2-1376/3

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2002-2003

14 JANVIER 2003


Projet de loi sur la sortie progressive de l'énergie nucléaire à des fins de production industrielle d'électricité


Procédure d'évocation


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES ET DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES PAR MM. de CLIPPELE ET MALCORPS


Le projet de loi qui fait l'objet du présent rapport a été adopté par la Chambre des représentants le 5 décembre 2002 et transmis au Sénat le 6 décembre 2002. Le Sénat l'a évoqué le même jour. Le délai d'examen expire le 27 janvier 2003.

La commission a examiné le présent projet de loi au cours de ses réunions des 8, 13 et 14 janvier 2003.

I. EXPOSÉ INTRODUCTIF DU SECRÉTAIRE D'ÉTAT À L'ÉNERGIE ET AU DÉVELOPPEMENT DURABLE

Le présent projet de loi vise à régler la sortie progressive de l'énergie nucléaire à des fins de production industrielle d'électricité, d'une part, et à interdire l'autorisation de nouvelles centrales nucléaires, d'autre part.

Il se situe dans la droite ligne de l'accord gouvernemental qui stipule : « Afin de laisser aux scientifiques le temps nécessaire à la mise au point de nouvelles sources massives d'énergies, alternatives, renouvelables et propres, la Belgique s'inscrit dans un scénario au terme duquel la désactivation des centrales nucléaires sera entamée dès qu'elles auront atteint l'âge de 40 ans. Le gouvernement consultera l'Agence européenne pour l'environnement et interrogera une commission d'experts internationaux désignés par lui sur la faisabilité et la mise en oeuvre de ce scénario ».

Le secrétaire d'État a donc adressé un courrier à l'Agence européenne de l'environnement lui demandant si elle acceptait d'être consultée par le gouvernement belge sur sa politique. L'agence a répondu que ce n'était pas possible parce que cela n'entrait pas dans son mandat.

Pour répondre à cette nouvelle situation, le gouvernement a donc choisi une commission de cinq experts internationaux présidée par le président scientifique de l'Agence européenne de l'environnement, à savoir M. Bourdeau. De cette manière, le gouvernement a pu tenir compte des engagements figurant dans la déclaration gouvernementale.

La volonté du gouvernement de sortir progressivement du nucléaire à des fins de production industrielle d'électricité a été réaffirmée par les déclarations de politique fédérale d'octobre 2001 et d'octobre 2002. Ces déclarations prévoyaient qu'un projet de loi relatif à la désactivation des centrales nucléaires après 40 ans devait être déposé dans les prochains mois.

Le présent projet de loi énonce le principe de la désactivation des sept centrales nucléaires de Belgique à savoir Doel 1-2-3-4 et Tihange 1-2-3.

La centrale nucléaire la plus ancienne (Doel 1) sera donc désactivée à partir de 2015 et ainsi de suite pour les autres centrales, de telle sorte qu'en 2025, plus aucune centrale nucléaire ne sera en activité en Belgique.

Deux principes étroitement liés ont été établis. Le premier concerne la désactivation; le second dispose qu'aucune nouvelle centrale nucléaire destinée à la production industrielle d'électricité à partir de la fission de combustibles nucléaires, ne peut être créée et/ou mise en exploitation.

Le présent projet ne remet pas en cause l'agenda en matière de provisions de démantèlement et de décontamination. Il ne remet pas en cause non plus les réglementations en vigueur, notamment en matière d'assurance de responsabilité ou de gestion des déchets contaminés.

Il y a trois types de raisons pour sortir du nucléaire.

Le premier type de raisons concerne le problème des accidents qui posent des problèmes très particuliers parce que, d'une part, ils sont extrêmement improbables. D'autre part, les conséquences sont potentiellement ingérables. La preuve en est que les compagnies d'assurance refusent de couvrir les dommages illimités qui pourraient être causés par des accidents nucléaires.

La deuxième raison de sortie du nucléaire est le risque de prolifération, à savoir le risque de mettre la main sur des combustibles nucléaires. À la fin du programme nucléaire belge 5 000 tonnes de combustibles auront été introduites dans les centrales dont 670 retraitées à La Hague. Ce volume est largement suffisant pour en faire un usage néfaste.

Le troisième problème est la question des déchets. En Belgique, les techniques de gestion de ces déchets sont les meilleures en la matière. Toutefois, le problème pour notre société est de savoir quelles garanties on peut avoir sur le comportement de déchets qui restent actifs pendant des dizaines de milliers d'années. Selon le secrétaire d'État, cette hypothèque n'est pas nécessaire.

Le rapport AMPÈRE, dans ses conclusions et recommandations à la page 37 dit que : « Par ailleurs la Commission est d'avis qu'il convient de maintenir l'option électronucléaire ouverte ... Pour ce faire, il y a lieu de conserver le savoir-faire national, privé et public, dans le secteur de l'électronucléaire, ainsi que de participer à la recherche et au développement, essentiellement privé, des filières du futur.

Maintenir l'option électronucléaire ouverte n'implique d'aucune manière une quelconque obligation de recourir à ces filières. Ce choix relève en démocratie du seul Parlement. Il tombe sous le sens que les développements techniques futurs de l'électronucléaire devront être appréciés sur base de leurs mérites propres dans divers domaines, à savoir la sûreté de fonctionnement, la limitation de l'aire de contamination en cas d'accident, la maîtrise de l'aval du cycle nucléaire et en particulier le conditionnement et la gestion des déchets, ainsi que le niveau du coût technique de production. »

Le secrétaire d'État déclare partager totalement l'avis de la commission AMPÈRE. Il ne s'agit pas d'être fanatiquement antinucléaire, mais de contenir le plus possible les dangers que court une société lors de son approvisionnement en énergie.

Évolutions de la demande

D'une part, il y a le scénario « AMPÈRE », qui, dans l'hypothèse d'une gestion de la demande table sur une évolution de la consommation d'électricité de + 0,5 % par an jusqu'en 2005 avec ensuite une stabilisation de la consommation jusqu'en 2012.

D'autre part, le dernier plan d'équipement 1995-2005, prévoit un scénario dit « homo economicus ». Il s'attend à une évolution de + 0,7 % d'électricité par an qui devrait aboutir alors en 2005 à une quantité consommée de 79 terawattheures par an. Or, en 2001, nous sommes arrivés à 83 terawattheures. Par conséquent, il y a un vaste potentiel d'économie d'énergie en Belgique.

Entre 1995 et 2000, la croissance réelle de la consommation en électricité s'est élevée à + 2,7 % par an. Entre 2000 et 2001, ce pourcentage était de + 0,6 %.

Le potentiel d'économie d'énergie décrit par le Bureau du plan, dans le rapport remis au Parlement le 24 septembre 2002, le Bureau prévoyait suivant le modèle Hermès une évolution de la consommation d'électricité de 2,1 à 1,5 % par an. Suivant le modèle Primes, cette évolution serait de 1,9 à 1,2 % par an.

Il y a une condition nécessaire pour que ce potentiel d'économie d'énergie soit mis en oeuvre. Il s'agit du découplage entre les trois métiers de l'électricité : la production, le transport et la distribution. Selon le secrétaire d'État, les économies d'énergie se passent au niveau de la distribution.

Tant que ce découplage n'avait pas eu lieu, il était extrêmement difficile, sinon impossible, d'organiser les choses en vue d'une consommation d'énergie vraiment rationnelle. On peut difficilement attendre du producteur qu'il organise les choses en vue de réaliser des économies dans le domaine de la distribution. Ce découplage, qui était prévu par une directive de 1996 et qui est réalisé à présent, constitue une condition indispensable à une consommation rationnelle d'énergie.

Pour le secrétaire d'État, l'évolution de la demande de l'électricité en Belgique ne pose aucun problème concernant la sécurité d'approvisionnement. La preuve en est que ces derniers temps, cette évolution était forte, avec des pics simultanés en Belgique et en France, sans qu'il y ait eu de problèmes.

Il n'y aura pas de problèmes à l'avenir non plus puisqu'il est possible de produire de l'électricité à partir du gaz. Et le secrétaire d'État d'ajouter que ce n'est pas une oscillation de quelques pour-cents qui va empêcher les gouvernements quels qu'ils soient, d'organiser la mise en place en Belgique de centrales de production d'électricité à partir du gaz.

Une question plus importante est celle liée au réchauffement climatique.

Pour le secrétaire d'État il est évident que l'évolution de la consommation de gaz en Belgique n'a aucune influence sur le prix mondial du gaz.

D'un point de vue du réchauffement climatique, c'est l'évolution de la consommation finale d'énergie qui importe et non pas l'évolution de la consommation particulière d'électricité. La majorité absolue des émissions de gaz à effet de serre est due à la consommation d'énergie. La partie de la consommation d'électricité là-dedans ne représente que 22 Mt de CO2 sur un total de 150 Mt.

L'évolution de cette consommation finale d'énergie, y compris le diesel, l'essence, etc.

Elle est, de 1981 à 2000, de 0,9 % par an. Dans les deux scénarios du Bureau du Plan, cette évolution varie entre + 0,4 à + 1,1 % soit de - 0,3 à + 0,8 %. Par conséquent, l'évolution de la consommation d'électricité ne pose pas de problème de sécurité d'approvisionnement. Deuxièmement, du point de vue du réchauffement climatique, il faudra faire attention à l'évolution de la consommation totale d'énergie dont l'électricité fait partie.

Le secrétaire d'État fait référence à la page 53 du résumé exécutif de la commission AMPERE où il est dit qu'en Europe, on remarque sur la période 1990-1997 une baisse significative de la consommation d'électricité par habitant dans les pays qui ont adopté des mesures volontaristes en matière d'utilisation rationnelle d'énergie (Autriche, Danemark, Allemagne, Suède, ...).

La situation en Belgique du point de vue de la production décentralisée, à savoir les sources d'énergie renouvelable, d'une part, et la production combinée, d'autre part.

Il y a tout d'abord la technique de la cogénération. La production de chaleur est inhérente à la production d'électricité. On peut en tirer de grands avantages si l'on arrive à utiliser la chaleur libérée, par exemple pour chauffer des bâtiments ou dans le cadre de processus industriels. À cet égard, deux conditions doivent être remplies : la température doit être suffisamment élevée et l'endroit où le besoin de chaleur existe ne peut pas être trop éloigné de l'endroit de la production. En effet, le transport de la chaleur coûte plus que le transport d'électricité.

Les chiffres récents pour l'Europe, dont dispose le secrétaire d'État, datent de 1998. Toutefois, la situation actuelle n'est guère différente de celle d'alors.

La part de la production combinée dans la production totale d'électricité est de 4,1 %, alors qu'en Europe on est à 10,9 %. Le Danemark est même à 62 %. Par conséquent, la Belgique, malgré la densité de son tissu industriel et malgré l'ancienneté de nos connaissances en matières technologiques, est à moins de la moitié de la moyenne européenne. Nous sommes à 3 400 GWh. D'après la commission AMPÈRE, le potentiel est de 4 500 GWh. D'après l'université d'Anvers, il pourrait aller jusqu'à 18 000 GWh. Bref, le potentiel est encore énorme.

La situation en Europe en matière de sources d'énergie renouvelable.

Exclusion faite de l'énergie hydraulique, la Belgique est à 1 % maximum alors que l'Union européenne est à 2,1 %. Si l'on tient compte de l'hydraulique, au niveau européen, on monte à 14 %.

L'objectif qui a été donné par la Belgique au niveau européen et convenu au cours de la précédente législature, est de 6 % d'électricité renouvelable en 2010. Le potentiel tel qu'évalué par la commission AMPÈRE est de 8 000 GWh. Le Bureau fédéral du plan, dans son planning paper de mars 2001 parlait de 11 000 GWh.

Par conséquent, si on additionne les potentiels en énergie renouvelable et en production combinée, dans l'hypothèse le plus bas est de 13 500; au maximum, il serait de 29 000 GWh.

Il faudrait remplacer 46 000 GWh produit annuellement par les centrales nucléaires. Il est donc clair que celles-ci ne seront pas seulement remplacées par des éoliennes et par des installations de production combinée.

À part les économies d'énergie à réaliser, il faudra couvrir le solde par des turbines gaz/vapeur, c'est-à-dire des centrales au gaz.

En matière de sécurité d'approvisionnement, l'article 6 du projet prévoit qu'à partir de 2015, le plan indicatif sera élaboré annuellement. Il contiendra une évaluation de la sécurité d'approvisionnement et formulera, quand celle-ci risque d'être en danger, des recommandations.

En application de l'article 8 du projet, la CREG doit également procéder à une évaluation annuelle de cette sécurité d'approvisionnement et, le cas échéant, formuler des recommandations.

L'article 9 du projet prévoit une délégation au Roi en cas de menace pour la sécurité d'approvisionnement. Le secrétaire d'État souligne que ce problème se pose à tous les ministres de l'Énergie, partout dans le monde. C'est aussi la raison pour laquelle un article 32 analogue a été inscrit dans la loi du 29 avril 1999. À l'époque, cet article avait été adopté à l'unanimité. On dispose également que l'exception prévue à l'article 9 concernant la force majeure ne peut être invoquée du fait des producteurs d'électricité, des exploitants des réseaux de transport et de distribution, des entités fédérées ou en cas de non-application du plan indicatif.

Le gouvernement tient ainsi à éviter dans notre pays le développement de stratégies ou l'application de tactiques qui empêcheraient de procéder à une sortie du nucléaire.

La priorité de tout ministre de l'Énergie est la sécurité d'approvisionnement. Des problèmes comme ceux qui se sont produits récemment en Californie et au Brésil sont absolument inacceptables dans notre pays.

Toutefois, il y a toujours une épée de Damocles. Tout dépend de la situation internationale et de ce qui peut se passer dans les pays dont nous sommes dépendants pour notre énergie et en particulier pour le pétrole. En effet, en Belgique, la première source d'énergie reste le pétrole même si dans notre pays on ne produit plus d'électricité avec du pétrole.

8 % des réserves mondiales en pétrole et 40 % des réserves de gaz naturel se trouvent en Europe (de l'Atlantique à la mer Caspienne).

En ce qui concerne l'emploi, le secrétaire d'État fait les remarques suivantes :

D'abord, il n'est pas question de dépendre structurellement de l'étranger pour l'approvisionnement en électricité, indépendamment des compositions des gouvernements en Europe. Les raisons en sont que l'électricité ne se stocke pas et la cohésion européenne est encore insuffisante pour que la Belgique puisse compter sur ses voisins à la seconde si jamais il y avait un problème en Belgique. Le résultat en est que la puissance installée en Belgique devra toujours être supérieure (avec une marge de sécurité) à la puissance pique consommée.

Aujourd'hui, ce pic s'élève à 12 500 à 12 800 MW. La puissance installée en Belgique est à peu près de 15 000 MW. Il faudra toujours maintenir cette puissance indépendamment de la nature des centrales électriques.

Il n'y a pas de lien entre la sortie du nucléaire et les échanges d'électricité au niveau international. Il y aurait de liens entre les deux, il y aurait de liens à deux conditions. Premièrement, si de par le fait de la sortie du nucléaire, la puissance installée en Belgique était inférieure à la puissance nécessaire pour couvrir la consommation pique, ce dont il n'est pas question dans aucun cas de figure. La deuxième condition de cette dépendance de l'étranger serait si les techniques de production en Belgique étaient, de façon évidente, plus chères que les techniques de production à l'étranger, ce qui amènerait les producteurs à fermer leurs installations pour aller systématiquement acheter leur électricité à l'étranger. Ce n'est pas le cas non plus.

Aujourd'hui, des consommateurs belges achètent de l'électricité nucléaire française. Ils continueront à le faire demain. Ils ont le droit de par la directive de 1996 et la loi du 29 avril 1999.

Deuxième remarque : la sortie du nucléaire se fera de façon progressive. Par conséquent, il y a le temps pour organiser la reconversion. Celle-ci sera possible endéans le secteur de l'électricité. En 2025, la Belgique consommera toujours beaucoup d'électricité qui sera toujours produite à l'intérieur du pays.

Troisièmement, le nombre d'emplois par kwh produit ne dépend pas du combustible mais bien de la taille de l'installation. Que ce soit pour le gaz ou pour le nucléaire, les nouvelles installations travaillent avec pratiquement personne par kwh produit quand elles atteignent des puissances de 600 MW et plus. Au plus que l'on s'oriente vers une politique de l'énergie qui va vers la production combinée, vers les énergies alternatives et vers l'URE, au plus les unités de production seront plus petites.

Quatrièmement, l'article 10 du projet prévoit que lorsqu'il est procédé à la fermeture d'une centrale nucléaire, un plan d'accompagnement social doit être élaboré pour les travailleurs concernés, en concertation avec les partenaires sociaux.

Le réchauffement climatique

Le secrétaire d'État rappelle que, dans le cadre du Protocole de Kyoto, la Belgique s'est engagée à faire diminuer ses émissions de gaz à effet de serre de 7,5 % en 2008-2012 par rapport à 1990. Ceci revient de passer d'une émission en 1990 de 140 mégatonnes de CO2 à une émission de 130 mégatonnes de CO2 sachant que pour le moment, la Belgique en est à 150 mégatonnes de CO2 équivalentes.

La part d'électricité est de 22 mégatonnes de CO2. Le rapport AMPÈRE précise à sa p. 21 du résumé exécutif que « la commission estime que l'abandon de la production d'électricité nucléaire en Belgique se fera ressentir dans les émissions de CO2 » et « ... les émissions 1998 de CO2 en Belgique auraient été supérieures de 16,5 millions de tonnes par an si la production nucléaire avait été remplacée par des centrales TGV au gaz naturel ».

Dans son argumentation, Electrabel parle par exemple de 33 ou même 35 mégatonnes de CO2 au lieu de ces 16,5. Electrabel se base pour cela sur les émissions moyennes actuelles de CO2 du parc de production qui fonctionne encore au moyen de combustibles fossiles. Bien sûr, il est un fait que d'ici le moment où les centrales nucléaires seront mises hors service, l'ancien parc de production classique aura, lui aussi, déjà été remplacé par de nouvelles centrales alimentées au gaz.

Le même document note à la p. 53, point 3.4., « qu'entre un scénario de forte croissance de la demande d'électricité (+ 3,5 % par an jusque 2005 et + 3,0 % par an de 2005 à 2012) et un scénario de consommation stable (+0,5 % par an jusque 2005 et + 0,0 % par an de 2005 à 2012), les émissions de CO2 seraient inférieures de près de 17 millions de tonnes par an à l'horizon 2012 ».

Le secrétaire d'État fait remarquer que comme par hasard, ces deux chiffres correspondent. Il ne faut toutefois pas sur-interpréter cette comparaison. Cela ne veut pas dire pour autant que le problème est résolu. Seulement, il est possible d'aller vers une stabilisation des émissions de CO2 dues à la production d'électricité en remplaçant, d'une part, les centrales nucléaires par des centrales TGV et, d'autre part, en faisant des économies d'énergie qui aboutissent au scénario de consommation stable tel qu'élaboré par la commission AMPÈRE par rapport à un « business as usual ».

De toute manière, le problème du réchauffement climatique est le problème de l'énergie en général et en particulier de l'énergie que nécessitent les déplacements.

Selon le secrétaire d'État, il serait rationnel de dire qu'augmenter la part du nucléaire dans la consommation d'énergie en Belgique ou ailleurs, faciliterait la solution du problème. Malheureusement, un autre problème serait créé.

Aujourd'hui, au niveau international, il y a 430 centrales nucléaires qui produisent à peu près 17 % des besoins en électricité au niveau mondial. Si on augmente la part de l'électricité nucléaire de 17 % à par exemple 60 %, on irait vers une situation où on passerait de 430 centrales à 1 500 centrales nucléaires. Si on considérait également que les transports devraient se faire par le nucléaire, ce qui, d'après le secrétaire d'État est parfaitement possible, l'électricité d'origine nucléaire pourrait être utilisée pour produire de l'hydrogène. Techniquement, les voitures pourraient être mues ainsi. Alors, plus de 1 500 centrales nucléaires seraient nécessaires au niveau mondial.

Les trois problèmes inhérents à l'énergie atomique seraient alors multipliés par le nombre de centrales nucléaires. Personne ne peut garantir qu'aucune de ces centrales nucléaires ne se trouverait dans de futures zones de guerre.

La tendance va précisément dans le sens contraire.

Selon le « World Energy Outlook » de l'Agence internationale de l'énergie du 21 septembre 2002, l'évolution va vers 9 % d'électricité nucléaire en 2030 par rapport aux 17 % actuels.

Prix de l'électricité

D'après le secrétaire d'État, il importe de distinguer trois éléments différents. D'abord, le prix de la production d'électricité sans le nucléaire. Deuxièmement, le prix pour la Belgique d'arriver à l'objectif du Protocole de Kyoto. Troisièmement, le coût pour notre pays après 2012-2022, etc.

Le premier élément sera déterminé par le marché européen. Par conséquent, la fluidité du marché sera importante. Elle sera déterminée, d'une part, par les interconnexions qui aujourd'hui ne sont pas conçues pour le marché interne mais pour les cas de rupture d'approvisionnement. D'autre part, elle sera déterminée par la possibilité de recréation d'oligopoles ou de cartels au niveau européen. De ces facteurs dépendra le prix auquel les consommateurs belges paieront leur électricité.

Le secrétaire d'État conteste de la façon la plus formelle l'évaluation des coûts de production tels que repris dans le rapport AMPÈRE. Celui-ci reprend les coûts sociaux de production de l'énergie où ­ à la surprise ­ les coûts sociaux pour le nucléaire sont inférieurs aux coûts sociaux pour la production d'électricité par voie éolienne. Cela s'explique par le fait que la méthode employée est une méthode qui ne peut pas tenir compte du problème des déchets radioactifs, du problème de la prolifération et du problème des accidents.

Voir le rapport de l'Assemblée nationale française de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques de MM. Bataille et Galet. À la p. 367 de ce rapport, il est indiqué :

« La commission indique clairement les limites de l'exercice externe pour le cas du nucléaire. » Et le secrétaire d'État d'ajouter que c'est la méthode utilisée par la Commission AMPÈRE. Il continue à citer : « Les estimations ne sont pas jugées fiables pour les accidents nucléaires. Les déchets radioactifs à haute activité, la prolifération nucléaire et le terrorisme. Ces lacunes pourraient être significatives et doivent être clairement soulignées pour toute évaluation. »

Par conséquent, le coût de production d'électricité en Belgique, d'ailleurs par les centrales au gaz, est du même ordre de grandeur que le coût de production de l'électricité aujourd'hui en Belgique par les centrales nucléaires. Le prix de l'électricité sera donc déterminé par le marché puisque les centrales belges ne sont pas plus chers que les autres centrales européennes et aussi parce que les objectifs qui ont été fixés par la Belgique en matière d'électricité verte n'influeront pas d'une telle manière sur le prix qu'ils l'augmentent sensiblement. Au contraire, le prix du transport de l'électricité diminuera en fin de la législature actuelle en comparaison avec le début de cette législature tenant compte de toutes les régulations qui ont été ajoutées par ce gouvernement aussi bien d'un point de vue social que d'un point de vue environnemental.

Le coût pour la Belgique de remplir ses obligations de Kyoto 2008-2012 (première période d'engagement)

Ce coût est estimé par la Commission européenne selon le modèle Primes à 0,3 % du PIB tenant compte de l'existence de mécanismes de transfert « emission trade » intra-européen.

Selon une étude de la société Price Waterhouse Coopers le coût pour la Belgique ne serait pas 0,3% du PIB, mais que du 0,1 % du PIB.

Le coût pour la Belgique de remplir ses obligations de Kyoto après l'an 2012 (après le début de la fermeture de nos centrales nucléaires)

Il existe deux évaluations en la matière. D'une part, il y a celle dite « Proost-Markal » qui évalue le coût à 0,1 % du PIB en 2020 allant vers 2,7 % du PIB en 2030 (exprimé en PIB de 2000) à supposer que l'objectif de Kyoto serait de moins 15 % pour la Belgique au lieu de moins 7,5 %.

D'autre part, le Bureau du plan de son côté estime lui que le coût en 2030 ne sera pas de 2,7 % du PIB, mais de 1,9 % du PIB toujours avec un objectif supposé de Kyoto de moins 15 %.

Ces évaluations ne tiennent pas compte de deux choses. D'une part, des mécanismes d'échange de CO2 à l'intérieur de l'Union européenne. Pour le moment, les évaluation tendent à ce que ce mécanisme-là divise le coût par deux. Par conséquent, on passerait de 2,7 % à 1,35 % et de 1,9 % à 0,95 %. D'autre part, elles ne tiennent pas compte des effets de la diminution de la fiscalité sur le travail qui interviendra fatalement lorsque viendra une fiscalité sur l'énergie.

Ces pourcentages de 1,35 et de 0,95 doivent être comparés avec les oscillations des hypothèses de croissance du PIB.

La sécurité

Il s'agit des investissements en matière de sécurité dans les centrales nucléaires. L'Agence fédérale de contrôle nucléaire a été consultée par le ministre de tutelle avant l'approbation de ce projet de loi.

Deuxièmement, le problème de ces investissements en matière de sécurité se pose depuis la directive 96/92/CE, à savoir depuis l'ouverture du marché de l'électricité. Il est important pour tout gouvernement de surveiller que tous les investissements soient faits dans les installations de production d'électricité dans le contexte d'un marché ouvert.

Depuis juillet 2001, une loi organise des comptes séparés pour les activités nucléaires par rapport aux activités non-nucléaires. L'objectif de cette loi n'était pas de surveiller les investissements en matière de sécurité, mais était d'empêcher des subsides croisées entre un type de production d'électricité et une autre.

Cette loi a également des effets bénéfiques concernant la surveillance des investissements en matière de sécurité dans les différentes filières de production.

Cet effet bénéfique a conduit le gouvernement par la voie du ministre de l'Intérieur à ce que l'Agence fédérale de contrôle nucléaire, dans le cadre de ses missions, puisse chaque année se prononcer formellement sur l'état de sûreté des centrales nucléaires dans la perspective de leur désactivation lorsqu'elles auront atteint l'âge de 40 ans.

Le secrétaire d'État ajoute que la loi prévoit que la responsabilité des exploitants nucléaires est engagée jusqu'à la fin des opérations de démantèlement. Il rappelle également que la responsabilité civile des exploitants était en début de législature de 100 millions d'euros par centrale.

Elle est passée à 300 millions d'euros par centrale et par site. Cela veut dire que si au même moment, il y avait un accident nucléaire qui touche plusieurs centrales dans le même site, de facto, la responsabilité civile des exploitants nucléaires est passée de 100 à 300 millions d'euros.

II. DISCUSSION GÉNÉRALE

Mme Willame-Boonen trouve que dans les auditions tenues à la Chambre des représentants, il y a certaines lacunes. Elle aimerait entendre des représentants des consommateurs privés, d'une part, et des entreprises, d'autre part, sur l'augmentation probable du prix de l'électricité.

Il serait intéressant d'entendre des experts sur la direction qu'ont prise la Finlande et la Suède.

La commissaire souhaite aussi auditionner un représentant de la CREG.

M. Caluwé souscrit à cette demande.

La commission a finalement entendu, le 13 janvier 2003, les experts suivants :

­ M. Bonet, directeur de l'Institut des radio-éléments;

­ M. B. Velge, directeur du département économique à la FEB;

­ M. B. Laponche, consultant international;

­ M. P. Felten, directeur international d'AREVA;

­ M. Ph. Busquin, commissaire européen;

­ M. L. Mampaey, directeur de la centrale de Doel;

­ Mme Chr. Vanderveeren, présidente du comité de direction de la CREG;

­ M. Pirard, front commun syndical.

Le texte de leurs exposés ainsi que le compte rendu de l'échange de vues qui a suivi sont annexés au présent rapport.

À l'occasion de cette audition, M. O. Deleuze, secrétaire d'État à l'Énergie et au Développement durable, a mis à la disposition des membres de la commission un exemplaire de la « Proposition de programme indicatif 2002-2011 des moyens de production d'électricité » du 19 décembre 2002.


M. Roelants du Vivier fait référence à une intervention du secrétaire d'État, M. Deleuze, lorsqu'à la Chambre, on examinait les conclusions du rapport AMPÈRE.

À ce moment, le secrétaire d'État a énuméré les cinq contraintes de la politique énergétique de la Belgique : la sécurité d'approvisionnement, l'ouverture du marché, l'emploi dans le secteur, le réchauffement climatique et la décision gouvernementale de retrait du nucléaire.

Pour M. Roelants du Vivier la sécurité d'approvisionnement et le réchauffement climatique sont des contraintes particulièrement prégnantes. La question se pose donc de la sortie du nucléaire et de la désactivation des centrales après l'âge de 40 ans.

M. Roelants du Vivier remonte au moment où on a décidé d'installer des centrales nucléaires en Belgique. Cette décision a été prise dans les années septante. La Belgique a alors entrepris des investissements considérables dans ce secteur. L'option qui était clairement présente chez les électriciens pendant certainement deux décennies en ce qui concerne la production d'électricité, a été celle du « tout nucléaire ».

