2-556/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2000-2001

19 OCTOBRE 2000


Proposition de loi modifiant le Code des impôts sur les revenus 1992 en vue d'une répartition plus équilibrée de la pression fiscale entre les revenus du travail et les revenus du capital

(Déposée par M. Guy Moens)


DÉVELOPPEMENTS


L'impôt belge des personnes physiques doit faire peau neuve. En effet, la Belgique opère une retenue moyenne de 57 % sur les revenus du travail et se situe ainsi en tête du classement mondial en la matière. Le taux précité s'obtient par l'addition des prélèvements fiscaux et des prélèvements parafiscaux qui ont en commun de transférer à la communauté, pour qu'elle en assure la redistribution, une grande partie des moyens qui sont générés par les individus. Cet effort de solidarité produit, certes, des avantages individuels par l'intermédiaire de la sécurité sociale et des services publics tels que l'enseignement et les soins de santé, mais il empêche l'émergence de l'État social actif en limitant le pouvoir d'achat de chacun. Pour ne pas mettre en péril les avantages en matière de sécurité sociale, qui sont proportionnels au niveau des cotisations, l'on préfère ne pas toucher à la source de revenus qui résulte de cet effort de solidarité et faire baisser la pression fiscale. Il faut dès lors réduire les impôts sur les revenus du travail.

Il y a une deuxième raison de ne plus accepter que les revenus du travail soient lourdement imposés, dans la mesure où le régime fiscal belge accorde un avantage injustifié aux revenus du capital, qu'ils soient mobiliers ou immobiliers. Les revenus cadastraux sont sous-évalués depuis très longtemps, les précomptes sont eux-mêmes modérés et les revenus tirés de l'immobilier bénéficient souvent d'un traitement de faveur. La situation est pire encore en ce qui concerne l'impôt sur les revenus mobiliers, que ce soient des titres à revenu fixe ou des titres à revenu variable, sans parler de l'exonération fiscale des plus-values réalisées. Par conséquent, si divers partis politiques plaident maintenant pour une diminution de la pression fiscale de quelque pourcents, il ne peut s'agir que d'une diminution de la pression fiscale sur les revenus du travail. Si l'on veut éviter parallèlement de mettre en péril les revenus de l'État et si l'on ne veut pas toucher à la parafiscalité, on doit augmenter les prélèvements sur les revenus du capital, mais il faut le faire prudemment, car en touchant aux revenus immobiliers, on atteint le Belge au plus profond de son être. Il est préférable de ne pas toucher non plus à l'impôt des sociétés, si l'on veut pouvoir continuer à développer la mise en oeuvre du potentiel économique en hommes et en matériel.


Si l'on n'impose pas davantage les revenus mobiliers, la marge budgétaire disponible dans les prochaines années restera limitée, alors que nous devons mobiliser beaucoup de moyens supplémentaires, notamment pour pouvoir faire face au vieillissement de la population. Comme la prochaine réforme de la fiscalité engendrera des moins-values importantes et que l'on sait déjà que, selon toute probabilité, les nouveaux revenus proviendront de redevances d'environnement et qu'ils seront inévitablement affectés à des mesures environnementales, l'on ne disposera pas de moyens suffisants pour financer des projets tels que le « Fonds argenté » ou d'autres projets comparables conçus pour faire face financièrement au vieillissement de la population. Comme on l'a déjà dit, les principales moins-values fiscales résulteront d'une diminution de l'impôt sur le travail; la seule source possible de plus-values restante pour faire face au vieillissement est celle que produirait une augmentation des prélèvements sur les revenus mobiliers. Pareille opération est logique dans la mesure où les revenus mobiliers qui sont distribués ou réalisés aujourd'hui sont soustraits partiellement à la masse des capitaux pouvant être investis, qui doivent profiter à notre économie à l'avenir. En soumettant ces revenus à un prélèvement fiscal, l'on répondrait à un souci élémentaire d'équité : il faut réserver une partie des bénéfices actuels au paiement des charges futures.


