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Sénat de Belgique

SESSION DE 2000-2001

12 JUILLET 2001


Projet de loi portant réforme de l'impôt des personnes physiques


Procédure d'évocation


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES ET DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES PAR M. de CLIPPELE


Le projet de loi à l'examen a été transmis le 5 juillet 2001 par la Chambre des représentants et évoqué par le Sénat le 6 juillet 2001. Le délai d'examen expire le 21 novembre 2001.

La commission a discuté le projet au cours de sa réunion du 6 juillet 2001, en présence du ministre des Finances. Le rapport a été lu le 12 juillet 2001.

I. PROCÉDURE

Un commissaire fustige la méthode de travail suivie qui oblige le Sénat à entamer l'examen du projet le lendemain de son adoption à la Chambre. Les sénateurs se voient ainsi dans l'impossibilité de préparer convenablement le débat en commission.

En outre, le Bureau du Sénat, qui règle les travaux, n'a pas été consulté. Au cours de la réunion du jeudi 5 juillet 2001, il n'a pas été question, au Bureau, d'une quelconque réunion de commission pour le vendredi 6 juillet 2001. Après cette réunion, les sénateurs ont tout à coup reçu l'ordre du jour d'une réunion de commission qui aurait lieu le vendredi 6 juillet 2001 à 16 heures, avec pour objet la discussion générale du projet de loi à l'examen. Le vendredi matin, cet ordre du jour a été adapté et il a été prévu que des votes auraient également lieu. Aucun développement politique nouveau n'explique pourtant cette façon de faire.

Un grand nombre de projets de loi ont été adoptés pendant les trois semaines qui ont précédé les vacances parlementaires de l'an 2000. Chacun a pu constater, à l'occasion de l'examen de ces projets, combien les principes de bonne législation n'ont guère été respectés. Il est incompréhensible que le Sénat consentit à nouveau à pareille méthode de travail, surtout qu'au cours des deux années écoulées de la législature, le Sénat a généralement voté dans les délais convenus.

Le président se réfère à l'article 23.2 du Règlement du Sénat, qui prévoit que « les commissions se réunissent sur convocation de leur président ou à l'initiative du bureau ou du président du Sénat ». En mettant le projet à l'ordre du jour dès maintenant plutôt que la semaine prochaine, on permet aux commissaires de disposer de davantage de temps pour la discussion. Chacun connaît depuis longtemps la teneur des textes du projet.

Selon le membre, une chose n'exclut pas l'autre. Un des principes d'une assemblée délibérante veut que l'on respecte l'ordre du jour qui a été prévu et que, s'il faut malgré tout le modifier, cela se passe de telle manière que la majorité n'abuse pas systématiquement de sa position dominante.

Il résulte de l'interprétation de l'article 23.2 que les présidents de commission communiquent au Bureau à quel moment et de quelle manière les commissions seront convoquées de sorte que le Bureau puisse vérifier la concordance et la coordination des ordres du jour. Même si le règlement permet au président de réunir la commission, encore faut-il que cela se passe avec les précautions voulues. Cela n'a pas été le cas et le président a en réalité abusé de son pouvoir pour convoquer une commission à une date et à une heure inhabituelles.

Le membre rappelle ensuite que le gouvernement avait, certes, demandé l'urgence, mais que la commission parlementaire de concertation ne l'a pas accordée et que le délai d'évocation a été fixé à 15 jours et le délai d'examen à 60 jours. Ce sont du reste les membres de la majorité qui ont estimé qu'il n'y avait aucune raison de raccourcir le délai d'évocation ou le délai d'examen.

À la demande expresse du membre, il est procédé à un vote sur la poursuite des travaux. La commission décide de continuer ceux-ci par 10 voix contre 3.

Au cours de la discussion générale, le même membre dépose une motion en récusation du président pour cause de partialité dans l'organisation et la conduite des débats. Cette motion est rejetée par 8 voix contre 3.

II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DU MINISTRE DES FINANCES

Le projet de loi est fondé sur deux axes importants :

1. la réduction de la pression fiscale sur les revenus du travail;

2. la neutralité de l'impôt par rapport aux choix de vie.

En ce qui concerne l'ampleur des mesures le ministre se réfère aux tableaux qui se trouvent au rapport de la Chambre (doc. Chambre, nº 50-1270/6, pp. 5-12 et les annexes au rapport pp. 109-128). La totalité de la réforme est de 134,5 milliards de francs.

La réforme contient aussi certains incitatifs :

­ la mobilité;

­ l'amélioration de la prise en compte des enfants à charge;

­ une fiscalité plus écologique en prévoyant une déductibilité pour des investissements qui économisent de l'énergie dans des immeubles résidentiels.

En ce qui concerne la diminution de la pression fiscale sur le travail, le ministre des Finances fait remarquer qu'elle concerne tous les revenus. La mesure la plus novatrice est l'instauration d'un crédit d'impôt remboursable qui concerne les salariés et les indépendants dont les revenus sont supérieurs à 150 000 francs tout en étant inférieur à 650 000 francs. Le projet de loi modifie tous les barèmes, y compris les barèmes les plus élevés (55 % et 52,5 %).

Le deuxième axe de la réforme (neutralité vis-à-vis des choix de vie) comporte notamment les mesures suivantes :

­ alignement de la quotité exempté pour les personnes mariées et les personnes isolées;

­ double réduction d'impôt pour les pensionnés, les prépensionnés et les bénéficiaires d'indemnités AMI.

À la Chambre quelques amendements ont été adoptés.

Un premier amendement concerne la possibilité de déduire les frais de transport pour le transport collectif organisé par l'employeur (amendement nº 25, doc. Chambre, nº 50-1270/004). En vertu de cet amendement, les frais du transport collectif sont déductibles à 120 % à partir de l'exercice d'imposition 2002. Cet amendement répondait à une demande des partenaires sociaux.

Un deuxième amendement concerne les travaux de vacances effectués par les étudiants. Les enfants de parents isolés ou divorcés font l'objet d'une discrimination fiscale lorsqu'ils travaillent pour payer leurs études. L'amendement nº 24 (doc. Chambre, nº 50-1270/004) permet de ne pas prendre en compte les rentes alimentaires attribuées aux enfants de parents divorcés à concurrence de 1 800 euros.

Le projet de loi prévoit une entrée en vigueur progressive de toutes les mesures fiscales, depuis 2001 jusqu'à 2004.

III. DISCUSSION GÉNÉRALE

Un membre souligne que le présent projet est le fruit d'un travail collectif de gouvernement et qu'il s'agit d'un projet équilibré qui est probablement accepté par la population. Le projet élimine les discriminations les plus criantes en matière d'imposition fiscale tout en réduisant la pression fiscale qui dans notre pays est une des plus élevés au monde.

Une deuxième membre adhère à ces propos, mais regrette que l'on soit contraint d'examiner le projet dans un délai très bref. Avant le vote, elle souhaite vérifier si les points retenus par son groupe ont été intégrés dans le projet.

Les principales caractéristiques du projet de loi sont la limitation du barème d'imposition à l'impôt des personnes physiques et le regroupement des possibilités de déduction.

La pression fiscale est actuellement très élevée en Belgique, où elle atteint 46,3 % du PNB. La question est dès lors de savoir dans quelles proportions ce pourcentage va diminuer après la réforme. La réponse à cette question est importante pour la compétitivité de la Belgique par rapport aux pays qui nous entourent.

Une autre question de l'intervenante concerne la simplification de la déclaration fiscale. Le premier ministre a annoncé récemment que certaines catégories de contribuables pourraient introduire leur déclaration sous forme électronique. Sera-ce déjà possible pour les revenus de cette année ?

Un autre membre se préoccupe de la situation belge par rapport à celle de nos partenaires européens. L'effort à accomplir par le projet de loi vise à rattraper la moyenne européenne. Au 1er janvier 2002, l'imposition maximale sera au niveau de 52 % en Belgique. En Allemagne, l'imposition maximale s'élèvera à 48 %. Si l'objectif à atteindre est en effet de rattraper la moyenne européenne en 2006, il ne peut être perdu de vue que celle-ci, dans le même temps, continuera aussi à baisser en raison des réformes entamées dans les pays voisins. La question est de savoir comment le gouvernement envisage de rester dans la moyenne européenne.

Le membre ajoute que cette préoccupation n'enlève rien aux mérites de la réforme proposée.

Un membre constate que le projet de loi instaure un nouveau crédit d'impôt pour les revenus du travail peu élevés. Il aimerait obtenir des précisions concernant les catégories de contribuables à qui on n'accorde pas de crédit d'impôt. Pourquoi utilise-t-on, pour le crédit d'impôt, la technique du remboursement ? Pourquoi le projet de loi choisit-il de réaliser le crédit d'impôt en trois étapes pour les revenus d'activités ?

L'indexation des barèmes fiscaux est évidemment une bonne chose en soi, mais son impact bénéficie surtout aux revenus les plus élevés. Comment le ministre justifie-t-il cela ?

Un membre souhaite connaître le nombre de contribuables concernés par le crédit d'impôt et le nombre de contribuables concernés par l'abrogation des deux taux les plus élevés, à savoir ceux de 52,50 % et 55 %. Dans quelle mesure les contribuables disposant de revenus moyens bénéficieront du nouveau barème d'imposition ?

Un autre membre constate que le gouvernement favorise les solutions alternatives pour le transport du domicile au lieu de travail, notamment par le biais de la déductibilité de 6 francs par kilomètre pour le déplacement à vélo. A partir de quelle distance cette mesure devient-elle rentable, compte tenu du forfait appliqué ?

Un commissaire regrette que le projet ne résolve pas le problème des dépenses fiscalement déductibles, pour lequel on avait déjà proposé, à l'époque, un système dit de corbeilles. Il s'agit d'un élément non négligeable de la modernisation et de la simplification de la fiscalité. Quand le gouvernement poursuivra-t-il la mise en oeuvre ?

Un membre signale que la réforme fiscale en discussion n'est possible que grâce à la marge budgétaire dont dispose le gouvernement actuel. Cette marge n'a été rendue possible que par la politique d'assainissement menée par les gouvernements précédents.

La réforme ne sera mise en place que graduellement. Pour l'année budgétaire 2002, il s'agit de 10 milliards de francs sur un total de 135 milliards. D'ici les prochaines élections législatives, la réforme fiscale à l'examen ne sera réalisée qu'à raison d'un cinquième. En fait, la réforme fiscale en perspective n'est donc rien d'autre qu'une simple promesse, dont on peut uniquement espérer que les prochains gouvernements n'y manqueront pas.

Préoccupés par le cynisme politique croissant dont font montre de larges couches de la population, certains membres de l'actuelle majorité ont plaidé pour que l'on résorbe le fossé entre les promesses et la réalité. Cette réforme fiscale ne s'est toutefois pas encore dépêtrée de ces anciens travers. Elle repose sur des promesses. Quant à savoir si ces promesses se réaliseront, cela dépend de la situation économique. C'est ce qu'a déclaré le ministre du Budget lui-même. Le prochain gouvernement pourrait donc bel et bien mettre de côté les promesses actuelles.

En outre, la réforme est une occasion manquée. Comme le gouvernement le reconnaît lui-même dans l'exposé des motifs, la fiscalité n'est pas simplifiée.

En ce qui concerne les corbeilles fiscales déductibles, l'avis du Conseil supérieur des finances a été demandé. Cet avis est-il déjà disponible ? Le gouvernement en tiendra-t-il compte ? Procédera-t-il encore, éventuellement sur la base de cet avis, à une deuxième réforme fiscale en vue de réaliser la simplification visée ?

Le projet manque également son but pour ce qui est de la suppression des discriminations à l'égard des personnes mariées. Du reste, les rares améliorations apportées n'entreront en vigueur que dans quelques années.

Le volet de cette réforme censé favoriser les enfants n'aboutit, lui aussi, qu'à des résultats médiocres. Le ministre a déclaré souhaiter étendre jusqu'à l'âge de douze ans la mesure de déductibilité de l'accueil des enfants. Pourquoi ne traduit-il donc pas cette intention en un texte de loi ?

Quant à la réduction de la pression fiscale, l'intervenant attire l'attention de la commission sur une publication du professeur De Grauwe, de laquelle il ressort que la pression fiscale ne diminue pas lorsque les partis libéraux font partie du gouvernement. Cette constatation est, une fois de plus, confirmée. Il n'y a toujours pas de réduction générale de la pression fiscale, pas plus que de réduction de la pression fiscale sur le travail.

Le membre demande quel est l'impact de cette réforme sur les impôts communaux. Le gouvernement soutient-il la proposition de loi visant à supprimer le prélèvement par l'État de 3 % sur les recettes additionnelles à l'impôt des personnes physiques, que le Sénat a déjà adoptée ?

La réforme fiscale pourrait aussi profiter à l'activité économique et avoir ainsi des retombées économiques positives. Quelle sera l'ampleur de ces retombées ?

En ce qui concerne l'autofinancement des travailleurs indépendants, le ministre a récemment mis sur pied un groupe de travail chargé d'examiner comment les PME pourront plus aisément se constituer un capital et obtenir des crédits. Cependant, toutes les entreprises indépendantes n'adoptent pas la forme d'une société. Ces indépendants ne pourraient-ils pas, eux aussi, être encouragés en matière d'autofinancement, par exemple par le biais de l'impôt des personnes physiques ?

