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6 JANVIER 2000
L'article 62 de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions prévoit que l'État fédéral doit allouer un crédit aux Communautés pour couvrir le financement de l'enseignement universitaire qui est dispensé aux étudiants étrangers.
La loi spéciale du 16 janvier 1989 avait fixé le montant qui revenait à chaque Communauté pour l'année budgétaire 1989. Depuis lors, ces montants n'ont jamais été revus, sous réserve de l'adaptation au taux de fluctuation de l'indice moyen des prix à la consommation telle qu'elle est prévue à l'article 13, § 2, de la loi spéciale précitée.
L'article 62, § 3, de la loi spéciale précitée prévoit que les montants qui ont été fixés en 1989 peuvent être augmentés, en particulier pour tenir compte des conséquences financières éventuelles sur les Communautés de décisions prises par l'autorité fédérale dans l'exercice de ses compétences propres.
Plus de 10 ans après le vote de la loi spéciale de financement, une adaptation de ces montants s'impose en raison de l'augmentation du nombre d'étudiants étrangers et en raison de l'intervention d'arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes qui ont mis en évidence le fait que des charges importantes pèsent sur les Communautés du fait de l'adhésion de la Belgique aux instances de l'Union européenne.
Le principe de la libre circulation des personnes au sein de l'Union européenne oblige les Communautés à considérer les étudiants étrangers des États de l'Union européenne comme des étudiants finançables au même titre que les étudiants belges.
Des arrêts récents de la Cour de justice des Communautés européennes rappellent cette obligation aux autorités belges.
L'adhésion par l'État fédéral aux instances européennes a donc eu un impact budgétaire substantiel pour les Communautés.
Une attention particulière doit en conséquence être réservée à l'augmentation du nombre d'étudiants étrangers de l'Union européenne dans les Universités belges et dans la répartition de ces étudiants entre les universités qui dépendent de l'une ou l'autre Communauté.
L'évolution du nombre de ces étudiants révèle que ceux-ci sont pour un tiers inscrits dans des universités qui dépendent de la Communauté flamande et pour deux tiers dans des universités qui dépendent de la Communauté française.
Cette situation a servi de base pour la répartition du budget entre les deux Communautés.
Les crédits nécessaires à l'exécution du présent projet de loi seront prévus lors du prochain contrôle budgétaire.
Le montant qui est fixé dans la présente loi sera adapté au taux de fluctuation de l'indice moyen des prix à la consommation.
Ainsi que le prévoit l'article 62, § 3, 2e alinéa, de la loi spéciale du 16 janvier 1989, le projet de loi fixant le crédit qui reviendra chaque année aux Communautés fera l'objet d'une concertation préalable entre le Gouvernement fédéral et les Gouvernements de Communauté.
L'avis du Conseil d'État appelle plusieurs observations.
L'article 62, § 3, 1er alinéa, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions prévoit que les montants qui sont visés au 1er paragraphe de cette disposition « peuvent être augmentés ».
L'article 62, § 3, 2e alinéa, de la même loi impose, quant à lui, que le projet de loi qui fixe le crédit (soit la loi budgétaire) doit faire l'objet d'une concertation préalable entre le Gouvernement fédéral et les Gouvernements de Communauté. En d'autres termes, l'article 62, § 3, alinéa 1er prévoit une habilitation générale quant à une augmentation éventuelle des montants qui ont été inscrits en 1989. En effet, l'habilitation du législateur spécial est formulée de manière générale et n'est pas limitée à la seule loi budgétaire (ce qui ne présenterait guère d'intérêt).
Par contre, le 2e alinéa de la même disposition impose, quant à lui, que le projet de loi budgétaire, en ce qu'il fixe le crédit qui est effectivement alloué aux Communautés, fasse l'objet d'une concertation.
Il résulte de ces dispositions que les montants qui sont alloués aux Communautés peuvent être augmentés, soit au cas par cas dans le cadre de la loi budgétaire, soit, d'une manière plus structurelle, selon des critères contenus dans une loi matérielle « afin de tenir compte des conséquences financières éventuelles sur les Communautés de décisions prises par l'autorité fédérale dans l'exercice de ses compétences propres ».