Il est évident qu'une augmentation de l'impôt sur les revenus mobiliers se heurtera fatalement à certaines résistances. De nombreux Belges qui possèdent des titres à revenu fixe imposable se prennent pour des capitalistes et se sentent menacés dès que l'on parle d'une hausse du précompte mobilier ou de la création d'un prélèvement similaire. Nous n'envisageons absolument pas de taxer plus lourdement les revenus des capitaux de moins de 5 millions de francs. Nous envisageons au contraire de soumettre les capitaux investis dans des titres à revenu fixe à un précompte mobilier d'un taux inférieur au taux actuel et ce, jusqu'à 2,5 millions de francs. Il n'est donc absolument pas question de prendre le petit capitaliste populaire belge pour cible. L'augmentation visée ne sera applicable qu'aux revenus des capitaux placés dépassant 5 millions de francs, mais le taux qui sera applicable aux revenus des capitaux dépassant ce plafond ne dépassera pas le taux applicable actuellement aux dividendes, si bien que l'on pourra déjà lever partiellement la discrimination existante.

L'on ne touchera pas à l'exonération des revenus des livrets d'épargne jusqu'à concurrence de 50 000 francs. L'on continuera donc à soumettre lesdits revenus au tarif zéro. Nous voulons simplement mettre un frein à l'abus au moyen duquel des contribuables bénéficient plusieurs fois de l'exonération, abus qui perturbe le marché. Le citoyen bien-pensant approuvera sans nul doute. Selon notre proposition, le précompte mobilier sera donc modifié progressivement, entre autres dans le sens d'une diminution de l'impôt sur le produit des titres à revenu fixe qui n'excède pas 100 000 francs par an, puisque le taux d'imposition sera ramené à 10 %. Nous souhaitons toutefois introduire le même taux modéré pour un nouveau prélèvement sur les plus-values réalisées sur des titres de toute nature, qui n'ont pas été soumis préalablement à un impôt sur les revenus, mais qui produisent un rendement grâce à la technique du capital variable, dont la plus-value est réalisée au moment de l'aliénation. L'exonération fiscale des plus-values permettait à ce genre d'investissements d'échapper jusqu'à présent à tout impôt, ce qui est choquant. Cette formule, ou celle du coupon zéro, qui lui est apparentée, constitue en réalité un abus légal qui crée en outre une discrimination entre les instruments d'investissement. Il est évident qu'il faudrait, parallèlement, rendre possible la déduction fiscale d'une moins-value éventuelle de ces titres au moment de leur réalisation.


Notre proposition de rendre la fiscalité socialement plus acceptable est étroitement liée à la question de la globalisation des revenus. Traditionnellement, on l'envisage d'une manière assez arbitraire et l'on considère qu'il suffit d'additionner tous les revenus et de les imposer selon des barèmes progressifs pour arriver à plus d'équité. Les épaules les plus fortes portent alors les fardeaux les plus lourds. L'inconvénient manifeste de pareille imposition intégrée est qu'elle ne permet aucune discrimination entre les types de revenus et qu'elle rend impossible, par exemple, l'application éventuelle à certains revenus de taux d'imposition plus élevés que ceux auxquels sont soumis les revenus du travail, alors que notre sens de l'équité voudrait que ce soit possible. L'inconvénient du système cédulaire, qui prévoit des régimes fiscaux différents en fonction de la nature du revenu imposé, réside dans le caractère non progressif des taux d'imposition, par exemple, pour ce qui est du précompte libératoire. L'on peut toutefois facilement pallier cet inconvénient par le biais de barèmes augmentant proportionnellement de plus en plus fort à mesure que les revenus augmentent.

Le passage à une imposition globalisée ne semble donc pas être à l'ordre du jour, d'autant moins que notre système fiscal actuel présente des caractéristiques du système d'imposition cédulaire que l'on a précisément introduites pour aller en sens opposé : l'intégration Tielemans (1962) a surtout perdu de sa substance par l'introduction du précompte mobilier libératoire, dont le taux était inférieur au tiers des taux moyens normaux appliqués en ce qui concerne les revenus du travail. Un renversement brutal de la situation aurait un caractère trop révolutionnaire et serait donc difficile à accepter.