De 1974 à 1986, la quote-part du nucléaire dans la production totale d'électricité a augmenté rapidement jusqu'à atteindre les deux tiers. Parallèlement, la quantité de déchets a cru. La radiotoxité de l'uranium et de certains produits de fission quoique décroissante, est importante.

L'erreur, à l'époque, a sans doute été de se lancer dans une technologie dont on ne maîtrisait pas l'ensemble du cycle du combustible, c'est-à-dire jusqu'à la résolution du problème des déchets.

Aujourd'hui, près de 60 % de l'électricité produite en Belgique est d'origine nucléaire, ce qui nous place en troisième position au niveau mondial après la France et la Lituanie.

La dépendance en Belgique est donc extrêmement importante à l'égard d'une source d'énergie qui par sa structure de production, encourage le développement d'une politique de l'offre. Exemple frappant : la promotion du chauffage électrique qui, du point de vue du bilan énergétique, est une aberration. Une conséquence d'une telle politique de l'offre a été le peu d'importance accordée aux énergies renouvelables et à l'utilisation rationnelle de l'énergie.

Il paraît donc cohérent de réduire la dépendance de la Belgique vis-à-vis du nucléaire et de s'en dégager à terme.

L'accord du gouvernement du 7 juillet 1999 prévoit d'ailleurs que : « Le gouvernement est prêt à s'engager dans la sortie progressive de l'énergie nucléaire à terme et ce en respectant les objectifs fixés par la Conférence de Rio et le protocole de Kyoto quant aux émissions de CO2. »

Il y a donc un engagement en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique qui conditionne les modalités de sortie du nucléaire.

En effet, le réchauffement climatique par l'émission de gaz à effet de serre constitue un problème important. Le secrétaire d'État ne fait pas l'impasse là-dessus. C'est la première préoccupation de la communauté environnementale dans le monde. Ce réchauffement est évalué à plus de 2 % à la fin de ce siècle. Les dernières estimations de la Commission européenne vont même jusqu'à 3,5 % d'ici à 2100. Ce phénomène résulte en une montée du niveau des mers de 15 à 95 centimètres. Il est en principe combattu par le Protocole de Kyoto. Toutefois, ce protocole va permettre tout juste, une fois appliquée intégralement, de réduire cette élévation de température annoncée de 0,1 %. À l'échelle mondiale, il s'agit d'une réduction de l'émission des gaz à effet de serre de 5 %.

Le problème est donc qu'au stage actuel des choses, les objectifs du Protocole de Kyoto sont très insuffisants. Aujourd'hui, les centrales nucléaires en Belgique représentent 20% des émissions actuelles de CO2. Si on devait remplacer les 5 700 MW nucléaires installés par des centrales au gaz, cela équivaudrait à 17 millions de tonnes de CO2 supplémentaires.

D'après M. Roelants du Vivier, le Protocole de Kyoto n'est que le début d'un processus. Le processus défini à Rio consiste à dire qu'il faut arriver au moins à stabiliser les émissions. Pour cela, de nouvelles réductions de gaz à effet de serre vont devoir avoir lieu au-delà du Protocole de Kyoto.

Les scientifiques appellent à une réduction de l'émission de gaz à effet de serre non de 5 % au niveau mondial, mais de 50 voire de 70 %. En d'autres mots, la route est encore longue. Il faudra donc déterminer comment on va pouvoir rencontrer ce défi futur. S'il sera possible, mais difficile, de rencontrer avec le démantèlement des centrales nucléaires les objectifs de Kyoto I, la question se pose vis-à-vis des Kyoto II, III, IV, etc.

Par conséquent, la question est véritablement de savoir quelle est la priorité environnementale pour la planète. Si c'est le réchauffement climatique, il faut bien examiner toutes les possibilités et savoir, si l'on ne recourt pas à l'utilisation de la source d'énergie nucléaire avec tous les défauts y inhérent, il importe quand même d'avoir une sécurité dans notre planification à long terme.

La sécurité d'approvisionnement est fondamentale.

À travers du « Livre vert » de la Commission européenne, M. Roelants du Vivier s'est rendu compte que nous sommes extrêmement dépendants de l'étranger et des sources d'énergie externes. Sur la base des prévisions actuelles, le taux de dépendance atteindra 70 % en 2030.

Quelles sont les marges de manoeuvre dont nous disposons par rapport à cette dépendance ? Il faut bien avouer que la Belgique, tout comme l'Union européenne d'ailleurs, dispose de faibles marges de manoeuvre d'action sur les conditions d'offre d'énergie. C'est essentiellement au niveau de la demande que l'on peut agir et principalement sur les économies d'énergie dans les bâtiments et les transports.

C'est la raison pour laquelle, à l'époque, le « Livre vert » de la Commission européenne insistait sur la nécessité de diversifier les sources d'énergie et singulièrement en ce qui concerne les énergies renouvelables. Il faudrait doubler la part des énergies renouvelables dans le bilan énergétique en passant de 14 à 22 % pour la production d'électricité d'ici à 2010. Les moyens pour y arriver sont divers. Il ne s'agit pas uniquement de l'énergie éolienne mais aussi de la biomasse, de l'utilisation des biocarburants, etc.

Il y a donc des efforts d'investissement extrêmement importants à entreprendre pour orienter la demande énergétique dans la perspective d'un respect des engagements de Kyoto. La Commission AMPÈRE et le rapport d'évaluation le confirment. En même temps, il faut maintenir la sécurité des approvisionnements. La place des énergies conventionnelles va pour longtemps encore rester incontournable.

En ce qui concerne par exemple les transports, il y a énormément d'investissements à entreprendre. Ainsi, une voiture moyenne produit chaque année 2 à 3 fois sa masse de CO2.

Par conséquent, le secteur des transports est visé particulièrement. Or, c'est un marché qui est captif du pétrole puisque les transports représentent 67 % de la demande finale de pétrole. Dans ce domaine ainsi que dans celui du chauffage des bâtiments, le défi sera considérable.

Les économies d'énergie elles aussi, constituent un potentiel fondamental. Il n'en reste pas moins qu'après toutes les études, il reste une marge d'incertitude. Il y a même une inquiétude qui pointe dans les conclusions où malgré le volontarisme que l'on peut mettre en oeuvre, on se demande si on y arrivera.

Il est vrai que la situation géopolitique peut finalement commander la situation énergétique. Que va-t-il se passer en 2030 ? Les scénarios qu'on a peuvent nous rassurer ou nous inquiéter. En tous les cas, nous ne savons pas avec certitude vers quoi nous allons.

La question du retrait du nucléaire se pose dans ce contexte-là. M. Roelants du Vivier estime que le projet de loi part de l'idée que nous connaissons les forces et le faiblesses du nucléaire.

Vu ses faiblesses, nous pensons qu'il faut s'en retirer progressivement. Toutefois, dans quel délai, à quel rythme ? Les quarante ans sont-ils un rythme réaliste ? Aux États-Unis, on fait passer l'âge des centrales nucléaires de 40 à 60 ans. Est-ce qu'il ne faut pas se donner une marge de manoeuvre possible ? L'article 9 du projet laisse entendre que dans des circonstances extrêmes, on pourrait revoir les choses.

M. Roelants du Vivier pense qu'en tout état de cause, il ne faut pas envisager la problématique d'un point de vue idéologique mécanique.

Il importe de la voir en fonction des circonstances qui vont évoluer avec le temps. Il est toujours très difficile de faire un exercice de prospective à 30 ou 40 ans de distance. Ici, on se place dans une perspective à 2025. On ne sait pas exactement où on en sera à ce moment-là.

Il est toujours possible d'adapter une législation.

La question ici est de savoir si le gouvernement s'est donné toutes les garanties nécessaires pour ne pas se trouver un moment devant, d'abord, une difficulté en matière de sécurité d'approvisionnement énergétique, et, d'autre part, une difficulté de remplir nos obligations vis-à-vis du Protocole de Kyoto actuel. Il faudra même procéder à des réductions supplémentaires d'émissions de gaz à effet de serre. La question demeure de savoir si nous sommes armés pour cela.

M. Malcorps souligne que le modèle énergétique axé sur l'offre et sur le gaspillage d'énergie constitue le coeur du problème (voir notamment le chauffage domestique à l'électricité). Le modèle énergétique doit être remodelé et la demande en électricité diminuer. Les mesures qui sont proposées en l'espèce par la commission AMPERE suscitent certaines questions. L'objectif doit être de remplacer les centrales nucléaires dans le cadre d'une politique globale, visant à réduire la demande. Il faut donc s'attaquer aux problèmes que posent une trop grande dépendance à l'énergie nucléaire et les émissions de CO2 en changeant radicalement de politique de l'énergie. L'intervenant renvoie à l'étude exhaustive de l'UIA (Centre d'étude pour la technologie et l'environnement) de 1995, dans laquelle il est démontré qu'en dépit d'une croissance des services d'électricité de 46 % d'ici 2010, on pourrait malgré tout fermer toutes les centrales nucléaires et réduire simultanément de 20 % les émanations de CO2 dans le secteur de l'électricité par rapport à 1990. Un tel objectif doit s'accompagner d'un programme structurel de réduction de la demande, d'une mise en service d'une seule grande centrale TGV neuve, d'une augmentation de 6 % des importations de gaz naturel et d'un quota d'énergie renouvelable de 6,5 % au minimum à l'horizon 2010.

L'intervenant souhaite encore poser une question concrète à propos des engagements qu'a pris la Belgique dans le cadre du Protocole de Kyoto. Au cours des négociations sur la répartition des charges au niveau européen, on a en effet aussi tenu compte de la politique nucléaire que mènent les différents États. Lors des négociations sur un deuxième Protocole de Kyoto et plus particulièrement sur la répartition des charges au niveau européen, il devrait dès lors être possible d'inclure la sortie du nucléaire dans la discussion.

M. Vankrunkelsven souhaite préciser qu'il est un opposant notoire à l'énergie nucléaire. Créer de l'énergie à partir de la fission nucléaire a été une mauvaise décision et une erreur collective, qui a entraîné un énorme problème de déchets nucléaires.

Toutefois, l'intervenant a également quelques critiques à formuler concernant le projet de loi à l'examen.

D'une part, il y a le problème des déchets radioactifs. Il y a une masse X et la masse qui vient s'ajouter annuellement à ces déchets diminue constamment, car les méthodes de traitement des déchets s'améliorent.

D'autre part, il y a le problème du CO2 et du réchauffement de la planète. C'est une nouvelle donnée dans le débat.

Il faut oser mettre ces deux problèmes en parallèle et choisir, si l'on peut dire, entre la peste et le choléra. Quel est le plus grand mal ? Ajouter quelques déchets nucléaires ou émettre davantage de gaz carbonique ? Dès lors, il faut s'interroger sur la pertinence d'une décision de fermeture prise avant de disposer, en matière de création d'énergie, d'une solution de rechange praticable qui permette de résoudre le problème croissant du CO2.

Dès lors, l'intervenant regrette que la proposition de sortir de l'énergie nucléaire ne contienne pas de mesures qui permettraient de combler le futur « déficit ». Il craint qu'ultérieurement, on ne soit obligé de construire de nouvelles centrales électriques classiques, ou d'acheter de l'électricité dans des pays où cette énergie est produite grâce à l'énergie nucléaire. Il faudrait donc d'abord réfléchir à la manière de faire des économies d'énergie.

L'intervenant formule également une remarque technique. En adoptant le projet de loi, on donne en réalité au prochain gouvernement le pouvoir de réduire cette loi à néant par un arrêté royal (voir l'article 9 du projet).

M. Lozie attire l'attention sur le fait que cette législation requiert que l'on adopte un point de vue de principe. La question qui se pose est celle de savoir si on peut accepter un approvisionnement en énergie dont les avantages reviendront par définition à la génération actuelle, mais dont les inconvénients incomberont aux générations futures. Selon l'intervenant, c'est inacceptable. L'énergie nucléaire a prouvé qu'elle pouvait produire une grande quantité d'énergie, mais elle n'a pas prouvé qu'elle pouvait la produire de manière économique. En outre, cette énergie n'a jamais prouvé pouvoir résoudre le problème des déchets.

L'intervenant estime qu'il ne faut pas choisir entre l'énergie nucléaire et la réduction des émissions de CO2. Il est convaincu que ce n'est que quand on aura décidé de sortir de l'énergie nucléaire qu'on sera disposé à débattre à grande échelle de la manière d'économiser l'énergie. Si on permet à l'énergie nucléaire de rester au centre de la production d'énergie, on affirme par là même que la consommation d'énergie peut continuer à augmenter. On ne pourra réduire sérieusement les émissions de CO2 que si on sort de l'énergie nucléaire. Il faut changer la politique de l'énergie.

Ce n'est qu'au moment où on a averti le secteur de l'énergie nucléaire d'une possible sortie que ce secteur a commencé à utiliser les émissions de CO2 comme contre-argument, selon M. Lozie.

L'intervenant estime que la discussion relative aux émissions de CO2 est importante, mais qu'on ne pourra la mener sur le fond que quand on aura fait comprendre à la population et aux producteurs d'électricité qu'on entend mettre des limites à la manière dont l'énergie est produite. À cet égard, il faudra mettre des limites, non seulement à l'énergie nucléaire, mais aussi aux émissions de CO2.

Selon l'intervenant, une interdiction de la production d'énergie nucléaire sera bénéfique à la discussion relative à la réduction des émissions de CO2. Si actuellement, on décidait uniquement de créer une taxe sur le CO2 sans parler de la sortie de l'énergie nucléaire, on mènerait une discussion purement fiscale, et non une discussion sur le climat. Toutefois, pour l'intervenant, la discussion fiscale n'est qu'une question secondaire par rapport à la diminution des émissions de CO2.

L'intervenant n'accepte absolument pas l'argument selon lequel la sortie de l'énergie nucléaire signifierait qu'on opte pour une augmentation des émissions de CO2. Il s'agit au contraire de deux discussions parallèles qui, d'après l'intervenant, s'alimentent mutuellement.

M. de Clippele pose deux questions portant sur les points suivants : 1º le stockage des déchets radioactifs après 2025 : comment ce stockage, qui relève de la responsabilité des pouvoirs publics, sera-t-il financé : y aura-t-il encore une instance fédérale compétente en la matière ? 2º le projet de loi à l'examen est incontestablement un texte d'ordre public. L'on ne peut y déroger. Cela signifie qu'il s'appliquera à toutes les personnes se trouvant sur le territoire belge et dans tous les cas de figure, même en cas de transit de matières radioactives. L'intervenant souhaite connaître la position du secrétaire d'État sur la situation dans laquelle on se trouvera après 2025, à savoir que l'on achètera à l'étranger une électricité qui est produite par une centrale nucléaire située à proximité de la frontière belge.

M. Roelants du Vivier affirme que la virulence de l'intervention de M. Lozie lui fait craindre le pire. L'intervenant estime que la discussion sur la sortie du nucléaire ne peut être présentée de manière par trop tranchée. Il ne s'agit pas d'un choix de type blanc ou noir, à faire entre soit le réchauffement climatique, soit l'énergie nucléaire.

L'intervenant souhaite préciser qu'il n'a aucune sympathie particulière pour cette dernière, mais que la question qu'il y a lieu de se poser en toute honnêteté est celle du rythme auquel on sortira du nucléaire. Le rythme prévu dans le projet de loi est-il conciliable avec les obligations actuelles et futures de la Belgique, telles que celles auxquelles notre pays a souscrit dans le cadre des Protocoles de Kyoto I, II et III ?

L'intervenant estime que le raisonnement qui considère la sortie du nucléaire comme la première étape sur la voie de la réalisation des objectifs imposés à la Belgique par les Protocoles de Kyoto est dénué de tout fondement scientifique. Il souhaite par conséquent recevoir du gouvernement des garanties claires sur la manière dont les objectifs internationaux pourront être atteints. Il faut aussi oser se demander si le rythme que le législateur fédéral s'impose dans le présent projet de loi n'est pas trop rapide. L'intervenant estime qu'il s'agit là d'une question que la raison commande de se poser.

M. Guilbert estime que le « confort » qu'offre l'énergie nucléaire est en fait comparable à la « technique de l'autruche ». Ce confort est en effet tel que notre pays consomme l'énergie sans compter. Or, il est bien connu que les pays qui se sont dotés de centrales nucléaires sont de grands gaspilleurs d'énergie. On retrouve même ces constats dans les publications des producteurs belges d'électricité. L'intervenant partage l'analyse de MM. Malcorps et Lozie : la sortie du nucléaire contraindra la Belgique à mener une autre politique énergétique, plus attentive aux économies d'énergie. En outre, la sortie du nucléaire créera de nouvelles possibilités pour les régions sur le plan de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme.

Mme Lizin déclare que, pour elle, la matière en discussion mérite, au Sénat, un débat de plus grande qualité que celui qui a eu lieu à la Chambre.

Voter une loi en disant qu'on regrette de le faire relève de l'absurdité.

À présent que l'on y voit plus clair dans les délais, peut-être peut-on examiner cette matière de façon un peu plus objective.

L'intervenante ne souhaite pas l'aborder du point de vue du bourgmestre d'une ville, où un tel choix a évidemment des conséquences. S'il y a des personnes qui savent qu'un jour les centrales devront fermer, ce sont bien les responsables de la ville.

L'intervenante souhaiterait que l'on entende des personnes qui sont favorables à la sécurité, pour parler à la fois du choix lui-même et, si possible, de ce que suppose une fermeture fixée dans une loi.

En effet, ce qui, pour elle, pose question, ce n'est pas tellement que l'on fixe un terme technique au fonctionnement des réacteurs nucléaires, mais bien que l'on fixe une date légale sans examiner de façon prospective ce que ce type de date entraînera comme effets induits préalables en matière de sécurité, dès le vote de la loi.

L'intervenante aimerait donc que l'on entende les délégués syndicaux, non sur la question de l'emploi, mais sur, par exemple, la sous-traitance et les dangers de la période intermédiaire.

Elle précise que même si l'on prévoit des recyclages, une période intermédiaire, etc., la base taxatoire pour la ville subsistera, même si elle change d'objet.

L'inquiétude de la ville ne se situe donc pas à ce niveau, mais bien à celui de la sécurité, dans l'hypothèse de la fixation d'une date par une loi, et non par un processus économique normal.

S'il devait y avoir des accidents, et compte tenu des vents dominants, ce serait en dehors de Huy que les risques seraient les plus grands, en direction de Liège et, dans 10 % des cas, de Namur.

Il serait dès lors intéressant d'entendre des responsables publics qui puissent parler de ce type de difficultés.

Il existe en France un office scientifique parlementaire, présidé par un parlementaire, et où les deux assemblées sont représentées.

Le débat est donc ouvert là aussi, dans un autre cadre. Peut-être serait-il intéressant d'entendre le président de cet office.

L'intervenante cite également M. Van Binnebeeck (de Vinçotte) et l'Inspection sociale.

Il y a également en France, au ministère de l'Environnement, un haut fonctionnaire qui s'occupe de la problématique des risques.

L'intervenante ajoute que son objectif est non pas que l'on abandonne l'idée de la fin du nucléaire, mais bien que le texte de la loi ne soit pas celui actuellement en projet.

Tel est le cadre dans lequel se situent les amendements qu'elle dépose.

En matière d'emploi, il s'agira d'une catastrophe, même si celle-ci est échelonnée.

De plus, on ne résout en rien le problème du stockage des déchets en piscine.

En ce qui concerne les syndicats, M. De Grauwe fait observer qu'à la Chambre, certains de leurs représentants ont déjà été entendus.

M. Malcorps déclare que les observations de Mme Lizin à propos des risques liés à la détermination légale d'une date de fermeture des centrales lui paraissent pertinents.

Il rappelle cependant que la Chambre a largement entendu à ce sujet l'Agence fédérale du contrôle nucléaire. Il est évident que celle-ci doit disposer des moyens suffisants pour assurer une sécurité nucléaire totale, dans quelque scénario que ce soit.

D'un autre côté, le fait de maintenir ouvertes ces centrales risque d'entraîner d'autres problèmes de sécurité.

Réponses du secrétaire d'État à l'Énergie et au Développement durable

Le secrétaire d'État déclare, en réponse aux observations de M. Roelants du Vivier, que les contraintes de sécurité d'approvisionnement et de CO2 sont des contraintes fortes, au même titre que les trois autres priorités qui ont été rappelées. En ce qui concerne la durée prévue par le projet gouvernemental, il faut observer que les chiffres sont cohérents par rapport à ce qui a été décidé en Allemagne, où la part du nucléaire est d'environ 35 %, et où la durée de vie des centrales proposée est de 32 ans, avec un système différent de répartition des heures de production.

Cela ne change rien à la manière globale dont cela a été envisagé.

Lorsque les centrales ont été construites, il est exact que les durées d'amortissement prévues étaient de l'ordre de 20 à 25 ans mais que techniquement, elles avaient été conçues pour fonctionner 40 ans.

Reprenant cette durée de vie de 40 ans, on confirmait par la loi ce qui avait été convenu lors des premières mises en exploitation industrielle en 1974 et 1975.

Il a été demandé s'il ne s'agissait pas de pleins pouvoirs pour le prochain gouvernement.

Tout d'abord, ce ne sera sans doute pas pour le prochain gouvernement puisque le problème devrait se poser au plus tôt entre 2010 et 2012.

D'ici 2010, on disposera de beaucoup plus d'informations, par exemple, à propos du Protocole de Kyoto, et de l'efficacité des mesures possibles en vue de réaliser les objectifs de ce protocole.

Mais ce qui concerne le Protocole de Kyoto ne rentre pas dans le cadre de la force majeure prévue à l'article 9 du projet.

La question est de savoir s'il ne s'agit pas, au niveau européen, de choisir entre la peste et le choléra, et personne ne peut apporter de réponse certaine à cette question.

Le secrétaire d'État observe simplement que la question du réchauffement climatique est une question éminemment européenne, et le restera dans une Europe élargie à quinze ou à 25, à partir du moment où la directive « Emission trade » s'appliquera.

Lorsqu'on prend connaissance du compte-rendu des auditions réalisées à la Chambre, et notamment celle des représentants de la DG Environnement, on constate que environnemental celle-ci a publié voici 2 ans un « European climate change program », qui fait la liste de toutes les mesures qu'il est possible de prendre pour combattre l'effet de serre au niveau européen, pour un coût de l'ordre de 20 dollars par tonne de CO2.

Elle conclut que l'ensemble des mesures qui peuvent être prises pour un coût maximal de cet ordre de grandeur aboutit en Europe à une réduction des émissions deux fois supérieure aux engagements pris par l'Europe.

Dans une Europe élargie, et sous l'emprise de la directive « Emission trade », il sera possible de faire porter les efforts là où cela coûtera le moins cher, puisque, dans les négociations internationales, l'Europe négocie une réduction globale de ses émissions, et qu'elle a le droit, en vertu de l'article 4 du Protocole de Kyoto, de les répartir comme bon lui semble. Elle le fait déjà, ce dont le secrétaire d'État se réjouit.

Il se réjouit également que la directive ait été adoptée en première lecture, voici un mois, au Conseil européen de l'environnement.

Il rappelle que les négociations en 1997-1998 ont été organisées par l'Université d'Utrecht sur la base de ce que l'on a appelé la « tryptic approach » (c'est-à-dire les consommateurs individuels, l'industrie et l'énergie).

L'énergie constituait un cas particulier, car, en Europe, on est en quelque sorte d'accord sur un désaccord en matière d'énergie nucléaire.

Ainsi, l'Europe a autorisé la Suède à abandonner l'énergie nucléaire, ce qui a été un argument pour que la part des Suédois dans les réductions en Europe soit plus petite.

Le secrétaire d'État ignore s'il en ira de même lors des négociations par la Belgique, qui doivent avoir lieu en 2005-2006.

En ce qui concerne l'achat d'électricité à l'étranger, il n'est pas influencé par la question de l'énergie nucléaire, mais par deux autres éléments :

1º la question de savoir si un pays a assez d'installations pour répondre à ses pics de consommation. Il s'agit là d'une question structurelle. À cet égard, il a déjà été indiqué qu'à l'exception du Grand-Duché du Luxembourg, aucun pays européen ne peut se permettre d'être structurellement dépendant de l'étranger. En Belgique, il y aura suffisamment d'installations pour répondre aux besoins;

2º le coût de la production d'électricité dans un pays, qui serait systématiquement supérieur à celui des pays voisins. Ce ne sera pas le cas en Belgique.

Au contraire, grâce au nouveau système de régulation du transport d'électricité et de son coût, qui n'est plus fixé par un comité de contrôle mais par la CREG, le coût du transport d'électricité en Belgique va diminuer à la fin de la législature par rapport au début de celle-ci, en ce compris la contribution fédérale aux fonds sociaux.

Cependant, à l'heure actuelle, la Belgique achète parfois de l'électricité en France, comme tous les États voisins de ce pays, car la France produit 75 % d'électricité, sur base annuelle, par la voie des centrales nucléaires.

Au 14 juillet, par exemple, on atteint 100 %, et l'électricité est, dès lors, vendue au coût marginal auquel elle est produite.

Par ailleurs, les centrales nucléaires ne seront pas remplacées par une unique solution alternative mais par une addition de différentes solutions, dont les proportions respectives restent à définir.

Si l'on estime que le projet de loi donne les pleins pouvoirs à un gouvernement futur, il s'agit alors des mêmes pouvoirs que ceux prévus à l'article 32 de la loi du 29 avril 1999, et que ceux conférés à tout gouvernement et à tout membre de ce gouvernement compétent en matière d'énergie.

S'il y avait demain un coup d'État à Ryad, l'augmentation du prix du baril de pétrole nous causerait de gros problèmes, et cela indépendamment de la question de l'énergie nucléaire.

Il y aura toujours des situations externes que nous ne pourrons gérer car la Belgique ne produit rien, les seules sources d'énergie dont elle dispose étant le soleil et le vent.

En réponse à la question sur le financement du stockage des déchets radioactifs après 2025, le secrétaire d'État répond que celui-ci est garanti. En effet, lorsque des déchets sont transmis à l'Ondraf il faut que les producteurs versent au fonds à long terme une contribution correspondant au coût total de la gestion à long terme de leurs déchets. Ce sytème de financement reste d'application de telle sorte que la date à laquelle des déchets sont confiés à l'Ondraf est sans influence sur le financement de cette activité.

En ce qui concerne l'achat à l'étranger d'électricité nucléaire par un pays qui aurait renoncé à la production d'électricité à partir de la fission de combustible nucléaire, l'intervenant estime qu'aucune règle de droit international ne s'oppose à de tels achats.

En application de la directive européenne de 1996, chaque entreprise est libre d'acheter son électricité où elle le souhaite. Tout au plus, des considérations d'ordre éthique pourraient orienter le choix du consommateur.

Le secrétaire d'État fait enfin remarquer que le gouvernement a adopté en deuxième lecture un projet de loi relatif aux provisions nucléaires, qui règle notamment le statut des déchets qui se trouvent dans les piscines des centrales. Ces déchets devront faire l'objet de provisions dont le montant sera évalué par une commission spéciale. Dès que le projet aura été adopté, le problème du stockage des déchets dans les piscines et de leur statut sera réglé.

M. Caluwé estime que le texte du projet de loi à l'examen est plutôt étonnant. En effet, il ressemble plus au texte d'une résolution exprimant l'intention politique de sortir de l'énergie nucléaire en 2015 qu'à celui d'un projet. On le coule en fait sous la forme d'un projet de loi, sans se soucier de répondre à la question de savoir à quelle solution de rechange on recourra à partir de 2015. Le gouvernement a-t-il un plan qui permettrait du satisfaire aux besoins en 2015 ? À quelles autres sources d'énergie recourra-t-on et comment fera-t-on pour commencer à les utiliser en temps utile ? A-t-il un programme visant à réduire la consommation d'électricité ? Comment fera-t-on pour que la sortie du nucléaire soit compatible avec les efforts que l'on consent pour résoudre le problème de la réduction de l'effet de serre et de la réduction des émissions de gaz carbonique ? On ne saurait perdre de vue qu'en signant la Convention de Kyoto, la Belgique s'est engagée à atteindre ce dernier objectif, alors que la sortie de l'énergie nucléaire ne répond à aucune obligation et a lieu sur une base purement volontaire. On invoque trois raisons pour sortir de l'énergie nucléaire : la prolifération, le problème des déchets nucléaires et le risque nucléaire. L'intervenant a du mal à admettre ces raisons. En ce qui concerne la prolifération, il ne voit pas quel est le rapport avec le problème qui nous occupe. En ce qui concerne le problème des déchets nucléaires, il attire l'attention sur le fait que la commission AMPÈRE a affirmé qu'il y existait une solution. En ce qui concerne le risque nucléaire et, en particulier, le risque de catastrophe qui est de un pour 100 000, l'intervenant dit ne pas comprendre pourquoi on reporte la sortie à 2015. De quelle solution de rechange dispose-t-on d'ailleurs pour l'après-2015 ? On sait que d'autres sources comme l'énergie éolienne, l'énergie hydraulique et l'énergie solaire ne pourront combler les besoins que dans une mesure limitée et qu'elles sont assez chères. Il faudra donc avoir recours au gaz. Mais il s'agit aussi d'une source relativement chère et en recourant à celle-ci, la Belgique deviendra dépendante des pays fournisseurs. Qui plus est, on augmentera ainsi les émissions de gaz carbonique, ce qui est contraire à la Convention de Kyoto qui a été signée par la Belgique et pourrait entraîner des sanctions.

