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8 DÉCEMBRE 1998
SOMMAIRE
Chapitre III. La criminalité organisée en Belgique. Aperçu général
Chapitre IV. Analyse des secteurs du diamant, du pétrole et de la viande
Chapitre V. Lutte contre la criminalité organisée
Instituée le 18 juillet 1996 au Sénat, la commission d'enquête parlementaire chargée d'enquêter sur la criminalité organisée en Belgique avait pour mission :
« de réaliser une enquête sur l'étendue, la nature et la gravité de la criminalité organisée en Belgique;
de déterminer comment il serait possible de combattre efficacement et dans le cadre d'un ordre juridique cette criminalité organisée;
après avoir fait l'analyse de la situation existante, d'en tirer des conclusions et de formuler des recommandations et des propositions en vue d'atteindre cet objectif (1). »
La création d'une telle commission d'enquête parlementaire répond à une préoccupation essentielle en matière de justice et de démocratie face à une menace contre laquelle les autorités doivent réagir de manière adéquate (2).
« La population s'en inquiète de plus en plus, à juste titre et de manière compréhensible. La criminalité organisée représente, en effet, une menace incontestable pour notre société démocratique. Non seulement les organisations criminelles se rendent systématiquement coupables de graves délits (trafic de drogues, d'êtres humains, d'armes et d'hormones, chantage, vol et recel, travail clandestin, etc.), mais en outre et c'est là surtout ce qui préoccupe elles s'efforcent de conquérir des pouvoirs économiques, financiers et politiques (infiltration de la société légale). Le recours à des méthodes « professionnelles » telles que l'élimination physique, la corruption et le contre-espionnage, dans le but de « se protéger » soi-même, illustre clairement le danger que constituent les organisations criminelles (3). »
Cette criminalité est préoccupante à plus d'un titre : du fait de son ampleur, de son impact économique et social, de sa faible visibilité, de son caractère principalement international, de sa capacité à s'infiltrer dans les structures vitales de l'État. Mais cette menace est également préoccupante du fait qu'elle pousse dans ses limites les capacités actuelles de l'État de droit à assurer la sécurité de ses citoyens. S'il est une caractéristique qu'il faut retenir de la criminalité organisée, c'est que celle-ci représente la criminalité contre laquelle les appareils de justice ont le plus du mal à lutter à l'heure actuelle.
Cette constatation a, dans un passé récent, amené plusieurs pays voisins à créer des commissions parlementaires chargées d'enquêter sur le sujet.
Il y a eu, par exemple, aux Pays-Bas, la commission chargée d'examiner les méthodes d'enquête, généralement appelée Commission Van Traa, du nom de feu son président. Durant la période 1995-1996, cette commission a enquêté en profondeur sur la nature et l'ampleur de la criminalité organisée aux Pays-Bas ainsi que sur la manière de lutter contre celle-ci en recourant à des méthodes spéciales d'enquête (4).
En France, il y a eu la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les moyens de lutter contre les tentatives de pénétration de la mafia en France. Créée le 29 octobre 1992, à la veille des élections, cette commission a présenté son rapport dès le 27 janvier 1993 (5).
En ce qui concerne la Belgique, la criminalité organisée nous renvoie l'image d'un appareil de justice (au sens large, c'est-à-dire tant les cours et tribunaux que les divers services répressifs) qui apparaît bien souvent comme fonctionnellement inadapté, dépassé, désuet : « dans la lutte contre la criminalité organisée, il paraît en effet souhaitable de professionnaliser (spécialiser) davantage l'appareil judiciaire et les divers services de police. Concrètement, se posent par exemple les questions suivantes : quel(s) service(s) de police faut-il charger spécifiquement de la recherche de la criminalité organisée (la police judiciaire, la BSR) ? Quel est le rôle du ministère public, du Collège des procureurs généraux ? (6) »
L'image qui nous est renvoyée du fonctionnement de notre appareil répressif lorsqu'il est confronté à la criminalité organisée, ne doit pas nous faire oublier qu'à bien des égards, les constatations qui peuvent êtres faites dans ce domaine ne se limitent pas à une défaillance en matière de lutte contre cette seule criminalité. Bien plus grave encore, les « dysfonctionnements » qui furent constatés par ailleurs, souvent de longue date, par le législateur (cf. les rapports des commissions d'enquête sur le grand banditisme, le rapport de la commission d'enquête sur les enlèvements d'enfants), révèlent combien il s'agit d'un problème qui affecte de façon endémique nos services de police, nos cours et nos tribunaux.
« La ratio qui sous-tend la création d'une commission d'enquête est liée au fait que, ces dernières années, à l'occasion d'instructions pénales, la justice a été confrontée régulièrement à un certain nombre d'incidents qui ont suscité un grand émoi. Chacun d'eux n'a pas manqué de trouver un prolongement au Parlement, mais pas suffisamment, semble-t-il, pour provoquer un changement de cap. On s'en est tenu à une approche casuistique du problème.
Cette approche occasionnelle et fragmentaire de la criminalité organisée n'est cependant pas un gage de succès à long terme (7). »
À cet égard, la commission se félicite de voir mises en oeuvre les diverses réformes qui doivent permettre de rencontrer certaines des doléances exprimées par le justiciable à l'encontre de l'appareil de justice (réforme des polices, amélioration de la procédure pénale, institutionnalisation du Collège des procureurs généraux, installation du Conseil supérieur de la justice, du parquet fédéral et du Conseil des procureurs du Roi). Ces réformes, si elles peuvent améliorer le fonctionnement général de nos institutions, ne peuvent que s'avérer positives pour la lutte contre la criminalité organisée, mais elles ne sont pas suffisantes.
« On ne connaît pas suffisamment la portée réelle du problème de la criminalité organisée en Belgique. Un inventaire approfondi de la criminalité organisée y fait défaut pour l'instant. Un tel inventaire est pourtant indispensable. Une connaissance précise de la criminalité permet, en effet, d'ajuster les méthodes de recherche et de lutte et de s'attaquer ainsi efficacement au problème.
Il ressort, par ailleurs, des dépositions faites devant la Commission sur le banditisme que « dans la lutte qu'ils mènent contre la criminalité organisée, les services de police sont obligés de recourir à des techniques particulières de police, mais que l'absence de lois et de règlements en la matière est la source de frustration et de problèmes » (doc. Chambre, 1988, nº 59/8, p. 231). (...)
Il est donc souhaitable de réaliser une enquête sur la nécessité comme sur la régularité des méthodes de recherche et de lutte mises en oeuvre et à mettre en oeuvre par la police et la justice » (8).
Mais cette criminalité nous amène également à nous poser un certain nombre de questions sur notre droit, notre arsenal juridique. Cette dernière question est d'autant plus cruciale qu'elle nous conduit, presque naturellement, à remettre en question un certain nombre de principes qui fondent aujourd'hui notre système juridique et surtout notre système pénal (à titre d'exemple : la présomption d'innocence, la charge de la preuve, les éléments constitutifs de l'infraction pénale, la responsabilité pénale...). Le danger est alors grand de voir se généraliser les législations d'exception dans une dérive qui irait à l'encontre des valeurs qui caractérisent notre État de droit (9).
Ainsi, « se pose également la question de savoir s'il n'y a pas lieu d'adapter la législation (pénale). Celle-ci semble en effet présenter certaines lacunes quand il s'agit de lutter contre ladite criminalité (on pourrait envisager, notamment, d'ériger la criminalité organisée en incrimination spécifique, de lui donner la qualification de délit continu, de prévoir des sanctions patrimoniales, de retirer éventuellement la personnalité juridique, ...).
La lutte contre la criminalité organisée ne pourra être couronnée de succès que si ses auteurs réels sont également sanctionnés de manière effective dans un délai raisonnable. En conséquence, il conviendrait, pour terminer, de reconsidérer aussi, notamment, certains aspects de la procédure judiciaire. (Exemples : pourrait-on accorder des réductions de peine en échange d'un témoignage incriminant une figure de proue de l'organisation criminelle ? Pourrait-on vu sous l'angle des droits de la défense accorder le bénéfice de l'anonymat à un informateur, témoin capital ? Convient-il d'inverser la charge de la preuve en ce qui concerne la provenance des biens suspects ?...) » (10).
Si le système pénal est souvent mis en avant dans les débats liés à la lutte contre la criminalité organisée, il ne faut pas perdre de vue que plus fondamentalement, cette criminalité nous conduit à cerner ce qui pourrait être les limites de ce système pénal. Car si la lutte contre la criminalité organisée doit immanquablement passer par l'intervention efficace de l'appareil pénal, celui-ci ne peut, seul, apporter toutes les réponses. Ultime stade dans le dispositif du maintien de l'ordre et de la cohésion sociale, l'intervention du système pénal ne peut et ne devrait se faire qu'en dernier recours, sous peine de se voir, comme c'est déjà le cas aujourd'hui, étouffer. La lutte contre la criminalité organisée ne peut donc pas s'entendre en des termes uniquement répressifs, mais elle doit au contraire mettre en oeuvre des dispositifs préventifs. Ces dispositifs sont de prime importance quand on sait les facilités qu'ont les organisations criminelles à détourner à leur profit les moindres failles de nos sociétés (lourdeur administrative, complexité des institutions, vide juridique, manque de coopération, manque de coordination, etc.), voire les « progrès » de celles-ci (ouverture des frontières, libéralisation des échanges, mondialisation de l'économie, développements technologiques, etc.).
Enfin, la commission garde à l'esprit que la criminalité organisée, si elle se doit d'être efficacement combattue au sein de notre pays, ne peut s'envisager d'un point de vue strictement national. La lutte contre cette criminalité doit être internationale. Cela implique non seulement que nos législations s'harmonisent avec les dispositifs supranationaux, que les conventions internationales soient ratifiées (la Belgique est l'un des derniers États membres à avoir ratifié la convention Europol), mais aussi que la Belgique joue un rôle moteur dans le développement d'une politique, à tout le moins européenne, dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée. À cet égard, la commission se félicite de ce que le gouvernement belge soit l'initiateur d'une proposition d'action commune portant création d'un réseau judiciaire européen. Déposée le 10 juillet 1997 au secrétariat général du Conseil de l'Union européenne, cette proposition d'action commune participe à la mise en oeuvre du plan d'action relatif à la criminalité organisée tel qu'adopté au Sommet européen d'Amsterdam en juin 1997.
C'est à une vaste remise en question du fonctionnement de nos institutions, tant publiques que privées, tant nationales que supranationales, qu'une lutte efficace contre la criminalité organisée doit nous mener. La question est donc pour le législateur de trouver une réponse adéquate et mesurée face au défi que lui pose la criminalité organisée.
1.1. Composition lors de la création de la commission
Conformément à l'article 3 de la proposition instituant une commission parlementaire chargée d'enquêter sur la criminalité organisée en Belgique, adoptée le 10 juillet 1996, « la commission est composée de 11 membres effectifs et de 11 suppléants désignés suivant la règle de représentation proportionnelle des groupes politiques. En outre, tout groupe qui n'y est pas représenté peut, lors de la composition de la commission, désigner un membre qui pourra participer sans droit de vote aux travaux de la commission. Pour le surplus, ce membre a tous les droits et obligation des autres membres » (11).
En application de cette disposition, l'assemblée plénière du Sénat a nommé, le 8 octobre 1996, les sénateurs suivants comme membres effectifs de cette commission d'enquête (12) :
CVP : MM. Bourgeois et Vandenberghe;
PS : MM. Lallemand et Mahoux;
VLD : M. Coveliers et Mme Leduc;
SP : MM. Erdman et Pinoie;
PRL-FDF : M. Desmedt;
PSC : Mme Milquet;
Vlaams Blok : M. Verreycken.
Ont été nommés comme suppléants les sénateurs suivants :
CVP : MM. Caluwé et Weyts;
PS : Mme Lizin et M. Mouton;
VLD : MM. Goovaerts et Goris;
SP : Mmes Maximus et Merchiers;
PRL-FDF : M. Foret;
PSC : Mme Delcourt-Pêtre;
Vlaams Blok : M. Raes.
Ont été désignés comme membres sans droit de vote les sénateurs suivants :
VU : M. Loones;
Ecolo : Mme Dardenne;
Agalev : M. Boutmans.
Après la nomination de ses membres par l'assemblée plénière du Sénat le 8 octobre 1996, la commission a procédé le même jour à la désignation de son bureau.
MM. Vandenberghe et Lallemand ont été nommés présidents à l'unanimité. MM. Desmedt et Erdman ont été nommés vice-présidents à la même unanimité.
M. Coveliers et Mme Milquet sont également désignés à l'unanimité en qualité de rapporteurs.
1.3. Changement dans la composition de la commission
La composition de la commission a connu certaines modifications de personnel au cours de ses travaux.
C'est ainsi qu'après la publication du premier rapport intermédiaire le 3 décembre 1997, Mme Milquet a démissionné de la commission par lettre du 21 janvier 1998, parce qu'il ne lui était plus possible de combiner les nouvelles tâches qui lui avaient été confiées par son parti, avec les activités de la commission d'enquête et de la commission de l'Intérieur dont elle assume la présidence. Elle a été remplacée en tant que membre effectif par Mme Jeanmoye et, par décision de la commission du 21 janvier 1998, M. Desmedt lui a succédé en qualité de rapporteur.
Le 31 mars 1998, M. Mouton a démissionné de son mandat de sénateur. Il n'a pas été remplacé en qualité de suppléant.
2.1. Règlement d'ordre intérieur
Avant d'entamer ses travaux, la commission a élaboré, le 8 octobre 1996, son règlement d'ordre intérieur, qui a été approuvé le 25 octobre de cette même année, à l'unanimité des 9 membres présents.
Ce règlement précise en partie les dispositions de la loi du 3 mai 1880 sur les enquêtes parlementaires.
Il est rédigé comme suit :
« 1. Publicité
§ 1er . Conformément à l'article 3, troisième alinéa, de la loi du 3 mai 1880 sur les enquêtes parlementaires, tel que modifié par la loi du 30 juin 1996, les réunions de la commission sont publiques. La commission peut cependant à tout moment décider le contraire.
§ 2. Les délibérations ont toujours lieu à huis clos.
§ 3. Chaque membre du Sénat peut assister aux réunions de la commission, y compris celles qui se tiennent à huis clos, sans toutefois pouvoir y prendre la parole.
§ 4. Les collaborateurs des groupes politiques peuvent assister aux réunions, à moins que la commission n'en décide autrement.
Un seul collaborateur par groupe peut assister aux réunions, à condition d'accompagner au moins un membre du groupe concerné.
Les chefs de groupes communiquent au début des travaux le nom du collaborateur qui assistera aux réunions.
§ 5. Seuls les membres effectifs de la commission, remplacés, le cas échéant, par leurs suppléants respectifs, peuvent assister aux auditions de témoins qui ont lieu à huis clos.
Les collaborateurs des groupes politiques n'assistent pas à ces auditions.
La commission peut à tout moment déroger à ces règles.
2. Devoir de secret
§ 1er . Afin d'assurer le bon fonctionnement de la commission, chacun est tenu au secret en ce qui concerne les informations recueillies à l'occasion des réunions tenues à huis clos.
§ 2. Toute personne autre que les sénateurs qui, à un titre quelconque, assiste ou participe aux réunions non publiques de la commission, est tenue, préalablement, de prêter le serment de respecter le secret des travaux.
3. Témoins et experts
§ 1er . Les témoins et experts seront convoqués par lettre ordinaire. S'ils ne répondent pas à cette convocation, ils seront cités par ministère d'huissier de justice. S'ils refusent de comparaître après citation, un procès-verbal sera dressé, conformément à l'article 10 de la loi précitée. Celui-ci sera transmis au procureur général près la cour d'appel, pour qu'il soit donné telle suite que de droit.
§ 2. Les témoins, les interprètes et les experts prêtent serment selon la formule en usage devant la cour d'assises. Les témoins sont avertis qu'ils ont le droit de garder le silence lorsqu'ils craignent de s'accuser en faisant des déclarations.
§ 3. Un compte rendu sténographique des auditions est établi. Le témoin ou l'expert est invité à confirmer qu'il persiste dans ses déclarations.
À la demande d'un membre, la commission peut décider que le procès-verbal de l'audition sera dressé sur-le-champ, et que le témoin ou l'expert sera invité à signer ce procès-verbal après lecture.
Le procès-verbal est conservé au secrétariat de la commission, où il pourra être consulté par les membres de la commission. Il n'en sera pas délivré de copie. Le secrétaire tiendra un registre des personnes qui viendront le consulter.
Chaque membre de la commission recevra une copie des comptes rendus des auditions publiques.
§ 4. Les travaux de la commission, en ce compris les déclarations des témoins et des experts, seront enregistrés sur bandes magnétiques. Celles-ci seront, sous la responsabilité des présidents et du secrétaire, conservées sous scellés au secrétariat de la commission. Seuls les membres de celle-ci pourront en prendre connaissance. En aucun cas les bandes ne pourront être reproduites. Le secrétaire tiendra un registre des personnes qui viendront les consulter.
4. Presse
À l'issue de chaque réunion, la commission décide s'il y a lieu de faire une communication à la presse. Les présidents et les autres membres du Bureau prendront le cas échéant contact avec la presse. »
Pour être complet, il convient de signaler que pour ce qui est de son fonctionnement, la commission d'enquête est non seulement assujettie à la loi du 3 mai 1880 sur les enquêtes parlementaires et au règlement d'ordre intérieur qu'elle a elle-même adopté, mais également au règlement du Sénat.
Les articles 70, troisième et quatrième alinéas, et 70bis de ce règlement méritent qu'on s'y attarde.
Le texte des troisième et quatrième alinéas de l'article 70 est le suivant :
« 3. Toute commission d'enquête fait rapport au Sénat sur ses travaux dans le délai qui lui est imparti.
4. Ni le rapport ni les conclusions qu'il renferme éventuellement ne sont mis aux voix en séance plénière, sans préjudice des motions qui peuvent être introduites en conclusion de la discussion dudit rapport. »
L'article 70bis fixe le système de sanctions applicable aux sénateurs qui violent leur devoir de secret en révélant des informations recueillies à l'occasion de réunions de commission non publiques.
Cet article est rédigé comme suit :
« 1. Tout sénateur qui, en révélant des informations recueillies à l'occasion d'une réunion non publique d'une commission d'enquête parlementaire, en violation de l'article 3 de la loi du 3 mai 1880 sur les enquêtes parlementaires, portera atteinte à l'honneur et à la dignité du Sénat, ou compromettra la bonne marche de l'enquête ou la crédibilité de celle-ci, pourra être sanctionné conformément aux dispositions qui suivent.
2. L'examen des cas de violation du secret peut être demandé soit par un tiers des membres de la commission d'enquête, par lettre adressée au président de celle-ci, soit par le président lui-même. La lettre précitée, ou la note établie par le président, comporte une description détaillée des faits invoqués.
Cette demande est inscrite à l'ordre du jour de la première réunion suivant son dépôt. Un délai d'au moins huit jours doit s'écouler entre le dépôt de la demande et son examen en commission.
Le sénateur intéressé est avisé, par lettre du président, des faits qui lui sont reprochés, ainsi que des jour et heure de cette réunion, et il est invité à y présenter sa défense.
Il est également avisé par écrit de son droit de se faire représenter ou assister par un autre sénateur, ainsi que de son droit de demander, à une seule reprise, une remise non motivée.
3. Au jour fixé, la commission entend le sénateur intéressé dans sa défense, à huis clos.
Immédiatement après cette audition, ou, le cas échéant, après avoir constaté que l'intéressé n'est ni présent, ni représenté, ou qu'il ne souhaite pas être entendu, la commission délibère à huis clos.
Si elle conclut que les faits invoqués sont suffisamment établis, elle peut décider, à la majorité des deux tiers de ses membres, soit d'infliger un avertissement à l'intéressé, soit de lui infliger un blâme, soit de proposer à l'assemblée de l'exclure de la commission d'enquête.
La décision de la commission n'est susceptible d'aucun recours. Elle est consignée dans un procès-verbal signé par le président. Celui-ci en adresse sans délai une copie au président du Sénat, au sénateur en cause ainsi que, le cas échéant, au membre qui l'a assisté ou représenté.
4. La décision de la commission infligeant un avertissement ou un blâme est portée à la connaissance du Sénat lors de la première séance plénière utile suivant la notification visée au dernier alinéa du point 3.
Cette communication ne donne lieu à aucun débat.
5. La proposition d'exclusion est inscrite à l'ordre du jour de la première séance plénière utile suivant la notification visée au dernier alinéa du point 3.
Le cas échéant, il est fait application de l'article 48.
Le Sénat entend d'abord le rapport oral du président de la commission et, ensuite, le cas échéant, le sénateur en cause ou le membre qui le représente. Leur temps de parole est limité à quinze minutes chacun. Aucun autre membre ne peut prendre la parole à ce sujet.
Le Sénat se prononce ensuite sans débat sur la proposition d'exclusion, par scrutin secret. Aucun amendement à cette proposition n'est recevable.
Si la proposition est adoptée à la majorité des deux tiers des suffrages, l'intéressé est définitivement exclu des réunions de la commission d'enquête.
Cette décision n'est susceptible d'aucun recours. Elle est notifiée par écrit au président de la commission, au sénateur en cause, ainsi que, le cas échéant, au membre qui l'a assisté ou représenté.
Si la majorité des deux tiers des suffrages n'est pas atteinte, la proposition est rejetée et le président déclare l'incident clos.
6. Le membre d'une commission d'enquête exclu de celle-ci en application du point qui précède est remplacé sans délai par un autre membre du même groupe, conformément aux dispositions de l'article 76-3. »
L'article 70bis n'a été mentionné dans le présent rapport qu'à titre d'information.
En effet, les membres de la commission d'enquête ont toujours respecté le devoir de discrétion, bien qu'au cours de nombreuses auditions à huis clos, l'on ait révélé des informations sensibles sur certaines personnes et sur des dossiers judiciaires en cours. Toutefois, le comportement des membres n'a justifié à aucun moment un recours éventuel à l'article 70bis cité ci-dessus.
De surcroît, la retenue dont ont fait preuve les commissaires dans le traitement des informations confidentielles a permis d'obtenir plus de franchise et une plus grande ouverture de la part des personnes qui ont été entendues à huis clos.
La commission a estimé utile, étant donné l'ampleur et la complexité de la mission d'enquête qui lui a été confiée, de s'entourer d'une série d'experts.
Leur mission consistait à faire l'inventaire de l'ensemble des problèmes qui se posaient sur le plan pénal en ce qui concerne la criminalité organisée, et ce, en fonction de leur spécialisation.
Par ailleurs, ils ont été chargés de traiter et d'analyser l'ensemble des informations qui ont été recueillies pendant l'enquête, notamment en vue de rédiger les rapports intermédiaires et le rapport final.
Le Sénat s'étant adressé aux facultés de droit de toutes les universités belges, l'on a désigné comme collaborateurs scientifiques de la commission les personnes suivantes :
À partir du 8 novembre 1996 :
1. Mme Chr. Derenne-Jacobs, avocate (jusqu'au 28 mai 1998), collaboratrice scientifique à la faculté de droit de l'Université de Liège;
2. Mme Fr. Roggen, avocate, assistante à la faculté de droit de l'Université libre de Bruxelles. À la suite de sa nomination, par arrêté royal du 10 août 1998, en tant que juge de complément pour le ressort de la cour d'appel de Bruxelles (13), Mme Roggen a présenté, dans sa lettre du 25 août 1998, sa démission, en tant que collaboratrice scientifique de la commission. Cette démission a pris cours immédiatement;
3. M. C. Strebelle, chercheur à l'École des sciences criminologiques Léon Cornil de la faculté de droit de l'Université libre de Bruxelles;
4. M. D. Van Daele, assistant à l'Instituut voor Strafrecht de la faculté de droit de la Katholieke Universiteit Leuven ;
5. M. F. Verbruggen, assistant à l'Instituut voor Strafrecht de la faculté de droit de la Katholieke Universiteit Leuven .
À partir du 1er février 1998, le professeur dr. C. Fijnaut a mis fin, au nom de la Katholieke Universiteit Leuven, à l'accord de coopération entre MM. Van Daele et Verbruggen et la commission d'enquête.
À partir du 6 décembre 1996 :
6. M. T. Vander Beken, assistant en droit pénal et collaborateur du onderzoeksgroep drugsbeleid, strafrechtelijk beleid en internationale criminaliteit de la faculté de droit de l'Université de Gand.
À partir du 1er février 1998 :
7. M. A. Vandeplas, président de chambre honoraire de la cour d'appel d'Anvers et professeur extraordinaire émérite à la Katholieke Universiteit Leuven.
Pour pouvoir se faire une idée de la criminalité en Belgique, la commission a, dans un premier temps, tenu des auditions de fonctionnaires supérieurs et de magistrats concernés par la lutte contre la criminalité grave (section 1re ).
Elle a aussi examiné si des analyses stratégiques avaient déjà été réalisées en Belgique en matière de criminalité organisée (section 2).
La commission voulait ainsi se faire une idée des moyens de lutte disponibles et des lacunes de la législation actuelle. Ainsi, les structures, les méthodes de recherche et les moyens de fonctionnement ont, eux aussi, pu faire l'objet d'une radioscopie.
Afin d'élargir au maximum l'éventail des sources, il a été décidé d'envoyer des questionnaires détaillés tant aux procureurs du Roi et aux parquets généraux qu'aux divers secteurs économiques (section 3).
En vue de remplir les objectifs qui lui étaient assignés, à savoir de réaliser un état des lieux de la menace que représente la criminalité organisée en Belgique, de déterminer comment la lutte contre cette criminalité peut être améliorée, et de formuler des recommandations et des propositions, la commission a procédé à l'audition de divers acteurs impliqués dans la lutte contre la criminalité organisée.
Au cours de ses auditions, la commission a abordé systématiquement les thèmes suivants :
la définition de la criminalité organisée;
le rôle joué effectivement par les services et personnes auditionnés en matière de lutte contre la criminalité organisée et leur expérience en ce domaine;
l'analyse criminelle;
la recherche proactive;
la collaboration entre les différents services, sur le plan national et international;
les différents types d'informations;
le stockage de l'information;
l'échange d'informations;
la corruption;
les informateurs;
les techniques spéciales d'enquêtes.
Les personnes auditionnées ont également été invitées à s'exprimer sur les problèmes qu'elles rencontrent sur le terrain et sur les différentes réformes qu'elles souhaiteraient voir réalisées.
L'état des lieux de la criminalité organisée en Belgique étant l'une des missions de la commission, celle-ci s'est attachée à relever les différentes informations concrètes dont dispose chacun des services auditionnés concernant les formes de criminalité organisée rencontrées et les secteurs les plus touchés.
Après avoir invité le ministre de la Justice, M. S. De Clerck , à lui présenter son plan d'action contre la criminalité organisée, la commission a commencé ses travaux par l'audition de M. L. Nouwynck et Mme D. Reynders , respectivement conseiller général et conseillère générale adjointe à la politique criminelle. Créé en 1994 dans le cadre de la mise en oeuvre de la déclaration gouvernementale du 5 juin 1990, dite « déclaration de la Pentecôte », au lendemain du dépôt du rapport de la commission d'enquête parlementaire chargée d'examiner la manière dont la lutte contre le grand banditisme et le terrorisme est organisée en Belgique, le Service de la politique criminelle a pour mission de réunir ou faire réunir toute information utile à l'élaboration de la politique criminelle, de dresser et de suivre l'évolution de la criminalité, de rechercher et d'analyser les causes de la délinquance, de proposer les orientations pour la politique criminelle et les moyens nécessaires pour son exécution et son organisation, de donner des avis sur la coordination des politiques préventive, répressive et pénitentiaire, de proposer les critères qui structurent l'action publique et de contribuer à l'information générale des magistrats et des services de police. Placé sous l'autorité directe du ministre de la Justice, le service est également mis à la disposition des procureurs généraux pour les aider à développer la politique criminelle dans leur ressort et à coordonner leurs politiques respectives.
Après une présentation du Service de politique criminelle et de ses missions, M. Nouwynck et Mme Reynders ont entretenu la commission du phénomène de la criminalité organisée et de ses définitions telles qu'évoquées dans le cadre du groupe de travail sur la criminalité organisée créé au sein du cabinet du ministre de la Justice et auquel participe le Service de politique criminelle (14), ainsi que de l'analyse stratégique (15). Ont ensuite été abordées les diverses recherches liées à la criminalité organisée réalisées par le service de la politique criminelle, à savoir : les aspects financiers et économiques de la lutte contre la criminalité organisée, l'organisation du ministère public, la répartition des tâches entre les services de police, la recherche proactive et l'évaluation de la circulaire relative aux techniques spéciales d'enquête.
À l'occasion d'une question sur la nature et l'ampleur de la criminalité organisée en Belgique, un échange de vues a également eu lieu sur la nécessité d'une analyse de la criminalité organisée, sur les moyens d'y arriver ainsi que sur le ou les services chargés de réaliser cette analyse. Rappelant que « l'analyse du crime organisé en vue de déterminer la politique à suivre » figure au point 3 du plan d'action du gouvernement, M. Nouwynck relève que « si le gouvernement démarre son plan d'action en disant qu'il faut procéder à une analyse du crime organisé pour déterminer la politique à suivre, c'est, par définition, que nous ne disposons pas de ces informations » (16). M. Nouwynck a également rappelé que l'option prise par le gouvernement a été de confier cette analyse aux seuls services de polices assistés par la Sûreté de l'État et que « l'information n'est effectivement pas transmise à un service comme le nôtre ou à l'Institut national de criminalistique et de criminologie » (17).
Cette première audition d'un service dépendant directement du ministre de la Justice a permis à la commission d'avoir un premier éclairage sur l'ampleur du travail qu'elle aurait à réaliser, les thématiques à aborder et les difficultés auxquelles elle allait être confrontée, tout particulièrement en ce qui concerne l'état des lieux de la criminalité organisée.
Dans le but de compléter son information générale et d'obtenir une première vue d'ensemble afin d'organiser ses travaux, ainsi que d'avoir un premier aperçu théorique sur la matière, la commission a ensuite procédé à l'audition de trois professeurs d'université, à savoir les professeurs C. Fijnaut (Katholieke Universiteit Leuven), Houchon (Université catholique de Louvain) et Kellens (Université de Liège). Le professeur Fijnaut, ayant été expert auprès de la commission Van Traa qui s'est tenue aux Pays-Bas, a pu donner des précisions quant à la façon dont avait travaillé cette commission d'enquête.
Faisant suite à ces auditions préliminaires, la commission a pu affiner son plan de travail et sa méthodologie. Il fut décidé qu'en première instance, la commission s'attacherait à un tour d'horizon des différentes autorités impliquées dans la lutte contre la criminalité organisée, tant au niveau de la magistrature que des polices et des administrations. Dans cette première partie des travaux, la commission s'est laissée guider par le souci d'obtenir une vue d'ensemble sur la façon dont s'organise à ce jour la lutte contre la criminalité organisée en Belgique, ainsi que par le désir de dresser un état des lieux de cette criminalité.
Ont été entendus par la commission :
1. M. R. Van Camp , procureur général près la cour d'appel d'Anvers, le 21 février 1997;
2. MM. A. Vandoren et P. Duinslaeger , magistrats nationaux, le 28 février 1997;
3. M. B. Bulthé , doyen des juges d'instruction au tribunal de première instance de Bruxelles et vice-président de ce tribunal, le 21 février 1997;
4. M. Van Espen , juge d'instruction au tribunal de première instance de Bruxelles, le 14 mars 1997;
5. M. C. Vanhaecke et Mme M. Coninsx , respectivement premier substitut et substitut du procureur du Roi près le tribunal de première instance de Bruxelles, le 16 mai 1997;
6. M. J. Godbille , premier substitut du procureur du Roi près le tribunal de première instance de Bruxelles, les 21 et 23 mai 1997;
7. Le lieutenant-général Deridder , commandant de la gendarmerie, le lieutenant-colonel Berkmoes (BCR), le major Frans (BCR), le commandant George (BCR) et le premier maréchal des logis Verdurmen (Service d'enquêtes du Comité P), le 6 décembre 1996;
8. M. Chr. De Vroom , commissaire général aux délégations judiciaires, MM. J. Belmans , J.-Ph. Elise , M. Callu et H. Lefief (police judiciaire), le 11 décembre 1996;
9. Mme L. Detiège , bourgmestre d'Anvers, et M. T. Dyck , commissaire en chef faisant fonction de la police d'Anvers, le 7 février 1997;
10. M. F.-X. de Donnéa , bourgmestre de Bruxelles, et M. Van Reusel , commissaire en chef de la police de Bruxelles, les 7 et 14 mars 1997;
11. M. J.-M. Dehousse , bourgmestre de Liège, le 16 mai 1997;
12. M. Delrez , commissaire en chef de la police de Liège, le 7 février 1997;
13. M. B. Van Lijsebeth , administrateur général de l'administration de la Sûreté de l'État, le 17 décembre 1996;
14. Des représentants de l'Administration des douanes et accises : M. Van Walleghem , directeur général; M. Van Stechelman , directeur du service national des recherches; Mme Doulliez , chef du service du contentieux; Mme Joly , du service du contrôle et de la fraude, le 10 janvier 1997;
15. M. J. Spreutels , président de la Cellule de traitement de l'information financière, le 18 avril 1997;
16. M. J.-P. Doraene , directeur de l'Office central de lutte contre la délinquance économique et financière organisée (OCDEFO), le 18 avril 1997;
17. Le lieutenant-colonel P. Zanders , chef de la division coopération policière internationale du Service général d'appui policier (SGAP), le 25 avril 1997;
18. M. Per Brix Knudsen , directeur de l'unité de coordination de la lutte anti-fraude de la Commission des Communautés européennes (ACF/UCLAF) et M. Philippe De Koster , substitut du procureur du Roi à Mons, à l'époque détaché auprès de la Commission des Communautés européennes (ACF/UCLAF), le 6 juin 1997;
19. M. W. Bruggeman , coordinateur adjoint à Europol, les 27 juin et 4 juillet 1997;
La commission a ensuite entrepris une analyse plus approfondie de différents secteurs économiques particulièrement touchés par la criminalité organisée.
Mais avant d'avoir pu entamer ses auditions consacrées aux personnes et services mentionnés ci-dessus, la commission fut saisie d'une « plainte » relative à des dysfonctionnements inquiétants au sein de ce qui était à l'époque le Comité supérieur de contrôle (CSC). Ce service étant chargé de la lutte contre la corruption, il appartenait à la commission d'exercer ses prérogatives et d'investiguer plus avant les allégations qui lui étaient soumises. La commission a consacré de nombreuses auditions et réunions de travail à ce sujet, qui a fait l'objet d'un rapport (voir annexe A).
Ont été entendus par la commission :
M. Depret , inspecteur principal au CSC, le 25 octobre 1996;
M. Vermeulen , administrateur au CSC, le 25 octobre 1996;
M. De Smet , président au CSC, le 8 novembre 1996;
M. Raymond Charles , procureur général émérite près la Cour de cassation, le 8 novembre 1996;
M. Canneel , administrateur général au CSC, les 20 et 29 novembre 1996;
le colonel e.r. Bauwens , le 24 janvier 1997;
M. B. Bulthé , doyen des juges d'instruction du tribunal de première instance de Bruxelles et vice-président de ce tribunal, le 21 février 1997.
La commission a également voulu tenir compte, pour l'ordre de ses travaux, de l'actualité législative et de la mise en oeuvre du plan d'action contre la criminalité organisée du gouvernement (18). C'est la raison pour laquelle les membres de la commission ont décidé de consacrer deux rapports intermédiaires, d'une part, à la notion de criminalité organisée en vue du débat sur le projet de loi sur les organisations criminelles et, d'autre part, à l'impact de la lutte contre la criminalité organisée, entre autres par l'utilisation de techniques spéciales d'enquête, sur l'organisation des services de police et du ministère public.
Comme la commission d'enquête voulait, dans le cadre de sa mission, utiliser le plus grand nombre possible de sources d'informations, les présidents ont invité les ministres de la Justice et de l'Intérieur, par une lettre du 29 novembre 1996, à leur fournir tous les rapports, études et analyses qui avaient été réalisés depuis trois ans dans le domaine de la criminalité organisée, en Belgique, notamment par les parquets généraux, la Sûreté de l'État, la gendarmerie, la police judicaire et les corps de police des villes de Bruxelles, de Gand, d'Anvers, de Liège et de Charleroi.
§ 1er . Le ministre de la Justice
En réponse à la lettre des présidents, le ministre de la Justice a fait savoir, le 11 février 1997, qu'il avait été mis en possession d'une série de documents confidentiels provenant de deux parquets généraux et de la Sûreté de l'État.
Les parquets généraux ont, à cet égard, plutôt fait office de centres de collecte d'informations. En effet, les documents en question n'avaient pas été rédigés par eux, mais leur avaient été transmis par la police judiciaire ou la gendarmerie et, parfois, par un corps de police urbaine ou un parquet. Il s'agissait généralement d'analyses criminelles réalisées à propos de dossiers concrets comme des dossiers concernant des pourvoyeurs de main-d'oeuvre, le trafic de femmes, des activités criminelles dans les milieux turcs et kurdes (cf. les groupes « héroïne » turcs). Les documents de la Sûreté de l'État portaient sur un certain nombre de cas de criminalité organisée en Europe de l'Est, en ex-Yougoslavie et en Albanie, en Asie Mineure, en Chine, en Afrique et en Amérique du Nord.
Comme il y avait, à propos de certains de ces notes et rapports, un risque au niveau de la source, et qu'ils concernaient des informations en cours, y compris des enquêtes proactives, et des instructions, le ministre a proposé de prévoir une procédure visant à prévenir des fuites inutiles et inopportunes.
Dans cette perspective, les présidents de la commission ont soumis au ministre de la Justice, par lettre du 5 mars 1998, le protocole suivant, relatif à la consultation de dossiers confidentiels et de pièces secrètes :
« Le ministre de la Justice marque son accord sur la communication de dossiers confidentiels et de pièces secrètes à la commission d'enquête, aux conditions et sous les réserves suivantes :
1. L'ensemble des dossiers confidentiels et des pièces secrètes est transmis à la commission d'enquête.
2. Les documents sont conservés au Sénat en un endroit suffisamment sûr.
3. Les documents sont mis à la disposition des commissaires et des collaborateurs scientifiques de la commission explicitement désignés par elle à cette fin, qui peuvent les consulter dans un local réservé à cet effet, mais ils ne peuvent pas être copiés.
4. Il est tenu un registre mentionnant les commissaires et les collaborateurs scientifiques de la commission, qui consultent les documents et de quels documents il s'agit.
5. Si, à la lecture des documents, les commissaires ou les collaborateurs scientifiques de la commission prennent connaissance d'informations qui peuvent provoquer un conflit d'intérêts, ils interrompent immédiatement la lecture du document contenant lesdites informations et en font immédiatement état dans une déclaration confidentielle mais écrite adressée aux présidents de la commission.
L'on suit la même procédure lorsque le conflit d'intérêts est dû au fait qu'un commissaire ou un collaborateur scientifique de la commission intervient comme avocat dans une cause à laquelle les documents communiqués se rapportent directement ou indirectement. Dans ce cas, le commissaire ou le collaborateur scientifique ne peut plus remplir la fonction de conseil et doit se retirer de la cause.
6. Si la commission souhaite soumettre les informations contenues dans les documents communiqués à une discussion publique ou les inclure dans son rapport public, les présidents (et éventuellement une délégation) se concerteront au préalable avec le procureur général compétent en la matière, qui demandera, le cas échéant, l'avis du service qui a fourni les informations en question.
7. Les médias ne reçoivent pas d'autres communications ni d'autres éléments que ce qui figure au rapport.
8. Les commissaires et les collaborateurs scientifiques de la commission s'abstiennent de toute publication concernant les documents en question et les résultats de l'enquête, sauf ce qui figure dans le rapport.
9. Au terme de la mission de la commission d'enquête, tous le documents sont immédiatement renvoyés au ministre de la Justice.
Fait à Bruxelles, en trois exemplaires, le 5 mars 1998,
Stefaan DE CLERCK
Ministre de la Justice.
Roger LALLEMAND (sig.) Hugo VANDENBERGHE (sig.)
Présidents de la commission d'enquête. »
Même si le protocole n'a pas été ratifié par le ministre de la Justice sous cette forme, l'on a pu consulter dans une mesure limitée ces pièces du dossier, si bien que l'exigence de confidentialité des données et le besoin d'information de la commission ont pu être rencontrés. On souligne que dans un esprit de collaboration, le ministre a communiqué à la commission, en temps utile, les rapport annuels confidentiels de 1996 et 1997 sur le crime organisé en Belgique.
Dans sa lettre du 27 janvier 1997, le ministre de l'Intérieur a renvoyé explicitement les présidents de la commission à l'audition du commandant de la gendarmerie, le lieutenant-général W. Deridder, et des représentants du Bureau central de recherche (BCR) que la commission avait organisée le 6 décembre 1996. À l'occasion de cette audition, la commission a reçu de la gendarmerie une réponse écrite au questionnaire qu'elle lui avait soumis. En annexe à cette réponse, le commandement de la gendarmerie a mis les analyses stratégiques déjà effectuées dans ce domaine (rapports annuels 1994 et 1995) à la disposition de la commission.
Au cours des auditions ultérieures, des membres du BCR ont déclaré que l'on ne disposait pas encore d'analyses criminelles des secteurs économiques jugés sensibles aux infiltrations opérées par les organisations criminelles, notamment le secteur horeca et le secteur du transport (20). Toutefois, la gendarmerie a amorcé l'analyse et a, notamment, déjà réalisé une étude sur la criminalité dans les environs de la Falconplein à Anvers (21).
La police judiciaire n'a encore réalisé aucune analyse stratégique. Des analyses opérationnelles ont cependant été effectuées, par exemple dans le cadre du meurtre de Karel van Noppen et des attaques sur les transports de fonds (22).
Pour permettre à la commission d'enquête de mesurer la portée d'une telle analyse opérationnelle, la police judiciaire lui a communiqué le rapport d'évaluation intitulé « De Zairean connection en de Nigerian connection », relatif aux escroqueries et autres pratiques criminelles des Africains d'expression française et anglaise qui sont établis en Belgique et en Europe.
Le procureur général près la cour d'appel d'Anvers a, par ailleurs, transmis au ministre de la Justice, en vue de leur consultation par la commission d'enquête, une série d'analyses criminelles confidentielles qui avaient été élaborées par la police judiciaire.
§ 4. Les corps de police municipaux de Bruxelles, Gand, Anvers, Liège et Charleroi
Répondant à la lettre des présidents du 29 novembre 1996, le ministre de l'Intérieur a fait savoir, le 26 février 1997, qu'il n'avait aucune compétence vis-à-vis de ces corps. Il a donc suggéré au président de contacter les autorités locales.
La commission y a renoncé, car elle avait de toute manière l'intention d'entendre les bourgmestres et les commissaires en chef de Bruxelles, d'Anvers et de Liège.
Contrairement à certaines autres villes belges, Bruxelles n'a pas l'image négative d'une ville souillée par la criminalité organisée (23). Cela ne veut évidemment pas dire qu'il n'y a pas de criminalité organisée à Bruxelles. La police de la ville de Bruxelles ne dispose toutefois d'aucune analyse criminelle ou stratégique qui permettrait de démentir cette image positive. Elle ne dispose d'ailleurs pas des données nécessaires pour ce faire. Comme les corps d'Anvers et de Liège, la police de Bruxelles se plaint de ce qu'elle alimente les banques de données de la gendarmerie et de la police judiciaire avec ses procès-verbaux, mais n'est pas suffisamment ou pas du tout informée des suites que les services susvisés et le parquet donnent à ces procès-verbaux (24).
La police de la ville d'Anvers n'a pas effectué elle-même d'analyses stratégiques ou criminelles concernant l'implantation de la criminalité organisée dans certains quartiers comme la Pelikaanstraat et la Falconplein. Il y a cependant eu un début d'analyse. La police d'Anvers a ainsi répertorié les magasins de la Falconplein avec leurs exploitants, leur numéro de TVA, etc. (25). La bourgmestre a déclaré que la police n'avait pas reçu d'analyses des autres services de police ou de la Sûreté de l'État. On n'a pas davantage effectué d'étude sérieuse sur le pouvoir d'attraction qu'exerce la métropole anversoise sur la criminalité organisée (26). Cela est dû en partie à la répartition des tâches entre les divers services de police, dans le cadre de laquelle il a été convenu que la lutte contre la criminalité organisée ne relevait pas de la compétence de la police anversoise (27). D'après la bourgmestre, la police d'Anvers a toutefois une idée de ce qui se passe sur le terrain, par exemple à la Falconplein ou à la Pelikaanstraat (28). Elle se base notamment sur les statistiques mensuelles de la criminalité, même si celles-ci ne comprennent pas certaines rubriques comme celle de la criminalité en col blanc.
En dépit de la concertation pentagonale dans le cadre de laquelle on échange des informations, la police municipale manque de données pour effectuer elle-même des analyses détaillées.
Comme le font les corps de Bruxelles et de Liège, la police d'Anvers se plaint du manque de feed-back et de la circulation déficiente des informations (27). L'on a proposé, dès lors, de créer, au sein de la police municipale, un service d'information criminelle qui serait chargé de recueillir des informations, de les analyser et de les transmettre aux autres services de police ainsi qu'aux parquets (29). Actuellement, le bourgmestre doit se baser principalement sur les données que lui transmet le service de recherche de la police urbaine ainsi que sur les informations qui lui sont transmises dans le cadre de la concertation pentagonale. Cette concertation est activée aujourd'hui et il est possible de conclure des accords clairs au sujet de la répartition des tâches entre le parquet, la gendarmerie et la police judiciaire en vue d'une lutte coordonnée contre la criminalité grave et en vue d'améliorer les échanges et la circulation d'informations (27).
Le corps de police de Liège n'a pas assez de moyens pour effectuer une analyse stratégique de la criminalité organisée dans la ville (30). Cependant, dans le cadre du contrat de société, un rapport de police concernant l'état de la criminalité dans la ville est élaboré chaque année à l'intention du conseil communal. Pour ce qui est du rapport 1997, la police communale a pu faire usage des informations statistiques de l'observatoire de la criminalité et c'est une première des données de la gendarmerie, ce qui garantit une vue d'ensemble plus précise (31).
Outre les auditions auxquelles elle a procédé la commission a également invité les 27 procureurs du Roi près les tribunaux de première instance à s'exprimer. Devant les difficultés qu'aurait pu entraîner pour l'ordre des travaux l'audition des 27 procureurs du Roi, la commission a opté pour l'envoi d'un questionnaire uniforme à l'adresse de ces derniers. Cette formule a permis de rencontrer un double objectif de temps, gain de temps pour la commission et possibilité pour les répondants de disposer d'un délai suffisant pour rassembler les informations demandées , et d'uniformité dans le questionnement. Il était demandé aux procureurs du Roi de répondre par écrit au questionnaire qui leur était soumis, la commission se réservant le droit de procéder à d'éventuelles auditions des intéressés pour compléter son information.
La commission entendait se voir informer par les procureurs du Roi sur le type de criminalité qu'ils rencontraient dans leurs arrondissements respectifs, ainsi que sur les réponses qu'ils y apportaient. Ont également été abordées toutes les questions relatives aux techniques spéciales d'enquête et à leur application dans la pratique, à la gestion des informateurs ainsi qu'à l'accès aux informations, aux banques de données et aux modalités. Un certain nombre de questions étaient, elles, relatives à l'organisation actuelle des parquets, à la formation, aux diverses initiatives prises pour rencontrer les exigences d'une lutte efficace contre la criminalité organisée ainsi que pour prévenir les risques de corruption dans leurs services. Tout comme lors des auditions, la commission était soucieuse d'entendre s'exprimer les divers acteurs de la lutte contre la criminalité organisée sur les relations qu'ils entretenaient les uns avec les autres. Enfin, les procureurs du Roi étaient invités à s'exprimer sur les éventuelles réformes qu'il conviendrait selon eux de mettre en oeuvre, sur la réorganisation des services de police ainsi que sur la problématique des repentis.
La commission a reçu de tous les arrondissements judiciaires une réponse écrite aux questionnaires, réponse qui était parfois accompagnée d'annexes.
De façon plus spécifique cette fois, la commission a adressé un courrier personnel aux cinq procureurs généraux, au commandant de la gendarmerie, au commissaire général aux délégations judiciaires ainsi qu'aux chefs des services de renseignements, pour qu'ils précisent quelles sont exactement les techniques spéciales d'enquête utilisée en Belgique et qu'ils expriment les difficultés qu'ils rencontrent actuellement ainsi que leurs attentes quant à l'évolution dans la pratique de ces techniques (32).
Enfin, on a interrogé également les différents secteurs économiques que l'on présume menacés par la criminalité organisée. Une analyse des réponses reçues figure au chapitre III, section 4.
Aperçu général
En ce qui concerne l'état des lieux de la criminalité organisée en Belgique, la commission a dû se rendre à l'évidence qu'il était impossible, à l'heure actuelle, de dresser un bilan global et définitif de la situation. Partant du constat qu'aucun des services concernés par la lutte contre la criminalité organisée ne peut nous donner de vue d'ensemble du phénomène, et que si vue d'ensemble il y a, celle-ci constitue avant tout une présentation des résultats de l'activité (de la production) de ce ou ces services, la commission doit s'interroger sur les moyens à mettre en oeuvre en vue de rendre cet état des lieux possible. S'il existe bien un rapport annuel belge sur la criminalité organisée dans notre pays, la méthode actuellement utilisée, basée essentiellement sur les statistiques, en dit, selon ses auteurs, « plus sur l'activité de la police dans les enquêtes qui correspondent à la définition de la criminalité organisée que sur le phénomène proprement dit ». (33)
La commission s'est également heurtée à plusieurs reprises au secret qui entoure notamment les techniques spéciales, toutes les données qui ont pu être collectées à ce propos étant frappées du sceau de la confidentialité. (34)
Malgré toutes ces imperfections et lacunes, la commission est parvenue à mieux cerner la problématique des organisations criminelles en Belgique et même à faire une radioscopie de certains secteurs. En ce sens, les travaux de la commission peuvent être une incitation et un encouragement à approfondir la question.
§ 1 er . Le point de départ de la commission d'enquête
Dès sa création le 18 juillet 1996, la commission d'enquête a eu conscience qu'en accomplissant sa mission, elle ne serait pas seule à s'occuper de la criminalité organisée.
Nombre d'instances et d'organismes belges s'étaient déjà lancés, à l'instar de leurs homologues étrangers, dans une recherche sur la criminalité organisée. Il s'agissait non seulement des services associés à la lutte contre cette criminalité au niveau opérationnel, à savoir les parquets, la gendarmerie, la police judiciaire, certains corps de police métropolitaine et la Sûreté de l'État, mais aussi des universités.
La principale instance politique à laquelle la commission a été confrontée lors de son enquête fut évidemment le gouvernement. Celui-ci avait en effet proposé, le 28 juin 1996, son plan d'action contre la criminalité organisée qui, « basé sur une analyse stratégique du phénomène de la criminalité organisée, distingue huit terrains d'action sur lesquels la lutte contre cette forme de criminalité peut être engagée » (35).
Au cours de la discussion de la proposition instituant la commission d'enquête,une grande attention a été consacrée aux difficultés que pouvait engendrer le concours de ces deux initiatives.
La commission de la Justice et le ministre se sont ralliés au point de vue de l'auteur principal de la proposition, qui s'était exprimé comme suit :
« le plan d'action du gouvernement conférera davantage de profondeur aux travaux de la commission d'enquête parlementaire.
Pour éviter les frictions, il faudra toutefois trouver un modus vivendi entre, d'une part, la volonté gouvernementale de prendre rapidement des initiatives pour combattre la criminalité organisée et, d'autre part, le souci de la commission d'enquête de cerner la réalité du phénomène avec toute la précision possible et, à partir de là, de formuler des propositions en vue d'adapter l'arsenal des lois et des poursuites pour faire face au problème.
Le gouvernement peut donc prendre toutes les initiatives législatives qu'il souhaite en vue de mettre en oeuvre son plan d'action, et le faire en suivant la procédure parlementaire habituelle. Cela ne doit toutefois pas empêcher la commission d'enquête d'examiner les points que le gouvernement aurait mis à l'ordre du jour des activités parlementaires (la collaboration et la spécialisation des services de police, par exemple). Il n'y a pas d'exclusivité en ce domaine. (...)
Par conséquent, la commission d'enquête ne sera pas un sas par lequel devront obligatoirement transiter tous les projets de loi qui seront déposés en exécution du plan d'action » (36).
Le ministre avait fait le commentaire suivant :
« Au nom de l'efficacité, il faudra néanmoins que le gouvernement et la commission d'enquête s'accordent sur une répartition des tâches. Les interventions de divers membres lui permettent de conclure qu'il y aura une influence réciproque, mais pas d'interdépendance pouvant avoir pour effet que la commission d'enquête entrave l'exécution du plan d'action par le gouvernement, et vice-versa.
Le plan d'action définit la notion de criminalité organisée de deux manières, en fonction de l'approche de travail.
D'une part, il y a la définition opérationnelle, qui doit être utilisée pour l'étude et l'analyse. L'accent est mis ici sur les aspects sociaux, sociologiques et politiques.
D'autre part, il y a la définition pénale, qui permettra d'engager des poursuites. À cet égard, la question est de savoir si les qualifications actuelles sont appropriées. Dans la négative, il faudra en élaborer de nouvelles.
La commission devra se prononcer sur ces hypothèses de travail » (37).
À cet égard, la commission de la Justice avait jugé indispensable
« que, au début de ses travaux, la commission d'enquête ne se perde pas en discussions concernant le contenu de la notion de criminalité organisée et l'objet de sa mission.
Au nom de l'efficacité, il paraît souhaitable de munir la commission d'enquête d'un cadre de référence ne comportant pas de repères juridiques.
Les définitions opérationnelles telles que celles du plan gouvernemental et de la réglementation européenne sont un fil conducteur important, mais elles ne lient pas la commission d'enquête (...).
Son pouvoir de modifier les définitions existantes ou de les compléter sur la base de ses constatations, demeure dès lors entier.
Les définitions auxquelles on fait référence ci-dessus esquissent donc la perspective dans laquelle l'enquête doit se dérouler. Elles balisent le domaine de celle-ci, sans pour autant restreindre la marge de manoeuvre de la commission.
Il paraît en tout cas prématuré de prendre comme définition l'incrimination de la criminalité organisée telle que proposée par le gouvernement (38). »
Lors de l'examen de la proposition en séance plénière du 18 juillet 1996, il a été une nouvelle fois souligné que la « commission doit être libre dans son approche du problème et qu'elle ne peut se laisser enfermer dans un canevas étroit de définitions telles que celles qui sont formulées dans le cadre des discussions menées au niveau gouvernemental et des avant-projets transmis au Conseil d'État. La commission doit avant tout définir le phénomène sous un angle criminologique pénal » (39).
2.1. Chambre des représentants
Le modus vivendi convenu entre la commission d'enquête et le ministre de la Justice connut son baptême du feu le 12 mars 1997, lorsque le gouvernement déposa à la Chambre des représentants le projet de loi relatif aux organisations criminelles (40).
Ce projet était libellé comme suit :
« Article 1er .
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2.
Le chapitre V, titre Vl, IIe livre, du Code pénal est remplacé par les dispositions suivantes :
« Chapitre V. Des organisations criminelles
Art. 342. Constitue une organisation criminelle l'association de plus de deux personnes :
1º en vue de commettre de façon concertée des crimes et délits punissables d'un emprisonnement de trois ans ou d'une peine plus grave;
2º pour obtenir des avantages patrimoniaux ou influencer le fonctionnement d'autorités publiques ou d'entreprises publiques ou privées;
3º et en utilisant l'intimidation, la menace, la violence, des manoeuvres frauduleuses ou la corruption ou en recourant à des structures commerciales ou autres pour dissimuler ou faciliter la réalisation des infractions.
Art. 343. § 1er . Toute personne qui, sans participer à la préparation ou à la réalisation d'aucune infraction, appartient à une organisation criminelle, en ayant connaissance du caractère criminel de cette organisation, ainsi que toute personne qui participe à la préparation ou à la réalisation de toute activité licite de cette organisation criminelle, alors qu'elle sait ou doit savoir que sa participation contribue aux objectifs de celle-ci, est punie d'un emprisonnement de un à trois ans et d'une amende de 100 à 5 000 francs ou de l'une de ces peines.
§ 2. Toute personne qui participe à la préparation de toute activité illicite de l'organisation criminelle, alors qu'elle sait ou doit savoir que sa participation contribue aux objectifs de celle-ci, est punie d'un emprisonnement de deux à cinq ans et d'une amende de 500 à 10 000 francs ou de l'une de ces peines.
Art. 344. Toute personne qui participe à toute prise de décision dans le cadre des activités de l'organisation criminelle, en ayant connaissance du caractère criminel de cette organisation, est punie de la réclusion de cinq à dix ans et d'une amende de 500 à 100 000 francs ou de l'une de ces peines.
Art. 345. Toute personne qui participe à toute prise de décision relative à la réalisation, par un membre de l'organisation criminelle ou par toute autre personne pour le compte de l'organisation criminelle, d'une infraction impliquant le recours à la violence contre des personnes ou aux menaces, est punie de la même peine que l'auteur de cette infraction.
Art. 346. Toute personne dirigeante de l'organisation criminelle est punie de la réclusion de dix à quinze ans et d'une amende de 1 000 à 200 000 francs ou de l'une de ces peines. »
Art. 3
Dans l'article 90ter , § 2, du Code d'instruction criminelle, inséré par la loi du 30 juin 1994 et modifié par les lois du 13 avril 1995, il est inséré un 3ºbis rédigé comme suit :
« 3ºbis . aux articles 343 à 346 du même Code; ».
Le 5 juin 1997, la Chambre des représentants a adopté le projet, amendé comme suit (41) :
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
Le chapitre V, titre VI, IIe livre, du Code pénal est remplacé par les dispositions suivantes :
« Chapitre V. Des organisations criminelles
Art. 342. Toute organisation composée de plus de deux personnes en vue de commettre de façon concertée et structurée des crimes ou délits punissables d'un emprisonnement de trois ans ou d'une peine plus grave pour obtenir illicitement des avantages patrimoniaux ou détourner le fonctionnement d'autorités publiques ou d'entreprises publiques ou privées et en utilisant l'intimidation, la menace, la violence, les armes, des manoeuvres frauduleuses ou la corruption ou en recourant à des structures commerciales ou autres pour dissimuler ou faciliter la réalisation d'infractions, constitue un crime ou un délit par le seul fait de l'organisation.
Art. 343. § 1er . Toute personne qui fait partie de l'organisation criminelle visee à l'article 342 est punie d'un emprisonnement de deux à cinq ans et d'une amende de cent à cinq mille francs ou d'une de ces peines seulement, meme si elle n'a pas l'intention de commettre une infraction dans le cadre de cette organisation, ni de s'y associer d'une des manières prévues par les articles 66 et suivants.
§ 2. Toute personne qui participe à la préparation ou à la réalisation de toute activité licite de cette organisation criminelle, alors qu'elle sait ou doit savoir que sa participation contribue aux objectifs de celle-ci, tels qu'ils sont prévus à l'artide 342, est punie d'un emprisonnement de un à trois ans et d'une amende de cent à cinq mille francs ou d'une de ces peines seulement.
Art. 344. Toute personne qui participe à toute prise de décision dans le cadre des activités de l'organisation criminelle, en ayant connaissance du caractère criminel de cette organisation, est punie de la réclusion de cinq à dix ans et d'une amende de cinq cents à cent mille francs ou d'une de ces peines seulement.
Art. 345. Toute personne dirigeante de l'organisation criminelle est punie de la réclusion de dix à quinze ans et d'une amende de mille à deux cents mille francs ou d'une de ces peines seulement. »
Art. 3
Dans l'article 90ter , § 2, du Code d'instruction criminelle, inséré par la loi du 30 juin 1994 et modifié par les lois des 7 et 13 avril 1995, il est inséré un 3ºbis , rédigé comme suit :
« 3ºbis aux articles 342 à 345 du même Code; »
2.2.1. Rôle de la commission d'enquête
Eu égard à l'impact du projet sur notre droit pénal, le Sénat a jugé nécessaire de faire jouer la garantie du double examen parlementaire, si bien que le projet a été évoqué le 10 juin 1997 (42).
Après une première discussion du projet de loi, la commission de la Justice suspendit ses travaux jusqu'à ce que la commission d'enquête ait pris position sur la définition des notions de criminalité organisée et d'organisation criminelle.
La commission d'enquête jugeait en effet devoir confronter le projet adopté par la Chambre à ses constatations (43) et décida pour cette raison de rédiger un premier rapport intermédiaire dans lequel elle ne s'est pas concentrée sur une analyse du texte du projet, mais sur une analyse générale, dans le cadre de sa réflexion sur :
la nécessité d'une définition juridique propre ;
la question de savoir à quels aspects du phénomène criminologique il y a lieu de s'attaquer sur le plan général;
la nécessité de nouvelles définitions spécifiques des délits;
les lignes de force stratégiques dont la nouvelle législation doit tenir compte, y compris les principes juridiques susceptibles d'être menacés.
2.2.2. Le premier rapport intermédiaire de la commission d'enquête
Ce rapport, qui a été publié le 3 décembre 1997 (44), est parti de la constatation qu'il était indispensable de déterminer au préalable ce qu'il y a lieu d'entendre par criminalité organisée : la définition devrait, comme une boussole, indiquer dans quelle direction cette forme de criminalité se rencontre (45).
Au cours des auditions, il est apparu clairement qu'il y a lieu de faire une distinction entre l'approche criminologique et l'approche pénale de ce problème. Des criminologues tentent de dresser une image de cette criminalité et s'efforcent, à partir de ces données phénoménologiques, de déterminer le caractère dangereux et de proposer des priorités politiques. Point n'est besoin de tracer nettement les limites de cette criminalité : le concept criminologique est évidemment large et illimité.
L'approche pénale requiert toutefois une notion clairement définie : cette notion devant servir de base pour le droit pénal matériel et formel, une démarcation s'impose et la précision est de mise. Les notions vagues et les raisonnements analogiques n'ont pas leur place dans le droit pénal. C'est précisément pour cette raison que l'on a opté pour la notion d'« organisation criminelle » plutôt que pour celle de « criminalité organisée », car il est question en l'espèce d'un élément constitutif d'une série d'infractions qui favorise la lutte contre la criminalité organisée (46).
Le fait que les Nations unies, Interpol, l'Union européenne, les Pays-Bas, l'Allemagne, la France et le Danemark ont tous leur propre définition n'a pas échappé à la commission (47). Les notions en question sont, dans une large mesure, des notions criminologiques, qui ne sont pas fort utilisables en vue d'une incrimination.
L'intention de la commission n'était pas de se substituer, dans cette initiative, à la commission de la Justice, mais d'apporter des éléments qui lui permettraient de définir ses propres concepts, de développer des méthodes appropriées pour s'attaquer à la grande criminalité et de mettre au point une politique adéquate en matière de recherches et de poursuites.
Le gouvernement avait déjà constaté précédemment que la législation pénale existante (cf. les articles 322 à 326 du Code pénal) ne suffisait pas pour lutter contre la grande criminalité. Le projet de loi relative aux organisations criminelles, adopté par la Chambre des représentants le 5 juin 1997 et évoqué par le Sénat le 10 juin 1997, était, à ses yeux, la réponse appropriée (48).
La définition de la criminalité organisée figurant à l'article 342 proposé du Code pénal constituait indubitablement un élément important pour ce qui est de la définition de concepts propres par la commission. Mais la définition donnée par l'article 3.4 de la convention du 27 septembre 1996 relative à l'extradition entre les États membres de l'Union européenne a, elle aussi, été prise en considération (49).
La commission a également réalisé une étude de droit comparé et a tenu compte de la façon dont l'Italie, les Pays-Bas, la France, l'Espagne, l'Allemagne, la Grèce, l'Autriche et l'Irlande abordaient ce problème (50).
Il est devenu très vite évident que redéfinir l'infraction d'association de malfaiteurs visée à l'article 322 du Code pénal ne suffirait pas. La criminalité organisée s'écarte des notions antérieures sur quatre points importants.
1. Alors que l'article 322 vise la perpétration d'attentats aux personnes ou aux propriétés, il est question, en l'espèce, de l'acquisition d'avantages patrimoniaux ou du détournement du fonctionnement normal d'autorités publiques ou d'entreprises publiques ou privées. Une organisation criminelle ne commet pas nécessairement « un attentat contre les personnes ou les propriétés » (51).
2. Une deuxième différence entre l'association de malfaiteurs et l'organisation criminelle réside dans l'intention. Bien que l'élément moral demeure plutôt vague à l'article 322 du Code pénal, on admet que, dans l'association de malfaiteurs, l'intention de jouer personnellement un rôle dans l'infraction commise par l'association est prioritaire, alors que l'organisation criminelle existe dès lors qu'il y a une volonté délibérée de faire partie de l'organisation criminelle.
En d'autres termes, l'intention de participer soi-même aux faits punissables n'est plus requise pour que l'intéressé puisse être considéré comme un coauteur de la nouvelle infraction (52).
3. La définition plus précise des éléments constitutifs constitue une troisième différence. Le lien entre les coauteurs, la nature des infractions projetées et les objectifs de l'organisation criminelle sont délimités plus nettement. L'on ne vise plus seulement le fait de se procurer des avantages patrimoniaux, mais aussi celui de déstabiliser l'appareil étatique et d'influencer le fonctionnement de l'économie (53).
4. Enfin, l'organisation criminelle est aussi caractérisée par les moyens qu'elle utilise pour atteindre ses objectifs : l'intimidation, la menace, la violence, l'usage d'armes, le recours à des manoeuvres frauduleuses ou à la corruption, des structures commerciales, financières ou autres, particulières, conçues pour dissimuler ou favoriser la criminalité.
Pourtant, il subsistait des doutes quant à la différence fondamentale entre l'association de malfaiteurs et les organisations criminelles (54) : selon la commission, il convenait surtout de définir de manière plus précise l'élément moral du délit. Il faut définir précisément le caractère punissable de l'appartenance à une organisation criminelle et tenir compte de l'élément matériel et de l'élément du délit (55), mais veiller à ne pas renverser la charge de la preuve.
C'est ainsi que la commission d'enquête a conclu qu'une organisation criminelle se distingue des autres formes de criminalité par son caractère d'entreprise et sa capacité à neutraliser l'action des pouvoirs publics contre les organisations criminelles. Ces organisations présentent fréquemment, mais pas nécessairement, un caractère international marqué (56).
La commission n'a pas adopté de point de vue définitif sur la nécessité d'une incrimination spéciale des organisations criminelles. En tout cas, il faut examiner dans quelle mesure il y a un chevauchement entre la nouvelle incrimination et l'article 322 actuel du Code pénal.
Une nouvelle incrimination requiert une énumération précise des coauteurs, et il va de soi, que les organisations dont l'objet est d'exercer une influence politique ne sont pas exclues du champ d'application de la loi et que l'on souligne la distinction entre les membres d'une organisation criminelle et les personnes extérieures.
Il y a lieu de respecter le principe de l'égalité, mais il ne saurait être question d'un renversement de la charge de la preuve (57).
La commission a estimé que pareille approche requiert une collaboration étroite au niveau européen et une harmonisation des législations nationales.
La discussion sur cette matière est reprise entièrement dans le premier rapport intermédiaire qui figure ici dans sa forme définitive (58).
5. Les définitions de la criminalité varient d'un utilisateur à l'autre et en fonction de la finalité qui leur est donnée.
Si la définition a pour objet de dresser la carte du problème de société qu'est la criminalité et d'en constater la nature, la gravité et l'ampleur, alors il s'agit d'une définition criminologique. L'image que l'on obtient ainsi peut permettre de réagir, politiquement, d'une manière appropriée. Suivant la forme du phénomène, la réaction peut être très variable et s'inscrire soit dans le cadre du droit pénal soit en dehors de celui-ci.
En optant pour une définition trop large, applicable à des phénomènes très disparates, l'on risque de créer artificiellement un problème de société gigantesque. Il est fort possible qu'on s'oriente, en réaction, vers une politique permettant d'appliquer cette définition à un grand nombre d'actes délictueux et d'adopter, dans de nombreux cas, des modalités « particulières » pour la recherche, la poursuite et le jugement. C'est ainsi par exemple que toute forme de trafic de stupéfiants ne constitue pas de la criminalité organisée (cf. l'étudiant qui vend aux autres étudiants le cannabis qu'il cultive lui-même). Il n'est dès lors pas toujours nécessaire de prendre des mesures particulières. Sinon, l'on en arriverait inévitablement à une généralisation de l'application de mesures exceptionnelles. Des conflits surgissent sur ce point entre notre législation nationale et les principes généraux du droit inscrits dans les conventions et traités internationaux, comme la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 et son interprétation par la commission et la Cour européenne des droits de l'homme, qui posent comme principes essentiels la légalité, la légitimité, la subsidiarité et la proportionnalité (59).
En choisissant une définition trop étroite, l'on peut en venir à sous-estimer concrètement les phénomènes, si bien que l'on omettra de prendre les mesures appropriées, parce que le besoin de celles-ci ne se fera pas sentir assez fort (60).
Une définition agit donc comme un compas en indiquant où il faut chercher la criminalité organisée. Si le compas est mal réglé, les résultats ne seront fatalement pas fiables (61).
Il importe donc de trouver, de la criminalité organisée, une définition qui ne soit ni trop large, ni trop étroite et qui permette de se faire une idée réelle du phénomène (62), de manière à ce que l'on puisse proportionner la réaction contre lui (63).
6. En revanche, si la définition vise à s'attaquer aux organisations criminelles en tant que telles, alors il s'agit d'une définition pénale. Dans ce cas, la criminalité organisée est considérée comme une infraction déterminée (approche matérielle), ou comme un critère entraînant, s'il est rempli, des conséquences juridiques précises dans le cadre de la recherche, des poursuites, du jugement et de l'exécution de la peine (approche formelle et procédurale). En effet, l'« approche » pénale n'est qu'un élément de l'« approche » totale du phénomène de la criminalité organisée et à laquelle elle doit être intégrée.
Au cours des auditions, l'on s'est demandé s'il fallait encore faire, dans l'approche pénale, une distinction entre un aspect matériel et un aspect formel (64).
7. L'importance d'établir une distinction entre une définition pénale et une définition criminologique ne peut pas être sous-estimée.
Une approche criminologique de la criminalité organisée vise uniquement à ce que l'on puisse se faire une idée exacte d'une série de phénomènes pouvant être qualifiés de très graves. Cela doit permettre au pouvoirs publics de mesurer la gravité de la menace que représente le phénomène et de fixer les vraies priorités politiques. Il est opportun de disposer, dans le cadre de cette approche criminologique, d'une représentation la plus large et la plus diversifiée possible, si bien que le recours à une définition plus large peut être justifié.
Dans le cadre de l'approche pénale, on ne peut pas concevoir aussi largement la notion de criminalité. La définition d'une notion qui doit servir de base au droit pénal matériel ou au droit formel doit, en effet, être suffisamment délimitée et précise. Une large définition est donc exclue. C'est pourquoi, dans l'approche pénale de la criminalité organisée, on choisit de parler d'« organisation criminelle » plutôt que de « criminalité organisée ». L'existence d'une « organisation criminelle » forme alors un élément constitutif d'une série d'infractions qui permettent de sanctionner pénalement un certain nombre d'aspects du phénomène de la criminalité organisée.
8. À ce jour, il ne s'est pas avéré possible d'établir une définition criminologique largement utilisable, comme définition de référence, par différents pays. La complexité de la matière et la spécificité des différentes situations et priorités nationales expliquent cette situation.
C'est ainsi qu'en Italie, l'on associe largement la criminalité organisée à la maffia, alors qu'en Espagne et en Allemagne, l'on considère que le terrorisme est une forme importante de criminalité organisée (65) (66).
A. Définitions proposées par des institutions internationales
9. La criminalité organisée est un phénomène transfrontalier par excellence. La lutte contre celle-ci ne peut donc pas se limiter à des mesures exclusivement nationales, elle doit au contraire s'insérer dans une approche commune, ce qui nécessite un arsenal de notions univoque. C'est pour répondre à cette nécessité que des tentatives ont été faites dans différentes institutions internationales en vue de rédiger une définition uniforme de la criminalité organisée.
10. En 1996, la Pologne a déposé aux Nations Unies un « Draft United Nations Framework Convention against Organized Crime », comportant une définition de la criminalité organisée :
« Organised crime means group activities of three or more persons, with hierarchical links or personal relationships, which permit their leaders to earn profits or control territories or markets, internal or foreign, by means of violence, intimidation or corruption, both in furtherance of criminal activity and to infiltrate the legitimate economy, in particular by :
Illicit traffic in narcotic drugs or psychotropic substances, and money laundering, as defined in the United Nations Convention Against Illicit Traffic in Narcotic Drugs and Psychotropic Substances of 20 December 1988;
Traffic in persons, as defined in the Convention for the Suppression of the Traffic in Persons and of the Exploitation of Prostitution of Others of 2 December 1949;
Counterfeiting currency, as defined in the International Convention for the Suppression of Counterfeiting Currency of 20 April 1929;
Illicit traffic in or stealing of cultural objects, as defined by the UNESCO Convention on the Means of Prohibiting and Preventing the Illicit Import, Export and Transfer of Ownership of Cultural Property of 14 November 1970 and the UNIDROIT Convention on Stolen or Illegally Exported Cultural Objects of 24 June 1995;
Stealing of Nuclear material, its misuse or threats to misuse to harm the public, as defined by the Convention on the Physical Protection of Nuclear Material of 3 March 1980;
Terrorist acts;
Illicit traffic in or stealing of arms and explosive materials or devices;
Illicit traffic in or stealing of motor vehicles;
Corruption of public officials.
For the purpose of the present Convention « organised crime » includes commission of an act by a member of a group as part of the criminal activity of such organisation. »
11. Interpol et le « National Criminal Intelligence Service » du Royaume-Uni utilisent la définition suivante :
« Any enterprise, or group of persons engaged in continuing illegal activities which has its primary purpose in the generation of profits, irrespective of national boundaries (67). »
12. Dans le cadre du titre VI du Traité de Maastricht, les États membres de l'Union européenne sont convenus, au sein du groupe de travail « drogues et criminalité organisée », de la définition suivante (68).
« Pour qu'une infraction ou un groupe criminel ressortisse à la criminalité organisée, six des caractéristiques énumérées ci-dessous au moins doivent être présentes, dont celles des trois numéros 1, 5 et 11 :
1. Collaboration entre plus de deux personnes;
2. des tâches spécifiques étant attribuées à chacune d'elles;
3. sur une période de temps assez longue ou indéterminée;
4. avec une forme de discipline et de contrôle;
5. suspectées d'avoir commis des infractions pénales graves;
6. agissant au niveau international;
7. recourant à la violence ou à d'autres moyens d'intimidation;
8. utilisant des structures commerciales ou de type commercial;
9. se livrant au blanchiment de l'argent;
10. exerçant une influence sur les milieux politiques, les médias, l'administration publique, le pouvoir judiciaire ou l'économie;
11. agissant pour le profit et/ou le pouvoir. »
Selon M. Vandoren, magistrat national, les caractéristiques 1, 3, 5 et 11 (69) (70) doivent en tout cas figurer parmi les six caractéristiques qui doivent au minimum être réunies.
13. Comme on l'a précisé ci-dessus (voir le nº 8), les définitions nationales de la criminalité organisée reflètent diverses priorités politiques. Il arrive même souvent qu'il n'y ait pas unanimité au niveau national sur une définition (71).
À titre d'illustration de la divergence entre les diverses conceptions, les définitions néerlandaise et allemande sont placées à la suite l'une de l'autre, pour souligner le contraste. Elles indiquent à quel point des choix fondamentaux s'imposent lorsqu'on arrête une définition.
14. Dans le cadre des travaux de la commission d'enquête parlementaire « Opsporingsmethoden » appelée généralement, du nom de son président, Commission van Traa , on s'est intéressé au problème de la définition de la criminalité organisée. Finalement, on a opté pour l'enquête criminologique, sur la proposition du groupe d'enquête Fijnaut, pour la définition suivante :
« Il est question de criminalité organisée si des groupes, dont le but primaire est la recherche de gains illicites, commettent systématiquement des crimes entraînant des conséquences graves pour la collectivité et sont à même de masquer ces crimes de manière relativement efficace, en particulier en se montrant prêt à faire usage de la violence ou à éliminer des personnes par le biais de la corruption (72). »
15. Selon le Bundeskriminalamt (BKA), il y a lieu d'entendre par criminalité organisée :
« 1. La perpétration systématique d'infractions qui, chacune en soi ou dans leur totalité, ont une importance considérable;
2. motivées par l'appât du gain ou la recherche du pouvoir;
3. par plus de deux personnes agissant ensemble;
4. pendant une période assez longue ou indéterminée;
5. avec une répartition des tâches, par lesquelles les auteurs :
a) font usage de structures commerciales;
b) et/ou ont recours à la violence ou à d'autres techniques d'intimidation;
c) et/ou exercent une influence sur la vie politique, les médias, l'administration publique, la justice ou l'industrie. »
16. À titre d'information, voici encore les définitions qui sont utilisées en France et au Danemark. Elles doivent toutefois être considérées avec la réserve exprimée au nº 13.
17. Dans son rapport, la commission d'enquête de l'Assemblée nationale chargée d'examiner les moyens de lutter contre les tentatives de pénétration de la mafia en France a défini la mafia comme suit (73) :
« Organisation criminelle, mais aussi système de pouvoir et système économique, la Mafia sicilienne ou « Cosa Nostra », présente des traits qui la distinguent de la plupart des autres formes de criminalité organisée et lui donnent son efficacité très particulière. C'est une organisation structurée et hiérarchisée, dont le noyau est constitué par la « famille » fonctionnant sur la base de règles strictes dont le non-respect est sévèrement sanctionné, exerçant son pouvoir sur un territoire, et dont la finalité est de tirer profit d'activités illicites par une panoplie de méthodes allant du parasitisme social à la violence. »
« Au-delà de ses aspects folkloriques, qui donnent du phénomène une image à la fois limitative et emphatique, la Mafia constitue un système de criminalité organisée d'une redoutable efficacité, susceptible de servir de modèle à d'autres organisations criminelles. Née en Sicile, fondée sur certaines valeurs typiques de cette région, nourrie de sa culture propre, la Mafia présente certaines caractéristiques sans doute trop spécifiques pour pouvoir être reproduites ailleurs, mais qui une fois épurées de ces connotations particulières, peuvent être transposées par d'autres organisations criminelles tentées par l'efficacité du modèle. Car si le crime organisé est une réalité internationale, fort peu nombreuses sont les organisations fonctionnant sur des bases comparables à la Mafia qui, même abstraction faite de ses aspects « folkloriques », présente une forte originalité. »
d) Danemark (74)
18. Il n'y a pas, dans le système juridique danois, de définition légale de la criminalité organisée. Cette notion est maniée par les services de police, et délimitée au départ de critères repris en grande partie de sources étrangères.
La rapport « Organiseret kriminalitet * Rockerkriminalitet » a proposé les critères suivantes :
la criminalité organisée est commise en association;
les auteurs font parties d'une organisation fortement hiérarchisée;
l'organisation est érigée en matière telle que le rapport entre la direction centrale et la périphérie qui commet les délits, est occulté;
une partie de l'organisation exploite des entreprises légales dans lesquelles les gains criminels peuvent être investis et blanchis;
l'organisation se caractérise par une discipline forte, dont fait partie la violence interne et externe, afin de protéger l'organisation et ses activités;
l'organisation tente de cacher la trace de ses activités criminelles notamment par la violence, la menace, des tracasseries ou la corruption.
il est question de criminalité lourde qui génère des gains considérables, par exemple le trafic de stupéfiants, trafic d'armes, traite d'hommes et prostitution, etc.;
l'exécution matérielle est techniquement avancée, riche en moyens et internationale.
Le rapport « Organiseret kriminalitet * Rockerkriminalitet » conclut que, jusqu'à présent, au Danemark, seules, en fait, les bandes de motocyclistes répondent plus ou moins à cette ébauche de profil, mais il ajoute que l'« on doit craindre que la criminalité organisée internationale ne passe la frontière si elle n'est pas combattue. »
Les critères cités pour définir la notion de criminalité organisée créent une image quelque peu abstraite qu'il n'est pas possible de rendre juridiquement opérationnelle au Danemark. Les mesures relatives aux méthodes particulières de recherche ne sont donc pas tant des réactions au type de criminalité organisée étrangère à laquelle il faut s'attendre que des réactions au trafic d'armes et de stupéfiants, qui est surtout le fait des bandes de motocyclistes. L'on a normalisé, dans le Code de procédure pénale danois, une série de méthodes de recherche utilisées pour combattre la criminalité organisée. La notion de criminalité organisée est si vague qu'il n'existe pas, au Danemark, de méthodes de recherches utilisées uniquement pour cette criminalité. Les délits pour lesquels l'application des méthodes de recherche particulières les plus radicales est autorisée sont soit des délits punissables d'au moins six ans d'emprisonnemnt, soit des délits spécifiquement prévus.
C. Belgique : le choix de la définition du Bundeskriminalamt
19. En 1992, on a choisi en Belgique, sur la proposition des magistrats nationaux et en accord avec le Collège des procureurs généraux et le Gouvernement, d'utiliser la définition allemande du Bundeskriminalamt (BKA).
La définition telle que reprise dans le plan d'action du Gouvernement contre la criminalité organisée se présente comme suit :
« 1. La perpétration de manière méthodique, de délits qui sont, chacun en soi ou dans leur totalité, d'une importance considérable.
2. Par amour du gain ou par recherche du pouvoir.
3. Par plus de deux personnes agissant ensemble.
4. Durant une période assez longue ou indéterminée.
5. Suivant une répartition des tâches :
a) en abusant de structures commerciales et/ou;
b) en recourant à la violence ou à d'autres moyens d'intimidation et/ou;
c) en exerçant une influence sur la vie politique, les médias, l'administration publique, la justice ou la vie économique. »
« Outre les formes de crime organisé plus manifestes (par exemple le maffia, la criminalité avec violences graves), cette définition comprend également la criminalité d'organisation (membres d'une organisation légale qui commettent des infractions sans que l'organisation elle-même fonctionne comme organisation criminelle) » (75).
Comme cette définition du BKA ouvre la porte à de larges interprétations, elle a été récemment rendue opérationnelle dans le rapport rédigé par le ministre de la Justice et intitulé « Rapport annuel 1997 Criminalité organisée 1996 ». Cela signifie que les différentes notions que couvre la définition ont été précisées et explicitées concrètement, pour réduire autant que faire se peut tout risque d'interprétation subjective. On a donc choisi de transposer, dans la mesure du possible, les composantes de la définition du BKA en éléments contrôlables ou mesurables. Pour ce qui est des éléments qui n'entrent pas directement en considération, l'on a mis au point des indicateurs visant à exclure un maximum d'interprétations libres.
C'est ainsi que, pour la notion d'« infractions qui ont une importance considérable dans leur totalité », par exemple, on utilise les indicateurs suivants : l'organisation a commis au moins 10 faits; le patrimoine illégal total estimé sur une base annuelle s'élève à au moins 10 millions de francs; la valeur numéraire du volume du flux illégal de biens (notion plus large que celle de volume des biens saisis) est supérieure à 50 millions de francs et le préjudice (matériel) social subi est d'au moins 100 millions de francs. On rend opérationnel le critère « pendant une période assez longue » en définissant en principe cette période comme une période d'au moins une année » (76).
La définition du BKA, qui est généralement qualifiée d'opérationnelle, ne peut être employée qu'en tant que définition criminologique et ne repose sur aucune base légale (77).
M. Van Camp, procureur général près la Cour d'appel d'Anvers a fait remarquer à cet égard que « l'objectif n'était pas d'utiliser une définition juridique, car nous n'en étions pas encore là à l'époque. Nous voulions réaliser, dans le cadre de l'Union européenne, la meilleure collaboration possible entre les services de police. La définition du Bundeskriminalamt est une définition policière et non pas une définition figurant dans un texte de loi (78) ». M. Vanhaecke, premier substitut du procureur du Roi près le Tribunal de première instance de Bruxelles déclarait en outre : « Il va de soi que ces définitions sont un instrument de travail pour que l'on puisse savoir de quoi l'on parle effectivement, car la criminalité organisée n'est évidemment pas une notion univoque (79). »
20. La définition du BKA est généralement qualifiée de définition large. C'est la raison pour laquelle la commission d'enquête parlementaire néerlandaise « Opsporingsmethoden » a choisi de ne pas l'utiliser et d'établir sa propre définition (voir nº 14). Selon elle, cette définition est si large que de nombreuses formes de criminalité qui n'ont jamais, ni en Europe occidentale, ni en Amérique du Nord été rattachées à la criminalité organisée, se retrouveraient soudainement incluses sous cette dénomination, ce qui ferait d'emblée et sans raison, de « la » criminalité organisée un problème gigantesque (80).
Ainsi, il faut ainsi éviter que des actions d'organisations de défense de l'environnement et d'organisations syndicales au sein desquelles des infractions sont commises ne soient automatiquement qualifiées de criminalité organisée.
Si la définition du BKA était jugée trop large par la Commission d'enquête parlementaire néerlandaise, la définition adoptée par elle est à présent à son tour jugée trop rigide par certains.
La différence entre les deux définitions se situe principalement au niveau des contre-stratégies. Selon la définition du BKA utilisée en Belgique, il est question de criminalité organisée dès qu'une organisation fait usage de structures commerciales sans recourir nécessairement à la corruption ou à l'intimidation ou sans exercer aucune influence sur la vie politique, les médias, l'administration publique, la justice ou l'industrie. Dans le cadre de la définition néerlandaise, par contre, la présence des contre-stratégies que sont l'intimidation, la violence ou la corruption est une condition nécessaire de l'existence de la criminalité organisée.
Les conséquences de cette distinction sont importantes, parce que certaines formes de criminalité en col blanc, qui ne sont pas visées par la définition néerlandaise, le sont bel et bien par la définition utilisée en Belgique. Selon certains observateurs, les groupements qui fraudent systématiquement et sur une grande échelle, par exemple, ne seraient, en vertu de la définition néerlandaise, pas rangés sous l'étiquette d'activités de criminalité organisée que si l'on peut démontrer qu'ils sont tout à fait disposés à faire usage de l'intimidation, de la violence ou de la corruption comme contre-stratégies. Selon la définition belge, ces groupements seront répertoriés sous le dénominateur commun de criminalité organisée, même s'ils ne sont pas prêts à recourir à la violence ou à la corruption.
21. À la question de savoir quelle était la différence entre la définition néerlandaise et la définition allemande, que la Belgique a reprise, le professeur Fijnaut, qui a dirigé le groupe de recherche qui a procédé à une recherche criminologique pour la commission d'enquête néerlandaise « Opsporingsmethoden », a, lors de l'audition du 22 novembre 1996, répondu ce qui suit (81) :
« Je commencerai par dire pourquoi, d'une manière générale, je m'oppose à la définition du BKA et je donnerai ensuite un exemple concret. Les premiers points de la définition du BKA et de la définition que nous avons utilisée correspondent : il s'agit de groupes qui travaillent de façon systématique, ont pour objectif de réaliser des gains et commettent des délits graves soit au marché noir, soit en contrôlant les secteurs économiques légaux. Les définitions s'écartent l'une de l'autre mais c'est justement d'après moi le point crucial , sur le plan des contrestratégies. Selon le sixième point de la définition du BKA on a déjà à faire à de la criminalité organisée lorsque ces groupes adoptent la forme d'une structure commerciale. Vient ensuite le point du recours à la corruption ou à l'intimidation. Cela signifie que la définition du BKA permet de couvrir toutes les formes de fraude possibles. Il n'y a plus de frein. Des entreprises très importantes qui, certes, opèrent peut-être de façon non réglementaire et commettent des actes irréguliers ou illégaux se voient cataloguées d'un seul coup comme s'adonnant à la criminalité organisée, alors qu'elle ne s'en prendront jamais aux pouvoirs publics. Dans le cas des Pays-Bas, je cite toujours l'exemple du groupe Van der Valk. Beaucoup, en Belgique, le connaissent également, parce que Van der Valk a implanté aussi des restoroutes en Belgique. Ce groupe a fait l'objet d'une importante procédure pénale menée en collaboration par la police ordinaire et le FIOD (82), l'équivalent néerlandais de l'ISI (83). Les faits et gestes de la firme ont été soumis à une énorme enquête. »
« On a par exemple constaté que pendant des années l'entreprise avait été très négligente dans le paiement de ses impôts. De plus, on a régulièrement fait état d'infractions à la législation du travail, à la législation sur les étrangers, etc. Si l'on devait lui appliquer la définition du BKA Van der Valk serait considéré comme une famille pratiquant la criminalité organisée. En fait, on ne pourrait plus faire de distinction entre un groupe relevant de la Cosa Nostra et le groupe Van der Valk. Van der Valk est une entreprise familiale. Le grand-père, les fils et les filles, les petits-fils et les petites-filles gèrent l'ensemble des entreprises. Ils travaillent de façon tout à fait autonome. Ils ont leur propre usine de poissons, leurs propres entreprises horticoles, des fermes et des élevages. Toute leur activité fonctionne en autarcie aux Pays-Bas et, partiellement en Belgique et en Allemagne. Et cettte entreprise devrait être le prototype d'une famille mafieuse néerlandaise. Trois livres ont été consacrés à cette entreprise et cela fait des années que je collectionne tous les articles de presse publiés à son sujet, mais jamais il n'y a eu d'informations affirmant que le groupe se serait rendu coupable de corruption publique, d'intimidation de fonctionnaires, ou de corruption de journalistes en vue de jeter le discrédit sur des policiers ou des agents du fisc. Rien de tout cela. Si les autorités néerlandaises s'étaient acquittées systématiquement de leurs tâches de contrôle normales à l'égard du groupe Van der Valk, celui-ci n'aurait pas été condamné cette année par la Cour d'appel de La Haye à payer 136 millions d'arriérés d'impôt. Le groupe a omis de faire un certain nombre de choses, mais cela ne constitue pas encore de la criminalité organisée. Si l'on postule que l'entreprise Van der Valk fait de la criminalité organisée, alors il y aurait aux Pays-Bas une criminalité organisée gigantesque. Il y a en effet de nombreuses entreprises qui, sous la forme de criminalité d'organisation de corporate crime , comme disent les Américains , transgressent toutes les législations possibles, depuis la législation sur l'environnement jusqu'à la législation du travail. Si l'on qualifie cela de criminalité organisée, alors nos pays sont vraiment confrontés à des problèmes gigantesques. Cela devrait conduire à une mobilisation sans précédent des pouvoirs publics. »
« Or, c'est précisément l'utilisation de stratégies offensives, de la contre-information, de la corruption, de l'intimidation et de la manipulation des médias qui permet de faire la différence. Nous n'entendons pas pour autant dédouaner ces entreprises ni prétendre que ce qu'elles font n'est pas grave. »
« Un autre exemple néerlandais est celui de TCR, une grande firme de nettoyage dans le port de Rotterdam et qui pourtant subventionnée par les pouvoirs publics, pour ainsi dire contaminé tout le port de Rotterdam pendant des années. La firme était chargée du traitement de tous les déchets en provenance des navires, mais elle les mélangeait et les déversait illégalement dans le port de Rotterdam. Ce fut un véritable scandale, un problème écologique de premier ordre. Je ne disais cependant absolument pas que c'était un problème de criminalité organisée. En effet, pour TCR aussi, si les autorités néerlandaises avaient exercé en temps voulu leurs pouvoirs de contrôle pour maintenir TCR dans le droit chemin, le problème ne se serait jamais présenté. »
« Ce genre de pratiques a posé de très sérieux problèmes, avec des conséquences financières énormes et des séquelles écologiques considérables, mais d'après moi, tout comme d'après la commission Van Traa, on ne peut pas parler ici de criminalité organisé. On n'a, par exemple, pas infiltré l'entreprise pour découvrir l'illégalité où se trouvait le groupe Van der Valk, ni pour contrôler TCR Il n'est pas nécessaire de recruter des informateurs pour faire les découvertes. Il suffit que les pouvoirs publics utilisent les compétences qui sont les leurs. Ils peuvent d'ailleurs redresser très facilement cette illégalité. Cela ne requiert pas de recourir à des méthodes d'investigations particulières susceptibles de mettre les pouvoirs publics eux-mêmes en difficultés. Ces techniques ne doivent être utilisées que de façon limitée et sélective, et uniquement dans des circonstances appropriées. »
22. Le point de vue du professeur Fijnaut ne fait toutefois pas l'unanimité aux Pays-Bas. C'est ainsi que P.C. van Duyne s'est montré très critique à l'égard de la définition utilisée par la commission van Traa. « La définition du BKA », écrit-il, « présente deux caractéristiques forts importantes. Premièrement, elle se fonde non pas sur la notion de groupement, mais sur celle de l'accomplissement systématique de faits axés sur le gain (ou le pouvoir) et qui sont commis naturellement par plus de deux personnes. L'on met ainsi davantage l'accent sur l'acte criminel et la collaboration qu'il nécessite que sur le groupement criminel (existant). Deuxièmement, cette définition n'exclut pas les faits qui permettent d'engranger systématiquement un profit. Cela implique formellement que nous ne restons pas confinés dans l'économie parallèle traditionnelle et que le crime au niveau de l'entreprise est pris en considération. Cela signifie, par exemple, que l'on ne fait pas de distinction entre la fraude organisée aux placements ou aux devises qui aurait été commise par trois messieurs bien « comme il faut » qui utilisent des techniques complexes en matière de sociétés et une bande de « petits malfrats » au casier judiciaire surchargé qui tentent de masquer leurs trafics criminels par la violence » (84).
P.C. van Duyne ajoute en ce qui concerne les contre-stratégies, qu'« une lecture littérale de la définition de la commission van Traa excluerait les organisations coupables de fraude, ce qui nous confine à nouveau à l'économie parallèle classique. Nous avons affaire alors à un important effet d'orientation politique. Nous avons vu que la définition du BKA ne connaît pas cette restriction. Ce qui frappe, c'est précisément que la criminalité frauduleuse est plus forte que la doctrine de Fijnaut : la plupart des affaires frauduleuses décrites (...) correspondent à la définition du BKA mais pas à celle de Fijnaut et consorts, surtout pas si l'on prend en considération leur commentaire. La raison en est qu'on place précisément au centre de cet élément la capacité et la volonté de se défendre efficacement contre les autorités, en d'autres termes, la lutte contre cette autorité » (85).
Tout comme le professeur Fijnaut cite la fraude commise par le groupe Van der Valk à l'appui de sa thèse selon laquelle cela échappe au champ d'application de la criminalité organisée, P.C. van Duyne cite le même groupe pour étayer son affirmation que la commission van Traa s'est laissée guider, pour définir la criminalité organisée, par un indicateur unilatéral tourné vers l'économie parallèle classique des groupes criminels (86). La critique de P.C. van Duyne porte sur le fait que le professeur Fijnaut laisse l'économie normale à l'écart partant d'une sorte de sentiment d'appartenance.
23. Lors de son audition, le professeur Fijnaut a fait une distinction entre « criminalité organisée » et « criminalité d'organisation », cette dernière notion visant la perpétration d'infractions par des membres d'une organisation légale (entreprise, a.s.b.l., ou autre), qui se servent des structures de cette organisation, mais sans que celle-ci ne se mette à fonctionner elle-même comme une organisation criminelle.
La définition de la criminalité organisée utilisée en Belgique est donc, à l'instar de la définition allemande, également applicable à la « criminalité d'organisation ».
Une autre différence importante entre la définition applicable aux Pays-Bas et la définition belge réside dans le fait qu'il est question, dans cette dernière, de « recherche de gains et de pouvoir », tandis que la première est plus restrictive, en ce sens que, selon elle, un groupe ne peut se livrer à de la criminalité organisée que si son but primaire est de réaliser des gains illégaux. Dès lors, le terrorisme ne tombe pas nécessairement sous la définition applicable aux Pays-Bas, mais bien sous la définition belge (87).
24. La commission estime que la définition criminologique ne peut de toute manière pas être utilisée pour l'incrimination. Le problème de la nécessité d'une définition pénale et de son libellé est examiné ci-dessous.
3. La définition pénale :
organisation criminelle
25. Lors de la discussion de la proposition tendant à créer la commission d'enquête, on est parti de l'idée qu'elle ne se substituerait pas à la commission de la Justice en ce qui concerne l'examen des projets de loi qui l'intéressent :
« Le gouvernement peut donc prendre toutes les initiatives législatives qu'il souhaite en vue de mettre en oeuvre son plan d'action et le faire en suivant la procédure parlementaire habituelle. » On y ajoute cependant immédiatement que « cela ne doit toutefois pas empêcher la commission d'enquête d'examiner les points que le gouvernement aurait mis à l'ordre du jour des activités parlementaires. Il n'y pas d'exclusive en ce domaine (88). »
Après avoir tenté de dresser, à l'intention de l'opinion publique, un tableau de la criminalité organisée, pour éviter que « la discussion relative à cette problématique ne verse dans la phraséologie » (89), la commission d'enquête a, en effet, décidé, « en partant de la constatation que les méthodes classiques de recherche et de poursuite ne suffisent plus à enrayer ce phénomène criminel, de déterminer comment il est possible de lutter contre les organisations criminelles de manière efficace et légale ».
Il a également été souligné qu'« (...) il importe d'élaborer un cadre juridique permettant de déployer une politique adaptée de recherche et de poursuite contre la criminalité organisée » (90).
26. Le ministre de la Justice a approuvé la création de la commission d'enquête et a attiré l'attention, à l'époque, sur l'existence du plan d'action contre la criminalité organisée. Le gouvernement énumère les champs d'action dans lesquels on pourra engager la lutte contre la criminalité organisée. Le ministre a ensuite cité, comme premier champ d'action, le droit pénal matériel avec, « entre autres, la définition de la criminalité organisée, le problème des actes préparatoires, la responsabilité pénale des personnes morales, ... » (91).
Au cours du débat consacré à la création de la commission d'enquête, on a constaté que :
« Le plan d'action définit la notion de criminalité organisée de deux manières, en fonction de l'approche de travail.
D'une part, il y a la définition opérationnelle, qui doit être utilisée pour l'enquête et l'analyse. L'accent est mis ici sur les aspects sociaux, sociologiques et politiques.
D'autre part, il y a la définition pénale, qui permettra d'engager des poursuites. À cet égard, la question est de savoir si les qualifications actuelles sont appropriées ou non. Dans la négative, il faudra en élaborer de nouvelles.
La commission devra se prononcer sur ces hypothèses de travail » (92).
B. Le contexte de la discussion
27. Le projet de loi sur les organisations criminelles a permis de donner un contenu concret à cette discussion. Le gouvernement et la Chambre des représentants ont fait une série de choix. Mais on ne saurait perdre de vue qu'elle a également compté sur l'apport du Sénat, qui avait déjà manifesté un intérêt spécifique pour la matière.
28. À cet égard, le gouvernement est parti du principe que les qualifications qui figurent dans la législation belge actuelle sont insuffisantes, mais il a omis de dire quelles sont exactement les dispositions pénales en question ni en quoi elles laissent à désirer (93).
Pour combler les lacunes qu'il a relevées, le gouvernement a d'abord et surtout proposé d'insérer dans le Code pénal un article définissant l'organisation criminelle. Dans les articles suivants, il énumère une série de comportements qui sont liés à l'existence de l'organisation criminelle ainsi définie et prévoit de lourdes peines pour ceux qui se laisseraient aller à ceux-ci. L'existence d'une organisation criminelle ainsi définie est donc un des éléments constitutifs que le ministère public doit prouver lorsqu'il reproche à des individus d'avoir eu un comportement délictueux.
29. On trouvera ci-après le texte de l'article 2 du projet de loi tel qu'il a été adopté par la Chambre des représentants, le 5 juin 1997 (94), et évoqué par le Sénat, le 10 juin 1997 (95).
« Art. 2
« Le chapitre V, titre VI, IIe livre, du Code pénal est remplacé par les dispositions suivantes :
« Chapitre V. Des organisations criminelles
Art. 342. Toute organisation composée de plus de deux personnes en vue de commettre de façon concertée et structurée des crimes ou délits punissables d'un emprisonnement de trois ans ou d'une peine plus grave pour obtenir illicitement des avantages patrimoniaux ou détourner le fonctionnement d'autorités publiques ou d'entreprises publiques ou privées et en utilisant l'intimidation, la menace, la violence, les armes, des manoeuvres frauduleuses ou la corruption ou en recourant à des structures commerciales ou autres pour dissimuler ou faciliter la réalisation d'infractions constitue un crime ou un délit par le seul fait de l'organisation.
Art. 343. § 1er . Toute personne qui fait partie de l'organisation criminelle visée à l'article 342 est punie d'un emprisonnement de deux à cinq ans et d'une amende de cent à cinq mille francs ou d'une de ces peines seulement, même si elle n'a pas l'intention de commettre une infraction dans le cadre de cette organisation ni de s'y associer d'une des manières prévues par les articles 66 et suivants.
§ 2. Toute personne qui participe à la préparation ou à la réalisation de toute activité licite de cette organisation criminelle, alors qu'elle sait ou doit savoir que sa participation contribue aux objectifs de celle-ci, tels qu'ils sont prévus à l'article 342, est punie d'un emprisonnement d'un à trois ans et d'une amende de cent à cinq mille francs ou d'une de ces peines seulement.
Art. 344. Toute personne qui participe à toute prise de décision dans le cadre des activités de l'organisation criminelle, en ayant connaissance du caractère criminel de cette organisation, est punie de la réclusion de cinq à dix ans et d'une amende de cinq cents à cent mille francs ou d'une de ces peines seulement.
Art. 345. Toute personne dirigeante de l'organisation criminelle est punie de la réclusion de dix à quinze ans et d'une amende de mille à deux cent mille francs ou d'une de ces peines seulement. »
30. Parmi les éléments présentant un intérêt pour la problématique envisagée, les législations suivantes peuvent être mises en évidence.
31. Dans divers forums internationaux, on suggère que les législateurs nationaux instituent une incrimination spécifique aux organisations criminelles.
C'est ainsi qu'un groupe de hauts fonctionnaires de l'Union européenne (le High Level Group ) a mis sur pied un plan d'action qui recommande de rendre punissable dans tout État membre la participation à une organisation criminelle, quel que soit le lieu, au sein de l'Union européenne, où l'organisation peut être localisée ou exerce ses activités. Il est suggéré de définir une organisation criminelle dans le même sens que ce qui est prévu à l'article 3, paragraphe 4 de la Convention du 27 septembre 1996 relative à l'extradition entre les États membres de l'Union européenne (96). Cet article est libellé comme suit :
« Donne lieu à extradition, aux termes de l'article 2, § 1er , le comportement de toute personne qui contribue à la perpétration, par un groupe de personnes agissant dans un but commun, d'une ou de plusieurs infractions relevant d'activités de terrorisme au sens des articles 1er et 2 de la Convention européenne pour la répression du terrorisme, du trafic de stupéfiants et d'autres formes de criminalité organisée ou d'autres actes de violence dirigés contre la vie, l'intégrité corporelle ou la liberté d'une personne, ou créant un danger collectif pour des personnes, punies d'une peine privative de liberté ou d'une mesure de sûreté privative de liberté d'un maximum d'au moins douze mois, même lorsque cette personne ne participe pas à l'exécution proprement dite de l'infraction ou des infractions en cause.
Sa contribution doit avoir été intentionnelle et commise en ayant connaissance soit du but et de l'activité criminelle générale du groupe, soit de l'intention du groupe de commettre l'infraction ou les infractions en cause (97). »
32. Introduit par une loi du 13 septembre 1982, l'article 416bis du Code pénal prévoit :
« Tous ceux qui font partie d'une association de type mafieux (associazione di tipo mafioso ), composée de trois personnes ou plus, sont passibles d'une peine de trois à six ans de réclusion.