De la même manière, l'on ne pourrait modifier le rapport entre la masse des impôts directs et celle des impôts indirects qu'en augmentant très fortement la progressivité de ces derniers et en soumettant les dépenses de luxe à des taux particulièrement élevés. Cela vaut tout autant pour un impôt sérieux sur la fortune. Comme pour les impôts indirects, il faut toutefois tenir compte, à cet égard, du fait que nous ne disposons que d'une faible marge de manoeuvre dans le contexte européen. Pareilles modifications ne sont donc pas encore à l'ordre du jour.


Les prélèvements sur les revenus du capital mobilier sont-ils tellement faibles en Belgique, qu'une intervention s'impose ? Et dans quelle mesure les revenus du travail sont-ils trop lourdement taxés ? Les statistiques du ministère des Finances apportent une réponse à ces questions :

Revenu annuel 1998

Précompte professionnel : 1 047,5 milliards de francs (40 % des perceptions fiscales totales).

Précompte mobilier : 105,6 milliards de francs (3,7 % des perceptions fiscales totales).

Précompte immobilier (+ centimes additionnels) : 106,1 milliards de francs (3,8 % des perceptions fiscales totales).

Droits de succession : 29,5 milliards de francs (1 % des perceptions fiscales totales).

Source : Administration générale des Impôts, Rapport annuel 1998, p. 101.

Une comparaison des montants en question est fort révélatrice. Outre les postes cités ci-dessus, les autres postes fiscaux importants sont : la TVA, les accises et les versements anticipés (dont la grande majorité sont à charge des travailleurs indépendants), ce qui signifie que, par le biais de la fiscalité sur les revenus du travail et des taxes à la consommation (TVA et accises), le facteur travail fournit la majeure partie des revenus de l'État. On peut considérer que 65 % des recettes fiscales totales viennent du travail, alors qu'à peine 15 % des revenus de l'État (précompte mobilier et immobilier, droits de succession, impôts des sociétés, etc.) sont issus du capital.

La disproportion saute aux yeux. Mais une contribution du travail quatre fois plus élevée que celle du capital n'est-elle pas une chose largement répandue dans le monde ?

Les chiffres de l'OCDE prouvent que non.

Le pourcentage moyen de l'impôt sur les intérêts et les dividendes exonérés, libératoires et déclarés, s'élevait en Belgique, pour 1998, à 25 %, et le pourcentage moyen de l'impôt sur les salaires, à 65 %. Le tableau ci-dessous fournit quelques taux comparables pratiqués dans d'autres pays de l'OCDE :

Landen
­
Pays
Roerende inkomsten
in %
­
Revenu mobilier
en %
Arbeidsinkomsten
in %
­
Revenu du travail
en %
Frankrijk. ­ France 40 60
Italië. ­ Italie 25 50
Zweden. ­ Suède 30 55
Zwitserland ­ Suisse 40 50
Verenigde Staten. ­ États-Unis 45 47

Source : L'Observateur (Tax Data Base, [email protected], p. 24).

La conclusion est évidente : les revenus du travail (les salaires) ne sont imposés nulle part aussi lourdement que chez nous, alors que les revenus du capital le sont presque partout plus lourdement (ceci vaut pour les dividendes et pour les intérêts). La Belgique ne doit donc pas attendre l'unification européenne pour s'engager sur la voie de la convergence.

