal famées en raison de leurs transports d'armes vers la région des Grands Lacs.

Elles avaient des bureaux à Ostende mais, à l'exception d'un petit nombre de cas où des irrégularités furent constatées, à l'époque de ces transports d'armes la plupart des avions cargo partaient vides d'Ostende pour aller charger des armes en Europe de l'Est et les livrer ensuite aux parties combattantes en Afrique.

Des enquêtes officielles furent lancées par la Justice et les services de renseignement furent chargés de vérifier à quel point bon nombre d'informations publiées au sujet de ces sociétés dans les médias belges mais aussi internationaux, étaient exactes. Les services de renseignement découvrirent peu d'éléments concrets.

Ostende était en effet l'aéroport où bon nombre d'entreprises suspectes ­ y compris des sociétés du célèbre trafiquant d'armes Bout ­ avaient leurs bureaux, mais il n'existe aucun véritable constat indiquant un trafic d'armes à partir d'Ostende (444).

Selon Berghezan, l'attention plus vive manifestée par les médias pour la problématique des transports illégitimes d'armes a amené beaucoup de négociants d'armes à échanger Ostende pour d'autres endroits, où ils jouissent d'une plus grande liberté (445).

Peleman observe que Victor Bout reste actif, par le truchement de nombreuses compagnies aériennes, dans toute la région des Grands Lacs. En 1997 et 1998, il a eu recours, à Kinshasa, à l'entreprise « Cargo Freight International », ce qui ressort de correspondances découvertes lors d'une enquête de police en Belgique.

En 2001, le ministre de la Défense à Kinshasa a reçu une facture d'une valeur de plus de 2 millions de dollars pour le leasing de plusieurs Ilyushin entre novembre 1997 et août 1998.

Au cours de la même période, le partenaire de Bout, Sanjivan Ruprah, a également conclu de nombreux contrats miniers avec le régime Kabila. Bout est toutefois resté actif, notamment dans la région contrôlée par Bemba, en République centrafricaine (446), au Rwanda (447), en Ouganda (448), en Angola (449) et dans les régions contrôlées par des rebelles RCD (450).

7.3.2. L'implication présumée de sujets belges dans l'assistance militaire aux parties combattantes en Afrique Centrale

La Commission d'enquête n'a pas pu recueillir des éléments complémentaires au sujet de leurs activités, il est sans doute utile de mentionner succinctement un nombre de firmes et individus belges que Berghezan a mentionnés dans le contexte de l'assistance militaire aux parties combattantes en Afrique Centrale. Il s'agit de Ronald Rossignol, Ronald De Smet, Jacques Monsieur et Philippe De Moerloose.

De 1995 à 1999, Rossignol s'est trouvé à la tête d'Occidental Aviation Services SA, une compagnie d'aviation qui était établie à l'aéroport d'Ostende. Il serait intervenu dans des fournitures d'armes au Rwanda, au Revolutionary United Front en Sierra Leone, à des mouvements rebelles congolais en passant par l'Ouganda et le Rwanda, et au régime soudanais.

Un deuxième Belge qui, surtout au cours de la période précédant la deuxième guerre du Congo, aurait été impliqué dans des livraisons d'armes aux gouvernements et/ou mouvements rebelles d'Afrique Centrale, est Ronald De Smet. Il a d'abord travaillé comme pilote chez Scibe Zaire et a créé par la suite, conjointement avec Victor Bout, plusieurs compagnies aériennes qui étaient établies à Ostende ou se servaient de l'aéroport ostendais.

Contrairement à Rossignol et à De Smet, Jacques Monsieur n'a jamais été mis en rapport avec l'aéroport d'Ostende. Des enquêtes sont en cours concernant Jacques Monsieur. L'on prétend au sujet de Monsieur qu'il était l'une des figures centrales dans un accord d'échange entre le Congo et l'Iran, conclu en 1999. L'accord prévoyait que du matériel militaire iranien serait échangé contre des matières premières congolaises. Les observateurs sont cependant unanimes pour dire que l'accord est resté lettre morte (451).

La commission ne dispose pas d'informations précises concernant ce dossier qui est actuellement confié à la Justice.

Philippe De Moerloose, administrateur délégué de la compagnie d'aviation belge Demavia Airlines, a réfuté l'allégation de Georges Berghezan selon laquelle sa firme aurait été impliquée dans une vente contestable et spectaculaire d'hélicoptères à la société aérienne civile congolaise Air Katanga.

Au cours de l'audition du 25 octobre 2002, De Moerloose produisit des documents démontrant que Demavia n'aurait été impliquée qu'indirectement dans le transfert d'hélicoptères. Demavia n'a fait que donner suite à la requête de transporter par avion à Lubumbashi 3 hélicoptères Alouette, vendus à Air Katanga par la firme française Aeromecanic, et 1 hélicoptère Agusta, vendu à Air Katanga par la firme britannique Sloane Helicopters Ltd.; lorsqu'il est apparu que les appareils ne pouvaient pas être transportés directement par avion, Demavia décida de demander une licence de transit et de transférer les hélicoptères à Lubumbashi par l'aéroport de Londres Stansted.

La licence de transit fut délivrée par le secrétaire d'État de l'époque au Commerce extérieur, Pierre Chevalier. MK Airlines assura en définitive le transport des hélicoptères depuis l'Angleterre. De Moerloose insista que Demavia n'a pas transporté d'armes et n'intervient pas comme intermédiaire entre fabricants et marchands d'armes (452).

Il convient d'observer que, sur base des informations dont la commission dispose, la Belgique n'a pas, officiellement fourni d'armes aux parties combattantes. Les annexes des rapports sur les licences d'exportation d'armes qui furent transmis au Parlement par le ministère belge des Affaires étrangères contiennent cependant des indices quant à un nombre de tentatives de passer en fraude du matériel militaire au Congo.

Les rapports sont toutefois peu détaillés et les rédacteurs de ces rapports au ministère des Affaires étrangères ne reçoivent, eux aussi, que des aperçus sommaires d'enquêtes en cours, menées par les parquets respectifs.

7.3.3. La législation belge sur le commerce des armes

Lors de l'audition du 28 juin 2002, Leslie Paesschierssens, conseiller au Service Licences du ministère des Affaires économiques à Bruxelles, a souligné que depuis des années déjà la législation sur les armes en Belgique est l'une des plus strictes. Il se référait à cet égard à l'article 4 de la loi de 1991 qui interdit l'exportation d'armes vers des pays confrontés à un conflit interne (453).

Peleman signale qu'en outre, au cours des années nonante, la législation belge sur le commerce des armes fut modifiée à plusieurs reprises. En 1998-1999, la commission des Relations extérieures de la Chambre des représentants s'est penchée sur le raffinement de la législation belge en matière d'exportation à des fins militaires et elle proposa un nombre de mesures qui devaient rendre difficile aux courtiers de lancer des opérations au départ de la Belgique. Une deuxième adaptation concernait la pénalisation de l'évasion des embargos sur les armes décrétés par les Nations unies, une mesure qui fut prise en 1995 (454).

Le 28 juin 2002, la Chambre adopta un projet de loi modifiant la loi relative à l'importation, à l'exportation et au transit d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire et de la technologie y afférente. Le texte dispose entre autres que désormais les licences sont accordées par le gouverneur et non plus longtemps par le chef de la police de chaque commune.

Il est stipulé, en outre, que le ministre de la Justice doit accorder une autorisation en vue du stockage et du négoce d'armes ou de munitions. Un point important est également le contrôle plus sévère sur les intermédiaires, lobbyistes et transporteurs, et l'instauration du principe de l'extraterritorialité : des Belges à l'étranger ou des étrangers en Belgique peuvent ainsi faire l'objet de poursuites lorsqu'ils violent la loi (455).

Le 3 février 2003, au Sénat, une proposition de loi réglant des activités économiques et individuelles avec des armes et un projet de loi modifiant la loi du 5 août 1991 relative à l'importation, à l'exportation et au transit d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire et de la technologie y afférente, ont été déposés (456).

Le 16 janvier 2003, la Chambre des représentants adopta une modification de la loi sur les armes de 1991, rendant légalement obligatoire au niveau belge le code de conduite européen de 1998. Il résulte en outre de la modification que désormais, toutes les livraisons d'armes devront être rapportées au parlement deux fois par an et que les fournitures à des régimes employant des enfants soldats ne sont plus autorisées (457).

Nonobstant les améliorations apportées à la loi sur les armes de 1991, des points délicats subsistent. C'est ainsi que des transporteurs d'armes mettent à profit le manque de capacité dans bon nombre de pays africains. Ils utilisent des appareils vieillis qui ne sont pas en règle au point de vue technique, afin de réduire les frais de transport.

L'immatriculation d'appareils dans des États du pavillon ­ pratique qui existe depuis belle lurette pour la navigation maritime ­ a pour effet que le contrôle de la navigabilité des appareils se fait attendre. Plus pertinent est toutefois le fait que des groupes d'enquête des Nations unies pour le Liberia, le Sierra Leone et l'Angola ont démontré un abus systématique des avions immatriculés dans des États du pavillon, coïncidant avec les transports illégaux d'avions.

En effet, pour les trafiquants, le recours à des États du pavillon présente l'avantage que l'identité des transporteurs est fort difficile à tracer. En République démocratique du Congo et dans les pays voisins, l'on signale donc de nombreux avions dont le numéro d'immatriculation n'est connu nulle part, ce qui constitue un indice de fraude contre la législation internationale sur la navigation aérienne, mais suscite également des présomptions quant à l'implication de bon nombre de ces appareils dans des trafics illégaux, soit de matières premières, soit d'armes.

7.4. Conclusions (458)

Au point de vue du droit international, l'on ne peut compter dans la catégorie du trafic d'armes illégitime que quatre type de livraisons d'armes : les livraisons d'armes de pays de l'UE au gouvernement de Kinshasa au cours de la période suivant le 7 avril 1993, les livraisons d'armes d'États membres des NU à l'UNITA au cours de la période suivant le 15 septembre 1993, les livraisons d'armes d'États membres des NU au Rwanda au cours de la période se situant entre le 17 mai 1994 et le 16 août 1995 et les livraisons d'armes d'États membres des Nations unies à l'ex-FAR et à des acteurs non étatiques au Rwanda au cours de la période suivant le 17 mai 1994.

Étant donné qu'il n'y avait guère d'infractions contre l'embargo européen sur les armes à l'égard de la République démocratique du Congo et contre le Code de conduite européen, l'on peut considérer que le rôle des fabriquants d'armes européens dans l'approvisionnement des parties combattantes au Congo est extrêmement restreint. La même affirmation vaut pour la Belgique, malgré l'existence de présomptions que l'aéroport d'Ostende a fait figure, au cours de la seconde moitié des années nonante, de plaque tournante pour le trafic international d'armes à destination de la Région des Grands Lacs. La commission d'enquête a recueilli trop peu d'éléments au sujet du rôle de sujets belges dans le trafic illicite d'armes pour pouvoir donner une réponse définitive à ce sujet.

L'aperçu de l'assistance militaire aux parties combattantes dans le conflit congolais démontre qu'une distinction peut être faite entre quatre types d'assistance, à savoir la fourniture d'armes de petit calibre et d'armes légères et classiques, l'organisation de programmes de formation militaire, le soutien militaire par le truchement de Private Military Companies et la conclusion d'accords pour la production d'armes sous licence.

Sur la base des éléments disponibles l'on retient l'impression qu'il existe bel et bien des relations entre le trafic d'armes et le commerce de matières premières. En ce qui concerne l'armement de l'armée gouvernementale congolaise, l'on peut présumer que les partenaires intervenants de Kinshasa font également office d'importateurs d'armes et que ces partenaires, l'Angola et le Zimbabwe, utilisent au Congo leur propre matériel. Les mouvements rebelles de l'Est du Congo dépendent pour leur approvisionnement du Rwanda et de l'Ouganda, tandis que des pays de l'ancien Bloc de l'Est et d'Asie se sont révélés être, depuis quelques années, des fournisseurs à bas prix pour toutes les parties combattantes.

Les données recueillies jusqu'à présent nous permettent de formuler un nombre de recommandations à l'intention du gouvernement belge :

En ce qui concerne les certificats d'usager final

· Les certificats d'usager final pour transports d'armes doivent être infalsifiables et il convient de déterminer qui peut signer de tels certificats (459).

· Les certificats d'usager final doivent être standardisés au niveau de l'Union européenne, ce dans le but de faciliter le travail de la douane.

· Après l'exportation, un contrôle régulier doit être exercé afin d'éviter la réexportation des armes. Cette tâche doit de préférence être confiée à un personnel spécialement désigné à cet effet dans les ambassades belges dans les pays acheteurs.

· Sauf accords préalables contraires entre le pays exportateur et le pays récepteur, le certificat devrait comporter une clause qui prévoit que le matériel militaire ne peut pas être réexporté par le pays récepteur. Les infractions à l'interdiction de réexporter devraient être consignées dans une banque de données centrale.

· Les pays exportateurs doivent assumer la responsabilité de la transaction à partir du moment de l'exportation jusqu'au moment de l'arrivée des marchandises à leur destination finale.

· L'on pourrait envisager de faire appel à un global positioning system (GPS) qui permettrait de suivre aisément des transports d'armes et assurerait un meilleur contrôle du détournement éventuel d'un transport vers une destination interdite.

En ce qui concerne le marquage d'armes

Au moment de la production, les armes devraient être marquées sur la base de critères convenus sur le plan international et être immatriculées par la suite à l'occasion de toute exportation ou de tout changement de propriétaire. Un registre international devrait être tenu à jour, avec des points de contact dans tous les États membres des Nations unies.

En ce qui concerne la prise de décision et la législation
européennes dans le domaine du commerce des armes

· Au niveau européen, il est urgent de décréter un embargo sur les armes contre tous les acteurs étatiques et non étatiques qui sont impliqués dans le conflit en République démocratique du Congo.

· Si l'on veut, à l'avenir, édicter d'une manière plus simple et plus rapide des embargos sur les armes, il est grand temps de réformer les mécanismes de prise de décision du Conseil de l'Union européenne. Tant que des questions telles que les règlements en matière d'exportation et les embargos devront être décidées selon un système d'unanimité des suffrages, il subsistera un risque fort important de voir l'un des grands pays exportateurs d'armes adopter une attitude contraire de blocage général. Il faut négocier sur les méthodes afin de prévenir des blocages en matière de questions de défense. Parmi les solutions possibles, il y a un système d'abstention constructive ou un système de majorité qualifiée des suffrages.

· L'Union européenne doit inciter les différents États membres à harmoniser leur législation nationale en matière de commerce des armes.

· Les différents États membres de l'Europe doivent tendre à assortir d'une obligation légale le respect du Code de conduite européen de 1998.

En ce qui concerne l'immatriculation des différents
groupes d'acteurs dans le commerce
international des armes

· L'Union européenne doit réglementer plus sévèrement les « arms brokers » (460), ce qu'elle pourrait faire sur la base de la législation qui existe d'ores et déjà dans ce domaine aux États-Unis. La législation américaine exige que tous les acteurs de bonne foi se fassent immatriculer. L'immatriculation obligatoire s'applique non seulement aux ressortissants, mais également aux citoyens américains établis à l'étranger. Une deuxième exigence de la législation américaine est que toute transaction soit appréciée selon sa propre valeur et que les licences ne soient accordées que sur la base de critères internationalement admis. Lorsque d'autres gouvernements ressentent ou pourraient ressentir les effets d'un accord projeté, les pouvoirs publics américains ont l'obligation de les contacter. Le grand avantage de la loi américaine en ce qui concerne les activités des arms brokers est que ces courtiers se voient contrés dans leurs allées et venues perpétuelles qui ont pour but d'échapper à la législation interne (où qu'ils soient actifs, ils restent soumis à la législation de leur propre pays et ils seront aussi jugés selon cette législation s'ils devaient commettre une infraction) (461).

· La même immatriculation obligatoire devrait s'appliquer aux autres acteurs ou groupes d'acteurs qui interviennent dans le commerce des armes, notamment les transporteurs, les divers intermédiaires, etc.

Quant à l'autorégulation de l'industrie

L'Union européenne doit réagir à et tenir compte de la tendance à la privatisation dans l'industrie de l'armement. Il est résulté de cette privatisation que les fabricants d'armes se sentent de moins en moins tenus de rendre des comptes aux gouvernements du pays où ils ont leur siège principal; bien au contraire, leur souci principal porte sur les intérêts de leurs actionnaires. Dans le climat actuel de globalisation croissante, la liberté d'action des acteurs économiques s'est considérablement accrue et les possibilités d'exercer des contrôles effectifs sur leur conduite ont décru dans la même proportion : pour l'Union européenne, il s'agit dès lors d'inciter l'industrie de l'armement à adopter une culture d'autorégulation. Dans ce contexte, il est recommandé de créer des market incentives, impliquant une récompense de la bonne conduite de ceux qui respectent scrupuleusement les règles en matière d'exportation (462).

En ce qui concerne la réglementation du commerce électronique dans l'industrie de la défense

Toujours dans le contexte des dangers de la globalisation croissante, il peut être recommandé que l'Union européenne édicte des mesures permettant de conserver le contrôle de la collaboration militaire par le truchement de l'Internet. Le commerce électronique des produits de défense en est encore à un stade initial, mais l'Union devrait ne pas attendre trop longtemps avant de développer un cadre légal.

En ce qui concerne la poursuite de l'enquête

· Il est absolument nécessaire de poursuivre l'enquête relative aux structures des ventes incontrôlées d'armes à l'Afrique. Une capacité permanente et systématique de monitoring, avec la collaboration et des échanges d'informations entre divers pays et divers niveaux officiels ou non gouvernementaux, peut conduire à une meilleure connaissance de la problématique et des réseaux et parties concernées existants.

· Les données relatives au trafic illégitime d'armes doivent être systématisées. Il et recommandé de constituer des banques de données comportant des informations au sujet des courtiers intéressés et des sociétés de cargo concernées, ou encore, des numéros d'immatriculation et des noms d'appareils transporteurs connus ou de bateaux suspects. Sur cette base, des poursuites pourraient être engagées, ou il pourrait être constitué, par exemple, une'liste noire'de firmes ou de courtiers. Ces listes doivent pouvoir circuler également au plan international, entre les autorités judiciaires compétentes ou, par exemple, entre des autorités d'aéroports et les services douaniers de plusieurs pays, et elles pourraient être utilisées par les différentes autorités intervenant dans l'immatriculation, la licence et le contrôle de transactions portant sur des armes.

NOTES

(1) Sous un régime présidentiel, le principe d'indépendance n'est souvent que théorique. Voir Le nouvel ordre politique et les enjeux économiques du conflit en République démocratique du Congo. Mise en perspective du dialogue intercongolais. Rapport du groupe d'expertise congolaise en Belgique, s.l., s.e., novembre 2001, p. 12.

(2) Bouvier, P., audition publique du 30 novembre 2001.

(3) Idem. En ce sens, elle rejoint le concept d'État prédateur de J.-F. Bayart.

(4) Bouvier, P., audition publique du 30 novembre 2001.

(5) Kennes, E., audition publique du 1er mars 2002.

(6) Leclercq, H., audition publique du 30 novembre 2001. Cette analyse rejoint celle aussi de William Reno, « Warlords politics and African states », London, Lynne Rienner Publishers, 1998, pp. 147-183 pour le Congo.

(7) Idem.

(8) Bouvier, P., audition publique du 30 novembre 2001.

(9) Reyntjens, F., audition publique du 30 novembre 2001.

(10) Voir Reyntjens, F., Bouvier, P., Leclercq, H., auditions publiques du 30 novembre 2001 et Marysse, S., audition publique du 14 décembre 2001.

(11) Bayart, J.-F., « Africa in the world : an history of extraversion », « African Affairs », Nº 99, 2000, pp. 217-267. Reno, W., « Warlords politics and African states », London, Lynne Rienner Publishers, 1998, 257 p.

(12) Reyntjens, F., audition publique du 30 novembre 2001.

(13) Ajello, A., audition publique du 18 janvier 2002.

(14) Idem.

(15) Reyntjens, F., audition publique du 30 novembre 2001.

(16) Les techniques utilisées sont mentionnées par Stefaan Marysse lors de son audition du 14 décembre 2001.

(17) Voir auditions publiques de Leclercq, H. et Marysse, S. en 2001.

(18) Leclercq, H., audition publique du 30 novembre 2001.

(19) Idem. Voir aussi Gorus, audition publique du 8 février 2002.