Tous ceux qui encouragent, dirigent ou organisent l'association sont passibles, à ce titre uniquement, d'une peine de quatre à neuf ans de réclusion.
L'association est de type mafieux si, dans le but de commettre des infractions pénales, ses membres utilisent l'intimidation ou la loi du silence (omerta) et la soumission, pour obtenir la gestion ou le contrôle, directement ou indirectement, d'activités économiques, de concessions, d'autorisations, d'adjudications et de services publics ou pour réaliser, pour leur propre compte ou pour celui de tiers, des profits ou des avantages injustifiés ».
Cet article constitue en fait une variante aggravée de l'« association de malfaiteurs » instituée par l'article 416 du Code pénal italien.
L'association de type mafieux a été définie par référence à la mafia sicilienne traditionnelle mais, formulée en termes généraux, elle peut s'appliquer à n'importe quel groupe criminel agissant de manière similaire à celle de la mafia.
Quelles sont les caractéristiques de l'association de type mafieux ?
Selon la loi italienne, il importe que le groupe criminel agisse selon des méthodes mafieuses, à savoir :
l'usage d'un pouvoir d'intimidation créée par l'association;
la soumission obtenue par la crainte du groupe;
l'application de la loi du silence.
Pour démontrer l'existence de l'association mafieuse, il semble qu'on se contente de la preuve que le groupe a abusé de la crainte qu'il inspire, sans pour cela qu'on doive fournir la preuve de cas concrets de violence ou de menaces.
La législation italienne présente, à travers sa définition large, un intérêt indéniable pour les autres pays qui connaissent l'existence d'autres formes de mafia (98).
33. L'article 140 du Code pénal néerlandais dispose :
(Traduction.)
« 1. Quiconque fait partie d'une organisation ayant pour but de commettre des délits est passible d'un emprisonnement de cinq ans au plus ou d'une amende de la quatrième catégorie.
2. Quiconque participe à la poursuite des activités d'une personne morale qui a été interdite par une décision judiciaire irrévocable et dissoute pour cette raison, est passible d'un emprisonnement d'un an au plus ou d'une amende de la troisième catégorie.
3. À l'égard des fondateurs ou des administrateurs les peines d'emprisonnement peuvent être majorées d'un tiers et une amende de la catégorie immédiatement supérieure peut être imposée (99). »
34. L'article 132-71 du nouveau Code pénal français définit la notion de bande organisée :
« constitue une bande organisée au sens de la loi tout groupement formé ou toute entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'une ou de plusieurs infractions ».
L'article 450-1 est relatif à la participation à une association de malfaiteurs et dispose que :
« constitue une association de malfaiteurs tout groupement formé ou entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'un ou plusieurs crimes ou d'un ou plusieurs délits punis de dix ans d'emprisonnement. La participation à une association de malfaiteurs est punie de dix ans d'emprisonnement et de 1 000 000 de francs d'amende ».
Le lecteur est frappé par la coïncidence de ces deux définitions. Le concept de « bande organisée » devient, donc, la circonstance aggravante de l'infraction que l'association de malfaiteurs avait en vue de commettre. Cependant, cette circonstance aggravante doit s'analyser comme la prise en compte, après la commission de l'infraction, de l'existence d'une association.
On peut s'étonner de la diversité des expressions utilisées par le législateur français en vue de sanctionner le crime organisé : bande organisée, association de malfaiteurs, groupe de combat, l'entreprise, trafic, concertation.
À travers cette variété de concepts, il s'agit d'exprimer que le crime organisé est une notion générique vers laquelle peuvent converger de nombreuses incriminations et qu'il ne peut être une infraction en soi mais plutôt une réalité à laquelle sont associées de nombreuses qualifications pénales (100).
5. Espagne (101)
35. Le délit de base d'« organisation criminelle » vise, en Espagne, « des organisations qui ont pour but de commettre un délit, ou de le promouvoir ». Il existe, en outre, une forme plus grave d'« organisation criminelle », à savoir l'organisation terroriste, l'élément distinctif étant l'usage de la force comme instrument nécessaire et essentiel ayant une incidence sur la vie de la population. Ces deux infractions ont comme éléments constitutifs :
l'implication de plus d'une personne;
une structure stable;
des objectifs déterminés.
Le seul fait d'être membre actif de l'organisation est punissable. Les peines varient en fonction de la position et du rôle des personnes au sein de l'organisation. Dans le cas spécifique du terrorisme, le fait d'être membre est punissable, sans qu'une participation active soit nécessaire. Par « membre actif », l'on entend toute personne qui exerce une activité au sein de l'organisation. Il n'y a ici aucune limitation en ce qui concerne le nombre ou la forme des délits. L'organisation est aussi punissable si elle est l'instigatrice d'un délit qui sera finalement commis par un tiers non membre de l'organisation.
La jurisprudence espagnole précise qu'il s'agit de « structures dont les intentions vont au-delà de l'exécution d'un certain nombre d'actes criminels spécifiques ». Pour juger si une telle organisation existe ou non, le juge peut par conséquent tenir compte de facteurs tels que le nombre de membres, la structure organisationnelle, la nature des objectifs, la permanence et la stabilité de ces objectifs convenus. Le facteur organisationnel est le critère principal pour distinguer ce délit de la conjuration (102).
6. Allemagne (103)
36. L'article 129 du Code pénal allemand prévoit le délit spécifique de participation à une organisation criminelle. Quiconque participe, en tant que membre, à une organisation dont les objectifs sont de commettre des délits, est punissable. L'organisation doit avoir été créée pour une période déterminée et doit avoir une structure minimum. La seule existence de l'organisation est suffisante; il n'est pas nécessaire que des délits aient déjà été commis. Sont punissables :
les fondateurs;
les membres actifs;
ceux qui recrutent d'autres membres;
ceux qui soutiennent l'organisation ou font de la propagande pour celle-ci.
L'on entend par « appartenance active » l'intégration, la subordination et l'exécution d'activités permettant la poursuite des activités criminelles de l'organisation. L'appartenance purement passive n'est donc pas suffisante, mais il n'est pas nécessaire qu'un membre actif participe effectivement à des délits.
Par ailleurs, des personnes qui ne sont pas passibles de poursuites du chef de participation à une organisation criminelle, pourront probablement l'être du chef de participation à des délits commis par des organisations criminelles.
7. Grèce (104)
37. L'article 187 du Code pénal grec concerne « l'organisation criminelle et la conjuration ». Il contient une disposition très générale selon laquelle « quiconque s'arrange avec une autre personne ou s'unit à cette autre personne en vue de commettre un ou plus d'un délit non précisé est puni ... ». Il n'est pas nécessaire que l'organisation ait une structure hiérarchisée ou qu'elle existe depuis un certain temps.
À part cette disposition générale, la loi punit aussi expressément la participation à une organisation terroriste, mais la simple appartenance à l'organisation n'est pas non plus suffisante dans ce cas-ci et il faut que la réalisation de certains actes matériels soit prouvée.
8. Autriche (104)
38. Le Code pénal autrichien (Strafgesetzbuch StGB), rend punissables à la fois « l'association de malfaiteurs » et « l'appartenance à une organisation criminelle ».
L'article 278 StGB rend l'association de malfaiteurs punissables sous la qualification de « Bandenbildung » : la personne qui s'associe avec deux ou plusieurs autres personnes pour commettre, a plusieurs reprises, des délits graves, est passible d'une peine pouvant aller jusqu'à trois ans de prison. On entend par délit grave un des délits énumérés dans une liste limitative, dans laquelle figurent principalement : le meurtre, les autres délits graves attentant à la vie, l'enlèvement avec extorsion, le trafic d'esclaves, le brigandage avec circonstances aggravantes, la corruption, le blanchiment d'argent, les faits constitutifs d'infraction qui portent atteinte à l'ordre public, la traite des êtres humains, les faits constitutifs d'infraction qui compromettent des transactions d'argent, le vol et la fraude.
Les peines vont jusqu'à cinq ans de prison dans le cas d'une bande créée en vue du trafic de la drogue.
Le caractère punissable de l'association de malfaiteurs ne dépend pas de la hiérarchie adoptée ou du caractère permanent ou non de la bande.
En 1993, le législateur autrichien a introduit, à l'article 278a StGB, la notion d'« organisation criminelle ». La création d'une organisation criminelle ou la simple participation à celle-ci ainsi que les opérations de blanchiment d'argent pour le compte d'une telle organisation sont passibles d'une peine de prison de six mois à cinq ans. L'organisation en question doit avoir pour but de commettre régulièrement les délits susvisés, mais cette précision n'a pas de caractère limitatif. Il s'agit par exemple aussi de la fraude de véhicules, de matériel nucléaire et radioactif, de déchets dangereux et de fausse monnaie. De plus, l'organisation doit avoir pour but la réalisation de bénéfices importants ou une grande influence sur le monde politique ou l'économie. Il faut aussi qu'elle pratique la corruption ou l'intimidation de tiers ou se protège elle-même contre des poursuites. L'utilisation de contre-stratégies est donc une des conditions pour pouvoir conclure à l'existence d'une organisation criminelle. La simple appartenance à l'organisation suffit pour que l'intéressé soit passible d'une peine. Il ne doit pas nécessairement avoir participé à des délits. On entend par appartenance le fait d'être membre de l'organisation et de déployer des activités au service de celle-ci.
L'intention du législateur était d'introduire un concept plus large que celui de « Bandenbildung ». L'organisation visée doit compter au moins dix personnes, elle doit être, soit permanente, soit avoir été créée pour un long terme, elle doit répartir le travail en son sein, être hiérarchisée et disposer d'une certaine infrastructure. Cela n'est pas précisé explicitement dans la loi et il n'y a pas encore de jurisprudence en la matière.
Pour ce qui est de ces deux incriminations, les personnes qui interviennent au stade préparatoire sont également passibles d'une peine. L'on entend par « stade préparatoire » la création des conditions nécessaires pour que le délit soit possible.
9. Irlande (105)
39. Le droit irlandais autorise le gouvernement à lancer un « suppression order » à l'encontre des organisations dont l'objectif est criminel.
L'organisation ayant un objectif criminel est définie de la manière suivante :
« an organisation which engages in, promotes, encourages, or advocates the commission of any criminal offence or the obstruction of or interference with the administration of justice or the enforcement of the law, or
an organisation which engages in, promotes, encourages or advocates the attainment of any particular object, lawful or unlawful, by violent, criminal, or other unlawful means. »
Lorsqu'un « suppression order » est lancé, l'organisation en question devient une organisation illégale et le fait d'en être membre devient punissable. En l'occurrence, il suffit de prouver l'appartenance à l'organisation pour que la personne en question soit passible d'une peine.
40. Comme on a choisi, dans le projet belge, d'inscrire la définition de la notion d'organisation criminelle dans un article séparé, cette définition pourra servir de référence juridique de cette notion en droit belge. En d'autres termes, on crée ainsi un point de repère auquel pourront faire référence d'autres législations comme celle sur la spécialisation au sein de l'appareil de recherche, l'application de la détention préventive, le blanchiment d'argent, la compétence des magistrats nationaux, etc. (106).
Cependant, la plupart des commissaires se sont aussi intéressés à ce que l'on appelle la recherche proactive et à l'utilisation de ce que l'on appelle les « techniques spéciales d'enquête ».
D'ailleurs, dans son exposé des motifs, le ministre avait clairement évoqué cette question. À un certain moment, il a même affirmé que pour l'élaboration d'un cadre légal en la matière, la définition préalable de l'organisation criminelle « était nécessaire » (107).
En conséquence, la commission a discuté à plusieurs reprises à propos des deux fonctions juridiques que la définition doit contenir : celle d'élément constitutif d'une série de nouveaux délits et celle de critère (notamment) pour la procédure pénale.
41. La Commission de la Justice a demandé à la commission d'enquête de lui communiquer son avis général sur le projet de loi.
Les membres de la commission d'enquête ont consacré une large discussion au projet (juin-juillet et octobre 1997), qui avait soulevé de nombreuses questions, à cause de la portée prétendument grande de son champ d'application et de l'imprécision des limites de l'incrimination (108).
42. La commission d'enquête a procédé, non pas à une analyse textuelle du projet existant mais à une analyse d'ensemble, dans le cadre de son examen :
de la nécessité d'une définition juridique qui lui soit propre,
de la question de savoir quels aspects du phénomène criminologique nécessitent une riposte pénale,
de la nécessité de nouvelles définitions spécifiques des délits,
des lignes de force stratégiques dont cette nouvelle législation doit tenir compte, y compris les principes juridiques pouvant être mis en péril.
1. Distinction entre la définition pénale et la définition criminologique
43. On a déjà évoqué, ci-avant, la distinction existant entre la définition pénale et la définition criminologique. La commission d'enquête a abordé ce problème au cours de plusieurs réunions où le projet de loi adopté par la Chambre a été examiné de manière approfondie, notamment en présence de représentants du ministre. Le ministre avait annoncé que l'on ferait une nette distinction entre les définitions pénale et criminologique (109). Il est pourtant ressorti de la discussion que la définition criminologique a fortement influencé la formulation du projet de loi. Il s'en est suivi une grande confusion et la question s'est constamment à nouveau posée de savoir quelle serait la définition des régimes d'exception dans la procédure pénale (110).
44. Plusieurs sénateurs demandent clairement que l'on fasse la distinction entre la définition pénale et la définition criminologique.
Un membre a ainsi déclaré que « la distinction entre la notion criminologique de criminalité organisée et la définition pénale d'une organisation criminelle est essentielle. Si l'on introduit la notion criminologique dans le droit pénal, on aura une incrimination trop large et on fournira aux services de police un prétexte pour utiliser des techniques spéciales de recherche pour des délits qui ne menacent pas en soi la société » (111).
Un autre membre a fait observer qu'« un point très important concerne le choix entre la définition criminologique et pénale. Ne faut-il pas donner une double définition (112) ? »
Le préopinant a déclaré que « l'importance de la distinction entre la conception criminologique et la conception pénale réside dans le fait que la première demande davantage que la seconde (cf. la loi néerlandaise sur l'intégrité administrative : approche de la corruption en droit administratif) » (113).
« Il faut donc veiller à ce que les juges répressifs n'appliquent pas la définition criminologique au pénal. »
Un autre sénateur doute quant à lui très fort de l'opportunité de faire cette distinction :
« Nous sommes en présence d'un phénomène de société que nous tentons d'introduire dans la sphère pénale parce que l'on a prétendu jusqu'à ce jour que l'on ne pouvait pas combattre la criminalité organisée avec les moyens classiques. Ces moyens devraient pourtant suffire à condition de les développer et de les appliquer tout en respectant les principes fondamentaux de notre droit pénal. Il conviendrait de creuser ce problème. »
« Une définition uniforme devrait également conduire à une uniformité des concepts. L'élément qualificatif pénal doit en outre servir de base à la procédure criminelle. Nous devons par conséquent veiller à l'uniformité des structures. La police italienne utilise en effet d'autres méthodes que les polices française ou belge (114). »
« Que faites-vous de la définition criminologique ? Va-t-on d'abord effrayer tout le monde pour ne poursuivre finalement que dans quelques cas ? Nous devons éviter que tout le monde ne soupçonne tout le monde. Ne faudrait-il pas se distancier de l'approche criminologique pour se limiter à une norme pénale stricte ? Le projet du gouvernement élude le problème. Après avoir lu le projet, certains syndicats craignent d'être considérés comme des organisations criminelles (115). »
La commission estime, à l'unanimité, que la définition criminologique du phénomène social ne peut pas faire office de définition pénale.
La nécessité de pareille définition est analysée ci-après.
2. Une définition procédurale distincte ?
45. Au cours de la discussion, il est apparu de plus en plus qu'il faudrait peut-être trois définitions, sous-tendues chacune par une finalité propre. Entre la définition criminologique (pour la représentation sociale et la politique générale) et la définition pénale (qui interdit certains comportements sous peine de lourdes sanctions), il faudrait encore une troisième définition, à savoir une définition de procédure pénale.
La commission d'enquête a donc examiné la question de savoir si dans son projet de loi, le ministre fait suffisamment la distinction entre la criminalité organisée en tant que phénomène criminologique, par rapport auquel une certaine flexibilité des notions est acceptable et qui pourrait inclure également des comportements légaux, et l'implication dans des organisations criminelles en tant que comportement constitutif d'infraction, dont la délimitation doit être plus rigoureuse. Ne faudrait-il pas prévoir à mi-chemin entre les deux premières, une troisième définition axée, quant à elle, sur la recherche (droit policier/instruction criminelle) (116) ?
Un membre fait remarquer qu'une approche scientifique requiert une définition criminologique. On pourra alors utiliser cette définition de manière opérationnelle pour faire l'inventaire des phénomènes répondant aux éléments de la définition. Selon ce membre, c'est précisément pour pouvoir étudier en profondeur l'ampleur et la nature de la criminalité organisée en Belgique que l'on propose une définition criminologique.
Par contre, la définition pénale n'a d'autre but que de réprimer le phénomène. La question est de savoir s'il ne doit pas y avoir une définition intermédiaire. L'enquête vise à mettre en lumière des faits constitutifs d'infractions. Le caractère punissable ou non d'un fait dépendra de la définition que la loi donnera du délit de « criminalité organisée ». La définition pénale détermine donc dans un certain sens les infractions qu'il faudra rechercher ou non. Or, le problème de la criminalité organisée s'avère tellement complexe que l'on risque que la définition pénale ne permette d'aborder qu'insuffisamment le problème sur le plan pratique, par exemple parce que la définition pénale prévoirait des limites trop strictes, eu égard au principe de légalité.
Une définition axée sur la recherche permettrait de résoudre un problème particulier. Elle permettrait d'aborder le phénomène de la « criminalité organisée » avec suffisamment de réalisme et de flexibilité, en tenant compte toutefois de ce que l'on peut ou doit incriminer comme relevant de la « criminalité organisée ». À cet égard se pose la question de savoir où l'on place les limites du recours aux techniques spéciales d'enquête (117).
46. Il est évident que les diverses définitions s'influencent. Si l'on choisit une définition large dans un domaine (par exemple, sur le plan pénal), on peut préconiser une définition plus stricte dans un autre (recherches/ou domaine criminologique) (118). Ainsi les Pays-Bas ont-ils une définition très large des organisations criminelles (article 140 du Code pénal) (119), permettant d'englober de nombreuses formes de criminalité de groupe qui ne doivent pas nécessairement être qualifiées de « criminalité organisée » (120). Pour l'étude criminologique de la question de savoir quelle criminalité organisée menace l'intégrité de l'État de droit et, par conséquent, la démocratie, les chercheurs du Parlement néerlandais ont utilisé une définition plus stricte (voir plus haut). Maintenant que l'on a inclus aussi dans la loi sur les registres de police et dans le Code d'instruction criminelle un cadre concernant les témoignages anonymes (121) et certaines techniques de recherche particulièrement radicales (122), ces éléments ne sont pas rattachés au délit de l'article 140 du Code pénal néerlandais. Le législateur belge a fait un choix stratégique comparable lorsqu'il a rattaché un délit de blanchiment (article 505 du Code pénal), conçu de manière large (123), à une obligation de dénoncer plus limitée (124) pour les institutions financières (125).
Un membre estime important pour la répression de disposer, à côté de ce qui existe dans le droit pénal, d'une définition spécifique de l'organisation criminelle (126).
Un autre membre déclare être partisan d'une définition axée sur la recherche, pour autant qu'on la conçoive de la manière suivante : si les circonstances correspondent à celles décrites dans la définition, on pourra, par exemple, appliquer certaines techniques spéciales de police (127).
47. Le représentant du ministre a estimé qu'une troisième définition n'était pas nécessaire. « Il me paraît exclu de rattacher les techniques spéciales de police à la définition criminologique. Le rattachement doit se faire à la définition qui sera introduite dans le Code pénal (128). »
Le projet de loi choisit donc de faire de l'organisation criminelle un élément constitutif de l'incrimination et le critère décisif justifiant de recourir à des mesures spéciales pour combattre la criminalité organisée.
Plusieurs membres voyaient également des objections à l'introduction d'une définition procédurale séparée. À ce sujet, ils rappellent l'adage de Javolenus : « Omnis definitio in iure (civile) periculosa est; rarum enim est ut non subversi potest. » Si l'on introduisait trois définitions ayant des effets juridiques différents, on donnerait non seulement l'impression d'une démarche casuistique, mais on créerait également la confusion. C'est pourquoi, quand on établit une définition pénale, on doit respecter les principes de l'État de droit et, en particulier, le principe de la lex certa .
La commission d'enquête préfère une définition stricte du comportement constitutif d'infraction avec, par ailleurs, une autre définition pour ce qui est de l'approche du phénomène par les autorités. Une définition procédurale n'est donc pas en soi nécessaire.
La commission d'enquête adoptera un point de vue définitif en la matière après avoir examiné la question de la recherche proactive et des techniques spéciales d'enquête (129).
Dès à présent, la commission estime que l'on peut utiliser les techniques spéciales d'enquête pour rechercher non seulement les organisations criminelles mais aussi d'autres délits qui seront déterminées par la loi à cet effet. Il faudra en tout cas, dans l'application des techniques spéciales d'enquêtes, respecter les principes de légalité, de subsidiarité, de proportionnalité et de légitimité.
3. Le caractère exceptionnel de la criminalité organisée
48. La commission d'enquête s'est demandé pourquoi la criminalité organisée, en tant que phénomène, est à ce point différente que les procédures pénales « ordinaires » ne suffisent plus.
Elle estime que les causes en sont surtout :
a) Le caractère d'entreprise :
Cette notion couvre à la fois la continuité de l'ensemble malgré le mouvement des individus et la répartitions des tâches (130), qui font que seuls les exécutants (faciles à remplacer) font les sales besognes, celles qui comportent le plus grand risque de se faire prendre et auxquelles on peut appliquer sans trop de problèmes (de preuve) les définitions actuelles données du délit.
b) La capacité de paralyser, de neutraliser, au moyen de contre-stratégies, les actions normales entreprises par les autorités contre le groupe ou ses intérêts :
par des moyens légaux : techniques juridiques et financières spéciales (qui ne sont pas punissables);
par des moyens illicites (violence, intimidation ou corruption). La plupart de ceux-ci sont déjà punissables, mais suscitent souvent des problèmes d'imputation et de preuves.
49. La commission d'enquête s'est penchée, partant de sa propre conception, sur la question de savoir s'il y a lieu de réformer la loi pénale belge et, dans l'affirmative, comment il convient de le faire pour qu'elle devienne un outil efficace de lutte contre la criminalité organisée. La commission est convaincue qu'une approche purement pénale ne sera pas suffisante.
À cet égard, la commission part du principe qu'une définition pénale ne saurait en aucun cas être une définition large. Il semble pourtant que ce soit bel et bien le cas dans le projet. La commission constate que le projet incrimine même davantage de faits que ceux qui, sur la base de la définition criminologique, font partie de l'image que l'on se fait de la criminalité organisée (131). Comme on l'a déjà affirmé plus haut (cf . nº 19), on s'est basé, dans le rapport annuel sur la criminalité organisée, sur une définition rendue opérationnelle de la criminalité organisée, ce qui signifie que l'on a limité de facto , par une série d'indicateurs, la portée de la définition criminologique (voir par exemple la condition relative à l'existence d'actifs illégaux atteignant au mois dix millions de francs sur base annuelle). Cette limitation ne figure pas dans la définition donnée par le projet de loi.
Nombre de comportements qui relèvent de la criminalité organisée et qui sont incriminés par le projet de loi le sont déjà dans la législation actuelle. Le nouveau projet n'apporte aucune modification à toutes les incriminations existantes spécifiquement axées sur la criminalité de groupe.
On approfondira ci-après la question de l'objet des incriminations proposées, la différence avec l'association de malfaiteurs et la question de savoir si des groupes cherchant à exercer une influence politique par des moyens illégaux pourraient être traités à ce titre comme des organisations criminelles. En d'autres termes, on examinera la valeur ajoutée de la nouvelle incrimination.
4. L'objectif des nouvelles incriminations
50. Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de se demander si, dans son état actuel, le droit pénal est ou non suffisant pour combattre la criminalité organisée.
D'aucuns, parmi lesquels le gouvernement par son projet de loi relatif aux organisations criminelles qui a entre-temps été adopté par la Chambre des représentants, répondent à cette question par la négative et avancent les deux arguments ci-après pour justifier la nécessité de disposer d'une incrimination nouvelle des organisations criminelles dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée.
Le but de cette définition est tout d'abord :
« de rendre punissables les personnes qui appartiennent à une organisation criminelle, ou qui participent à la préparation ou à la réalisation d'une activité licite. L'objectif du projet est en particulier de rendre en fait punissables, en vertu de l'article 343, § 1er , les personnes qui appartiennent à une organisation criminelle même si elles n'ont pas l'intention de commettre un délit ou d'y participer dans le cadre de cette organisation, sous l'une des formes visées aux articles 66 et suivants. L'article 343, § 2, proposé, a pour objectif de punir toute personne qui participe à la préparation ou à la réalisation de toute activité licite de cette organisation criminelle alors qu'elle sait ou doit savoir que sa participation contribue aux objectifs de celle-ci (132) ».
En second lieu, une incrimination nouvelle permettrait de punir plus sévèrement des faits qui sont déjà punissables et qui seraient commis dans le cadre d'une organisation criminelle (voir par exemple l'article 496 qui punit l'escroquerie d'une peine maximale de 5 ans; quiconque participe à une prise de décision dans le cadre d'une organisation criminelle visant à mettre sur pied une escroquerie sera punissable d'un emprisonnement de 5 à 10 ans). » (133)
5. Différence avec l'association de malfaiteurs
51. Dans le cadre de la question de savoir si une incrimination nouvelle est ou non nécessaire, la commission a examiné dans quelle mesure le délit d'association de malfaiteurs (article 322 et suivants du Code pénal) offrait des possibilités pour lutter contre la criminalité organisée et sur quel plan se situaient les lacunes éventuelles (134).
À ce sujet, la commission a constaté qu'en dépit de ce qui est indiqué dans l'exposé des motifs du projet et de ce qui a été dit lors de l'examen du projet à la Chambre, à savoir qu'il convient de lutter contre les organisations criminelles d'une manière fondamentalement différente de celle utilisée dans le cadre de l'association de malfaiteurs (135), l'on se réfère malgré tout à plusieurs reprises à la signification de dispositions similaires des articles 322 et suivants du Code pénal (136).
Les dispositions existantes relatives à l'association de malfaiteurs présentent sur quatre points des différences par rapport à ce qui doit figurer dans une définition pénale de la criminalité organisée (137).
52. La première différence résiderait dans le fait que l'article 322 du Code pénal existant vise à punir les attentats contre les personnes et les propriétés, alors que, suivant la définition pénale des organisations criminelles qui est proposée, seraient punissables les délits passibles d'un emprisonnement de 3 ans et plus et ayant pour but de se procurer des avantages patrimoniaux ou de détourner le fonctionnement d'autorités publiques ou d'entreprises publiques et privées.
La commission conçoit que les deux ne se recoupent pas nécessairement. Comme cela pourrait être le cas, on peut se demander sur quels arguments se fonde l'utilisation de deux critères distincts. En tout cas, la situation n'est pas très claire à cet égard, et ce d'autant moins que l'on peut en réalité donner une très large définition au membre de phrase « attentats contre les personnes ou les propriétés » utilisé dans le cadre de l'incrimination d'association de malfaiteurs. M. De Swaef estime par exemple que les associations de faux-monnayeurs tombent sans aucun doute sous le coup de l'article 322 du Code pénal (Bendevorming , p. 6, Comm. Strafrecht ). Ainsi, des fraudes à grande échelle et le blanchiment pourraient-ils être qualifiés par certains d'association de malfaiteurs et donc d'attentat contre les personnes et les propriétés.
53. La deuxième différence entre l'association de malfaiteurs et l'incrimination de l'organisation criminelle résiderait, selon certains, dans l'élément moral de l'infraction, l'article 322 requérant une intention personnelle de réaliser une infraction dans le cadre de l'association, à savoir attenter aux personnes ou aux propriétés. Selon M. De Swaef, l'élément moral du délit consiste en « la volonté, quels qu'en soient les motifs, d'être membre de l'association » (traduction) (Bendevorming , p. 4 in Comm. Strafrecht ). Dans l'hypothèse d'une nouvelle incrimination, il ne faudrait pas avoir l'intention de commettre soi-même des délits dans le cadre de l'organisation ou de participer à ces délits sous l'une des formes visées aux articles 66 et suivants. Serait dès lors punissable le simple fait d'appartenir à l'organisation criminelle ou de participer à la préparation ou à la réalisation d'une activité licite, tout en ayant connaissance du caractère criminel de l'organisation » (138).
Bien que le texte de l'article 322 du Code pénal soit quelque peu ambigu en ce qui concerne l'élément moral (139), la commission d'enquête fait malgré tout remarquer que l'on donne ainsi une interprétation trop stricte à l'article 322 du Code pénal.
Il existe, en effet, des décisions judiciaires qui considèrent qu'une condamnation ne requiert pas « une intention personnelle de commettre un délit au sein de l'association, c'est-à-dire, attenter aux personnes ou aux propriétés ». Par contre, elle requiert, en tant qu'élément moral, que le suspect ait eu « la volonté délibérée » d'être membre de la bande (140), en sachant que celle-ci est formée dans le but d'attenter aux personnes ou aux propriétés (141).
À la lumière de cette jurisprudence, certains estiment dès lors qu'une nouvelle incrimination des organisations criminelles n'apporterait rien de nouveau sur le plan de l'élément moral. D'autres estiment toutefois que cette jurisprudence constitue une interprétation trop audacieuse de l'incrimination existante d'association de malfaiteurs.
54. La troisième différence entre l'association de malfaiteurs et une nouvelle incrimination des organisations criminelles à instaurer réside dans le fait que les éléments constitutifs pourraient être décrits de manière beaucoup plus précise et qu'ils seraient beaucoup plus stricts dans la nouvelle incrimination. L'article 322 contient trois éléments constitutifs, à savoir l'existence d'une association de malfaiteurs, l'organisation de la bande, l'intention d'attenter aux personnes et aux propriétés. Des éléments constitutifs supplémentaires pourraient être prévus dans une nouvelle disposition.
D'après l'exposé des motifs du projet de loi relatif aux organisations criminelles, l'existence d'une organisation criminelle exige donc la réunion des éléments constitutifs suivants :
1º un lien entre plusieurs personnes;
2º une finalité spécifique qui consiste à avoir l'intention de commettre de manière concertée des infractions d'une certaine gravité (passibles d'un emprisonnement de trois ans ou d'une peine plus lourde);
3º poursuivre les objectifs de l'organisation criminelle. Ceux-ci peuvent être de deux ordres :
la réalisation de profits;
la déstabilisation de l'appareil de l'État ou l'exercice d'une influence sur le fonctionnement de l'économie;
4º l'organisation criminelle se caractérise aussi par les moyens utilisés pour atteindre ses objectifs : l'intimidation, la menace, la violence, les armes, les manoeuvres frauduleuses, la corruption, des structures commerciales ou autres, pour dissimuler ou faciliter l'accomplissement de délits (142). Cela impliquerait dès lors qu'il est plus difficile de prouver l'existence de l'organisation criminelle, mais une fois celle-ci démontrée, le projet de loi prévoit davantage de possibilités de poursuivre ceux qui appartiennent à cette organisation ou participent à ses activités » (143).
La commission d'enquête ne nie absolument pas que la définition donnée à l'article 342 soit plus détaillée que celle donnée à l'article 322. Mais cette nouvelle définition suscite également des questions. En effet, on dira que les conditions cumulatives, reprise dans la nouvelle définition, seront vite remplies, car, tant en ce qui concerne le but de l'association de malfaiteurs qu'en ce qui concerne les moyens utilisés, il suffit qu'il y ait un seul élément d'une longue série.
55. En ce qui concerne les moyens que les organisations criminelles mettent en oeuvre pour atteindre leur but, à savoir l'intimidation, la menace, la violence, les armes, les manoeuvres frauduleuses, la corruption ou des structures commerciales ou autres, l'on peut défendre l'idée que plusieurs d'entre eux doivent être utilisés conjointement (144).
Certains sénateurs plaident pour que la disposition mette davantage l'accent sur l'utilisation de ces moyens en tant que contre-stratégie destinée à mettre l'association à l'abri de toute enquête et de toute sanction. D'autres sénateurs ne partageaient pas ce point
de vue, surtout parce qu'ils craignaient que ces stratégies soient difficiles à définir et à prouver en tant qu'élément constitutif d'infraction (145). Le projet de loi ne considère pas les contre-stratégies comme décisives (145).
Selon la commission d'enquête, l'on a le choix, en la matière, entre deux voies.
D'une part, si l'on part du principe que l'introduction des contre-stratégies en tant qu'élément constitutif pourrait susciter des problèmes de définition et de preuve insurmontables, il faut rejeter cette option.
Cependant, elle n'exclut pas que, dans la définition criminologique, l'utilisation de contre-stratégies soit exigée comme un élément constitutif de la criminalité organisée.
D'autre part, l'on peut envisager que les techniques énumérées ou l'une d'entre elles soient utilisées pour protéger l'organisation contre l'action publique, et non uniquement pour commettre des délits qui constituent l'activité de l'organisation.
56. Enfin, la quatrième différence avec l'association de malfaiteurs relèverait de la politique criminelle : alors que l'article 322 viserait certaines infractions, l'article 342 viserait davantage la structure criminelle (146).
À la lumière de ce qui a été exposé ci-dessus, notamment par la jurisprudence de la Cour de cassation, certains membres de la commission estiment que la quatrième différence évoquée n'est pas essentielle. En effet, selon eux, les dispositions légales concernant l'association de malfaiteurs peuvent également concerner une structure particulière (147).
57. La commission d'enquête a conclu qu'aucun des quatre arguments développés à propos de la « différence fondamentale » entre l'association de malfaiteurs et l'organisation criminelle n'était véritablement décisif. Si l'on décide toutefois de créer de nouvelles incriminations, elles seront qualifiées de novatrices parce qu'elles reculeront en effet les limites classiques du droit pénal. Les membres se sont dès lors demandé si le projet ne pousse pas ces limites trop loin et ont rappelé les critiques émises par le Conseil d'État sur le projet. (148).
Les membres constatent que plutôt que de créer des nouveautés fondamentales, il s'agira surtout d'une extension de l'incrimination et d'un alourdissement des peines pour des délits existants.
Les options suivantes restent par conséquent possibles.
Soit l'on croit que les organisations criminelles constituent un type d'association de malfaiteurs particulièrement dangereuses parce qu'elles utilisent des contre-stratégies agressives. Il s'agit de bandes qui se protègent en outre de manière agressive et qui sont donc difficiles à mettre hors d'état de nuire.
Dans ce cas, l'utilisation de contre-stratégies agressives (ou de méthodes spécifiques) par l'organisation constitue une circonstance aggravante pour ses membres.
Soit l'on estime que la confusion quant à la portée précise des infractions prévues aux articles 322 et suivants a eu des répercussions sur la définition des nouvelles infractions. Dans ce cas, il faut que l'on établisse une distinction plus claire entre l'association de malfaiteurs et les nouvelles incriminations (149).
On pourrait par exemple requérir explicitement, pour l'association de malfaiteurs, la volonté de commettre ensemble des infractions sans qu'il soit cependant nécessaire, pour pouvoir incriminer des membres individuels, que la bande ait déjà commencé à commettre les infractions en vue desquelles elle a été créée. Cela permettrait aux pouvoirs publics d'agir contre le groupe, sans devoir attendre que la bande commence à commettre les infractions en question. Ainsi les pouvoirs publics ne devraient-ils pas encourir des dommages irréparables, ce qui pourrait être le cas si l'on attend trop longtemps. Comme on n'en est qu'au stade de la préparation et qu'il n'y a que peu d'éléments « consistants » contre les membres de la bande, l'incrimination concernera surtout les vrais membres. Pour les personnes extérieures qui agissent en tant qu'auxiliaires occasionnels ou pour les commanditaires, on devra se baser sur les règles relatives à la participation (150).
Pour ce qui est des organisations criminelles plus permanentes , il faut pouvoir incriminer l'appartenance délibérée, sans requérir la participation du membre à quelque infraction que ce soit commise par l'organisation. Cependant, dans ce cas, il faut que l'organisation en tant que telle ait déjà commis des infractions graves (151), ce qui permettra de prouver plus facilement son caractère criminel et la connaissance qu'en avait le suspect. Cela semble également être la seule manière d'établir la continuité de l'organisation.
La commission d'enquête estime en effet que, pour qu'une organisation puisse être considérée comme une organisation criminelle, il faut qu'elle soit durable.
C'était d'ailleurs l'optique initiale des articles 322 et suivants, jusqu'à ce que la jurisprudence élargisse leur champ d'application pour les rendre applicables aux organisations formées dans le but de commettre une seule infraction (152). Le caractère instable de nombreuses associations de malfaiteurs a rendu cet élargissement nécessaire.
Les nouvelles incriminations devraient permettre de s'attaquer aux groupes plus permanents et plus résistants. L'existence d'une série de moyens que la commission d'enquête ne considère pas comme déterminants, comme l'utilisation de personnes morales ou de structures commerciales, peut indiquer que le groupe constitue bel et bien une « entreprise ».
6. Entreprises ayant pour but d'exercer une influence politique
58. La commission d'enquête considère comme primordial le principe constitutionnel de la liberté d'association et plus particulièrement le principe de la liberté de s'associer en vue de mener des activités politiques.
La commission d'enquête est toutefois consciente de liens possibles entre certains groupes d'inspiration politique et la criminalité « de droit commun » lorsque le caractère clandestin de ces groupes les amènent parfois à se livrer à de la « criminalité d'acquisition », qui risque éventuellement de tourner en criminalité organisée.
Les groupes qui au sein des mouvements politiques utilisent la violence ou qui commettent des délits en vue de leur financement (enlèvement, chantage, vol, trafic de drogue, ...) peuvent évidemment être punis pour ces délits (153).
Il est évident que des personnes, sous le couvert d'un objectif politique déterminé, peuvent commettre des délits que l'on peut qualifier de criminalité organisée (154). Il faut en tout cas éviter qu'un mouvement politique ne soit mis hors-la-loi par une nouvelle incrimination.
La commission d'enquête estime que l'objectif des groupes criminels axés sur la réalisation de bénéfices n'est pas d'influencer les entreprises ou leurs dirigeants. L'influence qu'ils peuvent exercer ne constitue qu'un moyen (155) parmi d'autres de réaliser ou de conserver des bénéfices, ou, (lorsqu'il y a, par exemple, un impact sur le marché légal) simplement, une résultante de la criminalité et non pas le but de l'organisation.
59. La commission d'enquête a également constaté qu'il y a une confusion permanente entre le but de l'association (réaliser des bénéfices) et les activités qu'elle déploie pour atteindre son but (des infractions graves) (156).
7. Conditions pour qu'il puisse y avoir incrimination d'individus
60. La commission d'enquête a constaté qu'il y a des chevauchements plus ou moins importants entre les activités des organisations criminelles et celles qui s'inscrivent dans le cadre de l'économie légale. Elle estime qu'il importe d'établir une distinction entre les membres de l'organisation criminelle et d'autres personnes, comme les auxiliaires occasionnels, les mercenaires, les experts extérieurs et les investisseurs. Une nouvelle incrimination devrait bien faire ressortir cette distinction (157) (158). Le colonel Bruggeman, assistant-coordinateur d'Europol, a mis la commission en garde contre une assimilation de formes très différentes :
« La criminalité organisée a quatre composantes. Il y a, tout d'abord, les auteurs, qui nous occupent de près actuellement. Puis, il y a les victimes, dont nous devrions nous préoccuper sérieusement. Il y a aussi les sous-traitants de la criminalité organisée, les hommes de main. Aujourd'hui, nous les traitons trop comme de vrais criminels organisés et, en conséquence, notre champ d'action s'élargit. »
« Je pense qu'en l'occurrence, nous devrions employer davantage des notions juridiques comme celle d'association de malfaiteurs, etc. Enfin, il y a les corrompus et les corruptibles, qui constituent un élément essentiel de la criminalité organisée » (159).
a) « L'appartenance » : les membres qui s'engagent volontairement dans l'organisation
61. Que faut-il entendre par la simple appartenance à une organisation criminelle ?
La commission d'enquête partage les préoccupations du Conseil d'État relatives au principe de la légalité, sur lequel notre droit pénal repose. Il implique notamment qu'un justiciable peut déduire, au moment où il envisage d'adopter l'un ou l'autre comportement, de la lecture de la loi si ce comportement est interdit ou non (lex certa principe). La commission se demande dès lors s'il convient « de sanctionner le simple comportement d'une personne qui accepte une situation de fait illicite en connaissance de cause » (160).
62. La commission d'enquête estime nécessaire que la définition de la notion d'appartenance (161) traduise suffisamment la nécessité d'un engagement actif au sein de l'organisation (162).
Se pose à cet égard la question de l'élément moral constitutif de l'infraction. Le projet de loi relatif aux organisations criminelles se borne à indiquer les éléments qui ne sont pas nécessaires (163) alors que, selon l'exposé des motifs : « la condition requise pour que ces personnes soient punissables est d'avoir connaissance du fait qu'elles agissent pour une organisation criminelle » (164).
La commission estime qu'une nouvelle incrimination devrait clairement préciser :
ce qu'une personne doit savoir de l'organisation, des activités de celle-ci et de sa contribution à ces dernières;
quelle doit être l'intention de l'auteur potentiel;
à quel moment la connaissance et l'intention requises doivent être présentes.
Il y a deux possibilités.
On peut exiger la connaissance et l'intention pour tous les éléments.
On pourrait également les requérir uniquement pour le comportement personnel, tandis que la négligence suffirait pour ce qui est de savoir si le groupe pour lequel on travaille répond aux critères de la définition d'une organisation criminelle (1651).
Ceci conduirait à une forme de « culpabilité mixte », c'est-à-dire que différentes formes de culpabilité sont requises pour les éléments constitutifs du délit. Les membres de la commission d'enquête soulignent cependant les dangers d'un tel choix (166).
La commission d'enquête est par conséquent d'avis que le caractère punissable de l'appartenance à une organisation criminelle doit être défini d'une manière suffisamment claire et qui tienne compte tant de l'élément matériel que de l'élément moral du délit.
63. La création ou la direction d'une organisation criminelle doit évidemment toujours être considérée comme une circonstance aggravante du délit d'appartenance.
64. La commission d'enquête souhaite par ailleurs que l'on soit attentif à un autre problème, à savoir celui des « sleepers » c'est-à-dire d'une réserve qui, pendant des années, n'a pas de contact avec les membres actifs, mais reste disponible (stand-by) et peut être appelée lorsque l'organisation juge le moment venu de les associer à son action (167).
La commission se demande si, et dans quelles circonstances, on peut les sanctionner, sans plus, au titre de « membres ».
Si la réponse devait être affirmative, il faudrait poser la question de savoir si la promesse de se tenir à la disposition de l'organisation criminelle serait en soi suffisante pour une incrimination. Dans l'affirmative, il s'agit alors d'un délit instantané. Ou pourrait-on admettre qu'il s'agit alors d'un délit continu par lequel celui qui a fait la promesse, devient membre de l'organisation et le reste ? Ceci est notamment important pour la prescription.
La commission estime qu'il y a des arguments pour incriminer les « sleepers » comme membres. La preuve qu'ils ont structurellement été potentiellement actifs de l'organisation criminelle doit être fourni à l'aide d'éléments objectifs. C'est une question de faits. En effet, un « sleeper » peut, après l'écoulement d'un certain temps, considérer que son appartenance a pris fin. On ne peut en aucun cas, pour l'apport de la preuve, invoquer des présomptions.
Il va de soi, selon la commission d'enquête, que le simple fait que le nom d'une personne apparaisse sur une liste de noms ou de membres trouvée chez des criminels ou des terroristes ne peut en aucun cas suffire pour incriminer cette personne. Les criminels peuvent mettre n'importe qui sur leurs listes. Ce fait peut évidemment justifier un complément d'enquête.
L'autorité ne pourra vraisemblablement faire sortir un « sleeper » de sa réserve qu'en recourant à des techniques spéciales d'enquête (opération undercover), pour faire en sorte qu'il adopte des comportements manifestant son implication vis-à-vis de l'organisation. Mais ce faisant, l'autorité opérera toujours à la limite de la provocation.
La commission d'enquête estime que dans ce cas l'on ne peut opter pour une formulation qui reviendrait de facto à renverser la charge de la preuve en ce qui concerne l'appartenance à une organisation criminelle.
65. Le délit d'association constitue déjà une rupture avec le délit « classique ». On doit dès lors s'interroger quant à la possibilité d'incriminer des personnes extérieures à l'organisation, c'est-à-dire les non-membres qui rendent de manière non structurée des services à l'organisation ou à ses membres. Le problème à cet égard est de ne pas confondre les membres et les personnes extérieures à l'organisation.
66. La première possibilité consiste à considérer que la personne extérieure rend un service qui constitue un délit classique, par exemple en commettant un faux en écriture, un délit de blanchiment d'argent ou un recel, ...
La deuxième possibilité est de considérer que le service constitue un des délits commis par l'organisation. La personne extérieure peut alors être sanctionnée à ce titre.
Elle est donc punissable dans les deux cas, mais on peut se demander s'il faut créer une circonstance aggravante permettant de lui infliger des peines plus sévères (168).
67. La troisième question qui est la plus importante est celle de l'incrimination de la personne extérieure qui fournit à l'organisation ou à ses membres un service qui ne constitue pas en soi un délit, sans être associée même pas en tant que participant aux délits commis par l'organisation (169). Le gouvernement répond affirmativement à cette question. La commission d'enquête est consciente de l'importance de la contribution pratique de certaines « personnes extérieures » de sorte que l'on peut éventuellement envisager cette pénalisation mais à des conditions strictes.
68. Certains auteurs estiment qu'il peut aussi y avoir participation (articles 66-69 Code pénal) pour le délit d'association de malfaiteurs (170). Tel ne saurait toutefois être le cas lorsque le fait principal a été commis involontairement. Pour qu'il y ait participation, il faut également qu'il y ait intention de participer. On ne peut donc être punissable pour avoir fourni des services de manière involontaire ou inconsciente dans le cadre d'une association de malfaiteurs (article 322 du Code pénal) même si c'est dû à une négligence grave.
69. On pourrait arguer qu'un délit commis par une association ne se prête pas à la participation au sens du Livre Ier du Code pénal. Si l'on veut malgré tout punir des tiers qui ne participent pas à un quelconque délit de l'organisation, il faudra suivre la piste de la répression particulière définie dans le Livre II du Code pénal. Il serait cependant préférable de donner une définition plus précise des comportements interdits.
70. On peut le faire de deux manières :
a) spécifier l'élément matériel du délit : fourniture d'armes, de caches, actes de gestion du patrimoine, etc. Il est en tout cas vivement conseillé de limiter la répression aux personnes qui, sans être membres de l'organisation, contribuent d'une certaine manière à son succès. On évite de la sorte de confondre les membres de l'organisation et les personnes extérieures à celle-ci. Le législateur doit, à cet égard, se poser la question de savoir quel doit être le rapport entre les peines applicables aux personnes extérieures contribuant de manière occasionnelle à l'organisation et les peines applicables aux membres et aux dirigeants de celle-ci.
b) Une autre manière de limiter la portée de l'infraction est de spécifier l'élément moral du délit.
Normalement, il s'agira du dol (général).
La commission d'enquête se rend compte des difficultés que cela va susciter : « on va se heurter au fait que les personnes incriminées diront systématiquement qu'elles n'étaient au courant de rien » (171).
Pourtant, la jurisprudence peut déduire des circonstances (suspectes) dans lesquelles la personne soupçonnée a eu le comportement qui lui est reproché, qu'elle agissait en connaissance de cause (172).
Selon une jurisprudence et une doctrine constantes, ce dol général peut également prendre la forme d'un « dol éventuel » (173).
C'est pourquoi la commission d'enquête souligne le danger que l'on court en utilisant l'expression « ou doit savoir que » . Dans la pratique jurisprudentielle, l'emploi de cette expression pourrait donner lieu à un renversement de facto de la charge de la preuve (174).
Si l'on opte pour un dol général, l'on incriminera de nombreux comportements (175).
Le législateur pourrait éventuellement éviter le problème en exigeant pour les tiers l'existence d'un dol spécial (prendre en considération le motif du comportement), alors que pour les membres, un dol général resterait suffisant (176).
71. La commission d'enquête suggère d'examiner les possibilités de punir en tant que complicité, l'aide occasionnelle apportée par des tiers. Il s'agit évidemment de la participation au délit d'association et non à l'une des infractions envisagées ou commises par elle. L'existence d'un délit principal (le fait de se grouper en organisation criminelle) semble établie. Selon la théorie de l'emprunt relatif de criminalité (1771), il n'est pas nécessaire que les auteurs du délit principal soient poursuivis ou condamnés. Pour que la partici
pation soit punissable, il faut néanmoins prouver l'intention de participer. Au cas où le législateur estimerait cette solution inopportune, il pourrait comme alternative exiger dans le cadre de l'incrimination spécifique de l'aide apportée par un tiers à l'organisation, la présence d'un dol spécial.
72. La commission d'enquête demande que l'on évite d'employer l'expression « activités licites de l'organisation criminelle », qui porte à confusion. Il s'agit en effet, in casu, de comportements, qui, en soi, ne sont pas contraires à la loi, mais qui deviennent punissables (et donc illicites) en raison de leur utilité ou signification pour l'organisation criminelle (178).
9. Application en fonction du lieu
73. La commission d'enquête souligne que la criminalité organisée est un phénomène international par excellence. Une nouvelle incrimination devra tenir compte de cette donnée. Il faudra vérifier dans quelle mesure certains éléments constitutifs du délit doivent être situés sur le territoire belge. Lorsque l'organisation commet des délits, faut-il par exemple qu'il s'agisse de délits commis en Belgique ? À cet égard, il convient de se référer à la recommandation du groupe de haut niveau (High Level Group) de l'Union européenne qui a « invité le Conseil à adopter rapidement une action commune visant à ériger en infraction, conformément à la législation de chaque État membre, le fait pour une personne, présente sur son territoire, de participer à une organisation criminelle et ce, quel que soit le lieu de l'Union européenne où l'organisation est basée ou où elle exerce ses activités criminelles (179).
74. Il est essentiel de définir clairement la notion de criminalité organisée et, pour respecter les principes de l'État de droit, il faudra nécessairement faire une distinction entre la définition criminologique et la définition pénale. En tout cas, la définition criminologique ne peut pas être utilisée pour l'incrimination. La définition pénale, pour autant qu'elle s'avère nécessaire, doit être suffisamment délimitée et précise, en tenant compte de toutes les observations formulées plus haut.
75. La criminalité organisée se distingue des autres formes de criminalité par son caractère d'entreprise et sa capacité à neutraliser l'action des pouvoirs publics contre les organisations criminelles. De plus, ces organisations se soucient de moins en moins des frontières nationales et présentent fréquemment un caractère international marqué.
La question est de savoir si tout cela exige que l'on modifie la loi pénale et, dans l'affirmative, de quelle manière.
À cet égard, il faut examiner le problème de la différenciation entre les dispositions existantes relatives à l'association de malfaiteurs (articles 322 et suivants du Code pénal) et la nouvelle incrimination des organisations criminelles proposée par le gouvernement. Si l'on introduit une nouvelle incrimination, il faudra par conséquent tenir compte des dispositions en vigueur en matière d'association de malfaiteurs. On devra soit coordonner les deux, soit réaliser une intégration.
76. Si une nouvelle incrimination est indispensable, il y a lieu de déterminer exactement qui doit être sanctionné. On doit en tout cas éviter de mettre hors la loi les organisations ayant pour objet d'exercer une influence politique. En outre, il y a lieu de faire ressortir clairement la distinction entre les membres de l'organisation criminelle et les personnes extérieures à celle-ci.
En ce qui concerne l'appartenance, l'incrimination doit préciser ce qu'une personne doit savoir de l'organisation, de son activité et de sa contribution à celles-ci. Pour ce qui est des personnes extérieures, il y a lieu de se demander si ceux qui fournissent des services à l'organisation criminelle, sans être impliqués dans les délits commis par elle, doivent pouvoir être poursuivis.
Dans les deux cas, on optera pour une formulation rigoureuse conforme au principe de la légalité (principe de la lex certa ). D'autre part, cette formulation ne pourra induire un renversement de la preuve.
77. En droit pénal matériel comme en droit pénal formel, il y a lieu de tenir compte du caractère international de la criminalité organisée. Parallèlement, il faudra en particulier promouvoir, dans le cadre de l'Union européenne, la collaboration internationale, d'une part, et l'adaptation réciproque ou l'harmonisation des législations nationales, d'autre part. »
2.2.3. Examen par la commission de la Justice du Sénat
Dans la foulée du premier rapport intermédiaire, plusieurs sénateurs, membres et non-membres de la commission de la Justice, ont déposé des amendements visant à lever les imprécisions et les ambiguïtés qui avaient été épinglées par la commission d'enquête. Le gouvernement, quant à lui, s'est inspiré des conclusions de la commission d'enquête et des amendements des sénateurs pour déposer un amendement de synthèse. Il a tenu compte également de la réglementation européenne élaborée en la matière (180).
En effet, le 19 mars 1998, le Conseil européen est parvenu à un accord politique sur l'action commune relative à l'incrimination de la participation à une organisation criminelle dans les États membres de l'Union européenne, comme le proposait le Groupe de haut niveau sur la criminalité organisée (recommandation nº 17 du programme d'action). Le texte proposé est présenté comme étant la « première définition adoptée au niveau international de ce qui constitue une organisation criminelle et la participation à une telle organisation (181) ». Cette proposition a fait l'objet d'une réserve d'examen parlementaire par la Belgique.
L'article 1er de cette proposition contient la définition suivante d'une organisation criminelle :
« Aux fins de la présente action commune, on entend par organisation criminelle l'association structurée, de plus de deux personnes, établie dans le temps, et agissant de façon concertée en vue de commettre des infractions punissables d'une peine privative de liberté ou d'une mesure de sûreté privative de liberté d'au moins quatre ans ou d'une peine plus grave, que ces infractions constituent une fin en soi ou un moyen pour obtenir des avantages patrimoniaux, et, le cas échéant, influencer indûment le fonctionnement d'autorités publiques.
Les infractions visées au premier alinéa incluent ceux mentionnés à l'article 2 de la Convention Europol ainsi que dans son annexe et qui sont passibles d'une peine au moins équivalente à celle prévue au premier alinéa. »
L'article 2, § 1, de ladite convention impose aux États membres l'obligation d'ériger en infraction les actes suivants :
« a) Le comportement de toute personne qui, d'une manière intentionnelle et en ayant connaissance soit du but et de l'activité criminelle générale de l'organisation, soit de l'intention de l'organisation de commettre les infractions en cause, participe activement :
aux activités criminelles de l'organisation relevant de l'article 1er , même lorsque cette personne ne participe pas à l'exécution proprement dite des infractions en cause et, sous réserve des principes généraux du droit pénal de l'État membre concerné, même lorsque l'exécution des infractions en cause ne se réalise pas;
aux autres activités de l'organisation en ayant, en outre, connaissance que sa participation contribuera à la réalisation des activités criminelles de l'organisation relevant de l'article 1er ;
b) Le comportement de toute personne consistant à avoir conclu avec une ou plusieurs personnes un accord portant sur l'exercice d'une activité qui, si elle était mise en oeuvre, reviendrait à commettre les infractions relevant de l'article 1er , même lorsque cette personne ne participe pas à l'exécution proprement dite de l'activité. »
L'article 2, § 2, prévoit aussi que : « les États membres, qu'ils aient choisi d'incriminer le comportement visé au § 1er , a), ou celui visé au § 1er , b), se prêteront l'assistance mutuelle la plus large possible pour les infractions couvertes par le présent article, ainsi que pour les infractions visées à l'article 3, paragraphe 4, de la convention relative à l'extradition entre les États membres de l'Union européenne, établie par le Conseil le 27 septembre 1996. »
Le projet de loi amendé par le gouvernement et par les sénateurs a été adopté par la commission de la Justice le 3 février 1998.
2.2.4. Adoption en séance plénière du Sénat
Le 2 avril 1998, le projet de loi a été adopté en séance plénière du Sénat par 56 voix et 5 abstentions (182).
Le texte du projet amendé qui a été renvoyé à la Chambre des représentants était libellé comme suit (183).
« Article premier
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
L'intitulé du chapitre Ier , titre VI, livre II, du Code pénal est remplacé comme suit :
« Chapitre Ier . De l'association formée dans le but d'attenter aux personnes ou aux propriétés et de l'organisation criminelle. »
Art. 3
Il est inséré entre les articles 324 et 325 du même Code des articles 324 bis et 324 ter , rédigés comme suit :
« Art. 324 bis . Constitue une organisation criminelle l'association structurée de plus de deux personnes, établie dans le temps , en vue de commettre de façon concertée (...) des crimes et délits punissables d'un emprisonnement de trois ans ou d'une peine plus grave, pour obtenir, directement ou indirectement , des avantages patrimoniaux (...) , en utilisant l'intimidation, la menace, la violence, (...) des manoeuvres frauduleuses ou la corruption ou en recourant à des structures commerciales ou autres pour dissimuler ou faciliter la réalisation des infractions (...) .
Art. 324 ter . § 1er . Toute personne qui, volontairement et sciemment , fait partie d'une organisation criminelle (...) , est punie d'un emprisonnement de un an à trois ans et d'une amende de cent à cinq mille francs ou d'une de ces peines seulement, même si elle n'a pas l'intention de commettre une infraction dans le cadre de cette organisation ni de s'y associer d'une des manières prévues par les articles 66 et suivants.
§ 2. Toute personne qui participe à la préparation ou à la réalisation de toute activité licite de cette organisation criminelle, alors qu'elle sait (...) que sa participation contribue aux objectifs de celle-ci, tels qu'ils sont prévus à l'article 324 bis , est punie d'un emprisonnement de un an à trois ans et d'une amende de cent à cinq mille francs ou d'une de ces peines seulement.
§ 3. Toute personne qui participe à toute prise de décision dans le cadre des activités de l'organisation criminelle, alors qu'elle sait que sa participation contribue aux objectifs de celle-ci, tels qu'ils sont prévus à l'article 324 bis , est punie de la réclusion de cinq ans à dix ans et d'une amende de cinq cents à cent mille francs ou d'une de ces peines seulement.
§ 4. Tout dirigeant de l'organisation criminelle est puni de la réclusion de dix ans à quinze ans et d'une amende de mille à deux cent mille francs ou d'une de ces peines seulement. »
Art. 4
À l'article 325 du même Code, les mots « et 324 » sont remplacés par les mots « 324 et 324 ter ».
Art. 5
Dans l'article 90ter , § 2, du Code d'instruction criminelle, inséré par la loi du 30 juin 1994 et modifié par les lois des 7 et 13 avril 1995, il est inséré un 3ºbis rédigé comme suit :
« 3ºbis aux articles 324 bis et 324 ter du même Code; ».
Art. 6
L'article 1er , § 2, 2º, b) , de la loi du 3 janvier 1933 relative à la fabrication, au commerce et au port des armes et au commerce des munitions, est remplacé par le texte suivant :
« b) les articles 101 à 135 quinquies , 193 à 214, 233 à 236, 269 à 274, 313, 322 à 331, 336, 337, 347 bis , 392 à 415, 423 à 442, 461 à 488, 510 à 518 et 520 à 525 du Code pénal. »
Art. 7
À l'article 1er de l'arrêté royal nº 22 du 24 octobre 1934 portant interdiction à certains condamnés et aux faillis d'exercer certaines fonctions, professions ou activités et conférant aux tribunaux de commerce la faculté de prononcer de telles interdictions est ajouté un littera i) , rédigé comme suit :
« i) infractions aux articles 324 bis et 324 ter du Code pénal. »
2.3. Chambre des représentants (second examen) :
2.3.1. La commission de la Justice
Si, grâce notamment à l'apport de la commission d'enquête, le projet de loi et, plus particulièrement, les termes de la définition du délit d'organisation criminelle, avaient gagné en précision, le texte adopté par le Sénat a continué à susciter des questions au sein de la commission de la Justice de la Chambre.
On a certes reconnu que le texte du projet avait été amélioré sur le plan technico-juridique, mais les objections de principe subsistaient. Pour certains, la distinction entre les délits d'association de malfaiteurs et d'organisation criminelle était encore trop vague. De plus, pour plusieurs députés, la définition du délit d'organisation criminelle et l'incrimination de l'appartenance ainsi que de la participation à une telle organisation étaient formulées d'une manière trop large et le principe de la lex certa n'était pas respecté. Les organisations politiques et syndicales poursuivant des objets parfaitement licites risquaient ainsi de pouvoir être poursuivies sur la base de l'article 324bis proposé du Code pénal.
Bien que le ministre de la Justice eût déclaré explicitement à plusieurs reprises, au Sénat (184) comme à la Chambre (185), que le gouvernement n'avait jamais eu l'intention de donner une telle portée au projet, on déposa à la Chambre un amendement nº 35 tendant à disposer explicitement, à l'article 324bis proposé, que « l'alinéa premier (l'incrimination d'organisation criminelle) n'est pas applicable aux organisations dont l'objet est uniquement d'ordre politique ou syndical, ni à celles qui poursuivent uniquement un but charitable, philosophique ou religieux » (186).
Avant de voter sur l'amendement, la commission de la Justice de la Chambre a accepté, sur la suggestion du ministre, de le soumettre à la commission d'enquête qui aurait, selon lui, « acquis une grande compétence en la matière » (187).
Dans un avis détaillé émis le 18 juin 1998, la commission d'enquête a indiqué notamment que :
« l'ensemble des membres de la commission a apprécié les arguments invoqués, mais estime qu'il a été tenu compte de la préoccupation exprimée par l'amendement lors des débats qui ont eu lieu au Sénat à l'occasion de l'examen du projet de loi ». Elle a donc estimé que l'amendement n'est pas vraiment pertinent sur le plan juridique (188).
Cet avis n'est manifestement pas parvenu à convaincre tous les membres de la commission de la Justice de la Chambre. En effet, l'amendement nº 35 a été adopté le 17 juin 1998 (189).
Après le dépôt du rapport, le 30 juin 1998, des amendements ont à nouveau été déposés. L'un d'entre eux (l'amendement nº 40) tendait à remplacer le deuxième alinéa proposé par l'amendement nº 35 (190). Il était rédigé comme suit :
« L'alinéa 1er (de l'article 324bis) n'est pas applicable aux organisations dont l'objet réel est exclusivement d'ordre politique, syndical, charitable, philosophique ou religieux ou qui poursuivent exclusivement tout autre but légitime » (191).
Bien que certains membres de la commission de la Justice de la Chambre aient maintenu leurs objections contre cet amendement, le ministre de la Justice a cessé de s'y opposer. L'amendement ainsi que l'ensemble du projet de loi ont dès lors été adoptés par la commission à une large majorité le 8 juillet 1998 (192).
Le 14 juillet 1998, le Conseil d'État a émis, à son tour, dans la ligne de l'avis de la commission d'enquête, un avis défavorable sur l'amendement nº 40, qui avait déjà été adopté (193). Il était rédigé dans les termes plutôt péremptoires suivants :
« Si l'article 324bis , alinéa 2, proposé, du Code pénal vise à préciser qu'une organisation qui poursuit un but légitime n'est pas établie en vue de commettre de façon concertée des crimes et délits, l'amendement est un truisme qui n'a pas sa place dans le Code pénal.
Si, par contre, l'amendement vise à empêcher qu'une organisation qui poursuit un but légitime puisse faire l'objet de recherches ou de poursuites du chef de constitution d'organisation criminelle, il vide le projet de loi de sa substance. »
À la Chambre, M. Vandeurzen et consorts ont encore déposé par la suite l'amendement suivant (doc. Chambre, nº 954/26, 1996-1997, amendement nº 45) :
« Remplacer l'alinéa 2 de l'article 324bis proposé par la disposition suivante :
« Une organisation dont l'objet réel est exclusivement d'ordre politique, syndical, philanthropique, philosophique ou religieux ou qui poursuit exclusivement tout outre but légitime ne peut, en tant que telle, être considérée comme une organisation criminelle au sens de l'alinéa 1er . »
Le 3 décembre 1998, la Chambre a adopté en séance plénière cet amendement ainsi que le projet de loi amendé (doc. Chambre, 1996-1997, nº 954/31). Le Sénat lui aussi adoptera très probablement ce texte.
Il n'existerait en Europe, à l'heure actuelle, aucun rapport convenable sur la criminalité organisée au niveau d'une institution européenne, à l'exception, nuancée, des rapports d'Interpol (194). Exception nuancée car ces rapports de bonne qualité restent limités à des aspects particuliers sans traiter à proprement parler de la criminalité organisée. En outre, ils sont souvent le produit d'une vision exclusivement policière et revêtent un caractère confidentiel, voire secret, ce qui ne leur permet pas d'alimenter sérieusement le débat public sur la criminalité organisée. Le colonel Zanders, chef de la division coopération policière internationale du Service général d'appui policier (SGAP), relève également que « la principale lacune réside dans le fait que nous n'avons toujours pas d'image quantitative et que nous ne connaissons pas l'ampleur du phénomène à l'échelon européen et mondial » (195).
Seuls existent des rapports nationaux dont la qualité est variable. Les pays les plus avancés dans l'étude de la criminalité organisée sont l'Italie, l'Allemagne et les Pays-Bas. Pour M. Bruggeman, l'assistant coordinateur à Europol, le meilleur rapport européen sur la criminalité organisée est le rapport britannique, en raison du fait qu'il ne s'agit pas d'un rapport purement policier mais qu'il a également été réalisé sur base des informations d'autres services (196). « La richesse de l'approche britannique réside dans le fait que, contrairement à ce qui est le cas en Belgique, on s'efforce, non pas de rédiger un rapport globalisant sur la criminalité organisée, mais de construire une mosaïque de rapports partiels. L'on essaie de la sorte de gagner en profondeur et d'avoir une vue synoptique. C'est le point fort de l'approche anglaise. Les Allemands, qui sont généralement passés maîtres dans l'art de rédiger des rapports, sont eux aussi, à l'instar des Belges, quelque peu décontenancés par l'aspect technique de leur approche globalisante. Ils tentent, plus encore que les Belges, d'établir un bon rapport sur la criminalité organisée. (197) »
Jusqu'il y a peu, les autres pays européens, y compris la Belgique, considéraient la criminalité organisée comme un phénomène exotique, un problème étranger, le souci de pays comme l'Italie, avec sa maffia, le Japon ou la Chine, avec leurs triades, ou les États-Unis, avec la Cosa-Nostra dans les grandes villes (198).
Dans la plupart des pays européens, l'intérêt pour la criminalité organisée n'est apparu qu'il y a une dizaine d'années.
Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que les rapports des États membres européens laissent à désirer. Ainsi, jusqu'il y a peu, le rapport de la Belgique était basé sur les renseignements fournis par un seul service de police (199). Dans d'autres pays, l'on se basait exclusivement sur les données de la police. Aux Pays-Bas, par contre, l'on a eu recours à des enquêtes non policières sur la criminalité organisée. Il va de soi que la qualité des rapports basés sur des données purement policières laisse à désirer, et le caractère disparate des données incite à la plus grande prudence. Certaines conclusions peuvent pourtant être tirées de la contribution belge aux rapports européens pour les années 1995, 1996 et 1997 (200).
La première conclusion concerne le caractère international de la criminalité organisée. Il semble constituer un facteur dominant, surtout depuis que les contrôles frontaliers ont été réduits sur le territoire de l'Union européenne et que l'on y applique le principe de la libre circulation des personnes et des marchandises. Les groupements criminels qui sont présents surtout au sein de l'Union européenne en profitent.
La deuxième conclusion concerne le facteur ethnique, qui devient très important. De nombreux pays signalent une influence croissante de groupements étrangers provenant de pays extérieurs à l'Union européenne. Ces groupements tentent de dominer le monde de la criminalité ou certaines activités au sein de l'Union européenne.
Une troisième conclusion concerne le professionnalisme croissant des groupements criminels. Ils sont techniquement à même de falsifier des documents ou de blanchir de l'argent, par exemple. Ils connaissent très bien les limites des services de police et veillent à ne pas se faire prendre ou à passer inaperçus en cas d'intervention policière.
L'on peut citer à titre d'exemple, le problème du blanchiment d'argent.
Une quatrième conclusion concerne le déclin des grandes organisations maffieuses classiques. Peut-être le succès de la lutte contre les groupes maffieux en Italie n'est-il pas étranger à ce phénomène. Actuellement, la structure pyramidale quelques personnes au sommet et divers niveaux à la base qui fait penser à une structure de management militaire, est remplacée par une mosaïque de spécialités et de réseaux criminels.
Ces caractéristiques pourront être interprétées différemment en fonction des ramifications de la criminalité organisée. Les nouveaux groupes ethniques déploient toutefois une activité polyvalente dans divers domaines.
L'on pourrait conclure, des rapports officiels sur la situation belge, que celle-ci est bien plus rassurante que la situation qui règne dans d'autres pays. L'on peut toutefois se demander si ces rapports correspondent à la réalité. Ne sous-estime-t-on pas la criminalité organisée, et l'image que l'on a de celle-ci ne changerait-elle pas du tout au tout si l'on arrivait à améliorer l'efficacité de la recherche concernant ce phénomène ? M. Bruggeman, assistant coordinateur à Interpol et bien placé pour procéder à des comparaisons entre les rapports des États membres de l'Union européenne, a dit être convaincu que l'ampleur de la criminalité organisée en Belgique était beaucoup plus grande que ne l'indiquent les rapports annuels (201).
Le colonel Zanders (SGAP) a émis des réserves très nettes à propos des rapports de l'Union européenne : « L'image de la criminalité organisée que l'on obtient à la lecture du projet de rapport est, malheureusement, très générale et sans grande signification, tant pour le niveau politique que pour le niveau opérationnel. J'espère que les ministres de l'Intérieur et de la Justice parviendront au sein du Conseil à s'entendre sur la nouvelle méthodologie et le plan par étapes, de manière que l'on puisse disposer d'un rapport annuel européen sérieux sur la criminalité organisée. J'estime qu'un tel rapport est indispensable » (202).
Selon une analyse mondiale du phénomène, la criminalité organisée a toujours une base nationale, mais, dans 80 % des cas, les groupes criminels entretiennent des liens internationaux. Il semblerait qu'il existe une sorte d'internationale des criminels; la criminalité planifiée donne lieu à une certaine répartition du « travail » dans le cadre de laquelle certains groupes nationaux se spécialisent, par exemple, dans la falsification de passeports et de documents, d'autres dans les interventions armées (ils produiront éventuellement des tueurs à gage), et d'autres encore dans le trafic de drogue qu'ils essaient de monopoliser ou la production de stimulants.
Chaque pays, chaque nationalité possède ses propres criminels. Tout dépend vraisemblablement d'une tradition, de certaines aptitudes, de l'éducation ou de la formation des personnes concernées. Certaines ont appris dès leur jeunesse à manier des armes, d'autres ont appris à ne trahir en aucune circonstance les membres de leur clan et d'autres ont fait leur profession du recel et de l'escroquerie.
Il va de soi que les criminels organisés de certains pays sont plus audacieux que d'autres : la détermination de la police, la nature des peines et la réaction du public jouent un rôle important en la matière. L'on constate ainsi que les organisations criminelles géorgiennes, qui étaient surveillés très étroitement en Allemagne et en France, ont préféré se « délocaliser » vers Anvers, où la surveillance est manifestement moins sévère et où la répression est beaucoup plus douce.
L'on est confronté sans cesse à l'absence d'une définition univoque du phénomène de la criminalité organisée. En effet, les pays scandinaves ont leur propre définition et, dans son rapport, le Danemark considère la présence des célèbres bandes de motards sur son territoire comme une forme de criminalité organisée. Ces bandes existent bien entendu aussi en Belgique, mais elles ne sont pas considérées chez nous comme un groupe important au sein de la criminalité organisée.
Partant de sa définition propre, chaque pays va donc surveiller une série d'organisations criminelles organisées sur son territoire. La définition de l'Union européenne, qui est fondée entre autres sur le critère des « ramifications internationales », est plus sélective.
La gendarmerie a classé les organisations criminelles disposant de ramifications à l'échelle mondiale en différents groupes : elle fait une distinction entre les organisations eurasiatiques, italiennes, asiatiques, nigérianes et colombiennes, parce qu'elles ont toutes un impact sur la criminalité organisée en Belgique.
Selon un rapport récent de l'officier de liaison belge à Mouscou sur les organisations eurasiatiques en général et sur celles qui ont été créées sur le territoire de l'ex-Union soviétique en particulier, le ministre russe de l'Intérieur estime que quelque 8 000 organisations criminelles sont actives aujourd'hui dans son pays, dont 1 500 ont des ramifications à l'étranger. La plupart de ces 1 500 organisations sont actives en Allemagne. Les produits de leurs activités représentent 30 % du PNB de la Fédération de Russie.
Certains groupements russes sont également actifs en Belgique où, d'après le rapport de la gendarmerie, ils se concentrent sur la région anversoise et entretiennent des liens étroits avec le commerce du diamant. Il existe une convention suivant laquelle le diamant brut peut être traité pendant 180 jours en Belgique. Les organisations criminelles vendent toutefois immédiatement les diamants, avant même qu'ils ne parviennent à Anvers. Il y a actuellement cinq dossiers relatifs à l'influence de la mafia russe dans les milieux diamanataires anversois (203).
La Belgique avait signé, le 4 septembre/23 août 1872 (204) avec la Russie tsariste, une convention d'extradition qui a évidemment cessé de sortir ses effets depuis la révolution russe de 1917, ce qui crée un vide grave dans les rapports judiciaires entre les deux pays. Tous les espoirs ont été mis dans la ratification de la Convention européenne d'entraide judiciaire avec la fédération russe, qui a été signée le 7 novembre 1996. Il n'empêche que le vide actuel provoque en permanence des heurts entre la Belgique et la Russie (205).
1.2.1. Constatations générales
Les avis exposés par la gendarmerie et par les experts sont partagés par M. De Vroom, commissaire général aux délégations judiciaires, qui admet que la criminalité organisée est un concept relativement neuf en Belgique, surtout dans son approche. Ce n'est que depuis deux ou trois ans que les services de police belges analysent mieux les rouages des organisations criminelles, grâce aux analystes opérationnels qui ont été formés aux Pays-Bas. Il existe actuellement aussi un cours d'analyste à l'école de criminologie. Cependant, la lutte contre la criminalité organisée existe depuis bien plus longtemps, mais de manière moins structurée qu'aujourd'hui. Il est vrai que des facteurs externes à la Belgique ont sensibilisé les services de police à ces formes particulières de criminalité, entre autres les événements en Italie, le trafic organisé de substances stupéfiantes, la chute du mur de Berlin et la découverte d'une criminalité d'État dans ces pays ou encore les liens étroits entre le grand banditisme et le terrorisme (206).
En Belgique, les rapports en matière de criminalité organisée étaient jusqu'en 1996, réalisés par la seule gendarmerie. Les rapports 1995 et 1996 sur la criminalité organisée en Belgique en 1994 et 1995 n'ont été réalisés qu'avec des informations dures obtenues lors de ses propres enquêtes (207). Ces rapports concernent la nature, la gravité et l'ampleur de la criminalité organisée en Belgique. La première partie donne une image quantitative, la deuxième qualitative (des efforts déployés par la gendarmerie en matière de criminalité organisée).
Ce n'est que pour le rapport 1997 sur la criminalité organisée en Belgique en 1996 que des informations, autres que les seules informations dures de la gendarmerie, ont été utilisées et que d'autres services, policiers ou non, se sont impliqués dans cette analyse. Le plan d'action du gouvernement a confié à la gendarmerie la responsabilité technique de la réalisation de l'analyse de la criminalité organisée (notamment l'élaboration, avec le ministère de la Justice, d'un questionnaire qui doit permettre de rassembler les informations sur les enquêtes en cours). Pour cette analyse, les différentes sources à exploiter sont les suivantes (208) :
les informations dures dans les systèmes automatisés pour l'enregistrement des organisations criminelles détectées;
les informations dures provenant des enquêtes en cours pour la détection des organisations criminelles connues;
les informations douces plus particulièrement celles recueillies dans une analyse opérationnelle de la criminalité pour en garantir une interprétation correcte (pour l'établissement d'une représentation des menaces);
les analyses stratégiques, les études réalisées par d'autres administrations ou par le milieu scientifique.
À l'heure actuelle, et bien que des améliorations aient été apportées d'un point de vue méthodologique, le rapport annuel 1998 sur la criminalité organisée en Belgique en 1997 reste essentiellement basé sur des données policières obtenues lors des enquêtes effectuées par les services de police. Conscients des limites posées par cette approche « à court terme », les auteurs du rapport précisent utilement que « ces données collectées au sein des services de police représentent plutôt la manière dont les services de police organisent leurs efforts de recherche, ce qui porte en soi le risque d'occulter des aspects non connus de la criminalité organisée ». Le lieutenant-colonel Berkmoes (BCR) rappelait par ailleurs devant la commission : « Notre méthode de travail ne nous permet pas d'apprécier le nombre de groupements criminels. Nous pouvons uniquement vérifier le nombre d'enquêtes répondant à la définition que la gendarmerie a réalisées au cours d'une année donnée (209). »
Cette approche à court terme devrait, dès l'an prochain, être remplacée par une méthodologie à long terme impliquant l'intégration d'analyses stratégiques, et suppléer ainsi au caractère « limité » de la démarche actuelle.
Selon la gendarmerie, « des tentatives sont également entreprises au niveau international afin d'arriver à une meilleure représentation de la problématique du crime organisé » (210). C'est notamment le cas au sein d'Interpol et, à cet égard, la Belgique, et plus particulièrement le BCR de la gendarmerie, dispose d'une réputation internationale.
« Une des priorités, au niveau national comme au niveau international, est de développer le renseignement. Il est indispensable de mieux structurer encore la circulation de l'information et de pouvoir intégrer des données parfois ponctuelles dans un ensemble cohérent. Une information structurée constitue la base du processus décisionnel tant politique qu'opérationnel. Pour collecter et structurer efficacement de l'information, il faut disposer d'une analyse criminelle. Grâce, notamment, aux efforts du BCR de la gendarmerie, la Belgique se situe en tête du peloton et jouit d'une réputation internationale dont elle peut être fière. Récemment la gendarmerie a organisé, pour la police polonaise une formation en analyse criminelle. Pour Europol comme pour Interpol, l'approche par projet, fondée sur des analyses criminelles, est une priorité. La Belgique, mais aussi les Pays-Bas et le Royaume-Uni, jouent un rôle directeur dans ce domaine. Les trois pays collaborent et Interpol aussi a créé un groupe spécial chargé d'analyser la criminalité. Le groupe a rédigé un manuel qui sera diffusé dans le monde entier, conformément à ce qui a été décidé lors de la dernière assemblée générale en Turquie. La technique belgo-européenne sera mise en oeuvre partout dans le monde. Signalons encore une troisième initiative où la police judiciaire a pris l'initiative dans le domaine de la criminalité informatisée.
Cette « cybercriminalité » a elle aussi fait l'objet d'un manuel édité par Interpol, auquel la contribution de la Belgique a été essentielle. La présidence a même été assurée par un Belge (211). »
Pour l'élaboration des rapports annuels 1997 et 1998 sur la criminalité organisée en Belgique en 1996 et 1997, les services de police ont, conformément au plan d'action du gouvernement contre le crime organisé, utilisé la définition opérationnelle du BKA allemand. Selon cette définition, le crime organisé peut être défini comme étant :
1. la perpétration, de manière méthodique, de délits qui sont, chacun en soi ou dans leur totalité, d'une importance considérable;
2. par amour du gain ou par recherche du pouvoir;
3. par plus de deux personnes agissant ensemble;
4. durant une période assez longue ou indéterminée;
5. suivant une répartition des tâches :
a) en abusant de structures commerciales et/ou
b) en recourant à la violence ou à d'autres moyens d'intimidation et/ou
c) en exerçant une influence sur la vie politique, les médias, l'administration publique, la justice ou la vie économique.
Pour satisfaire à la définition, les cinq caractéristiques générales (1 à 5) et au moins une caractéristique spécifique doivent être réunies.
Le commissaire général aux délégations judiciaires, M. De Vroom, qui fait sienne également la définition de la criminalité organisée issue du BKA, insiste sur le caractère hiérarchique qui caractérise la criminalité organisée, sur les flux financiers impliquant notamment des banquiers, des notaires et des avocats, ainsi que sur les sanctions qui sont mises en oeuvre à l'intérieur de cette criminalité organisée (212). Une divergence de vue existe néanmoins entre la gendarmerie et la police judiciaire en ce qui concerne la démarche générale d'appréhension de la problématique. Si la gendarmerie a opté pour une approche par « phénomène criminologique », la police judiciaire préférait partir du concept d'infraction (213). Actuellement, c'est l'approche préconisée par la gendarmerie qui a été consacrée. Si cette divergence de vue témoigne de ce que l'approche de la criminalité organisée peut se faire de différentes manières et qu'aujourd'hui, elle revêt un caractère plus ou moins uniforme au sein des différents services de police, cette problématique est à replacer dans le cadre plus large de la répartition des tâches entre les services de police et de la note dite de consensus organisant cette répartition, traduite dans la directive ministérielle du 21 février 1997 (214).
Ce que confirme également M. Van Reusel, commissaire en chef de la police de Bruxelles, pour qui la définition du BKA, telle que figurant dans le plan d'action du gouvernement, semble une base adéquate d'approche, mais qui précise que si cette définition doit servir « à la répartition des tâches entre les services de police, elle aboutira à un monopole d'une frange importante de la criminalité » (215).
Le 6 décembre 1996, le lieutenant général W. Deridder, ancien commandant de la gendarmerie, a fait la déclaration suivante au sujet de l'analyse criminelle :
« En Belgique, le besoin de disposer d'une analyse de la criminalité est né au moment où les autres pays ont commencé à s'occuper de cette problématique. Nous avons débuté en 1989 par l'analyse opérationnelle; en 1992, nous sommes passés à l'analyse stratégique. La démilitarisation de la gendarmerie est devenue réalité le 1er janvier 1992. Une des idées de base de la démilitarisation était que la gendarmerie devrait se concentrer sur ses tâches de police administrative et de police judiciaire. La loi de démilitarisation avait un caractère plutôt formel. On s'est alors mis à réfléchir à la manière d'organiser la mission judiciaire de la gendarmerie.
À la suite de nos contacts avec Interpol et d'autres services dans les pays voisins, nous sommes arrivés, après analyse, à la conclusion que le Bureau central de recherche devait développer un programme de coordination. À l'époque, il y avait déjà un programme « drogues » au sein du BCR, lequel traitait déjà aussi d'autres matières, comme les affaires concernant les biens et les personnes, à l'exclusion des disparitions et des hormones. Le major Frans fut chargé de réfléchir à la question et de créer un programme d'appui pour les organisations criminelles et leur patrimoine. Initialement, ce programme s'appelait « criminalité organisée », mais après réflexion, nous nous sommes rendu compte que la drogue et la traite des êtres humains relevaient également de la criminalité organisée. Nous nous sommes demandés ce que nous recherchions en fait dans la criminalité organisée. Ce que nous recherchons, ce sont les organisations criminelles elles-mêmes. Si nous voulons anticiper leurs activités, nous devons nous efforcer de savoir quelles sont ces organisations. On a donc créé le programme d'appui, qui porte également sur la drogue et la traite des êtres humains (216).
L'analyse opérationnelle vise à contribuer à l'organisation et à améliorer le déroulement des instructions en cours. Dans les instructions en cours, par exemple, on constate qu'un grand nombre de documents parviennent au procureur ou au juge d'instruction.
Le but de l'analyse opérationnelle est de mettre de l'ordre dans ces documents afin de donner une meilleure vue d'ensemble du dossier. L'analyse opérationnelle dure tant que dure l'instruction (217).
L'analyse stratégique, en revanche, étudie les dossiers clôturés en vue d'en tirer les leçons à plusieurs niveaux. On se demandera par exemple si on a travaillé correctement et pouquoi on n'a pas obtenu de bons résultats. Peut-être la législation était-elle inadéquate; peut-être la formation du personnel y était-elle pour quelque chose. Un service de police qui se respecte doit radioscopier les grandes enquêtes afin de pouvoir en tirer, tant pour lui-même que pour les pouvoirs publics, les conclusions concernant non pas le résultat de l'enquête mais tous les éléments qui en ont influencé le déroulement » (218).
Comme on l'a dit plus haut, lors de l'audition du 6 décembre 1996, la gendarmerie a communiqué à la commission les rapports annuels 1995 et 1996 sur la criminalité organisée en Belgique en 1994 et 1995, en guise d'exemples d'analyse stratégique.
Lors d'autres auditions avec des membres du BCR, il est apparu que l'on ne disposait par exemple pas encore d'analyses criminelles pour des secteurs économiques tels que l'horeca et les transports (219), pourtant réputés vulnérables à l'infiltration par des organisations criminelles, même si la gendarmerie a amorcé le travail en réalisant une étude sur la criminalité dans le quartier de la Falconplein à Anvers (220).
Comme on l'a déjà dit, la police judiciaire est d'un autre avis. M. De Vroom, commissaire général, l'a clairement exposé: « Je pense que la police judiciaire doit s'orienter vers l'établissement de grands projets et d'analyses stratégiques. Nous venons de former notre premier analyste stratégique. Le cours de formation est extrêmement difficile. Nous devons nous diriger vers des analyses opérationnelles de chaque affaire.
Un des buts que nous souhaitons poursuivre est de fournir de grandes orientations à notre ministre. Il faut permettre à un service d'établir continuellement des études et des statistiques. Un des grands problèmes est causé par le fait que l'outil statistique n'existe plus à la police judiciaire. On le reconstruit actuellement. Nous devons remettre reguliérement des rapports au service de la politique criminelle ou à nos procureurs généraux concernant divers grands domaines blanchiment de l'argent, banditisme, trafic de stupéfiants, corruption (221). »
En ce qui concerne la formation des analystes criminels, il a déploré le manque de collaboration entre les divers services de police:
« La gendarmerie a ses propres écoles et les polices communales ont leurs académies. Certains membres de la police judiciaire sont néanmoins professeurs dans les académies des polices commmunales. Les liens structurels sont donc fort importants. J'estime cependant qu'une formation commune dans certains domaines serait bénéfique.
À titre d'exemple, je rappelle qu'au début septembre, notre ministre nous a demandé de former des analystes stratégiques. Pourquoi ? Parce que l'analyse stratégique prend actuellement une importance capitale. Nous avons demandé à la gendarmerie de bien vouloir former nos deux analystes stratégiques. Une formation à l'étranger coûte en effet 170 000 francs par personne. Le total pour deux personnes près de 350 000 francs est donc très lourd pour notre budget. Nous avons reçu une fin de non-recevoir. Je pense donc que certaines choses ne sont pas toujours clairement définies et qu'il serait bon que l'échange d'étudiants puisse se faire plus facilement. » (222)
À la suite de ces déclarations, un des rapporteurs a demandé si la police judiciaire disposait d'analyses criminelles actualisées et, dans l'affirmative, sur quoi elles étaient basées. La comparaison de ces informations avec celles de la gendarmerie pourrait contribuer, en tout cas, à mieux cerner l'image de la criminalité organisée.
On a aussi demandé si les enquêtes, tant en cours que terminées, faisaient l'objet d'une évaluation systématique et structurelle par rapport aux enseignements recueillis et aux difficultés rencontrées, et en vue de vérifier s'il n'y avait pas d'indices de criminalité organisée. Effectue-t-on des analyses stratégiques (223) ?
M. Belmans, commissaire principal de première classe, a répondu ce qui suit :
« Si on aborde l'aspect que revêt la criminalité organisée en Belgique et que l'on se place donc sur le plan de l'analyse stratégique, force est d'admettre que nous ne disposons à l'heure actuelle, en Belgique, d'aucune analyse stratégique. Nous attendons un peu de savoir ce qu'en dira le plan d'action du gouvernement. Nous nous occupons par contre déjà d'élaborer des programmes de formation et une méthodologie. Je ne peux toutefois pas fournir (...) un inventaire du crime organisé comparable à celui de la gendarmerie.
L'analyse criminelle est un instrument de police permettant de révéler les lacunes d'une enquête judiciaire ou d'une action de police et qui doit permettre de définir des stratégies.
Il existe quelque huit variantes de l'analyse criminelle; trois d'entre elles relèvent de l'analyse stratégique et les cinq autres, de l'analyse opérationnelle. La police judiciaire ne travaille que sur quelques-unes des cinq variantes opérationnelles. Les analyses dont nous disposons actuellement sont des analyses opérationnelles qui ont été faites dans le cadre de certaines enquêtes. Ainsi a-t-on effectué une analyse de l'affaire Van Noppen ainsi que des attaques de transports de fonds. Mais que les choses soient claires : en ce qui concerne l'analyse, nous ne la pratiquons qu'au seul niveau opérationnel ». (224)
Afin de permettre à la commission d'enquête d'évaluer la portée d'une telle analyse opérationnelle, la police judiciaire a communiqué le rapport d'évaluation intitulé « La filière zaïroise et la filière nigériane », relatif aux escroqueries et autres pratiques criminelles utilisées par des Africains francophones et anglophones en Belgique et en Europe.
Le procureur général près la cour d'appel d'Anvers a également transmis, au ministre de la Justice, plusieurs analyses criminelles confidentielles, élaborées par la police judiciaire de manière à permettre à la commission d'enquête d'en prendre connaissance.
Au cours de l'audition du 7 février 1997, l'on a posé la question suivante à M. Delrez, commissaire en chef de la ville de Liège : « Sachant que la police communale donne ses informations au BCR ou à d'autres, avez-vous l'impression d'avoir un retour à un moment donné ? Un minimum d'analyse stratégique est-il mis à la disposition des grandes villes où se concentre principalement la grande criminalité organisée ? Ou, au contraire, avez-vous l'impression que l'on prend votre substantifique moelle sans recevoir en contrepartie les outils suffisants pour « recibler » votre rôle ? (225) »
Voici ce que le commissaire en chef a répondu : « Je vais vous donner une réponse qui correspond aussi à un sentiment. Vous avez parlé d'analyse stratégique, etc. Ce fameux problème d'analyse criminelle, stratégique, nous le connaissons. Nous connaissons aussi les problèmes liés à la question de mener une procédure proactive plutôt que réactive. Nous savons aussi quelles sont les critiques fondées ou non de certains qui voudraient mettre davantage l'accent sur le proactif, par rapport au réactif, et peut-être limer, sinon atténuer, le rôle de la magistrature. Bref, nous pourrions évoquer les problèmes de façon plus approfondie, mais là n'est pas la question.
Si vous me demandez si nous avons suffisamment d'outils pour effectuer une analyse criminelle, stratégique, claire, compétente et performante en matière de criminalité organisée, je vous réponds par la négative. Par contre, nous avons cela figure aussi dans le questionnaire le contrat de sécurité, élargi au contrat de société. Grâce à cela, depuis quelques années déjà, a été mise sur pied une section une cellule, si vous préférez extrêmement importante. Cette cellule a été difficile à gérer du fait que nous avons voulu garder un contrôle policier sur celle-ci, qui compte des hommes, des femmes, des jeunes, des vieux, des policiers, des non-policiers, des universitaires et des gens qui ne le sont pas. Cette cellule s'occupe de prévention, de relations publiques, d'aide aux victimes, de prévention de quartier. C'est très important car on en revient à une police de proximité. La ville de Liège dispose également de l'Observatoire de la criminalité. Des ingénieurs statisticiens nous donnent, sur la base de toutes nos informations, un outil valable, mais limité au territoire de la ville et à la criminalité urbaine.
Nous ne sommes pas suffisamment performants pour aller vers l'extérieur, ce qui ne nous empêche pas d'avoir des contacts avec les autres corps de police et de sécurité, via des caneaux connus : principalement celui de l'informatique, que ce soit de la police judiciaire ou d'autres services police, etc. On nous transmet des informations car nous en donnons aussi et nous recevons en retour celles dont nous avons besoin. Aucun problème ne se pose à cet égard : du moins nous estimons que tel est le cas, puisque nous ne nous sommes pas encore trouvés face à des complications ou à des constats. Mais ce n'est pas suffisant pour lutter contre une criminalité mafieuse. C'est une certitude (226) ».
Au cours de l'audition du 16 mai 1997 de M. Dehousse, bourgmestre de Liège, un des rapporteurs a rappelé à celui-ci, la déclaration du commissaire en chef de Liège selon laquelle « il n'était en possession d'aucune information sur ce que l'on entend communément aujourd'hui par criminalité organisée. Il n'a cependant pas dit que ces informations n'existaient pas. M. Dyck, commissaire en chef faisant fonction de la ville d'Anvers, et le bourgmestre d'Anvers ont tous deux déclaré, eux, qu'ils disposaient de telles informations. Cette déclaration de la police anversoise repose sur les résultats d'un essai d'analyse criminelle ».
Le rapporteur souhaitait dès lors que M. Dehousse lui dise « si les services de police liégeois disposent du temps et des moyens nécessaires pour procéder à une analyse criminelle, fût-elle limitée, étant entendu que l'on ne peut se fonder que sur les informations que l'on a pu rassembler. Si oui, les résultats de cette analyse sont-ils également transmis à d'autres services ou restent-ils conservés à la police de Liège ? » (227)
M. Dehousse a répondu qu'il y a, chaque année, une réunion spécifique de la commission communale consultative. Cette réunion est prévue par le contrat de sécurité. En fait, il y a plusieurs réunions par an, mais la réunion dont l'intervenant parle a pour objet la discussion du rapport que fait la police sur l'état de la criminalité enregistrée à Liège. Chaque année, on dresse un rapport sur l'état de la criminalité enregistrée à Liège. Jusqu'à l'arrivée de M. Dehousse, on avait surtout travaillé sur les rapports qui étaient faits, les plaintes qui étaient déposées à la police elle-même, et exclusivement. Il a pris des dispositions, avec l'aide du contrat de sécurité, et l'on aura normalement au mois de juin un premier rapport qui intégrera les données chiffrées qui ont été réunies par la police et celles qui ont été fournies par la gendarmerie. Cela permettra une vision plus complète à laquelle M. Dehousse tient beaucoup, car il peut y avoir des raisons à des perceptions différentes. On a connu de gros problèmes parce que des systèmes informatiques n'étaient pas compatibles. Il a donc fallu faire un travail et, à partir de là on recommencera à réfléchir. Si l'on établit un rapport sur l'état de la criminalité, ce n'est pas simplement par plaisir, c'est aussi pour suivre l'évolution (228).
M. Van Espen, juge d'instruction à Bruxelles, relève que le concept de criminalité organisée est relativement récent et n'est à ce jour, ni décrit, ni défini nulle part. Il y est cependant fait référence dans certains textes légaux tels que la loi du 11 janvier 1993 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux, la loi du 20 mai 1997 sur la coopération internationale en ce qui concerne l'exécution de saisies et de confiscations, et la directive générale 31/1 du 9 juin 1993 relative à la création de l'Office central de lutte contre la délinquance économique et financière organisée.
Ces différents textes ont la particularité d'être liés à la problématique du crime organisé, mais « on l'illustre sans le définir » (229).
M. Van Espen observe à ce sujet qu'il y a selon lui un problème de sécurité juridique; il faudrait que la notion de criminalité organisée soit définie dans un texte. Il n'a jamais demandé qu'on traduise sous forme d'inculpation la problématique de la criminalité organisée. Cependant, il lui paraît important qu'elle soit définie de telle sorte que le parquet ou le juge d'instruction ait les moyens de la combattre » (230).
Pour M. Van Espen, la définition, empirique, de la criminalité organisée du BKA telle qu'elle a été adoptée par les autorités belges, est probablement la plus adéquate.
Se basant sur une affaire de fraude en matière de produits pétroliers, à l'instruction au parquet de Bruxelles, il expose à la commission les caractéristiques de cette délinquance spécifique, pour conclure comme suit :
« Si j'en reviens à la définition empirique allemande, acceptée par les procureurs généraux la définition en cinq caractéristiques générales avec les trois éléments accessoires et que je mets en parallèle l'exemple que je viens de vous donner, j'aboutis au constat suivant : pour ce qui est des caractéristiques générales, d'abord, les délits qui, en soi ou dans leur totalité, ont un impact considérable, l'ampleur de la fraude et les mécanismes mis en place sont suffisamment importants pour comprendre que cela répond au premier point de la définition : plus de 100 pompes blanches, problématique du droit social, problématique du blanchiment, indices de l'argent provenant de la drogue et réinvestissement au Pakistan après passage en Belgique, fraudes à la TVA et aux accises.
Ensuite, l'appât du gain ou du pouvoir. Dans l'exemple cité, on arrive, pour le circuit de TVA, sans parler des accises, à un redressement fiscal qui va dépasser le milliard. La deuxième caractéristique générale l'appât du gain ou du pouvoir est donc ici démontrée.
Troisième élément : pendant une durée assez longue ou indéterminée. Dans l'exemple cité, la fraude et les mécanismes mis en place ont duré plus de quatre ans.
Quatrième caractéristique : collaboration de plus de deux personnes impliquées. Ici, vous aviez un noyau dur d'une dizaine d'individus mais quelque 200 personnes sont impliquées à divers niveaux, notamment tous les pompistes et les personnes qui travaillent dans les pompes blanches.
Vous avez alors cinquième caractéristique générale la répartition des tâches. Pour combiner tout ça, il fallait manifestement une certaine organisation. Je crois que c'est incontestable.
J'en viens aux caractéristiques particulières. D'abord l'usage de structures commerciales. Dans l'exemple cité, on trouve différentes sociétés belges, des sociétés-écrans luxembourgeoises et allemandes, ainsi que des sociétés pakistanaises. Les structures commerciales ont donc bien été employées.
Deuxième élément particulier : l'emploi de la violence ou autres moyens d'intimidation. Dans l'exemple cité, la main-d'oeuvre vivant clandestinement en Belgique grâce à des mariages blancs ou travaillant de façon non officielle, était timorée et ne répondait pas honnêtement à nos questions parce que soumise à des menaces de la part des dirigeants des sociétés précitées. Ce deuxième élément était donc également rencontré.
Le troisième élément, à savoir l'influence sur la politique, les médias, l'administration publique, la justice ou la vie économique, est aussi d'application puisque, en l'occurrence, des fonctionnaires peu scrupuleux des douanes sont intervenus pour aider ces truands à émettre des faux documents douaniers, portant des faux cachets douaniers, destinés à permettre l'importation illicite des produits pétroliers en Belgique (231). »
M. Vanhaecke, premier substitut du procureur du Roi à Bruxelles, est d'avis qu'une définition plus large de l'organisation criminelle s'impose. Il juge trop étroite celle proposée par le BKA.
« Pour ce qui est de la définition de la criminalité organisée, j'ignore si la première chose à faire est d'insérer une qualification pénale dans le Code pénal. Mais il pourrait être opportun de rendre punissable la participation à une organisation criminelle. Il pourrait aussi être utile d'élaborer une définition de la criminalité organisée sur la base de certaines méthodes de travail. Le collège des procureurs généraux a défini la criminalité organisée en s'inspirant de la définition du Bundeskriminalamt.
Le gouvernement a également intégré une définition dans son plan d'action. Toutes ces définitions servent évidemment d'instrument de travail pour savoir de quoi on parle en fait, car la criminalité organisée n'est bien sûr pas une notion univoque. Il est évident que toutes les personnes qui traitent de la criminalité organisée doivent parler de la même chose ». (232)
Et M. Vanhaecke d'ajouter :
« J'ai encore trouvé une autre définition, plus large que celle mentionnée dans le plan d'action du gouvernement, à savoir celle du Conseil de l'Union européenne qui figure dans le document Enfopol 5 du 4 janvier 1996. Selon cette définition, il est question de criminalité organisée lorsqu'au moins 6 des 11 caractéristiques proposées sont réunies, étant entendu que 4 de ces caractéristiques doivent impérativement être réalisées, à savoir :
1) la perpétration de délits d'une importance considérable;
2) motivée par l'appât du gain ou la recherche du pouvoir;
3) par plus de deux personnes agissant ensemble;
4) durant une période assez longue ou indéterminée.
Les deux autres caractéristiques seront tirées de la liste suivante :
5) suivant une répartition des tâches spécifiques;
6) avec une forme de discipline et de contrôle;
7) agissant au niveau international;
8) recourant à la violence ou à d'autres moyens d'intimidation;
9) utilisant des structures commerciales ou de type commercial;
10) se livrant au blanchiment d'argent;
11) exerçant une influence sur les milieux politiques, les médias, l'administration publique, le pouvoir judiciaire ou l'économie.
Ces critères apparaissent également dans les définitions du Bundeskriminalamt, du collège des procureurs généraux et du plan d'action du gouvernement. Une définition large peut fonctionner si l'on spécifie certaines sous-catégories de criminalité organisée. Je propose d'intégrer éventuellement dans le Code pénal une définition plus large, telle que celle préconisée par le Conseil de l'Union européenne.
Je propose donc une définition large au sens de celle du Conseil de l'Union européenne ou éventuellement du plan d'action du gouvernement, mais en prévoyant des sous-catégories. On distingue en effet : tout d'abord la criminalité organisée en col blanc; il y a ensuite ce que j'appellerais les criminels professionnels qui commettent des délits tels que ceux que l'on rencontre fréquemment chez nous, comme les auteurs de hold-up, les braqueurs, etc. je mentionnerai la bande Haemers, pour ne citer qu'un exemple. Il y a enfin les organisations criminelles plus ou moins grandes qui se situent dans la mouvance maffieuse.
Je ne prétends pas que les groupes de la deuxième catégorie ne recourent pas à certaines structures commerciales, mais encore faut-il pouvoir en apporter la preuve. Lorsqu'on s'attaque à certains criminels ou groupes de criminels, il n'est pas toujours facile d'établir qu'ils utilisent effectivement des structures commerciales; or il s'agit là d'un critère qui doit être rempli selon la définition étroite du collège des procureurs généraux ou du plan d'action du gouvernement (cf. supra :« en précisant les tâches pour lesquelles des structures commerciales sont utilisées »).
Si on utilise la définition la plus large de la criminalité organisée, à savoir celle du Conseil de l'Union européenne, il est possible d'arriver à une méthode de travail concrète. Je proposerais dès lors une définition large comportant les sous-catégories suivantes :
1) la criminalité professionnelle;
2) la criminalité organisée en col blanc;
3) les organisations criminelles plus ou moins grandes liées à des situations maffieuses.
Mme Coninsx, qui était alors substitut du procureur du Roi à Bruxelles, a prôné elle aussi que l'on adopte une définition large dans le texte de loi.
« J'ai pu me rendre compte, affirme cette magistrate, que la qualification d'association de malfaiteurs contenue à l'article 322 du Code pénal et les règles contenues à l'article 66 en matière de coauteurs et de participation aux mêmes crimes ou délits, sont souvent insuffisantes.
En ce qui concerne plus particulièrement les attaques à main armée qui comptent toujours diverses sortes de délits allant de la tentative de vol, au vol aggravé avec violence, en passant par le vol avec effraction, le recel et les infractions à la législation sur les armes, je constate que la définition du BKA, que je trouve bonne en soi, est applicable, surtout en ce qui concerne les cinq premiers points.
Il s'agit de la perpétration systématique de délits qui, chacun en soi ou dans leur totalité, ont une importance considérable et qui sont motivés par l'appât du gain ou la recherche du pouvoir ce qui est toujours le cas dans des délits. Ces délits sont commis par une bande c'est-à-dire par deux personnes au moins et de préférence davantage ce qui est généralement le cas, pendant une période assez longue ou indéterminée ce qui est aussi le cas et avec une répartition des tâches. J'y ajouterais comme sixième point que ces personnes et/ou font usage de structures commerciales et/ou ont recours à la violence ou à d'autres techniques d'intimidation et/ou exercent une influence sur la vie politique, les médias, l'administration publique, la justice ou l'industrie.
