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12 JANVIER 1999
Le projet de loi que le gouvernement a l'honneur de soumettre à vos délibérations vise à permettre la ratification par la Belgique de la Convention entre les États membres des Communautés européennes relative à l'application du principe ne bis in idem. Cette Convention a été ouverte à la signature à Bruxelles, le 25 mai 1987. Elle a été signée par la Belgique, le Danemark, la France, l'Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Portugal et le Royaume-Uni. Elle a été ratifiée par le Danemark le 26 juillet 1989, l'Italie le 15 janvier 1990 et la France le 6 mars 1992.
L'application sur le plan interne du principe ne bis in idem est garantie par le droit international depuis l'adoption du pacte international relatif aux droits civils et politiques, fait à New York le 19 décembre 1966 [approuvé par la loi belge du 15 mai 1981 (Moniteur belge du 6 juillet 1983)] dont l'article 14.7 consacre le principe. Cette disposition ne s'applique cependant qu'aux situations internes et ne vise pas la question des effets dans un ordre juridique des décisions pénales rendues par des juridictions étrangères. Tel est précisément l'objet de la présente convention. Celle-ci est relative à l'application du principe ne bis in idem sur le plan international et vise à mieux consacrer le droit de toute personne de ne pas être jugée plusieurs fois, dans des États différents, pour les mêmes faits.
L'article 1er contient ce principe.
L'article 2 permet aux États, par déclaration au moment de la ratification, de faire exception à ce principe pour certaines hypothèses. Ces hypothèses ont été prévues pour garantir un équilibre entre l'intérêt de la personne poursuivie et les intérêts spécifiques des États qui souhaiteraient exercer des poursuites.
La première hypothèse est celle où l'infraction a été commise sur le territoire d'un État. L'ordre public interne ayant été troublé, cet État a un intérêt spécifique à assurer lui-même l'exercice de la répression, pour lui-même et à l'égard de son opinion publique et des victimes, afin de garantir que des sanctions adéquates soient prononcées.
De la même manière ce sont les autres hypothèses , un État a un intérêt spécifique à exercer l'action publique lui-même, lorsque l'infraction vise à porter atteinte à sa sûreté ou lorsqu'elle a été commise par un de ses fonctionnaires, en violation des obligations relevant de sa fonction. Dans ces cas, en effet, l'appréciation de la gravité des faits par d'autres États que celui directement concerné sera nécessairement différente.
L'article 3 prévoit l'imputation des peines subies à raison des mêmes faits, pour le cas où le principe « ne bis in idem » ne serait pas appliqué.
L'article 4 prévoit une information réciproque des autorités compétentes, dans tous les cas où il y a des raisons de croire qu'il y a lieu à application du principe « ne bis in idem ».
Le droit belge a déjà consacré le principe, dans une certaine mesure, dans l'article 13 de la loi du 17 avril 1878 contenant le titre préliminaire du Code de procédure pénale. Cette disposition est cependant très restrictive. Elle ne s'applique que si les faits ont été commis exclusivement à l'étranger, et si les poursuites concernent la même infraction.
L'élargissement du champ d'application du principe « ne bis in idem » sur le plan international paraît tout à fait souhaitable aujourd'hui, à l'heure de la suppression progressive des contrôles frontaliers et de la constitution d'espaces communs où prévaut la libre circulation des biens et des personnes.
C'est dans cette perspective que les dispositions de la présente convention ont déjà été insérées dans la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, faite à Schengen le 19 juin 1990, qui est soumise par ailleurs à votre approbation.
L'intérêt de ces dispositions ne se limite toutefois pas aux partenaires de Schengen. Au contraire, celles-ci s'inscrivent avant tout dans le contexte du processus d'intégration européenne et de la création progressive d'un espace judiciaire commun au niveau européen.
Telles sont les raisons pour lesquelles le gouvernement vous propose d'approuver cet instrument.
Un projet de loi destiné à adapter le droit belge aux dispositions de cette Convention vous est soumis par ailleurs, sous l'intitulé : projet de loi relative à l'autorité de la chose jugée des jugements étrangers en matière pénale sur l'exercice de l'action publique en Belgique.
Le gouvernement entend faire la déclaration prévue à l'article 2.1, a) , b) et c) et préciser qu'en ce qui concerne le point b) , l'exception vise les crimes et délits contre la sûreté de l'État prévus au titre 1er du livre II du Code pénal.
Pour l'application de l'article 4, relatif à l'information entre autorités compétentes à propos des jugements prononcés, les autorités habilitées à demander et recevoir les informations sont les autorités judiciaires.