(20) Leclercq, H., audition publique du 30 novembre 2001; voir aussi Le nouvel ordre politique et les enjeux économiques du conflit en République Démocratique du Congo ... op. cit., 2001, pp. 19-20.

(21) Leclercq, H., audition publique du 30 novembre 2001.

(22) Leclerq, H., audition publique du 30 novembre 2001.

(23) Idem.

(24) Idem.

(25) Idem.

(26) Marysse, S., audition publique du 14 décembre 2001.

(27) Marysse, S., audition publique du 14 décembre 2001.

(28) De Herdt, T., « Surviving the transition. Institutionnal aspects of of Economic regress in Congo/Zaïre », Antwerp, Doctoral dissertation, University of Antwerp.

(29) Marysse S.

(30) Marysse, S., audition publique du 14 décembre 2001.

(31) Marysse, S., audition publique du 14 décembre 2001.

(32) De Herdt, T., « Democracy and the money machine in Zaïre », Van Howeghen, S., Trefon, T., Smis, S. (eds), « Review of African political economy », Nr. 93-94, Vol. 29, September-December 2002, pp. 447-449.

(33) Leclercq, H., audition publique du 30 novembre 2001 et De Herdt, T., op. cit., pp. 451-452.

(34) De Herdt, T., op. cit., pp. 447-449.

(35) Idem.

(36) Gorus, J., audition publique du 8 février 2002.

(37) Leclercq, H., et MSF, auditions publiques du 30 novembre 2001 et du 22 mars 2002.

(38) Marysse, S., « Regress and war : the case of RDCongo », European research for Development research, 2003.

(39) Leclercq, H., Marysse, S., auditions publiques des 30 novembre 2001 et 14 décembre 2001.

(40) Bouvier, P., audition publique 30 novembre 2001.

(41) Kennes, E., audition publique du 1er mars 2002.

(42) Leclercq, H. et Marysse, S., auditions publiques des 30 novembre et 14 décembre 2001.

(43) Leclercq, H., audition publique du 30 novembre 2001.

(44) Leclercq, H., audition publique du 30 novembre 2001.

(45) De Villers, G., « Introduction », de Villers, G., Jewsiewicki, B., Monnier, L. (dir.), « Manières de vivre. Économie de la « débrouille » dans les villes du Congo/Zaïre », « Cahiers Africains », Tervuren-Paris, Institut africain-L'Harmattan, nº 49-50, 2002, p. 11.

(46) Marysse, S., « Regress and war », « European Journal for Development Research », 2003.

(47) Dans le cas de la Gécamines, de l'hétérogénite est exploitée de manière artisanale, sans tenir compte des exigences minières de découverture. L'exploitation artisanale risque de grever fortement la possibilité de reprendre l'exploitation industrielle.

(48) Kennes, E., audition publique du 1er mars 2002.

(49) Kennes, E., audition publique du 1er mars 2002.

(50) Marysse, S., « Regress and war », « European Journal for Development Research », 2003.

(51) Kennes, E., audition publique du 1er mars 2002.

(52) Kennes, E., audition publique du 1er mars 2002.

(53) Voir la contribution de Simbakwira, P.

(54) Kennes, E., audition publique du 1er mars 2002.

(55) Kennes, E., audition publique du 1er mars 2002.

(56) Marysse, S., « Regress and war : the case of the DRCongo », « European journal for development research », 2002.

(57) Peleman J., audition publique du 7 décembre 2001.

(58) Gorus, J., audition publique du 8 février 2002.

(59) Kennes, E., audition publique du 1er mars 2002; André, C., audition publique du 14 décembre 2001.

(60) Kennes, E., audition publique du 1er mars 2002.

(61) Kennes, audition publique du 1er mars 2002.

(62) Kennes, E., audition publique du 1er mars 2002.

(63) Marysse, S., audition publique du 14 décembre 2001.

(64) Bayart, J.-F., « Africa in the world : a history of extraversion » in « African Affairs », 1999, pp. 217-267; Bayart, J.-F., Ellis, S., Hibou, B., La criminalisation de l'État en Afrique, Bruxelles, Éditions Complexe, 1997, 167 p. Voir aussi les auditions publiques de Filip Reyntjens, Stefaan MArysse, et Jan Gorus.

(65) Marysse, S., André, C., Guerre et pillage économique en République démocratique du Congo, Marysse, S., Reyntjens, F., Annuaire des Grands Lacs. Annuaire 2000-2001, Paris, L'Harmattan, 2001, pp. 312-313.

(66) Leclercq, H., audition publique du 30 novembre 2001.

(67) Voir Marysse, S., « Regress and war : the case of DRCongo », will be published in the « European Journal for Development Research », 2003; De Herdt, T., « Democracy and the money machine », op. cit., 2002, p. 459.

(68) Voir audition de André, C., audition publique du 14 décembre 2001. voir aussi article André, C., Luzolele, L., Politique de l'Union européenne et effets pervers pour le conflit dans les Grands Lacs, Marysse, S., Reyntjens, F., (dir.), L'Afrique des Grands Lacs. Annuaire 2000-2001, Paris, L'Harmattan, 2001, pp. 375-378.

(69) Kennes, E., audition publique du 11 janvier 2002. De Herdt, T., « Democracy and the money machine in Zaïre », op. cit., p. 459.

(70) Voir le chapitre diamant plus loin dans le rapport.

(71) Kennes, E., audition publique du 1er mars 2002.

(72) Marysse, S., « Regress and war : the case of DRCongo », will be published in the « European Journal for Development Research », 2003.

(73) Hugues Leclercq, audition publique du 30 novembre 2001.

(74) Idem.

(75) Néant.

(76) Dietrich, C., audition publique du 11 janvier 2001.

(77) Kennes, E., audition publique du 1er mars 2002.

(78) Peleman, J., audition publique du 7 décembre 2001.

(79) Reyntjens, F., audition publique du 30 novembre 2001.

(80) Reyntjens, F., audition publique du 30 novembre 2001; Gorus, J., audition publique du 8 février 2002.

(81) Reyntjens, F.; Marysse, S.; Ajello, A.; Gorus, J.; auditions publiques.

(82) Pour le Rwanda, le Kivu représente des enjeux fonciers (un déversoir pour sa population et/ou le contrôle de vastes territoires de pâturage- voir audition de Marysse, S., le contrôle des ressources minières (or ­ voir audition publique de Chartry, du 14 juin 2002), mais également sécuritaires (Ouganda, Rwanda, Angola, Burundi). Intérêts géopolitiques et économiques de grandes puissances comme les États-Unis et la Grande-Bretagne, qui utilisent l'Ouganda et le Rwanda comme intermédiaires. Voir article de Marysse, S., « Regress and war : the case of DRCongo », will be published in « the European Journal for Development Research », 2003.

(83) Dietrich, C., audition publique du 11 janvier 2002.

(84) Van Herp, M., Nicolas, L., Biquety, J.-M., Médecins sans frontières, audition publique du 22 mars 2002.

(85) Cuvelier, J., audition publique, du 15 mars 2002.

(86) Idem.

(87) Reyntjens, F., audition publique du 30 novembre 2001.

(88) André, C., audition publique du 14 décembre 2001.

(89) André, C., Marysse, S., Peleman, J., auditions publiques des 7 et 14 décembre 2001.

(90) Idem.

(91) Reyntjens, F., audition publique du 30 novembre 2001; Ajello, A., audition publique du 18 janvier 2002. Voir aussi l'article de Dietrich, C., « Commercialisme militaire sans éthique et sans frontières », Marysse, S., Reyntjens, F., Annuaire 2000-2001, Paris, L'Harmattan, 2001, pp. 333-364.

(92) Ajello, A., audition publique du 18 janvier 2002 et Gorus, J., audition publique du 8 février 2002.

(93) Reyntjens, F. audition publique du 30 novembre 2001, Andre, C., audition publique du 14 décembre 2001; et voir aussi le premier rapport de l'ONU.

(94) Leclercq, H., audition publique du 14 juin 2002.

(95) Leclercq, H., audition publique du 14 juin 2002.

(96) Chartry, G., audition publique du 14 juin 2002.

(97) Idem.

(98) Marysse, S., Andre, C., Guerre et pillage en RDC, Marysse, S., Reyntjens, F., L'Afrique des Grands Lacs. Annuaire 2000-2001, pp. 318-319.

(99) Peleman, J., audition publique du 7 décembre 2001.

(100) Leclerq, H., audition publique du 30 novembre 2001, Marysse, S., audition publique du 14 décembre 2001.

(101) Leclercq, H., audition publique du 14 juin 2002.

(102) Voir aussi Dietrich C., audition publique du 11 janvier 2002. Selon lui, ce sont les intermédiaires et les exportateurs étrangers qui tirent proportionnellement les plus grandes marges bénéficiaires, par rapport au reste de la chaîne qui se partage le reste entre un grand nombre de personnes.

(103) Néant.

(104) Voir article de Andre, C., Marysse, S., Guerre et pillage en République Démocratique du Congo, Marysse, S., Reyntjens, F., L'Afrique des Grands Lacs. Annuaire 2000-2001, Paris, L'Harmattan, 2001, pp .307-332.

(105) Idem. Cit., voir aussi article de Andre, C., Marysse, S., op. cit.

(106) Voir les différents articles repris dans l'ouvrage dirigé par Monnier, L., Jewsiewicki, B., de Villers, G.,« Chasse au diamant au Congo/Zaïre », Cahiers Africains, Tervuren-Paris, Institut africain-L'Harmattan, nº 45-46, p. 240.

(107) Voir Franceschi, G., audition publique du 31 mai 2002. et voir également l'évolution des cours dans le Metal Bulletin.

(108) De Fally, D., Le coltan : pour comprendre, Marysse, S., Reyntjens, F., L'Afrique des Grands Lacs. Annuaire 2000-2001, Paris, l'Harmattan, 2001, pp. 279-306.

(109) Marysse, S., audition publique du 14 décembre 2001.

(110) Leclercq, H., audition publique du 30 novembre 2001.

(111) Leclercq, H., audition publique du 30 novembre 2001. Le Burundi disposait d'une raffinerie, propriété de la famille Goetz (voir article de Marysse, S., et Andre, C., Guerre et pillage en RDC, Marysse, S., Reyntjens, F., L'Afrique des Grands Lacs. Annuaire 2000-2001, Paris, L'Harmattan, 2001, pp. 307-332. L'or était exporté en Belgique (Olen) ou en Suisse (Metalor).

(112) Leclercq, H., audition publique du 14 juin 2002.

(113) Chartry, G., audition publique du 14 juin 2002.

(114) Comme il s'agit du cas de Goetz. Le Rwanda est parvenu à réorienter les exportations d'or du Burundi vers Kigali : 7 à 10 tonnes d'or ont été détournés vers la capitale rwandaise entre 1999 et 2000, moins d'une tonne a été évacuée vers le Burundi. Audition de Leclercq, H., audition publique du 30 novembre 2001.

(115) Leclercq, H., audition publique du 30 novembre 2001.

(116) Voir audition publique de Patrick Alley; voir aussi Global Witness, Branching out. Zimbabwe's resource colonialism in DRC, February 2002, p. 14. Ce document montre la manière dont les Zimbabwéens ont monopolisé des zones forestières au Congo.

(117) Peleman, J., audition publique du 7 décembre 2001.

(118) Misser, F., audition publique du 22 février 2002.

(119) Peleman, J. audition publique du 7 décembre 2001; voir aussi rapport des experts de l'ONU pour le coltan.

(120) Leclercq, H., audition publique du 30 novembre 2001.

(121) Leclercq, H., audition publique du 30 novembre 2001.

(122) Certains exportateurs de matières premières et importateurs d'autres biens ont bien décrit ce mécanisme au cours des auditions : les ressources exportables telles que l'or, le coltan, le diamant génèrent des devises qui donne la possibilité à l'exportateur d'importer d'autres marchandises utilisées dans une activité commerciale parrallèle.

(123) Peleman, J., audition publique du 7 décembre 2001.

(124) Voir le premier rapport de l'ONU : Nations unies, Conseil de sécurité, Rapport du Groupe d'experts sur l'exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de la République démocratique du Congo, 12 avril 2001.

(125) Peleman, J., audition publique du 7 décembre 2001.

(126) On pourrait parler ici de régression économique pour désigner un mouvement à long terme et non réversible, contrairement à la récession économique.

(127) Misser, F., audition publique du 22 février 2002.

(128) Plusieurs sociétés sont basées également dans des paradis fiscaux.

(129) Misser, F., audition publique du 22 février 2002.

(130) Bouvier, P., audition publique du 30 novembre 2001.

(131) Kennes, E., audition publique du 1er mars 2002.

(132) Nations unies, Conseil de sécurité, Rapport final du Groupe d'experts sur l'exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesse de la République démocratique du Congo, 16 octobre 2002.

(133) Voir MSF, audition publique du 22 mars 2002; voir aussi MSF, Accès aux soins et violences en RDC. Résultats de cinq enquêtes épidémiologiques, Bruxelles, MSF, décembre 2001 (consultable sur le site de www.MSF.org) et MSF, RDCongo. Silence on meurt. Récits et témoignages de vie, Bruxelles-Paris, MSF-L'Harmattan, 2002.

(134) Van Herp, M., Nicolas, L. et Biquet J.-M., Médecins sans frontières, audition publique du 22 mars 2002.

(135) Voir International Rescue Comittee, Health Unit, « Mortality in Eastern Democratic Republic of Congo. Results from eleven Mortality Surveys », 2001.

(136) Voir audition de André, C., audition publique du 14 décembre 2001.

(137) Reyntjens, F., audition publique du 30 novembre 2001 et Ajello, A., audition publique du 18 janvier 2002.

(138) Ajello, A., audition publique du 18 janvier 2002.

(139) Marysse, S. et André, C., op. cit.; Marysse, S., « Regress and war : the case of the DRCongo », European Journal for Development Research, 2003.

(140) Ce constat rejoint l'analyse de Bayart, J.-F., Ellis, S., Hibou, B., La criminalisation de l'État en Afrique, Bruxelles, Éditions Complexe, 1997, p. 167.

(141) Nations unies, Conseil de sécurité, Rapport du groupe d'experts sur l'exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de la République du Congo, 12 avril 2001, p. 5, § 15-16.

(142) Selon Erik Kennes, plus aucune autorité politique ne jouit d'une légitimité. (voir audition publique du 1er mars 2002).

(143) Marysse, S., Audition publique du 14 décembre 2001.

(144) Samset, I., « Conflicts of interests or interests in conflict ? Diamonds and war in DRC », « Review of African political economy », Vol. 29, Nr 93/94, September-December 2002, p. 466.

(145) Voir Reno, W., « African weak states and commercial alliances », « African Affairs », vol. 96, pp. 165-185; Duffield, M., « Global governance and the new wars : the mergeing of development and security », London, Zed Books, juin 2001.

(146) Peleman, J., audition publique du 7 décembre 2001.

(147) United Nations, Addendum report.

(148) OCDE, Les entreprises multinationales dans des situations de conflits violents et de violations généralisées des droits de l'homme. Documents de travail sur l'investissement international, nº 2002/1, mai 2002, p. 13.

(149) Cuvelier, J., Raeymaekers, T., « Supporting the war in the DRC : European companies and the coltan trade. Five case studies ». An IPIS report, IPIS, January 2002, p. 26; Raeymaekers, T., « European companies and the coltan trade : an update. » Part 2. An IPIS report, IPIS, September 2002, p. 24.

(150) Voir Raeymaekers, T., audition publique du 15 mars 2002.

(151) Nations unies, Conseil de sécurité, Rapport du Groupe d'experts sur l'exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de la République du Congo, 12 avril 2001; Nations unies, Rapport final du Groupe d'experts sur l'exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesse de la République démocratique du Congo, 15 octobre 2002.

(152) Peleman, J., audition publique du 7 décembre 2001. Cette définition rejoint le point de vue de Bayart

(153) Misser, F., audition publique du 22 février 2002.

(154) Maire, H., Former member of the « UN Panel on the illegal exploitation of natural ressources of the DRC », Open letter, January 2002, p. 2.

(155) Maire, H., op. cit.

(156) Nations unies, Rapport final du Groupe d'experts sur l'exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesse de la République démocratique du Congo, 15 octobre 2002, § 21.

(157) Nations unies, Rapport final du Groupe d'experts sur l'exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesse de la République démocratique du Congo, 15 octobre 2002, § 5.

(158) Ibidem, § 21.

(159) Ibidem, § 20.

(160) Marysse, S., audition publique du 14 décembre 2001.

(161) Marysse, S., audition publique du 14 décembre 2001.

(162) Marysse, S., « Regress and war : the case of the RDCongo », European Journal for Development Research, 2003.

(163) Marysse, S., audition publique du 14 décembre 2001.

(164) Marysse, S. et Andre, C., audition publique du 14 décembre 2001. Cet argument rejoint celui de Hugues Leclercq disant que, dans le diamant, le pillage est relativement faible et que la plus grande partie de la valeur ajoutée revient aux Congolais (creuseurs en partie et commerçants et comptoirs congolais).

(165) Nations unies, op. cit., voir aussi conclusions de Marysse, S. et Andre, C., op. cit.

(166) Cuvelier, J., Raeymaekers, T., « European companies and the coltan trade : un update. Part 2. An IPIS report », IPIS, September 2002, 24 p.

(167) OCDE, Les entreprises multinationales dans des situations de conflits violents et de violations généralisées des droits de l'homme. Documents de travail sur l'investissement international, nº 2002/1, mai 2002, pp. 10-11.

(168) OCDE, Les principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales, Paris, 2000, p. 71.

(169) Voir par exemple Business and Society Belgium, Belgian business network for corporate social responsibility Charter ».

(170) Cuvelier, J., Raeymaekers, T., « Supporting the war economy in the DRC : European companies and the coltan trade. Five case studies. An IPIS report », IPIS, January 2002, 26 p.; Cuvelier, J., Raeymaekers, T., « European companies and the coltan trade : an update. Part 2. An IPIS report », IPIS, September 2002, p. 24.

(171) Bien que certaines sociétés sont liées soit à des filières militaires ou civiles burundaises ou ougandaises, celles-ci ne seront pas reprises ici, mais apparaissent dans le tableau schématique récapitulatif des différentes filières. En effet, celles-ci ne sont pas apparues comme jouant un rôle prépondérant au cours des auditions.

(172) L'évacuation du coltan par voie de fraude vers le Rwanda était largement plus profitable que de passer par la SOMIGL.

(173) Nations unies, Conseil de Sécurité, Rapport du groupe d'experts sur l'exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de la République démocratique du Congo, le 12 avril 2001, § 82.

(174) Eagle Wings est basé à Ohio, et est en partenariat avec Trinitech et joint venture entre Trinitech et Chemie Pharmacie Holland travaillant avec Ulba pour la transformation du coltan en tantale, au Kazakstan.

(175) Pour une liste exhaustive des sociétés de transport dans la région, voir Nations unies, Conseil de Sécurité, Rapport du groupe d'experts sur l'exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de la République démocratique du Congo, le 12 avril 2001, para 72-76.

(176) Nations unies, Conseil de Sécurité, Rapport final du groupe d'experts sur l'exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesse de la république démocratique du Kongo, New York, 16 octobre 2002, § 80.

(177) Nations unies, Conseil de Sécurité, Rapport final du groupe d'experts sur l'exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesse de la république démocratique du Congo, New York, 16 octobre 2002, § 80.

(178) Le lien entre certaines filières rwandaises de coltan et le trafiquant d'armes n'est pas très clair. Selon le premier rapport de l'ONU, Victor Bout aurait transporté du coltan pour le compte de James Kabarebe (impliqué dans Great Lakes Metals). Par ailleurs, une déclaration de l'avocat de Ruprah en Belgique établit un lien direct entre Kagame et Victor Bout. Voir Nations unies, Rapport du groupe d'experts..., op. cit., 12 avril 2001, § 1. Voir aussi le communiqué de presse de l'avocat de Ruprah, De Temmerman, L., « Perscommuniqué ». Het Amerikaanse FBI-CIA en United Nations : groteske wereldopinie-manipulators », 18 februari 2001, p. 5.

(179) Cuvelier, J., Raeymaekers, T., « Supporting the war economy in the DRC : European companies and the coltan trade. Five cases studies. An IPIS report », Antwerpen, January 2002, IPIS, pp. 20-21.

(180) Nations unies, Conseil de Sécurité, Rapport du groupe d'experts sur l'exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de la République démocratique du Congo, le 12 avril 2001, § 129.

