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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 6 FÉVRIER 2003 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Demande d'explications de Mme Anne-Marie Lizin au vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères sur «les diminutions de salaires imposées au personnel des ambassades» (nº 2-951)

Mme Anne-Marie Lizin (PS). - Je voudrais connaître les raisons qui ont justifié les restrictions qui viennent d'être opérées sur les salaires de plusieurs catégories de personnel des ambassades, à des grades inférieurs à celui d'ambassadeur évidemment.

C'est un personnel contractuel à durée indéterminée ou sous statut de contractuel de droit belge qui s'est vu imposer une diminution importante de traitement lorsque celui-ci est payé en euros.

L'argument utilisé dans le débat qui a eu lieu au département a été, semble-t-il, celui de la revalorisation de l'euro.

Comment le ministre justifie-t-il cela ?

Estime-t-il que l'argument de la hausse de l'euro, monnaie de référence au traitement, est justifié ?

Quel sort fait-on à l'inflation dans les pays concernés ?

Est-ce vraiment sur le personnel que doivent porter les économies que le ministre doit réaliser dans son département ?

Pourrait-il nous dire les postes dans lesquels cela s'est passé ? J'en connais deux avec certitude, celui de la Russie notamment.

M. Louis Michel, vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères. - Je n'ai nullement imposé des restrictions au salaire du personnel localement recruté dans nos postes à l'étranger. Au contraire, depuis quelques mois, mes services accordent la plus grande priorité à l'adaptation des salaires à la hausse du niveau de vie dans les pays où cela s'avère nécessaire. En raison du retard encouru dans le passé, les adaptations se remarquent plus que de coutume mais, depuis des années, la méthode de calcul utilisée est restée inchangée. Le but est de garantir à tous les agents contractuels locaux un traitement égal et le maintien de leur pouvoir d'achat sur place.

Une échelle barémique est établie en monnaie locale pour chaque poste. Ces barèmes sont valables aussi bien pour le personnel de nationalité belge que pour le personnel de nationalité étrangère. Le personnel belge devant être payé en euros, son salaire en monnaie locale est converti en euros d'après le taux de change officiel au moment du calcul. Lors de l'adaptation des salaires à l'indice de la consommation, le coefficient de liquidation des salaires, qui tient donc compte de l'inflation, est établi de façon identique pour l'ensemble du personnel, quelle que soit la monnaie dans laquelle il est payé. Le taux de change pour les salaires payés en euros est adapté, soit à la hausse, soit à la baisse, lorsque le cours indicatif mensuel réel diffère de plus de 5% du taux utilisé antérieurement. Ce système a évidemment le mérite d'offrir beaucoup plus de transparence, d'équité et de simplicité administrative. Il assure de façon égale à tous les employés contractuels locaux le maintien de leur pouvoir d'achat sur place. En l'absence d'une telle adaptation, les agents payés en euros bénéficieraient d'une augmentation du pouvoir d'achat local équivalente à la dépréciation de la monnaie locale par rapport à l'euro.

En matière de salaires, je suis obligé d'agir à l'intérieur de contraintes sévères. L'administration de la fiscalité du ministère des Finances m'oblige...

Mme Anne-Marie Lizin (PS). - C'est M. Reynders alors...

M. Louis Michel, vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères. - Non, c'est la règle. L'administration de la fiscalité du ministère des Finances m'oblige à payer les Belges à l'étranger en euros. Étant donné que ces Belges travaillent pour les autorités belges et bien qu'ils soient domiciliés à l'étranger, ils sont soumis à l'impôt belge sur les revenus. Cela a toujours été la règle.

Il se pourrait que votre demande d'explications soit inspirée par ce qui s'est passé au Brésil. À cause de l'inflation, les salaires en monnaie locale ont été augmentés de 7,2% le 1er novembre 2002. Le cours des changes de l'euro au courant de cette même période de onze mois, de décembre 2001 à novembre 2002, avait cependant augmenté de 31,6%, de sorte que durant quelques mois, le personnel local belge au Brésil, bénéficiant d'un salaire provisoirement inchangé en euros, a pu profiter d'une augmentation de pouvoir d'achat en monnaie locale du même ordre. Cette situation a été normalisée par l'application du cours des changes actuel. Cette adaptation équivalait en pratique, pour le personnel belge payé en euros, à une diminution de 18,5%.

Je répète qu'aucune restriction n'a été décidée sur les traitements ou sur les indemnités. Il se peut que des problèmes se soient posés quelque part mais je n'en sais rien. Dans ce cas, il faudrait me donner des précisions.

Je puis dire que je n'ai eu de cesse de régulariser des situations, avec des engagements qui étaient à la limite, sur lesquelles vous aviez d'ailleurs attiré mon attention. Tout cela est désormais régularisé mais il faut savoir que dans le passé, les contrats d'engagement et les rémunérations du personnel étranger engagé sur place dans nos ambassades ne correspondaient parfois absolument pas aux barèmes belges.

C'est pourquoi j'ai donné instruction pour que l'on respecte le principe « à travail égal, salaire égal ». Des régularisations sont intervenues en la matière. Si des erreurs ont parfois été commises, j'ai cependant la certitude qu'aucune restriction financière n'a été opérée sur les traitements.

(M. Jean-Marie Happart, vice-président, prend place au fauteuil présidentiel.)

Mme Anne-Marie Lizin (PS). - Je vous remercie de cette réponse très constructive. Outre les questions importantes, on doit s'occuper de celles relatives au personnel du département. Le cas que j'évoquais visait non pas le Brésil mais la Russie, mais deux pays étant vraisemblablement concernés, il est possible que le second soit le Brésil. Si vous me le permettez, je vous communiquerai la liste des cas particuliers. Il ne s'agit pas d'une modification du salaire de référence mais de l'expression de la valeur de la monnaie...

M. Louis Michel, vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères. - Je peux vous affirmer que je suis attentif à cette question depuis environ deux ans et demi. Vous m'aviez déjà interrogé, à l'époque, à ce sujet. J'avais immédiatement mis en place des mécanismes correctifs qui ont d'ailleurs été extrêmement bien perçus par les intéressés : certaines personnes, engagées sur le plan local, bénéficiaient d'un traitement qui ne correspondait absolument pas au niveau de rémunération auquel elles avaient droit, comparativement au nôtre. Certaines situations étonnantes ont dû être corrigées, par exemple en matière d'adaptations au coût de la vie : à New York, les adaptations étaient automatiques pour les diplomates mais pas pour le personnel des secrétariats. Une personne travaillant à notre bureau des Nations unies avait même vu son pouvoir d'achat diminuer de l'équivalent de 40.000 francs belges par mois, à cause du taux de change. Des régularisations ont été opérées en la matière et j'ai demandé que l'on applique les mêmes principes, les mêmes paramètres, les mêmes coefficients pour tout le personnel, quel qu'il soit. Je reconnais en effet que, dans le passé, il y avait parfois des distinctions inacceptables en ce domaine.

-L'incident est clos.