Si on prend le cas des attaques à main armée, on ne voit que le critère de la violence qui revêt parfois des formes terribles.
Si on prend d'autres affaires, telles que le procès du GIA (groupe islamiste armé), dans lequel j'ai soutenu l'accusation en septembre 1995 devant le tribunal correctionnel, j'ai éprouvé les plus grandes difficultés à tenir un discours crédible. Pourquoi ? Parce que ce procès, terriblement médiatisé, ne concernait que quelques délits, certes graves, tels que association de malfaiteurs, infraction à la législation sur les armes, faux et usage de faux. En même temps, il était fait application d'une très vieille loi exposant à des poursuites celui qui édite du matériel de propagande, tel que des affiches et des écrits visant à exciter le public ou à attiser la haine en vue de commettre des délits, législation assortie d'un délai de prescription de trois mois qui nous paralysait de toutes parts. Il y avait encore quelques délits connexes, tels que l'utilisation de faux passeports, séjour illégal, etc.
C'est avec un tel dossier répressif que j'ai dû me rendre dans un procès médiatisé. Je devais prouver que les nombreux prévenus étaient entrés en relation, non pas simplement mais dans le dessein de commettre des délits, et ce en Belgique ou non.
Le procès est tombé au mauvais moment. Il s'est tenu aussi un peu tardivement. Il a eu lieu juste après les attentats commis en France, mais mon réquisitoire final a été prononcé juste avant ces attentats. Je savais que les différents acteurs de ce dossier entretenaient des communications par GSM, par téléphone et par ordinateur, avec des personnes arrêtées, détenues ou susceptibles de commettre des attentats en France. Ces faits n'étaient alors pas punissables et ne le sont d'ailleurs toujours pas.
Je pense qu'il est fondamental de disposer d'une définition ainsi que d'un texte de loi rendant punissable le fait d'être membre d'une organisation criminelle, de participer à sa création ou de contribuer à sa perennité.
Je traite actuellement un autre dossier, à savoir le dossier du PKK, dans lequel je retrouve tous les éléments et ingrédients imaginables que je viens d'énumérer et qui figurent dans la définition du BKA, tels que la violence, l'influence sur les médias, la politique, l'économie et éventuellement les autorités judiciaires, et l'utilisation de structures commerciales. On pourrait ajouter un élément à la liste, à savoir les structures et influences internationales.
J'estime donc qu'une telle définition s'impose en vue de poursuivre et de réprimer la criminalité organisée, mais que la définition du BKA doit être adaptée dans le sens que je viens d'exposer. » (233)
Mme Coninsx se plaint également du manque d'instruments judiciaires dont on dispose pour lutter contre le terrorisme. Contrairement à ce qui est le cas en France, en Angleterre et en Allemagne, nous ne sommes pas armés pour faire face à cette criminalité grave.
Il y a surtout des lacunes en ce qui concerne la fixation et l'application des peines. Sans législation appropriée sur les techniques d'enquête, sans incriminations spécifiques, sans peines adaptées, nous sommes incapables de faire face aux organisations terroristes (234).
1.2.2. Analyse territoriale par arrondissement judiciaire
Le rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997 relève que la criminalité organisée semble se développer essentiellement dans les grands centres urbains (Anvers, Bruxelles et Liège). Ce constat est fait en gardant à l'esprit que ces grands centres urbains disposent des effectifs policiers les plus importants et les plus spécialisés, ce qui n'est pas sans influer sur les données récoltées. Les auteurs du rapport précisent qu'une attention vers les régions moins urbanisées reste nécessaire. En attendant, il semble qu'aucune analyse n'ait été réalisée par les services répressifs concernant l'influence du facteur géographique. À la question posée en commission : « A-t-on étudié l'impact géographique que peuvent avoir certaines formes de criminalité organisée à des endroits précis ? », le lieutenant-colonel Berkmoes (BCR) apportait la réponse suivante : « On vérifie si l'étude correspond à la définition. Y a-t-il trois auteurs au moins ? Y a-t-il des faits multiples ? Des structures commerciales ont-elles été utilisées ? Et ainsi de suite (235). »
1.2.2.1. Arrondissement d'Anvers
Le procureur du Roi comme le bourgmestre d'Anvers considèrent la présence du port et l'aisance des communications avec l'étranger, notamment grâce à l'aéroport de Deurne, comme des facteurs exerçant un attrait particulier sur les organisations criminelles. L'implantation de secteurs sensibles à la fraude, tels que le commerce du diamant et celui de l'or, jouent également un rôle (236).
Cet attrait se reflète en partie dans la diversité des formes de criminalité organisée que l'on rencontre à Anvers : la fraude douanière (la contrebande et le trafic de drogue), les cambriolages de containers, la traite des êtres humains et la prostitution, l'escroquerie internationale organisée par des assureurs intermédiaires, les activités de blanchiment dans le secteur bancaire, la fraude fiscale, la contrefaçon et le commerce des produits contrefaits, le trafic d'hormones, etc. (237).
Cependant, il ne faut pas exagérer l'importance du port en tant que facteur criminogène (238). Le tonnage des marchandises régulières qui passent par Anvers le montre.
En ce qui concerne l'implantation géographique, l'on mentionne systématiquement deux points noirs : la Falconplein et la Pelikaanstraat, qui sont entre les mains de ce que l'on appelle erronément la maffia russe, puisqu'en ce moment, les organisations criminelles en question se composent principalement de Géorgiens.
En ce qui concerne la lutte policière contre la criminalité organisée, il est frappant de constater que la gendarmerie et la police judiciaire se sont partagé le terrain. Par conséquent, la lutte contre la criminalité organisée n'est pas de la compétence de la police urbaine. Celle-ci fournit bien sûr des informations à la gendarmerie et à la police judiciaire, mais elle se plaint du manque de feedback. En outre, elle participe à des actions sur le terrain, par exemple contre le commerce de produits contrefaits à la Falconplein (239). Il va de soi que la police urbaine n'a dès lors qu'une idée fragmentaire et superficielle de la criminalité organisée à Anvers. Il s'ensuit que les autorités communales ne peuvent pas elles non plus développer de stratégies administratives, par exemple contre les transactions immobilières suspectes (240).
Le procureur général Van Camp décrit l'approche du parquet général comme suit : « Les parquets sont confrontés, tant pour ce qui est de ce que l'on appelle la criminalité organisée russe que pour ce qui est de la criminalité organisée yougoslave et chinoise, à des dossiers ponctuels et ils n'ont dès lors qu'une vue fractionnée du phénomène en question. J'ai ici une farde volumineuse qui contient 29 noms de personnes ou d'organisations mais il y en a 101 au total dont nous pensons qu'elles font partie de la criminalité russe, ukrainienne ou géorgienne. Au parquet d'Anvers, l'on a créé notamment une cellule ROC (Russian Organized Crimecel). Font partie de cette cellule, notamment un magistrat directeur, un magistrat responsable des aspects étrangers transfrontaliers, un magistrat spécialisé en stupéfiants, un magistrat responsable des opérations de blanchiment et un magistrat responsable d'autres trafics, par exemple le trafic de voitures et le trafic d'armes. Cette cellule se réunit régulièrement (traduction) (241). »
Le procureur du Roi d'Anvers précise que l'on a créé au printemps 1996 une section distincte dénommée « criminalité grave et organisée, y compris la traite des êtres humains, la prostitution et la pornographie », composée de deux magistrats de confiance et de six magistrats spécialisés chacun dans une forme de criminalité spécifique (par exemple, les délits financiers, la drogue, le milieu yougoslave) (242).
La maffia russe est considérée comme une menace grave à Anvers.
Selon M. Belmans, commissaire principal de 1ère classe à la police judiciaire : « la plus grosse partie des informations relatives à la maffia russe se trouve depuis longtemps à Anvers. L'on peut dire que 80 % de la maffia russe présente en Belgique s'est installée à Anvers (traduction) (243). »
La police judiciaire relève également la présence de cartels colombiens impliqués dans le trafic de cocaïne et le blanchiment d'argent, activités principalement liées aux activités portuaires de la ville (244).
Les magistrats nationaux relèvent également la présence d'organisations chiliennes « qui sont venues en Belgique pour commettre une série de vols. Leur but était de recycler partiellement le produit de ceux-ci en Belgique et partiellement par l'intermédiaire d'un système très sophistiqué de comptes bancaires au Chili. Ces organisations étaient surtout actives à Bruxelles et à Anvers, mais, pour la clarté, nous devons dire qu'elles opéraient sur l'ensemble du territoire, sans être vraiment établies ici. En effet, l'on a également trouvé des indices selon lesquels elles opéraient aussi en Allemagne (traduction) (245). »
En ce qui concerne la traite des êtres humains, le rapport de la commission spéciale de la Chambre chargée de l'examen des rapports sur la traite des êtres humains » (246) faisait état de la présence d'une filière d'Afrique occidentale (Nigéria et Ghana), active dans le domaine de la prostitution. L'importance de ce type de criminalité organisée dans cet arrondissement et l'attention qui y est portée sont également révélées comme nous l'avons vu par la création, dès 1996, d'une section du parquet spécialisée dans la criminalité grave et organisée, en ce compris le trafic d'êtres humains, la prostitution et la pornographie. La prostitution est, selon M. Schewebach, directeur de l'Office des étrangers, actuellement considérée comme le problème essentiel. Une analyse est par ailleurs faite en collaboration avec la gendarmerie, qui tend à démontrer qu'il s'agit d'une prostitution très dure, un peu différente des autres (247).
Bien qu'aucune analyse n'ait été faite sur l'évolution des prix dans le secteur immobilier (sauf peut-être par les agences immobilières), il faut également relever que certains biens immobiliers se vendent à des prix qui dépassent de loin le prix du marché. « On peut difficilement dire que lorsqu'un immeuble de la Keyserlei ou de la Falconplein se négocie à un prix beaucoup plus élevé que celui du marché, cela ne soulève pas de questions » (248).
Sur le Falconplein, c'est surtout au problème des contrefaçons que le parquet est confronté (249). De nombreuses saisies et destructions ont lieu avec entre autres l'aide de la police communale. En termes d'auteurs, l'Office des étrangers a pu notamment constater un « arrivage de Géorgiens qui ouvraient des boutiques ou autres et qui n'étaient pas en ordre titre de séjour en règle » (250). Des « rafles » visant à contrôler, arrêter, et donner l'ordre de quitter le territoire à ceux qui travaillent sans ont été effectuées pour mettre fin à cette situation, mais l'Office constate que les boutiques ferment un jour et rouvrent le lendemain. En outre, des problèmes se posent en ce qui concerne l'exécution de l'éloignement du territoire.
Le procureur général Van Camp ajoute : « Une action qui ne bénéficiera d'aucune analyse a posteriori, est inutile et synonyme de gaspillage. Certaines actions sont organisées tous azimuts alors qu'elles devraient être focalisées. On observe le même phénomène au niveau répressif. Nous manquons de moyens, mais il arrive parfois qu'on saisisse des quantités considérables, comme à la Falconplein, et que la seule chose qu'on puisse faire, c'est tout détruire. Et on en reste là.
Une action de grande envergure est en cours contre les faussaires d'une marque déterminée sur lesquels nous disposons de renseignements très précis. Comme je l'ai dit au ministre, je me dois de déclarer devant la commission, sans pouvoir entrer dans les détails, que je me retrouve aujourd'hui avec 56 dossiers financiers graves qui ont déjà été transmis depuis plus de six mois au parquet du procureur du Roi en vue du réquisitoire final. Pour ce qui est de certaines enquêtes financières importantes, « les juges d'instruction m'ont confié qu'ils ne s'en sortaient plus (251). »
À la question de savoir ce qui menace le plus la société dans le ressort d'Anvers, en ce qui concerne la criminalité organisée, monsieur le procureur général Van Camp a répondu comme suit : « Nous n'avons encore fait aucune analyse en la matière. Qui a lu la masse imposante de documents complémentaires que contenait le rapport Van Traa aura constaté qu'il y a des indices de perméabilité de certains secteurs à la criminalité organisée. Les Pays-Bas ont une grande avance sur nous en la matière. Il apparaît clairement, quand on extrapole à partir de dossiers concrets, mais sans base scientifique bien ciblée j'ajoute ceci en guise de soupape de sécurité que chez nous aussi le secteur horeca est un secteur qui présente une certaine perméabilité à la criminalité organisée. Le secteur bancaire au sens large, y compris, entre autres, les agents de change, qui brassent des sommes d'argent considérables, est lui aussi un secteur exposé. Il est clair, à propos du secteur du diamant, que nous sommes submergés par les pratiques et les mouvements illicites issus de l'Est (les Rois mages de la nativité n'étaient pas les seuls à venir d'Orient) et qu'il y a des trafics dans les deux sens. Voilà pourquoi j'ai toujours déploré que M. Legros n'ait pas voulu reprendre la notion de conspiration dans le droit pénal. Elle n'y figure toujours pas. Dans le monde de la criminalité organisée, beaucoup de choses se passent à l'étranger, alors que la commission européenne de la maffia se réunit chez nous. La notion de conspiration est inscrite dans la Convention de New York.
Nous sommes plusieurs à avoir insisté auprès de M. Legros, qui était en son temps commissaire royal à la réforme du droit pénal, pour que cette notion soit inscrite dans notre droit pénal. Elle ne l'a pas été, à mon grand étonnement (252). »
M. Van Lijsebeth, administrateur général de la Sûreté de l'État, a manifesté une préoccupation semblable en déclarant que certains dossiers judiciaires donnent à penser qu'il y a un risque de déstabilisation. « Les diamants sont importés des pays de l'ancien bloc de l'Est, les criminels viennent s'installer à Anvers et s'emparent en toute légalité d'un immeuble de la place. Dans plus de 90 % des cas, les commerçants refusent de porter plainte (253).
M. Van Camp, procureur général, a ajouté : « Le milieu traditionnel du diamant est très fermé. Il ne faut pas non plus en sous-estimer un deuxième, le milieu indien du diamant. Il existe une concurrence très forte dans le monde du diamant et il y a le monopole de De Beers. La seule chose que je puis dire est que nous agissons lorsque nous découvrons des cas de blanchiment d'argent ou de fraude fiscale. Je n'ai connaissance, dans mon ressort, d'aucun accord, concordat ni protocole qui aurait été conclu avec le milieu du diamant. Les actions du gouvernement en matière de taux réduits ne relèvent pas de ma compétence. Je ne veux pas dire, en parlant d'amalgame, qu'il ne peut pas arriver, dans ce milieu traditionnel, comme dans d'autres secteurs, que l'on verse dans la criminalité. Du reste, la chose s'est déjà produite. Vous demandez si nous nous sommes fait une idée de ce secteur. Les petits magasins de la Pelikaanstraat, près de la gare, sont loués à la SNCB à des prix peu élevés et sous-loués à des prix exorbitants. Voilà ce que nous savons. L'on y négocie de l'or. Nous avons procédé là-bas à plusieurs opérations qui ont requis des effectifs nombreux, nous devons y collaborer avec l'inspection sociale et il existe des législations particulières en la matière. Qui plus est, il y a une rotation très rapide du personnel. Il faut évidemment disposer des capacités nécessaires. En ce qui concerne le commerce illégal de l'or, l'impression existe que l'on brade ou que l'on transforme des bijoux volés. À la Falconplein, à Anvers, que l'on appelle parfois la Place rouge ou l'Arbat anversois, nous sommes confrontés à des articles de contrefaçon. Nous y menons régulièrement des actions préventives. Notre action n'est donc pas uniquement répressive. Il nous arrive de saisir des stocks et de les détruire, parce que les tribunaux sont surchargés. Il faut tenir compte de cet élément également (254). »
La criminalité liée au secteur du diamant sera examinée plus loin dans le chapitre relatif aux secteurs économiques.
En ce qui concerne les contrefaçons, M. Vandenberghe, co-président, s'est adressé au procureur général dans les termes suivants : « Si j'ai bien compris la déclaration de M. Dyck, commissaire principal de la police d'Anvers, l'on se livre systématiquement, à la Falconplein, au commerce de marchandises qui, dans la majorité des cas, n'ont pas d'origine légale au sens large du mot. Je me demande si vous disposez de suffisamment de moyens pour lutter contre ce phénomène. En effet, le commerce perdure, malgré vos interventions ponctuelles. Disposez-vous des moyens juridiques nécessaires pour juguler pareil commerce ? Vous saisissez parfois une série de marchandises, mais de quelle manière luttez-vous contre cette criminalité ?
Voici la réponse qu'a donnée M. Van Camp : « J'attire l'attention sur le fait que les parquets ne peuvent plus travailler séparément. C'est d'ailleurs également le cas dans le domaine de la criminalité la plus fréquente. Nous ne pouvons pas nous consacrer exagérément à la criminalité organisée. C'est la criminalité la plus fréquente qui crée un sentiment d'insécurité chez les citoyens. C'est à tort que l'on se soucie moins, en général, du blanchiment d'argent, etc. M. Vandenberghe, co-président : « Les infractions au Code de la route, etc. ? » M. Van Camp, procureur général : « Non, je veux dire les vols, les cambriolages chez les citoyens, les vols de voitures, etc. Les infractions de roulage sont un fléau social et je soutiens les actions Wodka du gouverneur. Personnellement, j'estime que les amendes en la matière sont trop élevées. Cela étant dit, il est vrai que la contrefaçon est un problème difficile. Nous menons régulièrement des actions. Le commissaire en chef faisant fonction, M. Dyck, vous aura certainement raconté qu'en janvier, nous avons effectué plusieurs opérations. Au cours de nos opérations, nous saisissons régulièrement des marchandises et nous collaborons notamment avec la police urbaine. Nous menons la même politique en ce qui concerne les magasins d'or et les sex-shops. Je n'ai rien contre les sex-shops en tant que tels, mais j'estime qu'ils doivent se trouver en dehors de la ville. Il faut envisager les choses dans leur ensemble si l'on veut collaborer avec plusieurs autorités. C'est une chose que nous oublions régulièrement. Que pouvons-nous y faire ? » (255)
Une autre source, à savoir l'UCLAF, nous apprend elle aussi qu'Anvers est une plaque tournante importante dans le domaine des trafics. C'est ainsi que M. Knudsen a fait la déclarations suivante : « Les autorités de l'UCLAF ont également appris que jusqu'à la fin de l'année 1994, d'énormes quantités de cigarettes ont transité par les entrepôts d'Anvers. Les marchandises arrivaient par bateau, en provenance des États-Unis, à Anvers ou Ostende avant d'être acheminées par route transitant par la Suisse, vers d'autres pays de l'Union européenne où était alimenté le marché noir. Ce trafic sous contrôle d'organisations criminelles, correspondait annuellement à 500 voire 1 000 containers passant par Anvers. Le risque fiscal moyen par container pour l'Union européenne était de 1 million d'écus. En collaboration avec les États membres et surtout l'Allemagne, l'UCLAF a pu, dans une large mesure, mettre un terme à ce trafic par route au départ des ports belges. Les autorités de l'UCLAF ont cependant constaté une augmentation considérable, en 1996, du transport par mer des cargaisons de cigarettes illicites de Ostende-Anvers vers les côtes espagnoles et portugaises. Ce trafic Belgique-Espagne par voie maritime s'est déroulé de la même manière pendant vingt ans jusqu'en mai 1997. Les envois étaient préparés en entrepôts pour éliminer toute trace d'identification de l'origine des cigarettes afin d'effacer toute trace qui permettrait de remonter jusqu'au producteur. Les cigarettes étaient alors chargées sur des bateaux dans les ports belges, bateaux qui partaient pour une fausse destination, généralement l'Afrique de l'Ouest ou les ports méditerranéens hors Communauté. En réalité, ces bateaux s'arrêtaient devant les côtes espagnole ou portugaise pour transborder les marchandises sur des bateaux à grande vitesse. Les hors bords se rendaient alors sur les côtes si les conditions le permettaient ou les marchandises étaient à nouveau transbordées sur des zodiacs faisant le relais jusqu'à la plage. Ce trafic s'est terminé par des arrestations, perquisitions et saisies dans trois pays différents, dont la Belgique. Aujourd'hui, le trafic semble s'intensifier par voie aérienne, notamment au départ de l'aéroport d'Ostende. Tous ces trafics existent aussi au départ ou d'autres ports ou d'aéroports européens (256). »
1.2.2.2. Arrondissement d'Arlon
Le procureur du Roi de l'arrondissement judiciaire d'Arlon, tout comme celui de Liège notamment, signale la présence d'organisations criminelles italiennes et chinoises actives dans le secteur horeca. Les organisations y mettent en oeuvre des systèmes infractionnels impliquant l'utilisation de main d'oeuvre illégale, des faillites à répétition avec implantation d'organisations pyramidales touchant les fournisseurs, les employés et les patrons, de la fraude fiscale et du blanchiment d'argent. Le procureur du Roi d'Arlon signale encore que le milieu portugais est particulièrement implanté dans son arrondissement. Ces individus, également actifs dans les trois États frontaliers de cet arrondissement, sont spécialisés dans le trafic d'armes, de stupéfiants et la traite des êtres humains. La traite des êtres humains, domaine dans lequel sont également impliqués des sujets italiens, concerne essentiellement l'exploitation de femmes, notamment étrangères, dans le milieu belge et luxembourgeois de la prostitution. Des ressortissants italiens liés à la N'Dranghetta et actuellement poursuivis en Italie ont également été impliqués dans un trafic international de stupéfiants. Des enquêtes sont également en cours concernant d'une part la mafia chinoise qui se rendrait coupable de trafics multiples, rackets divers et de blanchiment, et, d'autre part, un trafic de véhicules volés et un trafic de fausses monnaies.
1.2.2.3. Arrondissement de Bruges
L'arrondissement n'a pas encore eu à faire face à la criminalité organisée en tant que telle. L'on a déjà traité divers dossiers relatifs aux stupéfiants, au trafic d'hormones et à la traite des êtres humains (clandestins et prostitution), qui sont très proches de ce genre de criminalité.
En ce qui concerne l'importation illégale de stupéfiants par le port de Zeebrugge, il est clair que l'on a affaire à une criminalité organisée de grande envergure, dont la Belgique et ses ports ne sont qu'un maillon. La profession ne sait que peu de chose, sinon rien du tout, de ce qui se passe en Colombie (le point de départ) et aux Pays-Bas (le plus souvent la destination). Elle doit donc se borner à intercepter des passeurs et, exceptionnellement, une personne plus haut placée dans l'organisation. Il existe un échange d'informations entre les services de police néerlandais et les services de police de l'arrondissement de Bruges, mais il aboutit plutôt exceptionnellement au démantèlement d'une filière de trafiquants de drogues.
En ce qui concerne la traite des êtres humains au sens le plus large du terme, l'internationalisation de la criminalité est, si possible, encore plus forte. Les étrangers qui souhaitent traverser la Manche clandestinement sont systématiquement arrêtés avec leurs passeurs, mais après avoir déjà transité par plusieurs pays. Le démantèlement des filières nécessite une action coordonnée au niveau international. Dans l'arrondissement de Bruges, cela semble souvent être peine perdue.
Le magistrat national Vandoren a également fait mention d'un dossier impliquant une triade chinoise, instruit à Bruges.
1.2.2.4. Arrondissement de Bruxelles
Le procureur du Roi de l'arrondissement judiciaire de Bruxelles relève que la délinquance organisée prend des formes qui ont tendance à se détacher de la violence visible. Ce parquet est ainsi confronté, notamment, au phénomène de l'organisation de l'immigration clandestine, à la traite des femmes, au trafic de chèques et de cartes de crédit, au trafic de drogue, au trafic de véhicules, au trafic d'hormones, aux carrousels TVA, à la fraude fiscale internationale et aux pourvoyeurs de main-d'oeuvre. La police de Bruxelles mentionne également, comme formes de criminalité organisée rencontrées par ses services, outre celles précitées, la fausse monnaie et les attaques de transports de fonds et de banques.
Selon M. Bulthé, doyen des juges d'instruction de Bruxelles, un des problèmes les plus importants en matière de criminalité organisée rencontré par le parquet de Bruxelles, concerne les opérations de blanchiment d'argent en provenance des Pays-Bas (257).
« Il existe plusieurs affaires graves, dans le cadre ou non d'escroqueries ou de ventes et de trafics internationaux de stupéfiants. Bruxelles est une grande ville, située à une heure de route de la frontière de divers pays. La Belgique a connu plusieurs affaires graves liées à ce qu'on appelle la criminalité organisée. Je songe à cet égard à une escroquerie internationale qui a fait de 800 à 900 victimes, dont le préjudice doit être estimé à un milliard de francs au minimum. Il s'agit de diverses opérations de blanchiment organisées (258). »
Vient ensuite le problème de la traite des êtres humains, et tout ce qui l'entoure : trafic de faux papiers et permis de travail, prostitution... Cette problématique, qui concernait essentiellement les Africains, concerne maintenant surtout les ressortissants d'Europe de l'Est (Albanie et Kosovo). Dans ce domaine, le parquet a des choix à faire en raison de la complexité des dossiers. Soit on clôt l'affaire en quelques mois, en saucissonnant les dossiers, soit on va plus loin, mais cela prend plus de temps. Mais, selon M. Bulthé, il est difficile de se faire une idée générale sur l'existence d'organisations d'Europe de l'Est. Aujourd'hui, le parquet de Bruxelles en est à éprouver des difficultés pour trouver des interprètes en langues slaves. M. Bulthé a déclaré à ce sujet : « Je suis convaincu qu'à Bruxelles, certaines personnes issues de milieux est-européens se sont effectivement spécialisées dans la traite des femmes, les faux papiers, etc. L'image en question est assez classique. Il y a quelques années, je me suis occupé de la filière du Lagos. Il s'agissait d'un réseau parfaitement structuré de traite de femmes africaines. Je constate que d'autres se sont rendu compte que des mécanismes similaires se sont constitués autour de certaines bandes européennes. Je ne peux y associer aucun nom. Je ne peux pas dire, par exemple, qu'il s'agit de la bande de Vladimir ou de celle de Yougou (259) ».
M. Godbille, premier substitut du procureur du Roi à Bruxelles, se dit néanmoins confronté actuellement à des dossiers impliquant très précisément des dirigeants de la Coupole, le gouvernement de la Cosa Nostra (260). M. Godbille a par ailleurs donné lecture à la commission d'enquête d'un extrait du rapport de la commission d'enquête sur les moyens de lutter contre les tentatives de pénétration de la mafia en France, rapport dans lequel il est fait état de la présence d'une cellule de la Cosa Nostra (un groupe de dix qui dépend du village de Campo Franco) à Bruxelles (261).
Le bourgmestre de Bruxelles, M. de Donnéa, bien que ne parlant pas d'organisations criminelles proprement dites se dit pourtant convaincu qu'en matière de prostitution, il est clair qu'une filière organisée existe en provenance du Kosovo, d'Albanie et de Bulgarie (262). M. de Donnéa a par ailleurs demandé à la gendarmerie et à la police de tout mettre en oeuvre pour démanteler ces bandes. Il s'est également entretenu de ce problème avec le parquet, ainsi qu'avec M. Schewebach, directeur de l'office des étrangers.
Toutefois, ajoute le bourgmestre : « la gendarmerie est tellement assaillie de coups de téléphone dénonçant une multitude de choses à la suite de l'installation du téléphone vert ou d'autres dispositifs d'information par le public, qu'elle s'avoue dans l'incapacité d'aller aussi vite qu'elle le voudrait dans l'élucidation de certaines affaires connues mais dont il faut encore démêler les tenants et aboutissants. Donc, des cerveaux peuvent être actifs à Bruxelles. Heureusement, cela ne se traduit pas par des incidents menaçant l'ordre public. Les habitants qui quittent la ville sont préoccupés par ce qu'il est convenu d'appeler la criminalité de rue. C'est la raison pour laquelle j'insiste régulièrement auprès du parquet à cet égard chaque fois que je rencontre le procureur général, un procureur ou un substitut. Finalement, c'est très bien de poursuivre les criminels en col blanc et les escrocs, mais la population est beaucoup plus traumatisée par un arrachage de sac au coin de la rue Lesbroussart ou du Marché-aux-Poissons que d'apprendre qu'un escroc international a commis une fraude à la TVA de plusieurs centaines de millions. La criminalité de rue traumatise la population et alimente le discours de l'extrême droite. Heureusement, je le répète, elle se traduit rarement à Bruxelles par des crimes de sang. Bien sûr, il arrive que quelqu'un soit bousculé ou soit victime d'un carjacking. Les parquets doivent être armés pour poursuivre légalement les auteurs de ces délits. Il est, certes, très important qu'ils puissent élucider les drames d'enfants disparus, démanteler les filières de traite d'êtres humains ou déjouer les escroqueries à portée nationale ou internationale. Cependant, s'occuper uniquement de ces grands problèmes en négligeant « la petite criminalité » aurait un effet dévastateur sur l'équilibre de la société et continuerait à provoquer une poussée de sentiments antidémocratiques. Je suis très clair sur ce point et je répète ce message inlassablement aux autorités judiciaires » (263).
Lors de son audition par la commission, M. Allaert, lieutenant-colonel, chef de la cellule centrale Traite des êtres humains du BCR de la gendarmerie, a fourni des précisions sur le fait que l'on constaterait en région bruxelloise un développement important de la prostitution en provenance des pays de l'Est. Les questions suivantes lui ont été posées : « Ce phénomène peut-il être considéré comme relevant de la criminalité organisée ? S'agit-il de véritables réseaux ou de cas individuels ? Le BCR estime-t-il que la lutte contre ce type de prostitution pratiqué par des personnes en séjour illégal est menée correctement à Bruxelles ? Obtient-on des résultats » ?
M. Allaert a répondu comme suit : « À mon avis, la lutte est menée correctement à Bruxelles, surtout au regard des moyens limités dont dispose la gendarmerie. Toutefois, si l'on considère que la lutte contre la traite des êtres humains constitue la deuxième priorité en Belgique, après la lutte contre la drogue, force est de conclure qu'il faudra réexaminer toute les questions de l'attribution de moyens en personnel et en matériel.
L'on n'a malheureusement aucune vue globale des milieux de la prostitution à Bruxelles et en Belgique. Nous nous efforçons sérieusement de changer les choses, notamment en collaborant à la mise au point d'une circulaire du ministre de la Justice, qui est responsable de l'élaboration de la politique de recherches et de poursuites dans ce domaine.
Sur la base de ce que nous en savons, nous pouvons toutefois dire qu'il y a actuellement une âpre lutte dans le milieu de la prostitution où les souteneurs classiques, naguère des Français, puis des Marocains et des Turcs, se font supplanter par les Albanais, plus précisement des Albanais d'Albanie ou des Albanais du Kosovo.
Ils se disent parfois albanais, parfois albanais kosovars. Nous constatons en tout cas une violence croissante, et ce groupe fait plus qu'exploiter la prostitution de femmes, avec une extrême violence. Ces membres déploient de nombreuses activités connexes, comme l'organisation du transit par la Belgique de Sri Lankais, de Kenyans, etc., à destination du Royaume-Uni. Ils se sont donc solidement intégrés dans le milieu bruxellois » (264).
Une deuxième question beaucoup plus générale, concernant les affaires de pédophilie qui ont secoué le pays et où l'on a beaucoup parlé de l'existence de réseaux, lui a été posée.
À la question de savoir si, selon lui, il existe véritablement des réseaux de pédophilie qu'on peut assimiler à la criminalité organisée et quels sont les moyens dont il dispose pour lutter contre ce fléau, M. Allaert a répondu ce qui suit : « Je tiens tout d'abord à préciser que nous n'avons eu affaire que dans un seul cas à un véritable réseau d'exploitation sexuelle de mineurs d'âge. Au départ, une personne photographiait des enfants de demandeurs d'asile yougoslaves dans un parking de l'agglomération bruxelloise et faisait développer les photos dans un laboratoire spécialisé, du moins, selon ce qu'elle en savait, car ce laboratoire appartenait en fait à un Néerlandais astucieux, qui faisait, par l'intermédiaire d'une boîte postale, de la publicité pour le développement des photos les plus intimes. Il mettait les négatifs sous enveloppe, les déposait au Makro pour les y faire développer et vendait les photos à un prix beaucoup plus élevé que leur prix de revient. L'intéressé procurait les photos à des pédophiles qui utilisaient des enfants dans le monde homosexuel néerlandais, et à des bureaux d'escorte pour mineurs. L'auteur des photos commit, par la suite, la bêtise de conduire des enfants de Bruxelles aux Pays-Bas avec sa propre voiture. À mon sens, il est question d'un réseau organisé à l'échelle internationale, de faits qui ont été commis en Belgique, d'une structure avec des collaborateurs chargés de recruter des enfants, de développer et de diffuser les photos et de racoler des clients.
D'autres dossiers, où l'on constate également la présence de structures en réseau, doivent être situés dans un tout autre domaine, à savoir celui du tourisme sexuel. Pour l'instant, il y a douze dossiers, dont une série ont été préparés. Nous obtenons également des informations de pays tiers, dans lesquels des Belges malhonnêtes jouent un rôle d'organisateur ou abusent d'enfants. C'est pourquoi nous essayons, tant bien que mal, de coopérer avec les services de police locaux des pays concernés. Quand ce n'est pas possible, nous faisons appel à l'ambassade, et, lorsque cela ne fonctionne pas non plus, nous nous adressons aux ONG qui défendent les intérêts des enfants. Les choses sont en mouvement. Au cas où les propositions qui ont été soumises aujourd'hui au Conseil des ministres concernant l'adaptation du principe d'extraterritorialité, la suppression de la double incrimination et la possibilité de poursuivre les suspects à l'étranger lorsqu'on ne parvient pas à les trouver en Belgique, seraient approuvées, nous disposerions d'une marge de manoeuvre et d'une législation développée pour résoudre ces problèmes. En Thaïlande, un agent de police reçoit, en plus de son salaire de 1 000 francs par mois, 2 000 francs pour fermer les yeux lorsque l'on met des enfants à la disposition d'adultes. Je ne dispose d'aucun fonds qui me permettrait de donner par exemple 2 500 francs à cet agent de police pour qu'il m'aide à arrêter là-bas le Belge en question, même si je sais où ce Belge se trouve et qu'il doit encore purger une peine de dix ans en Belgique. Légalement, je ne peux avoir recours à aucun poste budgétaire et nous n'avons pas de caisse noire ! Le manque de moyens financiers nous empêche donc d'arrêter ce genre de personnes. Nous devons travailler avec des partenaires très peu coopératifs, qui sont sous-payés et donc fréquemment corrompus. Nous sommes confrontés à des accords d'extradition dépassés ou qui ne sont pas opérationnels et à des conventions de coopération policière et judiciaire avec l'étranger lors de la conclusion desquelles l'on est intéressé davantage au dîner qu'au contenu de celles-ci. Nous travaillons dans des conditions difficiles, mais la loi sur l'extraterritorialité va changer fondamentalement les choses » (265).
La commission s'est interrogée sur le profil des enfants, victimes de photos ou d'autres faits du même genre. Ces enfants sont-ils livrés par leurs parents ou sont-ils issus de milieux marginaux ? Quel est le type d'enfants victimes de ces méfaits ?
À cet égard, M. Allaert a répondu : « Il est important d'expliquer ce que nous faisons et ce que nous ne faisons pas. Nous n'établissons pas de liste des victimes mineures de délits sexuels, ni en ce qui concerne l'inceste, ni en ce qui concerne les camps de jeunes, les écoles, etc. Nous ne conservons aucune information concernant des délits sexuels qui ne relèvent pas de la criminalité organisée et nous ne pouvons dès lors établir aucun profil en la matière. Ce que nous faisons, c'est tenir compte, même fictivement on l'a vu dans l'affaire Dutroux du fait que certaines formes extrêmes de réseaux peuvent exister. Notre action se limite en l'occurrence à une vigilance qui doit nous permettre de reconnaître certains signaux qui indiquent la présence de tels réseaux. S'il devait y avoir un jour en Belgique de véritables réseaux de trafic d'organes, nous pourrions les intercepter immédiatement. Toutefois, nous ne souscrivons pas aux scénarios catastrophes qui ont circulé à ce propos ces derniers temps. Nous restons réalistes et nous nous contentons de constater (266). »
La ville de Bruxelles est également confrontée à l'exercice d'activités commerciales illicites sur la voie publique telles que l'organisation de marchés nocturnes illicites développés près de la Place du jeu de Balle et impliquant des sujets polonais en séjour illégal (un terme a été mis à ces pratiques et les sujets en situation illégale, expulsés), ou encore l'utilisation de main d'oeuvre pakistanaise clandestine dans certains night-shops et des fraudes aux accises (267).
Monsieur de Donnéa, bourgmestre de Bruxelles, a précisé à ce sujet : « Depuis deux ans, nous faisons tous les quatre ou cinq mois, ou, du moins, deux fois par an, le tour de l'ensemble des magasins de nuit situés sur le territoire de la ville de Bruxelles. J'ai assisté personnellement à pareils contrôles et j'ai constaté que certaines personnes c'étaient des Pakistanais dormaient dans des réduits sans fenêtre ni aération, derrière le magasin. Il s'agit surtout de clandestins, qui ne travaillent évidemment par définition qu'au noir.
Ils vendent de l'alcool qu'ils achètent généralement au Luxembourg. Nous avons pu constater que le cachet des accises luxembourgeoises était encore visible.
L'on visite régulièrement des magasins en collaboration avec la douane, l'inspection du travail et la police des étrangers. Mais la police des étrangers ne dispose pas de moyens suffisants pour éloigner rapidement ces personnes de notre territoire et les renvoyer à Karachi ou à Delhi. »
M. De Donnéa voudrait attirer l'attention sur un des grands problèmes en la matière : les moyens insuffisants dont dispose la police des étrangers pour pouvoir rapatrier rapidement les personnes qui se trouvent manifestement en situation de séjour illégal et se livrent à des activités délictueuses. Je ne parle pas, ici, de l'évacuation de clandestins qui ne commettent pas de véritables délits. La police des étrangers manque de moyens pour pouvoir expulser régulièrement les prostitués hommes ou femmes qui viennent de l'étranger, pour rapatrier les employés de certains magasins de nuit, etc. Je ne préconise pas de politique inhumaine en la matière. Je ne veux certainement pas m'inscrire dans certaines politiques qui recourent au rapatriement par charter, etc. Toutefois, si nous ne pouvons pas renvoyer rapidement chez elles des personnes parfois induites en erreur ou trompées par des négriers, cela continue à alimenter ces filières dans les pays concernés. Il est certain que des filières « amènent » des Pakistanais dans les magasins de nuit, des travestis équatoriens dans les rues de Bruxelles, des femmes bulgares et peut-être même des enfants, mais je l'ignore. Ce qui importe, c'est que la police des étrangers ait les moyens de renvoyer dans leur pays les personnes qui arrivent ici uniquement pour exercer des activités illégales. J'établis une distinction très nette entre les réfugiés économiques qui viennent en Belgique pour essayer de trouver un boulot et se retrouvent ensuite tout à fait désemparés dans les rues ou au Petit-Château, et ceux qui arrivent ici en connaissance de cause non pour demander de l'aide ou pour chercher du travail mais pour exercer une activité délictueuse. Ces personnes doivent être « remballées » chez elles rapidement et la police des étrangers doit disposer de davantage de moyens à cet effet. C'est très important également pour la crédibilité des services de police et donc pour l'opinion publique .(267) »
Bruxelles serait également le cadre d'un phénomène de blanchiment de fonds dans le secteur immobilier. Une instruction est d'ailleurs en cours actuellement, suite à la visite de membres de la Guardia di Finanza et du FBI qui ont pris l'initiative de contacter le parquet de Bruxelles, estimant que le phénomène de blanchiment de fonds dans le secteur immobilier à Bruxelles était d'importance (268).
Le bourgmestre de Bruxelles, M. de Donnéa, remarque également : « Je ne peux pas vous garantir que des cerveaux appartenant à certaines organisations criminelles, dont l'apparence est aussi rassurante que la vôtre ou la mienne, ne sont pas établis sur le territoire de Bruxelles. Nous savons que la société faillie Comuélé, entreprise immobilière qui avait racheté une série d'immeubles sur les boulevards du centre, aurait eu des financements provenant de la mafia russe. Ce genre de criminalité, qui doit bien sûr être combattue, présente l'avantage de ne pas inquiéter la population. Il s'agit d'une criminalité en col blanc qui, sous une respectabilité apparente, se livre à des opérations de blanchiment d'argent ou organise des circuits d'évasion TVA à concurrence de sommes colossales par le biais de réseaux. Il est possible que des organisations de ce genre existent à Bruxelles mais je n'en détiens pas la preuve (269). » « L'affaire Comuélé avait également des ramifications à Anvers. Une banque anversoise a êté prêté inconsidérément de l'argent à ces gens. Si on m'avait demandé des renseignements au préalable, j'aurais pu répondre, sans effectuer aucune étude financière, qu'il ne fallait par leur prêter un franc. La banque a finalement perdu des centaines de millions. C'est regrettable pour les actionnaires de cette banque, mais également pour la ville de Bruxelles. Ce cas a des conséquences urbanistiques très graves. Tous les chancres du boulevard Jacquemain et du boulevard Lemonnier créent évidemment aussi un sentiment d'insécurité. Les gens se demandent pourquoi les pouvoirs publics ne font rien. Allez donc leur expliquer que la ville ne veut pas intervenir dans une procédure de faillite. Tout cela a des répercussions énormes sur le sentiment d'insécurité en ville (270). »
Le commissaire en chef de la police de Bruxelles relève qu'en ce qui concerne le trafic de drogues, il existe des réseaux, notamment des filières provenant principalement des Pays-Bas. « À un certain moment, avec l'aide de la gendarmerie, nous contrôlions c'était du proactif le train venant d'Amsterdam. Je me souviens également que, voici quelques années, nous montions dans le train à hauteur de Malines et procédions à une fouille, jusqu'à la gare centrale, où le train était immobilisé. Des dealers qui avaient constitué une véritable filière entre les Pays-Bas et la Belgique ont ainsi été arrêtés.
Cette criminalité organisée est importante à Bruxelles; fatalement, c'est la capitale. Au fil des années, avec l'expérience que j'ai acquise, j'ai constaté que cette criminalité n'était plus ce qu'elle était auparavant.
En effet, par le passé, en tant que policiers communaux, nous connaissions bien les milieux. Il y avait le milieu belge avec, notamment, Jacques Dewit, qui détenait pratiquement toutes les maisons de débauche à Bruxelles, le milieu français, avec le Petit Robert que nous avions également arrêté à l'époque et qui tenait plutôt les boîtes de nuit du milieu marseillais, situées à l'avenue Louise, etc.
Actuellement, on assiste plutôt à une criminalité beaucoup plus diffuse. La « bande organisée » se crée beaucoup plus rapidement. Mais depuis deux ou trois ans à peine, le parquet de Bruxelles a énormément investi, et je m'en réjouis, en matière de lutte contre cette criminalité. Nous travaillons avec des magistrats « spécialisés » dans la gestion des bandes organisées. Cela a débuté vers les années 1991-1992, car on a fait un léger amalgame entre les émeutes et la criminalité organisée. (...) Quand j'ai fait allusion aux « émeutes », il n'y en a pas eu à Bruxelles à proprement parler. (...) je reçois suffisamment de lettres, de même que mon bourgmestre, et j'assiste à suffisamment de réunions de comités de quartier où il y a des populations d'origine immigrée qui nous demandent elles-mêmes de nettoyer leur quartier de ces bandes, lesquelles, finalement, créent une insécurité uniquement dans un but de lucre. Ces bandes n'ont aucun but social. Des mécontentements de la part de jeunes peuvent effectivement se manifester par des troubles de l'ordre public mais, si nous intervenons d'une manière répressive, ce n'est pas tellement en matière sociale et d'ordre public, c'est plutôt en matière de criminalité. À Bruxelles, entre 60 et 80 % de la criminalité urbaine, c'est-à-dire le vol dans les voitures, l'agression sur des personnes, sont dus, de près ou de loin, à la toxicomanie. C'est là que se situe le noeud du problème. Des gens profitent de nos toxicomanes, tout simplement. En général, le dealer lui-même n'est pas un usager de drogues (271). »
Toujours en ce qui concerne la problématique des drogues, le bourgmestre de Bruxelles, M. de Donnéa, estime également que 70 à 80 % de la criminalité de rue y est liée, directement ou indirectement. « En effet, presque tous les vols avec violence, de GSM, à l'étalage, de sacs à main et beaucoup de car-jacking ont pour but de financer l'achat de la dose de drogue. Beaucoup de drogués se transforment en dealers parce qu'une façon de se faire de l'argent pour sa dose est d'être soi-même dealer. Je n'ai pas d'indications sur l'existence de grands réseaux de « dispatching » de la drogue à Bruxelles. Mais il est certain qu'il existe à Bruxelles comme, malheureusement, dans toutes les villes du Royaume et d'Europe, des ramifications de grands réseaux. Les dealers sont de plus en plus jeunes. Les « patrons » savent que plus l'adolescent est jeune, moins la punition sera longue, ou moins le risque de lui voir infliger une peine de prison est important. Lorsque nous interpellons des consommateurs, nous les dirigeons vers un centre où ils peuvent être aidés et soignés. Nous ne les poursuivons donc pas. Par contre, nous continuons à poursuivre les dealers. Nous avons d'ailleurs démantelé plusieurs réseaux ces derniers mois. En effet, ces réseaux sont souvent associés à de petites bandes qui, par leur présence groupée en rue, créent un sentiment d'insécurité dans certains quartiers. Nous sommes donc très actifs en matière de démantèlement de telles bandes, avec ou sans l'aide de la gendarmerie ou de la police judiciaire.
Toutefois, j'ignore si de grands « cerveaux » internationaux sont établis à Bruxelles. En tout cas, je n'ai pas eu d'indications à ce sujet ces derniers temps. Il est cependant certain que les réseaux importants doivent avoir des correspondants à Bruxelles, comme ailleurs, mais il n'est pas facile de détecter ces personnes qui, en outre, jouissent parfois d'une très grande honorabilité. Vous les fréquentez peut-être, comme moi, dans le cadre de différentes réceptions où nous sommes tous amenés à nous rendre de bonne foi ...(272) »
Interrogé sur la présence de la mafia chinoise dans l'arrondissement de Bruxelles, le doyen des juges d'instruction, M. Bulthé, relate : « Effectivement, on en a beaucoup parlé mais, tout comme le monstre de Loch Ness, je ne l'ai pas vu. J'ai traité des affaires impliquant des ressortissants chinois en matière de faux papiers, de faux permis de travail ... Je me suis évidemment dit que ces cinq ou six personnes s'inscrivaient probablement dans un cadre plus général, sans pour autant que je sois en mesure de faire émerger une structure criminelle (273). » « La présence de triades chinoises est néanmoins formellement reconnue par les magistrats nationaux dans les arrondissements de Charleroi et de Bruges (274). »
Essentiellement confrontée à une criminalité urbaine, la police de Bruxelles essaie « d'agir de manière réactive, principalement en matière de criminalité organisée, et proactive quand il s'agit de toute sa fonction de police administrative et préventive (275). » La police de Bruxelles a ainsi participé au démantèlement de plusieurs réseaux tels que la bande Haemers ou la bande de Mahache qui étaient impliquées dans les attaques de fourgons.
Relevé de quelques affaires liées au crime organisé qui ont été traitées par la police de Bruxelles (276)
Le commissaire en chef de la police de Bruxelles M. Van Reusel, a transmis à la commission l'inventaire suivant :
19 mars 1984 Stupéfiants :
Notre section « stup » a interpellé trois ressortissants vietnamiens en possession de 915 gr d'héroïne pure à la place Reine Astrid à Jette. Deux étaient domiciliés dans la Région bruxelloise, le troisième en Allemagne. L'enquête démontra rapidement que c'était ce dernier qui était venu faire une livraison en utilisant sa voiture, immatriculée en Allemagne. Les trois intéressés ont été condamnés respectivement à 8, 6 et 4 ans de prison. L'affaire a connu une suite en Allemagne où le restant de la même « filière vietnamienne » s'est fait arrêter par le BKA lors d'une nouvelle transaction d'héroïne. Nos collègues allemands avaient entretemps eu vent des arrestations faites à Bruxelles par des écoutes téléphoniques. Le tout a fait qu'un de nos policiers a été appelé à témoigner devant le tribunal régional de Kaiserslautern, le 13 juin 1986, pour le volet qui s'était déroulé à Bruxelles.
28 mars 1986 Banditisme :
Intervention de notre brigade judiciaire au 13 rue Jules De Becker à Koekelberg. Ce service était parvenu à établir qu'à cette adresse se situait le refuge de Maache Hassan (évadé lors de la Saint-Sylvestre) et la base logistique de sa bande, qui était alors soupçonnée d'avoir commis une série d'attaques sur des fourgons blindés, des banques, des supermarchés, etc. Tout un arsenal d'armes (mitraillette, riotguns, armes de poing ...), cagoules et autre matériel fut découvert à l'adresse.
Cette enquête se solda par une condamnation à 12 ans d'emprisonnement pour Maache et à des peines allant de 12 à 8 ans pour ses principaux lieute
nants. Maache s'évadera quelques années plus tard, mais a été repris depuis lors (après de nouveaux exploits).
13 octobre 1986 Banditisme :
Après avoir obtenu un nombre de renseignements sur des attaques de fourgons blindés, nos services procédèrent le 13 octobre 1986 à l'interpellation de Patrick Haemers, Philippe Lacroix et autres suspects. Lors des premières perquisitions, il a notamment été retrouvé : les clés d'un des fourgons attaqués, des armes et 3,3 millions de francs en argent liquide. Des confrontations avec témoins s'avérèrent concluantes. Le lien a de la sorte pu être établi avec plusieurs attaques, dont celle commise à l'aide d'explosifs sur un fourgon de La Poste, qui coûta la vie à deux postiers le 4 novembre 1985 à Verviers. À l'origine, cette attaque avait été imputée aux CCC.
L'enquête Haemers resta entre les mains de la police de Bruxelles, jusqu'à l'évasion sanglante de ce dernier d'un fourgon cellulaire, le 13 août 1987 à Heverlee. C'est en effet à partir de ce moment-là que l'enquête a pris une dimension internationale.
5 mars 1987 Fausse monnaie :
Arrestation de cinq suspects et découverte de 4 688 (faux) billets de 100 dollars US.
11 juin 1987 Stupéfiants :
Notre section stupéfiants interpella 4 suspects avec 1,045 kg de cocaïne, rue Joly à Schaerbeek, lors d'un pseudo-achat. Trois suspects habitaient la région d'Anvers, tandis que le quatrième était domicilié aux États-Unis. Il est apparu dès les premières auditions que la marchandise venait de leur être livrée par un allemand qui a pu être appréhendé quelques heures plus tard, alors qu'il attendait son argent à Anvers. Par la suite, l'enquête a permis de mettre à nu toute une filière de trafic de cocaïne. Dissimulée dans des voitures d'occasion qui étaient acheminées par bateau, la drogue était expédiée à partir de San Francisco vers l'Allemagne d'où la distribution était ensuite organisée. L'intervention en Belgique a été suivie de plusieurs arrestations faites en Allemagne les 26 et 27 janvier 1988 par le BKA et aux États-Unis par la DEA.
1990 Stupéfiants (caché dans des cintres) :
Cette affaire débute par une histoire de coups et menaces. La victime interrogée par notre brigade judiciaire a alors avoué que l'affaire était à situer dans un vaste trafic de cocaïne (cachée dans des cintres) entre la Colombie et la Belgique. Elle-même y avait eu une participation active, avait détourné une partie de la marchandise et s'était dès lors fait passer à tabac (avec simulacre d'exécution) et finalement mettre à l'amende. Comme il s'est rapidement avéré que nos services avaient à faire à une organisation de type mafieux avec des ramifications internationales, il a été fait appel à la Brigade nationale de la Police judiciaire. Le dossier a ensuite été traité en équipe mixte Pol. Brux.-PJP. Un trafic de stupéfiants (Colombie-Belgique-Camora à Naples) qui avait tourné depuis plus d'un an, à raison de dizaines de kilos, a alors pu être demantelé avec arrestations à trois niveaux d'organisation en Belgique (mulets, accompagnateurs et organisateurs pour la Belgique). Il y en a également eu : 1 au Venezuela, 2 en Italie et 1 (colombien) aux États-Unis. Une équipe mixte Pol. Brux.-PJP a notamment exécuté des commissions rogatoires en Hollande, en Italie et au Vénézuéla.
En Belgique, l'affaire s'est soldée par une centaine d'années de prison à partager entre une dizaine de prévenus. Le « repenti » a quant à lui pu bénéficier de l'article 6 de la loi sur les stupéfiants. Il est resté tout au long de la procédure sous la protection de la police de Bruxelles et encore sporadiquement lorsqu'il est allé se réfugier dans une autre région par après.
25 avril 1993 Trafic international de voitures volées :
À la suite d'un contrôle, la Brigade judiciaire est parvenue à arrêter un responsable belge d'un réseau de maquillage et d'exportation de voitures volées au Canada, acheminées via le Luxembourg (homologation) vers la Belgique et la France.
Il a alors été pris d'initiative contact avec nos collègues canadiens avec lesquels un échange d'information s'est fait. Lorsqu'au cours de la suite d'enquête, il a été possible de retrouver, en Belgique et au Luxembourg, une quinzaine de véhicules suspects, les autorités canadiennes ont envoyé deux de leurs policiers en Belgique. Ceux-ci ont été admis dans la procédure belge en tant qu'experts et ont pu établir de façon certaine grâce à leurs connaissances et techniques spécialisées que les véhicules étaient volés et importés par ce réseau.
Lorsque le responsable du réseau au Canada a été traduit devant la justice de son pays, la Cour s'est déplacée de façon officielle en Belgique et a siégé dans les locaux de la police de Bruxelles pour y entendre un nombre de témoins.
8 juillet 1996 Organisation d'immigration illégale à l'aide de faux documents :
Cette enquête part des informations recueillies par un policier du service de garde, comme quoi depuis 1994 un grand nombre de ressortissants brésiliens séjournaient illégalement dans la région de Bruxelles et plus particulièrement à Anderlecht, sous le couvert de fausses pièces d'identité portugaises. Le mot d'ordre était le suivant : à partir du Brésil, argent (700 à 1 500 dollars par document) et photos de « clients » étaient envoyés au Portugal, où des délégués locaux recrutaient des nécessiteux nationaux pour déclarer (contre rémunération) la perte de leurs papiers (CI ou passeport). En ayant obtenu de nouveaux documents, ils cédaient les papiers prétendument perdus à leurs commanditaires, qui les faisaient trafiquer (photos...) avec la complicité d'avocats et membres de l'administration portugaise. Ainsi modifiés, les documents étaient alors expédiés par la poste à Bruxelles, où ils étaient distribués à leurs nouveaux titulaires qui n'avaient plus qu'à y apposer leur empreinte. Les intéressés se servaient ensuite de ces faux pour obtenir des documents de séjour authentiques (attestations d'immatriculation) afin de pouvoir bénéficier de l'aide du CPAS, chômage et même faire des emprunts à la banque.
Un des organisateurs à Bruxelles ayant pu être localisé, avec l'accord du magistrat instructeur, son courrier fut surveillé par la Poste. Ceci a permis d'intercepter un lot de fausses cartes d'identité portugaises et l'interpellation de l'organisateur. Il a été placé sous mandat d'arrêt, après aveux partiels. Ceci donna lieu en date du 10 juillet 1996 à une vaste opération, en collaboration avec la police d'Anderlecht. Une dizaine de perquisitions ont été effectuées, avec interpellation de 32 Brésiliens, dont une bonne partie a dû quitter le territoire.
25 juillet 1996 Faux + escroqueries, recel, chèques...
L'enquête précédente a abouti indirectement à un second dossier du même type, qui a permis de procéder au démantèlement d'un véritable atelier du parfait faussaire (matrices d'impression, sceaux communaux, appareil à plastifier, etc. récupérés). Dans ce cas-ci, les faux paraissent avant tout avoir servi à l'écoulement de chèques volés. Ces deux enquêtes suivent toujours leurs cours.
1.2.2.5. Arrondissement de Charleroi
La criminalité organisée telle qu'elle est détectée dans l'arrondissement judiciaire de Charleroi est active dans le domaine des stupéfiants, de la traite des êtres humains (dans le secteur horeca), du trafic de cigarettes, de la fraude aux subsides européens (dans le secteur textile), de la fraude fiscale (dans le secteur pétrolier), des hold-up et des attaques de fourgons. Le procureur du Roi relève en outre que les réseaux de traite des êtres humains et les salles de jeux clandestines sont encore à étudier.
Cet arrondissement, tout comme l'ensemble du sud du pays, est aussi particulièrement touché par le trafic de véhicules volés. Cette activité donne lieu à un nombre important d'infractions telles que vols, recels, faux et usages de faux, fraude à la TVA, fraudes douanières, etc., mettant en présence des acteurs sur tout le territoire (voleurs spécialisés, fournisseurs de documents contrefaits, garagistes intermédiaires, qui sont autant de personnes spécialisées travaillant pour des fournisseurs répartis à travers le pays).
Outre les activités mentionnées ci-avant, le parquet de Charleroi est également confronté à des opérations de blanchiment mettant en oeuvre diverses techniques telles que le change de devises, les casinos, les plus- values sur actions, les fausses factures ou encore l'achat de patrimoines immobiliers (achat d'actions de sociétés avec plus-values ou investissement immobilier dans le pays d'origine, notamment en Turquie).
Le commissaire général aux délégations judiciaires, M. De Vroom, relève également la présence, dans l'arrondissement de Charleroi, de familles turques impliquées dans le trafic de stupéfiants via la route des Balkans, de même que de la mafia italienne (surtout présente dans le sud du pays et, plus particulièrement dans la région de Charleroi) principalement active en matière d'immobilier, d'entrepreneurs et de trafic de drogue. La région de Charleroi est « probablement, à l'heure actuelle, une des régions les plus criminogènes de Belgique (277) ». Cette analyse semble être confirmée par les magistrats nationaux qui relèvent notamment que le ressort de la cour d'appel de Mons est celui qui utilise le moins les techniques spéciales d'enquête, ou encore que l'arrondissement de Charleroi est également celui qui est le plus touché par le vol de voitures (278).
Les organisations détectées, d'ampleur bien souvent nationale, voir internationale, ne sont implantées que partiellement dans l'arrondissement de Charleroi. Des ramifications sont constatées tant dans d'autres arrondissements qu'à l'étranger. Il en est ainsi notamment en ce qui concerne un dossier impliquant une triade chinoise. Un dossier identique est également instruit à Bruges. M. Vandoren, magistrat national, a déclaré : « Nous avons finalement pu prouver l'existence d'un trafic lié à la traite des êtres humains, consistant à recruter de la main-d'oeuvre bon marché en Chine, à l'amener par le Transsibérien jusqu'à Moscou d'où elle repart pour la Slovaquie et quelques autres pays de l'ex-bloc de l'Est avant de débarquer chez nous. Les enquêtes ont été menées à Bruges et à Charleroi, parce que ces villes sont des plaques tournantes importantes et que l'on a pu y retrouver les principaux auteurs. Nous devons toutefois souligner que cette affaire nous a conduits à effectuer des perquisitions et des contrôles sur tout le territoire belge, dans divers restaurants (279). »
1.2.2.6. Arrondissement de Courtrai
Pour le procureur du Roi de Courtrai, aucune véritable organisation criminelle n'est à signaler dans son arrondissement. Tout au plus peut-on parler de criminalité grave. Des affaires liées au secteur des hormones sont néanmoins relevées, mais celles-ci ne concernent que des dossiers individuels.
1.2.2.7. Arrondissement de Termonde
Les principales activités des organisations criminelles rencontrées dans l'arrondissement judiciaire de Termonde sont le trafic de drogue, le trafic de fausses monnaies, le trafic d'hormones et le trafic de véhicules volés. Le secteur horeca est également marqué par la traite des êtres humains, tandis que des professions libérales sont impliquées dans des activités de blanchiment.
1.2.2.8. Arrondissement de Dinant
En se référant à la définition de la criminalité organisée telle qu'elle résulte des circulaires ministérielles relatives d'une part à la collaboration et à la coordination entre les services de police en ce qui concerne les missions de police judiciaire et d'autre part, à la recherche proactive, le procureur du Roi de Dinant relève que la criminalité organisée dans son arrondissement se rapporte au trafic de véhicules volés et au secteur des hormones.
En ce qui concerne le trafic de véhicules volés, outre le grand nombre de véhicules volés, maquillés et revendus, cette criminalité se double généralement d'escroquerie à l'assurance, de recel et de fraude à la TVA. Le traitement de ces dossiers est rendu particulièrement complexe du fait que les véhicules sont fréquemment revendus à l'étranger, ce qui complique les recherches et entraîne des retards considérables de telle sorte que les auteurs doivent presque toujours être remis en liberté avant le jugement. Cela leur permet de replonger dans cette activité criminelle très rémunératrice, les sanctions ne suffisant pas à y mettre fin. Le procureur du Roi relève également que les organisations criminelles impliquées dans cette activité sont souvent implantées dans l'arrondissement voisin de celui de Charleroi.
Les organisations criminelles détectées et actives dans le secteur des hormones (trafic d'hormones et vente de bétail ainsi engraissé) sont quant à elles souvent implantées en Flandre. L'enquête en cours dans ce domaine, et dont les ramifications dépassent largement l'arrondissement de Dinant, n'a pas encore permis de démonter entièrement le mécanisme mis en place.
1.2.2.9. Arrondissement d'Eupen
L'arrondissement judiciaire d'Eupen, seul arrondissement germanophone de notre pays, borde les frontières luxembourgeoise, néerlandaise et allemande. Selon le procureur du Roi, cette situation géographique explique pourquoi cet arrondissement a été confronté à la criminalité liée à la drogue, à la traite des êtres humains, au trafic d'armes, au vols de voitures et aux vols avec effraction par des bandes organisées venant de l'ancien bloc de l'Est. Plusieurs de ces bandes peuvent être qualifiées d'organisations criminelles. Il est frappant de constater que l'on n'a utilisé aucune technique spéciale d'enquête contre ces organisations.
La lutte contre la criminalité organisée dans l'arrondissement d'Eupen souffre en tout cas du fait que le cadre du parquet local n'est rempli qu'à moitié. Deux des quatre emplois sont vacants depuis déjà plus de deux ans. Dans ces circonstances, le procureur du Roi et son premier substitut sont pour ainsi dire dans l'impossibilité de prendre des initiatives en vue de lutter contre la criminalité organisée. Le parquet s'efforce malgré tout d'endiguer cette criminalité en restant en contact étroit avec les arrondissements judiciaires belges voisins et les autorités judiciaires du Grand-Duché de Luxembourg, des Pays-Bas et de la République fédérale d'Allemagne. Le parquet tente également de dissuader les bandes organisées en menant des actions policières ciblées de grande envergure et en mettant des suspects en détention.
1.2.2.10. Arrondissement de Gand
Selon le procureur de Gand, l'arrondissement judiciaire de Gand est particulièrement confronté au trafic de drogue organisé par le milieu turc, aux bandes organisées des pays de l'Est spécialisées dans le vol, au trafic d'êtres humains (principalement des femmes d'origine bulgare) et à la problématique des mariages de complaisance ainsi qu'aux opérations de blanchiment.
1.2.2.11. Arrondissement de Hasselt
Les principales activités criminelles perpétrées par des organisations criminelles détectées dans cet arrondissement concernent le trafic de drogue, le trafic de véhicules volés, le trafic d'êtres humains (des femmes essentiellement), les mariages fictifs et les carrousels TVA.
L'arrondissement judiciaire d'Hasselt est un arrondissement frontalier (avec les Pays-Bas), ce qui n'est pas sans influence sur le trafic de drogues qui constitue la principale problématique liée à la criminalité organisée. Selon le procureur du Roi de cet arrondissement, la même remarque est valable également pour le trafic d'hormones. Une enquête impliquant les deux pays frontaliers est d'ailleurs en cours.
Le rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997 précise également qu'une enquête impliquant la criminalité organisée italienne a été menée dans cet arrondissement. Active dans le trafic d'armes et de stupéfiants ainsi que les faux papiers, cette organisation utilisait une pizzeria pour cacher des personnes recherchées en Italie.
Si l'on n'a souvent pas réussi à mettre à nu en détail les techniques que le milieu utilise en vue de blanchir de l'argent et, de manière plus générale, pour dissimuler le produit de ses activités, c'est par manque d'effectifs et de savoir-faire. Les organisations visées ont généralement des ramifications en dehors de l'arrondissement, ce qui empêche parfois de déterminer où elles ont leur base.
1.2.2.12. Arrondissement de Huy
Le parquet de Huy est confronté, en matière de criminalité organisée, à des infractions liées aux stupéfiants ainsi qu'à des agressions graves sur les personnes (transporteurs de fonds ou de biens). Sont également citées par le procureur du Roi, les activités se rattachant au trafic de véhicules volés. Les organisations détectées ne sont, à quelques exceptions près, généralement pas implantées dans l'arrondissement de Huy et possèdent des ramifications dans d'autres arrondissements, voire à l'étranger. Ces ramifications sont souvent difficiles à établir et à prouver. Caractérisées par une grande mobilité de leurs membres, ces organisations ne sont bien souvent touchées par la justice que via les exécutants. Les « décideurs » ne sont que difficilement interceptés.
1.2.2.13. Arrondissement de Liège
Selon le commissaire en chef de la police de Liège, M. Delrez, « il est évident que, par son importance et sa situation géographique, la ville de Liège présente un profil favorable au développement d'une criminalité organisée. D'autant plus que les moyens de communication existants sont assez développés. Et, assurément, l'ouverture vers les pays de l'Est et l'état de guerre qu'a connu l'ex-Yougoslavie ont amplifié le problème d'une manière considérable. De ce fait, les forces de police ont été confrontées à ce phénomène, et la police urbaine de la ville de Liège, bien qu'à vocation locale il convient de le souligner et avec les moyens dont elle peut disposer, a pris une certaine part à la confrontation avec ce type de criminalité. (280) »
À Liège, c'est la mafia des Balkans, « vraisemblablement gérée par la mafia russe (280) qui semble notamment active. La présence de la mafia russe dans l'arrondissement de Liège est également confirmée par le procureur du Roi de cet arrondissement, ainsi que par les magistrats nationaux » (281).
En 1995, des Albanais et des ressortissants de l'ex-Yougoslavie, souvent en situation illégale, s'alliaient avec des Turcs déjà présents à Liège. Ils étaient actifs dans le secteur horeca du centre ville (dans le « Carré ») en rackettant, en prenant des emplois de « sorteurs » ou d'hommes à tout faire, en faisant usage d'armes à feu, d'extorsion, d'intimidation ou de vols avec violence. La condamnation du sieur Servet avait permis de mettre un terme aux activités de ce groupe. Mais selon la police communale, ce milieu referait surface dans le secteur des salles de jeux : « selon nos sources et nos informateurs, il semble que le milieu ressorte un tant soit peu de sa torpeur toute relative et prenne à nouveau pied, non plus dans le secteur horeca, mais dans le milieu des salles de jeux, notamment deux salles qui viennent d'être ouvertes rue Louvrex et au pont d'Avroye. Concevoir qu'un blanchiment d'argent s'opérerait via ce moyen n'est pas à exclure. Toutefois, le constat ne s'établit encore sur aucun fait objectif, mais uniquement par déduction et relations entre personnes. (282) »
Liège était aussi le cadre de trafics de voitures internationaux, soit comme lieu de vol, soit comme lieu d'entreposage momentané de véhicules haut de gamme dérobés notamment dans la péninsule ibérique et devant trouver acquéreurs en Pologne, en ex-URSS et même en Afrique. Ce trafic était l'oeuvre d'Africains du Nord travaillant dans des garages privés et aujourd'hui condamnés.
Le secteur de la traite des blanches est à mentionner aussi à propos de la ville de Liège. Selon le rapport de la commission spéciale de la Chambre sur la traite des être humains, tout porte à croire qu'il existe de véritables réseaux de prostitution affectant la région liégeoise. Une « filière luxembourgeoise » est ainsi dénoncée, impliquant des ressortissants des pays de l'Europe de l'Est et d'Amérique latine, et organisée à partir du Luxembourg (283). Les autorités de police liégeoises déclarent « contrôler les mouvances dans ce milieu de prostitution établie » en interaction avec les brigades judiciaires d'Anvers et de Seraing (284).
Toujours dans le domaine des moeurs, mais cette fois en matière d'abus sexuels et de pédophilie, une nouvelle criminalité semble également s'organiser sur les réseaux de communication informatique, à savoir sur Internet.
Le commissaire en chef de la police de Liège déclare : « Une criminalité organisée a également été démontrée chez les gitans. Des adultes provenant d'autres régions, surtout d'Allemagne, déposaient les enfants en ville avec mission de faire l'aumône mais, surtout, de dérober des valeurs dans des habitations, même parfois lorsque les occupants étaient présents. Il est à noter que ce problème est cyclique et est en partie endigué par un contrôle anthropométrique et, surtout, un examen dentaire pointu de ces enfants interceptés qui se font souvent passer pour des mineurs » (282).
D'après les déclarations de M. Delrez, il se trouverait également à Liège, à l'instar d'autres métropoles européennes, une « tête de pont, voire une passerelle pour un groupe mafieux provenant d'ex-Yougoslavie. Si nous ne pouvons l'affirmer, il n'est pas exclu que ce groupe soit l'une des tentacules de la pieuvre citée précédemment. Des confidences dignes de foi ont précisé que la tête oeuvrerait à partir de Cologne. Des exactions seraient commanditées à tel endroit. Une fois réalisées, le ou les auteurs seraient acheminés vers l'une des métropoles, à l'antipode bien entendu, aux fins de « se refaire une santé ». En étroite collaboration avec la gendarmerie, il a été démontré que des établissements tels que « L'étoile du Sud » et le café « À l'Italia » correspondaient à ce genre de refuge. Les nombreux contrôles et opérations effectués par les deux services, tantôt isolément, tantôt conjointement, ont permis de découvrir des sujets de ce type dépourvus, bien entendu, de tous documents d'identité et, dès lors, difficiles à identifier. Nous avons quand même pu obtenir quelques renseignements, les déférer au parquet et la situation a quelque peu pu rentrer dans l'ordre. Finalement, les établissements ont été frappés d'arrêt de fermeture par l'autorité administrative (285). »
Le commissaire en chef de la police de Liège ajoute encore : « Enfin, chargés d'enquêtes par le parquet en matière de mariages mixtes, il est apparu que les organisations existaient bel et bien aux fins de permettre à des sujets originaires principalement d'Afrique de s'établir en notre Royaume en épousant des autochtones. De fait, sur la base du travail effectué par la section des étrangers de la brigade judiciaire, certains mariages ont été annulés. Malheureusement, la quantité d'enquêtes a fait en sorte que ladite section n'oeuvre quasiment plus que sur ce type de dossier, devant laisser de côté les aspects de pénétration, d'intrusion, de séjours illégaux, des milieux étrangers dans la cité (285). »
À noter que ni le parquet, ni le parquet général, ni la gendarmerie, ni la police communale ou judiciaire, ni personne d'autre n'ont, à aucun moment, informé le bourgmestre sur la criminalité organisée à Liège (286). Le bourgmestre, M. Dehousse, distingue trois types de criminalité organisée : « Si l'on s'en tient strictement aux termes, à partir du moment où deux personnes préparent un cambriolage, il s'agit de criminalité organisée. Manifestement, ce n'est pas cela qui intéresse votre commission. À l'inverse et à l'opposé, il peut s'agir de la définition américaine de l'Organised Crime, soit une association sur un territoire aussi étendu que possible, dans le but de créer une action délinquante permanente, voire multiforme. Il s'agit alors bien d'une organisation criminelle et on est confronté notamment au problème de la ou des mafia(s). Entre ces deux extrêmes se situent des niveaux d'organisation moins complets que le crime organisé dont je viens de donner la définition, mais qui sont beaucoup plus que la simple association de fait. Il s'agit d'associations plus durables, dont je trouve la trace dans l'organisation de bandes de jeunes, de bandes brutales, prônant par exemple la violence dans le sport et, bien entendu, dans la drogue. À cet égard, il existe une organisation, à plusieurs niveaux, dont on trouve la trace dans la vie de tous les jours.
En ce qui concerne le crime organisé de type mafieux, aucun rapport particulier ne m'a été communiqué par la police. Aucun problème extérieur ne s'est posé qui m'ait conduit à solliciter la police en ce sens, sauf de manière fractionnelle. En effet, comme le commissaire en chef a eu l'occasion de vous l'expliquer, des règlements de compte ont eu lieu dans certains cafés tout à fait typés. C'est la police qui s'en occupe. Il n'y a pas eu lieu que le bourgmestre donne des directives. On ne lui en a pas demandé et il n'a pas éprouvé le besoin d'en transmettre. Je précise d'emblée que des signes alarmants ne sont pas apparus non plus au travers des contacts avec la gendarmerie. En deux ans et trois mois, nous nous sommes trouvés devant des incidents ponctuels qui, dans certains cas, pouvaient être liés notamment à la rupture intervenue en 1989. En effet, l'effondrement du mur de Berlin, s'il a eu des effets éminemment positifs dans certains domaines, a également eu des effets négatifs dans le domaine qui nous occupe. Nous avons assisté à une invasion de Slaves. Les événements des Balkans ont également généré des problèmes particuliers. Toutefois, en ce qui concerne la gestion de ces problèmes, le commissaire en chef et moi-même n'avons éprouvé le besoin d'intervenir qu'au cas par cas (287). »
Pour le reste, le procureur du Roi de Liège dit être confronté à de la criminalité dans tous les secteurs, criminalité qui, « si elle nécessitait une certaine intelligence de la part des auteurs », ne relevait pas pour autant « d'une organisation du crime ». Ce point de vue semble partagé par M. Dehousse qui, en matière de trafic de drogue par exemple, parle de plusieurs réseaux de drogues, d'un certain fourmillement « mais (...) celui-ci n'indique pas une conception générale, fortement structurée, (...), mais bien un mouvement beaucoup plus multiforme, ce qui n'exclut pas l'existence de dealers plus ou moins organisés (286) ».
Si le travail réalisé par la police communale de la ville de Liège semble efficace en matière de lutte contre la criminalité organisée, le commissaire en chef, M. Delrez, précise que ses efforts sont surtout axés sur la criminalité urbaine. Selon M. Delrez, « il est plus important d'assurer l'ordre public, la tranquillité, la sécurité au sein de la ville, que d'entamer des enquêtes à la suite d'un hold-up ou d'une agression, ou d'identifier des gens venant de Milan, avec un relais à Charleroi ou à La Louvière, alors que l'enquête nous échappera rapidement. Au niveau de la direction de la police, nous avons toujours eu conscience du fait que nous étions une police urbaine qui devait rester à sa place, même si elle est élaborée, organisée. Elle ne doit pas outrepasser les limites de son territoire, entrer dans les créneaux qui sont ceux de services de police plus spécialisés, telles que la police judiciaire, les BSR qui ont des compétences territoriales plus importantes (288). »
Selon le même témoin, la ville de Liège est en effet confrontée à une « organisation de la criminalité au sein de la ville, notamment en matière de toxicomanie. Il n'est nullement nécessaire de rappeler la problématique d'un quartier très chaud à Liège, qui s'appelle Cathédrale Nord, où sévissent des bandes organisées qui développent une criminalité urbaine certaine, notamment en matière de stupéfiants, de prostitution et de racolage, deal, vol simple et vol qualifié (289) ». En matière de drogue, les autorités judiciaires de l'arrondissement de Liège ne poursuivent que le commerce de drogue en provenance essentiellement de Maastricht. « Les acteurs de la vie communale sont condamnés à lutter contre les effets d'un phénomène sans pouvoir en maîtriser les causes, qui ne sont pas communales (290) ».
« En matière de racket, il est apparu que des groupes de jeunes, prenant exemple sur leurs aînés, probablement, sévissaient dans les écoles et posaient de sérieux problèmes. Nous avons trouvé des solutions en la matière. Par contre, nous sommes confrontés à la problématique des pickpockets qui sévissent au centre de la ville. Plusieurs d'entre eux ont été identifiés lors des campagnes qui ont été organisées. Nous nous trouvons devant des organisations comprenant des gens qui proviennent de milieux français, brésiliens et nord-africains (291). »
1.2.2.14. Arrondissement de Louvain
L'arrondissement judiciaire de Louvain est confronté à une série d'aspects de la criminalité organisée liés tant à sa manifestation (locale) qu'à l'organisation en tant que telle.
La manifestation :
1. Plusieurs hold-up graves (p.ex. les transports de fonds Brink's Ziegler au GB de Korbeek-Lo, GMIC sur l'échangeur E40-A2).
2. Effractions avec circonstances aggravantes dans des habitations (y compris les effractions visant manifestement un véhicule de luxe). Géographiquement, ce phénomène se concentre essentiellement dans la périphérie bruxelloise (Tervueren, Kortenberg).
3. Effractions systématiques dans les maisons communales et les bureaux de police.
4. Vols de voitures trafic de véhicules volés.
5. Cambriolages organisés de conteneurs.
6. Trafic de drogue (à grande et à petite échelle, principalement localisé à Louvain et dans la région Diest-Aarschot, le long de la frontière limbourgeoise).
7. Traite des êtres humains (notamment les Sikhs et les Indiens) et traite des femmes.
8. Hormones.
9. Extorsions, fraudes et faillites frauduleuses organisées et opérations de blanchiment d'argent par le biais de firmes ou sociétés que l'on crée pour finir par les laisser tomber en faillite.
10. Jeux selon le modèle de la pyramide.
L'organisation en tant que telle
La criminalité dont le parquet de Louvain a connaissance dépasse presque toujours les limites de l'arrondissement judiciaire et les limites du territoire belge. Le parquet est bien sûr confronté à des manifestations locales (par exemple, vols de voiture et trafic de drogue) et à des personnes qui, soit commettent des délits dans l'arrondissement judiciaire soit y sont domiciliées, soit qui y séjournent. La région de Diest-Scherpenheuvel héberge plus que d'autres des criminels qui l'utilisent comme base opérationnelle ou terrain d'action. L'on constate cependant post factum qu'en ce qui concerne la criminalité lourde, seuls 10 % des délits sont commis au sein de l'arrondissement judiciaire de Louvain. Il faut noter, pour le reste, que certains individus ont formé des bandes dans le but de commettre des vols avec effraction dans les maisons communales et dans les habitations de particuliers, mais que ces bandes ne correspondent pas entièrement à la définition de la criminalité organisée.
1.2.2.15. Arrondissement de Marche-en-Famenne
Le procureur du Roi de Marche-en-Famenne déclare avoir été amené à constituer deux dossiers relatifs au crime organisé, le premier relatif à des placements immobiliers importants, le deuxième lié à l'utilisation des systèmes bancaires et à la constitution de sociétés-écran. Les secteurs ainsi touchés par le crime organisé dans l'arrondissement de Marche-en-Famenne sont essentiellement le secteur bancaire, les sociétés d'import-export et les professions libérales, utilisées à des fins de blanchiment d'argent en provenance d'Italie et des Pays-Bas. Implantées dans l'arrondissement, mais aussi dans d'autres, et à l'étranger, les organisations procédaient à l'achat de patrimoines immobiliers importants et à des mouvements financiers en vue de blanchir l'argent.
1.2.2.16. Arrondissement de Malines
Le procureur du Roi de Malines signale être dans l'impossibilité de réaliser une approche des infractions liées au crime organisé dans son arrondissement, par manque de moyens financiers et être dans l'impossibilité, dès lors, de procéder à la moindre analyse criminelle. Trois secteurs particulièrement touchés par la criminalité organisée dans cet arrondissement peuvent néanmoins être cités : le secteur bancaire, le secteur des hormones et le secteur des armes.
Dans une affaire, on a enquêté sur des faits de faillite, d'escroquerie, d'abus de confiance, de faux en écriture, d'insolvabilité frauduleuse et d'association de malfaiteurs, dans le cadre desquels on a utilisé des structures commerciales et exercé une influence sur les entreprises et les médias, notamment en créant une structure de holding élaborée, en tissant un réseau de firmes de gestion en Belgique et à l'étranger, en siphonnant les fonds d'une société de financement existante, en mettant sur pied une société privée de placement et en procédant à des publications dans des magazines spécialisés.
Une instruction a été ouverte sur le blanchiment, par l'intermédiaire d'une société de bourse, de millions en provenance de koffieshops néerlandais dont le chiffre d'affaires annuel global est estimé entre 1,5 et 2 milliards. L'instruction a été axée sur l'incrimination de blanchiment d'avantages patrimoniaux illicites, en tant qu'activité subsidiaire intégrée d'un groupement criminel organisé. La méthode de blanchiment utilisée en l'espèce consistait en une série d'opérations manuelles de change dans des sociétés de bourse locales. Il s'agissait d'activités d'un groupement criminel moyennement organisé. L'approche axée sur le patrimoine a permis de se forger une bonne idée du fonctionnement et de l'ampleur de l'organisation.
On a également enquêté sur le blanchiment d'argent en provenance du trafic de stupéfiants par l'intermédiaire d'un réseau international de sociétés. Une organisation criminelle organisée à l'échelle internationale fait appel à des habitants de roulottes pour blanchir de l'argent d'origine criminelle. L'organisation recourt aux menaces et aux violences ou tentatives de violence, notamment vis-à-vis de magistrats belges et néerlandais.
Les montages sérieux conçus par des « liquidateurs professionnels » est une autre forme de criminalité organisée. Des collaborateurs partent à la recherche d'entreprises en difficulté. On élabore alors un système dans lequel moyennant une solide rémunération les actifs sont transférés à une autre société qui reprend l'activité de l'ancienne. Celle-ci est alors mise en liquidation. Les liquidateurs font écran entre les administrateurs et leurs créanciers. À la fin, on laisse l'ancienne société sombrer dans la faillite et le curateur ne trouve plus aucun actif mais seulement une montagne de dettes.
On a également pu se faire une idée du fonctionnement d'une organisation criminelle chilienne. On a confié à la police judiciaire l'ensemble de l'enquête de blanchiment dans le but d'axer celle-ci sur le patrimoine et de frapper l'organisation criminelle dans sa structure financière. Cette méthode a permis d'acquérir une bonne compréhension de la structure de l'organisation, de sa structure de décision, de son fonctionnement et de son ampleur, de sa répartition du travail ainsi que de la forme d'organisation adoptée. Il s'agissait en l'espèce d'un groupement criminel organisé au niveau international, dont l'une des activités subsidiaires était le blanchiment d'avantages patrimoniaux illicites par smurfing .
Enfin, on a mené une enquête sur la provenance et le transport d'un chargement d'anhydride d'acide acétique (un précurseur servant de matière première dans la fabrication de l'héroïne). Le réseau criminel, qui avait des ramifications aux Pays-Bas, en Turquie et en France et qui assurait ce transport, a été démasqué. Il s'est avéré que les criminels belges impliqués dans cette affaire avaient presque tous des liens avec l'organisation qualifiée de « maffia des hormones ».
1.2.2.17. Arrondissement de Mons
Selon le procureur du Roi de l'arrondissement de Mons, bien que la criminalité organisée fasse partie de ses préoccupations, aucune organisation criminelle, aucune véritable structure de criminalité organisée n'a, à ce jour, été signalée dans son arrondissement. Il est cependant fait état de l'activité d'associations de malfaiteurs agissant dans le secteur des hormones, dans celui des armes, et dans celui du trafic de voitures. Des professions libérales ont également été impliquées dans certaines affaires.
Au niveau de la cour d'appel, le procureur général de Mons a créé la cellule C10 chargée de lutter contre la criminalité organisée italienne. C'est notamment dans le cadre de cette cellule que se développe le projet BICOT visant à étudier l'influence du milieu italien (292).
Un indicateur de l'approche de la criminalité organisée dans les différents ressorts du pays peut se déduire de l'usage qui est fait de certaines techniques spéciales d'enquête. La technique du pseudo-achat, par exemple, a été utilisée dans les ressorts des cours d'appel, principalement de Bruxelles et d'Anvers, ensuite de Gand et enfin de Liège et de Mons (293). Un membre s'est étonné du peu d'usage qui était fait de cette technique dans le ressort de la cour d'appel de Mons alors qu'apparemment, c'est l'endroit le plus crimogène du pays. Le magistrat national déclare à ce sujet : « L'année dernière, nous avons organisé à Mons une réunion entre les différents services de police, précisément dans le but de les mettre en évidence et d'attirer l'attention sur eux. Il est un fait qu'à divers endroits, l'utilisation des techniques spéciales d'enquête est inversement proportionnelle aux chiffres de la criminalité (292). »
1.2.2.18. Arrondissement de Namur
Le parquet de Namur est confronté, essentiellement, à une criminalité dans le secteur des voitures impliquant des vols, du recel, des escroqueries à l'assurance, des carrousels TVA et du blanchiment. Compte tenu des moyens dont il dispose, le parquet de Namur qui ne compte que de deux juges d'instruction, n'est, selon le procureur du Roi de Namur, pas en mesure de faire face efficacement à ce type de criminalité.
1.2.2.19. Arrondissement de Neufchâteau
Bien que non implantées dans l'arrondissement de Neufchâteau, des organisations criminelles y ont été détectées. Ces organisations, qui avaient des ramifications dans d'autres arrondissements, voire à l'étranger, opéraient dans le secteur des armes et le secteur bancaire, les réseaux de pédophilie, le terrorisme et les trafics internationaux, notamment de véhicules.
1.2.2.20. Arrondissement de Nivelles
Le parquet de Nivelles est, depuis 1983, confronté à des affaires de grand banditisme (hold-ups de grandes surfaces, de bureaux de postes, d'agences bancaires, attaques de transports de fonds) qui se caractérisent par une préparation minutieuse. D'autres affaires « ressortissant de toute évidence à la criminalité organisée » ont également pris cours dans cet arrondissement : affaire dites des tueries du Brabant, affaire Mendez.
1.2.2.21. Arrondissement d'Audenaerde
Selon le procureur du Roi, la criminalité organisée n'existe pratiquement pas dans son arrondissement. Il n'a pas connaissance d'une infiltration éventuelle des secteurs économiques licites dans son arrondissement. Il a donc déclaré que la lutte contre la criminalité organisée ne retenait pas beaucoup son attention. C'est la raison pour laquelle, au cours de la période 1994-1997, on n'a pas utilisé d'informateurs, ni recouru aux techniques spéciales d'enquête. Le procureur du Roi n'a pas pu fournir d'informations sur une éventuelle recherche proactive.
Pourtant, le rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997 relève qu'une organisation impliquant principalement des tsiganes a pu être démantelée dans la région d'Audenaerde. Cette organisation active dans le trafic d'antiquités et d'oeuvres d'art, est connue pour des faits similaires dans d'autres pays tels que la France, la Suisse, l'Espagne et l'Italie. Le total des gains estimés pour les cas connus à ce jour en Belgique s'élève à environ 200 000 000 de francs.
1.2.2.22. Arrondissement de Tongres
Directement lié à sa situation géographique qui lui fait partager ses « frontières » avec les Pays-Bas et l'Allemagne, l'arrondissement de Tongres est principalement confronté au trafic de drogues et au blanchiment d'argent orchestrés à partir des Pays-Bas.
L'on peut affirmer globalement que les cerveaux de ces bandes vivent généralement aux Pays-Bas, où ils mènent un train de vie fort luxueux, entourés de gardes du corps. Ils s'y sont faits exploitants de commerces, ou gérants de firmes etc., toujours pour dissimuler leurs activités criminelles et blanchir de l'argent venant du trafic de drogue. Ils ont plusieurs personnes à leur service, par exemple des courriers qui s'occupent des transports d'argent, des contacts qui servent d'intermédiaires entre eux ou les dirigeants et les passeurs ou transporteurs, des locataires d'entrepôts, etc. L'on constate, dans le cadre des enquêtes sur les faits connus au sein de l'arrondissement judiciaire de Tongres, que cette dernière catégorie de personnes réside généralement dans l'arrondissement même.
1.2.2.23. Arrondissement de Tournai
Le procureur du Roi de Tournai a fait savoir : « Actuellement, la lutte contre la criminalité organisée ne figure pas au rang des préoccupations essentielles du parquet. » En l'occurrence, aucune initiative particulière n'a été prise en cette matière. Les préoccupations prioritaires, telles qu'elles ont notamment été définies au sein de la concertation pentagonale locale, sont liées à la sécurité des citoyens dans la vie quotidienne. Au sein de cette problématique générale de sécurité quotidienne, le parquet de Tournai est confronté à une criminalité préoccupante en matière de stupéfiants, à laquelle des réponses ponctuelles sont apportées. C'est essentiellement dans ce secteur que se rencontre la criminalité organisée à l'oeuvre dans cet arrondissement. À de rares exceptions, cette criminalité est d'envergure locale. « Au niveau local, jusqu'à présent, il n'a pas paru nécessaire de mettre sur pied une structure spécifique de lutte contre la criminalité organisée. »
1.2.2.24. Arrondissement de Turnhout
Tout comme l'arrondissement de Tongres, l'arrondissement de Turnhout est confronté au trafic de drogues et au blanchiment d'argent en raison de la frontière qu'il partage avec les Pays-Bas. Des organisations criminelles sont cependant actives dans d'autres secteurs tels que celui des hormones, celui des placements et le trafic d'êtres humains.
En ce qui concerne le secteur des hormones, il paraît évident que la fourniture de substances illicites aux divers élevages est assurée par des courriers. Le fabricant et le grossiste restent presque toujours dans l'ombre, et donc hors d'atteinte. La loi du silence est très bien respectée dans ce secteur.
En ce qui concerne le blanchiment d'argent, il s'agit de grandes quantités de devises étrangères, notamment des livres sterling et des francs français en petites et moyennes coupures, qui sont converties en florins néerlandais. Pour échapper à la notification obligatoire par les banques des Pays-Bas et de Belgique, les intéressés s'adressent à de petites institutions financières et à des agents de change, lesquels ne sont pas soumis pour l'instant à l'obligation de notification. L'argent est amené par les courriers et converti sur compte.
Il ressort de plusieurs dossiers relatifs au secteur des placements, qui ont été traités au cours des deux dernières années, que l'on s'est adressé à des particuliers, par téléphone ou par l'intermédiaire d'un représentant, pour leur proposer des placements en monnaie étrangère ou dans des fonds de placement étrangers, en leur faisant miroiter des bénéfices plantureux. Celui qui accepte de telles propositions, apparemment attrayantes, reçoit la visite d'un représentant qui vient prendre livraison de l'argent en espèces. Selon le contrat douteux qui est rédigé, l'investissement semble à première vue offrir un rendement effectif, mais le château de cartes finit par s'écrouler et les investisseurs naïfs finissent par subir des pertes considérables. Les individus qui opèrent dans ce secteur travaillent généralement sous le couvert de firmes bidons, si bien qu'il est difficile de retrouver leur trace. Dans les cas concrets qui ont été traités dans l'arrondissement de Turnhout, les dossiers ont été transmis aux parquets allemands compétents, dès lors qu'il y avait des présomptions que les organisateurs se trouvaient dans ce pays.
Enfin, il y a des indices sérieux de l'existence, dans l'arrondissement de Turnhout, des laboratoires où l'on produit des amphétamines et de l'XTC. Si l'on pensait initialement avoir affaire à des activités développées par un individu isolé ou par de petites bandes, le parquet dispose aujourd'hui d'informations selon lesquelles les individus impliqués dans celle-ci font partie du milieu de la drogue qui a sa base aux Pays-Bas. À cet égard, le procureur du Roi est convaincu qu'il y a, dans l'arrondissement de Turnhout, des individus qui servent de courrier à d'autres individus ou à des organisations, dans le cadre du trafic international de la drogue.
1.2.2.25. Arrondissement de Verviers
Ne disposant que d'un« demi-substitut »pouvant se consacrer à la criminalité organisée, le parquet de Verviers se dit néanmoins préoccupé au premier plan par la criminalité organisée. Cette dernière « passe » davantage par l'arrondissement qu'elle n'y est véritablement installée. C'est « dès lors sous tous les aspects que l'arrondissement en subit les retombées ».
1.2.2.26. Arrondissement de Furnes
La criminalité organisée locale concerne essentiellement le commerce des hormones (ou des maillons de celui-ci) sur lequel on enquête quotidiennement. L'on a pu obtenir des informations ou arrêter des criminels sans lien réel avec l'arrondissement, après une pseudo-vente dans le cadre du trafic d'armes, du trafic d'oeuvre d'arts et d'antiquités et de la contrefaçon de monnaies. Outre le fait qu'il existe des liens inextricables entre le secteur de l'engraissement, celui des entreprises productrices d'aliments pour bétails, les médecins vétérinaires et le commerce des hormones, il y a la constatation que les informations réunies dans le cadre d'autres dossiers sont trop divergentes pour que l'on puisse en distiller des caractéristiques de la criminalité organisée.
1.2.2.27. Arrondissement d'Ypres
Le procureur du Roi d'Ypres souligne qu'en raison du caractère agraire de son arrondissement, il est régulièrement confronté à des faits de trafic d'hormones. Il précise en outre qu'en cette matière, seuls les intermédiaires ou exécutants peuvent en réalité être interpellés par ses services. Les organisations impliquées dans ces activités sont structurées de façon assez pyramidale, génèrent énormément de fonds et s'étendent même à l'international. Lorsque l'on arrête un individu, l'on ne cite jamais aucun nom, et l'on s'arrange pour qu'il bénéficie des services d'avocats de renom dont les émoluments proviennent manifestement d'une caisse collective.
Un autre problème relevé par le procureur du Roi d'Ypres est celui des vols commandités par des bandes implantées en France. Cette criminalité est particulièrement difficile à enrayer en raison de la nationalité des auteurs, qui les fait bénéficier d'une immunité dès lors que la France n'extrade pas ses nationaux et semble peu encline à poursuivre les dénonciations de faits réalisées par le procureur du Roi. D'autres activités perpétrées par des organisations criminelles ont pour cible le secteur pharmaceutique.
Compte tenu du caractère manifestement supra-régional du phénomène de la criminalité organisée, la commission s'est étonnée de la valeur inégale des réponses fournies par les différents arrondissements, et notamment par des arrondissements voisins.
Dans certains d'entre eux, une analyse approfondie de la présence de la criminalité organisée a déjà été opérée.
D'autres semblent au contraire ne pas encore avoir pris conscience de l'existence de ce phénomène ou, à tout le moins, de son ampleur et de la menace qu'il représente.
Il convient par conséquent de souligner la valeur relative de certaines des données recueillies, et la prudence qui s'impose dans la comparaison entre les divers arrondissements.
Sous cette réserve, on peut conclure des réponses obtenues auprès des procureurs du Roi suite au questionnaire qui leur a été transmis par la commission, que les principaux types de criminalité auxquels ils sont confrontés en matière de criminalité organisée sont des affaires liées au trafic de stupéfiants et au blanchiment d'argent. Viennent ensuite les affaires liées au trafic des êtres humains ainsi qu'au trafic d'hormones, d'armes et de voitures.
Notons que d'une manière générale, l'ensemble des réponses fournies par les procureurs du Roi permet de considérer qu'aucune analyse criminelle n'a en fait pu être réalisé à grande échelle au sein des parquets. Tout au plus apprend-on que chaque arrondissement est conscient du fait que ce type de criminalité dépasse les frontières de l'arrondissement considéré, qu'il s'agit d'un phénomène multi-localisé et de surcroît très régulièrement international. De manière générale, et quelle que soit la taille des arrondissements judiciaires, la criminalité organisée y « passe », indépendamment du fait qu'elle n'y soit pas véritablement installée. C'est dès lors sous tous ses aspects que les services des parquets en subissent les retombées, sans se rendre compte généralement, au moment des enquêtes, que les faits qui font l'objet d'investigations s'intègrent dans le phénomène plus vaste que la commission étudie.
Les procureurs du Roi de Bruxelles et de Louvain, en revanche, soulignent opportunément qu'il faut être attentif à un type de criminalité organisée dont la forme se détache de la violence visible. Ces deux procureurs du Roi citent notamment à titre d'exemple les organisations d'immigration clandestine, la traite des êtres humains, les infractions liées aux moyens de paiement, au trafic d'hormones, les carrousels TVA et la fraude fiscale internationale. Mme le substitut Coninsx a en outre souligné les liens qui peuvent exister entre la criminalité organisée et le terrorisme : « Le dossier du PKK, qui est toujours pendant, peut être considéré comme un bel exemple de combinaison de plusieurs formes de criminalité organisée puisqu'il se situe en partie au niveau du droit commun, en partie sur le plan fiscal et en partie dans le domaine de la sécurité sociale, mais aussi au niveau du blanchiment et du terrorisme.
À défaut de législation sur le terrorisme, le ministère public doit se rabattre sur la législation sur les armes, la loi sur les milices privées, les bandes organisées, le séjour illégal et le chantage » (294).
Dans le cadre de leurs compétences en matière de coordination de l'exercice de l'action publique et de coopération internationale, les magistrat nationaux ont été amenés en 1996 à prendre connaissance de 1 388 dossiers localisables dans le ressort d'un arrondissement belge. Cela représente une augmentation de 41,2 % par rapport à l'année 1995.
Seuls les parquets de Tongres, Courtrai, Furnes et Marche-en-Famenne, enregistrent un chiffre légèrement inférieur à celui de l'année passée. Cette diminution reste toutefois très limitée. À Tongres, par exemple, ce chiffre qui passe de 34 à 29 peut être considéré comme une diminution relative du nombre de dossiers. À Louvain, Gand et Liège, c'est le statu quo. À Gand, le nombre de dossiers passe de 60 à 59. Dans les 20 autres parquets, le nombre de dossiers est en augmentation (295).
Bruxelles représente plus d'un tiers des dossiers traités par les magistrats nationaux (34,2 %). Anvers prend la deuxième place avec 15 % des dossiers. Neufchâteau a connu une hausse spectaculaire du nombre de dossiers dans lesquels sont intervenus les magistrats nationaux, puisque ce petit parquet représente 7 % du total des dossiers portés à la connaissance des magistrats nationaux, soit plus que ceux localisés dans les arrondissements de Liège et ou Gand. Tout comme la hausse spectaculaire de dossiers localisés à Bruxelles, il s'agit là de « l'effet Dutroux », les hausses spectaculaires de ces deux arrondissements devant être attribuées presque entièrement aux affaires d'enlèvement et de disparition d'enfants.
« Mais nous devons nous garder de nous servir de ces chiffres pour tirer des conclusions sur la coopération entre les parquets locaux et les magistrats nationaux. Il faut d'abord avoir une image précise de l'évolution dans le temps du nombre de dossiers. Voilà pourquoi les chiffres de deux années successives sont présentés séparément. À l'heure actuelle, nous pouvons constater un léger recul, très limité, dans quatre parquets; tous les autres parquets enregistrent soit une augmentation du nombre de dossiers, soit un statu quo. Dans la plupart des cas, cependant, le nombre de dossiers augmente, ce qui est révélateur d'une tendance. Cela montre aussi que les contacts noués antérieurement avec ces parquets subsistent. Je n'ai pas l'impression que certains parquets veulent délibérément traiter certains dossiers de manière isolée et méconnaître manifestement l'instrument que constitue le magistrat national (...) » (296).
Interrogés sur les parquets les moins performants, les magistrats nationaux ont apporté la réponse suivante : « Lorsque je compare les chiffres de l'année passée à ceux d'il y a deux ans, je constate que le parquet de Charleroi qui, à mon avis mais aussi de l'avis des services de police, se situe dans un environnement assez criminogène, est en dessous de la moyenne et réalise un score peu brillant. Je répète cependant que je ne suis pas en mesure à ce jour d'analyser ce retard et que dans cette région aussi, la situation semble s'améliorer depuis ces dernières années (...).
Il y a encore d'autre bizarreries. De par le caractère spécifique de leur arrondissement, certains parquets obtiennent des scores assez peu élevés. Le territoire de l'arrondissement d'Audenarde est assez étendu, et pourtant, le parquet y obtient un faible score. Le parquet d'Ypres, lui, est situé dans un arrondissement frontalier et son score est pratiquement nul. Tout cela soulève des questions » (297).
« Le but n'est pas non plus de coller une étiquette sur les parquets en se basant sur ces chiffres. En l'espèce, il était question d'input. Je répète que les chiffres que nous avons sous les yeux sont basés sur le constat selon lequel, dans un dossier donné, soit le parquet ou le juge d'instruction ont pris contact avec le magistrat national, soit celui-ci a pris contact avec le parquet. Il ne faut pas chercher davantage. Par conséquent, ces chiffres ne fournissent pas une image précise de la criminalité dans l'arrondissement concerné. C'est pourquoi il y a lieu de les utiliser avec beaucoup de prudence. Ce sont des chiffres vus sous l'angle du magistrat national. Ils permettent cependant de se faire une idée de l'activité et du sens de l'initiative de certains parquets (298). »
1.2.3. Analyses de la gendarmerie (rapports annuels 1994-1995) et du ministère de la Justice (rapports annuels 1997 et 1998 sur le crime organisé en Belgique respectivement en 1996 et 1997)
Les informations suivantes sont, sauf mention expresse d'une autre source, issues des rapports annuels sur la criminalité organisée. Les rapports existants sur les années 1994 et 1995 sont des rapports réalisés par la seule gendarmerie (299) sur base des enquêtes menées par ses services. Les rapports sur les années 1996 et 1997 du ministère de la Justice (300) se basent sur une toute autre méthodologie et sont réalisés à partir des enquêtes menées par les trois services de police. L'évolution de la méthodologie utilisée pour l'élaboration de ces différents rapports ne permet pas à la commission d'opérer de comparaison fiable ni d'approche dynamique du phénomène.
Les données chiffrées fournies ici à titre indicatif permettent cependant de tirer des conclusions intéressantes.
1.2.3.1. Nombre d'enquêtes relatives à la criminalité organisée
1994 : 90 organisations criminelles;
1995 : 84 organisations criminelles;
1996 : 162 organisations criminelles;
1997 : 238 organisations criminelles.
L'augmentation de 50 % rencontrée entre 1996 et 1997, bien que significative, doit, selon les auteurs du rapport, être relativisée. D'une part, 33 enquêtes initiées en 1996 ont, conformément à la méthodologie développée, été comptabilisées en 1997. D'autre part, les améliorations apportées à la méthode de collecte des données, ainsi qu'une plus grande prise de conscience face à la problématique du crime organisé, ont permis d'accroître le flux d'informations vers les services chargés de l'élaboration du rapport.
Nombre de suspects par organisation | ||
1994 | 1995 | |
de 3 à 10 | 63 | 52 |
de 11 à 20 | 19 | 18 |
de 21 à 30 | 3 | 6 |
de 31 à 40 | 4 | 3 |
de 41 à 50 | 0 | 2 |
de 51 à 60 | 1 | 1 |
de 61 à 70 | 0 | 2 |
Nombre total de suspects en 1994 : 1 067; en 1995 : 1 212.
Nombre total d'organisations : en 1994 : 90; en 1995 : 84.