On pourrait peut-être s'inspirer quelque peu de l'emprunt appelé « tante Agaath-lening », tel qu'il existe aux Pays-Bas. On a constaté aux Pays-Bas que les indépendants qui éprouvent des difficultés à obtenir un crédit auprès d'une banque s'adressent le plus souvent à des membres de leur famille ou à des connaissances. Les Pays-Bas encouragent fiscalement de tels emprunts personnels. L'intérêt de ces emprunts bénéficie d'une exonération fiscale. En outre, il est considéré comme un emprunt subordonné. S'il n'est pas remboursé, il peut être imputé fiscalement jusqu'à un certain montant. Le ministre est-il prêt à introduire un système similaire en Belgique ?

RÉPONSES DU MINISTRE DES FINANCES

Le ministre déclare que cette réforme fait disparaître une série de discriminations. Rien n'empêche que l'on supprime encore d'autres discriminations spécifiques par la suite. Au sein du cabinet du ministre, l'on a créé un groupe de travail chargé d'éliminer une série de discriminations entre hommes et femmes.

S'agissant des catégories de déductions fiscales, un rapport a effectivement été demandé au Conseil supérieur des finances. Ce rapport n'existe pas encore, parce que le Conseil supérieur doit d'abord encore se pencher sur une série de dossiers urgents. Le ministre espère néanmoins pouvoir engager au Parlement un débat de fond sur ce rapport. Ce débat ne donnera pas lieu à une deuxième réforme générale, mais il pourra éventuellement déboucher sur une modification mieux ciblée de la législation. Pareilles modifications ne peuvent d'ailleurs avoir qu'un seul résultat : une simplification du système fiscal. Elle ne peut pas faire augmenter la pression fiscale.

Toute simplification du système fiscal se caractérise par un paradoxe. Dans une première phase, la simplification débouche sur une plus grande complexité. Il faut en effet élaborer un régime transitoire, de sorte que plusieurs systèmes coexistent pendant un certain temps.

Le Bureau du plan a réalisé une étude qui chiffre à 1,6 % la diminution de la pression fiscale à l'horizon 2006. Si l'on tient compte de l'effet de retour, la diminution atteindra 1,3 %.

La baisse de la pression fiscale variera évidemment en fonction des mesures qui seront prises (voir doc. Chambre, nº 50-1270/6, pp. 11 et 66). L'indexation des barèmes fiscaux et la suppression de la contribution complémentaire de crise ne peuvent pas en soi faire baisser la pression fiscale. Ce n'est qu'en conjuguant ces mesures à la réforme fiscale projetée que l'on arrivera à une baisse réelle de la pression fiscale. D'autres mesures y contribueront également (par exemple les rentes versées aux victimes d'accidents de travail, les frais de garderie, le précompte professionnel plus juste, la conversion en euros des barèmes fiscaux à l'avantage du contribuable, ...). En 2003, la baisse de la pression fiscale directe dans l'impôt des personnes physiques s'élèvera à 138 milliards de francs, ce qui correspond à près de 11 % du montant total des recettes en matière d'IPP. En 2006, cette baisse s'élèvera à 328 milliards de francs, ce qui portera le pourcentage précité à 24,6 %.

La réduction de la pression fiscale est une évolution importante, mais il n'est pas exclu que des mesures supplémentaires s'avèrent nécessaires pour atteindre la moyenne européenne.

La pression fiscale totale que l'on connaissait en Belgique était en effet supérieure à celle que l'on connaissait dans des pays européens comparables. Diverses cotisations de sécurité sociale ont pourtant déjà été revues à la baisse. D'autres réductions des charges sociales suivront éventuellement. De plus, on a restauré l'indexation des barèmes fiscaux. À cela vient maintenant s'ajouter la réforme fiscale à l'examen.

L'effet cumulé de ces mesures permettra indiscutablement à la Belgique de se rapprocher de la moyenne européenne, mais des mesures complémentaires seront sans doute nécessaires pour pouvoir atteindre cet objectif. D'autre part, il faut conserver une vue d'ensemble. Il ne faut pas se laisser aveugler par la baisse de la pression fiscale au sens strict dans les autres pays. En effet, une diminution de la pression fiscale est parfois neutralisée ­ en tout ou en partie ­ par une augmentation de la fiscalité indirecte. Tel a été le cas par exemple aux Pays-Bas.

Cette comparaison européenne doit aussi tenir compte de l'assainissement des finances publiques. La Belgique présente deux handicaps sérieux dans la concurrence interne au niveau européen : un taux d'emploi peu élevé et une dette publique élevée. Pourtant, ces deux handicaps constituent également un avantage. Un pays comme la Belgique peut créer de nouvelles marges budgétaires en augmentant le taux d'activité ou en réduisant la dette.

Certains pays annoncent du reste de grandes réformes fiscales, sans préciser comment ils peuvent les mener à bien dans les limites des marges budgétaires étroites dont ils disposent. La Belgique procède cependant à une réforme fiscale dans les limites du pacte de stabilité.

S'agissant de l'informatisation des déclarations, le ministre espère qu'à partir du 1er janvier 2002, la majorité des déclarations de TVA pourront être introduites par la voie électronique. Dans une phase ultérieure, ce mode de transmission pourra être étendu aux déclarations à l'impôt des personnes physiques.

Environ 1 200 000 personnes bénéficieront du crédit d'impôt. Le crédit d'impôt s'appliquera aux revenus de travail inférieurs à 650 000 francs, qu'il s'agisse d'un salarié ou d'un indépendant, pour autant que ce dernier ne choisisse pas l'application de bases forfaitaires de taxation.

Les mesures concernant les taux d'imposition les plus élevés (52,5 % et 55 %) concernent environ 200 000 contribuables.

Les mesures s'appliquant aux revenus moyens touchent la majorité des contribuables. 62 % des ménages bénéficient de l'augmentation des charges forfaitaires, soit 3 500 000 personnes. La modification du barème pour les revenus taxés à la marge entre 30 et 50 % touche 83 % des contribuables.

D'autres mesures auront un impact sur tous les contribuables, sans discrimination. L'exemple cité est l'augmentation de la quotité exemptée d'impôt pour les mariés (gain de 22 500 francs par couple marié, sans différenciation du niveau des revenus). Le premier taux d'imposition étant de 25 %, si l'on augmente le montant minimum imposable de 45 000 francs, chaque conjoint bénéficiera d'un avantage fiscal de 11 250 francs, soit 22 500 francs belges par couple marié.

En ce qui concerne le crédit d'impôt, le ministre confirme qu'il n'y en a pas pour les revenus de remplacement. Cette distinction est voulue. Le but sous-jacent du crédit d'impôt est de veiller à ce qu'il y ait une différence suffisamment marquée entre les revenus de remplacement et les revenus du travail. Le crédit d'impôt doit favoriser l'accès au marché du travail. En effet, si l'on compare les revenus d'un chômeur complet indemnisé avec, d'une part, le montant du salaire minimum garanti et, d'autre part, le revenu d'activité disponible si l'on tient compte du crédit d'impôt, on constate qu'au lieu de 10 % d'écart entre le revenu de remplacement et le revenu du travail, on passe à 15 % d'écart grâce à l'octroi du crédit d'impôt (voir tableau dans le rapport de la Chambre, doc. 1270/006, p. 8).

Si pendant un an il y a cumul de revenus professionnels et de revenus de remplacement, le crédit d'impôt peut éventuellement être appliqué.

Les premières années, le crédit d'impôt se trouvera dans l'enrôlement. Le ministre a toutefois l'intention d'intégrer progressivement le crédit d'impôt dans les précomptes. Il devrait être possible d'avoir un précompte professionnel négatif.

Le ministre renvoie au tableau qui donne l'impact des mesures fiscales avantageuses pour le contribuable qui sont prévues en matière d'impôt des personnes physiques pour l'actuelle législature et celle à venir (voir le tableau dans le rapport de la Chambre, doc. 50-1270/006, p. 66). Selon ces données, la baisse de la pression fiscale directe sur l'impôt des personnes physiques s'élèvera à 138 milliards de francs belges à partir de 2003. La réforme fiscale sera déjà pleinement applicable aux revenus à partir du 1er janvier 2004.

En ce qui concerne la restauration de l'indexation, le ministre souligne que l'on a tenu compte pour le calcul du précompte professionnel de la décision prise en avril 1999 par le gouvernement précédent de réindexer les barèmes fiscaux. L'impact budgétaire de cette décision a été évaluée à 1,2 milliard de francs pour une année entière. En 2001, l'effet de cette mesure sur le budget fédéral grimpe à 28 milliards, et à 52 milliards en 2003.

Le ministre répète que la réforme fiscale sortira déjà pleinement ses effets pour les revenus de l'année 2004. Rien n'empêche toutefois une mise en oeuvre plus rapide en cas de croissance économique plus forte. Le ministre réitère son intention d'intégrer les diverses mesures le plus rapidement possible dans les précomptes professionnels, de sorte que les salariés puissent bénéficier des avantages fiscaux au même rythme que les indépendants. Ceux-ci pourront, quant à eux, adapter immédiatement, dès le 1er janvier 2004, leurs versements anticipés à l'ensemble des mesures prises dans le cadre de la réforme. L'étalement (entrée en vigueur) est rendu clairement dans le tableau correspondant du rapport de la Chambre (doc. 50-1270/006, p. 124).

À la question d'un membre concernant les déplacements à bicyclette, le ministre insiste sur la distinction suivante.

Il y a, d'une part, l'exonération des payements effectués par l'employeur, ce qui signifie qu'il n'y a pas de taxation comme avantage en nature de ces remboursements. D'autre part, il y a l'avantage nouveau de la déductibilité correspondant au forfait de 6 francs pour les déplacements entre le domicile et le lieu du travail autres que ceux effectués en voiture, voiture mixte, minibus ou motocyclette. En matière de frais professionnels liés aux déplacements entre le domicile et le lieu du travail, rien ne change pour les utilisateurs d'un véhicule automobile, qui continueront à pouvoir déduire 6 francs/km, sans aucune limitation de kilométrage. La nouvelle mesure s'applique entre autres aux moyens de transport en commun, au covoiturage, etc. La déductibilité est limitée à 50 km aller-retour pour la première année d'application (revenus 2001). Une enveloppe budgétaire de 2,5 milliards a été prévue. Si celle-ci n'a pas été entièrement utilisée, le gouvernement s'engage à augmenter le nombre maximum de kilomètres donnant droit à la déduction. Une évaluation définitive est prévue en 2003. L'idée est de favoriser tous les modes de transport autres que le transport individuel en voiture (y compris le vélo, mais surtout le covoiturage). Ce transport individuel en voiture n'est cependant pas pénalisé, vu que certaines personnes doivent nécessairement y avoir recours pour exercer leur activité professionnelle, soit en raison de la nature de la profession, soit en raison de leur localisation.

Par ailleurs, le ministre souligne que le projet de loi à l'examen contient deux simplifications. La première comporte la suppression de deux taux, si bien que l'on n'utilisera plus, désormais, que 5 taux au lieu de 7. La deuxième, qui est la principale, comporte la suppression de toutes les discriminations. Il est vrai que le projet comporte des dispositions présentant un certain degré de complexité. Tel est, par exemple, le cas des diverses dispositions proposées en matière de mobilité, ainsi que de celles visant à promouvoir les investissements économiseurs d'énergie. Comme on s'en doute, l'adoption de telles dispositions constitue le fruit d'un compromis. L'objectif est de procéder à court terme à de nouvelles simplifications.

En ce qui concerne l'objection d'un membre contre le calendrier de la réforme, le ministre répond que celle-ci sera pleinement effective à partir de 2004. Si la situation budgétaire le permet, la mise en oeuvre de la réforme aura lieu plus rapidement que prévu. Toutefois, le ministre préfère être prudent, malgré les prévisions positives du Bureau du plan : on prévoit une croissance économique de 2,4 % pour 2001 et de 2,8 % pour 2002. Le ministre se déclare disposé à moduler quelque peu la mise en oeuvre de la réforme, tout en respectant le programme de stabilité.

En ce qui concerne la discrimination, l'on pourra appliquer ultérieurement des mesures nouvelles et plus poussées.

Le ministre précise que l'on pourrait élargir le champ d'application de la mesure de déductibilité pour les enfants, jusqu'aux enfants de 12 ans. Ces mesures coûteraient 6 milliards. Toutefois, on ne saurait perdre de vue que des mesures importantes ont été prises dans ce domaine. C'est ainsi que le montant maximum déductible par jour de garde et par enfant a été porté de 345 à 450 francs. Par ailleurs, le plafond de déductibilité est passé de 80 % à 100 %.

Le ministre souligne que la réforme fiscale fédérale n'aura aucune influence sur le financement des communes. Les communes conservent leur autonomie pour ce qui est de la fixation des centimes additionnels. Le ministre renvoie, à cet égard, à la proposition de loi visant à supprimer le prélèvement par l'État de 3 % sur les taxes additionnelles à l'impôt des personnes physiques (doc. Sénat, nº 2-24, 1999-2000), dont la commission compétente de la Chambre est saisie actuellement. L'on a également prévu, au Conseil supérieur des Finances, une quatrième section chargée des pouvoirs locaux.

En ce qui concerne les effets de retour positifs, le ministre fait référence aux données qui figurent à la page 66 du rapport de la Commission de la Chambre. La pression fiscale dans le domaine de l'impôt des personnes physiques diminuera de 169 milliards de francs. Les effets de retour positifs oscilleront entre 30 et 35 milliards de francs.