Il faut être conscient qu'en 2015, on continuera à consommer de l'électricité produite à partir de l'énergie nucléaire, en tout cas en France. On aura recours à l'électricité nucléaire française, ce qui ne résoudra rien.

Il est évident qu'il faut réduire la consommation d'électricité. Il faut limiter la consommation d'énergie pour pouvoir atteindre les objectifs de Kyoto. Pour y arriver, il faudra surtout réduire les émissions dues aux transports et la combustion domestique. Au cas où l'on constaterait une diminution de la consommation d'électricité, il serait encore temps d'en réduire la production. Il serait donc préférable d'attendre les véritables résultats.

De par la sortie du nucléaire, la difficulté d'atteindre les objectifs de Kyoto augmentera de 13 %.

L'intervenant conclut en affirmant que le projet de loi à l'examen est en réalité un pamphlet politique conçu pour offrir à l'un des partenaires gouvernementaux la possibilité de se prévaloir de la sorte du nucléaire dans la perspective des prochaines élections. Ce n'est pas sans risque, car le projet à l'examen est un signal qui signifie qu'il n'est plus nécessaire d'investir dans l'énergie nucléaire.

Mme Lizin souhaite principalement aborder le projet de loi à l'examen du point de vue du problème de la sécurité. Elle renvoie aux auditions des représentants syndicaux, qui ont tous demandé que le projet de loi à l'examen ne soit pas adopté à la hâte.

L'intervenante souhaiterait que des auditions supplémentaires aient lieu.

Tout d'abord, elle souhaite que l'on réponde à la question de savoir s'il est juridiquement possible de prévoir dans un projet de loi une date de fermeture d'une entreprise industrielle. Si oui, ce serait en tout cas une primeur. À cet égard, il faut également se demander si on a prévu de dédommager les propriétaires de cette entreprise.

L'intervenante déclare que le silence d'Electrabel en la matière l'inquiète quelque peu. Une audition d'Electrabel s'impose, pour que l'on puisse examiner toutes les options en connaissance de cause.

L'intervenante craint que l'on anticipe la date de fermeture prévue. Si l'on adopte le projet de loi à l'examen, on n'investira plus dans l'énergie nucléaire, ce qui provoquera une fermeture anticipée. La sécurité sera elle aussi menacée. On ne voudra par exemple plus former d'électriciens spécialisés.

La proposition de Mme Lizin d'organiser des auditions supplémentaires est rejetée par 9 voix contre 4.

Mme Lizin regrette vivement que l'on n'ait pas entendu les arguments détaillés des directeurs d'Electrabel. Le choix du nucléaire sera en effet un choix d'achat d'électricité et d'importation de celle-ci. On risque de se retrouver, d'une part, avec de l'électricité importée et donc plus onéreuse, coût qui retombera sans aucun doute sur le consommateur, et d'autre part, avec des difficultés d'approvisionnement en cas de demande importante. Il ne sera en effet pas exclu que l'on ne puisse pas répondre aux pics de demandes. Cette électricité automatique à l'interrupteur va alors disparaître et l'on se demandera si, oui ou non, on dispose d'électricité.

Sans revenir sur les arguments en matière de production et de comparaison de prix, il est important de signaler que ces perspectives n'ont pas été suffisamment débattues.

Vient alors ce qu'elle considère comme un problème majeur, à savoir celui de la sécurité liée à la fixation d'une date de fermeture. Il faut connaître la pratique. Il est clair que le délai de 2015 ne sera pas respecté parce que dans la pratique, il faudra faire des investissements dans les centrales avant cette date. Ces investissements sont parfois très coûteux. Une fissure dans les couvercles, par exemple, nécessite de gros investissements de remplacement. Or, la technologie de production du matériel de remplacement et la technologie du fonctionnement des centrales disparaissent. Il faudra donc nécessairement faire appel au système de l'importation.

Le projet de loi reste beaucoup trop flou en matière de sécurité puisqu'il ne prévoit aucun suivi de ces investissements de sécurité année par année. Il faut connaître et prévoir à l'avance ce qui est programmé au niveau des investissements de remplacement en décomposant année par année les investissements de sécurité que nous souhaitons voir réalisés dans les centrales. Ceci est indispensable pour assurer la sécurité des populations et du personnel des centrales.

On ignore évidemment quand se posera le prochain problème technique dans une de nos centrales. Ce sera peut-être en 2003, peut-être en 2011. S'il devait toutefois surgir à brève échéance, nous serions dans un schéma particulièrement dangereux puisque les professionnels risquent de refuser d'intervenir, compte tenu de la sortie planifiée du nucléaire. Ils estimeront inutiles de faire des frais dans des centrales destinées à disparaître.

Ce sera malheureusement dans la gestion quotidienne du risque que se trouvera le danger maximum. Ceux qui en seront victimes seront les personnes travaillant dans les centrales. Ils savent déjà que c'est un problème qui se présentera à court terme. Ce risque d'insécurité s'ouvre avec le vote de la loi. Il faut accepter de préciser cet aspect dans la loi et l'amender en ce sens. Il faut clarifier les obligations annuelles de vérification et de sécurité des centrales.

Ce problème a d'ailleurs été soulevé par le directeur de l'Agence fédérale de contrôle nucléaire, M. Samain. Il n'a pas été auditionné par le Sénat.

L'Agence fédérale estime « que les motifs invoqués par le secrétaire d'État à l'Énergie pour justifier la décision gouvernementale reposent sur des considérations de sécurité sur les risques d'accidents et des déchets qui ressortissent par excellence à la compétence de l'Agence fédérale et constituent son domaine d'expertise bien que cette argumentation ne se retrouve pas dans la véritable décision du gouvernement ni dans l'exposé des motifs du projet de loi ».

L'agence n'a donc manifestement pas été consultée. Or, elle estime que pour toute une série d'aspects, il y a une contradiction évidente. « Le processus décisionnel politique de sortie du nucléaire est de nature à ébranler la crédibilité de sécurité auprès de l'opinion publique. La population peut avoir l'impression qu'une application de rayonnement est justifiée différemment selon que l'on écoute le gouvernement ou les autorités de sécurité. L'absence de ces autorités dans un débat portant sur la sortie du nucléaire met à mal l'autorité de l'agence. Et si les positions n'allaient pas dans le sens des positions prises par certains membres du gouvernement, elle se retrouverait dans une position délicate. Un conflit potentiel a déjà menacé d'éclater lors de précédents débats parlementaires sur le retraitement en 1993. L'agence est donc coincée entre sa loyauté envers le gouvernement et son objectivité scientifique.

C'est évidemment très important de savoir, une fois la loi votée, qui prendra en charge tel ou tel investissement, s'il est toujours autorisé, si l'on ramène le délai à plus courte échéance.

La principale critique envers le projet de loi est donc qu'il est imprécis et qu'il véhicule une idéologie antinucléaire. Il aura toutefois pour conséquence d'augmenter ipso facto le danger au niveau du matériel et des hommes, les investissements de sécurité risquant de ne plus être faits. Il faut maintenir du personnel compétent pour faire les vérifications de sécurité nécessaires or cette loi va accroître la déperdition de ce personnel indispensable et le risque qui y est directement lié.

La loi doit prévoir cette situation et se doter d'instruments de contrôle adéquats. Il faut également renforcer la notion de force majeure : elle est introduite dans la loi de manière beaucoup trop légère et son application sera très difficile puisque la loi l'exclut dans toute une série de cas. En gardant en tête le principe de la sécurité, il est impératif d'élargir le champ d'application de la force majeure dans la loi et ce, tant pour les habitants pour ce qui concerne le prix de l'électricité que pour son fonctionnement dans la vie de tous les jours. Vu l'aggravation du risque qui est inévitable avec le projet de loi, elle désire que le secrétaire d'État précise ce qu'il entend entreprendre par rapport à tout cela.

Va-t-on par exemple envisager de limiter la sous-traitance dans les fonctions clé des centrales comme cela avait déjà été proposé dans le passé par le biais d'un ancien projet de loi ? Une limitation de la sous-traitance serait en effet impérative si le présent projet de loi est adopté, sous peine de voir augmenter un risque d'incompétence et de négligence dans la pratique.

M. Vincotte a lui-même insisté sur ce problème et l'expression de ses inquiétudes a d'ailleurs été publiée publiquement. Il faut donc lier le projet de loi sur la sortie de l'énergie nucléaire à une loi limitant la sous-traitance.

Mme Willame-Boonen, avant d'aborder le fond du dossier, souhaite faire une remarque sur la méthode suivie par le gouvernement et par le secrétaire d'État à l'Énergie depuis le dépôt du projet de loi en commission de l'Economie de la Chambre : ce projet pèche par son manque de préparation, son improvisation et son imprécision.

En examinant le rapport de la Chambre, qui aurait peut-être pu l'éclairer, elle arrive à la conclusion qu'il y a toute une série de questions auxquelles le secrétaire d'État n'a pas répondu.

Une réflexion approfondie n'a pas été menée par le gouvernement, contrairement à d'autres pays comme l'Allemagne, par exemple : ni sur les différents impacts d'une telle décision sur l'économie et la qualité de vie des citoyens, ni sur les solutions alternatives et les mesures d'accompagnement à prendre d'ici la fermeture de la première centrale en 2015.

Nous n'avons connaissance, à ce jour, d'aucune ébauche de plan de remplacement. Cette absence est regrettée de façon unanime par la plupart des acteurs et organismes entendus. Avouez que cela ne fait pas très sérieux !

C'est entre autres pour cette raison que son groupe a demandé plusieurs auditions.

Elle se pose donc des questions sur la motivation de tout cela ! Il est clair que le parti Ecolo, à la veille d'élections, entend arriver avec un bilan sérieux. Ou serait-ce la hâte du secrétaire d'État de faire voter tout cela avant le Sommet de Porto Allegre pour pouvoir alors se targuer du fait que la Belgique, grâce à lui, serait sortie du nucléaire ?

Pour en revenir au fond, ce projet montre aussi l'absence de vision globale de ce gouvernement sur l'ensemble de la problématique énergétique (transports, chauffage ...) et celle du développement durable, comme l'a à nouveau souligné M. Laponche, un des experts de la Peer Review. On attendait mieux du secrétaire d'État à l'Énergie et au développement durable ...

1. Recommandations de la commission AMPÈRE : garder l'option électronucléaire ouverte

Les 7 centrales que compte la Belgique fournissent près de 60 % de l'électricité consommée dans notre pays, contre 26,8 % pour le gaz naturel et 11,5 % pour le charbon, la part d'électricité produite à partir d'énergie renouvelable restant fortement limitée. Ceci place la Belgique parmi les pays où la production de gaz à effet de serre par kWh est la plus limitée. L'utilisation du nucléaire chez nous permet sans aucun doute de diminuer les émissions annuelles de gaz de 35 millions de tonnes. À titre de comparaison, le charbon produit de 990 à 1 180 g de CO2 par kWh, le pétrole de 760 à 960, le gaz naturel de 350 à 800, et le nucléaire 0 ! Le nucléaire réduit aussi la dépendance énergétique de la Belgique et son coût de production est le plus bas (même en tenant compte du démantèlement et de la gestion des déchets).

C'est entre autres pour ces avantages que, malgré ses défauts certains, la commission AMPÈRE préconise de garder ouverte l'option nucléaire, tout en développant d'autres sources d'énergie propres et renouvelables et en menant une politique de maîtrise de la demande.

Le secrétaire d'État à l'Énergie intervient et réplique que là où Madame Willame insiste sur le mot « ouverte », il insiste sur le mot « option ». La commission AMPÈRE ne recommande ni de fermer ni de garder ouvertes les centrales, elle dit simplement qu'il faut garder ouverte l'option électronucléaire, ce que fait le gouvernement.

Mme Willame poursuit que, pour la commission AMPÈRE, il n'y a pas lieu de condamner a priori et en bloc une source d'énergie ou une technologie. Des progrès sont réalisés dans toutes les différentes technologies, éolienne comme nucléaire (nouvelles filières de réacteurs intrinsèquement sûrs, avancées dans les méthodes d'enfouissement des déchets ... ). L'énergie nucléaire a de gros défauts mais des atouts certains, comme cela a d'ailleurs été souligné par tous les orateurs entendus par la commission. Sortir du nucléaire n'est pas impossible mais pas sans risques non plus. L'abandon du nucléaire, cela veut dire une dépendance énergétique plus grande, une augmentation du coût de l'électricité, l'importation de courant avec construction de nouvelles lignes à haute tension, le non respect des engagements Kyoto, une hypothèque sur le know-how nucléaire belge et la sûreté nucléaire ...

2.Pourquoi donc sortir du nucléaire ? Raisons de ce choix

Alors, pourquoi donc sortir du nucléaire, contre l'avis de la commission AMPÈRE mais aussi de la Peer Review à 90 % d'accord avec les conclusions d'AMPÈRE et contre les recommandations de la CE et de l'Agence internationale de l'énergie, sans parler des acteurs concernés que nous avons pu entendre.

Ce procédé lui rappelle furieusement le vote de la loi sur le « snelrecht » il y a plusieurs mois. De nombreux experts avaient été entendus et ils étaient tous totalement opposés au « snelrecht ». Le ministre de la Justice tenait toutefois à ce que ce projet aboutisse à tout prix. La majorité a donc suivi mais il est clair qu'aujourd'hui, de nombreuses personnes regrettent que le Parlement ait voté la loi sur le « snelrecht ».

Au sein de la population, le nucléaire et ses risques (accidents, déchets) constituent encore à l'heure actuelle un sujet qui effraie bon nombre de citoyens. C'est pourquoi le secrétaire d'État a proposé en juillet 1999 un avant-projet de loi portant sur l'arrêt des centrales nucléaires dès qu'elles auraient atteint 40 ans. Il s'agit là sans doute d'une véritable question de crédibilité politique pour son parti ÉCOLO, puisque la lutte antinucléaire est le mythe fondateur des écologistes de la première heure. Est-ce qu'il a encore besoin d'entretenir la peur du nucléaire alors que sur le plan technique, des progrès très sensibles ont été réalisés depuis les années 70-80 et le seront encore dans les années à venir ?

Très curieusement, l'exposé des motifs ne fait aucune allusion à sa véritable motivation. Ce n'est que lors de l'intervention du secrétaire d'État à l'Énergie suite aux auditions en commission à la Chambre que les trois problématiques importantes justifiant l'abandon du nucléaire ont été invoquées très brièvement : le risque d'accidents, les déchets radioactifs et le risque de prolifération.

Concernant la sûreté des installations et le risque d'accidents, ces risques existent, il ne faut pas les nier, mais chaque jour des progrès technologiques sont réalisés qui nous rapprochent d'un niveau de sécurité de plus en plus élevé. Dans les pays de l'OCDE, les installations répondent à des normes strictes et sont soumises à un ensemble de réglementations très dures, de sorte que les centrales sont parvenues à un niveau de sûreté tout à fait remarquable. Pour les réacteurs occidentaux, la probabilité d'un incident majeur est de 1 pour 100 000 années de fonctionnement par réacteur (Société française d'énergie nucléaire); ce qui signifie que pour la Belgique, le risque probable d'accidents majeurs est de 1 sur 14 286 ans !

En guise de comparaison, l'Organisation mondiale du travail (OMT) recense chaque année plus de 11 000 morts dans les seules mines de charbon. De même, la rupture du barrage de Morvi, en Inde en 1979, a fait plus de 30 000 morts.

Selon des études statistiques (CEPN France) reprises dans le rapport AMPÈRE, le risque sanitaire pour les travailleurs est deux fois plus faible avec le nucléaire par rapport au charbon et pour le public 40 fois plus faible !

L'intervenante cite un extrait du Courrier international de l'écologie, traitant du réchauffement planétaire et des effets de serre :

« Certes, l'énergie nucléaire est probablement la plus sale de toutes les énergies. Mais, le réchauffement de la planète touche déjà des millions de personnes et va prochainement apporter son lot de catastrophes. Les écologistes expliquent ainsi qu'avec la future montée des eaux, il faudra déplacer 30 000 000 de personnes en Chine, entre 20 000 000 et 60 000 000 en Inde et 14 000 000 en Égypte. Au Bengladesh, 7 % de la surface du pays pourrait disparaître, provoquant ainsi le déplacement de 15 000 000 de personnes et combien de morts ? Ce pays produit pourtant moins de 0.1 % des gaz à effet de serre responsables de la catastrophe. Comble de l'horreur, les puits du pays sont petit à petit empoisonnés par l'arsenic naturellement présent dans le sol et 75 000 000 de Bangladais sont menacés. En comparaison, la « catastrophe » de Tchernobyl apparaîtrait comme un pique-nique dominical, peut-on lire dans la revue scientifique Nature, habituellement plus mesurée. »

Concernant les déchets radioactifs, le parc électronucléaire belge produit par an et par habitant 500 grammes de déchets, dont seulement 5 grammes sont de haute radioactivité, alors que l'industrie produit une centaine de kilos de déchets toxiques, et les ménages approximativement 440 kg (INS). La totalité des déchets issus de l'énergie nucléaire ne représente que de petits volumes, souvent moins de 1 % de la totalité des déchets toxiques (OCDE, Agence pour l'énergie nucléaire). La sénatrice souligne encore que la nocivité de ces derniers est constante, alors que la radioactivité décroît exponentiellement au fil du temps. Par ailleurs, comme l'a encore fait remarquer M. Bonet de l'Institut des radio-éléments, la fermeture des centrales n'aurait pas une grande incidence sur le volume des déchets.

Diverses solutions ont été envisagées pour le stockage des déchets radioactifs depuis bon nombre d'années. À l'heure actuelle, de grands progrès sont réalisés « tous les jours » dans le domaine de la gestion des déchets nucléaires, notamment les méthodes d'enfouissement des déchets.

Il n'est pas illusoire de croire aujourd'hui que les technologies nucléaires peuvent évoluer et évolueront sans doute demain vers des méthodes de production encore plus respectueuses de l'environnement, produisant moins de déchets ou des déchets moins dangereux. C'est en tous les cas une priorité de l'Europe, comme l'a expliqué M. Busquin.

Pour revenir sur le risque de prolifération, Mme Willame-Boonen cite le rapport AMPÈRE : « La fabrication d'une bombe atomique nécessite quelques kilos d'uranium-235 ou de plutonium-239 purs. L'industrie nucléaire belge ne possède ou ne manipule ni l'un ni l'autre, à l'exception du Centre nucléaire de Mol qui utilise, pour les besoins de la recherche, de l'uranium (métallique) hautement enrichi comme combustible dans le réacteur BR2, lequel fait l'objet d'une surveillance toute spéciale.

Les réacteurs de puissance belges utilisent exclusivement de l'uranium faiblement enrichi (3,5 % en uranium-235), avec lequel la construction d'un engin explosif est (techniquement) impossible. » Ce qu'a confirmé M. Bonet de l'IRE.

Les installations nucléaires sur le territoire belge sont toutes soumises au contrôle Euratom-AIEA en ce qui concerne la comptabilité des matières stratégiques.

Par ailleurs, sur le plan technique, M. Busquin a indiqué que des avancées étaient enregistrées dans la conception de nouveaux types de réacteurs pour éviter la réutilisation de matière fissile à des fins militaires.

Autre question : pourquoi avoir fixé la limite de 40 ans d'âge pour démanteler les centrales ? La première fermeture devrait avoir lieu en 2014, la dernière en 2025. Cette durée de vie est pour le moins arbitraire puisque toutes les composantes des centrales pourraient être remplacées en cas d'impératifs de sûreté. D'autres pays, comme les États-Unis, prolongent la durée de leurs centrales jusqu'à 60 ans. Cela a encore été dit lors des auditions devant cette commission.

L'AFCN rappelle à ce sujet qu'aux États-Unis, une dizaine de centrales ont déjà bénéficié d'une prolongation de leur durée d'exploitation qui doit leur permettre d'atteindre les 60 ans d'activité. Elle ajoute qu'« une fermeture après 40 ans équivaut à renoncer volontairement à 30 % de la production potentielle d'électricité ». Garder une centrale, activité jusqu'à 60 ans (en bon état de marche évidemment), ne représente pas des coûts supplémentaires mais des recettes supplémentaires, comme l'a résumé M. Mampaey de la centrale de Doel.

3. Comment sortir du nucléaire ? Quelles alternatives ?

Une nouvelle donne : le réchauffement climatique

La question doit être posée aujourd'hui en tenant compte de cette nouvelle donne, déterminante pour l'avenir de la planète. Depuis les manifestations antinucléaires des années 70, les données ont bien changé. Un autre danger d'origine énergétique est apparu : le réchauffement climatique.

Afin de le juguler, la Belgique s'est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre dans le cadre du Protocole de Kyoto. Pour respecter ces engagements, il faut impérativement limiter le recours aux combustibles fossiles (pétrole, charbon et gaz), principaux incriminés dans l'émission de gaz à effet de serre. Lors de la fermeture de la dernière unité nucléaire, d'autres mesures plus drastiques encore auront certainement succédé au Protocole de Kyoto. Comment dès lors économiser l'énergie et réduire nos émissions de CO2 sans nucléaire (propre d'un point de vue environnemental) ? Entre le mythe fondateur et le grand problème environnemental du siècle, entre l'atome et Kyoto, il est indispensable de faire un choix, ou à tout le moins, un compromis.

Par ailleurs, toutes les études démontrent aujourd'hui que le premier engagement est une première étape qui sera suivie d'objectifs plus contraignants auxquels seront astreints les pays industrialisés. Le protocole qui suivra après 2008-2012 (Kyoto II) a beaucoup de chance d'être plus strict que Kyoto I.

Alternatives : agir sur l'offre d'électricité

1. Première possibilité : agir sur l'offre, c'est-à-dire sur les modes de production d'électricité.

2. Le secrétaire d'État a mis l'accent sur la production décentralisée en vantant les mérites de la cogénération. Selon AMPÈRE, la contribution de la production combinée de chaleur et d'électricité à la réduction des émissions de CO2 est relativement faible.

Pour ce qui est des énergies renouvelables, AMPÈRE évalue à 8 tWh le potentiel de sources d'énergie renouvelable (énergies éolienne, hydraulique, solaire et autres et biomasse), ce qui correspond à 10 % seulement de la demande du pays!

La déclaration gouvernementale de juillet 1999 parlait de mettre au point de « nouvelles sources d'énergie alternatives, massives, renouvelables et propres » pour remplacer l'énergie nucléaire. Ces sources alternatives massives n'existent pas. Les alternatives que le secrétaire d'État propose (production décentralisée) ne constituent en aucune manière une solution. Pour compenser la production d'électricité d'origine nucléaire, il faudra donc un recours massif au gaz et au charbon.

3. En ce qui concerne l'énergie éolienne, il suffit de suivre l'actualité pour évaluer la difficulté d'atteindre le potentiel espéré (de 800 MW). Plusieurs des projets d'éoliennes en mer ont essuyé le refus des autorités compétentes; ceux qui ont reçu l'aval de ces autorités sont attaqués par les riverains au Conseil d'État. Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que 40 % du temps, les éoliennes ne produisent rien, quand le vent est trop faible ou trop fort, et souvent le vent tombe en fin de journée au moment où on enregistre des pics de consommation.

4. Enfin, dans le domaine de la production centralisée, le secrétaire d'État propose de remplacer les centrales nucléaires par des centrales TGV. Mais celles-ci produiront 6 mégatonnes de CO2 supplémentaires par an alors que l'utilisation du nucléaire chez nous permet sans aucun doute de diminuer les émissions annuelles de gaz de 35 millions de tonnes. Cette option nous éloigne sensiblement et dangereusement des objectifs de Kyoto.

Agir sur la demande

Pour réduire ces émissions, le secrétaire d'État a évoqué les possibilités offertes par la gestion de la demande. M. Laponche a mis l'accent sur la maîtrise de la demande et le potentiel d'économie d'énergie qu'elle représente mais sans faire de propositions très concrètes.

Projections et estimations montrent toutes une augmentation de la demande, même si les chiffres diffèrent d'une estimation à l'autre. L'Union européenne et la Belgique en particulier consomment de plus en plus de produits énergétiques et augmentent ainsi leur dépendance.

Le rapport AMPÈRE mentionne différents chiffres : « Les projections de la demande d'électricité à l'horizon de l'an 2020 réalisées par la Commission de l'UE et le Bureau fédéral du plan affichent une augmentation de la demande globale d'électricité de 1,8 à 2 % par an jusqu'en 2010. La demande d'électricité fléchirait ensuite pour ne plus progresser que de 1,2 % en moyenne de 2010 à 2020. »

La CREG base son programme indicatif des moyens de production d'électricité sur l'évolution de la demande et confronte pour ce faire différents scénarios. Sur les 17 scénarios considérés, 15 d'entre eux, issus d'institutions comme la commission AMPÈRE, la CREG, la KUL, le Bureau du plan prévoient une croissance de la demande évaluée entre 2 et 2,5 % par an entre 2000 et 2010. Seul 1 scénario que la CREG a dû intégrer dans son programme indicatif à la suite de certaines pressions prévoit une réduction de la demande d'électricité de 18 % entre 2000 et 2010 ! Ce dernier scénario est tiré d'une étude commanditée par Greenpeace pour trouver des substituts à l'énergie nucléaire, et suscite, on s'en doute, un certain scepticisme dans la communauté scientifique ...

L'analyse de la CREG démontre clairement que dans l'hypothèse d'une politique drastique d'utilisation rationnelle de l'énergie, la croissance de la demande d'énergie sur la période 2002-2011, s'élève à 1,3 % par an ... et n'envisage pas de renoncer au nucléaire. Sans doute est-ce la raison pour laquelle M. Deleuze a fait trainer les choses et a fait de l'opposition à l'audition de la CREG !

Aucun pays moderne n'a encore réussi à stabiliser, a fortiori à baisser sa consommation d'énergie, mis à part l'ex-URSS où l'économie s'est effondrée. Au niveau mondial, l'Agence internationale de l'énergie prévoit dans son dernier rapport une augmentation de la demande d'énergie de deux tiers d'ici 2030.

Serions-nous le premier pays au monde capable de réussir la prouesse d'inverser cette tendance à la hausse ? À titre d'exemple, la Suède, qui s'était prononcée en 1981 pour sortir du nucléaire, n'a réussi, 20 ans plus tard, qu'à fermer un seul réacteur, le plus petit, sur les 10 que compte le pays, et ce, parce qu'elle n'a pas encore trouvé le moyen de maîtriser la demande et de produire de l'électricité avec le même rendement que le nucléaire. La Finlande a inversement décidé d'investir dans cette filière afin de répondre à une consommation croissante d'électricité et respecter ses engagements à l'égard de Kyoto.

4. Impacts socio-économiques

Sur le coût de l'électricité et la sécurité d'approvisionnement

Venons-en aux différents impacts de l'abandon du nucléaire. On ne peut que constater le peu d'importance que le gouvernement accorde aux aspects économiques et sociaux de la sortie du nucléaire. Les impacts se feront pourtant bel et bien sentir pour les travailleurs du secteur d'une part, pour les entreprises et pour les consommateurs particuliers d'autre part.

L'abandon du nucléaire entraînera vraisemblablement une augmentation du prix de l'électricité à la consommation, qui pourrait être de 20 à 30 %. Ce risque d'augmentation du coût pour le consommateur a été souligné par la représentante de la DG de l'Énergie et des Transports de l'Union européenne à la Chambre. En ce qui concerne les entreprises, M. Velge a mis en garde contre l'impact négatif de la sortie du nucléaire sur la compétitivité de nos entreprises.

Actuellement, le coût de production des centrales nucléaires belges est le plus bas de l'ensemble des moyens de production. L'énergie nucléaire couvre actuellement en Belgique près de 60 % de la consommation d'électricité. Dans le meilleur des cas, les énergies renouvelables seront capables, d'ici 2020, de fournir environ 15 % de la demande. Pour produire les 45 % restants, une des solutions envisagées est la construction de centrales au gaz, qui présentent le gros inconvénient de dégager beaucoup plus de CO2 que le nucléaire et qui sont alimentées par une grande quantité de gaz naturel, combustible non stockable, provenant de pays au climat politique instable (Moyen-Orient, Russie), soumis à une demande de plus en plus forte et donc susceptible de voir son prix d'achat augmenter.

En cas d'abandon de l'atome, une dépendance énergétique de notre pays atteignant 70 % n'est pas exclue. Une telle situation compromettrait la stabilité des prix et mettrait en péril la sécurité d'approvisionnement du fait de son exposition aux risques liés à la conjoncture internationale. La population belge est-elle prête à voir sa télévision s'éteindre au beau milieu d'un film ou son chauffage s'éteindre quand il fait de moins 10 à moins 15 degrés dehors, sous prétexte que notre fournisseur ne respecte pas ses engagements ?