Du point de vue européen, nos deux niveaux de taxation sont inadaptés, puisqu'ils ne se situent pas dans la moyenne. L'on pourrait même considérer que le faible niveau d'imposition des revenus mobiliers nous procure un avantage concurrentiel. C'est l'une des raisons pour lesquelles, l'on a confié, au niveau européen, à des spécialistes la mission particulière d'examiner, dans le cadre du groupe Monti, des propositions relatives à l'unification de la fiscalité sur l'épargne. La Belgique devrait absolument s'engager déjà dans cette voie et il est dès lors étonnant que, parmi les objectifs du ministère des Finances (note de politique générale, projet du budget général des dépenses 2000, p. 3, doc. Chambre, nº 0198/022), l'on ne mentionne aucune initiative en la matière, ni à court terme, ni à long terme. Le chef de cabinet du ministre des Finances, M. P. Praet, a affirmé, dans le cadre de plusieurs interviews, qu'il faut alléger la fiscalité sur le travail parce qu'en Belgique, les gens négocient sur la base du salaire net ... et que cela engendre un déséquilibre vis-à-vis des pays concurrents. Il n'a toutefois pas parlé d'une modification de l'impôt sur les revenus mobiliers, alors que les deux types de taxations fonctionnent comme des vases communicants et qu'une baisse de niveau d'un côté entraîne une hausse de niveau dans l'autre, du moins dans la mesure où la Belgique veut éviter de menacer son pacte de stabilité et continuer à pouvoir financer, dans les années à venir, la réduction de la dette, les soins de santé et les pensions.

L'argument selon lequel une augmentation de l'impôt sur les revenus du capital (avec un impôt sur les plus-values) porterait le coup de grâce à la bourse de Bruxelles n'est pas convaincant : si l'absence d'imposition sérieuse des dividendes et des plus-values avait eu un véritable impact sur le cours des échanges boursiers et sur leur volume, Bruxelles aurait dû figurer, avant la fusion, parmi les places boursières internationales les plus performantes. Ce qui importe surtout, c'est la compétitivité et le potentiel de croissance des entreprises cotées en bourse. En effet, une taxe annuelle, par exemple de 10 %, sur une plus-value nette de 20 %, laisse toujours 18 % de plus-value nette. Par contre, une taxe annuelle de 0 % (comme en 1999), en raison de l'absence de perspective de croissance, sur une plus-value de 0 %, n'engendre aucune plus-value.

Une économie prospère grâce à la plus-value que génère le travail. C'est cette plus-value qui détermine la différence entre la stagnation, d'une part, et la croissance et l'augmentation du bien-être général, d'autre part. Il y a donc lieu de favoriser le facteur actif, le travail, par rapport au facteur passif, le capital.


Voilà esquissés les principes généraux auxquels souscrit la présente proposition de loi. L'on s'est néanmoins abstenu, pour des raisons d'opportunité ou de calendrier, de proposer pour l'heure d'autres modifications également souhaitables, même tout à fait justifiées et en tout cas inévitables à terme, comme celles qui résulteraient de la création d'un impôt sur la fortune, de la réforme des droits de succession et de l'augmentation du précompte immobilier.

Les modifications proposées concernent le précompte mobilier sur les placements à revenu fixe, l'impôt sur les plus-values et une définition cohérente de l'exonération du revenu des livrets d'épargne.

Le précompte mobilier

Données concernant les taux d'imposition dans les pays comparables :

Source : Taux d'imposition des intérêts en 1990 (Tax Harmonisation in the European Community IMF-occasional paper July 1992) et en 2000 (données ABN-AMRO 2000) :

Land
­
Pays
1990 2000
Roerende
voorheffing in %
­
Précompte mobilier
en %
Mededelingsplicht
Globalisatie
­
Obligation de déclarer
Globalisation
Roerende
voorheffing in %
­
Précompte mobilier
en %
Mededelingsplicht
Globalisatie
­
Obligation de déclarer
Globalisation
België. ­ Belgique 10 N/Liberatoir. ­ N/libératoire 15 N/Liberatoir. ­ N/libératoire
Frankrijk. ­ France 17 N/Liberatoir. ­ N/libératoire 10 Ja. ­ Oui
Duitsland. ­ Allemagne 30 Ja. ­ Oui 32 Ja. ­ Oui
Italië. ­ Italie 12,5 N/Liberatoir. ­ N/libératoire 27 N/Liberatoir. ­ N/libératoire
Spanje. ­ Espagne 25 Ja. ­ Oui 25 N/Liberatoir. ­ N/libératoire
UK. ­ Grande-Bretagne 25 Ja. ­ Oui 20 N/Liberatoir. ­ N/libératoire

* Pays-Bas : En 1990, pas de précompte mais une globalisation obligatoire incluant les autres revenus. Pour 2001, précompte libératoire annoncé de 30 %.

