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23 FÉVRIER 2000
(Déposée par M. Georges Dallemagne)
Dans la situation actuelle, la femme enceinte a droit à un congé de maternité de quinze semaines dont obligatoirement huit doivent être prises après la naissance et une avant la naissance. Les six semaines restantes sont prises à la discrétion de la future mère, en tout ou en partie avant ou après la naissance. Par ailleurs, s'il arrive à la future mère de tomber malade durant les sept dernières semaines de sa grossesse, le congé dont elle aura besoin sera imputé sur son congé de maternité, même si la pathologie ne présente aucun lien avec la grossesse.
Les effets pervers de la législation actuelle sont nombreux.
1. Le choix à faire en ce qui concerne les six semaines « flottantes » de repos de maternité est source de malaise et de stress
Souvent la future mère s'inquiète excessivement du choix qu'elle aura à faire concernant les six semaines flottantes. Les avis ne manqueront pas : les uns lui conseilleront de reporter l'entièreté des six semaines après la naissance, alors que les autres lui conseilleront de prendre plus d'une semaine de congé avant la naissance, pour arriver en forme à l'accouchement. Des facteurs tels que le type de travail exercé par la future mère et sa personnalité sont souvent difficiles à mettre en équation et le gynécologue en arrive lui-même à se sentir mal à l'aise lorsqu'il conseille un arrêt de travail durant la grossesse au prix d'une séparation mère/enfant plus précoce après la naissance.
2. En matière de repos prénatal, les périodes de protection de la maternité prévues actuellement par la loi ne répondent plus au progrès de la néonatologie moderne. Actuellement, la femme enceinte peut prendre congé durant les sept dernières semaines de la grossesse, soit entre 33 et 40 semaines de grossesse. Toutefois, la néonatologie a fait de tels progrès qu'il ne s'agit plus d'une période a risque pour le foetus, et il est classique de considérer qu'à partir de 34 semaines de grossesse, le pronostic en ce qui concerne l'état de santé du bébé est tellement bon qu'il n'est plus raisonnable de tenter, par exemple, d'arrêter une menace d'accouchement prématuré. Actuellement, la période considérée comme à risque est celle qui est comprise entre la 25e et la 32e semaine de grossesse, moment où le seul moyen de permettre à une femme de prendre du repos est de la mettre en congé de maladie. Dans ce contexte, le repos que peut prendre la femme entre la 33e et la 40e semaine de grossesse, dans le cadre de son congé légal, relève plus du confort que d'un risque réel pour le bébé ou pour elle-même.
Pendant la grossesse, il paraît donc plus judicieux de permettre à la femme enceinte de bénéficier de dix jours de confort durant cette période à risque, soit entre la 23e semaine de grossesse et le début de sa période de repos prénatal. C'est l'objet de la présente proposition. Au-delà de ces dix jours, il paraît raisonnable d'imposer que les congés soient liés à un certificat médical pour une cause donnée, telle que menace d'accouchement prématuré, menace de fausse couche, etc.
L'obligation pour la femme de prendre une semaine de congé avant la naissance peut entraîner des effets inattendus. En effet, les accouchements prévus pour une date donnée ne se déclenchent pas forcément à la date prévue, et si la femme enceinte a réellement pris son congé une semaine avant le terme calculé, elle devient de plus en plus impatiente quand elle dépasse son terme puisqu'elle « consomme » du congé prévu pour le bébé. Ceci peut l'amener à demander une induction (un déclenchement) de l'accouchement avant le moment généralement accepté dans la littérature : terme plus dix jours. Les déclenchements sont susceptibles dans certains cas d'entraîner une augmentation des césariennes.
Deux propositions, jointes à la présente, suppriment cet effet pervers, tout en maintenant une semaine de congé prénatal obligatoire. Il nous paraît, en effet, indispensable de conserver cette semaine de congé prénatal obligatoire, car l'élément fatigue n'est pas négligeable en fin de grossesse, particulièrement pour les femmes qui ont déjà charge de famille. Par ailleurs, une semaine de repos prénatal nous paraît indispensable pour la préparation psychologique de la future mère à l'accouchement.
En cas de naissance multiple, il paraît plus judicieux de permettre à la mère de bénéficier d'un complément de congé après la naissance plutôt qu'avant la naissance. C'est, en effet, surtout après la naissance, que la mère aura besoin de repos pour elle-même et de temps pour accueillir les nouveau-nés. Il faut, en effet, plus de temps à une mère d'enfants multiples pour établir un lien affectif personnalisé avec chaque enfant.
3. En ce qui concerne le repos postnatal, il est indéniable que la reprise du travail après huit semaines de congé est préjudiciable à la mère et à l'enfant.
Pour l'enfant, les pédiatres recommandent actuellement de ne pas introduire d'alimentation complémentaire avant trois mois s'il s'agit d'un enfant nourri au sein. Lorsque la mère se voit obligée de reprendre le travail après huit semaines de congé postnatal, elle est amenée à modifier l'alimentation précocement.
