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9 FÉVRIER 1999
Mme Lizin expose que sa proposition a été inspirée par le souci d'octroyer aux officiers de l'état civil une meilleure proctection lorsqu'ils refusent de conclure un mariage sur la base de présomptions graves de mariage blanc.
Actuellement, cette protection n'existe pas, à défaut de règlement précis dans la loi. La seule chose que puissent faire ces officiers maintenant, c'est de prévenir le substitut de garde du parquet du procureur du Roi, qui n'est que peu motivé pour intervenir, ne fût-ce que parce qu'il ne dispose pas d'éléments concrets.
Or, il se fait que souvent, ces éléments apparaissent pour la première fois lorsque les prétendants au mariage comparaissent devant l'officier de l'état civil. Il n'est pas rare de constater qu'ils ne se connaissent pas du tout, soit qu'ils parlent une autre langue, ou qu'ils ne connaissent même pas l'identité complète de leur futur époux.
Le problème se pose de la façon la plus prononcée à Liège et à Charleroi.
Que veut-elle améliorer par sa proposition ? En insérant un article 171bis au Code civil, elle veut donner un plus grand pouvoir d'appréciation à l'officier de l'état civil, lorsqu'il constate de visu que certaines anomalies se font jour dans la personnalité ou la situation des prétendants lorsqu'ils se présentent devant lui.
Si la proposition l'emporte, il y aura un moratoire de 3 mois, pendant lequel le parquet pourra enquêter sur la base des éléments concrets lui fournis par l'officier de l'état civil lui-même.
Un membre demande à l'auteur si elle réalise que selon la logique du texte à l'examen, le fonctionnaire pourra refuser de célébrer le mariage sur la base d'un des critères définis à l'article 2. Il estime que le bât blesse très fort à ce niveau dans la mesure où certains de ces critères ne permettent pas en soi de dire grand-chose sur le degré de sincérité des candidats.
L'auteur de la proposition admet qu'en théorie un seul critère pourrait suffire. Mais il ne faut pas trop prendre argument de l'énumération mais plutôt de l'ensemble du texte qui dit que la décision doit se baser « notamment » sur un de ces critères, ce qui signifie qu'il faut placer le fait relevé dans un contexte.
Le membre demande si, dans l'optique de l'auteur de la proposition, il suffirait donc que les deux aspirants ne se comprennent pas pour que le mariage soit suspendu.
L'auteur prétend que ce serait suffisant comme indication objective.
Une autre membre craint que l'on n'interprète trop strictement les présomptions existantes. Elle aurait préféré une plus grande objectivation des éléments connexes qui amènent l'officier de l'état civil à se forger une opinion. Sinon, l'on s'expose à l'arbitraire. Dans cette perspective, il conviendrait également d'organiser une forme de recours. Il faut pour cela que les critères soient définis avec plus de précision. Ainsi est-il par exemple difficile de déterminer si le deuxième critère « cohabiter avec un tiers de manière durable », vise la seule cohabitation avec un partenaire et non pas la cohabitation avec un parent, qui est une tout autre chose. Il est également inconcevable, par exemple, que l'on empêche les prostituées de se marier, ce qui serait le cas si l'on appliquait à la lettre le critère défini au 5º.
Une autre membre estime elle aussi que les présomptions énumérées à l'article 2 sont peu précises ou inadéquates. Elles laissent la porte ouverte à l'arbitraire. Elle-même a déjà célébré, en tant qu'officier de l'état civil, un mariage entre des partenaires qui ne comprenaient pas la langue de l'autre (l'un était francophone et l'autre néerlandophone) et qui, de surcroît, étaient tous deux issus du milieu de la prostitution. Or, le mariage de ces personnes a été une réussite.
Une membre estime aussi que certains critères, pris séparément, sont trop faibles pour pouvoir justifier un refus. L'on ne peut en aucun cas créer une présomption légale. Pour autant qu'elle sache, le ministère de l'Intérieur tient des statistiques sur les mariages blancs et des analyses auraient été consacrées à celles-ci. Ces données ne permettraient-elles pas d'affiner les critères ?
La préopinante estime qu'il serait également utile d'obtenir un rapport du ministre. L'on pourrait ainsi élargir l'éventail des critères.