(181) Nations unies, Conseil de Sécurité, Rapport du groupe d'experts sur l'exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de la République démocratique du Congo, le 12 avril 2001, § 73.

(182) Nations unies, Conseil de Sécurité, op. cit., 16 octobre 2002.

(183) Cuvelier, J., Raeymaekers, T., « Supporting the war economy in the DRC : european companies and the coltan trade. Five case studies. An ipis report », Antwerpen, IPIS, January 2002.

(184) Selon le premier rapport des Nations Unies, Rwanda Metals aurait exporté 100 tonnes en moyenne par mois et aurait retiré un minimum de 250 millions de dollars US en 18 mois. Nations unies, Conseil de Sécurité, Rapport du groupe d'experts sur l'exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de la République démocratique du Congo, le 12 avril 2001, § 130.

(185) Cuvelier, J., audition publique du 15 mars 2002. Selon Tim Raeymaekers, la directrice de Conmet, Valentina Piskounova apparaît dans un contrat entre Wamba et Van Brink en 1999. Elle est liée au groupe Victoria. Voir Raeymaekers, T., « Network War. An introduction to Congo's privatised war economy. An IPIS report », Antwerpen, IPIS, octobre 2002.

(186) République démocratique du Congo, Rassemblement congolais pour la démocratie, Arrêté interdépartemental nº 043/RCD/CE/DF1P DTME & DEPIC/2000 du 20 novembre 2000 portant dispositions spéciales applicables à l'achat et à l'exportation du columbo-tantalite, Goma, le 20 novembre 2000.

(187) Rapport de courriers de la FEC au RCD Goma cité dans Cuvelier, J., Raeymaekers, T., « Supporting the war economy in the DRC : european companies and the coltan trade. Five case studies. An IPIS report », Antwerp, IPIS, January 2002, p. 12.

(188) Statistiques d'exportations officielles exportées pour l'année 2000; estimations convergentes de plusieurs sources.

(189) Cuvelier, J., Raeymaekers, T., audition publique du 15 mars 2002.

(190) Tegera, A., « Le coltan et les populations du Nord-Kivu », L'Observatoire de l'Afrique centrale, vol. 4, nº 11 du 12 au 18 mars 2001.

(191) Selon nos renseignements, Cogecom serait une autre société, une société squd-africaine, Cogear une banque et compagnie d'assurance basée au Rwanda.

(192) Le monopole d'exportation a été attribué à la SOMIGL par arrêté départemental nº 043/RCD/CE/DFBP DTME & DEPIC/2000 signé le 20 novembre 2000 par les responsables des départements des Finances et du Budget, des Terres et des Mines et par celui de l'Économie.

(193) Voir la lettre des avocats de Jacques van Den Abeele, Francis Goffin et Herman Lemaire, à l'attention du Président de la commission des grands Lacs et du président du Sénat, le 3 décembre 2002.

(194) Voir Nations unies, Conseil de Sécurité, Rapport du groupe d'experts ..., op. cit., 12 avril 2001.

(195) Cuvelier, J., audition publique du 15 mars 2002.

(196) Cuvelier, J., audition publique du 15 mars 2002.

(197) Nations unies, Conseil de Sécurité, Rapport du groupe d'experts sur l'exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de la République démocratique du Congo, le 12 avril 2001, § 130-146.

(198) Raeymaeckers, T., audition publique du 15 mars 2002.

(199) Cuvelier, J., et Raeymaekers, T., « Supporting the war economy in the DRC : european companies and the coltan trade. Five case studies. An IPIS report », Antwerp, January 2002, p. 10.

(200) Raeymaekers, T. et Cuvelier, J., audition publique du 5 mars 2002 et Cuvelier, J., et Raeymaekers, T., « Supporting the war economy in the DRC : European companies and the coltan trade. Five case studies. An IPIS report », Antwerp, January 2002, p. 10-11.

(201) Cuvelier, J., Raeymaekers, T., « Supporting the war economy in the DRC : european companies and the coltan trade. Five case studies. An IPIS report », Antwerp, IPIS, January 2002, p. 12.

(202) Réf. Et dates. Le premier rapport de l'ONU supposait qu'une partie du million versé par la SOMIGL pouvait servir à rembourser un prêt bancaire contracté pour rembourser des frais militaires à partir de la vente du coltan. Pour plus de détails voir : Nations unies, Conseil de Sécurité, Rapport du groupe d'experts sur l'exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de la République démocratique du Congo, le 12 avril 2001, § 130-134.

(203) Nations unies, Conseil de Sécurité, Rapport final du groupe d'experts sur l'exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesse de la République démocatique du Congo, New York, 16 octobre 2002, § 77.

(204) Cuvelier, J., Raeymaekers, T., « Supporting the war economy in the DRC : european companies and the coltan trade. Five case studies. An IPIS report », Antwerp, IPIS, January 2002, p. 11.

(205) Ces estimations confirment les estimations selon lesquelles, lors du boom du coltan, des avions de 1-2 tonnes effectuaient une dizaine de vols par jour au départ de Cyangugu vers Kigali. Voir article de Marysse, S. et Andre, C., Guerre et pillage en RDC, Marysse, S., Reyntjens, F., Annuaire des Grands Lacs 2000-2001, Paris, L'Harmattan, 2001, pp. 307-332.

(206) Nations unies, Conseil de Sécurité, Rapport final du Groupe d'experts ..., op. cit., 16 octobre 2002.

(207) Méthode signalée également dans le premier rapport de l'ONU : Nations unies, Conseil de Sécurité, Rapport du groupe d'experts sur l'exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de la République démocratique du Congo, le 12 avril 2001, § 93.

(208) 19 postes de taxation comparés à 11 pour le Burundi par exemple.

(209) De Failly, D., Coltan : pour comprendre ..., Marysse, S., Reyntjens, F., L'Afrique des Grands Lacs. Annuaire 2000-2001, Paris, L'Harmattan, 2001, pp. 281-306.

(210) De Failly, D., op. cit., p. 297-299.

(211) Les tarifs sur le « marché papier » (spot market) offert aux exportateurs du Congo variaient entre 25-30 dollars US/lb locaux. Ceux-ci augmentèrent jusqu'à 180 dollars US/lb en novembre pour atteindre un sommet à Bukavu de 225 dollars US/lb au mois de décembre 2000.

(212) Marysse, S., « Regress and war : the case of the DRCongo », « European journal for development research », 2003.

(213) Voir article de Marysse, S., André, C., Guerre et pillage économique en République démocratique du Congo, Marysse, S., Reyntjens, F., L'Afrique des Grands Lacs. Annuaire 2000-2001, Paris, L'Harmattan, 2001, pp. 323-325.

(214) « Le comptoir Eagle Wings n'est pas tenu d'assumer toutes ses responsabilités vis-à-vis du trèsor public géré par l'administration du RCD-Goma. [ ...] Eagle Wings collabore avec l'APR afin de jouir d'un accès privillégié aux mines de coltan et à une main-d'oeuvre captive ». Nations unies, Conseil de Sécurité, Rapport final du groupe d'experts ..., op. cit., New York, 16 octobre 2002, § 79.

(215) Nations unies, Conseil de Sécurité, Rapport final du groupe d'experts. ..., op. cit, New York, 16 octobre 2002, § 76.

(216) Nations unies, Conseil de Sécurité, Rapport du groupe d'experts sur l'exploitation illégale ..., op. cit., le 12 avril 2001.

(217) En prenant un prix moyen allant de 120 dollars US/livre pour une teneur de 25 % de tantale par kilo pour l'ensemble de l'année 2000.

(218) Les dépenses militaires officielles du Rwanda étaient estimées à 86 millions de dollars US pour l'année 2000. Voir l'annexe 5 de l'annuaire 2000-2001 dirigé par Marysse, S., Reyntjens, F., L'Afrique des Grands Lacs, Paris, L'Harmattan, p. 415.

(219) Marysse, S., « Regress and war : the case of the DRCongo », « European journal for development research », 2003.

(220) Le panel estime à 320 millions de dollars les revenus de l'année 2000 du Bureau Congo, le service de renseignements extérieur et considéré comme l'aile commerciale de l'APR, Nations unies, Conseil de Sécurité, Rapport final du groupe d'experts ..., op. cit., 16 octobre 2002, § 71.

(221) Marysse, S., « Regress and war : the case of the DRCongo », « European journal for development research », 2003.

(222) Nations unies, Conseil de Sécurité, Rapport final du groupe d'experts ..., New York, 16 octobre 2002, §§ 90-96. Voir aussi Marysse, S., André, C., Guerre et pillage en République démocratique du Congo, op. cit., pp. 327-329.

(223) Nations unies, Conseil de Sécurité, Rapport final du groupe d'experts ..., New York, 16 octobre 2002, §§ 90-96. Ces constats rejoignent ceux de MSF qui a mené des enquêtes et recueillis des témoignages au cours de l'année 2001. Voir audition de membres de MSF, Michel Van Herp, Luc Nicolas et Jean-Marc Biquet, audition publique du 22 mars 2002.

(224) Voir aussi Human Rights Watch, La guerre dans la guerre. Violence sexuelle contre les femmes et les filles dans l'est du Congo, République démocratique du Congo, juin 2002, p. 62.

(225) Voir : MSF, Accès aux soins et violences au Congo. Résultats de cinq enquêtes épidémiologiques, Bruxelles, MSF, 2001; voir également le recueil de témoignages et récits de vie repris dans l'ouvrage MSF, RDCongo : Silence on meurt, Bruxelles, MSF, Paris, L'harmattan, septembre 2002.

(226) Ces principes forment l'un des piliers de la déclaration de l'OCDE sur l'investissement international et les entreprises « multinationales », adoptée par les pays membres de l'OCDE en 1976.

(227) Nations unies, rapport final du groupe d'experts, op. cit., le 16 octobre 2002.

(228) Pour le groupe d'experts du rapport final sur l'exploitation illégale des ressources au Congo, « toutes les mines de coltan situées dans l'est de la République du Congo profitent soit à un groupe rebelle soit à des armées étrangères ».

(229) Hayes, K.T., Coltan mining in the Democratic republic of Congo : the implication and opportunities for the telecommunications industry, Cambridge, Fauna & flora International, 14 january 2002, pp. 42-43.

(230) Meeus, P., audition publique du 11 janvier 2002.

(231) Meeus, P., audition publique du 11 janvier 2002.

(232) Meeus, P., auditions publiques des 11 janvier 2002 et 28 juin 2002.

(233) Van Bockstael, M., audition publique du 28 juin 2002.

(234) Meeus, P., audition publique du 11 janvier 2002.

(235) Dietrich, C., Monnaie forte : L'économie criminalisée des diamants dans la République démocratique du Congo et les pays voisins. Partenariat Afrique Canada, Ottawa, juin 2002.

(236) Dietrich, C., Monnaie forte : L'économie criminalisée des diamants dans la République démocratique du Congo et les pays voisins. Partenariat Afrique Canada, Ottawa, juin 2002.

(237) Leclercq, H., audition publique du 14 juin 2002.

(238) Dietrich, C., Monnaie forte : L'économie criminalisée des diamants dans la République démocratique du Congo et les pays voisins. Partenariat Afrique Canada, Ottawa, Juin 2002.

(239) 4 % selon Johan Peleman et A.-Marie Neyts, 2 à 3 % selon Charles Bornstein, auditions publiques.

(240) Peleman, J., audition publique du 7 décembre 2001.

(241A)Peleman, J., audition publique du 7 décembre 2001.

(241) Misser, F., audition publique du 22 février 2002.

(242) Peleman, J., audition publique du 7 décembre 2001.

(243) Meeus, P., audition publique du 11 janvier 2002.

(244) Misser, F., audition publique du 22 février 2002.

(245) Dietrich, C., Monnaie forte : L'économie criminalisée des diamants dans la République démocratique du Congo et les pays voisins. Partenariat Afrique Canada, Ottawa, juin 2002.

(246) Voir Meeus, P., audition publique du 11 janvier 2002. Peter Meeus rejoint l'argument de Hugues Leclercq, audition publique du 30 novembre 2001 « [...] chaque envoi représente deux à trois millions, voire cinq millions de dollars, et ce deux fois par mois. [...] Des vols peuvent se produire durant le transport, les assureurs exigent toute une série de formalités administratives : documents d esortie, lettres de transport, certificat exigé par le pays, etc. [...] ne pas souscrire d'assurance est extrêmement dangereux. Si un colis est volé, le bénéfice de toute une campagne est perdu. C'est pour cela que tous les diamantaires veillent à accomplir les formalités administratives leur permettant d'arriver à Anvers et de passer facilement la douane ».

(247) Dietrich, C., « What are conflict diamonds ? », unpublished paper, 2002, p. 9.

(248) Néant.

(249) Néant.

(250) Van Bockstael, M., audition publique du 11 janvier 2002.

(251) Meeus, P., audition publique du 11 janvier 2002.

(252) Van Bockstael, audition publique du 28 juin 2002.

(253) Van Bockstael, M., audition publique du 11 janvier 2002.

(254) Misser, F., audition publique du 22 février 2002, Leclercq, H., audition publique du 30 novembre 2001.

(255) Dietrich, C., Monnaie forte : L'économie criminalisée des diamants dans la République démocratique du Congo et les pays voisins, Partenariat Afrique Canada, Ottawa, juin 2002.

(256) Idem.

(257) Nations unies, Conseil de Sécurité, Rapport du groupe d'experts sur l'exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de la République démocratique du Congo, 12 avril 2001, § 127; et Marysse, S., André, C., « Guerre et pillage en République démocratique du Congo », Marysse, S., Reyntjens, F., L'Afrique des Grands Lacs. Annuaire 2000-2001, Paris, L'Harmattan, pp. 318-320.

(258) Voir Omasambo T., J., « Les diamants de Kisangani », dans Monier, L., Jewsiewicki, B., de Villers, G., « Chasse au diamant au Congo/Zaïre », Cahiers Africains, nº 45-46, pp. 124-125. L'auteur montre bien, au moment du passage de l'AFDL que le contrôle de certains chefs de carrières visait avant tout la possibilité de percevoir des taxes en 1997 pour l'AFDL. Par exemple, une taxe de 7 % avait été imposée sur la carrière du célèbre Pikoro.

(259) Marysse, S., André, C., « Guerre et pillage en République démocratique du Congo », Marysse, S., Reyntjens, F., L'Afrique des Grands Lacs. Annuaire 2000-2001, Paris, L'Hartmattan, pp. 318-321.

(260) Voir premier rapport de l'ONU, Nations unies, Conseil de Sécurité, Rapport du groupe d'experts sur l'exploitation illégale des ressources, op. cit.

(261) Misser, F., audition publique du 22 février 2002.

(261A) Voir rapport des Nations unies, op. cit.

(262) Nations unies, Rapport final du groupe d'experts, op. cit., 15 octobre 2002.

(263) Misser, F., audition publique du 22 février 2002.

(264) Chartry, audition publique du 14 juin 2002.

(265) Van Bockstael, M., audition publique du 28 juin 2002.

(266) Van Bockstael, M., audition publique du 11 janvier 2002.

(267) Leclerq, H., audition publique du 30 novembre 2001.

(268) Peleman, J., audition publique du 7 décembre 2001.

(269) Conseil supérieur du diamant, audition publique des 11 janvier 2002, 28 juin 2002.

(270) Cappelle, J., audition publique du 23 octobre 2002.

(271) Peleman, J., audition publique du 7 décembre 2001.

(272) Van Bockstael, M., audition publique du 11 janvier 2002.

(273) Meeus, P., audition publique du 11 janvier 2002 et voir également le long exposé de Mark Van Bockstael, le 28 juin 2002.

(274) Bornstein, C., audition publique du 11 janvier 2002.

(275) Meeus, P., audition publique du 11 janvier 2002.

(276) Neyts, A., audition publique du 8 février 2002.

(277) Neyts, A., audition publique du 8 février 2002.

(278) Van Bockstael, M., audition publique du 11 janvier 2002.

(279) Idem.

(280) Meeus, P., audition publique du 11 janvier 2002.

(281) Van Bockstael, M., audition publique du 28 juin 2002.

(282) Christian Dietrich, « Diamonds in the Central African Republic : Trading, Valuing and Laundering », Occassional Paper No 8, Partnership Africa Canada, Ottawa, Janvier 2003.

(283) Le CEEC est entré en action en octobre 2001 pour évaluer les exportations officielles par les comptoirs et autres producteurs industriels de diamants. Auparavant, cette tâche était assume par le Centre national d'expertise (CNE), qui fut démantelé mi-2000 avant la mise en oeuvre du monopole de IDI. Celle-ci aurait dû être suivie de la création du DDC, qui ne semble jamais avoir été mis sur pied.

(284) Les participants du processus de Kimberley ont encourage la « participation la plus large possible des pays producteurs, importateurs et exportateurs de diamants, ainsi que des organisations régionales d'intégration économique ». Formulaire de participation : www.kimberleyprocess.com, 15 janvier 2003. L'inscription, dans ce but, ne voulait exclure aucun pays de la participation et demandait que le candidat contacte la présidence via les canaux diplomatiques, et mentionne (1) l'autorité gouvernementale responsable désignée pour la mise en oeuvre du plan de certification du processus de Kimberley; (2) les lois et réglementations concernant le commerce de diamants bruts et la mise en place du plan de certification; (3) un spécimen du certificat du processus de Kimberley, et (4) la date prévue de sa mise en oeuvre.

(285) Christian Dietrich, « Diamonds in the Central African Republic : Trading, Valuing and Laundering », Occassional Paper No 8, Partnership Africa Canada, Ottawa, janvier 2003.

(286) Neyts, A., audition publique du 8 février 2002.

(287) Meeus, P., audition publique du 11 janvier 2002.

(288) Idem.

(289) Peleman, J., audition publique du 7 décembre 2001. À cette remarque, Charles Bornstein rétorque qu'il est difficile pour Anvers par exemple d'intervenir au niveau du pays, avant l'exportation, audition publique du 11 janvier 2002.

(290) Meeus, P., audition publique du 11 janvier 2002.

(291) Bornstein, C., audition publique du 11 janvier 2002.

(292) Idem.

(293) Les reproches vis-à-vis du système belge proviennent principalement de Johan Peleman de l'ONG IPIS au sein de laquelle un groupe de chercheurs travaillent sur le sujet.

(294) Meeus, P., audition publique du 11 janvier 2002; Van Bockstael, M., auditions publiques des 11 janvier et 28 juin 2002.

(295) Peleman, J., audition publique du 7 décembre 2001.

(296) Meeus, P., audition publique du 11 janvier 2002.

(297) Peleman, J., audition publique du 7 décembre 2001.

(298) Conseil supérieur du diamant, auditions publiques des 11 janvier 2002 et 28 juin 2002.

(299) Cappelle, J., audition publique du 23 octobre 2002.

(300) Cappelle, J., audition publique du 23 octobre 2002.

(301) Cappelle, J., audition publique du 23 octobre 2002.

(302) Cappelle, J., audition publique du 23 octobre 2002.

(303) Néant.

(304) Cappelle, J., audition publique du 23 octobre 2002

(305) Cappelle, J., audition publique du 23 octobre 2002.

(306) Conseil supérieur du diamant, auditions publiques des 11 janvier et 28 juin 2002.

(307) Cappelle, J., audition publique du 23 octobre 2002.

(308) Cappelle, J., audition publique du 23 octobre 2002.

(309) Peleman, J., audition publique du 7 décembre 2001.

(310) André, C. et Marysse, S., « Guerre et pillage économique en République Démocratique du Congo », Marysse, S., Reyntjens, F., L'Afrique des Grands Lacs. Annuaire 2000-2001, Paris, L'Harmattan, 2001, pp. 307-332.

(311) Voir l'audition publique de Guy Franceschi, le 31 mai 2002 et celle de Gilbert Chartry, le 14 juin 2002.

(312) Kennes, E., « Le secteur minier au Congo : » déconnexion « et descente aux enfers », Marysse, S., Reyntjens, F., L'Afrique des Grands Lacs. Annuaire 2000-2001, Paris, L'Harmattan, 2001, pp. 2999-342.

(313) Kennes, E., op. cit., p. 7

(314) Ibidem.

(315) Pour plus d'informations, voir le site web de la Banro Resource Corporation : www.banro.com.

(316) Voir audition de Chartry, G., audition publique du 14 juin 2002.

(317) De son vrai nom Caleb Anakwandaho.