La différence s'élève donc à 134 milliards de francs, un chiffre qui a déjà été cité. L'on a donc déjà tenu compte des effets de retour positifs pour calculer le coût de la réforme fiscale, et ceux qui projettent d'utiliser ce montant à d'autres fins sont dans l'erreur.

En ce qui concerne l'accès des entreprises et, plus particulièrement, des petites et moyennes entreprises, au capital, le ministre attire l'attention sur le fait qu'un groupe de travail a été chargé d'étudier le problème. MM. Éric André et Aimé Desimpel dirigent les travaux. Les résultats des travaux du groupe de travail et la réforme globale du secteur financier sont attendus pour la fin octobre, ou le début du mois de novembre. Les procédures de consultation sont en cours. L'ensemble fera l'objet de deux ou trois projets de loi. En ce qui concerne le contrôle des marchés financiers et le rapport des groupes de travail sur l'accès des entreprises au capital, les discussions auront lieu d'abord au Sénat.

RÉPLIQUES DES COMMISSAIRES

Un membre souhaite brièvement revenir sur deux points qui ont déjà été évoqués par d'autres intervenants. En ce qui concerne la pression fiscale, il y a toujours bien quelqu'un qui s'en tire mieux que les autres, ainsi qu'on peut le constater au vu du grand nombre de Hollandais et de Français qui s'établissent en Belgique. Force est également de constater que la progressivité de l'impôt est quelque peu écimée et que la pression fiscale sur les revenus du travail demeure désespérément élevée et qu'à cet égard, il y a un déséquilibre manifeste avec le traitement fiscal des revenus mobiliers. Il faudrait tout de même faire en sorte de réduire la pression fiscale sur les revenus du travail afin d'augmenter le taux d'activité, et, en compensation, augmenter quelque peu la pression fiscale sur les revenus mobiliers.

Pour ce dernier point, le ministre renvoie à l'accord de gouvernement. En ce qui concerne l'impôt sur les revenus mobiliers, la Belgique s'inscrit dans le cadre européen pour ce qui est de l'impôt sur l'épargne.

Le ministre signale qu'il disposera, la semaine prochaine, d'un calendrier précis pour la réalisation de l'accord sur le volet fiscal. Si des décisions devaient être prises sur ce plan, elles aboutiraient à une nouvelle réduction de la pression fiscale sur les revenus du travail. Il faut toutefois tenir compte du fait que ce qui se passe actuellement, au niveau européen, concerne les non-résidents, et que donc rien ne changera pour les Belges qui investissent leurs avoirs en Belgique et y déclarent leurs revenus.

En tout cas, le gouvernement n'a certainement pas l'intention de compenser la réduction de la pression fiscale sur les revenus du travail par une augmentation de la pression fiscale sur d'autres revenus. La pression fiscale globale est supérieure à la moyenne en Belgique. Toute harmonisation au niveau européen ne peut donc que s'avérer favorable au contribuable belge.

Concernant la progressivité, le ministre renvoie aux tableaux informatifs qu'il a distribués lors de la présentation de la réforme. Il ne faut pas se fier à une première impression. Il est exact que la tranche fiscale la plus élevée descend à 50 %. Mais par ailleurs, grâce au crédit d'impôt, la tranche la moins élevée passe de 0 % à -15 au -16 %. La progressivité augmente donc de 10 %.

La réforme renforce donc bel et bien la progressivité, et elle le fait d'une autre manière encore. La réforme a des effets favorables pour tous les contribuables mais, il n'empêche qu'après la réforme, les tranches de revenus plus élevés supporteront une part plus importante de l'ensemble des impôts sur les revenus. En montants absolus, les réductions sont effectivement plus importantes pour les revenus élevés - on part, donc, de montants nettement plus élevés, mais, en pourcentage, la réduction est plus grande pour les revenus les plus bas (3,8 % contre 1,9 % pour les tranches supérieures).

Selon le ministre, le fait que le crédit d'impôt n'est finalement pas aussi élevé qu'il l'envisageait initialement, ne change rien; il reste convaincu qu'en Belgique on doit payer des impôts beaucoup trop rapidement ­ c'est-à-dire à partir de montants bien trop faibles ­ et que l'on arrive aussi bien trop vite à la tranche maximale.

Un autre membre constate que le ministre n'a pas répondu à sa question sur l'emprunt de type « tante Agaath » et le problème de l'autofinancement des entreprises indépendantes. Le système a été introduit aux Pays-Bas le 1er janvier 1996 et concerne non seulement l'impôt des sociétés mais aussi l'impôt des personnes physiques.

Avec ce système, il devient fiscalement avantageux pour les particuliers de prêter de l'argent à des entrepreneurs débutants si un certain nombre de conditions ont été remplies. De son côté, l'entrepreneur peut réunir bien plus facilement son capital initial. Le système s'applique, que l'on prête individuellement ou que l'on passe par une société de participation. L'avantage fiscal consiste en une exonération supplémentaire d'intérêt à l'impôt sur les revenus pendant 8 ans maximum. Le prêt doit servir à l'acquisition d'actifs qui feront obligatoirement partie du patrimoine de l'entreprise. Il existe également une possibilité de déduction au cas où la personne qui a consenti le prêt se voit obligée d'en accorder remise partielle parce que l'entreprise ne fait pas de bonnes affaires et ne peut rembourser ses dettes. Les transactions sont déductibles à l'impôt des personnes physiques jusqu'à concurrence de 50 000 florins maximum.

Le prêt doit être constaté dans un document écrit, qui doit être enregistré à l'administration fiscale. Son montant doit être de 5 000 florins au moins et le taux d'intérêt ne peut dépasser le taux légal. Cet aspect-là est intéressant aussi pour l'entreprise débutante qui, souvent, ne peut obtenir que des conditions moins intéressantes sur le marché. Il n'est pas toujours facile, pour des petites entreprises ou des indépendants, d'obtenir un financement. Enfin, il doit s'agir d'un emprunt subordonné.

Rien que la première année, quelque 4 000 indépendants ont pu obtenir un prêt grâce à ce système, pour un total d'environ 16 milliards de francs. Pareil système permettrait aux indépendants de lancer leur entreprise et d'accroître leur capital investi.

Le groupe de travail dont a parlé le ministre examine la question sous l'angle de l'impôt des sociétés, mais il s'agit spécifiquement ici d'un régime destiné aux entrepreneurs qui n'adoptent pas la forme sociale.

Un autre intervenant souligne qu'un système comparable d'emprunts à titre gratuit, destiné à des indépendants débutants, a existé il y a une dizaine d'années en Belgique. La SNCI pouvait accorder des prêts allant jusqu'à 500 000 francs à des indépendants débutants, mais après quelque temps, le système est mort de sa belle mort.

L'intervenant précédent signale que l'on a pu entendre ou lire récemment encore, dans les médias, que les petits prêts aux indépendants ne sont pas intéressants pour les banques, ce qui fait qu'elles répugnent à prendre des risques et qu'elles imposent des conditions strictes. Un petit indépendant qui monte son affaire fera donc rapidement appel à sa famille ou à son cercle de connaissances.

Le ministre répète qu'en tout cas, il souhaite attendre le rapport du groupe de travail. D'ailleurs, les points de vue divergent : la CBF et l'Association des banques ont parfois des avis divergents sur ce problème. Il confirme, en réponse à la question du membre, que le groupe de travail peut également se pencher, dans le cadre de ses travaux, sur les prêts accordés par des particuliers à des indépendants qui lancent leur affaire.

Un commissaire revient sur le problème de la mobilité. Pourquoi n'a-t-on pas créé une corbeille forfaitaire unique pour tous les modes de déplacement entre le domicile et le lieu de travail ? Un régime de déduction forfaitaire, quel que soit le mode de transport utilisé, serait plus simple, plus favorable à la mobilité et à l'environnement ­ il en va de même pour les cyclistes et les piétons ­ et favoriserait la sécurité.

Du reste, on va créer un régime fiscal très favorable pour le transport collectif organisé par l'employeur, assorti d'une déductibilité supplémentaire pour le travailleur, ce qui engendrera une inégalité qui viendra s'ajouter à celle qui est créée par les différences en fonction du moyen de transport choisi.

Pour certains véhicules (les motos, les pick-up), le montant total est déductible de manière illimitée; pour d'autres véhicules, (les voitures personnelles, les minibus) on peut déduire 6 francs par kilomètre (plus l'autofinancement et la radio) pour un nombre illimité de kilomètres; dans d'autres cas, encore, on peut déduire 6 francs par kilomètre pour maximum 25 km, même si la distance réelle est beaucoup plus longue et que le déplacement dure beaucoup plus longtemps. L'intervenant estime donc que ceux qui ont recours au covoiturage et les cyclistes auront un traitement moins favorable qu'auparavant.

Le ministre fait observer qu'actuellement, ces deux dernières catégories ne bénéficient d'aucune déduction fiscale. La logique du système n'est pas celle d'une corbeille, mais bien celle de frais professionnels déductibles, ce qui est très différent.

Selon un commissaire, l'administration fiscale doit appliquer la loi fiscale. La commission a entendu, il y a quelque temps, les hauts fonctionnaires de l'administration sur les projets de réforme et le commissaire du gouvernement sur la lutte contre la grande fraude fiscale. L'issue de toute réforme dépend en grande partie de la lutte contre la fraude fiscale. La réforme est-elle applicable ? L'administration dispose-t-elle de moyens suffisants, tant au point de vue quantitatif qu'au point de vue qualitatif, pour l'appliquer rapidement et convenablement ?

Le ministre attire l'attention sur son intention de soumettre sous peu, c'est-à-dire, en principe, avant les vacances parlementaires, deux projets sur la lutte contre la fraude fiscale et la simplification au Parlement. Ils ont été approuvés avant-hier par le comité de direction des administrations fiscales. Il souhaitait que, dans les réformes, l'accent soit mis sur deux points : la diminution de la fiscalité sur le travail, ce qui, en raison de la suppression des barèmes fiscaux les plus élevés, constituait déjà en soi une forme de simplification, et la suppression de toutes les discriminations, qui réduira également la complexité de l'ensemble. Mais d'autres questions et mesures, telles que la nouvelle déductibilité des frais résultant des mesures d'économie d'énergie et la limitation de la déductibilité des frais de déplacement, rendront quant à elles les choses plus complexes.

Un membre renvoie à une étude du professeur Cantillon du Centrum voor sociaal beleid sur les effets redistributifs du projet. La sécurité sociale est, certes, actuellement, un instrument très important dans la lutte contre la pauvreté, mais elle a manifestement des limites. On s'intéresse donc de plus en plus à la fiscalité en vue de redistribuer les richesses et de lutter contre la pauvreté. Cette étude montre cependant que l'effet de la réforme à l'examen sera très limité dans ce domaine, car rien n'a été prévu pour les revenus les plus faibles. Manifestement, l'effet redistributif de l'impôt des personnes physiques diminuera légèrement, contrairement à ce qui s'est passé à la suite de la réforme fiscale précédente.

Le bénéfice net pour les groupes qui vivent dans la pauvreté, pour les familles monoparentales, etc. est plus faible que pour la classe moyenne. On ne peut que le regretter.

Le ministre fait observer que pour une personne qui travaille à temps partiel, par exemple, le crédit d'impôt correspond presque à un treizième mois. Cela ne résout pas tous les problèmes, mais ce n'est pas rien.

Selon un commissaire, une réforme fiscale doit faire l'objet d'un débat sérieux, parce que c'est précisément une des missions les plus importantes du Parlement de s'intéresser de très près à ces matières. Il est donc important de consacrer suffisamment de temps à la matière et d'examiner si les propositions du gouvernement contribuent à résoudre une série de problèmes qui se posent actuellement en matière de droit fiscal.

Les impôts sont une des grandes réalisations de la Révolution française. Évidemment, il existait déjà, avant la révolution des formes importantes de recettes publiques. On peut faire référence, par exemple, au Colbertisme en France, avec des entreprises publiques et une forme d'économie d'État, la vente de mandats publics comme des fonctions de juge et de notaire ­ un système appliqué par François 1er pour financer la construction de Chambord et dont la dernière relique, en particulier dans le domaine de la nomination des notaires, n'a disparu que très récemment de notre système juridique ­, des services de compensation pour certaines prestations, le système du tribut, des expéditions pour alimenter les caisses de l'État par un butin de guerre, etc.

Les impôts représentent actuellement 90 % des recettes publiques, avec les cotisations de sécurité sociale, laquelle est toutefois organisée différemment, sur le plan de la responsabilité politique également. Évidemment, force est de se demander comment on en est arrivé au fil des années en Belgique, à une pression fiscale aussi exagérée. Chacun s'accorde à dire qu'il faut remédier rapidement à ce problème.

Ce qui est cependant très important ­ et c'est un acquis dans le monde anglo-saxon depuis 1215 et la Grande Charte ­, c'est qu'il appartient aux représentants politiques de fixer l'impôt. Telle était aussi la première responsabilité politique du législateur, en même temps que la protection des libertés des citoyens contre l'arbitraire des pouvoirs publics.

Ce qui est caractéristique, et tel est encore le cas dans une certaine mesure, c'est que le prélèvement fiscal était lié jusqu'à un certain point à l'obtention de droits et de libertés additionnels. On en trouve un exemple dans notre histoire dans l'attitude des états généraux à l'égard des autorités autrichiennes.