Une membre convient qu'il faut combattre les mariages blancs. Mais il est risqué de se laisser confiner par une série de critères peu précis en dehors des conditions de base du Code civil, qui sont :
être de sexe différent;
être majeur d'âge;
ne pas être déjà marié;
avoir la volonté de vivre ensemble.
En fait, la proposition tend à concrétiser cette dernière condition. Or, il est extrêmement difficile de concevoir en cette matière des critères très précis.
L'auteur fait observer qu'elle n'a fait que reprendre les termes de la circulaire à ce sujet, pour les transposer dans la loi.
La préopinante prétend que les circulaires étant d'un autre ordre juridique, il faut être d'autant plus circonspect si l'on veut les transposer dans la loi. S'agit-il de faits qui doivent être uniquement constatés par l'officier de l'état civil ou peut-il y avoir des constatations faites par d'autres.
Il ne faut pas non plus négliger les conséquences en matière de dédommagement si l'officier de l'état civil est mis en défaut par un tribunal ou s'il se trompe. Qui va payer les dommages et intérêts ?
Enfin, ne vaudrait-il pas mieux classer la nouvelle disposition proposée sous le chapitre III qui traite des oppositions au mariage ?
Une membre estime que la proposition qui a été déposée constitue un bon exercice en vue de la mise en place d'un régime légal de lutte contre les mariages blancs. Il faut cependant également tenir compte d'autres critères. Elle trouve que le critère défini au 1º est inadapté. Il est parfaitement possible qu'un Belge se marie avec une Philippine, même s'ils ne peuvent se parler dans aucune de leurs langues. De même, le critère sous le 2º (cohabitation durable) lui pose également problème.
L'auteur explique pourquoi il faut, selon elle, éviter de déplacer le texte proposé sous le chapitre III du Titre V, Livre Ier , du Code civil. L'opposition au mariage suppose en effet une réaction préalable à la suite de la publication des bans. Dans le cas de la proposition présente, il s'agit d'une réaction immédiate lors du mariage. Il n'y a pas de sanction particulière, puisque la loi de 1980 sur les étrangers, et particulièrement son article 77, prévoit des sanctions contre le Belge qui aide sciemment une personne illégale. Sa proposition a, quant à elle, le mérite de sécuriser l'officier de l'état civil, même si la liste n'est pas exhaustive.
Un autre membre attire l'attention sur le fait qu'il doit s'agir d'une présomption grave et concordante. Un fait ou une présomption unique qui ne fait pas partie d'un tout ne suffit pas. Une liste minimale constitue un instrument de base valable dans cette optique.
L'auteur opine et ajoute que l'on ne doit pas oublier qu'à partir d'un fait constaté, une enquête de police demeure toujours possible. Mais une enquête n'est pas toujours concluante. Dans beaucoup de grandes villes, en effet, la police n'a pas assez de temps pour s'occuper à fond du problème.
Le ministre estime lui aussi qu'un régime légal est souhaitable. La possibilité, pour l'officier de l'état civil, de faire part de ses constatations, est une bonne chose pour ce qui est du mariage ou d'autres formes de cohabitation durable.
La circulaire existante lui paraît à cet égard encore mieux formulée que la proposition de loi, dans la mesure où elle précise de manière plus claire qu'il faut plusieurs motifs pour que la présomption de pratiques frauduleuses soit considérée comme sérieuse.
À l'heure actuelle, on ne peut former opposition qu'auprès du tribunal, tandis que, selon la proposition, c'est au parquet qu'incombe la charge de la preuve et l'officier de l'état civil n'interdit plus le mariage comme il le fait encore actuellement. La proposition ne renverse donc pas la charge de la preuve, mais elle la déplace.
Le ministre n'en formule pas moins aussi quelques objections :
1. Cette proposition fait double emploi avec un avant-projet qui est en cours d'élaboration au ministère de la Justice et qui est plus large : par exemple, la proposition actuelle ne vaut pas pour ceux qui se marient à l'étranger ni pour les étrangers qui contractent mariage chez nous. Le ministre préférerait que cette proposition soit inclue dans le projet plus large que le ministère de la Justice est en train d'élaborer.