(318) Pour un commentaire plus détaillé, voir : Peleman, J., « Zaïre. Privatisering van de machtswissel », IPIS, 1997.

(319) « Canadian Corporate News », 3 avril 1996, cité dans : Peleman, J., o.c., pp. 20 et 27.

(320) Marie-France Cros, « Pour quelques pépites de plus. Le centurion, la mine et les contrats » dans la Libre Belgique, 22 mai 1998

(321) République démocratique du Congo, ministère de la Justice, parquet général de la République, Office du procureur général de la République, Note aux fins d'ouverture d'action judiciaire à charge de Agmon David, Dossier DO24/4845/NDD/PGR/98.

(322) Lumbi, P., Guerre en RDC. Enjeux économiques, Kinshasa, OGT, 10 avril 2000, cité dans Kennes, E., op. cit.

(323) Front de libération du Congo, Programme de rédynamisation des activités minières dans le territoire contrôlé du Front de libération du Congo (signé Atenyi Tibasiima), 21 mars 2001.

(324) Le Soir, 20 et 27 novembre 2002.

(325) Le Soir, 20 novembre 2002.

(326) Goetz, A., audition publique du 6 décembre 2002.

(327) Burundi Bureau, Centre d'information des ONG, Burundi Économie. La filière de l'or et le drame burundais, 17 février 2000.

(328) Le Soir, 12 février 2000.

(329) Ibidem.

(330) Centre International pour le règlement des différends relatifs aux investissements, Antoine Goetz et consorts contre République du Burundi (Affaire CIRDI ARB/95/3), Sentence, 10 février 1999.

(331) Goetz, A., audition publique du 6 décembre 2002.

(332) Goetz, A., audition publique du 6 décembre 2002.

(333) De Herdt, T., « Surviving the transition, Institutional aspects of economic regress in Congo-Zaire », Anvers, Université d'Anvers, 2000.

(334) Goetz, A., audition publique du 6 décembre 2002.

(335) André et Marysse basent leurs calculs sur une évaluation de prix de 8,3 millions de dollars US par tonne d'or.

(336) Nations unies, Conseil de Sécurité, Rapport du groupe d'experts sur l'exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de la République démocratique du Congo, 12 avril 2001, pp. 59-60.

(337) Goetz, A., audition publique du 6 décembre 2002.

(338) La taxe sur la réexportation au Rwanda est de 1,75 % : information au juge d'instruction bruxellois Michel Claise, Le Soir, 20 novembre 2002.

(338A) Voir note nº 328.

(338B) André, C., Marysse, S., Guerre et pillage en République démocratique du Congo, Marysse, S., Reyntjens, F., L'Afrique des Grands Lacs. Annuaire 2000-2001, Paris, L'Harmattan, 2001, p. 322. Il faut noter que lorsque Panju fut arrêté ici à Bruxelles, le prix de l'or offert par les creuseurs chuta drastiquement, faute d'acheteurs ! La valeur ajoutée « pillée » et qui sort du Congo dépend également du marché local.

(339) Voir audition publique de Leclercq, H., audition publique du 30 novembre 2001 et voir aussi Groupe d'expertise congolaise de Belgique, Le nouvel ordre politique et les enjeux économiques du conflit en République démocratique du Congo, s.l., s.e., novembre 2001, p. 23.

(340) Leclercq, H., audition publique du 30 novembre 2001.

(340A) Cette constatation a également été reprise par Mulumba Mabi, Les dérives d'une gestion prédatrice. Le cas du Zaïre devenu République démocratique du Congo-Kinshasa, Centre de recherches pédagogiques, 1998, pp. 14-26.

(341) Bomsel, O., Instruction Sysmin III Gecamines, Paris, Centre d'économie des ressources naturelles, juillet 1991, pp. 4-9.

(342) Idem, p. 8.

(343) L'auteur dénonce ici l'évolution des tarifs de découverture : « Ainsi, les entrepreneurs sous-traitant la découverture dans les carrières facturaient le m3 déplacé à 3 dollars US en 1988, 3,9 dollars US en 1989, 4,6 dollars US en 1991. Les tarifs pratiqués ailleurs dans le monde varient entre 1 et 2,5 dollars US. Avec de tels tarifs, il est clair que la rente profite largement aux sous-traitants et à leurs partenaires. » Bomsel, O., op. cit., pp. 13-14.

(344) Bomsel, O., op. cit., pp. 13-15.

(345) Gecamines, exposé lors de la visite du président de la commission d'enquête M., André Geens à Lubumbashi, août 2002.

(346) Gecamines, exposé lors de la visite du président de la commission d'enquête M., André Geens à Lubumbashi, août 2002; Gecamines, Situation et perspectives, août 2001, p. 24.

(347) Gorus, J., audition publique du 8 février 2002.

(348) Gorus, J., audition publique du 8 février 2002.

(349) Idem.

(350) Denis, E., audition publique du 19 septembre 2002.

(350A)

(351) STL produit un alliage blanc dont la teneur est de 18 % de cobalt.

(352) Ceci signifie l'abandon des grandes mines souterraines au profit d'une exploitation de petites mines ou de mines à ciel ouvert ou des rejets (terrils de Lubumbashi ou tailings de Kolwezi).

(353) C'est un constat qui est semblable à celui du coltan ou de la cassitérite.

(354) Gorus, J., audition publique du 8 février 2002.

(355) Etienne Denis justifie le choix de projets à très court terme, permettant un retour sur investissements très rapide (tel que celui de Kasombo) étant donné le contexte actuel et les conditions de marché : « On arrive maintenant dans un système où, d'une part, le pays est tellement à risque et où, d'autre part, le prix des métaux est tellement bas que de tels projets deviennent de plus en plus risqués. Que demandent dès lors les investisseurs ? Retrouver extrêmement rapidement leur argent pour essayer de réduire les risques au maximum. Il s'agit donc de petits projets. », Denis, E., audition publique du 17 septembre 2002. Selon lui, la Banque mondiale envisage le développement du Katanga sur base de tels projets (exploitation de tailings), peut générer 300 à 500 emplois. Les firmes exigent en général des taux de rentabilité par rapport aux fonds engagés de 20 % (celui-ci est calculé sur base du bénéfice). Le pourcentage est relativement élevé car il tient compte des risques que le Congo représente et des risques techniques lié au projet. Ces projets ont des effets multiplicateurs importants et comportent un volet social.

(356) Voir liste des entreprises « juniors » et « majors » dans Kennes, E., « Le secteur minier au Congo : deconnexion et descente aux enfers », Reyntjens, F., Marysse, S., L'Afrique des grands Lacs. Annuaire 1999-2000, Paris, L'Harmattan, 2001, pp. 337-339.

(357) Gorus, J., audition publique du 8 février 2002.

(358) Voir aussi Peleman, J., audition publique du 7 décembre 2001.

(359) Denis, E., audition publique du 17 septembre 2002. Ceci est dû au fait que la technologie pour traiter ces rejets n'était pas disponible au moment de l'élaboration de la loi.

(360) Denis, E., audition publique du 17 septembre 2002. Voir aussi l'article 86 du nouveau code minier.

(361) Le domaine minier en République démocratique du Congo est régi par le principe que les mines appartiennent à l'État. « Il s'agissait en réalité de la consécration d'un principe constitutionnel repris dans les différentes constitutions qui ont régi la République démocratique du Congo après l'ordonnance-loi nº 66-343 du 7 juin 1966 dite « la loi Bakajika » qui dit que « les gîtes des substances minérales, y compris les gîtes artificiels, les eaux souterraines et les gîtes géothermiques se trouvant sur la surface du sol ou renfermés dans le sous-sol ou dans les cours d'eaux du territoire national sont la propriété exclusive, inaliénable et imprescriptible de l'État. » Mukendi Bafwana E. et associés, Avis juridique sur la vente du germanium extrait des scories de la Gécamines par la « jv » groupement pour le traitement du terril de Lubumbashi, Kinshasa, septembre 2002.

(362) Mukendi Bafwana E., op. cit..

(363) Le domaine minier en République démocratique du Congo est régi par le principe que les mines appartiennent à l'État. « Il s'agissait en réalité de la consécration d'un principe constitutionnel repris dans les différentes constitutions qui ont régi la République démocratique du Congo après l'ordonnance-loi nº 66-343 du 7 juin 1966 dite « la loi Bakajika » qui dit que « les gîtes des substances minérales, y compris les gîtes artificiels, les eaux souterraines et les gîtes géothermiques se trouvant sur la surface du sol ou renfermés dans le sous-sol ou dans les cours d'eaux du Territoire National sont la propriété exclusive, inaliénable et imprescriptible de l'État. » [ ...] Il s'ensuit que l'État, propriétaire des mines, concède ou confie souverainement la prospection, la recherche et l'exploitation des substances minérales à des personnes physiques ou morales éligibles aux droits miniers ou à des organismes qu'il crée à cet effet. En d'autres termes, le gisement minier ou gîte minéral exploitable de manière rentable dans les conditions économiques du moment n'est pas concessible. Ce sont plutôt les minerais qu'il renferme qui sont concessibles et susceptibles d'appropriation lorsqu'ils acquièrent une valeur marchande après extraction, traitement ou transformation. Ainsi, le titulaire d'un droit minier d'exploitation ne peut que céder ou amodier son droit d'exploitation de la mine et non pas la mine elle-même. Pour exploiter ce gisement découvert, la Gécamines a sollicité et obtenu de l'État, des droits miniers d'exploitation, en l'occurrence le permis d'exploitation ou la concession des substances concessibles.La jurisprudence unanime admet à cet effet que la concession par l'État des droits miniers aux tiers ne confère pas à leurs titulaires la propriété du sol, ni celle des substances qu'il contient. Lors de l'abattage, du traitement ou de la transformation des minerais par la Gécamines, tous les stériles, sols pauvres, minerais non concédés, minerais concédés à faible teneur ne pouvant revêtir le caractère de produit marchand faute de technologie de récupération disponible in illo tempore, entreposés sur le sol ou enfouis dans le sol ou le sous-sol, demeurent la propriété à l'État. Néanmoins, pour les minerais concédés, la Gécamines peut les exploiter de nouveau en vertu de son titre minier initial valide si elle accède à la technologie adéquate de récupération, telle que l'extraction de l'alliage cobaltifère dans les scories de Lubumbashi. Elle peut également les exploiter si elle étend son titre minier valide aux substances minérales non concédées conformément à la législation minière en vigueur. [...] En l'espèce, ce contrat viole les dispositions combinées des articles 8, 27 et 30 du code civil congolais livre III, équivalent respectivement aux articles 1108, 1128 et 1131 du Code civil belge, en ce que les scories en tant que gisement artificiel dans lequel se trouvent contenues les substances minérales concessibles sont des choses hors commerce et que les deux parties se sont obligées sur une cause illicite. » Mukendi Bafwana E., op. cit..

(364) Forrest, G.A., audition publique du 19 septembre 2002.

(365) Denis, E., audition publique du 17 septembre 2002.

(366) Denis, E., audition publique du 17 septembre 2002.

(367) Gorus, J., audition publique du 8 février 2002.

(368) Certains fours existent, les acheteurs pourraient envisager la construction de fours pour créer une valeur ajoutée au Congo. Dans le contexte du Congo, ce choix est plus coûteux et plus risqué.

(369) Le constat selon lequel la répartition de la valeur ajoutée au sein de la chaîne est inégale dans la filière hétérogénite est la même que celle que l'on peut faire pour la filière diamant ou encore coltan : le creuseur ne perçoit que 10 à 50 % au plus de la valeur ajoutée.

(370) L'arrêté ministériel nº 333/cab.mines/01/2000 du 8 novembre 2000 régit l'exploitation artisanale de l'achat, la vente et du traitement de l'hétérogénite.

(371) En effet, sur un marché mondial évalué à environ 35 000 tonnes de cobalt par an, l'arrivée de 3 000 à 4 000 tonnes de cobalt sur le marché par la commercialisation de l'hétérogénite, a un effet négatif sur les prix qui ont tendance à baisser.

(372) Pour quelles raisons privilégier l'exploitation artisanale et ne pas encourager l'exploitation industrielle et les investissements au Congo.

(373) Et par extension, quels risques le transport d'hétérogénite, de concentrés ou d'alliages représentent-ils pour l'environnement ?

(374) C'est le cas par exemple du choix d'investir dans un four plus grand plutôt que deux fours, de suspendre momentanément le projet du concentrateur pour réduire les coûts d'investissement à long court terme. Il faut souligner que le projet GTL par exemple a été négocié et discuté alors que le cours du cobalt affichait des cours élevés dépassant les 20 dollars US la livre (années 1992, 1994, 1995, 1996, 1997, 1998) alors que le cours est retombé à des niveaux inférieurs à 10 dollars US la livre en 2001 et 2002 (comme dans les années 1986-1989), pour atteindre un prix plancher de 5,85 dollars US la livre. Par ailleurs, le coût de revient du traitement de la scorie est relativement élevé.

(375) Outokumpu, « Slag treatment plant. Basic engineering. Material and energy balances for drying, smelting and converting. Document 536/10-c1-001 », 29 May 1996, OMG, « Congo slag smelter. Summary of feasible study. Profitable analysis, 4 February 1997; OMG, Congo slag smelter. Profitability analysis. One furnace smelter (no converting), 12 June 1998.

(376) Dans le cadre du projet Luiswishi, ces projets en cours d'élaboration permettraient de produire des produits à forte valeur ajoutée : production d'acide sulfurique sur place, du cobalt à 50 % et du cuivre à 99 %).

(377) Voir notamment les projets du Groupe Forrest, Forrest, G., audition publique du 19 septembre 2002.

(378) Forrest, G.A., audition publique du 19 septembre 2002.

(379) Même si les bénéfices de l'investissement ne reviennent pas au Congo et si les bénéficiaires de cet investissement sont à l'étranger. Ici, l'on aborde les questions des grands investissements au Congo, souvent surévalués, dont les premiers bénéficiaires furent avant tout les grandes entreprises étrangères qui réalisent ces investissements.

(380) Voir par exemple, certains déséquilibres dans l'analyse des contrats relatifs au terril de Lubumbashi. Blommaert, Analyse de la convention portant création de l'entreprise commune « Groupement pour le traitement du terril de Lubumbashi » ainsi que des contrats connexes et de l'intervention de l'office national du Ducroire, Bruxelles, décembre 2002 : annexe 2 du présent rapport.

(381) Denis, E., audition publique du 17 septembre 2001.

(382) Forrest, G.A., audition publique du 19 septembre 2002.

(383) Voir les différents contrats (accord de joint venture entre OMG BV, la SA Groupe Georges Forrest et la Générale des carrières et des mines, contrat de vente à long terme des scories, contrat de vente à long terme de l'alliage cobaltifère, contrat de traitement à façon, charte constitutive), date de signature ?

(384) Ce chiffre est repris dans le dossier Ducroire et correspond également à l'estimation de la Gécamines. Voir aussi l'audition publique de E. Denis du 17 septembre 2002. Cette quantité de germanium n'est que partiellement exploitable. L'évolution des prix au cours de ces trente dernière années et ses utilisations a déterminé son prix. Le prix du germanium est actuellement en baisse et la demande qu'il y a quelques années avait émané du marché des fibres optiques s'est ralentie; la demande actuelle concerne les satellites alimentés par des cellules solaires à base de germanium et l'industrie de l'électronique. Le principal producteur est actuellement Umicore.

(385) Forrest, G.A., audition publique du 19 septembre 2002.

(386) « Metal Bulletin », 24 June 2002.

(387) Forrest, G., audition publique du 19 septembre 2002. voir aussi note sur le comportement du germanium.

(388) Accord de germanium entre la Générale des carrières et des mines et OMG Kokkola Chemicals oy du 27 novembre 2000, proposant le paiement à la Gécamines de 5 % de la somme facturée des produits de germanium vendu par OMG à ses clients, et voir signature d'un accord entre Gécamines et OMG en décembre 2002.

(389) Convention minière entre la République du Zaïre et la Générale des carrières et des mines et Lundin Holdings Ltd ­ Mining Convention. Tenke Fungurume, Kinshasa, 30 novembre 1996. Selon certaines informations, les cours appliqués étaient d'environ 6 dollars US. Olivier Bomsel mentionne cette importante hausse de tarif dès 1991 : « Ainsi, les entrepreneurs sous-traitant la découverture dans les carrières facturaient le mü déplacé à 3 dollars US en 1988, 3,9 dollars US en 1989, 4,6 dollars US en 1990 et 5,1 en 1991. Les tarifs pratiqués ailleurs dans le monde varient entre 1 et 2,5 dollars US. Avec de tels tarifs, il est clair que la rente profite largement aux sous-traitants et à leurs partenaires. » Bomsel, O., op. cit.., p. 13.

(390) Exaco a également obtenu le statut de SPRL. (voir Gecamines, Rapport de synthétique au 31 août 2002.)

(391) Protocole d'accord entre la Générales des carrières et des mines et l'Entreprise Générale Malta Forrest dans le cadre du développement du projet de Luiswishi nº 486/10332/sg/gc/2001, juin 2001.

(392) Forrest, G., audition publique du 19 septembre 2002.

(393) Selon François Misser, le contrat avec Ridgepoint s'est enrichi d'une nouvelle anomalie avec la nomination de Billy Rautenbach à la présidence et à la direction générale de la Gécamines.

(394) Voir protocole d'accord de juin 2001.

(395) Au sens de valeur ajoutée sortante de l'entreprise sans compensation en terme d'investissements permettant à l'outil d'assurer une production continue.

(396) Il faudrait parler de monopolisation de certains gisements et contrôle de filières de production (telle que le projet Kinross le prévoyait à Kolwezi) par le biais de partenariats. La question de privatisation réelle de la Gécamines est illusoire dans le sens où la Gécamines a un passif de 1,5 milliard : qui se proposerait de racheter ses dettes ? Actuellement, la politique des partenariats offre la possibilité de s'associer momentanément avec la Gécamines, sans supporter son passif, mais tout en ayant les moyens de contrôler des ressources, et, dans le cas du projet Kinross, de monopoliser les outils de production (concentrateur et usine métallurgique). Il faut noter que Kolwezi représente 55 % des ressources de la Gécamines.

(397) Nations unies, Rapport final du Groupe d'experts sur l'exploitation illégal des ressources naturelles et autres formes de richesse de la République Démocratique du Congo, New York, Nations unies, 16 octobre 2002, §§ 22 et 25.

(398) Idem, § 28.

(399) Idem, § 30.

(400) Petit, P., Lubumbashi 2000 : la situation des ménages dans une économie de précarité. Rapport des recherches effectuées durant la première session des travaux de l'Observatoire, juin-octobre 2000, Bruxelles ­ Université de Lubumbashi, Université de Liège et Université libre de Bruxelles, Paris-L'harmattan, mars 2003.

(401) Les sources classiques relatives à l'exportation internationale d'armes, comme les rapports SIPRI annuels ou le rapport Grimmet, établi chaque année pour le Congrès des EU, contiennent à peine des données pour les pays d'l'Afrique séparément, sans parler des mouvements de rebelles.

(402) Cité dans : Ernesto U. Savona, « Illicit trafficking in arms, nuclear material, people and motor vehicles : the most important things we have learned and priorities for future study and research 3 », Working Paper nº 23, mai 1998, publication en ligne : http ://www.jus.unitn.it/transcrime/papers/wp23.html 2.1.1 Definitionofillicittraffickinginarms.

(403) Le site Internet du Registre UN est http ://disarmament.un.org/cab/register.html.

(404) Introduction « The Arms fixers : controlling the brokers and shipping agents », Brian Wood & Johan Peleman, NISAT (

(405) « De Europese Unie en Centraal Afrika : wapenbroeders of vredespartners », Jeroen Cuvelier, 2001, Anvers, p. 39.

(406) « Resolutions establishing mandatory arms embargoes », source : http ://projects.sipri.se/expcon/unoed3.htm

(407) Angola Press Agency, 10 décembre 2002.

(408) Ibidem.

(409) « De Europese Unie en Centraal Afrika : wapenbroeders of vredespartners », op. cit. , p. 38.

(410) Pour les systèmes d'armement plus lourds, tels que howitzers et mortiers, les parties combattantes sont généralement assistées par des instructeurs étrangers, tant pour leur utilisation que pour l'entretien. Cela vaut également pour les avions de transport et hélicoptères armés qui jouent un rôle dans le conflit. Les pilotes et l'équipage sont des étrangers, fournis pour ainsi dire avec le matériel.