La Belgique se situe donc en queue de peloton et pourrait parfaitement supporter une augmentation du précompte, à condition que l'on utilise le produit de cette augmentation pour réduire l'impôt sur les revenus du travail les plus bas et sur les revenus moyens. La situation belge donne à réfléchir en outre dans la mesure où aucun précompte n'est perçu sur l'un des principaux instruments de l'épargne, le livret d'épargne classique, tant que les intérêts qu'il produit sont inférieurs à 50 000 francs par an. En principe, il n'y a pas de problème, mais on constate que le nombre de livrets d'épargne par famille fiscale n'est pas contrôlé et que l'on veille toujours à ce que personne ne dépasse la limite de 50 000 francs. Nous pouvons donc partir du principe que la Belgique est un paradis fiscal pour ce qui est des instruments d'épargne à revenu fixe. La fraude fiscale organisée, en violation de la loi, par l'intermédiaire des livrets d'épargne, ne l'est pas au bénéfice des petits épargnants, puisqu'en l'espèce, les montants en question sont des montants de plusieurs millions.

Il n'est donc pas étonnant qu'en Belgique, les recettes fiscales issues du précompte mobilier, qui sont déjà maigres, ne fassent que diminuer. Mais il y a une deuxième cause, à savoir la réduction du capital engagé soumis au précompte mobilier; les investisseurs choisissent en effet des formes de placement qui ne sont pas soumises au précompte mobilier (communiqué de presse de M. Didier Reynders, ministre des Finances, février 2000).

Les placements visés par le ministre ne peuvent être, outre les placements sur des livrets d'épargne parallèles, qui ne sont pas autorisés par la loi, mais qui sont tolérés et dont l'ouverture est même organisée par les banques, que les placements en produits qui, de par leur nature de « plus-values », échappent au précompte normal, à savoir des Sicavs de capitalisation et les titres à coupon zéro. Il semble donc bien que la décision de couper court à cette évasion fiscale et d'en revenir à l'application normale de la loi en ce qui concerne les livrets d'épargne et, partant, de rétablir l'équité élémentaire et la logique fiscale pour ce qui est des plus-values, soit une décision opportune.

L'on a souvent utilisé contre de la timide tentative en question d'imposer « la fortune », l'argument selon lequel celle-ci est déjà taxée plus lourdement en Belgique qu'ailleurs. En disant cela, l'on pense aux droits de succession et aux taxes de transmission qui sont perçues lors d'opérations immobilières et de transactions boursières. En réalité, même nos droits de succession, prétendûment prohibitifs, sont raisonnables. Les taux les plus souvent appliqués concernent les héritages entre parents et enfants ou entre époux. Ces taux sont de 3 % en Flandre et de ± 4 % en Wallonie pour les montants allant jusqu'à 2 millions de francs, et de 9 % en Flandre et de ± 12 % en Wallonie pour la tranche qui va de 2 à 10 millions de francs. Comme ces tranches sont appliquées séparément, par héritage et par part d'héritage, aux meubles et aux biens d'immeubles, les taux d'imposition effectifs oscillent entre 3 et 4 % pour la tranche allant jusqu'à 4 millions de francs et entre 9 et 12 % pour la tranche allant jusqu'à 20 millions de francs. Par comparaison aux taux appliqués dans les pays voisins, les prélèvements sont donc particulièrement modérés. On peut en dire autant en ce qui concerne les taxes de transmission. En outre, nous ne connaissons aucun impôts sur la fortune, contrairement à la plupart des autres pays. Il serait évidemment plus simple d'adapter chez nous les barèmes applicables aux revenus et aux patrimoines mobiliers, pour les mettre en concordance avec les barèmes qui sont appliqués dans les autres États membres de l'Union européenne. Hélas, les discussions au sein du groupe Monti et les points de vue défendus au sein du Conseil Ecofin ne semblent pas aller dans le sens d'un accord rapide entre l'ensemble des intéressés. La règle de l'unanimité exclut même une avancée à court terme. Par conséquent, la Belgique devra prendre elle-même l'initiative éventuellement en collaboration avec ses partenaires du Benelux. À cet égard, il est essentiel de lutter contre l'évasion fiscale pratiquée par les résidents belges qui effectuent des placements dans les pays qui ne pratiquent pas de retenue à la source. La Commission européenne a soumis à cet égard une proposition de directive au Conseil. Tant qu'il n'y aura pas eu de décision à son sujet, la Belgique devra contrôler plus sévèrement les pratiques favorisant l'évasion fiscale (« mécanismes fiscaux particuliers »). Il semble même qu'il faudra modifier légèrement le principe du « secret bancaire » pour pouvoir contrôler certaines pratiques comme l'ouverture de comptes d'épargne multiples) (voir rapport Van Belle, pp. 8-10), Conseil consultatif interparlementaire du Benelux ­ 25 octobre 1999).