2. En ce qui concerne les sanctions pénales, l'article 77 de la loi relative aux étrangers ne vise pas expressément le cas des personnes mariées et des mariages blancs. L'article 79 n'est pas non plus applicable, étant donné qu'il ne concerne que les personnes sans papiers. Il faudra quand même réfléchir à la question de l'élaboration d'une disposition pénale spécifique.
3. Cette proposition permet au fonctionnaire de formuler des objections avant la publication des bans de mariage. À défaut d'une réaction du parquet, ces personnes peuvent-elles alors se marier sans faire publier des bans ?
4. Le fait que seul le parquet soit prévenu par le fonctionnaire et que l'intéressé ne soit donc pas averti constitue peut-être aussi un point faible de la proposition.
Compte tenu de tous ces éléments, le ministre se prononce pour une demande d'avis à la commission de la Justice.
L'auteur insiste pour qu'il y ait une solution rapide à ces problèmes qui se posent de plus en plus fréquemment dans les grandes villes. Elle ne voudrait donc pas s'enliser dans une initiative qui engloberait tous les aspects du problème. Un amendement qui prévoit une combinaison explicite des critères lui paraît suffisant.
Consulter la commission de la Justice demandera également beaucoup de temps. Pourquoi le ministre ne déposerait-il pas des amendements lui-même ?
Un membre se demande pourquoi l'on ne demanderait pas l'avis du Conseil d'État.
Une autre membre se demande s'il ne serait pas préférable d'organiser une réunion informelle en vue d'améliorer le texte en tenant compte de toutes les observations. Le nouveau texte pourrait alors être transmis à la commission de la Justice pour avis.
Une autre membre encore demande au ministre de communiquer toutes les circulaires applicables en la matière et de communiquer l'analyse des problèmes que connaît l'Office des étrangers.
Une membre précise qu'elle ne visait pas, dans son intervention, le domaine des sanctions pénales, mais les condamnations au civil de l'officier de l'état civil. Il faut avoir certains égards pour les futurs mariés. Dans certains cas, le refus peut même avoir des conséquences catastrophiques (décès suite à un cancer, enfants nés avant le mariage). La loi, par le fait même qu'elle insère des critères, n'empêchera pas les condamnations à des dommages et intérêts.
La préopinante trouve révoltant qu'après un refus injustifié, les intéressés ne puissent renouveler leur tentative qu'au bout d'un long délai : l'étranger qui souhaite se marier devra redemander toute une série de documents, ce qui entraînera des mois de retard et des frais inutiles. Au cas où la proposition serait votée, il faudrait absolument prévoir un régime humain pour les victimes d'un refus injustifié.
Le ministre estime que l'officier d'état civil exerce en l'espèce une mission de maintien de l'ordre public et de protection des bonnes moeurs. L'on ne peut pas renoncer à instaurer un régime qui protège l'ordre public sous prétexte que l'on risquerait alors de devoir verser des dommages et intérêts.
Une membre demande qu'on lui communique les données dont dispose l'Office des étrangers et dit souscrire au principe d'une réunion informelle.
Une autre membre estime qu'il serait aussi opportun de réaliser une étude comparative des législations que l'on applique dans d'autre États pour lutter contre les mariages blancs, ainsi qu'une étude sur les implications de la CEDH.
La commission décide finalement d'inviter le président du Sénat à demander l'avis du Conseil d'État, dans un délai d'un mois.
Cet avis sera émis le 16 décembre 1998 (doc. Sénat nº 1-512/2).
L'auteur dépose une série d'amendements qui visent à tenir compte des observations formulées par le Conseil d'État (avis du 16 décembre 1998) :
adaptation du Code civil (amendement nº 3);
délai de trois mois (amendement nº 4);
enquête administrative préalable (amendement nº 5).
Une membre souligne que l'avis du Conseil d'État est passablement défavorable à la proposition. Elle souhaiterait savoir ce que pense le gouvernement de cette proposition.
Le ministre de l'Intérieur souligne que tout le monde est animé du même souci, à savoir celui d'élaborer d'urgence un régime légal permettant d'éviter les mariages blancs.
Néanmoins, personne ne gagnera rien si l'on se contente d'artifices.
Il y a lieu de tenir compte, outre des arguments que l'on a déjà avancés au cours de la discussion précédente et dont certains ont aussi été développés par le Conseil d'État, de plusieurs problèmes à résoudre.
Des propositions semblables sont examinés actuellement en commission de la Justice de la Chambre.