Le projet de loi tend à démontrer que la sécurité d'approvisionnement est assurée par le programme indicatif des moyens de production d'électricité établi en application de la loi sur le marché de l'électricité de 1999, compte tenu du nombre important des acteurs concernés. Rien n'est moins vrai dans la mesure où justement ce programme n'est qu'indicatif et ne peut que définir certains scénarios pour un terme de 10 ans, qui n'intègrent aucun élément relatif à la fermeture des centrales nucléaires, la première n'étant prévue qu'en 2015.

Sécurité d'approvisionnement et libéralisation du marché de l'électricité

Le secrétaire d'État a déclaré à la Chambre qu'il était inacceptable pour tout ministre de l'énergie d'être structurellement tributaire de l'étranger : « tout gouvernement, quelle que soit sa composition, militera pour une puissance installée au moins équivalente au besoin en électricité de son pays ». Avec la libéralisation du marché de l'électricité européen, les opérateurs produiront ou achèteront le courant le moins cher et s'il le faut décideront de ne pas investir en Belgique et achèteront de l'électricité d'origine nucléaire par exemple en France, où elle est moins chère et en surproduction chronique. Conséquences : le problème est déplacé et la Belgique courra le risque d'une dépendance excessive de l'étranger.

L'importation d'électricité, d'origine nucléaire, serait donc inévitable en cas d'abandon du nucléaire. Or les réseaux électriques sont déjà à l'heure actuelle surchargés. Il faudrait donc en construire d'autres, avec tous les problèmes que cela pose en termes de permis, de coûts, de place, d'impact visuel, de nuisances des lignes à haute tension, ...

Conséquences sur l'emploi

Les impacts ne sont pas non plus négligeables en matière d'emploi. Selon toutes les estimations, le nombre de personnes employées dans le secteur nucléaire de manière directe ou indirecte en Belgique tournerait entre 7 000 et 9 000. Quelle source d'énergie alternative serait capable d'engendrer une telle capacité de travail ?

S'il est vrai que la production décentralisée d'électricité implique un plus grand nombre d'unités de production, ce type de production ne représentera pourtant globalement que peu d'emplois en plus, étant donné que le potentiel décentralisé est limité (de 10 à 15 % de la demande belge selon AMPÈRE).

5. Impacts scientifiques et techniques : perte de know-how et risque pour la sûreté des installations)

Enfin, et là n'est pas le moindre des impacts à considérer, la commission AMPÈRE a attiré l'attention sur les risques pour la sécurité que constitueraient la perte de know-how et le désinvestissement en cas d'abandon de la filière nucléaire. La Belgique est un des rares pays, avec des nations telles que les États-Unis, le Japon et la France, à dominer cette technologie particulière. Presque toutes les étapes du cycle du combustible nucléaire sont, ou ont été, maîtrisées dans notre pays.

En sortant de l'énergie nucléaire, elle tournerait le dos à un développement industriel prospère et sûr. Il est difficile de chiffrer ce que ce renoncement coûtera à long terme, à supposer qu'un jour le savoir-faire en question doive être importé de l'étranger.

L'Ondraf, l'AFCN et AVN dénoncent également et très clairement ce danger. D'importants problèmes de sécurité apparaîtront dès lors que les investissements industriels diminueront et que l'expertise se fera plus rare. L'Agence fédérale de contrôle nucléaire reproche au projet de ne comporter « aucune mesure d'accompagnement visant à continuer de garantir la sûreté nucléaire.

Les syndicats, enfin, s'inquiètent également de la sécurité des travailleurs du secteur et relaient les préoccupations des populations locales qui craignent les risques liés aux opérations de démontage et à l'avenir des sites après ces opérations.

Il est donc capital de préserver nos compétences acquises dans la matière depuis plusieurs décennies et reconnues dans l'Europe tout entière. Même si l'on devait arrêter les centrales en 2025, il serait primordial de garantir, d'ici là, une production sûre et efficace, ainsi qu'une recherche avancée dans le domaine des déchets. Nous devons aussi être capables de démanteler les centrales en toute sécurité et de faire face à un cas de « force majeure » qui nous obligerait à recourir de nouveau au nucléaire.

Conclusion

La stratégie à long terme de la sécurité d'approvisionnement du pays doit viser à assurer, pour le bien-être des citoyens et le bon fonctionnement de l'économie, la disponibilité physique et continue des produits énergétiques sur le marché, à un prix accessible à tous, dans le respect des préoccupations environnementales et la perspective de développement durable. La sécurité d'approvisionnement ne vise pas à maximiser l'autonomie énergétique ou à minimiser la dépendance, mais vise à réduire les risques qui seraient liés à celle-ci. Parmi les objectifs à poursuivre figurent l'équilibre et la diversification des différentes sources d'approvisionnement.

Les préoccupations environnementales que constituent les dommages causés par la chaîne énergétique, qu'ils soient d'origine accidentelle ou liés aux émissions polluantes, ont mis en exergue les faiblesses des combustibles fossiles et les difficultés de l'énergie nucléaire. Quant à la lutte contre le changement climatique, c'est un défi et un combat à long terme au niveau international. Les objectifs fixés par le Protocole de Kyoto ne sont qu'une première étape, alors que les émissions de gaz à effet de serre en Belgique continuent d'augmenter régulièrement. L'inversion des tendances est une tâche extrêmement ardue. Le retour à une croissance économique soutenue, l'évolution de la structure de notre consommation énergétique, principalement celle de l'électricité et des transports suite à notre mode de vie, contribuent à l'accroissement des émissions de CO2.

Peut-on fermer les yeux sur une dépendance accrue au pétrole et au gaz en provenance de pays instables ? Peut-on supporter que les hausses des prix du pétrole et du gaz perturbent nos économies ? Peut-on accepter les risques conséquents au réchauffement climatique lié aux émissions de gaz à effet de serre ? Non. Le bon sens, le souci de l'environnement et la gestion des ressources naturelles en « bon père de famille » voudraient que l'on conserve la diversité des modes de production d'électricité, sans négliger aucune solution. Ceci reflète simplement l'application du principe de précaution.

À l'appui, Mme Willame-Boonen cite les propos de Mme Loyola de Palacio dans le Vif L'Express du 18 janvier 2002, comme l'a fait Luc Paque à la Chambre : « Le problème de la filière nucléaire chez nous n'est pas tant celui de la sûreté des centrales que celui des déchets. Il est vain de nier ce handicap. Mais nous avons des pistes très sérieuses de recherches de haut vol, en Europe, afin de diminuer à la fois la quantité et la nocivité de ces déchets. Au prix d'un réel développement technologique, le problème deviendra contrôlable. À l'inverse, celui du réchauffement climatique, lui, n'est ni contrôlé, ni contrôlable à brève échéance : les catastrophes naturelles qui y sont liées commencent à faire des victimes par milliers. Je n'exclus pas qu'on puisse renoncer au nucléaire dans cinquante ans mais, aujourd'hui, ce n'est pas réaliste. En outre, le nucléaire a l'avantage de la sécurité d'approvisionnement et de la stabilité des prix. »

Aucun argument cohérent ne permet de justifier l'abandon du nucléaire aujourd'hui, et de le décider dans la précipitation. Avant tout changement de politique énergétique, il serait plus judicieux d'établir un plan alternatif de remplacement clair, quantifié, avec les coûts, les pourcentages espérés de production des autres sources, les augmentations de prix prévues, les espérances en termes d'emploi, ... Tout simplement pour savoir où l'on va. Malheureusement, ce plan manque à l'appel aujourd'hui.

Le groupe cdH pense qu'il ne faut pas renoncer au nucléaire aujourd'hui, mais en même temps, nous pensons que l'accent doit davantage être mis sur l'utilisation rationnelle de l'énergie et que tout doit être mis en oeuvre afin de maîtriser au maximum notre consommation. Il pense aussi que les énergies renouvelables doivent être poussées au maximum de leurs possibilités et que des moyens importants doivent être donnés à la R&D dans ce domaine. Car en vérité, il n'y a pas de véritable débat mais un semblant de débat. Tenir compte des différents avis (acteurs concernés, experts, scientifiques...) et mener un débat rationnel, objectif et transparent sont deux choses primordiales pour que notre avenir soir réellement durable.

En conclusion, le cdH n'est pas à tout prix pour le nucléaire. Mais il exige des garanties supplémentaires avant de décider de l'abandon de cette filière de production. Le projet de loi n'envisage pas comment seront remplacées les centrales nucléaires alors qu'elles représentent les deux tiers de la production d'électricité du pays. Le potentiel des énergies renouvelables tout comme celui de la maîtrise de la demande sont limités, seul alors le gaz constitue une alternative envisageable mais il génère des émissions de gaz à effet de serre et augmente la dépendance énergétique de notre pays.

Le cdH a donc trois grandes exigences préalables à la sortie du nucléaire :

­ respecter les engagements de Kyoto;

­ assurer la sécurité d'approvisionnement;

­ assurer la fourniture d'énergie à un prix plus ou moins constant.

C'est le sens des amendements qui ont été déposés en commission et en séance plénière à la Chambre, qui ont tous été rejetés. Ils seront redéposés au Sénat.

Malgré tous ses défauts, le projet de loi a été voté par la majorité sous le seul prétexte qu'il figure dans l'accord de majorité arc-en-ciel et pour faire plaisir aux écolos ... Une éminence socialiste précisait alors dans un quotidien que « c'est une fameuse connerie, ce que nous allons voter. Mais comme cela fait partie de l'accord gouvernemental, on n'a pas vraiment le choix ». Et d'ajouter plus loin : « Et franchement, personne n'a envie que le gouvernement se casse la pipe pour un projet dont on ne connaîtra les conséquences que dans quelques années. Et si à ce moment, l'électricité coûtera deux fois plus cher, eh bien, on dira que c'est la faute des écolos. »

Un chef-d'oeuvre d'hypocrisie qui engage dans une impasse l'avenir énergétique de la Belgique et que nous tenons à dénoncer (voir rapport Chambre, nº 1941/4, pp. 22-26).

M. Deleuze souligne que le rapport auquel Mme Willame-Boonen se réfère n'est pas un document confidentiel ou secret. Le rapport de la CREG est discuté depuis des mois dans un organisme qui compte des dizaines de membres venant de tous les horizons.

M. Thissen fait remarquer que le Parlement ne doit pas être informé par la bande ou par des relais accidentels. Étant donné que la discussion sur la sortie de l'énergie nucléaire était entamée au Parlement, il aurait été normal que le ministre, qui a reçu ce document le 19 décembre 2002, mettait ce document à la disposition de tous les parlementaires.

M. Roelants du Vivier constate que le rapport en question a été déposé après la discussion à la Chambre. Il voudrait que Mme Willame-Boonen développe sa propre vision au lieu de reciter les propos tenus par M. Paque à la Chambre (voir rapport de la Chambre, doc. nº 50-1910/004, pp. 10 à 32).

Mme Willame-Boonen répond qu'elle reprend les arguments développés par M. Paque à la Chambre parce qu'ils sont excellents.

Mme Lizin se rallie à Mme Willame-Boonen. Elle vient de prendre connaissance du document de la CREG et elle voudrait disposer du temps pour l'examiner parce qu'il suscite beaucoup de questions.

M. Malcorps pense qu'il n'y a pas de solution miracle aux problèmes de l'énergie et du climat. Ce sont les deux faces d'une même médaille; l'énergie nucléaire est un élément du problème et pas de la solution.

Il faudra mettre en oeuvre une multitude de solutions à petite et à moyenne échelle dans le domaine des économies d'énergie et de l'efficacité énergétique, solutions que nous connaissons du reste tous. À ceux qui trouvent que M. Laponche n'a pas été assez concret, il demande ce qu'ils avaient en fait espéré. Un plan énergétique sur mesure pour les différentes régions ?

M. Caluwé estime qu'il ne s'agit pas d'un projet, mais plutôt d'une résolution ou d'un pamphlet. L'intervenant ne partage pas ce point de vue. De plus, notre pays se donne largement le temps de sortir du nucléaire.

Il partage la préoccupation de Mme Lizin concernant la sécurité des installations nucléaires. C'est d'ailleurs précisément pour cette raison qu'il plaide en faveur de la sortie du nucléaire. Non pas du jour au lendemain, mais en se donnant le temps nécessaire. Ayant à l'esprit ce souci de sécurité, il ne comprend donc pas pourquoi Mme Lizin soutient l'idée d'un allongement de la durée de vie des centrales. Les centrales atomiques ne sont pas vraiment sûres et voilà l'élément essentiel qui justifie la sortie du nucléaire.

Des problèmes de sécurité risquent bien sûr de se poser dans l'intervalle. C'est pourquoi il convient de se montrer particulièrement attentif à la sécurité.

M. Samain, directeur général de l'Agence fédérale de contrôle nucléaire, a décrit les problèmes dans son exposé. Cela signifie que le gouvernement actuel et les prochains gouvernements devront s'engager à dégager les moyens nécessaires pour assurer la sécurité des centrales nucléaires. Nous aurons encore besoin du savoir-faire spécialisé durant les prochaines décennies afin d'assurer le suivi du nucléaire.

Il est faux de croire que les problèmes de sécurité nous condamnent à ne jamais pouvoir sortir du nucléaire, sans quoi nous n'aurions jamais pu sortir de l'exploitation du charbon, pour les mêmes raisons, car il se posait là aussi des problèmes spécifiques en matière de sécurité. Pareille décision doit être bien préparée et le Parlement doit être vigilant à la manière dont l'Agence fédérale de contrôle nucléaire s'acquitte de sa mission. Il s'agit d'une mission parlementaire importante et le Parlement devra disposer des moyens nécessaires pour pouvoir la remplir correctement.

Selon M. Malcorps, il est indéniable que des problèmes de sécurité se posent tant dans les centrales de type Tchernobyl que dans les centrales ouest-européennes. Quelques semaines avant la catastrophe de Tchernobyl en 1986, un rapport de l'Agence internationale de l'énergie atomique, faisant suite à une inspection de la centrale, avait encore confirmé qu'il n'y avait aucun problème.

L'argumentation de Mme Willame-Boonen, qui plaide en faveur du maintien de l'énergie nucléaire en raison de l'effet de serre, est empreinte d'un certain cynisme. L'on ne peut pas minimaliser les risques liés à un accident nucléaire. Il n'est absolument pas certain qu'un accident de ce type ne risque pas de se produire dans une centrale ouest-européenne. Selon un rapport datant de 1989, il s'est produit un incident grave dans la centrale nucléaire de Grevelingen, située tout près de la frontière belge, et l'on est passé à deux doigts de la catastrophe. À l'époque, Pierre Tanguy, l'expert en sécurité nucléaire d'Électricité de France, a estimé à 10 % le risque de voir survenir une catastrophe dans une centrale nucléaire française durant les vingt années à venir. La problématique de la sécurité de l'énergie nucléaire doit donc être prise très au sérieux, ce qui oblige à plaider pour une sortie aussi rapide que possible du nucléaire. Parallèlement à cela, il plaide aussi pour que l'on prenne des mesures contre l'effet de serre. Il refuse de choisir entre les deux. Dans l'attente de leur fermeture définitive, il conviendra de se montrer particulièrement vigilant à la sécurité des centrales nucléaires, comme Mme Lizin l'a d'ailleurs demandé avec insistance et à juste titre.

M. Guilbert estime que le secrétaire d'État a été tout à fait complet lors de son exposé introductif. Tout le monde semble d'accord pour dire qu'il faut lutter contre la production de gaz à effet de serre et contre le CO2. Il espère que ce souci général se traduira dans les choix de la FEB, notamment en matière de sa politique de transport qui joue une partie importante dans la production de CO2.

M. Velge a exposé qu'il fallait distinguer la sortie de l'énergie nucléaire de la politique d'utilisation rationnelle de l'énergie. L'orateur estime par contre que les deux sont étroitement mêlés. Beaucoup d'études constatent qu'une politique basée sur l'énergie nucléaire engendre en général une certaine surproduction et donc une certaine surconsommation. Bref, un gaspillage énergétique qui se traduit dans tous les domaines de l'énergie et pas uniquement en consommation d'électricité. À ce propos les distributeurs d'énergie ont un message ambigu aux consommateurs. Les pays les plus nucléarisés sont aussi les pays dont la consommation énergétique est la moins maîtrisée. Trop souvent on oublie de citer l'exemple des pays européens qui ne disposent pas d'énergie nucléaire. Il faut constater qu'un bâtiment consomme deux fois moins d'énergie au Danemark qu'en Belgique. Le fait de disposer d'énergie nucléaire engendre donc incontestablement une surconsommation.

Chacun peut tirer des chiffres ce qu'il veut. M. Mampaey se réfère à une étude qui fait apparaître que 50 % de l'opinion publique serait en faveur du nucléaire si le problème des déchets était résolu. Il pourrait aussi bien prétendre que l'autre 50 % s'ajoute au 25 % de l'opinion publique qui est contre l'énergie nucléaire et donc que 75 % est contre l'énergie nucléaire.

Comme disait M. Laponche, le problème fondamental est celui de la politique d'économie d'énergie. Des solutions existent pour résoudre le problème et de la production et de la consommation de l'énergie.

M. Roelants du Vivier ne souhaite pas entrer dans la guerre de religion entre les partisans et les opposants de l'énergie nucléaire. Quand on cite la faible probabilité d'accidents on oublie de dire que l'échelle de ces accidents est épouvantable. D'autre part on compare une centrale graphite de gaz, comme celle de Chernobyl, avec une centrale PWR. Il faut sortir de ce manichéisme qui existe de deux cotés et se préoccuper de l'avenir énergétique du pays. Il faut examiner si le gouvernement est arrivé à un accord pour sortir progressivement de l'énergie nucléaire et ce en respectant les objectifs fixés par Rio et le Protocole de Kyoto quant aux émissions de CO2.

Il faut le faire avec les garanties suffisantes et l'intérêt de ce débat est d'évoquer les éléments qui peuvent éventuellement poser des problèmes. De ce débat il conclut que nous devons assurer pendant la période intermédiaire une sécurité maximale. En deuxième lieu, il conclut que la Belgique ne peut en aucun cas souffrir d'insécurité en matière d'approvisionnement énergétique. Le secrétaire d'État a déjà indiqué que ce sera le rôle de tous ses successeurs. En troisième lieu, la Belgique doit respecter ses obligations internationales par rapport à la nécessité absolue de lutter contre le réchauffement du climat.

La question qui se pose alors est de savoir si les solutions qui s'offrent à nous sont suffisantes.

L'intervenant ne va pas comme certains jusqu'à prétendre que la disponibilité de l'énergie nucléaire incite au gaspillage. Il estime en revanche que la structure de la production d'énergie nucléaire est, elle, axée sur une politique d'offre. Des États comme la Belgique et la France, qui sont largement dépendants de l'énergie nucléaire, doivent par conséquent encore mieux maîtriser la demande d'énergie. Dans son rapport, la commission AMPÈRE fait à ce propos la remarque suivante (p. 53) :

« En matière d'environnement, les mesures de modération de la demande se justifient de manière évidente car elles entraînent une réduction de la production d'électricité et, de ce fait, des impacts négatifs de celle-ci sur le milieu. Cet élément est particulièrement important, notamment dans le cadre des engagements du protocole de Kyoto en matière de réduction des émissions de CO2. ( ...) En Europe, on remarque sur la période 1990-1997, une baisse significative de la consommation d'électricité par habitant dans les pays qui ont adopté des mesures volontaristes en matière d'utilisation rationnelle d'énergie (Autriche, Allemagne, Suède, ...). Il y a donc lieu de mieux maîtriser la demande d'électricité en Belgique. »

À cette fin, le rapport de la commission-AMPÈRE contient plusieurs pistes.

Dans le rapport, intitulé « Demande d'énergie et demande d'électricité en Belgique ­ Historique et projections », qu'ils ont rédigé en septembre 2002 et qui est annexé au rapport de la commission de la Chambre (doc. Chambre, nº 50-1910/14, pp. 118, en particulier pp. 142 et 143), M. Bossier et Mme Gusbin du Bureau fédéral du plan arrivent notamment à la conclusion suivante :

« Une action sur la demande d'énergie en général et sur la demande d'électricité en particulier constitue un des éléments clés d'une politique énergétique, si l'on veut que la Belgique puisse respecter l'objectif de Kyoto.

(...)

L'exploitation effective de ces potentiels exige toutefois qu'une panoplie d'instruments soit mise en oeuvre par les pouvoirs publics (instruments fiscaux et réglementaires en général, information du consommateur, audits énergétiques, accords de branche, certificats d'efficacité énergétique, ...). En l'absence de telles mesures, le potentiel d'économies d'énergie risque de rester en grande partie inexploité. »

Dans la foulée, le rapport portant évaluation du rapport de la commission AMPÈRE vaut la peine d'être lu. L'intention du gouvernement belge de sortir de l'énergie nucléaire lorsque les centrales nucléaires auront atteint une durée de vie de quarante ans, ne peut pas avoir d'incidence directe sur les émissions de CO2 jusqu'en 2012, soit jusqu'à l'échéance des obligations de Kyoto. Cela suppose évidemment qu'il y aura un défi de taille à relever pour l'après-Kyoto. Selon le rapport de la commission AMPÈRE, la Belgique devra consentir des efforts importants, dont les principaux instruments pour réduire l'émission de gaz toxiques seront le gaz, l'efficacité de la consommation d'énergie et la gestion de la demande d'énergie.

Le scénario qu'a échafaudé notamment le Bureau du plan à cet effet prévoit une réduction linéaire, entre 2010 et 2030, des émissions de CO2 de 13,6 % par rapport à leur niveau de 1990. Dans cette hypothèse, le coût annuel de la réduction s'élèverait, en 2020, à 0,94 % du PNB et, en 2030, à 1,90 %. Cela signifie que l'on ne peut mener une politique de sortie progressive de l'énergie nucléaire que dans la mesure où on dispose des moyens nécessaires pour maîtriser valablement la demande d'énergie.

Le projet de loi à l'examen ne doit pas conséquent pas être considéré en soi, selon l'intervenant. Il constitue la première étape d'un processus de remplacement de l'énergie nucléaire, qui représente quelque 60 % de notre approvisionnement en énergie. À défaut de s'y préparer pleinement, notre pays risque de devoir revoir son régime de sortie en 2020 s'il veut respecter ses obligations internationales prévues par le Protocole de Kyoto. La question essentielle est par conséquent de savoir si la décision de sortir de l'énergie nucléaire et le calendrier qui sera suivi à cet égard, ne risquent pas de porter préjudice à nos engagements de droit international en matière de réduction des émissions de gaz toxiques. À cet égard, notre pays a sans doute commis dans les années 70 une erreur stratégique en recourant exagérément à l'énergie atomique pour son approvisionnement en énergie, au lieu de tendre sur ce plan à une plus grande diversité des sources énergétiques. La Belgique a payé cette erreur au prix fort, du fait que la politique de l'offre a pris un grand essor. Une rationalisation de la consommation d'énergie s'impose donc.

L'intervenant conclut que la décision de sortir du nucléaire est méritante, mais uniquement si notre pays peut se le permettre du point de vue de ses engagements internationaux, dans le cadre de la lutte contre le réchauffement de notre climat, qui constitue pour l'instant le problème environnemental le plus aigu à l'échelle mondiale.

En réaction à la thèse de M. Roelants du Vivier, selon laquelle la Belgique a commis une erreur en se plaçant dans une position bien trop dépendante à l'égard de l'énergie nucléaire, M. Thissen déclare que le préopinant doit quand même bien se rendre compte que si l'on n'avait pas fait ce choix, la pollution atmosphérique et le réchauffement de la planète auraient pris des proportions encore plus graves que ce n'est le cas actuellement. Par contre, on n'aurait peut être pas entrepris d'études visant à réduire la nocivité des déchets nucléaires.

L'intervenant déclare que dans les années 70, il était farouchement opposé à l'énergie nucléaire, notamment parce qu'il n'existait aucune solution pour le traitement des déchets nucléaires et qu'à cette époque, on n'était pas encore conscient de l'effet de serre inhérent à certaines sources d'énergie. À l'heure actuelle, ce dernier problème constitue le plus grand défi en matière de protection de l'environnement. On ne pourra y remédier qu'en prenant des mesures radicales. Si néanmoins le projet en discussion est mis à exécution sans plus, il risque d'avoir une incidence néfaste sur l'évolution climatologique de notre planète. Il faut également se rendre compte qu'en matière de traitement des déchets nucléaires, on peut s'attendre dans un délai raisonnable à une avancée technologique intéressante, grâce, notamment, au développement du super-accélérateur de particules. En d'autres termes, on peut espérer qu'il existera des moyens pour réduire, voire neutraliser la nocivité des déchets nucléaires.

La proposition de sortir du nucléaire sans préconiser de calendrier précis pour remplacer cette source d'énergie témoigne dès lors d'un manque de sens des responsabilités. C'est là la conséquence inévitable du caractère essentiellement politique du projet en discussion, dont les implications n'ont pas été suffisamment examinées, non seulement sur le plan technologique et économique, mais aussi du point de vue de la protection de l'environnement et du développement durable.

Mme Lizin souhaite savoir si des scénarios alternatifs sont élaborés au cas où les propriétaires-exploitants des centrales nucléaires décideraient de sortir par anticipation de l'énergie nucléaire, c'est-à-dire avant 2011, date jusqu'à laquelle, selon toutes les scénarios établis, les centrales nucléaires continueraient à fonctionner. La même question se pose lorsqu'une modification de leur nature juridique interviendrait, par exemple lorsque la vente d'une centrale est envisagée avant 2011. En effet, on part de l'idée que jusqu'à 2011, il n'y aura pas de difficultés d'investissement en matière de sécurité. Or, il s'avère que le choix d'un nouveau couvercle pour la centrale nucléaire à Tihange a déjà failli mettre en cause cette centrale.

Réponses du secrétaire d'État à l'Énergie et au Développement durable

1. Quelle alternative à l'énergie nucléaire ?

La perte des 46 térawatts/heure d'électricité produits par l'énergie nucléaire sera compensée par un ensemble de quatre moyens, à savoir l'utilisation rationnelle de l'énergie, la cogénération, l'électricité verte et les centrales TGV. Pour des raisons non seulement pratiques mais aussi juridiques, la part de chacune de ces quatre méthodes dans le remplacement de l'énergie nucléaire ne peut être abandonnée. La directive européenne de 1996 et la loi du 29 avril 1999 visant à transposer cette dernière en droit belge l'interdisent formellement.

Le gouvernement, quelle que soit sa composition, doit dès lors s'en tenir, en premier lieu, à créer les conditions de marché devant permettre les investissements nécessaires au remplacement de l'énergie nucléaire. Il devra ensuite assurer le suivi de ces investissements.

Cela ne signifie naturellement pas que le gouvernement n'ait pas encore réfléchi à l'avenir de notre approvisionnement en énergie. Il a ainsi pris un arrêté royal visant à soutenir la production d'électricité verte dans un marché réglementé, décidé l'installation d'éoliennes en mer, modifié la réglementation technique relative à l'ouverture du marché en vue de promouvoir la cogénération et arrêté des mesures fiscales pour limiter les pertes d'énergie dans les habitations, par exemple.

2. La sécurité de l'approvisionnement en énergie

Le défi auquel le projet à l'examen nous confronte ne recouvre pas l'approvisionnement en énergie. Aucun problème ne se pose sur ce plan. En effet, les réserves de gaz de notre planète suffisent amplement à satisfaire les besoins de la population et de l'industrie belges. Le véritable défi à relever par notre société réside dans la lutte contre l'effet de serre. Il importe par conséquent, pour lutter contre ce danger, d'utiliser de manière optimale les quatre moyens précités (point 1), appelés à remplacer l'énergie nucléaire. À cet égard, deux facteurs ont un impact extrêmement négatif : la consommation des ménages et le transport. Ainsi, en Europe, 40 % de l'énergie est consommée par les ménages, alors que les déplacements sont aujourd'hui responsables de 25 % des émissions de CO2 (le nombre de kilomètres parcourus sur la route a triplé en vingt-cinq ans). Il importe de réagir à ce phénomène, notamment pour respecter les obligations de Kyoto.

La production d'énergie, et en particulier d'électricité, pose évidemment un problème non négligeable. Toutefois, elle ne constitue pas le facteur le plus polluant, essentiellement parce qu'elle est produite par le secteur industriel, qui maîtrise mieux les technologies.

3. Pourquoi ne pas fermer immédiatement les centrales nucléaires ?

Les centrales nucléaires fournissent actuellement 57 % de notre électricité. Si ce chiffre n'était que de 2 %, elles seraient fermées immédiatement. Mais vu la part proportionnellement élevée de l'énergie nucléaire, il ne viendrait pas à l'idée d'un gouvernement ­ fût-il intégralement « vert » ­ de mettre en péril l'approvisionnement en énergie de la population par la fermeture immédiate des centrales nucléaires.