La convention n'entrera en vigueur qu'après avoir été ratifiée par tous les États membres. Il est néanmoins opportun d'envisager son application anticipée avec les États qui l'ont déjà ratifiée. Le gouvernement a par conséquent l'intention de déclarer, au moment de la ratification, conformément à l'article 6.3, que cette Convention est applicable à l'égard de la Belgique avec les États qui auront fait la même déclaration 90 jours après la date du dépôt.
Le gouvernement a l'intention de faire au moment de la ratification les déclarations suivantes :
1. Article 2, 1, a) , b) , c)
La Belgique n'est pas liée par l'article 1er de la convention dans les cas visés :
article 2, 1, a) ;
à l'article 2, 1, b) , lorsqu'il s'agit de crimes et délits contre la sûreté de l'État prévus au titre Ier du livre II du Code pénal;
article 2, 1, c)
2. Article 4.3.
Les autorités habilitées à demander et recevoir les informations sont les autorités judiciaires.
3. Article 6.3
La convention sera applicable à l'égard de la Belgique avec les États qui auront fait la même déclaration 90 jours après la date du dépôt.
Le ministre des Affaires étrangères,
Erik DERYCKE.
Le ministre de la Justice,
Tony VAN PARYS.
Roi des Belges,
À tous, présents et à venir,
SALUT.
Sur la proposition de Notre ministre des Affaires étrangères et de Notre ministre de la Justice,
Notre ministre des Affaires étrangères et Notre ministre de la Justice sont chargés de présenter, en Notre nom, aux Chambres législatives et de déposer au Sénat, le projet de loi dont la teneur suit :
Article premier
La présente loi règle une matière visée à l'article 77 de la Constitution.
Art. 2
La Convention entre les États membres des Communautés européennes relative à l'application du principe « ne bis in idem », faite à Bruxelles le 25 mai 1987, sortira son plein et entier effet.
Donné à Bruxelles, le 26 décembre 1998.
Par le Roi :
Le ministre des Affaires étrangères,
Erik DERYCKE.
Le ministre de la Justice,
Tony VAN PARYS.
Entre les États membres des Communautés européennes relative à l'application du principe « ne bis in idem »
Préambule
LES ÉTATS MEMBRES DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES, ci-après dénommés « États membres »,
GARDANT à l'esprit les rapports étroits existant entre leurs peuples,
TENANT COMPTE des développements tendant à l'élimination des obstacles à la libre circulation des personnes entre les États membres,
DÉSIREUX d'étendre leur coopération en matière pénale sur une base de confiance, de compréhension et de respect mutuels,
CONVAINCUS que la reconnaissance mutuelle de l'effet « ne bis in idem » aux décisions judiciaires étrangères constitue l'expression d'une telle confiance, d'une telle compréhension et d'un tel respect,
SONT CONVENUS DE CE QUI SUIT :
ARTICLE 1
Une personne qui a été définitivement jugée dans un État membre ne peut, pour les mêmes faits, être poursuivie dans un autre État membre à condition que, en cas de condamnation, la sanction ait été subie ou soit actuellement en cours d'exécution ou ne puisse plus être exécutée selon les lois de l'État de condamnation.
ARTICLE 2
1. Un État membre peut, au moment de la ratification, de l'acceptation ou de l'approbation de cette convention, déclarer qu'il n'est pas lié par l'article 1 dans l'un ou plusieurs des cas suivants :
a) lorsque les faits visés par le jugement étranger ont eu lieu soit en tout, soit en partie sur son territoire. Dans ce dernier cas, cette exception ne s'applique cependant pas si ces faits ont eu lieu en partie sur le territoire de l'État membre ou le jugement a été rendu;
b) lorsque les faits visés par le jugement étranger constituent une infraction contre la sûreté ou d'autres intérêts également essentiels de cet État membre;
c) lorsque les faits visés par le jugement étranger ont été commis par un fonctionnaire de cet État membre en violation des obligations de sa charge.
2. Un État membre qui a fait une déclaration concernant l'exception mentionnée au paragraphe 1, point b), précisera les catégories d'infractions auxquelles cette exception peut s'appliquer.
3. Un État membre pourra, à tout moment, retirer une telle déclaration relativement à l'une ou plusieurs des exceptions mentionnées au paragraphe 1. Le retrait sera notifié au Ministère des Affaires étrangères de Belgique et prendra effet le premier jour du mois suivant le jour de cette notification.
4. Les exceptions qui ont fait l'objet d'une déclaration au titre du paragraphe 1 ne s'appliquent pas lorsque l'État membre concerné a, pour les mêmes faits, demandé la poursuite à l'autre État membre ou accordé l'extradition de la personne concernée.