(411) Des « licensed production agreements » portent en fait sur le transfert de technologies : un fabricant d'armes autorise un producteur d'armes étranger à produire ses appareils militaires. L'entreprise qui accorde la licence fournit des données techniques en vue de lancer la production et assure quelquefois la fourniture de machines (source : « Manufacturing trends : globalising the source », Pete ABEL, dans : « Running guns : the global black market in small arms », Lora Lumpe, 2000, London : Zed Books : p. 87).

(412) Nations unies, Conseil de Sécurité, Rapport final du groupe d'experts sur l'exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesse de la République démocratique du Congo, 15 octobre 2002.

(413) Ce tableau a été emprunté à l'étude récemment publiée du GRIP : Trafics d'armes vers l'Afrique : pleins feux sur les réseaux français et le savoir-faire belge, Georges Berghezan, Bruxelles, Éditions GRIP : p. 163. Les données relatives aux soldats engagés proviennent, comme indiqué, de l'UNDP, mais elles furent présentées également par Georges Berghezan au cours de l'audition du 5 juillet 2002.

(414) Berghezan, G., Trafics d'armes vers l'Afrique : pleins feux sur les réseaux français et le « savoir-faire » belge, op. cit. : p. 127.

(415) United Nations, « Report of the Panel of Experts on the illegal exploitation of natural resources and other sources of wealth of the Democratic Republic of the Congo », avril 2001 : § 28.

(416) Ibidem : § 35.

(417) Berghezan, G., op. cit. : pp. 127-129.

(418) Le gouvernement de Kabila a nié l'existence d'un accord avec la Corée du Nord en invoquant qu'il avait cherché l'assistance des États-Unis à propos d'une enquête quant à la radioactivité éventuelle à Shinkolobwe : selon ses propres dires, il n'aurait jamais obtenu cette assistance si des Coréens du Nord aussi avaient été au travail à proximité de l'endroit où travaillaient les chercheurs américains (« Report of the Panel of Experts », avril 2001 : § 35). D'autres sources confirment la version du groupe d'experts des Nations unies. C'est ainsi que, le 16 janvier 2000, le « London Sunday Telegraph » a publié un article de la main de Christina Lamb, relatant les propos du directeur d'une entreprise minière britannique : il a raconté aux reporters du « Telegraph » que ses ouvriers avaient aperçu des militaires nord-coréens à Shinkolobwe. Selon le journal britannique, il n'existait aucun doute au sujet des entraînements, mais il n'était nullement certain quelle récompense les Coréens du Nord avaient reçue en échange (« London Sunday Telegraph », 16 janvier 2000 : « Alarm over North Korea's secret deal for Congo uranium »).

(419) Berghezan, G., op. cit. : p. 130.

(420) Ibidem : pp. 132-133.

(421) Ibidem : p. 131. Air Charter Service a toujours soutenu avoir fait l'objet d'une escroquerie de la part de la firme néerlandaise.

(422) Audition publique de Georges Berghezan, 5 juillet 2002.

(423) « Final Report of the Panel of Experts on the illegal exploitation of natural resources and other forms of wealth of the DRC », octobre 2002 : § 55.

(424) C'est du moins ce qui apparaît d'un article d'Ana Zarzuela, publié le 12 mars 2001 dans le journal Madrid Cambio. Selon Zarzuela, les fabricants d'armes espagnols ont élaboré leur propre tactique qui leur permet de maintenir le semblant de respecter correctement les obligations légales en matière d'exportation d'armes, alors qu'en réalité ils continuent purement et simplement à exporter vers des destinations qui sont en fait interdites en vertu du Code de conduite de l'UE. La tactique consiste pour les fabricants, en une première phase, à nouer des contacts avec les pays qui sont à la recherche d'un matériel de défense, en une deuxième phase ils prennent part aux compétitions à contrat ouvert ­ pour autant qu'il y en ait ­ et ils ne s'adressent au JIMDDU, le comité de contrôle espagnol pour les licences d'exportation, qu'au moment où ils ont déjà le contrat en poche. S'ils pressentent que le JIMDDU n'accordera pas de licence, ils n'introduisent aucune demande et ils arrangent la fourniture en dehors des voies légales (« Madrid Cambio », 12 mars 2001 : « Spain : arms without borders »).

(425) « De Europese Unie en Centraal Afrika : wapenbroeders of vredespartners », op. cit. : p. 22.

(426) Berghezan, G., op. cit. : p. 136-137.

(427) Ibidem : p. 136.

(428) Après avoir nié la rumeur pendant des mois, Jesaya Nyamu, le ministre des Mines et de l'Énergie de la Namibie, a finalement admis fin février 2001 que son pays avait des intérêts miniers au Congo et qu'un associé américain intervenait, lui aussi, dans la transaction. Selon le journal namibien « Die Republikein », le président assassiné, Kabila, aurait offert en cadeau à la Namibie une mine de diamants en guise d'indemnisation pour son effort de guerre. Il s'agissait d'une mine à Maji-Munene, à proximité de Tshikapa et l'entreprise publique August 26 Holdings était responsable de l'exploitation. August 26 Holdings fut créé en vertu de l'article 76 de la loi de défense nationale de la Namibie. L'entreprise est essentiellement une société de gestion et d'investissement, chargée par les pouvoirs publics de régler tout ce qui concerne des investissements et emprunts à des entreprises de construction et d'ingénierie, surtout celles qui s'activent dans l'industrie de l'armement (« Die Republikein » : « Defence defends DRC mine », 28 février 2001).

(429) Berghezan, G., op. cit. : p. 139.

(430) Ibidem.

(431) Ibidem.

(432) Communication personnelle de Raf Kusters du 5 juin 2001.

(433) Berghezan, G., op. cit. : p. 140.

(434) Berghezan, G., op. cit. : p. 145.

(435) Ibidem : pp. 145-146.

(436) Ibidem : pp. 142-143.

(437) Ibidem : pp. 147-149.

(438) Ibidem : p. 148.

(439) Selon le registre des armes des Nations unies, 7 avions de combat MiG-21 furent fournis à l'Ouganda à partir de la Pologne en 1999.

(440) Berghezan, G., op. cit. : pp. 151-152.

(441) United Nations, « Report of the Panel of Experts on the illegal exploitation of natural resources and other forms of wealth of the Democratic Republic of the Congo », 12 avril 2001 : § 39.

(442) « De Europese Unie en Centraal Afrika : wapenbroeders of vredespartners », op. cit. : p. 30.

(443) Ibidem : pp. 32-33.

(444) C'est ce qui appert des conclusions des rapports des services de renseignement civils et militaires belges.

(445) Georges Berghezan, audition publique du 5 juillet 2002.

(446) Où il a immatriculé frauduleusement, par le truchement de sa société Centrafrican Airlines, plus de vingt avions et hélicoptères et où, en 2000, un mandat d'arrêt fut lancé contre sa personne.

(447) Selon Sanjivan Ruprah le régime rwandais serait redevable à Bout de plus de 20 millions de dollars, ce d'après un communiqué de presse lancé par l'avocat de Ruprah.

(448) Bout a exécuté des centaines de vols au départ de l'aéroport d'Entebbe vers l'Est du Congo, ainsi qu'il appert de données des autorités de la navigation aérienne ougandaise qu'IPIS a pu consulter.

(449) L'implication de Bout dans l'armement de l'Unita a été amplement démontrée par l'Angola Monitoring Mechanism des Nations Unies, tandis que les services judiciaires belges qui examinaient les pratiques de blanchissage de Bout ont découvert de nombreux paiements par le gouvernement angolais.

(450) La main droite de Bout, Ruprah, est le beau-frère du chef rebelle Onusumba. Lors de l'arrestation de Sanjivan Ruprah en Belgique, qui allait de pair avec un mandat d'arrêt international lancé contre Victor Bout, des perquisitions eurent lieu également chez un nombre d'entreprises diamantaires de la région anversoise et chez bon nombre de partenaires présumés de Bout qui ont la nationalité belge. Dans le téléphone portable de Ruprah furent trouvés des dizaines de noms de personnalités politiques et militaires au Congo, au Rwanda et en Ouganda (dans ce contexte, des enquêteurs IPIS ont collaboré avec la justice italienne à Crema, où Ruprah fut également détenu pendant un certain temps). Une entreprise aux Émirats arabes réunis, Stealth Telecom, a également fourni des appareils de télécommunication au chef rebelle Bemba et aux rebelles à Goma. La même société est le fournisseur des téléphones par satellite utilisés par Bout et ses collaborateurs. Le propriétaire de l'entreprise a résidé pendant des mois au Congo en présence de Victor Bout (Interview avec un expert Nations unies et interview avec Dirk Draulans, journaliste de Knack).

(451) Georges Berghezan, audition publique du 5 juillet 2002.

(452) Philippe De Moerloose, audition publique du 25 octobre 2002.

(453) Audition, Leslie Paesschierssens, conseiller, service licences Bruxelles et Frieda Coosemans, conseiller adjoint, service licences Anvers, du ministère des Affaires économiques, 28 juin 2002.

(454) Peleman, J., « Illegale trafiek van wapens naar conflicten : de Grote Meren en Angola », 1999, Anvers : brochure IPIS 123 : pp. 48-49.

(455) « De Standaard », « Wetsontwerp scherpere controle op in- en uitvoer wapens aangenomen », 28 juin 2002. Voir aussi Sénat de Belgique, proposition de loi réglant les activités économiques et individuelles avec des armes, et amendements, 21 mai 2002, 18 juin 2002 et 3 juillet 2002.

(456) Sénat de Belgique, Proposition de loi réglant des activités économiques et individuelles avec des armes et un projet de loi modifiant la loi du 5 août relative à l'importation, à l'exportation et au transit d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire et de la technologie y afférente, 3 février 2003.

(457) Chambre des représentants de Belgique, Proposition de loi modifiant la loi du 5 août relative à l'importation, à l'exportation et au transit d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire et de la technologie y afférente, 16 janvier 2003.

(458) Fondées en grande partie sur l'étude récemment publiée du GRIP sur les apports d'armes en Afrique Centrale : Berghezan, G., Trafics d'armes vers l'Afrique : pleins feux sur les réseaux français et le savoir-fair belge, 2002 (Éditions Grip), sur l'audition de Georges Berghezan et sur l'étude IPIS de Johan Peleman : « Illegale trafiek van wapens naar conflicten : de Grote Meren en Angola », Anvers, brochure IPIS 123 (

(459) Le GRIP suggère, par exemple, le ministre de la Défense ou le ministre de l'Intérieur du pays récepteur des armes.

(460) Pour mémoire : les brokers (courtiers) sont des intermédiaires qui organisent des transferts d'armes entre deux ou plusieurs parties. Il réunissent acheteurs, vendeurs, transporteurs, financiers et courtiers d'assurances afin de conclure un accord et il est surtout fait appel à leurs services quand les acteurs qui viennent d'être énumérés se trouvent séparés entre eux par des clivages culturels, politiques ou géographiques. Les brokers agissent en fonction de considérations financières et ils reçoivent une commission du fournisseur d'armes, de la partie qui reçoit les armes, ou des deux à la fois (Wood & Peleman, op. cit. : p. 129).

(461) Voir Wood, B., & Peleman, J., 2000, op. cit., pp. 148-149.

(462) Todd, 2000, pp. 52-3.

III. CONSTATATIONS ET RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE

La Commission d'enquête souligne que les constatations et les recommandations qui suivent sont formulées dans le respect le plus total de la souveraineté, de l'intégrité territoriale et de l'indépendance politique de la RDC (463) et des autres États mentionnés.

Les constatations et les recommandations qui suivent sont basées sur les informations recueillies lors des auditions et de la mission d'établissement des faits ainsi que dans le rapport des experts et la littérature existante.

La mission d'information a pu se déplacer librement au Rwanda, à Lubumbashi et à Kinshasa, mais pas dans le territoire contrôlé par le RCD-Goma, où il lui a été interdit de visiter Kisangani et Bukavu.

I. Constatations générales et recommandations

1. La commission souligne en premier lieu l'importance des trois rapports rédigés par un groupe d'experts pour le compte de l'ONU (464).

Ces rapports :

­ ont en effet attiré, de manière explicite, l'attention internationale sur le problème du pillage des richesses naturelles dans la région des Grands Lacs;

­ ont décrit des « mécanismes » permettant de réaliser ces pillages;

­ ont souligné la nécessité de prendre des mesures contraignantes au niveau international;

­ ont déjà été suivis d'effets concrets : création de commissions d'enquête nationales; cessation, par certaines entreprises, de leurs activités; suspension des ministres et fonctionnaires de la RDC mentionnés dans le troisième rapport de l'ONU; activation de mécanismes d'autorégulation dans plusieurs secteurs;

­ ont suscité un intérêt et des réactions positives au sein de la population de la RDC.

La commission a, certes, constaté qu'un certain nombre d'entreprises et/ou de personnes citées dans les rapports de l'ONU n'ont pas été entendues préalablement, ce qui compromet les droits de la défense.

En outre, les travaux de la commission ont été rendus fort difficiles par le fait que celle-ci n'a pas pu disposer des preuves et/ou indices qui devraient étayer les accusations contenues dans les rapports de l'ONU.

La commission a pris connaissance avec satisfaction de la résolution 1457 du 24 janvier 2003 du Conseil de Sécurité des Nations unies et plus particulièrement des points suivants de la résolution (465) :

« 9. Le Conseil de Sécurité souligne que le nouveau mandat du Groupe devra consister à :

­ continuer de passer en revue les données pertinentes et analyser les informations recueillies antérieurement par le groupe ainsi que toute information nouvelle et notamment les renseignements fournis par des personnes ou des entités mentionnées dans ses précédents rapports afin de vérifier, confirmer et, au besoin, mettre à jour ses conclusions ou encore de disculper les parties mentionnées dans ces rapports dans le but de revoir en conséquence les listes annexées à ces rapports;

­ rassembler des informations sur les mesures prises par les gouvernements pour donner suite à ses précédentes recommandations, et notamment sur l'effet que les activités de renforcement de capacités et les réformes menées dans la région ont sur les activités d'exploitation;

­ procéder à une évaluation des activités de toutes les parties nommées dans ces rapports eu égard aux paragraphes 12 et 15 ci-après;

­ formuler des recommandations sur les mesures à prendre par un gouvernement de transition en République démocratique du Congo et par les autres gouvernements de la région pour mettre en place les politiques et les cadres juridiques et administratifs voulus, ou les améliorer s'ils existent déjà, pour faire en sorte que les ressources de la République démocratique du Congo soient exploitées légalement et sur une base commerciale équitable afin de bénéficier à la population; ...

11. invite, par souci de transparence, les particuliers, les entreprises et les États nommément mentionnés dans le dernier rapport du groupe à faire parvenir au Secrétariat, au plus tard le 31 mars 2003, les observations qu'ils pourraient avoir à formuler en réponse, en tenant dûment compte du secret commercial, et prie le Secrétaire général de prendre les dispositions voulues pour faire publier ces observations, à la demande des particuliers, des entreprises et des États nommément mentionnés dans le rapport du 15 octobre 2002, en annexe à ce rapport du groupe, le 15 avril 2003 au plus tard;

12. souligne l'importance du dialogue entre le Groupe et les particuliers, les entreprises et les États visés qui en font la demande toute information les mettant en cause dans l'exploitation illégale des ressources naturelles de la République démocratique du Congo et prie le panel de mettre en place une procédure permettant de communiquer aux États membres qui en font la demande toute information obtenue précédemment par le Groupe qui les aiderait à procéder aux enquêtes nécessaires, sous réserve de l'obligation du groupe de protéger ses sources, et conformément à la pratique établie de l'Organisation, en consultation avec le Bureau des affaires juridiques du Secrétariat de l'Organisation des Nations unies ... »

2. 2.1. La commission constate qu'en dépit du potentiel énorme ­ plus particulièrement de matières premières ­ dont dispose la RDC, l'économie formelle s'est systématiquement effondrée depuis 1974 (466). Ce qui se traduit par une diminution spectaculaire du PIB, conjuguée à un doublement de la population en l'espace de 20 ans, une hyperinflation, un niveau d'investissement particulièrement faible, une diminution dramatique des recettes de l'État, une dégradation de l'infrastructure, etc. Ceci a eu pour conséquence l'apparition d'une économie informelle de survie.

2.2. La commission considère que les causes essentielles de cette évolution dramatique sont aussi bien l'absence du minimum de structures publiques propres à un État de droit que la situation de conflit interne qui est apparue, l'instabilité dans les pays voisins et la présence militaire étrangère.

La commission estime que cette situation a été le ferment de la criminalisation de l'économie par une élite politique et militaire congolaise et étrangère, de l'apparition de réseaux privés en remplacement des structures étatiques, de la corruption et du pillage des richesses naturelles. En ce sens que ces richesses ne profitent pas ou ne profitent que dans une mesure très insuffisante à la population, mais sont au contraire utilisées pour une large part au profit directement ou indirectement de politiciens, de militaires, de particuliers et d'entreprises privées du Congo comme d'autres pays (en particulier des pays ayant une présence militaire en RDC), lesquels y ont également trouvé un motif d'entretenir la situation de conflit et de guerre.

2.3. La commission, se basant notamment sur la mission d'information qu'elle a dépêchée au Rwanda et en RDC, arrive à la conclusion que pour organiser des activités (économiques) ou même obtenir des prestations de services normales, les institutions, les entreprises et les personnes doivent, de bas en haut de l'échelle, payer des « commissions » ou offrir des services.

Cette situation est favorisée notamment par une fiscalité « officielle » peu transparente.

Dans ce contexte, les institutions, les personnes et les entreprises se trouvent devant le choix suivant : soit interrompre leurs activités, soit participer au circuit informel, soit participer au circuit illégal.

2.4. Le harcèlement fiscal, l'insécurité juridique et bureaucratique et la multiplication de « commissions secrètes » découragent toute activité, service ou entreprise qui contribue au développement du pays.

2.5. La commission constate que la situation globale conduit à une catastrophe humanitaire et elle dénonce le manque de respect des droits de l'homme les plus élémentaires.

2.6. La commission estime que seul un règlement politique, le rétablissement de la paix, le retrait intégral des troupes étrangères et la restauration de l'« État » et de ses institutions essentielles telles que l'administration, la justice, l'armée et la police, peuvent mener à une solution durable.

2.7. La commission a constaté au sein de la société civile congolaise une vive inquiétude quant à l'éventualité de voir confier à l'avenir d'importantes fonctions politiques à des personnes qui sont responsables de ladite situation.

2.8. La commission demande au gouvernement de poursuivre ses efforts, tant bilatéraux que multilatéraux, en vue de trouver une solution politique pour la RDC et l'ensemble de la région.

2.9. La commission considère également que notre coopération (au développement) doit s'atteler en priorité à la restauration et au renforcement de l'État de droit et des institutions démocratiques, pour que la RDC puisse au moins disposer d'un minimum d'appareil étatique.

2.10. La commission constate que la communauté internationale (les organisations multilatérales, l'Union européenne et ses États membres) n'applique pas dans la même proportion les mêmes critères à tous les pays de la région.

La commission invite dès lors le gouvernement à prendre les initiatives voulues pour que la coopération internationale se fonde sur des principes équitables, dont les principaux sont la bonne gouvernance, le respect des droits de l'homme, une évolution démocratique positive et l'histoire du pays.

2.11. La commission considère que l'impunité qui prévaut aujourd'hui en matière de violation des droits de l'homme est de nature à prolonger et à aggraver cette violation. La commission demande au gouvernement belge d'agir avec diligence auprès des partis responsables de ces violations et auprès des instances internationales compétentes (en ce compris la Cour pénale internationale) pour mettre fin à ces violations et pour que des poursuites soient engagées à l'encontre des auteurs de ces crimes.

3. Sur la base des témoignages entendus, la commission constate que, s'agissant des remarques du groupe d'experts de l'ONU en matière de respect des directives de l'OCDE, ces directives sont parfois connues des entreprises opérant dans la région des « Grands Lacs » et que parfois elles ne le sont pas ou à peine.

En outre, même connues, ces directives ne sont pas traitées comme un principe prioritaire.

La commission demande au gouvernement de prendre les initiatives nécessaires, tant au niveau national qu'international afin d'établir un code de bonne conduite applicable aux entreprises opérant dans les zones de conflit, ainsi que des règles économiques, sociales, écologiques et éthiques contraignantes.

Elle propose en outre qu'entre-temps, le gouvernement informe effectivement les entreprises belges des directives OCDE en vigueur.