Le ministre de la Justice confirme que la commission de la Justice de la Chambre examine en ce moment une proposition de loi qui est signée par la quasi-totalité des groupes politiques.
Cette proposition a vu le jour à la suite d'une modification du Code de la nationalité belge.
Le gouvernement n'a évidemment pas du tout l'intention de faire traîner les choses. Depuis 1997, un groupe de travail intercabinets se penche sur le problème. L'objectif est d'attaquer le problème des mariages blancs, qui est fort complexe, de trois manières différentes :
1º en réglementant la légalisation d'actes et jugements étrangers; un avant-projet de loi a été soumis à l'avis du Conseil d'État; les administrations publiques sont sans cesse confrontées à des problèmes dus à des actes et à des jugements contestables dont certains pays ont l'habitude (Inde, Pakistan, Bangladesh, Nigeria, Congo);
2º deux questions doivent être réglées pour que l'on puisse lutter contre les mariages blancs conclus en Belgique; la proposition de loi vise simplement à empêcher les mariages blancs, mais on constate que certains profitent de la publication des bans pour entrer en possession de documents ouvrant l'accès au territoire; le groupe de travail examine à la fois la possibilité de substituer au système suranné de la publication des bans un système de déclaration de mariage que l'officier de l'état civil pourrait contrôler et la possibilité de définir de manière précise la notion de mariage blanc;
3º le tourisme matrimonial (Grande-Bretagne, Danemark) augmentera à mesure que l'on renforcera la législation belge sur le mariage; il y a lieu d'adapter le droit international privé de manière que l'on puisse lutter le plus efficacement possible contre l'usage abusif de mariages contractés à l'étranger; l'on s'est mis d'accord pour considérer que la nécessité de cette adaptation ne peut en aucun cas entraver l'élaboration d'une réglementation plus sévère et plus moderne pour ce qui est de la conclusion de mariages en Belgique.
Il invite la Chambre et le Sénat à harmoniser leurs travaux.
Un membre fait remarquer que la proposition de loi date du 20 décembre 1996. La proposition de loi déposée à la Chambre date du 28 octobre 1998. Comme la matière en question doit être soumise à la procédure bicamérale, il propose que le gouvernement donne la priorité à la proposition examinée au Sénat. Si le Sénat venait à adopter la proposition du 20 décembre 1996, la Chambre pourrait joindre à sa proposition de loi à l'examen le projet qui en serait issu.
L'auteur rappelle que sa proposition vise également à assurer le statut de l'officier d'état civil face à cette problématique. La situation actuelle permet le dépôt de plaintes contre l'officier d'état civil qui refuse la conclusion d'un mariage.
Il est clair que sa proposition ne résoudra pas tous les problèmes. Elle doit nécessairement être complétée par d'autres dispositions, notamment en matière de falsification de documents. L'avantage de sa proposition réside dans le fait qu'elle évitera l'improvisation en cas de mariages simulés.
Rien n'empêche, selon elle, les autres sénateurs de déposer d'autres amendements sur la base de l'avis du Conseil d'État.
Une membre déplore que le gouvernement n'ait pas déposé beaucoup plus tôt un projet relatif aux publications de mariage. Le gouvernement peut-il dresser un inventaire des projets qui vont encore être déposés ?
Le ministre de la Justice souligne que plusieurs propositions de loi sur les mariages blancs ont déjà été déposées à la Chambre. Cependant, après la modification de la procédure de naturalisation, plusieurs députés avaient convenu de déposer une proposition de loi commune.
Le ministre de la Justice dépose finalement un amendement par lequel il entend intégrer l'essentiel des propositions de Mme Lizin dans un corps de loi plus vaste, comprenant également la réforme de la publication du mariage (nº 6).
D'autres aspects de la lutte globale contre les mariages blancs sont la politique de législation des visas étrangers et les aspects de droit international privé. En ce qui concerne le premier problème, l'on y travaille; le deuxième nécessitera une étude dans le cadre de la codification du droit privé international.
Les grandes lignes de la présente réforme sont :
1) Adaptation de la terminologie concernant les registres.