Nombre de suspects par organisation Aantal verdachten per organisatie |
1996 | 1997 | ||||
Nombre d'organisations Aantal organisaties |
% | % cum. gecum. % |
Nombre d'organisations Aantal organisaties |
% | % cum. gecum. % |
|
Moins de 5. Minder dan 5 | 37 | 22,8 | 22,8 | 57 | 23,9 | 23,9 |
De 5 à 9. Van 5 tot 9 | 67 | 41,4 | 64,2 | 114 | 47,9 | 71,8 |
De 10 à 14. Van 10 tot 14 | 26 | 16,0 | 80,2 | 46 | 19,3 | 91,1 |
De 15 à 19. Van 15 tot 19 | 18 | 11,1 | 91,3 | 10 | 4,2 | 95,3 |
De 20 à 35. Van 20 tot 35 | 13 | 8,0 | 99,3 | 11 | 4,6 | 100 |
Plus de 35. Meer dan 35 | 1 | 0,6 | 100 | |||
Total. Totaal | 162 | 100 | 238 | 100 |
« Le nombre total de suspects identifiés en 1997 s'élève à 1 978. Comme l'année précédente, on peut constater que ce nombre par organisation est relativement restreint. Les personnes mentionnées dans les formulaires de signalement sont identifiables au minimum par leur nom et prénom; 23,9 % des organisations (57) comptent moins de 5 suspects connus, 47,9 % (114) comptent de 5 à 9 suspects connus. Ces deux catégories représentent ensemble 71,8% des organisations (soit 171). Toutefois, les organisations qui comptent de 10 à 14 et de 15 à 19 suspects connus représentent respectivement 19,3 % (46) et 4,2 % (10) de l'ensemble; 11 organisations comptent de 20 à 35 membres connus. Il n'y a pas d'enquête portant sur une organisation plus étendue, comme cela s'était présenté l'an passé (pour rappel, une organisation criminelle comportait 72 membres).
Si l'on compare les pourcentages cumulés de 1996 et 1997, on constate que la part des organisations criminelles composées de moins de 15 membres a augmenté de 11 %. On peut se poser la question de savoir si cette augmentation est uniquement due à une recherche plus systématique des enquêtes sur la criminalité organisée (ce qui peut avoir eu pour effet de prendre systématiquement en compte toutes les enquêtes, même si elles n'impliquent pas nécessairement beaucoup de personnes ) ou si ce sont les organisations criminelles qui ont tendance à réduire le nombre de leurs membres, ou encore si ce sont les contre-stratégies développées par les organisations criminelles qui empêchent les services de police d'identifier l'entièreté des membres des organisations »(301).
L'âge des suspects.
« L'âge moyen des suspects recensés en 1997 reste élevé. La tranche d'âge de 30-39 ans est le groupe le plus représenté avec 634 suspects, (soit 34,3 %), suivie par la tranche de 40-49 ans (486 suspects, soit 26,3 %) et enfin la tranche de 20-29 ans (398 suspects, soit 21,5 %). 57 suspects ont plus de 60 ans (3,1 %).
La moyenne d'âge des auteurs est de 38 ans. Actuellement, la personne la plus âgée de 84 ans.
Comme constaté l'an dernier, cette moyenne d'âge reste supérieure à l'âge des suspects ou des auteurs répertoriés dans les banques de données policières pour la criminalité en général.
La tranche d'âge supérieure à 30 ans est plus représentée au niveau de la prise de décisions et des fonctions dirigeantes, ce qui semble logique. Les suspects de moins de 30 ans sont principalement des exécutants (225 des 423 jeunes , soit 53,2 %, ce qui confirme les constatations faites l'an passé (302). »
1.2.3.3. Nationalité des auteurs
1994 | 1995 | 1996 | 1997 | |
Belges. Belgen | 464 | 386 | 540 | 860 |
43,5 % | 31,8 % | 34,6 % | 43,5 % | |
Italiens. Italianen | 78 | 62 | 173 | |
7,3 % | 5,1 % | 11,1 % | 5,6 % | |
Néerlandais. Nederlanders | 89 | 73 | 139 | |
8,3 % | 6,0 % | 8,9 % | 9 % | |
Marocains. Marokkanen | 17 | 70 | 47 | |
1,6 % | 5,8 % | 3,0 % | 3,8 % | |
Turcs. Turken | 75 | 63 | 81 | |
7,0 % | 5,2 % | 5,2 % | 7,1 % | |
Français. Fransen | 27 | 74 | 54 | 31 |
2,5 % | 6,1 % | 3,5 % | 1,6 % | |
Russes (CEI). Russen (GOS) | 34 | 92 | 40 | |
3,2 % | 7,6 % | 2,5 % | 2,1 % | |
Ex-Yougoslaves Ex-Joegoslaven | 71 | 36 | 40 | |
6,7 % | 3,0 % | 2,5 % | 3,9 % | |
Chinois. Chinezen | 17 | 30 | ||
1,6 % | 2,5 % | |||
Colombiens. Colombianen | 9 | 46 | ||
0,8 % | 3,8 % | |||
Chiliens. Chilenen | 101 | |||
9,5 % | ||||
Allemands. Duitsers | 36 | |||
2,3 % | ||||
Roumains. Roemenen | 26 | |||
1,7 % | ||||
Israéliens. Israeli's | ||||
2,3 % | ||||
Autres. Anderen | 85 | 280 | 385 | 419 |
8,0 % | 23,1 % | 24,7 % | 21,2 % | |
Total. Totaal | 1067 | 1212 | 1561 | 1978 |
100 % | 100 % | 100 % | 100 % |
Le rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997 précise que « la criminalité organisée en Belgique se caractérise par un très large cosmopolitisme, qui englobe des membres de pays aussi divers que le Bénin, la Guinée, le Cameroun, l'Argentine, le Brésil, la Nouvelle-Zélande, Singapour, la Syrie, le Chili, ...(au total, on recense 81 nationalités différentes » (303). Mais, associées aux 860 suspects de nationalité belge (ce groupe comprenant néanmoins des personnes d'origines ethniques différentes), les nationalités néerlandaise, turque, italienne, yougoslave, marocaine, israélienne et russe représentent 77,2 % des suspects.
« L'approche de l'organisation par la nationalité peut également donner une idée de l'homogénéite (304) ou de l'hétérogénéité du groupe. Il y a 85 (35,7 %) organisations totalement homogènes. 41 sont de nationalité belge, 9 de nationalité turque, 9 également de nationalité russe, 5 organisations sont de nationalité chinoise, 5 de nationalité néerlandaise et 5 de nationalité marocaine(...).
Une analyse plus poussée permet d'affiner la notion d'homogénéité et de déterminer l'importance de certaines nationalités vis-à-vis d'autres. On peut ainsi voir que parmi les organisations constituées de deux nationalités principales (qui ensemble composent plus de 80 % des membres de l'organisation), c'est le binôme néerlandais/belges qui revient le plus souvent (12 cas, soit 15,6 % des 78 organisations homogènes à deux nationalités). Cela veut dire que l'on a 12 organisations dont les dirigeants sont néerlandais et les exécutants belges. Le binôme belgo/néerlandais revient également 12 fois. Les organisations criminelles turques/belges suivent avec 10 cas (13,0 %), viennent ensuite les organisations italo/belges (7 cas soit 9,1 %), marocaines/belges (6 cas soit 7,8 %) et belgo/françaises (4 cas soit 5,2 %). Le reste comprend des nationalités diverses » (305).
À titre de comparaison, et dans le domaine plus spécifique de la criminalité économique et financière, on peut se référer aux données fournies par l'OCDEFO et la CTIF.
Donnant suite au rapport de la première commission parlementaire sur le banditisme et le terrorisme, le gouvernement développa un plan d'action contenu dans un document intitulé « Plan de Pentecôte », daté du 5 juin 1990.
Le « Plan de Pentecôte », dans le chapitre traitant de la police judiciaire, énonçait que, pour répondre à la menace du crime organisé et des profits importants qu'il génère, le gouvernement désignerait le service qui, sur une base nationale, lutterait plus efficacement contre la criminalité économique et financière. Le 1er janvier 1994, l'Office central de lutte contre la délinquance économique et financière organisée (OCDEFO), créé par une directive du 1er juin 1993, entrait effectivement en exercice. L'OCDEFO constitua donc un service d'enquête et d'appui spécialisé dans la lutte contre la délinquance économique et financière.
Sur un total de 151 dossiers traités par le team d'enquêtes de l'OCDEFO de 1994 à 1996 (306), ce service a rencontré 82 organisations criminelles actives, notamment, dans la criminalité économique et financière organisée.
A) Données fournies par l'OCDEFO
Nationalité des structures identifiées par l'OCDEFO
Structures/groupes de ressortissants marocains | 42 |
Structures/groupes de ressortissants belges | 11 |
Structures/groupes de ressortissants égyptiens | 11 |
Mafia italienne | 6 |
Structures/groupes de ressortissants pakistanais | 4 |
Structures poly-ethniques | 3 |
Secte japonaise | 1 |
Structure/groupe de ressortissants néerlandais | 1 |
Mafia russe | 1 |
Organisation asiatique (Chinois/Laotiens) | 1 |
Structure/groupe de ressortissants turcs | 1 |
Total | 82 |
« Plus de 50 % des organisations criminelles identifiées dans les dossiers de l'OCDEFO sont constituées de ressortissants marocains principalement localisés sur le territoire des Pays-Bas. Pour l'essentiel, ceux-ci se livrent au trafic de stupéfiants et au blanchiment de profits tirés de telles activités. Il en est de même pour les structures composées de ressortissants égyptiens et pakistanais.
Les organisations criminelles belges sont principalement impliquées dans des faits de blanchiment et de carrousels TVA (avec répercussions aux Pays-Bas, en Allemagne, en France, en Grande-Bretagne, en Italie, ...). Le schéma détecté à l'égard de la structure néerlandaise et des groupes poly-ethniques porte sur des faits de trafics de stupéfiants, de blanchiment, de carrousels TVA et d'escroqueries internationales.
En ce qui concerne les faits imputables à la mafia italienne, il s'agit d'organisations implantées dans les régions de Trapani, Firenze, Salerne, Prato, Milano, Genova. Les faits recensés portent sur des infractions de blanchiment, de fraudes douanières et d'escroqueries fiscales (carrousels TVA).
La mafia russe et la secte japonaise sont suspectées d'opérations de blanchiment de capitaux criminels. L'organisation asiatique est impliquée dans des faits de carrousels TVA, de fraudes douanières et d'escroqueries (307).
B) Données fournies par la CTIF
Créée par la loi du 11 janvier 1993 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux, la Cellule de Traitement des Informations financières (CTIF) est une autorité administrative indépendante dont le but est de prévenir l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux. Sur base des informations que le secteur financier, les services de police et les services administratifs de l'État sont légalement tenus de lui communiquer, la CTIF est amenée à dénoncer aux parquets les opérations de blanchiment qu'elle a pu détecter. Les formes de criminalité en amont des opérations de blanchiment visées par la CTIF sont principalement « le terrorisme, la criminalité organisée sous toutes ses formes et la criminalité économique et financière grave, en ce compris la fraude fiscale grave et organisée, qui met en oeuvre des mécanismes complexes ou qui use de procédés à dimensions internationales, ainsi que tous les délits boursiers comme le délit d'initié et cette criminalité annexe qu'est la corruption de fonctionnaires publics.(308) »
La CTIF est donc une sorte d'interface entre le secteur financier et le secteur judiciaire et policier, chargé de dénoncer aux parquets les opérations suspectes présentant des indices sérieux de blanchiment. De décembre 1993 à juin 1997, la CTIF a reçu 15 663 déclarations de soupçon sur des opérations financières suspectes. Au cours de cette même période, après examen de ces dossiers, la CTIF a transmis au procureur du Roi 873 dossiers présentant des indices sérieux de blanchiment au sens de la loi du 11 janvier 1993. Ces 873 dossiers comprennent 9 366 déclarations de soupçon, soit 59,8 % du total des déclarations (309).
En fonction de la nationalité de l'intervenant principal dans ces 873 dossiers relatifs à des opérations de blanchiment, la CTIF opère le classement suivant (310) :
Nationalité | Total | % |
Néerlandaise | 278 | 31,9 |
Belge | 203 | 23,2 |
Marocaine | 89 | 10,3 |
Italienne | 27 | 3,1 |
Turque | 25 | 2,9 |
Allemande | 24 | 2,7 |
Britannique | 22 | 2,5 |
Egyptienne | 22 | 2,5 |
Pakistanaise | 21 | 2,4 |
Russe | 18 | 2,1 |
Israélienne | 17 | 1,9 |
Française | 12 | 1,4 |
Espagnole | 9 | 1 |
Indienne | 8 | 0,9 |
Grecque | 7 | 0,8 |
Portugaise | 6 | 0,7 |
Libanaise | 5 | 0,6 |
Nigériane | 5 | 0,6 |
Suédoise | 5 | 0,6 |
Surinamienne | 5 | 0,6 |
Algérienne | 5 | 0,6 |
Polonaise | 4 | 0,4 |
Angolaise | 3 | 0,3 |
Tunisienne | 3 | 0,3 |
Irlandaise | 3 | 0,3 |
Autres | 47 | 5,4 |
Total | 873 | 100 |
1.2.3.4. Principales organisations criminelles
En 1996, les services de police avaient dénombré 162 organisations criminelles actives en Belgique, dont 40 peuvent être classées en fonction de l'origine ethnique. Parmi celles-ci, 12 organisations appartenaient à la mafia italienne, 12 aux organisations criminelles turques, 10 à la criminalité organisée russe, 3 aux cartels colombiens et 3 aux triades chinoises (311).
En 1997, 238 organisations criminelles ont été répertoriées par les services de police, dont 35 sont des « organisations criminelles classiques » (312), à savoir : 11 organisations criminelles italiennes, 10 organisations criminelles turques, 7 appartenant à la mafia russe, 5 cartels colombiens et 2 triades chinoises.
Le nombre somme toute restreint d'organisations criminelles dites « classiques », proportionnellement au nombre total d'organisations détectées, témoigne de ce que « la criminalité organisée présente et active en Belgique recouvre des aspects forts variés (313). » Le rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997 précise en outre que l'utilisation de termes génériques tels que « mafia » « cartel » et « triade » risque de masquer des réalités fort différentes si d'aventure, cette terminologie devait se généraliser. Tout au plus l'utilisation de cette typologie permet-elle, selon le rapport annuel, une comparaison avec la situation existant à l'étranger (314).
La commission présente ci-après un aperçu des principales organisations criminelles détectées en Belgique. La commission s'est basée pour ce faire sur les auditions qu'elle a menées, les documents qui lui ont été remis, ainsi que sur les rapports annuels sur le crime organisé en Belgique, réalisés par le ministère de la Justice.
1.2.3.4.1. Organisations latino-américaines
Enumérant devant la commission la liste des différentes organisations contre lesquelles la police judiciaire lutte, aussi bien seule que, parfois, avec la gendarmerie, le commissaire général De Vroom (315) relève la présence des cartels colombiens qui s'occupent du trafic de cocaïne et de blanchiment dans la région d'Anvers. « Très présentes »(316) en Belgique, les organisations criminelles latino-américaines sont essentiellement actives dans le trafic de drogue. Si à ce jour, seul le trafic de cocaïne et de cannabis a pu être démontré en Belgique, les organisations criminelles latino-américaines sont, au niveau international, impliquées également dans le trafic d'héroïne (316).
Contrôlant la totalité du processus de la production à l'importation (par les ports maritimes d'Anvers et de Zeebrugge et l'aéroport de Zaventem), les organisations criminelles latino-américaines délaissent généralement la distribution des lots de produits stupéfiants à d'autres organisations. Le rapport annuel 1997 sur le crime organisé en Belgique en 1996 précise en outre que les organisations criminelles latino-américaines utilisent trois types d'entreprises pour mener à bien leurs activités. « En premier lieu, l'entreprise complètement illégale (plutôt de petite taille et « débutante »), ensuite leur propre entreprise légale d'importation et d'exportation créée avec un objectif illégal et, enfin, l'entreprise légale existante (par exemple, une société de transport), dont il est abusé par les organisations » (317).
Les organisations criminelles sud-américaines, dont les activités ne peuvent être dissociées de leur déploiement aux Pays-Bas, se caractérisent par un niveau d'organisation élevé à structure cellulaire. Leur faculté à évoluer aisément dans un environnement international les amène à coopérer avec d'autres organisations criminelles d'origine ethnique différente. Usant peu de la violence, il n'est cependant pas impossible que ces organisations fassent usage de la corruption. Actives dans le secteur du blanchiment d'argent (notamment en « sous-traitance » pour les organisations criminelles turques), les organisations criminelles latino-américaines rapatrient leurs gains en Amérique du sud par le biais de transactions financières (316).
1.2.3.4.2. Organisations turques
Les familles turques sont principalement installées au Limbourg, à Anvers, à Gand et à Charleroi. Pour les magistrats nationaux on peut situer géographiquement les organisations criminelles turques dans un triangle Amsterdam, Bruxelles-Anvers et Düsseldorf-région de la Ruhr. Dans ce périmètre, on trouve des organisations qui exercent diverses activités criminelles. »(318).
Caractérisées par une structure organisationnelle rigide fortement hiérarchisée et basée sur les liens de parenté, les organisations criminelles turques sont actives au niveau européen et entretiennent des liens mutuels. N'hésitant pas à recourir à la violence, les organisations criminelles turques sont essentiellement actives dans le trafic international d'héroïne, mais également, entre autres, dans le domaine de l'extorsion, de la traite des êtres humains, et du blanchiment (319).
Si, en Belgique, les activités de ces organisations sont à 44 % orientées vers le trafic de stupéfiants (320) (héroïne principalement, mais aussi cocaïne et amphétamines), les enquêtes menées en 1996 ont mis en évidence que les réseaux turcs sont également impliqués dans la falsification de documents, les enlèvements et l'immigration clandestine. Des armes et des véhicules volés ont de surcroît été saisis.
Le rapport annuel 1997 sur le crime organisé en Belgique en 1996 précisait en outre « que les membres d'organisations criminelles turques se distancient de plus en plus du niveau d'exécution et font, pour ce dernier niveau, appel à des criminels de nationalités différentes (tel que des Albanais). Pour certains types de délits, ils concluent des conventions de collaboration internationales avec d'autres organisations traditionnelles (ils font, par exemple, appel à l'expertise des cartels colombiens dans le cadre du blanchiment de fonds de provenance criminelle) » (321).
Le recours croissant à la violence de la part des organisations criminelles turques se double également de mesures visant à protéger au mieux leurs activités, notamment par l'observation des méthodes policières, la corruption et l'utilisation des techniques modernes de communication.
1.2.3.4.3. Crime organisé russe
La mafia russe, ou « israélo-russe » la plupart du temps, connaît un terrain d'accueil favorable à Anvers. Mais les magistrats nationaux précisent que ses activités s'étendent sur tout le territoire belge (322). Les principales activités en Belgique sont la contrefaçon des produits de marque, le blanchiment d'argent et le trafic des diamants et de l'or. En 1996, 25 % des activités exercées par les organisations criminelles russes se situaient dans le domaine du blanchiment. « Des tentatives d'infiltration dans d'autres secteurs sont également entreprises » (323). Pour leurs opérations de blanchiment, les organisations criminelles russes n'hésitent pas à utiliser des structures commerciales et financières et à avoir recours à des experts juridiques et financiers. Cette sophistication est renforcée par des moyens financiers et matériels importants, ainsi que par une grande faculté de déplacement des membres de ces organisations, qui ont bien souvent une double nationalité (surtout israélienne et géorgienne).
Le rapport annuel 1997 sur le crime organisé en Belgique en 1996 soulignait en outre « la formation au niveau international de cartels avec d'autres organisations criminelles traditionnnelles (Cartel de Medellin, la Camorra italienne, les triades chinoises), qui entraîne, par exemple, un déplacement des itinéraires classiques du trafic des stupéfiants » (324).
1.2.3.4.4. Organisations italiennes
La mafia italienne, active essentiellemnt dans le secteur de l'immobilier et des entrepreneurs, ainsi qu'en matière de blanchiment, de délits financiers (en 1996, 25 % des activités des clans italiens concernaient des délits économiques ou financiers) et de trafic de drogues, est surtout présente dans le sud du pays, et plus particulièrement dans la région de Charleroi (325), la région liégeoise et le Borinage, ainsi qu'en partie à Bruxelles (326). Mais d'autres régions semblent également touchées par les organisations italiennes. À titre d'exemple, une enquête menée à Hasselt a permis de découvrir un trafic d'armes et de stupéfiants au départ d'une pizzeria établie dans le Limbourg. Cette pizzeria servait également de « planque » à des personnes recherchées en Italie (327).
1.2.3.4.5. Organisations asiatiques
Depuis 1993, les services de police soupçonnent la présence d'organisations criminelles asiatiques en Belgique, actives dans le domaine du commerce de la drogue, des fausses cartes de crédit, du racket et du trafic d'êtres humains. Cette présence s'est confirmée au fil des ans.
En 1996 27 % des activités du crime organisé chinois se situaient dans le domaine de la traite des être humains.
En 1997, à titre d'exemple, les services de police ont arrêté quatre Malaisiens appartenant à une triade malaise. Ces individus, condamnés aujourd'hui, étaient actifs dans le trafic de pilules d'XTC (328).
1.2.3.4.6. Organisations nord-africaines
La police judiciaire est également confrontée aux trafics avec l'Afrique, et aux grandes escroqueries africaines, ainsi qu'aux organisations nord-africaines. Ces dernières s'orientent surtout, à l'heure actuelle, vers l'attaque des fourgons postaux ou autres. Les projets « Magoule » et « Cagoule », ont déjà permis d'élucider une soixantaine d'attaques de fourgons. Une étude des magistrats nationaux révèle qu'en ce qui concerne les attaques de fourgons, 89 % d'entre elles ont eu lieu dans les ressort des cours d'appel de Mons, Liège et Bruxelles. « Un deuxième élément que nous avons retiré des statistiques est le nombre d'attaques par firme. Il s'avère que c'est Securitas, la plus grande firme de transport de fonds, qui a subi la plupart des attaques. On peut presque dire que le nombre d'attaques est proportionnel au chiffre d'affaire de la firme. Une dernière statistique concerne le nombre d'attaques fructueuses et le nombre d'attaques qui n'ont rien rapporté à leurs auteurs. Attaques avec butin : 51 %. Attaques sans butin : 49 %. Examinons ces chiffres à la lumière de l'accroissement de la violence qui accompagne ces attaques. Dans différents cas et je pense ici à l'attaque perpétrée dans la région d'Oostkamp , nous avons pu véritablement, avec beaucoup de chance, éviter un bain de sang. La constatation que dans 49 % des cas, il n'y a pas eu de butin suscite quand même de nombreuses questions. Une analyse plus approfondie du phénomène démontre que dans beaucoup de cas pour ne pas dire la plupart , il a été fait usage d'armes et d'explosifs en provenance des pays de l'ancien bloc de l'Est, et plus particulièrement de l'ex-Yougoslavie. Les grenades, explosifs et kalachnikovs qui ont été retrouvés et examinés proviennent de ces pays. Voici quelques années, l'usage de pareilles armes était exceptionnel, mais depuis la chute du mur de Berlin, on peut acheter à peu près toutes les armes de guerre possibles. Ce pourrait être une des causes de ces violences excessives. Nous avons constaté, dans différents cas, que ces armes étaient manipulées d'une manière non experte, souvent avec les conséquences tragiques que cela entraîne. » (329).
1.2.3.4.7. Organisations néerlandaises
Les organisations néerlandaises, impliquées surtout dans le trafic de stupéfiants (haschisch et drogues de synthèse), se caractérisent par les liens qui, depuis les Pays-Bas, les relient à toutes sortes d'organisations dans les pays étrangers (330). Les sept organisations criminelles de premier plan dénombrées aux Pays-Bas influencent de manière croissante le paysage criminel belge. Cette tendance, déjà évoquée lors de l'important procès de la bande du « hakkelaar » aux Pays-Bas, qui avait démontré le rôle joué par la banque Max Fisher à Anvers dans une importante opération de blanchiment, est confirmée par le pourcentage élevé de suspects néerlandais arrêtés en Belgique, ainsi que par les importantes saisies opérées dans le port d'Anvers.
1.2.3.4.8. Organisations pakistanaises
Les organisations pakistanaises sont principalement actives en matière de trafic d'êtres humains et d'héroïne. Le rapport annuel de 1997 sur le crime organisé en 1996 précisait que les activités de traite des êtres humains présentaient, outre un avantage financier, une dimension politique et religieuse évidente (331). Cette activité s'accompagne de trafic de documents d'identité et de l'organisation de mariages blancs.
1.2.3.4.9. Organisations de l'ex-Yougoslavie
Les organisations de l'ex-Yougoslavie, actives principalement dans le trafic d'armes, sont également connues pour faire de la criminalité violente une de leurs spécialités. Les organisations des pays de l'Est sont principalement actives dans le trafic d'êtres humains provenant surtout de Pologne et destinés à la prostitution, ainsi que dans le vol de voitures.
Tableau récapitulatif
Organisations belges : trafic de hachisch, trafic d'êtres humains, production de drogues synthétiques.
Organisations latino-américaines : trafic de cocaïne et de cannabis, blanchiment (Anvers, arrondissement de Malines) .
Organisations turques : trafic d'héroïne, traite des êtres humains, blanchiment, extorsion (Anvers, Limbourg, Gand, Charleroi) .
Mafias russes : contrefaçons, fraude bancaire et financière, criminalité violente, blanchiment, trafic de drogue, prostitution, traite des êtres humains, trafic de diamant et d'or (Anvers, et dans une moindre mesure Bruxelles et Liège) .
Mafias italiennes : immobilier, trafic de drogue négrier, criminalité économique et financière, armes, blanchiment (Sud du pays et surtout Charleroi, Limbourg) .
Organisations d'Afrique de l'ouest, surtout nigérianes : trafic de drogue, escroquerie, trafic d'êtres humains (Bruxelles) .
Organisations nord-africaines : hold-up, trafic de drogue, blanchiment (grandes agglomérations) .
Organisations néerlandaises : trafic de drogue, blanchiment.
Organisations pakistanaises : trafic d'héroïne, trafic d'êtres humains.
Organisations d'ex-Yougoslavie : trafic d'armes, trafic de drogue, criminalité violente, trafic de véhicules (grandes agglomérations) .
Organisations asiatiques : trafic d'êtres humains, trafic de drogues (grandes agglomérations : Anvers, Arlon, Liège, Charleroi, Bruges) .
Organisations d'Europe de l'est et surtout polonaises : vols et trafic de voitures volées (Anvers, Bruxelles, arrondissement d'Eupen, Gand, Liège) .
1.2.3.5. Structure des organisations
1996 | 1997 | |||
Structure horizontale. Horizontale structuur | 26 | 16 % | 70 | 29,4 % |
Structure verticale. Verticale structuur | 92 | 56,8 % | 122 | 51,3 % |
Structure non déterminée. Met onbepaalde structuur | 44 | 27 % | 46 | 19,3 % |
Total d'organisations détectées. Totaal van de opgespoorde organisaties | 162 | 100 % | 238 | 100 % |
Pour l'élaboration du rapport annuel, il faut entendre par structure horizontale « une structure d'organisation où chaque partie de l'organisation détient la responsabilité dans le domaine bien spécifique où elle se spécialise (selon le produit ou la tâche effectuée). La distinction entre le niveau de décision et d'exécution n'est pas nette ». Par structure verticale ou hiérarchisée, il faut entendre « une structure permanente d'organisation où la hiérarchie est très marquée, où la responsabilité est définie à chaque niveau et où l'information doit passer par tous les échelons (généralement du haut vers le bas). On distingue clairement les niveaux d'exécution et de décision (332) ».
1.2.3.6. Répartition des tâches au sein des organisations détectées en 1997
Le tableau suivant indique les fonctions le plus souvent remplies dans la criminalité organisée recensée en Belgique en 1997.
Fonctions remplies Taak |
Nombre Aantal |
% | % cumulé gecumuleerd |
Organisateur/adjoint. Organisator/adjunct | 631 | 31,9 | 31,9 |
Exécutant. Uitvoerder | 504 | 25,5 | 57,4 |
Intermédiaire. Tussenpersoon | 280 | 14,2 | 71,6 |
Courrier. Koerier | 212 | 10,7 | 82,3 |
Expert comptable ou financier. Boekhouder of financier | 49 | 2,5 | 84,8 |
Bailleur de fonds. Geldschieter | 34 | 1,7 | 86,5 |
Inconnue. Onbekend | 115 | 5,8 | 92,3 |
Autres. Andere | 153 | 7,7 | 100 |
Total. Totaal | 1 978 | 100 |
« La catégorie « autres » comprend des fonctions variées telles qu'expert chimiste, expert juridique, expert en management, expert en armement ou explosif, expert militaire, expert en d'autres domaines, spécialiste en ordinateur, ou homme de paille. On peut s'étonner du nombre élevé d'organisateurs et d'adjoints (1/3 des suspects recensés). Cette proportion peut cependant s'expliquer par l'ampleur limitée des organisations criminelles. En effet, si une organisation contient un organisateur et deux adjoints, la répartition 1/3 - 2/3 est respectée même lorsque l'organisation est composée de neuf personnes (or c'est le cas de 171 organisations !). On constate en outre que la part des organisations criminelles ayant une structure hiérarchique diminue par rapport aux structures horizontales. On assiste peut-être à une évolution de la criminalité organisée vers une forme moins figée et plus variable, où la structure de l'organisation s'adapte aux activités criminelles et aux interventions des autorités (333). »
« Le questionnaire offrait également la possibilité de déterminer l'appartenance (ou non) du suspect au noyau de l'organisation criminelle et d'évaluer la permanence de son adhésion à cette organisation. L'analyse s'oriente vers le groupe criminel en tant qu'organisation et ne se focalise pas sur les faits commis.
L'objectif poursuivi est d'appréhender les conditions d'émergence et de survie des organisations criminelles pour pouvoir évaluer leur permanence et leur cohérence, et pouvoir, par la suite, suggérer des mesures efficaces en vue de les démanteler (334). »
Forme de participation dans l'organisation
Participation Betrokkenheid |
Noyau Kern |
Hors noyau Buiten kern |
Non précisée Niet bepaald |
Total Totaal |
Permanent. Permanent | 896 (45,3 %) | 175 ( 8,8 %) | 61 (3,1 %) | 1 132 (57,2 %) |
Occasionnel. Occasioneel | 100 ( 5,1 %) | 400 (20,2 %) | 82 (4,1 %) | 582 (29,4 %) |
Non précisée. Niet bepaald | 12 ( 0,6 %) | 16 ( 0,8 %) | 236 (11,9 %) | 264 (13,3 %) |
Total. Totaal | 1 008 (51,0 %) | 591 (29,9 %) | 379 (19,2 %) | 1 978 (100 %) |
« Il a pu être déterminé que 1 132 suspects (57,2 %) étaient membres permanents des organisations criminelles et 582 (29,4 %) membres occasionnels. La position des 264 suspects restants n'a pas été ou n'a pu être communiquée. 1 008 suspects (51,0 %) étaient membres du noyau des organisations criminelles, 591 (29,9 %) sont restés en dehors (l'information n'est pas précisée pour les 379 suspects restants). Les catégories les plus souvent mentionnées sont celles des suspects qui font partie du noyau de l'organisation de façon permanente (896 suspects, soit 45,3 %), et celles des membres occasionnels hors du noyau de l'organisation (400 personnes, soit 20,2 %). Ces deux catégories sont probablement les plus immédiatement identifiables. Les membres permanents hors du noyau sont au nombre de 175 (8,8 %), 100 (5,1 %) sont membres occasionnels du noyau.
Il est difficile de tirer des conclusions à partir de ces chiffres. Il semble que l'on ait cependant la présence d'un noyau permanent étoffé, « base » de l'organisation, autour duquel gravitent occasionnellement (ou non) d'autres personnes. Ces données n'ont toutefois pas toujours été transmises en tenant compte de l'organisation en tant qu'ensemble. Il est donc nécessaire, pour rendre l'analyse plus pertinente, de mettre ces informations en relation avec d'autres informations collectées.
D'un point de vue statistique, on peut ainsi voir que les Belges impliqués dans la criminalité organisée ont tendance à participer occasionnellement aux organisations criminelles et à ne pas faire partie du noyau de l'organisation. Ils sont sous-représentés au niveau des prises de décisions mais surreprésentés parmi les experts. Les chiffres semblent indiquer aussi que les personnes hors du noyau participent plus aux faits commis par l'organisation criminelle (335). »
1.2.4. Activités criminelles sur la base des rapports annuels du Ministère de la Justice (1996-1997)
Les rapports annuels insistent sur la difficulté, voire l'impossibilité, d'estimer l'ampleur des activités criminelles déployées dans le cadre de la criminalité organisée. « Il semble d'ailleurs que l'outil statistique ne soit pas le plus approprié pour comparer strictement des données fortement dissemblables. Les bases de données policières concernant la criminalité enregistrée s'articulent autour des faits commis alors que l'approche de la criminalité organisée se veut plutôt orientée vers l'organisation criminelle elle-même (336). »
La méthode de recueil des données, précisent les rapports, permet de signaler si une organisation est active dans un ou plusieurs domaines particuliers. Elle ne permet cependant pas de donner une information sur l'ampleur de ces activités. En conséquence de quoi, les informations recueillies mènent sans doute à une sous-estimation de l'ampleur du phénomène.
En moyenne, le nombre d'activités différentes menées par les organisations criminelles actives en Belgique est de trois.
Le tableau ci-après indique, par nature de faits, le nombre d'organisations qui y développent des activités à titre principal ou accessoire.
Domaines d'activité Activiteit |
Nombre d'organisations Aantal organisaties |
Variation Verschil % |
|||
1996 | % | 1997 (1 ) | % | ||
Stupéfiants. Verdovende middelen | 82 | 23,3 | 114 (11) | 15,8 (4) | +39,0 |
trafic/commerce stup. illegale handel | | | 89 (4) | 78,1 (36,4) | |
production de stup. productie | | | 12 (5) | 10,5 (45,5) | |
autres drogues. andere drugs | | | 13 (2) | 11,4 (18,1) | |
Délits financiers et économiques. Financiële en economische delicten | 55 | 15,6 | 100 (34) | 13,9 (5,1) | +81,8 |
fraude TVA. BTW-fraude | | | 23 (8) | 23 (23,5) | |
autre fraude. andere fraude | 23 | 41,8 | 32 (15) | 32 (44,1) | |
autre délits fin. écon. andere fin. econ. misdrijven | 32 | 58,2 | 45 (11) | 45 (32,4) | |
Blanchiment. Witwassen | 48 | 13,6 | 88 (29) | 12,2 (10,6) | +83,3 |
Vols. Diefstallen | 28 | 7,9 | 84 (39) | 11,7 (14,2) | +200,0 |
vol violence, menace, main armée, hold-up. diefstal geweld, bedreiging, gewapenderhand, hold-up | 10 | 35,7 | 25 (12) | 29,8 (25,6) | +150,0 |
autre vols. andere vormen van diefstal | 10 | 35,7 | 24 (11) | 28,6 (28,2) | +140,0 |
extorsion. afpersing | 8 | 28,6 | 24 (9) | 28,6 (23,1) | +200,0 |
vol de containers. containerdiefstallen | | | 11 (7) | 13 (23,1) | |
Traite des êtres humains. Mensenhandel | 26 | 7,4 | 82 (25) | 11,4 (9,1) | +215,4 |
incitation/exploitation débauche. aanzetting/uitbuiting ontucht | 9 | 34,6 | 24 (9) | 29,3 (36) | +166,7 |
immigration illégale. illegale immigratie | | | 23 (5) | 28 (20) | |
main d'oeuvre illégale. illegale werknemers | | | 20 (9) | 24,4 (36) | |
autre traite êtres humains. andere vormen van mensenhandel | 17 | 65,4 | 15 (2) | 18,3 (8) | -11,8 |
Trafic de véhicules. Illegale handel in voertuigen | 21 | 5,9 | 40 (10) | 5,6 (3,6) | +90,5 |
Recel (hors blanchiment). Heling (behalve witwassen) | 15 | 4,3 | 40 (20) | 5,6 (7,3) | +166,7 |
Faux-contrefaçons Namaak-vervalsing | 23 | 6,5 | 39 (22) | 5,5 (8) | +69,6 |
Corruption. Corruptie | 10 | 2,8 | 24 (17) | 3,3 (6,2) | +140,0 |
Trafic d'armes. Illegale wapenhandel | 17 | 4,8 | 22 (10) | 3,1 (3,6) | +29,4 |
Meurtre/assassinat. Doodslag/moord | 12 | 3,4 | 21 (15) | 2,9 (5,5) | +75,0 |
Prise d'otages, enlèvement Gijzeling, ontvoering | 6 | 1,7 | 14 (12) | 1,9 (4,4) | +133,3 |
Autres. Andere | 9 | 2,6 | 51 (30) | 7,1 (10,9) | +466,7 |
Total. Totaal | 352 | 100 | 719 (274) | 100 (100) | +104,3 |
(1 ) Le chiffre entre parenthèses représente la part des activités mentionnées comme accessoires pour l'organisation criminelle.
Le nombre total s'élève à 352 et 719 parce que certaines organisations criminelles sont actives dans plusieurs domaines.
Selon le rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997, le présent paramètre constitue un excellent instrument de mesure pour déterminer les domaines d'activités des organisations criminelles. Pour 89 organisations, le trafic et le commerce de stupéfiants constituent une activité principale ou une activité accessoire. Il faut ajouter également que 12 organisations sont actives dans la production de produits stupéfiants et 13 dans d'autres faits liés à la vente et au commerce de stupéfiants.
Les délits financiers et économiques occupent la deuxième place (dans 100 dossiers). Le blanchiment de fonds illégaux vient en troisième position (88 organisations). Les vols et la traite des êtres humains arrivent en quatrième et cinquième lieu. Le trafic de véhicules suit, mais dans une moindre mesure. Les autres domaines criminels ont été beaucoup moins fréquemment observés. Une comparaison avec les données collectées l'an passé montre que la part des activités liées aux stupéfiants est plus nuancée. On peut en effet faire la distinction entre le trafic et la production de produits stupéfiants. On constate alors que la part du trafic de produits stupéfiants est moins élevée que celle constatée auparavant.
La scission entre l'activité principale et l'activité accessoire apporte également des informations. On constate de la sorte que les trafics forment en majorité une activité principale des organisations. Les organisations actives dans le trafic de drogue s'orientent presque toujours vers cette activité à titre principal. On peut se demander à cet égard si l'approche classique de la criminalité organisée, assimilée initialement à la lutte contre le trafic de drogue, n'influence pas la perception de la criminalité organisée et oriente initialement les enquêtes vers ce type bien connu de criminalité. Il faut reconnaître cependant que les bénéfices engendrés par le trafic de drogues au regard de l'investissement et des risques encourus par les instigateurs de ce type de trafic rendent ces activités particulièrement attractives pour les organisations criminelles.
Partant de ce qui précède, il est intéressant de parcourir les autres formes d'activités développées par les organisations criminelles. Le tableau figurant ci-dessus relève certaines constantes mais également certaines surprises. Les faits liés à des contre-stratégies (337) (corruption, meurtre, assassinat, enlèvement ou prises d'otages) sont surtout accessoires, ce qui semble logique.
Les faits d'extorsion peuvent être liés à des contre-stratégies (c'est une forme d'intimidation) mais également constituer l'une des activités principales de certaines organisations criminelles (le milieu criminel chinois est actif dans ce genre de faits, au sein même de la communauté asiatique établie en Belgique (338). Alors qu'initialement le blanchiment était lié à des activités criminelles déterminées, on voit qu'une analyse plus poussée révèle que le blanchiment est surtout mentionné comme étant une activité principale des organisations criminelles. Des enquêtes récentes montrent en effet que l'on est confronté à des organisations criminelles qui ne développent des activités en Belgique qu'à des fins de blanchir leurs fonds criminels. Ces organisations trouvent ici une expertise et un système financier moderne, attractif pour le blanchiment.
La comparaison avec l'année passée doit être fortement nuancée. En effet, une des principales améliorations du questionnaire porte sur les activités déployées par les organisations criminelles. Au contraire du questionnaire établi l'an passé, qui comportait une nombre restreint de choix et combinait les activités et le type d'organisation rencontré, le questionnaire actuel propose, en une question, une multitude d'activités. De plus, il tient également compte des activités accessoires développées par les organisations criminelles. Un rapide calcul montre d'ailleurs que la proportion du nombre d'activités par organisation est inférieure à celle de 1996, si l'on ne tient compte que des activités principales (1,87 en 1997 pour 2,17 en 1996). On peut dès lors dire que l'ampleur des activités développées par une même organisation criminelle reste limitée » (339).
1.2.4.1.1. Aperçu du commerce de la drogue en Belgique (340)
Pour l'année 1997, 114 des 238 organisations criminelles détectées avaient pour activité principale ou accessoire le trafic et le commerce de stupéfiants. S'ajoutent à cela 12 organisations (1,7 %) actives, à titre principal ou accessoire dans la production de stupéfiants. Sur la base des analyses effectuées en Belgique, il faut constater que notre pays prend de l'importance dans le trafic international d'héroïne. À titre d'exemple, l'opération « Turbo-Diesel » réalisée par la police judiciaire a mené, après deux ans d'enquête dans le Limbourg, à l'arrestation de soixante-cinq personnes et à la saisie de 500 kilogrammes d'héroïne en provenance de la route des Balkans (341). Ce trafic, perpétré par des organisations (turques pour la plupart) présentant une structure rigide et n'hésitant pas à récourir à la violence et à la manipulation, tend à se doubler, parallèlement, de trafics de cocaïne et d'amphétamines.
À côté du trafic d'héroïne, d'importantes quantités de hachisch sont également importées en Belgique en provenance d'Afrique du Nord. Ce trafic, qui est pour l'essentiel aux mains d'organisations belges, néerlandaises et marocaines, s'organise par route, par autos, autocars ou encore camions. À cet égard, le rapport 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997 précise (342) que les passeurs (courriers) sont recrutés par des organisations marocaines qui choisissent des personnes endettées. En 1997, 113 personnes ont été arrêtées sur les routes, et 3,7 tonnes de hachisch saisies. Des autocars de sociétés de tourisme, spécialement adaptés pour le transport de la drogue, sont également utilisés. Les aménagements des cars se font soit avec la seule complicité du chauffeur, soit avec la complicité de l'exploitant de la société. Il en va de même pour le transport par camion.
Le rapport 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997 relève également que les gains réalisés par le biais de ce trafic sont « soit renvoyés au Maroc, de préférence via une banque marocaine installée en Belgique, soit changés en dirhams et renvoyés au Maroc par courrier. Les bénéfices ainsi transférés sont réinvestis au Maroc. Le paiement par une autre drogue, cocaïne ou héroïne, a fait son apparition ces derniers temps » (343).
Pays essentiellement importateur de drogue, la Belgique est également exportatrice pour tout ce qui concerne les drogues synthétiques (drogues obtenues par synthèse chimique). Les principales drogues de synthèse produites en Belgique sont les amphétamines, le LSD et les dérivés amphétaminiques tels que l'XTC, qui sont exportées, par route ou par avion, essentiellement vers la Grande Bretagne, la Scandinavie, l'Espagne et l'Allemagne (344).
Le rapport 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997 indique que « la production et la distribution des drogues synthétiques sont parfois dans les mains de groupes criminels bien organisés. Le niveau d'organisation des groupements criminels diffère fort d'un groupe à l'autre et il est souvent malaisé de savoir combien de personnes sont concernées dans la totalité du processus. Certains groupes se partagent parfois une partie du processus, dans lequel ils se spécialisent, sans nécessairement se connaître. Des producteurs essaient de plus en plus, à travers des achats de produits légaux disponibles, de produire eux-mêmes les précurseurs (ces produits de base sont appelés des pré-précurseurs) nécessaires (345).
De manière générale, il a pu être constaté l'existence de liens étroits entre les organisations criminelles actives dans le domaine du trafic de stupéfiants et le blanchiment de fonds d'origine criminelle (346).
Le rapport 1997 sur le crime organisé en Belgique en 1996 avait déjà relevé le rôle croissant joué par les ports belges dans le trafic international de stupéfiants. Les ports d'Anvers, de Zeebrugge et, dans une moindre mesure, celui de Gand, sont utilisés par les organisations criminelles pour introduire des stupéfiants sur le territoire européen, essentiellement de la cocaïne et des produits à base de cocaïne. Le rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997 insiste aujourd'hui sur le rôle important joué par l'aéroport national de Zaventem comme point de transit pour l'importation et l'exportation des drogues. Les forces de l'ordre constatent également le rôle croissant joué par les aéroports régionaux. Les trafics se réalisent tant sur les lignes régulières que sur les cargos ou les vols privés.
Il est à noter également que le trafic de stupéfiants constitue la principale forme de criminalité à la base des dossiers transmis au procureur du Roi par la CTIF, pour un montant de 56,4 milliards, soit 57,1 % de l'ensemble des montants relatifs aux dossiers transmis au procureur du Roi entre décembre 1993 et juin 1997 (347).
1.2.4.1.2. Traite des êtres humains
Quatre groupes d'auteurs sont principalement impliqués dans cette activité : les Indo-Pakistanais, les Africains de l'Ouest, les Albanais et les Chinois (348).
Les groupes d'auteurs indo-pakistanais organisent principalement, en collaboration avec des ressortissants belges, le transport d'autres Indo-Pakistanais à destination de la Belgique ou d'autres pays. Le transport se fait généralement en groupe par camions. À l'inverse, les organisations d'Afrique de l'Ouest organisent généralement l'immigration par voie aérienne. Les passeurs accompagnent un ou deux immigrés vers le pays de destination.
« Les derniers et nouveaux groupes d'auteurs importants sont ceux des Albanais. Ils travaillent de manière plus violente et tentent de mettre sous leur contrôle une grande partie de la scène criminelle. L'organisation règle le transport d'Albanie vers l'Europe (pour une somme variant de 5 000 à 6 000 DM). La destination finale est souvent le Royaume-Uni rejoint en huit jours environ. La promesse faite aux victimes d'atteindre ce pays a pour conséquence qu'elles ne sont pas disposées à collaborer avec les forces de police.
L'évolution récente indique que les organisations criminelles albanaises ayant des ramifications en Belgique, reprennent pour leur compte le transfert, vers le Royaume-Uni, des clandestins déjà amenés en Belgique par des organisations chinoises ou indo-pakistanaises. Cet échange se fait soit par la contrainte, soit en accord avec ces autres organisations. Le recrutement de réfugiés du Kosovo désireux de s'installer en Europe occidentale se déroule ainsi. Les organisations criminelles albanaises recrutent aussi directement les candidats dans les centres belges pour réfugiés.
À côté de ces grands groupes d'auteurs, la Sûreté de l'État a porté son attention sur les réseaux chinois d'immigration clandestine. Cette forme transfrontalière de criminalité organisée fournit à ses organisateurs une énorme source de revenus et est en outre liée à des faux en écriture, l'utilisation de faux documents et l'organisation de mariages en blanc. Sur base de différentes enquêtes effectuées durant l'année 1997, plusieurs constatations ont pu être faites. Ainsi, on constate que les ressortissants chinois viennent souvent en Belgique d'une manière légale, avant de basculer dans la clandestinité. À cet effet, ils recourent généralement à des visas de courte durée (visa touristique par exemple). On constate aussi qu'il est souvent fait usage d'actes notariés chinois et d'attestations consulaires de la République populaire de Chine falsifiés, documents dont l'authenticité est difficilement vérifiable. Ces documents permettent soit de procéder directement à un regroupement familial en Belgique, soit permettent aux candidats à l'émigration, en Chine, d'obtenir un passeport officiel les autorisant à rendre visite à leur « famille proche » à l'étranger. On constate en outre que les clandestins sont souvent munis de documents d'identité d'origine douteuse, ce qui crée une véritable apparence de légalité. Il faut aussi mentionner que certains résidents chinois, légalement établis en Belgique, retournent parfois en Chine afin de s'y marier et de permettre à leur conjoint de s'établir également en Belgique.
Une autre facette de la criminalité organisée dans la traite des êtres humains est l'exploitation sexuelle. Bien que les données chiffrées soient rares et quasi inexistantes, certaines indications peuvent être données.
Deux cas de figure peuvent se présenter. Soit la personne prise dans le réseau ne sait pas, en quittant son pays, qu'elle vient se prostituer en Belgique, soit elle le sait. Dans les deux cas, on enlève les papiers de ces personnes, qui se trouvent dès lors dans une situation administrative illégale et précaire, qui ne connaissent souvent pas la langue, ne parviennent pas à s'exprimer, sont mises sous pression, menacées, ... de façon à ce qu'elles n'aient pour autre solution que celle de se soumettre.
Un exemple de mise en place de réseaux, est celui dit du « principe de la pyramide ». Des femmes provenant de l'Afrique de l'Ouest (Liberia, Sierra Leone) sont recrutées au Nigeria afin de venir travailler dans le milieu de la prostitution en Europe de l'Ouest. L'entrée de ces femmes dans le Royaume est facilitée par l'organisation. Une fois sur le territoire belge, elles sont « achetées » pour une somme approximative de 7 000 US $. Les femmes savent qu'à partir de ce moment-là, elles ont 6 mois pour racheter leur liberté. Cette liberté leur coûtera la somme de 25 000 US $. Une fois libérées, une structure pyramidale se met en place dans le sens où ces femmes vont à leur tour « acheter » d'autres femmes, qui devront à leur tour racheter leur liberté.
La criminalité organisée albanaise joue également un rôle dans l'exploitation sexuelle. À côté des groupes criminels albanais qui organisent l'immigration clandestine, avec parfois le recrutement de filles destinées à la prostitution, on constate que le milieu albanais présent en Belgique tente de mettre la main sur l'ensemble des prostituées provenant de l'Europe de l'Est. Les filles, amenées en Belgique par d'autres organisations criminelles, sont « récupérées » souvent d'une façon violente.
La troisième facette de la traite des êtres humains est l'exploitation dans la sphère du travail. Ici aussi, les personnes entrées illégalement sur le territoire national n'ont que la solution de se laisser exploiter afin de pouvoir rembourser les sommes énormes qu'elles doivent à l'organisation criminelle. Un réseau de passeurs thaï demandait de 300 000 à 400 000 francs pour les services qu'il offrait. Les conditions de vie étaient déplorables. Les clandestins travaillaient 12 heures par jour en moyenne mais le rythme fluctuait aussi selon l'ampleur des commandes. Ils logeaient et mangeaient généralement sur place. Ils étaient payés à la pièce (entre 10 et 20 francs) et 5 000 francs leur était retiré pour le logement et la nourriture.
Une opération menée en 1997 a permis de démanteler une organisation criminelle asiatique qui exploitait, dans le milieu du textile, des personnes d'origine asiatique. L'opération a débuté dans la région liégeoise et il est apparu rapidement que ses activités s'étendaient sur tout le territoire belge et même vers la France. Plusieurs ateliers clandestins furent ainsi démantelés et de nombreuses machines saisies.
D'autres enquêtes menées en Belgique montrent que la mise au travail de clandestins par des filières peut se faire dans des secteurs variés. On a relevé l'exploitation de clandestins dans certaines boulangeries, dans des établissements vendant des pittas ou encore des pompes à essence. Selon la Sûreté de l'État, il semble que les restaurants chinois restent l'endroit idéal pour mettre au travail les Chinois illégalement introduits en Belgique. (349) »
1.2.4.1.3. Trafic illégal d'armes
Le rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997 distingue deux formes de trafic illégal d'armes : le détournement d'armes des circuits légaux au profit des circuits illégaux et l'importation illégale d'armes détournées essentiellement des pays de l'Est et de l'ex-Yougoslavie. Si la première forme est généralement l'oeuvre de gérants de stocks d'armes légales, les importations illégales sont « parfois contrôlées par des organisations originaires de Yougoslavie (350) ».
Le rapport annuel 1997 sur le crime organisé en 1996 relevait que le peu de données disponibles ne permettait pas d'évaluer la part des organisations criminelles dans le trafic international d'armes (351). Force est de constater que le rapport 1998 sur l'année 1997 fait encore état du peu d'informations à disposition des policiers dans ce domaine. « Néanmoins, on ne peut nier que plusieurs firmes de transport aérien, ainsi que leurs gestionnaires, sont cités comme actifs dans le trafic illégal d'armes d'un pays étranger vers un autre. Sur base des informations des services de renseignements (...), il semble que certains trafics d'armes vers l'Angola, le Zaïre et le Burundi aient été financés par la vente de diamants (352) ».
1.2.4.1.4. Trafic illégal de véhicules
Déjà en nette croissance en 1996, le trafic de véhicules reste une activité importante des organisations criminelles en 1997. Cette activité, qui s'organise tant au niveau national qu'au niveau international, rapporte en Belgique près de 9 milliards de francs par an, selon les estimations du ministère de la Justice (353). En 1996, des indices permettaient de croire que ce trafic était progressivement contrôlé et dirigé par des organisations criminelles traditionnelles telles que les clans italiens ou des organisations criminelles russes (354). Cette situation se confirme en 1997. Les trafics de véhicules sont aux mains d'organisations « structurées afin de pouvoir voler le véhicule, lui rendre une nouvelle identité et le replacer sur le marché légal de vente. Les tâches sont donc clairement déterminées et se répartissent entre le vol, le maquillage du véhicule, la fourniture des documents nécessaires à sa nouvelle identité, et la vente. Pour faciliter ce trafic, il est fait usage d'une structure commerciale où les activités légales permettent de camoufler les activités illégales (355). »
Les organisations impliquées dans ce type de trafic n'hésitent pas à faire usage de menaces contre les enquêteurs ni à user de la corruption.
1.2.4.1.5. Les fraudes aux cartes de crédit
Selon le rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997, « il ne fait pas de doute que la criminalité organisée est présente dans la fraude aux cartes de crédit. Les types de fraudes résultent soit d'un vol ou d'une perte, soit d'une contrefaçon, soit d'une demande frauduleuse de carte. La mise en place d'un réseau pour exploiter systématiquement les cartes de crédit détournées de leur fonction originelle nécessite au minimum la mise sur pied d'une bande organisée. Beaucoup d'organisations criminelles classiques (chinoises, italiennes, russes, nigériennes, ...) s'intéressent à la fraude aux cartes de crédit. L'évaluation des bénéfices engendrés par ce genre de fraude est difficile à faire. La fraude aurait coûté, en Belgique, moins de 250 millions de francs aux sociétés en 1997. Ce montant sous-estime probablement la réalité lorsque l'on sait que les entreprises privées préfèrent assumer le montant d'infractions plutôt que de risquer de subir une mauvaise publicité (356). »
1.2.4.1.6.1. Contre-stratégies en général
À ce sujet, M. Van Camp, procureur général, a déclaré : « Nous constatons de façon évidente l'existence de contre-stratégies, portant sur des faits précis. Je ne parle pas encore vraiment des contre-stratégies relatives à la corruption, à l'intimidation ou à l'infiltration dans les services policiers et autres. Nous constatons par exemple que le « pseudo-achat » est devenu une histoire ridicule. Tout d'abord parce que la Belgique ne peut en général présenter que le même montant. C'est assez navrant. Il faut se rendre à la Banque nationale, voire contacter les services américains ... Je suis prudent dans mes propos, mais j'ai l'habitude de la transparence. Mais il est évident qu'on le sait. J'ai dit que quand il y a des observations, il y a du « scanning ». On sait donc qu'il y a plus de véhicules de police qui sont mis en route. On suit l'intensité des communications radiophoniques. Nous avons des cas, pour le moment, j'ai un cas précis de menaces sérieuses contre un informateur, et pas un informateur du milieu. Cela, pour vous dire que cette intimidation prend forme et que je n'exagère pas. Comme parquet général, je ne peux pas suivre les dossiers au fond. Mon rôle, c'est la politique générale. Il m'appartient d'étudier les phénomènes qui se produisent dans les différents arrondissements at ailleurs, au niveau du Collège des procureurs généraux (357). »
Mme Coninsx, qui en son temps était substitut du procureur du Roi, a ajouté ce qui suit : « Je me sens menacée et d'autres magistrats qui ont une famille ont le même sentiment. Lorsque l'on intervient dans une audience et que l'on peut donc être reconnu physiquement, on s'expose évidemment à des menaces. Comme je n'ai pas encore de famille, ni d'enfants, je n'ai couru qu'un risque personnel en représentant le ministère public dans une affaire concernant le GIA. C'est un facteur qui a joué. J'ai répondu oui, après mûre réflexion, mais il y a eu une absence totale d'accompagnement psychologique car, en Belgique, on n'avait encore jamais été confronté à ce genre de situation. C'est un aspect que j'ai tout à fait sous-estimé (358). »
De son côté, M. Vanhaecke, premier substitut du procureur du Roi de Bruxelles, a déclaré ce qui suit : « J'ai pratiquement la même réaction. Ce que je veux dire qu'au cours de mes années de travail au parquet, je n'ai jamais subi aucune pression de la part du monde judiciaire ou de l'extérieur. C'est pourquoi je n'ai pas voulu croire le compte rendu que la presse a publié, il y a un an environ, à propos d'un magistrat du tribunal de Gand qui aurait succombé à des corrupteurs qui lui auraient demandé de prononcer des peines modérées. Ce genre de choses paraît donc quand même possible.
Selon la littérature, les organisations criminelles à caractère maffieux essaient de s'infiltrer dans le monde politique et économique. L'on connaît, à cet égard, plusieurs scandales de corruption. Aux questions sur l'affaire Pineau-Valenciennes, je ne peux que répondre que sur la base de ce que j'ai lu dans la presse. Un juge d'instruction aurait été soumis à des pressions dans ce dossier. Il y a donc des indices qui nous permettent de supposer que les phénomènes en question existent.
Ni moi-même, ni Mme Coninsx, que vous avez pu entendre il y a quelques instants, mais je ne peux évidemment parler qu'en mon propre nom, n'ont été soumis à des semblables pressions. L'on peut effectivement se poser des questions. Il y a eu l'affaire des plans régionaux, il y a le dossier des obus, mais je ne dispose personnellement d'aucune donnée concrète. Je n'ai jamais été confronté à ces choses dans ma pratique.
Tout cela ne nous empêche évidemment pas d'accéder au requêtes de certaines personnes, de personnes lésées, qui nous sollicitent par téléphone un entretien sur leur affaire mais nous nous situons alors à un niveau nettement inférieur. Je pense à un cas concret dans lequel une personne lésée m'a proposé de discuter de l'affaire lors d'un déjeuner, invitation que j'ai refusée. Je pense d'ailleurs que la plupart, sinon tous les substituts, refuseront de donner suite à une telle invitation, surtout depuis l'arrêt « spaghetti ».
Je ne saurais évidemment pas vous dire s'il est possible ou non de corrompre quelqu'un, mais je pense que notre structure judiciaire n'est pas si mauvaise que cela. Les magistrats du parquet forment un premier filtre avant l'ouverture de l'instruction. Après, le dossier revient certes au magistrats du parquet, mais on ne sait jamais avec certitude quel magistrat traitera le dossier au cours de l'instruction.
Il est dès lors difficile de sélectionner une personne donnée parmis les magistrats. Si vous arrivez à me corrompre, vous ne serez pas sûr pour autant de ne pas me retrouver dans un autre service le lendemain. Ce serait dommage pour vous et une chance pour moi. Les structures sont ainsi faites. Même si l'on parvenait à corrompre intégralement un tribunal, l'instruction aurait eu lieu et il y aurait des possibilités de recours. Le fait que, ni le juge d'instruction, ni le magistrat du parquet ne sont, par manque de temps, en mesure de diriger personnellement l'information ou l'instruction, crée en théorie une possibilité de contacter les services de police, ce qui veut dire que, si l'on ne fait pas beaucoup de progrès matériels dans l'instruction, le résultat sera effectivement que l'instruction elle-même reposera sur très peu de choses. C'est tout ce que je peux répondre à cette question (359). »
D'après le rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997, « 83 dossiers mentionnent l'usage de moyens, techniques ou autres, employés comme contre-stratégies offensives ou défensives. On dénombre principalement des contre-stratégies défensives. Ainsi, 41 contre-observations (des services de police, d'autres groupes criminels rivaux ou d'autres personnes), 32 recours à des moyens spéciaux de transmission, 19 utilisations d'un langage codé au sein de l'organisation, 14 envois d'agents infiltrants et 6 usages de matériel d'écoutes téléphoniques.
Cette problématique requiert une attention particulière au vu des risques qu'elle entraîne pour les policiers et les autorités chargées de lutter contre la criminalité organisée. Des dossiers traités cette année, il ressort un certain nombre de faits inquiétants. Ainsi, lors de perquisitions effectuées dans le cadre de certains dossiers, des extraits du registre national ont été retrouvés. Les documents étaient systématiquement rangés dans des fardes et permettaient aux criminels de connaître les adresses et situations familiales d'enquêteurs ainsi que d'un journaliste. On a en outre découvert les numéros d'immatriculation de véhicules d'observation des forces de police.
Les organisations criminelles tentent aussi de plus en plus souvent d'identifier formellement les personnes qui entrent en contact avec elles. Cela a pour conséquence que la sécurité des informateurs est rendue précaire et que les identités des agents sous couverture sont scrupuleusement vérifiées.
Des campagnes de dénigrement voient également le jour. Des enquêteurs sont victimes de rumeurs n'ayant pour objectif que de les déstabiliser et, in fine , les écarter des enquêtes en cours. La capacité d'enquête s'en trouve parfois fortement perturbée.
Il n'existe que très peu d'études sur la problématique de l'emploi d'Internet par des criminels. Le choix d'Internet comme moyen technique utilisé par l'organisation criminelle a été proposé dans le questionnaire mais n'a été mentionné dans aucun dossier. Au stade actuel des analyses stratégiques, il n'a pu être indiqué si les organisations criminelles faisaient usage des nouvelles routes de l'information.
Il n'est pas invraisemblable que les organisations criminelles développeront dans le futur des moyens techniques perfectionnés pour échapper aux services de police. Une analyse stratégique des contre-stratégies défensives et offensives des organisations criminelles semble donc nécessaire pour anticiper sur ces développements futurs » (360).
Le commissaire général aux délégations judiciaires, M. De Vroom, estime que 60 % de la corruption se situerait dans le secteur privé, contre 40 % qui affecterait les institutions étatiques. « Ces chiffres sont basés sur des informations qui ont été communiquées au cours de deux congrès, à savoir le congrès qui s'est tenu en 1993 au Mexique et celui sur la corruption qui s'est déroulé en Chine. Ces chiffres ont été cités par des représentants de l'AIAC à Hong Kong, qui disposait de statistiques relatives à la corruption dans divers pays. Nous ne disposons pas de données chiffrées semblables en Belgique » (361). »
Selon Jean-Claude Van Espen, juge d'instruction au tribunal de première instance de Bruxelles, « les membres des organisations criminelles sont enclins à obtenir des honneurs et de la reconnaissance. À cette fin, ils recherchent certains contacts et ce, dans tous les milieux possibles. Une fois que ces relations sont nouées, elles sont utilisées pour concrétiser leurs objectifs illégaux. Ces contacts sont maintenus par chantage et par influence. L'influence englobe toutes les actions de faveur qui sont menées au profit d'une certaine personne. L'influence peut se manifester par : la fraude, la corruption, la complicité.
Exemples :
Cette influence est orientée sur :
les fonctionnaires des douanes (nationaux et étrangers);
les policiers;
les employés de la poste;
l'inspection du travail;
les employés d'une ville;
les hommes politiques;
les médias;
la justice.
Cette influence peut aller du simple contact jusqu'à la corruption pour ainsi gagner ces personnes à leur cause (362). »
Lors de son audition relative au problème de la corruption, M. Duinslager, qui était à l'époque magistrat national, a donné une énumération non exhaustive d'une série d'affaires.
« Nous pouvons citer à cet égard toute une série d'affaires judiciaires. Je pense à l'affaire Leroy qui était liée au trafic de la drogue. Je pense à l'affaire Ringault, un autre magistrat qui a connu des ennuis en raison d'une affaire de traite des femmes. Je pense à l'implication de la police gantoise dans l'affaire de la bande du milliardaire. Je ne cite d'ailleurs que des affaires dont il a été question dans la presse et que chacun est censé connaître. On parle aussi de l'implication de la gendarmerie et des services de douane dans un trafic de drogues par conteneurs dans le port d'Anvers. Il est aussi question de l'affaire du conseiller Beirens, une autre affaire de corruption. On parle de l'implication de certaines ambassades et de modifications de plans de secteur de l'affaire des obus, de l'affaire Agusta, etc.
La présence de tels éléments doit à elle seule nous inciter à la vigilance. Je ne prétends pour autant ici que le système politique, économique, politique, judiciaire, policier et financier belge est infiltré aujourd'hui par des criminels, mais il faut être sur ses gardes à tous les niveaux » (363).
M. Van Camp, procureur général près la cour d'appel d'Anvers, a ajouté : « Pour ce qui est de la corruption, une enquête est en cours pour le moment je n'en dis pas plus dans les services de police d'Anvers, ou dans certains services. Tout peut se produire dans ces matières et nous devons y être attentifs. Et là se pose le problème. C'est peut-être un point sur lequel je puis attirer l'attention de la commission. À moins de me tromper, les magistrats nationaux exercent évidemment un contrôle sur les informateurs, sur les fonds, etc. Mais lorsque j'étais en mission aux États-Unis, au FBI, à la Drug enforcement administration, j'ai pu constater qu'il s'agissait pratiquement d'une administration de paracommandos. Il y a une intelligence et une super intelligence. Les agents sont contrôlés par un service et les contrôleurs sont encore contrôlés par un autre service. Je crois que lorsque nous appliquons des méthodes qui sont nécessairement conformes aux principes de légalité, proportionnalité et de subsidiarité il faut des données sérieuses avant de pouvoir dire ce qui est admis. Allons-nous vers le système des pentiti , ou du renversement de la preuve ? Cela dépend du fait de savoir si dans un état de droit, dans une démocratie, nous devons aller aussi loin. C'est possible, mais c'est pour cela que nous devons avoir les données de fait et scientifiques que nous n'avons pas encore. Dans ce contexte, j'estime que l'inspection générale de la gendarmerie et l'inspection générale de la police judiciaire sont des structures dépassées qui ne répondent pas aux nécessités d'un contrôle en la matière.
Lorsque nous nous attaquerons à ce phénomène-là, ces structures ne seront pas suffisantes. Des signaux, en tout cas dans mon ressort, l'indiquent déjà. Il y a certainement des signes d'intimidation. Il est évident que j'ai eu à connaître d'un cas de corruption (divulgation du secret professionnel) dans le cadre de la criminalité organisée. J'ai fait condamner et maintenant le dossier est prêt pour l'action disciplinaire au niveau d'un service de police. Ce n'est pas facile à détecter, mais voilà un cas précis que j'ai déjà rencontré (364). »
Selon le rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997, 295 nouveaux dossiers liés à la corruption ont été recensés en 1997 par le service central de lutte contre la corruption. Toujours selon ce même rapport, les avantages évalués dans 47 dossiers s'élèvent à 1 576 milliard de francs. Deux de ces dossiers portent sur 1 150 milliard de francs, alors que 68,1 % des dossiers portent sur moins de 10 millions de francs (365).
1.2.4.1.6.3. Trafic d'influence
Catégories professionnelles subissant une influence (366).
Catégories professionnelles Beroepscategorieën |
Nombre Aantal |
|||
1996 | % | 1997 | % | |
Policiers. Politieambtenaren | 15 | 34,2 | 44 | 27,3 |
Entreprises privées. Particuliere ondernemingen | 4 | 9,2 | 37 | 23,0 |
Douanes. Douane | 7 | 15,9 | 20 | 12,4 |
Autres administrations. Andere administraties | 3 | 6,9 | 15 | 9,3 |
Hommes/partis politiques. Politici/politieke partijen | 4 | 8,8 | 11 | 6,8 |
Magistrats. Magistraten | 10 | 22,7 | 8 | 5,0 |
Inspection économique et sociale. Sociale/economische inspectie | 1 | 2,3 | 4 | 2,5 |
Autres. Andere | | | 22 | 13,7 |
Total. Totaal | 44 | 100 | 161 | 100 |
Remarque : 79 organisations criminelles exercent une influence sur ces catégories professionnelles. Certaines organisations ont exercé de l'influence à plusieurs reprises, ce qui explique le total de 161.
« 79 (33,2 % des 238 organisations, contre 21,0 % en 1996) organisations criminelles sont responsables de 161 faits possibles d'influence. 31 dossiers traitent 54 faits se situant à l'étranger tandis que 20 faits (115) ont été commis en Belgique, 20 faits n'ont pas été localisés. Les organisations criminelles tentent surtout d'avoir prise sur des personnes pouvant leur procurer une aide (indispensable). 34 dossiers ont montré 44 cas (27,3 %) d'influence dirigés contre des policiers. Les firmes et les particuliers semblent être fort sollicités (37 cas, soit 23 %). Les services douaniers sont également touchés par l'influence (20 cas, soit 12,4 %). Les catégories professionnelles restantes sont réparties entre d'autres administrations, des groupes idéologiques, des associations sportives ou encore le monde financier. Il est frappant de constater que l'organisation criminelle utilise peu les médias pour réaliser ses objectifs (un seul cas, soit 0,6 %).
La comparaison année par année reste hasardeuse, pour les raisons invoquées précédemment. L'augmentation des faits possibles de corruption doit donc être relativisée. On peut en outre ajouter que la liberté laissée aux enquêteurs de signaler les informations douces pour ce type de faits prend ici toute sa signification (le tableau suivant indique une augmentation de faits de manipulation ainsi que des promesses). Il ressort cependant du tableau précédent que la part d'influence sur les magistrats est en nette régression, le nombre absolu ayant même diminué. 4 cas ont eu lieu en Belgique, 3 à l'étranger, cette précision était absente pour le dernier cas. Les tentatives d'influence sur les entreprises privées connaissent par contre une progression vertigineuse. Le moyen employé alors est souvent le recours à des sommes d'argent (367). »
Nature de l'influence
Nature de l'influence Aard van de beïnvloeding |
Nombre Aantal |
|||
1996 | % | 1997 | % | |
Argent. Geld | 8 | 23,5 | 60 | 37,3 |
Manipulation. Manipulatie | 11 | 32,4 | 31 | 19,3 |
Avantages en nature. Voordelen in natura | 4 | 11,8 | 23 | 14,3 |
Dons matériels. Materiële giften | 6 | 17,6 | 19 | 11,8 |
Promesses. Beloften | 1 | 2,9 | 8 | 5,0 |
Autres. Andere | 4 | 11,7 | 20 | 12,4 |
Total. Totaal | 34 | 100 | 161 | 100 |
Remarque :
1. 79 organisations criminelles ont exercé une influence. Une organisation peut exercer plusieurs formes d'influence, ce qui explique le total de 161.
2. Manipulation = par un artifice, excercer de l'influence sur quelqu'un à son insu.
« L'exercice d'influence peut adopter diverses formes. Les cas dans lesquels la personne approchée en a retiré un avantage sont les plus fréquents. Les organisations criminelles ont exercé une influence sous forme d'argent (60 cas, 37,3 %), de manipulation (31 cas, 19,6 %), d'avantages en nature (23 cas, 14,3 %) et de dons matériels (19 cas, 11,8 %). Cela représente un pourcentage global de 82,7 %. Parmi les autres formes d'influence, on peut citer les promesses, le chantage et la compromission.
Le recours à de telles méthodes ne peut toutefois pas systématiquement être relié à un certain type d'organisation. Tant les organisations criminelles actives dans un domaine de délits bien particulier que celles d'une certaine origine ethnique ont recours à cette arme (368). »
1.2.4.1.6.4. Emploi de violence ou d'intimidation
Généralités
Victimes d'actes de violence ou d'intimidation (369)
Victimes. Slachtoffers | Nombre. Aantal | |||
1996 | % | 1997 | % | |
Membres de l'organisation même. Leden van de organisatie zelf | 77 | 50,6 | 200 | 42,4 |
Personnes désireuses de collaborer avec la justice. Personen die met het gerecht willen meewerken | 32 | 21,1 | 79 | 17,0 |
Policiers, enquêteurs. Politieambtenaren, onderzoekers | 21 | 13,8 | 50 | 10,6 |
Membres d'autres organisations. Leden van andere organisaties | 7 | 4,6 | 48 | 10,0 |
Firmes/particuliers. Firma's of particulieren | | | 48 | 10,0 |
Magistrats. Magistraten | 7 | 4,6 | 8 | 1,7 |
Autres. Anderen | 8 | 5,3 | 39 | 8,3 |
Total. Totaal | 152 | 100 | 472 | 100 |
Remarque : L'ensemble des faits connus (472) a été commis par 152 organisations.
« Il ressort des 238 dossiers que 152 (63,9 %) organisations criminelles ont eu recours à la violence ou à une autre forme d'intimidation. 45 dossiers traitent 93 faits d'information douce (370). La proportion d'organisations qui utilisent de la violence ou d'autres moyens d'intimidation reste identique par rapport à l'an passé (64,8 % en 1996 contre 63,9 % en 1997). Le recours à la violence ne doit pas être considéré comme une composante intrinsèque des fais commis, mais plutôt comme une « arme » permettant de garder sa place dans les milieux criminels.
La violence peut être interne ou externe à un groupe. C'est le recours à la violence ou à une autre forme d'intimidation dirigée contre les membres de l'organisation même qui apparaît le plus fréquemment (42,4 %, soit 200 cas).
En ce qui concerne la violence ou l'intimidation dirigée vers l'extérieur, les cibles de ces actes du milieu criminel étaient souvent des personnes désireuses de collaborer avec la justice (témoins, informateurs) ou des policiers et des magistrats (les deux catégories totalisent 29,3 % des cas, soit 137, dont 28 mentions collectées sur base d'une information douce). La violence ou l'intimidation de firmes ou de particuliers revient à plusieurs reprises (48; 10 %). 48 (10 %) organisations criminelles ont également eu recours à la violence ou à l'intimidation pour assurer leur position vis-à-vis de clans criminels rivaux.
La comparaison entre les années 1996 et 1997 est périlleuse dans la mesure où les chiffres mentionnés sont relativement bas et que les remarques faites dans la partie qui précède sont également applicables à cette partie. Il ressort néanmoins du tableau que l'emploi de violence et/ou d'intimidation vis-à-vis des organisations rivales connaît un accroissement spectaculaire. Une analyse plus poussée à ce niveau indique que ce sont les formes d'intimidation sur les personnes qui sont les plus souvent employées (menaces directes, coups et blessures, meurtre et assassinat, et présence menaçante). » (371)
Nature de la violence/intimidation utilisée.
Nature de la violence et de l'intimidation Aard van het geweld en de intimidatie |
Nombre. Aantal | |||
1996 | % | 1997 | % | |
Menaces directes. Rechtstreekse bedreigingen | 64 | 34,0 | 156 | 33,1 |
Coups et blessures. Slagen en verwondingen | 21 | 11,1 | 50 | 10,6 |
Présence menaçante. Bedreigende aanwezigheid | 12 | 6,4 | 48 | 10,2 |
Menaces vis-à-vis de connaissances. Bedreiging kennissen | 27 | 14,4 | 38 | 8,1 |
Compromission/chantage. Compromitteren/chantage | 3 | 1,6 | 35 | 7,4 |
Menaces téléphoniques. Telefonische bedreigingen | 12 | 6,4 | 29 | 6,1 |
Assassinat/meurtre. Moord/doodslag | 15 | 8,0 | 28 | 5,9 |
Diffusion rumeurs. Verspreiding geruchten | 6 | 3,2 | 23 | 4,9 |
Destruction matérielle. Materiële schade | 5 | 2,7 | 12 | 2,5 |
Menaces par lettre. Dreigbrieven | 7 | 3,7 | 12 | 2,5 |
Incendie. Brandstichting | 2 | 1,1 | 10 | 2,1 |
Autres. Andere | 14 | 7,4 | 31 | 6,6 |
Total. Totaal | 188 | 100 | 472 | 100 |
Remarque : 152 organisations criminelles ont eu recours à la violence/intimidation. Certaines organisations ont eu recours à plusieurs formes de violence ou d'intimidation, ce qui explique le total de 472.
Ce tableau donne un aperçu des différentes formes d'intimidation. « Il ressort de l'énumération que l'intimidation peut adopter une forme physique, psychique et même matérielle. Les différentes formes de menace (menace directe, lettres de menace, menace par présence physique, menaces téléphoniques et menaces dirigées contre des tierces personnes) ont été utilisées dans 283 cas sur 472 (soit 60 %). Dans 50 cas, le recours à la violence s'est limité à des coups et blessures. Vingt-huit assassinats ou meurtres ont été recensés, principalement orientés vers l'organisation criminelle même (12 cas) ou une organisation rivale (7 cas), 7 faits ont eu lieu aux Pays-Bas. Nous mentionnons également dix cas d'incendie comme modus operandi particulier. » (372)
1.3. Principaux secteurs économiques touchés par les organisations criminelles
La commission constate que certains secteurs économiques sont touchés par la criminalité organisée. Mêmes si certains secteurs , tels que l'immobilier en matière de blanchiment, ou l'horeca en matière de traite des êtres humains, sont pour cette criminalité plus attirants que d'autres, la commission se garde de vouloir généraliser son propos. En aucun cas, il ne s'agit ici de stigmatiser certains secteurs économiques en particulier, ni de prétendre que seuls les secteurs cités ci-après sont victimes des organisations criminelles. La mention de tel ou tel secteur économique ne signifie pas davantage que le secteur tout entier soit affecté par la criminalité organisée. Cependant, pour être à même d'évaluer les risques encourus par certains secteurs économiques et de prendre les mesures ad hoc, il convient de déterminer quels sont les secteurs plus particulièrement vulnérables à une infiltration par les organisations criminelles.
Selon M. Bruggeman, d'Europol, « les domaines de la criminalité organisée que l'on sous-estime en Belgique sont ceux de la criminalité bancaire, de la prostitution, de la traite des êtres humains bien qu'il ait été question desdits problèmes dans certaines publications récentes et de la criminalité économique, dont fait partie, par exemple, le commerce des déchets. Face aux études détaillées auxquelles on procède dans le Royaume-Uni, où l'on tente d'identifier toutes les facettes de la criminalité, force est d'admettre que l'on ne fait pas grand-chose en Belgique. Ce n'est pas une question d'ignorance, mais c'est dû au fait que l'on en est encore aux balbutiements (373). La profondeur de ce que font les britanniques réside dans la force des rapports interdisciplinaires thématiques qu'ils établissent, toujours dans le cadre d'une collaboration entre le ministère de l'Intérieur et les divers partenaires. En matière de fraude, il y a une collaboration avec les banques et avec les compagnies d'assurances. Pour ce qui est des autres matières criminelles, il y a une coopération avec d'autres milieux privés. De la sorte, les Britanniques parviennent à mieux connaître la criminalité organisée et à mieux la reconnaître (374). »
1.3.1. Secteurs développant des activités commerciales sur la base du rapport annuel du ministère de la Justice sur le crime organisé en Belgique en 1997
Actuellement, les services de police ne disposent que d'informations statistiques qui concernent l'utilisation ou non de structures commerciales relatives à un secteur particulier par les organisations criminelles.
Secteurs développant des activités commerciales
Secteur Sector |
Nombre Aantal |
|||
1996 | % | 1997 | % | |
Import-export. Invoer/uitvoer | 56 | 32,0 | 93 | 20,6 |
Horeca. Horeca | 23 | 13,1 | 55 | 12,2 |
Transport. Vervoer | 21 | 12,0 | 41 | 10,9 |
Banque. Banken | | | 24 | 5,3 |
Immobilier. Vastgoed | 11 | 6,3 | 23 | 5,1 |
Commerce de détail. Kleinhandel | 18 | 10,3 | 21 | 4,7 |
Construction. Bouw | 7 | 4,0 | 19 | 4,2 |
Institutions financières. Financiële instellingen | 10 | 5,7 | 18 | 4 |
Textile. Textiel | | | 18 | 4 |
Alimentation. Voeding | | | 15 | 3,3 |
Électronique. Electronica | | | 8 | 1,8 |
Chimie/Pharmacie. Chemie/farmaceutica | | | 6 | 1,3 |
Autres. Andere | 29 | 16,6 | 102 | 22,6 |
Total. Totaal | 175 | 100 | 451 | 100 |
Pour l'année 1997, les principaux secteurs économiques touchés par la criminalité organisée sont, selon le rapport annuel belge 1998 sur le crime organisé en 1997, les sociétés d'import-export, le secteur horeca, les sociétés de transport et les institutions bancaires et financières. À eux seuls, ces secteurs représentent plus de 50 % des secteurs économiques touchés par les 180 organisations criminelles détectées ayant utilisé des structures commerciales (soit 75,6 % des 238 organisations criminelles détectées). Les autres secteurs touchés, toujours selon le rapport annuel belge 1998 sur le crime organisé en 1997, sont le secteur immobilier, le commerce de détail, la construction, le textile, l'alimentation, l'électronique, le secteur chimique et pharmaceutique.
Par rapport aux secteurs économiques touchés par les organisations criminelles détectées en 1996, les différences les plus significatives sont que le secteur des transports n'occupe plus la deuxième, mais la troisième place, et que les trois premiers secteurs (import-export, horeca et transport) occupent une part moindre dans l'ensemble des secteurs confrontés à la criminalité organisée (43,7 % contre 56,1 %). L'emploi de sociétés-écran se présente principalement dans le secteur de l'import-export et des transports, tandis que le mélange d'activités légales et illégales est surtout constaté dans la construction (375).
Interrogés sur les secteurs spécifiques touchés par la criminalité organisée dans leurs arrondissements respectifs, les procureurs du Roi n'ont pas fait état de criminalité liée au secteur du transport ou au secteur chimique et pharmaceutique au sens strict.
De nombreuses fraudes ont également cours en matière de TVA et d'accises. Affectant directement les intérêts financiers de l'Union européenne et indirectement ceux des États membres, les fraudes portent principalement sur les matières premières tels que le pétrole ou les produits agricoles comme le sucre, mais également sur les cigarettes, l'alcool ou encore le textile. En cette matière, les préventions de fausses déclarations, détournements des quotas commerciaux et des droits à l'importation sont monnaie courante avant que ces produits n'entrent dans le marché noir. Dans le domaine du sucre, les autorités belges, en collaboration avec l'UCLAF, la Hollande et l'Italie, ont pu démanteler un important trafic. Le sucre, officiellement exporté vers la Croatie à partir des Pays-Bas, était en réalité destiné au marché noir italien. La Croatie, destination officielle, étant hors de l'Union européenne, l'exportateur pouvait récupérer des subsides européens (376).
1.3.2. Utilisation de structures commerciales par les organisations criminelles selon le rapport annuel 1998 du ministère de la Justice sur le crime organisé en Belgique en 1997
« L'utilisation de structures commerciales a pour objectif de faciliter les activités criminelles ou de créer des réseaux (inter)nationaux de blanchiment. Cette imbrication d'activités légales et illégales offre une bonne protection au crime organisé.
Par « utilisation de structures commerciales », on entend :
l'abus d'une société légalement établie, avec la collaboration d'une ou de plusieurs personnes y travaillant;
l'exploitation, par une organisation criminelle, d'une société légalement établie, avec l'imbrication d'activités légales et illégales;
la création de sociétés-écran utilisées comme couverture, sans qu'aucune activité commerciale y soit développée.
Nature et type
180 (75,6 %) des 238 organisations criminelles ont utilisé des structures commerciales. Ce pourcentage confirme la tendance relevée dans les rapports antérieurs (en 1996, 121 organisations criminelles abusaient de 161 structures commerciales, soit 74,7 %).
L'amélioration du formulaire de signalement de la criminalité organisée permet de pousser plus avant l'analyse des structures commerciales utilisées par les organisations criminelles. Il est à rappeler que les structures commerciales peuvent être employées pour camoufler les activités criminelles, pour faciliter ces activités, ou pour maquiller la provenance des avantages patrimoniaux découlant directement ou indirectement des délits commis (377). »
Nature de la structure commerciale
Nature de la structure commerciale Aard van de commerciële structuur |
Nombre de structures employés Aantal gebruikte structuren |
|||
1996 | % | 1997 | % | |
Structures légales existantes, avec la collaboration d'une ou plusieurs personnes travaillant dans l'entreprise. Bestaande legale structuur gebruikt met medewerking van een of meer personen werkzaam in het bedrijf | 62 | 38,8 | 168 | 40,4 |
Exploitation, par l'organisation criminelle, d'une structure légale, avec une imbrication d'activités légales et illégales. Exploitatie van een legale structuur door een criminele organisatie met vermenging van legale en illegale activiteiten | 61 | 37,9 | 201 | 48,3 |
Sociétés-écran sans activité commerciale. Schijnvennootschappen zonder commerciële activiteiten | 38 | 23,6 | 47 | 11,3 |
Total. Totaal | 161 | 100 | 416 | 100 |
Le tableau révèle que les enquêteurs ont rencontré ce type de structure 416 fois. Aucune indication n'est donnée quant au nombre de sociétés ou de firmes utilisées. D'après les chiffres, c'est l'exploitation de sociétés légalement établies qui est la plus sollicitée (201 sur 416, soit 48,3 %), suivie par les structures légales existantes (168 soit 40,4 %). Le recours à des sociétés-écran reste limité, et la part de celles-ci dans l'ensemble des structures commerciales utilisées a même tendance à diminuer si l'on compare les 47 (11,3 %) sociétés-écran mentionnées cette année (378) aux 38 (23,6 %) comptabilisées l'an passé (379).
L'augmentation du nombre moyen de structures commerciales utilisées par organisation criminelle (1,33 par organisation en 1996 contre 2,3 en 1997) doit être imputée à l'évolution du formulaire de signalement et à l'amélioration du processus de récolte. Le choix plus large des secteurs économiques proposés, et donc le type de structure commerciale qui s'y rattache, a incité les enquêteurs à communiquer systématiquement toutes les informations dont ils disposaient (380). »
Forme juridique des structures commerciales utilisées
Forme juridique Juridische vorm |
Nombre Aantal |
% | % cumulé gecum. |
Société anonyme. Naamloze vennootschap | 171 | 39,4 | 39,4 |
Société privée à responsabilité limitée. Besloten vennootschap met beperkte aansprakelijkheid | 116 | 26,7 | 66,1 |
Indépendant. Zelfstandige | 44 | 10,1 | 76,2 |
Société coopérative. Coöperatieve vennootschap | 22 | 5,1 | 81,3 |
ASBL. VZW | 15 | 3,5 | 84,8 |
Société en nom collectif. Collectieve vennootschap op naam | 7 | 1,6 | 86,4 |
Société en commandite. Commanditaire vennootschap | 1 | 0,2 | 86,6 |
Autres (1). Andere (1) | 58 | 13,4 | 100 |
Total. Totaal | 434 | 100 |
(1) La catégorie « Autre » comprend des formes de sociétés étrangères qui n'entrent pas dans la typologie belge.
« Les sociétés anonymes (SA) ainsi que les sociétés privées à responsabilité limitée (SPRL) se détachent nettement des autres formes juridiques utilisées par la criminalité organisée. Ces formes juridiques limitent la responsabilité aux sommes investies dans la société. En outre, l'anonymat de l'actionnaire est garanti dans les SA tandis que le caractère fermé des SPRL en complique le contrôle par les autorités (381). »
Pour M. De Koster, de l'UCLAF, les organisations criminelles sont bien souvent des entreprises criminelles qui s'associent avec des entreprises commerciales à buts tout à fait légitimes (382).
1.4. Formes de criminalité organisée rencontrées par l'administration des Douanes et Accises, selon les auditions
M. Van Walleghem, directeur général de l'administration des Douanes et Accises, a fait la déclaration suivante :
« Les réponses que nous vous communiquons confirment l'existence d'une criminalité organisée. Que nous nous référions ou non à une définition de la criminalité organisée, la pratique montre que cette criminalité est en constante augmentation dans les secteurs qui relèvent de notre compétence, et ils sont fort nombreux. Peut-être trop pour pouvoir encore travailler efficacement. On constate des fraudes dans tous les domaines et principalement dans le domaine fiscal, c'est-à-dire en matière de douanes, d'accises et aussi de transactions de TVA, qui relèvent également de notre compétence lorsqu'il s'agit d'importations directes en provenance de pays tiers. Cette fraude est en nette croissance et elle met en jeu de gros intérêts (383). »
En matière de douane, ce sont essentiellement les fraudes à l'origine qui sont les plus fréquentes (faux certificats, transbordement, ...). Dans le domaine des accises, l'administration est notamment confrontée à la soustraction au transit de conteneurs contenant des cigarettes (1 000 000 écus de droits éludés par conteneur) ou de l'alcool ainsi qu'aux exportations fictives de bière.
L'administration des Douanes et Accises constate également des fraudes importantes dans le domaine de la politique agricole, se présentant sous différentes formes telles que la soustraction au transit, les déclarations de fausses quantités, les fausses dénominations, les fausses origines ou destinations. En matière de fraude agricole, les fraudes à la TVA et aux accises sont toujours liées.
L'administration avait détecté des fraudes à la viande en 1992 et 1993, sous la forme de carrousels de viande bovine en provenance de Pologne (poids indiqués insuffisants, faux documents, réexportation ...). Mais en 1995 et 1996, l'administration ne relève plus de tels cas.
Les douanes sont confrontées également à des saisies de stupéfiants, d'espèces et produits protégés, d'armes et de matériel stratégique. Des marchandises de contrefaçon sont également saisies. Ce dernier domaine, outre son impact économique, présente également un aspect fiscal non négligeable. Les autres types de produits faisant l'objet de saisies intéressent avant tout la santé et la sécurité publique.
Un autre domaine, particulièrement difficile à pénétrer, mais néanmoins rencontré par les douanes, est celui des distilleries clandestines (« bouilleurs de cru »).
Parallèlement aux activités de l'administration des Douanes et Accises, l'OCDEFO est également amené à traiter, du point de vue judiciaire, des infractions relatives aux fraudes douanières, aux carrousels TVA et des fraudes aux intérêts financiers de l'Union européenne. Dans ces domaines, l'OCDEFO a traité, de 1994 à 1996, 29 dossiers concernant des carrousels TVA, six dossiers de fraudes douanières et sept dossiers de fraudes aux intérêts financiers de l'Union européenne (384).
Les carrousels TVA constituent un phénomène préoccupant depuis l'instauration, en janvier 1993, du régime intra-communautaire. Les fraudes qui étaient, avant 1993, concentrées sur le territoire du Benelux, en raison de la technique du « report de paiement de la TVA à l'importation » prévu par la convention Benelux en vigueur jusqu'en 1993, s'étendent aujourd'hui à tous les pays membres de l'Union européenne. Les principaux secteurs touchés par les carrousels TVA tels qu'identifiés par l'OCDEFO sont le secteur informatique et le secteur automobile. Mais d'autres secteurs tels que le secteur pétrolier et le secteur « électro/Hifi/vidéo » sont également touchés. Le choix de ces secteurs est dicté par le taux de TVA élevé qui frappe ces produits, ou encore par la forte concurrence dans un secteur déterminé. Certaines entreprises n'hésitent pas à accorder des remises supplémentaires à leur clientèle grâce aux gains fiscaux obtenus par les carrousels TVA. Cette situation est d'autant plus préoccupante qu'au-delà de l'escroquerie fiscale, elle entraîne une perversion des lois du marché, en faussant les règles de la concurrence. À titre d'exemple, il a été possible pour un « carrouseliste » de conquérir en quelques mois près de 50 % du marché belge des PC « clones » en accordant 10 % de remise supplémentaire à ses clients. Cette remise était financée grâce à la restitution frauduleuse de la TVA de 20,5 %. Il gardait 10 % et concédait les 10 autres à ses clients. Dans plusieurs cas que l'OCDEFO a été amené à traiter, il est apparu que les carrousels TVA étaient commis pour le compte de la mafia italienne. Le produit financier criminel des 29 dossiers de carrousels TVA traité par l'OCDEFO est estimé à 23 milliards de francs, soit un préjudice fiscal pour le trésor belge de 4,8 milliards de francs sur la base d'un taux de TVA de 21 % (385). D'après les statistiques de l'OCDEFO, il apparaît que la Belgique est de loin l'un des pays européens les plus touchés par cette forme de criminalité (386).
Les principales caractéristiques des carrousels TVA peuvent être résumées de la façon suivante (387) : (1) organisation complexe sous le couvert d'activités commerciales; (2) répercussions internationales; (3) falsification de la comptabilité des entreprises et des déclarations périodiques; (4) recours à des sociétés « non déclarantes » et à des « hommes de paille »; (5) lien avec le crime organisé; (6) perversion des lois du marché par des activités « au noir » ou des actes de concurrence déloyale.
En matière de fraude au préjudice des intérêts financiers de l'Union européenne, la Belgique a procédé à la première inculpation, depuis la création de l'Union européenne, de deux fonctionnaires européens du chef de corruption, sur la base de l'incrimination prévue dans notre code pénal. Les sept dossiers traités en ce domaine par l'OCDEFO représentent un préjudice de 913 millions de francs. Certaines estimations avancent que la fraude au préjudice des intérêts financiers de l'Union européenne avoisine globalement quelque 10 % du budget de l'Union européenne, soit environ 300 milliards de francs par an (388).
Les fraudes douanières dont l'OCDEFO a eu à connaître s'élèvent à près de 15 milliards de francs pour six dossiers.
1.5. Lutte contre les aspects financiers de la criminalité organisée
Un des moyens de lutter contre la criminalité organisée consiste à s'y attaquer sous l'angle financier. Comme l'a rappelé M. Nouwynck, conseiller général à la politique criminelle, la lutte contre les aspects financiers de la criminalité organisée, en particulier contre le blanchiment, est un aspect fondamental de la politique criminelle. « Il apparaît en effet de plus en plus que c'est sous l'angle financier que la lutte contre le crime a le plus de chances d'enregistrer des résultats significatifs, en atteignant la finalité même de la grande délinquance organisée : l'argent, et avec l'argent, le pouvoir économique, parfois le pouvoir tout court. Il faut en effet être conscient du fait que certaines formes de criminalité organisée, parmi lesquelles le commerce de stupéfiants tient une place importante, assurent largement plus que l'autofinancement et la subsistance des organisations criminelles. Elle génèrent des bénéfices qui sont réinjectés dans l'économie « légale ». Et c'est là sans doute, que se situe la plus grande menace pour nos sociétés : plus encore que la criminalité elle-même, la prise de contrôle d'une partie du pouvoir économique par des criminels (389). »
Le juge d'instruction Van Espen est également d'avis que « dans le cadre de la criminalité organisée, l'aspect financier des choses et les délits de droit commun sont en symbiose. Il est impossible de différencier les deux éléments. Le caractère financier permet à la criminalité organisée d'être générée et c'est également son but final (390) ».
En règle générale, la collaboration des institutions bancaires avec les autorités judiciaires dans le cadre d'enquêtes financières se déroule de manière satisfaisante. Selon M. Bulthé, « en principe, dans 199 cas sur 200, il n'y a jamais de problèmes avec les institutions bancaires. La place de Bruxelles est importante sur le plan du blanchiment mais, dans certains cas, le protocole d'accord conclu il y a des années entre le collège des procureurs généraux, à l'époque, et les institutions bancaires, l'Association belge des banques, n'est pas respecté. Là, l'institution qu'est la justice doit pousser son raisonnement jusqu'au bout et, le cas échéant, aller chercher le renseignement là où il est (391). »
Alors que 238 enquêtes relatives à des organisations criminelles ont été recensées pour l'année 1998, 44 enquêtes patrimoniales seulement ont pu être réalisées rigoureusement. Le montant du patrimoine illégal calculé par les enquêtes des organisations criminelles s'élève néanmoins à 594 703 955 francs (392).
En ce qui concerne l'ampleur des profits réalisés par les organisations criminelles, 77 dossiers ont pu faire l'objet d'une enquête financière. Les montants ainsi calculés s'élevaient à 29,67 milliards de francs. Toujours selon le rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997, le ministère des Finances a requis une taxation dans 17 dossiers pour un montant total de 2,15 milliards (dont plus de 1 milliard réclamé dans une seule enquête).
Depuis décembre 1993, la Cellule de traitement des informations financières a détecté dans le système financier pas moins de 122 700 millions de francs. Sur ce montant, 98 900 millions de francs sont relatifs à des dossiers transmis au procureur du Roi. Au 30 juin 1997, 2 950 millions de francs avaient été confisqués (393).
Alors que la CTIF avait déjà transmis 282 dossiers de blanchiment au parquet durant le 1er semestre de 1997 (394), le rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997 relève que 88 dossiers sur les 238 se rapportant à des organisations criminelles, font mention de blanchiment. « Les principaux canaux employés pour blanchir étaient les banques (dans 57 dossiers), le secteur de l'immobilier (41 dossiers), les agents de change (34 dossiers) et les personnes morales (25 dossiers). Les investissements avaient lieu principalement en Belgique (22,1 %), aux Pays-Bas (13,7 %), en Turquie (11,6 %) et au Luxembourg (7,4 %). Des destinations plus lointaines ont aussi été mentionnées (395). »
Les dossiers de blanchiment constitués en Belgique sont donc loin de concerner les seules organisations criminelles. Mais il faut néanmoins relever que le blanchiment constitue la troisième activité en importance des organisations criminelles (après le trafic de stupéfiants et les délits économiques et financiers). Du 1er décembre 1993 au 30 juin 1997, la CTIF a transmis 873 dossiers au procureur du Roi, pour un montant de 98,9 milliards. Sur ces 873 dossiers de blanchiment, 560, soit 64,1 % avaient trait à des opérations de change manuel.
1.5.2.1. Montants relatifs aux 873 dossiers transmis par la CTIF au procureur du Roi par forme principale de criminalité (396)
Montants en milliers de francs | Bedragen in duizend frank |
Criminalité Misdrijf |
Montant Bedrag |
% |
Stupéfiants. Verdovende middelen | 56 437 025 | 57,1 |
Fraude fiscale grave et organisée. Ernstige en georganiseerde fiscale fraude | 14 695 996 | 14,9 |
Criminalité organisée. Georganiseerde misdaad | 12 180 070 | 12,3 |
Trafic de biens. Handel in goederen | 8 016 871 | 8,1 |
Escroquerie financière. Financiële oplichting | 5 384 456 | 5,5 |
Fraude au détriment du budget de l'UE. Fraude ten nadele van de fin. belangen van de EU | 925 411 | 0,9 |
Banqueroute frauduleuse. Bedrieglijke bankbreuk | 299 146 | 0,3 |
Terrorisme. Terrorisme | 288 572 | 0,3 |
Exploitation de la prostitution. Exploitatie van de prostitutie | 233 012 | 0,2 |
Appel public irrégulier à l'épargne. Onwettig openbaar aantrekken van spaargelden | 192 519 | 0,2 |
Trafic de main d'oeuvre. Handel in clandestiene werkkrachten | 161 262 | 0,2 |
Trafic d'hormones. Hormonenhandel | 72 365 | |
Trafic d'êtres humains. Mensenhandel | 18 099 | |
Corruption de fonctionnaires publics. Omkoping van openbare ambtenaren | 11 980 | |
Vol ou extorsion avec violence. Diefstal of afpersing met geweld | 7 258 | |
Total. Totaal | 98 914 042 | 100 |
1.5.2.2. Répartition des dossiers transmis par arrondissement judiciaire et suite donnée par les parquets (397)
Tous les dossiers sont transmis par la cellule au procureur du Roi de Bruxelles qui, s'il y a lieu, les adresse à ses collègues territorialement compétents.
Arrondissement judiciaire Gerechtelijk arrondissement |
Total Totaal |
% | Info. VO |
Instr. GO |
Class. ZG |
Non- lieu BV |
Trans. BO |
Renvoi VCR |
Cond. Ver. |
Anvers. Antwerpen | 317 | 36,4 | 133 | 56 | 92 | 2 | 13 | 21 | |
Bruxelles. Brussel | 274 | 31,4 | 93 | 57 | 72 | 1 | 8 | 27 | 16 |
Turnhout. Turnhout | 95 | 10,9 | 75 | 6 | 10 | 3 | 1 | ||
Tongres. Tongeren | 31 | 3,6 | 23 | 1 | 5 | 1 | 1 | ||
Gand. Gent | 29 | 3,3 | 13 | 6 | 3 | 1 | 5 | 1 | |
Hasselt. Hasselt | 22 | 2,5 | 11 | 3 | 2 | 3 | 3 | ||
Termonde. Dendermonde | 18 | 2,1 | 8 | 8 | 1 | 1 | |||
Bruges. Brugge | 16 | 1,8 | 3 | 5 | 5 | 1 | 1 | 1 | |
Charleroi. Charleroi | 13 | 1,5 | 6 | 5 | 1 | 1 | |||
Liège. Luik | 9 | 1,0 | 2 | 3 | 2 | 2 | |||
Louvain. Leuven | 8 | 0,9 | 6 | 1 | 1 | ||||
Malines. Mechelen | 6 | 0,7 | 6 | ||||||
Mons. Bergen | 5 | 0,6 | 3 | 1 | 1 | ||||
Audenaerde. Oudenaarde | 5 | 0,6 | 2 | 3 | |||||
Eupen. Eupen | 4 | 0,5 | 1 | 3 | |||||
Nivelles. Nijvel | 4 | 0,5 | 1 | 2 | 1 | ||||
Courtrai. Kortrijk | 3 | 0,3 | 1 | 2 | |||||
Namur. Namen | 3 | 0,3 | 1 | 2 | |||||
Verviers. Verviers | 3 | 0,3 | 1 | 1 | 1 | ||||
Ypres. Ieper | 2 | 0,2 | 1 | 1 | |||||
Marche. Marche | 2 | 0,2 | 1 | 1 | |||||
Neufchâteau. Neufchâteau | 2 | 0,2 | 2 | ||||||
Huy. Hoei | 1 | 0,1 | 1 | ||||||
Furnes. Veurne | 1 | 0,1 | 1 | ||||||
Total. Totaal | 873 | 100 | 384 | 175 | 199 | 7 | 13 | 48 | 47 |
% | 44,0 | 20,0 | 22,8 | 0,8 | 1,5 | 5,5 | 5,4 |
Légende :
Info. : information judiciaire en cours.
Instr. : instruction judiciaire en cours.
Class. : classement.
Non-lieu : prononcé par la juridiction d'instruction.
Trans. : dossier transmis pour disposition par les autorités judiciaires belges à une autorité judiciaire étrangère.
Renvoi : renvoi devant le tribunal correctionnel.
Cond. : condamnation.
1.5.2.3. Répartition des dossiers transmis au procureur du Roi par forme principale de criminalité
du 1/12/93 au 30/6/94 van 1/12/93 tot 30/6/94 |
du 1/7/94 au 30/6/95 van 1/7/94 tot 30/6/95 |
du 1/7/95 au 30/6/96 van 1/7/95 tot 30/6/96 |
du 1/7/96 au 30/6/97 van 1/7/96 tot 30/6/97 |
Total Totaal |
% | |
Stupéfiants. Drugs | 45 | 109 | 123 | 308 | 585 | 67 |
Criminalité organisée. Georganiseerde misdaad | 6 | 17 | 18 | 44 | 85 | 9,8 |
Trafic de biens. Handel in goederen | 4 | 16 | 6 | 42 | 68 | 7,8 |
Escroquerie financière. Financiële oplichting | | 1 | 10 | 30 | 41 | 4,7 |
Fraude fiscale grave et organisée. Ernstige en georganiseerde fiscale fraude | | | 13 | 25 | 38 | 4,4 |
Exploitation de la prostitution. Exploitatie van de prostitutie | 4 | 4 | 1 | 5 | 14 | 1,6 |
Banqueroute frauduleuse. Bedrieglijke bankbreuk | | | 3 | 7 | 10 | 1,2 |
Trafic de main-d'oeuvre. Handel in clandestiene werkkrachten | 1 | | 3 | 4 | 8 | 0,9 |
Fraude au détriment du budget de l'Union européenne. Fraude ten nadele van de fin. belangen van de EU | | | 6 | 2 | 8 | 0,9 |
Trafic d'êtres humains. Mensenhandel | | | 2 | 3 | 5 | 0,6 |
Trafic d'hormones. Hormonenhandel | 1 | | | 2 | 3 | 0,3 |
Terrorisme. Terrorisme | 1 | 1 | 1 | | 3 | 0,3 |
Appel public irrégulier à l'épargne. Onwettig openbaar aantrekken van spaargelden | | | | 3 | 3 | 0,3 |
Corruption de fonctionnaires publics. Omkoping van openbare ambtenaren | | | | 1 | 1 | 0,1 |
Vol ou extorsion avec violence. Diefstal of afpersing met geweld | | | 1 | | 1 | 0,1 |
Total. Totaal | 62 | 148 | 187 | 476 | 873 | 100 |
Les infractions de base génératrices de capitaux illicites à la source des opérations de blanchiment sont, dans une très grosse majorité des cas, des infractions relatives au trafic de stupéfiants : 67 % des dossiers de la CTIF et 54 % des dossiers de blanchiment de l'OCDEFO (398). Pour l'essentiel, il s'agit de simples opérations cambiaires réalisées par des « courriers » au profit d'organisations criminelles implantées aux Pays-Bas (399). Ces courriers, résidant généralement aux Pays-Bas, sont majoritairement des ressortissants marocains (ainsi que des Égyptiens et des Pakistanais, mais dans une mesure moindre) qui agissent pour des groupes criminels de même collectivité ethnique installés aux Pays-Bas. Ces courriers, sans antécédents judiciaires, peuvent être considérés comme des « hommes de paille ».