Tel est le cas du projet qui se fonde sur l'augmentation du nombre des étudiants étrangers et l'obligation qu'ont les Communautés de les financer en raison de l'adhésion de la Belgique à l'Union européenne.
En outre, il faut relever que le projet qui a été adopté par le Gouvernement ne vide pas de son sens l'obligation de concertation qu'impose l'article 62, § 3, 2e alinéa, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions.
En effet, les montants qui sont inscrits dans le projet de loi ont fait l'objet d'une concertation et même d'un accord au sein du Comité de concertation qui réunit les représentants des Gouvernements des Communautés, des Régions et de l'État fédéral.
À partir de l'année budgétaire 2001, la concertation aura la même forme et la même nature que celle qu'elle a eu depuis l'année budgétaire 1990 jusqu'à l'année budgétaire 1999. Le projet qui a été adopté par le Conseil des ministres n'ôte donc pas le sens de la concertation avec les Communautés qui est prévue par la loi spéciale. Dans le cadre des concertations à venir, chacune des Communautés pourra faire valoir les observations qu'elle jugerait utile pour obtenir une augmentation des montants qui seront prévus.
Article 1er
Cet article n'appelle pas de commentaire particulier.
Article 2
Cet article prévoit qu'à partir de l'année budgétaire 2000, les Communautés recevront un montant total de 3 381,5 millions de l'Autorité fédérale pour le financement des étudiants étrangers.
La répartition de ce montant entre les Communautés s'est opérée en fonction de la répartition du nombre d'étudiants étrangers de l'Union européenne entre les universités des Communautés flamande et française.
Ce critère a été retenu pour tenir compte des répercussions qui pèsent sur les Communautés du fait de l'adhésion de la Belgique aux instances de l'Union européenne.
Tel est, mesdames, messieurs, la portée du projet de loi que le Gouvernement à l'honneur de soumettre à votre approbation.
Le ministre de l'Économie et
de la Recherche scientifique,
Rudy DEMOTTE.
Roi des Belges,
À tous, présents et à venir,
SALUT.
Sur la proposition de Notre ministre de la Recherche scientifique,
Notre ministre de la Recherche scientifique est chargé de présenter, en Notre nom, aux Chambres législatives et de déposer au Sénat, le projet de loi dont la teneur suit :
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 77 de la Constitution.
Art. 2
À partir de 2000, les montants visés à l'article 62, § 1er , de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions, adaptés conformément au § 2 du même article, sont, conformément au § 3, alinéa 1er , du même article, portés à 2 265,6 millions de francs pour la Communauté française et de 1 115,9 millions de francs pour la Communauté flamande.
Pour l'année budgétaire 2001 et chacune des années budgétaires suivantes, les montants mentionnés à l'alinéa qui précède sont adaptés au taux de fluctuation de l'indice moyen des prix à la consommation selon les modalités fixées par l'article 13, § 2, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions.
Donné à Bruxelles, le 24 décembre 1999.
Par le Roi :
Le ministre de l'Économie et
de la Recherche scientifique,
Rudy DEMOTTE.
Avant-projet de loi exécutant l'article 62 de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
À partir de 2000, les montants visés à l'article 62, § 1er , de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions, adaptés conformément au § 2 du même article, sont, conformément au § 3, 1er alinéa, du même article, portés à 2 265,6 millions de francs pour la Communauté française et de 1 115,9 millions de francs pour la Communauté flamande.
Pour l'année budgétaire 2001 et chacune des années budgétaires suivantes, les montants mentionnés à l'alinéa qui précède sont adaptés au taux de fluctuation de l'indice moyen des prix à la consommation selon les modalités fixées par l'article 13, § 2, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions.
Le CONSEIL D'ÉTAT, section de législation, chambres réunies, saisi par le ministre de la Politique scientifique, le 10 décembre 1999, d'une demande d'avis, dans un délai ne dépassant pas trois jours, sur un avant-projet de loi « exécutant l'article 62 de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions », a donné le 17 décembre 1999 l'avis suivant :
Suivant l'article 84, alinéa 1er , 2º, des lois coordonnées sur le Conseil d'État, la demande d'avis doit indiquer les motifs qui en justifient le caractère urgent.
La lettre s'exprime en ces termes :
« (l'urgence est motivée) ... par le fait que la loi qui est projetée doit entrer en vigueur dès l'année budgétaire 2000 et, qu'à ce titre, elle doit pouvoir être impérativement votée avant le contrôle budgétaire. ».