4. Mention, dans la loi, de la date de fermeture des centrales nucléaires

Le Conseil d'État n'a formulé aucune objection juridique à ce propos. Il en va par conséquent de même pour le gouvernement.

5. La sécurité nucléaire

Cette problématique présente différentes facettes, dont le recrutement de personnel compétent pour mener à bien le processus de production. Pour la centrale de Doel, par exemple, on engage des ingénieurs non spécialisés en énergie nucléaire. C'est précisément en raison de cette lacune qu'ils doivent suivre une formation complémentaire.

Ces problèmes de sécurité ne sont pas nouveaux. Ils se posent depuis plusieurs années déjà, plus particulièrement depuis le moratoire en matière d'énergie nucléaire.

Ce type de problèmes se pose depuis le moratoire nucléaire décidé sur la N8 il y a quelques années. Ce moratoire a pu être interprété comme le signe avant-coureur d'une fin de cette technologie en Belgique. La question de la sécurité se pose également en raison de la pression suscitée par l'ouverture du marché sur les investissements de sécurité. Il appartient toutefois à l'Agence fédérale de contrôle nucléaire de veiller à ce que les investissements de sécurité nécessaires soient réalisés. À la p. 224 du rapport de la Chambre (doc. Chambre nº 50-1910/004), on peut lire que l'agence a été consultée par son ministre de tutelle à ce propos.

De plus, grâce à la loi du 16 juillet 2001 portant modification de la loi du 12 avril 1965 relative au transport de produits gazeux et autres par canalisations et portant confirmation de l'arrêté royal du 18 janvier 2001 relatif au système provisoire visant à couvrir les frais de fonctionnement de la Commission de régulation de l'électricité et du gaz (CREG), qui impose aux exploitants de tenir des comptes séparés pour leurs activités « nucléaires » et « non nucléaires », destinée à éviter les subsidiations croisées entre les activités « nucléaires » et « non nucléaires », l'Agence fédérale de contrôle nucléaire peut à présent mieux vérifier les investissements de sécurité réalisés.

Il a été convenu que l'agence ferait un rapport annuel au Parlement sur l'évolution des investissements de sécurité.

La loi en vigueur dispose déjà que la responsabilité de l'exploitant est engagée jusqu'à la fin des travaux de démantèlement.

Au cours de cette législature, la responsabilité civile de l'exploitant a en outre été portée de 99 157 409,90 euros par centrale à 297 472 229,73 euros par site.

Les motivations du projet de loi en discussion concernent les déchets, leur prolifération et les risques d'accident.

Le rapport-AMPÈRE ne peut pas donner lieu à de nombreuses interprétations. Il recommande de maintenir l'option nucléaire ouverte. À la p. 37 de ses conclusions et recommandations, il est indique qu'il faut comprendre ainsi :

1º pour maintenir le know-how, des formations dans le domaine du nucléaire devront toujours être dispensées en Belgique;

2º le savoir doit exister dans des centres spécialisés tels que le Centre d'énergie nucléaire de Mol;

3º il faudra se tenir informé de l'évolution des développements de la technique du nucléaire et des nouvelles techniques de production d'électricité ou de chaleur en matière nucléaire.

Le secrétaire d'État se rallie à ces recommandations du rapport-AMPÈRE.

Comme les sociétés belge et européenne, la Commission européenne est divisée sur le thème du projet de loi en discussion.

Le grand défi est celui du réchauffement climatique. Il eût été en effet plus facile de lutter contre le réchauffement climatique en conservant ou même en développant l'utilisation de l'énergie nucléaire dans la production d'électricité, mais le gouvernement est d'avis que cette solution n'aurait fait que remplacer un problème par un autre. De toute façon, pour lutter contre le réchauffement climatique, il faudra surtout veiller à réduire la consommation d'énergie dans le transport et à l'intérieur des bâtiments.

Il ne s'agit donc pas pour la Belgique d'une question de sécurité d'approvisionnement mais d'une question d'économies d'énergie.

La loi du 29 avril 1999 relative à l'organisation du marché du gaz et au statut fiscal des producteurs d'électricité, dispose que le plan d'équipement vise les moyens de production d'énergie électrique pour une période de 10 ans s'étendant jusqu'en 2011, c'est-à-dire 4 ans avant la fermeture de la première centrale. Par conséquent, ce plan d'équipement n'est pas influencé par le projet de loi en discussion. Celui-ci ne pourrait d'ailleurs pas viser une situation dans laquelle des exploitants choisiraient de fermer des centrales avant 2015, car en vertu d'une directive européenne de 1996, les États doivent se borner à créer les conditions d'un marché dans lequel les investisseurs ont intérêt à produire de l'électricité. Il importe donc de créer les conditions d'un marché de l'énergie rationnel, sain et robuste, or le marché de l'électricité n'a jamais été mieux régulé en Belgique qu'aujourd'hui.

M. Thissen n'interprète pas le rapport-AMPÈRE de la même façon que le secrétaire d'État.

Dans l'esprit de la commission AMPÈRE laisser l'option électronucléaire ouverte signifie surtout ne pas perdre le savoir-faire acquis au cours des dernières années et utiliser celui-ci en vue d'évoluer, également dans le cadre de l'électronucléaire.

Mme Lizin convient qu'Electrabel peut fermer des centrales quand elle le souhaite. Toutefois, la fixation d'une date de fermeture des centrales nucléaires est un élément exogène, qui modifie le calcul de rentabilité de celles-ci. Lorsque la rentabilité des centrales nucléaires ne sera plus maximale, soit entre 2003 et 2015, qu'en sera-t-il de la réalisation de l'objectif de sécurité ? Ne conviendrait-il pas d'avancer la date à laquelle aura lieu un contrôle du respect des investissements de sécurité programmés ?

Le secrétaire d'État répond qu'il a été convenu que l'Agence fédérale de contrôle nucléaire se prononcerait dans son rapport annuel sur l'état de sûreté des centrales nucléaires dans la perspective de leur désactivation après 40 ans de fonctionnement. L'agence est parfaitement informée de tous les investissements de sécurité ayant eu lieu et devant avoir lieu. Notamment grâce à la loi du 16 juillet 2001 susvisée, elle pourra tenir l'échéancier des investissements à réaliser. Enfin, il convient de noter que des investissements de sécurité ont eu lieu récemment dans les centrales nucléaires.

III. DISCUSSION DES ARTICLES

Article 3

M. Thissen dépose quatre amendements (nºs 21-24) qui ont tous la même préoccupation comme point de départ, c'est-à-dire d'assurer la sécurité à tous les créneaux de la production, et ce compte tenu d'autres normes auxquelles la Belgique a souscrit, comme les normes-Kyoto.

Le secrétaire d'État explique que le gouvernement ne veut précisément pas inscrire les normes de Kyoto dans la loi en projet, parce qu'il prétend vouloir prendre d'autres dispositions permettant à la Belgique de respecter d'autres normes comme celles de Kyoto.

M. Thissen prétend que, face à cette problématique particulière, le gouvernement doit pouvoir dire si oui ou non il va poursuivre son programme. Le plus sûr est d'inscrire la volonté de respecter Kyoto dans ce texte-ci.

M. Roelants du Vivier se dit sensible aux accords de Kyoto, de Kyoto + 1 et Kyoto + 2, etc.

Il trouve le raisonnement de M. Thissen quelque peu pervers parce qu'il implique qu'on peut se trouver dans la situation où l'on rencontre finalement l'objectif des normes de Kyoto, en vertu d'une catastrophe industrielle. Il se réfère à l'Allemagne où on a fermé un certain nombre d'entreprises (par exemple aciéries), ce qui fait qu'on se trouve subitement dans le respect des normes d'émission. Ce n'est toutefois pas cela qu'on recherche, mais le fait de pouvoir trouver un certain nombre de mécanismes qui font que malgré la fermeture des centrales, l'on maintienne néanmoins une garantie de progrès social.

Le défi est de trouver une solution à un rythme réaliste.

Article 4

Mme Lizin justifie ses amendements nºs 1 et 2 (voir doc. Sénat, nº 2-1376/2) par le souci d'assurer la sécurité des habitants des zones dans lesquelles sont établies des centrales nucléaires, la sécurité des travailleurs de ces centrales, et la sécurité d'approvisionnement énergétique.

M. Caluwé dépose son amendement nº 6 concernant les autorisations d'exploitation pour les installations de sécurité des unités de production. Elle ne peuvent prendre fin sans plus en 2015.

Mme Lizin demande si les autorisations d'exploitation des piscines de désactivation du combustible usé des centrales nucléaires sont visées par l'article 4, § 2, du projet de loi.

Le secrétaire d'État répond qu'il faut distinguer les équipements servant à la production d'électricité stricto sensu et les équipements périphériques servant à son encadrement. Il n'y a pas d'ambiguïté à ce sujet. Dès que les centrales nucléaires seront fermées après 40 ans de fonctionnement, les problèmes des installations de sécurité seront résolus progressivement sur base des rapports annuels de l'Agence fédérale de contrôle nucléaire. Ceux-ci permettront de déterminer les investissements de sécurité nécessaires. Ces investissements pourront encore être exigés après la fermeture des centrales. Il convient en outre de rappeler que les exploitants restent civilement responsables de leurs installations jusqu'à la fin du démantèlement de leurs centrales.

À propos de l'amendement de M. Caluwé, le secrétaire d'État fait valoir que le critère est que la production éventuelle ne soit plus envoyée dans le réseau selon les critères de qualité commerciaux.

Rien n'empêche que tout ou partie de l'appareil de production soit encore en état.

Les investissements pour la sécurité de la centrale existante continuent. Cela fait pas l'ombre d'un doute. Ces investissements seront encore exigés par l'Agence fédérale pour la sécurité nucléaire.

En plus, les exploitants restent évidemment civilement responsables de leurs installations jusqu'à la fin du démantèlement.

Des équipements de sécurité seront toujours nécessaires et ne seront jamais la contrepartie de la survie opérationnelle de la centrale au-delà de la date prévue pour son arrêt de production.

La manière dont le gouvernement a conçu la loi repose sur la sauvegarde de la sécurité de la population et des travailleurs, ce que les législations garantissent. Le mandat de l'Agence fédérale de sécurité, son budget et ses rapports annuels garantissent par ailleurs la pérennité de sa mission. Ceci ira de pair avec un contrôle annuel par le Parlement qui pourra ainsi vérifier que la sécurité demeure garantie.

Par rapport à la sécurité d'approvisionnement, la loi du 29 avril 1999 combinée avec la loi en projet feront que la CREG aura comme mission de se préoccuper de cet approvisionnement, et qu'il ne faudra pas attendre 2015 avant de disposer d'un rapport de la CREG sur l'approvisionnement.

Après 2015, le plan d'équipement devra être clair sur la sécurité d'approvisionnement.

Le gouvernement a préféré ce raisonnement plutôt qu'une approche symptomatique axée uniquement sur la sécurité.

Ces mesures-là existent, mais sont complétées par des dispositions en vue de parer à un cas de force majeure. Ce dernier cas ne s'appliquera même pas aux productions belges, puisque les lois existantes garantiront la sécurité des populations et des travailleurs, ainsi que celle de l'approvisionnement.

Mme Lizin demande si les autorisations qui ont été obtenues seront encore valables 25 ou 40 ans après la mise en fonction.

Le ministre indique qu'il est clair que ce qui se trouve dans les piscines va s'y trouver encore au-delà de la fermeture de la production.

Il faut en effet faire la distinction entre la production, avec toute les garanties de qualité et autres que cela comporte (sécurité en amont) et la sécurité des installations qui restent (sécurité en aval).

En ce qui concerne l'aval, un projet de loi est actuellement sur la table du gouvernement en deuxième lecture, qui donne aux matières restant sur les lieux le statut de déchets radioactifs.

Mme Lizin exprime les réserves les plus expresses quant à la pérennité des autorisations obtenues en vertu de la loi de 1958, et qui prennent fin 40 ans après.

Le ministre répète que le problème ne se posera pas. Ce n'est pas parce que l'on arrête la production que l'on va retirer les permis de traitement des déchets.

Mme Lizin remarque que l'alinéa 2 vise les piscines. Pour le moment, il s'agit là d'un stockage provisoire. Il serait bon d'exclure dès à présent du champ d'application de la loi les piscines.

M. Caluwé indique que c'est là précisément le fondement de son amendement.

Article 5

M. Caluwé dépose l'amendement nº 7.

Il ne voit pas pourquoi on ne pourrait pas habiliter explicitement le Roi à réglementer en lui permettant de délivrer encore des autorisations si cela devait s'avérer nécessaire.

Il est clairement ressorti des débats à la Chambre qu'en ce qui concerne les installations existantes, il faudra encore délivrer un grand nombre d'autorisations jusqu'en 2015 ou 2025, selon le cas, pour pouvoir prévenir les nombreux risques qui se présenteront.

Il dépose ensuite un autre amendement (nº 8).

Selon cet amendement, il faut disposer d'une capacité suffisamment grande avant de pouvoir refuser des autorisations.

Mme Lizin dépose un amendement (nº 14) pour permettre de retirer certaines licences des exceptions.

Il y a par exemple les centrales de Tihange 2 et 3 qui continueront à produire à d'autres effets, comme la production d'éléments pour l'Institut des radioéléments.

Comment va-t-on faire la distinction entre les différents types de production sur 1 site ?

M. Thissen dépose un amendement (nº 33) qui cadre dans une série d'amendements qui ont le même objectif, c'est-à-dire d'anticiper dès à présent sur des situations hypothétiques, mais non impossibles, qui risquent de se produire en cas extrême.

Par rapport à l'amendement nº 7 de M. Caluwé, M. Deleuze dément que l'article soit superflu. Cela résulte clairement du fait que le Conseil d'État n'a pas trouvé qu'il était superflu, tant et si vrai qu'il a même proposé des améliorations du texte.

M. Samain a prétendu le contraire, mais n'était pas tout à fait sûr.

Le ministre répète qu'en outre, il ne rentre pas dans les intentions du gouvernement de mettre des conditions dans la loi qui prévoit les fermetures. L'option est claire : il faut fermer, et éviter toutes les échappatoires.

Quant à l'amendement nº 14, il répète qu'il n'y a pas d'ambiguïté possible entre investissements de sécurité et investissements de production.

C'est l'agence qui déterminera ce qui est nécessaire et qui l'actera dans son rapport annuel.

Mme Lizin conteste que le texte soit clair. L'agence a insisté elle-même de pouvoir disposer d'un texte clair afin de pouvoir maintenir une autorisation de production pour les éléments de l'usine qui continuent à fonctionner.

Le ministre constate que l'amendement nº 33 de M. Thissen est quelque peu subsidiaire à ceux qui concernent l'application du Traité de Kyoto.

Il renvoie dès lors à son exposé précédent sur le rejet de l'option légistique, prise par le gouvernement.

Mme Lizin continue à trouver que l'explication du ministre reste floue. Il faut pouvoir accorder un statut juridique à la poursuite des activités autorisées par la technique de la double négation dans les textes en prévoyant que ceci ne tombe pas sous les exceptions.

En ce qui concerne l'amendement nº 17 de M. Vandenberghe, référence est faite à la justification.

Article 6

Mme Lizin dépose un amendement (nº 9) pour faire en sorte que la loi sur la libération du marché soit plus contraignante.

Ce n'est qu'à partir de 2015 qu'il y aura des plans indicatifs annuels de la fourniture d'énergie.

Pour sa part, il faut commencer à établir ces rapports dès 2005. Il est en effet évident qu'il va y avoir des anticipations dans les calculs.

Les amendements de MM. Caluwé (nº 9) et Thissen (nº 34) vont dans le même sens.

Le bon sens commande, selon eux, de s'inquiéter le plus vite possible.

Le ministre indique que les plans indicatifs de la CREG sont d'ores et déjà disponibles tous les trois ans, selon le modèle conçu pour l'approvisionnement en gaz.

Ceci permettra d'avoir une idée approximative de la sécurité de l'approvisionnement tous les trois ans.

Ces estimations tiendront compte des pics de consommation d'énergie en janvier, au regard de la capacité installée et de la puissance d'importation.

La CREG elle-même doit faire un rapport tous les ans pour ses besoins propres.

En ce qui concerne l'amendement nº 18 de M. Vandenberghe, référence est faite à la justification.

Article 6bis

M. Caluwé dépose un amendement (nº 10) qui prévoit l'insertion d'un article nouveau permettant à l'agence de contrôler en temps voulu les conséquences de la sortie du nucléaire.

Le ministre renvoie au rapport de la Chambre (p. 224) dans lequel figure l'avis demandé à l'AFCN.

Cette instance n'a constaté aucun problème et affirmé que la sécurité des travailleurs et de la population était garantie, quoi qu'il en soit.

Article 7

M. Caluwé dépose un amendement (nº 11), qui vise à garantir une capacité suffisante à un prix écologique faible.

Mme Lizin dépose un amendement (nº 15) qui s'apparente à l'amendement nº 14. Le but est une fois de plus de ne pas laisser subsister le flou en retirant les investissements de sécurité de l'interdiction.

M. Vandenberghe dépose un amendement (nº 19), qui vise à supprimer cet article.

M. Thissen dépose un amendement (nº 35), dans la lignée de ses précédents amendements.

Le ministre constate qu'en ce qui concerne les arguments de M. Vandenberghe, le Conseil d'État n'a formulé aucune ramrque à propos de cet article.

Il n'a pas dit que cet article était superflu.

Le gouvernement n'a absolument aucun agenda caché en la matière.

En ce qui concerne les amendements de MM. Caluwé et Thissen, il renvoie à ses répliques antérieures.

En ce qui concerne l'amendement nº 15 de Mme Lizin, le secrétaire d'État renvoie à son exposé sur l'amendement nº 14, qui a un objet similaire.

Article 9

Mme Lizin attire l'attention sur l'absence de clarté dans la formulation de cet article et sur son absence de construction logique.

L'article dispose qu'en cas de menace pour la sécurité d'approvisionnement en matière d'électricité, le Roi peut prendre les mesures nécessaires, sans préjudice des articles 3 à 7, sauf en cas de force majeure.

On ne comprend pas très bien sur quoi porte le dernier membre de phrase relatif à la force majeure.

Qui plus est, on ne dit pas clairement en quoi consiste la force majeure et qui la constate.

Il faut affirmer clairement que la formulation ne permet pas de faire un pas en arrière si les prix étaient trop élevés pour le consommateur.

Dans ce cadre, l'intervenante dépose l'amendement nº 4 (doc. Sénat, nº 2-1376/2), qui vise à supprimer le membre de phrase : « sans préjudice des articles 3 à 7 de cette loi, sauf ... ». Elle en revient ainsi à la formulation initiale et propose de conserver une capacité de production de secours.

L'amendement nº 16 (doc. Sénat, nº 2-1376/2) de la même auteur vise à inclure dans l'article les objectifs de la Convention de Kyoto.

M. Caluwé et M. Thissen estiment eux aussi que la formulation de l'article à l'examen est très malheureuse. Il faudrait en tout cas le réécrire.

M. Caluwé dépose les amendements nºs 12 et 13 (doc. Sénat, nº 2-1376/2), qui visent à obliger le gouvernement à prendre les mesures nécessaires si l'approvisionnement est menacé et à remplacer les mots « , sans préjudice des articles 3 à 7 de cette loi, sauf en cas de force majeure » par les mots « y compris des mesures temporaires dérogeant aux dispositions de la présente loi ». Il est essentiel que le Roi puisse prendre les mesures temporaires nécessaires si la sécurité de la population ou l'environnement sont en péril ou si la sécurité d'approvisionnement était compromise par suite de la sortie anticipée du nucléaire.

M. Thissen et Mme Willame-Boonen déposent l'amendement nº 36 (doc. Sénat, nº 2-1376/2), dont l'objet est, d'une part, d'assurer le respect des engagements de Kyoto et, d'autre part, d'assurer la sécurité d'approvisionnement et la stabilité des prix d'électricité.

Le secrétaire d'État explique que le dispositif général de la loi est de faire un texte court qui concerne la fermeture des centrales et de régler les questions générales et particulières relatives à la politique énergétique dans d'autres dispositions et d'autres décisions gouvernementales (par exemple Kyoto, sécurité de la population, sécurité d'approvisionnement, etc.).

La définition de la force majeure est reprise dans le développement du projet.

Le texte de l'article 9 ne laisse planer aucun doute. Il est tout d'abord fait référence à la menace pour la sécurité d'approvisionnement en matière d'électricité. Dans ce cas, le Roi peut prendre des mesures. Il est généralement d'usage, du point de vue légistique, de prévoir que le Roi peut prendre des mesures (et non pas qu'Il prend des mesures). Ces mesures, Il les prend par un arrêté royal délibéré en Conseil des ministres, après avis de la CREG, et elles ne concernent pas la fermeture des centrales, sauf cas de force majeure. L'avis de la CREG portera notamment sur l'incidence de l'évolution des prix de production sur la sécurité d'approvisionnement.

Il n'est pas fait référence aux dispositions ni aux conditions du Protocole de Kyoto, puisque l'on a choisi de ne pas les inscrire dans la loi à l'examen.

En ce qui concerne la notion de force majeure, le secrétaire d'État renvoie à l'exposé des motifs (doc. Chambre, nº 50-1910/001, p. 11) qui précise que l'exception reprise à l'article 9 concernant la « force majeure » ne peut être invoquée du fait des producteurs d'électricité, des exploitants des réseaux de transport et de distribution, des entités fédérées ou en cas de non-application du plan indicatif.

Mme Lizin et M. Thissen persistent à croire que la loi sera inapplicable en raison de la formulation actuelle de l'article 9. Il sera nécessaire de réviser la loi.

M. Caluwé renvoie à l'avis du Conseil d'État, dans lequel celui-ci se posait déjà des questions sur l'article en question et estimait que des précisions supplémentaires étaient nécessaires. L'intervenant constate que ces précisions font défaut. Il est simplement fait référence à l'exposé des motifs.

M. Thissen propose, en guise de concession, de corriger le texte français de l'article 9 du projet de loi en supprimant la virgule qui se trouve entre les mots « les mesures nécessaires » et les mots « sans préjudice ». Selon l'intervenant, cela améliorerait la lisibilité et dissiperait pas mal de malentendus.

Mme Lizin soutient cette proposition.

Le secrétaire d'État demande d'adopter sans le modifier le texte dans sa formulation actuelle.

M. Thissen et Mme Lizin regrettent que le secrétaire d'État préfère maintenir sciemment dans le texte de l'article 9 du projet de loi une imprécision qui peut pourtant avoir des conséquences considérables.

Article 9bis (nouveau)

Mme Lizin dépose un amendement nº 5 (doc. Sénat, nº 2-1376/2) tendant à insérer un article 9bis (nouveau) imposant aux exploitants des centrales nucléaires de faire, jusqu'au jour de leur fermeture, tous les investissements nécessaires en vue de garantir la sécurité des travailleurs et de l'environnement. Il inscrit aussi dans la loi l'obligation d'effectuer des contrôles annuels.

L'intervenante souligne en effet le risque que les exploitants désinvestissent dans la sécurité une fois que le projet à l'examen sera devenu loi. Selon elle, il est dès lors indispensable que les pouvoirs publics effectuent un contrôle annuel.

Le secrétaire d'État estime que l'amendement proposé par Mme Lizin n'ajoute rien de nouveau aux réglementations existantes qui prévoient déjà des contrôles réguliers ainsi que des sanctions en cas de non-respect des règles applicables. Le ministre compétent peut procéder, sur la base de certains éléments et par le biais de certaines procédures, au retrait du permis d'exploitation. S'agissant des contrôles annuels, le secrétaire d'État renvoie au débat qui a eu lieu sur cette question à la Chambre des représentants (doc. Chambre, nº 50-1910/004) et souligne que la loi de juillet 2001 habilite le Parlement à faire chaque année le point sur les investissements en matière de sécurité, sur la base du rapport annuel de l'Agence fédérale de contrôle nucléaire.

Mme Lizin avertit que, compte tenu de la rédaction actuelle du projet de loi, les pouvoirs publics rencontreront des problèmes pour obtenir des exploitants d'une installation vouée à disparaître qu'ils continuent à investir dans la sécurité en faisant preuve de toute la diligence voulue. Si ces investissements venaient à incomber aux pouvoirs publics, ces derniers se verraient contraints de constater qu'ils ne sont pas en mesure de les prendre en charge et le ministre n'aurait d'autre choix que de se rasseoir à la table de négociation avec les exploitants, avec toutes les conséquences qui en découlent. Elle estime que l'amendement nº 5 qu'elle a déposé ­ qui impose aux exploitants l'obligation légale d'investir dans la sécurité ­ est nécessaire pour rendre le projet de loi applicable en pratique.

Article 11 (nouveau)

M. Vandenberghe dépose un amendement nº 20 (doc. Sénat, nº 2-1376/2) tendant à prévoir dans la loi, par analogie avec l'article 9 du projet de loi, une procédure similaire pour le cas où la Belgique se trouverait dans l'impossibilité de réaliser les objectifs qui lui ont été assignés dans le cadre de la Conférence de Rio et du Protocole de Kyoto.

Le secrétaire d'État renvoie à ses interventions antérieures et demande que l'on rejette l'amendement.

IV. VOTES

Les amendements nºs 1 à 17 sont rejetés par 9 voix contre 2.

L'amendement nº 18 est rejeté par 9 voix contre 1 et 1 abstention.

Les amendements nºs 19 à 36 sont rejetés par 9 voix contre 2.

L'ensemble du projet de loi a été adopté sans modification, par 9 voix contre 2.

Le présent rapport a été approuvé par 10 voix et 2 abstentions.

Les rapporteurs, Le président,
Olivier de CLIPPELE.
Johan MALCORPS.
Paul DE GRAUWE.

ANNEXES

AU RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES ET DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES PAR MM. de CLIPPELE ET MALCORPS


A. EXPOSÉS DES EXPERTS

I. Exposé de M. H. Bonet, directeur général de l'Institut national des radioéléments

M. Bonet souhaite faire part de quelques réflexions basées sur son expérience du secteur nucléaire dans le domaine de la sécurité mais également sur l'incidence que le projet de loi peut avoir sur le secteur nucléaire non énergétique et en particulier pour l'Institut national des Radioéléments (IRE) Pour rappel, l'IRE a pour mission de mettre à la disposition de l'homme ce que la radioactivité peut lui apporter de bénéfique et de contribuer à ce que la radioactivité, quelle qu'en soit l'origine, ne lui porte préjudice. Dans ce cadre, l'IRE est un des premiers producteurs au niveau mondial d'isotopes produits par la fission, destinés à la médecine nucléaire, et un des leaders mondiaux en matière de surveillance radiologique de l'environnement.

La France fait appel à son expertise pour le monitoring de ses rivières et ses productions de radio-isotopes permettent 3 millions d'actes médicaux (diagnostique et thérapie) dans le monde chaque année.

L'orateur précise en préambule qu'il faut écarter tout abus de langage se référant à « la sortie du nucléaire » au sens large, alors que le projet de loi ne concerne que la production d'électricité à partir de la fission de combustible nucléaire.

La sortie du nucléaire au sens large est un concept qui n'a pas de sens dans un univers dont les réactions nucléaires et interactions entre particules constituent la base, doivent continuer de faire l'objet de recherche fondamentale et peuvent nous apporter quantité d'applications bénéfiques à l'homme. Pensons au domaine des accélérateurs de particules, à celui de la fusion, mais aussi à celui de la fission au travers de réacteurs dédiés à des applications non liées à la production d'électricité, voire à des projets de système hybride tel que celui étudié par le CEN/SCK et IBA.

En ce qui concerne l'impact du projet de loi sur la sécurité des populations et des travailleurs, M. Bonet attire l'attention sur le fait qu'au moment, même très court, où la production d'électricité ne peut plus satisfaire la demande, on peut se trouver dans des situations de coupure de courant qui peuvent prendre une grande ampleur dans l'espace et dans le temps.

Ces situations induisent des risques importants tant pour les particuliers, les infrastructures publiques et les industries même si un maximum de précautions ont été prises pour y faire face.

Il est donc prioritaire de s'assurer que dès 2015 on aura une garantie suffisante de pouvoir satisfaire les pics de consommation journaliers et saisonniers en tenant compte du retrait progressif de la moitié de la capacité de production actuelle et des facteurs négatifs suivants :

­ la production d'électricité au départ d'énergies renouvelables n'est pas idéale en particulier pour couvrir les pics de consommations journaliers. Ainsi, si l'on prend l'exemple des éoliennes, la période des pics journaliers, le matin et le soir, correspond le plus souvent à des moments de chute du vent;

­ la volonté de limiter la consommation d'électricité oppose les progrès en matière d'efficacité au progrès obtenu par un recours accru au vecteur électrique notamment en matière de transport public (voir TGV en remplacement de l'avion, RER ...);

­ la difficulté de trouver des solutions au problème du stockage et en particulier de trouver de nouveaux sites de stations de pompage (comme à Coo) sans atteinte à l'environnement.