Il demandera un rapport annuel auprès des organisations représentatives des entreprises sur l'implémentation des directives OCDE dans les entreprises belges.

4. La commission constate que :

­ l'importance de la Belgique comme partenaire commercial de la RDC s'est particulièrement réduite depuis le début des années 1960;

­ la présence économique des pays industrialisés dans le secteur minier ne se manifeste plus directement, comme autrefois, par des entreprises multinationales, mais plutôt par ce que l'on appelle des « juniors ».

Ce modèle implique que : rares sont les gros investissements; on vise plutôt les concessions à court terme et la maximisation des profits; les concessions prospectées et acquises sont revendues; les projets n'ont qu'une faible perspective de développement (rapport investissement/emploi entraînant la création de relativement peu d'emplois et processus de production organisé principalement à l'aide de moyens importés).

5. 5.1. Dès le début de ses travaux, la commission a été confrontée à l'absence, dans les rapports des Nations unies, de définitions juridiquement cohérentes et utilisables des notions de « légalité et illégalité » et de « pillage ».

5.2. Les notions de légalité et d'illégalité sont difficilement utilisables dans un pays comme la RDC, pour lequel on peut encore à peine parler d'État dans la mesure où, étant donné la situation de conflit, le pays est en fait divisé en plusieurs territoires dont les autorités sont reconnues de facto par la communauté internationale (en particulier sur la base des accords de Lusaka).

5.3. Les activités économiques ou le commerce pratiqués avec des entreprises ou des personnes de chacun des territoires de la RDC ne peuvent pas comme tels être qualifiés d'illégaux.

Cela ne signifie pas pour autant que les autorités ou les acteurs (économiques) concernés ne puissent pas se rendre coupables de pratiques illégales, de comportements illicites ou de pillage, notamment avec le produit de leurs activités.

5.4. La commission estime également que la notion de pillage des richesses naturelles doit être définie avec précision.

5.5. Pour la commission, la notion de pillage revêt une dimension économique et sociale.

5.6. Du point de vue économique, on pourrait définir le pillage en partant de la notion de valeur ajoutée.

Il y aurait ainsi pillage par des acteurs étrangers lorsque la valeur ajoutée qui quitte le pays n'est pas compensée par des importations équivalentes de biens, de services ou de devises.

L'avantage de cette approche est qu'elle permet de quantifier la notion de pillage.

5.7. La dimension sociale concerne le fait que le produit de l'exploitation des richesses naturelles ne profite pas ou pas suffisamment à l'État ou à la population.

5.8. Dans une telle approche, le pillage peut être la conséquence tant d'activités quasi légales que d'activités illégales, qui peuvent être le fait aussi bien des autorités que d'acteurs économiques étrangers ou intérieurs.

5.9. La commission demande au gouvernement d'insister auprès des Nations unies pour que, dans le cadre de la poursuite des travaux du panel des Nations unies, elles élaborent une définition claire des notions de légalité et illégalité et de la notion de pillage des richesses naturelles.

6. La commission constate ce qui suit au niveau de la situation humanitaire :

6.1. La situation socio-économique et sanitaire de la population congolaise connaît, depuis plusieurs décennies, une dégradation constante. Les deux guerres qui ont ravagé le pays depuis 1996 ont dramatiquement aggravé cette situation.

6.2. Les taux de mortalité sont dramatiquement élevés en particulier le long des lignes de front, dans l'Est et le Nord de la RDC, et chez les enfants de moins de 5 ans. Dans ces zones, on peut véritablement parler de catastrophe humanitaire et les taux de mortalité sont souvent les plus élevés de la planète. Ces niveaux de mortalité sont intolérables.

6.3. Le long des lignes de front et dans certaines villes martyres, telles Bunia, Basankusu, Kindu, Chabunda, ... 10 % de la population et un quart d'enfants meurent chaque année. La ruée vers le coltan, les diamants, le cobalt et l'or, ainsi que les réquisitions de travailleurs par des troupes en armes, ont profondément déstabilisé l'économie agricole et les capacités de subsistance de millions de familles. Les maigres réserves alimentaires ont disparu. De gré ou de force, les paysans se sont transformés en mineurs et en « creuseurs » au prix d'une dégradation sensible de leurs conditions sociales, de leur santé et de leur sécurité alimentaire.

6.4. L'augmentation de la mortalité dans les zones de guerre est principalement liée à l'augmentation des maladies infectieuses et de la malnutrition mais aussi aux violences exercées à l'encontre des civils.

6.5. Dans la plupart des régions du pays, des hommes en armes ont commis et commettent encore des atrocités effroyables à l'encontre de femmes, d'enfants et d'hommes non armés sans que les auteurs ou les commanditaires de ces crimes ne soient jamais inquiétés ou poursuivis. Dans l'Ituri et dans d'autres régions du pays, la violence a atteint une ampleur et prend des formes qui heurtent profondément la conscience humaine et doivent être considérées comme des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité.

6.6. Ces atrocités comprennent des milliers d'assassinats, d'infanticides, de viols de femmes et d'enfants, de tortures, de persécutions, la privation d'accès à la nourriture et aux soins calculée pour entraîner la destruction d'une partie de la population ainsi que des pillages, des destructions systématiques de champs, de maisons, de greniers, des bombardements indiscriminés de villages et de villes et de nombreuses autres formes de traitement inhumain et dégradant.

6.7. Ces actes barbares provoquent un traumatisme psychologique et physique, profond et durable sur les victimes survivantes ainsi que des conséquences à long terme sur le développement de la région. Beaucoup de ces victimes, incapables de surmonter leur terreur et l'épuisement de leurs ressources finissent par mourir.

6.8. Les auteurs de ces atrocités sont des hommes en armes qui appartiennent à des factions congolaises contrôlées par des parties prenantes au dialogue inter-congolais, à des bandes incontrôlées ou à des troupes étrangères.

6.9. Les réseaux d'élite ont cherché à s'approprier les richesses naturelles du Congo par la force et par la guerre. Pour atteindre ce but, ils n'ont pas hésité à sacrifier la population congolaise, à la terroriser et à la brutaliser. Tandis que ces réseaux cherchaient à conforter leur pouvoir et à augmenter leurs profits, deux à trois millions de personnes ont péri en une demi-douzaine d'années, de violences, de privations, de manque de soins, et de résurgence de maladies autrefois maîtrisées tels le choléra, la maladie du sommeil, la tuberculose ou la malaria.

6.10. L'exploitation des richesses minières de la RDC n'a pas profité à l'immense majorité de la population congolaise. Celle-ci a, au contraire, payé un lourd tribut à la cupidité et à la brutalité de réseaux d'élite qui ont bénéficié de la complicité et de la coopération d'entreprises belges peu soucieuses des conséquences sociales dramatiques de leurs activités économiques.

La commission demande au gouvernement :

­ De porter secours aux victimes du conflit et, à cet égard, de transformer progressivement les indispensables programmes d'aide humanitaire en programmes de redressement durable, en collaboration avec la société civile.

­ De soutenir la création d'une commission d'experts des Nations unies qui devra enquêter sans délai sur les violations graves des droits de l'homme en RDC, parmi lesquelles les violences sexuelles, afin que les responsables soient jugés par les instances compétentes.

­ D'intervenir auprès des gouvernements et des responsables politiques de la région, et notamment de la RDC, pour que les organisations internationales et les organisations non gouvernementales puissent effectuer leur travail en toute sécurité pour leurs collaborateurs et leur biens.

II. Constatations et recommandations en ce qui concerne les secteurs, les entreprises et les personnes concernées

1. Le coltan :

La commission constate ce qui suit :

1. Dans les zones d'exploitation du coltan de l'est du Congo, l'économie a été déséquilibrée, au détriment surtout des activités agricoles traditionnelles. La lutte pour la prise de contrôle des gisements de coltan a aggravé et prolongé le conflit, mais également permis de le financer. Des réseaux criminels ont la mainmise sur une partie du marché congolais du coltan. Les avantages de l'exploitation du coltan pour la population congolaise sont insignifiants par rapport à ses conséquences sociales.

2. En 1999, et surtout en 2000 et 2001, la flambée des prix du coltan sur le marché mondial liée à l'expansion du marché de nouvelles technologies utilisant le tantale, a provoqué une ruée vers les gisements de ce métal à l'Est de la République du Congo (au Sud et au Nord Kivu ainsi qu'au Maniéma), dans les Régions occupées à l'époque par l'Ouganda et le Rwanda.

3. L'augmentation soudaine des prix du coltan a suscité l'intérêt de diverses entreprises, mais aussi de militaires, qui ont infiltré les activités d'exploitation et le marché du coltan. Les militaires des pays précités et les mouvements rebelles n'ont pas hésité à recourir à la violence pour se rendre maîtres des gisements de minerai, les exploiter et les commercialiser.

4. De novembre 2000 à mars 2001, les autorités du RCD-Goma ont accordé un monopole des exportations de coltan vers le Rwanda, par l'intermédiaire d'une entreprise congolaise (la SOMIGL : son partenaire commercial principal était la société Cogecom), afin d'augmenter les recettes du Trésor et de financer la guerre. Ce monopole et les lourdes taxes perçues ont rendu quasi impossible le fonctionnement des comptoirs traditionnels.

5. Le rapport des experts de l'ONU et des témoins entendus par la commission font état de l'existence, au sein de l'APR, d'un « bureau du Congo », qui serait chargé de contrôler et d'optimaliser les activités économiques dans l'est du Congo. Le Rwanda a nié systématiquement l'existence de ce bureau. La commission estime qu'il existe suffisamment d'indices pour affirmer que le Rwanda a organisé, de manière centralisée et en utilisant sa présence militaire, son activité économique et des transferts financiers au détriment de la population congolaise ainsi que le financement de son effort de guerre.

6. Le troisième rapport de l'ONU signale que des entreprises telles qu'Eagle Wings, filiale de la société américaine Trinitech, devaient payer des taxes insuffisantes aux autorités du RCD-Goma par l'intermédiaire de leur comptoir de l'est du Congo.

Des témoins entendus par la commission confirment ce fait. Ils ajoutent que des armes ont été livrées par avion, en guise de compensation.

La commission a également rencontré des responsables d'Eagle Wings. Ces derniers reconnaissent leurs activités dans le domaine du coltan, mais nient les faits qui leur sont reprochés.

La commission demande que les représentants de l'ONU poursuivent leurs investigations sur ces accusations.

Le groupe d'experts de l'ONU a proposé des restrictions financières à l'égard d'un Belge travaillant pour Eagle Wings. La commission estime plutôt que si des sanctions se justifient, elles devraient toucher avant tout les responsables de l'entreprise.

7. De nombreuses sources ont informé la commission des conditions souvent inhumaines dans lesquelles les travailleurs doivent extraire le coltan. On parle de travaux forcés (l'APR emploierait sous la contrainte des prisonniers rwandais), de travail d'enfants, de détournement de la main d'ouvre agricole, risques liés à la radioactivité de certains minerais.

8. Les entreprises belges n'exploitent pas le coltan sur place, mais une dizaine ont participé à l'exportation, à la vente, à l'entreposage, au broyage et au transit de celui-ci, et certaines le font encore. Quelques entreprises étaient présentes sur ce marché avant la guerre (entre autres Cogecom et Sogem). La part de marché revenant aux principaux opérateurs belges a considérablement baissé en 2000, au profit de la filière militaire rwandaise (467). Certains négociants belges traditionnels ont été exclus du marché en faveur d'autres. Alors que plusieurs entreprises belges se sont retirées suite à la parution du premier rapport de l'ONU (Sogem, par exemple), d'autres (dont Cogecom) justifient la poursuite de leurs activités ou leur arrivée sur le marché par des considérations de survie économique.

Sur la base des constatations susmentionnées, la commission souligne la nécessité de créer des règles internationales contraignantes et cohérentes réglant l'exploitation et le commerce des matières premières dans les régions où sévissent des conflits, et demande au gouvernement de prendre les initiatives nécessaires.

2. Dossiers Katanga :

2.1. La famille Forrest, à travers son groupe, constitue un investisseur historique important en RDC, essentiellement au Katanga, mais aussi à Kinshasa.

La commission s'est intéressée plus particulièrement aux conditions dans lesquelles se sont développés 2 projets industriels importants conclus en 1997 : le projet GTL-STL d'extraction de cobalt-germanium du terril de Lubumbashi et le projet d'extraction de cobalt de la mine de Luiswishi ainsi que son traitement à l'usine de Kipushi.

2.2. La commission a demandé un avis juridique concernant les contrats STL. Cet avis conduit aux conclusions suivantes :

­ il ressort du contrat de joint venture et des statuts que lors des négociations, OMG était sans doute la partie la plus forte. En tout cas, ce sont ses intérêts qui sont le mieux garantis. Le règlement convenu et retenu n'en apparaît pas pour autant inéquitable, voire illégal. Il est en effet indéniable que dans ce projet, c'est OMG qui apporte la plus grande contribution financière ­ et qui, dès lors, court le plus grand risque. Elle devait en effet faire un apport correspondant à 55 % du capital total, qui est estimé à 115 millions de de dollars US. En outre, OMG préfinance également la participation de Gécamines dans le capital, alors que cette dernière ne deviendrait que progressivement propriétaire des 20 % d'actions qui lui sont attribuées.

­ En ce qui concerne les contrats commerciaux connexes proprement dits, on peut se demander pourquoi certaines de ces activités ont été sous-traitées à une entreprise liée à un des partenaires et ne font pas partie des activités réunies au sein de la Joint-Venture en vue de l'enrichissement de toutes les parties.

Théoriquement, cette façon d'opérer permet de soustraire des fonds à la joint venture, du fait que OMG Kokkola paierait par exemple un prix trop bas pour les alliages de cobalt. Si le prix payé est correct, rien ne s'oppose, du point de vue juridique, à la structure telle qu'elle est actuellement conçue. L'analyse doit démontrer si l'on a fait ou non un usage abusif de la structure juridique.

­ L'analyse des contrats connexes permet, elle aussi, de supposer que durant les négociations, OMG était sans doute la partie la plus forte, sans que toutefois l'on puisse déduire de la simple lecture de ces documents qu'OMG aurait abusé de cette position dominante, ce qui aurait donné lieu à un déséquilibre inadmissible des engagements, du moins d'un point de vue purement juridique.

­ Dans les documents relatifs au contrat de crédit conclu entre GGF (468) et la SA Belgolaise, on ne peut pas dire qu'il ait été question de dispositions singulières, ni à plus forte raison de dispositions qui dénoteraient un pillage des richesses de la région congolaise par les parties concernées.

2.3. La commission s'est demandée dans quelle mesure certaines activités ont pu être sous-traitées, dans le cadre du contrat STL par exemple, à des entreprises liées à l'un des partenaires et qui ne font, de ce fait, pas partie de la Joint-Venture proprement dite.

La commission a sollicité un avis juridique à ce sujet.

Cet avis indique ce qui suit :

« Cette manière d'opérer permet théoriquement de soustraire des fonds à la joint venture, du fait qu'OMG Kokkola payerait, par exemple, un prix insuffisant pour les alliages de cobalt. Si le prix payé est correct, la structure telle qu'elle est conçue actuellement ne soulève aucune objection sur le plan juridique. Une analyse doit permettre de déterminer si l'on a abusé ou non de la structure juridique. »

2.4. Une analyse économique à effectuer par des experts, devrait permettre de déterminer s'il y a eu ou non une utilisation abusive de la structure juridique.

La commission constate que M. Forrest a assuré la présidence de la Gécamines, durant une période déterminée et à la demande du gouvernement.

La commission estime que cela n'était pas indiqué, parce que cette situation fait naître une présomption de confusion d'intérêts. Surtout aussi parce qu'a été conclu, durant cette période, un protocole prévoyant une nouvelle entreprise ayant pour partenaires l'État congolais, la Gécamines et le groupe Forrest, qui y acquérait 51 % des parts.

2.5. La commission estime que les dossiers examinés sont typiques de la situation dans laquelle se trouve la RDC.

Vu la situation financière critique de l'État, le protocole conclu entre la Gécamines et le groupe Forrest prévoit que les royalties revenant à la Gécamines seront reversées à la « Voirie et Reconstruction nationale », la Gécamines bénéficiant d'avantages fiscaux en contrepartie.

Ce dossier illustre la manière dont la Gécamines est privée de certains moyens financiers, qui sont affectés au financement de projets qui devraient normalement être financés par l'État, des moyens dont la Gécamines a incontestablement besoin pour se développer. La conséquence étant qu'une entreprise privée peut se voir attribuer des marchés supplémentaires dans le domaine des travaux publics.

2.6. La commission constate que Gécamines se trouve en tout cas dans une position très faible, d'une part en raison de sa mauvaise situation financière et économique et, d'autre part, parce que le gouvernement officiel de Kinshasa prend également des décisions concernant cette entreprise sans la consulter.

En outre, La RDC se trouve dans la situation déplorable de ne plus disposer de moyens pour s'acquitter de missions essentielles. Par ailleurs, le groupe Forrest, qui est présent en RDC depuis 80 ans, est un investisseur historique et est le seul à encore exercer des missions essentielles en matière d'infrastructures.

Ces deux constatations se situent dans un contexte d'absence d'État et d'économie informelle.

2.7. Lors du déroulement du projet GTL-STL, les coûts des investissements industriels sont plus chers que prévu : 145 millions de dollars US au lieu de 115 millions de dollars US. Pourtant, un seul grand four a été construit plutôt que les deux initialement prévus et le convertisseur prévu au départ du projet n'a pas été construit.

Les cours du cobalt ont chutés pendant cette période ce qui pourrait poser à ce projet des problèmes de rentabilité à l'avenir. Bien que jusqu'à présent, ce projet a toujours rempli ses obligations financières.

Le terril de Lubumbashi contient 14 500 000 tonnes de scories dont 3 000 tonnes de Germanium. Un tiers environ du terril est concerné par le contrat GTL-STL. Le contrat l'association GTL-STL ne concerne pas l'extraction du germanium. Il n'était pas prévu qu'il soit exploité. La répartition des revenus liés à son raffinage en Finlande par la société OMG est l'objet d'un litige entre la Gécamines et OMG.

Les conséquences environnementales de l'exploitation du terril de Lubumbashi ne font pas l'objet d'un monitoring indépendant et permanent, alors qu'en raison de la richesse extraordinaire du terril en métaux lourds de toutes sortes, les rejets dans l'air et dans l'eau ne sont pas à exclure et inquiètent la population.

La commission considère ces dossiers comme des dossiers type. Le contrat GTL-STL est un exemple type qui résulte du fait qu'il n'y a pas d'État en RDC. La Gécamines, entreprise publique, est trop peu équipée pour défendre correctement ses intérêts. Force est de constater qu'ils ont dès lors signés des contrats qui ne sont peut-être pas limpides.

2.8. Ce projet a été assuré pour le compte de l'État, et l'Office national du Ducroire (OND) est intervenu en tant qu'exécutant conseiller et technique. L'OND assure les dommages liés à des contrats rompus ou à des défauts de paiement résultant de la survenance de risques commerciaux et politiques dans le cadre de l'exportation ou de l'investissement à l'étranger. La République démocratique du Congo est classée en catégorie 7 par l'OND.

En ce qui concerne l'Office national du Ducroire, nous avons constaté qu'aucun représentant des ministres n'a posé son veto sur ce dossier et nous n'avons pas constaté de pression politique sur la décision de l'OND.

Nous devons quand même constater que c'est un dossier particulier (pays en catégorie 7) mais qu'accorder une assurance crédit de la part du Ducroire sur ce projet est en total accord avec la politique que la Belgique développe en RDC et dans la région.

Le germanium n'a jamais été un élément dans ce dossier quand il a été abordé à l'OND.

L'État, sur l'avis de l'Office national du Ducroire, a décidé d'accorder l'assurance-crédit car le dossier était défendable. L'OND a pris sa décision d'accorder l'assurance crédit car c'était un dossier défendable. Le seul risque se trouve dans les cours mondiaux du cobalt. Mais ceci est un problème général qui touche tous les projets concernant les matières premières.

2.9. Plusieurs plaintes concernant la pollution de l'air et de l'eau, liée aux processus de production des minerais, ont été formulées devant la commission. Il a notamment été fait mention d'une pollution par des métaux lourds qui frapperait les zones urbaines et les terres agricoles, notamment par des rejets nocturnes. Cette pollution industrielle occasionnerait des troubles significatifs de la santé et serait responsable d'une diminution considérable de la production agricole.