Par ailleurs, des psychologues ont mis en évidence que la capacité pour l'enfant d'établir une relation avec deux personnes différentes se développe vers trois mois. Avant ce moment, il n'est pas judicieux de mettre l'enfant en crèche ou chez une gardienne.
En outre, la majorité des nouveau-nés « passent leur nuit » vers trois mois et non à deux mois. La mère serait donc plus apte à reprendre le travail à ce moment-là.
En termes de santé maternelle, il faut noter que la plupart des mères qui doivent reprendre le travail après huit semaines de congé postnatal présentent un score élevé sur l'échelle de dépression « Edinburgh Postnatal Depression Scale ». Si elles bénéficient d'un mois de congé supplémentaire sur base d'un certificat d'incapacité de travail, pour lequel elles doivent obtenir l'accord du médecin-conseil de la mutualité, la plupart des mères se sentiront davantages prêtes à reprendre le travail. Par contre, la reprise du travail moins de trois mois après l'accouchement risque de favoriser la dépression maternelle postnatale, et, par voie de conséquence, les troubles du développement qui en résultent pour l'enfant.
Il paraît, en outre, indispensable de faire une distinction entre le repos postnatal, destiné à la mère, qui devrait être identique pour toutes les mères, et le congé d'accueil de l'enfant.
Après l'accouchement, il semble ainsi nécessaire de donner à toutes les femmes une période identique de repos postnatal obligatoire de six semaines. À ce congé, s'ajouterait un congé appelé « congé d'accueil de l'enfant », destiné spécifiquement à accueillir l'enfant au foyer. La durée de ce congé varierait en fonction à la fois du nombre d'enfants, en cas de naissance multiple, et de la durée d'hospitalisation, en cas d'hospitalisation du nouveau-né après la naissance.
Un congé d'accueil de huit semaines serait ainsi octroyé à la mère dans les cas majoritaires d'absence de complications à la naissance, c'est-à-dire lorsque l'enfant et la mère entrent au foyer ensemble. En cas de naissance multiple, le congé d'accueil serait prolongé d'un congé de quatre semaines par enfant, né simultanément avec le premier, pour permettre à la mère et aux nouveau-nés d'établir au mieux une relation affective.
En cas d'hospitalisation du nouveau-né après la naissance, le congé d'accueil de l'enfant serait prolongé de la durée d'hospitalisation, à compter de la deuxième semaine d'hospitalisation. La prolongation ne pourrait excéder six semaines. Toutefois, en cas d'hospitalisation prolongée du nouveau-né, c'est-à-dire si l'enfant reste hospitalisé plus de six semaines après la naissance, la mère aurait la faculté de demander le report de ce congé d'accueil et de sa prolongation jusqu'au moment de l'entrée de l'enfant au foyer. Cela permettrait ainsi à la mère de l'enfant de pouvoir reprendre le travail à l'issue de sa période de repos postnatal et de l'interrompre pour accueillir son enfant dans les meilleures conditions possibles. Dans ces cas de figure (graves), la demande de la travailleuse devrait s'accompagner d'un certificat de l'établissement hospitalier.
Les mères dont le nouveau-né décède dans l'établissement hospitalier dans l'année de sa naissance bénéficieraient, outre du congé postnatal obligatoire de six semaines, d'un congé facultatif de huit semaines à dater du décès de l'enfant. Si, pour leur équilibre psychologique, elles souhaitent ne pas interrompre leur activité professionnelle, elles auraient la possibilité de renoncer à ce congé.
Les possibilités de conversion du congé de maternité en congé de paternité seraient, par ailleurs, maintenues.
Ces modifications des périodes de protection de la maternité nécessitent une adaptation de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994 et de l'arrêté royal du 3 juillet 1996 portant exécution de cette loi, ainsi que de la loi du 16 mars 1971 sur le travail. Ces adaptations font l'objet de deux autres propositions, jointes à la présente.
Article 2
Cet article vise à limiter le champ d'application de la présente loi aux femmes liées à un employeur par un contrat de travail ou qui travaillent sous l'autorité d'une autre personne même sans contrat de travail.
Article 3
Cet article permet à toute femme enceinte de bénéficier de 10 jours de congé pour convenance personnelle entre la 23e semaine de grossesse et le début du repos prénatal obligatoire. Cette disposition permet à toute femme enceinte, soit de se reposer de temps à autre, soit d'effectuer quelques démarches liées à la naissance de l'enfant, ... sans devoir recourir à la production d'un certificat médical, seul moyen actuellement pour une femme de pouvoir « souffler » un jour ou deux à un moment ou à un autre de sa grossesse. Durant ces 10 jours d'absence, la travailleuse continue à percevoir sa rémunération.