1.6. Risque de déstabilisation
Le 22 octobre 1996, la Commission des questions sociales, humanitaires et culturelles (Troisième Commission) des Nations unies, attirait l'attention sur la menace croissante que la criminalité transnationale organisée faisait peser sur la stabilité politique, économique et sociale des États (400).
Le risque de déstabilisation au niveau social, politique et économique par la criminalité organisée, n'est donc plus une hypothèse de travail, y compris en Belgique. Il y a des informations, des dossiers importants qui en témoignent et dont sont informés les magistrats nationaux, notamment dans le secteur du diamant à Anvers (401). Le premier substitut du procureur du Roi du parquet de Bruxelles, M. Godbille, est encore plus alarmiste puisque selon lui « l'organisation du crime est entrée en guerre contre l'État belge. Ce n'est pas une simple intuition. Officiellement il n'y a rien, pas de déclarations, pas de vagues... Cette stratégie entre parfaitement dans les vues des organisations mafieuses de type Cosa Nostra. Une bonne organisation criminelle ne fait pas de vagues. Elle pénètre doucement, comme l'eau pénètre dans un bateau sur une mer déchaînée, sans que l'on s'en aperçoive immédiatement, de sorte que le navire coule progressivement. Il y a quelques années, notre procureur général disait à l'occasion d'une mercuriale que la section financière du parquet de Bruxelles coulait. Je ne peux que me référer à ses propos en ajoutant qu'en fait, c'est l'ensemble des corps démocratiques qui est en train de couler » (402).
Mais quant à savoir si cette déstabilisation doit être considérée comme un but en soi pour les organisations criminelles, les avis sont partagés. Il s'agit davantage d'une conséquence de leurs activités, selon l'administrateur général de la Sûreté de l'État (403).
M. De Vroom est d'un autre avis :« La criminalité organisée ne se limite pas à un secteur particulier. Certains prétendent qu'elle poursuit surtout des buts commerciaux. Or, la criminalité organisée peut aussi viser une déstabilisation. Elle n'a pas toujours pour objectif l'enrichissement. Elle peut aussi avoir pour but l'infiltration des milieux politiques, des médias, etc. dans le but d'acquérir une forme de pouvoir » (404). À titre d'exemple, M. De Vroom relève « qu'il existe actuellement le projet BICOT, dans le cadre duquel on étudie, de concert avec la gendarmerie, l'influence de la maffia italienne. La structure de la maffia italienne est aussi axée sur l'infiltration du monde politique et des médias. L'Italie est tristement célèbre à cet égard (405) ». « Il se joue dans cette problématique de la criminalité organisée et de l'infiltration, une influence non négligeable des médias. Il faut aussi savoir et on se pose la question pour pas mal d'affaires dont certaines défrayent malheureusement la chronique à l'heure actuelle qu'on se demande si certains médias ne sont pas manipulés, donc s'il n'y a pas une manipulation qui est générale à un certain moment. Il ne faut pas devenir paranoïaque, mais il faut quand même être extrêmement attentif à ce genre de jeu extrêmement dangereux (406) ».
Cette vision est également partagée par certains auteurs pour qui on a assisté ces dernières années à diverses affaires qui témoignent d'une dérive inquiétante du crime organisé : « l'accumulation des profits ne devenait plus une fin en soi, mais un moyen de s'assurer ou de s'aliéner le pouvoir des États, ou à défaut de les déstabiliser. À l'instar des virus dans un organisme malade, les organisations criminelles prospèrent mieux dans un État affaibli. Il existe donc une véritable stratégie du crime organisé visant à déstabiliser les institutions publiques, afin que l'État ne puisse pas constituer une menace au développement de leurs activités (407). »
« La criminalité organisée transnationale s'est transformée en une nouvelle forme de géopolitique, qui diffère en bien des points de la géopolitique traditionnelle où le contrôle des ressources naturelles et des zones géographiques critiques était essentiel au succès. Les organisations criminelles d'aujourd'hui sont capables de s'appuyer sur la faiblesse politique et l'implosion de l'autorité qui s'est produite dans une série de pays depuis les années 80. Ce n'est pas une coïncidence si ce que certains ont appelé « l'époque de la faillite de l'État-nation » est aussi l'ère de la criminalité organisée transnationale (408). »
Il faut noter qu'en France, le Ministère de la Défense a fait de la lutte anti-mafia un problème non plus purement judiciaire, mais un problème d'État. Un groupe de recherche et de réflexion nommé « Défense et sécurité à l'horizon 2000, nouveaux défis, nouveaux moyens » a par ailleurs été créé au sein de la division générale du Ministère français de la Défense (409).
Menace pesant sur les secteurs économiques
La criminalité organisée est avant tout un phénomène illicite et, dans ce sens, elle n'a de prime abord rien à voir avec les activités économiques ordinaires, exercées de bonne foi. Certains éléments de l'économie légale se trouvent néanmoins confrontés à ce phénomène d'une manière particulière. On admet que la relation susceptible d'exister entre les entreprises et la criminalité organisée peut prendre trois formes : le parasitisme, la symbiose et la concurrence (410).
La relation entre le crime organisé et le secteur économique peut être qualifiée de parasitaire lorsque le crime organisé profite unilatéralement de cette relation et fait des entreprises concernées ses victimes. En ce sens, la position des entreprises ne diffère pas de celle des autres victimes du crime (organisé). La forme la plus simple de parasitisme est l'extorsion. Comme exemples d'extorsion systématique, on peut citer la protection, contre paiement, des entrepreneurs du secteur horeca ou la fraude au détriment de l'entreprise et l'escroquerie systématique aux assurances (411). Il existe aussi des formes d'extorsion plus complexes, comme le « racketeering » pratiqué aux États-Unis. En général, l'organisation criminelle a pris le contrôle d'un maillon vital dans le domaine de la sous-traitance et elle exige une rémunération excessive pour continuer à fournir.
On cite souvent l'exemple des cimenteries, sans lesquelles le secteur de la construction ne peut continuer à travailler, ou encore la manipulation des syndicats locaux sans qui les travailleurs ne se présenteront pas au travail. Ce racket permet au crime organisé de contrôler tout un secteur d'activité, et pas seulement une ou plusieurs entreprises. Le crime organisé devient ainsi d'importance politique et économique. On distingue plusieurs degrès dans la relation parasitaire : extorsion incidente, extorsion systématique et extorsion stratégique, qui vise à prendre le contrôle d'un secteur entier (412).
La relation est qualifiée de symbiose lorsque l'entreprise tire avantage des activités du crime organisé. La recherche du profit devient alors le chaînon qui relie le crime organisé à l'économie licite. Pour les secteurs économiques normaux, les organisations criminelles sont généralement de bons clients bien en fonds. Dans d'autres cas, ils sont en mesure de leur fournir des biens et des services licites (du travail par exemple) à des prix très intéressants (413). Les entreprises en difficulté peuvent se trouver confrontées à des offres « qui ne se refusent pas », mais il peut arriver aussi que des entrepreneurs moralement faibles, dont les entreprises sont rentables, cèdent malgré tout à la tentation en vue d'accroître leurs gains, leur pouvoir ou leur prestige (411).
Une relation symbiotique peut dégénérer et se muer en situation de contrôle total du secteur d'activité concerné par le crime organisé, lequel devient alors un facteur de pouvoir important. On distingue là encore trois degrés dans l'intrication : la collaboration incidente, la symbiose durable et le contrôle intégral d'un secteur d'activité.
Enfin, on parlera de concrescence lorsqu'une organisation criminelle s'est nichée dans l'économie légale et peut ainsi contaminer de l'intérieur l'ensemble du secteur. À partir de ce moment, il devient très difficile de faire une distinction entre le crime organisé et certaines formes de criminalité d'organisation. Certains considèrent dès lors que l'on a affaire à un phénomène sans solution de continuité avec, à une extrême, l'entrepreneur qui travaille dans la stricte légalité; puis, l'entrepreneur opérant, en principe, dans la légalité mais qui s'en remet au crime organisé pour une partie de ses activités; ensuite l'entrepreneur qui a monté sa société dans le but de travailler dans l'illégalité, mais qui présente une façade légale; et enfin, à l'autre extrême, les entrepreneurs qui opèrent en totale illégalité (414).
Vu sous cet angle, le phénomène du crime organisé peut représenter une menace réelle pour l'économie légale, tant au niveau national qu'au niveau international et supranational. Ainsi l'Union européenne constate-t-elle depuis des années que son budget est gravement touché par la fraude. Il ressort des enquêtes effectuées que la criminalité visant ce budget se caractérise par un niveau d'organisation impressionnant. Cette criminalité reste en grande partie cachée, dans la mesure où elle est intégrée dans les circuits économiques par le biais d'opérations particulièrement complexes. En outre, elle fait intervenir toute une chaîne d'intermédiaires qui, parfois, appartiennent aux structures commerciales traditionnelles. Cette criminalité présente par ailleurs un caractère international marqué et implique parfois un très grand nombre de pays (415).
Il est donc particulièrement important d'étudier l'influence de la criminalité organisée sur les secteurs économiques (416). Une définition criminologique large telle que celle utilisée par leBundeskriminalamt en Allemagne et notre ministre de la Justice (417), qui permettrait de dresser la carte du crime organisé, serait particulièrement utile dans ce contexte. On pourrait ainsi enquêter non seulement sur la « criminalité grave » classique, mais aussi sur les « entreprises du crime » (418).
Par la présente enquête sur les secteurs économiques, la commission d'enquête parlementaire entend rechercher quelle est l'incidence de la criminalité organisée sur un certain nombre de secteurs économiques légaux belges. Elle constate qu'une telle enquête n'a pas encore été réalisée de manière structurée (419) en Belgique (420).
Estimant que de telles enquêtes sont nécessaires pour que puisse être dressé un tableau adéquat des menaces que représente la criminalité organisée, la commission a tenté de faire elle-même une série de constatations sur la base de l'information dont elle dispose. Elle souligne qu'il lui est impossible de présenter ici une enquête exhaustive, mais seulement une sélection des caractéristiques fondamentales de la situation dans un certain nombre de secteurs, se basant sur l'information dont elle a pu prendre connaissance au cours de ses travaux. Il est d'ores et déjà évident qu'il conviendra de stimuler pareille recherche à l'avenir, en vue de se faire une idée plus précise du phénomène de la criminalité organisée.
Pour son enquête relative aux secteurs économiques, la commission d'enquête parlementaire dispose de trois types de sources.
1. En premier lieu, elle dispose bien entendu d'un certain nombre de sources générales relatives à la criminalité organisée qui ne s'intéressent que dans une certaine mesure à l'examen du secteur. Comme on l'a dit ci-dessus, il n'existe aucune étude détaillée à ce sujet en Belgique et on se voit forcé de recourir à des enquêtes menées à l'étranger, à des ouvrages scientifiques (principalement étrangers), à des rapports annuels de la gendarmerie et aux rapports annuels « Crime organisé en Belgique en 1996 et 1997 » du ministre de la Justice.
2. En outre, la commission d'enquête a pu prendre connaissance, durant ses auditions, de certaines données qui sont importantes pour l'examen du secteur. Elle a également interrogé par écrit les 27 procureurs du Roi et, après avoir opéré un choix définitif des secteurs à examiner, elle a interrogé plus en détail la procureur générale Christine Dekkers, le magistrat national André Vandoren et l'avocat général Marc Timperman.
3. Compte tenu du caractère limité de ces sources, la commission d'enquête a tenté de puiser à une troisième source, à savoir les informations que les secteurs économiques eux-mêmes pouvaient lui procurer. À cet effet, elle a envoyé un questionnaire à des représentants de toute une série de secteurs susceptibles d'être qualifiés de vulnérables au vu des deux premières sources, en les priant d'y répondre le plus précisément possible.
En se basant sur ces trois sources, elle a sélectionné une série de secteurs pour lesquels elle a procédé à une enquête complémentaire et organisé des auditions supplémentaires.
La commission souligne que par cette enquête, elle ne veut en aucune façon donner l'impression de viser des secteurs économiques déterminés ou de les stigmatiser comme étant suspects. Le postulat de l'enquête est précisément d'examiner dans quelle mesure des activités parfaitement légales pâtissent de la criminalité organisée.
B. Sélection des secteurs examinés
1. Informations issues de sources générales
Aux Pays-Bas, l'on s'est intéressé sérieusement au problème de la sélection. L'on a notamment renvoyé (421) à un rapport américain fait par la President's commission on Organized Crime , à la fin des années 80 (422), dans lequel l'on a demandé à un forum d'experts quelles étaient, selon eux, les branches qui étaient infiltrées par la criminalité organisée. Il est apparu que les secteurs principaux étaient les suivants : le secteur de l'alimentation et de la boisson (horeca), la construction, l'industrie légale du jeu (Las Vegas, courses de chevaux), l'industrie des déchets, les clubs et les hôtels (prostitution), l'automobile et la confection.
Aux Pays-Bas, l'on a finalement sélectionné sur la base de cinq suppositions (spéculatives) (423):
« a) Dans la plupart des cas, il s'agit de branches que les membres des organisations criminelles connaissent bien d'un point de vue technique et financier. La construction, l'automobile, le secteur horeca et les transports leur sont familiers et les criminels en question disposent souvent de réseaux personnels qui pénètrent jusqu'à l'intérieur de ces entreprises. Ils connaissent les facilités techniques que les entreprises peuvent offrir et les possibilités de blanchir de l'argent. La connaissance de ces secteurs fait partie du capital social et culturel de la classe sociale dont est issue une grande partie de la criminalité organisée.
b) Il s'agit de secteurs qui sont faciles d'accès. Il ne faut pas énormément de diplômes pour se lancer en tant qu'entrepreneur indépendant et il n'est pas difficile d'utiliser comme gérant ou « homme de paille » une personne ayant les documents nécessaires. Pour le reste, il est facile de trouver un financement pour mettre sur pied pareilles entreprises.
c) Ce sont généralement des branches dans lesquelles l'on trouve, outre quelques grandes entreprises, une série de petites entreprises qui se livrent en permanence à une concurrence acharnée. La continuité est loin d'être assurée dans tous les cas, parce qu'elles font partie de chaînes d'activités économiques qu'elles ne peuvent pas maîtriser. Il s'agit de petites entreprises qui peuvent compter sur la loyauté de leur personnel. En outre, ce sont des branches où il circule beaucoup d'argent liquide, ce qui permet de ne pas faire état de certaines activités et de certains revenus dans les documents administratifs.
d) Il s'agit parfois de secteurs économiques peu réglementés (jusqu'à présent), de secteurs qui sont soumis à des règles compliquées, contradictoires ou inapplicables. Une mauvaise réglementation est souvent le symptôme de problèmes économiques, sociaux et techniques non résolus (...)
e) Enfin, il y a un facteur connu probablement des seuls criminologues. Certaines branches sont fréquemment les victimes de formes de criminalité, petite et grande, ce qui peut favoriser la transgression de la norme dès lors que l'on est convaincu que les pouvoirs publics n'agissent pas (ou ne peuvent pas agir) en faveur de la victime. Un simple exemple permettra d'illustrer notre propos : la personne à qui l'on aura volé deux ou trois fois un vélo et dont la police se sera contentée d'enregistrer la plainte, aura peu de mal à devenir elle aussi une voleuse de vélo. L'aubergiste qui téléphone vainement à la police quand il y a du grabuge chez lui ou qui risque même de perdre sa licence s'il s'avère qu'il n'est pas en mesure de maintenir l'ordre dans son entreprise, est assez vite tenté d'engager quelques gars costauds ou de faire appel à un service de portiers « sorteurs. »
Sur la base de l'ensemble de ces critères, l'on a opté, aux Pays-Bas, pour une analyse du secteur du transport, du secteur automobile, du secteur horeca, du secteur des machines à sous, du secteur de la construction, du secteur du traitement des déchets, du secteur des assurances, du secteur de la faune sauvage (les espèces protégées) et du secteur du commerce de matériel nucléaire.
Dans les rapports annuels belges de la gendarmerie et les rapports annuels 1996 et 1997 du ministre de la Justice, il est question de plusieurs de ces secteurs :
« Le grand danger qui se cache derrière la criminalité organisée est son enchevêtrement avec le monde légal ainsi qu'une structure d'organisation rendant le phénomène difficilement détectable. Nous constatons ainsi, l'usage de structures commerciales dans 85 % des cas. Celles-ci se situent principalement dans le secteur de l'import-export, de l'horeca et celui des transports (424). »
« Compte tenu d'une possible contamination de certains secteurs socio-économiques au sein de notre société, il est souhaitable de procéder à des analyses de risque. Ces analyses peuvent être orientées autant sur des projets spécifiques (comme par exemple un projet de construction de grande ampleur) que sur l'ensemble d'un secteur, ce qui nécessite la sélection d'un ou de plusieurs secteurs. Il ressort du portrait actuel de la criminalité que les secteurs de l'import-export (y compris le secteur du transport) et de l'horeca soient les plus indiqués.(425) »
Comme on a dit ci-dessus, le rapport annuel 1998 du ministre de la Justice pour les années 1996 et 1997 contient des chiffres relatifs aux secteurs économiques qui ont la préférence des organisations criminelles (426).
Secteur Sector |
Nombre Aantal |
|||
1996 | % | 1997 | % | |
Import-export. Invoer/uitvoer | 56 | 32,0 | 93 | 20,6 |
Horeca | 23 | 13,1 | 55 | 12,2 |
Transport. Vervoer | 21 | 12,0 | 41 | 10,9 |
Banques. Banken | | | 24 | 5,3 |
Immobilier. Vastgoed | 11 | 6,3 | 23 | 5,1 |
Commerce de détail. Kleinhandel | 18 | 10,3 | 21 | 4,7 |
Construction. Bouw | 7 | 4,0 | 19 | 4,2 |
Institutions financières. Financiële instellingen | 10 | 5,7 | 18 | 4 |
Textile. Textiel | | | 18 | 4 |
Alimentation. Voeding | | | 15 | 3,3 |
Électronique. Electronica | | | 8 | 1,8 |
Chimie/Pharmacie. Chimie/farmaceutica | | | 6 | 1,3 |
Autres. Andere | 29 | 16,6 | 102 | 22,6 |
Total. Totaal | 175 | 100 | 451 | 100 |
En 1996, 121 des 162 organisations criminelles détectées ont utilisé des structures commerciales. L'on a également mentionné, pour 114 d'entre elles, dans quel secteur elles déployaient leurs activités commerciales. Comme certaines organisations étaient actives dans plusieurs branches, l'on arrive au nombre total de 175. La rubrique « autres » contient un large champ incluant le secteur du diamant et celui de la publicité (427).
En 1997, 180 des 238 organisations détectées ont eu recours à des structures commerciales. Plusieurs organisations sont actives dans diverses branches, ce qui explique le chiffre total de 451. La rubrique « autres » concerne notamment le secteur du divertissement et le secteur du traitement des déchets et du marketing (428).
Les considérations finales suivantes y sont consacrées dans le rapport annuel 1998 :
« Les indications faites les années précédentes sur l'implication de la criminalité organisée dans certains secteurs socio-économiques au sein de notre société sont confirmées. Les services de police sont demandeurs pour le mise en oeuvre d'étude sur l'impact de la criminalité organisée dans ces secteurs sensibles. L'approche suivie doit se dérouler en deux phases. La première, préparatoire et soutenue scientifiquement, consiste en l'élaboration d'une méthodologie dans laquelle les analyses sectorielles devront être développées, et la seconde consiste à la mise en oeuvre effective de ces analyses. Il ressort des données collectées que les secteurs les plus touchés restent ceux de l'import-export, des transports et de l'horeca (429). »
Les éléments mis en évidence par ces rapports sont basés uniquement sur des informations que la gendarmerie (rapport annuel 1995) ou les trois services de police ont tirées d'enquêtes judiciaires relatives à la criminalité organisée et traitées statistiquement (rapports annuels 1996 et 1997). On se prononce de la sorte sur des secteurs que la criminalité organisée utilise comme instrument (par exemple le transport) pour soutenir des activités illégales ou les développer davantage. Mais, il est beaucoup plus difficile de se prononcer de cette manière sur l'incidence de la criminalité organisée sur ces secteurs d'activité, car cela requiert une enquête plus qualitative (430). Du reste, dans le rapport annuel 1998, les services de police eux-mêmes insistent sur ce point (cf. supra) . La mise en oeuvre des recommandations du rapport annuel 1997 concernant la méthodologie a constitué un premier pas dans ce sens. C'est ainsi qu'en vue de la rédaction du rapport annuel 1998, on a affiné le questionnaire destiné aux services de police, afin qu'il porte par exemple aussi sur les informations douces. Et la structure de la banque de données commune des services de police a été adaptée en conséquence. On a agi également au niveau du traitement des données en y associant à la fois les analystes stratégiques de la gendarmerie et de la police judiciaire et les parquets locaux (428).
2. Informations provenant des auditions
Dans cette optique, la commission d'enquête s'est efforcée de compléter les informations restreintes par des éléments qui pourraient être recueillis lors des auditions. Au cours de celles-ci, on a demandé à un grand nombre de témoins quels secteurs ils jugent menacés ou infiltrés en Belgique par la criminalité organisée. Bien que pareilles déclarations soient restées plutôt limitées, on a pu malgré tout faire une série de constatations qui peuvent servir de complément aux rapports annuels de la gendarmerie et aux deux rapports annuels du ministre de la Justice. Quelque sept secteurs ont été cités à maintes reprises : il s'agissait des secteurs du diament, de la construction, des transports, de l'horeca, des déchets, du pétrole et de la viande.
3. Informations provenant des réponses des secteurs eux-mêmes.
L'analyse des réponses écrites des divers secteurs a, elle aussi, fourni à la commission d'enquête des informations complémentaires intéressantes (cf. infra ). Il convient néanmoins de faire certaines réserves. Bien que, comme on l'a déjà dit, la commission n'ait voulu en aucune façon viser les secteurs eux-mêmes par son enquête, il s'est avéré que le secteur a généralement répondu avec beaucoup de circonspection ou très sommairement aux questions relatives à l'incidence de la criminalité organisée sur la vie économique. Dans certains cas, aucune réponse ne lui est même parvenue, même après des rappels. Il n'a pas non plus toujours été facile, pour certains secteurs, de sélectionner des personnes représentatives. Enfin, il est arrivé que le secteur économique interrogé se borne pratiquement à décrire les cas dans lesquels il est victime de la criminalité organisée dans le cadre de la relation « parasitaire ».
Compte tenu de ces réserves, les secteurs eux-mêmes ont surtout désigné comme vulnérables ceux que d'autres sources ont également révélés comme tels. Il s'agissait principalement, outre un certain nombre de branches du secteur financier (bureaux de change et réassurance), de l'horeca, des déchets, de la viande, du secteur vidéo et CD et du pétrole.
4. Le choix final de trois secteurs
Finalement, après confrontation des éléments qui avaient pu être rassemblés à partir des différentes sources, la commission a décidé de soumettre trois secteurs économiques à une enquête. Il s'agit des secteurs du diamant, du pétrole et de la viande.
La commission n'a pas choisi ces trois secteurs parce qu'ils seraient les plus vulnérables à la criminalité organisée en Belgique. Les informations dont elle dispose sont trop limitées pour justifier pareille conclusion.
Étant donné que la commission est chargée notamment d'enquêter sur l'étendue, la nature et la gravité de la criminalité organisée en Belgique (431), elle a préféré examiner de manière plus appronfondie les secteurs pour lesquels certains indices dénotent que la situation en Belgique diffère peut-être de celle d'autres pays. Comme on l'a dit ci-dessus, certains secteurs sont, par nature, plus vulnérables que d'autres à influence de la criminalité organisée. Ces secteurs sont dès lors cités tant dans les enquêtes étrangères que dans les sources belges. Il s'agit, entre autres, de la construction, du transport, de l'import-export, de l'horeca et du traitement des déchets (mais aussi du secteur CD et vidéo). Le fait que la commission n'a finalement pas, pour la raison indiquée, approfondi son enquête dans ces secteurs n'implique nullement qu'elle estime qu'aucune enquête complémentaire ne soit nécessaire à leur égard. Le fait que ces secteurs soient au premier plan en Belgique comme à l'étranger prouve le bien-fondé et l'intérêt d'une telle enquête.
Le choix final de la commission d'enquête pour les trois secteurs précités repose aussi sur le fait que ces secteurs, et surtout ceux du diamant et de la viande, ont souvent été au centre de l'actualité, ces dernières années, en Belgique. En ce qui concerne le secteur pétrolier, diverses sources ont mis l'accent sur des problèmes spécifiques de ce secteur. Comme ces secteurs ont fait l'objet de nombreuses déclarations et comme on a émis de nombreuses hypothèses sur l'influence de la criminalité organisée sur ces branches d'activité, la commission a jugé important de procéder à une enquête dans les secteurs en question afin d'examiner dans quelle mesure l'on pouvait étayer ces hypothèses à l'aide de données concrètes.
Ce choix s'est avéré judicieux au cours de l'enquête. La gradation dans les mesures de lutte des pouvoirs publics contre le phénomène de la criminalité dans le monde industriel montre que la perception de gravité de l'incidence de la criminalité sur ces secteurs est variable. C'est ainsi que l'on ne peut pas dire qu'il y a une politique coordonnée de lutte contre la criminalité dans le secteur du diamant. Dans le secteur pétrolier, il y a des interventions occasionnelles, alors que dans le secteur de la viande, l'on a défini une politique à part entière, peut-être sous la pression de l'opinion publique. Le choc qui a été infligé à l'opinion publique par des événements récents n'est pas étranger aux changements apportés à la politique en la matière. On rend compte de l'analyse de ces trois secteurs au chapitre IV.
Pour pouvoir se faire une idée de la criminalité dans les secteurs économiques en Belgique, la commission a fait parvenir en 1997 le questionnaire suivant aux principales associations professionnelles de commerçants et d'industriels :
1. Représentativité de votre organisation : pourquoi pensez-vous avoir une bonne ou mauvaise représentation de la situation dans laquelle se trouve votre secteur ?
2. Pourquoi pensez-vous que votre secteur est (n'est pas) vulnérable face à la criminalité organisée ? Où se situe exactement ce risque, d'après vous ?
Voici quelques exemples de raisons pour lesquelles un secteur peut être vulnérable :
la criminalité organisée a besoin de l'intervention de votre secteur pour ses activités illégales;
le contrôle est inefficace ou inexistant;
pour les fraudeurs, le risque d'être appréhendés est minime, alors que les bénéfices qu'ils réalisent sont importants;
des impératifs de fraîcheur ou de temps font que tout doit aller vite, si bien qu'une perte de temps occasionnée volontairement peut entraîner des dommages disproportionnés, même si elle est relativement minime;
le marché d'acheteurs est très sensible aux scandales, de sorte que l'« entreprise rançonnée » préfère se taire plutôt que de faire appel aux autorités;
un nombre limité de personnes ou d'entreprises occupant une position stratégique dans le processus économique peuvent paralyser tout un secteur;
possibilité de faire supporter les frais des dommages par des tiers (pouvoirs publics, assurances, créanciers, ...).
3. Est-on conscient du problème dans votre secteur ? S'inquiète-t-on de l'impact qu'a la criminalité organisée sur la santé économique de votre secteur ? Avez-vous l'impression que des personnes font l'objet d'intimidations ? A-t-on peur ? Y a-t-il des rumeurs ? Avez-vous jamais fait procéder, au niveau interne, à des examens, à des études ou à des enquêtes en la matière ?
4. Pensez-vous que les pouvoirs publics devraient réserver un traitement différent à votre secteur pour éviter que la criminalité organisée ne renforce sa mainmise sur celui-ci ? Quels changements préconisez-vous ? Avez-vous, vous-mêmes, pris des initiatives pour préserver l'intégrité de votre secteur ? Si oui, de quelles initiatives s'agit-il ? Qui les a lancées ? Quel en est le résultat ? Quelles méthodes utilisez-vous en la matière (détectives privés, appel à des « agresseurs » pour tester la sécurité, ...) ?
5. L'unification européenne économique a-t-elle influencé la criminalité (organisée) dans votre secteur ? Qu'en est-il en ce qui concerne la globalisation ?
6. Croyez-vous que si la criminalité organisée existe dans votre secteur, elle est nécessairement liée de manière étroite à la criminalité qui existe dans d'autres secteurs ou que ces autres secteurs sont impliqués ? Si oui, quels sont ces autres secteurs ?
7. Estimez-vous que la contribution des entreprises et des personnes honnêtes à la lutte des pouvoirs publics contre les entreprises malhonnêtes peut être mieux structurée ? Si oui, de quelle façon ? Ne craignez-vous pas que l'on accuse injustement la concurrence et que l'on ne surcharge les pouvoirs publics ?
8. Êtes-vous prêt à supporter les charges que l'on impose aux entreprises honnêtes pour financer les contrôles coûteux qui sont nécessaires pour que l'on puisse écarter « les fruits pourris » du secteur ou estimez-vous que l'on est trop sévère envers certains secteurs ?
9. Est-il impossible d'exclure tout travail « au noir » dans votre secteur et, si oui, les pouvoirs publics doivent-ils s'accommoder de son existence ou peuvent-ils arriver à assainir le secteur en intervenant de manière plus active ? Estimez-vous que l'économie « au noir » a des dimensions proportionnellement plus ou moins grandes chez nous que dans les pays voisins ? Si la réponse est oui dans un sens ou dans l'autre, pouvez-vous dire pourquoi ?
10. Des entreprises de votre secteur se sont-elles plaintes d'arbitraire ou d'abus de pouvoir dont les autorités se seraient rendues coupables ? Des entreprises se sont-elles plaintes de corruption ? Si oui, fut-ce dans des cas isolés ou fut-ce systématique ?
11. Pensez-vous qu'en rendant les personnes morales passibles de sanctions pénales l'on pourra mieux combattre la criminalité organisée dans votre secteur ?
12. A-t-on prononcé beaucoup de faillites dans votre secteur au cours des dernières années ? Quel est le pourcentage de faillites frauduleuses, d'après vous ?
13. La Belgique est-elle plus ferme ou plus laxiste que les pays voisins ? Cela a-t-il une influence sur votre compétitivité ? Êtes-vous partisan d'une extension des pouvoirs des fonctionnaires européens ? Avez-vous connaissance de l'approbation d'une Convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes ? Dans l'affirmative, avez-vous des objections à ce que la Belgique la ratifie ?
14. Quelles autres suggestions pouvez-vous faire à la commission d'enquête, dont elle devrait tenir compte lors de la définition du cadre légal dans lequel doit s'inscrire la lutte contre la criminalité organisée ?
Il est évident que cette criminalité variera d'une entreprise à l'autre, que l'impact variera et que la répression devra être adaptée. L'on peut malgré tout dégager certaines caractéristiques communes : plaintes sur la bonne collaboration avec les services de recherche ou avec la justice, manque de formation adéquate des fonctionnaires chargés de la recherche, lenteur de la justice et insuffisance des peines infligées aux criminels.
Les principales plaintes concernent l'effet décourageant du manque d'information sur la suite qui est donnée à une plainte, l'inadaptation de la législation, l'incompréhension des magistrats pour ce qui est des conséquences économiques de la criminalité.
La volonté existe, dans la plupart des cas, de chercher, en collaboration avec les pouvoirs publics, des solutions qui permettent d'améliorer la lutte contre la criminalité, mais les points de signalement sont trop peu nombreux et la coordination des moyens mis en oeuvre laisse souvent à désirer.
Voici les données les plus caractéristiques que la commission a pu réunir à cet égard :
L'Association belge des banques (ABB) est une association professionnelle qui représente 140 banques établies en Belgique (432).
Il va de soi que le secteur bancaire est particulièrement vulnérable face à la criminalité organisée : on distingue quatre types de criminalité :
criminalité violente : attaques armées contre des agences bancaires, contre les membres du personnel de banques, ou axées sur des distributeurs automatiques de billets ou sur des transports de fonds;
blanchiment : des fonds illégaux sont transférés à l'étranger ou réinjectés dans le circuit officiel;
fraude et falsifications : vols et falsification ultérieure de cartes bancaires, de bulletins de virement et de chèques;
criminalité informatique : des criminels spécialisés s'attaquent aux systèmes informatiques qui gèrent les systèmes de paiement et pénètrent, grâce à la collaboration qu'ils organisent entre eux, dans les systèmes perfectionnés.
Le secteur bancaire a conscience du phénomène et a fait appel à des spécialistes : des auditeurs et des inspecteurs, des responsables de la sécurité et des responsables en matière de blanchiment suivent l'évolution de la situation. Des groupes de travail interbancaires répertorient les modus operandi et adaptent les mesures de sécurité et de protection. Les instruments de paiement sont protégés par des facilités d'opposition et de blocage. Les pouvoirs publics ont eux aussi mis en place ou imposé des mécanismes de contrôle et de protection (Commission bancaire et financière, Cellule de traitement des informations financières, centrales de risques). De plus, sur la requête de la Commission bancaire et financière, un audit interne a été commandé pour chaque banque, qui veille au respect de la législation et qui prévient toute fraude interne.
Le personnel qui met en oeuvre les systèmes de protection (par exemple les valises piégées) fait sans aucun doute l'objet de menaces directes et indirectes. L'on recourt aussi en Belgique à des enlèvements de membres du personnel, de membres de la famille de gérants que l'on contraint ensuite d'ouvrir le coffre, à des attaques aux explosifs ou à l'aide d'excavatrices lourdes contre des distributeurs de billets.
C'est surtout contre les personnes qui luttent contre le blanchiment d'argent que des menaces sont émises. L'identité des membres du personnel concernés pourra être connue d'autant plus facilement, désormais, par les criminels concernés, s'ils obtiennent le droit de recevoir une copie du dossier répressif. Il faudra probablement imaginer une méthode permettant de protéger de manière adéquate les membres du personnel qui font des déclarations auprès des autorités.
Certaines initiatives législatives, qui partent sans aucun doute d'un bon sentiment, ont des effets pervers. Ainsi, la législation relative aux entreprises de gardiennage, aux entreprises de sécurité et aux services internes de gardiennage s'est révélée être un excellent manuel pour les criminels. Les criminels utilisent l'énumération précise, dans cette loi, de toutes les mesures de sécurité, pour prendre des contremesures (Ils savent, par exemple, que le blindage des véhicules de transport qui est imposé par la loi ne résiste pas aux projectiles des Kalachnikov).
L'autorité veut réglementer trop de choses sur le plan des normes de sécurité et, ce faisant, elle fournit aux organisations criminelles des informations sur la politique de sécurité. Les systèmes de sécurité imposés en matière de transport de fonds sont décrits de manière tellement détaillée qu'il y a lieu de craindre que, tôt ou tard, les criminels organisés ne soient en mesure de forcer les valises intelligentes dont la loi a imposé l'usage.
Partant de bonnes intentions, l'on élabore des prescriptions par le biais desquelles l'on communique, aux milieux criminels, toutes les mesures secrètes de sécurité. L'on perd aussi de vue qu'il faut des mesures de sécurité souples et qu'il y a lieu de les adapter rapidement à l'évolution des tactiques utilisées par les criminels. C'est ainsi qu'en décrivant ce qu'est un local protégé, le législateur limite une fois de plus gravement les possibilités d'adaptation du secteur bancaire à l'évolution rapide de la criminalité.
Bien que l'on sache que la collaboration interne intervient fréquemment en cas d'attaque contre un transport de fonds, l'on n'applique aucune méthode de sélection du personnel du secteur des transports de fonds. Une attestation de bonne vie et moeurs suffit. Or, cette attestation ne mentionne pas les affaires judiciaires en cours et l'expérience a montré que, pour peu que l'on bénéficie de la collaboration de fonctionnaires communaux, il est facile d'obtenir un casier judiciaire vierge.
Les schémas de transport doivent obligatoirement être communiqués à la gendarmerie : si, jadis, quelques personnes seulement pouvaient en prendre connaissance, ils sont connus aujourd'hui de centaines de personnes, si bien qu'il est devenu impossible de déterminer, dans le cadre d'une instruction judiciaire, qui a pu communiquer les schémas.
Le secteur bancaire se plaint que les pouvoirs publics ne sont pas à la hauteur et qu'ils n'écoutent pas suffisamment les arguments du secteur privé concerné.
Le secteur bancaire estime que la lutte qui est menée en Belgique contre le blanchiment de l'argent est l'une des plus efficaces au monde, mais il s'étonne qu'alors que des dizaines de milliers de ses collaborateurs ont suivi une formation approfondie, il n'y ait que quelques policiers à traiter les informations en question. Le secteur s'attendait tout normalement à ce que les pouvoirs publics fournissent un effort comparable : le fait de constater que les dossiers qui sont portés à la connaissance du parquet ne sont même pas mis à l'instruction, provoque le découragement.
La législation sur la vie privée empêche en outre le secteur d'exclure de son sein les personnes mal intentionnées.
Le secteur bancaire lui-même a pris des initiatives pour protéger ses mécanismes ou ses services. Les responsables du blanchiment ont compétence pour ouvrir une enquête et même demander des informations complémentaires. Les responsables de la sécurité intègrent les éléments physiques, organisationnels et électroniques dans un ensemble cohérent. Les responsables de la lutte contre la fraude ont élaboré des procédures permettant de combattre la fraude en matière de systèmes de paiement et de titres, le service de la sécurité informatique protège l'informatique bancaire contre la fraude, le vol de données et les virus et fait même appel à des consultants extérieurs.
Un audit fixe ces mesures et ces procédures; de plus, un service d'inspection contrôle si les prescriptions sont strictement respectées.
Il est frappant de constater que dans ce secteur, la criminalité organisée est très internationale. À peine avait-on démasqué les filières zaïroises et nigériennes que la maffia yougoslave avait pris le relais de ces activités. Les criminels organisés firent partie de l'existence des frontières pour transférer très rapidement de l'argent à l'étranger et changer éventuellement de pays à plusieurs reprises, ce qui complique considérablement le travail de la police.
À cela s'ajoute que des bandes du Nord de la France attaquent régulièrement des agences bancaires en région frontalière : en l'occurrence également, l'existence de frontières empêche les enquêteurs d'agir rapidement.
L'on transfère très rapidement à l'étranger les fonds obtenus par la fraude en matière de chèques ou de cartes bancaires, par l'extorsion d'avances, l'utilisation de faux ordres de virement, etc.
Le secteur bancaire est l'un des moteurs de la plate-forme de concertation permanente pouvoirs publics/secteur privé. Les ministres de la Justice et de l'Intérieur ont promis leur coopération et, pour ce qui est du secteur privé, la FEB regroupe les intéressés.
En ce qui concerne la lutte contre le blanchiment d'argent, la Belgique obtient de très bons résultats et grâce à la coopération entre le secteur bancaire et les parquets, le nombre de condamnations pour fraude est parmi les plus élevés d'Europe.
Par contre, le taux d'affaires élucidées en matière d'attaques est beaucoup moins favorable : selon les sources, le pourcentage varie de 3 à 7 %, alors que dans les pays voisins, on atteint de bien meilleurs résultats : aux Pays-Bas, par exemple, on résout 40 % des hold-up contre les agences bancaires.
En ce qui concerne les abus commis à l'aide de cartes bancaires, la législation belge n'est pas adaptée : l'utilisation des nouvelles techniques telles que les white-plastics (un genre de carte copiée) n'est pas ou pas suffisamment réprimée, alors que l'incidence de cette criminalité est considérable.
L'union professionnelle des entreprises d'assurances groupe 125 membres, qui représentent ensemble plus de 80 % des encaissements du secteur (433).
Ce secteur très vulnérable à la criminalité organisée parce que le contrat d'assurance est, par définition, basé sur la bonne foi des parties. Il n'est pas toujours possible de contrôler exactement les conditions dans lesquelles les contrats sont conclus : il est facile de frauder à la fois lors de la souscription du contrat et lors de la déclaration du sinistre.
La loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre protège le consommateur de manière telle que la description inexacte du risque n'entraîne la nullité du contrat qu'en cas de dol. L'assureur ne peut refuser la couverture que si, en cas de sinistre, le dol est prouvé.
Les poursuites continuent à poser beaucoup de problèmes, même lorsque le comportement criminel ou la fraude sont avérés. Au civil, l'affaire débouche généralement sur une bataille de procédure qui pèse tellement lourd dans l'analyse des coûts et profits que la compagnie préfère un règlement rapide à une décision judiciaire qui pourrait ne pas être exécutée en raison de la faillite du commerçant ou de la société malhonnête.
Maintenant que la concurrence entre les assureurs est devenue acharnée, on contrôle beaucoup moins, ce qui fait que les fraudeurs courrent moins de risques. De telles économies témoigne d'une vision à court terme, mais dans le secteur des assurances règne la tentation du profit rapide.
L'on constate de plus en plus que l'on menace les enquêteurs sur le terrain et que l'on met sous pression les gestionnaires de dossiers pour qu'ils règlent le sinistre le plus rapidement possible, sans approfondir les circonstances dans lesquelles le dommage a eu lieu. L'UPEA a créé elle-même une commission de la fraude qui forme les gestionnaires de sinistres et encourage les échanges d'information en matière de techniques de fraude. En matière de vols de voitures, qui révèlent généralement l'existence d'un trafic international, on a passé des accords avec la gendarmerie et même avec les pouvoirs publics des pays voisins. La lutte contre cette fraude est bien réglée depuis 1993; au niveau tant sectoriel que global, on donne des directives, on échange des données et on a des contacts avec la justice. On collabore avec la cellule prévention du ministère de l'Intérieur et on organise régulièrement des journées d'études pour la police, la gendarmerie et la police judiciaire, où l'on traite de la criminalité. La gendarmerie connaît les points de contact et les noms des correspondants des assureurs.
Enfin, le secteur des assurances collabore également avec Datasur, qui gère les fichiers de l'ensemble des sinistres, conformément aux règles en matière de protection de la vie privée. Grâce à ces fichiers, on peut contrôler plus facilement si les assurés ont fraudé. À l'avenir, on favorisera la coopération avec le Comité européen de l'assurance (CEA), car il est apparu que la suppression des frontières internes de l'Union et l'ouverture aux pays de l'Europe de l'Est favorisaient la criminalité. On facilitera ainsi surtout le signalement des vols de véhicules et la détection des véhicules volés.
L'Office de contrôle des assurances travaille de manière très efficace, mais il faudrait absolument contrôler les sociétés de réassurance. Il semble que ce soit, dans le système belge, un point particulièrement faible, qui, non seulement, favorise la distorsion de la concurrence, mais en outre donne à nos assureurs une mauvaise réputation au niveau européen.
Le secteur insiste pour obtenir des accords de coopération officiels entre les cellules de lutte contre la fraude des assureurs et les services de police, une meilleure formation de ceux-ci dans le domaine de la criminalité spécifique aux assurances, des formulaires de déclaration mieux adaptés en matière de vol de voitures, des échanges d'informations et le droit de consulter les dossiers judiciaires relatifs aux sinistres, la création d'un point de contact national pour l'ensemble des affaires suspectes, par analogie avec l'agence française ALFA (Agence pour la lutte contre la fraude à l'assurance) qui recueille non seulement des informations en matière de fraude et garantit une politique cohérente, mais assure également que les techniques d'enquête utilisées seront irréprochables du point de vue déontologique.
On estime que la fraude dans ce secteur s'élève à environ 14 milliards de francs par an. Toutefois, on n'a procédé à aucune analyse criminelle du secteur.
3. Assurances maritimes (434)
L'Association belge des assureurs maritimes (ABAM) représente environ 75 % de l'encaissement des primes transport réalisé en Belgique et groupe dès lors les principaux acteurs du marché belge.
L'Office de contrôle des assurances (OCA) semble exercer un contrôle efficace sur ce secteur qui n'est pas particulièrement vulnérable face à la criminalité organisée.
Par contre, le domaine de la réassurance n'est pas contrôlé et certains acteurs utilisent la bonne réputation de la Belgique dans le secteur de l'assurance directe pour opérer sur notre territoire en tant que réassureur. Les compagnies cédantes (réassurées) sont ainsi induites en erreur, croyant bénéficier d'un contrôle officiel de réassurance, comme c'est le cas dans la plupart des pays de l'Union européenne.
L'ABAM est consciente du problème de la criminalité organisée, qui pourrait affecter la réputation du marché belge de l'assurance et de la réassurance, et elle suggère d'adapter la législation afin d'organiser un contrôle efficace de la réassurance en attribuant ce rôle à l'OCA.
La bonne réputation du marché belge dans le monde de l'assurance réassurance justifie que les moyens alloués à l'OCA soient également affectés au contrôle des réassureurs.
À présent, la Belgique semble plus laxiste que les autres pays de l'Union européenne en matière de réassurance, alors que cela n'est pas le cas en assurance. Une uniformisation au niveau européen ne peut qu'améliorer la situation du marché, car la sévère législation belge en assurance est souvent un frein au développement du secteur de l'assurance maritime, par nature international et nécessitant une approche très flexible.
4. La Bourse (435)
L'Association belge des Membres de la Bourse (ABMB) est représentative de la structure du secteur et regroupe la quasi-totalité des sociétés boursières et quelques banques.
Ce secteur est tout aussi vulnérable que le secteur bancaire : il est caractérisé par trois formes de criminalité organisée :
les violences aux abords des guichets;
les opérations de blanchiment;
la fraude et les falsifications internes et externes.
Les menaces à l'égard des guichetiers et les attaques armées y sont tout aussi nombreuses que dans le secteur bancaire. À cela s'ajoutent des manoeuvres d'intimidation directe du personnel qui dénonce des opérations de blanchiment.
Une meilleure protection du personnel et un accompagnement en cas de dénonciation d'opérations de blanchiment sont à recommander. On se plaint surtout d'un manque d'information concernant les suites que le pouvoir judiciaire donne aux plaintes et aux informations.
La Commission bancaire et financière exerce un contrôle par la voie de circulaires et de missions d'inspection et les membres de la Bourse ont conscience de la nécessité de faire preuve d'une grande vigilance.
Les dénonciations d'opérations de blanchiment sont transmises à la Cellule de traitement des informations financières par un responsable. Le secteur estime toutefois que les résultats sont décevants par rapport à l'effort consenti et aux frais de fonctionnement. Ce sont surtout les petites sociétés boursières qui éprouvent le plus de difficultés à contribuer financièrement à la couverture des frais de fonctionnement des organismes de contrôle, alors que les informations que ces derniers réunissent donnent rarement lieu à des poursuites pénales. Il y a une certaine frustration, parce l'impression règne que l'infrastructure de contrôle tout entière est inutile ou, en tout cas, tout mal exploitée.
La question se pose de savoir si les autorités informent suffisamment les sociétés boursières sur ce qui est fait des informations recueillies. Il est hors de question de développer une étroite collaboration en l'absence de réciprocité.
5. L'industrie cinématographique (436)
La Belgian Anti-Piracy Foundation (BAF) regroupe les principaux studios américains de cinéma et des principaux distributeurs belges et défend les droits de ceux-ci. Les membres représentent plus de la moitié du secteur des produits audio, vidéo, cinématographiques et interactifs.
Ce secteur est très vulnérable, non seulement parce que son chiffre d'affaires avoisine les 30 milliards de francs en Belgique, mais aussi parce que ses produits sont très attractifs et sont largement diffusés. Les organisations criminelles profitent de la logistique créative et publicitaire du secteur aux fins de leur propre publicité. Ce sont en fait des parasites du marché.
Les membres de la BAF dépensent chaque année 20 millions de francs pour financer la détection du piratage, mais ils se plaignent de la lenteur extrême de la justice et de la modération des peines qui n'ont plus le moindre effet dissuasif. Le probabilité d'arrêter les contrefacteurs est, certes, raisonnable, mais les poursuites au pénal laissent beaucoup trop à désirer.
Il va de soi que ce piratage cause un préjudice grave à notre pays : fraude à la TVA et fraude fiscale, fraude en matière de droits de douane et consolidation d'un circuit clandestin. Ce préjudice est, chaque année, de plusieurs centaines de millions de francs.
Il est assez simple de confectionner, de vendre, d'importer, de diffuser des produits contrefaits et les lieux où les contrefacteurs écoulent le plus volontiers leurs produits sont les braderies, les foires aux bonnes affaires et les marchés non contrôlés. Le distributeur et le détaillant subissent ainsi un préjudice grave parce que le piratage permet de vendre à un prix réduit. Le détaillant qui veut essayer de rester concurrentiel est souvent tenté de vendre lui aussi des produits contrefaits, ce qui risque de désarticuler le secteur tout entier.
Il arrive aussi que des distributeurs et des détaillants soient menacés par des commerçants de mauvaise foi, surtout lorsqu'ils dénoncent le piratage à la police. Le contrôle policier est parfois inefficace.
L'importation, d'Asie, d'Amérique et du Canada, de produits de contrefaçon, est à l'origine du piratage : on le considère trop souvent comme un problème commercial et non pas comme un problème relevant du droit pénal. L'on accorde aussi trop peu d'attention à la vente sur les marchés, les braderies et les foires aux bonnes affaires : les fraudeurs peuvent y exercer librement leurs activités, sans risque d'être inquiétés; ce sont des canaux idéaux d'écoulement de produits pirates.
Enfin, les utilisateurs d'internet favorisent la diffusion de produits illégaux. Celle-ci est difficile à détecter. Il existe incontestablement une criminalité internationale organisée en matière de piratage. Les organisations opèrent de manière de plus en plus professionnelle, ce qui témoigne d'une fraude structurée.
L'on constate aussi que les mêmes organisations criminelles sont actives dans d'autres secteurs comme celui de la vente illégale d'armes, celui de la drogue, celui de la pornographie, celui des stimulants, etc.
Contrairement à ce qui est le cas dans d'autres pays, l'on est peu enclin chez nous à collaborer avec la justice. L'intervention de la justice est même considérée comme inefficace. Les plaintes le plus souvent entendues concernent la lenteur de la justice, l'absence de poursuites pénales, la faiblesse des amendes.
Par contre, il existe aux Pays-Bas, en France et en Angleterre, une bonne collaboration avec les enquêteurs et les sociétés privées ont même un pouvoir de police limité qui leur permet de dresser procès-verbal chaque fois qu'ils constatent un piratage. Aux Pays-Bas, un accord extrajudiciaire peut même être conclu entre le fraudeur et la SVV (Stichting Video Veilig ), le pendant néerlandais de la BAF, à propos d'astreintes à infliger en cas de récidive. Un tel accord a un caractère légal. L'on évite ainsi de surcharger de travail les juridictions.
Le secteur propose de créer une cellule spéciale qui serait chargée de lutter contre la fraude relative à l'ensemble des produits de contrefaçon. La collaboration entre la police, les douanes, les services financiers et économiques gagnerait ainsi en efficacité. La BAF est disposée à prêter son concours.
Les bureaux de change belges (connus sous les noms : Best Change, Inter Change, Euro-Gold, De Martelaere et Van Goethem) sont fort concernés par les opérations de blanchiment d'argent de la criminalité organisée (437).
Ils ont exprimé à plusieurs reprises leur préoccupation en ce qui concerne la protection de leur personnel, qui se sent menacé en raison de l'obligation de dénoncer les pratiques de blanchiment. Ils insistent surtout pour que toute dénonciation soit anonyme : en ne garantissant pas la protection du personnel, on risque, semble-t-il, de perdre son concours.
Comme, de surcroît, le fait que l'accès à la profession d'exploitant d'un bureau de change ne soit pas réglementé, ils réclament un contrôle sérieux des opérations de change :il semble qu'un arrêté royal concernant ce contrôle soit en préparation depuis longtemps, mais rien n'a encore été publié.
7. Le secteur de la construction
Selon le secteur de la construction, la criminalité organisée est surtout le fait des pourvoyeurs de main-d'oeuvre qui mettent des travailleurs à la disposition d'entrepreneurs. Cette fraude nuit énormément à l'économie du pays :elle disloque les entreprises qui respectent la loi, elle a pour effet que l'on paie des salaires inférieurs au minimum légal et que les ouvriers ne sont pas assurés. Actuellement, l'on donne à de nombreux travailleurs au noir le statut d'indépendant, pour contourner les obligations légales(438).
Cette criminalité est favorisée par la mobilité de la main d'oeuvre, le manque de personnel qualifié dans le secteur du bâtiment et la concurrence entre les entreprises de construction.
Il est évident qu'en prévoyant l'enregistrement des entrepreneurs, l'on a fait un pas dans la bonne direction, mais il reste à combler les lacunes dans la législation. Il arrive que le fisc et l'inspection sociale agissent trop tard. Il faut encore parfaire la loi du 6 juillet 1989.
Les pays voisins connaissent eux aussi des problèmes dus au travail au noir :la législation belge supporte la comparaison avec celle de la plupart des autres pays européens.
La Vereniging der Expediteurs van Antwerpen (VEA) est l'association professionnelle agréée des expéditeurs établis dans les provinces d'Anvers et du Limbourg, elle représente environ 95 % des expéditeurs(439).
Cette association professionnelle fait état de deux types de criminalité : le vol dans les entrepôts et le vol de véhicules (tracteurs, semi-remorques et conteneurs). En coopération avec la police et la gendarmerie, les entreprises ont également engagé des vigiles privés.
L'on déploie également une activité criminelle dans le domaine technico-douanier : cette activité s'est surtout développée depuis la suppression des frontières intérieures en Europe. Soit les importateurs ne renvoient pas les documents douaniers requis, par l'intermédiaire du bureau de destination,(ce qui signifie que les marchandises sont entrées en fraude), soit l'on a apposé sur les documents de faux cachets de douane, (c'est surtout le cas en ce qui concerne les cigarettes et l'alcool). Les expéditeurs sont responsables de cette fraude et sont tenus de payer les droits dus, bien que leurs possibilités de contrôle soient limitées. Il faut encore améliorer bien des choses en matière de contrôle douanier : il faut organiser un contrôle plus efficace pour qu'il ne suffise plus de copier le cachet d'un service douanier pour ne pas avoir à payer de taxe.
L'union nationale de l'armurerie de la chasse et du tir représente à la fois les fabricants d'armes et les grossistes et détaillants en armes et munitions. Elle représente aussi les chasseurs, les tireurs sportifs et les collectionneurs d'armes (440).
Ce secteur n'a rien à voir avec le commerce de matériel de guerre (armes à feu automatiques, grenades, chars, etc.), mais bien de ce qui concerne les fusils de chasse, les carabines et les armes à feu à canon court (revolvers et pistolets).
Les armes de chasse et les armes de sport sont enregistrées et inscrites au Registre central des armes : sur ce point la réglementation belge est plus sévère que la directive européenne (91/477/CEE).
Pour détenir une arme de guerre, il faut un permis délivré par le gouverneur de province. Pour des armes défensives, il est nécessaire d'avoir l'autorisation du commissaire de police. Le transit des armes vers d'autres pays est réglé par la loi.
Ce sont les armes de guerre de type automatique qui constituent une menace. Dans les Balkans, on peut les obtenir librement c'est-à-dire qu'il suffit de rouler 12 heures pour en acquérir. Le contrôle qui est exercé aux frontières extérieures de l'Union européenne est pratiquement inexistant. C'est pourquoi l'Union nationale réclame un contrôle plus approfondi de tous les véhicules et la saisie de toutes les armes illégales. On obtiendrait déjà beaucoup en refusant l'accès à l'Union européenne aux chauffeurs qui font de la contrebande d'armes.
Le secteur a deux propositions qui sont susceptibles de limiter le trafic illégal d'armes : tout d'abord l'autorité (justice, armée, gendarmerie) devrait cesser de vendre ses vieilles armes : les armes en question devraient être détruites par le Banc d'essai des armes à feu à Liège, car on a constaté que certaines d'entre elles étaient réutilisées. Ensuite, la police, la gendarmerie, l'armée, la douane ainsi que la police des chemins de fer devraient renforcer les règles de sécurité qui s'appliquent à la conservation de leurs armes : dans certains cas, un tournevis suffit pour ouvrir l'armurerie du commissariat de police.
10. Conseils fiscaux et experts comptables
L'Institut belge des conseils fiscaux (IBC) représente dix associations professionnelles provinciales fiduciaires et de conseils fiscaux qui, ensemble, totalisent 2 600 membres (441).
Il n'est pas exclu que certains conseils fiscaux offrent leurs services aux organisations criminelles en :
fournissant des conseils fiscaux relatifs au blanchiment d'argent par le biais de centres offshore ou de paradis fiscaux;
mettant en place une fraude fiscale systématique (carrousels TVA).
L'implication de ces personnes peut être comparée à celle de certains avocats, experts-comptables, notaires et bureaux conseils. Ce secteur n'est pas protégé par l'article 458 du Code pénal, car les intéressés n'ont pas de secret professionnel reconnu.
Réglementer la profession permettrait d'intervenir sur le plan déontologique et d'exercer un contrôle approfondi du respect des règles professionnelles.
La loi du 21 février 1985 relative à la réforme du révisorat d'entreprise a accordé à l'Institut des experts-comptables un droit de contrôle beaucoup plus large, attribuant à celui-ci le pouvoir de conférer la qualité d'expert-comptable ou d'autoriser le port du titre. Ceux qui enfreignent les règles professionnelles peuvent se voir dénier le droit de continuer à porter le titre d'expert-comptable. Une réglementation légale similaire pour la profession de conseil fiscal permettrait de contribuer à assainir ce secteur.
Indaver fait partie des entreprises qui, en Europe, donnent le ton dans ce secteur. Elle est également la fondatrice et la présidente de l'organisation Eurits, qui regroupe 90 % des entreprises européennes spécialisées dans le traitement des déchets (442).
On constate que chaque région applique sa propre politique en matière de déchets : législations locales, accent spécifique sur certaines pollutions de l'environnement, manières différentes de traiter les déchets, écotaxes diverses ; toute cette diversité encourage la fraude. Il est évident qu'on va transporter des déchets vers les endroits où les contrôles sont moins nombreux, où les redevances sont moindres et où les normes ne sont pas trop sévères. D'où un déséquilibre dans le marché des déchets. La politique tolérante de certains pays incite les entreprises de traitement des déchets à transporter ceux-ci vers ces régions.
Ces transports de déchets rendent la recherche plus difficile. Le risque d'être pris est faible et les fonctionnaires manquent de matériel et de formation pour effectuer les missions de contrôle.
La politique des autorités dégénère trop souvent en une sorte de chasse aux sorcières qui discrédite les entreprises. Parfois, il y a un risque de dénaturation de la tolérance en matière de gestion de l'environnement; on essaie de punir l'industrie qui a des difficultés à résoudre son problème de déchets, mais on ne lui offre pas de solution.
La vraie criminalité, elle, est le fait des transporteurs et des traiteurs des déchets qui contournent systématiquement la loi, mais on n'empêchera pas la production de déchets par des dispositions légales : pour cela, il faut des études, des laboratoires et la recherche des moyens adéquats pour offrir une alternative.
12. L'industrie phonographique belge
Ce secteur se plaint des contrefaçons de CD. L'IFPI (Industrie phonographique belge) représente plus de 90 % des sociétés de ventes belges (443).
Ce secteur est très vulnérable parce qu'il est aisé et, qui plus est, lucratif, de ne pas payer les droits :
21 % de TVA;
28 % de royalties destinées aux artistes;
6 % droits d'auteurs (SABAM);
10 % de marge bénéficiaire normale.
De plus, comme le piratage se concentre exclusivement sur les disques à succès, les pirates n'ont jamais à supporter le coût de produits qui font un flop. À cela s'ajoute l'évasion fiscale sur la marge bénéficiaire réalisée. Le piratage est tellement développé qu'il constitue une menace pour tout ce secteur de l'économie.
Les enquêtes ne sont pas sans danger et le secteur accorde une prime d'un million de francs à l'informateur qui permet de démanteler une filière de piratage.
D'aucuns se plaignent de la lenteur extrême des poursuites, du montant extrêmement modeste des amendes infligées, de la politique de classement sans suite et de l'immobilisme du fisc et de l'administration de la TVA. La fédération est frustrée par la lourdeur de la justice pour s'attaquer aux fraudes commises sur la Falconplein à Anvers.
L'unification européenne a favorisé la fraude et à cet égard, il est frappant de constater que les principaux cas se produisent dans la région frontalière entre la Belgique, les Pays-Bas et l'Allemagne. La méthode belge pour lutter contre cette forme de criminalité est beaucoup plus laxiste que celle des pays voisins.
Il est proposé de réaliser une coordination nationale de la lutte, d'organiser une concertation régulière entre la justice, le fisc et l'administration de la TVA, d'infliger des amendes plus sévères, de mener des actions policières et douanières plus énergiques, de signaler toutes les importations et tous les transits à la fédération et enfin, d'indemniser mieux et de manière plus adéquate l'industrie qui finance les enquêtes et supporte les conséquences du piratage.
Fedichem compte 780 entreprises affiliées du secteur chimique et représente plus de 95 % de ce secteur qui va des cosmétiques et articles de parfumerie à l'appareillage médical, en passant par les matières premières et les produits finis.
La vulnérabilité de ce secteur est liée principalement aux atteintes à la propriété industrielle par la contrefaçon de produits cosmétiques et d'articles de parfumerie. Certains de ses membres ont même créé une association distincte chargée de lutter contre le piratage (VZW BAAN Belgische Associatie Anti-Namaak).
Dans le secteur chimique même, la criminalité n'a guère d'influence sur la santé économique des entreprises. Un quart de la production de l'industrie transformatrice de matières plastiques est destinée au secteur de la construction où la pression du travail au noir se fait fortement sentir.
Analyse des secteurs du diamant, du pétrole
et de la viande
Le secteur diamantaire belge regroupe quelque 1 600 sociétés agréées par l'administration de la TVA, soit plus de 4 300 négociants en diamants sous statut d'indépendant qui occupent actuellement quelque 4 000 employés. À cela s'ajoutent plus de 3 000 travailleurs qui sont employés dans le secteur de la taille du diamant. Le chiffre d'affaires annuel s'élève à quelque 850 milliards de francs, soit plus de la moitié des échanges mondiaux dans le secteur du diamant.
Pas besoin de souligner que le secteur du diamant constitue un baromètre économique important pour l'économie belge, dont il représente 8 % des exportations, ce qui en fait le principal fournisseur et le partenaire par excellence dans le commerce international du diamant.
a) L'on entend par secteur diamantaire, tout le secteur dont l'activité concerne les pierres précieuses, comme le diamant, le rubis, l'émeraude et le saphir. Les pierres semi-précieuses n'en font pas partie. Le diamant industriel (carbonado) n'en représente qu'un petit segment.
Le platine, l'or et l'argent, d'autres métaux précieux, ne relèvent pas non plus du secteur diamantaire. Le commerce de bijoux réalisés dans ces métaux est pourtant étroitement lié au commerce du diamant et le public fait peu de distinction entre les divers secteurs en question, et ce d'autant moins que certains commerçants sont particulièrement actifs dans des entreprises mixtes.
b) Il convient également d'attirer l'attention sur la grande signification qu'a le secteur diamantaire à Anvers, où il est considéré simplement comme un marché de gros qui ne s'adresse absolument pas au consommateur final et qui ne s'occupe pas de la vente au détail. Ce secteur importe quasiment toutes les matières dont il a besoin et il en réexporte la quasi-totalité : Anvers remplit dans ce sens une fonction de marché mondial au niveau du commerce de gros.
Le secteur du diamant a été accusé à maintes reprises de servir de couverture à des activités criminelles, d'attirer des individus peu recommandables et de se livrer systématiquement à des pratiques illégales. Les médias tant belges qu'étrangers présentent les choses comme si le secteur du diamant n'était soumis à aucune règle légale en Belgique et comme si les trafics sombres de toute sorte y étaient monnaie courante (1).
Cela n'a rien d'étonnant, puisque les débouchés de ce secteur se situent à l'étranger et qu'ils sont mal connus en Belgique, si bien que le commerce en question semble se dérouler en vase clos et être entouré de mystère. Il est d'ailleurs évident que le secteur diamantaire a contribué à répandre cette image de lui-même : un groupe limité de commerçants très spécialisés, parlant le plus souvent des langues étrangères, réalisant des transactions avec des étrangers, ayant leurs propres institutions financières et n'entretenant que peu de contacts avec les autorités locales et les autres commerçants (2).
À cela s'ajoute que la presse étrangère s'est jetée à maintes reprises sur certains scandales pour présenter l'ensemble du monde diamantaire anversois sous un jour défavorable. Or, les affaires comme la faillite de la banque Max Fischer, la faillite frauduleuse de Kaszirer Diamonds et d'Intra Trade Company et les pratiques de blanchiment de Fouad Abbas, membre d'un cartel international de la drogue, qui n'ont pas toujours un lien direct avec le diamant, ont néanmoins mis le secteur diamantaire anversois sur la sellette (3).
Il paraît souhaitable, pour que l'on puisse se faire une meilleure idée du secteur diamantaire au sens large, de distinguer les trois sous-secteurs suivants :
a) le marché de gros;
b) le marché de détail;
c) le commerce de bijoux.
Il y a à Anvers un grand nombre de diamantaires, mais seuls sont considérés comme véritables professionnels du commerce de diamants ceux qui ont la qualité de membre d'une organisation diamantaire (4).
En dehors de ces membres d'une organisation diamantaire, il en est beaucoup d'autres qui sont considérés dans le secteur comme des marchands ambulants. Tout le monde peut acheter et vendre des diamants, personne n'exerce un contrôle sur cette activité.
On peut donc dire que le secteur du diamant considère comme diamantaires les seuls membres inscrits dans une bourse du diamant. Il existe à Anvers quatre de ces bourses, nées d'initiatives privées.
1. « De vrije diamanthandel » est une société anonyme constituée par acte du 30 octobre 1950, modifié pour la dernière fois par acte notarié du 25 mars 1986. La société n'a pas de bâtiment de bourse en propre mais est établie dans le « Diamantclub », dans lequel elle est en fait intégrée.
2. « De Diamantclub van Antwerpen » a été fondé le 8 octobre 1893 sous forme de société anonyme, transformée en société coopérative en 1992. La dernière modification des statuts date du 1er avril 1993. La société a son propre bâtiment de bourse et compte environ 900 membres.
3. « De Antwerpse Diamantkring » est une association coopérative créée par acte du 10 octobre 1929. Les statuts on été modifiés pour la dernière fois en vertu d'un acte du 21 juillet 1987. Cette société possède son propre bâtiment de bourse et compte 1 200 membres.
4. « De Beurs voor Diamanthandel » est également une association coopérative, constituée sous forme de sociéte anonyme le 7 juin 1904 et transformée ultérieurement en société coopérative. La dernière modification des status remonte au 9 mai 1975. Cette société a également son propre bâtiment de bourse et recense 2 000 membres.
L'adhésion à ces quatre bourses se fait sur une base volontaire. On est libre d'y adhérer ou non, puisque la profession n'est pas réglementée par la loi. Celui qui adhère comme marchand, marchand étranger ou représentant est tenu de souscrire au « Gelijkluidend Reglement voor de Antwerpse Diamantbeurzen ». Les membres d'une bourse ne sont pas nécessairement actionnaires ou coopérateurs : ils ne font que souscrire explicitement à ce règlement et s'engagent à accepter et à respecter les décisions et les dispositions particulières.
Ces bourses du diamant qui ne sont pas des bourses au sens usuel ne sont pas des organes légalement reconnus qui peuvent régler l'accès à la profession, mais elles peuvent naturellement limiter l'accès à leur enceinte aux membres de leurs association.
Ces marchés de gros ont acquis au fil des années une structure déterminée, même si la réglementation légale n'a pas suivi le même rythme ou si certains diamantaires ne se sentent pas chez eux dans l'une ou l'autre bourse organisée et préfèrent faire cavalier seul.
Nous mentionnons aussi le Hoge Raad voor Diamant et le Diamond Office, qui assument une fonction régulatrice très importante dans le secteur.
a) Le Hoge Raad voor Diamant
Le Hoge Raad voor Diamant a été constitué sous forme d'association sans but lucratif par acte notarié du 15 octobre 1973. Il a pour objet de coordonner les associations professionnelles oeuvrant dans ce secteur. Les membres qui coopèrent depuis la création sont :
Antwerpse Diamantkring, SC;
Diamantclub van Antwerpen, SC;
Vrije Diamanthandel, SA:
Federatie der Belgische Diamantbeurzen, ASBL;
Groepering der Industrie Diamantfirma's in België;
Vereniging van handelaars in ruwe diamant;
Belgische Vereniging van handelaars, in- en uitvoerders van geslepen diamant;
Syndikaat der Belgische Diamantnijverheid;
Vereniging der Kempische diamantwerkgevers;
Edelstenenfederatie, ASBL;
ABVV Textiel, Kleding, Diamant;
Christelijke vervoersarbeiders en diamantbewerkers.
Le Hoge Raad est le représentant reconnu du secteur auprès du Conseil national du travail et du Conseil central de l'économie (5).
Le Hoge Raad est organisé en plusieurs départements, notamment le département certificats, Diamand Office, relations publiques, etc.
b) Le Diamond Office
Le Diamond Office a été institué après la Seconde Guerre mondiale sous forme d'association sans but lucratif, d'une part, pour promouvoir le commerce et l'industrie du diamant à Anvers et, d'autre part, pour exercer un contrôle plus efficace sur l'utilisation des devises.
Toutes les activités se rapportant aux diamants s'articulaient autour du Diamond Office : il assurait l'approvisionnement en diamants bruts et ensuite il vérifiait pour chaque entreprise quels produits taillés étaient réexportés. Même plus tard, lorsque l'importation et l'exportation directes furent autorisées, l'expertise et le dédouanement des marchandises s'effectuaient toujours par l'entremise du Diamond Office. Tous les envois se faisaient exclusivement par la poste et par les employés du Diamond Office.
Le Diamond Office disposait et dispose encore de licences globales d'importation et d'exportation de l'Office central des contingents et licences (OCCL) ressortissant au ministère des Affaires économiques et pouvait délivrer des licences partielles, mais uniquement à des commerçants agréés. De plus, le Diamond Office remplissait les formalités administratives en matière d'opérations de change pour l'Institut belgo-luxembourgeois du change.
En 1970, un bureau de poste et un bureau de douane ont été installés à proximité des locaux du Diamond Office. Actuellement, ces opérations sont effectuées de manière intégrée au sein du Diamond Office et les envois sont en principe confiés à des firmes spécialisées dans le transport de valeurs.
En concertation avec le ministère des Affaires économiques, le Diamond Office a été incorporé le 19 décembre 1974 dans les services du Hoge Raad voor Diamant.
En plus de 4 300 diamantaires qui sont membres des bourses d'Anvers et parfois de plusieurs bourses et qui peuvent par conséquent acheter et vendre à l'une de ces bourses, il en existe beaucoup d'autres qui n'ont pas cette qualité de membre. Ils opèrent sur le marché parallèle, ce qui ne veut absolument pas dire qu'ils se livrent à des pratiques illégales.
Puisque chacun peut faire le commerce des diamants, faute de toute disposition légale réglementant l'accès à la profession, il est impossible d'avoir une vue d'ensemble de ce secteur. Il est d'ailleurs frappant de constater qu'aucun contrôle particulier n'est exercé sur les activités de ces commerçants, dealers, spéculateurs, courtiers, intermédiaires ou outsiders.
Il est évident que c'est précisément dans ce groupe de commerçants qui échappent à toute réglementation que risquent de se former des organisations criminelles. Le diamantaire à la réputation établie, membre d'une bourse, agréé par le ministère des Affaires économiques comprend qu'un certain contrôle soit exercé sur son activité et sait aussi que des faits punissables peuvent entraîner son exclusion de l'association professionnelle et, du même coup, la cessation de son activité (6).
Étant donné qu'aucun contrôle n'est exercé sur les commerçants qui opèrent en dehors des bourses reconnues, il est également impossible d'estimer leur nombre. Celui-ci tourne probablement autour de 4 000-5 000 personnes. De même, nous ne savons rien de l'importance de ce commerce : est-ce un commerce de gros ou de détail ? Achètent-ils ou vendent-ils leurs produits par le biais du Diamond Office, ainsi qu'il est prescrit ? Ont-ils des courriers qui fournissent leur marchandise sans la déclarer en douane ? Portent-ils préjudice aux diamantaires agréés ? Cela reste la bouteille à l'encre (7). L'administrateur général de la Sûreté de l'État, M. Van Lijsebeth, est toutefois d'avis que le secteur du diamant à Anvers « est complètement déstabilisé par les activités illégales de la mafia russe et ukrainienne » (8).
On comprend dès lors pourquoi les diamantaires inscrits à une bourse se distancient de ces outsiders qui donnent souvent mauvaise réputation au secteur diamantaire.
Les joailliers, qui transforment ou font transformer les diamants ou d'autres pierres précieuses, ne sont pas comptés parmi les diamantaires (9). Ils ne sont d'ailleurs pas admis aux bourses du diamant.
Anvers n'a jamais connu d'association de joailliers solidement structurée. Les rivalités, les frictions et les différends entre fabricants, grossistes et détaillants et surtout les empiétements sur les domaines réciproques l'en ont empêché jusqu'à présent.
De concert avec l'administration de la ville, il a toutefois été décidé de dépasser ces clivages. C'est dans ce but qu'a été créée l'Antwerp Diamond Jewellery Association (ADJA). Il s'agit d'un groupement professionnel dont les statuts sont parus au Moniteur belge et qui veut être un label de qualité pour tous les joailliers de bonne foi (10).
L'ADJA se plaint elle aussi du contrôle défectueux du commerce des bijoux et se rend compte que la tentation d'enfreindre des prescriptions légales est particulièrement grande et les risques de se faire prendre sont extrêmement minces. De plus, il est encore apparu récemment que le parquet attache peu d'importance au trafic des bijoux : 90 cas de fraude flagrante ont été classés sans suite (11).
Pour motiver cette décision, on invoque « l'expiration du délai et l'organisation défectueuse du tribunal », en ajoutant comme arguments « la modicité de la sanction encourue et la surcharge de travail »...
Ces irrégularités qui caractérisent le commerce des bijoux se confondent, aux yeux de l'opinion publique et surtout des médias, avec la situation dans le commerce des diamants proprement dit. Il ne fait aucun doute que le trafic de l'or contribue en grande partie à la mauvaise image des diamantaires d'Anvers.
Comme nous l'exposerons plus loin encore, certaines organisations criminelles se sont implantées dans le secteur de la vente de bijoux. Alors que la législation belge soumet les parures d'or à des normes strictes et que notre joaillerie jouissait naguère d'une excellente réputation, on constate à présent que des bijoux de 10 carats et moins apparaissent sur le marché belge (12).
Des commerçants géorgiens, établis à proximité immédiate des bourses du diamant (notamment les boutiques situées sous la gare centrale d'Anvers) semblent s'être spécialisés dans ces pratiques (13). Le secteur du diamant s'en est déjà plaint à plusieurs reprises auprès des autorités, apparemment sans résultat.
D'une part, la responsabilité du contrôle est repoussée d'une autorité à l'autre, d'autre part, on prétend que les enquêteurs craignent de s'attaquer à cette criminalité organisée.
Un livre officiel dans lequel seraient notées les importations et exportations d'or, tel qu'il existe en France depuis des années, et une comptabilité sérieuse peuvent indéniablement contribuer à un assainissement de cette branche (14).
Il y a des indications selon lesquelles le commerce d'imitations à la Falconplein et environs a un rapport avec le commerce de bijoux de pacotille sous les « Arcades » de la gare centrale d'Anvers. Le Hoge Raad voor Diamant a déploré à plusieurs reprises qu'aucune action n'avait été entreprise contre ces pratiques. Bien que l'on s'attaque régulièrement, à l'heure actuelle, à la contrefaçon de marques, le commerce de détail illégal et infiltré de bijoux n'est manifestement pas inquiété. La commission elle-même a constaté combien il est difficile de déterminer qui porte la responsabilité du séjour illégal des innombrables étrangers qui gravitent comme un essaim autour de ce trafic (15).
Il n'est pas exclu que le profil esquissé dans une certaine presse soit précisément attribuable aux activités illégales d'un petit groupe d'escrocs (16). Mais, pour limité que soit ce groupe, nous pouvons constater que depuis l'installation de cette mafia russe ou géorgienne, il y a moins de dix ans, 12 meurtres ont déjà été commis à la suite de règlements de comptes entre ces bandes mafieuses (17).
Les criminels proviennent le plus souvent de pays qui ont de longue date une approche très rigide de la criminalité. Dans leur pays d'origine, ils connaissent un appareil policier et judiciaire d'une extrême sévérité. Eux-mêmes, et surtout les Russes, s'entourent de conseillers qui, avant de venir dans nos contrées, réalisent une étude de marché et analysent les points faibles de notre système pour en retirer un maximum de profit personnel (18).
On constate que ces Russes qui sont l'objet de mesures d'éloignement dans d'autres pays d'Europe, viennent s'installer de préférence en Belgique (19).
À l'importation, les diamants arrivent en règle générale par avion aux aéroports de Deurne ou Zaventem. À l'arrivée, le diamantaire doit se présenter au bureau de douane et remettre la marchandise contre reçu. L'agent des douanes rédige un document de transit avec cautionnement (document T). Une firme spécialisée dans le transport de valeurs retire la marchandise à la douane de l'aéroport et la remet au Diamond Office en même temps que le document T.
La marchandise y est vérifiée et dédouanée. Ensuite elle est soumise aux experts du ministère des Affaires économiques qui procèdent aux contrôles et constatations requises en vue de la déclaration au service de statistique.
Le financement et même le recrutement de ces experts par le secteur diamantaire, à savoir par les diamantaires qui doivent être contrôlés par eux, se rélèvent sans doute avantageux pour le ministère des Affaires économiques, mais ne constituent pas, aux yeux de certains, une garantie suffisante de l'objectivité des experts (20).
À l'exportation, les diamants sont soumis, au sein du Diamond Office, aux experts du ministère des Affaires économiques qui effectuent les contrôles et constatations nécessaires pour la déclaration statistique, reçoivent la demande de licence d'exportation, valident et scellent la marchandise.
Ensuite, et toujours au Diamond Office, la marchandise est présentée à la douane qui déclare les documents d'exportation conformes et appose les timbres douaniers.
À partir de là, la marchandise est transportée par une firme spécialisée à l'aéroport où elle est à nouveau présentée à la douane pour l'exportation.
Bien entendu, les importateurs ou exportateurs ne sont pas obligés de confier le transport à une firme spécialisée : ils peuvent y pourvoir eux-mêmes, éventuellement au moyen d'un courrier spécial (« transport personnel »). Mais dans ce cas aussi les formalités décrites ci-dessus doivent être remplies.
Ainsi, il est apparu récemment qu'une firme diamantaire anversoise a fraudé entre 1993 et 1997 pour un montant d'environ 4,5 milliards de francs en expédiant au Japon des cailloux au lieu des diamants mentionnés. Ces envois auraient été effectués par l'intermédiaire du Diamond Office avec la complicité de fonctionnaires du ministère des Affaires Économiques. Le parquet aurait, selon la Gazet van Antwerpen , mis un terme aux investigations en invoquant « le principe de la séparation des pouvoirs » (21), mais cette affirmation s'est révélée totalement inexacte. D'après les renseignements fournis par les autorités judiciaires, l'enquête est activement poursuivie.
Le Diamond Office offre l'avantage de regrouper toutes les opérations dans un seul bureau : dédouanement, déclaration statistique et contrôle de la part du ministère des Affaires économiques. Cela garantit d'une part une grande sécurité des opérations et contribue d'autre part à la transparence des opérations.
Toute entreprise dont l'activité a trait au commerce et à l'industrie du diamant est tenue de déclarer au ministère des Affaires économiques le poids et la valeur des diamants qu'elle importe ou exporte, lors de chaque transaction. La même déclaration est faite lors du dédouanement. À cela s'ajoute une déclaration annuelle du stock au 31 décembre de chaque année civile, comme le prescrit la législation fiscale. Le tout en application de la réglementation relative aux statistiques.
Par ailleurs, d'innombrables transactions sur diamants qui ont lieu à Anvers n'ont pas un caractère d'importation ou d'exportation : au total, 90 % de la production mondiale de diamants bruts change de propriétaire sur les rives de l'Escaut. Anvers fait en effet également office de lieu de rencontre entre diamantaires qui ont quelque chose à vendre ou à acheter.
Il a été signalé à plusieurs reprises que certaines personnes (courriers de diamants ?) avaient obtenu un accès direct au tarmac des aéroports de Zaventem et de Deurne afin de réceptionner ou de remettre des lots de diamants en dehors de tout contrôle (22).
L'arrêté royal du 3 mai 1991 portant réglementation de la sûreté de l'aviation civile (23) règle cette matière et limite l'accès au côté-piste des aérodromes. Le côté-piste doit non seulement être clôturé et les accès doivent être pourvus d'un contrôle de sûreté ou d'un contrôle d'accès (article 3), mais en outre les plans de sûreté du côté-piste doivent être approuvés par le directeur général de l'Administration de l'Aéronautique (article 4).
Toutes les personnes qui peuvent accéder au côté-piste doivent être titulaires d'un badge d'identification d'aéroport et d'une carte d'accès (articles 6-10) et l'accès est limité aux membres du personnel (équipages) ou aux personnes qui sont temporairement en possession d'un badge d'identification pour le côté-piste (article 7).
Tous les véhicules qui se rendent du côté-piste doivent être munis d'une carte d'accès spécifique (article 8). En outre, les titulaires d'un badge d'identification ou d'une carte d'accès ne sont pas dispensés du contrôle de douane et de frontière et doivent obtempérer aux injonctions de la police de l'aéroport, de la gendarmerie et de la douane pour tout contrôle de sûreté complémentaire.
La Régie des Voies aériennes déclare n'avoir délivré à aucun diamantaire un badge d'identification d'aéroport permettant l'accès direct aux avions ou le déplacement avec un véhicule du côté-piste (24).
Il ressort toutefois des enquêtes relatives à certains dossiers du parquet d'Anvers que certaines personnes ont bel et bien pénétré sur le tarmac sans autorisation.
Il s'agit dans chaque cas de faits punissables pour lesquels n'a été dressé aucun procès-verbal et qui ne sont apparus qu'après coup, par hasard. Dans un seul cas il s'agissait de la collaboration d'un membre du personnel d'une compagnie aérienne qui faisait passer frauduleusement certains envois. Jusqu'il y a deux à trois ans, aucun contrôle n'était pour ainsi dire exercée à l'arrivée d'avions privés à l'aéroport de Deurne (25).
Ces faits ne peuvent certainement pas être généralisés : il est faux de prétendre que n'importe quel commerçant a très facilement accès au tarmac de Zaventem ou de Deurne. Il ne faut pas perdre de vue que les firmes de transport de valeurs disposent d'un badge d'identification et qu'elles ont obtenu régulièrement l'autorisation de se rendre avec leurs véhicules du côté-piste vers les coffres-forts de la douane, afin d'y retirer les diamants et de les transporter soit dans les coffres-forts de Brucargo, soit à Anvers où ils sont remis au bureau de douane auprès du Diamond Office (26).
Les explications données par un des membres du Hoge Raad voor Diamant ont sans doute aussi donné lieu à des interprétations erronées. Les importateurs et les exportateurs ne sont pas obligés de faire appel à une firme de transport de valeurs pour amener la marchandise à l'aéroport ou au Diamond Office. Ils peuvent la confier à des courriers ou, le cas échéant, la transporter eux-mêmes : ce retrait direct à Zaventem afin d'accélérer l'opération n'implique nullement que le diamantaire prend possession de la marchandise directement dans l'avion ou qu'il accède au tarmac. Il peut éventuellement obtenir l'autorisation de retirer les produits dans le coffre-fort de la douane qui jouxte le côté-piste, mais les produits doivent chaque fois être accompagnés d'un document T réglementaire (27).
Le secteur diamantaire est soumis au tarif 0 en matière de TVA, mais les factures doivent être tenues à jour régulièrement et les déclarations sont obligatoires pour l'importation et l'exportation. Il y a en outre un contrôle douanier et les entreprises sont soumises à l'obligation de tenir une comptabilité régulière et légale.
La plupart du temps les transports se font par des firmes spécialisées dans le transport de valeurs. D'après le Hoge Raad voor Diamant, 99 % des importations et des exportations passent officiellement par le Diamond Office.
La contrebande est bien entendu une activité tentante : d'une part les valeurs sont énormes et en outre le volume d'un lot de diamants est très réduit.
Le président du Hoge Raad estime que la quantité de diamants de contrebande est minime : « Nous avons organisé en Belgique un système qui permet d'importer légalement dans le pays des diamants de manière assez souple », déclare-t-il. « Aucun diamantaire qui connaît ce système ne risquera d'introduire des diamants en Belgique en contrebande. Il s'agit plutôt d'amateurs et d'individus qui souhaitent pour la première fois entrer en Belgique, à partir de l'Afrique, avec des produits qui y sont encore toujours très faciles à trouver. Le risque d'être appréhendé est cependant très grand et il est très probable qu'ils seront arrêtés dans l'aéroport, car on sait d'où viennent ces personnes et il apparaît très vite qu'elles ne sont pas encore venues en Belgique. Il est dès lors possible de les intercepter de temps à autre. Je tiens toutefois à souligner qu'il s'agit de cas plutôt accidentels. Le marché n'en est pas perturbé, car ils représentent un pourcentage très réduit (28) ».
Est-ce que la menace de confiscation des diamants est suffisante pour dissuader les diamantaires, comme le prétend le président du Hoge Raad, ou faudrait-il y ajouter une déchéance temporaire ou définitive du droit d'exercer la profession de diamantaire ?
En tout cas, il ne saurait être question de déchéance du droit d'exercer la profession tant que ne seront pas prises des dispositions légales réglementant l'accès à la profession. Une telle réglementation est actuellement l'objet de discussion entre le Hoge Raad et le ministre compétent et ses services.
Même l'exclusion d'une des associations professionnelles pour infraction aux règlements semble soulever des difficultés particulières. Dans un arrêt de la cour d'appel d'Anvers du 20 février 1996, la Beurs voor Diamanthandel s'est vu dénier le droit de radier un de ses membres (29).
Le statut de « négociant agréé en diamants » que le ministère des Affaires économiques octroie aux diamantaires pourrait également être supprimé dès que l'accès à la profession aura été réglementé.
Subsiste toutefois le problème concernant la valeur des produits importés et exportés : les experts du ministère des Affaires économiques seront toujours confrontés à la question de l'évaluation correcte des diamants. De même qu'il est impossible d'estimer la valeur exacte d'une peinture ou d'une oeuvre d'art, l'estimation exacte d'un lot de diamants sera toujours sujette à caution.
La société De Beers a une grande influence sur le commerce des diamants : dotée d'une assise financière exceptionnelle, elle dispose d'un stock important de diamants bruts. Elle s'efforce d'acheter les diamants à la production et, grâce à son stock, d'orienter le marché. Elle suit une politique bien précise afin que le marché ne soit pas perturbé par des événements de nature temporaire : elle limitera par exemple le volume des lots de diamants qui sont vendus à un prix fixe à des diamantaires privilégiés lorsque le marché présente une tendance négative ou risque d'être saturé.
La livraison de lots de diamants bruts est assurée principalement par De Beers, bien que celui-ci ne dispose pas d'un monopole. Des diamants bruts provenant d'autres centres diamantaires sont néanmoins offerts sur le marché, même à Anvers. On parle alors de « outside market » ou marché parallèle. Ce marché parallèle n'est en aucun cas un marché illégal, car les produits offerts à Anvers et provenant d'autres centres que De Beers sont importés par le biais du Diamond Office et sont soumis au contrôle légal. Ce marché parallèle est cependant limité, selon le Hoge Raad, à environ 1 % des diamants offerts. D'après une déclaration de M. Kausse, commissaire principal à l'Administration de la Sûreté de l'État, seuls 50 % des diamants offerts en Belgique arriveraient par le canal du CSO (« Central Sellings Organisation » de De Beers) et les 50 % restants viendraient de pays africains (30).
Il est clair qu'une large fraction des importations en provenance d'Afrique revêt un caractère illégal, mais il n'a pas été possible de recueillir des données contrôlables à ce sujet. Provenant de certains pays comme l'Angola, le Congo, la Sierra Leone ou la Namibie, ces diamants sont le plus souvent passés en contrebande par des courriers. Lorsque ceux-ci sont appréhendés, non seulement ils encourent une peine pour avoir enfreint les prescriptions douanières, mais les diamants sont en outre confisqués (31).
Le problème de savoir si ce monopole de l'offre (« single channel marketing system ») de De Beers est contraire aux règles de la CEE n'est pas soumis à l'appréciation de la commission. La question a été posée de savoir si l'activité monopolistique de De Beers ne favorise pas la criminalité, mais les membres du Hoge Raad ont repoussé avec fermeté cette insinuation (32). Bien évidemment, De Beers, firme à la réputation établie, importe exclusivement par l'intermédiaire du Diamond Office.
En dépit des efforts accomplis par De Beers pour réguler le marché des diamants, une importante portion de la production échappe encore à son contrôle. Certains pays souhaitent agir de manière autonome et commercialiser directement leurs diamants, tel le Canada. Ainsi l'Australie, qui assure 6 à 7 % de la production mondiale, cherche à écouler ses diamants par le biais de son bureau de vente installé à Anvers. Il s'agit, il est vrai, de diamants de moindre qualité, qui ne constituent pas une grande menace pour De Beers (33).
D'autres pays, comme la Russie, ont dénoncé à plusieurs reprises les accords passés avec De Beers et ont offert sur le marché anversois des diamants en dessous du prix mondial (34). Récemment, De Beers est parvenu à remettre en vigueur les conventions conclues avec les autorités russes.
Au début de 1998 il y avait 36 instructions en cours auprès du parquet d'Anvers concernant le secteur du diamant. Il s'agissait d'infractions classiques : délits portant sur les patrimoines, faillites et opérations de blanchiment (35). Ces dossiers n'étaient pas récents et, par manque de juges d'instruction ou d'enquêteurs, un problème de délai raisonnable a commencé à se poser. À la BSR d'Anvers il n'y avait, le 1er octobre 1998, que 7 dossiers relatifs au secteur diamantaire (36), mais sans rapport avec des organisations criminelles.
Le risque de prescription était moins grand, mais le secteur du diamant lui-même demandait qu'un certain nombre de dossiers soient portés le plus vite possible devant le tribunal afin de pouvoir écarter certains éléments suspects et de donner une image plus favorable du secteur, surtout dans les médias.
Il entrait dans les intentions du procureur général de promouvoir une coopération plus étroite entre un avocat général, qui prendrait en charge les infractions financières et économiques, et les magistrats de première instance. Il y a déjà eu à cette fin une concertation entre les magistrats du parquet, en vue d'un règlement plus rapide des affaires. Par ailleurs, le parquet général a pris directement contact avec les gens de terrain (police judiciaire et gendarmerie).
En ce qui concerne la criminalité dans le secteur diamantaire, le procureur général d'Anvers a fourni les explications suivantes : « Il faut faire une distinction entre criminalité organisée et criminalité d'organisation. La criminalité organisée suppose la réalisation systématique d'infractions qui, considérées séparément ou dans leur globalité, revêtent une signification considérable en vue d'obtenir un bénéfice ou un pouvoir, pour lesquelles une ou plusieurs personnes agissent ensemble pendant une certaine période du point de vue technico-légal des modifications ont déjà été apportées sur ce plan avec répartition des tâches, pour lesquelles il est fait usage de structures commerciales et/ou l'on a recours à la violence ou à d'autres moyens d'intimidation et/ou pour lesquelles une influence est exercée sur la vie politique, les médias, l'administration publique, la justice et l'économie. À cela s'oppose la criminalité d'organisation. Il s'agit en l'occurrence d'infractions qui sont commises par des membres d'une organisation parfaitement légale, sans que l'organisation elle-même ne fonctionne comme une organisation criminelle. Il peut s'agir d'infractions qui sont commises à titre individuel ou en groupe par les membres d'une organisation qui est en soi respectable et de bonne foi et qui s'inscrivent dans le cadre de l'exercice des tâches normales de l'organisation. À en juger par les données disponibles et l'état actuel des investigations, il nous semble que le secteur du diamant ne relève pas de la criminalité organisée mais rentre plutôt dans la deuxième catégorie ».
Et d'ajouter : « S'il y a fraude dans l'expertise des diamants qui sont offerts à l'importation où à l'exportation, s'il est question de corruption dans le chef des experts ou des fonctionnaires chargés du contrôle, cela reste notoirement dans les limites de la criminalité d'organisation, sans franchir le pas vers la criminalité organisée. »
Cette criminalité d'organisation a peut-être une connotation moins sérieuse que la criminalité organisée mais n'en est pas moins grave. « Si un expert reconnaît un lot de résidus comme un diamant d'une valeur de 200 millions de francs, il y aura là-dessous tout un ensemble de fausses écritures, de fausses factures, mais aussi un marché noir des diamants véritables » (37). Les opérations de blanchiment peuvent se monter facilement : le commerce de la drogue et même le commerce des armes n'en sont pas exclus (38).
« Le trafic atteint très vite des milliards : un dossier répressif porte déjà sur 92 000 000 de dollar » (39). Parfois, il s'agit uniquement d'escroquerie à l'assurance plutôt que de falsification de factures ou de commerce de diamants importés illégalement.
Parfois, on a l'impression qu'il existe réellement une politique de tolérance : non seulement on l'affirme devant les caméras de télévision, mais même la cour d'appel d'Anvers constate « que d'autres usages ont cours dans le secteur diamantaire et que les compagnies d'assurances doivent en tenir compte » (40). Il est certain que jadis le secteur du diamant faisait dans une certaine mesure de l'autorégulation : les magistrats et la police judiciaire entretenaient de bons rapports avec le secteur et cela se traduisait par une coopération efficace. Le secteur lui-même a déclaré par le truchement du Hoge Raad qu'il considère l'autorité judiciaire comme son allié objectif dans la lutte contre les abus (41).
Alors qu'auparavant le commerce des diamants était aux mains d'un petit groupe de personnes qui se connaissaient personnellement et qui étaient toutes membres de l'une ou l'autre bourse, on observe depuis quelques années une sorte d'internationalisation du secteur. De plus en plus, nous voyons arriver de l'étranger des individus au passé inconnu, qui disposent de moyens financiers considérables mais au sujet desquels nous n'avons aucun renseignement. Des commerçants provenant de Russie, surtout, ont fait jusqu'il y a peu leur apparition à Anvers et il est particulièrement difficile de recueillir des informations fiables sur leur passé (42).
S'il est question d'une politique de tolérance dans le secteur du diamant, ce n'est pas parce que le ministère public ferme les yeux ou refuse d'intervenir : la politique de tolérance ne relève pas des parquets mais du ministère de la Justice ou des Finances (43). Il ne s'agit peut-être pas d'une véritable politique de tolérance, mais plutôt d'accords, de conventions, d'usages, mais le parquet ne peut intervenir que si procès-verbal est dressé. Au sujet des pratiques qui ne sont pas consignées dans un procés-verbal, le parquet peut difficilement ouvrir une enquête (44).
Il a ainsi été observé notamment que depuis la disparition des frontières entre l'Est et l'Ouest, on a tenté de mettre sur pied un marché parallèle de diamants provenant de l'ancienne URSS. Il s'agit de diamants de haute qualité vendus à bas prix. Il en résulte une pression accrue sur le marché existant, de sorte que le facteur autorégulateur et protecteur vient à disparaître. Les accords adaptés, conclus récemment avec De Beers, ont contribué à réduire sensiblement cette pression.
Il est fait allusion au dossier répressif « Golden Ada » qui révélera peut-être de véritables pratiques mafieuses : ce dossier est toujours à l'examen et pourrait souligner la vulnérabilité du secteur diamantaire anversois (45).
Il y a incontestablement un manque de personnel expérimenté, tant dans les parquets et parmi les juges d'instruction qu'à la police judiciaire. C'est un problème général au sein du ministère public (46). Un travail de recherche plus approfondi devrait être effectué dans le secteur économique et financier, mais pour cela il faut qu'il y ait plus de fonctionnaires spécialisés. Trop peu d'analyses criminelles ont été effectuées et aucune analyse stratégique n'a jusqu'ici été réalisée par manque d'effectifs (47).
Un plan d'action contre la délinquance économique, financière et fiscale a été approuvé en octobre 1997 par le Conseil des ministres et est peaufiné par le collège des procureurs généraux. Dans ce cadre, un magistrat sera spécialement chargé de dresser un tableau de cette criminalité. Le secteur du diamant, sans être le seul concerné, en fera indéniablement partie. Ensuite, il appartiendra au ministre de juger où les analystes devront être placés pour procéder à une analyse stratégique (48).
Il ressort non seulement des dossiers répressifs mais encore d'autres données que des diamants sont importés illégalement en Belgique à partir de certains pays, principalement de Russie (49). L'affaire « Golden Ada » fournit la preuve que les importations illégales de diamants se chiffrent à plusieurs milliards. Comme De Beers ne contrôle qu'une partie des diamants russes, le risque est d'autant plus grand de voir l'autre partie arriver en contrebande sur le marché européen. Il ne s'agit sans doute que de simple trafic, vu l'implosion des structures russes.
Le monde du diamant étant un monde fermé dans lequel tout est basé sur la confiance mutuelle, le travail de recherche pour trouver les circuits illégaux n'est pas aisé. Certains diamantaires en ont malicieusement profité pour organiser des importations de diamants à partir de l'Afrique par l'intermédiaire de courriers, en dehors des circuits normaux et sur une base individuelle, pour leur usage et leur exploitation propres. Finalement, une portion de ces diamants abouti chez des personnes qui sont inscrites auprès d'une bourse de diamants. Étant donné que certains diamants provenant de ce circuit illégal sont de très bonne qualité et que leur prix est nettement inférieur au prix du marché, il arrive même que De Beers les rachète afin de préserver la stabilité des prix et de ramener les diamants dans le circuit légal (50).
Toutes les personnes qui ont été entendues par la commission ont déclaré que le secteur du diamant est très vulnérable à la fraude : la grande valeur des diamants, la taille réduite des pierres, le caractère fermé du secteur, les nombreux contacts avec l'étranger, la difficulté d'obtenir des informations sur le passé des commerçants, la faible structure du marché accentuent cette vulnérabilité (51). De même, les modestes moyens des enquêteurs, leur manque de formation et d'expérience, l'absence d'analyses criminelles font qu'il existe peu de données sur la criminalité affectant ce secteur (52).
Il est également frappant de constater que le manque de transparence est imputable à l'absence de contrôle : la plupart des firmes-écrans sont liquidées après deux ans environ, au moment du premier contrôle de l'administration fiscale ou de la TVA (53). Aucun contrôle n'est effectué au moment de l'immatriculation dans le registre du commerce et on peut facilement mentionner une adresse fictive, exercer une activité commerciale, opérer sur le marché des diamants et disparaître ensuite sans laisser de trace (54). De même, la délivrance de permis de travail se fait sans contrôle sérieux; si la police n'a pas reçu de plaintes ou de renseignements défavorables ce qui est pratiquement exclu dans le cas d'étrangers qui arrivent en Belgique un avis favorable est émis (55).
Tant qu'il n'y aura pas une approche globale de ce problème, qui ne constitue en fait qu'une composante de la criminalité économique et financière, la lutte contre la criminalité ne donnera pas de bons résultats (56). C'est la raison pour laquelle l'administrateur général de l'administration de la Sûreté de l'État plaide en faveur d'une banque de données centrale à laquelle auraient accès tant l'administration que l'autorité judiciaire, fût-ce partiellement (57). Tous les services de recherche et tous les services administratifs devraient collaborer, échanger des informations et agir de concert (58). Ainsi, il n'existe actuellement aucune concertation entre l'Inspection spéciale des impôts et la gendarmerie en matière de fraude fiscale dans le secteur diamantaire (59). Il n'est pas étonnant, dès lors, que personne n'ait aujourd'hui une vue claire de la situation et que des décisions contradictoires soient prises qui perturbent les investigations des autres services, voire même les entravent. « Pour nous, le secteur du diamant est peu transparent parce que nous n'avons presque pas d'informations à son sujet », a reconnu le capitaine-commandant T. Debacker de la BSR d'Anvers (60).
Jusqu'à présent il n'y a pas de politique coordonnée : les équipes d'enquête ne sont pas réunies (61). Le capitaine De Bie, membre du BCR a déclaré à ce sujet : « C'est un processus de longue haleine car chacun suit sa propre procédure et sa propre méthode de travail. Cela se fait ainsi depuis tant d'années ». Face à des organisations criminelles, ce problème est encore plus pressant.
La collecte de données est cependant soumise à certaines limites, comme l'a fait remarquer à juste titre le major Frans, membre du BCR : « Car on ne peut obtenir une fraction des données que dans le cadre d'une enquête judiciaire. Si on veut obtenir des informations internes à l'entreprise, si on veut faire un constat sur la base de documents ou de la comptabilité, il faut procéder à une perquisition et il y a, en cette matière, des règles à respecter » (62).
Dès qu'un juge d'instruction intervient, il s'agit d'un cas concret et le district de gendarmerie intervient. Une fois que l'affaire est à l'instruction, l'intérêt de l'enquête entre parfois en collision avec l'analyse globale : tant le ministère public que le juge d'instruction n'ont alors nul besoin d'une analyse globale.
Le capitaine De Bie a observé en passant : « Nous travaillons de manière traditionnelle, dossier par dossier, de façon réactive. Nous demandons déjà depuis quelques années à pouvoir travailler par projet, sur la base d'analyses, mais nous sommes jusqu'ici les seuls à soutenir cette thèse. Il est particulièrement difficile d'y rallier notre partenaire, le ministère public. La situation commence à changer dans certains parquets, mais c'est une rupture énorme avec le passé. On a toujours traité dossier par dossier. Et c'est toujours le cas. Pour faire changer les choses, nous avons besoin de la collaboration du ministère public, mais cela exige un changement des mentalités » (63).
« S'il existait des règles claires, un cadre légal précis, le BCR pourrait travailler de manière beaucoup plus efficace. L'échange de données avec l'administration et les services d'inspection serait également beaucoup plus souple » (64).
« Mais la création d'un cadre réglementaire peut aussi se révéler insuffisante. Si on peut imposer une chose ou la rendre obligatoire, il faut aussi qu'elle soit acceptée. Cette acceptation ne peut avoir lieu que si les magistrats du ministère public et les services de police sont familiarisés avec la nouvelle manière de travailler et si un système suffisamment fiable est mis en place pour la transmission d'informations douces. Le policier qui transmet des informations douces doit être sûr que la personne qui reçoit ces informations sait parfaitement ce qu'elle peut et ne peut pas en faire. En outre, il doit avoir la certitude qu'un contrôle est exercé. La législation est une chose, mais son application doit être mûrement réfléchie au préalable, et c'est là une tout autre tâche » (65).
Il est frappant de constater qu'en réalité peu ou pas de recherches sont effectuées en matière de fraude systématique dans le secteur diamantaire : la gendarmerie signale qu'elle n'intervient que sur réquisition du juge d'instruction (66) : l'ouverture d'une enquête est plutôt le fruit du hasard (par exemple lorsque, comme dans l'affaire Fischer, des indices évidents de fraude financière émergent, ou lorsque certains meurtres ou attentats ont un rapport indéniable avec le trafic d'or et de bijoux).