2) Si aucun des deux futurs époux n'est inscrit en Belgique, l'on a décidé de faire célébrer le mariage dans la commune de la résidence de l'un des deux. Le même principe vaut pour ceux qui sont dans l'impossibilité de se rendre à leur domicile, comme les bateliers et les malades hospitalisés.
3) Les Belges à l'étranger peuvent contracter mariage en dehors de la Belgique.
4) La réforme essentielle est bien le remplacement de la publication des bans du mariage par une simple déclaration. La loi énonce les documents nécessaires, liste basée sur la pratique actuelle. L'opposition reste possible.
5) Pour les militaires, le ministère de la Défense nationale est mis à contribution (article 11).
6) L'article 12 est une disposition reprenant les principes de la proposition de Mme Lizin. Bien que le Conseil d'État ait opté pour une définition ouverte, le groupe de travail interministériel et les fonctionnaires ont opté pour une précision des motifs donnant lieu à constat de mariage simulé; l'on n'a retenu que le critère de l'avantage du titre de séjour. Ce système ressemble fortement à ce qui a été réalisé aux Pays-Bas, et qui porte ses fruits.
7) La procédure contient une déclaration de mariage, un moratoire de 14 jours, qui peut être soit raccourci, soit prolongé pour atteindre au maximum 6 mois. Le refus de l'officier de l'état civil est notifié au parquet du procureur du Roi et aux deux parties au mariage. Le procureur dispose de deux mois pour réagir. Soit il estime les motifs de refus valables, et l'officier de l'état civil refuse le mariage, soit il n'y a pas de décision définitive et le mariage peut être célébré.
L'officier de l'état civil ne joue donc plus le rôle passif qui lui était réservé auparavant, mais il peut désormais devenir actif. Et même s'il ne joue pas son rôle, ou s'il appert plus tard qu'il s'agissait d'un mariage simulé, le parquet peut demander l'annulation judiciaire.
L'auteur de la proposition initiale se déclare satisfaite de la solution ainsi donnée au problème.
Une membre demande des nouvelles concernant la situation du dossier à la Chambre, où une même proposition a été déposée.
Le ministre déclare que la proposition déposée à la Chambre a été englobée dans un ensemble de trois propositions concernant l'acquisition de la nationalité belge. Il y fut question de trois motifs de refus de célébrer le mariage, au lieu de cinq pour la proposition de Mme Lizin.
Une membre observe que le parquet peut demander de surseoir au mariage. Peut-il aussi en demander l'annulation lorsque de nouveaux éléments apparaissent après la conclusion du mariage ?
Le ministre répond qu'on entre alors dans la procédure usuelle d'annulation du mariage. Celle-ci n'est pas liée à des faits ou des délais précis. Son domaine d'application est plus vaste et concerne toutes les circonstances justifiant l'annulation d'un mariage, comme par exemple la bigamie.
Une membre demande si le nouveau texte prévoit toujours la possibilité, pour l'officier de l'état civil, de charger la police de procéder à une enquête complémentaire sur la durabilité de la cohabitation ou, en tout cas, d'envisager la chose.
Le ministre répond qu'il y a de toute manière deux délais que le fonctionnaire ne peut pas perdre de vue : d'une part, le moratoire de quatorze jours au cours duquel il peut contrôler les documents et, d'autre part, le délai maximum de six mois au terme duquel l'enquête doit être achevée.
Le fonctionnaire peut donc prononcer un refus ou un report selon le cas.
Le nouveau texte prévoit maintenant très clairement que le fonctionnaire pourra prendre l'initiative, contrairement à ce qui est encore le cas, puisque dans la situation actuelle, sa position est nettement moins bien définie.
DISCUSSION DES ARTICLES DE L'AMENDEMENT Nº 6 DU GOUVERNEMENT
Articles 1er et 2
Pas d'observation.
Article 3
La présidente demande au ministre si le nouveau système de déclaration garantit bel et bien plus de régularité dans la conclusion des mariages que le système actuel de la publication.
Le ministre rappelle que l'amendement répond à deux objectifs : 1º clarifier et moderniser la procédure (surtout préalable au mariage) et 2º combattre les fraudes ou irrégularités de toutes sortes, et principalement le mariage blanc.
L'expérience a prouvé que la procédure de la publication préalable n'avait aucun effet dissuasif sur les mariages irréguliers. Depuis cent ans qu'elle existe, la publication n'a pratiquement donné lieu à aucune opposition.