La présente proposition de loi tient compte de toute les considérations exposées ci-dessus; elle prévoit une diminution du précompte mobilier sur les véritables revenus de l'épargne et une augmentation modérée, mais progressive, des prélèvements sur le produit des placements à revenu fixe qui excèdent les 100 000 francs. Elle vise à limiter le phénomène des livrets d'épargne multiples, à modifier légèrement l'obligation de déclaration des banques concernant l'ouverture des livrets d'épargne, à introduire un impôt très modéré sur les plus-values mobilières et à garantir la mise en oeuvre du pacte de stabilité auquel la Belgique a souscrit vis-à-vis de l'Union européenne, par l'introduction progressive des mesures mentionnées ci-avant, parallèlement à la réduction, prévue et souhaitée par le gouvernement, de l'impôt sur les revenus du travail à partir de 2001.

Commentaire des articles

Article 2

La modification de l'article 17, § 1er, CIR, permet de soumettre désormais à l'impôt les plus-values obtenues par incorporation des revenus mobiliers dans la valeur du titre.

Article 3

En abrogeant l'article 21, 2º, CIR, l'on remplace, pour certaines plus-values, le principe de l'exonération d'impôt, par le principe de l'imposabilité.

Article 4

Les redevables du précompte sur les revenus mobiliers, à savoir, les institutions de crédit, sont tenus de déclarer les revenus exonérés du précompte mobilier, in se, les revenus exonérés des livrets d'épargne, par contribuable.

Cela pour déjouer le mécanisme des livrets d'épargne multiples qui, ensemble, dépassent le seuil d'exonération, mais qui, pris séparément, n'atteignent pas le montant maximum exonéré.

Article 5

Comme l'article 2 soumet les plus-values sur les sicavs (belges et étrangères)) à l'impôt, il est logique que les moins-values puissent être déduites.

Article 6

L'article 262 CIR règle l'imposabilité des revenus mobiliers; il faut donc l'adapter, pour rendre les taux progressifs, instaurés par l'article 8 de la présente loi en projet, applicables à l'ensemble des revenus mobiliers globalisés.

Article 7

La modification de l'article 264, 2º, CIR, par l'abandon de l'incorporation des plus-values dans les sicavs, visée à l'article 186 CIR, permet de mettre fin à l'exonération du précompte mobilier pour ce qui est de ces dividendes. La logique de l'imposabilité des plus-values de sicavs de capitalisation rend cette modification nécessaire.

Article 8

La modification de l'article 269, alinéa 1er, 1º, CIR, comporte l'abaissement du taux libératoire du précompte mobilierr de 15 à 10 % pour les dépôts d'épargne jusqu'à environ 2 millions de francs, étant donné que les sommes en question sont presque toujours le produit d'un travail. En ce qui concerne les montants situés entre 2 et 5 millions de francs, le taux actuel reste inchangé, et pour les revenus mobiliers de ceux qui dépassent 5 millions de francs, nous proposons que l'on porte le taux applicable au niveau du taux applicable aux dividendes. Il est clair que les dépôts d'épargne excédant les 5 millions de francs ont une origine autre que le travail et il y a lieu dès lors de les soumettre à un taux d'imposition plus équitable et donc plus élevé.