La commission demande au gouvernement de mettre, avec les partenaires européens, à la disposition du gouvernement de la RDC, le savoir-faire technologique permettant d'organiser un contrôle adéquat de la pollution et d'étudier des mesures adéquates en vue d'endiguer cette pollution et d'améliorer la santé publique.

2.10. Les traders

Il ne peut pas être fait l'impasse sur un facteur important de la situation économique subie par le Katanga et, au-delà, la République démocratique du Congo, à savoir l'effondrement dramatique des cours des matières premières et plus particulièrement du cobalt.

En un peu plus de cinq ans, le cours du cobalt a chuté de 16 dollars la livre à moins de 6 dollars la livre.

Tenant compte de coûts d'exploitation normaux, il est clair que dégager des marges bénéficiaires avec de tels cours mondiaux devient quasi impossible dans un processus normal.

La Gécamines étant mise sous pression en raison de son endettement, elle a eu recours de manière importante aux traders en vue de pouvoir vendre une partie de sa production.

Il s'agit pour la Gécamines d'effectuer des ventes ponctuelles auprès des traders qui prêtent à la Gécamines les montants nécessaires pour pouvoir assurer la production et achètent à la Gécamines le produit fini. Ces traders pratiquent des taux d'intérêts sans commune mesure avec des taux usuels du marché.

Cet élément est combiné également avec le fait que les traders se gardent généralement le choix de la période de cotation, ce qui entraîne une réduction très importante pour les traders; réduction qui peut atteindre 25 %, avec des cours bas.

D'autre part, la formule de prix de marché du cobalt est très particulière.

La référence qui a été longtemps acceptée et qui est toujours pratiquée par la Gécamines est celle de la publication du cours faite par le « Metal Bulletin ».

Il s'agit donc d'un cours totalement informel.

En effet, le « Metal Bulletin » est informé par les acheteurs ou les vendeurs du prix des ventes spots et sur cette base établit le cours moyen.

Or, les ventes spots sont réalisées par les traders de telle sorte que ceux-ci, par leur pratique, poussent le prix à la baisse avec toutes les répercussions en aval que ceci entraîne.

La commission demande au gouvernement de préciser les règles relatives aux conditions auxquelles une garantie peut être octroyée aux entreprises, en évitant la couverture du risque commercial dans le cadre d'investissements.

3. Le diamant :

3.1. Le secteur du diamant

3.1.1. La commission a pris note :

­ de l'importance du secteur du diamant pour notre pays : un chiffre d'affaires d'environ 26 milliards de dollars US, 7 % de nos exportations et l'occupation directe et indirecte de quelque 42 500 personnes;

­ de l'importance du secteur du diamant belge au niveau mondial : quelque 80 % de tous les diamants bruts trouvés dans le monde sont physiquement négociés à Anvers;

­ de l'importance des importations de diamants en provenance de pays africains (chiffres de 2001 en dollars américains : RDC : 495,3 millions; Congo-Brazzaville : 223,8 millions; Ouganda : 2,5 millions; Rwanda : 1,2 million et Angola : 557,9 millions.

3.1.2. La commission estime que l'importance du secteur du diamant belge a pour corollaire que celui-ci doit jouer un rôle d'exemple en matière d'organisation et de contrôle corrects du marché et du commerce.

Dans ce contexte, la commission se réjouit que, in tempore non suspecto, les autorités belges, associées au secteur et au Conseil supérieur du diamant (469), aient mis sur pied (depuis 1945) le système de contrôle et d'information le plus sévère et le plus strict au monde avec un double contrôle de la part de « Diamond Office », à savoir un contrôle douanier et un contrôle des Affaires économiques par des experts et un contrôle physique de tous les envois. Le procédé a permis également l'élaboration d'un instrument statistique unique.

La commission constate aussi que, dans le prolongement du rapport des Nations unies sur l'Angola et dans le cadre de l'accompagnement du processus de Kimberley, la Belgique a créé une task force gouvernementale. La commission demande au gouvernement de poursuivre les travaux de la task force et d'en informer le Parlement à intervalles réguliers.

Une loi récente vient en outre de renforcer encore le système de contrôle.

La commission constate en outre que, dans le cadre de la lutte contre le commerce du diamant de guerre, le secteur a pris des mesures volontaristes et proactives par le biais du « Strategic Plan for Transparency in the African Diamond Trade » (janvier 2000).

Ces mesures proactives concernaient la mise en place de structures locales du « Diamond Office » et la création de certificats d'origine. Des accords ont été conclus pour des pays comme l'Angola, la Sierra Leone, la Guinée et la RDC.

Le deuxième rapport des Nations unies reconnaît le mérite de la Belgique dans le passage suivant : « Belgium, along with the Diamond High Council in Antwerp, has taken serious steps to halt imports of conflict diamonds, for example from Angola and Sierra Leone, by instituting strict controls and by playing a leading role in the design and adoptation of an international diamond certification system. »

Le rapport ajoute que, dans la mesure où du diamant de guerre aboutirait malgré tout dans notre pays, ce serait dû à l'absence de contrôles comparables dans les autres États membres de l'UE.

3.1.3. ­ La mise en oeuvre du « processus de Kimberley » constitue un pas important sur la voie de la prévention du commerce illicite et du trafic, mais la commission déplore que le « processus de Kimberley » ne généralise pas le système belge en vigueur. La commission note que l'importation de diamant venant de l'Ouganda, du Rwanda et du Congo-Brazzaville, n'est plus autorisée tant que ces pays n'ont pas adhéré au « processus de Kimberley ».

La commission propose que le gouvernement et le secteur appuient sans réserve, par l'entremise des instances compétentes, la création des instruments prévus dans le cadre du processus de Kimberley (secrétariat et commission technique), et celle des autorités d'importation et d'exportation dans les divers États participants.

La commission recommande au gouvernement de mettre tout en ouvre au sein des instances internationales compétentes pour renforcer le « processus de Kimberley » dans l'avenir : préalablement aux envois, transmettre des informations essentielles et des photos; faire contrôler physiquement tous les colis par des experts; et instaurer un « système d'accréditation » comme en Angola.

­ La commission regrette qu'il y ait des lacunes dans le récent règlement de l'UE de décembre 2002 et demande au gouvernement de poursuivre ses efforts en vue du renforcement de l'efficacité du système, notamment par la limitation du nombre de points d'entrée et par l'organisation des autorités communautaires suivant le modèle du « Diamond Office » belge.

La commission constate aussi que la compétence de l'UE au niveau commercial aura pour effet d'entraver, sinon d'empêcher, dorénavant la coopération bilatérale entre la Belgique et les États exportateurs de diamants.

La commission insiste dès lors auprès du gouvernement afin qu'il prenne les initiatives nécessaires pour que l'UE mène une politique proactive, avec le soutien des instances belges compétentes. En vue de la mise en oeuvre du processus de Kimberley, la commission demande instamment au gouvernement d'insister auprès de l'Union européenne pour qu'elle applique les articles 8 et 16 du règlement de l'UE.

Par ailleurs, la commission propose que notre pays prenne des initiatives en la matière par l'entremise de la coopération au développement.

­ La commission déplore que le « processus de Kimberley » ainsi que le règlement de l'UE en la matière permettent d'assouplir le système de contrôle belge.

Si la Belgique n'applique pas ce possible assouplissement, notre pays risque de se retrouver en position relativement défavorable.

La commission propose néanmoins de maintenir tel quel notre système et, dans la mesure du possible, de l'affiner encore (par exemple au niveau du système d'enregistrement et des cartes professionnelles).

3.1.4. La commission conclut que les services douaniers ne réagissent pas toujours aux indications disponibles, notamment dans les rapports des Nations unies.

La commission recommande dès lors au gouvernement de doter les services douaniers des moyens nécessaires au renforcement des contrôles, de telle manière :

­ que le système d'analyse de risque actuel soit amélioré par l'organisation de contrôles plus ciblés visant les pays et les négociants à risques;

­ que les aéroports fassent l'objet de contrôles ciblés (y compris pour les appareils privés);

­ que les contrôles ciblés a posteriori soient renforcés;

­ que les échanges d'informations soient améliorés par la mise en service d'une banque de données opérationnelle accessible à l'ensemble des services concernés;

­ que la coordination et la répartition des tâches entre les services compétents soient optimalisées.

Ne perdant pas de vue le contexte européen, la commission demande au gouvernement d'inscrire cette problématique à l'agenda de l'Union européenne, dès lors que les contrôles douaniers constituent un élément important de la lutte contre les trafics en tous genres.

3.1.5. La commission appuie le fait que le « Conseil supérieur du diamant » transmet systématiquement et sans délai à la justice toutes les plaintes déposées contre des entreprises ou des personnes (Protocole de coopération entre le CSD et le procureur du Roi ­ février 2000) en vue de prévenir l'infiltration du secteur du diamant par la criminalité organisée.

La commission demande au gouvernement de mettre les moyens nécessaires à la disposition de la Justice pour que le traitement de ces dossiers et des autres puisse être mené à bien, étant donné l'importance qu'il y a à le faire tant en vue de prendre les sanctions qui s'imposent qu'en vue de mettre éventuellement les intéressés hors de cause.

3.1.6. La commission a également constaté que l'ONU n'a décrété des embargos qu'à l'encontre de pays comme l'Angola, la Sierra Leone et le Liberia, de sorte que les échanges commerciaux avec d'autres pays et zones de conflit sont à considérer comme légaux sur le plan international. La Belgique ne peut pas prendre de décision unilatérale de restriction des importations, dès lors que pareille décision doit être prise par l'OMC sur proposition de l'Union européenne.

La commission a également constaté que la Belgique est en mesure de mettre un embargo à exécution dans l'heure, tandis qu'il a fallu six mois à des pays tels que les États-Unis pour en faire autant à l'égard de la Sierra Leone.

3.1.7. La commission a constaté qu'en 2001, les importations de diamant brut du Congo-Brazzaville vers Anvers ont augmenté sensiblement.

Pour la commission, la cause en est qu'en juillet 2000, la RDC a concédé à l'entreprise israélienne IDI, pour une durée déterminée, un monopole de vente pour l'exportation du diamant de la RDC.

La commission considère que l'accroissement des exportations au départ du Congo-Brazzaville (qui n'a aucune production intérieure) correspondait à un trafic entre la RDC et le Congo-Brazzaville, organisé pour des raisons fiscales, d'une part, et destiné à contourner le « monopole », d'autre part.

La commission présume que l'intention sous-tendant la mise en place de ce monopole était de générer des ressources financières pour financer la guerre et d'obtenir une aide militaire.

La commission a pris connaissance des différences existant entre les statistiques des exportations de la RDC vers notre pays et les statistiques des importations établies en Belgique (tant en valeurs qu'en quantités).

La commission arrive à la conclusion que les exportations de diamant sont systématiquement sous-évaluées, surtout en ce qui concerne le diamant du Kasaï, ce qui entraîne une perte de revenus pour la RDC.

Toutefois, la commission constate également que parfois, des exportations déclarées d'envois de la RDC vers Anvers ne parviennent pas à destination, si bien qu'il est possible que ces diamants disparaissent dans un circuit informel.

La commission a pris connaissance de l'évolution de la situation auprès de la société Miba (80 % RDC et 20 % Sibeka, une société belge) : effondrement de la production; blocage du prix de vente; confiscation des réserves et des revenus de l'entreprise; pénurie d'investissements affectés au renouvellement et à l'entretien du matériel; immixtion des autorités.

Selon des documents remis à la commission, la société minière de Bakwanga (Miba), détenue à hauteur de 20 % par la Sibeka et à 80 % par l'État congolais, a reçu ordre du gouvernement congolais de procéder à plusieurs paiements en faveur de certaines entreprises de munitions et d'armement. La Miba a également donné ordre à une banque belge et à une banque suisse d'effectuer un paiement en faveur d'un marchand d'armes. Il y a lieu de vérifier si les comptes de la Miba auprès de la banque belge ont bien été mouvementés en faveur d'entreprises fournissant des armes, pour quels montants et à quelles fins précises. La commission demande au gouvernement et au panel des Nations unies de faire clarté sur ces questions sur base des documents que leur fournira la commission.

La commission a également pris acte de l'octroi, en 2000, d'un monopole relatif aux exportations de diamants de la région du RDC ­ Goma, dans le cadre d'une tentative visant s'assurer la maîtrise du commerce des diamants et des flux financiers.

La commission a constaté une participation zimbabwéenne dans des sociétés comme MBC et Sengamines.

La commission a entendu des témoins déclarer que des revendeurs qui opèrent en RDC achètent directement des diamants à un prix supérieur à leur valeur marchande. Ils sont actifs notamment dans la région de Kisangani. Par le biais de ces opérations de blanchiment, ils injectent de l'argent d'origine criminelle dans un circuit officiel du diamant.

La commission a aussi pris connaissance du troisième rapport des Nations unies qui décrit les réseaux existants dans les zones contrôlées par les autorités de Kinshasa, d'une part, et par le Rwanda et l'Ouganda, d'autre part.

Sur la base de ces éléments et des informations recueillies au cours de la mission d'information, la commission arrive à la conclusion que le diamant a fait l'objet d'un commerce illicite et d'un trafic, que les revenus qui en découlent ont été utilisés par les divers acteurs pour financer le conflit, que lesdits revenus font l'objet de transferts financiers vers des pays militairement présents dans les diverses régions de la RDC et que le diamant est utilisé comme monnaie d'échange pour l'achat d'autres biens divers ­ notamment des armes.

À la lumière des éléments, la commission conclut également que la production et le commerce du diamant en la RDC n'ont profité de manière équitable ni à la RDC ni à la population.

La commission constate que les moyens d'une commission d'enquête parlementaire nationale ne suffisent pas, à eux seuls, pour apporter des preuves solides et juridiquement cohérentes, et elle estime en conséquence, comme l'ont décidé les Nations unies, qu'une enquête internationale complémentaire s'impose.

Il est clair pour la commission que la restauration de l'État de droit sur l'ensemble du territoire de la RDC et une organisation correcte du système de contrôle constituent les conditions indispensables pour créer une situation dans laquelle la population bénéficiera réellement du produit des ressources naturelles, en particulier du diamant.

3.1.8. La commission estime que la prévention du commerce illicite et du trafic passe par :

­ une réglementation internationale efficace, ce qui suppose, pour l'avenir, un renforcement du processus de Kimberley;

­ une mise en oeuvre correcte des systèmes de contrôle avant tout dans les pays producteurs et exportateurs de diamants, parce qu'ils constituent le premier maillon de la chaîne (des lacunes dans le contrôle à la source risquent en effet d'entraîner des lacunes aux stades ultérieurs).

­ un renforcement des contrôles douaniers et une application correcte des systèmes de contrôle dans les pays importateurs, en particulier dans ceux qui possèdent d'importants centres diamantaires.

La commission constate que les rapports internationaux relatifs au commerce illicite et au trafic pointent principalement, sinon exclusivement, le doigt vers Anvers.

D'autres grands centres diamantaires dans le monde ne font jamais ou presque jamais l'objet d'analyses critiques, même s'ils n'appliquent pas ou presque pas de systèmes de contrôle, ce qui risque d'engendrer des manipulations économiques.

La commission demande avec insistance que les divers centres diamantaires soient « radioscopiés » selon une méthode unique par des instances internationales.

3.2. Entreprises diamantaires

3.2.1. La commission a entendu les entreprises diamantaires belges citées dans les rapports de l'ONU concernant la RDC.

La commission constate un certain nombre d'éléments communs dans les déclarations des représentants des entreprises entendues, à savoir :

­ qu'elles nient ce qui est mis à leur charge par le rapport de l'ONU;

­ qu'elles n'ont pas été entendues préalablement par les représentants de l'ONU;

­ qu'elles n'étaient pas ou qu'elles étaient à peine au courant des directives de l'OCDE;

­ que les mentions figurant dans le rapport de l'ONU ont entraîné pour elles des difficultés ou un préjudice.

En ce qui concerne les plaintes formulées par les représentants de l'ONU à l'encontre d'un certain nombre d'entreprises diamantaires, selon lesquelles les directives de l'OCDE n'ont pas été respectées, la commission constate (indépendamment du fait qu'il s'agit de directives non contraignantes) que celles-ci ne sont pas applicables aux entreprises diamantaires concernées dès lors que ces dernières ne peuvent pas être qualifiées de multinationales.

En outre, la commission estime que les représentants de l'ONU doivent préciser quels sont les aspects de ces directives qui n'auraient pas été respectés.

3.2.2. Dans le troisième rapport de l'ONU, la société MBC (Mineral Business Company), créée en partenariat entre la RDC et le Zimbabwe, est désignée comme une entreprise qui organise un trafic lucratif de diamants, mais qui ne s'acquitte pas des taxes prévues au Trésor de la RDC (ce que dément toutefois la RDC).

On peut y lire par ailleurs que MBC fait bénéficier de son statut « privilégié » un nombre limité d'entreprises diamantaires.

On cite à cet égard trois entreprises anversoises, notamment Jewelimpex, Komalgems et Diagem, qui ne figurent pas sur les listes, dressées par les représentants de l'ONU, d'entreprises pour lesquelles des restrictions financières ou des restrictions de déplacement sont proposées.

Les déclarations faites sous serment par les représentants de ces entreprises devant la commission disent en substance :

­ qu'elles s'approvisionnent principalement sur le marché anversois;

­ qu'elles ne se sont approvisionnées que sporadiquement auprès de MBC (périodes et fréquence limitées);

­ leurs achats à MBC se sont faits de manière indirecte, par l'entremise d'un client, et que ces transactions ne concernaient qu'une part limitée de leur chiffre d'affaires;

­ leurs achats à MBC ont cessé avant la publication du troisième rapport des Nations unies.

À propos d'une quatrième entreprise diamantaire anversoise, notamment Abadiam, le troisième rapport des Nations unies dit qu'elle est l'un des principaux partenaires commerciaux de MBC.

Par ailleurs, ce rapport mentionne que Oryx National Resources a transféré un montant substantiel à cette société, Oryx étant la société d'exploitation (avec des actionnaires arabes) de la Sengamines.

Les actionnaires de Sengamines sont : Miba, Osleg (Zimbabwe) et Comiex (RDC).

Ces deux dernières sont liées respectivement aux militaires congolais et aux militaires zimbabwéens.

Il ressort des déclarations (faites sous serment) devant la commission par le responsable de la société que :

­ cette société s'approvisionne sur le marché et en Afrique du Sud et au Brésil;

­ qu'elle n'a jamais acheté de marchandises à MBC;

­ que pendant un an et demi, la société a été agent de Oryx-Sengamines dont l'entreprise recevait des marchandises en commission et les vendait sur le marché, sur la base d'un contrat, qui a toutefois été résilié il y a un an.

Dans l'intervalle, un Sud-africain a repris la relation avec Oryx. Ce dernier n'est pas mentionné dans le rapport de l'ONU.

La commission conclut que MBC et Sengamines constituent des instruments permettant : d'une part, de réaliser des transferts financiers vers le Zimbabwe ou des ressortissants (militaires) de cet État en contrepartie de leur présence militaire et, d'autre part, de générer des moyens pour la RDC ou l'appareil militaire.

Aucun cadre légal (européen ou international) n'empêche ou n'interdit les relations commerciales avec des sociétés comme MBC ou Oryx-Sengamines. En conséquence, le commerce avec ces sociétés est légalement autorisé.

Si l'on estime, pour une raison ou pour une autre, que tout commerce avec de telles entreprises doit être interdit, parce qu'elles soutiennent le conflit de manière directe ou indirecte, on ne peut décréter une interdiction qu'au moyen d'une réglementation légale définie au niveau de l'Union européenne ou des Nations unies.

Dans ce contexte et sur la base des informations dont elle dispose, la commission conclut qu'aucune circonstance légalement aggravante ne peut être retenue contre les entreprises diamantaires en question et qu'elles ont agi de bonne foi.

À propos de l'aspect spécifique du transfert, par Oryx, d'un montant important vers l'entreprise diamantaire en question, la commission est d'avis que les représentants de l'ONU doivent transmettre aux instances belges compétentes, aux fins d'évaluation et d'enquête, les pièces probantes qu'ils prétendent détenir.

3.2.3. Dans le troisième rapport de l'ONU, on peut lire que trois clans libanais qui exploitent également des entreprises diamantaires à Anvers ne sont en fait rien d'autre que des organisations criminelles qui se livrent, entre autres, à des pratiques de blanchiment et à des trafics. Ces clans entretiennent en outre, selon le rapport de l'ONU, des contacts avec le Amal et avec le Hezbollah.