La Révolution française a créé le système de l'établissement de l'impôt sur la base de l'adoption d'une loi et a consacré le principe de l'annalité. C'est le système que nous connaissons encore aujourd'hui.

Suffrage universel et impôt direct ont toujours été liés.

L'intervenant se réfère au ministre français Poincaré, membre du parti républicain progressiste, dont les deux slogans étaient « contre l'impôt direct » et « contre le suffrage universel ».

De même, en Belgique, l'instauration de l'impôt direct annuel a coïncidé, en 1919, avec l'introduction du suffrage universel.

On a donc toujours lié la levée de l'impôt à l'octroi, en compensation, de certains droits politiques et libertés. Toute réforme fiscale est aussi la conséquence de certaines pressions qui s'exercent au sein de la société.

Par ailleurs, plus les pouvoirs publics sont nombreux, plus on lève d'impôts, puisque tout pouvoir public qui se respecte entend accomplir un certain nombre de tâches et que le moyen le plus simple pour les financer est le recours à l'impôt.

L'intervenant doute que cela aboutisse à une diminution de la pression fiscale.

La réforme envisagée ne porte que sur une partie des impôts, à savoir l'impôt des personnes physiques. Or, un certain nombre de problèmes sont à déplorer dans d'autres secteurs. Ainsi, la règle des contributions de sécurité sociale, qui sont en fait aussi un impôt, ne répond pas au principe de l'annualité, parce qu'il ne s'agit pas d'impôts au sens formel.

Une partie de la pression fiscale découle donc, dans une certaine mesure, du fait qu'une part des prélèvements fiscaux n'est plus soumise au contrôle parlementaire, mais résulte de décisions de l'exécutif, prises essentiellement par voie d'arrêtés royaux.

En outre, une série de principes fondamentaux, comme le principe de la légalité et le principe de l'annualité de l'impôt, ainsi que celui de l'égalité devant l'impôt subissent une forte pression dans la réalité politique. Ceci résulte notamment de l'usage répété, par le gouvernement, du système des lois-programmes et, dans ce cadre, d'importantes délégations de compétence au Roi, qui portent atteinte au principe de légalité.

L'intervenant se réfère à l'interview de l'ancien ministre allemand Scheuble, parue récemment dans la presse allemande et intitulée : « Les politiciens qui proposent un plan pluriannuel sont fous. » Le docteur Scheuble y démontrait de façon convaincante qu'il n'est pas sérieux de vouloir faire des prévisions fiscales pour plusieurs années.

En effet, qui peut prévoir ce que seront les recettes fiscales dans plusieurs années ?

On peut évidemment proposer une réforme fiscale, comme le fit le ministre Dequae en 1963. Cette réforme fut vivement combattue par les libéraux, parce qu'elle prévoyait le prélèvement d'un impôt sur les revenus mobiliers.

Bien que l'on puisse se réjouir en soi des mesures proposées aujourd'hui en vue de réduire la pression fiscale, l'intervenant s'étonne que le ministre des Finances n'ait pas songé à examiner la possibilité de rétablir une plus grande égalité entre les prélèvements opérés sur les revenus du patrimoine et sur ceux du travail, les premiers ayant du reste tendance à devenir plus importants que les seconds.

Il se pose en tout cas, de façon générale, un problème quant à la justice interne du système.

De plus, le plan pluriannuel proposé s'étend au-delà de l'actuelle législature et ne peut donc en aucune façon lier la majorité future. Il s'agit seulement d'une déclaration d'intention politique. L'extrapolation des revenus financiers pour les années à venir n'offre aucune certitude.

Un problème important est celui du respect du principe d'égalité devant la loi et notamment devant la loi d'impôt. Or, s'il est un domaine où les citoyens ne sont pas égaux, c'est bien devant l'impôt.

En effet, la pression fiscale effective dépend du revenu net et donc des abus dans la conversion des revenus bruts en revenus nets et des connaissances que l'on a ou non des matières fiscales.

Ainsi, l'on est assujetti à un tout autre régime fiscal, selon que l'on exerce une même activité en tant que personne physique ou en tant que société.

La question est de savoir si cette différence de statut suffit à justifier une pareille différence dans le régime d'imposition.

Les problèmes relatifs au principe de l'égalité devant l'impôt augmentent en raison du manque de transparence de la législation fiscale.

Celle-ci fait l'objet, chaque année, de plusieurs modifications, toujours prises dans l'urgence, et en outre, avec une certaine « prétention fiscale ».

En effet, le fisc, partant de l'idée de la suprématie de la loi fiscale, estime qu'il peut utiliser des notions autonomes par rapport à la législation « ordinaire », et ses décisions sont exécutoires immédiatement.

Il en résulte plusieurs centaines de milliers d'affaires contentieuses.

On aurait donc pu, à l'occasion de la présente réforme, mettre à l'ordre du jour une série de problèmes relatifs à la modernisation de la législation fiscale, à l'accessibilité et à la transparence du système.

On aurait pu aussi prévoir une responsabilité beaucoup plus grande pour les prélèvements fiscaux.

Actuellement, on a abouti à une pratique directement contraire à la Magna Charta de 1215, qui s'inspirait déjà du principe « no taxation without representation ».

Aujourd'hui, on déroge systématiquement à ce principe par le système des dotations et du fédéralisme de consommation.

Cela signifie que, bien que l'autorité publique fédérale prélève la plus grande partie des impôts, on ne peut lui demander des comptes en ce qui concerne les dépenses, parce que celles-ci se situent à un autre niveau.

Cette évolution, encore accentuée par les accords du Lambermont, de la Saint-Boniface, et de la Saint-Polycarpe, remet en cause l'un des grands principes acquis au cours des siècles, à savoir la responsabilité politique de celui qui prélève l'impôt.

Compte tenu des grandes ambitions exprimées par le gouvernement, l'intervenant s'étonne que la réforme fiscale envisagée reste aussi modeste.

On touche en effet à l'impôt des personnes physiques, mais non à l'impôt des sociétés.

Voici quelques mois, à New York, le premier ministre avait cependant annoncé une réforme en la matière.

La presse a récemment mentionné le problème particulier des centres de coordination, où la Belgique devrait prendre des mesures pour satisfaire à ses obligations européennes.

Réexaminer l'impôt des sociétés a en tout cas son importance, puisque, comme déjà indiqué, il serait utile de comparer la pression fiscale exercée sur les personnes physiques et sur les sociétés pour l'exercice d'une activité identique.

L'intervenant évoque ensuite le système d'impôt particulier applicable aux fonctionnaires européens, qui a des effets très néfastes sur les recettes de l'impôt communal, alors que les communes doivent faire face à toutes sortes de dépenses utiles à la collectivité.

Ce système représente 8 milliards d'avantages fiscaux supplémentaires pour les eurocrates.

L'intervenant estime que la Belgique devrait profiter de sa présidence de l'Union européenne pour attirer l'attention sur la nécessité d'un système plus équitable, car le principe de l'égalité des citoyens devant la loi est actuellement violé par l'existence d'une série de régimes d'exception.

S'il est bien une législation dont la qualité juridique devrait être examinée au regard des règles existantes, c'est bien la législation fiscale. En effet, le citoyen doit pouvoir, en lisant simplement la loi, savoir de quoi il retourne, quelle est la nature et la portée de l'impôt. Or, il existe au Sénat un service d'évaluation de la législation, qui a été créé notamment pour contrôler la qualité des projets de loi qui viennent de la Chambre. Mais que fait la majorité ? Elle évoque le projet de loin, non pour le discuter, mais pour le voter tel quel. Le moins qu'on puisse attendre du Sénat est un avis du service d'évaluation de la législation sur la qualité juridique et la cohérence interne du texte.

Parmi les différents revenus qui font l'objet d'impositions, il est un revenu immobilier important, à savoir le revenu cadastral. Le revenu cadastral n'a plus été actualisé depuis des années et tout le monde s'attendait à ce que ce soit enfin le cas. Soit dit en passant, la question se pose de savoir si l'impôt sur le revenu cadastral dans certaines circonstances est bien un impôt sur le revenu, et pas plutôt sur le capital. En effet, celui qui est propriétaire de son logement profite en fait de son propre capital et l'impôt sur le cadastre peut dès lors être vu comme un impôt sur le capital. L'on peut se demander si, à l'occasion d'une réforme aussi importante du système fiscal, votée au Parlement, l'on ne pourrait pas se pencher sur le problème des revenus immobiliers et des impôts qui y sont liés, pour lesquels la fiscalité locale joue naturellement un grand rôle.

Les impôts sur les revenus immobiliers et mobiliers et sur le capital ont fait l'objet d'un compromis à Luxembourg pour l'an 2010 ou 2012. Mais était-ce une décision définitive ou simplement un accord au niveau européen, qui donnera lieu encore à une série de sommets européens ? A priori, il ne semble en tout cas pas s'agir de modifications significatives garantissant une plus grande clarté pour le citoyen.

Le gros problème de la réforme fiscale concerne toutefois les charges déductibles. La déductibilité des charges est accrue, ce qui est en soi un élément positif. Mais n'aurait-on pu profiter de l'occasion pour mieux cerner le concept de « charges déductibles », de manière à ce que la base imposable soit relevée de façon équitable et qu'on puisse abaisser encore le taux d'imposition ?

Des exonérations sont prévues, mais il est important que le législateur soit cohérent et logique. L'orateur mentionne à cet égard la proposition de loi nº 2-127 modifiant diverses dispositions relatives à l'impôt sur le revenu, en vue de supprimer la discrimination fiscale frappant les personnes mariées, dont il est coauteur.

En pratique, la législation fiscale répertorie toutes sortes de revenus et les soumet éventuellement à des systèmes de taxation distincts. La question est de savoir, en tout cas pour les personnes physiques, s'il y a suffisamment de raisons de maintenir toutes ces approches différentes pour les revenus professionnels.

L'orateur demande également si l'on a réfléchi à la taxation des plus-values. Il existe des taxes sur les plus-values portant sur certains actifs, mais il n'en existe pas sur les plus-values réalisées sur des actions ou des obligations. Pourquoi maintient-on l'imposition des plus-values dans certains cas et n'en propose-t-on pas dans les autres cas ? C'est d'autant plus contestable dans le cas de plus-values forcées, par exemple à la suite d'une expropriation. Dans le Code civil, la distinction entre biens mobiliers et immobiliers est certes la summa divisio, mais l'intervenant estime que cette distinction n'est pas pertinente pour la taxation des plus-values. La présente réforme était également l'occasion de se pencher sur la problématique de la taxation des plus-values.

Le système des taux d'imposition a été adapté et le taux supérieur a été réduit, ce dont tout citoyen ne manquera pas de se réjouir. Toutefois, s'est-on demandé si le système proposé aux Pays-Bas, qui consiste à appliquer un taux d'imposition global, mais sur une base brute plus élevée, ne mène pas à une imposition plus équitable ?

Si l'on voulait maintenant avoir une vision globale de la réforme fiscale, il faudrait au moins qu'elle ne se répartisse pas sur plusieurs années. Il faudrait une loi qui dispose directement et clairement ce que sont les nouveaux impôts. Or, la présente réforme se caractérise par un étalement dans le temps qui n'est pas toujours justifié.

Enfin, il est un type de réduction d'impôt dont l'orateur trouve qu'il faudrait examiner si l'on ne pourrait pas revenir au système initial en ce qui le concerne, à savoir la déduction de l'épargne à long terme et de l'épargne-pension. En 1993, lorsqu'on a modifié le système de déductibilité de l'épargne à long terme et de l'épargne-pension pour diminuer cette déductibilité, l'actuel ministre des Finances, à l'époque membre de la Chambre des représentants, s'y était vivement opposé. L'intervenant partageait ce point de vue. Il trouvait en effet que la modification de la déductibilité de l'épargne à long terme et de l'épargne-pension constituait un mauvais signal dans l'optique du deuxième pilier du régime des pensions concernant le financement des pensions complémentaires, mais cette mesure était justifiée par la situation économique exceptionnellement mauvaise de 1993, caractérisée par une croissance négative et de gros problèmes budgétaires. Concrètement, dans le nouveau régime, ces formes d'épargne ne peuvent plus être déduites du revenu imposable, mais elles peuvent donner lieu à une réduction de l'impôt dû in fine. Cette mesure a eu des conséquences immédiates sur les épargnes-pensions et les fonds, et aussi dans un certain sens sur la stabilité du cours des actions, dans une période où la situation en Bourse n'était pas brillante.

Le rétablissement de la déductibilité de l'épargne à long terme et de l'épargne-pension constituerait une mesure positive qui pourrait notamment résoudre le problème des pensions des indépendants. Si l'autorité estime qu'elle ne peut remédier au problème du montant trop bas des pensions pour les indépendants, le moins qu'elle puisse faire serait de permettre l'augmentation de la déductibilité des compléments de pension pour les indépendants.

Il est un fait ­ d'autres intervenants l'ont souligné ou vont le faire ­ que la présente réforme fiscale présente des aspects positifs. Qui voterait contre une réduction d'impôts ? Le parti de l'orateur n'a pas cette intention. Cependant, des éléments suscitent aussi des objections, par exemple le fait que le décumul des impôts pour les couples mariés soit reporté. Il est facile de toujours reporter les mesures à plus tard.