C'est pourquoi le nouveau système de déclaration préalable donne plus de poids à la fonction de l'officier de l'état civil qui peut, mieux que quiconque, émettre des soupçons sur la base d'impressions, de rumeurs ou d'enquêtes de police.
La nouvelle procédure rencontre en même temps les préoccupations de ceux qui veulent éviter l'utilisation des mariages blancs comme outil de la traite des êtres humains.
Actuellement, en effet, l'absence d'une véritable procédure préparatoire au mariage, rend difficile le refus d'accès au territoire belge de celui qui déclare vouloir s'y rendre pour se marier.
Trop d'abus sont constatés de gens qui prennent prétexte d'une publication des bans pour obtenir un titre de séjour.
La nouvelle procédure donne plus de garanties pour débusquer à temps les fraudeurs.
La déclaration ne nécessite en effet pas la présence sur le territoire belge de l'étranger qui veut se marier avec un sujet de nationalité belge, ou avec un étranger résidant en Belgique. La déclaration peut en effet être faite par ces derniers seuls, conformément à l'article 63, § 1e r, deuxième alinéa, proposé, du Code civil.
La présidente constate que l'article 13 proposé prévoit que le procureur du Roi peut dispenser les futurs époux de la procédure de déclaration pour motifs graves.
Ne faut-il dès lors pas modifier le premier alinéa du § 1er de l'article 63 proposé, qui ne prévoit pas l'absence des époux en cas de dispense ?
Le ministre croit que non, puisque le § 2 contient le principe, tandis que la dispense est une dérogation à ce principe. Les deux doivent rester séparés.
Un sénateur estime que la notion de « résidence actuelle » pose problème. Quelle est, par exemple, la résidence actuelle des bateliers ?
Le ministre répond qu'il a repris les termes de la législation en vigueur (cf. article 5 de la loi du 26 décembre 1891). L'on a opté expressément pour une notion vague qui suppose néanmoins une certaine stabilité pour ce qui est de la résidence.
Le § 3 tente de combler certaines lacunes : si au moment de l'établissement de l'acte, l'un des candidats n'habite plus dans la commune où il fait la déclaration, l'officier de l'état civil détermine à quelles personnes il va en adresser une copie.
Article 4
Le même sénateur se fait du souci à propos de l'éventualité où l'officier de l'état civil estimerait qu'il manque un document dans le dossier et déciderait sur cette base de s'opposer à un mariage.
De quel recours le futur époux dispose-t-il dans un tel cas ? L'on ne peut quand même pas l'obliger à engager une procédure extrêmement lourde devant le tribunal civil.
Le ministre déclare qu'il n'a pas le choix.
Une membre demande de combien de temps les parties au mariage disposent pour compléter leur dossier en cas de refus de l'officier de l'état civil. En outre, est-ce qu'on peut interpréter l'absence d'une décision comme un refus implicite ?
Si tel est le cas, quand le délai de recours commence-t-il à courir ?
Le ministre partage l'interprétation que fait la membre du texte proposé. En cas de refus explicite, il y a un délai d'un mois pour former un recours. S'il n'y a pas de réaction du tout, l'absence de décision est assimilée à un refus tacite. Les parties peuvent de toute façon aller au tribunal.
Un membre demande ce qu'il faut penser du délai de 14 jours contenu dans le § 1er de l'article 165 proposé du Code civil.
Le ministre indique que ce délai n'a rien à voir avec la constitution du dossier. Lorsqu'il commence à courir, c'est-à-dire au moment de la délivrance de l'acte de déclaration de mariage, le dossier est censé être complet.
L'orateur précédent ne comprend pas pourquoi l'on ne prévoit pas de procédure moins complexe pour le cas où le mariage serait refusé arbitrairement ou de manière injustifiée, ce qui pourrait arriver lorsqu'un candidat au mariage présente un document déterminé qui soulève des contestations, justifiées ou non, de la part de l'officier de l'état civil.
Le ministre répond que c'est normal pour tout ce qui touche à l'état civil, c'est-à-dire que le document en question soit un acte de mariage, un acte de naissance ou un acte de décès.