1. Depuis la révision constitutionnelle du 15 juillet 1988, l'article 175 de la Constitution requiert que le système de financement pour les communautés française et flamande soit fixé par une loi spéciale. L'article 177 de la Constitution, résultant de la révision constitutionnelle du 7 juillet 1988, contient la même exigence en ce qui concerne le système de financement des régions. Lors des travaux parlementaires de révision constitutionnelle, ces dispositions ont été commentées comme suit par le vice-premier ministre et ministre des Communications et des Réformes institutionnelles (N) de l'époque :
« Le choix de prévoir le financement dans une loi votée à majorité spéciale s'explique pour trois raisons :
Les règles de base qui déterminent les rapports entre les communautés et les régions ne peuvent en effet être modifiées en fonction de l'opportunité politique du moment. Ces modifications éventuelles doivent faire l'objet d'un consensus assez large entre les communautés et régions, matérialisé par une majorité des deux tiers.
Dans une structure fédérale, cela doit faire partie de la « Bundestreue », qui veut que ces modifications ne peuvent être envisagées que dans le cas d'un large consensus entre les communautés.
Ce système se construit progressivement et il faut éviter qu'on puisse facilement le remettre en cause à chaque étape de cette construction.
En outre pour la crédibilité des communautés et régions, il est important que le système de financement soit stable. Il faut éviter d'offrir des possibilités d'hypothéquer l'assise financière des communautés (1). »
Il résulte desdites dispositions constitutionnelles qu'il revient au législateur spécial, à l'exclusion du législateur ordinaire, de régler le système de financement des communautés et des régions. Le législateur ordinaire doit donc adopter des lois d'exécution de la loi spéciale, mais sans modifier celle-ci, ni y déroger (2).
2. L'article 62 de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions est rédigé comme suit :
« § 1er . Sans préjudice de l'application de la présente loi, il est prévu annuellement, à charge du budget de l'État, un crédit destiné aux communautés pour le financement de l'enseignement universitaire dispensé aux étudiants étrangers.
Pour l'année budgétaire 1989, ces montants sont respectivement de 1 200 millions pour la Communauté française et de 300 millions pour la Communauté flamande.
§ 2. Pour l'année budgétaire 1990 et chacune des années budgétaires suivantes, les montants mentionnés au § 1er sont adaptés au taux de fluctuation de l'indice moyen des prix à la consommation selon les modalités fixées par l'article 13, § 2.
§ 3. À partir de 1990, les montants visés au § 2 peuvent être augmentés, en particulier pour tenir compte des conséquences financières éventuelles sur les communautés de décisions prises par l'autorité fédérale dans l'exercice de ses compétences propres.
Le projet de loi fixant le crédit visé au § 1er fait chaque année sur ce point l'objet d'une concertation préalable entre le gouvernement fédéral et les gouvernements de communauté.
§ 4. L'article 54, § 1er , alinéa 4 et § 2 s'applique à ce crédit. »
L'article 62 prévoit donc l'inscription, dans la loi budgétaire, d'un crédit destiné aux communautés pour le financement de l'enseignement universitaire dispensé aux étudiants étrangers. Conformément au principe de l'annalité budgétaire, ce crédit est « prévu annuellement » (article 62, § 1er , alinéa 1er ).
L'article 62 de la loi spéciale fixe la répartition de ce crédit entre les deux communautés pour l'année budgétaire 1989. Il le fait en déterminant directement deux montants (article 62, § 1er , alinéa 2).
Ces montants font l'objet de deux adaptations annuelles à partir de l'année budgétaire 1990, l'une obligatoire, l'autre facultative. L'adaptation obligatoire est l'indexation (article 62, § 2). L'adaptation facultative est une augmentation destinée à « tenir compte des conséquences financières éventuelles sur les communautés des décisions prises par l'autorité fédérale dans l'exercice de ses compétences propres » (article 62, § 3, alinéa 1er ). Il est précisé que ce sont les montants indexés qui font l'objet de l'augmentation facultative (« les montants visés au § 2 peuvent être augmentés »).