Bien que la réforme fiscale apporte un certain nombre d'avantages immédiats, on aurait tout de même pu choisir une autre méthode législative pour instaurer ces avantages et opter pour une codification moderne, au vrai sens du terme, c'est-à-dire qu'on aurait pu mettre fin à cette pratique de législation « de réparation » dont la fiscalité a eu à souffrir en permanence. L'intervenant établit un parallèle avec le Code Napoléon en matière de droit civil. On laisse ainsi passer une occasion dans le domaine fiscal.

Une grande opération de codification se distingue d'une coordination ou ­ comme c'est le cas ici ­ d'un simple amalgame de dispositions diverses, en ce qu'elle participe d'une approche plus conceptuelle visant, au départ de la législation de base, à dégager un nouveau système juridique plus simple. Cela entraînerait des économies considérables en frais de procédure et aboutirait à une meilleure perception de l'impôt. En effet, une règle claire et lisible réduirait le nombre des contestations et permettrait également de résoudre plus rapidement les litiges existants.

Le problème de la réforme récurrente tient précisément à ce qu'elle ne met en oeuvre l'idée de codification, avec la conséquence que l'on est confronté sur le terrain à une législation hypothéquée. De ce fait, et en raison de l'étalement des réformes dans le temps, on se trouve en présence d'un problème politique fondamental.

La confiance légitime du contribuable se trouve en effet ébranlée. Nombre de procès sont intentés devant des tribunaux civils pour mettre en cause la responsabilité du législateur. On considérait autrefois que celle-ci ne pouvait être attaquée, mais la primauté du droit international a conduit à l'idée que la responsabilité du législateur peut bel et bien être mise en cause. C'est le cas si une loi venait à enfreindre le droit de l'Union européenne ou des conventions internationales qui priment le droit national. Si un tribunal devait faire une telle constatation, la responsabilité du législateur pourrait être engagée.

L'intervenant cite l'exemple de la loi de 1988 « sur le pilotage » par laquelle le législateur a modifié, avec un effet rétroactif de plusieurs dizaines d'années, les règles de la responsabilité de l'État belge pour les fautes commises par les pilotes. Dans deux arrêts, de 1983 et 1985, la Cour de cassation avait, en effet, tenu l'État pour responsable de ces fautes en déclarant applicable en la matière le droit général de la responsabilité. Confronté à des dizaines d'actions en responsabilité pour un montant total de plusieurs milliards de francs, l'État belge a alors tout simplement modifié les règles régissant la responsabilité avec un effet rétroactif d'environ 30 ans. Si la Cour d'arbitrage a écarté les objections soulevées par les armateurs concernés, la Cour européenne des droits de l'homme a pour sa part jugé, en novembre 1995, que le législateur belge avait enfreint la Convention européenne des droits de l'homme sur quelques points. Depuis lors, la Cour de cassation belge, elle aussi, a jugé en 1998 que la loi en question était effectivement contraire à la CEDH.

Beaucoup de juristes estiment dès lors que la responsabilité de l'État belge peut être engagée, non seulement du fait de la violation des conventions internationales, mais aussi en cas de non-respect des principes de bonne réglementation ou des principes généraux du droit. Il existe sur la législation fiscale adoptée avec effet rétroactif, une jurisprudence qui a ébranlé la confiance légitime du citoyen dans l'autorité. La législation en projet, qui étale la réforme fiscale dans le temps, soulève elle aussi des interrogations juridiques, car cet étalement permet au contribuable de planifier certains actes fiscaux.

Le législateur futur est-il lié ­ et si oui, dans quelle mesure ­ par l'attitude que le pouvoir prend aujourd'hui ? La responsabilité du législateur pourrait-elle être mise en cause s'il modifirait ultérieurement des règles qui ont été arrêtées pour l'avenir ? Le gouvernement estime-t-il que le législateur soit à l'avenir entièrement libre de voter de nouvelles lois fiscales qui reviendraient éventuellement sur les plans présentés aujourd'hui ? C'est un problème d'importance, car on sait que des catégories profesionnelles entières vont accomplir certains actes ou réaliser des investissements en fonction du projet de loi à l'examen en vue, par exemple, d'amortissements ultérieurs.

Le Conseil d'État aussi a pointé du doigt ce problème de l'échelonnement dans le temps. Il a notamment dit ce qui suit (doc. Chambre, nº 50-1270/1, p. 66) :

« Article 63 de l'avant-projet de loi est rédigé comme suit :

Les dispositions de la présente loi entrent progressivement en vigueur à partir des exercices d'imposition 2002 à 2004, selon les modalités fixées par le Roi, par arrêté délibéré en Conseil des ministres.

Elles sortent leurs pleins et entiers effets à partir de l'exercice d'imposition 2005. »

Le commentaire consacré dans l'exposé des motifs à cette disposition, se borne à préciser que les arrêtés royaux en question sont pris « en tenant compte du coût budgétaire des différentes mesures ». En vertu du principe de la légalité de l'impôt consacré par les articles 170 et 172 de la Constitution, le Roi ne saurait « modaliser » l'entrée en vigueur « progressive » de dispositions législatives modifiant le Code des impôts sur les revenus lorsque le fait générateur de l'impôt, sa base ou son taux, sont en cause.

Tout au plus le Roi pourrait être habilité par le législateur à fixer la date de l'entrée en vigueur de séries prédéterminées d'articles (chacun demeurant indivisible), dont le regroupement serait le fait de la loi elle-même, selon un ordre et dans le respect de délais également fixés par le législateur ».

Une précision d'ordre légistique a certes été apportée dans le projet de loi en ce qui concerne la répartition dans le temps, mais cela ne résout pas la question de la responsabilité.

Un autre point sur lequel le Conseil d'État a dûment attiré l'attention est la problématique de la simplification de la législation fiscale (doc. Chambre, nº 50-1270/1, p. 67) :

« L'Inspection des finances relève ce qui suit à propos de la complexité accrue que l'avant-projet introduit dans la législation fiscale :

« Bien qu'il y ait effectivement un certain nombre de simplifications, l'Inspection des finances doute fort que l'ensemble des mesures proposées engendre une simplification de la législation fiscale déjà beaucoup trop complexe actuellement, ce qui est d'ailleurs l'une des principales causes externes d'un contrôle tout à fait insuffisant des contribuables. (...). » (Traduction)

La problématique de la discrimination possible à l'égard des contribuables s'exprime donc ici aussi, puisque l'effectivité de la législation est compromise. La résolution qui a été adoptée au cours de la législature précédente concernant les principes d'une bonne législation et qui a donné lieu à la création, au Sénat, d'un Service d'évaluation de la législation, posait comme principes la sécurité juridique et l'effectivité de la loi. Cela signifie qu'il faut vérifier l'applicabilité de la loi sur le terrain, en fonction de sa sensibilité à la fraude et de son degré de sécurité juridique.

L'ineffectivité de la loi fiscale, que craint l'Inspection des finances, entraîne l'inégalité des citoyens devant le fisc. C'est le cas non seulement en raison de la complexité croissante de la législation fiscale, dont témoigne la longue énumération que donne l'Inspection des finances et qui est reproduite dans l'avis du Conseil d'État (doc. Chambre, nº 50-1270/1, p. 67), mais aussi parce que cela accentuera encore le manque d'effectivité des contrôles fiscaux par rapport à la situation actuelle.

Nombre de questions parlementaires ont en effet souligné que dans certaines régions, de 3 à 4 % seulement des contribuables sont contrôlés. Les fonctionnaires du ministère des Finances en poste à Anvers ont même organisé une manifestation pour dénoncer ce fait. Le même phénomène se produit à Bruxelles, comme il ressort de différents témoignages. L'intervenant renvoie également aux rapports de la commission du suivi en matière de criminalité organisée, desquels il ressort que les services de douane qui doivent contrôler les activités portuaires manquent cruellement d'effectifs, ce qui facilite la fraude.

Aux yeux de l'intervenant, on aurait dû réaliser une réforme fiscale dans le sens d'une législation claire et succincte, que l'on n'aurait pas grevée de trop d'exceptions, de manière à améliorer l'effectivité du contrôle sans verser dans des systèmes répressifs. En effet, des règles claires engendrent moins de contestations et des contrôles plus faciles à exécuter. Force est toutefois de constater que la réforme fiscale proposée ignore complètement cet aspect, si bien que la perte de recettes fiscales ­ qui, selon des experts, s'élève à plusieurs centaines de milliards de francs ­ demeurera inchangée. On laisse donc passer une occasion importante de réduire ainsi les taux d'imposition sans pour autant que les pouvoirs publics voient fondre leurs recettes.

Le membre cite ensuite une autre lacune de la réforme proposée. En effet, elle ne souffle mot du système des accords fiscaux préalables (« ruling ») en vertu duquel une attitude positive de la Commission des accords fiscaux préalables lie le fisc, alors que ce n'est pas le cas d'une attitude négative. A-t-on pu tirer la leçon de la pratique de ce système en vue d'une perception plus rapide des impôts sans que cela doive donner lieu à un contentieux ? Compte tenu des dizaines de milliers de réclamations introduites chaque année, il paraît judicieux d'examiner comment prévenir ce contentieux. En matière civile et pénale, on renforce continuellement le rôle de la médiation, ce qui permet de résoudre rapidement des conflits sans devoir mener une procédure formelle. En outre, cela engendre une plus grande satisfaction sociale. La réforme fiscale proposée ignore cet aspect. Sur ce plan aussi, on laisse passer une occasion.

L'intervenante suivante souhaite mesurer la réforme proposée à l'aune de quelques priorités avancées par son groupe.

Le projet du gouvernement part du principe que rien, dans les règles fiscales, ne peut justifier une distinction entre couples mariés et cohabitants. Cette importante ligne de force vise ainsi à la transparence et à la neutralité à l'égard de toute forme de vie commune. Le groupe de l'intervenante est tout à d'accord sur ce principe.

Pourtant, ce postulat n'est pas soutenu par toutes les démocraties européennes. En effet, nombre d'autres pays européens organisent dans leur système fiscal une discrimination positive à l'égard des couples mariés. Il existe une jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme qui juge pareille discrimination positive conforme à la Convention européenne des droits de l'homme, parce que les couples mariés ne se trouvent pas dans la même situation que les cohabitants. Ils assument, l'un vis-à-vis de l'autre et vis-à-vis de l'ensemble de la collectivité, une série de devoirs : cohabitation, secours et fidélité. Une autorité peut estimer que ces engagements méritent un soutien positif, qui s'exprime également dans le système fiscal qui leur est applicable. Tel n'est toutefois pas le point de vue de l'intervenante. Elle plaide au contraire pour une neutralité totale du fisc à l'égard de toutes les formes de cohabitation.

Elle tient par ailleurs à prévenir la critique selon laquelle, durant le demi-siècle qui vient de s'écouler, on n'aurait rien fait pour mettre fin à la discrimination fiscale négative existant à l'égard des couples mariés. Il faut remarquer que l'on n'a jamais pris de décision discriminatoire à l'égard des couples mariés. Cette discrimination est plutôt la conséquence d'une évolution sociale. La législation fiscale prévoit depuis longtemps une somme exonérée plus élevée pour les isolés, pour la raison logique que la capacité financière de ces derniers est inférieure à celle des personnes mariées, surtout lorsqu'il y a charge d'enfants. La discrimination fiscale n'a pu apparaître que du fait que les cohabitants peuvent tous deux bénéficier de cette somme exonérée plus élevée, ce qui n'est pas le cas pour les couples mariés.

Le groupe auquel appartient l'intervenante a fait de la suppression de cette discrimination fiscale une priorité dès que le budget l'a permis, c'est-à-dire après les énormes efforts d'économie qui ont été nécessaires pour pouvoir accéder à l'UEM. Le présent projet a le même objectif. L'étalement dans le temps porte toutefois fortement atteinte à sa crédibilité. Seuls 3 milliards de francs sont prévus à cet effet au cours de la législature actuelle, sur un total de 80 milliards nécessaires pour s'attaquer à fond à l'ensemble de la problématique. Pour les autres mesures par contre, 20 milliards sont immédiatement disponibles. Faire comme si le gouvernement actuel supprimait la discrimination fiscale héritée du gouvernement précédent dès lors une représentation tout à fait inexacte de la réalité.

L'intervenante renvoie ensuite aux accords conclus au niveau flamand, avec les partenaires socialistes de l'époque au cours de la législature précédente, et qui ont été repris dans l'accord appelé « Vaderdagakkoord ». Cet accord équilibré prévoyait que l'on instaurerait le partenariat enregistré dès que serait supprimée la discrimination fiscale entre couples cohabitants. Le gouvernement actuel a toutefois rendu possible le partenariat enregistré officiellement, dès le 1er janvier 2000, si bien qu'il est socialement et politiquement reconnu. Il faudra par contre encore des années avant que la discrimination fiscale entre couples mariés et couples cohabitants soit supprimée. L'équilibre politique qu'on avait atteint est dès lors rompu, à fortiori depuis que le gouvernement actuel a également autorisé le mariage des homosexuels.

Le gouvernement actuel souhaite abolir uniformément la discrimination fiscale, c'est-à-dire en prévoyant les mêmes sommes exemptées d'impôts pour les couples mariés, les cohabitants et les isolés. Le groupe auquel appartient l'intervenante voudrait toutefois qu'on accorde une attention particulière aux « véritables » isolés qui sont vulnérables et fortement menacés par la pauvreté, surtout lorsqu'ils ont des enfants à charge. Or, la réglementation proposée ne prévoit rien pour les « véritables » isolés.