« Nous avons toujours été partie prenante pour effectuer une enquête sur le phénomène. Nous présumons qu'il serait utile de découvrir les liens qui existent indubitablement », a déclaré le premier substitut Verhelst, « mais une véritable enquête sur le phénomène ou une enquête sectorielle, pro-active, demandée par le parquet ou par nos supérieurs hiérarchiques, n'a, pour autant que je sache, jamais été réalisée » (67).
La police judiciaire demande elle aussi avec insistance, depuis 1991, une enquête ciblée sur le phénomène, mais il n'y est pas donné suite. « L'explication tient aux traditions. La hiérarchie n'estime pas toujours à sa juste valeur la portée d'une proposition. Si quelqu'un insiste pour que soit installée une cellule d'information qui ne traite pas des dossiers ponctuels, il n'y a pas de personnel disponible à cet effet » (68).
Y a-t-il meilleure illustration de ce manque de communication des informations que le fait que les membres du BCR ignorent qui, au parquet général d'Anvers, est responsable du secteur du diamant (69) ?
De même, les magistrats du parquet ne savent pas qui, au parquet général, est en charge du secteur du diamant : jusqu'il y a peu, les rapports de la cellule du crime organisé n'étaient même pas transmis au procureur général (70) : rien d'étonnant dès lors que ces rapports n'aient suscité aucune réaction en haut lieu.
Cette situation est attribuée « à la grande culture administrative qui règne au parquet d'Anvers. Il faut se réunir, mais souvent ces réunions restent sans suite...
Toutes ces lacunes et déficiences amènent à s'interroger sérieusement sur la crédibilité et la compétence des responsables du parquet d'Anvers. Si les enquêteurs ont l'impression qu'ils n'ont pas prise sur la criminalité, si les justiciables perdent confiance dans la justice, si on fustige l'absence d'action énergique contre certains criminels, n'est-ce pas plutôt dû à l'incompétence et au laxisme public qu'au manque d'effectifs ou de moyens ?
De nombreuses personnes séjournent illégalement en Belgique : elles sont entrées dans le pays soit avec un faux passeport, soit avec un visa de touriste, soit sans le moindre papier d'identité.
Ces personnes sont employées illégalement, par exemple dans une station-service, dans le secteur horeca (restaurant chinois ou thaïlandais), dans l'industrie de la construction ou dans une entreprise de transformation du diamant. Dès qu'il a foulé le sol du pays, l'illégal est pris en charge par certaines organisations qui lui procurent du travail. C'est ainsi qu'un Indien ou un Pakistanais peut rapporter 200 000 à 300 000 francs par mois, dont il ne touchera personnellement qu'une petite portion. Dans bien des cas on lui fera croire qu'une partie de son salaire est envoyée à sa famille en Inde ou au Pakistan. Celui qui peut exploiter ce filon illégal de main-d'oeuvre spécialisée gagne de l'or en barre (71).
La valeur ajoutée générée en Belgique par le diamant est l'enjeu. Bien entendu, aucune cotisation sociale n'est prélevée sur cet enjeu, de sorte que notre système social et économique est miné (72).
Le lieutenant-colonel Allaert (BCR) a même précisé : « La délivrance de faux papiers est un aspect du crime organisé, surtout de l'immigration illégale organisée ou de la traite des êtres humains. Elle est également le fil rouge de la mise au travail organisée de main-d'oeuvre illégalle et d'autres formes de criminalité. Le marché sur lequel on peut s'approvisionner en faux documents est ouvert à quiconque en fait la demande. Demain un meurtrier peut chercher des nouveaux papiers et après-demain ce sera un terroriste ou un Indien qui souhaite venir en Belgique. Il s'agit d'un seul et même marché qui, en ce moment, est partiellement aux mains de Yougoslaves et d'Albanais... Dans certains endroits, ce commerce de faux documents serait florissant. À condition de les fréquenter suffisamment longtemps, il est possible d'entrer en contact avec quelqu'un qui peut fournir les papiers requis. »
Ce commerce a une dimension internationale et les services policiers n'en ont pas une bonne vue d'ensemble (73). De même qu'il existe pour l'assistance juridique des réseaux d'avocats (74), il existe par exemple aussi des réseaux d'adresses de « planques ». Ce ne sont pas forcément les mêmes personnes. Celui qui peut fournir l'adresse d'une planque ne procure pas nécessairement de faux papiers. Chacun a sa spécialité. Ce type d'organisation a une structure horizontale (75).
On prétend qu'il existe une bonne coopération entre l'Office des étrangers, les services de police et les membres de la Cellule centrale de la traite des êtres humains du BCR. Des formes de collaboration positives existeraient également avec les services du ministère des Affaires étrangères. Cette prétendue collaboration ne semble toutefois donner que peu de résultats sur le terrain : on a parfois l'impression que la concertation constitue un moyen de répartir sa propre responsabilité sur plusieurs corps et services.
Ainsi, on remarque qu'en matière d'expulsion des criminels illégaux, l'exécution de la décision d'emprisonnement de ces criminels ne fonctionne qu'à 50 % ; et on constate en outre que les personnes qui sont expulsées ne sont le plus souvent pas les vrais criminels mais des sous-fifres. La manière dont les autorisations d'établissement et les permis d'exploiter sont obtenus est révélatrice d'une aide structurée aux illégaux : les services administatifs attachent davantage d'importance à la manière dont les formulaires doivent être remplis qu'à leur contenu. Comment peut-on d'ailleurs contrôler 200 000 sociétés avec 20 contrôleurs (76) ?
S'ajoute à cela le fait que la police n'est souvent pas disposée à faire exécuter un ordre d'expulsion. Un tel refus peut prendre plusieurs formes. Il se peut que le policier ne parvienne jamais à trouver la personne à l'adresse indiquée parce qu'il regarde systématiquement dans la mauvaise direction, mais le refus peut également émaner du bourgemestre, qui donne l'instruction de ne pas expulser certains illégaux. L'Office des étrangers constate que les expulsions ne sont en fait pas exécutées, mais il n'a pas le pouvoir de faire exécuter effectivement les ordres. Parfois, cet office envoie jusqu'à trois injonctions au bourgemestre pour qu'il procède à l'expulsion (77).
Dans une affaire de meurtre liée au milieu criminel d'Anvers, il a été constaté que les complices étaient des personnes qui séjournaient légalement ou non à Anvers et qui assuraient le support logistique dans de telles opérations d'élimination. « Nous sommes alors tombés sur une personne », dit le commissaire de la police judiciaire Van Saelen, « qui était titulaire d'une firme oeuvrant dans le secteur du diamant et de l'or à Anvers, qui n'était inscrite ni dans le registre des étrangers ni dans celui de la population, qui avait la nationalité russe et qui occupait un appartement très luxueux dans une des avenues les plus huppées d'Anvers. Son nom figurait en toutes lettres sur la sonnette et bien qu'il se déplaçait dans une voiture munie d'une plaque minéralogique belge, cet homme se trouvait de manière totalement illégale dans le pays, tant en ce qui concerne son domicile que son statut de travailleur. Nous constatons régulièrement de tels faits. Certains mécanismes de contrôle ne sont manifestement pas assez efficaces (78). »
Depuis plusieurs années, des plaintes émanent du secteur diamantaire au sujet d'organisations criminelles géorgiennes sévissant à Anvers (79). Le parquet général d'Anvers confirme qu'une grande criminalité est effectivement constatée parmi ces personnes (80). Il s'agit en l'occurrence de vente de bijoux de pacotille, de contrebande de cigarettes, de trafic de drogue (81), de menaces, voire de meurtres, de prostitution, de main-d'oeuvre illégale et également de vente de contrefaçons de marques. Le fait de payer des loyers de cent mille francs pour quelques mètres carrés de surface commerciale est en soi déjà révélateur de pratiques frauduleuses (82). Ce milieu géorgien et russe compte dans ses rangs des criminels de haut vol, des membres d'organisations criminelles qui opèrent au niveau international et pour qui le commerce de bijoux n'est qu'une couverture (83).
Il s'agit le plus souvent de personnes qui ont été expulsées d'Allemagne ou de France ou qui ne s'y sentaient plus en sécurité et qui ont atterri à Anvers. Elles s'installent naturellement dans les pays où le contrôle policier est le moins strict (84).
Bien que ces personnes ne relèvent en fait pas du secteur diamantaire, elles exercent leur activité commerciale à proximité immédiate du centre du diamant et elles sont assimilées aux diamantaires dans l'opinion publique et surtout dans les médias, donnant une image particulièrement défavorable du secteur diamantaire anversois (85).
D'une part, plusieurs de ces commerçants géorgiens ont acquis la nationalité belge, d'autre part certains arrivent en Belgique via Israël et se font passer pour des ressortissants israéliens, ce qui ne facilite pas leur identification. En outre, ils savent pertinemment jouer de leur double nationalité (86).
Il n'empêche que plusieurs bijoutiers géorgiens qui n'ont pas la nationalité belge séjournent illégalement dans le pays et que leur expulsion semble particulièrement difficile à réaliser. D'où des rumeurs selon lesquelles certaines personnes les protègent. Est-ce uniquement dû au fait que la prison d'Anvers est surpeuplée ou est-ce la faute de la police qui ne veut pas exécuter les ordres d'expulsion (87) ou est-ce la faute des autorités de la ville (88) ?
La gendarmerie a également constaté qu'une série de Géorgiens résident de manière illégale en Belgique. « Ils reçoivent l'ordre de quitter le pays ou ils sont arrêtés et emprisonnés et rapatriés. Nous devons toutefois constater qu'on retrouve ces personnes dans leur magasin au bout de deux à trois semaines. Si nous dressons aujourd'hui un schéma des boutiques des Géorgiens dans la Pelikaanstraat à Anvers et que nous allons effectuer un contrôle demain, le schéma ne correspondra plus à la réalité. La situation change presque de jour en jour. Il est impossible d'établir un plan permanent de la Pelikaanstraat, déclare la maréchal des logis W. Falagiarda de la BSR d'Anvers (90).
Le commissaire en chef de la police précise quant à lui que des hommes de paille se présentent régulièrement dans les magasins, parfois même des touristes. Avant que l'on ait pu recueillir des informations, ils ont quitté le pays. « C'est un environnement en mutation très rapide, nécessitant une main-d'oeuvre assez importante. Lorsque l'on croit maîtriser quelque peu la situation, elle a déjà changé. Pour pouvoir faire du bon travail, il faut y être présent presque tous les jours » (91).
D'après le commissaire de la police judiciaire G. Janssens, il est pratiquement certain que l'on se trouve ici en présence de corruption (92).
À la date du 1er novembre 1998, 30 dossiers se rapportant au secteur du diamant étaient à l'instruction à Anvers. Dans six cas seulement il s'agit de criminalité d'organisation (carrousel de fausses factures, fraude fiscale, contrebande de diamants, faillite frauduleuse, etc.). Dans cinq cas, nous sommes en présence d'une organisation criminelle.
Dans huit cas il s'agit d'abus de confiance : le commerçant en cause a réceptionné la marchandise à vue et ne règle pas ou produit de fausses quittances.
En se fondant sur les informations fournies par le parquet général, il n'est pas possible d'établir la nationalité des prévenus. On peut admettre que ce sont en grande majorité des étrangers qui sont venus s'établir à Anvers au cours des dernières années.
Il est à noter qu'un seul diamantaire inscrit dans une des bourses d'Anvers s'est rendu coupable de criminalité d'organisation.
Aperçu des dossiers à l'instruction le 1er novembre 1998 Secteur du diamant
Dossier | Personnes en cause |
Nature de l'infraction | Montant | Type |
| | | | |
Dossier | Betrokken personen |
Aard van het misdrijf | Omvang | Type |
1 | 6 | Vol Diefstal | 172,5 millions de francs 172,5 miljoen frank | Individuel Individueel |
2 | 2 | Escroquerie Oplichting | 25 millions de francs 25 miljoen frank | Individuel Individueel |
3 | 150 | Faux en écriture et fraude fiscale Valsheid in geschrifte + fiscale fraude | Plusieurs milliards Verscheidene miljarden | Criminalité d'organisation Organisatiecriminaliteit |
4 | 1 | Faillite Bankbreuk | 74 millions de francs 74 miljoen frank | Criminalité d'organisation Organisatiecriminaliteit |
5 | 2 | Abus de confiance + blanchiment Misbruik van vetrouwen + witwaspraktijken | 6 milliards de francs 6 miljard frank | Criminalité d'organisation Organisatiecriminaliteit |
6 | 5 | Fraude fiscale + blanchiment Fiscale fraude + witwaspraktijken | 750 millions de francs 750 miljoen frank | Criminalité d'organisation Organisatiecriminaliteit |
7 | 1 | Faillite + fraude fiscale Bankbreuk + fiscale fraude | Inconnu Onbekend | Individuel Individueel |
8 | 4 | Vol + recel Diefstal + heling | 8 millions de francs 8 miljoen frank | Individuel Individueel |
9 | 1 | Vol de grande ampleur Zware diefstal | Inconnu Onbekend | Individuel Individueel |
10 | 1 | Abus de confiance + recel misbruik van vertrouwen + Heling | 5 millions de francs 5 miljoen frank | Criminalité d'organisation Organisatiecriminaliteit |
11 | 1 | Escroquerie Oplichting | 16 millions de francs 16 miljoen frank | Individuel Individueel |
12 | 1 | Abus de confiance Misbruik van vertrouwen | 4,5 millions de francs 4,5 miljoen frank | Individuel Individueel |
13 | 1 | Fraude à la douane + faux en écriture Douanefraude + valsheid in geschrifte | 3,5 millions de francs 3,5 miljoen frank | Individuel Individueel |
14 | 1 | Blanchiment Witwaspraktijken | 35 millions de francs 35 miljoen frank | Individuel Individueel |
15 | 3 | Faillite + vol + faux en écriture Bankbreuk + diefstal + valsheid in geschrifte | 250 millions de francs 250 miljoen frank | Individuel Individueel |
16 | 1 | Abus de confiance Misbruik van vertrouwen | 1,5 million de francs 1,5 miljoen frank | Individuel Individueel |
17 | 1 | Abus de confiance Misbruik van vertrouwen | 1,85 million de francs 1,85 miljoen frank | Individuel Individueel |
18 | 1 | Escroquerie Oplichting | 350 000 francs 350 000 frank | Individuel Individueel |
19 | 6 | Escroquerie + blanchiment Oplichting + witwaspraktijken | 1,7 milliard de francs 1,7 miljard frank | Criminalité d'organisation Organisatiecriminaliteit |
20 | 1 | Abus de confiance Misbruik van vertrouwen | 550 000 francs 550 000 frank | Individuel Individueel |
21 | 1 | Abus de confiance Misbruik van vertrouwen | 175 000 francs 175 000 frank | Individuel Individueel |
22 | 3 | Abus de confiance Misbruik van vertrouwen | 125 millions de francs 125 miljoen frank | Individuel Individueel |
23 | 1 | Fraude fiscale Fiscale fraude | 36 millions de francs 36 miljoen frank | Individuel Individueel |
24 | 1 | Abus de confiance Misbruik van vertrouwen | 7 millions de francs 7 miljoen frank | Individuel Individueel |
25 | 1 | Abus de confiance Misbruik van vertrouwen | 1,5 million de francs 1,5 miljoen frank | Individuel Individueel |
26 | 6 | Faux en écriture + contrebande de diamants + blanchiment Valsheid in geschrifte + diamantsmokkel + witwaspraktijken | 100 millions de francs 100 miljoen frank | Criminalité organisée Criminele organisatie |
27 | 8 | Blanchiment + faux en écriture Witwaspraktijken + valsheid in geschrifte | au moins 1 milliard minstens 1 miljard frank | Criminalité organisée Criminele organisatie |
28 | 4 | Blanchiment + faux en écriture + délits financiers Witwaspraktijken + valsheid in geschrifte + financiële delicten | 3,6 milliards de francs 3,6 miljard frank | Criminalité organisée Criminele organisatie |
29 | 4 | Blanchiment + corruption de fonctionnaires + faux en écriture Witwaspraktijken + omkoping van ambtenaren + valsheid in geschrifte | 4,5 milliards de francs 4,5 miljard frank | Criminalité organisée Criminele organisatie |
30 | 22 | Blanchiment Witwaspraktijken | Indéterminé Onbepaald | Criminalité d'organisation Organisatiecriminaliteit |
Les infractions portant sur l'or ou les bijoux ne sont pas incluses.
Il est plaidé pour une augmentation des effectifs de personnel, tant en ce qui concerne les magistrats (juges d'instruction et magistrats du parquet) que dans les services de police. L'afflux de dossiers, la complexité de la matière et le caractère international de la criminalité sont disproportionnés par rapport au nombre de personnes qui doivent traiter les dossiers.
La commission ne peut toutefois pas s'empêcher de penser que la mise en place d'une direction solide est un élément encore plus important. Nombre de policiers et même de magistrats du parquet ont l'impression d'être abandonnés à leur sort, qu'on n'est pas à l'écoute de leurs besoins, que beaucoup trop de temps est consacré à la concertation et à la rédaction de rapports, mais qu'il n'y est donné que peu ou pas de suite.
La collaboration avec des organismes internationaux et avec d'autres services nationaux repose beaucoup trop sur des relations personnelles plutôt que sur des règles légales ou des règlements. À l'exemple des Pays-Bas où le FIOD (93) est chargé du travail de recherche en matière fiscale, il faudrait créer en Belgique un service de recherche spécialisé dans le domaine de la fiscalité, qui pourrait promouvoir un traitement judiciaire autonome (94).
On se plaint également de l'insuffisance des moyens pour intercepter les communications téléphoniques, de l'absence de réglementation légale sur les techniques spéciales d'enquête, du manque de protection des informateurs, de l'impossibilité de rémunérer correctement les indicateurs, etc.
La question se pose de savoir si une procédure spéciale de confiscation des avantages patrimoniaux illicites au sens de l'article 36e du Code pénal néerlandais ne serait pas souhaitable. Cette mesure de confiscation des avantages peut être imposée par une décision judiciaire distincte consécutive aux poursuites pénales (95).
Comme l'enquête financière est en général complexe et prend beaucoup de temps, la procédure de saisie est dissociée des poursuites criminelles proprement dites : l'action du ministère public doit toutefois avoir été engagée deux ans après le jour de la décision prononcée en première instance (art. 511b, premier alinéa, Sv).
De cette manière on évite aux Pays-Bas les retards indésirables dans le traitement du dossier répressif (96).
La commission constate qu'aucune analyse criminelle n'a été réalisée dans le secteur diamantaire. On réagit au cas par cas. Il n'y a en outre aucune coordination et les différents services conservent jalousement leurs propres informations. Un timide début de coopération n'a été observé qu'en matière de politique des étrangers. Et c'est précisément dans ce domaine que la mise en oeuvre de la concertation reste lettre morte.
Le commerce en gros du diamant, dans la mesure où il est entre les mains des quatre bourses du diamant, est plus ou moins structuré et les membres sont contrôlés. Ces associations professionnelles n'ont cependant aucun statut légal et il serait souhaitable que l'accès à la profession de diamantaire soit réglementé, comme le demande d'ailleurs le secteur lui-même (97). Cela permettrait d'éliminer de nombreux éléments suspects. C'est principalement le commerce des diamants qui ne transite pas par les bourses qui est vulnérable face à la criminalité organisée.
Le manque de transparence favorise cette criminalité. Comme celle-ci est presque exclusivement le fait d'étrangers, une politique sévère à leur égard paraît indispensable.
Nous ne pouvons toutefois pas nous laisser obnubiler par la criminalité dans le secteur du diamant ou celui de l'or ou des bijoux. Il existe des organisations criminelles qui opèrent dans ces secteurs, mais il s'agit de malfaiteurs qui sont prêts à exploiter demain une autre activité si celle-ci rapporte davantage ou comporte moins de risques. En d'autres termes, nous avons affaire à des organisations criminelles potentielles, qui sont prêtes à faire du trafic de drogues, de fausse monnaie, d'hormones, de contrefaçons, de cigarettes ou d'alcool si l'occasion se présente.
À défaut d'une collaboration entre les différents services, d'investissements accrus en effectifs et en moyens, et surtout sans personnel spécialisé, aucune amélioration ne doit être attendue.
Mais plus encore que des effectifs et des moyens supplémentaires, il nous faut des magistrats responsables qui fassent preuvent de détermination, d'énergie et d'enthousiasme.
Au fil des auditions, la commission a constaté que la criminalité organisée est effectivement particulièrement active et bien organisée dans le secteur. On se trouve à nouveau confronté à une criminalité génératrice d'infractions consensuelles (98) c'est-à-dire qui ne produisent pas de victimes directes et dont les bénéfices colossaux obtenus sont sans commune mesure avec les risques mineurs encourus : les mécanismes frauduleux assez complexes sont malaisés à prouver et les peines encourues sont dérisoires. En outre, ce secteur intrinsèquement moins lucratif que le trafic de stupéfiant n'a fait, contrairement à ce dernier, l'objet d'aucune attention particulière des législateurs belge et étrangers. La fraude se perpétue et s'amplifie en toute impunité depuis le 1er janvier 1993, date de l'ouverture des frontières. En effet, la fraude est essentiellement réalisée à l'intérieur de l'Union, où le système de circulation en exemption de droits est détourné de sa finalité.
La commission a en outre été particulièrement frappée par les déclarations suivant lesquelles les mécanismes de fraudes ont été parfaitement identifiés et que, le plus souvent, les auteurs sont connus. Les déclarations ont pu mettre en évidence que les structures mises en place et les méthodes utilisées sont le fait d'organisations criminelles internationales.
La commission s'est d'abord livrée à un examen de la situation actuelle, pour essayer ensuite de mettre en évidence les causes de l'échec de la répression afin de pouvoir formuler des recommandations pour l'avenir.
Toutes les auditions, sous serment, auxquelles la commission a procédé l'ont été sous le couvert du huis clos, les intervenants ayant parfois été la cible de menaces ou de mesures d'intimidation. Afin de respecter le secret du huis clos et de ne pas trahir la confiance des témoins, en les exposant de surcroît à des mesures de rétorsion, la commission a décidé de ne pas préciser plus avant l'origine de ses sources, sauf lorsqu'elles sont confirmées par des documents publics. Elle a par ailleurs décidé de ne faire état d'aucun élément qui serait couvert par le secret de l'instruction, et ce afin de ne pas nuire au bon déroulement de celle-ci.
A. Envoi d'un questionnaire type aux secteurs économiques le 22 avril 1997 soit en ce qui concerne le secteur pétrolier et des huiles minérales :
à la Fédération pétrolière belge qui y a répondu le 18 juin 1997;
à la Fédération belge des négociants en combustibles et carburants ASBL qui a répondu le 27 mai 1997.
B. Entretiens entre les présidents de la Commission d'enquête parlementaire et des représentants de la Fédération pétrolière belge, à la demande de ces derniers les 23 septembre 1997 et 27 novembre 1997
C. Auditions de témoins par la Commission
La Commission a procédé, à huis-clos, aux auditions, sous serment, des témoins suivants :
le 6 février 1998 : audition de M. P. Van De Walle, président de la Fédération pétrolière belge, de M. G. Van De Werve, secrétaire général de la Fédération pétrolière belge, de M. Cornu, expert de la Fédération pétrolière belge et de M. P. Storme, président de l'Union pétrolière belge;
le 6 février 1998 : audition de M. P. Bergmans, inspecteur principal a.i. et de M. L. Ponsaerts, vérificateur-expert-comptable au ministère des Finances, administration des Douanes et Accises;
le 13 février 1998 : audition de M. J. Hots, directeur-ingénieur en chef au ministère des Affaires économiques, service approvisionnement énergétique;
le 13 février 1998 : audition de M. W. Uyttersprot, inspecteur principal, chef de service et de Mme Dumont, inspecteur principal au ministère des Finances, Inspection spéciale des impôts;
le 4 mars 1998 : audition de M. P. Knudsen, directeur de l'Unité de coordination de la lutte anti-fraude de la Commission des Communautés européennes (UCLAF);
le 13 mars 1998 : audition de M. A. Vandoren, magistrat national;
le 5 juin 1998 : audition de M. Schewebach, directeur général de l'Office des étrangers;
le 26 juin 1998 : audition du major B. Frans, du major D. Decraene, du capitaine P. Boel et du lieutenant M. Paternotte, du Bureau central des recherches (BCR) de la gendarmerie;
le 3 juillet 1998 : audition du lieutenant colonel J. Allaert, du lieutenant T. Smets et de Mme S. Dubois, analyste stratégique, tous trois membres de la Cellule centrale « traite des êtres humains » du BCR de la gendarmerie.
A. Caractéristiques du régime juridique applicable au commerce des huiles minérales et des produits pétroliers.
1. Disparité du taux des accises entre les produits pétroliers et selon leur usage (100)
101Dans le secteur des produits pétroliers, on constate que le taux des accises, et donc le prix à la consommation, est très fluctuant en fonction de la nature du produit (l'essence plombée est plus taxée que le diesel), mais surtout en fonction de l'usage du produit.
À titre d'exemple, on retiendra le cas du gasoil qui, selon qu'il est utilisé pour le chauffage ou comme carburant, est soumis à des accises de 0,55 franc/litre dans le premier cas et de 11,7 francs/litre dans le second cas. Alors qu'il s'agit de produits parfaitement identiques, le prix à la consommation va fortement varier selon l'usage qui en est fait (1021).
Pour éviter toute confusion entre le gasoil de chauffage et le diesel, on a prévu l'introduction de moyens de reconnaissance, à savoir un colorant et un traceur (le furfurol) dans le gasoil de chauffage.
2. Disparité des taux d'accises appliqués à un produit identique dans les différents pays de l'Union européenne
À titre d'exemple, on citera le cas bien connu du Grand-Duché-du-Luxembourg qui applique sur l'essence et le diesel des taux d'accises nettement inférieurs à ceux appliqués par l'État belge.
3. Le régime des accises et la libre circulation intra-communautaire (103)
En règle générale, les droits d'accises sont perçus lorsque les produits sont mis à la consommation.
Entre-temps, les produits pétroliers raffinés sont stockés dans des entrepôts agréés, en suspension de taxes, appelés entrepôts fiscaux (104).
Depuis l'ouverture des frontières, soit depuis le 1er janvier 1993, un système de libre circulation, en suspension de droits, a été instauré dans l'Union européenne : les produits provenant d'un entrepôt agréé sont transportés jusqu'à leur lieu de destination (de consommation) en suspension de droits, ceux-ci étant perçus par l'État de l'Union de destination. Les produits peuvent également être exportés hors Union et transitent alors par l'Union en exemption de droits.
En pratique, les produits qui quittent l'entrepôt agréé sont délivrés, sous le contrôle du bureau de douane local, avec un document administratif d'accompagnement établi en 5 exemplaires : un exemplaire reste chez le vendeur, un exemplaire est destiné au bureau de douane du vendeur, les trois autres suivent la marchandise soit le bateau ou le camion. Parmi ces trois exemplaires, l'un est destiné à l'acheteur, un second sera adressé au bureau de douane de l'acheteur et le dernier sera retourné au lieu d'origine. Le contrôle s'opère lorsque le dernier document, en principe estampillé par le bureau de douane de l'acheteur est retourné au lieu d'origine, et plus particulièrement au bureau de douane du vendeur.
Le bon fonctionnement du système est garanti par le versement, par les entrepositaires, d'une caution représentant 10 % des droits d'accises sur le volume stocké, et qui sera conservée en cas de non-respect des obligations douanières.
4. Le mécanisme de la TVA n'est pas spécifique au secteur et est mieux connu.
Il peut être très succinctement résumé comme suit : la TVA est acquittée par l'acquéreur à chaque transaction intra-communautaire; elle est récupérée, à chaque transaction intra-communautaire, par le vendeur assujetti qui l'a précédemment acquittée.
B. Description des principaux mécanismes de fraudes détectés et qui ont tous pour finalité d'éluder les droits d'accises et la TVA et, accessoirement, l'impôt sur les sociétés
B.1. Les fraudes réalisées sur les quantités importées.
B.1.a. Les irrégularités afférentes au document d'accompagnement administratif (DAA)
B.1.a.1. Envoi fictif vers un autre pays de l'Union européenne où les taux d'accises sont moins élevés :
Des huiles minérales sont délivrées, en suspension d'accises, avec un document d'accompagnement administratif (DAA) en vue d'être livrées dans un autre État de l'Union européenne qui a un taux d'accises moins élevé (par exemple le Grand-Duché de Luxembourg où la différence de droits d'accises est de 10 francs par litre pour l'essence et de 4 francs par litre pour le diesel). Le DAA est apuré dans l'État de destination, où les droits d'accises sont acquittés. En réalité, ces marchandises ne quittent pas le territoire belge, ou y reviennent après transit dans l'État prétendu de destination.
Dans ce cas, seules les accises à un taux avantageux sont payées à l'État de destination officielle; en réalité, ces produits sont mis, sur le marché noir, à la consommation en Belgique. Les droits d'accises qui auraient normalement dus être acquittés en Belgique ne sont pas payés.
200 000 litres de produits pétroliers sont ainsi introduits quotidiennement en fraude sur le marché belge.
Cette fraude ne peut être détectée à l'heure actuelle que par une surveillance des transporteurs routiers. À cet égard, on a constaté que ceux-ci profitent de la nuit ou des week-ends, périodes durant lesquelles les contrôles sont moins fréquents, pour livrer leur marchandise sur le territoire belge.
En outre, dans ce type de fraude, les autorités douanières étrangères ne sont pas toujours prêtes à collaborer, dans la mesure où leur trésor bénéficie évidemment de cette fraude.
B.1.a.2. Non-apurement ou falsification du document d'accompagnement administratif.
On a relevé des cas où les transports d'huiles minérales n'étaient pas accompagnés des DAA ou bien que ceux-ci étaient faux ou falsifiés ou encore qu'ils n'étaient pas apurés.
À titre d'exemple, une firme procède à des transports réguliers, en suspension d'accises, entre la Hollande et la Belgique, pays de destination. Les droits sont, en un premier temps, régulièrement payés puis, brusquement, les transports s'intensifient, sans que le paiement des droits ne suive. Quand il est alors procédé au contrôle, le destinataire belge a disparu du circuit économique. Ce type de fraude a permis, dans un cas particulier, d'éluder 500 000 000 francs de droits d'accises.
Autre exemple : le DAA est renvoyé apuré, comme si les droits avaient été payés dans l'État membre de destination; en réalité, le cachet a été falsifié ou il s'agit d'un cachet volé ou apposé par un douanier corrompu. À cet égard, il est à noter que, rien qu'en Belgique, 380 cachets de l'Union ont été volés.
Dans tous ces cas, les huiles minérales sont mises à la consommation en fraude sur le marché belge; les droits d'accises ne sont pas payés.
À l'heure actuelle, seuls les contrôles routiers permettent de détecter les cas de transports sans DAA, ou avec des documents faux ou falsifiés.
B.1.a.3. Envoi fictif vers un pays hors CEE (exportation fictive)
Les marchandises sont délivrées avec un document d'exportation, avec comme destination officielle un pays extérieur à l'Union européenne. Le document est apuré quand on apporte la preuve que la marchandise a quitté l'Union européenne. En réalité, les produits ne quittent pas la Belgique (ou reviennent en Belgique via un autre pays de l'Union) et le document d'exportation est apuré par l'apposition d'un faux sceau, d'un sceau apposé avec un cachet volé ou par un douanier corrompu.
Les produits sont mis en fraude à la consommation en Belgique; les droits d'accises ne sont pas payés.
Des fraudes réalisées par cette technique, de l'ordre de deux millards, ont été détectées.
B.1.b. Irrégularités commises lors du chargement des tanks et des navires dans les ports.
Le transport par bateaux est assimilé à une exportation en suspension d'accises.
La quantité officiellement chargée est supérieure à la quantité réellement chargée; le capitaine est acheté pour apposer sans protester sa signature sur le récépissé; le surplus est pris en charge par des camions et est mis à la consommation en fraude sur le marché belge.
Les documents prévoient que le navire transporte du diesel; en réalité, il s'agit de gasoil de chauffage. La quantité équivalente de diesel est mise à la consommation illégalement sur le marché belge.
Dans tous ces cas, les droits d'accises sont soit totalement ou en grosse partie éludés.
B.1.c. Autres techniques détectées
Une autre technique consiste à chauffer, dans les cuves des entrepôts, les produits pétroliers, de telle sorte qu'ils gagnent en volume. On a constaté qu'une différence de trois centimètres dans la cuve d'une grande citerne de stockage suffit à remplir un bateau en noir. La preuve de cette fraude est dès lors particulièrement difficile à apporter.
Enfin, on a constaté que les instruments de mesure, dont le contrôle se ferait parfois avec beaucoup de complaisance par des organismes pourtant agréés, sont manipulés. On a également relevé des cas de manipulation frauduleuse des compteurs électroniques (Compteurs à la pompe ou sur les camions).
B.2. Les fraudes portant sur la qualité des produits mis à la consommation
B.2.a. Décoration et défurfurolisation du gasoil de chauffage
Comme on l'a déja signalé, la gasoil de chauffage bénéficie d'un taux d'accises beaucoup plus favorable que le gasoil routier (diesel.) Pour éviter la confusion entre ces deux produits qualitativement identiques, le gasoil de chauffage est coloré en rouge et muni d'un agent de reconnaissance, le furfurol.
La décoloration et la défurfurolisation s'opèrent par l'adjonction d'acide sulfurique dans les citernes de mazout de chauffage. Le colorant et le furfurol vont alors se déposer avec l'acide sulfurique dans le fond de la cuve de la citerne et y constituer une masse visqueuse noire.
Cette technique permet d'éluder la différence entre les accises dues sur le diesel et celles, beaucoup moins lourdes, dues sur le gasoil de chauffage, qui sont seules acquittées. La fraude réalisée est de 11,5 frs par litre.
Au cours des deux dernières années, diverses fraudes reposant sur cette technique ont été détectées, portant sur 18 000 000 de litres au total soit 120 000 000 francs d'accises éludés.
Cette fraude peut être détectée par un examen du fond des citernes; l'appareil utilisé permet d'identifier la présence d'acide sulfurique sur le fond de la citerne, établissant de ce fait la fraude. Des témoins ont signalé à la commission qu'il n'y aurait qu'un appareil de ce type pour toute la Belgique alors que son coût est approximativement de 25 000 francs.
On peut également, par analyse, détecter la présence d'un certain pourcentage de soufre dans le fond des cuves.
Enfin, un contrôle précis de la comptabilité permet de déterminer le nombre de litres de gasoil blanc qui est entré et le nombre de litres de gasoil de chauffage qui est sorti. Mais ce contrôle est rendu plus difficile par le fait que la plupart du temps, afin de maintenir la balance comptable en équilibre, de fausses factures d'achat de diesel et de fausses factures de vente de gasoil routier sont établies.
B.2.b. Non incorporation des moyens de reconnaissance (colorant et/ou furfurol) dans le gasoil de chauffage
L'injection de colorant peut se faire soit manuellement soit par le biais d'un système automatique d'injection.
Lorsque le colorant est injecté manuellement, on attend que l'agent qui doit procéder au contrôle soit absent ou occupé à autre chose pour vider le colorant dans des sceaux cachés dans les soutes du navire.
On a constaté également que certains navires avaient des soutes protégées dans lesquelles le colorant n'arrivait pas.
Lorsque des systèmes automatiques d'injection sont utilisés, on a constaté de nombreuses manipulations frauduleuses de ces systèmes, consistant en :
des court-circuits du système de contrôle informatique;
l'inversion des compteurs gasoil de chauffage et diesel;
des trous percés dans les conduits amenant le furfurol;
des robinets sur les conduits amenant le furfurol;
faire repasser une seconde fois du gasoil de chauffage à l'injection.
Cette technique, comme la précédente, permet d'éluder la différence entre le taux des accises dû sur le diesel et celui beaucoup moins lourd qui est dû sur le gasoil de chauffage, seul acquitté. La fraude réalisée est de 11,5 francs par litre.
Dans le cas où l'adjonction manuelle de colorant est autorisée, des fraudes portant sur un montant total de l'ordre de 227 000 000 de francs de droits d'accises éludés ont été détectées durant ces deux dernières années.
En ce qui concerne les systèmes automatiques d'injection, des fraudes portant approximativement sur 250 000 000 de litres ont été détectées durant la même période, soit 2 à 3 milliards de droits d'accises éludés au total.
Toutes ces fraudes ont été découvertes suite à la surveillance rapprochée des installations qui a été décidée après que l'on ait constaté des prix trop bas de vente à la pompe ou que l'on ait découvert de fausses factures.
B.2.c. Mélanges d'huiles minérales ou utilisation d'huiles exonérées en raison de leur utilisation à des fins particulières.
Comme on a déjà pu le signaler, certaines huiles minérales peuvent, en raison de leur usage, bénéficier d'une exonération ou d'une forte réduction des accises. On a constaté que des huiles minérales acquises pour de telles utilisations étaient en réalité mélangées à des huiles soumises aux accises ou à un taux plus élevé d'accises. On a, par exemple, relevé des mélanges entre essence plombée et essence non plombée, qui sont vendus comme essence plombée (la différence des droits d'accise est d'environ 2,5 francs par litre); des mélanges de pétrole pour lampes avec du diesel qui sont vendus pour du diesel.
On a détecté des fraudes résultant de mélanges, de l'ordre de 100 000 000 de francs de droits d'accises éludés au total.
Dans le même ordre d'idées, on a encore relevé une multitude de cas d'utilisation du gasoil destiné aux agriculteurs ou aux industries ou de gasoil de chauffage dans des véhicules non couverts par l'exemption.
L'évaluation globale de ce type de fraude est impossible à réaliser, tellement les dossiers sont nombreux; cependant, certains marchands y ont eu recours systématiquement; en ce qui les concerne, des fraudes s'élevant approximativement à un montant de 50 000 000 de francs de droits d'accises éludés ont été établies au cours des dernières années.
Seul un renforcement des contrôles sur l'utilisation des huiles minérales acquises en exonération d'accises et un renforcement des contrôles routiers permettraient de lutter plus efficacement contre ces mécanismes de fraude.
B.3. Les mécanismes spécifiques de fraude à la TVA
Dans nombre des mécanismes déjà signalés, l'introduction en noir de produits pétroliers sur le marché belge, permet d'éluder non seulement les accises, mais également de frauder la TVA.
On a ainsi pu mettre en évidence un système de fraude qui, en 8 mois, a permis d'éluder 1,6 milliard de TVA, outre les accises et l'impôt sur les sociétés.
Le système mis en place consistait à acheter les produits pétroliers à Rotterdam (l'achat se faisait de préférence par une société dont le siège social était établi au Panama ou au Liechtenstein, ce qui rendait encore l'affaire plus attractive d'un point de vue fiscal) avec comme destination l'Allemagne. Les marchandises étaient dès lors délivrées en suspension d'accises avec un DAA, qui devait être apuré au lieu de destination.
Au lieu d'atteindre l'Allemagne, les produits étaient déchargés clandestinement en Belgique; le DAA était d'une manière ou d'une autre apuré (faux cachet, complicité de douaniers étrangers) ou n'était même pas apuré.
Une partie de ces produits était écoulée sur le marché noir, sans paiement d'accises et de TVA. Pour éviter d'être découvert, le surplus faisait l'objet d'un circuit plus complexe destiné à occulter l'origine illicite des produits : des sociétés « bidons » avec une durée d'existence très courte (et qui dès lors ne satisfaisaient pas en outre à leurs obligations fiscales) délivraient des factures fictives d'achat à la firme distributrice, ce qui permettait à celle-ci de masquer le trou dans sa comptabilité et en outre de récupérer la TVA qui par ailleurs n'avait pas été versée initialement.
Un second mécanisme de fraude a été mis au point durant le premier trimestre 1993 pour atteindre son apogée en 1996-1997; le système a été perfectionné au fil du temps; il a notamment acquis un caractère européen et fonctionne encore actuellement, moyennant de constants aménagements. Il repose sur l'utilisation pour l'écoulement des produits frauduleux des pompes blanches et est le fait d'une organisation pakistanaise, qui a la main mise sur toutes les sociétés intervenantes.
On évalue la fraude à la TVA à 5 milliards de francs uniquement pour les années 1993 à 1996. Ce mécanisme suppose également une fraude aux impôts directs, mais pas aux accises.
Dans ce système, qui s'apparente aux carrousels TVA, la marchandise est chargée dans une raffinerie sise aux Pays-Bas et est acheminée par bateaux dans les cuves de l'entrepôt appartenant à l'organisation criminelle, pour être conduite par camions vers les pompes blanches qui en assurent la distribution.
Le système de facturation est par contre beaucoup plus complexe. Il fait intervenir toute une série de sociétés fictives qui se refacturent les marchandises, afin de leur conférer une apparente régularité; les différents mécanismes utilisés ont tous comme point commum de faire procéder à l'acquisition intra-communautaire par une société non déposante (c'est à dire soit un assujetti qui ne dépose pas de déclarations à l'administration de la TVA, soit qui dépose des déclarations portant la mention néant, soit qui dépose des déclarations à la TVA mais ne paie pas la TVA due en raison des opérations déclarées), pour que toutes les sociétés apparaissant par la suite dans le circuit de facturation puissent déduire la TVA belge calculée sur un montant comprenant les droits d'accises alors que ceux-ci ne sont en réalité payés que par la dernière société du circuit, à savoir celle qui exploite les stations-service et qui seule génère des liquidités.
C. Le secteur pétrolier et le blanchiment d'argent
Plusieurs témoins ont relevé que les prix anormalement bas, par rapport aux prix pratiqués sur le marché mondial des produits pétroliers, pratiqué à la vente sur le marché belge ne peut s'expliquer que par du blanchiment d'argent.
Un témoin a exposé, à cet égard, que les huiles minérales ne vont pas toujours directement du producteur au consommateur, même s'il s'agit de produits finis. Il est très fréquent qu'un bateau (de 1 000 à 3 000 tonnes) soit revendu plusieurs fois le même jour.
La plupart de ces transactions interviennent en dollars. En raison du nombre important de transactions, souvent en chaîne, et des très gros montants concernés, le pétrole est un produit idéal pour le blanchiment d'argent qui peut s'opérer tant par une fraude sur le cours du change que par l'injection dans le circuit de dollars noirs.
D. Constatations de la fraude et réactions des autorités concernées
La fraude douanière est le plus souvent détectée lors des contrôles routiers ou au niveau des contrôles opérés dans les entrepôts. Les vérifications comptables, beaucoup plus lourdes, permettent par ailleurs de mettre en évidence certains mécanismes de fraudes systématiques.
Ces contrôles interviennent souvent suite à la constatation que des prix (trop) bas sont pratiqués à l'entrepôt; les transactions sont payées cash et s'accompagnent, en outre, d'une ristourne en noir accordée à l'acheteur.
On constate par ailleurs qu'une entreprise déterminée connaît subitement une expansion anormale; en quelque mois, l'entreprise dispose notamment d'entrepôts et de toute une série de stations service qui pratiquent des prix défiant toute concurrence.
Enfin, on constate que certaines entreprises opèrent de préférence leurs transports routiers pendant la nuit ou le week-end.
Tous ces éléments constituent autant d'indices de fraudes, voir de blanchiment, et devraient conduire à la surveillance rapprochée de ces entreprises.
Force est cependant de constater qu'à l'heure actuelle, tant au niveau des douanes qu'au niveau de l'inspection spéciale des impôts, les effectifs affectés à la détection de ce type de fraude sont tellement réduits que seule la pointe de l'iceberg est touchée.
En ce qui concerne les douanes, l'inspection des huiles minérales localisée à Anvers, ne comptait jusqu'il y a peu que 7 personnes. Elle s'est vue récemment renforcée d'une antenne similaire localisée à Liège et composée de 5 personnes.
De manière plus générale, lors de l'ouverture des frontières, la Belgique a pris l'option de réduire les effectifs de l'administation des douanes, contrairement à d'autres pays qui les ont augmentés. Or, l'ouverture des frontières n'a pas eu pour conséquence de supprimer tout contrôle des marchandises transportées; elle a entraîné un déplacement de ces contrôles: ceux-ci ne s'opèrent plus aux frontières mais à l'intérieur du pays, par le biais de contrôles routiers qui, pour être efficaces, devraient pouvoir être intensifiés.
En ce qui concerne l'I.S.I., la lutte contre la fraude à l'impôt direct a toujours été considérée comme prioritaire et absorbe dès lors la grosse partie des effectifs; on peut considérer qu'au maximum 5 fonctionnaires traitent en Belgique des problèmes de fraude à la TVA dans le secteur pétrolier.
Le ministère des affaires économiques dispose, pour sa part, d'un autre indicateur important permettant de détecter l'existence de fraude dans le secteur pétrolier. Le Département Huiles minérales du ministère des affaires économiques établit mensuellement des stastistiques à propos des quantités importées et exportées dont il résulte que des mouvements anormaux ont lieu dans ce secteur: une partie des quantités importées des Pays-Bas ne figurent jamais dans aucune statistique. Ce phénomène tend à s'étendre en ce qui concerne les importations de France.
En outre, l'on constate chaque année une augmentation des livraisons à la marine internationale, alors que le nombre de navires desservant la Belgique augmente à peine.
Cette quantité de produits qui est mise à la consommation en noir sur le marché belge représente 20 % du marché; elle n'est dès lors plus marginale et a une influence réelle sur la fixation des prix.
À l'heure actuelle, ces statistiques, même si elles constituent une première approche déjà trés utile du phénomène, ne sont cependant pas complètes; elles devraient en effet être confrontées aux données de l'administration des Finances et à celles du commerce extérieur établies par la Banque nationale, mais la coopération entre ces différents ministères est pratiquement inexistante.
De manière plus générale, la Commission a été à plusieurs reprises étonnée de l'absence totale de collaboration entre les différentes administrations et autorités concernées; il semble que chacun poursuive ses objectifs à savoir pour les administrations fiscales, la perception de l'impôt et pour le ministère des Affaires économiques, la surveillance du bon fonctionnement du marché et de l'absence de distorsion de concurrence.
À de rares exceptions, ces administrations préféreront, pour atteindre leur finalité, la voie du règlement amiable au règlement judiciaire, perçu comme beaucoup trop hypothétique. Seule l'administration des douanes dénonce les cas de fraudes importantes aux autorités judiciaires. L'ISI n'a signalé qu'un cas important de fraude à la TVA. Quant au ministère des Affaires économiques, il n'a pas pour habitude de dénoncer les distorsions de concurrence constatées, dont il est pourtant bien supposé qu'elles sont la conséquence de fraudes ou d'opérations de blanchiment, en raison du fait que ces distorsions ne sont la plupart du temps, établies qu'après coup.
En 1996, le ministère des Affaires économiques a créé, à la demande du secteur pétrolier, un Fonds d'analyse des produits pétroliers, chargé de veiller à la conformité aux normes qualitatives édictées, des produits pétroliers mis à la consommation à la pompe. Le fonctionnement de ce Fonds est financé par le prélèvement d'une somme de 10 francs par 1 000 litres de combustibles pour moteurs. Le Fonds opère ainsi des prélèvements quotidiens dans différentes stations services et soumet immédiatement les échantillons prélevés à analyse.
Les analyses opérées les premiers mois révélaient des résultats positifs dans 25 % des cas; les irrégularités étaient spécialement constatées pour le diesel et portaient essentiellement sur les prélèvements effectuées dans les pompes blanches. Toutes les irrégularités constatées ne résultent pas nécessairement de fraudes, mais également de défaut de précaution dans la manipulation des produits. Le Fonds a cependant constaté des irrégularités tellement importantes qu'elles ne pouvaient s'expliquer que par des manipulations volontaires des produits.
Au cours du 1er semestre 1998, on a assisté à une diminution des cas de non-conformité constatés (1 sur 4 en 1997 pour 1 sur 8 actuellement).
Cependant, le Fonds d'analyse a des compétences limitées :
la moitié du diesel n'est pas vendu à la pompe, mais directement, en vrac, au consommateur. Or, il n'existe encore, à l'heure actuelle, aucune disposition qui autorise le Fonds à prélever des échantillons dans ces livraisons en vrac. Cette modification normative est cependant annoncée. De même, le Fonds ne peut pas opérer de contrôles sur les produits qui se trouvent en circulation; le Fonds souhaiterait que sa compétence existe dès que les produits sont en libre circulation;
il n'existe encore aucune méthode tout à fait fiable de détection du furfurol dans le diesel; la dernière méthode mise au point constitue déjà un gros progrès, mais n'est pas encore parfaite;
le Fonds ne peut contrôler que le respect des spécifications légales; or, il existe certains mélanges de produits chimiques avec du diesel qui sont techniquement détectables mais qui nécessiteraient de nouvelles spécifications légales;
le Fonds peut répercuter les coûts de l'analyse positive au contrevenant; il n'a pas encore été fait usage de cette possibilité;
les plaintes individuelles du consommateur et des entreprises ne sont pas de la compétence du Fonds; elles sont directement transmises à l'inspection générale économique;
le Fonds a essentiellement un rôle préventif; les infractions constatées peuvent être poursuivies par les fonctionnaires de l'administration de l'énergie ou par l'inspection économique, qui traditionnellement intervient dans ce cas. La plupart du temps, un règlement amiable intervient; les faits ne sont pas dénoncés au parquet.
Il semble que le Fonds d'analyse des produits pétroliers dispose de moyens suffisants, notamment pour acquérir tout le matériel ad hoc, mais il lui manque un cadre normatif adéquat. D'autre part, on doit à nouveau constater que les cas de fraude détectés ne sont généralement pas communiqués aux autorités judiciaires ou aux autres autorités administratives concernées.
Les services de police et les autorités judiciaires n'ont connaissance de la problématique du secteur pétrolier que depuis peu; le secteur n'a pas fait l'objet d'une analyse criminelle et est encore très mal connu.
Pour certains, cependant, ces organisations criminelles, dont on commence seulement à mesurer qu'elles représentent un problème gigantesque, sont tellement puissantes et internationales, elles utilisent des mécanismes de fraudes tellement diversifiés (tels le vol, la falsification d'appareils de mesurage, la traite des êtres humains, le blanchiment d'argent, ...) qu'il faudra, pour pouvoir lutter contre elles, rassembler toutes les forces existantes, et ce sous le contrôle du magistrat national. Le découpage actuel en parquets locaux est inadapté pour lutter contre ce type de criminalité qui ne connaît pas de telles limites. Il faut par ailleurs impérativement avoir une approche mutidisciplinaire de ce phénomène si on veut aboutir à un résultat.
Des faits de fraudes ont sporadiquement été dénoncés, essentiellement par des sociétés « bona fide » du secteur et parfois par l'administration des douanes lorsqu'il s'agit de fraudes à très grande échelle.
Quelques instructions judiciaires sont actuellement en cours, dont une à Bruxelles qui concerne plus spécialement le réseau des pompes blanches.
Une opération « coup de poing » a été menée, de concert par l'Office des étrangers et la gendarmerie dans les pompes blanches. On y a constaté que de nombreux pakistanais illégaux y travaillaient de manière clandestine et dans des conditions parfois pénibles, rappelant la traite des êtres humains. On a également constaté que des mariages blancs avaient été organisés par ce groupe.
La presse dénonce ces dernières années l'existence de deux organisations criminelles importantes particulièrement actives dans le secteur pétrolier (105).
Tous les témoins ont confirmé cette analyse. Certains témoins ont en outre relevé l'existence de connexions avec d'autres secteurs d'activités criminelles, à savoir le trafic d'armes, le trafic de stupéfiants, le secteur de la viande et surtout la traite des êtres humains, avec recours à la technique des mariages blancs. Un témoin a relevé l'existence de liens entre certains opérateurs du secteur pétrolier et la mafia italienne : les produits pétroliers qui disparaissent du marché belge ou français sont retrouvés en Italie.
L'audition des témoins a permis de mettre en évidence que la structure des organisations actives dans le secteur pétrolier réunit tous les critères de l'organisation criminelle : structure internationale très mobile, utilisant des réseaux de sociétés gérées par des hommes de paille, infiltration de l'économie légale; on a, à cet égard, relevé des cas d'infiltration dans des sociétés bona fide qui participent bien malgré elles à la fraude organisée.
Il est évident qu'un trafic systématique de ce genre, à une grande échelle, avec un marché noir et la possibilité d'utiliser des faux documents, organisé en Belgique, aux Pays-Bas, en France, en Allemagne, nécessite la mise en place d'un réseau dépassant les frontières et démontre l'existence de criminalité organisée.
En ce qui concerne la fraude aux accises, il a été constaté que pratiquement tous les produits fraudés arrivent dans des citernes ou dans des pompes blanches aux mains d'une organisation pakistanaise. Cette organisation a créé de nombreuses sociétés qui dorment et puis sont réactivées, qui sont déclarées en faillite et puis remplacées par d'autres; elle utilise la plupart du temps des hommes de paille qui, souvent, ne sont même pas au courant des fraudes. Cette organisation se livre aux mêmes fraudes en ce qui concerne la TVA et l'impôt des sociétés.
Ces réseaux de firmes et de personnes constitués en Belgique et à l'étranger permettent d'empêcher les poursuites ou de les ralentir; les firmes ont leurs comptes dans des paradis fiscaux et utilisent des hommes de paille ceux-ci sont de plus en plus recrutés en prison ou viennent de l'ancien bloc de l'Est et disparaissent de la circulation dès qu'une enquête est ouverte; elles sont parfois aussi purement fictives. En outre, il semble que ces organisations s'assurent le concours de certaines filiales de banques, ce qui leur permet de couvrir des mouvements bancaires fictifs avec des mouvements de comptes qui accréditent les factures fictives.
Le mécanisme de l'abus de la personnalité juridique qui est systématiquement utilisé, à grande échelle, constitue également un indice de criminalité organisée : on crée des sociétés pour réaliser les opérations frauduleuses et dès que surgit un danger d'être découvert on les fait disparaître (faillite, liquidation) et on les remplace par d'autres. Les créanciers floués ne déposent même pas plainte, persuadés que le dossier sera de toute façon classé sans suite. On a constaté que ces sociétés sont toujours conseillées par les mêmes bureaux d'avocats et de comptables.
Il est, par ailleurs, établi que ces organisations fabriquent et utilisent de faux cachets ou des cachets volés et de faux documents de transport.
D'autre part, plusieurs témoins ont relevé des tentatives d'intimidation sur eux-mêmes ou sur leur famille ou sur certaines personnes qui s'intéressaient de trop près aux activités des opérateurs suspects.
Les personnes qui déposent plainte ont peur et veulent absolument rester anonymes; certains marchands d'huiles minérales ont déjà été harcelés et les membres de leur famille ont fait l'objet de menaces; d'autres membres du secteur n'osent pas prendre contact avec les autorités.
Les fonctionnaires font également l'objet de pressions morales : on suit ostensiblement leur véhicule pendant des centaines de kilomètres; on cherche à savoir s'ils ont des enfants, on les menace de déposer des plaintes contre eux s'ils persévèrent dans leurs investigations, ...
Mais à ce jour, même s'il est tout à fait probable que ces organisations sont prêtes à recourir à la violence, elles n'en ont pas encore eu besoin tant la fraude paraît aisée à réaliser.
Enfin, des cas de corruptions de douaniers, pour obtenir un apurement fictif des documents d'accompagnement administratif, ont été découverts dans plusieurs États de l'Union.
D'un point de vue administratif, on peut relever les carences suivantes :
1. L'absence de coopération et d'échange d'informations entre les différents services administratifs concernés.
Au fil des auditions, la commission a constaté qu'il n'existait aucune collaboration ou échange d'informations entre les différentes administrations concernées, chacune poursuivant ses objectifs propres sans tenter d'avoir une vision globale de la fraude organisée.
Ce cloisonnement est également présent entre les différents services d'un même ministère. À cet égard, un témoin a signalé qu'on lui avait déjà, au sein de son ministère, opposé le secret professionnel pour lui interdire l'accès à certaines informations.
Plusieurs témoins ont relevé l'absence totale de collaboration du ministère des Finances, administration de la TVA; selon ces témoins, celui-ci préfère, en outre, trouver un règlement amiable à la fraude constatée, afin de récupérer une partie des montants éludés, plutôt que de la dénoncer aux autorités judiciaires compétentes; à ce jour, il n'y aurait eu qu'un seul cas de fraude dans le secteur pétrolier signalé par l'administration de la TVA aux autorités judiciaires.
L'administration des Douanes souhaiterait une plus grande collaboration avec l'administration de la TVA, de l'Enregistrement et des Domaines, ce qui devrait lui permettre de mieux détecter les expéditions fictives d'huiles minérales; on pourrait ainsi vérifier si une expédition vers un autre État membre est bien suivie d'une facture.
Le ministère des Affaires économiques n'est compétent qu'en cas de distorsions de concurrence et pas pour constater des fraudes. Les faits de fraude constatés ne sont pour ainsi dire jamais dénoncés au parquet et n'ont, semble-t-il, jamais débouché sur une instruction. Quant aux autres infractions constatées, elles se règlent toujours par voie de transactions.
La commission a, par ailleurs, été interpellée par le fait que des membres bien connus des organisations criminelles étrangères actives dans le secteur séjournaient sans obstacle sur le territoire belge. Elle a dès lors cherché à savoir sur base de quels critères et en fonction de quels renseignements l'Office des étrangers délivrait des visas.
Il résulte des informations fournies qu'un étranger peut assez facilement obtenir un visa de séjour appelé « autorisation de séjour provisoire » qui lui permet de séjourner dans le pays plus de trois mois, pour autant qu'il dispose d'un permis de travail (qui doit être sollicité par l'employeur) ou, comme c'est souvent le cas en l'espèce, d'une carte professionnelle (qui est sollicitée, pour les fonctions indépendantes, par l'étranger lui-même). Cette carte professionnelle est délivrée par le ministère des Classes moyennes, sur avis de la Commission d'enquête économique pour étrangers. Au fil du temps, on s'est aperçu que ces vérifications économiques sont de plus en plus légères; elles ne font l'objet d'aucun contrôle a posteriori. Les visas sont renouvelés d'année en année pour finalement déboucher, après cinq ans, sur un droit d'établissement. Par la suite, des faits très graves doivent avoir été commis pour que l'Office puisse soumettre au Roi un arrêté d'expulsion. En ce qui concerne l'organisation pakistanaise, il est en outre apparu que certains de ses membres avaient obtenu la nationalité belge.
L'Office des étrangers n'a de contacts ni avec l'administration des Douanes et Accises, ni avec les Finances ou les Affaires économiques. Il résulte des informations données par l'Office que ces administrations n'ont jamais signalé le moindre fait.
En outre, quand des faits sont dénoncés par l'Office des étrangers au parquet, il n'existe pas de retour, au nom du secret de l'instruction; il est difficile dès lors pour l'Office d'avoir une quelconque politique adéquate en matière de délivrance des visa. Dès lors, tant qu'ils ne sont pas fichés, suite à une condamnation, ou signalés par la Sûreté de l'État, des membres actifs d'organisations criminelles qui font l'objet de poursuites peuvent encore très bien recevoir un visa d'affaire et ce d'autant plus que tout refus doit être motivé, ce qui est parfois impossible en raison du manque d'information. Il faudrait une banque de données qui ne reprenne pas seulement les condamnations. Mais, à cet égard, la loi sur l'accès aux documents administratifs pourrait poser un problème et explique peut être que certains services de police soient tellement réticents à communiquer des informations à l'Office des étrangers.
2. Les services de lutte contre la fraude dans le secteur pétrolier de l'administration des Douanes et Accises et de l'ISI souffrent cruellement d'un manque d'effectifs et de moyens.
Il conviendrait notamment d'accroître les effectifs de l'inspection des huiles minérales afin de lui permettre d'opérer des contrôles routiers plus pointus, associés à des contrôles plus fréquents des entrepôts de mise en libre pratique.
Il conviendrait, par ailleurs, que ce service soit mieux équipé et dispose notamment des appareils de contrôle des fonds de cuves nécessaires.
De manière plus générale, la réduction du nombre de douaniers qui a été opérée en Belgique lors de l'ouverture des frontières ne permet pas, à l'heure actuelle, d'assurer une surveillance constante des transports, et ce d'autant plus qu'aucun trajet obligatoire ou poste de passage obligatoire ne leur est imposé.
3. Le manque de fiabilité du système du document administratif d'accompagnement (DAA) et l'absence d'assitance mutuelle entre les administrations des États de l'Union européenne :
Un témoin observe que les services des douanes et accises devraient faire un usage plus optimal du système des numéros d'accises et des DAA. Il serait ainsi souhaitable qu'ils publient une liste officielle, actualisée mensuellement, des numéros d'accises valables. Ces données devraient être reprises dans une banque de données centrale ou sur une disquette; or, à l'heure actuelle, elles sont difficilement accessibles, même pour les douaniers. On a ainsi des entreprises qui n'existent plus mais dont le numéro d'accises est encore utilisable.
Le système de circulation des marchandises, tel qu'il est pratiqué à l'heure actuelle, est dépassé. Ce système est basé sur le DAA; la seule garantie que la marchandise est arrivée à destination et y est déclarée consiste dans le retour d'un document portant un cachet des autorités de destination. Ce système a démontré de très graves faiblesses : il convient de mettre le holà au système des documents multiples que l'on modifie en cours de route et qui sont devenus illisibles quand ils arrivent à destination, pour autant qu'ils arrivent. Il arrive souvent que l'on a modifié le nom du bateau, le code du produit, le prix et la destination et que l'on ait utilisé un code de produit erroné. Grâce aux techniques modernes, l'on peut prévenir le bureau des douanes avant le départ du bateau et le bureau des douanes du vendeur, à Anvers ou à Gand, peut entrer en contact avec celui du destinataire.
Le système de départ est faible sur le plan de la fiabilité et sur le plan du contrôle. Dans certains secteurs, on a relevé un taux de documents falsifiés de l'ordre de 2/3. À cet égard, il conviendrait que l'Union européenne remplace d'urgence le modèle des cachets utilisés pour l'apurement des documents d'exportation et dont un nombre très important a été dérobé et est actuellement utilisé par les organisations criminelles.
La lutte contre la technique du faux apurement nécessiterait la mise en place ou l'amélioration des contrôles physiques à l'exportation, une harmonisation communautaire des procédures d'apurement. À cet égard, il est à noter que l'administration néérlandaise a admis que certaines raffineries remplissent elles-mêmes les DAA et jouent en quelque sorte elles-mêmes le rôle de douanier. Il conviendrait en outre, que l'Union adopte des mesures obligeant les autorités fiscales des États respectifs à s'informer à l'avance de l'arrivée d'une huile minérale sur leur territoire.
Il manque à l'heure actuelle un système d'assistance mutuelle des administrations des États membres de l'Union pour faciliter les recherches, dans la mesure où le système ne peut pas faire face aux crimes sophistiqués. On peut dès lors craindre qu'une partie non négligeable des fraudes ne soit même pas détectée, en raison de l'inefficacité des contrôles et du manque de coopération : les fraudes ne sont pas détectées correctement parce que les systèmes de contrôle n'identifient pas le problème, de sorte que les services répressifs sont dans l'incapacité de réagir.
On retrouve les mêmes carences communautaires en matière de contrôle TVA. Un témoin a expliqué qu'à l'heure actuelle, quelqu'un qui a un numéro de TVA à l'étranger peut certainement procéder à des exportations fictives pendant deux ans sans avoir aucun problème. Le législateur national est fort impuissant face à ce phénomène; seul un système d'assistance mutuelle des autorités fiscales des différents États membres, impliquant des vérifications sur place, permettrait de lutter contre cette fraude.
4. Les effets « pervers » du système du cautionnement obligatoire
L'obligation de cautionnement imposé actuellement aux raffineries et aux entrepositaires fait l'objet de critiques : si ce système présente le mérite incontestable d'offrir un minimum de garantie dans le commerce de ce secteur, il représente parfois un prix minime à payer par le fraudeur pour obtenir la clôture de la procédure administrative et éviter que d'autres investigations ne soient réalisées. C'est une arme à double tranchant. Les plaintes formulées à cet égard par les opérateurs honnêtes ne sont pas sans fondement.
5. La multiplicité des entrepôts agréés et des stations services indépendantes
Il y a 281 entrepôts fiscaux agréés en Belgique, ce qui est énorme par rapport aux pays voisins et de nature à rendre le secteur plus vulnérable à la fraude.
On a constaté qu'il existe des dépôts qui n'ont même pas de numéro d'accises, ce qui leur permet de stocker les produits fraudés. D'autre part, on a observé que certains de ces entrepôts ne travaillent que la nuit. D'autres, enfin, sont tellement petits (106) qu'on peut s'interroger sur leur utilité économique; or, ces entrepôts subsistent et ont été les premiers à être rachetés par des Pakistanais.
La procédure d'agréation est régie par la loi du 10 juin 1997. Elle relève de la compétence exclusive du ministère des Finances. En pratique, on constate que l'agrément peut être obtenu assez facilement, y compris par des sociétés, qui pourront en outre louer les entrepôts. Il est à cet égard étonnant de constater que la fraude découverte concerne toujours un nombre limité d'entrepôts : ils changent de direction, mais demeurent actifs et continuent à utiliser les mêmes pratiques; il semble qu'il suffise de créer une nouvelle société, qui n'aura pas de passé, pour obtenir l'agréation.
À cet égard, la Belgique, comme d'autres États, fait preuve de trop de laxisme par rapport à la directive communautaire. Celle-ci prévoit en effet que pour devenir opérateur agréé, il faut satisfaire à un certain nombre de critères, notamment sur le plan de la fiabilité. Certaines règles permettent d'exercer un contrôle systématique sur les entrepôts agréés, afin de vérifier que leurs rentrées correspondent bien à leurs sorties.
Le nombre élevé d'entrepôts augmente évidemment les problèmes préexistants de contrôle et ceux qui se posent sur le plan de la fiabilité des opérateurs agréés. Ce problème devient plus aigu quand il s'agit de l'agrément d'opérateurs déjà impliqués dans des opérations frauduleuses; cependant, pour refuser l'accès à quelqu'un à un tel commerce, il est nécessaire de disposer d'informations. Or, comme on l'a déjà signalé, celles-ci ne circulent pas.
En outre, la Belgique compte, à l'heure actuelle, 43 appareils d'injection automatique de furfurol (107), ce qui est beaucoup trop pour notre pays. Dans de nombreux cas, ces installations sont injustifiables d'un point de vue économique : sans fraude, ces installations constitueraient une source de perte. Depuis 1993, le contrôle des appareils est réalisé par les propriétaires de l'entrepôt et, seulement sporadiquement, par les agents des douanes et accises. Il existe des éléments qui permettent de penser qu'au moins dix de ces installations sont aux mains des organisations criminelles. Mais pour les autres appareils, on a constaté que de nombreuses fraudes s'opéraient à l'insu du propriétaire de l'entrepôt (soit que l'entreprise soit infiltrée par le « milieu », soit que les appareils soient manipulés frauduleusement par l'acheteur pendant la nuit).
Enfin, le système belge se caractérise par la présence d'un grand nombre de stations-service indépendantes, c'est-à-dire qui n'appartiennent pas aux grands groupes; ces stations indépendantes constituent autant d'opportunités pour l'organisation de marchés parallèles et pourraient rendre le secteur encore plus vulnérable à la fraude.
6. Le non-respect de certaines directives européennes
On a déjà signalé l'application très laxiste qui est faite par le ministère des Financès de la directive européenne relative aux conditions d'agréation des entrepositaires.
Relevons encore, en ce qui concerne la lutte contre les destinations fictives, l'existence, au niveau de la Commission européenne, d'une base de données qui est gérée par le service chargé des questions fiscales et douanières (DG21); les États membres doivent y introduire tous leurs opérateurs agréés. Cette base de données est accessible aux autres administrations ainsi qu'à d'autres opérateurs qui peuvent ainsi vérifier l'existence des destinataires et le fait qu'ils sont effectivement agréés. En pratique, les États membres n'assurent pas une alimentation correcte de cette base de données;dès lors, celle-ci n'est pas fiable et le fait de l'interroger n'est pas très utile, puisque certains opérateurs parfaitement honnêtes n'y sont pas repris.
D'un point de vue judiciaire , on peut relever les carences suivantes :
1. La lutte contre ce type de fraude suppose un changement de mentalités des autorités judiciaires et policières.
On a souvent le sentiment que la magistrature et les services de police sont uniquement concentrés sur les problèmes de stupéfiants ou sur d'autres secteurs traditionnnels et qu'ils ne sont pas assez conscients de ou attentifs à l'ampleur de la fraude réalisée dans les secteurs soumis à la TVA et à de fortes accises, ni aux dangers que ce type de criminalité peut constituer pour un État de droit lorsqu'il est le fait d'organisations criminelles.
Pour combattre efficacement la fraude financière, il faudra de plus en plus aborder prioritairement les dossiers par leur aspect financier. Cette nouvelle approche implique une spécialisation accrue des magistrats et des policiers dans ces matières complexes.
2. L'absence d'une vraie politique criminelle empêche d'opérer des choix adéquats.
La Belgique n'a pas encore sufisamment développé une politique criminelle qui fixe tant les priorités de la police que des parquets, comme c'est le cas aux Pays-Bas. On traverse actuellement dans notre pays une crise dans le management et finalement les efforts sont concentrés, au coup par coup, sur des phénomènes d'actualité, sans qu'une vraie réflexion de fond ne soit réellement menée. La même observation peut être transposée à la coopération entre les différents services policiers ou administratifs concernés : on travaille, à l'heure actuelle, au coup par coup.
Il importe que les autorités compétentes à savoir le ministre de la Justice en coopération avec le Collège des procureurs-généraux déterminent chaque année quels sont les secteurs qui doivent faire l'objet d'analyses, et dégagent en fonction des éléments apportés quels sont les priorités pour l'année à venir. Il n'appartient, en effet, pas aux services de police de prendre ces initiatives, comme c'est trop souvent le cas à l'heure actuelle.
3. La justice souffre actuellement du manque de coopération des différentes administrations qui sont à la source de l'information, et qui en outre, détiennent le know-how indispensable dans ces matières techniques.
Dans le domaine de la fraude fiscale organisée, il est indispensable de développer une étroite collaboration, d'une part, entre les différentes administrations qui disposent des principales informations, et d'autre part, entre les administrations et les autorités policières et judiciaires qui peuvent démanteler les réseaux. Les autorités judiciaires ne peuvent pas facilement réagir de manière adéquate et efficace sans disposer des données de base et sans une coopération technique des administrations qui sont beaucoup plus spécialisées dans ces matières et qui seules disposent d'experts.
Un témoin relève qu'à l'heure actuelle, il faut bien constater qu'il y a une masse d'informations qui ne peuvent pas d'emblée être échangées entre les personnes chargées de tâches administratives, les services d'inspection et celles qui s'occupent des dossiers judiciaires. L'inverse est également vrai. Les données judiciaires peuvent difficilement être transmises aux services administratifs. La seule voie légale existante pour procéder à un certain échange d'informations est bien souvent le recours au parquet ou au juge d'instruction. Il faut dès lors attendre d'être au stade de l'information. L'obstacle légal auquel on se heurte résulte du fait que chacun est lié par le secret professionnel. Chacun est soumis à des règles qui déterminent ce qu'on peut faire avec une information, à qui elle peut ou doit être adressée. L'information ne peut donc être aussi facilement échangée. C'est en soi une bonne chose, mais il n'existe aucune disposition légale permettant plus de souplesse dans la transmission des informations afin de rendre possible une approche plus coordonnée.
L'absence de toute approche pluridisciplinaire conduit également à des aberrations tel que le fait d'accorder des visas ou même d'admettre la naturalisation de membres d'organisations criminelles.
4. La justice ne dispose pratiquement pas d'experts qualifiés dans ces matières.
À l'heure actuelle, le ministère public ne dispose même pas de dix experts pour ce type d'affaires financières et les tarifs proposés aux experts, en matière pénale, ne sont pas de nature à augmenter le nombre de candidats.
5. Le découpage par arrondissements judiciaires des parquets n'est pas adapté à ce type de criminalité qui, par nature, est sans frontière.
6. Certains témoins considèrent qu'une lutte efficace contre ce type de criminalité financière nécessite le développement de techniques spéciales d'enquêtes telles l'infiltration et en particulier les front-stores :il est en effet indispensable d'obtenir des informations de l'intérieur de l'organisation qui en l'espèce est souvent très fermée pour pouvoir agir en temps utile. Si l'enquête doit se réaliser de manière purement réactive et avec les techniques classiques, les investigations sont tellement longues qu'on ne parvient plus à poursuivre dans un délai raisonnable ou avant que la prescription ne soit acquise et ce d'autant plus que toutes les voies de recours sont systématiquement utilisées.
En conclusion, la Commission se doit de constater que la plupart de ces facteurs d'échec ne sont en définitive que la conséquence de l'insuffisance de volonté politique pour considérer ce secteur comme prioritaire, tant d'un point de vue administratif que judiciaire. Il est cependant établi que le secteur pétrolier est la proie de la criminalité organisée et que la fraude au préjudice de l'État qui y est réalisée est tellement importante qu'elle n'est plus négligeable d'un point de vue budgétaire et qu'elle est susceptible d'entraîner des distorsions de concurrence. Force est de constater qu'on ne consacre pas suffisamment de moyens à la lutte contre la fraude gigantesque dont les impôts indirects font l'objet en la matière.
La Fédération pétrolière belge considère qu'une lutte réelle contre la criminalité qui s'est développée dans le secteur pétrolier nécessiterait l'adoption rapide des mesures suivantes:
1. Il faut impérativement développer une coopération accrue entre les services accises et TVA du ministère des Finances.
La Fédération propose, à cet égard, la mise en place au ministère des Finances d'un guichet unique TVA/accises pour qu'y soient notifiés les indices de fraude.
2. La Fédération propose la mise sur pied d'un comité de coordination restreint FPB/administration des Finances et de la Justice qui serait chargé d'évaluer les propositions et d'assurer le suivi des mesures décidées.
3. La législation devrait être adaptée en ce qui concerne :
le taux des peines d'amende et d'emprisonnement qui devraient avoir un caractère dissuasif;
le statut d'entrepositaire agréé.
À cet égard, les conditions d'octroi de la licence devraient être revues. Des sanctions devraient être prévues en cas de fraude, à savoir le retrait de la licence, des amendes; par ailleurs, des garanties plus élevées devraient être exigées.
le délai de validité du document administratif d'accompagnement (DAA), qui devrait être réduit en tenant compte du moyen de transport utilisé et ce afin d'éviter la réutilisation frauduleuse d'un même document (par exemple 3 jours pour le transport par camion);
l'usage d'une dénomination univoque des produits sur le DAA, qui devrait être imposé;
l'examen de la possibilité d'augmenter le cautionnementet la caution sur le délai de paiement;
l'instauration d'un suivi plus rapide, en cas de non-paiement de la TVA : accélération des rappels, recours à des mesures coercitives.
4. Il faut prévoir la mise à disposition de moyens supplémentaires pour les autorités administratives et judiciaires concernées :
ainsi, le cadre du service de recherche des douanes et accises à Anvers devrait être complété (il manque 4 personnes sur les 11 prévues au cadre;)
de même, il faudrait renforcer les moyens de l'ISI/huiles minérales à Anvers et Bruxelles;
il conviendrait de nommer un magistrat national compétent en matière de lutte contre les organisations criminelles actives dans la fraude transnationale.
5. Le secteur a déjà proposé une aide à la formation des agents de l'administration des Finances (en ce qui concerne la description des produits et leur utilisation, les systèmes de fabrication, le commerce des produits pétroliers et les systèmes de contrôle interne utilisés dans les sociétés pétrolières.) Une aide similaire sera proposée aux autorités judicaires et aux services de police.
1. Pour les motifs déjà exposés, la Commission considère que la lutte contre la fraude organisée dans le secteur pétrolier doit être considérée comme prioritaire.
Elle souhaite dès lors que le gouvernement se rallie à cette conclusion et décide en conséquence d'accorder aux autorités concernées les moyens de mener cette politique. À cet égard, il est impératif que la lutte contre la fraude organisée soit menée avec vigueur, tant au niveau administratif qu'au niveau judiciaire.
2. La Commission considère qu'il est impératif d'instaurer une collaboration, d'une part, entre les différentes autorités administratives concernées, et d'autre part, entre celle-ci et les autorités judiciaires.
Une collaboration plus étroite entre les services des douanes et accises, des finances et des cellules de lutte contre la criminalité financière est indispensable et ce d'autant plus que la criminalité qui s'est développée dans le secteur fait appel à des mécanismes complexes qui ne peuvent être décelés que par ceux qui ont une longue pratique de la matière, c'est-à-dire les administrations, qui n'ont cependant ni les compétences ni les moyens pour enquêter. En outre, une coopération entre les différentes administrations est indispensable pour pouvoir situer avec précision le niveau exact où se situe la fraude. Il faut en arriver à une synergie entre les différents services administratifs, de police et les magistrats.
Il ne s'agit pas nécessairement de créer de nouvelles structures mais d'avoir une autre approche des problèmes : on doit vouloir le défi que chaque service puisse mettre son savoir en commun pour que l'ensemble engendre une plus-value. Il faut donc rendre possible une collaboration horizontale.
Dans un premier temps, on pourrait songer à créer une « task force » qui regrouperait, outre des représentants des services de polices et des parquets, des spécialistes des administrations de l'ISI, de la TVA, des Douanes et des Affaires économiques.
Il est à noter que dans le cadre de l'exécution du plan d'action du gouvernement pour lutter contre la délinquance financière et économique, M. Ullman a été chargé d'étudier la création possible d'une cellule interdépartementale composée des différents acteurs qui luttent contre ces phénomènes ou qui les rencontrent. L'objectif est de pouvoir rassembler les informations provenant des différents services, soit afin de pouvoir les utiliser à des fins opérationnelles pour une affaire déterminée, soit afin de réunir des éléments déterminants pour définir une politique criminelle (108).
Enfin, il conviendrait peut-être de revoir la portée qu'il y a lieu d'accorder à la notion de secret fiscal. Le High Level Group « crime organisé » a, à ce propos, insisté sur le fait qu'il ne faut pas que les dispositions relatives au secret bancaire et, surtout, au secret fiscal constituent un obstacle à la coopération, à tout le moins en ce qui concerne les taxes indirectes, la TVA et les accises (109). Or, à l'heure actuelle, la notion de secret fiscal est appliquée sans distinction aux impôts directs et aux taxes indirectes, alors que pour ces dernières, on ne retrouve pas les motifs qui ont pu conduire à la reconnaissance d'une certaine discrétion.
3. Toujours dans cette perspective, la Commission est d'avis qu'il y a lieu de conférer à certains agents des douanes la qualité d'officier de police judiciaire, pour leurs compétences spécifiques.
De même, il conviendrait d'examiner l'opportunité de conférer la qualité d'officier de police judicaire à des agents de l'ISI, comme c'est le cas aux Pays-Bas (FIOD).
4. La Commission est d'avis que la lutte contre cette forme de criminalité doit s'inscrire dans les réformes du droit pénal déjà réalisées ou en cours, par le biais de nouvelles incriminations sur les organisations criminelles et d'une législation performante sur le blanchiment d'argent.
Les incriminations de faux, excroquerie, ..., qui sont actuellement retenues conduisent au prononcé de peines qui ne paraissent pas proportionnelles à l'importance des fraudes constatées et du caractère organisé des auteurs.
Il faudra étudier l'utilisation de structures des sociétés commerciales ainsi que la possibilité de faire du commerce. La possibilité de réprimer l'appartenance à une organisation criminelle au sens du projet de loi est un moyen d'intervenir sur ce plan.
Il faut absolument en arriver à toucher le patrimoine de ces organisations criminelles car les peines de prison ne sont pas dissuasives par rapport aux gains énormes que génèrent les opérations frauduleuses.
Les adaptations récentes des dispositions en matière de confiscations et de blanchiment d'argent procèdent de cette idée.
En ce qui concerne la lutte contre le blanchiment d'argent le High Level Group « crime organisé » a cependant relevé (110) qu'on se heurte à certaines législations dans l'Union européenne qui sont trop restrictives, parce qu'elles ne s'appliquent qu'au blanchiment concernant les profits découlant du trafic de stupéfiants; dans les autres secteurs, il n'est dès lors pas possible de bénéficier d'une coopération suffisante, d'avoir accès aux comptes et de pouvoir suivre le flux d'argent. Il faut absolument à l'avenir que ces législations soient liées à la nature de l'opération criminelle et non aux produits.
5. La Commission considère qu'il conviendrait que les États membres envisagent d'urgence une modernisation des procédures douanières.
Il conviendrait de procéder à l'informatisation des procédures d'accises et des procédures douanières; celle-ci permettrait une moins grande dépendance au document d'accompagnement qui doit porter un cachet (souvent falsifié) et n'est retourné au bureau de douane du vendeur que plusieurs semaines après l'expédition. Des projets en ce sens sont à l'examen au niveau de la Commission des communautés européennes (111).
Dans un premier temps, on pourrait déjà travailler en temps réel en s'inspirant du système « early warning » qui a été instauré par l'UCLAF dans le secteur des cigarettes et des alcools. Ce système permet une certaine compensation des faiblesses du système actuel du DAA, en attendant sa révision fondamentale.
Dans le système du « early warning », le bureau de douane de départ signale par la voie informatique au bureau de destination qu'un envoi de produits à haut risque est en route et qu'un message retour doit être envoyé. Ce système informatisé permet d'avoir une réponse retour en temps réel par la voie informatisée du bureau de départ, avec, en outre, des règles plus strictes sur l'itinéraire et les délais. Il a, à cet égard, été proposé de définir des itinéraires obligatoires en ce sens que l'opérateur a l'obligation de les communiquer à l'avance; un délai doit également être précisé pour arriver à destination. Il y a possibilité de changer, mais les autorités doivent être informées de toute modification. Les opérateurs honnêtes n'ont aucune raison de ne pas choisir le chemin le plus court, endéans le délai le plus court possible; il s'agit de rationaliser l'opération, sans créer un obstacle administratif supplémentaire.
6. Dans la même optique, la commission est d'avis qu'une assistance mutuelle entre les autorités administratives des États de l'Union européenne est indispensable.
Les différents États membres doivent adopter des mesures compensatoires au système de la libre circulation qui peuvent notamment consister en des accords de coopération entre les différentes autorités administratives; il faut établir un cadre juridique approprié pour une assistance mutuelle, au moins sur le plan administratif, afin d'assurer le fontionnement du système de circulation des marchandises soumises aux accises et, en même temps, disposer d'un cadre pour une collaboration plus systématique permettant de lutter contre les irrégularités et les fraudes.
À l'heure actuelle, cette volonté politique ne semble pas encore s'être dégagée. Il en résulte notamment que la Commission européenne, et en particulier l'UCLAF, n'a pas de cadre normatif pour intervenir dans une fraude essentiellement intra-communautaire; elle ne pourrait le faire que de manière ponctuelle, lorsqu'elle constate des distorsions de concurrence.
Ces dernières années, le secteur de la viande a fait l'objet d'un intérêt particulier. Il s'est avéré, en effet, que ce secteur était touché par des formes de criminalité particulièrement graves, et l'on n'a pas manqué d'établir un lien avec la criminalité organisée. L'assassinat, le 20 février 1995, de Karel Van Noppen, inspecteur vétérinaire de l'Institut d'expertise vétérinaire (IEV) de Wechelderzande et les scandales soulevés par les cas de fraude à la viande découverts en 1996 et 1997 illustrent le plus tristement cette situation. À leurs propos, les médias parlèrent de l'existence en Belgique d'une « maffia des hormones (112) » et d'une « maffia de la viande » (113).
Ces indices, corroborés par des éléments provenant d'autres sources et par des informations tirées des auditions ou issues du secteur même furent plus que suffisants pour inciter la commission d'enquête à examiner dans quelle mesure la criminalité organisée peut avoir une influence sur ce secteur. À cet effet, elle a entendu, en complément, une série de figures clés et elle a approfondi ses recherches. Les auditions les plus importantes ont été celles de M.Timperman, avocat général près la cour d'appel de Gand et magistrat d'assistance en ce qui concerne la délinquance en matière d'hormones (5 juin 1998), de M. C. Decoster, fonctionnaire dirigeant de l'Institut d'expertise vétérinaire (IVE) (12 et 19 juin 1998), de M. P. Vanthemsche, chef de cabinet du ministre des Classes moyennes et de l'Agriculture, de M. Carmeliet, directeur général au ministère des Classes moyennes et de l'Agriculture, coprésident de la cellule multidisciplinaire de la lutte contre la fraude dans le secteur de la viande, de M. J.M. Dochy, détaché au cabinet du ministre des Classes moyennes et de l'Agriculture (19 juin 1998), et du major B. Frans, du major D. Decraene, du capitaine P. Boel, du capitaine B. De Bie et du lieutenant M. Paternotte, appartenant tous au Bureau central de recherches (BCR) de la gendarmerie (26 juin 1998).
La commission a pour souci de dresser, dans un premier temps, un aperçu des problèmes qui se posent dans le secteur de la viande et des mesures qui ont été prises pour y faire face. Elle essaiera toutefois aussi de répondre à la question de savoir dans quelle mesure le secteur de la viande subit l'influence de la criminalité organisée et quelles autres mesures il convient de prendre pour la combattre.
La commission d'enquête répète toutefois qu'en Belgique, on dispose de très peu d'informations structurées permettant de répondre comme il se doit à cette seconde question de l'enquête. Elle a néanmoins tenté, à l'aide de l'information qu'elle possède, de pénétrer une série d'aspects du problème et de donner une impulsion à un approfondissement des recherches dans ce domaine.
En conclusion de cette introduction, voici quelques chiffres illustrant l'importance économique du secteur de la viande. En 1997, l'on a abattu dans 118 abattoirs belges :747 291 bovidés, dont 447 597 en Flandre et 299 694 en Wallonie, 317 112 veaux, dont 306 153 en Flandre et 10 959 en Wallonie, et 11 010 013 porcs, dont 9 546 256 en Flandre et 1 463 757 en Wallonie (114). Ces chiffres se situent dans la ligne de ceux des années précédentes.
Le tableau suivant (1996) souligne l'importance des exportations de viande (115) :
Quantité viande commercialisée Hoeveelheid gecommercialiseerd vlees |
Consommation humaine nationale (en tonnes) Menselijk binnenlands verbruik (in ton) |
Exportation (en tonnes) Export (in ton) |
Auto-approvision (rapport entre la production brute et la consommation humaine nationale) Zelfvoorziening (verhouding tussen de brutoproductie en het menselijk binnenlands verbruik) |
Porcs. Varkens | 496 057 | 656 158 | 216,00 % |
Bovides et veaux. Runderen en kalveren | 226 747 | 159 274 | 167,65 % |
Volaille. Gevogelte | 187 562 | 193 125 | 152,87 % |
Autres (moutons, chevaux, gibier, abats, ...). Andere (schapen, paarden, wild, afval, ...) | 152 878 | 179 585 | 94,90 % |
Total. Totaal | 1 063 244 | 1 188 142 | 177, 14 % |
ou/of
104,68 kg par habitant. per inwoner |
La commission a décidé, dans son enquête sur l'influence de la criminalité organisée dans le secteur de la viande, de faire une distincition entre les problèmes liés à l'engraissement (délinquance liée aux hormones) et ceux liés à la vente de viande (fraude à la viande). Cette distinction ne vaut toutefois que sous réserve, car il s'est avéré plus d'une fois que certaines personnes ou certains groupes étaient impliqués à la fois dans la délinquance liée aux hormones et dans la fraude à la viande (116).
Dans la mercuriale qu'il a prononcée à l'occasion de la séance de rentrée officielle de la cour d'appel de Gand le 1er septembre 1998, le magistrat d'appui, l'avocat général Marc Timperman, a défini la délinquance liée aux hormones comme étant l'ensemble des délits relatifs à l'utilisation de stimulateurs de croissance dans l'engraissement d'animaux, c'est-à-dire tant les délits commis dans le cadre des exploitantions agricoles que les délits incriminés et pénalisés qui sont commis au niveau de la production, de la fabrication et de la distribution de produits illégaux (117).
Au niveau national (118), une loi relative à l'utilisation d'hormones chez les animaux a vu le jour en 1985 (119). Après avoir été adaptée en 1992 (120) et en 1993 (121), cette loi a été modifiée substantiellement par la loi du 11 juillet 1994 (122), en ce sens que l'on a alourdi considérablement les peines, développé l'arsenal de sanctions, instauré de nouvelles incriminations et amélioré, en les affinant, les contrôles administratifs. La loi du 17 maart 1997 (123) a adapté et affiné une dernière fois la loi de 1985, si bien que la législation belge en matière d'hormones peut être qualifiée d'une des meilleures d'Europe (124). Il convient encore de signaler, enfin, que la réglemen
tation élaborée en septembre 1997 (125) institutionnalise la « liste noire » des exploitations agricoles suspectes. Grâce à cela, les bêtes ou les documents d'identification du cheptel peuvent être marqués pendant un certain temps, d'une lettre H ou R, selon que l'on a trouvé des hormones (H) ou des résidus (R) non autorisés, si bien que l'on peut contrôler plus soigneusement les activités de ces exploitations.
Par conséquent, la Belgique dispose d'un vaste éventail d'instuments légaux pour s'attaquer au problème des hormones. La coordination des diverses dispositions applicables laisse cependant souvent à désirer.
Au cours de son audition du 5 juin 1998, le magistrat d'assistance M. Timperman, a déclaré à ce sujet (126) :
« Je suis toujours irrité au plus haut point quand je constate que les lois concernant un même phénomène, fût-ce ses différentes facettes, ne concordent pas. Elles ne sont pas uniformisées. En voici quelques exemples. Je mentionnerai tout d'abord le manque criant d'unité de l'arsenal notionnel et la terminologie. Je ne suis pas de mauvaise volonté et je suis disposé à admettre qu'une réglementation donnée a une finalité déterminée très spécifique, qui puisse s'écarter de celle de l'ensemble. Ou qu'il puisse s'agir d'une réglementation inspirée par l'Europe, traduisant une directive en droit interne, et donc liée à ce que l'on a voulu au niveau supranational. Je donne quelques exemples de ce manque d'unité dans l'arsenal notionnel. L'article 2 de la loi du 15 juillet 1985 la loi sur les hormones donne une série de définitions de la terminologie employée dans ce domaine législatif. Notamment une définition du terme « commercialiser ». Le 8 septembre 1997, on publie un arrêté royal sur le fameux statut H ou R des exploitations. Une exploitation où l'on a fait des constatations positives est stigmatisée puisque l'on appose sur tous les documents d'identification des animaux de cette exploitation, en fonction de la constatation, un H ou un R. L'arrêté royal du 8 septembre 1997 vient se greffer sur deux lois : la loi de 1975 relative au commerce des produits de l'agriculture, de l'horticulture et de la pêche maritime et la loi du 15 juillet 1985. L'article 1er de l'arrêté royal donne notamment une définition du terme « commercialiser » qui ne concorde pas avec la définition donnée dans la loi que l'arrêté royal met à exécution. L'article 8 de la loi de 1985, qui règle le contrôle orienté dans le cadre de cette loi, prévoit que lorsque les fonctionnaires ou agents visés à l'article 6 disposent d'indices relatifs à l'administration de substances visées aux articles 3 et 4 en infraction aux (...), ils saisissent (...) tous les animaux (...) dans l'exploitation (...). La loi ne dit pas ce qu'est une exploitation dans ce contexte. L'arrêté d'exécution du 8 septembre 1997 ne fait pas mention d'une exploitation où se trouvent les animaux, mais bien d'un troupeau. Dans le cadre de la loi, on contrôle donc une exploitation quelle que soit la signification donnée à cette notion et dans le cadre de l'arrêté royal, on doit marquer les documents d'identification du troupeau. La loi ne définit pas l'exploitation, tandis que l'arrêté royal donne, pour sa part, une définition du troupeau. Ce n'est pas correct. On parle de la même chose, mais on emploie une terminologie différente qui a, certes, partiellement la même signification, mais qui n'est pas tout à fait concordante. Par ailleurs, on utilise des critères différents alors qu'il est évident que l'on parle de la même chose.
Le manque d'uniformité des procédures d'échantillonnage, plus particulièrement en ce qui concerne le nombre d'échantillons à prélever, la manière de les sceller, les laboratoires agréés qui doivent analyser le nombre de jours dont on dispose pour faire connaître les résultats et le nombre de jours dont un suspect dispose pour demander une contre-expertise, est très irritant. Les différentes législations utilisent à ce sujet des critères différents. Il y a une différence entre un contrôle orienté effectué dans le cadre de la loi du 15 juillet 1985, un contrôle effectué dans le cadre de la loi de 1969, de la législation sur les médicaments ou de l'arrêté royal de 1974.
Ces lois ou arrêtés royaux prévoient des règles différentes concernant le prélèvement d'un certain nombre d'échantillons, la procédure de signification, etc. Ces lois prévoient plusieurs manières de conférer un droit de fouille à certain fonctionnaires. Les lois pénales particulières mentionnent presque toutes quels sont les fonctionnaires compétents pour rechercher les infractions. Généralement, on accorde simultanément un droit de fouille limité à ces fonctionnaires, hors l'intervention du juge d'instruction, il est vrai la loi de 1985 prévoit que ceux qui agissent dans son cadre ont accès à tout endroit où peuvent se trouver des animaux. En cour d'appel, l'on a demandé s'ils peuvent également entrer dans la laiterie. Il est évident qu'ils ne peuvent pas y entrer, car l'on ne peut pas y garder d'animaux pour des raisons d'hygiène. Le collègue de l'Inspection de la pharmacie et celui du Service inspection des matières premières du ministère de l'Agriculture, qui sont également présents pour déceler la présence d'hormones, peuvent entrer dans la laiterie en application de l'article 8 de la loi de 1969. Pareille situation provoque évidemment une grande confusion. Il peut alors arriver que certaines personnes se trouvent à des endroits où elles ne sont pas autorisées à se trouver et que leurs constatations n'aient donc pas de valeur probante.
Cela fait des années que je dénonce ce manque d'uniformité. Cela n'intéresse toutefois manifestement personne.
2.2. Aperçu des mesures prises
Au sein de la gendarmerie, l'on s'intéressait déjà particulièrement au problème des hormones dans les années 80, ce qui a débouché sur une série d'enquêtes au sein de la brigade de la gendarmerie d'Ardooie (Roulers) et finalement, sur la création, le 18 novembre 1991, d'une cellule autonome ayant une compétence exclusive. Cette cellule, qui se composait à l'origine de deux gendarmes et d'un inspecteur du ministère des Affaires économiques (127), a été renforcée par la suite. Après les attentats commis contre les contrôleurs de l'IEV en 1992 et 1993, on a transformé cette cellule d'hormones en une section hormones au sein du Bureau central des recherches (BCR) de la gendarmerie et l'on a désigné des magistrats spécialisés en matière d'hormones au sein des parquets du ressort de la cour d'appel de Gand (128).
Pour assurer la coordination entre les différents services de contrôle et d'inspection concernés par le problème, on a créé, en 1994, la Cellule interdépartementale résidus (CIR) qui se compose de représentants du ministère de l'Agriculture (Inspection vétérinaire et Inspection des matières premières), du ministère de la Santé publique (IEV et Inspection de la pharmacie, du ministère de la Justice, du ministère des Affaires étrangères et du ministère des Finances (Administration des douanes et accises) (129).
Le 20 février 1995, Karel van Noppen, inspecteur vétérinaire de l'IEV, est assassiné, et la lutte contre la délinquance liée aux hormones s'intensifie.
Le 2 mars 1995, le collège des procureurs généraux désigne un avocat général pour le représenter lorsque le ministère public sera appelé à participer à la discussion sur l'approche de la problématique des hormones.
Le 17 mars 1995, le Conseil des ministres prend plusieurs décisions dans le cadre de la lutte contre l'emploi de stimulateurs de croissance pour l'engraissement du bétail. L'une de ces décisions consiste à tranformer la cellule hormones qui existe déjà au BCR de la gendarmerie en une Cellule nationale hormones (130). On prévoit en outre de désigner un magistrat qui disposera d'une compétence de coordination nationale et qui pourrait présider la Cellule interdépartementale résidus (131).
Le 27 mai 1997, M. Marc Timperman, avocat général près la cour d'appel de Gand, est nommé magistrat d'assistance (132).
Les 4, 5 et 6 juin a lieu, à Ittre, un « conclave des hormones », entre tous les services concernés par la problématique des hormones, et une série de propositions sont formulées, qui seront soumises au Conseil des ministres (132).
Le 20 juin 1997, le Conseil des ministres approuve dans une large mesure ces propositions, que l'on concrétise pour l'instant, et prend des mesures sur divers plans (133) :
a) Fabrication, expérimentation et distribution :
Élaboration d'une législation sur les précurseurs pour obliger toutes les firmes à communiquer leurs transactions aux autorités, création d'une banque de données au sein de l'Inspection générale de la pharmacie pour toutes les transactions de substances pouvant être utilisées en vue de la fabrication de stimulateurs de croissance, réalisation d'un inventaire de tous les fournisseurs potentiels de matériel destiné au conditionnement de stimulateurs de croissance et réalisation d'un audit sur la législation relative aux médicaments afin de la simplifier et de la rendre plus applicable en pratique;
b) Utilisation de stimulateurs de croissance illégaux : restructuration de l'organisation et des compétences des laboratoires, harmonisation des procédures de prise d'échantillons et de constatation et suivi des troupeaux en Belgique et au niveau européen;
c) Recherche et poursuites judiciaires : déblocage des fonds nécessaires pour renforcer l'analyse criminelle, institution d'une obligation de communiquer au magistrat d'assistance toutes les enquêtes qui sont directement ou indirectement liées à l'utilisation de stimulateurs de croissance illégaux, attention particulière accordée aux stratégies anti-corruption, attention particulière accordée aux possibilités de développement d'une stratégie contre les délits spécifiquement liés aux hormones dans le cadre de la lutte contre le crime organisé, organisation de cycles de formation spécifiques pour les magistrats, réalisation d'une étude sur le renforcement de l'application des peines, demande faite au collège des procureurs généraux de rédiger un volet sur la lutte contre les délits spécifiquement liés aux hormones;
d) Collaboration interdépartementale : association à la lutte des différentes administrations du ministère des Finances et transformation de la Cellule nationale hormones de la gendarmerie en une Cellule multidisciplinaire hormones composée de représentants de la gendarmerie, du ministère de l'Agriculture (Inspection vétérinaire et Inspection matières premières), du ministère de la Santé publique (IEV et Inspection de la pharmacie) et du ministère des Finances (Douane et accises) (134).
e) Politique européenne : stimulation de l'harmonisation du contrôle du commerce des précurseurs, du dépistage et des techniques de dépistage, de l'identification, de l'enregistrement et du suivi des cheptels et des contrôles transfrontaliers et de la collaboration entre les services de police;
f) Politique scientifique : libération des fonds nécessaires pour la recherche scientifique relative aux indicateurs biologiques et aux méthodes d'analyse;
g) Besoins en personnel et en moyens financiers : analyse des besoins en personnel et en moyens financiers dans chaque service et élaboration d'un système adapté de rémunération permettant des contrôles de jour, de nuit et de week-end.
Un premier rapport intermédiaire sur la réalisation des projets concrets proposés devait être soumis au Conseil des ministres pour la fin janvier 1998. D'après le magistrat d'assistance Timperman, il n'en était toujours rien au 1er septembre 1998 : (traduction) « Un rapport en la matière a été rédigé par la Cellule interdépartementale résidus le 13 janvier 1998. Le cabinet de la Santé publique a renvoyé la rédaction définitive du rapport parce que la version française de celui-ci faisait défaut : à ce jour, l'état d'avancement de la concrétisation des décisions d'Ittre n'a pas été présenté au Conseil des ministres, alors que la décision gouvernementale du 20 juin 1997 prévoyait même qu'il soit fait rapport semestriellement. Pour être complet, il faut ajouter que jusqu'à présent, aucune instance n'a posé de questions concernant l'absence de ce rapport (135). »
Le 19 octobre 1998, M. Timperman a confirmé que le premier rapport intermédiaire n'avait toujours pas été présenté officiellement au Conseil des ministres. Entre-temps, une version provisoire du deuxième rapport intermédiaire est disponible en néerlandais.
2.3. La délinquance liée aux hormones en Belgique
Contrairement aux autres formes de criminalité qui sévissent en Belgique, il est possible de se faire une idée raisonnablement précise de la criminalité liée aux hormones. Le rapport annuel 1996 de la Cellule nationale Hormones du BCR (136), le rapport annuel 1997 de la Cellule multidisciplinaire Hormones (137) et les informations recueillies lors des auditions et provenant d'autres sources, comme le secteur lui-même, avec notamment la Fédération nationale des Abattoirs et des Ateliers de découpage, permettent de dresser un tableau qualitatif et quantitatif du phénomène.
D'une manière générale, on peut dire qu'en Belgique la délinquance liée aux hormones se manifeste à des degrés différents qui s'enchevêtrent de manière remarquable.
Il y a tout d'abord des infractions au niveau de la prescription et de l'administration de substances illégales, où l'enrichissement personnel est la motivation des engraisseurs ou des vétérinaires.
À un autre niveau, on a affaire à une forme de criminalité plus structurée. Il n'est pas rare que le noyau de cette organisation soit composé de personnes qui, au départ, étaient des engraisseurs, mais qui ont « profesionnalisé » leurs pratiques illégales. Il est à noter qu'une fois parvenues à ce stade, ces personnes étendent leurs activités à d'autres secteurs comme l'immobilier et les caisses d'épargne.
C'est également à ce niveau que se situent les responsables de la fabrication et de la distribution des substances illégales. Ces personnes, qui ont le plus souvent reçu une formation professionnelle (laborantin, pharmacien, vétérinaire, etc.) qui les a familiarisées avec les substances illégales, forment un groupe très uni, caractérisé par des liens familiaux, et sont actives également dans d'autres secteurs (par exemple les caisses d'épargne et l'horeca). Ces personnes mettent en place des structures commerciales légales (personnes morales) dans lesquelles elles prennent des positions clés qui leur fournissent une couverture pour organiser la fabrication et la distribution des substances illégales. On voit ainsi apparaître des organisations impliquant, outre les engraisseurs, des vétérinaires, des pharmaciens, des fabricants et des fournisseurs de fourrage ainsi que des exploitants d'abattoirs.
« Ces dernières années, plusieurs gros négociants flamands en aliments pour bétail ont été cités en rapport avec la distribution des substances. Les rapports professionnels qu'ils entretiennent avec les engraisseurs font d'eux les intermédiaires idéaux pour cette tâche. Ils peuvent justifier sans peine leur présence (régulière) dans les entreprises d'engraissage et inclure facilement le prix des produits fournis dans le prix des aliments. Cela vaut d'ailleurs aussi pour les vétérinaires qui, s'ils sont découverts, peuvent en outre justifier, par une prescription a posteriori , l'administration de certaines substances. Quant aux pharmaciens, ils sont bien placés pour délivrer certaines substances et les incorporer éventuellement dans des préparations magistrales. Par ailleurs, les marchés au bétail jouent un rôle important dans la distribution des produits. Vu la concentration d'engraisseurs et de commerçants qu'on y trouve, ils constituent manifestement le lieu idéal pour placer des commandes et effectuer des paiements (138).
Lors de l'audition du 26 juin 1998, la major D. Decraene a fait la déclaration suivante au sujet des personnes impliquées dans le trafic de substances illicites (139) :
« Ces personnes ont peut-être eu des débuts modestes, mais aujourd'hui, elles ont acquis un statut. Les avantages financiers qu'elles peuvent en retirer ne les incitent certainement pas à changer d'avis et elles affinent sans cesse leurs techniques. Elles ont connu des débuts modestes et sont désormais implantées dans nombre de secteurs par le travail et l'argent. Les enquêtes effectuées dans le passé nous ont permis de constater que ces personnes ont toutes débuté dans l'une ou l'autre des catégories professionnelles qui, dans le trafic des hormones, jouent un rôle légal au niveau des médicaments et qu'elles s'achètent l'accès à maints autres secteurs. Ceux qui n'ont pas de liens professionnels avec le milieu sont actifs principalement dans deux secteurs : les caisses d'épargne et les entreprises horeca.