Article 9

L'article 6 de la présente loi en projet prévoit l'application du système des taux progressifs pour ce qui est de la taxation des revenus mobiliers. Il y a lieu dès lors d'adapter l'obligation de déclaration et, donc, de modifier l'article 313 CIR.

Article 10

Cet article confirme le principe général du secret bancaire, mais il prévoit une exception qui doit permettre d'identifier les livrets d'épargne bénéficiant de l'exonération du précompte mobilier.

Article 11

Les recettes supplémentaires qui découleraient de la modification du régime fiscal des revenus mobiliers devraient permettre de réduire l'impôt sur le travail, ce qui serait conforme à la logique générale du régime fiscal belge, tout en respectant le pacte de stabilité en matière de finances publiques.

Guy MOENS.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

L'article 17, § 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992 est complété par un 5º, rédigé comme suit :

« 5º toute somme excédant le prix d'émission ou de revient, payée ou attribuée au vendeur ou à l'aliénateur d'un titre à capital variable. »

Art. 3

L'article 21, 2º, du même Code, modifié par les lois du 28 décembre 1992 et du 20 mars 1996, est abrogé.

Art. 4

L'article 21, 5º, du même Code, remplacé par la loi du 22 mars 1993, est complété par la disposition suivante :

« ­ ces établissements de crédit sont tenus, pour chaque exonération du précompte mobilier, de remettre, par contribuable, au receveur des impôts directs compétent, une déclaration relative au montant exonéré. »

Art. 5

L'article 52 du même Code, modifié par les lois du 30 mars 1994, du 20 décembre 1995 et du 13 juin 1997, est complété par un 12º, rédigé comme suit :

« 12º toute somme inférieure au prix d'émission ou de revient, qui est constatée chez le vendeur ou de l'aliénateur d'un titre à capital variable. »

Art. 6

L'article 262 du même Code, modifié par la loi du 20 mars 1996, est complété par un 6º, rédigé comme suit :

« 6º la différence entre, d'une part, le précompte mobilier retenu par les redevables visés à l'article 261 et, d'autre part, le montant total du précompte mobilier dû, calculé sur la base des taux fixés à l'article 269, alinéa 1er, 1º. Le Roi fixe la manière dont le bénéficiaire de ces revenus mobiliers doit les mentionner dans sa déclaration. »

Art. 7

L'article 264, 2º, du même Code, modifié par la loi du 6 juillet 1994, est remplacé par ce qui suit :

« 2º que représentent les dividendes visés aux articles 187 et 209; »

Art. 8

L'article 269, alinéa 1er, 1º, du même Code, modifié par la loi du 20 décembre 1995, est remplacé par ce qui suit :

« 1º ­ à 10 % pour la tranche de revenus allant de 1 franc à 100 000 de francs, ainsi que pour les plus-values visées à l'article 17, § 1er, 5º;

­ à 15 % pour la tranche allant de 100 000 de francs à 250 000 francs, ainsi que pour les revenus divers visés à l'article 90, 5º à 7º;

­ à 25 % pour la tranche supérieure à 250 000 francs. »

Art. 9

Dans la phrase liminaire de l'article 313, alinéa 1er, du même Code, modifié par la loi du 16 avril 1997, les mots « les revenus des capitaux et biens mobiliers ni » sont supprimés.

Art. 10

L'article 318, alinéa 1er, du même Code, remplacé par l'arrêté royal du 20 décembre 1996, confirmé par la loi du 13 juin 1997, est remplacé par ce qui suit :

« Par dérogation aux dispositions de l'article 317, et sans préjudice de l'application des articles 21, 5º, 315, 315bis et 316, l'administration n'est pas autorisée à recueillir dans les comptes, livres et documents des établissements de banque, de change, de crédit et d'épargne des renseignements en vue de l'imposition de leurs clients. »

Art. 11

À chaque établissement du budget, les recettes produites grâce aux modifications apportées par la présente loi seront affectées, en sus, pour autant que le solde public primaire excède les 6 % du PIB, à la réduction de l'impôt sur les revenus du travail.

Art. 12

Le Roi fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

Guy MOENS.