Il est clair que la capacité financière d'un véritable isolé est moins grande que la moitié de la capacité financière de deux cohabitants (mariés ou non). C'est la raison pour laquelle on maintient le principe de la réforme fiscale de 1988, dans laquelle un isolé a droit à un minimum exempté d'impôt majoré. On remédie toutefois au fait que, depuis cette réforme les cohabitants bénéficient individuellement du droit sans qu'on l'ait voulu, du fait qu'ils recevaient un avertissement-extrait de rôle distinct. On fera dorénavant une distinction entre les « véritables » isolés et les cohabitants de fait.

Le groupe de l'intervenante souhaite par conséquent que l'on prévoie, pour les « véritables » isolés, une majoration supplémentaire de 870 euros du minimum exempté d'impôts, mais il veut aussi qu'on limite le sens de la notion d'« isolé » et qu'on le précise en même temps. En effet, toute personne non mariée et actuellement un « isolé ». L'intervenante propose toutefois que l'on n'utilise la notion d'« isolé » que pour désigner celui ou celle qui supporte vraiment seul la charge d'un ménage.

Cela signifie qu'il est vraiment seul ou qu'aucun des autres membres du ménage ne bénéficie de revenus dépassant la limite des moyens de subsistance en dessous de laquelle on est considéré comme personne à charge. À cet effet, on vérifie la situation de tous ceux qui, à quelque moment que ce soit, on fait partie, au cours de la période imposable, du ménage du contribuable. La notion « faire partie du ménage » a le même sens que celle qui est utilisée dans la jurisprudence constante relative à l'application de l'article 104, 1º et 2º, CIR 1992 (déduction des pensions alimentaires). Les isolés en question auraient droit, aux termes de la proposition de l'intervenante, à une majoration du minimum exempté d'impôt. Ils devraient le signaler dans leur déclaration de revenus.

L'intervenante déclare que la protection des « véritables » isolés constitue une préoccupation sociale que l'on ne retrouve pas dans les propositions actuelles.

L'intervenante note en outre que les discriminations fiscales entre les diverses formes de vie commune ne sont pas toutes entièrement abolies.

Le gouvernement actuel, qui considère les cohabitants de fait comme des isolés, renforce en fait deux discriminations défavorables aux enfants. Le supplément sur la somme exemptée d'impôt pour charge d'enfant n'est accordé qu'aux isolés (et il est majoré). La majoration des moyens de subsistance nets exemptés n'est accordée que pour les enfants à charge de personnes isolées. Cela augmente encore la différence qui existe entre les enfants d'isolés et les enfants de couples mariés.

Il y a quatre discriminations qui frappent surtout les indépendants mariés. Premièrement, le fait que l'impôt peut toujours être recouvré sur les biens communs de personnes mariées. Deuxièmement, le fait que les rémunérations versées au conjoint d'un indépendant ou d'un chef d'entreprise ne constituent pas des charges professionnelles déductibles par celui-ci. Troisièmement, le fait que les intérêts sur les avances lors de l'ouverture d'un emprunt en faveur de la société du conjoint sont considérés comme des dividendes. Quatrièmement, le fait que la plus-value sur les parts cédées est généralement considérée comme un revenu divers si le cédant a détenu, avec son conjoint et sa famille proche, plus de 25 % des parts de la société et que celles-ci n'ont pas été acquises à titre onéreux.

Quatre autres discriminations ­ les plus lourdes ­ frappent fortement les catégories sociales les plus faibles. Les couples mariés bénéficiant de revenus de remplacement sont nettement moins bien traités par le gouvernement actuel que les cohabitants de fait. Les réductions d'impôt pour les bénéficiaires d'allocations de chômage et des nouvelles prépensions, qui suivront le régime fiscal moins avantageux des allocations de chômage, ne seront accordées ­ au nom de la promotion de l'État social actif ! ­ qu'une seule fois par ménage. La suppression progressive de la réduction d'impôt pour les bénéficiaires d'allocations de chômage et de prépensions nouveau régime continue à être liée au revenu commun imposable. Le quotient conjugal n'est pas appliqué à la réduction d'impôt pour couples mariés ne bénéficiant que d'un seul revenu de remplacement (par exemple une pension de retraite ménage). Les couples mariés bénéficiant de deux revenus de remplacement minimes sont quand même imposés après cumul desdits revenus.

La commissaire en conclut que ce point n'est manifestement pas une priorité pour le gouvernement, qui en donne cependant l'impression en faisant de « l'habillage ».

La membre examine ensuite si le projet de loi tient compte des enfants. Compte tenu de l'évolution démographique défavorable, notre société risque d'être confrontée à un phénomène de vieillissement rapide et de se replier sur elle-même. Cela se traduira non seulement par une moindre ouverture aux nouvelles tendances sociales globalisantes et par un manque de créativité, mais aussi par une augmentation de la charge financière que les jeunes générations devront supporter. Le faible taux d'activité de la population et les départs anticipés de travailleurs de plus de 55 ans ont pour conséquence que dans notre société, le travail à faire repose sur les épaules d'un moins grand nombre de personnes. Tout cela se traduit par un stress qui touche les jeunes générations, en particuler par la tranche d'âge des 25-45 ans, et qui a un effet négatif sur leur désir de fonder une famille.

La membre n'est pas partisan d'une politique de natalité, mais bien d'une politique qui permette à chacun de réaliser son projet familial comme il l'entend. L'évolution de notre société est telle que les considérations d'ordre financier et économique font que l'on postpose son projet d'avoir des enfants, avec tous les problèmes de baisse de fertilité, que cela implique, ou qu'on l'adapte.

Cette évolution démographique a donc toutes les caractéristiques d'un cercle vicieux et la politique devrait avoir pour but d'inverser la tendance.

Compte tenu de l'envergure de la réforme fiscale, qui se chiffre à plus de 100 milliards de francs, il faudrait prévoir une marge budgétaire à consacrer aux enfants.

À cet égard aussi, force est de constater que le projet du gouvernement n'est guère positif et qu'il est même « hostile » à l'intérêt des enfants. Ainsi qu'on ne le montre ci-après, il ne prévoit pour ainsi dire rien pour les familles moyennes avec enfants.

1. Le régime applicable à l'accueil des enfants n'est pas adapté par le projet, bien que le ministre se soit déclaré à plusieurs reprises favorable à des améliorations de la déductibilité fiscale des frais de garde des enfants. Or, ces frais de garde sont un élément déterminant dans le choix des parents d'exercer ou non chacun une activité professionnelle. Le salaire potentiel est en effet mis en balance avec le revenu de remplacement, majoré des frais de transport et des frais de garde des enfants.

Le montant maximum déductible par jour de garde (450 francs) n'est pas revu à la hausse, pas plus que n'est porté à douze ans l'âge permettant de bénéficier de l'avantage fiscal. Le parti de l'intervenante préconise une déduction non plafonnée, étant donné que les frais de garde des enfants excèdent déjà souvent 450 francs par jour. Un accueil de qualité pour une journée entière coûte en moyenne 625 francs. La mesure consistant à porter la déductibilité de ces frais de 80 à 100 % est donc une mesure neutre sur le plan budgétaire, puisque 80 % de 625 francs représente déjà un montant supérieur à cette limite absolue de 450 francs.

L'accueil extrascolaire des enfants représente aussi un poste de dépenses important pour les parents. C'est pourquoi il est urgent de prendre une mesure en vue de rendre ces coûts déductibles. Étant donné que le calendrier du ministre va déjà jusqu'à l'exercice d'imposition 2006, il est à craindre que ce dossier ne progressera plus dans les prochaines années.

2. La garde d'enfants dans des structures non agréées est nettement sous-évaluée sur le plan fiscal par rapport aux structures agréées. La quotité exemptée d'impôts est seulement majorée de 16 000 francs. Ces majorations de quantités exemptées ne s'appliquent qu'à partir du taux de 25 % pour ensuite augmenter progressivement. Le taux marginal auquel les frais de garde d'enfants dans une institution reconnue peuvent être déduits n'est pratiquement jamais atteint.

Pourtant, le fait de n'être pas reconnu n'est pas nécessairement synonyme de manque de qualité. Il n'est pas rare qu'une garde des enfants soit assurée au sein même de la famille, ce qui constitue une aide précieuse offrant toutes les garanties de qualité. Nombre de mères mais aussi certains pères décident même d'abandonner temporairement leurs activités professionnelles afin de se consacrer à temps plein à l'éducation de leurs enfants. Il faut que notre société valorise cette situation de manière durable. Certaines régions souffrent d'une pénurie d'institutions de garde d'enfants agréées. Les décideurs politiques ne peuvent pas perdre de vue cette réalité.

3. L'augmentation du montant net des moyens d'existence pour les enfants d'isolés n'est pas une bonne solution au problème des enfants de parents divorcés qui, bénéficiant d'une pension alimentaire, veulent exercer un job d'étudiant. Les propositions de loi déposées par son groupe politique au Sénat et l'amendement déposé par son groupe à la Chambre sont meilleurs et ont été repris en commission par la majorité, mais la majoration initiale demeure. La définition trop lâche de la notion d'isolés fait naître une nouvelle discrimination. Il s'ensuit que tous les enfants d'isolés et de cohabitants de fait bénéficient de cette majoration, tandis que les enfants de cohabitants légaux et de couples mariés en sont exclus. Il se peut pourtant qu'une rente alimentaire soit également payée dans ces derniers cas.

Le membre déposera donc un amendement visant à ne plus tenir compte des rentes alimentaires, jusqu'à un certain montant, pour le calcul des revenus nets de l'enfant. Cette solution est nettement meilleure que celle consistant à majorer le montant net des moyens d'existence des enfants à charge d'un contribuable taxé comme isolé.

4. Le crédit d'impôt pour les enfants d'isolés tend à résoudre la question de la non-réclamation. La critique formulée au moment de son introduction à l'encontre de ce crédit d'impôt remboursable est presque semblable à celle formulée à propos des revenus d'activités. Pour le parti de l'intervenante, cette mesure n'est pas des meilleures, parce que trop tardive (au moment de l'enrôlement seulement et donc avec un à trois ans de retard) et trop complexe (personne ne peut calculer personnellement le montant qu'il devra un jour recevoir). La voie à suivre est la défiscalisation, associée à une augmentation des allocations familiales. Une augmentation de celles-ci est perceptible immédiatement. De la sorte, on s'emploie aussi à faire des allocations familiales un droit de l'enfant, indépendamment des aléas de la situation financière ou personnelle des parents ou de la composition du ménage.

Le groupe politique qu'elle représente propose dès lors de remplacer également les dépenses budgétaires prévues pour la déduction fiscale pour charge d'enfants, y compris la majoration pour tous en vigueur actuellement pour les parents non mariés ayant des enfants à charge (article 132, alinéa 1er, 1º-5º, et article 133, § 1er, 1º, CIR 1992), par une augmentation des allocations familiales. Les données suivantes sont trop importantes pour qu'on les perde de vue. Premièrement, 7 % des ménages soumis à l'impôt ne peuvent pas ou pas suffisamment jouir de la déduction fiscale actuelle pour les enfants à charge en raison de leur revenu insuffisant. Une convention au profit des allocations familiales mettra leurs enfants sur un pied d'égalité. Deuxièmement, les enfants d'indépendants bénéficeraient d'allocations familiales identiques à celles des enfants de travailleurs salariés.

5. L'entrée en vigueur des mesures prévues dans le projet de loi, qui concernent malgré tout les enfants, se fera par l'enrôlement à partir de l'exercice d'imposition 2003. Cela signifie que la quasi-totalité des contribuables devront attendre jusqu'en 2004, soit la prochaine législature, pour ressentir l'effet de ces mesures.

6. À l'article 133, § 1er, 1º, du Code des impôts sur les revenus 1992, le projet de loi adapte à juste titre l'exonération fiscale supplémentaire dont jouissent les isolés avec enfants à charge. Actuellement, seuls les veuves et les veufs non remariés ainsi que les parents non mariés ayant des enfants à charge en bénéficient. La réglementation est étendue aux parents divorcés isolés ayant des enfants à charge.

Mais la menbre souhaite, par voie d'amendement, limiter ce régime aux « vrais » isolés au sens de l'amendement au nouvel article 131, CIR 1992. Seules ces deux dernières catégories n'auraient pas droit au supplément. Cela va à l'encontre de la deuxième ligne de force du gouvernement : la neutralité de traitement par rapport au choix de vie. Les enfants de personnes mariés restent donc inférieurs aux enfants de cohabitants de fait.

Bref, cette réforme de l'impôt des personnes physiques ne contient aucune mesure en faveur de l'ensemble des enfants. Seuls les enfants des isolés et des personnes ayant les revenus les plus bas sont visés ­ à juste titre ­ par le présent projet de loi. Le défaut de l'efficacité ainsi que le caractère tardif de l'entrée en vigueur (en 2004) renforcent encore l'impression d'une totale insuffisance des mesures et de la quasi-inexistence de vision à long terme dans la politique en faveur de l'enfance.

En ce qui concerne le but premier de la réforme proposée, à savoir réduire la pression fiscale sur les revenus du travail, la membre estime que les mesures proposées par le gouvernement ne sont pas les plus appropriées.