ARTICLE 3
Si une nouvelle poursuite est intentée dans un État membre contre une personne qui a été définitivement jugée pour les mêmes faits dans un autre État membre toute période de privation de liberté subie dans ce dernier État en raison de ces faits doit être déduite de la sanction qui sera éventuellement prononcée. Il sera également tenu compte, dans la mesure où les législations nationales le permettent, des sanctions autres que celles privatives de liberté qui ont déjà été subies.
ARTICLE 4
1. Lorsqu'une personne est accusée d'une infraction dans un État membre et que les autorités compétentes de cet État membre ont des raisons de croire que l'accusation concerne les mêmes faits que ceux pour lesquels elle a déjà été définitivement jugée dans un autre État membre, ces autorités demanderont, si elles l'estiment nécessaire, les renseignements pertinents aux autorités compétentes de l'État membre dans lequel une décision a déjà été rendue.
2. Les informations demandées seront données aussitôt que possible et seront prises en considération pour la suite à réserver à la procédure en cours.
3. Chaque État membre désignera, au moment de la signature, de la ratification, de l'acceptation ou de l'approbation de la présente convention, les autorités qui seront habilitées à demander et à recevoir les informations prévues au présent article.
ARTICLE 5
Les dispositions précédentes ne font pas obstacle à l'application de dispositions nationales plus larges concernant l'effet « ne bis in idem » attaché aux décisions judiciaires prises à l'étranger.
ARTICLE 6
1. La présente convention est ouverte à la signature des États membres. Elle sera soumise à ratification, acceptation ou approbation. Les instruments de ratification, d'acceptation ou d'approbation seront déposés près le Ministère des Affaires étrangères de Belgique.
2. La convention entrera en vigueur 90 jours après la date du dépôt des instruments de ratification, d'acceptation ou d'approbation, par tous les États membres des Communautés européennes à la date de l'ouverture à la signature.
3. Jusqu'à l'entrée en vigueur de cette convention, chaque État peut, lors du dépôt de son instrument de ratification, d'acceptation ou d'approbation ou à tout moment ultérieur déclarer que cette convention est applicable à son égard dans ses rapports avec les États qui auront fait la même déclaration 90 jours après la date du dépôt.
ARTICLE 7
1. La présente convention est ouverte à l'adhésion de tout État qui devient membre des Communautés européennes. Les instruments d'adhésion seront déposés près le Ministère des Affaires étrangères de Belgique.
2. Elle entrera en vigueur à l'égard de tout État qui y adhérera 90 jours après la date du dépôt de son instrument d'adhésion.
ARTICLE 8
1. Tout État membre peut, au moment de la signature ou au moment du dépôt de son instrument de ratification, d'acceptation ou d'approbation, désigner le ou les territoires auxquels s'appliquera la présente convention.
2. Tout État membre peut, au moment du dépôt de son instrument de ratification, d'acceptation ou d'approbation ou à tout autre moment par la suite, étendre l'application de la présente convention par déclaration adressée au Ministère des Affaires étrangères de Belgique, à tout autre territoire désigné dans la déclaration et dont il assure les relations internationales ou pour lequel il est habilité à stipuler.
3. Toute déclaration faite en vertu du paragraphe 2 peut être retirée, en ce qui concerne tout territoire désigné dans cette déclaration, par notification adressée au Ministère des Affaires étrangères de Belgique.
Le retrait prendra effet immédiatement ou à une date ultérieure précisée dans la notification.
ARTICLE 9
Le Ministère des Affaires étrangères de Belgique notifiera à tous les États membres toute signature, dépôt d'instruments, déclaration ou notification.
Le Ministère des Affaires étrangères de Belgique enverra copie certifiée conforme au gouvernement de chaque État membre.
Hecho en Bruselas, el veinticinco de mayo de mil novecientos ochenta y siete en todas las lenguas oficiales de las Comunidades Europeas, siendo igualmente auténticos todos los textos, en un solo ejemplar que será depositado en los archivos del Ministerio de Asuntos Exteriores de Bélgica.
Udfærdiget i Bruxelles den femogtyvende maj nitten hundrede og syvogfirs på alle officielle sprog i De europæiske Fællesskaber, idet hver af disse tekster har samme gyldighed, i ét eksemplar, som deponeres i arkiverne i Udenrigsministeriet i Belgien.
Geschehen zu Brüssel am fünfundzwanzigsten Mai neunzehnhundertsiebenundachtzig in allen Amtssprachen der Europäischen Gemeinschaften, wobei jeder Wortlaut gleichermassen verbindlich ist, in einer Urschrift, die ïm Archiv des Ministeriums der Auswärtigen Angelegenheiten Belgiens hinterlegt wird.