J'ai déjà suffisamment mis en évidence l'aspect du gain. Les trafiquants comme les engraisseurs réalisent un bénéfice important. Le gain réalisé au niveau des engraisseurs dépend du type de produit utilisé, mais il peut représenter jusqu'à dix fois le bénéfice annuel d'une personne qui élève du bétail sans faire usage de produits à base d'hormones. Il s'agit d'organisations et non d'individus agissant seuls. Ce sont des gens répondant à une caractéristique très particulière de ce secteur; à savoir les liens familiaux qui les unissent. Il s'agit d'un cercle très fermé, avec une très grande proportion de personnes qui se connaissent entre elles, ce qui rend le travail d'approche très difficile. C'est un constat, non une simple déduction. Prenons une personne qui possède un laboratoire et qui a deux fils. Un des fils fera des études de vétérinaire et l'autre deviendra laborantin. Ils épouseront des enfants d'un marchand d'aliments pour bétail, etc. [...]
En ce qui concerne la répartition des tâches, ils s'efforcent d'occuper des positions-clés afin de disposer d'une couverture légale pour l'importation des produits par l'intermédiaire d'entreprises pharmaceutiques et leur détournement éventuel du circuit légal vers le circuit illégal, utilisant ensuite les structures légales qu'ils ont acquises pour fabriquer et distribuer les produits. »
Au cours de la même audition, le capitaine P. Boel ajouta ce qui suit (140) : « Nous constatons que les personnes qui, au début, se situaient au niveau de l'engraisseur ont, en 20 ou 25 ans, pris du galon, mis sur pied une organisation et, à un moment donné, créé des entreprises telles que des caisses d'épargne et des agences immobilières, précisément dans le but de blanchir les bénéfices importants qu'elles avaient réalisées illégalement et de les injecter dans le circuit légal. »
La fabrication et la vente des substances interdites sont elles aussi manifestement organisées d'une manière particulière. L'on doit noter que la fabrication de certaines substances (comme les stéroïdes anabolisants) est une tâche technique complexe qui, en substance, nécessite l'intervention de l'industrie pharmaceutique. Avant de pouvoir injecter ces substances dans le circuit illégal, il faut les obtenir par le biais de cette industrie ou des pharmaciens. Il s'agit d'un phénomène international par excellence et une grande partie des substances qui sont introduites en Belgique proviennent de l'Amérique latine. La fabrication des substances à action bêta-adrénergique (comme le clenbuterol) (141) est, elle, beaucoup plus simple et on peut l'effectuer dans des laboratoires relativement peu sophistiqués. L'on a constaté que la fabrication de base est faite dans les pays d'Europe orientale (par exemple, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie et la Roumanie) après quoi les produits sont acheminés vers des laboratoires belges licites où ils subissent d'autres traitements (142). Dans ces laboratoires, l'on ajoute ensuite à ces produits des substances qui rendent la détection de substances interdites difficile. L'on peut ensuite préparer des cocktails d'hormones et les injecter dans le circuit illégal en Belgique et dans d'autres pays (comme la France, Andorre, l'Espagne et l'Afrique du Sud).
Bien que l'on manque de suffisamment de points de comparaison avec l'étranger, la Cellule multidisciplinaire Hormones est parvenue à la conclusion que la Belgique peut être considérée comme une plaque tournante européenne pour ce qui est de la composition et de la distribution des cocktails d'hormones. Des compatriotes sont actifs dans ce domaine aux Pays-Bas, en France, en Espagne et en Italie (143).
M. Timperman, magistrat d'appui, a fait au cours de la réunion du 5 juin 1998, les déclarations suivantes sur cet aspect international de la question (144) :
« C'est au niveau des substances illégales mêmes que l'aspect international ressort le plus. L'on distingue différents flux en fonction de la nature des substances hormonales. La synthèse ou la fabrication d'hormones sexuelles ou de stéroïdes anabolisants requiert une connaissance très poussée de la chimie. Il faut donc axer avant tout l'examen des choses sur l'industrie pharmaceutique.
Les produits dont on retrouve la trace dans la sphère illégale ont été obtenus, presque certainement de manière légale, soit auprès d'un pharmacien, soit auprès de l'industrie pharmaceutique, pour être ensuite injectés immédiatement dans un circuit gris ou noir, soit distribués d'emblée de manière illégale. Ces flux sont toutefois assez limités et il est aussi relativement facile d'en avoir une vue d'ensemble. Je ne suis pas chimiste, mais on m'a appris un certain nombre de choses dont il ressort à mon sens que les stéroïdes anabolisants sont tirés de la fibre d'une plante que l'on ne trouve qu'en Amérique latine. Cette plante y subit un premier traitement, après quoi elle est exportée vers l'Europe par l'intermédiaire de l'industrie pharmaceutique locale.
Il en va tout autrement pour ce qui est des substances à action bêta-adrénergique que l'on appelle bêtagoniste ou bêta-antagoniste et dont les plus célèbres sont le simatérol et le clenbutérol.
Le clenbutérol est utilisé surtout par les engraisseurs de veaux et, depuis peu, aussi par les engraisseurs de cochons. Pour fabriquer des bêtagonistes, il suffit de posséder des connaissances élémentaires en chimie, d'une arrière-cuisine spacieuse et de récipients. Nous constatons que les principaux fournisseurs de ces produits se trouvent en Europe orientale et plus particulièrement en République tchèque. Je pourrais citer un dossier concret sur lequel nous travaillons actuellement. Les produits sont transportés illégalement de la République tchèque en Belgique, où ils sont acheminés vers un laboratoire légal pour y subir de nouveaux traitements. (...)
Il s'agit en l'espèce d'un laboratoire spécialisé dans la fabrication de produits homéopathiques. Le laboratoire adjoint aux cocktails d'hormones des combinaisons minutieusement dosées de ces produits homéopathiques. L'on sait, en effet, que les produits homéopathiques peuvent, dans certains cas, créer ce que les scientifiques appellent un « bruit de fond » dans les analyses, et ce, quelle que soit la méthode d'analyse chimique utilisée. Il en résulte que les graphiques sur la plaquette portant le résultat sont faussés. L'on ne trouvera donc rien, parce que les résultats sont brouillés. Tous ces composants sont mélangés en Belgique et le produit est alors exporté vers la France, Andorre, l'Espagne et l'Afrique du Sud. [...]
L'organisateur et ses collaborateurs directs sont tous belges. En ce qui concerne les hormones sexuelles qui entrent d'emblée dans le circuit noir, nous constatons que, comme pour la drogue, l'Amérique latine est un exportateur important. »
« Monsieur le président, on peut lire dans le rapport annuel 1997 de la Cellule multidisciplinaire Hormones que la Belgique est en tout cas une plaque tournante pour le trafic des produits illégaux. Bien que j'ai collaboré à la rédaction de ce rapport, je ne puis confirmer avec certitude cette affirmation. En effet, il n'est pas possible de procéder à des comparaisons. La grande contradiction est que l'ensemble de la législation sur les hormones est fondamentalement ancrée au niveau européen alors que la recherche en la matière est très pauvre dans les pays voisins.
Les Néerlandais se targuent ainsi d'avoir un kit avec lequel ils peuvent se rendre dans les entreprises et obtenir des résultats quasi instantanés. Ils sont dès lors en mesure de déterminer s'il y a un résultat positif et, peut-être aussi, dans quelle mesure, mais ils oublient de dire que leur kit détecte uniquement le clenbutérol qui est un produit rare dans le secteur d'engraissage des veaux. Les entreprises d'engraissage de veaux sont nombreuses aux Pays-Bas. En outre, le kit n'affiche de résultat positif qu'à partir d'une concentration de 3 PPB, soit 3 parties par milliard, ce qui est très peu. En Belgique, ce seuil est fixé à deux PPB et nos laboratoires détectent même, en fonction de la nature des substances considérées, des taux de concentration nettement inférieurs à 2 PPB. Beaucoup dépend aussi de la matrice dans laquelle on retrouve les substances. Les choses varieront suivant que l'on aura affaire à une plaquette, à du sang, à un foie, à de l'urine ou à des excréments. On relève donc, une première hyprocrisie dans la législation, qui interdit certaines substances, mais fait une distinction entre le seuil de détection et le seuil d'action. On ne peut retrouver aucune trace des substances en question, mais, dans la mesure où les résultats donnent une indication sur les quantités présentes, les laboratoires consideront que seuls les concentrations supérieures à deux PPB constituent un résultat positif. C'est au niveau européen qu'il faut chercher les raisons de cet état de choses. On s'efforce autant que possible d'exclure toute contradiction entre l'analyse et la contre-analyse. Il y a des différences entre les performances des laboratoires, mais on part du principe que chaque laboratoire doit être capable de détecter une concentration de deux PPB. Aux Pays-Bas, le seuil est fixé à trois PPB et les Néerlandais se concentrent exclusivement sur le clenbutérol.
J'ai eu l'occasion de rencontrer un vétérinaire allemand éminent, le docteur Piontovski de Münster. Cet homme a été ébahi de voir la liste des produits que l'on parvient à détecter en Belgique et que les laboratoires sont capables d'isoler. Pour une fois, nous sommes le meilleur élève de la classe européenne. La France non plus n'obtient pas de bons résultats. Les Français n'agissent que lorsqu'on les touche sur le plan de leur chauvinisme ou de leur fierté nationale. L'on pourrait dire, avec quelque humour, qu'ils resteraient neutres, au cas où les hormones dégoulineraient des murs des laboratoires mais deviendraient hypernerveux s'ils apprenaient qu'un blanc-bleu belge a été vendu comme un charolais. Il y a des choses que l'on ne fait pas. Nous constatons d'ailleurs que les grands engraisseurs belges font abattre leurs bêtes dans le Nord de la France. Nous connaissons un important engraisseur qui organise chaque semaine des transports importants de bétail de Flandre occidentale vers l'abattoir de Grenoble, dans le seul but d'éviter les contrôles sévères qui sont appliqués en Belgique.(...).
Je connais des engraisseurs importants qui ont émigré définitivement vers le Canada. Certains passeurs ou dealers de substances sont recherchés par la justice belge et ont pris la fuite. Comme par hasard, ils se rendent systématiquemnt dans les pays qui n'extradent pas pour une infraction à cette législation. Je ne parle que des gros, pas des petits. »
Lors de l'audition du 26 juin 1998, le major D. Decraene a déclaré à cet égard ce qui suit (145) :
« La constatation, dans le rapport annuel, que la Belgique est une plaque tournante résulte simplement des enquêtes et de comparaisons avec les résultats d'enquêtes menées à l'étranger. Il y a différentes explications à cette constatation.
En Belgique, tant le législateur que les services de police et d'inspection et la magistrature s'occupent activement, depuis quelques années, de la problématique des hormones. Par toute une série de formations et d'accords, toutes ces personnes s'efforcent d'harmoniser leur travail. La problématique des hormones, plus encore que celle des stupéfiants, est un domaine que l'on ne découvre qu'au fur et à mesure que l'on y opère. Dans le cas des stupéfiants, les consommateurs peuvent peut-être encore nous fournir l'un ou l'autre élément, mais ce n'est pas le cas pour les hormones. Personne ne déclare jamais qu'un animal a reçu une injection. Nous ne pouvons faire de véritables constatations qu'en formant des gens pour ce travail et en les faisant travailler dans ce sens. On peut dire que la Belgique est une plaque tournante si on se base sur les données connues à l'heure actuelle, mais cette affirmation doit être nuancée, parce que notre pays est en première ligne dans cette lutte.
Je voudrais comparer brièvement nos efforts à ceux consentis par d'autres pays. En Europe, seuls les Pays-Bas et l'Italie peuvent se comparer un tant soit peu avec ce qui se fait chez nous. Les Pays-Bas ont un « Algemene Inspectiedienst », l'AID, qui regroupe les différents services s'occupant de la santé publique et de tous les problèmes connexes. Mais ils sont moins avancés que la Belgique en ce qui concerne les contrôles. Dans les laboratoires, on ne fait d'analyse que pour un seul produit, alors qu'en Belgique, on recherche toute la gamme des produits déjà connus. Cela fait une très grande différence. Il est parfaitement possible que l'on utilise autant de produits aux Pays-Bas, mais qu'on en détecte beaucoup moins. En Italie, il y a une législation et il existe un organe central qui coordonne l'action, mais nous avons trop peu de contacts opérationnels avec les services italiens pour pouvoir juger de leur travail et de leurs résultats. Comme les personnes connues chez nous n'y sont pas actives, on pourrait en déduire à contrario que la répression y est passablement efficace. Nous ne pouvons toutefois pas nous prononcer à ce sujet. Quant à la France, elle n'a aucune approche coordonnée et sa réglementation se réduit à un minimum; il n'y existe pratiquement rien en fait de législation sur les hormones et on n'a prononcé que très peu de peines. À tel point qu'il faut même souvent recourir à d'autres législations relatives à la protection du citoyen en matière de santé publique.
À ma connaissance, il n'y a pas d'approche spéciale du problème, dans les autres pays d'Europe, sauf peut-être en Allemagne. Les Allemands nous ont rendu visite à plusieurs reprises et nous nous sommes rendus deux fois sur place avec MM. Timperman et Vandoren, pour expliquer notre démarche et en souligner l'importance. Ils sont actuellement en train de finaliser une approche intégrale coordonnée.
La Belgique est donc assurément une plaque tournante. Il ressort des contacts avec des investigateurs étrangers que des Français sont également actifs dans ce domaine. L'Irlande est souvent citée comme un pays utilisant les hormones sur une assez large échelle. Nous constatons que des gens ont ou cherchent des débouchés dans ces pays ou collaborent en vue de fabriquer des produits sur place ou d'y faire abattre des animaux. »
Cette professionnalisation de la délinquance dans le secteur des hormones semble également entraîner des glissements dans le profil du groupe des auteurs de faits délictuels. Il s'avère que si, comme nous l'avons montré ci-dessus, l'on pouvait parler traditionnellement d'un groupe fermé de contrevenants composé de personnes liées d'une manière ou d'une autre (sur le plan familial) au secteur de la viande, il y a une distance croissante entre le sommet et la base des organisations et un nombre croissant de personnes étrangères au secteur de la viande (par exemple les dealers) au sein de celles-ci. Au cours de l'audition du 5 juin 1998, le magistrat auxiliaire, Marc Timperman a fait, à ce sujet, la déclaration suivante (146) :
« Je ne connais pas la valeur scientifique de ce que je vais dire, parce que les éléments dont je vais parler sont des éléments que j'ai rassemblés de manière empirique au cours des années. Jusqu'il y a quinze ans, cette pyramide si elle existait était très petite, en ce sens que la distance entre le sommet et la base était très courte. La pyramide était, en outre, très fermée. La distance entre le sommet et la base de la pyramide est devenue très grande maintenant et la pyramide a éclaté. Certaines personnes qui travaillaient par nature, de par leur profession ou de par leur position sociale, à un échelon de la filière d'engraissement de l'industrie fourragère, de l'art vétérinaire, de l'art pharmaceutique et de la biologie clinique, ont quitté la pyramide pour en infiltrer d'autres, du secteur des stupéfiants et des précurseurs. La pyramide élargie et éclatée a été infiltrée simultanément par des criminels notoires qui voient dans le trafic des hormones, des perspectives d'enrichissement. »
2.3.3.1. La différence entre le screening et le contrôle ciblé
Il est particulièrement difficile de donner une image quantitative univoque de la délinquance liée aux hormones. La seule information disponible actuellement concerne les résultats des contrôles effectués sur le terrain par les divers services.
Il convient en l'espèce de faire une distinction entre les screenings et les contrôles ciblés. Les screenings portent sur des échantillons choisis en l'absence d'indices d'irrégularités. Les contrôles ciblés sont effectués lorsqu'il existe des indices d'utilisation de substances interdites. Il est normal dès lors, que les contrôles ciblés permettent de mettre le doigt sur un plus grand nombre de cas positifs que les simples screenings.
Les screenings du ministère de l'Agriculture sont opérés dans les exploitations agricoles mêmes. L'Inspection vétérinaire contrôle les animaux qui vivent dans l'exploitation et le Service des matières premières, les fourrages et les préparations. Les screenings du ministère de la Santé publique (IEV) sont opérés dans les abattoirs , tout à fait indépendamment des autres services.
Les contrôles orientés dans les exploitations agricoles sont planifiés par la Cellule multidisciplinaire Hormones ou les parquets locaux. Il s'agit de contrôles opérés dans des exploitations agricoles pour lesquelles il existe des indices d'utilisation de stimulateurs de croissance interdits. Ces indices peuvent émaner d'informations disponibles (par l'entremise des services actifs en la matière), de contrôles positifs effectués récemment dans ces exploitations ou de contrôles positifs dans les abattoirs. Ces contrôles orientés sont effectués par les services d'inspection compétents (prélèvement d'échantillons), assistés par la gendarmerie (sécurité et fouille de l'exploitation) (147). Par ailleurs, il existe des contrôles orientés dans les abattoirs qui sont effectués par l'IEV sur des carcasses suspectes (sites d'injection, poids d'abattage élevé, ...) et sur 10 % des animaux provenant d'engraisseurs inscrits sur la liste noire de l'IEV. Ces contrôles orientés sont effectués de manière autonome par l'IEV, sans intervention d'un service de police et sans concertation préalable avec la Cellule multidisciplinaire Hormones. Après un prélèvement d'échantillons positifs dans un abattoir, l'IEV peut également effectuer des contrôles orientés dans les exploitations agricoles (148), en collaboration avec le ministère de l'Agriculture et la gendarmerie et après planification par la Cellule multidisciplinaire Hormones.
2.3.3.2. Les chiffres relatifs aux contrôles par coup de sonde et aux contrôles orientés
Lors des coups de sonde effectués par le ministère de l'Agriculture en 1997, on a contrôlé 959 exploitations, dont 31 ont été déclarées positives (3,1 %) (149). Lors des coups de sonde effectués par l'IEV en 1997, on a prélevé 1 556 échantillons, dont 21 se sont avérés positifs (1,06 %) (150).
En 1997, la Cellule multidisciplinaire Hormones a effectué 176 contrôles orientés dans les exploitations agricoles, dont 90 ont révélé des preuves matérielles (51 %) (151). Au cours des contrôles orientés dans les exploitations agricoles, effectués par les parquets, on a trouvé, en 1997, des preuves matérielles dans 41 des 96 exploitations contrôlées (43 %) (152).
Lors des contrôles orientés dans les abattoirs, effectués par l'IEV, on a fait des constatations positives dans 0,8 % des cas seulement (35 échantillons sur 4 092) (153). En 1996, 4 % des échantillons (208 sur 5 574) se sont avérés positifs. En 1996, une catégorisation de ces chiffres a permis de montrer que les contrôles orientés effectués par des experts attachés à un abattoir (cercle d'expertise) (inspecteurs-experts et vétérinaires chargés de mission) ont donné lieu à beaucoup moins de constatations positives que ceux effectués par les inspecteurs-experts des équipes « hormones » qui contrôlent inopinément les abattoirs.
Il est apparu que 8 des 208 échantillons positifs (3,8 %) seulement ont été obtenus par des experts adjoints à un abattoir (cercle d'experts). Si l'on prend les chiffres par animal échantillonné, la différence entre les résultats obtenus par les experts adjoints aux abattoirs et ceux des équipes « hormones » est encore plus grande. Les équipes « hormones » ont contrôlé 2 280 animaux et ont prélevé un échantillon positif dans 200 cas (8,8 %), les experts permanents ont contrôlé 3 294 animaux, dont seuls 8 se sont avérés positifs (0,2 %) (154).
La commission constate que l'on n'a pas procédé à pareille classification des chiffres dans le rapport annuel 1997 de la Cellule multidisciplinaire Hormones.
Les contrôles orientés qui ont eu lieu, en 1997, dans les exploitations agricoles après des contrôles orientés organisés dans les abattoirs, ont porté sur 42 exploitations. Dans 16 d'entre elles (38 %), l'on a fait des constations positives (155).
Lorsque l'on répartit géographiquement ces données, il apparaît que les exploitations positives se situent surtout dans les régions d'Ypres, de Termonde, de Turnhout, de Gand et de Bruges (156).
2.3.3.3. L'interprétation des chiffres relatifs aux contrôles par coup de sonde et aux contrôles orientés
Il faut faire preuve de prudence dans l'interprétation des chiffres précités. En effet, l'on ne saurait en aucun cas comparer les résultats ds contrôles par coup de sonde et ceux des contrôles orientés, ni les chiffres relatifs aux contrôles dans les exploitations agricoles et les chiffres relatifs aux controles dans les abattoirs, ni les chiffres relatifs aux exploitations positives et les chiffres englobant des échantillons positifs. En outre, ces chiffres reflètent des résultats qui sont fonction des efforts de recherche, si bien qu'il faut envisager avec une certaine réserve la répartition géographique susvisée des exploitations positives.
Au cours de l'audition du 5 juin 1998, le magistrat d'appui M. Timperrnan a relativisé comme suit (157) :
« Tous les chiffres relatifs à la criminalité chez les engraisseurs montrent qu'il s'agit d'un phénomène flamand. Toutefois, force est de se demander si, dans le Sud du pays, l'on fait autant d'efforts pour rechercher les infractions et mettre le phénomène en lumière. Certains affirment que le profil de l'élevage est très différent en Flandre et en Wallonie. C'est partiellement vrai, mais il est également vrai que, la ville de Liège par exemple dispose elle-même d'un abattoir par lequel passent une grande partie des bovins que l'on abat dans le pays. Du petit nombre d'affaires qui font surface en Wallonie, on peut conclure qu'elles concernent de très gros dossiers pour ce qui est des engraisseurs. Le trafic d'hormones, lui, est une matière flamande par excellence, ce qui ne signifie pas qu'il n'y a pas d'habitants de Wallonie parmi les personnes qui se livrent à des activités dans ce secteur. Le laboratoire qui mélangeait les produits homéopathiques se trouve, par exemple, dans l'extrême Sud du pays. Dans la province de Namur, il y a une pharmacie ou, plutôt une chaîne de pharmacies actives dans le domaine des hormones. L'on retrouve là des personnes qui apparaissent depuis des années dans toutes sortes de dossiers relatifs aux hormones, qui ont fait de la détention préventive à plusieurs reprises et qui ont déjà encourru une condamnation selon mes informations. »
« J'ai apporté le rapport annuel de la Cellule multidisciplinaire Hormones. Je vous montrerai sur une carte, à l'aide de points et de couleurs, où se trouve le centre de gravité de cette criminalité. J'ajoute immédiatement qu'il faut relativiser le fait que certains arrondissements sont colorés et d'autres non. Si l'on a enregistré un grand nombre d'affaires dans certains arrondissements, il se pourrait que ce soit simplement parce que l'on y a fait de très gros efforts de recherche des infractions, alors que l'on a été moins zélé dans d'autres. L'arrondissement judiciaire du commandant de district en question est fort coloré sur cette carte alors que l'on y a très peu d'efforts de recherche. L'on pourrait dire qu'au cas où l'on engagerait les mêmes effectifs dans cet arrondissement que dans les autres, l'on ne disposerait pas d'assez de crayons pour colorier cet arrondissement. »
À ce sujet, le docteur J.M. Dochy, détaché au cabinet du ministre de l'Agriculture et des Petites et Moyennes Entreprises a fait, lors de l'audition du 19 juin 1998, la déclaration suivante (158) :
« Il est difficile, voire impossible, de déterminer où se situe le noyau de la criminalité organisée. Les infractions découvertes en matière d'hormones correspondent relativement à la localisation de la production. Nous comparons souvent la Wallonie à la Flandre ou encore la Flandre occidentale ou orientale au Limbourg, et non à Anvers où la production est relativement importante. Une corrélation exisde entre les lieux d'engraissement des bovins et ceux où les infractions sont commises. Nous ne pouvons pas parler de noyau dur géographique. On fait beaucoup plus d'engraissement en Flandre occidentale et orientale que dans la province de Luxembourg. Nous pouvons peut-être établir une relation, qui devra être confirmée, entre la localisation des infractions et les axes routiers. Nous avons essayé de le faire, notamment en Wallonie, avec les autoroutes Bruxelles-Luxembourg et Bruxelles-Mons. Cela correspondait assez. Dans l'analyse des risques, nous pourrions mettre en évidence des liens avec la proximité des frontières, mais aucune statistique n'existe pour le démontrer clairement. »
Le fait que l'on fasse moins de constations positives dans certains cas ne signifie pas nécessairement que la délinquance liée aux hormones y soit moindre. Certains indices tendent en effet à montrer qu'en raison de leur composition et de la façon dont on les administre, les substances deviennent plus difficiles à détecter.
Malgré ces nuances, on constate cependant que les contrôles orientés effectués dans les entreprises agricoles continuent à donner un très grand nombre de résultats positifs (50 %). De tels chiffres montrent en tout cas que l'usage des hormones prend des propositions considérables. À preuve : le fait d'avoir saisi, en 1997, 150 litres de cocktail hormonal prêt à l'emploi (une quantité suffisante pour traiter 45 000 bovins), ainsi que 80 kilos de matières premières, suffisantes à elles seules pour fabriquer des préparations illégales pour 2 millions de traitements au moins (159).
Si on tient compte par ailleurs du fait que les engraisseurs affinent sans cesse leurs techniques et que donc le nombre de constats positifs diminue, il ne faut certainement pas sous-estimer l'ampleur de la délinquance liée aux hormones.
Le 5 juin 1998, M. Timperman, magistrat d'appui, a fait à ce sujet la déclaration suivante (160) :
« Force est de constater que sous la pression accrue de la répression, ceux qui s'adonnent à ces pratiques sont devenus plus astucieux et disposent aujourd'hui de produits dont les scientifiques belges ignorent ce qu'ils sont exactement. Ainsi, parle-t-on aujourd'hui dans le milieu de « l'eau de A ». Le produit a déjà été détecté et analysé, mais les laboratoires ignorent ce que cela peut être. On sait en tout cas qu les produit est utilisé et quand on voit qui l'utilise, on ne peut que conclure qu'il doit s'agir d'un stimulateur de production. »
La commission a également été frappée par le fait que les contrôles effectués par les équipes mobiles de l'IEV semblent donner un nombre sensiblement plus élevé d'échantillons positifs que ceux pratiqués par les contrôleurs permanents des abattoirs.
Suite à cette constatation, la commission a demandé des explications au magistrat d'appui, M. Timperman, au fonctionnaire dirigeant de l'IEV, C. Decoster, ainsi qu'au major de gendarmerie D. Decraene. On leur a posé les questions suivantes :
« Les statistiques figurant dans le rapport annuel 1996 de la Cellule nationale Hormones indiquent qu'en 1996, 208 des 5 574 échantillons prélevés par l'IEV dans les abattoirs se sont révélés positifs. L'analyse de ces chiffres révèle que 8 seulement des 208 constatations positives ont été effectuées par des contrôleurs attachés à un abattoir ou un cercle d'expertise. Toutes les autres constatations sont le fait des équipes hormones. Si on compare ces chiffres au total des contrôles effectués par l'IEV dans les abattoirs, cette disparité devient plus importante encore. Les équipes hormones ont contrôlé 2 280 animaux et trouvé un échantillon positif dans 200 cas (8,8 %); les contrôleurs permanents ont contrôlé 3 294 animaux, dont 8 seulement (0,2 %) se sont révélés positifs.
Pouvez-vous expliquer à la commission la raison de ces différences énormes entre les résultats obtenus par les contrôleurs permanents et ceux des équipes hormones ?
Pouvez-vous communiquer également à la commission les statistiques pour l'année 1997 (elles ne figurent plus dans le rapport annuel de la Cellule multidisciplinaire Hormones) ? »
La commission d'enquête a reçu les réponses suivantes :
De l'avocat général M. Timperman :
« L'écart considérable entre les constatations positives faites en 1996 par les équipes d'hormones, d'une part, et par les contrôleurs attachés à un abattoir, d'autre part, est dû, à mon avis, à la « qualité » (au sens le plus large du terme) des contrôles effectués.
Les équipes hormones, qui sont particulièrement motivées, effectuent des contrôles très orientés à intervalles irréguliers. Ils se rendent dans les différents abattoirs exclusivement pour effectuer ces contrôles spécifiques; d'une manière générale, ils sont aussi très bien au fait des dernières tendances en matière de modes d'administration, lesquels changent sans arrêt.
Les contrôleurs attachés à un cercle d'expertise ou à un abattoir ont un statut très ambigu du fait qu'ils sont présents presque tous les jours dans le même abattoir où ils rencontrent, à quelques exceptions près, toujours les mêmes personnes (engraisseurs, marchands d'animaux, grossistes en viande). Ils ont en outre un large éventail de tâches à accomplir dans le cadre des activités frénétiques d'abattage et, dans la plupart des cas, ils ne disposent pas des informations de fond dont disposent les équipes hormones.
Pour ce qui est des statistiques de 1997, la gendarmerie me communique que dans le nombre modeste de cas positifs, le rapport serait pratiquement de 50-50 ce qui, compte tenu de ce qui précède, suscite une nouvelle série de questions. »
C. Decoster, fonctionnaire dirigeant de l'IEV :
« En réponse à votre question, je vous communique ci-après les statistiques pour l'année 1997 relatives au prélèvement d'échantillons et au nombre de cas positifs qui ont été constatés par les équipes hormones et les contrôleurs dans les abattoirs.
Service | Échantillons | Nombre de cas positifs |
Cas positifs en % |
Dienst | Monsters | Aantal positief |
% positief |
Équipes | 1 261 | 16 | 1,2 | Equipes | 1 261 | 16 | 1,2 |
Cercles | 2 831 | 19 | 0,7 | Kringen | 2 831 | 19 | 0,7 |
Total | 4 092 | 35 | 0,85 | Totaal | 4 092 | 35 | 0,85 |
Vous remarquerez que les statistiques relatives au nombre de cas positifs relevés par les équipes et les cercles se sont rapprochées en 1997. Cette tendance se confirme pour l'année 1998.
L'on peut dire, pour ce qui est des données relatives aux années précédentes, que les équipes ont effectivement fait un nombre disproportionné de constatations positives par rapport aux constatations effectuées par les contrôleurs dans les abattoirs. Cette disproportion s'explique principalement par le fait que les équipes hormones sont composées de personnes très spécialisées dans la détection d'animaux suspects.
Il faut aussi relativiser quelque peu le grand nombre de constatations positives (200) qui ont été faites en 1996 par les équipes hormones. En effet, dès lors qu'un animal suspect a été détecté, c'est tout le lot des animaux envoyés à l'abattoir qui est examiné. Il est possible ainsi d'obtenir à partir d'une seule constatation un grand nombre d'animaux positifs provenant du même engraisseur (par exemple de 15 à 20 animaux).
De plus, si les contrôleurs locaux ont contrôlé un grand nombre d'animaux (3 294) en 1996, c'est en raison de l'application du principe de la « liste noire de l'IEV ».
Le contrôleur a l'obligation de prélever des échantillons sur 10 % des animaux amenés par les engraisseurs mentionnés sur la liste noire. Il va de soi que l'on obtiendra moins de résultats positifs pour ce qui est de ces animaux, étant donné que l'engraisseur en question saura que des contrôles auront lieu et qu'il doit faire preuve de prudence.
Cette mesure a effectivement eu l'effet dissuasif recherché.
Selon le major D. Decraene :
« Avant de donner un aperçu des éléments qui sont peut-être à la base des différences entre les résultats enregistrés par les équipes hormones et les cercles d'expertise dans la lutte contre l'utilisation d'hormones, je vous communique ci-après, schématiquement, l'évolution des contrôles et des résultats des services du ministère de la Santé publique. Pour plus de clarté, il semble indiqué de donner un aperçu des types de contrôles effectués par l'IEV dans la lutte contre l'utilisation d'hormones :
au niveau des abattoirs :
· coup de sonde : contrôles d'une partie du bétail présenté pour abattage compte non tenu d'indices d'utilisation d'hormones;
· contrôle ciblé : contrôles de bétail présenté par des éleveurs réputés pour utiliser des hormones et/ou sur la base de la physionomie des animaux présentés;
dans des exploitations : participation à des contrôles ciblés après un résultat positif au niveau d'un abattoir. Ces contrôles sont exécutés en collaboration avec des services du ministère de l'Agriculture et la gendarmerie.
Comparaison entre les résultats des contrôles 1995-1996-1997 : voir l'annexe 1.
Les personnes les plus à même d'expliquer les grandes différences sont les responsables au sein de l'IEV même. Peut-être les conclusions de l'audit effectué actuellement donneront-elles de ce phénomène une image précise. Les causes possibles que la cellule hormones peut détecter se basent non pas sur une radioscopie approfondie du fonctionnement, mais sur des réflexions faites au bout de trois ans d'interaction et de collaboration avec les services d'inspection compétents en la matière.
Causes possibles :
les équipes hormones (environ 15 inspecteurs) constituent un ensemble spécialisé dans la lutte contre l'utilisation d'hormones. Les contrôleurs des cercles d'expertise (environ 100 inspecteurs-experts et 400 vétérinaires chargés de mission), par contre, sont responsables de toute la gamme de contrôles à charge du ministère de la Santé publique;
les équipes hormones sont mobiles et opèrent souvent en dehors de leur propre région, si bien qu'elles n'ont ni lien ni dépendance à l'égard d'un secteur. Par contre, les inspecteurs des cercles d'expertise sont généralement affectés au(x) même(s) endroit(s) et dans leur propre région, sont souvent confrontés aux mêmes personnes et à la même logistique (téléphone, fax, bureau, ...), dépendent du propriétaire/exploitant du lieu de contrôle et doivent accomplir une multitude de formalités administratives, si bien que le temps disponible pour les contrôles est limité. En outre, les chiffres précités révèlent que 4/5 d'entre eux sont des vétérinaires chargés de mission qui exécutent des missions pour le ministère et gèrent en outre un cabinet privé.
Avant de conclure, je tiens quand même à souligner une fois encore que nous avons déterminé les causes « possibles » énumérées grâce à un suivi à distance de ces contrôles, car nous n'avons jamais été associés effectivement à ceux-ci en tant que cellule hormones, étant donné que l'IEV organise et effectue les contrôles au niveau des abattoirs.
Annexe 1
Résultats des enquêtes ciblées en matière d'hormones effectuées par l'IEV dans les abattoirs
Ctl | Pos | % Pos | Ctl Eq | Pos | % Pos | Ctl | Pos | % Pos | |
| | | | | | | | | |
Ctl | Ctl Eq | Ctl Eq | KK | CtlKK | CtlKK | ||||
1995 | 5196 | 161 | 3,09 % | ? | 129 | ? | ? | 32 | ? |
1996 | 5574 | 208 | 3,73 % | 2280 | 200 | 8,77 % | 3294 | 8 | 0,24 % |
1997 | 4092 | 35 | 0,85 % | 1261 | 16 | 1,2 % | 2831 | 19 | 0,7 % |
Explication des abréviations utilisées : Ctl = contrôle; Pos = positifs; Eq = équipes hormones; CE = cercles d'expertise.
Remarques :
1. Les résultats mentionnés sont basés sur des chiffres que la cellule hormones a reçus de l'IEV en vue de la transmission d'un rapport annuel à son commettant (Conseil des ministres). Seuls les chiffres qui sont en notre possession peuvent donc être communiqués.
2. Les chiffres ne concernent dès lors que les contrôles ciblés effectués au niveau des abattoirs et pas les contrôles par coup de sonde qui y sont opérés (tant par des équipes hormones que par des inspecteurs-experts). Les données chiffrées ne concernent pas non plus les contrôles ciblés effectués uniquement par des équipes hormones) dans des exploitations agricoles après un contrôle positif dans un abattoir. »
La commission constate que les explications données pour ce qui est de la discordance qui fut constatée en 1996 entre les constatations positives faites par les équipes hormones et celles des experts attachés à un abattoir ne sont pas concordantes. En tout cas, force est de constater qu'il est (a été) question d'une différence dans la qualité des contrôles, ce qui justifie absolument un audit interne sur cette question.
2.3.3.4. Chiffres relatifs à la fabrication et à la distribution des substances interdites
La commission ne dispose pas de chiffres concrets concernant la fabrication et la distribution des substances interdites. Comme on a pu l'indiquer dans la description qualitative susvisée, il s'agit généralement en l'espèce de pratiques illégales fortement professionnalisées, qui présentent un caractère international (161) et qui supposent un usage fréquent de structures commerciales légales. On peut toutefois déduire des renseignements dont dispose la commission que le véritable noyau de cet aspect de la délinquance en matière d'hormones reste limité à une dizaine ou une douzaine de personnes (162).
2.4. Délinquance liée aux hormones et criminalité organisée
Les informations dont dispose la commission d'enquête permettent de penser que la délinquance liée aux hormones doit être considérée dans de nombreux cas comme une forme incontestable de criminalité organisée (163).
Il convient toutefois de noter qu'à la lumière d'une large définition criminologique, cette criminalité organisée peut être qualifiée, dans certains cas, de « criminalité d'organisation » (164). C'est ainsi que les activités de certains engraisseurs ou vétérinaires qui cherchent à s'enrichir rapidement s'inscriront dans le cadre limité d'une criminalité d'organisation. Cependant, cette criminalité peut, comme on l'a montré, devenir, à un stade ultérieur, une activité structurée et centralisée, si bien qu'on peut la considérer comme une forme de criminalité organisée à part entière.
Au cours de l'audition du 26 juin 1998, le major Decraene a fait à ce sujet la déclaration suivante (165) :
« La ligne de démarcation entre la criminalité d'organisation et la criminalité organisée n'est pas facile à situer. Lorsqu'il est question, dans le milieu visé, d'un engraisseur ou d'un vétérinaire, l'on peut considérer qu'ils agissent plutôt dans le cadre d'une criminalité d'organisation. Ils ont eux aussi recours à des procédés illégaux pour s'enrichir. Ils ne font pas pour autant partie d'une structure, mais ils profitent avec d'autres des possibilités qu'offrent ces moyens illégaux. Lorsqu'il est question des personnes qui contrôlent le véritable trafic des hormones et qui constituent le sommet de la pyramide, l'on a affaire à une criminalité organisée. Il n'est pas possible de rattacher telle catégorie professionnelle à telle ou telle sorte précise de criminalité. »
La présence, en l'espèce, de structures commerciales, est un élément frappant. Au cours de l'audition du 26 juin 1998, le major D. Decraene a fait, à cet égard, la déclaration suivante (166) :
« La seule constation générale en ce qui concerne l'aspect organisé, c'est que tous les auteurs, aussi bien ceux qui administrent les hormones que ceux qui les fabriquent ou les fournissent, opèrent dans le cadre de structures commerciales légales. Le trafic d'hormones est entièrement intégré dans les structures légales, à une ou deux exceptions près. Les intéressés achètent ou se font associer dans une série de secteurs.
Quelles sont les catégories professionnelles impliquées ? Les engraisseurs évidemment, les vétérinaires, les pharmaciens, les fabricants et fournisseurs d'aliments pour bétail, les abattoirs et les exploitants, qui doivent permettre de faciliter le passage de la viande, les laboratoires et l'industrie pharmaceutique. Ces catégories professionnelles, qui exercent une activité légale dans le secteur en question peuvent ainsi être utilisées pour dissimuler des activités illégales. L'on s'est rendu compte à l'occasion d'une enquête, que la structure examinée n'était en fait qu'une structure de façade. Des laboratoires sont utilisés, par exemple, afin de réaliser des analyses et de raffiner des produits. Un des problèmes auxquels on est confronté vient de ce que ces personnes s'adaptent en permanence, si bien que nous devons aussi nous adapter en permanence, et qu'elles cherchent constamment de nouveaux produits indétectables. Les chances de pouvoir faire des constats sur des animaux s'en trouvent fortement réduites. Le cocktail en question est quasiment indétectable. L'évolution est permanente et ils essayent de garder toujours une longueur d'avance. Ils disposent de toute une logistique pour y arriver. Ils essayent de s'implanter dans des secteurs comme celui des caisses d'épargne et de l'horeca. Voilà à peu près le profil général.
Comme l'a déjà signalé le premier rapport intermédiaire de la commission, l'utilisation de structures commerciales et de contre-stratégies constitue un élément intrinsèque de la présence de la criminalité organisée (167). L'on peut inférer de la définition qualitative de la criminalité dans ce secteur, qui est donnée ci-dessus, que l'utilisation de structures commerciales et de personnes morales est très fréquente dans le cadre de la délinquance liée aux hormones. Mais l'utilisation de contre-stratégies telles que la violence, l'intimidation et la corruption (168) est aussi fort présente dans le cadre de la délinquance liée aux hormones.
Entre le 12 septembre 1989 et le 16 juillet 1993, l'on a recensé 17 cas de menaces à l'adresse des inspecteurs de l'IEV ou d'incidents dans lesquels ils furent impliqués. Certains ont vu leur véhicule bloqué, en ont été tirés de force et ont été passés à tabac. La façade d'un inspecteur a été canardée avec une arme à feu et l'on a même incendié la voiture d'un autre inspecteur sur sa propriété. L'expert vétérinaire Karel Van Noppen a probablement été lui aussi la victime de violences commises par le milieu de la fraude liée aux hormones et à la viande (169).
Le rapport de la Cellule multidisciplinaire hormones se penche sur le problème des menaces et des incidents. La Cellule hormones recueille des informations à cet égard par l'intermédiaire d'un point de signalement central situé au sein de l'administration ou de gendarmes de contact désignés spécialement à cet effet. En 1997, la Cellule multidisciplinaire hormones a recensé 14 cas de menaces (verbales, physiques ou de comportements suspects) et 10 incidents (par exemple, refus d'autoriser l'accès à l'exploitation, dégâts occasionnés aux véhicules). Les menaces sont souvent adressées aux inspecteurs du ministère de l'Agriculture et les incidents touchent souvent les experts du ministère de la Santé publique (170).
D'après le rapport de la Cellule multidisciplinaire hormones, quelque 13 cas de menaces et 22 incidents ont été signalés en 1996 (171).
Ces chiffres ne sont basés bien évidemment que sur les déclarations des intéressés mêmes. Les informations complémentaires réunies par la commission indiquent que le nombre d'incidents enregistrés ces dernières années est en baisse et que l'on évolue dans le sens d'une multiplication des menaces verbales. Néanmoins, ces données confirment que les responsables de la délinquance liée aux hormones, recourent bel et bien à stratégies comme la violence et les menaces (172).
Pour ce qui est de l'utilisation de la contre-stratégie « corruption », les chiffres basés sur les déclarations volontaires ne permettent de dégager de grands résultats. D'autres sources indiquent toutefois que la criminalité organisée a indubitablement recours à la corruption dans le secteur de la viande. Certains policiers ou inspecteurs qui sont pourtant de plus en plus conscients du problème et qui ont tendance à signaler plus rapidement toute tentative de corruption acceptent en ce sens, contre paiement, de faire en sorte que les contrôles soient moins stricts ou de réunir des informations sur les contrôles et les enquêtes judiciaires en cours.
Il apparaît que, de par le fait qu'ils doivent toujours effectuer des contrôles au même endroit et qu'ils sont en contact avec les mêmes personnes, des années durant, certains fonctionnaires sont particulièrement vulnérables aux manoeuvres corruptrices. Tel est certainement le cas des experts qui sont attachés à des abattoirs de manière permanente et qui sont même parfois fort dépendants des abattoirs sur un plan logistique, et dont certains gèrent aussi un cabinet privé de vétérinaire.
Au cours de l'audition de 5 juin 1998, le magistrat d'assistance M. Timperman a fait à ce sujet la déclaration suivante (173) :
« J'ai connaissance d'un seul et unique dossier de corruption réactive. Ce dossier est virtuellement clos puisque le principal suspect s'est suicidé en cours d'enquête (174).
L'on parle bien sûr de mini-scandales. Il y a, par exemple, le cas quasi folklorique des experts qui trouvent un beau matin 10 000 francs dans leur veste à l'abattoir. Cela signifie qu'on leur demande de ne pas être trop « regardant » au cours de la matinée. Au cours de l'automne dernier, lorsqu'il fut question de l'affaire TRAGEX-GEL dans la presse, le chef d'un cercle d'expertise vétérinaire a dressé, à charge d'une grosse entreprise de transformation de viande, un procès-verbal, dans lequel il informe de manière voilée le procureur du Roi d'un cas de fraude à la viande. Il n'a n'opèré aucune saisie et a transmis le procès verbal par la voie normale.
Le procureur du Roi trouve ce procès-verbal dans la pile des procès-verbaux arrivés pendant le congé judiciaire. Il a heureusement le réflexe d'ouvrir une enquête judiciaire.
Un beau matin d'automne, l'exploitant de cet atelier de découpage de viande fait l'objet d'une perquisition tant à son exploitation qu'à son domicile privé. Participent la gendarmerie, la douane, des agents de l'IEV et un juge d'instruction en personne. À sa grande stupéfaction, le juge d'instruction constate que le verbalisant, qui est le chef du cercle d'expertise, s'approche du verbalisé, le suspect, pénétrant furibond dans son entreprise, et lui dit : « Monsieur X, il faut m'excuser mais vu les circonstances, je ne pouvais pas faire autrement que verbaliser; je ne m'attendais pas à ce qu'ils y donnent suite ». Le juge d'instruction consigne également ces propos dans son procès-verbal de descente. Le fait est évidemment très grave, car il donne à penser qu'ils s'en passe des choses, dans ce petit monde. Peut-être est-ce dû en partie au syndrome de Stockholm, vu que les enquêteurs sont peu nombreux et toujours en contact avec les mêmes personnes. De plus, par rapport aux enquêteurs, ces personnes sont socialement et financièrement en position de force. La peur peut également jouer un rôle.
Je donnerai un deuxième exemple. À la demande du fonctionnaire dirigeant de l'IEV, la gendarmerie, police des autoroutes, organise un contrôle routier ciblé des camions frigorifiques dont on présume qu'ils transportent de la viande. Le contrôle est réalisé en concertation avec les douanes et avec l'IEV, parce que ce dernier dispose des experts et du savoir-faire nécessaires pout détecter toute malversation. Lors de ce contrôle effectué à Anvers, les gendarmes ont été frappés, par le fait que les experts procédaient de manière très sélective, demandant aux gendarmes de laisser passer systématiquement les véhicules d'une certaine firme. Le font-ils par crainte, sous l'effet du syndrome de Stockholm ou par pure corruption ? Je suis incapable de le dire, mais ces faits donnent en tout cas matière à réflexion. En ce qui concerne les grands scandales de corruption, je dois reconnaître que jusqu'ici j'ai dû mettre les pouces. »
Bien que de tels faits et situations soient indiscutablement de nature à faire naître une présomption de corruption, on voit à chaque fois combien il est difficule d'apporter la preuve de ces faits.
La commission estime néanmoins qu'il y a de très forts indices que le milieu des hormones a effectivement recours à la corruption pour permettre ou faciliter ses activités illégales. Il paraît donc hautement justifié que l'on s'attache à développer des stratégies anticorruption.
M. Decoster, fonctionnaire dirigeant de l'IEV, a donné le 19 juin1998 la réponse suivante (175) :
« C'est une question à laquelle il est à la fois difficile et délicat de répondre. Je répète que les mesures qui ont été prises (en matière de stratégies anticorruption) devront s'appliquer à tous les secteurs et à tous les services d'inspection, y compris la police. C'est ce qui a été convenu. La mesure précitée a été prise à la suite des fraudes, parce qu'il y a des présomptions (mais pas de preuves) que des inspecteurs fort proches des entreprises, aient bénéficié d'avantages en échange d'un agrément ou de leur bienveillance. Je ne puis en apporter la preuve.
Je n'ai connaissance que d'un seul exemple et je ne sais pas si je dois en faire état ici pour le rapport, mais c'est le seul cas dont j'ai eu vraiment une preuve officielle. Il s'agit d'un ancien chef de cercle d'expertise de Flandre occidentale, qui s'est retrouvé derrière les barreaux. On le suspectait d'avoir fermé les yeux sur les agissements d'une entreprise et d'avoir facilité le trafic. Cet homme a été interrogé parce qu'il y a eu des témoins des faits. Selon la déclaration d'un des témoins, quelqu'un aurait à un moment donné remis une enveloppe contenant de l'argent au chef de cercle, qui l'aurait mise en poche. Interrogé à ce propos, il a fini par reconnaître les faits devant le magistrat. Il s'est rétracté par la suite en affirmant s'être « trompé » en faisant cette déclaration. Je rapporte cela comme un fait mais d'aucuns soupçonnent que des inspecteurs se laissent acheter. Je ne sais pas si c'est un fait avéré. Je dois dire que les plaintes à ce propos sont peu nombreuses, voires inexistantes. Je n'ai connaissance que d'un seul fait, mais certains affirment qu'il est possible que dans certains cas de fraude, on se soit montré plus coulant en raison d'un lien éventuel. Je ne puis en apporter la preuve. Si cela devait être le cas, il serait intéressant de développer une stratégie. L'indemnité des inspecteurs de l'IEV est nettement supérieure à celle par exemple des inspecteurs des denrées alimentaires et de la santé publique. Cette différence est voulue, pour les mettre à l'abri de l'argent de la corruption. Quant à savoir si cette mesure est efficace, je l'ignore, mais c'est un des motifs pour lesquels on a décidé de leur accorder des indemnités plus élevées. »
2.5. La délinquance liée aux hormones et le secteur de la viande
Les données disponibles ne permettent pas d'établir dans quelle mesure la délinquance liée aux hormones influe négativement sur le fonctionnement normal de l'engraissement. Il est clair, cependant, que son influence est grande. Le grand nombre de contrôles positifs dans les exploitations agricoles et l'affirmation de certains selon laquelle il n'est plus possible d'engraisser sans administrer de substances illégales (176) constituent un indice sérieux en la matière, malgré toutes les réserves qui ont été émises. Le fait qu'actuellement, l'offre de viande sur le marché intérieur représente 180 % de la demande montre combien il est important pour les engraisseurs de fournir une viande de qualité optimale à moindre coût. C'est ainsi que la demande de substances illégales se perpétue et que l'on « alimente le terreau » de la criminalité organisée.
Sur la base des données susvisées, force est de conclure que la délinquance liée aux hormones menace sérieusement le fonctionnement normal de l'engraissement. Les instruments législatifs qui ont été développés jusqu'à présent en Belgique dans la lutte contre cette délinquance ont sans aucun doute donné de bons résultats jusqu'à présent, même si l'on n'a pas encore opéré une percée fondamentale. Il semble que l'on aborde encore parfois le phénomène de manière trop réactive, si bien que l'on ne pourra obtenir des résultats qu'en ce qui concerne les échelons les plus bas des formes de criminalité en question. Le fait que les services concernés connaissent le noyau de la criminalité organisée, qu'il reste actif en Belgique et que l'on ne puisse qu'exceptionnellement s'y attaquer avec succès, malgré le développement des efforts de recherche (voir par exemple l'introduction de la « liste noire ») indique qu'il faut des mesures supplémentaires. Il convient de consacrer une attention particulière, à cet égard, à la recherche proactive et financière, dans le cadre de laquelle il faut donner d'urgence un contenu concret à la fois à la responsabilité pénale des personnes morales et à l'enquête financière (incluant une possibilité de confiscation de l'avantage après la condamnation).
Comme on a pu le constater à propos des mesures qui ont été prises jusqu'à présent, l'on ne peut s'attaquer au phénomène que d'une manière multidisciplinaire, en accordant aux services d'inspection concernés une place propre; à côté des autorités policières et judiciaires. Le secteur lui-même est demandeur (177). Cependant, il faut situer la lutte dans un cadre structurel suffisant pour que chaque partenaire puisse jouer pleinement son rôle dans l'ensemble. Outre un cadre réglementaire uniforme et clair, il faudrait également d'autres mesures concrètes pour que l'on puisse échanger des données (secret professionnel) dans le cadre d'une collaboration multidisciplinaire et pour que l'on puisse disposer d'une base juridique solide pour ce qui est de cette collaboration.
3. Fraude dans le secteur de la viande
Le problème de la fraude dans le secteur de la viande (178) étant lié exclusivement jusqu'à présent à la fraude aux dépens du budget de l'Union européenne. Cette fraude visait surtout à l'obtention illicite de subventions de l'Union européenne à l'exportation de viande vers des pays tiers (179).
En 1977, à la suite du déclenchement de la maladie de la vache folle (ESB), l'on a toutefois constaté que, dans divers cas de fraude, il était question de plus que d'une simple fraude aux subventions. En effet, la Belgique s'est avérée être l'un des rares pays d'Europe à n'être pas touché par l'ESB, si bien que la demande de viande belge a augmenté dans les pays de l'Union, ainsi que dans les pays tiers. La fraude, qui a été découverte, non pas par les autorités belges, mais par l'UCLAF (Unité de coordination de la lutte antifraude de la Commission des Communautés européennes) a consisté, dès lors, notamment à attribuer frauduleusement une origine belge à la viande venant de Grande-Bretagne, pour l'exporter ensuite vers des pays tiers (180). Cinq exploitations étaient concernées en l'occurence.
M. Decoster (181), fonctionnaire-directeur à l'IEV, distingue onze origines à la fraude :
1º la suppression des contrôles aux frontières intérieures dans une grande partie de l'Union européenne;
2º le transfert des contrôles des frontières vers les exploitations;
3º le manque de transparence et le caractère international du commerce (beaucoup d'intermédiaires);
4º l'absence de traçabilité organisée des viandes;
5º l'admission des réemballages;
6º la difficulté de contrôler le transport international;
7º la possibilité de placer des viandes provenant de pays différents dans un même emballage;
8º la possibilité d'enlever les estampilles;
9º la difficulté de contrôler les estampilles apposés sur la viande congelée;
10º le fait que l'on mélange des viandes de diverses provenances dans les ateliers de découpe;
11º l'absence de directive européenne en matière de certification pour l'exportation vers les pays tiers.
3.2. Quelques mesures prises récemment
La section Garantie du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) finance les restrictions à l'exportation vers les pays tiers et les interventions destinées à la régularisation des marchés. En Belgique, les dépenses dans ce cadre sont exécutées par des organismes de paiement spécifiquement habilités à cet effet. Ces organismes de paiement ont un rôle important dans la prévention de la fraude. Il existe en outre des structures de contrôle qui, conjointement avec les organismes de paiement, veillent à la réalité et la régularité des opérations financées par le FEOGA et ont pour tâche de prévenir ou de poursuivre les irrégularités commises (182).
Le Bureau d'intervention et de restitution belge (BIRB) est chargé du versement des subventions à l'exportation et des sommes qui reviennent aux opérateurs à titre d'interventions dans le cadre de la politique agricole; il est soumis à la tutelle du ministre de l'Agriculture. Une intervention consiste à retirer du marché les excédents agricoles en versant aux opérateurs un prix d'intervention. La restitution est la différence, suppléée par l'UE, entre le prix européen élevé et le prix mondial plus bas.
Le 19 juillet 1996, la Commission européenne (DG-Agriculture-FEOGA) a transmis aux autorités belges ses conclusions définitives concernant l'enquête sur les systèmes et procédures appliqués pour le contrôle et la gestion de la réglementation relative au préfinancement des restitutions à l'exportation. Il ressort de cette enquête, réalisée fin 1994 pour les années 1993 et 1994, que les contrôles sur le terrain susceptibles de révéler rapidement l'existence d'une fraude lors de la vente de biens sont insuffisants dans les secteurs des céréales et de la viande (183). Il s'agissait surtout de la constatation de manquements graves dans l'exécution des contrôles, si bien que la possibilité de fraude (massive) s'est présentée (184). C'est pourquoi la Commission de l'UE a réclamé 10 % du préfinancement qui avait déjà été versé à titre de restitutions à l'exportation au BIRB. Pour le secteur de la viande, il s'agirait d'un montant de 440 millions de francs (185).
Il a donc été décidé de mettre davantage l'accent sur la prévention de la fraude et on a souligné la nécessité d'élaborer une structure interdépartementale, étant donné que différents départements sont concernés par la matière (186). Le Conseil des ministres a dès lors créé, le 25 octobre 1996, une Cellule de prévention interdépartementale (CPI) chargée, entre autres, de coordonner la prévention de la fraude liée aux dépenses à charge de la section Garantie du FEOGA. La CPI est composée de représentants du ministère des Classes moyennes et de l'Agriculture, du ministère des Finances, du ministère des Affaires économiques, du BIRB et de l'IEV.
Le 23 juillet 1997, le ministre de la Santé publique et des Pensions, Marcel Colla, adresse au Conseil des ministres une note dans laquelle il affirme notamment que ces événements ont montré que la fraude à la viande prend une dimension internationale et est axée sur l'obtention de restitutions de l'UE permettant de vendre plus cher de la viande dont la valeur financière est moindre. Le ministre estime qu'il s'agit d'une forme de criminalité organisée et propose une série de mesures supplémentaires. D'une manière générale, il suggère d'étendre le champ d'action de la Cellule multidisciplinaire Hormones à toutes les formes de fraude à la viande, d'inventorier les entreprises du secteur de la viande et leurs administrateurs qui ont un passé judiciaire ou sont soupçonnés de pratiques déloyales et d'intensifier les contrôles des camions transportant de la viande.
Pour donner suite à la note du ministre Colla, le Conseil des ministres du 26 juillet 1997 charge un groupe de travail de formuler des propositions concrètes en vue d'une approche multidisciplinaire de la fraude dans le secteur de la viande.
Le 23 septembre 1997, M. Timperman, magistrat d'appui, et M. J. Carmeliet, directeur général au ministère des Classes moyennes et de l'Agriculture, soumettent au Conseil des ministres un rapport contenant des propositions en matière de prévention et de lutte contre la fraude à la viande, rapport qui est approuvé le 26 septembre 1997. La concrétisation de ces mesures se poursuit actuellement.
Sur le plan préventif, des mesures sont prises pour l'IEV et l'autorité fédérale :
a) Pour l'IEV, des mesures à court, moyen et long termes sont annoncées en ce qui concerne la certification d'origine dans les exploitations (registre), les critères et les procédures de certification par les vétérinaires de l'IEV, la possibilité de remonter la filière de la viande et le contrôle du transport des viandes par la route. Il a également été décidé que l'IEV élaborerait des directives de contrôle qualitatif et des scénarios et qu'il ferait l'objet d'un audit tant interne qu'externe. Pour ce dernier point, un comité de coordination constitué de représentants du premier ministre, des vice-premiers ministres et des ministres de l'Intérieur, de la Santé publique et de l'Agriculture a été créé.
b) Pour l'autorité fédérale, il a été décidé de faire contribuer de manière substantielle la Cellule de prévention interdépartementale (CPI) à la lutte contre la fraude à la viande et de désigner, comme dans la problématique des hormones, un expert de la lutte anticorruption.
Pour ce qui est de la lutte contre la fraude des viandes, on crée des structures qui stimulent la collaboration interdépartementale et permettent d'affiner les mécanismes de sanction de la fraude. Les mesures suivantes ont été approuvées :
a) Au niveau du fonctionnement interdépartemental, il a été décidé :
De créer un point de signalement permanent au sein de l'IEV pour les cas de fraude des viandes;
De créer une Commission interdépartementale pour la coordination de la lutte contre la fraude et pour l'application du règlement (CE) nº 595/91 (CICAF) qui fusionne les deux services de lutte contre la fraude en une structure nouvelle.
De créer, au sein de l'IEV, une cellule opérationnelle (une sorte de task force ) multidisciplinaire antifraude dans le secteur de la viande (CMA), laquelle aurait pour mission de mener des actions rapides et efficaces en matière de lutte contre la fraude dans le secteur de la viande.
b) Au niveau des sanctions, il a été décidé :
que les sanctions prévues doivent être renforcées et qu'il y a lieu d'examiner la possibilité d'une interdiction d'exploitation pour les administrateurs d'entreprises qui se sont rendues coupable de fraude et d'exécuter rapidement et efficacement les sanctions qui sont infligées;
d'accélérer la concrétisation de la responsabilité pénale des personnes morales, de l'examen des possibilités de renversement de la charge de la preuve et de la dissociation éventuelle entre l'enquête pénale et l'enquête sur le patrimoine;
de prévoir des sanctions administratives (le fraudeur paie).
3.3. Fraude des viandes et criminalité organisée
Partant des informations dont dispose la commission d'enquête, l'on peut considérer que dans de nombreux cas, la fraude en question constitue incontestablement une forme de criminalité organisée (187).
Le rapport annuel 1997 de la Commission européenne sur la lutte contre la fraude contient une phrase importante relative au rôle que joue la criminalité organisée dans la fraude dans le secteur de l'agriculture (188). La commission affirme ce qui suit :
Les enquêtes conduites dans le domaine agricole mettent fréquemment à jour des réseaux criminels bien organisés. Dans les échanges extra-communautaires de produits agricoles notamment, la criminalité organisée est présente, à travers des réseaux complexes de producteurs, de négociants, de transporteurs, de facturiers, de contrebandiers, de faussaires etc. (...). (189)
En ce qui concerne plus particulièrement le secteur de la viande, le rapport annuel susvisé fait référence au contournement de l'embargo sur la viance de boeuf britannique. Une importante affaire de fraude belge qui présente des ramifications vers la criminalité liée aux hormones y joue un rôle de premier plan. La commission énumère les éléments de fait dont on dispose à propos de cette affaire et déclare que :
« Les soupçons se sont orientés vers une organisation criminelle belge déjà bien connue pour sa participation au trafc illicite d'hormones ou d'autres fraudes agricoles. » (190)
Au cours de l'audition du 6 juin 1997, M. Per Brix Knudsen, le directeur de l'UCLAF (Unité de coordination de la lutte antifraude de la Commission des Communautés européennes) a fait à ce sujet la déclaration suivante (191) :
« On l'appelle la mafia des hormones, elle introduit des hormones, en vend aux agriculteurs et est impliquée dans des affaires, toujours dans le secteur de la viande, de manipulations d'exportations et d'importations et mises sur le marché de viande en manipulant les dispositions sur l'importation des viandes, sur les restitutions à l'exportation, droits à l'importation et sur les fraudes à la TVA. Ceci mêle les dossiers de viandes, soupçonnées de contenir des hormones, et de ne pas respecter les dispositions en vigueur dans l'Union et celles qui sont interdites d'importation vers l'Union.
Après 1989, la CEE boycotte l'importation de viande en provenance des États-Unis pour éviter la mise en vente par des établissements non-agréés par l'Union européenne. Les exportateurs américains ont envoyé des marchandises, qui ne pouvaient pas être importées directement dans l'Union, vers les pays de l'Est, Pologne, Tchèquie, Slovaquie, Hongrie et Roumanie. La marchandise était réemballée dans ces pays et expédiée dans l'Union européenne, accompagnée de faux certificats vétérinaires indiquant une autre origine pour permettre leur introduction sur le territoire de l'Union.
La mafia des hormones introduit des hormones sur le marché européen, vend également des hormones aux agriculteurs et s'occupe en même temps de l'importation de la viande interdite via les pays de l'Est.
D'autres mécanismes sont aussi introduits. De la viande entreposée à la douane en Belgique, dont le document de destination finale indiquait un pays, hors de l'Union, était détournée. Le certificat vétérinaire émis indiquait une origine belge pour permettre leur vente en France ou en Belgique et rester sur le territoire de l'Union. Il en résulte un détournement des dispositions sur l'interdiction des hormones, le non-paiement du prélèvement sur la viande et la mise de cette viande sur le marché noir de l'Union sans payer la TVA.
Une autre variante est de déclarer pour l'exportation de la viande de très bonne qualité pour recevoir la restitution. Ils remplacent la viande de bonne qualité par des abats ou de la viande de moins bonne qualité pour laquelle il n'y a pas de restitution. Ils vendent la viande de mauvaise qualité hors de l'Union, et détournent la viande de bonne qualité sur le marché de l'Union, gagnant ainsi la restitution. Bien entendu, la vente a lieu hors TVA. Ou encore, ils importent des viandes de bonne qualité ne provenant pas de l'Union et ils déclarent cette viande comme étant des abats et donc échappent aux prélèvements appliqués aux viandes de qualité supérieure. La viande est alors vendue sur le marché noir, donc hors TVA. Il y a toutes les variantes possibles de ce que l'on appelle les carrousels : manipulations des destinations ou des exportations, falsifications des marchandises, fausses déclarations, marchandises inexistantes ou de mauvaise qualité, etc. Les destinations fictives favorites sont le Congo, le Gabon et le Ghana, vu les diffcultés que nous éprouvons pour constater l'arrivée effective de la marchandise dans ces pays et contrôler si la viande est de bonne qualité. Cela ne veut pas dire que nous n'envoyons pas d'enquêteurs dans ces pays, mais nous ne pouvons pas compter sur les autorités locales pour effectuer ce type de vérifications.
Ceci pour vous démontrer que nous avons ici une organisation criminelle qui travaille sur plusieurs fronts et qui manipule les dispositions vétérinaires, les dispositions agricoles prélèvements, restitutions et les dispositions fiscales TVA ou toutes autres taxes, charges diverses qu'une entreprise légitime devrait payer à l'Union européenne pour vendre ces produits. Ceci en parallèle avec les dossiers les plus connus en Belgique où la presse s'est concentrée sur les aspects liés à la problématique des dispositions vétérinaires. Il existe aussi un problème de contrôle douanier. Actuellement, le contrôle de la provenance et de la qualité des marchandises, et du caractère correct de la déclaration, est très difficille étant donné le commerce par conteneurs, la vitesse des échanges et la nécessité de ne pas bloquer le commerce.
Ce qui explique pourquoi nous attachons tellement d'importance aux moyens pour réagir au moins après, face à une activité comme celle-là. Nous avons de graves difficultés pour établir des contrôles systématiques, physiques, au moment de l'importation et de l'exportation. Je ne veux pas critiquer les douaniers parce que cette situation reflète la réalité du commerce. Si vous allez à Anvers et que vous constatez la vitesse du commerce par conteneurs, il est évident qu'il est très difficile d'agir, sans un réseau d'informations très développé, pour cibler ces contrôles physiques pour réagir. Ceci démontre les activités à la carte de ces organisations. »
3.4. Fraude des viandes et secteur de la viande
Les informations dont dispose la commission d'enquête ne permettent pas de mesurer l'ampleur exacte de la fraude des viandes en Belgique. Or, les personnes qui ont été entendues à son sujet estiment qu'elle n'est pas négligeable (192). Les chiffres du BIRB pour 1996 peuvent donner une indication sur la fraude détectée. Le BIRB a compté 125 dossiers de fraude liés à des restitutions pour un montant total de 1,5 milliards de francs. Dans le domaine des interventions, il y avait 50 dossiers en cours pour un montant total de 250 millions de francs environ (193). Il appert également, par exemple, que dans la seule affaire précitée de la viance britannique pourvue d'une étiquette belge, l'on a commis une fraude très importante. À cet égard, l'on a déjà pu établir que la fraude au système des restitutions dépasse les 2,4 millions d'écus (194). Il faut noter, cependant, que la fraude des viandes a, presque par définition, une dimension internationale, si bien qu'il est difficile d'isoler la part belge de cette fraude.
Par conséquent, l'on ne peut absolument pas affirmer que le phénomène de la fraude dans le secteur de la viande n'a aucun impact sur le fonctionnement normal du commerce de la viande en Belgique. Les statistiques générales dont on dispose montrent en effet que la fraude dans le secteur de la viande est un phénomène important dont l'impact économique ne doit pas être sous-estimé. De plus, les affaires qui sont mises au jour en Belgique paraissent bizarrement « institutionnalisées » et présenter des liens avec, entre autres, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la France, l'Allemagne et l'Irlande (195).
Rien n'indique pour l'heure que la situation dans le commerce belge de la viande se soit dégradée dans les mêmes proportions qu'en Irlande voici quelques années (196). Les cas de fraudes qui ont été mis à jour récemment et le fait que la Commission européenne consacre plus d'attention à la fraude prouvent toutefois que la situation doit être suivie et examinée avec sérieux. Il est inquiétant de constater que, dans les cas de fraude visés ci-dessus, les personnes en cause sont presque toujours les mêmes. L'on peut, dès lors, s'interroger à propos de l'efficacité de la répression. Cette question est d'autant plus importante qu'il apparaît que la fraude liée à la viande est de plus en plus souvent le fait de véritables spécialistes de la fraude dans le secteur de l'import-export, qui opèrent également sur d'autres terrains (par exemple les cigarettes). Le temps où la fraude liée à la viande était uniquement le fait de personnes du secteur même, appartient de plus en plus au passé (197).
Le directeur de cabinet du ministre des Classes moyennes et de l'Agriculture, M. P. Vanthemsche, a fait la déclaration suivante au cours de l'audition du 19 juin 1998 (198) :
« En ce qui concerne la fraude liée à la viande, le rapport de l'UCLAF indique que, jadis, les fraudes liées à la viande étaient surtout le fait de spécialistes du secteur de la viande. Aujourd'hui, elles sont surtout le fait de spécialistes de la fraude. Ils opèrent tantôt dans le secteur de la viande, tantôt dans le secteur des cigarettes, tantôt dans un autre secteur. L'on a affaire en l'espèce à une forme typique de criminalité organisée fortement internationalisée et dont les ramifications s'étendent bien au-delà de l'Union européenne. Pour pouvoir bien comprendre la situation, l'on devrait s'adresser aux personnes qui analysent les réseaux en question. »
Le magistrat d'appui M. Timperman a fait la déclaration suivante au cours de l'audition du 5 juin 1998 (199) :
« Dans le dossier concret en question, il y a probablement eu, au départ, un groupe de commerçants en viandes qui ont monté une combine et qui, s'étant rendu compte qu'elle fonctionnait, ont rapidement décidé les personnes physiques en question ne sont pas si âgées d'étendre leurs activités en dehors du secteur de la viande. Ils se livrent actuellement au trafic international de drogue et au vol de conteneurs. Ils interviennent aussi dans toutes sortes de délits violents et de règlements de compte dans divers milieux. Leur profil actuel est donc le résultat d'une évolution historique. » [...]
« Les personnes en question s'adaptent avec beaucoup de souplesse à une série d'évolutions actuelles. De plus, elles ont une excellente connaissance de la législation européenne. Étant donné le niveau de formation de ces personnes, je considère qu'elles peuvent bénéficier d'un appui logistique considérable sur le plan juridique. Elles exploitent la moindre faille dans la réglementation pour développer leurs activités. » [...]
« Je puis peut-être vous montrer à quels échelons ces personnes exercent leurs activités. L'affaire commence par l'importation de ris de veau d'Amérique. Il semble que les Américains ne soient pas de grands amateurs d'abats. Il s'agit pour eux d'une forme de déchets qu'ils exportent. Les ris de veau américains entrent sur notre territoire, disparaissent sur le marché interne mais sont remplacés dans les containers par des déchets d'abattoirs locaux qui sont exportés comme viande de boeuf belge vers la Russie, à grand renfort de subventions. Il s'agit généralement d'assez grandes quantités. Plusieurs membres de la bande impliquée dans ce trafic furent placés assez longuement en détention préventive (cinq à six mois), mais n'en recommencèrent pas moins, dès leur libération, à importer de la viande suspecte au titre de l'ESB en passant par toutes sortes de filières légales ou illégales. Ils sont passés maîtres dans l'art de jongler avec les règles européennes et locales. Je me suis également laissé dire que la législation anglaise permet de retirer les sceaux de la viande homologuée au moment du reconditionnement de la viande. Il y a évidemment là une invitation à la fraude. Une des variations sur le thème classique consistait à faire transiter des carcasses de bovins allemands d'Allemagne vers l'Angleterre en passant par la Belgique où elles devraient être découpées. Malgré l'embargo ESB, aucune loi n'interdisait que les carcasses belges soient transportées à destination de l'Angleterre pour y être découpées avant d'être réimportées en Belgique comme viande découpée. Ces carcasses étaient ensuite exportées vers la Russie. La chose n'était pas crédible, ne fût-ce que pour des raisons économiques et, notamment, en raison des frais de transport. En réalité, les camions qui contenaient officiellement de la viande allemande faisaient le trajet vers l'Angleterre à vide. Les carcasses des bêtes abattues dans le cadre du programme ESB ont servi dans le meilleur cas à la consommation interne en Angleterre ou sont revenues en Belgique afin d'être dénaturées. En cas de contrôle, on disait qu'il s'agissait de carcasses allemandes refusées en Angleterre, et que l'on prétendait soi-disant ramener. Dans une autre affaire qui a suscité pas mal de remous l'été dernier, le Conseil des ministres avaient décidé, le 26 juillet 1997, de créer une cellule multidisciplinaire Hormones qui est toujours dans les starting-blocks à ma connaissance. Depuis, les enquêteurs ont été mis sur la piste, via l'UCLAF, d'une fraude énorme mettant en cause de la viande de porc brésilienne. Cette viande est importée dans l'Union européenne sans que l'on en connaisse la destination. Tout ce que l'on sait, c'est que l'on utilise des sceaux falsifiés d'un bureau de douane autrichien. L'on retrouve toujours la même bande, ce qui laisse supposer que la fraude est gigantesque. »
Sur la base des données précitées, l'on peut affirmer que le secteur de la viande est particulièrement sensible à certaines formes de fraude, consistant notamment en l'obtention de subventions énormes de l'Union européenne pour la vente de viande à des pays tiers ou en des opérations de falsification de l'origine de la viande. La commission d'enquête constate à cet égard qu'une grande part de cette criminalité se déroule en tout ou en partie sur le territoire belge. Il est préoccupant de constater qu'il existe des liens évidents avec la criminalité organisée liée aux hormones et que, dans ces dossiers, les suspects sont souvent des récidivistes notoires.
Le contrôle et la prévention de la fraude à la viande soulève un double problème. Il s'agit tout d'abord d'un phénomène revêtant un caractère international par excellence relève du droit européen et du droit national. À cet égard, il est capital que les mesures prises dans les divers États membres de l'Union européenne soient les plus uniformes possibles et que l'on organise la coopération la plus vaste entre les États membres et dans les relations entre les États membres et l'Union européenne. Cette coopération ne saurait se limiter à la coopération judiciaire ou administrative traditionnelle et doit revêtir une forme aussi intégrée que possible.
Au niveau national également, il faut chercher la réponse principalement dans ce sens. Il est nécessaire d'adapter les instruments répressifs et administratifs aux besoins actuels en matière de prévention et de répression (recherche financière, responsabilité des personnes morales) de la fraude à la viande, mais il importe aussi de développer une approche multidisciplinaire. Ce n'est que, lorsque l'on aura fait tout cela que les secteurs concernés par le problème en question pourront accomplir pleinement leur tâche et que l'on pourra agir de manière cohérente. Les mesures précitées, qui ont été décidées l'année passée par le Conseil des ministres, prouvent qu'il est nécessaire de développer une approche transversale et il y a lieu, dès lors, de les appliquer concrètement.
La commission parlementaire d'enquête chargée d'examiner la manière dont l'enquête, dans ses volets policiers et judiciaires, a été menée dans « l'affaire Dutroux-Nihoul et consorts » a définitivement donné un coup d'accélérateur à la discussion sur la réforme du paysage policier (1).
Différentes esquisses de nouvelle organisation policière ont été avancées (2).
La commission d'enquête a estimé pouvoir apporter une contribution utile à cette discussion en attirant l'attention, du point de vue spécifique qui est le sien, sur les conditions spécifiques que la lutte contre la criminalité organisé pose à l'organisation et au fonctionnement des services de police et du ministère public.
Compte tenu de cet objectif, elle a émis, le 14 mai 1998, son deuxième rapport intermédiaire (3).
La commission est partie de la constatation que les criminels autonomes, « spontanés », avaient fait place à un réseau puissamment organisé et soutenu d'organisations criminelles. Les méthodes de recherche traditionnelles ne peuvent pas suffire à protéger la société contre cette forme de criminalité.
Non seulement l'organisation criminelle tient en échec le travail de recherche de la police, mais elle anticipe en outre la réaction de celle-ci : elle ne laisse pas de traces, menace les témoins, élimine les informateurs et lance même la police sur de fausses pistes.
Il s'est dès lors avéré indispensable d'appliquer des techniques spéciales d'enquête pour lutter contre ces organisations criminelles. Il ne fait aucun doute que l'application de techniques spéciales d'enquête, qui se distinguent par leur caractère secret, l'utilisation de stratagèmes, l'infiltration des milieux criminels, nécessite une mise en balance des intérêts : d'une part, cette criminalité constitue une menace pour la société, mais d'autre part, les droits de l'homme, la protection de la vie privée et les droits de la défense risquent d'être remis en cause.
En vue de mieux cerner ce problème, la commission a décidé de définir les techniques spéciales d'enquête, d'examiner si une collaboration du public et des coauteurs était possible, d'étudier minutieusement la recherche proactive et, enfin, de vérifier si l'appareil actuel de recherche répondait à l'attente.
2.2. Techniques spéciales d'enquête
Les techniques spéciales d'enquête diffèrent des techniques ordinaires en ce qu'elles peuvent porter atteinte aux libertés et aux droits fondamentaux tels que le respect de la vie privée et à certains principes de la procédure pénale, comme le principe de loyauté (4).
Le plus souvent, elles ne sont pas réglées par la loi et ni le citoyen, ni même les magistrats du siège n'ont connaissance de la moindre réglementation.
Les techniques spéciales de recherche ont été regroupées en quatre catégories :
1. les opérations « sous couverture »;
2. l'observation;
3. le recours à des informateurs;
4. l'analyse criminelle.
Ces techniques d'enquête se sont développées en Belgique sur une base empirique : il y a bien une circulaire ministérielle confidentielle du 24 avril 1990, adaptée ultérieurement par une circulaire du 5 mars 1992, mais la nécessité d'une loi-cadre était déjà perceptible dans le plan d'action du gouvernement du 28 juin 1996 (5).
Estimant que la circulaire ministérielle n'offrait pas une base suffisante pour l'application de ces méthodes radicales d'enquête, la commission a réuni des informations sur cette problématique. Les cinq procureurs généraux, le commandant de la gendarmerie, le commissaire général aux délégations judiciaires, et les chefs des services de renseignements ont été entendus sur les méthodes d'enquête utilisées, les difficultés rencontrées et les développements attendus.
La commission a ainsi obtenu un panorama des méthodes spéciales d'enquête utilisées en Belgique : ce panorama contraste nettement avec les conceptions administratives traditionnelles qui sous-tendent les circulaires.
C'est une erreur, en effet, que de mettre l'accent sur l'infiltration, car cette méthode n'est plus appliquée que rarement; la méthode de la pseudo-vente a été percée à jour par les milieux criminels qui, à tout bout de champ, invoquent la provocation devant les cours et tribunaux (6).
La commission s'est penchée sur l'achat de confiance, la livraison surveillée et le flash-roll de même que sur la livraison contrôlée et les opérations d'infiltration à long terme, notamment le frontstore .
Les méthodes d'observation utilisées par les services de police afin de recueillir discrètement des informations ou des éléments de preuve relatifs à certaines personnes ou à certaines affaires ont également été passées au crible. La commission a étudié tant les moyens techniques de l'observation mobile que la contre-observation (7). Les écoutes téléphoniques, la surveillance par caméra et les capteurs de mouvements ont également été décrits en détail (8).
La commission a ensuite étudié la problématique des informateurs, du traitement des informations qu'ils fournissent et de la protection de ceux qui collaborent avec la justice (9).
Enfin, la commission a discuté des diverses méthodes d'analyse criminelle (10) : l'enquête financière, l'analyse criminelle opérationnelle et l'étude de phénomènes ont retenu l'attention de la commission.
Force a été de constater chaque fois que ces méthodes d'enquête ne sont régies par aucune loi. Il n'est donc pas surprenant que ce vide juridique ait suscité de sérieuses objections. Non seulement l'application de ces méthodes n'est pas conciliable avec l'article 12, alinéa 2, de la Constitution, mais en outre notre méthode d'enquête est en conflit avec l'article 8 de la CEDH. Une circulaire ministérielle ne permet pas de déroger au principe de la protection de la vie privée.
Il est donc apparu indispensable de définir les conditions liées à l'utilisation de ces techniques spéciales d'enquête (11). Trois principes président à l'application des techniques spéciales d'enquête :
a) Le principe de légalité. Il est absolument impératif que cette matière soit réglée par un texte de loi : les circulaires et directives des procureurs généraux peuvent mettre en oeuvre les principes généraux, mais la base reste la loi. Chaque corps de police ne peut se permettre une interprétation personnelle.
b) Le principe de proportionnalité : il doit s'agir d'un crime ou d'un délit soit grave, soit organisé, qui provoque un trouble social important. En d'autres mots : la limitation de liberté individuelle doit être proportionnée à l'objectif poursuivi. Ces techniques spéciales d'enquête ne se justifient pas pour une simple collecte d'informations; elles ne peuvent pas dégénérer en opération de reconnaissance. Il doit s'agir de délits commis ou en passe de l'être (12).
c) Le principe de subsidiarité : selon ce principe, les techniques spéciales d'enquête ne peuvent être mises en oeuvre que si les moyens classiques d'investigation se révèlent insuffisants. Il va de soi que les services de police doivent se montrer parcimonieux lorsqu'il s'agit de restreindre les libertés individuelles.
La commission s'accorde à dire que les fonctionnaires de police ne peuvent sous aucun prétexte se livrer à la provocation : non content de porter atteinte à l'administration de la preuve, l'incitation à commettre un délit de plus est totalement contraire au principe de loyauté. La commission s'est montrée plus nuancée concernant l'interdiction pour l'enquêteur de commettre des délits (13).
L'interdiction de principe est manifestement tempérée par les besoins de l'enquête dès lors que l'état de nécessité peut être invoqué pour passer outre à cette interdiction. Sans doute ces notions devront-elles être affinées avant de pouvoir parler d'une politique claire en la matière.
Il existe un réel danger que les directives du ministère public ne soient pas suivies avec exactitude et que l'opération échappe au contrôle du parquet. Les services de police ont à plusieurs reprises exprimé le désir de disposer d'une plus grande autonomie au niveau du choix des opérations et leur conduite.
La force probante des formations recueillies pose également un problème de taille. La commission s'est demandé comment préserver l'anonymat des informateurs et assurer leur protection lorsqu'ils témoignent en justice (14). La commission a examiné en particulier comment l'utilisation de ces informations pouvait être conciliée avec les règles de la CEDH.
Quoi qu'il en soit, il paraît clair que l'on ne pourra pas résoudre les problèmes que pose la lutte contre les organisations criminelles uniquement en appliquant simplement des techniques spéciales d'enquête. Sans la moindre coopération du public, sans la contribution des co-auteurs ou complices, le monde des organisations criminelles reste hermétiquement fermé à toute enquête.
Voilà pourquoi l'on a insisté pour que le public participe au travail de recherche, de concert avec la radio, la presse et les autres médias : en faisant appel au sens civique, l'on peut résoudre bon nombre de crimes. Le pouvoir judiciaire belge s'est montré trop longtemps méfiant à l'égard des médias et réticent vis-à-vis des programmes de télévision qui en appelaient à la population pour qu'elle contribue à identifier les auteurs de faits délictueux ou à faire la clarté sur des éléments restés mystérieux (15).
La promesse de récompense peut constituer un incitant supplémentaire dans cette perspective louable. Par ailleurs, l'on peut créer une certaine obligation de dénonciation dans le cadre de la lutte contre la fraude, contre les dangers au niveau des soins de santé ou contre la distorsion du marché économique (16). L'on ne peut pas toujours considérer la vente ou la fourniture de produits stratégiques comme des actes de complicité avec la grande criminalité qui se commet à l'aide d'armes, d'appareils et d'équipements.
2.4. Coopération de co-auteurs ou de complices
Le ministère public peut, en application du principe d'opportunité, mener une politique visant à conclure certains accords avec des co-auteurs ou des complices d'organisations criminelles. L'exercice du droit de poursuivre offre suffisamment de latitude pour permettre un classement, une médiation ou un acquiescement. Par ailleurs, on dispose aussi en Belgique de certaines formes d'exemption ou de réduction de peine (17). La divulgation ne peut donner lieu jusqu'à ce jour, à une exemption de poursuite que dans le cadre de la législation sur les stupéfiants, mais rien n'empêche le législateur d'étendre cette possibilité de collaboration avec la justice à d'autres délits (18) : l'on pourrait également créer la statut de repenti en Belgique. Le sénateur Boutmans a même proposé d'instaurer une exemption exceptionnelle de peine pour quiconque passerait aux aveux dans l'affaire des tueries du Brabant wallon (19).
Si les services de police ne s'attaquaient jusqu'à ce jour qu'à des phénomènes ou à des délits déjà commis, l'on tente maintenant de s'attaquer aux racines de la criminalité. L'on n'attend plus que des délits soient commis, mais on agit de manière préventive : la notion de recherche proactive vaut pour l'ensemble de l'appareil policier et pour l'ensemble de son activité. On met de plus en plus l'accent sur une politique préventive dont l'objectif ne serait pas seulement de démasquer les auteurs mais aussi de rassembler des informations sur les organisations criminelles, leurs membres et leurs activités afin de permettre leur démantèlement (20).
Il ne s'agit pas directement d'exercer des poursuites, mais d'étudier leurs structures, d'analyser les montages passibles de poursuites, de rassembler des informations et de comprendre leurs méthodes et leurs tactiques. L'enquête administrative et l'enquête judiciaire s'enchevêtrent et la confusion des deux objectifs entraîne un manque de transparence.
Il est nécessaire de doter cette recherche proactive d'un statut légal, faute de quoi on risque de porter atteinte à la vie privée du citoyen quand l'objectif est purement administratif. Le plan d'action du gouvernement contre le crime organisé insistait déjà sur la nécessité de doter la recherche proactive (21) d'un cadre légal et, le 5 mars 1998, le Parlement a inséré dans le Code d'instruction criminelle (22) : le principe que l'article 28bis exclut toute forme de « recherche exploratoire ». Le gouvernement a annoncé que la règle serait précisée plus avant et que toute violation serait sanctionnée (23).
Un respect plus strict de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée, une plus grande transparence et surtout un contrôle adapté de la recherche proactive pourrait sans doute offrir de meilleures garanties face aux abus (24). Il conviendra surtout d'adopter le rôle du magistrat du parquet à la nouvelle politique pénale.
2.6. Les services de police dans la lutte contre la criminalité organisée
Enfin, la commission a dressé un inventaire des institutions judiciaires susceptibles de participer à la lutte contre la criminalité organisée. Il s'agit certes d'une description sommaire d'éléments très liés au temps, qui évoluent même et dont on n'a parfois qu'une très vague idée.
La gendarmerie est incontestablement le service public le mieux équipé pour lutter contre les organisations criminelles : les moyens, la structure et aussi l'esprit des effectifs s'y prêtent. La gendarmerie occupe une place stratégique dans la collecte des renseignements parce qu'elle connaît le terrain à fond et a les contacts requis avec la population (25).
La police judiciaire dispose sans aucun doute d'un personnel très qualifié, qui est surtout spécialisé dans les délits financiers et les affaires d'homicide, mais la logistique laisse à désirer, l'entraînement du personnel est insuffisant et la dissémination dans 22 parquets ne lui permet pas de mener une politique adéquate. Il n'est dès lors pas surprenant que la police judiciaire doive se limiter à certains créneaux de la criminalité : le trafic de drogue, le grand banditisme et le terrorisme.
Par ailleurs, la police judiciaire est fréquemment chargée de missions confidentielles en matière de contrôle des informateurs, d'enquêtes financières et d'enquêtes scientifiques (26).
La police communale est un service de première ligne : elle est une source d'information idéale pour les services judiciaires. Elle est en contact direct avec la population, ce qui lui permet de disposer de données qu'aucun autre service ne pourrait obtenir. En outre, dans plusieurs villes, on a créé des brigades opérationnelles très efficaces qui jouent un rôle important dans la lutte contre la criminalité (27).
Il faut que les informations que ces services d'enquête recueillent puissent être gérées de manière appropriée. La commission estime qu'il est indispensable que les services chargés de la gestion de l'information soient séparés des services opérationnels. Ces services d'appui doivent être placés sous le contrôle d'un magistrat du ministère public (28).
On a estimé que l'analyse criminelle revêtait une importance cruciale dans la lutte contre la criminalité organisée; elle doit être placée sous le contrôle effectif d'un magistrat et, de plus, ce service d'appui devrait travailler indépendamment des services de police (29). Il faudrait par conséquent charger de l'analyse criminelle un service national qui serait placé sous le contrôle des parquets, du collège des procureurs généraux, des magistrats nationaux ainsi que du ministre de la Justice.
On fait la distinction entre les informations douces, qui sont des données non vérifiées et non confirmées et les informations dures, qui sont consignées dans un procès-verbal. Il n'existe pas encore de directives claires concernant la conservation de ces informations (30).
2.7. La coopération policière internationale
La criminalité organisée requiert généralement une approche internationale; dès lors, il ne faut pas sous-estimer l'importance de la coopération avec les services de police d'autres pays. La commission estime que dans sa forme actuelle, la coopération avec les services de police étrangers ne donne pas satisfaction : le contrôle de l'opportunité et de la légalité de la coopération est quasiment impossible du fait que cette coopération est conçue sur une base purement informelle (31).
Il faudrait que la coopération internationale soit plus transparente et mieux contrôlable. Une structure de police intégrée serait déjà un pas important dans la bonne direction.
Reste le problème du ministère public, qui joue un rôle clé dans la procédure pénale en Belgique. Il s'agit non seulement de l'application de la loi pénale, mais aussi de la constitution du dossier pénal, de la direction des enquêtes, du contrôle des enquêteurs et, en cas de criminalité grave, du recours aux techniques spéciales d'enquête.
Il ne fait aucun doute que la répartition du ministère public entre 27 arrondissements judiciaires provoque une dispersion qui nuit à la communication au sein de l'appareil de la justice et qui constitue un obstacle de taille à une lutte efficace contre la criminalité organisée (32).
En outre, les parquets sont confrontés à un manque chronique de personnel et certains magistrats sont dans l'impossibilité absolue de concentrer leur attention et leur énergie sur la criminalité organisée (33). Il faudra également améliorer nettement la formation des magistrats du parquet si on veut qu'ils aient une connaissance suffisante des pratiques quotidiennes de police : il faut que la formation, et surtout la formation permanente restent la préoccupation majeure de la direction des parquets.
Trop souvent, les magistrats du parquet sont tellement surchargés de travail qu'ils n'ont plus de vue d'ensemble de la criminalité, qu'ils subissent le fonctionnement de la police sans réagir et qu'ils oublient même qu'il faut coordonner la politique au niveau du parquet lui-même.
On dénonce le manque de moyens, d'équipement, de spécialisation suffisante, même s'il ne faut pas perdre de vue que ces situations dépassées s'améliorent progressivement (34). Alors que par le passé, on se plaignait d'une trop grande distance entre les parquets généraux et les parquets, il apparaît que la concertation se développe de plus en plus et que les relations sont beaucoup plus souples.
Étant donné que ces rapports entre les parquets généraux et les parquets et même entre les magistrats du parquet sont en pleine évolution, il n'a pas toujours été facile pour la commission de se faire un idée de la situation actuelle et il n'est pas exclu qu'en raison du manque d'informations, on n'ait pas suffisamment mis en évidence certaines évolutions favorables (35).
C'est ainsi qu'après la publication du deuxième rapport intermédiaire le 14 mai 1998, le procureur général de Gand a pu écrire que l'on n'avait pas tenu compte suffisamment des efforts que son parquet général avait déployés dans l'organisation d'organes de concertation avec les membres de son ressort.
Il a cité les exemples suivants :
la création d'une concertation sur les enquêtes entre le parquet et les services de police;
la conception et l'introduction progressive d'un nouveau système de traitement des informations simples par les services de police, ce qui épargne du travail aux parquets et crée par conséquent des nouvelles possibilités;
des réunions régulières dans le ressort avec les procureurs du Roi, parfois en présence des auditeurs du travail;
des contacts téléphoniques quotidiens entre les magistrats du parquet de première instance et les membres du parquet général;
l'organisation et la participation à des réunions de concertation à la suite de problèmes concrets se posant dans certains dossiers pénaux;
une limitation sensible de l'information écrite obligatoire fournie par les parquets;
la diffusion d'information à l'aide de formulaires;
la rédaction de l'ensemble des actes d'accusation, même dans les affaires qui sont traitées par le procureur du Roi de Bruges devant la cour d'assises;
l'envoi de l'ensemble de la documentation utile;
l'organisation de discussions sur place avec le procureur du Roi et ses substituts pour chercher une solution commune à certaines difficultés, aux erreurs fréquentes, etc.;
l'organisation de stages, certes, à échelle restreinte, à Middelburg (et vice-versa : programmes d'échange);
la mise à disposition de qualifications-types (délits en matière d'hormones) et de l'ensemble de la jurisprudence qui présente un quelconque intérêt en la matière;
l'introduction d'une évaluation annuelle de l'ensemble des magistrats du parquet, devant permettre d'établir objectivement, en toute ouverture à l'égard de l'intéressé, les éléments à la fois positifs et négatifs de son travail, et, si nécessaire, de les améliorer;
la désignation d'un avocat général qui s'occupera plus particulièrement de la problématique qui fait l'objet du rapport de la commission;
etc.
Il faut se réjouir de pareilles initiatives qui devraient servir d'exemple à d'autres instances judiciaires.
Mais les magistrats du parquet général ne sont pas, eux non plus, suffisamment spécialisés dans la maîtrise de la criminalité organisée. Pour pouvoir exercer un contrôle des enquêtes proactives, il faut davantage de connaissances et de formation (36). C'est pourquoi plusieurs membres de la commission estiment qu'il faut créer un parquet fédéral : il devrait devenir l'organe opérationnel pour poursuivre la criminalité organisée, alors que le collège des procureurs généraux aurait plutôt un rôle de consultation et de contrôle.
L'avis qui a été recueilli à propos des magistrats nationaux est très favorable : dans de nombreux secteurs, ils ont joué un rôle décisif pour lancer l'action publique (37).
La commission a constaté que l'on fait preuve de pas mal d'improvisation dans le domaine de la recherche des infractions et que l'on n'exerce guère de contrôle, soit parce qu'il n'existe pas d'organe de contrôle, soit parce que ces organes ne sont pas à même d'accomplir leur mission. Il est évident qu'il faut des règles légales : le parquet, qui doit être le pivot de l'enquête, n'est pas suffisamment équipé, ni suffisamment préparé pour pouvoir accomplir ces tâches. Un parquet fédéral pourrait jouer un rôle important en la matière (38).
La discussion relative aux techniques spéciales d'enquête et à l'enquête proactive figure entièrement dans le deuxième rapport intermédiaire, qui est repris sur ce point comme définitif. La partie de ce rapport concernant l'appareil policier et l'appareil judiciaire en Belgique ne figurera pas dans le présent rapport parce qu'elle est quelque peu dépassée en raison des réformes découlant de l'accord octopartite.
2.9. Le deuxième rapport intermédiaire (partim)
La criminalité évolue, et aux délits « plutôt spontanés » viennent s'ajouter les agissements d'entreprises criminelles puissamment organisées et soutenues, avec la conséquence que la police classique ne permet plus de protéger la société contre les formes complexes de criminalité.
C'est précisément le caractère organisé de la criminalité qui tient la police en échec dans sa mission répressive, laquelle consiste à élucider les délits en recherchant des indices matériels et en interrogeant les témoins et les suspects. Les organisations criminelles se caractérisent par le fait qu'elles intègrent la réaction policière dans la planification de leurs opérations, tant et si bien qu'elles ne laissent guère d'indices matériels et que, de surcroît, elles lancent les enquêteurs sur de fausses pistes. Les violences que les entreprises criminelles commettent sur les témoins ou les informateurs éventuels empêchent souvent de procéder avec la fermeté voulue aux auditions des témoins et suspects.
La nécessité de recourir aux techniques spéciales d'enquête est indéniable mais ces méthodes font peser sur les services de police une très lourde responsabilité, car il est à craindre qu'elles constituent elles-mêmes une menace pour l'ordre juridique démocratique.
Le recours à des techniques spéciales d'enquête implique en effet que le représentant de l'autorité, en l'occurrence le fonctionnaire de police, s'écarte des principes de confiance et de loyauté. En d'autres termes, il opère dans la clandestinité, il a dans certains cas recours à la ruse ou à la tromperie et enfreint parfois les libertés fondamentales des citoyens, notamment le respect de la vie privée.
Il n'est donc pas illusoire de craindre qu'une « lutte contre la criminalité organisée » mal comprise n'entame la valeur de notre vie en société par l'application incontrôlée des techniques spéciales d'enquête.
Lorsque l'enquête répressive classique ne suffit plus, il y a lieu de prendre des précautions légales quant aux procédures et au contenu afin d'éviter que ces méthodes ne portent atteinte à l'ordre juridique démocratique et aux libertés individuelles.
En publiant ce deuxième rapport intermédiaire, la commission d'enquête souhaite apporter sa contribution au débat sur la réforme des polices et le statut légal des techniques spéciales d'enquête.
Dans le but de garantir le caractère démocratique de ce débat, le présent rapport cite des documents confidentiels.
Il ressort des nombreuses auditions auxquelles la commission a procédé que le recours aux techniques spéciales d'enquête est un mal nécessaire pour combattre une criminalité qui est de plus en plus sophistiquée, notamment parce qu'elle s'infiltre dans les structures légales. Les techniques classiques d'enquête sont insuffisantes pour combattre de manière efficace ce phénomène et atteindre les dirigeants des organisations criminelles.
Certains auteurs (39) observent que le besoin de recourir à des techniques spéciales d'enquête s'est accru en raison de la multiplication du nombre d'« infractions consensuelles » c'est-à-dire d'infractions qui ne produisent pas de victimes directes ou du moins pas de victimes qui se déclarent personnes lésées auprès de la police (par exemple le trafic de stupéfiants, le travail au noir, les carrousels TVA où le préjudice est dispersé sur l'ensemble de la population). « Or, dans un système de contrôle social organisé, la victime est l'informateur privilégié de la police. (...) Face à cette transformation du droit pénal, la mise en oeuvre de stratégies undercover peut constituer un moyen efficace en vue d'exposer au grand jour des comportements déterminés et de permettre dès lors une intervention pénale » (40).
Par ailleurs, les organisations criminelles présentent un caractère international de plus en plus marqué. Ce sont de véritables multinationales qui créent des filiales dans les pays dont la législation est la plus favorable au développement de leurs activités criminelles. Il est indispensable dès lors de renforcer la coopération policière internationale mais celle-ci ne sera pleinement efficace que si une certaine harmonisation des techniques d'enquête existe. C'est dans cette perspective que s'inscrivent déjà certaines dispositions de conventions internationales, incitant les États contractants à prendre des mesures afin de permettre l'utilisation de certaines techniques spéciales.
Ainsi, la Convention d'application des Accords de Schengen du 19 septembre 1990 (41) et la Convention des Nations unies du 19 décembre 1988 contre le trafic illicite des stupéfiants et des substances psychotropes (42) (43) contiennent des dispositions incitant les États contractants à autoriser les livraisons surveillées (44).
De même, la Convention d'application des Accords de Schengen prévoit une base légale pour permettre aux polices qui mènent une opération d'observation de traverser les frontières limitrophes (45). On retrouve la même préoccupation dans le projet de Convention de l'Union européenne sur l'assistance mutuelle entre les administrations douanières, qui autorise l'observation transfrontalière (46).
Cependant, l'emploi de ces techniques, qui se caractérisent par leur caractère secret, l'utilisation de ruses et la pénétration des milieux criminels, accroît l'urgence qu'il y a à mettre en balance deux intérêts qui ont tous deux leur importance : d'une part, la lutte contre la criminalité, qui se fait de plus en plus menaçante pour notre ordre social et, d'autre part, les exigences, tout aussi impérieuses dans une société démocratique, de respect des libertés individuelles, dont la vie privée (article 22 de la Constitution et article 8, CEDH), les droits de la défense et le droit à un procès équitable (article 6, CEDH). Est-il besoin de souligner que l'usage incontrôlé de ces méthodes, sans même les subordonner à des conditions strictes, est une caractéristique des régimes autoritaires ?
Il s'impose donc de doter rapidement ces techniques spéciales d'un cadre légal précis qui en définira les conditions de mise en oeuvre et d'exécution, et qui, d'autre part, en confiera le contrôle et la direction à une autorité différente de celle qui exécute la mission, à savoir les autorités judiciaires.
En outre, l'enquête policière a fortement évolué; cette évolution est marquée par un mouvement à la fois de spécialisation, de diversification et d'anticipation, c'est-à-dire que l'enquête débutera de manière de plus en plus proactive (47). Elle visera moins des faits déterminés que des groupes de suspects potentiels (48). Si l'on peut admettre que cette anticipation dans l'enquête constitue une évolution inéluctable dans la lutte contre la criminalité organisée, il faut cependant garder à l'esprit qu'elle est de nature à modifier la logique de fonctionnement du système pénal. Le problème de l'équilibre entre la nécessité de la répression et la protection des libertés individuelles se pose à nouveau de manière aiguë. L'acuité du problème a encore été récemment mise en évidence par le projet Rebel, visant un « screening » du milieu turc et mené, sans contrôle réel, par la gendarmerie (49). Cette question devient encore plus pressante lorsqu'on sait que la recherche proactive implique nécessairement l'utilisation de techniques spéciales d'enquête.
La notion de technique spéciale d'enquête ne se prête pas aisément à une définition formelle, étant donné que son contenu a un caractère évolutif.
Cela explique pourquoi le groupe de recherche que dirigeait le professeur Fijnaut et qui avait été chargé par la commission Van Traa de l'étude approfondie de ces techniques n'a pas donné de définition formelle des techniques spéciales mais a préféré les situer dans le cadre de l'enquête et du système juridique, pour en citer ensuite directement les principales formes (49) (50) :
« La commission définit l'enquête comme étant la collecte, l'enregistrement et le traitement, par les fonctionnaires compétents, de données et informations sur des délits présumés et des délits graves imminents qui ont été ou qui seront commis dans un cadre organisé, en vue du prononcé d'une sanction pénale. Comme la collecte et/ou le traitement des données s'inscrivent dans le cadre d'actes d'enquête, ils servent aux autorités judiciaires ou au juge pénal à statuer dans le cadre de la procédure pénale. Le présent chapitre traite de l'aspect juridique des méthodes d'enquête suivantes : a) l'observation; b) le recours à des informateurs; c) l'infiltration; d) les autres modes de collecte d'informations, comme l'analyse criminologique, les études phénoménologiques et la recherche financière. Ces méthodes impliquent une série de techniques que l'on considère comme constituant également en soi des méthodes d'enquête à part entière. Dans le chapitre consacré à l'observation, l'on se penche aussi, à titre exceptionnel, sur les méthodes d'enquête déjà réglementées par la loi, comme l'écoute téléphonique et l'interception de la correspondance, qui ne constituent pas des techniques « spéciales » d'enquête au sens strict, puisque l'on a déjà légiféré à leur égard. Pour la commission, le caractère spécial des méthodes examinées vient en partie du fait qu'elles sont régies, non pas par des dispositions légales, mais par la simple jurisprudence et, parfois, par des règles formulées par une autre autorité que le législateur formel. Mais les écoutes téléphoniques et l'interception du courrier méritent déjà d'être examinées dans le cadre de la présente étude rien qu'en raison de leur caractère spécifique : le recours à ces méthodes doit rester secret (du moins temporairement), le recours à ces moyens de coercition plus puissants que les autres moyens prévus dans le Code est justifié à la lumière des délits futurs et les résultats qu'ils permettent d'obtenir peuvent avoir souvent une valeur significative dans le cadre d'une enquête dans un autre dossier. »
De même, dans son ouvrage consacré aux techniques spéciales dans les systèmes juridiques étrangers (51), le professeur P.J.P. Tak ne donne pas de définition des techniques qu'il examine.
À cet égard, le commissaire général de la police judiciaire, Chr. De Vroom, a émis, lors de son audition par la commission, le souhait de voir les différentes techniques spéciales d'enquête définies dans une loi afin, d'une part, de donner une justification juridique à l'action policière et, d'autre part, de préserver le principe de la loyauté dans la recherche de la preuve (52).