Le gouvernement tente, dans le cadre de l'état social actif, de neutraliser le piège à l'emploi. Ce piège est le suivant : les chômeurs indemnisés ne sont pas incités à réintégrer le marché du travail, parce que la différence entre le montant de l'allocation de chômage et celui du salaire qu'ils pourraient gagner est trop faible. Le gouvernement propose les mesures suivantes pour résoudre le problème : une réduction d'impôts pour les revenus les plus faibles, l'introduction d'un crédit d'impôt et la diminution des cotisations personnelles.

Une série d'études, dont une intitulée « Van werkloosheid naar inkomensval » attire néanmoins l'attention sur le fait que les mesures qui seront introduites dans le cadre de la réforme fiscale à l'examen créent un nouveau piège pour les revenus les plus faibles, un piège au revenu. En effet, les personnes qui se trouvent dans une catégorie de revenus inférieure ne seront pas encouragées à se hisser dans une catégorie supérieure.

Dans une société active, créative, où chacun se sent encouragé à donner le meilleur de lui-même, une rémunération juste et cohérente des prestations est essentielle. Force est toutefois de constater que le phénomène qui consiste, pour les gens qui travaillent en tant que bénévoles, à refuser une indemnité en raison de son effet fiscal négatif, se manifestera aussi en ce qui concerne les personnes qui se trouvent dans les catégories de revenus inférieures. Les mesures proposées ne les encourageront pas à suivre, par exemple, une formation complémentaire. L'avantage créé par la différence avec les revenus moyens sera en effet éliminé fiscalement par les équilibres proposés par le gouvernement.

Le membre nourrit dès lors de sérieux doutes à propos de la diminution de la pression fiscale annoncée par le gouvernement.

Un autre intervenant aborde un autre objectif du projet, à savoir l'élimination de la discriminiation fiscale à l'égard des couples mariés.

Au cours de la discussion de la loi-programme, le ministre a attiré l'attention sur le fait que la réforme fiscale à l'examen réaliserait en grande partie cet objectif. Il a toutefois admis que certaines discriminations subsisteraient.

1. On prévoit, pour les pensions et les revenus de remplacement, une réduction d'impôt par le biais d'un calcul dissocié. Toutefois, ce nouveau système de calcul ne sera pas appliqué en ce qui concerne les prépensions et les allocations de chômage nouveau régime, car sinon, l'on risquerait selon le gouvernement, de créer un nouveau piège à l'emploi. En faisant comme prévu, le gouvernement crée toutefois une nouvelle discrimination. Les véritables isolés n'ont plus aucune raison de ne pas prendre leur retraite anticipée, puisque leur revenu n'est plus imputé sur celui du partenaire. Les cohabitants subissent eux bel et bien une discrimination à cet égard.

L'intervenant estime que l'objectif ne saurait être de supprimer une discrimination en créant une autre.

2. Il subsiste une deuxième discrimination du fait que les revenus de remplacement sont exonérés d'impôts dans une certaine mesure. L'article 154 CIR 1992 dispose en effet qu'aucun impôt n'est dû lorsque l'ensemble des revenus nets se compose exclusivement (...) de pensions ou de revenus de remplacement et que le montant total de ces revenus n'excède pas le montant maximum de l'allocation légale de chômage. Cette disposition consacre donc le principe du cumul des revenus de remplacement pour les couples mariés qui ne pourront dès lors pas profiter de l'exonération, contrairement aux isolés.

3. Une troisième discrimination concerne le revenu maximum des enfants, pour qu'ils puissent continuer à être considérés comme étant à charge de leurs parents. Pour les enfants des couples mariés, ce montant maximum est de 80 000 francs. Pour les enfants à charge de cohabitants, ce montant est porté à 118 000 francs, ce qui permet de tenir compte d'éventuelles pensions alimentaires. En effet, on ne considère plus ces pensions comme un revenu. Dès lors, il est absurde de continuer à faire une distinction entre les montants maximum selon qu'il s'agisse d'enfants de cohabitants mariés ou d'enfants de cohabitants de fait. Cependant, on ne supprime pas la discrimination en question.

Le membre invite le ministre à fourni des précisions sur ces trois points.

Il estime par ailleurs qu'il importe que les contribuables soient informés de manière adéquate à propos de la réforme fiscale à l'examen. Le commissaire du gouvernement adjoint au ministre des Finances a attiré à juste titre l'attention sur le fait que les règles fiscales deviennent de plus en plus complexes et de moins en moins stables. Il a estimé qu'il y a lieu de corriger cette situation dans la mesure du possible, d'autant plus qu'il y a un lien direct entre la simplification de la procédure fiscale et la lutte contre la fraude fiscale. Plus une loi est complexe et affinée, plus elle est tournée et ignorée (traduction).

Le ministre a attiré l'attention sur le fait que la réforme fiscale à l'examen ne va pas dans le sens de la simplification. Il a souligné qu'il faudra d'abord traverser une phase de plus grande complexité des règles.

D'où l'importance d'une grande campagne d'information ciblée pour informer de manière détaillée tous les contribuables, personnes physiques et personnes morales, sur la réforme fiscale. En dépit du constat évident selon lequel plus une loi est complexe et plus elle peut être manipulée et ignorée, il faut souligner que la complexité croissante de notre appareil juridique et administratif répond à une tendance lourde. Le citoyen exige un traitement individualisé et il ne se satisfait pas d'une application aveugle de règles générales. Les contribuables, en particulier, n'acceptent plus un système fiscal dont l'application est laissée à la compétence discrétionnaire de l'administration et sur lequel la justice n'exerce qu'un contrôle a posteriori. L'opinion publique souhaite, et pas seulement dans le domaine du droit fiscal d'ailleurs, un accès large et rapide à la Justice ainsi qu'un traitement individualisé, mais elle exige en même temps que le droit tienne compte de toutes les hypothèses. Il va de soi que dans ces conditions, il est difficile de simplifier la procédure fiscale. Il y a donc une tension entre, d'une part, le désir d'avoir une procédure plus simple et plus transparente et, d'autre part, le souhait de l'opinion publique de voir le droit tenir compte de toutes les hypothèses.

Eu égard à cette tension entre simplicité et exhaustivité, le commissaire de gouvernement susvisé a souligné que l'effort qui est consenti en vue de simplifier la procédure fiscale doit être accompagné et même précédé de l'information nécessaire du contribuable.

Sur ce point, le gouvernement n'a pas rempli ses obligations. L'opinion publique n'a pas été informée de manière approfondie du projet de loi qui est maintenant examiné en hâte par le Parlement avant les vacances.

Vu la diversité du public et le caractère subtil des questions qui peuvent se poser, le gouvernement devra donc élaborer une stratégie de communication multiforme qui devra être diversifée en fonction des différents groupes professionnels et des différentes catégories au sein de la population.

D'après l'intervenant, il faudra en premier lieu mettre à la disposition des contribuables une documentation fiscale de base, sur papier et sur d'autres supports, documentation qui pourra être complétée à l'occasion de salons et d'autres événements qui attirent le grand public. Le public pourra ainsi prendre connaissance du cadre de référence qui est utilisé par l'administration du fisc.

Le membre demande au ministre de commenter ses plans à ce sujet.

Un autre membre commente la réforme fiscale du point du vue de l'intérêt d'un groupe spécifique au sein de notre société, à savoir les agriculteurs. La réforme proposée de l'impôt des personnes physiques comporte quatre lignes de force regroupées sous le thème « de l'argent, pour toutes les catégories professionnelles ».

Toutefois, la première ligne de force, à savoir la réduction de la pression fiscale sur les revenus du travail, ne profite pas intégralement aux agriculteurs.

Les agriculteurs sont régulièrement laissés de côté dans les réductions fiscales en projet. Cela n'empêche pas que d'autres les touchent de manière disproportionnée. N'est-il pas exact que beaucoup d'anciens agriculteurs ne jouissent que d'un seul revenu de remplacement ? Le quotient conjugal n'est-il pas plus fréquent que la moyenne chez les agriculteurs pensionnés ?

La première ligne de force, à savoir la réduction de la pression fiscale sur les revenus du travail (valeur : 69 milliards de francs), comprend les quatre mesures suivantes :

1. Instauration d'un crédit d'impôt remboursable de 20 000 francs pour les revenus du travail faibles (valeur : 18 milliards de francs). Les agriculteurs qui relèvent du régime d'imposition forfaitaire, c'est-à-dire de 80 à 90 % de cette catégorie professionnelle, ne tirent absolument aucun profit de cette mesure. En effet, ils sont exclus du bénéfice de celle-ci alors que beaucoup d'entre eux éprouvent justement des difficultés à joindre les deux bouts. La réforme de l'impôt des personnes physiques n'est qu'une des mesures spécifiques qui sont prises à l'égard des contribuables sous le régime forfaitaire. Ces contribuables sont cependant exclus du crédit d'impôt pour les bas revenus du travail.

2. Majoration du taux, qui passe de 20 à 25 %, pour la première tranche de revenus dans le barème des frais professionnels forfaitaires. Étant donné que cette majoration s'applique exclusivement aux frais professionnels pour les rémunérations et les profits, elle ne concerne pas les agriculteurs.

3. Diminution de la pression fiscale sur les revenus moyens via une adaptation du barème. Cette mesure s'applique également aux agriculteurs. Toutefois, il n'existe pas de données sur le nombre d'agriculteurs qui appartiennent à cette catégories de revenus.

4. Suppression des taux d'imposition les plus élevés, à savoir ceux de 52,5 % et de 55 %. Cette mesure s'applique également aux agriculteurs. Toutefois, il n'existe pas de données sur le nombre d'agriculteurs concernés par ces taux.

Cette première ligne de force comprend aussi la politique fiscale de mobilité dans le cadre des déplacements entre le domicile et le lieu de travail. L'agriculteur en est également exclu.

Bref, les agriculteurs n'entrent en ligne de compte que pour un montant de 38 milliards de francs en ce qui concerne les mesures proposées dans le cadre de la première ligne de force, par rapport à un montant de 69 milliards de francs pour les travailleurs belges moyens. Autrement dit, avec pondération budgétaire, seules 55 % des mesures sont applicables aux agriculteurs.

La deuxième ligne de force concerne la neutralité par rapport aux choix de vie.

Concrètement, la réforme comporte notamment les mesures suivantes.

1. Le calcul par contribuable d'une réduction fiscale pour pensions, prépensions (ancien régime) et indemnités légales de maladie et d'invalidité. La règle vaut aussi pour les agriculteurs pensionnés et les agriculteurs bénéficiant d'une indemnité de maladie ou d'invalidité. Dans de nombreux cas, ces contribuables perdent toutefois l'avantage du quotient conjugal. Lorsqu'il n'y a qu'un seul revenu de remplacement, le quotient conjugal n'est pas appliqué. L'ancien agriculteur est victime du système plus souvent qu'à son tour.

2. Le décumul des revenus autres que professionnels. Les agriculteurs bénéficient pleinement de cette mesure. Sa valeur n'est toutefois que de 2 milliards de francs.

Le troisième axe tend à mieux tenir compte des enfants à charge. Le plafond des moyens d'existence nets pour enfants à charge des isolés est majoré. Les enfants d'agriculteurs isolés ou cohabitants de fait peuvent prétendre à cette majoration, mais cela élargit le fossé qui les sépare des enfants d'agriculteurs cohabitants mariés, qui constituent la majeure partie de cette catégorie professionnelle.

Il y a par ailleurs la réduction complémentaire pour familles monoparentales. Les isolés et les cohabitants de fait bénéficient, pour leurs enfants, d'une exonération plus élevée que les personnes mariées. Étant donné que les ménages d'agriculteurs sont plus souvent mariés, ils en profitent moins.

Le quatrième axe, qui concerne une fiscalité plus écologique, comporte notamment une mesure d'économie d'énergie dans le secteur du logement, accordant au contribuable une réduction fiscale lorsqu'il effectue certaines dépenses économisant l'énergie. Cette mesure ne s'applique pas à la partie du logement utilisée à des fins professionnelles. On ne sait pas encore exactement comment le ministre concrétisera cette mesure.

Le membre donne ensuite deux exemples de l'impact de la réforme fiscale proposée sur les agriculteurs.

1. Un jeune couple d'agriculteurs mariés ayant une charge de remboursement d'emprunt particulièrement lourde a un revenu imposable, suivant le système d'imposition forfaitaire, de 500 000 francs. Ils paient actuellement 52 685 francs d'impôts. Une fois la réforme entrée intégralement en vigueur, le ménage pourra compter sur une majoration de la somme exonérée ainsi que sur un élargissement des échelles d'imposition, ce qui donnera une réduction fiscale de 23 600 francs. Le ménage ne pourra toutefois pas bénéficier du crédit d'impôt, si bien qu'il subira une perte de 20 573 francs. Dans cette situation, le contribuable non soumis au forfait bénéficiant d'un revenu professionnel aura un avantage fiscal de 44 000 francs, tandis qu'un ménage d'agriculteurs n'y gagnera que 23 600 francs.

2. Un ménage d'agriculteurs pensionnés, dont l'époux perçoit encore une pension complémentaire, bénéficie d'une pension de ménage annuelle de 600 000 francs. Ce ménage devrait payer net 30 000 francs d'impôts en plus en raison de la perte du quotient conjugal, qui n'est compensée que partiellement par une majoration du minimum exonéré.