Article 4
Cet article vise à permettre à une travailleuse enceinte de bénéficier de ces 10 jours de congé pour convenance personnelle, soit en une fois, soit en plusieurs fois (maximum 10 jours séparés). Lorsqu'elle s'absente, elle doit toutefois prendre au minimum un jour de congé complet. Il n'est donc pas possible de transformer ces 10 jours de congé pour convenance personnelle en 20 demi-journées, par exemple.
Article 5
Ces 10 jours de congé pour convenance personnelle sont, en fait, octroyés aux femmes enceintes occupées à temps plein dans l'entreprise. Pour les femmes occupées à temps partiel, ces 10 jours de congé sont proratisés en fonction de leur temps de travail dans l'entreprise. La proratisation va vraisemblablement entraîner un calcul en heures pour ces travailleuses à temps partiel. Ces heures d'absence doivent être prises également en journée complète d'activité pour la travailleuse à temps partiel, à l'exception du solde éventuel d'heures de congé qui ne correspondrait plus à une journée complète d'activité pour cette travailleuse.
Article 6
Cet article règle les formalités à remplir par la travailleuse désireuse de bénéficier de ces jours de congé pour convenance personnelle.
À la première demande, il est nécessaire de joindre un certificat médical mentionnant la date présumée de l'accouchement afin que l'employeur puisse vérifier que la demande se situe bien entre la 23e semaine de grossesse et la date présumée de l'accouchement.
En outre, pour ne pas prendre l'employeur au dépourvu, il est prévu qu'un jour de congé pour convenance personnelle ne peut être pris que s'il a été demandé au moins trois jours ouvrable à l'avance.
Article 7
Les jours de congé pour convenance personnelle sont prévus pour permettre à une femme enceinte de faire une ou plusieurs pauses de courte durée au cours de sa grossesse afin que celle-ci se passe au mieux, avec des zones de « respiration », sans devoir masquer cette volonté de bénéficier d'un jour de repos de temps à autre par un certificat médical. En raison de cette philosophie, il n'est pas possible de reporter ces jours de congé pour convenance personnelle à un moment où la travailleuse a accouché.
| Georges DALLEMAGNE. |
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
La présente loi s'applique aux travailleuses qui entrent dans le champ d'application du chapitre IV de la loi du 16 mars 1971 sur le travail, et à leurs employeurs.
Pour l'application de la présente loi sont assimilées :
1º aux travailleuses : les personnes qui, autrement qu'en vertu d'un contrat de travail, fournissent des prestations de travail sous l'autorité d'une autre personne;
2º aux employeurs : les personnes qui occupent les travailleuses visées au 1º.
Art. 3
Une travailleuse enceinte a le droit de s'absenter, durant maximum dix jours, avec maintien de sa rémunération, entre la vingt-troisième semaine de grossesse et le début de sa période de repos prénatal, déterminée conformément à l'article 114 de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994.
La vingt-troisième semaine de grossesse est déterminée en fonction de la date présumée de l'accouchement.
Art. 4
Les dix jours de congé pour convenance personnelle peuvent être pris en une fois ou répartis sur plusieurs périodes. Ils doivent toutefois être pris par journée complète de travail.
Art. 5
Pour les travailleuses prestant à temps partiel, les dix jours de congé pour convenance personnelle sont proratisés en fonction du temps de travail de la travailleuse par rapport au temps de travail à temps plein au sein de l'entreprise ou de la branche d'activité pour une même fonction. Cette proratisation doit s'effectuer en heures de travail. Les heures de congé pour convenance personnelle prises par la travailleuse à temps partiel doivent correspondre à une journée complète d'activité pour elle. Le solde des heures de congé pour convenance personnelle, s'il ne correspond plus à une journée complète d'activité pour la travailleuse à temps partiel, doit être pris en une seul fois.
Art. 6
Pour bénéficier de ces jours de congé pour convenance personnelle, la travailleuse enceinte doit respecter les formalités suivantes :
chaque fois qu'elle souhaite bénéficier d'un ou de plusieurs jours de congé consécutifs, elle doit en faire la demande à l'employeur, par écrit, au moins trois jours ouvrables à l'avance. Les jours habituels d'inactivité au sein de l'entreprise ne sont pas considérés comme jours ouvrables;
lors de la première demande de jour de congé pour convenance personnelle, la travailleuse enceinte doit, en outre, joindre un certificat médical mentionnant la date présumée de l'accouchement.
L'employeur ne peut refuser un jour de congé pour convenance personnelle, sauf si le délai d'avertissement de trois jours ouvrables n'a pas été respecté ou si la date du congé demandé est antérieure à la vingt-troisième semaine de grossesse.
Art. 7
Si la travailleuse enceinte n'a pas épuisé la totalité des jours ou des heures de congé pour convenance personnelle au moment où débute sa période de repos prénatal, déterminée conformément à l'article 114 de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, la partie restante de ces jours ou de ces heures de congé ne peut être reportée.
| Georges DALLEMAGNE. |
(1) La présente proposition de loi a déjà été déposée au Senat le 3 mai 1999, sous le nº 1-1428/1.