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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 16 JANVIER 2003 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Question orale de M. Jean Cornil au ministre de l'Intérieur sur «le certificat de bonne conduite, vie et moeurs, modèle 2» (nº 2-1199)

M. Jean Cornil (PS). - La circulaire du 1er juillet 2002 relative à la délivrance du certificat de bonne vie et moeurs, modèle 2, lequel est exigé pour toutes les professions ayant un contact direct ou indirect avec les mineurs, est en application depuis le mois de septembre et suscite un certain nombre de difficultés. Mon propos n'est évidemment en aucun cas de mettre en cause toutes les actions qui doivent être entreprises pour lutter contre et prévenir les agissements pédophiles. Cependant, un certain nombre de personnes, notamment des enseignants, m'ont contacté, car la nouvelle procédure comporte des visites domiciliaires, de véritables interrogatoires relatifs à la vie privée et même des enquêtes de voisinage. Dans ce cas, estimez-vous que les droits démocratiques fondamentaux tels que le droit à la vie privée et le principe d'égalité devant la loi sont bien respectés ?

Peut-on en effet admettre que le jugement sur la bonne conduite et les moeurs soit tributaire de l'arbitraire d'une seule personne et ce, en dépit d'arguments objectifs fournis par le casier judiciaire ? J'aurais aussi voulu connaître votre sentiment par rapport à des mentions négatives inscrites dans le certificat de bonne vie et moeurs, modèle 2, et par rapport à la difficulté de concordance des délais pour les enseignants qui doivent envoyer le document, notamment à la Communauté française, pour le 31 janvier de ce mois, alors que certaines communes le délivrent après plusieurs semaines.

M. Antoine Duquesne, ministre de l'Intérieur. - Il s'agit, monsieur Cornil, de bien distinguer les extraits du casier judiciaire du certificat de bonne conduite, vie et moeurs. C'est un système, en vigueur depuis 1962, grâce auquel le bourgmestre peut, s'il l'estime nécessaire, donner une appréciation complémentaire. En effet, une condamnation reprise au casier judiciaire n'entraîne pas nécessairement une perte d'honorabilité de la part de la personne qui en a fait l'objet et vice versa.

Après les événements douloureux que notre pays a connus, le législateur a pris, en 1997, des précautions supplémentaires puisqu'il a prévu que, pour toutes les candidatures à un emploi de proximité avec des jeunes - éducateurs, protection de l'enfance, etc. - l'extrait du casier judiciaire devait reprendre plus de condamnations que ce n'est d'ordinaire le cas.

Suivant cela, je vous signale qu'en 1999, une circulaire du ministre Van den Bossche a prévu que l'avis motivé du chef de corps devait être émis - auparavant, ce n'était pas une obligation - lors de la délivrance des certificats de bonne conduite, vie et moeurs pour tous les cas. L'avis motivé devait donc être rendu préalablement à la délivrance de tout certificat de ce type.

Ma circulaire du 1er juillet 2002 prévoit que l'avis motivé du chef de corps n'est obligatoire que lors de la délivrance d'un certificat est demandée pour exercer une activité qui relève de l'éducation, de la guidance psycho-médico-sociale, de l'aide à la jeunesse, de la protection infantile, de l'animation ou de l'encadrement de mineurs (modèle 2 - activités avec des mineurs). À cet égard, la circulaire du 1er juillet 2002 constitue un assouplissement des instructions antérieures.

Ainsi que je l'ai déjà fait le 9 janvier 2003, en réponse à une question d'actualité sur le même sujet posée par M. le député Decroly, je précise que la circulaire du 1er juillet 2002 n'impose pas, lorsque l'avis motivé du chef de corps ou de l'officier de police délégué est requis - ce qui est le cas pour les certificats de bonne conduite, vie et moeurs, sollicités en vue de l'exercice d'une activité relevant de l'encadrement de mineurs d'âge - que cet avis motivé soit donc obligatoirement précédé d'une enquête de police. C'est au chef de corps ou à l'officier de police délégué qu'il appartient d'apprécier l'opportunité de procéder ou non à une telle enquête qui ne s'impose pas dans tous les cas. Cela étant, je suis conscient des difficultés dont vous faites état et je n'ignore pas que certains citoyens critiquent le caractère inquisiteur et attentatoire à leur vie privée des questions qui leur sont posées lorsqu'une telle enquête est menée.

On m'a donné un certain nombre d'exemples et j'ai pu confirmer que, à mon sens, cela n'avait rien à voir avec l'objet de la demande. J'ai été étonné que ce soit repris, par le chef de corps d'abord, dans son avis et, dans certains cas, encore plus par le bourgmestre. Je crois que l'ambiance du temps est favorable à cet état de fait. Les récents procès dirigés contre des enseignants en Belgique ne sont certainement pas étrangers à cette situation. J'imagine donc que les services de police prennent énormément de précautions mais, pas nécessairement avec intelligence, au nom de la philosophie du parapluie et en se disant qu'une question de plus vaut mieux qu'un risque qui pourrait se présenter.

Conscient des risques d'abus, j'ai demandé à mon collègue de la Justice de prêter sa collaboration à l'élaboration d'une circulaire commune, complémentaire à ma circulaire du 1er juillet 2002, et qui aurait pour objet de préciser les modalités selon lesquelles l'avis motivé dont il s'agit doit être émis, lorsqu'un tel avis est requis. Cette circulaire devrait plus particulièrement déterminer, de manière objective, les lignes de conduite selon lesquelles les enquêtes de moralité doivent être menées lorsqu'elles sont jugées nécessaires, par exemple, en précisant l'objet des questions susceptibles d'être posées aux citoyens.

Pour moi, la solution de facilité serait de dire : « Plus jamais d'enquête ». Cependant, compte tenu de ce que nous savons de ce type d'affaires, et même si c'est difficile, il s'agit de veiller, tout en prenant de grandes précautions, à ce que ceux qui seraient appelés demain à exercer des professions en contact avec l'enfance soient à l'abri de tout reproche ou de tout indice laissant penser qu'ils seraient susceptibles de faire courir un risque aux enfants.

M. Jean Cornil (PS). - Je remercie le ministre de sa réponse. Je me réjouis du fait qu'il prendra très rapidement une circulaire complémentaire avec son collègue du ministère de la Justice en vue de préciser les directives. J'espère, par ailleurs, que les personnes qui ont déjà connu des difficultés dans le cadre de la circulaire actuelle, pourront également être concernées par les nouvelles directives, de façon rétroactive.

M. Antoine Duquesne, ministre de l'Intérieur. - J'ajoute qu'une personne ne doit jamais hésiter à s'adresser à son bourgmestre, si elle a des raisons de se plaindre de son comportement ou de celui d'un de ses agents. Si certains policiers ont abusé de leur pouvoir, les victimes ont la possibilité de se plaindre et, si nécessaire, des dossiers disciplinaires peuvent être ouverts. Au-delà d'un problème de compréhension, on ne peut exclure qu'il y ait des abus. Tous ces recours sont, bien entendu, ouverts.