Quatre entreprises diamantaires anversoises sont citées dans ce contexte, notamment Sierra Gem Diamonds, Asa Diam, Triple A Diamonds et Echogem, dont cette dernière a arrêté ses activités à Anvers depuis fin 1990.

Ces entreprises figuraient également sur la liste des sociétés pour lesquelles les représentants de l'ONU demandent des restrictions financières. Ces représentants proposent en outre que certains responsables soient soumis à des restrictions financières et qu'on limite leurs possibilités de déplacement.

Le commerce avec des pays et des entreprises qui ne sont pas visés par l'embargo est légalement admis en soi.

La question se pose en particulier de savoir si ce commerce s'inscrit dans le cadre d'un réseau dissimulant des pratiques illégales.

La commission a entendu les responsables de ces entreprises.

Ceux-ci ont rejeté, sous serment, les plaintes formulées contre eux dans le rapport de l'ONU.

La commission conclut :

­ qu'elle ne dispose d'aucun élément lui permettant de se prononcer sur les plaintes en question;

­ que, vu la nature et l'importance des plaintes, elle demande au groupe d'experts de Nations unies de communiquer aux instances belges compétentes les preuves ou les indices dont ils disposent, et demande au gouvernement de faire mener une enquête par les instances compétentes.

3.2.4. Le troisième rapport du panel des Nations unies décrit l'existence d'un réseau piloté par une élite ougandaise, qui participerait notamment à la coordination du commerce de diamants.

Ce réseau travaillerait sous l'égide du « groupe Victoria » au sein duquel Khalil Nazeem Ibrahim en M. Abbas joueraient un rôle central.

Ils auraient recours aux services du propriétaire d'une entreprise anversoise du secteur du diamant, notamment Nami Gems.

Or, cette entreprise ne figure pas sur la liste des entreprises énumérées dans le troisième rapport, contre lesquelles des sanctions financières sont demandées.

La commission a eu vent d'une opération dans le cadre de laquelle l'entreprise diamantaire voulait acheter, à Kampala, des diamants provenant de la RDC.

Ces diamants ont été achetés au comptoir « Picadilly » pour le compte de Khalil Nazeem Ibrahim, par un intermédiaire qui n'était autre que l'homme qui avait pris livraison de l'argent à Kampala.

Or, voilà que cet intermédiaire s'est fait voler l'argent.

Une déclaration de vol a été déposée auprès de la compagnie d'assurance concernée qui a indemnisé la société anversoise.

Selon les informations dont la commission dispose, le panel des Nations unies n'a pas mentionné ce fait dans son troisième rapport, bien qu'il en avait été informé.

Au cours de l'audition qui eut lieu au sein de la commission, le responsable de la société diamantaire a confirmé cette histoire.

L'intéressé a même ajouté que sa société a traité avec Khalil Nazeem Ibrahim en 2000 et en 2001, chaque fois pendant un laps de temps assez court de deux mois, mais qu'elle a ensuite mis fin à ses contacts avec lui.

L'intéressé prétend ne pas connaître le « groupe Victoria ».

La commission ne dispose d'aucun élément qui lui permette d'affirmer que l'opération de Kampala n'a pas été effectuée dans le respect de la réglementation légale en vigueur.

Les informations dont la commission dispose ne lui permettent pas d'apprécier dans quelle mesure cette entreprise diamantaire est effectivement le paravent dont parle le rapport des Nations unies, derrière lequel se déroulent les pratiques inadmissibles du réseau qu'une élite a organisé en Ouganda, réseau que la commission a d'ailleurs décrit.

La commission demande au panel des Nations unies de communiquer les indications dont il disposerait éventuellement aux instances belges compétentes.

Sur la base des informations fournies, la commission estime qu'il convient particulièrement de vérifier la filière d'acheminement entre Kisangani et Kampala ainsi que les entreprises et/ou les personnes qui y sont impliquées.

3.2.5. Dans le premier rapport des Nations unies, les représentants de l'ONU déclarent que des militaires rwandais tirent avantage du conflit et que la guerre est financée par diverses voies et grâce à leur présence dans la région (RCD-Goma).

À cet égard, les représentants des Nations unies ont désigné une société diamantaire anversoise, notamment Arslanian Frères, comme étant un « dealer en diamant de guerre ».

La commission a entendu le responsable de la société diamantaire anversoise concernée; parmi les éléments invoqués dans son témoignage, on peut mentionner que son entreprise :

­ a acheté du diamant à Kisangani par l'intermédiaire de « Belco Diamant » de janvier 2000 à mai 2001;

­ a réalisé ces achats d'une manière tout à fait légale;

­ a mis fin aux achats par l'intermédiaire de Belco dès que cette entreprise a été citée dans le premier rapport des Nations unies;

­ a été entendue, à sa demande, par les représentants des Nations unies à Nairobi, après la publication du rapport;

­ a éprouvé de grandes difficultés après avoir été citée dans le premier rapport des Nations unies.

Sur la base des informations disponibles, la commission se rallie aux considérations figurant dans le deuxième rapport des Nations unies selon lesquelles la société a été mentionnée à tort dans le premier rapport, ce qui permet de dédouaner la société.

3.2.6. Le panel des Nations unies a inscrit sur la liste des entreprises à l'encontre desquelles des restrictions sont proposées, une entreprise diamantaire anversoise, notamment Ahmad Diamond Corporation, qui n'est toutefois pas mentionnée dans le troisième rapport.

La commission n'a trouvé à ce fait aucune explication et demande par conséquent au panel des Nations unies qu'il communique à cet égard ses raisons aux instances compétentes.

La commission, sur la base des informations en sa possession, ne dispose d'aucun élément lui permettant d'imputer des pratiques illégales ou inacceptables à l'entreprise en question.

4. Bois et biodiversité :

4.1. La commission a constaté, d'une manière générale, que la forêt tropicale congolaise (32 % de la réserve mondiale) est la principale ressource naturelle et renouvelable de la région des Grands Lacs, d'une part, et qu'elle joue un rôle majeur dans le cadre du protocole de Kyoto, d'autre part. Les forêts jouent un rôle primordial dans l'écosystème africain (le bassin du Congo représente environ 50 % des réserves d'eau douce de l'ensemble du continent africain).

4.2. Sur place, la commission a pu faire les constats suivants :

4.2.1. En raison de la situation de guerre permanente, la population doit, par la force des choses, pratiquer une économie de survie qui implique une exploitation à la dérobée de la forêt. Les circonstances de la guerre, les flux de réfugiés et d'expatriés sont des facteurs importants qui alourdissent les effets de la pression démographique sur la forêt. Les villageois cherchent refuge dans la forêt pour échapper aux diverses milices et la forêt fournit le bois de chauffage et les matières premières nécessaires à la construction de camps pour les réfugiés, à la reconstruction des villages dévastés et aux camps militaires. L'absence notoire de structures étatiques favorise les coupes débridées à l'abri de tout contrôle. Selon un témoignage, la lisière de la forêt recule chaque année de 1 km sur une longueur de 300 km, dans la région du Kivu.

4.2.2. La biodiversité des forêts congolaises, la faune et la flore, sont gravement menacées en raison tant de la pression démographique que de la présence d'éléments armés.

4.2.3. Il n'y a pas de participation directe de la Belgique à l'abattage forestier ni à l'exploitation des ressources forestières.

4.3. Les auditions ont mis en évidence les points suivants :

4.3.1. Les entreprises belges importent, certes, du bois congolais (notamment Wenge) par le biais du marché mondial, mais elles ne peuvent pas en identifier la provenance en raison de l'absence d'une certification ayant une base légale.

4.3.2. Il ressort de l'audition de M. Patrick Alley, représentant de Global Witness, que la Société congolaise d'exploitation du bois (Socebo), entreprise d'origine zimbabwéo-congolaise, a obtenu depuis janvier 2000 une concession de 33 millions d'hectares. L'exploitation de cette concession peut avoir des conséquences irrémédiables du point de vue écologique.

4.4. La commission d'enquête exprime sa grande préoccupation à propos des conséquences de l'abattage effréné d'arbres qui se pratique dans la région des Grands Lacs. Elles souscrit à la proposition de la Banque mondiale de prolonger le moratoire sur cette concession et propose dès lors :

4.4.1. que la communauté internationale puisse insister auprès du gouvernement de la RDC et assister celui-ci pour qu'il mène une politique active et prenne des mesures afin d'éviter l'utilisation de bois relevant des catégories suivantes :

­ le bois abattu illicitement;

­ le bois provenant de régions où les droits coutumiers et les droits civils sont incontestablement violés ou qui sont le lieu de conflits;

­ le bois provenant de forêts sous haute protection, sauf certification FSC (Forest Stewardship Council).

4.4.2. de développer, au niveau européen, un système de traçabilité actif et transparent, permettant de vérifier l'origine géographique du bois importé et de prendre les mesures nécessaires au niveau des services douaniers. De faire aussi en sorte de n'accepter que du bois provenant de forêts certifiées de manière crédible et, à cet égard, d'encadrer légalement le label FSC.

4.4.3. de soutenir et de contrôler davantage la réglementation internationale CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction). Ces dispositions limitent ou interdisent déjà l'importation de certains bois congolais (comme c'est le cas, en raison de son caractère exceptionnel, pour le Prunus Africanus, menacé de disparition).

4.4.4. de soutenir le développement rural durable dans les régions touchées afin que les populations locales soient rendues économiquement moins dépendantes de la forêt.

4.4.5. de soutenir l'étude et le reboisement des essences nobles. L'expertise internationalement reconnue du Musée royal d'Afrique centrale peut jouer un rôle considérable en l'espèce.

4.5. La commission demande au gouvernement d'envisager une aide technique via son expertise juridique, en vue d'assister la RDC dans l'élaboration de son nouveau code minier et forestier.

Ce code pourra alors définir des zones agricoles et forestières et délimiter en même temps les sites naturels protégés.

4.6. La commission soutient la proposition de classer la forêt équatoriale au patrimoine mondial.

4.7. La commission insiste pour que toutes les factions armées se retirent des sites naturels.

5. L'or :

5.1. La commission constate :

5.1.1. que des Belges et des entreprises belges participent au commerce et à l'exploitation de l'or congolais mais que la part de marché de ces entreprises a très fortement régressé depuis les années 1980.

5.1.2. Que les mines d'or et leurs gisements considérables dans l'est du Congo sont l'enjeu d'interventions militaires des voisins du Congo, à savoir le Rwanda, mais surtout l'Ouganda.

La commission d'enquête craint beaucoup que cette situation ne mène à de nouvelles interventions dans l'avenir, de sorte qu'elle appelle le groupe d'experts des Nations unies à faire davantage la clarté en la matière dans son rapport de suivi.

La commission suggère au gouvernement d'accorder à ce problème l'intérêt voulu, dans le cadre du dialogue intercongolais et surtout au cours des conférences régionales, afin d'éviter que les réserves d'or du Congo deviennent à nouveau l'enjeu d'un conflit régional.

5.2. La commission constate également que :

5.2.1. Qu'en raison de la facilité et de la rapidité avec laquelle il peut être négocié, l'or est un important moyen de paiement dans la région, dans le cadre des transactions commerciales qui échappent aux circuits monétaires normaux.

5.2.2. Que le marché de transit de l'or congolais, qui passait jadis traditionnellement par le Burundi, passe actuellement principalement par le Rwanda et l'Ouganda, à destination d'autres pays que la Belgique.

5.2.3. Que les services judiciaires belges mènent actuellement des enquêtes. La commission ne tient pas à compromettre le secret de l'instruction.

5.2.4. Que le rapport des experts fait abondamment référence à des groupes, banques ou individus belges qui participent à la production globalisée d'or dans la région des Grands Lacs. Le nombre de concessionnaires et de comptoirs belges dans la province du Kivu a été réduit de moitié au cours de l'enquête.

La commission demande au gouvernement :

De contrôler plus strictement l'importation en Belgique d'or en provenance du Congo, du Rwanda, d'Ouganda et du Burundi, et de prendre les initiatives nécessaires pour que soit conclu un accord international qui permettrait de créer un système efficace de certification tel qu'il existe pour les diamants sous la forme du certificat Kimberley.

6. Commerce des armes

6.1. La commission constate qu'en vertu de la résolution nº 1011 des Nations unies du 16 août 1995, de l'embargo européen sur les armes décrété le 7 avril 1993 et du « Code de conduite » de l'Union européenne de juin 1998, seuls des pays ne faisant pas partie de l'Union européenne peuvent encore livrer des armes aux pays qui sont impliqués dans le conflit de la région des Grands Lacs et, plus précisément, au seul gouvernement rwandais, et, donc, à l'exclusion des ex-FAR et des acteurs non officiels au Rwanda.

6.2. La commission constate également, sur la base des rapports du Grip et des témoignages de M. Berghezan, qu'il existe, d'une manière générale, des liens tangibles entre, d'une part, le commerce des matières premières et les profits ou les taxes qu'il génère et, d'autre part, le soutien militaire sous la forme de livraisons d'armes aux belligérants, tant dans l'est que dans l'ouest du Congo, ainsi qu'aux acteurs militaires étrangers sur le terrain. La commission n'a pu recueillir aucune information nouvelle sur les activités des entreprises ou des ressortissants belges qui sont ou qui ont été impliqués directement ou indirectement et qui font l'objet d'une instruction judiciaire.

6.3. Depuis l'instauration des embargos, la plupart des contrats de vente d'armes se situent dans une zone « grise « incontrôlable, dans le cadre de laquelle des particuliers livrent des armes en provenance de pays qui en exportent. La plupart des livraisons se font, sinon par bateau, au moyen d'avions-cargos affrétés auprès d'entreprises de transport aérien privées, dont plusieurs étaient enregistrées à Ostende. Même si Ostende a été citée souvent comme port de transit pour le trafic illicite d'armes, les services publics n'ont pu, à notre connaissance, constater aucun transport de ce type. D'ailleurs, la plupart des avions-cargos ont quitté Ostende à vide.

6.4. D'une manière générale, on n'a pu constater qu'une série d'infractions mineures à l'embargo européen sur les armes décrété vis-à-vis de la RDC et au code de conduite de l'Union européenne sur les exportations d'armements. De plus, les entreprises en cause n'étaient pas des entreprises belges. En outre, lesdites infractions ne concernaient que de petites quantités d'armes de poing ou de tir sportif. Les annexes aux rapports sur les autorisations belges à l'exportation d'armes recèlent toutefois des éléments qui sont l'indice d'une tentative de trafic illicite de matériel militaire à destination du Congo.

7. Recommandations générales en matière de ventes d'armes et de coopération militaire

7.1. Par ailleurs, la commission a constaté avec satisfaction qu'au cours de son mandat, la législation sur les armes a fait l'objet, tant à la Chambre qu'au Sénat, d'une évaluation détaillée qui a donné lieu à un important travail législatif complémentaire.

7.2. Il est clair, pour la commission, que la coopération militaire belge dans la région des Grands Lacs n'est possible que dans le cadre du rétablissement de l'État de droit, aux fins de protéger celui-ci, et pour autant que tous les belligérants respectent pleinement les divers accords.

Priorité doit être donnée à cet égard :

­ à des programmes qui visent à désarmer les enfants-soldats et à les réintégrer socialement dans la société civile;

­ à des programmes qui favorisent la démilitarisation des bandes et qui accompagnent l'intégration des miliciens et des anciens militaires dans la société.

La commission a également constaté, après avoir pris connaissance des observations de membres de la commission des Relations extérieures et de la Défense qui siègent également au sein de la Commission d'enquête, qu'il y a lieu de vérifier en quoi l'apport militaire étranger contribue à entretenir le conflit, qu'il y a lieu aussi d'examiner de plus près les relations entre les Private Military Companies chargées de protéger les entreprises, d'une part, et les programmes d'entraînement militaire organisés dans la plupart des cas dans un cadre international et avec le soutien des États-Unis et de pays européens, d'autre part. Il faudrait également examiner, à cet égard, le dossier des entreprises de mercenaires, qui opèrent apparemment aussi en Belgique.

7.3. La commission d'enquête souhaite également se référer explicitement au rapport des experts en matière de commerce, licite ou illicite, des armes. Ce rapport montre que le commerce en question présente de nombreuses caractéristiques propres à la globalisation, qui ont été étudiées aussi dans les enceintes internationales. Enfin, la commission d'enquête tient à souligner la nécessité de développer un système cohérant de prévention de toute utilisation abusive des certificats destinés aux utilisateurs finaux. Il y a lieu d'instaurer à cet effet un système international cohérant d'identification de l'origine et de marquage des armes.

III. Constatations finales

1. La commission prend acte de la résolution 1457 du 24 janvier 2003 du Conseil de sécurité de l'ONU.

La commission se rallie aux constatations et aux recommandations que cette résolution adresse notamment aux États, aux institutions, aux entreprises, aux personnes et au groupe d'experts de l'ONU.

La commission constate à ce propos que les travaux du groupe d'experts de l'ONU ne sont pas clôturés, mais que le mandat a été prolongé de 6 mois.

La commission invite les États, les entreprises et les particuliers cités dans le dernier rapport à faire connaître leur réaction pour permettre au groupe d'experts de vérifier, de renforcer ou d'adapter ses constatations.

La commission souligne l'importance du dialogue entre le groupe d'experts de l'ONU et les États, entreprises et particuliers précités, y compris la communication, par le groupe d'experts, d'informations à charge devant permettre aux États de mener les enquêtes qui s'imposent.

La commission propose que le Sénat institue, au cours de la prochaine législature, une commission spéciale de suivi ou une sous-commission de la commission des Relations extérieures et de la Défense.

2. La commission n'a pas constaté d'actes ou d'actions contraires à la loi de la part de personnes qui occupent des fonctions publiques en Belgique et exercent des mandats autorisés par la loi ou entretiennent des relations d'affaires avec des entreprises citées dans les rapports de l'ONU.

Afin d'éviter même de donner l'impression d'une confusion d'intérêts, la commission aurait préféré que les intéressés mettent un terme à leurs relations avec les entreprises concernées.

Pour l'avenir, la commission considère qu'il serait préférable que le Parlement mette sur pied une réglementation générale destinée à prévenir toute confusion d'intérêts entre mandats publics et privés.

3. Les témoins des entreprises citées dans les rapports de l'ONU que la commission a entendus ont, sous serment, récusé les allégations portées contre eux dans les rapports de l'ONU.

Sans préjudice de preuves qui seraient apportées dans le futur, la commission, avec les moyens dont elle disposait, n'a pas constaté de faits contraires à la loi de la part des personnes qu'elle a entendues.

4. La commission prie le gouvernement, à l'échelon européen :

­ de soutenir les initiatives en faveur d'une banque-carrefour fonctionnelle et uniforme des entreprises;

­ de se montrer attentif à un alignement des obligations fiscales des entreprises et des investisseurs.

5. En conséquence, la commission demande instamment au gouvernement de prendre les initiatives nécessaires auprès des instances internationales compétentes en vue, d'une part, d'édicter une réglementation internationale applicable aux zones de conflit et, d'autre part, de prévoir, dans les divers pays, un cadre légal permettant la mise en oeuvre immédiate de mesures à caractère international.

6. Une analyse précise des concessions qui ont été accordées en vue de l'exploitation de matières premières s'impose, tant sur le plan de la licéité que sur celui de l'équité économique. La Banque mondiale est l'organe tout désigné pour effectuer cette analyse.

La commission demande au gouvernement de soutenir ce projet et de le cofinancer, le cas échéant, et s'il est fait appel à notre pays.

VOTES

Les constatations et les recommandations ont été adoptées par 8 voix contre 3.

Confiance a été faite aux rapporteurs pour la rédaction du présent rapport.

Les rapporteurs, Le président,
Marcel COLLA.
Georges DALLEMAGNE.
André GEENS.

(463) Néant

(464) ­ Rapport du Groupe d'experts sur l'exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de la République démocratique du Congo (12 avril 2001), Conseil de sécurité, S/2001/357;
­ Rapport intérimaire du Groupe d'experts sur l'exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de la République démocratique du Congo (22 mai 2002), Conseil de sécurité, S/2002/565;
­ Rapport final du Groupe d'experts sur l'exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de la République démocratique du Congo (16 octobre 2002), Conseil de sécurité, S/2002/1146.

(465) La traduction vers le néerlandais est officieuse.

(466) Zaïrisation.

(467) Cf. Rapport d'expertise, chapitre III, coltan.

(468) Groupe Georges Forrest.

(469) Conseil supérieur du diamant = Hoge Raad voor Diamant.