Étant donné la nature de la question, l'on a conféré un degré élevé de responsabilité au fonctionnaire. Cela n'est pas sans effet en ce qui concerne son indépendance et sa responsabilité personnelle. S'il refuse à tort de remplir sa fonction, il risque de se voir réclamer des dommages et intérêts considérables.
Dans cette optique, le tribunal est la seule instance qui peut rappeler à l'ordre et l'on évite toute forme de contrôle administratif.
Le même intervenant n'y est pas hostile, mais il souhaite faire remarquer qu'il y a une différence essentielle entre un acte de décès et un acte de mariage. Personne ne contestera le décès, mais, en cas de mariage, les situations sont plus compliquées pour le particulier, surtout si des documents d'origine étrangère entrent en jeu. Il souhaite donc prévoir un maillon intermédiaire pour que l'on puisse, par exemple, au moins exhorter l'officier à adopter un point de vue à propos des documents insuffisants.
Le ministre répète qu'il veut résolument éviter tout moyen de pression. L'on a désigné expressément dans la loi les pièces nécessaires, pour éviter tout arbitraire.
Le même membre insiste, parce que, selon lui, il s'agit, non pas de savoir si tel ou tel document est nécessaire, puisque tout dépend de la loi, mais si l'officier de l'état civil reconnaît un certain document comme tel ou le rejette.
On pourrait l'obliger de signifier au candidat au mariage, par lettre recommandée, les raisons pour lesquelles il déclare les pièces irrecevables, et ce, par analogie avec l'obligation de collaboration active des pouvoirs publics en droit administratif.
Une membre souhaite encore formuler une remarque en ce qui concerne les documents requis. Il arrive qu'il faille beaucoup de temps pour obtenir une copie certifiée conforme de l'acte de naissance, par exemple lorsque cette copie doit provenir d'une région en guerre. Comment le ministre estime-t-il que l'on peut résoudre les difficultés dans de telles circonstances ?
Le ministre déclare que, pour résoudre ce problème, l'on a décidé de maintenir l'acte de connaissance parmi les instruments constituant l'arsenal juridique.
L'article 8 de cet amendement vise à l'introduire.
La même intervenante dit avoir des doutes concernant l'applicabilité de cette disposition, dans la mesure où elle y trouve une référence au juge de paix du domicile. En effet, qu'est-ce que le domicile ?
Le ministre déclare qu'en l'occurrence, la notion de domicile a la signification que le Code civil lui donne. Il s'agit donc de l'endroit où l'on a sa résidence principale.
Le juge de paix peut évidemment apprécier s'il est possible ou non à l'intéressé d'aller chercher son acte de naissance au lieu de sa naissance. L'on considérera en général, pour ce qui est d'un Marocain, qu'un voyage aller-retour n'est pas impossible, mais qu'il est impossible à réaliser par des personnes qui sont issues d'une région où règne la guerre, comme les Kosovares.
Article 5
Aucune remarque.
Article 6
Un membre constate que l'article 67 du Code civil règle le sort des actes d'opposition au mariage. Mais comment les opposants potentiels seront-ils au courant du mariage, puisqu'il n'y aura plus de publication ?
Le ministre répète que l'expérience de cent ans d'état civil a montré que la publication n'amène pas de protestations concernant des problèmes fondamentaux devant empêcher le mariage. Les protestations vraiment fondées parviennent souvent à l'officier par le biais de la notoriété des candidats au mariage.
Articles 7 à 10
Il n'y a pas d'observations.
Article 11
Un sénateur demande qui sont les personnes employées « à la suite des armées ».
Le ministre répond qu'il s'agit de non-militaires qui accompagnent les troupes. Le texte a été proposé par le ministre de la Défense nationale.
Article 12
Le ministre tient à souligner que, par le biais de ce texte, il a traduit le voeu des officiers de l'état civil qui voulaient garder un certain pouvoir d'appréciation.
Une membre s'en félicite, mais fait observer que l'article 12 a rétréci notoirement les critères. La circulaire existante énumère un certain nombre d'éléments qui permettent d'apprécier s'il s'agit d'un mariage irrégulier. Reste-t-elle d'application ?
Le ministre le confirme. Il s'agira dorénavant de les qualifier plutôt d'éléments d'appréciation que de critères formels.
Article 13
Une membre se demande pourquoi l'on a prévu une période d'attente de 14 jours.