Done at Brussels, this twenty-fifty day of May in the year one thousand nine hundred and eighty-seven in all official languages of the European Communities, each text being equally authentic, in a single original which shall be deposited in the archives of the Foreign Ministry of Belgium.
Fait à Bruxelles, le vingt-cinq mai mil neuf cent quatre-vingt-sept en toutes les langues officielles des Communautés européennes, tous les textes faisant également foi, en un seul exemplaire qui sera déposé dans les archives du ministère des Affaires étrangères de Belgique.
Arna dhéanamh sa Bhruiséil an cúigiú lá is fiche seo de Bhealtaine sa bhliain míle naoi gcéad ochtó a seacht i ngach ceann de theangacha oifigiúla na gComhphobal Eorpach agus comhúdarás ag na téacsanna uile, i scribhinn bhunaidh amháin a thaiscfear i gcartlann Aireacht Gnothaí achttracha na Beilge.
Fatto a Bruxelles, il venticinque maggio millenovecentottantasette in tutte le lingue ufficiali delle Comunità europee, tutti i testi facenti ugualmente fede, in unico esemplare che sarà depositato negli archivi del Ministero degli Affari esteri del Belgio.
Gedaan te Brussel, de vijfentwintigste mei negentienhonderd zevenentachtig in alle officiële talen van de Europese Gemeenschappen, zijnde alle teksten gelijkelijk authentiek, in één exemplaar dat zal worden nedergelegd in de archieven van het Ministerie van Buitenlandse Zaken van België.
Feito em Bruxelas, aos vinte e cinco de Maio de mil novecentos e oitenta e sete, em todas as línguas oficiais das Comunidades Europeias fazendo fé igualmente todos os textos, num só exemplar que será depositado nos arquivos do Ministério dos Negócios Estrangeiros da Bélgica.
Pour le Gouvernement du Royaume de Belgique
Voor de Regering van het Koninkrijk België
For Kongeriget Danmarks regering
Für die Regierung der Bundesrepublik Deutschland
Por el Gobierno del Reino de España
Pour le Gouvernement de la République française
For the Government of Ireland
Per il Governo della Repubblica italiana
Pour le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg
Voor de Regering van het Koninkrijk der Nederlanden
Pelo Governo da República Portuguesa
For the Government of the United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland
Avant-projet de loi portant assentiment à la Convention entre les États membres des Communautés européennes relative à l'application du principe ne bis in idem, faite à Bruxelles le 25 mai 1987.
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 77 de la Constitution.
Art. 2
La Convention entre les États membres des Communautés européennes relative à l'application du principe « ne bis in idem », faite à Bruxelles le 25 mai 1987, sortira son plein et entier effet.
Le CONSEIL D'ÉTAT, section de législation, deuxième chambre, saisi par le ministre des Affaires étrangères, le 15 octobre 1998, d'une demande d'avis sur un projet de loi « portant assentiment à la Convention entre les États membres des Communautés européennes relative à l'application du principe ne bis in idem , faite à Bruxelles le 25 mai 1987 », a donné le 9 décembre 1998 l'avis suivant :
Examen du projet
La présente convention consacre des principes qui sont également inclus dans les articles 54 à 58 de la Convention d'application de l'Accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des États de l'Union économique Benelux, de la République fédérale d'Allemagne et de la France, relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signée à Schengen le 19 juin 1990 et approuvée par la loi du 18 mars 1993.
Dans son avis nº L. 21.358/AG, donné le 1er juillet 1992, à propos du projet de loi devenu la loi du 18 mars 1993, l'assemblée générale de la section de législation du Conseil d'État n'a formulé aucune observation quant à la compatibilité des articles 54 à 58 précités avec le droit interne belge.
Le projet n'appelle, dès lors, aucune observation.
La chambre était composée de :
M. J.-J. STRYCKMANS, premier président;
MM. Y. KREYNS et P. QUERTAINMONT, conseillers d'État;
MM. F. DELPEREE et J.-M. FAVRESSE, assesseurs de la section de législation;
Mme B. VIGNERON, greffier assumé.
Le rapport a été présenté par Mme P. VANDERNACHT, auditeur. La note du Bureau de coordination a été rédigée et exposée par M. A. LEFEBVRE, référendaire adjoint.
La concordance entre la version française et la version néerlandaise a été vérifiée sous le contrôle de M. J.-J. STRYCKMANS.
Le greffier, | Le premier président, |
B. VIGNERON. | J.-J. STRYCKMANS. |