En conclusion, pour faire face aux problèmes de sécurité sans parler des aspects économiques liés à une insécurité d'approvisionnement en électricité, un principe de précaution voudrait que l'on garde les centrales dont on programme l'arrêt, en état de disponibilité pour constituer une capacité de production de secours et pour permettre la réversibilité du choix opéré, pendant une période de temps suffisante pour donner toute garantie.

Les conditions de maintien en disponibilité devraient faire l'objet d'une étude détaillée sous divers aspects et en particulier, sous l'angle de la sécurité et de la fiabilité.

Un second aspect préoccupant en matière de sécurité, relatif à l'arrêt progressif des centrales sur une période de plus de 20 ans est non seulement de se donner l'assurance que jusqu'au dernier moment, tous les investissements requis pour maintenir le niveau de sécurité seront faits mais bien plus que toutes les possibilités d'amélioration de la sécurité, de l'efficacité et des effets sur les travailleurs, les populations et l'environnement continueront à faire l'objet de recherche et de mise en application.

Le parc des centrales belges a fait l'objet d'améliorations continues au cours des 25 dernières années, augmentant la disponibilité des équipements, réduisant la production de déchets radioactifs à évacuer ou diminuant de façon très importante la dose collective aux travailleurs. La poursuite d'une telle politique pour les 20 prochaines années doit être supportée par les pouvoirs publics de différentes façons et notamment par la délivrance des autorisations requises pour effectuer les modifications et extensions des installations qui contribueraient à cet objectif.

Mais il faut regretter un effet pervers du gel progressif des activités du secteur nucléaire énergétique déjà initié par le moratoire sur la construction de nouvelles centrales, qui va à l'encontre du précédent objectif et affecte toutes les autres branches du secteur nucléaire. Le départ progressif des experts qui avaient l'expérience de la construction des installations nucléaires se combine à un manque d'attrait pour les jeunes d'entamer une carrière dans un secteur où le principal pourvoyeur d'emploi est appelé à disparaître.

Les premiers effets de cette désaffection se sont déjà fait sentir et des initiatives ont été prises pour développer des programmes de formation au niveau de l'enseignement supérieur mais sous de gros efforts et avec le soutien des pouvoirs publics. Les activités d'industries telles que l'IRE ou même les activités de démantèlement des centrales et de gestion des déchets à plus long terme risquent d'en être affectées à moins que l'on doive se résoudre à faire appel à l'expertise étrangère.

Enfin, autre effet pervers de la disparition progressive du secteur nucléaire, le plus important du point de vue économique, les coûts fixes de certains services tels que le contrôle de la sûreté et la surveillance de l'environnement (AFCN, AVN), ou encore la gestion des déchets radioactifs (Ondraf, Belgoprocess, ...) devraient à terme être redistribués. Ceci affectera les finances et compétitivité des activités nucléaires non énergétiques, tant dans des institutions telles qu'hôpitaux, universités, centres de recherche que dans l'industrie, et il ne faudrait pas qu'une pression financière devenue insupportable ne conduise à mettre en cause les conditions de sécurité ou la poursuite de ces activités qui ont toutes un intérêt public indéniable.

En conclusion, il conviendrait, selon M. Bonet, de prévoir et planifier dès à présent un ensemble de dispositions pour maintenir les meilleures conditions de sécurité dans le secteur nucléaire énergétique mais également d'assurer la poursuite du développement des activités nucléaires relatives à la recherche, à la protection de l'environnement et au développement des applications médicales.

II. Exposé de M. B. Velge, directeur du département économique à la FEB

M. Velge estime qu'il est prématuré, pour la Belgique, de prendre la décision de renoncer à ses centrales nucléaires pour la production d'électricité car il n'existe aucune alternative valable garantissant un approvisionnement énergétique sûr et respectueux de l'environnement.

L'intervenant rappelle que les centrales atomiques belges fournissent près de 58 % de notre électricité, contre 26,8 % pour le gaz naturel et 11,5 % pour le charbon, la part d'électricité produite à partir d'énergie renouvelable restant fort limitée. La Belgique est, avec la France, un des pays au monde où la part de l'électricité d'origine nucléaire est la plus élevée.

En renonçant à utiliser le nucléaire pour la production industrielle d'électricité, notre pays s'expose à un problème géostratégique si l'on tient compte des pays dans lesquels se situent les autres sources d'énergie qui remplaceraient le nucléaire. M. Velge rappelle que les autres combustibles disponibles sont très majoritairement localisés en dehors de l'Union européenne.

Pour le pétrole, 64 % des réserves mondiales se trouvent au Moyen-Orient. Pour le gaz naturel, 40 % des réserves connues sont situées en Russie et 35 % au Moyen Orient. En ce qui concerne les réserves de charbon, 31 % sont situées en Asie et 24 % en Russie. La part des réserves mondiales de gaz naturel ou de pétrole se situant en Europe est très faible et ce sont des sources d'énergie souvent fort onéreuses à exploiter.

Par ailleurs, si la Belgique ne produit plus assez d'électricité ou qu'elle le fait de façon trop onéreuse, il faudra s'approvisionner à l'étranger. De la sorte, en sortant du nucléaire, la Belgique augmentera sa dépendance énergétique. Il est très probable qu'elle se tournera alors vers la France, qui est un fournisseur potentiel disposant de grandes capacités de production.

L'intervenant souligne que dans un tel scénario, c'est de l'électricité d'origine nucléaire que nous importerions. Par ailleurs, l'importation d'électricité exigera des investissements dont les coûts tant économiques qu'écologiques sont importants. Il faudra en effet construire de nouvelles lignes à haute-tension pour rendre cet approvisionnement possible, ce qui prendra par ailleurs beaucoup de temps.

M. Velge met ensuite en garde contre les conséquences du projet de loi sur la compétitivité de nos entreprises par rapport à leurs concurrentes étrangères situées dans des pays limitrophes qui pourront produire en bénéficiant de coûts énergétiques plus faibles.

L'orateur estime qu'il y a un paradoxe entre la volonté affichée par notre pays de réaliser les objectifs du protocole de Kyoto en matière d'émission de gaz à effet de serre et la décision d'abandonner l'énergie nucléaire pour la production industrielle d'électricité. On estime en effet que si l'on devait remplacer le nucléaire par le gaz naturel, les émissions annuelles de CO2 augmenteraient de 16 millions de tonnes par an.

L'intervenant se réfère aux déclarations récentes du premier ministre qui estime que notre pays ne parviendra pas à réaliser les « objectifs Kyoto » et devra racheter des quotas d'émissions de CO2 à la Russie. M. Velge évalue le coût de cet achat du droit de polluer à environ 160 millions d'euros par an en 2030.

Enfin, l'abandon du nucléaire aura une influence négative sur le coût de l'électricité. Selon une étude réalisée par la KULeuven (modèle Markal), le coût de l'électricité par rapport au PIB augmentera, entre 2000 et 2030, dans un scénario basé sur la suppression des centrales nucléaires, de 2,7 % alors que cette hausse serait limitée à 0,6 % dans un scénario basé sur le maintien en activité de nos centrales nucléaires.

En d'autres termes, l'abandon du nucléaire entraînera une perte de 2,1 % du PIB. À titre de comparaison, le coût de la réforme fiscale est évalué à 1,3 % du PIB et l'alimentation du fonds pour lutter contre le vieillissement de la population a représenté en 2001-2003 une charge de 0,7 % du PIB.

En conclusion, M. Velge considère qu'il existe des raisons économiques, sociales et environnementales pour s'opposer à l'option défendue par le gouvernement dans le projet à l'examen.

III. Exposé de M. Laponche, expert international en politiques de l'énergie et de l'efficacité énergétique

Physicien nucléaire, M. Laponche a travaillé pendant quinze ans sur la physique des réacteurs nucléaires puis s'est consacré aux questions énergétiques. Au début des années quatre-vingts, il était directeur général de l'Agence française pour la maîtrise de l'énergie au sein de laquelle il a travaillé sur les énergies alternatives. Enfin, il a fait partie du comité d'experts internationaux chargé par le gouvernement de faire une analyse critique de l'étude de la commission Ampère.

Son exposé vise à replacer la problématique de la sortie du nucléaire dans celle, plus large, des questions énergétiques. Trop souvent pour le public comme pour les dirigeants, énergie est synonyme d'électricité. Les chiffres que l'on cite et les comparaisons auxquelles on se livre se limitent dès lors au secteur de l'électricité au lieu de viser l'ensemble des problèmes énergétiques.

Les chiffres que l'orateur présentent mettent en évidence d'autres enjeux.

1. La place de l'électronucléaire dans la consommation d'énergie en Belgique (1)

1.1. La production d'électricité

En 2001, la production totale d'électricité en Belgique était de 83,9 TWh bruts, dont 1,7 d'origine hydraulique, 1,3 du pompage, 48,2 d'origine nucléaire et 34,0 produits par les centrales thermiques (ou la cogénération) à combustibles fossiles (10,5 à partir du charbon, 0,5 du fuel, 21,9 du gaz et 1,1 de la biomasse).

L'évaluation en tep de l'apport des deux sources « primaires », hydraulique et nucléaire, à la consommation énergétique primaire totale, nécessaire pour les comparer aux apports en énergies fossiles, se fait en raisonnant par substitution : combien faudrait-t-il de combustible fossile, dans la centrale la plus moderne, pour remplacer les productions de ces deux sources ?

La centrale la plus moderne et la plus construite aujourd'hui dans le monde est la centrale à cycle combiné (utilisation combinée d'une turbine à gaz et d'une chaudière à vapeur) au gaz naturel, d'un rendement de 55 %.

En adoptant cette règle d'équivalence pour l'électricité primaire (équivalence à une centrale à cycle combiné au gaz naturel) et en retenant la production nette pour la contribution nucléaire, soit 45,8 TWh, on trouve que celle-ci est comptée 7,2 Mtep en énergie primaire.

1.2. La consommation d'énergie primaire

La consommation d'énergie primaire en Belgique figure dans le tableau suivant (en Mtep).

Steenkool
­
Charbon
Olie
­
Pétrole
Aardgas
­
Gaz naturel
Elektriciteit uit
kernenergie
­
Électricité
nucléaire
Elektriciteit uit
waterkracht
­
Électricité
hydraulique
Hernieuwbare
energieën (1)
­
Énergies
renouvelables (1)
Totaal
­
Total
7,4 24,6 12,7 7,2 0,3 0,5 52,7
14,0 % 46,8 % 24,1 % 13,7 % 0,5 % 0,9 % 100 %

(1) Énergies renouvelables thermiques : essentiellement biomasse (bois) et déchets.

La part de l'énergie nucléaire dans la consommation d'énergie primaire est de l'ordre de 14 %. La source d'énergie dominante est le pétrole (47 %), suivie, de loin, par le gaz naturel (24 %).

En termes de dépendance énergétique, les combustibles fossiles sont entièrement importés et représentent 85 % de la consommation totale d'énergie primaire.

Au niveau mondial, la contribution du nucléaire à la consommation totale d'énergie primaire est de 4 % (voir annexe).

Cela signifie qu'actuellement, la part extrêmement faible du nucléaire ne permet pas de lui faire jouer un rôle prépondérant au regard des grands enjeux tels qu'indépendance énergétique ou changement climatique. C'est donc sur d'autres stratégies que les politiques doivent porter.

1.3. Les émissions de gaz carbonique

Les émissions de gaz carbonique se calculent à partir des consommations énergétiques (celles-ci sont obtenues en soustrayant les consommations des matières fossiles utilisées à des fins non énergétiques).

Ces émissions sont indiquées dans le tableau suivant. Les émissions de CO2 sont exprimées soit en tonnes de CO2 (tCO2), soit en tonnes de carbone (tC). L'émission d'une tonne de carbone est équivalente à celle de 3,67 tonnes de CO2.

Les valeurs qui figurent entre parenthèses sont relatives aux émissions « évitées », sur la base d'une substitution des productions d'électricité d'origine nucléaire ou hydraulique par une centrale à cycle combiné au gaz naturel.

Energiebronnen
­
Énergies
Steenkool
­
Charbon
Olie
­
Pétrole
Aardgas
­
Gaz naturel
Elektriciteit
uit kernenergie
­
Électricité
nucléaire
Elektriciteit
uit waterkracht
­
Électricité
hydraulique
Biomassa
­
Biomasse
Totaal
­
Total
Energieverbruik. ­ Consommations énergétiques 7,2 19,4 12,3 7,2 0,3 0,5 46,9
Tonnen koolstof/toetC/toe. ­ Tonnes de carbone/Tep tC/tep 1,123 0,830 0,653 (0,653) (0,653) 0
Uitgestoten MtC. ­ MtC émises 8,1 16,1 8,0 (- 4,7) (- 0,2) 0 32,2
Uitgestoten MtCO2. ­ MtCO2 émises 29,2 59,1 29,4 (- 17,2) (- 0,7) 0 118,2
Aandeel ­ Part 25,1 % 50,0 % 24,9 % 100 %

Commentaires :

a) L'électronucléaire évite des émissions de 17 millions de tonnes de gaz carbonique, alors que le total de celles-ci est de 118 millions de tonnes. L'électronucléaire évite donc 13 % d'émissions de CO2 d'un système énergétique dans lequel les centrales nucléaires seraient remplacées par des centrales à cycle combiné au gaz naturel (17 : (118 + 17) = 0,13). Ce n'est pas peu, mais ce n'est pas non plus décisif pour infléchir durablement les émissions de CO2.

b) Si le charbon était remplacé par du gaz naturel, les émissions correspondantes seraient : 29,7 x (0,653 : 1,123) = 17,3 MtCO2.

Cela signifie que les émissions évitées par le remplacement du charbon par du gaz naturel sont égales aux émissions évitées par l'utilisation de l'électronucléaire.

Cette analyse montre qu'une certaine souplesse dans les choix est permise. On ne peut pas attribuer aux 17 millions de tonnes de gaz carbonique évitées par le nucléaire un poids aussi décisif que ce qu'on laisse souvent entendre.

La dépendance énergétique actuelle de la Belgique comme de l'Europe est considérable en ce qui concerne le pétrole qui représente environ 50 % de la consommation d'énergie. Dans aucun des pays ayant développé le nucléaire, la proportion de la consommation de pétrole par habitant n'a beaucoup diminué. On n'a pas joué sur le secteur le plus vulnérable qui est celui des transports.

Si l'on veut diminuer la dépendance énergétique, il faut nécessairement développer une politique de maîtrise des consommations d'énergie.

2. Les potentiels de la maîtrise des consommations d'énergie

L'évaluation des potentiels de la maîtrise des consommations d'énergie a été à réalisée à partir des scénarios de prospective énergétique étudiés en France dans le cadre des travaux du Commissariat général du plan et publiés en septembre 1998.

2.1 L'évaluation dans le cas de la France

2.1.1 Les scénarios du Plan : S1, S2, S3

Le groupe « Énergie 2010-2020 » a présenté en 1998 trois visions contrastées du futur énergétique de la France à l'horizon 2020 sous la forme de trois scénarios désignés : « Société de marché » S1, « État industriel » S2, « État protecteur de l'environnement » S3.

Ces trois scénarios retiennent le même taux de croissance économique (+ 2,3% en moyenne annuelle sur la période), ainsi que les mêmes hypothèses sur l'évolution démographique, l'évolution des prix des énergies. Ils se distinguent essentiellement par les tendances fortes de la politique de l'énergie (que celle-ci soit gouvernementale ou la résultante de l'action des différents acteurs.

S1 fait une place prépondérante aux mécanismes de marché dans un contexte de moindre intervention de l'État. L'énergie y devient un bien marchand comme un autre, sans contraintes particulières, ni du côté de la sécurité des approvisionnements, ni du côté des impacts environnementaux (notamment effet de serre). Les politiques et mesures en faveur de la maîtrise de l'énergie y sont très faibles. Dans ce scénario, si les centrales nucléaires sont arrêtées parce qu'elles arrivent en fin de vie, les centrales à cycle combiné au gaz naturel prennent le relais.

C'est intéressant car cela signifie qu'il est inexact de prétendre que la Belgique, si elle ferme les centrales nucléaires, sera obligée d'importer son électricité. Celle-ci pourra être fabriquée en Belgique par d'autres moyens. Le fait de le prévoir suffisamment à l'avance permet précisément de prévoir ces moyens.

S2, a contrario, perpétue la tradition d'une forte intervention de l'Etat dans la politique énergétique qui favorise la production d'électricité d'origine nucléaire, mais sans effort particulier sur la maîtrise de l'énergie.

S3 est porteur d'une option privilégiant la dimension environnementale de l'intervention publique, notamment vis-à-vis du respect des engagements du protocole de Kyoto (limitation des émissions de gaz à effet de serre).

2.1.2 Les consommations d'énergie finale en 2020

Par secteur d'activité

Finaal energieverbruik Mtoe
­
Énergie finale Mtep
2000 S1 2020 S2 2020 S3 2020
Industrie ­ Landbouw. ­ Industrie ­ Agriculture 41,9 50,7 48,4 41,5
Gezinnen en tertiaire sector. ­ Résidentiel ­ Tertiaire 66,7 81,8 74,6 65,6
Vervoer. ­ Transports 49,4 76,9 69 56,1
Totaal. ­ Total 157,9 209,8 192 163,2

Par produit énergétique

Finaal energieverbruik Mtoe
­
Énergie finale Mtep
2000 S1 2020 S2 2020 S3 2020
Olieproducten. ­ Produits pétroliers 74,2 100,2 89,2 73,2
Aardgas. ­ Gaz naturel 31 44,1 40,5 35,5
Steenkool. ­ Charbon 7,5 6,7 6,9 5,3
Elektriciteit. ­ Électricité 34 44,3 41,8 37,4
Hernieuwbare energie (zonder elektriciteit). ­ Énergies renouvelables (hors électricité) 11,2 13,9 13,6 11,8
Totaal. ­ Total 157,9 209,8 192 163,2

2.1.3 L'évaluation des potentiels de la maîtrise des consommations d'énergie

L'évaluation des potentiels de la maîtrise des consommations d'énergie à l'horizon 2020 se fait en comparant les consommations d'énergie en 2020 entre les scénarios S1 et S3.

La différence des consommations d'énergie finale est de 46,6 Mtep, soit 29,5 % de la consommation finale totale en 2000.

En termes de potentiel d'économie par secteur, les transports viennent en tête avec 20,8 Mtep, suivis du secteur résidentiel-tertiaire (16,2 Mtep) et de l'industrie (9,2 Mtep).

En ce qui concerne les produits énergétiques, l'économie réalisable est la plus importante sur les produits pétroliers (27,0 Mtep), suivis du gaz naturel (8,6 Mtep) et de l'électricité (6,9 Mtep, soit 80 TWh, ce qui représente 20 % de la consommation finale d'électricité en 2000).

2.2. La transposition à la Belgique

La consommation d'énergie finale de la Belgique est, en 2000, hors usages non énergétiques, indiquée dans le tableau suivant (en Mtep) :

Steenkool
­
Charbon
Olieproducten
­
Produits pétroliers
Gas
­
Gaz
Elektriciteit
­
Électricité
Biomassa
­
Biomasse
Totaal
­
Total
Industrie. ­ Industrie 3,6 2,3 4,1 3,3 13,3
Vervoer. ­ Transports 9,5 9,5
Gezinnen en tertiaire sector (*). ­ Résidentiel et tertiaire (*) 0,2 5,6 5,2 3,2 0,5 14,7
Totaal. ­ Total 3,8 17,4 9,3 6,5 (**) 0,5 37,5
Aandeel. ­ Part 10,1 % 46,5 % 24,8 % 17,3 % 1,3 % 100 %

(*) Inclut l'agriculture.

(**) Soit 76 TWh.

La répartition par produit est proche de celle de la France, avec l'énergie dominante, les produits pétroliers, à 47 % pour les deux pays. La très forte dépendance des transports vis-à-vis des produits pétroliers est la même.

Si on transpose l'évaluation des potentiels de maîtrise des consommations d'énergie, soit, à l'horizon 2020, 30% de la consommation finale totale, on voit que le potentiel pour la Belgique est de l'ordre de 12 Mtep.

Ainsi le potentiel d'économie d'énergie finale à l'horizon 2020 représente les deux tiers de la consommation finale de gaz et d'électricité en 2000 : un tel « gisement » constitue indéniablement la première ressource énergétique de la Belgique exploitable dans les deux prochaines décennies.

Dans la mesure où l'électronucléaire représente 56 % de l'apport en électricité finale, sa part dans la consommation d'énergie finale est de 3,6 Mtep : le potentiel d'économie sur la consommation d'énergie finale représente donc près de quatre fois la contribution de l'électronucléaire à celle-ci en 2000.

Si cette politique est mise en oeuvre, on peut gagner sur une vingtaine d'années, essentiellement sur les combustibles fossiles (85 % de la consommation totale), plus de trois fois ce que représente aujourd'hui la consommation finale fournie par l'électronucléaire.

La mise en oeuvre d'une politique vigoureuse de maîtrise des consommations d'énergie est donc bien le choix politique fondamental.

Elle est d'autant plus importante pour la Belgique que ses indicateurs globaux de consommation d'énergie sont relativement élevés par rapport à ceux de l'Union européenne. Le tableau suivant permet de comparer les consommations d'énergie finale par habitant et l'intensité énergétique finale (rapport de la consommation d'énergie finale au produit intérieur brut) en 2000.

Europese Unie
­
Union européenne
België
­
Belgique
Frankrijk
­
France
Bevolking (in miljoenen). ­ Population (millions) 381 10,30 59,2
BBP (in miljarden euro 90). ­ PIB (milliard d'euros 90) 6 467 184,4 1 130
BBP/inwoner (1 000 euro 90). ­ PIB/habitant (1 000 euros 90) 17,0 17,9 19,0
Finaal energieverbruik (Mtoe). ­ Consommation énergie finale (Mtep) 957 37,5 150,0
Finaal verbruik per inwoner (toe). ­ Consommation énergie finale par habitant (tep) 2,51 3,64 2,53
Finale intensiteit energie (toe/1 000 euro). ­ Intensité énergétique finale (tep/1 000 euros) 0,148 0,203 0,133
Eindverbruik elektriciteit (TWh). ­ Consommation finale d'électricité (TWh) 2 205 79 386
Eindverbruik elektriciteit per inwoner (1000 kWh). ­ Consommation finale d'électricité par habitant (1000 kWh) 5,79 7,67 6,52
Intensiteit elektriciteit (*). ­ Intensité électrique (*) 0,34 0,428 0,34

Source : « European energy outlook to 2020 » ­ Commission européenne ­ novembre 1999.

(*) Rapport de la consommation finale d'électricité au PIB.

Les intensités énergétique et électrique de la Belgique sont nettement supérieures à celles de l'Union européenne. Cela s'explique par des différences structurelles (poids relatif plus important de l'industrie en Belgique) mais aussi par l'existence d'un fort potentiel de maîtrise des consommations d'énergie dans tous les secteurs des activités économique et sociale.

On peut penser que, dans la mesure où l'intensité énergétique finale de la France est proche de celle de l'Union européenne, le potentiel relatif de la maîtrise des consommations d'énergie est plus élevé pour la Belgique que pour la France.

3. L'effet de serre

L'impact de l'électronucléaire sur l'environnement, ce n'est pas que la question de l'effet de serre. Il est évident que chaque source d'énergie a des avantages au regard de certains aspects de l'environnement et des inconvénients au regard d'autres. Les partisans du charbon pourraient invoquer le fait que celui-ci produit peu de plutonium.

Si l'électronucléaire produit moins de CO2 que les sources d'énergie fossiles, dans un bilan environnemental global, il faut aborder la question de la sûreté nucléaire et des déchets en particulier à long terme.

Sous cet angle aussi, la seule façon de changer la situation consiste en la mise en oeuvre d'une politique de maîtrise des consommations d'énergie.

Information complémentaire

La place de l'électronucléaire dans le monde (2)

1. La consommation mondiale d'énergie en 2000
et part de l'électronucléaire

Les sources d'énergie utilisées dans le monde sont des combustibles fossiles (charbon, pétrole, gaz naturel), des sources d'énergie renouvelables thermiques (biomasse essentiellement : bois et déchets; solaire thermique), et de l'électricité (dite primaire) produite à partir de l'énergie nucléaire et de sources renouvelables dont l'hydraulique est de loin la principale (3).

Une part importante des combustibles fossiles est consacrée à la production d'électricité (dite secondaire).

Les consommations mondiales de combustibles fossiles et de biomasse sont, en 2000, exprimées en Mtep (million de tonnes d'équivalent pétrole) :

Charbon : 2 341

Pétrole : 3 477

Gaz naturel : 2 102

Biomasse : 1 095

En 2000, la production mondiale d'électricité était de 15 379 TWh (TeraWatt.heure ou milliard de kWh), se répartissant par source de la façon suivante :

Charbon : 39,1 %

Gaz naturel : 17,4 %

Produits pétroliers : 7,9 %

Hydraulique : 17,1 %

Nucléaire : 16,9 %

Autres renouvelables * : 1,6 %

* Eolien, géothermie, solaire.

La production d'origine renouvelable et la production d'origine nucléaire sont donc respectivement 2 876 TWh et 2 592 TWh.

L'évaluation en tep de l'apport de ces deux sources « primaires » à la consommation énergétique mondiale totale, nécessaire pour les comparer aux apports en énergies fossiles et biomasse, se fait en raisonnant par substitution : combien faudrait-t-il de combustible fossile, dans la centrale la plus moderne, pour remplacer les productions de ces deux sources ?

La centrale la plus moderne et la plus construite aujourd'hui est la centrale à cycle combiné (utilisation combinée d'une turbine à gaz et d'une chaudière à vapeur) au gaz naturel, d'un rendement de 55 %.

Ainsi la contribution de l'électricité d'origine renouvelable se substitue à 450 Mtep de combustible fossile et celle de l'électricité d'origine nucléaire à 406 Mtep de combustible fossile. Leur contribution au bilan primaire est donc respectivement de 450 et 406 Mtep.

La quantité d'énergie primaire totale consommée dans le monde est donc, en 2000, exprimée en Mtep :

Steenkool
­
Charbon
Aardolie
­
Pétrole
Aardgas
­
Gaz naturel
Biomassa
­
Biomasse
Elektriciteit
uit hernieuwbare
energie
­
Electricité
origine
renouvelable
Elektriciteit
uit
kernenergie
­
Electricité
origine
nucléaire
Totaal
­
Total
2 341 3 477 2 102 1 095 450 406 9 871
23,7 % 35,2 % 21,3 % 11,1 % 4,6 %* 4,1 % 100 %

* Dont 4,2 % d'hydraulique.

Ainsi la part du nucléaire dans la consommation mondiale d'énergie est de 4,1 %. Le remplacement des centrales nucléaires existantes par des centrales au gaz naturel ferait passer la part de celui-ci de 21 % à 25 %, ce qui ne représente pas une augmentation considérable.

2. Consommation d'énergie et part de l'électronucléaire
dans l'Union européenne

Le même raisonnement nous permet de déterminer la part de l'électronucléaire, ainsi que de la production d'électricité primaire à partir des énergies renouvelables (hydraulique et éolien) pour l'Union européenne.

La production d'électricité s'établit en 2000 de la façon suivante (en TWh) :

Thermische energie *
­
Énergie thermique *
Kernenergie
­
Énergie nucléaire
Waterkracht &
windenergie
­
Hydraulique &
énergie éolienne
Totaal
­
Total
1 344 880 338 2 562
53 % 34 % 13 % 100 %

* Combustibles fossiles et biomasse.

Le calcul de l'équivalence par substitution (centrale à cycle combiné au gaz naturel) nous donne les valeurs de 138 Mtep pour l'électronucléaire et de 53 Mtep pour l'ensemble hydraulique et éolien.

La consommation d'énergie primaire est donc la suivante (en Mtep) :

Steenkool
­
Charbon
Aardolie
­
Pétrole
Aardgas
­
Gaz naturel
Biomassa
­
Biomasse
Elektriciteit
uit
kernenergie
­
Electricité
d'origine
nucléaire
Elektriciteit
uit hernieuwbare
energie
­
Electricité
d'origine
renouvelable
Totaal
­
Total
207 606 338 47 138 53 1 389
14,9 % 43,7 % 24,3 % 3,4 % 9,9 % 3,8 % 100 %

3. L'électricité d'origine nucléaire dans le monde

La production mondiale d'électricité d'origine nucléaire était de 2 592 TWh en 2000. Dix pays en produisent 87% : États-Unis, France, Japon, Allemagne, Russie, Corée du Sud, Royaume-Uni, Ukraine, Canada, Espagne. Les trois premiers en produisent 59% : États-Unis (31 %), France (16 %), Japon (12 %).

La part de l'électricité d'origine nucléaire dans la production totale d'électricité de ces dix pays est la suivante :

France : 77 %

Ukraine : 45 %

Corée du Sud : 37 %

Allemagne : 30 %

Japon : 30 %

Espagne : 28 %

Royaume-Uni : 23 %

États-Unis : 20 %

Russie : 15 %

Canada : 12 %

Parmi les grands pays industrialisés, la France occupe une position tout à fait singulière. La production de la France représente la moitié de celle de l'Union européenne.