Le ministre répond que ce délai doit permettre à l'officier d'état civil de s'informer auprès d'un collègue d'une autre commune, et d'analyser sa réponse.
Article 14
Il n'y a pas de commentaires.
Article 15
Un sénateur note que l'on fait une référence au critère du maintien de l'ordre public pour pouvoir justifier le refus du mariage. Le ministre pourrait-il fournir quelques précisions ?
Le ministre déclare qu'il s'agit principalement en la matière des mariages blancs visés à l'article 146bis du Code civil proposé.
Toutefois, il peut s'agir également d'autres cas. D'ailleurs, la notion d'ordre public est évolutive.
Une membre fait observer que l'article 167 prévu à l'article 15 de l'amendement, contient une disposition similaire à celle contenue dans l'article 63, § 3, prévu à l'article 3 de l'amendement, quant au lieu où doit se célébrer le mariage.
Ces dispositions n'instaurent-elles pas un libre choix à cet égard ?
Le ministre indique qu'il n'en n'est rien. Le principe de la détermination de l'officier de l'état civil compétent est contenu dans l'article 63, § 1er , premier alinéa, proposé du Code civil.
Le deuxième alinéa de ce paragraphe contient l'exception. Il s'agit d'un remède afin de ne pas bloquer inutilement un mariage.
Une membre en déduit que cela exclut le libre arbitre dans le choix du lieu de mariage.
Le ministre dit qu'il en est bien ainsi.
Un sénateur demande à quel élément se rapportent les termes « le cas échéant » en ce qui concerne la décision de l'officier de faire appel au parquet.
Le ministre répond que cela signifie que l'officier décide d'initiative. L'on a introduit les mots « le cas échéant« pour indiquer qu'il ne peut pas y avoir automatisme et que l'officier doit envisager chaque cas de manière ponctuelle.
Le même sénateur constate que cet article prévoit une nouvelle procédure d'appel, cette fois du refus de célébrer le mariage. Il suppose que l'appel doit également être introduit par la voie d'une citation. Cette procédure extrêmement lourde n'est pas adaptée à la réalité selon lui. L'on ne saurait demander à de futurs mariés d'attendre un jugement pendant des années. C'est pourquoi il a l'intention de déposer un amendement pour que les procédures en question puissent se faire par la voie du référé et par l'intermédiaire d'une requête.
L'intervenante précédente opine, mais trouve qu'il serait mieux indiqué de modifier à cet effet le Code judiciaire, en ajoutant à son article 587, qui traite de la compétence du président de première instance de siéger comme en réfère, un 7º lui donnant la compétence en cette matière-ci.
M. Boutmans et consorts déposent en conséquence l'amendement nº 7, en guise de sous-amendement à l'amendement nº 6 du gouvernement.
Une membre constate que l'on prévoit dans le nouveau texte une série de recours pour les candidats au mariage. Mais nulle part, l'on ne trouve un droit du parquet de former un recours.
Le ministre répond que ce recours existe et qu'il est contenu dans une disposition générale, donnant au parquet la possibilité de faire appel de toute décision judiciaire dans l'intérêt général. Il s'agit de l'article 138 du Code judiciaire.
Articles 16 à 24
Il n'y pas d'observations.
Article 25
M. Happart demande pourquoi la mise en vigueur de la loi est seulement prévue pour le 1er janvier 2000 au plut tôt, alors qu'il s'agit d'une matière urgente.
Le ministre réplique que cela répond aux exigences administratives pour la mise en place de ce nouveau système qui révolutionnera des pratiques vieilles de 100 ans. Il faudra dès lors éditer des circulaires et laisser le temps aux administrations communales de les assimiler.
En plus, de nouveaux registres sont créés, et il est bon de faire coïncider leur ouverture avec le début d'une année civile.
Le sous-amendement nº 7 à l'amendement nº 6 est adopté par 8 voix et 1 abstention.
L'amendement principal nº 6 est adopté par 8 voix contre 1.
Par l'adoption de cet amendement, tel qu'amendé lui-même, le texte initial de la proposition devient sans objet, de même que les amendements nºs 1 à 5.
L'ensemble de la proposition ainsi amendée a été adopté par 8 voix contre 1.
Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 9 membres présents.
La rapporteuse, | La présidente, |
Erika THIJS. | Joëlle MILQUET. |