Cette réforme n'avantage donc pas tout le monde.

Un commissaire constate également que la réforme fiscale en projet n'atteint pas un des objectifs que le gouvernement s'était fixés, à savoir la simplification de la législation fiscale. Des études sont en cours, notamment aux Pays-Bas, concernant l'instauration d'une « flat tax » aboutissant à une simplification radicale des régimes fiscaux. Le ministre a-t-il l'intention de formuler des propositions en ce sens ou de constituer un groupe de travail chargé d'effectuer des recherches sur ce point ?

Le ministre répond qu'il n'a pas de projets en ce domaine.

Un autre membre rappelle les suggestions formulées par le commissaire du gouvernement concernant la manière dont l'information fiscale est mise à la disposition du citoyen mais aussi des fonctionnaires. Le commissaire du gouvernement évoque la création d'une base de données accessible par l'internet. L'intervenant propose que cette base de données permette au contribuable d'avoir accès à toute la législation fiscale actualisée, aux conventions internationales de nature fiscale, aux dossiers de ruling, aux articles de doctrine ... Des entreprises ont-elles déjà été chargées d'élaborer cette base de données ? Quelles sont les intentions du ministre sur ce point ?

Un commissaire se rallie à l'intervention précédente et insiste pour que l'information communiquée au citoyen soit pertinente. L'oratrice déplore la pratique actuelle qui consiste à communiquer de façon prématurée des informations sur des projets de réforme, avant même que ceux-ci ne soient réalisés. De telles pratiques sèment la confusion dans l'esprit des contribuables.

Le ministre déclare avoir pris bonne note du fait que les membres d'un groupe insistent pour qu'une bonne information sur la réforme fiscale soit diffusée à l'intention des contribuables. Il s'engage à veiller à ce que cette demande formulée par la commission soit largement rencontrée, et ce tant sur rapport papier que par voie électronique. Il est en effet important que l'ensemble des citoyens soit clairement informé des mesures adoptées, au moment où ils ont à compléter leur déclaration fiscale. Concernant le choix des sociétés qui seront chargées de mettre en place la base de données fiscales, une procédure d'appel d'offres sera lancée.

IV. DISCUSSION DES AMENDEMENTS

Ne sont repris dans la discussion que les articles ayant fait l'objet d'un amendement.

Article 2

M. Steverlynck et consorts déposent un amendement nº 16 (doc. Sénat, nº 2-832/2, p. 9) visant à adapter la définition du mot « sociétés » proposée à l'article 2, 5º, a), en projet. Selon les auteurs, il faut préciser que l'objet social des sociétés est d'accomplir des opérations de caractère lucratif, même si, dans les faits, chacune des opérations passées, ne sera pas nécessairement bénéficiaire.

Article 5

M. Steverlynck et consorts déposent un amendement nº 17 (ibidem, p. 9) visant à préciser, à l'article 16, § 2, alinéa 3, proposé, que la déduction pour habitation n'est pas accordée pour la partie d'habitation affectée principalement à l'exercice de l'activité professionnelle. Les auteurs estiment que la distinction entre la partie privée et professionnelle de l'habitation n'est pas toujours clairement établie pour de nombreux indépendants. Il serait injuste de leur faire perdre cette déduction pour des parties de leur habitation qui ne sont affectées que de façon marginale à leur activité professionnelle.

M. Vandenberghe dépose un amendement nº 22 (ibidem, p. 11) visant à préciser, à l'article 16, § 1er, alinéa 1er, proposé, que la déduction pour habitation est octroyée au contribuable possesseur de l'habitation à condition que cette possession soit légitime.

L'auteur de l'amendement fait remarquer que les notions de « propriétaire, emphytéote, superficiaire ou usufruitier » sont des concepts juridiques alors que le mot « possesseur » renvoie à une notion de fait. Quelle catégorie de personnes vise-t-on ? Telle qu'elle est libellée, la disposition en projet permet à un possesseur illégitime ou de mauvaise foi de bénéficier de la déductibilité fiscale pour habitation, ce qui ne saurait être le cas.

Le ministre répond que l'énumération proposée figure déjà dans le texte actuel de l'article 16 du Code des impôts sur les revenus 1992.

Article 6

M. Steverlynck et consorts déposent un amendement nº 1 (ibidem, p. 1) visant à supprimer cet article.

Les auteurs considèrent que le régime fiscal proposé pour les déplacements du domicile au lieu de travail est complexe et discriminatoire. Une série de contribuables sera pénalisée par la mesure proposée. Les intervenants demandent qu'un large débat soit organisé autour de la problématique de la mobilité et de la fiscalité des déplacements du domicile au lieu de travail.

Article 7

M. Steverlynck et consorts déposent un amendement nº 3 (ibidem, p. 2) visant à augmenter les pourcentages servant de base au calcul des frais professionnels forfaitaires. Les auteurs estiment que cet amendement incitera les contribuables à opter pour le système du forfait, qui devrait devenir la règle. La voie proposée dans l'amendement permet également d'apporter une réponse aux pièges à l'emploi.

Article 9

M. Steverlynck et consorts déposent un amendement nº 2 (ibidem, pp. 1 et 2) visant à supprimer l'article 9. Les auteurs renvoient à la discussion de l'article 6.

A titre subsidiaire, M. Steverlynck et consorts déposent un amendement nº 4, (ibidem, p. 10) visant à supprimer la limite de 25 km pour le calcul des frais professionnels afférents aux déplacements entre le domicile et le lieu de travail.

Les auteurs considèrent qu'il n'est pas logique de pénaliser les contribuables qui utilisent d'autres modes de transport que la voiture.

Un commissaire souhaiterait savoir sur base de quel critère cette limite de 25 km a-t-elle été fixée ?

Le ministre répond que ce plafond a été prévu en raison de l'enveloppe budgétaire disponible. Si cette enveloppe de 2,5 milliards de francs n'est pas épuisée, la distance maximale de 25 km sera revue à la hausse.

Article 10

M. Steverlynck et consorts déposent un amendement nº 21 (ibidem, p. 10) qui a pour but d'améliorer la clarté de l'article 86, alinéa 1er, proposé.

Article 11

M. Steverlynck et consorts déposent un amendement nº 18 (ibidem, pp. 9 et 10) qui a pour but de préciser le libellé de l'article 87, alinéa 1er, proposé.

Article 23

M. Steverlynck et consorts déposent un amendement nº 5 (ibidem, pp. 3 et 4) visant à remplacer l'article 23, B. Les auteurs considèrent que la réforme aboutit à un traitement trop uniforme des différents groupes de contribuables. Le groupe des personnes isolées, surtout lorsqu'elles ont des charges de famille, est très vulnérable. La capacité contributive de ces personnes n'est pas comparable à celle des couples mariés ou cohabitants. L'amendement propose de majorer de 870 euros le montant exonéré d'impôts en faveur des « véritables » isolés.

Article 25

M. Steverlynck et consorts déposent un amendement nº 6 (doc. Sénat nº 2-832/2, p. 4) visant à étendre le régime d'exonération d'impôt proposé à l'article 25B à tous les isolés, en ce compris les parents divorcés ayant des enfants à charge.

Article 27

L'amendement nº 7 de M. Steverlynck et consorts est retiré (doc. Sénat nº 2-832/2, p. 4).

Article 27bis (nouveau)

M. Steverlynck et consorts déposent un amendement nº 8 (ibidem, pp. 4 et 5) visant à insérer un article 27bis (nouveau) dans le projet. Les auteurs se réfèrent à leur justification.

Article 28 (nouveau)

M. Steverlynck et consorts déposent un amendement nº 9 (ibidem, pp. 5 et 6) visant à insérer un article 28 bis (nouveau) dans le projet.

Les auteurs veulent que les pensions alimentaires ne soient pas prises en compte pour déterminer le montant net des ressources.

Article 33

M. Steverlynck et consorts déposent l'amendement nº 19 (ibidem, p. 10), qui tend à apporter cinq modifications au texte de cet article. L'amendement vise aussi à des réductions d'impôt pour dépenses supplémentaires en vue d'économiser l'énergie.

Un membre ne comprendrait pas que l'on puisse rejeter cet amendement. Les définitions qu'il propose s'inscrivent en effet dans le droit fil de celles du projet.

Article 34

L'amendement nº 10 de M. D'Hooghe et consorts (ibidem, p. 6) tend à supprimer cet article.

Un des auteurs renvoie à la justification de l'amendement.

Le ministre admet que la distinction opérée ne figurait pas dans ses propositions initiales, qui visaient à appliquer un même principe à l'ensemble des contribuables concernés. Ses propositions n'ont pas été retenues. Dans le cadre du compromis intervenu au sein du gouvernement, il a été en effet jugé préférable de réserver sur ce point la priorité à la promotion d'un État social actif, plutôt qu'à la suppression des discriminations.

Article 35

M. D'Hooghe et consorts déposent un amendement nº 11 à cet article (ibidem, pp. 6 et 7), qui s'inscrit dans la ligne de l'amendement nº 10 à l'article 43. Cet amendement tend à supprimer les 5º et 6º et à fixer à 1 344,57 euros la réduction pour chaque contribuable, qu'il soit marié ou non.

Un des auteurs renvoie à la justification de l'amendement.

Article 36

Les mêmes auteurs déposent l'amendement nº 12 (ibidem, p. 7) qui tend à supprimer l'article 36.

Un des auteurs donne lecture de la justification.

Article 37

L'amendement nº 13 (ibidem, pp. 7 et 8) tend à remplacer l'article 150 proposé.

Un membre déclare que le but est de supprimer les exceptions prévues dans la disposition proposée. La deuxième ligne de force de cette réforme, à savoir la neutralité par rapport au choix de vie, est ici foulée aux pieds une fois de plus.

Un des auteurs fait remarquer que le texte du projet implique qu'un véritable isolé qui prend sa prépension est avantagé par rapport à une personne mariée ou à un cohabitant légal qui prend sa prépension.

Le ministre déclare qu'il est très difficile de contrôler la cohabitation de fait. Il ajoute que la situation des personnes mariées ne s'aggrave pas.

Un membre estime que le refus d'un parti de la majorité d'entendre parler d'un contrôle du chômage constitue un problème politique.

Un des auteurs de l'amendement nº 13 conclut que la disposition à l'examen montre a contrario que le gouvernement ne juge pas nécessaire d'inciter l'isolé à travailler plus longtemps. Comment le ministre explique-t-il cette décision du gouvernement ?

Le ministre répond que cela résulte d'une mise en balance entre, d'une part, le principe de l'État social actif et, d'autre part, la suppression des discriminations.

Article 38

M. Steverlynck et consorts déposent l'amendement nº 20 (ibidem, p. 10) visant à remplacer dans le texte néerlandais les mots « eendeels » et « anderdeels » par les mots « enerzijds » et « anderzijds ».

Un membre trouve que la modification proposée pourrait être admise comme correction de texte. Comme ces mots figurent dans le dictionnaire van Dale, on décide finalement de ne pas modifier le texte.

Article 40

Les mêmes auteurs déposent l'amendement nº 14 (ibidem, pp. 8 et 9) qui tend à apporter deux modifications à l'article 154 proposé.

Selon une commissaire, on introduit en l'espèce une nouvelle discrimination entre les personnes mariées et assimilées, d'une part, et les cohabitants de fait, d'autre part, et ce, qui plus est, pour les catégories sociales de revenus les plus vulnérables. L'intervenante renvoie aussi à la justification de l'amendement.

Le ministre reconnaît qu'une discrimation subsiste en l'occurrence. Il déclare vouloir plutôt porter, à terme, le seuil d'imposition à plus de 400 000 francs.

L'intervenante précédente persiste à trouver inacceptables les dispositions proposées ici. Du fait que la discrimination est éliminée en d'autres points, les catégories visées ici subissent une discrimination relativement plus marquée qu'auparavant.

Article 45

Par l'amendement nº 15 (ibidem, p. 9), M. Steverlynck et consorts souhaitent apporter une correction technique en supprimant le chiffre 5º dans la dérogation numérotée 1º.

Article 49

Les mêmes auteurs souhaitent, par leur amendement nº 23 (ibidem, p. 11), supprimer l'alinéa 3 de l'article 289ter, § 1er, proposé.

Dans sa formulation actuelle, le projet exclut du crédit d'impôt les 27 catégories de contribuables qui font l'objet d'une taxation forfaitaire. Les auteurs ne comprennent pas que l'on ne puisse pas appliquer le crédit d'impôt à ces indépendants.

Article 65

Le but de l'amendement nº 24 (ibidem, pp. 11 et 12) de M. Steverlynck et consorts consiste à faire entrer en vigueur au plus tôt toutes les dispositions visant à supprimer les discriminations fondées sur la forme de cohabitation. Il est en effet à craindre que les revers budgétaires ne contraignent le gouvernement à reporter davantage encore qu'il ne le fait aujourd'hui la suppression de ces discriminations.

V. VOTES

Les amendements nºs 1 à 6 et 8 à 24 sont rejetés par 9 voix contre 3.

L'ensemble du projet de loi a été adopté par 9 voix et 3 abstentions.

Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 8 membres présents.

Le rapporteur, Le président,
Olivier de CLIPPELE. Paul DE GRAUWE.

Texte corrigé par la commission
(voir le doc. Sénat, nº 2-832/4 - 2000/2001)