Enfin, la loi spéciale requiert que l'article du budget qui fixe annuellement le crédit fasse « l'objet d'une concertation préalable entre le gouvernement fédéral et les gouvernements de communauté » (article 62, § 3, alinéa 2).
La concertation porte sur la détermination du crédit inscrit au budget, donc sur le montant tel qu'il est augmenté (3).
Il en résulte que l'article 62 de la loi spéciale ne requiert et ne permet de la part du législateur ordinaire que la seule inscription dans la loi budgétaire d'un article prévoyant, à charge du budget de l'État, un crédit destiné aux communautés.
3. Contrairement à ce que laisse croire son intitulé, l'avant-projet de loi examiné ne se contente pas d'exécuter l'article 62 de la loi spéciale du 16 janvier 1989 mais y déroge. En effet, l'avant-projet de loi examiné n'est pas l'avant-projet de budget mais une disposition destinée à produire des effets pour une durée indéterminée (4). Il tend à ouvrir, pour une durée indéterminée, un droit annuel à l'augmentation des montants fixés conformément aux paragraphes 1er et 2 de l'article 62 de la loi spéciale, alors que cette disposition prévoit que cette augmentation est fixée chaque année dans la loi budgétaire, après concertation, annuelle également, avec les gouvernements de communauté.
4. Si les auteurs de l'avant-projet examiné entendent exécuter l'article 62 de la loi spéciale du 16 janvier 1989, ils doivent omettre l'avant-projet examiné et inscrire directement le crédit fixé dans un article de la loi fixant le budget pour l'année 2000 en tenant compte du prescrit de l'article 62, § 3, précité. Les montants alloués devront être reconsidérés pour l'année budgétaire 2001, selon la procédure fixée à l'article 62 de la loi spéciale, et notamment sur la base de la concertation préalable avec les gouvernements de communauté.
Par contre, si les auteurs entendent déterminer, pour plusieurs années, les montants alloués aux communautés, ils modifient l'article 62 de la loi spéciale. Le texte doit alors être adopté sous la forme d'une loi spéciale modifiant cette disposition.
Les chambres réunies étaient composées de :
M. W. DEROOVER, président de chambre, président;
MM. Y. KREINS, Ph. HANSE, D. ALBRECHT, P. LEMMENS, P. LIENARDY, conseillers d'État;
MM. J. van COMPERNOLLE, A. ALEN, J.-M. FAVRESSE, H. COUSY, assesseurs de la section de législation;
Mme F. LIEVENS, greffier.
Mme B. VIGNERON, greffier assumé.
La concordance entre la version néerlandaise et la version française a été vérifiée sous le contrôle de M. P. LIENARDY.
Les rapports ont été présentés par MM. B. SEUTIN, G. VAN HAEGENDOREN, X. DELGRANGE et L. DETROUX, auditeurs. Les notes du Bureau de coordination ont été rédigées et exposées par MM. J. DRIJKONINGEN et C. NIKIS, référendaires.
Le greffier, | Le président, |
F. LIEVENS. | W. DEROOVER. |
(1) Doc. Chambre, nº 10/59b-456/4, SE 1988, p. 22.
(2) Voir en ce sens, par exemple, l'avis L. 21.990/VR du 18 décembre 1992 sur une proposition de loi spéciale « visant à achever la structure fédérale de l'État » (Doc. Sénat, nº 558-2, 1992-1993).
(3) Lors de la discussion de cet article en commission de la Chambre, le vice-premier ministre et ministre des Réformes institutionnelles a déclaré : « La communauté n'a aucun recours contre le refus de l'État d'augmenter en conséquence le crédit visé à l'article 57 (devenu 62). Le § 3 prévoit, en effet, explicitement que « les montants visés au § 2 peuvent être augmentés ». En d'autres termes, les communautés n'ont aucun droit à cette augmentation. Elles peuvent cependant faire valoir leurs objections lors de la concertation annuelle préalable (voir § 3 in fine ) » (rapport fait au nom de la Commission de la révision de la Constitution, des réformes institutionnelles et du règlement des conflits, doc. Chambre, nº 635-18, 88/89, p. 602).
(4) L'article 2, alinéa 1er , de l'avant-projet débute par ces mots : « À partir de 2000. » L'alinéa 2 commence par « Pour l'année budgétaire 2001 et chacune des années budgétaires suivantes ».