L'évolution des puissances électronucléaires installées dans le monde montre l'état de relative stagnation du développement de cette forme d'énergie.

La puissance installée a augmenté de façon spectaculaire entre 1965 (6 000 MW) et 1985 (254 000 MW), puis s'est pratiquement stabilisée : 328 000 MW en 1990, 346 000 MW en 1995 et 357 000 MW en 2000.

En 2000, la première divergence de nouveaux réacteurs nucléaires électrogènes s'est produite pour une puissance nette de 2 815 MW, tandis que la puissance nette des réacteurs mis en arrêt définitif a été de 2 614 MW. La même année, on ne note des débuts de travaux que pour une seule unité dans le monde, de 950 MW nets en Chine (4).

IV. EXPOSÉ DE L. MAMPAEY, DIRECTEUR DE LA CENTRALE NUCLÉAIRE DE DOEL

Les données qui sont régulièrement débattues dans le cadre de la problématique de la sortie du nucléaire montrent qu'il n'y a, pour l'arrêt des centrales existantes, aucune raison, ni technique, ni économique, ni écologique.

Sur le plan technique, à côté de l'entretien quotidien et annuel, incluant les inspections et les essais, les centrales fonctionnent selon un système de révision décennale dans lequel on prend en compte l'expérience propre comme mondiale. On tient compte d'éventuelles nouvelles réglementations internationales apparues au cours de cette période, ainsi que des phénomènes de vieillissement de la centrale.

La liste des sujets à traiter dans une révision décennale est rédigée conjointement avec le bureau d'études de Tractebel et avec l'organisme agréé. Un rapport de synthèse sera ensuite remis pour approbation à l'Agence fédérale de contrôle nucléaire. Il peut mener à des modifications de procédure ou d'installations, voire des remplacements de composants.

Notons que dans certains pays, comme les États-Unis, des centrales nucléaires reçoivent une licence pour soixante ans.

Sur le plan économique, les centrales nucléaires produisent l'électricité au coût le plus bas du marché. Est inclus dans celui-ci le coût du démantèlement et du traitement des déchets.

L'approvisionnement en uranium se fait dans plusieurs régions du monde, caractérisées par une stabilité géopolitique (États-Unis, Canada, ...). Le prix de l'uranium est toujours resté stable dans le passé et il peut facilement être stocké pour les années à venir.

D'un point de vue écologique, les centrales nucléaires n'auront pas de relâchement de gaz à effets de serre et permettent d'éviter annuellement 30 000 000 de tonnes de CO2. Il y a cependant la problématique des déchets nucléaires. L'aspect technique de la prise en charge des déchets nucléaires est beaucoup plus important que ce l'on s'imagine en général. Le traitement des déchets nucléaires est fondamentalement basé sur leur concentration et leur stockage alors que plusieurs déchets industriels sont relâchés dans l'environnement bien qu'ils soient dilués en dessous des normes en vigueur.

Il existe des solutions techniquement solides pour les déchets à faible activité. Un déchet à faible activité cesse de l'être au bout de 300 ans. Pour les déchets à activité élevée, des expériences sont en cours, la Belgique faisant d'ailleurs partie des leaders dans ce domaine. Ces expériences démontrent que les solutions techniques appliquées aux déchets à activité élevée sont efficaces. Il s'agit du stockage à grande profondeur dans l'argile, imperméable et éloigné de la nappe phréatique. Il faut 10 000 ans pour que les déchets à activité élevée ne le soient plus. Cela peut paraître beaucoup en comparaison d'une vie humaine mais c'est en réalité une très courte période quand on la situe à l'échelle du temps par rapport aux couches stables de la terre. La nature elle-même nous donne des enseignements : ainsi, on a découvert au Gabon des gisements naturels d'uranium qui ont fonctionné pendant des milliers d'années il y a plusieurs millions d'années et ce, sans enceinte ou cloisonnement mais bien librement dans la nature.

La quantité cumulée de déchets nucléaires du parc de production belge sur un délai de 40 ans (ce qui équivaut donc à la moitié de la production d'électricité belge en 40 ans) est faible. On peut la comparer à un terrain de football d'une hauteur de 6 mètres. Un mètre de hauteur représenterait des déchets à haute et moyenne activité, 3 mètres et demi représenteraient des déchets à moyenne activité provenant du démantèlement et deux mètres représenteraient des déchets à basse activité. Vu le délai fixe du démantèlement qui aura de toute façon lieu, la quantité de déchets produite sur 60 ans ne sera pas beaucoup plus importante que sur 40 ans.

La sortie de l'énergie nucléaire entraînera des conséquences possibles. On parle de conséquences possibles, parce que la plupart de celles-ci ne peuvent être prévues avec certitude et qu'en économie, les conséquences qui peuvent se présenter dans 15 ou 20 ans sont imprévisibles.

Aujourd'hui, l'énergie nucléaire fournit plus de 58 % de notre production d'électricité. D'autres pays modernes ne sont pas arrivés réduire la demande. En cas de fermeture des centrales nucléaires en Belgique, il sera nécessaire d'opter pour d'autres moyens de production ou encore importer de l'énergie. La décision n'est pas aisée et le mécanisme du marché devrait exercer une influence décisive.

Le renouvelable jouera certainement un rôle, mais son potentiel se limite à 10 % dont 5,4 % pour le vent et 0,5 % pour le soleil. Le vent et le soleil sont plutôt variables et donc, pour garantir l'approvisionnement, un système de secours s'impose. Il faudra aussi produire de l'électricité lorsque le vent tombe, notamment grâce à des centrales de secours.

Le gaz et le charbon sont plus chers que le nucléaire.

En matière d'importation, le principe applicable en Europe est celui de la concurrence. Il est donc possible que les capacités de transport transfrontalier augmente. Il n'est par conséquent pas exclu qu'à terme, le nucléaire belge soit remplacé par le nucléaire français, ce qui n'est certainement pas l'objectif poursuivi.

Le prix de l'électricité va vraisemblablement augmenter. On retire en effet un grand segment bon marché de l'empilage des unités. Le gaz et le charbon deviendront plus rares et donc plus chers. La consommation du gaz augmentera avec pour conséquence qu'il faudra une infrastructure nettement plus performante.

Nous dépendrons en outre davantage des fournitures de gaz venant de l'étranger. La commissaire de l'Energie et du Transport à la Commission européenne ne cesse d'avertir en ce sens. Elle est en effet persuadée que si toute l'Europe devait quitter le nucléaire, nous dépendrions à 80 % de la Russie et du Moyen Orient pour l'approvisionnement en énergie.

La production de CO2 a déjà été largement débattue. Les objectifs des accords de Kyoto tomberont en 2012 tandis que les centrales nucléaires ne cesseraient leurs activités qu'en 2015. Or, ce n'est qu à ce moment là que la diminution des gaz à effets de serre prendra réellement cours.

Enfin, on ne peut oublier l'emploi. Environ 2 000 personnes travaillent dans les centrales et 7 000 personnes au total sont occupées dans le secteur du nucléaire. Il est clair que certaines personnes seront encore nécessaires pendant la phase du démantèlement bien qu'il s'agisse uniquement des travailleurs disposant de la formation nécessaire à cet effet.

Examen de ce qui se passe au niveau mondial

Il existe 440 centrales nucléaires dans le monde, réparties dans 31 pays. 16 % de l'électricité sont produits par l'énergie nucléaire. En Asie, il n'est pas question d'arrêter la production d'énergie nucléaire. Par exemple, la Corée du Sud possède déjà 20 centrales et souhaite en augmenter le nombre. Ce pays dispose d'une industrie nucléaire très mature et obtient des résultats remarquables. Aux États-Unis, de nouvelles centrales nucléaires seront construites au cours de cette décennie. En France, 75 % sont exportés.

Aux Pays-Bas, il a été longtemps question de fermer la centrale nucléaire de Borssele, mais suite à une décision du tribunal, la centrale reste ouverte.

Au Royaume-Uni, l'énergie nucléaire est toujours considérée comme l'une des composantes intégrales de la politique énergétique.

En Allemagne, la sortie du nucléaire a été décidée et l'on travaille actuellement avec des quotas jusqu'en 2020. On ne sait toutefois pas si des solutions alternatives ont déjà été développées.

En Suisse, un referendum sur la centrale nucléaire de Mühleberg a été tenu avec un résultat positif pour la continuation de ses activités. La Finlande a décidé de construire une nouvelle centrale nucléaire. La Suède, quant à elle, a décidé dès 1980 de sortir du nucléaire pour une période de 10 ans. Mais, 23 ans plus tard, seule la centrale Barsebäck 1 a été fermée tandis que la fermeture de la centrale Barsebäck 2 a été postposée. L'Espagne a un moratoire jusqu'en 2010 tandis que l'Italie est sortie depuis longtemps de l'énergie nucléaire et importe.

Pour finir, il est intéressant de connaître les résultats d'une enquête menée au niveau de la CE auprès de 16 000 habitants.

Le résultat moyen est d'environ 50 % pour l'énergie nucléaire à la condition de voir la problématique des déchets résolue, 25,5 % sont contre et 24 % sont sans opinion. En Belgique, 60 % sont pour l'énergie nucléaire, 17 % contre et 23 % sans opinion. En Europe, le seul pays où la majorité s'exprime contre le nucléaire est l'Autriche.

L'orateur entend pour finir faire valoir les remarques suivantes : la filière utilisée, à savoir le réacteur à eau pressurisée, représente une technologie mature garantissant de bonnes expériences en matière de sécurité. Il existe environ 6 000 réacteurs de ce type dans le monde.

Concernant les déchets nucléaires, le dossier est techniquement fort. Les quantités de déchets sont peu importantes et la durée d'exploitation n'a qu'une faible influence sur ces quantités.

L'acceptation des déchets par le public reste cependant un problème.

Quant au danger de prolifération, il est relativement peu élevé pour nos centrales, il est en outre peu influencé par la durée d'exploitation.

Sans centrales nucléaires, le problème du CO2 prendra de l'ampleur.

Les centrales nucléaires existantes sont économiquement parlant très intéressantes.

Si au niveau belge, l'on devait décider de sortir du nucléaire, notre pays ne suivrait pas le mainstream mondial puisque la majorité des pays continue dans la voie du nucléaire.

Enfin, comme le montre l'enquête réalisée par la CE, l'opinion publique est sans doute moins contre l'énergie nucléaire que l'on a tendance à le penser.

V. EXPOSÉ DE MONSIEUR FELTEN, DIRECTEUR INTERNATIONAL D'AREVA

La société Areva regroupe sous un holding unique les sociétés Framatome anp et Cogéma, soit l'ensemble du nucléaire français depuis la mine d'uranium jusqu'au conditionnement des déchets en passant par la construction des réacteurs. À ce titre, Areva est engagée sur beaucoup des questions qui se posent aujourd'hui. Au préalable, il convient de résumer succinctement son point de vue sur quelques points clés.

1) Le nucléaire dans le monde

Le regard porté sur le nucléaire varie d'un pays à l'autre, d'un continent à l'autre, mais, à l'analyse, et malgré les développements récents en Europe, ce regard va plutôt dans un sens positif.

Si on commence par l'Asie, force est de constater que l'engagement dans le nucléaire des pays de la zone est plus ferme que jamais et que les constructions de nouveaux réacteurs continuent. Le Japon (43,5 GWe installés) continue son programme d'équipement avec des réacteurs à eau bouillante essentiellement, sans faiblir et prévoit de construire 10 nouvelles unités de 1 000 MWe dans les dix ans qui viennent. Taiwan exploite six réacteurs et en a deux autres en construction. La Corée du Sud continue un programme ambitieux d'équipement avec 14,8 GWe en fonctionnement et 7 unités de 1 000 MWe à construire dans les 10 ans qui viennent. Enfin, la Chine, dont les besoins en énergie vont croissant avec son développement extrêmement rapide exploite déjà six réacteurs (environ 5 000 MWe), dont quatre fournis par la société Areva et un autre construit avec notre technologie, et en a cinq autres en construction, pour un total de 3 400 MWe. Le pays prévoit de poursuivre son équipement au-delà en annonçant la construction de 20 000 MWe supplémentaires dans les quinze à vingt ans qui viennent. D'autres pays de la zone Asie s'intéressent au nucléaire de façon appuyée, notamment l'Inde qui continue son équipement dans un programme autarcique mais important en volume, soit 2 500 MWe, en fonctionnement et environ 5 000 en construction ou planifiés pour les dix prochaines années.

Pour le plus long terme, le Vietnam et l'Indonésie s'intéressent à cette technologie et ont commencé à former des chercheurs pour se préparer à un programme qui serait à lancer dans la prochaine décennie.

Sur le continent américain, il faut relever le changement complet qui s'est fait ces dernières années aux États-Unis où le nucléaire est revenu fortement en faveur. Le parc nucléaire de ce pays qui compte 103 réacteurs en fonctionnement, a tellement amélioré ses performances que la quantité d'énergie supplémentaire produite ces dix dernières années correspond à la mise sur le réseau de 20 nouveaux réacteurs de 1 000 MW.

De plus, les électriciens américains ont lancé un programme de prolongation de durée de vie de leurs centrales dont une dizaine déjà ont obtenu l'autorisation de fonctionner jusqu'à soixante ans. Il faut dire au passage que la plupart des réacteurs modernes, bien entretenus et maintenus par des améliorations successives au meilleur niveau de la technologie, et les réacteurs belges en font partie, peuvent être exploités bien au-delà de 40 ans. Cette extension nécessite un investissement de maintenance supplémentaire, mais qui est sans commune mesure avec un investissement dans une nouvelle unité de production, quelle qu'elle soit.

Il faut noter au passage que l'exploitation durées de réacteurs dont l'investissement est déjà amorti se fait dans des conditions économiques exceptionnellement favorables. Aux États-Unis, certains réacteurs produisent dans ces conditions du courant à moins de 1,5 dollarcent/kWh.

Enfin, pour faire bonne mesure, l'administration américaine prévoit de lancer, en liaison avec l'industrie, deux nouveaux prototypes de réacteurs avant 2010 pour préparer l'extension du parc nucléaire dans la prochaine décennie.

En Amérique du Sud, le Brésil, qui exploite aujourd'hui deux réacteurs à eau pressurisée, s'apprête à achever la construction d'un troisième dont le chantier avait été interrompu. Ce pays qui dépend pour pratiquement l'essentiel de son approvisionnement de l'hydraulique, source très peu polluante, mesure malgré tous les inconvénients d'une source unique dépendant des caprices du temps. En effet, durant les années de basse pluviométrie, ce pays a du mal à assurer son approvisionnement en électricité, les barrages ne se remplissant pas normalement.

Si nous regardons l'Europe d'aujourd'hui, la situation est bien sûr plus contrastée. La Suède en 1980, l'Allemagne récemment et la Belgique aujourd'hui, ont décidé ou envisagent de sortir du nucléaire.

Prenons le cas de la Suède qui est le plus ancien et pour lequel une expérience existe. La décision date de 1980 et tous les réacteurs devaient être arrêtés avant 2010. Un seul l'a été jusqu'à aujourd'hui, au prix d'importation d'électricité du Danemark qui pour fournir cette électricité a activé des centrales à charbon. Le deuxième réacteur qui devait être arrêté ne le sera sans doute pas faute de moyens de remplacement et pour les autres, le gouvernement a décidé d'oublier purement et simplement la date de 2010. Les réacteurs seront exploités tant qu'ils seront techniquement et économiquement viables et sûrs.

Le cas allemand, tout en étant différent, se rapproche de celui de la Suède en ce sens que la décision prise aujourd'hui ne sera mise en oeuvre dans sa totalité qu'à horizon relativement lointain et surtout ne prévoit rien pour le remplacement de ces unités (30 % de la production d'électricité du pays) sinon de faire de gros efforts pour développer les énergies renouvelables. Celles-ci ont certes un rôle à jouer, mais elles présentent des inconvénients de prix et de disponibilité qui ne leur permettent pas de prendre une part trop grande dans l'approvisionnement d'un pays. Les décisions récentes du Danemark de ne plus subventionner les parcs éoliens, ce qui a mené à l'abandon de plusieurs projets, illustrent ce point.

À l'inverse de ces exemples, il faut citer des pays européens qui prennent ou conservent résolument le parti du recours à l'énergie nucléaire.

La Finlande en est le cas le plus illustratif avec la décision de construire un cinquième réacteur, décision motivée essentiellement par des raisons d'indépendance énergétique et de protection de l'environnement. La France reste bien sûr un soutien très ferme de l'énergie nucléaire et nous avons à l'étude actuellement le lancement d'une nouvelle unité de 1 500 MW, de technologie très avancée qui doit préparer le renouvellement des centrales les plus anciennes durant la prochaine décennie.

La discussion est à nouveau ouverte en Grande-Bretagne sur l'opportunité de relancer un équipement nucléaire et l'Italie également repose la question de s'intéresser aux nouvelles générations de réacteurs.

Pour conclure ce chapitre, je dirai simplement que nous sommes pour notre part convaincus que, face aux besoins extraordinaires d'énergie qui seront nécessaires pour le développement de nombreux pays (augmentation globale de la consommation d'énergie de l'ordre de 50 % d'ici 2050 et sans doute plus pour l'électricité), dont le moindre n'est pas la Chine, la demande en électricité va croître inéluctablement et que toutes les sources d'énergie devront être mobilisées. Les énergies renouvelables certainement en font partie, partout où c'est possible, et soit dit en passant, notre société fabrique des éoliennes également, et le nucléaire. Nous ne prétendons pas que cette dernière ressource puisse, à elle seule, être la solution à tous les problèmes énergétiques mais elle est un élément de cette solution.

2) Développements futurs envisagés et progrès de la technologie

La technologie des réacteurs nucléaires et du cycle du combustible n'a cessé d'évoluer vers une sûreté accrue, une meilleure économie et une production de déchets de plus en plus faible par unité d'énergie fournie.

En matière de réacteurs, de nouveaux modèles sont en cours de développement pour le moyen terme et d'autres pour le long terme.

Dans le moyen terme, les nouveaux réacteurs développés sont basés sur les technologies connues et sans cesse perfectionnées. Il s'agit essentiellement, dans le domaine des réacteurs à eau sous pression de modèles comme l'EPR (European Pressurized Reactor), développé en commun entre Framatome et Siemens à l'époque, aujourd'hui Framatome anp avec le concours de nombreux électriciens européens, les modèles AP 600 ou AP 1000 développés aux États-Unis et les modèles de réacteurs à eau bouillante avancés développés en commun entre les États-Unis et le Japon et le modèle SWR 1000 également développé par Framatome anp.

Au-delà de ces modèles prêts pour construction ou en passe de l'être, des modèles de réacteurs permettant non seulement de fournir de l'électricité mais aussi de la chaleur pour divers usages industriels (chaleur industrielle ou chaleur de procédé pour la fabrication d'hydrogène par exemple) sont en cours de développement. Plusieurs pays travaillent au développement de ces modèles, plus petits et modulaires qui pourraient être construits industriellement durant la prochaine décennie après construction vers la fin de la décennie d'un prototype.

Pour un terme encore plus lointain (2030/2040), des études au niveau international sont en cours pour proposer des réacteurs de nouvelle génération dite Génération IV, dont les caractéristiques en matière de sûreté, d'économie, de résistance à la prolifération et production de déchets seront particulièrement favorables. Les États-Unis sont particulièrement moteurs dans ce schéma avec tous les pays européens et le Japon mais d'autres études ont également lieu dans le cadre de l'AIEA à Vienne, notamment du point de vue de la résistance à la prolifération.

En matière de cycle de combustible, des progrès notables sont en cours également et d'autres sont en développement dans les laboratoires.

Au niveau de la conception du combustible, ces dernières années ont vu des avancées très notables en matière de taux de combustion (quantité d'énergie récupérée dans un combustible) ce qui signifie que l'on utilise une plus grande fraction de l'énergie contenue dans le combustible. Les durées des cycles se sont allongées, nécessitant moins d'arrêts du réacteur pour rechargement de combustible et permettant donc une plus grande production d'énergie dans l'année. Enfin, pour les pays qui avaient fait le choix du retraitement, les combustibles Mox ont été développés pour utiliser le potentiel énergétique contenu dans le plutonium séparé lors du retraitement.

En matière de déchets, notamment issus du retraitement, des recherches très importantes sont en cours pour séparer certains éléments à vie longue dans les déchets issus du retraitement et les irradier dans des réacteurs adaptés pour les transformer en éléments à vie beaucoup plus courte. La faisabilité scientifique est déjà démontrée et nous travaillons aujourd'hui à développer ces procédés en vue d'applications industrielles. Si ces programmes réussissent, un pas considérable aura été franchi vers une solution très élégante du problème des déchets à longue vie.

3) Sécurité d'approvisionnement

La sécurité d'approvisionnement consiste à pouvoir disposer, pour un pays ou un groupe de pays donnés, de sources d'énergie en quantité suffisante à tout moment mais aussi à des prix raisonnables et compétitifs. De ce point de vue le nucléaire est particulièrement bien placé pour la production d'électricité.

a) Disponibilité des sources d'énergie

Si l'on se focalise sur le cas de l'Europe, celle-ci maîtrise sur son territoire tous les éléments de la technologie nucléaire, depuis la transformation des minerais d'uranium à leurs différents stades, y compris l'enrichissement, jusqu'à la conception et construction des réacteurs, les éléments du recyclage du combustible pour ceux qui en ont fait le choix et le stockage final des déchets. Nous sommes donc maîtres de notre destin en la matière. L'élément pour lequel nous dépendons de l'extérieur est la production d'uranium naturel. Il se trouve, et c'est en cela que notre sécurité est assurée, que les mines d'uranium les plus importantes dans le monde se trouvent dans des zones politiquement et socialement stables de la planète.

Les deux principaux producteurs sont le Canada et l'Australie, zones politiquement stables évidemment et dans lesquelles des sociétés européennes comme la Cogéma ont des intérêts miniers qu'elles contrôlent directement. Nous sommes donc garantis contre une pénurie. Cette situation contraste singulièrement avec celle du pétrole dont une grande partie des réserves mondiales se trouvent au Moyen-Orient et autour de la mer Caspienne. Les évènements qui se déroulent aujourd'hui dans le Golfe Persique nous donnent une mesure de la fragilité de notre approvisionnement pour ces combustibles.

Par ailleurs, si le besoin s'en faisait sentir, il est relativement facile, compte tenu des faibles volumes en cause, de stocker du combustible pour plusieurs années (30 tonnes de combustible par réacteur et par an) mais ceci aurait un coût. Dans le cas de pétrole, ce n'est pas pensable du fait des volumes en cause et pour le gaz, ce serait encore plus difficile.

b) Aspects économiques

Les aspects économiques et leur comparaison entre les différentes sources d'énergie varient bien sûr fortement d'un pays à l'autre en raison des conditions locales. C'est pourquoi les éléments dont je vais vous parler ici seront essentiellement ceux de la France avec quelques éléments concernant d'autres pays.

La structure du coût du kWh en France est en centimes d'euros pour des unités de production entrant en fonctionnement en 2015 :

Investeringen
­
Investissements
Exploitatie
­
Exploitation
Brandstof
­
Combustible
Externe factoren
­
Extern
Totaal
­
Total
Kernenergie ­ Nucléaire 1,1 0,7 0,6 0,4(*) 2,8
Gas (3 dollar Mbtu) ­ Gaz (3 dollars Mbtu) 0,5 0,4 2,5 1,3-2,3 4,7-5,7

(*) Externalités calculées par l'étude externe réalisée sous l'égide de la Commission européenne.

Ces chiffres, qui sont des estimations faites en France, montrent donc un avantage très net pour le nucléaire par rapport au gaz, dans des conditions identiques avec un taux d'actualisation de 5 %.

Il faut noter que dans ces coûts, pour le nucléaire, le coût du démantèlement des installations et du stockage des déchets en résultant est compris ainsi que le traitement des déchets des centrales et le traitement et le stockage final des déchets issus du retraitement du combustible. C'est la raison pour laquelle le coût des externalités est faible pour le nucléaire comparé au gaz.

4) Autres aspects du point de vue du développement durable

Les éléments économiques ci-dessus sont un élément essentiel d'un développement durable auquel l'énergie nucléaire peut contribuer. Mais, cette énergie, au regard d'autres critères du développement durable se présente également très bien. En voici quelques-uns :

Environnement : L'absence de rejet de gaz à effets de serre place le nucléaire dans une excellente position par rapport à ses concurrents. L'exemple de la France montre que son programme nucléaire a permis de baisser les émissions de gaz à effet de serre de 70 % par rapport à une solution combustibles fossiles. Le rejet par habitant est aujourd'hui, toutes sources confondues de 1,8 t de CO2 par habitant pour 5,5 aux USA et 3,2 en Belgique.

Social : Le coût social d'une énergie peut être évalué et les chiffres dont nous disposons aujourd'hui montrent que le nucléaire a un coût social de 0,2 à 0,7 cent euro/kWh contre 2 à 15 pour le charbon et 1 à 4 pour le gaz.

Déchets : Ce sujet est souvent cité à propos du nucléaire et à juste titre. Mais il ne faut pas oublier que les technologies que nous avons développées dans ce domaine sont très performantes et, point essentiel, que ces déchets, comparés à d'autres industries sont en quantités très restreintes. Par exemple, les déchets haute activité issus du retraitement en France pendant quinze ans occupent le volume d'une seule piscine olympique.

5) Conclusion

Dans une perspective de développement durable, notamment du point de vue de la sécurité d'approvisionnement et des aspects économiques, le recours à l'énergie nucléaire comme élément d'une panoplie énergétique diversifiée, est amplement justifié dans le long terme. D'autres éléments que je n'ai pas mentionnés par manque de temps seraient également à prendre en compte, notamment le développement technologique induit par les recherches nucléaires de pointe qui bénéficie à d'autres secteurs industriels. L'on peut donc dresser un bilan résolument positif de cette branche industrielle qui reste nécessaire pour la satisfaction des besoins en énergie du monde de demain.

VI. EXPOSÉ DE MONSIEUR PHILIPPE BUSQUIN, COMMISSAIRE EUROPÉEN

M. Philippe Busquin, Commissaire européen chargé de la recherche, donne un aperçu succinct de la position de la Commission européenne sur la recherche en matière d'énergie et fait référence, à cet égard, au Livre vert de la Commission européenne intitulé « Vers une stratégie européenne de sécurité d'approvisionnement énergétique ».

Ce Livre vert a fait l'objet de débats au Parlement européen et au Conseil des ministres.

Une des thèses, développée dans ce Livre Vert concernant l'énergie nucléaire, est la suivante : « Le nucléaire ne peut se développer sans un consensus permettant de bénéficier d'une période de stabilité suffisante compte tenu des contraintes économiques et technologiques qui caractérisent son industrie. Il en pourra être ainsi que si la question des déchets ne connaît une solution satisfaisante dans la plus grande transparence. La recherche dans ces domaines devra être orientée vers les technologies de gestion des déchets. L'Union européenne doit conserver la maîtrise de la technologie nucléaire civile pour conserver l'expertise nécessaire et développer des réacteurs de fission plus efficaces qui permettent à la fusion de voir le jour. »

La Commission européenne a, après les débats au Parlement européen et au sein du Conseil des Ministres, établie une communication au Conseil et au Parlement européen, intitulé « Rapport final sur le Livre vert ­ Vers une stratégie européenne de sécurité d'approvisionnement énergétique » (5).

Dans ce rapport, le problème du montage de l'énergie nucléaire est réaffirmé en termes d'émissions de gaz à effet de serre. L'économie que l'énergie nucléaire représente en terme d'émission de gaz à effet de serre est plus de 300 millions de tonnes de CO2 (équivalent à la moitié du parc automobile de l'Union). Il s'agit d'un chiffre loin d'être négligeable. Dans le moyen et long terme et dans l'état actuel des connaissances, il faut prendre en considération le fait que l'abandon total de l'énergie nucléaire signifierait que 35 % de la production de l'électricité devrait provenir de sources d'énergie conventionnelles et des renouvelables, auquel devraient s'ajouter des efforts considérables en matière d'efficacité énergétique, et le fait des prévisions d'augmentation de la demande d'énergie.

Une des conclusions du Livre Vert est de pousser à la recherche sur les énergies renouvelables. La stratégie de diversification implique des efforts considérables dans les énergies renouvelables, mais implique aussi qu'on fasse des efforts de recherches sur les domaines de déchets et des domaines de sécurité.

Le Conseil européen de Gand a décidé que l'Union européenne doit tenir compte des problèmes de l'élargissement et la sécurité des réacteurs des pays candidats. La Commission européenne prépare dans ce cadre un document, actuellement soumis à un groupe d'experts, visant à établir au niveau européen une législation sur la sécurité nucléaire. Jusqu'à présent, de telles dispositions figuraient dans le Traité Euratom. Suite à un récent arrêt de la Cour de Justice de l'Union européenne, l'Union européenne est considérée compétente à légiférer dans la matière. La commissaire européenne, compétente pour l'énergie, Mme de Palacio, prépare une réglementation dans les prochaines semaines.

Le commissaire européen, compétent en matière de recherche, M. Busquin a des axes connexes dans ses compétences : le Programme-cadre de recherche et la tutelle du Centre commun de recherche nucléaire. Ce centre comporte une série d'instituts dont la SCK à Mol, l'Ispra et le réacteur nucléaire pour fabriquer des radio-isotopes à Petten et le Centre de référence pour les actinies à Karlsruhe. Dans le Programme-cadre de recherche, un élément important est la recherche sur les énergies renouvelables : des recherches ont déjà été financées pour environ 2 milliards d'euros dans ce domaine. Le prochain Programme-cadre est en application depuis le 1er janvier 2003 et prévoit 810 millions d'euros pour des projets dans le domaine des énergies renouvelables. L'objet à atteindre est de doubler la part des énergies renouvelables (de 6 % à 12 %) dans les prochaines années dans les différents domaines. Le domaine le plus efficace en ce moment est le problème de l'énergie du vent. Néanmoins, le montant de ces formes d'énergies reste assez limité par rapport au potentiel. Le commissaire européen finance toutes les recherches sur toutes les nouvelles formes d'énergie renouvelable. À plus long terme, M. Busquin prévoit aussi des perspectives pour l'hydrogène pour 2020. Un groupe de travail, constitué des représentants de l'industrie, de la recherche, étudie les possibilités de l'hydrogène. General Motors prévoit par exemple la production de 1 000 000 véhicules roulant sur l'hydrogène pour 2010. M. Busquin remarque qu'il ne faut pas oublier que le nucléaire peut être utile pour la production de l'hydrogène. Une source de production d'hydrogène peut être l'énergie nucléaire. Le programme de recherche dans le cadre du Traité Eurotam représente 1,3 milliards d'euros et est centré sur trois éléments, entre autre la fusion nucléaire : le Programme-cadre de recherche prévoit 750 millions d'euros pour la fusion en finançant le programme « ITER ».Ce programme est un programme international dans lequel participent le Japon, la Russie, le Canada, l'Union européenne et, sous réserve, les États-Unis. La commercialisation de l'électricité de fusion ne sera possible qu'en 2030-2040. Le problème qui se posera, sera le trou qui peut y avoir dans la production de l'énergie entre 2015 et 2030-2040. Reste encore tous les problèmes liés aux énergies fossiles et la difficulté pour l'approvisionnement dans ce domaine.

L'Union européenne est présente dans le domaine de la création des nouveaux réacteurs. La France et l'Allemagne appartiennent au groupe des états disposant d'un réacteur de fission de la nouvelle génération. La Commission européenne est présente en tant qu'observateur avec le Centre commun de recherche afin que tous les États membres de l'Union européenne puisse avoir une connaissance de l'évolution de ce nouveau type de réacteur de fission.

Un autre programme important concerne les déchets nucléaires : 30 millions d'euros sont prévus pour les problèmes géologiques et le problème du centre « SCK » à Mol et pour les problèmes concernant la transmutation possible ou pour d'autres concepts afin de produire moins de déchets. L'appel à proposition de projets a été lancé par la Commission européenne le 17 décembre 2002 (date de remise des projets pour le 6 mai 2003).

Pour des projets concernant la protection contre les radiations, un budget de 20 millions d'euros est prévu. 17 millions d'euros sont réservés pour les nouveaux concepts concernant l'éducation, la formation et la sécurité des installations existantes.

La commissaire européenne, compétente pour l'énergie, Mme de Palacio, a préparé son propre programme (2 milliards d'euros) sur la direction de l'énergie et sur le problème de la sécurité nucléaire des réacteurs des pays candidats à l'adhésion de l'Union européenne (6).

VII. EXPOSÉ DE MME CHRISTINE VANDERVEEREN, PRESIDENTE ET DIRECTRICE DE LA CREG

Mme Vanderveeren est présidente et directrice de la Commission de régulation de l'électricité et du gaz (CREG). À l'inverse de ce que l'on pourrait croire de prime abord, la CREG n'a aucune compétence dans le débat sur l'énergie nucléaire et la fermeture des centrales nucléaires, explique Mme Vanderveeren.

La CREG est un organisme de régulation de l'électricité mais la régulation et les compétences qu'elle possède ne concernent, indépendamment de sa méthode de production, que l'utilisation et l'accès au réseau de transmission de l'électricité par les lignes à haute tension, ainsi que la tarification de la consommation et du transport de l'électricité par les réseaux de distribution, le transport de l'électricité à haute et moyenne tension.

La CREG n'a que deux compétences susceptibles d'être invoquées : d'une part, la CREG a la possibilité de fixer des prix maximum pour la vente de l'énergie et d'autre part, la CREG est compétente pour aviser le ministre compétent en matière d'énergie, de l'octroi de permis de bâtir et de nouveaux investissements dans de nouvelles unités de production. Pour le reste, la CREG travaille, dans l'exercice de ses compétences, dans le cadre que prescrivent le gouvernement fédéral et les gouvernements régionaux.

Le président, M. De Grauwe, signale que l'article 9 du projet de loi présenté prévoit tout de même une extension des compétences de la CREG.

Mme Vanderveeren explique que l'extension des compétences de la CREG à laquelle le président fait allusion, consiste en fait à reprendre les compétences du Comité de contrôle de l'électricité et du gaz. Jusqu'à présent, la CREG était compétente pour le marché de l'électricité libéralisé et le Comité de contrôle est l'organe compétent pour le marché captif, ce dernier étant celui sur lequel les consommateurs ne sont pas libres de choisir leur fournisseur d'électricité. Conformément aux nouvelles dispositions du projet de loi, le marché captif relèvera également de la compétence de la CREG, entraînant la disparition du Comité de contrôle.

VIII. EXPOSÉ DE M. PIRARD, FRONT COMMUN SYNDICAL

M. Pirard représente le personnel de la Centrale nucléaire de Tihange et est délégué de l'association des travailleurs « Gazeleo » de la FGTB.

Dans son intervention, il souhaite faire entendre la voix du citoyen ordinaire et du travailleur dans le secteur de l'énergie nucléaire. Il tient, à cet égard, à traduire les appréhensions de ses collègues. La sortie de l'énergie nucléaire, comme en dispose le présent projet de loi, est inconsidérée. À l'heure actuelle, on ne possède aucune alternative, ni sur le plan économique, ni sur le plan social, ni sur le plan écologique.

En ce qui concerne le point de vue économique, il est clair que l'état actuel du développement de la technologie ne permet pas de produire, en Belgique et dans des délais aussi courts, une électricité abordable sans l'énergie nucléaire.

En ce qui concerne le domaine social, le secteur de l'énergie nucléaire fournit quelque 2 000 emplois directs et 7 000 emplois dans le secteur de la construction. En outre, 1 500 personnes travaillent dans le contrôle annuel des centrales nucléaires. Le prix social à payer pour la sortie de l'énergie nucléaire est bien trop élevé. De plus, les fonctions qui seront supprimées dans le secteur de l'énergie nucléaire concernent une main d'oeuvre (hautement) qualifiée.

Du coup, le savoir-faire dont la mise au point a coûté de nombreuses années d'efforts, sera irrémédiablement perdu. Si on fixe une date définitive pour la sortie de l'énergie nucléaire, nos jeunes ne s'engageront plus dans des formations spécifiques de physiciens nucléaires ou d'ingénieurs spécialisés en physique.

En ce qui concerne le facteur écologique, il faut garder à l'esprit que, dans le monde de l'énergie nucléaire, la sécurité est une véritable culture profondément ancrée et fortement développée. Si des gens ne peuvent plus croire dans l'avenir de leur profession, on court le risque de voir cette culture de la précision rigoureuse se perdre. La culture de la sécurité est aussi garante de la sécurité de la population.

Si, dans le secteur de l'énergie nucléaire, on n'investit plus dans un capital humain motivé et si, d'une manière générale, on ne consentit plus d'investissements, l'orateur n'est pas certain que des mesures de sécurité suffisantes seront prises lors de l'arrêt des centrales nucléaires. Le premier souci des syndicats dans les centrales nucléaires qui fonctionnent actuellement consiste, comme par le passé, à assurer des conditions de travail sûres et, si possible, améliorer encore la sécurité des conditions de travail. Ceci n'est possible que si l'on peut garantir un avenir au secteur de l'énergie nucléaire.

Ceux qui travaillent dans le secteur de l'énergie nucléaire sont habitués à travailler dans un climat serein. La mise à mal des emplois dans ce secteur peut avoir pour conséquence que la sérénité s'étiole, de même que l'indépendance des travailleurs dans leur mode de pensée en matière de culture de la sécurité. Le danger pourrait aussi provenir d'une fermeture prématurée des centrales nucléaires par rapport au calendrier du projet de loi présenté.

B. ÉCHANGE DE VUES

Mme Willame qualifie le témoignage de Mme Vanderveeren, Directeur Présidente de la commission de régulation de l'électricité la « CREG », d'elliptique. Cette dernière est un organisme indépendant créé par la loi du 29 avril 1999 relative à l'organisation du marché de l'électricité. Il est doté de la personnalité juridique et financé par les électriciens. La commission est investie d'une mission de conseil auprès des autorités publiques en ce qui concerne l'organisation et le fonctionnement du marché de l'électricité, d'une part, et d'une mission générale de surveillance et de contrôle de l'application des lois et règlements y relatifs.

Par ailleurs, la CREG est chargée d'établir un programme indicatif des moyens de production d'électricité en collaboration avec l'administration de l'Énergie du ministère fédéral des Affaires économiques et après consultation du gestionnaire du réseau, du Bureau fédéral du plan, du comité de contrôle, de la Commission interdépartementale du développement durable et des gouvernements de région. Le programme indicatif est soumis à l'approbation du ministre.

Le programme indicatif devrait constituer une pierre angulaire de la politique énergétique de la Belgique et devrait être publié et communiqué au Parlement. L'oratrice souhaite disposer de ce rapport avant que le vote sur le projet de loi n'intervienne.

Mme Vanderveeren, directrice et présidente de la CREG, répond que la proposition programme indicatif de la CREG aurait dû être déposé en janvier 2002 auprès du secrétaire d'État à l'Énergie. Afin de pouvoir présenter une proposition de programme réfléchie et bien documentée, il a été soumis au secrétaire d'État le 19 décembre 2002.

M. Olivier Deleuze, secrétaire d'État à l'Énergie est disposé à transmettre ce rapport à la commission des Finances du Sénat. Cependant, l'orateur précise que la proposition de programme indicatif n'a pas encore été approuvée au Conseil des ministres. Ce dernier doit encore déterminer les correspondances entre les programmes indicatifs relatifs au gaz et à l'électricité.

M. Roelants du Vivier souhaite connaître le coût de l'option qui consiste à étendre la durée de vie des centrales nucléaires de 40 à 60 ans à l'instar des États-Unis. De plus, il désire disposer d'une estimation comparative du coût de cette alternative, d'une part, et de l'hypothèse envisagée par le projet du gouvernement, d'autre part.

L'orateur se réfère à l'évaluation effectuée par la commission « Ampère », à laquelle M. Laponche, consultant international, un des experts auditionnés par la commission a contribué. Il ressort de cette analyse que le mécanisme de la maîtrise de la demande de l'énergie est susceptible d'atteindre des réductions des gaz à effet de serre, supplémentaires à celles qui sont prévus par le protocole de Kyoto.

Ce dernier ne constitue qu'un pas relativement modeste puisqu'il ne permettrait qu'une réduction de 0,1 degré par rapport à l'augmentation de la température qui s'élèverait à plus 2 voire plus 3 degrés vers la fin de ce siècle. Cela signifie que les réductions devraient être de l'ordre de 50 % voire de 70 % au lieu des 5 % qu'elles atteignent à l'heure actuelle.

L'orateur se réfère à un rapport du Bureau de plan relatif aux perspectives énergétiques 2000-2020 qui a été publié en janvier 2001. Cette étude envisageait plusieurs scénarios dont le scénario « Kyoto croissant », prévoyant des réductions supplémentaires, représentait un coût supplémentaire de 1,9 % du produit national brut.

Le membre se demande si ce mécanisme de la maîtrise de la demande en énergie permet de rencontrer les obligations futures, dépassant largement les mesures actuelles prévues par le protocole de Kyoto.

En guise de conclusion, le membre estime qu'outre le problème de la sécurité d'approvisionnement énergétique, le réchauffement climatique constitue un problème extrêmement préoccupant.

M. L. Mampaey, directeur de la centrale nucléaire de Doel, répond que l'option qui consiste à prolonger la durée de vie d'une centrale nucléaire de 40 à 60 ans n'entraîne pas de coûts additionnels mais au contraire, génère des revenus complémentaires. Il est en effet démontré que, si on peut faire travailler la composante la moins chère du parc de production 20 ans de plus, on réalise un bénéfice.

Le président souhaite que la méthode de maîtrise de la demande de l'énergie soit précisée.

M. Laponche, consultant international, répond qu'il y a deux estimations différentes en ce qui concerne les émissions de CO2 évitées par l'électronucléaire en Belgique. Les chiffres avancés par lui-même sont de 16 à 17 millions de tonnes. Ceux de M. Lucas Mampaey, directeur de la centrale nucléaire de Doel sont de l'ordre de 30 millions de tonnes de CO2. La différence s'explique par le fait que M. Mampaey se réfère à des centrales à charbons tandis que lui-même renvoie à des centrales électriques à cycle combiné au gaz naturel. En ce qui concerne ce type de centrale, les chiffres avancés par M. Ph. Busquin, en ce concerne des émissions de CO2 évitées par l'électronucléaire en Europe correspondent aux chiffres avancés par lui-même.

L'orateur estime que la situation du nucléaire dans le monde à l'heure actuelle est stagnante.

L'intervenant explique que le potentiel atteignable sur le plan technique et sur le plan économique est de l'ordre de 30 %. La réduction de l'émission de CO2 se situe à peu près au même niveau.

La question du coût est liée à la question de la mise en oeuvre. Les économies d'énergie se font de différentes manières. Il y a en premier lieu la correction du gaspillage de l'énergie existant par entre autres des programmes d'isolation, l'utilisation d'électroménager économique. En second lieu, il y a la question de la modification des transports au sein de l'Union européenne et en Belgique, qui est liée à un ensemble convergeant d'impératifs. Il s'agit notamment du facteur accessoire de la dépendance énergétique, du facteur de la pollution, de la question des accidents, de la question des encombrements.

Il y a nécessité, d'une part, de développer le transport en commun en ville de façon à arrêter les déplacements des automobiles. D'autre part, il convient de mettre en oeuvre le transport par train pour les marchandises.

L'orateur explique que le coût de l'investissement écologique est moins élevé que le bénéfice réalisé par l'économie de l'énergie.

Le président estime qu'il n'y a de contradiction entre d'une part la maîtrise de la demande et d'autre part le maintien du nucléaire. Les deux objectifs sont compatibles.

M. Malcorps demande si ce calcul de l'alternative à l'énergie nucléaire n'est pas une caricature qui présente des chiffres qui ne correspondent plus à la réalité. L'orateur est d'avis que l'on doit prendre en considération un scénario de sortie équilibré.

Le membre fait remarquer que M. Mampaey a une vision bien plus positive sur le problème des déchets nucléaires. Il faudrait réaliser d'autres analyses approfondies pour arriver à garder sous contrôle le problème des déchets nucléaires. L'ensevelissement des déchets radioactifs ne repose, en Belgique, sur aucune base sociale.

L'orateur pense que la prolifération des applications civiles de l'énergie atomique peut avoir un impact militaire, surtout dans certaines parties du monde comme l'Asie. Cet état de fait présente un énorme danger pour la sécurité.

Le membre a l'impression que les experts interrogés plaident pour l'édification de nouvelles centrales nucléaires et pour le maintien prolongé des centrales nucléaires existantes. Il demande si un consensus social existe à ce sujet.

Mme Kestelijn précise que seules l'Allemagne, la Suède et l'Italie sont sorties du nucléaire. L'Allemagne a établi des quotas. La Suède a fermé une centrale nucléaire mais la fermeture de deux autres centrales a été ajournée. L'Italie est déjà sortie de l'énergie nucléaire depuis un bon moment. L'oratrice demande quelles sont les sources d'énergie alternatives utilisées en Italie.

M. Mampaey répond que la sortie de l'énergie nucléaire en Italie n'a pas eu de conséquences très importantes pour l'approvisionnement en énergie. La production s'effectue dans des centrales au gaz et au charbon, mais le parc de production est si désuet que des voix s'élèvent pour le retour à l'énergie nucléaire.

Mme Lizin déplore que les représentants de l'Office parlementaire français qui ont effectué des analyses en matière nucléaire ne pouvaient pas être auditionnés par la commission.

L'oratrice demande à M. Busquin, de faire part de ses recommandations en ce qui concerne le vote sur ce projet de loi.

Le membre demande à M. Mampaey comment l'approvisionnement en électricité peut être assuré en Belgique, si le transport d'électricité sur le territoire belge pose problème.

L'oratrice se demande si à terme, le nucléaire belge sera remplacé par le nucléaire français ou allemand. Elle veut être informée du coût comparatif de ces deux options.

M. Felten répond que la France serait capable de fournir de l'électricité à des prix intéressants parce que ses prix se situent en dessous de la moyenne européenne.

Il sera toutefois nécessaire de construire des unités de production d'électricité en Belgique pour remplacer la capacité nucléaire arrêtée.

Mme Willame déplore l'absence des organisations des consommateurs parce qu'elles ont effectué des études comparatives sur l'évolution des prix de gaz et de l'électricité pour le consommateur dans différents pays européens.

Le membre demande au représentant de la FEB s'il estime utile d'imposer une comptabilité analytique des investissements économiseurs en matière d'énergie aux entreprises.

M. Velge, directeur du département économique de la FEB, répond que les scénarios qu'il propose sont les meilleur marché. Soit on continue d'utiliser l'énergie nucléaire existante, le gaz, le charbon, l'énergie hydraulique et l'énergie éolienne, soit on les remplace par l'alternative la moins chère, une centrale TGVS. Si l'on veut réellement remplacer l'énergie nucléaire par une énergie verte, les coûts vont monter en flèche.

M. Malcorps répond que la question fondamentale consiste à savoir s'il y a moyen de réduire l'offre ou la demande d'énergie nucléaire.

M. Velge répond qu'il faut trouver un équilibre entre les énergies nucléaire et non-nucléaire, notamment parce que l'approvisionnement par les centrales nucléaires est relativement lent aux heures de pointe.

L'orateur est d'avis que les mesures d'économie d'énergie, bien qu'elles soient importantes dans l'ensemble de la chaîne énergétique, n'ont rien à voir avec la sortie de l'énergie nucléaire.

Il juge qu'une comptabilité analytique des investissements visant à économiser l'énergie seraient une charge administrative supplémentaire alors que toutes les sociétés gérées selon les principes de l'économie d'entreprise veillent déjà à ce que leur consommation d'énergie reste dans des limites acceptables. Ce sont surtout les particuliers qui n'économisent pas suffisamment l'énergie.

Le président demande que, en réponse aux questions des membres de la commission, les experts analysent la problématique des déchets nucléaires et de la prolifération.

M. Felten, directeur international d'Areva souligne que l'Agence internationale de l'énergie atomique à Vienne assure le contrôle des installations nucléaires civiles dans le monde entier sur la base du Traité international de non-prolifération. Cependant, l'Inde et le Pakistan ne sont pas liés par ce traité ainsi que la Corée du Nord qui se situe en marge de la communauté internationale.

L'orateur estime qu'il convient de renforcer ces contrôles, ce qui à l'exception de la Corée du Nord, ne pose pas problème.

M. Busquin estime que les déchets demeurent le problème sous-jacent en dépit des progrès réalisés dans ce domaine. Il favorise un approfondissement de la recherche en la matière mais il se dit préoccupé de la perte d'expertise. En effet, le recrutement ne permet pas de pourvoir aux besoins réels.

M. Mampaey réplique que les jeunes ingénieurs que l'on engage possèdent généralement un grade en électromécanique et sont renvoyés à l'université pour une formation d'ingénieur en énergie nucléaire. De cette manière, on arrive à recruter suffisamment de personnes.

M. Laponche estime que dans certains pays, le développement d'un programme civil risque d'ouvrir la porte à des applications militaires.

M. Busquin répond que l'expertise en matière nucléaire de l'Union européenne doit s'inscrire dans un contexte géopolitique international. L'orateur estime qu'il faut tenir compte du fait que la Russie entend développer des réacteurs qui ne conduisent pas à des applications militaires.

D'une part, le rôle de l'Union européenne est largement déterminé par l'accord entre les États-Unis et la Russie sur le stock nucléaire existant. D'autre part, l'Europe est à l'heure actuelle associée aux contrôles effectués par l'Agence internationale d'énergie.

M. Laponche répond qu'il convient surtout de tenir compte des technologies actuelles qui permettent bien un passage du civil aux applications militaires.

M. Bonet, directeur de l'Institut des radio-éléments, souligne que les pays qui ont développé l'arme nucléaire, dont l'Afrique du Sud, l'ont fait indépendamment des centrales civiles sur la base de l'enrichissement d'uranium dans leurs propres centres de recherche.

C. COMMENTAIRE DU SECRÉTAIRE D'ÉTAT
À L'ÉNERGIE, OLIVIER DELEUZE,
À PROPOS DES AUDITIONS

Le secrétaire d'État à l'Énergie rappelle que le projet à l'examen concerne uniquement la production industrielle d'électricité par fission nucléaire.

Il ne concerne en rien les applications médicales ou autres, telles qu'elles sont produites par l'Institut des radio-éléments de Fleurus, dont le directeur a été entendu.

Celui-ci a eu raison de souligner que le moratoire sur la 8e centrale nucléaire décidé voici quelques années a pu avoir une influence sur la motivation des étudiants ou les formations d'ingénieur en matière de sciences nucléaires.

Enfin, M. Bonet a fait référence à certaines coupures de courant récentes, qui démontrent que lorsque coupures de courant et énergie nucléaire sont liées, ce n'est pas toujours dans le sens que l'on pense, puisque aujourd'hui, 57 % de notre électricité sont produits par voie nucléaire.

M. Velge a fait référence aux achats à l'étranger. Le Secrétaire d'État rappelle qu'il n'y a pas de lien entre la sortie du nucléaire et l'achat d'électricité à l'étranger. En effet, la Belgique ne peut être structurellement dépendante de l'étranger pour son achat d'électricité, puisque celle-ci ne se stocke pas.

Dès lors, quels que soient les moyens de production mis en oeuvre, aucun pays européen n'est structurellement dépendant de l'étranger, à l'exception du Grand-Duché de Luxembourg.

Les achats et ventes d'électricité à l'étranger dépendent de la directive de 1996 transposée en droit belge en avril 1999.

En ce qui concerne les coûts évoqués par M. Velge, les chiffres avancés sont du même ordre de grandeur que ceux exposés par le secrétaire d'État, à une précision près : ces derniers chiffres ne tiennent pas compte de l'emploi de mécanismes d'emission trade à l'intérieur de l'Europe, tels qu'ils sont organisés par le projet de directive accepté par le Conseil de l'environnement voici quelques semaines. Ce type de mécanisme, tout en garantissant à l'Europe le même effort en matière de réchauffement climatique, a pour effet de réduire les coûts de moitié.

Le secrétaire d'État n'a pas de commentaire à formuler sur la mise en perspective des chiffres par M. Laponche, en égard aux consommations globales d'énergie.

Il renvoie à ce sujet à son exposé introductif.

En ce qui concerne les déchets, il ne s'agit évidemment pas de mètres-cube, mais de radioactivité. La difficulté de la gestion des déchets ne dépend pas du volume qu'ils occupent, mais bien de leur toxicité.

Il existe au niveau de l'Europe, tant parmi les États membres qu'au sein de la Commission, des divergences d'opinion en ce qui concerne l'énergie nucléaire.

Quant à l'évolution de l'énergie nucléaire au niveau international, le document officiel auquel se réfère le secrétaire d'État est celui de l'Agence internationale de l'énergie, le « World Energy Outlook » du 21 septembre 2002.

Alors qu'aujourd'hui, 17 % de l'électricité produite au niveau international est d'origine nucléaire, la prévision actuelle est que le pourcentage passerait à 9 % en 2030.

Le secrétaire d'État a connaissance de l'enquête européenne sur les déchets nucléaires.

La question y était libellée de la manière suivante : « Supposant que le problème des déchets soit résolu, seriez-vous favorable à cette énergie ? ».

Le secrétaire d'État déclare que, pour sa part, supposant que le problème des déchets, celui de la prolifération et celui des accidents soient résolus, il serait favorable à la production d'électricité par fission nucléaire.

Il a d'autre part indiqué ce qu'il en était de la tendance internationale.

La loi allemande ne fixe pas d'alternative.

Aucune loi européenne ne le fait de manière précise, parce que c'est interdit par la directive européenne de 1996.

Un pays européen ne peut donc pas fixer par la loi de manière comminatoire quel pourcentage de quel type d'énergie en remplace une autre.

M. Busquin a fait allusion au Livre vert, document intéressant dont il a dit à juste titre qu'il avait été décidé au niveau de la commission, et amplement discuté au niveau du Conseil. Celui-ci ne l'a cependant pas adopté, en raison du défaut d'unanimité sur la politique énergétique signalé plus haut.

Le secrétaire d'État renvoie à la page 33 de ce document, où l'on peut lire que « l'avenir du nucléaire est cependant incertain, surtout en Europe. Il dépend de plusieurs facteurs, parmi lesquels la résolution du problème des déchets, la rentabilité économique des nouvelles générations de centrales, et la sûreté des réacteurs dans les pays de l'Est européen ... ».

Il respecte et partage le souci des travailleurs pour l'emploi dans les secteurs du nucléaire et de l'électricité.

C'est la raison pour laquelle un amendement avait été accepté à la Chambre concernant la nécessité d'un plan d'accompagnement de l'emploi lorsqu'on procède à la fermeture d'une centrale nucléaire.

Comme déjà indiqué, aucun pays européen ne peut se permettre d'être structurellement dépendant de l'étranger, ce qui aura pour conséquence la construction de centrales qui permettent de répondre aux besoins, y compris lors des pics de consommation.

Dès lors, s'il se pose à terme un problème d'emploi dans les centrales nucléaires, ce ne sera certainement pas le cas dans le secteur de la production d'électricité car, même en 2025, la Belgique produira une quantité impressionnante d'électricité.

En ce qui concerne la sécurité dans les centrales, le secrétaire d'État rappelle que la loi du 14 juillet 2001 prévoit des comptes séparés entre activité nucléaire et activité non nucléaire, ce qui permettra à l'Agence d'avoir plus que par le passé, des moyens de contrôle sur les investissements en sécurité faits dans les centrales.

C'est la raison pour laquelle l'Agence, qui a été consultée par son ministre de tutelle, comme indiqué dans le rapport de la Chambre, ne lui a pas consulté explicitement de s'opposer à ce projet.

Cela donnera également au Parlement l'occasion d'examiner tous les ans, dans le rapport de l'Agence fédérale du contrôle nucléaire, où l'on est en ce qui concerne les investissements en matière de sécurité.

En ce qui concerne le programme indicatif des moyens de production d'électricité, s'il y avait eu rétention d'informations, elle eût été bien inefficace, puisque le Conseil général de la CREG a eu l'occasion d'en discuter depuis des mois. Or, ce Conseil comporte six membres du gouvernement, des représentants des intercommunales, des représentants des employeurs, des représentants du secteur, des représentants syndicaux, des représentants des consommateurs, des représentants des organismes de protection de l'environnement, ...

Le Conseil général de la CREG formule à présent une proposition, dont pas une ligne n'est influencée par le projet à l'examen, puisque ce document va jusqu'en 2011, et que la CREG a été très attentive aux économies d'énergie. Le plan indicatif paraît tous les trois ans et, à partir de 2015, il paraîtra tous les ans.

Enfin, en ce qui concerne le protocole de Kyoto, le secrétaire d'État renvoie à son exposé introductif, et à la mise en perspective faite par M. Laponche. Il est évident que le réchauffement climatique est influencé par notre consommation d'énergie en général, en non de façon particulière par le consommation d'électricité. Nos pays industrialisés auront comme grand défi, en ce qui concerne le réchauffement climatique, de freiner le développement des transports. En effet, entre 1975 et 2000, le nombre de km par la route en Belgique a été multiplié par trois.


(1) Source statistique : Enerdata.

(2) Source : Agence internationale de l'énergie (AIE).

(3) Également : l'éolien, la géothermie, le solaire photovoltaïque.

(4) Source : Elecnuc, Les centrales nucléaires dans le monde ­ Édition 2001 ­ Commissariat à l'énergie atomique.

(5) Doc. COM(2002) 321 final du 26 juin 2002

(6) Doc. COM (2002) 605 final du 6 novembre 2002 : Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen : « La sûreté nucléaire dans le cadre de l'Union européenne ».