Dans l'élaboration des textes légaux, il conviendra d'être attentif aux deux paramètres souvent asymétriques suivants :
d'une part, la définition des techniques spéciales face à une évolution permanente des moyens d'action et de réaction des organisations criminelles : la loi doit laisser subsister la possibilité pour les services policiers de réagir de manière constamment novatrice aux contre-stratégies qui pourraient être utilisées par les organisations criminelles grâce à la connaissance qu'elles auraient des techniques policières. Un témoin s'est référé à cet égard à la pratique, usuelle en Belgique, du pseudo-achat qui est fréquemment détectée par les milieux criminels car les pseudo-acheteurs sont toujours les mêmes et offrent toujours la même somme d'argent;
d'autre part, il y a la nécessité de créer un cadre juridique général intégrant ces méthodes, malgré leur aspect évolutif, dans une enquête policière qui obéit aux principes fondamentaux (53).
L'expérience actuelle permet de caractériser les techniques spéciales d'enquête comme suit :
1. Les techniques spéciales d'enquête sont conçues comme une méthode de recherche d'infractions commises ou dont il existe des indices sérieux qu'elles vont se commettre, et, de plus, comme une méthode d'identification des auteurs de telles infractions. Elles sont utilisées par les services de police en vue de poursuites pénales.
On a cependant constaté ces dernières années une nette tendance des services de police à développer ces techniques à des fins de renseignement et non plus seulement dans le cadre de la recherche ou de la poursuite de faits ou de personnes déterminées.
Les services de renseignements, dont la finalité n'est pas judiciaire, utilisent également certaines de ces techniques (par exemple l'observation) dans le but de prévenir toute atteinte à la sûreté publique. La circulaire ministérielle du 24 avril 1990 sur les techniques spéciales d'enquête, adaptée par la circulaire du 5 mars 1992, et citée dans la proposition de loi de M. Coveliers du 22 juin 1992, (doc. Chambre, SE 1991-1992, nº 540/1), ne s'applique pas à la Sûreté de l'État. Celle-ci est pourtant demandeuse de règles claires et précises dans ce domaine. Un groupe de travail interne à la Sûreté examine actuellement cette problématique. En la matière, il faut évidemment tenir compte des spécificités de la Sûreté, qui ne recherche pas des infractions mais joue plutôt un rôle en matière de prévention (54).
2. Ces techniques sont spéciales en ce que leur mise en oeuvre peut porter atteinte à des droits et à des libertés fondamentaux, tels que le respect de la vie privée, et à des principes fondamentaux de la procédure pénale tel que le principe de loyauté dans la recherche de la preuve (55).
3. En outre, la plupart d'entre elles ne sont pas ou peu réglementées. Leur réglementation n'est pas accessible au citoyen ni même aux magistrats du siège.
Les techniques spéciales d'enquête peuvent être regroupées en quatre catégories (56) :
1. Les méthodes undercover, qui se caractérisent par leur caractère secret (l'agent dissimule sa qualité de policier ou de tiers travaillant pour la police), par l'utilisation de ruses (l'agent échafaude un scénario afin de gagner la confiance d'une personne, dans le but de constater une infraction ou de rassembler des informations relatives à un crime ou à un délit) et par une interaction, c'est-à-dire un contact direct entre l'agent et l'auteur potentiel (57).
2. L'observation (sensu lato ), qui peut être définie comme « l'observation, à l'aide de moyens techniques ou sans ceux-ci, de personnes, d'objets ou de situations déterminés afin de recueillir des informations » (58).
3. Le recours aux informateurs.
4. L'analyse criminelle sensu lato , qui comprend notamment l'enquête sur des phénomènes, l'analyse criminelle (sensu stricto ) et les analyses financières.
L'utilisation de techniques spéciales par les services de police en Belgique s'est développée, ces dernières décennies, de manière exclusivement empirique, en dehors de toute réglementation spécifique.
Sous l'influence de la jurisprudence tant interne qu'européenne, la Belgique s'est dotée, en 1991, d'une législation, insérée dans le Code d'instruction criminelle, notamment l'article 88bis , fixant les conditions d'application et de contrôle des mesures de repérage de communications téléphoniques; en 1994, les articles 90ter à 90decies concernant les écoutes, la prise de connaissance et l'enregistrement de communications et de télécommunications ont, à leur tour, été insérés dans le Code d'instruction criminelle. Ces articles qui prévoyaient de manière détaillée et stricte les conditions de mise en oeuvre et d'application des mesures d'écoutes sont actuellement soumis à révision, en vue d'adapter ces dispositions aux évolutions technologiques, d'en assouplir les modalités d'exécution et d'en étendre le champ d'application (59).
L'affaire François et plus récemment l'affaire Reyniers ont de plus mis en évidence tous les dangers de dérive que comporte l'usage de techniques spéciales en dehors de tout cadre légal et sans contrôle adéquat. L'affaire François a conduit le ministre de la Justice de l'époque à édicter la circulaire ministérielle confidentielle du 24 avril 1990 (60).
Cette circulaire, qui devait régir cette matière sensible dans l'attente de l'adoption d'une législation, est actuellement toujours en vigueur. Elle a été partiellement remaniée par une circulaire du 5 mars 1992.
Dans son plan d'action contre la criminalité organisée, présenté en juin 1996, le gouvernement prévoit à cet égard : « Si l'usage de telles techniques est une nécessité absolue, il ne peut compromettre les droits de la défense, la protection juridique des informateurs, des fonctionnaires de police et des magistrats ou la sécurité publique en général. Une réglementation par voie législative de ces techniques spéciales de recherche et un contrôle approfondi de celles-ci doivent dès lors être élaborés.
L'actuelle circulaire relative aux techniques particulières de recherche est certainement un instrument utile, mais doit désormais être dotée, pour les raisons susmentionnées, d'une base légale. À cet effet, les ministres de la Justice et de l'Intérieur introduiront un projet de loi-cadre dans lequel seront élaborés les principes, les modalités d'application, les droits à sauvegarder et les contrôles à intégrer.
Cette loi-cadre est préparée par le groupe de travail « criminalité organisée » qui a été constitué au sein du ministère de la Justice. Un avant-projet de loi sera soumis au Conseil des ministres avant la fin du premier semestre 1997 (61). »
La commission d'enquête constate que cet avant-projet de loi est toujours en cours de préparation.
La circulaire ministérielle constitue sans doute une première amélioration par rapport à l'absence totale de réglementation. Elle a le mérite notamment de réaffirmer l'obligation de respecter dans toute action policière, même la plus délicate au regard des droits individuels, le principe de loyauté, impliquant l'interdiction de la provocation ainsi d'ailleurs que les principes de proportionnalité et de subsidiarité.
Elle ne donne cependant pas une base suffisante à des méthodes qui ne répondent pas aux exigences de transparence et de contrôle de l'action policière.
Elle n'envisage par ailleurs qu'un nombre très limité de techniques, sans distinguer selon l'ampleur de l'atteinte qui est effectivement portée aux droits et libertés individuels, tels le droit au respect de la vie privée. Ainsi la circulaire traite-t-elle de l'observation, sans distinguer selon le type de moyens techniques et l'endroit où ils sont utilisés. On concevra par exemple aisément que les règles d'utilisation de caméras ou d'appareils similaires soient modulées selon qu'on utilise ces appareils dans des lieux publics ou dans des propriétés privées.
Il ne servirait à rien de se borner à de vagues généralités. Il convient de décrire avec précision les modus operandi afin qu'il soit possible de mesurer l'impact que ces méthodes ont sur les droits et libertés individuels.
Voilà pourquoi le 9 janvier 1998, la commission a adressé un courrier personnel aux cinq procureurs généraux, au commandant de la gendarmerie, au commissaire général de la police judiciaire ainsi qu'aux chefs des services de renseignements pour qu'ils précisent quelles sont exactement les techniques spéciales d'enquête utilisées en Belgique et qu'ils expriment les difficultés qu'ils rencontrent actuellement ainsi que leurs attentes quant à l'évolution dans la pratique de ces techniques.
La commission a reçu dans un premier temps une réponse collective du collège des procureurs généraux, de la gendarmerie et de la police judiciaire.
Dans un second temps, les cinq procureurs généraux ont répondu individuellement à la commission, transmettant les réponses collectées auprès des procureurs du Roi de leur ressort.
La commission a, en outre, obtenu des données du Service général de renseignements et de sûreté de l'armée (SGR) et de l'administration de la Sûreté de l'État.
Sur la base de ces renseignements, la commission s'est livrée à un examen approfondi des différentes techniques spéciales d'enquête.
1. Méthodes undercover (méthodes sous couverture)
L'infiltration : est une technique particulière de recherche qui consiste, pour un fonctionnaire de police, à entrer, sous une identité fictive en contact ou à maintenir celui-ci avec des individus qui participent à des activités criminelles graves, ou à l'égard desquels existent des éléments objectifs qui laissent présumer qu'ils commettent des délits graves ou qu'ils sont sur le point de le faire (52).
Selon la gendarmerie, elle peut avoir pour objectif de rassembler des informations qui devront servir de matériel probatoire et à l'identification des membres d'une organisation criminelle.
Aux Pays-Bas, l'infiltration est définie par le collège des procureurs généraux comme étant « Le fonctionnaire de police ou le citoyen qui, sous le couvert ou non d'une fausse identité (55), sous l'autorité du ministère public et sous le contrôle de la police, infiltre le milieu criminel et (62) y accomplit ou y accomplira les actes ad hoc (63) ou fournit à une organisation (criminelle) des biens ou des services pour permettre la recherche et la poursuite d'auteurs de faits commis ou à commettre (64) (traduction ).
On peut, dès lors, faire une distinction entre, d'une part, les infiltrations qui sont effectuées par des fonctionnaires de police et celles qui sont effectuées par des citoyens appartenant ou non au milieu criminel et, d'autre part, les opérations d'infiltration de courte durée (pseudo-achat, achat de confiance, livraison surveillée et livraison contrôlée...) et celles de longue durée (le « frontstore » et « l'infiltration-projet »).
La circulaire ministérielle du 24 avril 1990, telle qu'adaptée par la circulaire du 5 mars 1992, trace le cadre général relatif à la mise en oeuvre de cette technique.
La mise en oeuvre de l'infiltration est subordonnée aux conditions généralement applicables en la matière, à savoir le respect des principes de proportionnalité et de subsidiarité, l'interdiction de la provocation. Elle autorise uniquement l'infiltration de courte durée, et ce notamment aux fins de préserver l'anonymat et l'intégrité physique, psychique et morale des policiers infiltrants. Par ailleurs, la circulaire exclut la possibilité, pour l'infiltrant, de participer à des délits ou des crimes graves.
L'infiltration est soumise à l'autorisation écrite et préalable du procureur du Roi, qui est chargé de veiller à la régularité de l'administration de la preuve et, éventuellement, si l'affaire est déjà à l'instruction, également à l'accord du juge d'instruction. La circulaire prévoit en outre que le service de police qui sollicite l'accord du procurer du Roi doit l'informer de manière complète et fidèle afin de lui permettre de vérifier si les conditions générales sont remplies. Ces informations seront consignées dans un rapport écrit, confidentiel, rédigé par l'officier de police judiciaire chargé de l'opération et contresigné par le chef de service. Les éléments de ce rapport mettant en péril la sécurité des indicateurs, des policiers infiltrants ou de leurs proches sont couverts par le secret professionnel.
En ce qui concerne le déroulement de l'opération, la circulaire stipule que le procureur du Roi et, éventuellement, le juge d'instruction doivent être tenus au courant de manière précise du déroulement de l'opération et peuvent l'interrompre à tout moment.
L'exécution de telles opérations est réservée à des policiers spécialement formés à cet effet. Le recours à des infiltrants civils est interdit.
La circulaire stipule que l'anonymat de l'agent infiltrant doit être préservé, tout en permettant aux éléments de preuve recueillis d'être utilisés devant les tribunaux. À cet égard, la circulaire semble permettre la rédaction du procès-verbal par un officier de police judiciaire, autre que l'agent infiltrant.
Cette technique est actuellement rarement utilisée. Ainsi a-t-elle été utilisé à quatre reprises en 1996 dans la lutte contre la criminalité organisée (65) et plus spécifiquement en matière de stupéfiants et uniquement par des équipes spécialisées de la gendarmerie et de la police judiciaire.
Dans leur réponse collective, le collège des procureurs généraux, la gendarmerie et la police judiciaire ont émis le souhait que dorénavant, dans un souci d'efficacité, on permette des infiltrations de plus longue durée. On devrait également prévoir une réglementation particulière du régime des infractions commises par l'agent infiltrant. Ces infractions ont trait, d'une part, à la construction de la couverture de l'agent infiltrant (fausse identité) et, d'autre part, aux infractions qu'il lui sera nécessaire de commettre durant l'infiltration. Ils considèrent, en outre, qu'on pourrait autoriser, à des conditions strictes dont, notamment, la réalisation d'une enquête préalable rigoureuse, l'infiltration par des civils.
À cet égard, un procureur du Roi relève qu'en tout cas, une réglementation univoque de l'infiltration par des membres du milieu criminel s'impose. En effet, il n'est pas toujours facile de faire une distinction entre l'envoi d'un informateur et l'infiltration d'une organisation.
Enfin, les personnes interrogées signalent que cette technique est, pour plusieurs raisons, onéreuse. De plus, les services de police nationaux ne disposent que de moyens humains limités. L'on doit disposer, pour une opération d'infiltration, d'un personnel correctement formé et disponible pendant une période prolongée. Le nombre d'agents spécialement formés à cet effet devrait dès lors être augmenté. L'on ne peut perdre de vue que l'agent qui joue le rôle de l'infiltrant subit une pression psychologique éprouvante.
Un autre procureur du Roi observe que l'infiltrant vit dans un « monde fictif » qui nécessite qu'on le réglemente.
Un collègue souligne qu'à l'heure actuelle, une action coordonnée, une concertation systématique et une entraide judiciaire en matière pénale sont devenues indispensables dans la mesure où l'on veut obtenir des résultats au niveau international.
À titre comparatif, aux Pays-Bas, cette technique ne peut être mise en oeuvre qu'à la lumière d'une affaire criminelle concrète (à laquelle on peut s'attendre) et non pas dans le but essentiel de recueillir des informations » (66). Le ministère public devra rendre compte du déroulement de l'opération au juge du fond : une infiltration dont le déroulement ne peut être retracé n'est pas possible.
Par ailleurs, compte tenu de cette transparence, l'agent infiltrant, contrairement à l'informateur, opère en vue de fournir des éléments de preuve en tant que témoin.
S'il n'opère pas comme témoin (par exemple, parce qu'il s'agit d'un civil qui veut préserver son anonymat), les informations qu'il aura fournies pourront uniquement légitimer la mise en oeuvre d'autres méthodes d'investigation.
La mise sur pied d'une opération d'infiltration par une personne se livrant à des activités criminelles (infiltrant civil criminel) est en principe interdite (67). Elle ne pourra être organisée que dans des cas tout à fait exceptionnels et moyennant le respect de conditions strictes et la mise en place d'un contrôle renforcé (68). Par contre, le recours à des civils non criminels, comme infiltrants, n'est pas exclu.
1. a) Opérations d'infiltration de courte durée
Le pseudo-achat : est une technique particulière de recherche qui consiste pour une personne, en principe un fonctionnaire de police, à se présenter ou à être présentée auprès d'un individu comme acheteur potentiel d'un bien qui est le produit ou l'objet d'une infraction et dont cet individu désire transférer la propriété pour son compte ou le compte d'autrui (69).
Cette technique a pour but essentiel de contribuer à réunir des preuves de délits liés à l'objet de la pseudo-transaction, de localiser cet objet et de le saisir ainsi que d'identifier les personnes impliquées en vue d'engager contre elles des poursuites pénales efficaces.
La circulaire ministérielle stipule que le pseudo-achat est subordonné à l'interdiction de la provocation. Des éléments précis doivent être fournis à cet égard au procureur du Roi. L'opération doit en outre satisfaire aux conditions de proportionnalité et de subsidiarité.
La mise en oeuvre de cette technique est subordonnée à l'autorisation préalable et écrite du procureur du Roi, et éventuellement du juge d'instruction, qui seront tenus au courant de manière précise du déroulement de l'opération.
La circulaire précise en outre que les procès-verbaux relatifs à l'opération sont dressés de manière complète et fidèle par l'officier de police judiciaire chargé de la direction de l'opération. À titre exceptionnel, les renseignements mettant en péril la sécurité de l'indicateur, du pseudo-acheteur ou de leurs proches sont omis.
À l'heure actuelle, cette technique est utilisée exclusivement par des fonctionnaires de police; ce n'est que dans des cas exceptionnels et moyennant l'autorisation expresse du procureur du Roi qu'il sera fait appel à des pseudo-acheteurs civils. En outre, pour ce qui est du rôle éventuel de personnes appartenant ou non au milieu criminel, il faudra en tout cas s'en tenir à l'introduction de policiers pseudo-acheteurs.
Cette technique est souvent utilisée. La réponse collective susvisée à la commission fait état de quelque 150 pseudo-achats, réalisés annuellement par la gendarmerie et la police judiciaire, en matière de drogue, de recels et de vols graves, de faux monnayage, d'hormones, d'armes et d'explosifs, de trafic des êtres humains et d'escroquerie. Selon le rapport annuel « crime organisé », cette technique a été utilisée en 1996 dans 14 enquêtes faites en vue de lutter contre la criminalité organisée (70).
Les milieux criminels, et spécialement ceux de la criminalité organisée, percent à jour cette méthode. Cela a conduit d'autres pays à l'abandonner. Par conséquent, la technique du pseudo-achat est dépassée pour ce qui est de la lutte contre les hautes sphères de la criminalité organisée. Les organisations criminelles s'efforcent de percer l'anonymat de l'informateur et de l'infiltrant en plaidant la provocation. En outre, il n'est pas aisé, dans la pratique, et, en particulier, dans le domaine du trafic de drogue, de faire la distinction entre l'infiltration et la provocation. La technique du pseudo-achat reste cependant efficace pour ce qui est de la lutte contre les échelons inférieurs. De plus, elle permet aux policiers d'acquérir une expérience qui peut leur être utile dans le cadre d'opérations d'infiltration ultérieures.
À cet égard, un procureur du Roi signale qu'à plusieurs reprises, on a mis fin à des opérations de pseudo-achat parce que l'informateur persistait à vouloir s'engager de manière trop active dans l'opération et que le danger de provocation devenait dès lors trop grand.
Cette constatation amène certains à plaider pour que le concept de « provocation » soit défini dans un contexte plus large et plus moderne. Il serait dès lors opportun de distinguer l'offre criminelle de la provocation.
D'autres estiment par ailleurs que l'on devrait développer et perfectionner les moyens techniques (l'ensemble des moyens audiovisuels et les systèmes de tracking) (71) pour assurer un bon accompagnement des pseudo-acheteurs professionnels et les aider à réunir des preuves. À l'étranger, les tribunaux considèrent depuis quelques années qu'il faut absolument des preuves audiovisuelles sur support magnétique ou électronique pour pouvoir condamner, surtout parce que ces preuves permettent d'établir clairement qu'il n'y a pas eu provocation policière.
De plus, la magistrature assise est peu familiarisée avec les techniques particulières de recherche la circulaire ministérielle a, en effet, un caractère confidentiel et elle n'en a pas eu connaissance.
Un procureur du Roi relève que la complexité de la technique et les délais parfois longs pour obtenir les moyens ou les autorisations constituent souvent des obstacles et une source de découragement. D'autre part, la collaboration transfrontalière dans ces dossiers est également difficile.
Enfin, il existe une vive tension quant à la question de savoir si les rapports internes doivent demeurer confidentiels, pour garantir l'anonymat de l'informateur et de l'agent sous couvert, ou s'ils doivent permettre l'information complète du juge d'instruction.
Le « flash-roll » : Il s'agit d'une variante du pseudo-achat; l'agent exhibe des sommes d'argent à des vendeurs potentiels de marchandises ou d'objets prohibés d'origine délictueuse, en vue de feindre un achat (72).
L'argent qui est exhibé reste en la possession de l'agent et les conditions de sécurité sont prévues.
Cette technique est autorisée par la circulaire ministérielle du 24 avril 1990, dans les mêmes conditions que le pseudo-achat.
Elle est fréquement utilisée dans le cadre du pseudo-achat.
Dans quelques arrondissements, le flash-roll est parfois exécuté par des civils appartenant ou non au milieu criminel.
Dans leur réponse collective, le collège des procureurs généraux, la gendarmerie et la police judiciaire constatent, en ce qui concerne l'avenir de cette méthode, que le milieu criminel exige de plus en plus souvent d'autres garanties que de l'argent cash (par exemple des garanties bancaires).
Pour l'application de cette méthode, les problèmes suivants se sont posés. La procédure est très longue, les sommes disponibles pour ce genre d'opérations ont été réduites au fil des ans et on les qualifie maintenant d'insuffisantes. On devrait également pouvoir disposer de devises étrangères.
La défense prétend parfois que des agents sous couvert sont intervenus en tant que pseudo-acheteurs intéressés et solvables, si bien que l'on peut parler de pression morale sur les suspects, tenant lieu de provocation.
L'achat de confiance (ou achat test) : Il s'agit d'une autre variante du pseudo-achat; dans ce cas, l'agent infiltré achète une petite quantité de marchandise prohibée pour mettre son interlocuteur en confiance en vue d'une opération plus importante de pseudo-achat.
L'on essaie de renforcer les liens avec le milieu criminel et de réunir davantage d'informations (achat de confiance). L'on cherche également à vérifier les dires du vendeur ainsi que la qualité de la marchandise (échantillon) proposée à la vente (achat test).
Cette technique est autorisée par la circulaire ministérielle du 24 avril 1990, dans les mêmes conditions que le pseudo-achat.
Dans leur réponse collective, les autorités judiciaires précisent que cette technique n'est utilisée que de manière tout à fait exceptionnelle. Ainsi elle a été utilisée dans deux enquêtes en 1996, dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée (73).
L'on doit en effet procéder avec prudence, pour éviter d'injecter trop d'argent dans une organisation criminelle, si l'on n'est pas raisonnablement certain de pouvoir procéder à un pseudo-achat. En outre, les fonds disponibles sont limités.
La pseudo-vente : dans ce cas, l'agent tente d'écouler des marchandises constituant le produit ou l'objet de l'infraction (74).
Il résulte de la réponse susvisée que cette technique n'est pas utilisée en Belgique à l'heure actuelle.
La livraison surveillée (ou encore envoi accompagné ou saisie différée) : il s'agit d'une technique particulière d'enquête qui consiste à laisser se poursuivre, sous un contrôle policier permanent, un transport illégal de marchandises connu des services de police, en vue d'une intervention policière au lieu de destination finale ou à un point de contrôle (75).
En Belgique, la circulaire ministérielle du 24 avril 1990 précise que l'envoi accompagné ou la saisie différée est une technique spéciale d'enquête mise en oeuvre par un service de police dans le cadre d'une instruction et sous le contrôle d'un magistrat.
Cette opération est subordonnée au respect des conditions générales de proportionnalité et de subsidiarité. Elle ne se justifie que pour permettre, soit de disposer d'éléments de preuve supplémentaires, soit d'identifier d'autres auteurs, soit de protéger un indicateur, un pseudo-acheteur ou un policier-infiltrant.
Elle est subordonnée à l'autorisation préalable et écrite du procureur du Roi du lieu de l'opération ainsi qu'à celle du procureur du Roi du lieu où l'intervention est prévue ou, le cas échéant, à l'autorisation du magistrat national, ainsi qu'éventuellement à l'autorisation du juge d'instruction concerné.
Le procureur du Roi du lieu de l'intervention agit comme magistrat chargé de l'affaire.
Cette technique, ainsi que la livraison contrôlée examinée ci-dessous sont régulièrement utilisées. La police judiciaire et la gendarmerie y ont recours une septantaine de fois par an. Elles concernent essentiellement le transport international. On les utilise essentiellement en matière de drogue, et dans une moindre mesure, aussi dans le trafic d'armes, de voitures volées, dans la traite des êtres humains, en matière d'hormones et de hold-up.
La loi française du 19 septembre 1991, relative au renforcement de la lutte contre le trafic de stupéfiants, prévoit aussi le recours à cette technique.
Les travaux préparatoires à ladite loi définissent cette technique comme « la méthode consistant à épier le passage sur le territoire de marchandises prohibées ou d'origine délictueuse en retardant l'interpellation des intermédiaires et la saisie, afin d'appréhender, autant que possible, les véritables commanditaires du trafic. L'attitude des agents est purement passive, puisqu'ils se bornent à laisser passer la marchandise illicite en surveillant les passeurs sans coopérer activement avec eux. Comme le souligne à juste titre Ch. Joubert, il ne s'agit pas à proprement parler d'une méthode sous-couverture puisqu'il n'y a ni interaction, ni stratagème, mais d'une forme particulière d'observation qui, le cas échéant, peut précéder une opération sous-couverture » (76).
Aux Pays-Bas, une distinction est opérée entre le fait de laisser circuler des « substances dangereuses et/ou nuisibles » et le fait de laisser circuler des « substances non nuisibles ou non dangereuses ». Il existe pour l'instant une interdiction pour le ministère public et la police d'organiser une livraison surveillée de produits qui peuvent s'avérer dommageables ou dangereux pour la santé ou la sécurité de la population. De telles opérations ne seront possibles que dans des cas tout à fait exceptionnels et moyennant le respect de conditions strictes et un contrôle renforcé.
La livraison contrôlée : dans ce cas, les agents détiennent et transportent les marchandises prohibées. Ils vont se charger eux-mêmes de la livraison (71). Cette technique, également prévue par la législation française en matière de stupéfiants, doit être distinguée de la livraison surveillée. En effet, lorsqu'ils utilisent la livraison contrôlée, les policiers ne se bornent plus à suivre l'acheminement de la marchandise mais interviennent plus activement dans le processus de livraison en achetant, en détenant ou en transportant eux-mêmes des stupéfiants et en orientant la livraison. Par voie de conséquence, ils sont amenés à commettre des faits punissables (77).
Dans le cadre de la collaboration internationale, cette technique est régie par les articles 1, g) et 11 de la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, faite à Vienne le 19 décembre 1988 (Tractatenblad, 1989,p. 97) approuvée par la loi du 6 août 1993,Moniteur belge du 21 mars 1996, ainsi que par l'article 73 de la Convention d'application de l'Accord de Schengen du 19 juin 1990 (approuvé par la loi du 18 mars 1993, Moniteur belge du 15 octobre 1993) qui s'inspire de la convention précitée (78).
La livraison contrôlée, qui n'est pas distinguée de la livraison surveillée dans la circulaire ministérielle du 24 avril 1990, a été utilisée dans 7 enquêtes en 1996, dans la lutte contre la criminalité organisée (79).
Dans leur réponse collective, les autorités judiciaires insistent sur l'importance des techniques de livraison contrôlée et de livraison surveillée dans le contexte international (article 73 de la Convention d'application des Accords de Schengen, en matière de stupéfiants et de substances soporifiques). Les effectifs qui peuvent être engagés sont limités et consacrent la majeure partie de leur temps à l'accomplissement des missions rogatoires internationales. On constate également que, si la Belgique demande effectivement des garanties d'intervention à l'étranger, elle ne dispose d'aucun recours au cas où le pays en question s'abstiendrait d'intervenir.
Enfin, ils relèvent que la technique de la livraison contrôlée n'est organisée dans la circulaire ministérielle du 24 avril 1990 que pour les deux services nationaux de police, alors que les douanes ont également, en matière de stupéfiants, une compétence spécifique basée sur l'article 7 de la loi du 24 février 1921 sur les substances stupéfiantes. La question mérite d'être examinée, car les services de douane disposent d'un réseau de correspondants performant et de possibilités très souples d'échange d'informations qui ont été définies dans la Convention de Naples (cf. supra, p. 7, note 6).
La rom (reconnaissance opérationnelle du milieu) est une forme particulière d'infiltration à court terme visant à obtenir un maximum d'informations qui serviront à la préparation d'une enquête subséquente, combinée ou non à d'autres méthodes particulières de recherche. Elle est souvent assimilée à l'étude d'un milieu (cf. infra, p. 42).
Cette méthode, qui n'est pas mentionnée dans la circulaire ministérielle du 24 avril 1990, a été utilisée dans 3 enquêtes en 1996, concernant la lutte contre la criminalité organisée » (80).
Selon certains procureurs du Roi, elle devrait connaître un regain d'intérêt dans le cadre de la recherche proactive. Il s'agit en effet d'une technique qui permet d'obtenir des renseignements concrets et fiables. Elle requiert toutefois un effort important en termes de moyens et de personnel. C'est principalement en raison de ces facteurs que cette technique est rarement utilisée. Il est évident, dès lors, qu'il faut d'urgence des moyens supplémentaires.
1.b) Opérations d'infiltration à long terme
Le frontstore : cette technique consiste à permettre à un fonctionnaire de police agissant sous une fausse identité de rendre des services à l'organisation criminelle (pendant une longue période) pour contribuer par son action à récolter des informations et fournir des preuves (81). Les firmes-écrans (agents de change, entreprises de transport, etc.) servent de véritables couvertures.
Elle est définie plus exactement par le collège des P.G. néerlandais (82) comme : « La création ou l'exploitation, par les services de police, sous l'autorité du ministère public, pour le bénéfice d'une organisation criminelle, d'une société-écran ou d'une structure de sociétés-écran aidant ladite organisation en lui offrant des biens et des services au moment où elle le demande. » (traduction)
En Belgique, cette technique n'est actuellement pas autorisée par la circulaire ministérielle, qui ne permet que les infiltrations de courte durée. Son application est cependant réclamée par les services de police qui considèrent qu'elle est particulièrement efficace dans la lutte contre certains types de criminalités organisées et, particulièrement, celle de type économico-financier (83).
Dans leur réponse collective, le collège des procureurs généraux, la gendarmerie et la police judiciaire ont confirmé que, cette technique n'étant pas visée par la circulaire ministérielle, les services de police n'étaient pas autorisés à constituer des frontstores dans notre pays.
Selon eux, cette méthode devrait pouvoir être utilisée en combinaison avec l'infiltration. Comme les criminels utilisent les biens et les services proposés, l'on peut se faire une meilleure idée à leur sujet.
Une base légale semble indispensable pour conclure des accords avec les autorités (administration du fisc, tribunal de commerce, etc.) en ce qui concerne la création et le fonctionnement des frontstores.
L'observation : Il s'agit d'une technique particulière de recherche utilisée par un service de police, où un ensemble de personnes ou de moyens est mis en oeuvre en vue de recueillir, de manière discrète, des informations ou des éléments de preuve concernant certaines personnes ou certaines affaires (84).
Elle est définie par le collège des procureurs généraux néerlandais comme une surveillance, à l'aide de moyens techniques ou non, de personnes, d'objets et de situations en vue de recueillir des informations » (85).
L'observation peut être effectuée soit de manière dynamique, auquel cas elle s'apparente à la filature, soit de manière statique, lorsqu'elle se fait à partir d'un point d'observation fixe.
Cette méthode se distingue de l'infiltration par l'absence d'interaction avec les personnes observées, mais doit néanmoins être classée parmi les techniques spéciales d'enquête dans la mesure où elle autorise le recours à des appareils qui joueront, tout comme l'agent infiltrant, un rôle de surveillance portant souvent atteinte à la vie privée.
L'observation transfrontalière, forme particulière de filature, trouve déjà une base légale dans l'article 40 de la Convention d'application des Accords de Schengen et doit inciter les États membres à adopter une réglementation précise de cette technique. En effet, l'article 40 prévoit que l'opération transfrontalière devra être menée dans le respect des règles en vigueur dans l'État où l'opération se poursuit.
Selon la circulaire ministérielle du 24 avril 1990, l'observation peut accompagner les autres techniques réglées par la circulaire ou faire l'objet d'opérations distinctes.
La circulaire ministérielle s'applique aux différentes formes d'observation suivantes :
1º L'observation prolongée , qui est définie comme l'observation qui s'exécute pendant une période de plus de cinq jours consécutifs, quelle que soit la fréquence des opérations d'observation au cours de cette période, ou pendant plus de cinq jours non consécutifs répartis sur une période d'un mois.
Les observations plus courtes échappent dès lors à toute réglementation spécifique, si elles ne s'accompagnent pas de moyens techniques spécifiques.
Cette analyse est confirmée par un procureur du Roi qui précise que cette technique est utilisée dans presque tous les dossiers relatifs à la drogue. Il s'agit de plus souvent d'observations de courte durée qui sont effectuées par les policiers chargés de l'enquête. Dans beaucoup de cas, l'observation permet d'avoir rapidement un aperçu de la situation sans trop de formalités administratives. Les observations qui tombent sous le coup de la circulaire sur les techniques policières particulières sont plus rarement utilisées.
2º L'observation technique , qui nécessite la mise en oeuvre de moyens techniques de captation ou d'enregistrement d'image ou de son (par ex. : installation d'une camera de jour ou de nuit pendant une longue période, installation d'appareils de « tracking » (86)), à l'exception de moyens optiques normaux.
L'utilisation de ces appareils est un moyen de limiter le coût (essentiellement en personnel) et le caractère dangereux de ces opérations. Ces appareils permettent en outre de rassembler un meilleur matériel probatoire.
Les unités spéciales de la gendarmerie disposent notamment des moyens techniques suivants, et pourront soit installer soit utiliser ces moyens qui requièrent une certaine connaissance technique :
appareillage de localisation et de surveillance;
appareils spéciaux pour l'enregistrement d'images;
explosifs sweeping (87);
audio sweeping (contrôle de la présence d'émetteurs permanents ou d'écoutes téléphoniques);
enregistrements sonores et mise en place d'équipements de surveillance des lignes téléphoniques;
amélioration des enregistrements sonores;
détecteurs de métaux.
3º L'observation internationale comprend :
a) l'observation réalisée en Belgique à la demande d'autorités judiciaires étrangères avec la participation éventuelle de policiers étrangers;
b) l'observation effectuée à l'étranger par des services de police belges.
4º L'observation spécialisée , qui est réalisée par des unités spéciales de la gendarmerie [ESI (88) et POSA (89)] ou de la police judiciaire (de la 23e Brigade GSO (90) et les groupes ROTOR) (91).
Selon les moyens techniques utilisés, la gendarmerie distingue :
L'observation statique , qui se réalise à partir d'un point fixe. Ce type d'opération est en principe menée par les unités territoriales, qui reçoivent cependant un soutien technique en cas d'observations statiques de longue durée qui nécessitent l'utilisation de moyens techniques particuliers. Elle pourra cependant être exécutée par les unités spéciales lorsqu'elle relève de leurs missions.
L'observation dynamique ou mobile : la personne à observer est suivie à pied ou en voiture, en bateau ou en avion.
En ce qui concerne la gendarmerie, c'est en principe le BCR qui désigne celui qui doit exécuter la mission. Normalement, les observations mobiles en voiture sont exécutées par les unités spéciales. Toutefois, les unités territoriales peuvent appliquer elles-mêmes cette méthode dans trois cas bien définis : en situation d'extrême urgence, dans l'attente de l'intervention des unités spéciales ou lorsqu'il y a lieu de procéder à des observations mobiles de courte durée, uniquement en vue d'une localisation ou d'une identification. Enfin, elles pourront, moyennant le respect de certaines conditions, mener des observations mobiles en voiture dans des cas de petite criminalité, pour lesquels on ne peut pas faire appels aux unités spéciales (ex. : transactions sur la voie publique ne relevant pas de la criminalité organisée).
Les observations mobiles à pied, dans le cadre de la lutte contre la petite criminalité, qui relève de priorités locales et a lieu dans des espaces relativement limités (on pense notamment aux transactions qui se déroulent dans une rue, sur une place ou dans un dancing, aux vols à l'étalage,...), sont menées par les unités territoriales.
La contre-observation a pour objectif de détecter si le milieu criminel observé n'a pas mis en oeuvre une observation. Ce type d'observation est exécutée par les unités spéciales qui agissent éventuellement en collaboration avec les unités territoriales.
La circulaire ministérielle soumet la mise en oeuvre d'une observation au respect des conditions générales de proportionnalité et de subsidiarité.
Elle prévoit en outre qu'une observation ainsi définie ne peut se faire que dans le cadre d'une recherche ou d'une enquête orientée vers des activités criminelles ou vers des personnes à l'égard desquelles existent des éléments objectifs qui font présumer qu'elles commettent des délits ou crimes graves ou sont sur le point de le faire.
L'observation ne peut faire appel à des moyens qui sont interdits par la loi.
Selon la gendarmerie, l'observation pourra avoir comme finalité, soit de rassembler des informations quand les techniques classiques d'investigation ne fournissent pas de résultat (on parlera alors d'observation défensive : il s'agit alors uniquement de rassembler des informations), soit de déclencher une intervention au moment le plus favorable (on parlera alors d'observation offensive : la mission doit déboucher sur une intervention).
La circulaire ministérielle prévoit que le service de police qui décide de procéder à une observation doit en informer, au préalable, par un rapport écrit et confidentiel, le procureur du Roi et éventuellement le juge d'instruction. Lorsque l'urgence des opérations n'a pas permis cette information, le magistrat doit être informé le plus rapidement possible. Le rapport doit préciser notamment les éléments qui justifient l'opération et le type d'observation que l'on envisage.
Le magistrat national est préalablement informé de toute observation internationale.
Les magistrats précités pourront interdire l'observation ou y mettre fin s'ils estiment que la vie privée de certaines personnes est ou serait troublée de manière inacceptable.
Afin d'éviter les actions inopportunes, la gendarmerie et la police judiciaire doivent se concerter avant toute observation envisagée.
La circulaire ministérielle précise que les corps de police (communale) urbaine qui souhaitent recourir à une observation technique, internationale ou spécialisée, s'adressent pour sa réalisation au chef de service de la gendarmerie ou de la police judiciaire.
En ce qui concerne la réalisation de l'opération, la circulaire ministérielle prévoit que les renseignements recueillis devront être mis à la disposition des tribunaux, mais que l'anonymat des policiers engagés doit être préservé. L'ensemble des constatations sont consignées dans des rapports d'observation journaliers (éphémérides). Les documents techniques (photos et bandes audio ou vidéo) sont joints à ces rapports. Le procès-verbal est rédigé par le chef de service, si l'observation produit des éléments de preuve indispensables à la manifestation de la vérité.
L'observation, sans plus de précisions quant aux modalités adoptées, a été utilisée dans 83 enquêtes en 1996, dans la lutte contre la criminalité organisée (92).
Selon la réponse collective du collège des procureurs généraux, de la gendarmerie et de la police judiciaire, la gendarmerie et la police judiciaire mènent annuellement 850 observations dynamiques au total.
Plusieurs procureurs du Roi constatent qu'il est absolument nécessaire d'étoffer le matériel technique existant ainsi que les effectifs des services spécialisés tels que POSA (93) et GSO (94). Il arrive que des informations importantes sur des faits criminels soient inutilisables par manque d'équipes ou de caméras d'observation. En la matière, le parquet est tout à fait dépendant de la capacité opérationnelle des services de police. En fait, ce sont les services de police qui fixent les priorités.
À cet égard, un procureur du Roi observe : « Même lorsqu'un magistrat du parquet donne son accord pour appliquer une technique policière particulière, c'est le BCR de la gendarmerie qui a le pouvoir de décider en dernière instance si l'on peut utiliser une technique donnée. C'est aussi ce service qui décide si le budget y alloué est suffisant. Est-ce que cela ne revient pas à donner une trop grande puissance et un trop grand pouvoir de décision à un service qui ne doit fournir, en fait, qu'un appui ? »
Les autorités interrogées soulignent en outre le fait qu'en raison notamment de l'obligation d'accéder aux requêtes d'assistance judiciaire qui émanent de l'étranger (article 40 de la Convention d'application de l'Accord de Schengen) à ce sujet, on se trouve confronté à des problèmes de capacité qui nécessitent des choix douloureux pour ce qui est des priorités.
Il y a lieu d'arrêter un règlement relatif aux faits punissables qu'un agent de police commet dans le cadre d'une opération d'observation (par exemple, le fait de provoquer un accident de la circulation qui engage la responsabilité civile).
Enfin, il y a lieu aussi d'arrêter un règlement relatif à la destination des rapports d'observation. Les rapports d'observation qui ne donnent pas lieu à des poursuites pénales ne sont pas transmis automatiquement au ministère public. Or, il le faut, si l'on veut que le ministère public puisse en contrôler la légitimité.
L'observation peut notamment inclure le recours aux moyens techniques suivants :
L'écoute directe : « Le fait d'écouter ou d'enregistrer directement une conversation grâce à un moyen technique autre que le piratage d'un réseau de télécommunication sans participer à cette conversation et sans agir à la demande ou avec l'accord d'un tel participant » (traduction) (95), par exemple en plaçant des micros dans des lieux publics ou privés.
Aux Pays-Bas, le recours à cette technique est proscrit, en l'absence de législation spécifique en la matière (96).
En Belgique, l'écoute directe réalisée au moyen d'un appareil est visée sous le terme de « communication privée » et entre dès lors dans le champ d'application de la loi du 30 juin 1994 relative à la protection de la vie privée contre les écoutes, la prise de connaissance et l'enregistrement de communications et de télécommunications privées tant en ce qui concerne le principe de l'interdiction (dont la violation est sanctionnée par les articles 259bis et 314bis du Code pénal) que dans les articles 90ter et suivants du Code d'instruction criminelle qui organisent, par exception, la procédure d'écoutes, moyennant l'autorisation du juge d'instruction (97).
Lors de l'examen du projet de loi en question au Sénat, le ministre de la Justice avait cependant souligné devant la commission de la Justice : « concernant la possibilité d'ordonner la mesure à l'égard des lieux de résidence habituels, il faut souligner qu'il n'est pas dérogé au principe de l'inviolabilité du domicile. Il n'est dès lors pas autorisé de pénétrer physiquement dans un domicile privé à l'insu du résident ou sans son consentement, afin d'y placer, par exemple, un microphone (98) ».
Lors de l'audition de M. Vandoren, magistrat national, par la Commission de la Justice du Sénat, un commissaire avait fait observer « que dans le texte du projet, les écoutes semblent toujours porter sur des communications qui passent par un réseau de communication. Quelle est la procédure que devra suivre le juge d'instruction lorsqu'il désirera utiliser des micros qui devraient être installés au domicile privé du suspect sans le consentement de ce dernier ? Le Conseil d'État a suggéré que le projet précise les règles à observer en la matière. (99) »
« M. Vandoren convient qu'il y a lieu de régler ce problème. Il rappelle que dans la lutte contre la criminalité organisée, on recourt souvent à des taupes équipées, pour des raisons de sécurité, d'équipements de transmission corporels. Un problème peut se poser lorsque ces enquêteurs pénètrent dans un domicile privé. Il déclare par ailleurs être partisan d'une réglementation des appareils d'écoute » (100).
Dans le premier rapport d'évaluation de la loi sur les écoutes téléphoniques (couvrant la période du 3 février 1995 au 31 décembre 1995), il est précisé : « La loi du 30 juin 1994 ne s'applique pas uniquement à l'écoute des communications téléphoniques. La loi règle l'interception de communications en général; la mesure peut donc être ordonnée tant pour des communications verbales directes (par exemple, le placement de microphones dans des habitations), que pour des télécommunications ou radiocommunications. » Cette interprétation inexacte de la loi est confirmée par le second rapport d'évaluation de la loi (annexé au rapport de la commission de la Justice de la Chambre, qui contient la discussion du projet de loi modifiant la loi du 30 juin 1994 relative aux écoutes téléphoniques) (101) (102).
À l'heure actuelle, on a perdu de vue que la loi sur les écoutes, même si elle vise les écoutes directes, ne permet pas la pose de micros dans des habitations privées. Cette confusion résulte du fait que la loi sur les écoutes, essentiellement consacrée aux écoutes de télécommunications, n'est toutefois pas adaptée à la technique des écoutes directes.
On est en droit de se demander si cette mesure particulièrement attentatoire aux libertés individuelles ne devrait pas être régie par une législation plus spécifique et précise, qui distinguerait notamment ses conditions de mise en oeuvre selon que les micros sont placés dans des lieux publics ou dans des lieux privés et a fortiori dans une habitation. Il convient en effet de respecter la disposition de l'article 15 de la Constitution qui stipule que « le domicile est inviolable; aucune visite domiciliaire ne peut avoir lieu que dans les cas prévus par la loi et dans la forme qu'elle prescrit » et de veiller au respect de l'article 8 de la CEDH, qui ne permet de dérogation au principe de l'inviolabilité du domicile que moyennant une loi suffisamment claire et précise.
La technique de l'écoute directe, sans autre précision quant aux modalités pratiques utilisées, a été appliquée à quinze reprises en 1996 dans la lutte contre la criminalité organisée (103).
Dans leur réponse collective adressée à la commission, le collège des procureurs généraux, la gendarmerie et la police judiciaire signalent uniquement que les services de police belge ne disposent pas de micros directionnels. On utilise cependant des micros cachés à l'occasion des infiltrations, des observations ou des pseudo-achats.
Un procureur du Roi précise que l'écoute directe est rarement utilisée seule. Elle accompagne l'intervention de pseudo-achat ou de pseudo-livraison. Elle a donc lieu là où des agents se trouvent et a parfois pour finalité principale la protection de l'agent infiltrant.
Un autre procureur du Roi signale que ce procédé est utilisé de temps à autre, généralement dans des affaires d'extorsion. Ces écoutes ont lieu soit dans un lieu public soit dans des habitations.
Enfin, un troisième procureur du Roi signale l'utilisation à trois reprises de cette technique, dont deux fois en combinaison avec des caméras cachées; dans le troisième cas, le micro avait été dissimulé dans une chambre d'hôtel.
La question de la légalité de la technique utilisée ne semble même plus se poser.
L'identification, le repérage et l'interception de télécommunications
Il s'agit de techniques d'enquête qui présentent toutes les caractéristiques d'une technique spéciale d'enquête et doivent dès lors y être assimilées. Mais contrairement aux autres techniques énumérées, le repérage des communications et les écoutes téléphoniques ont déjà fait l'objet d'une législation stricte (article 88bis pour le repérage et articles 90ter à 90decies du CIC, en ce qui concerne les écoutes téléphoniques).
À noter cependant que, si le recours au zoller est la technique spéciale qui a été la plus utilisée en 1996 dans la lutte contre la criminalité organisée (104), l'écoute téléphonique, en raison de la complexité de la procédure, est relativement peu utilisée (105).
Le gouvernement a dès lors déposé, le 12 juin 1997, à la Chambre des représentants, un projet de loi (106) visant à assouplir les conditions de réalisation de l'écoute, notamment en permettant à l'OPJ désigné de sélectionner, parmi la masse des communications interceptées, celles qui sont pertinentes pour l'instruction et qui dorénavant seront seules retranscrites (article 8 du projet) (107).
Afin d'insister sur le fait que le juge d'instruction porte la responsabilité finale pour l'application de la mesure d'instruction visée à l'article 90ter du Code d'instruction criminelle, le Sénat a remplacé l'article 90sexies par la disposition suivante :
« Sans préjudice de la sélection par l'officier de police judiciaire visé à l'alinéa précédent, le juge apprécie quelles sont, parmi toutes les informations, communications ou télécommunications recueillies, celles qui sont pertinentes pour l'instruction. Dans la mesure où ces informations, communications ou télécommunications n'ont pas été transcrites ou traduites conformément à l'alinéa premier, elles seront transcrites et traduites à titre additionnel. Le juge en fait dresser procès-verbal. » (cf . le rapport de M. Vandenberghe, doc. Sénat, 1997-1998, nº 1-828/3, pp. 32-33 et nº 1-828/7, p. 5).
Par ailleurs, le projet (article 6) ajoute à la liste des infractions pour lesquelles le recours aux écoutes téléphoniques est possible certaines infractions en matière de trafic et d'usage d'hormones. Le Gouvernement veut en réalité combattre par cette mesure une nouvelle forme de criminalité organisée qui s'est révélée être particulièrement bien implantée dans notre pays et qui n'hésite pas à recourir à la violence pour se protéger. Il convient de souligner à cet égard que les organisations criminelles et toutes les personnes qui y sont pénalement impliquées, peuvent faire l'objet des mesures de surveillance visées à l'article 90ter du Code d'instruction criminelle. En séance du 2 avril 1998, le Sénat a en effet adopté une version amendée du projet de loi relative aux organisations criminelles transmis par la Chambre et l'a renvoyé à celle-ci. En vertu de l'article 5 de ce projet, la mise sur écoute de conversations téléphoniques peut être ordonnée pour les infractions visées aux articles 324bis et 324ter du Code pénal, qui contiennent respectivement la définition de l'organisation criminelle et la qualification pénale des différentes formes d'implication dans une telle organisation (108).
Le projet de loi modifiant la loi du 30 juin 1994 sur les écoutes téléphoniques a enfin le grand mérite d'adapter la législation en fonction des nombreuses évolutions techniques que le domaine des télécommunications a connues ces dernières années (GSM, télécopieur, réseaux informatiques, internet...) et de réglementer l'interception ou le repérage des communications véhiculées par ces nouveaux modes de télécommunication.
Si l'interception de certains nouveaux modes de télécommunication (GSM, télécopieur) était légalement possible sous l'empire de l'actuel article 90ter , elle était très difficile voire impossible à réaliser dans certains cas. L'article 46bis du CIC (109) tel qu'il a été amendé par le Sénat, répond dès lors à une autre préoccupation des enquêteurs concernant les difficultés qu'ils rencontraient pour intercepter ou repérer certaines communications en raison de l'existence de numéros secrets, ou de la difficulté qu'ils avaient à identifier le titulaire d'un numéro connu. À cet effet, le projet crée un cadre légal pour l'identification de numéros secrets et, inversement, pour l'identification des titulaires de numéros connus. À l'heure actuelle, cette technique est déjà utilisée quotidiennement dans pratiquement tous les arrondissements judiciaires.
En ce qui concerne le repérage, il subsiste le problème qui est évoqué dans la réponse collective adressée à la commission par le collège des procureurs généraux, la gendarmerie et la police judiciaire ainsi que par plusieurs procureurs du Roi, en ce qui concerne l'utilisation, sans contrôle, de cartes d'appel (Tempo et proxi-go) pour les GSM, puisqu'aucun lien ne peut alors être établi entre l'utilisateur et un abonné déterminé. Contrairement aux Pays-Bas, par exemple, où les opérateurs de réseaux doivent pouvoir procéder à tout moment à l'identification d'un numéro d'appel, on ne maîtrise pas la situation en Belgique.
L'écoute GSM a été utilisée, dans la lutte contre la criminalité organisée, à six reprises en 1996 (110). Ces interceptions n'ont parfois pu être réalisées que grâce à la location d'appareils allemands très coûteux.
Les autorités concernées considèrent qu'elles ne disposent pas d'un matériel suffisant pour mettre en oeuvre ces techniques. Elles considèrent que des investissements supplémentaires sont indispensables.
On a, par ailleurs, eu recours, dans la lutte contre la criminalité organisée, à l'interception de télécopies à cinq reprises en 1996 (111).
Plusieurs procureurs du Roi observent que le fait que l'interception de communications téléphoniques soit subordonnée à l'autorisation du juge d'instruction exclut que cette technique puisse être utilisée dans le cadre d'une recherche proactive, ce qu'ils jugent regrettable.
Enfin, un procureur du Roi considère qu'il conviendrait de supprimer l'exigence de l'autorisation préalable du parquet général pour tous frais judiciaires supérieurs à la somme de 10 000 francs, étant donné que les frais afférents à de telles mesures dépassent toujours ce montant.
La surveillance par caméras
La circulaire ministérielle dispose uniquement que l'observation technique inclut la mise en oeuvre de moyens techniques de captation ou d'enregistrement d'image ou de son. Elle stipule par ailleurs que l'observation ne peut faire appel à des moyens techniques interdits par la loi.
Cette réglementation est tout à fait insuffisante et est propre à permettre des violations difficilement décelables de la vie privée.
Au niveau de l'Union européenne, le système belge est présenté comme suit : « The use of cameras and video is not regulated by law but is regarded as an acceptable technique. Evidence obtained by this method is treated in the same way as that obtained by observations » (112).
Il semble indispensable d'élaborer un projet de loi réglant les compétences relatives aux techniques spéciales d'enquête, afin de donner à l'observation un fondement légal et d'en limiter les possibilités d'application.
À titre comparatif, aux Pays-Bas, on distingue les formes suivantes de surveillance par caméra :
a) avec vue sur la voie publique (113);
b) avec vue sur un endroit fermé (tel que défini à l'article 441, b), du Code pénal néerlandais) (114);
c) avec vue sur des hangars (loods ) (115);
d) avec entrée dans des hangars (116);
e) avec vue sur une habitation (met zicht op woning ) (tel que définie à l'article 139, f), du Code pénal néerlandais) (117);
f) avec vue sur une habitation présentant un intérêt particulier (au sens de l'article 139, f), du Code pénal néerlandais) : cette hypothèse est à distinguer de la précédente dans la mesure où il existe des immeubles ou des bâtiments où les personnes préfèrent ne pas être signalées. Par exemple une maison de passe ou un sexclub;
g) avec vue dans une habitation (118).
Interrogés sur ces différentes formes de surveillance par caméra, le collège des procureurs généraux, la gendarmerie et la police judiciaire belges ont fourni la réponse particulièrement succincte suivante : « Les formes de surveillance a) à f) sont utilisées dans le respect des principes généraux relatifs aux techniques spéciales d'enquête. Elles sont signalées systématiquement au parquet, qui procède aux vérifications requises. »
Plusieurs procureurs du Roi confirment qu'ils ont déjà autorisé, notamment dans le cadre de recherches proactives, la pose de caméra avec vue sur des habitations privées.
Un procureur du Roi relève que cette technique fréquemment utilisée dans son arrondissement, permet une économie de personnel et peut être mise en oeuvre pendant une période prolongée. La caméra peut être dirigée vers la voie publique, mais aussi vers un espace fermé (généralement une habitation ou un entrepôt). On peut également placer une caméra dans des endroits librement accessibles (hôpitaux, commerces, ...) (119).
L'utilisation d'appareils photos (avec télé-objectifs) ou de lunettes d'approche
La circulaire ministérielle dispose uniquement que l'observation technique inclut la mise en oeuvre de moyens techniques de captation ou d'enregistrement d'image ou de son. Elle stipule par ailleurs que l'observation ne peut faire appel à des moyens techniques interdits par la loi.
L'observation peut se faire au moyen de lunettes de nuit, de caméras, d'appareils de repérage et de caméras video.
Dans leur réponse collective, le collège des procureurs généraux, la gendarmerie et la police judiciaire précisent uniquement que l'on utilise ces appareils d'enregistrement visuel pour faciliter l'observation classique.
Les capteurs de mouvements
Il s'agit d'appareils de détection qui captent et/ou enregistrent si un sujet ou un objet est statique ou en mouvement (moyens éventuels : capteur de mouvements ou détecteur vidéo) (120).
La circulaire ministérielle n'envisage pas l'utilisation de ce type d'appareils.
Dans leur réponse collective à la commission, les autorités susvisées précisent que l'on utilise des moyens techniques, tels que les « motion-detectors » ou les « time laps » , pour faciliter les observations. On peut utiliser les appareils un peu partout, à condition de respecter l'inviolabilité du domicile (sic ).
La gendarmerie et la police judiciaire utilisent ces moyens dans le cadre de leurs observations. »
Un procureur du Roi fait cependant observer qu'actuellement, on ne peut utiliser ce type d'appareils dans les lieux privés, ce qui pose problème. Il suggère dès lors qu'une loi autorise l'utilisation moyennant un mandat du juge d'instruction (qui peut également ordonner une perquisition). L'inconvénient serait alors qu'on ne pourrait pas y recourir dans le cadre des enquêtes proactives.
À titre comparatif, aux Pays-Bas, les conditions de mise en oeuvre de ce type de techniques d'observation dépendent de l'endroit où l'appareil est installé.
De même, les Pays-Bas ont réglementé précisément l'utilisation d'appareils permettant de suivre les déplacements d'un véhicule ou d'un objet. On mentionnera à cet égard les types d'appareils suivants utilisés aux Pays-Bas :
« Kermitbaken » : Détecte uniquement les mouvements d'un véhicule/d'un objet. Cette balise émettrice peut être placée sur un véhicule ou un objet, c'est-à-dire y être incorporée ou fixée. L'on détecte les mouvements grâce à des récepteurs (à placer). Ce moyen ne donne aucune information de fond (121).
« Argosbaken et appareils du même genre » : Détecte uniquement les mouvements avec des pauses de 2 à 4 heures grâce à un satellite et donne immédiatement les résultats sour la forme de coordonnées. L'on utilise ce moyen pour les transports de longue durée (maritimes, par exemple) (...). Il ne donne aucune information de fond (122).
« Geotach » : Détecte uniquement les mouvements, avec éventuellements des pauses très courtes (5 à 10 minutes), les résultats étant obtenus par la suite sous la forme de coordonnées. Jusqu'à présent, le placement du geotach sur le véhicule/l'objet, ainsi que l'obtention d'informations requièrent un acte physique (123).
« OT-Baken » : Dès que l'on engage l'équipe d'observation « OT », celle-ci peut utiliser des balises émettrices, par exemple l'« OT-baken » ou la « Kermitbaken ». Les balises utilisées par le groupe d'observation ne détectent que les mouvements et permettent de suivre un objet à distance. La plupart du temps, l'« OT-peilbaken » peut être placé de manière rapide et aisée sur un véhicule (124).
Il résulte de la réponse collective adressée par le collège des procureurs généraux, la gendarmerie et la police judiciaire à la commission que des appareils similaires (notamment les appareils gonio) sont utilisés en Belgique, comme techniques de soutien d'une opération d'observation. L'utilisation de tels appareils permet de faire des économies de personnel et de diminuer les risques que l'agent ne soit découvert. Elle requiert des capacités techniques telles qu'une centralisation des services de recherche est conseillée. Comme les pays européens utilisent des systèmes différents, des problèmes de compatibilité se posent.
L'interception de courrier
La circulaire ministérielle ne contient aucune disposition particulière à cet égard.
Aux Pays-Bas, on considère que l'interception de correspondance peut avoir lieu avec ou sans violation du secret de la correspondance.
Il y a violation du secret de la correspondance lorsque des paquets, des lettres, des documents ou autres messages confiés à la poste, au télégraphe ou à un autre organisme de transport sont ouverts et que l'on prend connaissance de leur contenu.
Par contre, il n'y a pas violation du secret de la correspondance lorsque l'on recueille uniquement des informations relatives au parcours du courrier (expéditeur-destinataire) et qui n'ont pas trait à son contenu (125). Cette position peut faire l'objet de controverses en Belgique.
Cette technique est réglementée par les articles 100 à 102 du Code pénal néerlandais.
En Belgique, à l'heure actuelle, les deux techniques ont déjà été utilisées par les services de police sans base légale; seule l'ouverture de courrier a été subordonnée à un mandat du juge d'instruction.
À nouveau, il conviendrait que la Belgique clarifie cette matière en se dotant d'une réglementation précise quant aux techniques admissibles et quant aux conditions à respecter lors de leur mise en oeuvre (126).
L'étude d'un milieu (milieuverkenning) : « Consiste à dresser un inventaire des contacts et des usages en observant les personnes et les situations du milieu (127). » Cette méthode est assimilée à la ROM en Belgique (128).
L'« inkijkoperatie » (l'inspection des lieux) : Cette technique venue des Pays-Bas est définie comme suit : « À l'insu des ayants droit et sans leur autorisation, le fonctionnaire de police pénètre, sans occasionner de dégâts, dans des entrepôts, hangars, box de garage... (mais non dans des habitations ou dépendances d'habitations car pour cela un mandat est requis afin de se rendre compte de la situation de l'intérieur ».
Le collège des procureurs généraux néerlandais l'a définie comme suit : « Le fait pour la police de pénétrer secretement dans des lieux, autres que les domiciles ou constructions assimilés, agissant sous l'autorité du ministère public en vertu d'une habilitation légale, afin d'établir si ces lieux recèlent des indices pouvant s'avérer utiles à la recherche de délits graves (129) ».
En Belgique, la gendarmerie et la police judiciaire utilisent exceptionnellement cette technique pour des délits relativement graves, et toujours avec l'accord d'un magistrat du parquet.
Le pouvoir de pénétrer implique bien entendu aussi le pouvoir moins étendu d'observer à l'intérieur, même si, pour ce faire, il faut par exemple percer une ouverture dans une paroi ou un toit (Hoge Raad, 31 mai 1994, NJ , 1995, 29; Hoge Raad, 19 décembre 1995, NJ , 1996, p. 249).
Un procureur du Roi précise que l'on peut éventuellement observer un espace privé avec des moyens techniques (par exemple, un endoscope), sans pénétrer dans l'espace lui-même.
L'utilisation d'informateurs : L'informateur pourrait se définir comme la personne qui, sous couvert de l'anonymat, fournit de manière régulière à la police des informations à propos des infractions commises ou en préparation ou à propos de leurs auteurs.
La circulaire ministérielle du 24 avril 1990 contient des directives relatives aux rapports que les services de police peuvent entretenir avec les indicateurs et concernant le traitement de l'information.
Ces directives concernent uniquement les informateurs ou indicateurs (130) « dont on peut ou on doit considérer qu'ils participent eux-mêmes à des activités du milieu criminel organisé ou qu'ils ont obtenu autrement que par hasard des informations provenant de ce milieu ou au sujet de celui-ci ».
D'autre part, ces directives visent uniquement les indicateurs qui fournissent des informations qui doivent avoir pour finalité de découvrir des auteurs d'infractions et de rassembler des preuves. Il semble dès lors que la récolte d'informations dites « douces » n'entre pas dans le champ d'application de la circulaire.
Par contre, la directive s'applique indépendamment du fait que :
les indicateurs espèrent obtenir un quelconque avantage en échange de l'information fournie;
qu'ils fournissent les informations spontanément ou sur demande;
qu'ils soient connus dans le milieu criminel sous leur nom ou sous un nom d'emprunt.
On peut se demander si cette dernière hypothèse ne permet pas dans une certaine mesure aux services de police de travailler avec des infiltrants civils, alors que cette technique est en principe interdite.
À cet égard, un procureur du Roi observe qu'actuellement, la relation entre l'informateur et les services de police et les limites de leur action sont insuffisamment réglementées et restent vagues. En effet, comment distinguer l'utilisation active d'un informateur et l'infiltration d'un informateur dans une organisation criminelle ?
qu'ils souhaitent ou non garder l'anonymat vis-à-vis des services de police.
On peut se demander comment le contrôle de ces informateurs demeurant anonymes vis-à-vis des services de police pourra être opéré.
À titre comparatif, aux Pays-Bas, l'informateur est défini comme une personne autre qu'un témoin (131) qui, moyennant certaines garanties sur le respect de son anonymat, fournit à un enquêteur, sur demande ou spontanément, des informations sur une infraction qui a été commise ou qui est sur le point de l'être (132). Une distinction est par ailleurs opérée entre l'informateur « spontané » (« informant sec ») (133) et l'informateur à qui la police ou le ministère public demande de recueillir des informations (134).
La circulaire ministérielle prévoit un système de protection de l'anonymat des informateurs; à cet effet, elle prévoit que tous les rapports et documents concernant les informateurs ne mentionneront qu'un numéro local d'identification de l'informateur. Le procureur du Roi ne pourra exiger que lui soit communiquée l'identité de l'informateur que s'il estime que cet élément est indispensable à l'exercice des attributions qui lui sont conférées par la présente circulaire. Dans ce cas, l'identité de l'informateur ne pourra cependant pas être divulguée au tribunal.
Il n'en demeure pas moins que l'officier de police judiciaire peut garder secrète l'identité de l'informateur, même à l'égard de son supérieur hiérarchique (notamment le procureur du Roi) s'il a promis le secret. Le principe de loyauté s'applique non seulement dans l'intérêt de l'inculpé, mais aussi dans celui de l'informateur ou de l'indicateur. Il va de soi que les renseignements ainsi obtenus ne peuvent être utilisés comme moyen de preuve (pas plus qu'ils ne possèdent de valeur probante).
Plusieurs procureurs du Roi relèvent que cet anonymat de principe est tout à fait insuffisant pour assurer la protection de l'informateur et de ses proches. L'organisation d'un système de protection adéquat s'impose dès lors spécialement en matière de lutte contre la criminalité organisée.
Les rapports avec les indicateurs sont organisés à un double niveau : local et national.
Au niveau local, la circulaire prévoit que dans chaque unité (district de gendarmerie, brigade de police judiciaire ou corps de police communale), un « gestionnaire des indicateurs » est désigné; il est responsable de la manière dont les contacts avec les indicateurs sont entretenus et du traitement des rapports établis à la suite de ces contacts. Il encadre les policiers dans leurs contacts avec les indicateurs et veille à leur intégrité. Il est en outre chargé de vérifier de façon approfondie les antécédents de chaque indicateur et les raisons pour lesquelles celui-ci souhaite fournir des informations. Le résultat de ces vérifications doit être consigné dans un rapport écrit.
Le policier qui entretient des contacts avec les indicateurs est dénommé « policier de contact ». Il est toujours assisté d'un deuxième policier de contact qui veillera à ce que toute manipulation du policier de contact soit évitée et assurera à l'indicateur une permanence de contact.
Chaque contact avec l'indicateur doit faire l'objet d'un « rapport de contact » à usage interne adressé au gestionnaire des indicateurs, de manière à lui permettre d'en assurer la supervision. Ces rapports mentionnent uniquement le numéro local d'identification de l'indicateur, dont l'identité est uniquement connue des policiers de contact et du gestionnaire des indicateurs.
Le gestionnaire des indicateurs veille à rassembler tous les renseignements concernant un indicateur, y compris les primes payées. Il évalue la fiabilité des informations communiquées par l'indicateur.
Le gestionnaire des indicateurs est chargé du contrôle de tous les indicateurs concernés par ces directives avec lesquels un membre de son service est en contact. Ce contrôle est effectué par « codage » accès codé à un système informatique central. L'encodage doit permettre au gestionnaire de vérifier si le code n'a pas déjà été enregistré précédemment par une autre unité locale et s'il n'est pas assorti d'une mention « n'est plus actif » ou « non fiable ».
Si l'indicateur est considéré comme non fiable, plus aucune initiative ne peut être prise pour entrer en contact avec lui. Par contre, si celui-ci fournit spontanément des informations à une unité locale, le gestionnaire des indicateurs qui a traité le dossier, devra décider d'y donner suite ou non. Lors de la transmission de ces informations au parquet, il doit être précisé si elles proviennent d'un indicateur considéré auparavant comme non fiable.
En ce qui concerne le traitement des informations au niveau local, la circulaire stipule que si l'information obtenue à la suite d'un contact avec un indicateur est en rapport avec la grande criminalité ou la criminalité organisée, le policier de contact rédige un « rapport d'information » destiné au gestionnaire des informateurs. Ce rapport mentionne uniquement le numéro d'identification local de l'indicateur.
Le gestionnaire des informateurs de la gendarmerie et celui de la police judiciaire se transmettent immédiatement une copie de chaque rapport d'information, sans faire mention de l'identité de l'indicateur ni de son numéro local d'identification.
En ce qui concerne la police communale, le gestionnaire local des informateurs transmet une copie de chaque rapport d'information aux gestionnaires des indicateurs de la gendarmerie ou de la police judiciaire.
Au niveau national, la circulaire crée un système national d'encodage des indicateurs, dénommé le « système de contrôle ». Ce système est placé sous la direction du magistrat national.
L'objectif de ce système de contrôle est d'informer les policiers concernés par les contacts avec les indicateurs :
qu'un indicateur se présente ou s'est présenté successivement chez plusieurs policiers;
qu'un indicateur est jugé non fiable ou n'est plus actif.
Dans le but de préserver l'anonymat de l'indicateur, seuls les numéros de code sont enregistrés dans ce système.
Au niveau national, les informations fournies par les indicateurs sont gérées par le BCR pour la gendarmerie et par le commissariat général et la 23e brigade pour la police judiciaire, qui désignent chacun à cet effet un « gestionnaire national de l'information ».
Ces services nationaux d'information sont placés sous l'autorité des magistrats nationaux. Ils traitent essentiellement les rapports qui leur sont transmis par les gestionnaires des indicateurs à propos d'affaires non localisables ou ayant un caractère supra-local ou international démontrable. Ils doivent échanger systématiquement leurs données et entretenir des contacts réciproques. Ils traitent et analysent l'information qui leur est envoyée et veillent à sa diffusion en maintenant le contact avec les gestionnaires locaux des indicateurs.
Le commissaire général de la police judiciaire, Christian De Vroom, a précisé à la commission que contrairement à ce qui est prévu par la circulaire, l'échange d'informations communiquées par les indicateurs ne se fait pas en raison du principe « need to know » motivé par la nécessité de protéger la source (135).
En outre, en raison des rapports tendus entre les deux corps, l'échange des icônes (codes), ainsi que de la liste noire des informateurs (136), a été interrompu pendant au moins six mois entre le BCR et la 23e brigade (137).
Les services nationaux d'information reçoivent les rapports d'information envoyés par les services étrangers.
Cette technique a été utilisée, en Belgique, à 51 reprises en 1996, dans la lutte contre la criminalité organisée (138).
La circulaire ministérielle du 24 avril 1990 règle les conditions dans lesquelles des primes sont payées aux indicateurs.
La prime est définie comme « une rétribution qui est payée en argent aux personnes qui ont fourni des informations ayant permis d'identifier ou de capturer les auteurs d'une infraction ou de retrouver le butin d'une infraction. »
Le principe général qui doit guider les services de police dans le paiement de primes est d'éviter que ce paiement n'ait pour conséquence que des activités criminelles soient organisées dans le seul but de bénéficier de ces primes ou que des activités criminelles qui pourraient être évitées ne perdurent.
Les primes sont en principe prélevées sur un fonds spécial du ministère de la Justice, géré par les magistrats nationaux.
Les primes sont en général payées uniquement a posteriori à des informateurs qui ont fourni des renseignements permettant l'identification d'un auteur ou la récupération d'un butin (139).
À l'heure actuelle, il semble que le ministère public ne soit averti du paiement d'une prime que si celle-ci dépasse 20 000 francs.
Les autorités compétentes considèrent, à cet égard, qu'il n'y a pas suffisamment d'uniformité dans les tarifs appliqués par les services de police. D'autre part, le montant des primes est relativement peu élevé, en particulier si on le compare aux montants versés dans les pays voisins.
Certains procureurs du Roi regrettent, en outre, que rien ne soit prévu pour couvrir les frais courants (notamment l'essence, le téléphone, ...) de l'informateur durant le cours de l'affaire. De plus, comme on ne récompense que l'information réactive, il est difficile d'obtenir des renseignements qui permettent d'appréhender la réalité. En outre, le système de récompense rend difficile l'utilisation active des informateurs. Pour l'avenir, il faudrait en tout cas développer de nouveaux systèmes légaux permettant de récompenser les informateurs (réduction de peine, etc.).
Il se peut également que des personnes morales ou physiques préjudiciées, telles des compagnies d'assurance, décident du paiement d'une prime. La circulaire ministérielle recommande aux services de police de ne pas intervenir dans ces opérations ou à tout le moins de se limiter au rôle de « boîte aux lettres ».
Au cours des auditions auxquelles elle a procédé, la commission a été étonnée du nombre peu élevé d'informateurs actifs codés. Elle n'a pu obtenir à cet égard aucune explication satisfaisante.
Diverses raisons peuvent cependant expliquer cet état de choses.
La première tient au double rôle de l'informateur. Celui-ci ne fournit pas uniquement à la police des informations relatives à des infractions et à leurs auteurs (qu'on qualifie d'informations dures), mais est encore à l'origine d'un flux de renseignements généraux (qualifiés d'informations douces) qui ne sont pas toujours utilisables comme telles.
La deuxième tient au fait que l'encodage n'est réellement un passage obligé, aux yeux de certains policiers, que si l'information doit être monnayée par le paiement d'une primé prélevée sur les fonds spéciaux. En effet, les primes ne peuvent être payées qu'à des informateurs codés et moyennant l'autorisation des magistrats nationaux.
Le paiement de primes apparaît comme un système subsidiaire dans la récolte des informations fournies par les indicateurs.
La commission n'a jamais pu obtenir de réponse précise quant à la nature des autres compensations éventuelles qui seraient accordées aux informateurs, dont il est établi qu'ils ne parlent pas par altruisme ou dans l'intérêt général.
Un procureur du Roi a signalé que les autres compensations souvent demandées par les informateurs sont des réductions de peine mais qu'aucune promesse préalable n'est jamais faite. On se limite à signaler à l'autorité compétente pour prendre la décision le rôle décisif qu'a joué un informateur, si cela a été le cas.
Un collègue rappelle une autre solution : le classement sans suite, en faveur d'un informateur « utile », d'un dossier de petite criminalité.
La commission constate que le système de codage tel qu'il est actuellement pratiqué ne permet pas d'opérer un contrôle satisfaisant des informateurs et que ce contrôle est matériellement irréalisable lorsque l'information ne concerne pas un fait précis, une personne précise ou une affaire précise.
4. Méthodes d'analyse criminelle (sensu lato)
L'enquête patrimoniale (140) : il s'agit d'une enquête portant sur le patrimoine du suspect, qui doit permettre de déterminer la provenance et l'importance de son patrimoine criminel, en vue de le saisir; cette technique trouve sa base légale dans la loi du 17 juillet 1990 modifiant les articles 42, 43 et 505 du Code pénal et insérant un article 43bis dans ce même Code (Moniteur belge du 15 août 1990) et consiste notamment en des vérifications des données cadastrales. Elle s'opère toujours sous le contrôle d'un magistrat (141).
L'enquête financière : « peut être définie comme une approche dans laquelle il est fait usage de connaissances, de méthodes et de techniques financières, économiques et comptables dans le but, d'une part, de contribuer à recueillir des preuves et, d'autre part, d'établir la provenance et la destination de patrimoines obtenus illégalement en vue de les saisir (142) ».
Ces deux techniques ont gagné en intérêt suite à la loi du 20 mai 1997 concernant la coopération internationale en matière d'exécution des saisies et des confiscations, et compte tenu de divers mécanismes de coopération internationale (Convention de Vienne contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, du 20 décembre 1988, approuvée par la loi du 6 août 1993; Convention en matière de blanchiment, faite à Strasbourg le 8 novembre 1990).
Plusieurs procureurs du Roi relèvent un manque de personnel spécialisé. En outre, ils signalent que la rétribution des experts-comptables est beaucoup trop basse, ce qui fait que l'on ne parvient pas à désigner des experts compétents.
Un procureur du Roi relève en outre les problèmes suivants :
l'absence d'une procédure judiciaire spéciale permettant de déterminer le montant du patrimoine illicite;
l'absence de réglementation relative à la saisie conservatoire et à sa gestion;
la nécessité de renverser la charge de la preuve;
le caractère facultatif de la saisie prononcée par le juge, conformément à l'article 42, 3º, du Code pénal.
L'analyse criminelle opérationnelle (143)
L'analyse criminelle opérationnelle permet de relier entre elles toutes sortes de données dans le but d'identifier les auteurs d'une infraction ou d'une série d'infractions.
Cette technique est utilisée sous diverses formes :
1. l'analyse de l'affaire : on place les actes des intéressés sur une « ligne du temps »;
2. l'analyse comparative : on compare une série d'infractions de même type afin de déterminer si elles n'ont pas été commises par un même auteur ou un même groupe d'auteurs;
3. l'analyse d'un groupe d'auteurs : on ordonne et on compare les données disponibles relatives à un auteur ou groupe d'auteurs donné en vue de comprendre la structure de l'auteur ou du groupe d'auteurs et le rôle de chacun dans la structure on utilise pour ce faire des schémas relationnels;
4. l'analyse spécifique du profil : grâce aux données de l'enquête, on tente d'établir une description des auteurs.
La gendarmerie et la police judiciaire disposent d'une centaine d'analystes auxquels on fait principalement appel pour les hold-ups, les infractions en matière de stupéfiants et les vols de véhicules.
Les autorités judiciaires interrogées par la commission ont relevé, en ce qui concerne cette technique, les difficultés suivantes :
le manque d'analystes;
le coût du système (informatique);
le risque de multiplier les liens au point de ne plus pouvoir maîtriser l'enquête.
L'étude de phénomènes (« fenomeenonderzoek ) : étude de certaines formes de criminalité en fonction d'un groupe de population, d'une branche professionnelle, etc.
On utilise peu cette technique en raison d'un grave problème de capacité. La police judiciaire, par exemple, ne dispose que de six analystes stratégiques.
Un procureur du Roi fait observer que ces techniques sont surtout utilisées dans le cadre de la recherche proactive. Des réunions de coordination organisées par le parquet permettent de faire le point sujet par sujet. On attend cependant des services de police qu'ils donnent loyalement les informations « douces » qu'ils possèdent.
À l'heure actuelle, en Belgique, seul le repérage des communications téléphoniques ainsi que l'écoute, la prise de connaissance et l'enregistrement de communications et de télécommunications privées sont réglés par la loi (art. 88bis et 90ter à 90decies du Code d'instruction criminelle).
Les autres techniques ne sont pas réglées par la loi. Seules certaines d'entre elles sont régies par une circulaire confidentielle du ministre de la Justice du 24 avril 1990, modifiée par une circulaire du 5 mars 1992.
L'absence de base légale suscite certaines critiques :
1. L'obligation de respecter l'article 12, alinéa 2, de la Constitution, qui dispose que « Nul ne peut être poursuivi que dans les cas prévus par la loi et dans la forme qu'elle prescrit » (144).
2. Nombre de ces méthodes impliquent une atteinte à la vie privée de la personne qui fait l'objet de la mesure, voire même à celle d'un tiers. Or, la protection de la vie privée est garantie tant par l'article 22 de la Constitution que par l'article 8 de la CEDH. En ne légiférant pas, il est certain que la Belgique s'expose à une condamnation par la Cour européenne des droits de l'homme. En effet, même si la protection fournie au citoyen par l'article 8 de la Convention peut faire l'objet de dérogations, celles-ci doivent se faire par le biais d'une loi (145) et en outre répondre aux critères de nécessité (subsidiarité) et de proportionnalité, tels qu'ils ont été développés par la Cour à propos notamment des écoutes téléphoniques (146) (147). La circulaire ministérielle ne satisfait en tout cas pas à la première exigence. Elle mentionne les exigences de subsidiarité et de proportionnalité. Cependant, la Cour de cassation, rappelant implicitement qu'une telle circulaire est insuffisante au point de vue juridique, a considéré que les principes de proportionnalité et de subsidiarité ne constituent pas des principes généraux du droit en matière répressive et ne doivent dès lors pas être respectés (148).
3. Plus fondamentalement encore, le débat démocratique sur les « sacrifices » que notre société est prête à consentir au regard des libertés individuelles pour mener la lutte contre la criminalité organisée n'a pas eu lieu. La question de savoir pour quels types d'infractions on est prêt à restreindre nos libertés individuelles, à quelles conditions et moyennant quelles garanties, n'a jamais été posée dans un débat parlementaire.
4. Les services de police eux-mêmes souhaiteraient que des dispositions légales claires et précises soient adoptées afin qu'ils puissent évaluer si les actes qu'ils posent entraîneront ou non l'irrégularité de l'enquête; de même, le recours aux techniques spéciales implique parfois la commission d'une infraction par les agents de l'autorité, dont il ne peut être exclu, dans l'état actuel des choses, qu'ils doivent en rendre compte devant les juridictions pénales (149) ou les autorités disciplinaires.
5. L'utilisation de ces techniques sans le garde-fou que représentent l'autorisation et le contrôle extérieur peut entraîner des dérives dans le système policier et même des situations d'infraction (utilisation abusive ou à des fins détournées des techniques spéciales).
6. D'un point de vue procédural, l'utilisation de techniques spéciales d'enquête dans l'élaboration de la preuve pénale suscite des problèmes délicats (150). L'absence de réglementation légale ne fait qu'accroître ce caractère et augmente les risques que les preuves soient déclarées incompatibles avec l'article 8 CEDH, le principe de loyauté (problème de la provocation policière), le principe de légalité (incidence des infractions commises par l'agent ou par un tiers sur la régularité de la preuve) ou encore les exigences d'un procès équitable, et plus particulièrement le droit à la contradiction (problème des témoignages anonymes).
Il est indispensable que les techniques spéciales d'enquête, qui ne sont que des moyens particuliers de recherche mis en oeuvre pour répondre à une criminalité particulière, la criminalité organisée et la grande criminalité, soient incorporées dans notre procédure pénale et demeurent soumises aux principes qui la régissent. En particulier, les principes fondamentaux du droit de la preuve en matière pénale doivent impérativement s'appliquer dans la mesure où tous les renseignements obtenus par le biais des techniques spéciales ont une finalité judiciaire, qu'elle soit immédiate ou non. Les informations qui en sont issues, à supposer même qu'elles ne soient utilisées qu'à titre de simple renseignement, participent au faisceau de présomptions qui entraînera la conviction du juge.
Le principe de la loyauté dans la recherche de la preuve suppose que le juge et la défense aient accès à l'ensemble du dossier. Le juge du fond et toutes les parties doivent avoir accès à tous les éléments qui sont utilisés dans l'administration formelle de la preuve (transparence), afin qu'il soit possible de vérifier la mise en oeuvre et le déroulement régulier des techniques utilisées.
Ce principe ne peut souffrir aucune exception en faveur des magistrats du parquet et des juges d'instruction, chargés de la constitution du dossier.
Il faut sans doute disposer dans la loi que toutes les informations, y compris les rapports confidentiels, doivent être communiquées au juge d'instruction. Les autorités judiciaires de contrôle doivent, elles aussi, communiquer au juge d'instruction toutes les informations dont elles disposent. On ne pourra pas davantage refuser ces informations au juge du fond, excepté dans les cas où la loi en dispose autrement (par exemple lorsque l'identité d'un informateur doit rester secrète).
Un problème délicat se pose dès lors à l'égard des informations dites « douces », non mentionnées dans un dossier mais effectivement utilisées par les enquêteurs dans leur travail de recherche. Cette question est d'actualité en matière de recherche proactive.
Le respect effectif du principe de loyauté appelle certainement un changement dans la culture policière, mais il nécessite également un contrôle adapté du ministère public. D'un rôle essentiellement récepteur de l'information, le parquet devra passer à une approche plus dynamique de la recherche permettant un contrôle réel des opérations policières menées. Cette nouvelle approche nécessite, outre une adaptation des cadres, une formation spécifique des magistrats du parquet aux techniques d'enquête policière.
2. Conditions liées à la mise en oeuvre des techniques spéciales d'enquête
Il s'impose de tenir compte des exigences posées par l'article 8, § 2, de la CEDH et de se conformer aux trois principes suivants :
le principe de légalité;
le principe de proportionnalité;
le principe de subsidiarité.
Pour les divers motifs exposés à la section 3, la Belgique doit doter les techniques spéciales d'enquête d'un cadre légal. Pour répondre aux exigences de l'article 8, § 2, de la Convention et aux impératifs de sécurité juridique, cette loi devra être précise et circonstanciée quant aux principes qui doivent régir la mise en oeuvre, l'exécution et le contrôle de chacune de ces techniques. Les modalités techniques pourraient par contre être réglées par voie de circulaires adoptées par le collège des procureurs généraux, ceci afin que l'utilisation de ces techniques s'inscrive dans la politique criminelle et ne soit pas interprétée de manière autonome par les corps de police.
b) Le principe de proportionnalité
La directive ministérielle du 24 avril 1990 stipule à ce sujet qu'« il doit s'agir d'un crime ou d'un délit, soit grave, soit organisé au sens où il est commis dans le cadre de l'activité criminelle d'un groupe d'individus ».
Le principe de proportionnalité implique que la méthode choisie soit proportionnée à l'objectif poursuivi; en effet, une restriction des libertés individuelles ne peut être admise que lorsque le trouble social est important. L'application de ce principe pose la double question de savoir à partir de quel moment on peut recourir à une technique spéciale d'enquête et pour quels types d'infractions on peut y recourir.
La mise en oeuvre d'une technique spéciale présuppose-t-elle l'existence de données objectives ? Seule une réponse positive permet de vérifier que la méthode choisie est bien proportionnée à l'objectif poursuivi. Il faut disposer d'une information suffisante quant à l'existence ou la préparation d'une infraction ou permettant de supposer que des personnes déterminées ont des activités illégales ou sont sur le point de commettre des infractions (151); il faut veiller à ce que la technique spéciale d'enquête ne devienne pas une technique de collecte d'informations (152). La distinction peut paraître légaliste, mais elle trouve toute sa portée lorsqu'elle est combinée avec la distinction tout aussi délicate entre les actes de police judiciaire et ceux de police administrative. En autorisant les opérations purement exploratoires, on prend le risque que des dérapages se produisent sans qu'aucun contrôle des autorités judiciaires puisse s'exercer en temps utile et que celles-ci se contentent d'exercer un contrôle, a posteriori, afin de cautionner l'opération menée (voir à ce propos le déroulement de l'opération Rebel) (153).
À quels types d'infractions les techniques spéciales d'enquête doivent-elles être réservées ? Le critère de proportionnalité implique qu'elles soient réservées à des infractions graves. Se pose la question de la définition d'une infraction grave. Le taux de la peine est un critère insuffisant; il faudrait aussi tenir compte des conséquences, du caractère organisé des auteurs, de la répétition des faits ou de leur relation avec d'autres. Seule une combinaison de ces différents critères, appréciés in concreto , permettrait de vérifier que le trouble causé à l'ordre social justifie une limitation des droits fondamentaux (154). Cette méthode présente l'avantage de cerner avec plus d'exactitude la notion de grande criminalité; elle présente cependant l'inconvénient majeur de ne pas offrir de sécurité juridique, en soumettant la mise en oeuvre de techniques particulièrement sensibles à des appréciations éminemment subjectives. Il semble dès lors qu'il soit préférable d'utiliser la méthode déjà retenue en matière d'écoutes téléphoniques et qui consiste à énumérer de manière limitative les infractions pour lesquelles les techniques spéciales pourront être utilisées.
Le principe de proportionnalité doit en outre conduire à l'exclusion des opérations under-cover de longue durée, car alors, comme ce fut le cas dans l'affaire François, l'agent acquiert une autonomie de plus en plus grande et échappe à un contrôle régulier; les risques de déviance augmentent et entraînent la rupture de l'équilibre entre l'efficacité de la recherche et les atteintes potentielles à la dignité de la Justice (155).
c) Le principe de subsidiarité
Selon ce principe, la technique spéciale d'enquête ne pourra être mise en oeuvre que si les moyens classiques d'investigation se révèlent inefficaces (156).
La circulaire ministérielle du 24 avril 1990 considère à cet égard qu'« il doit s'agir d'un crime ou d'un délit pour lequel il n'est pas possible de rassembler les preuves nécessaires au moyen d'autres techniques de recherche. »
Il semble raisonnable de n'exiger de l'autorité de contrôle qu'une appréciation in abstracto de ce critère (157).
3. Conditions à respecter lors de l'application des techniques spéciales d'enquête
Comme on a déjà pu le souligner, les services de police doivent veiller, lors de l'application d'une technique spéciale, au respect des règles qui régissent le droit pénal et la procédure pénale. En particulier, ils doivent veiller à respecter les principes de loyauté et de régularité dans la recherche de la preuve. Il convient dès lors de réaffirmer l'interdiction absolue de recourir à la provocation policière et l'interdiction de principe de commettre des infractions.
a) L'interdiction de la provocation policière
La provocation policière « consiste à faire naître la résolution criminelle, soit à renforcer celle-ci chez celui qui exécutera matériellement l'infraction » (158).
La provocation policière se heurte au principe de loyauté qui domine l'administration de la preuve en matière pénale. La preuve est libre mais doit être administrée de manière légale et loyale. En outre, la provocation policière va à l'encontre même de la finalité de l'action répressive dès lors qu'en l'admettant, cette dernière générerait son propre objet (159).
Après avoir rappelé le principe de loyauté qui doit gouverner la recherche des preuves, la circulaire ministérielle du 24 avril 1990 pose le principe de l'interdiction de la provocation, tout en précisant : « Quand l'intention délictueuse est déjà bien établie chez l'auteur potentiel, il est autorisé de créer par la mise en oeuvre d'un stratagème, l'occasion de commettre le crime ou le délit qu'il avait décidé de commettre, dans des conditions toutefois bien déterminées et contrôlées, conformément aux présentes directives. »
Si l'on peut admettre, conformément à la jurisprudence actuelle, que pour être illicite, la provocation doit être antérieure à l'infraction et directe (160) (161), il importe de souligner que le déroulement de l'opération doit être précisément rapporté à l'autorité de contrôle, à savoir le ministère public ou éventuellement le juge d'instruction. Ceux-ci doivent pouvoir avoir accès à toutes les informations relatives à l'opération menée pour pouvoir en vérifier la régularité. En la matière également, il subsiste des divergences de vues quant à la nécessité de révéler l'identité de l'indicateur ou de l'agent infiltrant. D'une part, un contrôle strict reste nécessaire, mais, d'autre part, l'on ne saurait mettre en péril la sécurité de l'indicateur ou de l'agent infiltrant. Qui plus est, la loyauté vis-à-vis du dénonciateur ou de l'informateur veut que l'on respecte la parole donnée, donc que l'on taise son identité.
La loi devra préciser dans quelles conditions strictement définies, les agents pourront encore, pour des raisons impérieuses de sécurité, taire l'identité de l'informateur, voire même de l'agent infiltrant.
En outre, le procureur du Roi doit être à même d'éclairer le juge du fond quant au déroulement de l'opération, lorsqu'il lui en soumettra les résultats. Le juge du fond a l'obligation de ne fonder sa conviction que sur des preuves régulières.
Selon un arrêt de la dour d'appel de Mons, si un prévenu allègue la provocation policière, les règles de preuve en matière de causes de justification sont applicables (162). Il suffit dès lors au prévenu d'invoquer, sans que cela ne soit dépourvu de vraisemblance, qu'il a été victime d'une provocation pour que le ministère public doive démontrer le contraire; il lui appartiendra notamment de prouver que l'intention criminelle existait déjà. Selon certains, l'existence d'une provocation ou le défaut pour le ministère public d'établir l'absence de provocation, peut dans certaines circonstances, conduire à l'irrecevabilité. (163).
La circulaire ministérielle précise à cet égard que « la simple affirmation d'un policier selon laquelle il n'a pas incité à commettre un crime ou un délit ne suffit pas. La provocation ne se présume certes pas mais si le prévenu donne assez de poids à son argumentation devant le tribunal, il faut que le ministère public puisse réfuter cette allégation grâce au contenu de certaines pièces du dossier, ou, le cas échéant, lors d'une instruction complémentaire à l'audience. »
Le ministère public doit pouvoir opérer cette démonstration, tout en veillant à respecter les impératifs liés à la sécurité des agents, voire de tiers qui ont participé à l'opération. Il doit même, le cas échéant, pouvoir décider en connaissance de cause d'abandonner ce moyen de preuve, voire même les poursuites.
b) L'interdiction pour l'officier de police judiciaire (ou pour le tiers qui travaille sous son contrôle) de commettre des infractions
La circulaire ministérielle du 24 avril 1990 dispose :
« L'utilisation des techniques particulières de recherche visées par la présente circulaire peut impliquer la commission de certaines infractions, par exemple, le fait de prendre une fausse identité... C'est pourquoi l'utilisation de ces techniques est soumise aux principes généraux qui précèdent et le scénario proposé fait l'objet d'un rapport écrit préalable sur lequel portera l'autorisation du ministère public.
Lors de la mise en oeuvre de techniques particulières de recherche, la personne qui est engagée dans l'opération peut se trouver confrontée à une situation imprévue qui exige la commission de certaines infractions pour pouvoir exécuter sa mission. Dans ce cas, elle n'agira de la sorte que s'il ne lui est pas possible de poursuivre sa mission sans commettre d'infraction. Elle veillera au respect du principe de proportionnalité par rapport aux infractions que l'opération a pour but d'élucider et aux criminels qu'elle a pour but d'identifier ou d'arrêter. Ces faits seront, si possible préalablement, portés sans délai à la connaissance du procureur du Roi.
Il faut veiller à ce que les actes posés ne puissent entraîner la nullité des preuves. »
Contrairement à l'hypothèse de la provocation, l'interdiction de commettre une infraction ne saurait être absolue. Travaillant en interaction avec le milieu criminel, l'agent undercover est parfois contraint de commettre une infraction soit pour mener à bien sa mission (exemple : dans le cas du pseudo-achat, l'agent sera forcément, à un moment donné, en possession de drogue) soit pour ne pas être démasqué. On aperçoit cependant aisément les dangers de dérives qui guettent l'agent et on en retiendra pour exemple l'affaire François.
Par ailleurs, la commission d'une infraction par l'agent de l'autorité heurte le principe de légalité dans l'administration de la preuve.
Dès lors, il s'impose de maintenir l'interdiction de principe pour l'agent de commettre des infractions. Dans le cadre du plan de mission préalablement soumis à l'approbation du ministère public ou éventuellement du juge d'instruction, cela peut toutefois s'avérer justifié. Ces autorités veilleront à cet égard au respect des principes de proportionnalité et de subsidiarité; les faits sont ainsi justifiés conformément à l'article 70 du Code pénal.
En dehors de cette hypothèse, la commission d'une infraction peut encore être justifiée par le recours à la théorie jurisprudentielle de l'état de nécessité. L'agent en informe immédiatement l'autorité judiciaire chargée du contrôle de la mission. L'objectif poursuivi est d'éviter que les circonstances dans lesquelles les faits ont été commis ne soient présentées différemment. L'autorité judiciaire doit être informée de manière précise du déroulement de la mission et des incidents survenus. Le non-respect de cette obligation d'information immédiate est assorti de sanctions disciplinaires et compromet la preuve de l'état de nécessité.
4. Autorisation, direction et contrôle des techniques spéciales d'enquête
La directive ministérielle du 24 avril 1990, telle qu'adaptée par la directive du 5 mars 1992 prévoit, en général, que le recours à une technique spéciale d'enquête est subordonnée à l'autorisation préalable et écrite du procureur du Roi compétent ou éventuellement des magistrats nationaux. Les corps de polices ont l'obligation de faire rapport au ministère public quant à l'évolution de l'opération.
Le danger existe cependant que cette directive ne soit pas toujours scrupuleusement observée ou qu'elle le soit de manière tout à fait formelle, le parquet n'ayant pas, pour des motifs divers, la réelle mainmise sur les opérations menées. On constate par ailleurs une volonté plus ou moins ouvertement exprimée des polices de disposer de plus d'autonomie dans le choix des opérations à mener et dans l'exécution de celles-ci (164).
Il importe de souligner qu'il est indispensable, dans une démocratie, de confier l'autorisation, la direction et le contrôle des techniques spéciales à une instance distincte de celle qui exécute l'opération. Dans la mesure où la technique spéciale d'enquête s'inscrit dans l'information, il est logique de confier cette tâche au procureur du Roi compétent qui assume la direction et exerce son autorité sur l'information (165) (166) (ou lorsque l'infraction n'est pas encore localisable, au magistrat national) (167). Enfin, il importe d'insérer les techniques spéciales d'enquête dans la politique criminelle qui est définie par les circulaires du collège des procureurs généraux, prises en application de directives du ministre de la Justice (articles 143bis et 143ter du Code judiciaire). En effet, il est certain que le choix d'une politique criminelle serait d'emblée faussé si par ailleurs, la police pouvait, de manière autonome, déterminer pour quel type d'affaires elle a recours à des techniques spéciales d'enquête.
Il convient par ailleurs de rappeler qu'il est impératif de respecter le principe de transparence qui doit présider à toutes les relations entre les services de police et l'autorité judiciaire de contrôle.
Lors de leur audition par la commission, les professeurs Houchon et Kellens ont relevé que l'informateur sera rarement un repenti qui était dans le coup; le plus souvent, il provient d'un autre milieu criminel. La police fermera les yeux sur de petites choses parce qu'il a des choses importantes à révéler.
Ce qui est dangereux, c'est le secret non partagé.
Or, notre système est un système basé sur le principe de l'opportunité des poursuites; si on garde ce principe au niveau du ministère public, on pourrait arbitrer le sort des informateurs : le ministère public deviendrait le confident nécessaire des polices (168). »
De même, le commissaire en chef de la police judiciaire, M. Christian De Vroom, a-t-il insisté sur le fait qu'en ce qui concerne le contrôle de la gestion des informateurs, le danger provient du fait que les informations sont un peu considérées comme la propriété de l'enquêteur. « C'est évidemment cet isolement informateur-policier qui est extrêmement dangereux à ce moment-là ». Il faut dès lors prévoir un contrôle direct du magistrat de confiance : « Les exemples sont suffisamment nombreux pour que l'on puisse affirmer que si le policier ne joue pas le jeu, s'il n'accepte pas de dire au magistrat de confiance que son informateur est monsieur untel ils sont dès lors tous deux liés par ce fameux secret professionnel tout système est voué à l'échec (169). »
L'objectif d'un contrôle et d'une direction effective par le ministère public quant à l'utilisation des techniques spéciales ne pourra être atteint que moyennant l'adaptation des moyens d'action du ministère public (170). Il conviendra notamment de mettre sur pied un programme de formation spécifique et continuée des magistrats du parquet spécialement chargés de ce contrôle. À la lecture des réponses au questionnaire sur les techniques spéciales, la commission a en effet été frappée par le fait que certains magistrats du parquet, qui exercent pourtant les fonctions de magistrats de confiance, n'ont pas une connaissance suffisante des techniques spéciales qu'ils sont appelés à contrôler; il n'ont dès lors notamment pas le réflexe de se poser en temps utile la question de la légalité de la méthode proposée par les policiers.
D'autre part, la commission s'est également interrogée sur l'éventuelle nécessité d'adapter la structure même du ministère public.
Ces questions seront examinées dans un chapitre spécifique.
Une réforme du parquet ne permettrait pas à elle seule d'atteindre les objectifs fixés par la commission, si elle ne s'accompagnait pas d'une réforme parallèle des services de police. La commission n'entend pas s'immiscer dans le débat sur la réforme des polices en général, qui dépasse largement la question de la lutte contre la criminalité organisée. Mais il convient de relever les aménagements nécessaires à une lutte plus efficace contre cette forme tellement grave de criminalité qu'elle justifie le recours à des techniques spéciales d'enquête. Cette question sera examinée dans un chapitre distinct. Il convient cependant d'emblée de préciser qu'à côté des aménagements structurels souhaitables, il faut insister également sur la modification indispensable de la culture policière, qui devrait déboucher sur un véritable code de conduite où les principes de collaboration loyale et de transparence devraient figurer en bon ordre. D'autre part, il conviendrait de développer des programmes de formation spécifique à l'attention des policiers chargés de l'utilisation des techniques spéciales. Ces programmes devraient, outre une formation technique indispensable, également consister en une formation juridique et psychologique des agents concernés.
5. L'utilisation dans le procès pénal des informations récoltées : la valeur probante des informations receuillies par des techniques spéciales d'enquête
Le droit de la preuve en procédure pénale repose sur le principe de la liberté dans l'administration de la preuve et dans l'appréciation souveraine de celle-ci. Cependant, cette liberté est limitée : seules des preuves obtenues régulièrement et de manière loyale peuvent être produites. Le juge du fond a, de son côté, l'obligation de vérifier qu'il ne fonde sa conviction que sur des preuves régulières et obtenues loyalement. La preuve recueillie de manière illicite doit être écartée du dossier.
Par ailleurs, la phase de jugement est dominée par les principes de la publicité et de l'oralité des débats et par le principe de leur caractère contradictoire : toute preuve produite par la partie poursuivante doit être soumise à la libre contradiction de la défense. Cette exigence est renforcée par l'article 6, § 1er , de la CEDH qui garantit au prévenu le droit à un procès équitable, et par l'article 6, § 3, d) , de la CEDH qui reconnaît au prévenu « le droit d'interroger ou de faire interroger les témoins à charge et d'obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ».
Les techniques spéciales, on l'a déjà souligné, se caractérisent par leur caractère secret et l'utilisation de ruses et de stratégies. On aperçoit immédiatement les difficultés qui peuvent surgir lorsque l'on confronte ces caractéristiques aux exigences de loyauté et de régularité, contrôlées par le juge du fond ce qui implique une certaine transparence et à l'obligation de soumettre toute preuve au débat contradictoire, ce qui peut engendrer des problèmes particuliers lorsqu'il s'agit de faire entendre, à l'audience, l'informateur ou l'agent infiltré.
Le problème de l'équilibre à trouver entre la nécessité d'avoir une justice respectueuse des droits du prévenu qui est présumé innocent, et la nécessité de protéger les agents undercover ou les informateurs contre des représailles et de leur permettre d'être encore opérationnels ultérieurement se pose en termes particulièrement aigus.
b) L'utilisation à titre de renseignements des informations fournies par les informateurs aux services de police
Dans la pratique judiciaire actuelle, tantôt les informations fournies par les informateurs sont consignées dans des procès-verbaux, sans aucune précision quant à leur origine (on a recours à des formules du style « il revient à nos services »), et sont versées au dossier répressif, tantôt, spécialement lorsque le parquet dispose d'éléments probants plus fiables, tels que des constatations matérielles ou des aveux, ces informations ne figurent pas dans le dossier répressif.
S'ils figurent au dossier répressif, ces renseignements pourront participer au faisceau de présomptions permettant au juge de fonder sa conviction.
Le système actuel est insatisfaisant. Le juge du fond, de même que la défense, n'obtiendront la plupart du temps aucune information permettant de mesurer la fiabilité de l'informateur ou de détecter ses motivations. Le juge pourra évidemment décider d'entendre l'agent verbalisant, mais la jurisprudence admet que celui-ci peut décider d'invoquer le secret professionnel. L'information conserve dès lors un degré important d'opacité qui ne permettra pas au juge d'en mesurer la valeur probante. La règle de l'intime conviction s'appliquera également.
On a cependant connu des précédents à l'occasion desquels on s'est rendu compte que les informateurs avaient, par leurs déclarations, partiellement trompé les autorités judiciaires, allant même jusqu'à les induire en erreur à propos de faits dont ils étaient en réalité personnellement coupables.
Aux Pays-Bas, le collège des procureurs généraux a opté pour un système consistant à considérer que, puisque l'anonymat de l'informateur devait être préservé, il ne pourrait intervenir comme témoin; de même, les informations qu'il fournirait ne pourraient être utilisées pour établir la culpabilité du prévenu. En d'autres termes, ces informations ne pourront être utilisées qu'au stade de l'enquête pour déclencher la mise en oeuvre d'autres moyens de recherche permettant la récolte d'éléments de preuve, qui seuls figureront dans le dossier répressif soumis au juge du fond. Ce système, aussi séduisant qu'il soit, a cependant pour conséquence qu'un certain type de renseignements est d'office soustrait au contrôle du juge du fond.
Une autre solution pourrait consister à prévoir que la production en justice de renseignements émanant d'informateurs doit impérativement être accompagnée d'indications minimales concernant l'informateur.
À cet égard, on peut se référer à l'article 323 du CIC qui dispose : « les dénonciateurs autres que ceux récompensés pécuniairement par la loi pourront être entendus en témoignage; mais le jury sera averti de leur qualité de dénonciateurs. »
Une dernière possibilité est que la fiabilité de l'informateur, eu égard au statut de celui-ci, soit contrôlée par le ministère public et par le juge d'instruction, si ceux-ci désirent utiliser les informations qu'il a fournies dans le dossier répressif.
c) L'utilisation de procès-verbaux irréguliers
Des procès-verbaux sont parfois rédigés par un autre agent que celui qui a appliqué la technique spéciale d'enquête, sans que cela soit mentionné.
Cette pratique, à propos de laquelle la commission n'a pas pu disposer de toutes les données, semble être parfois appliquée par les unités spécialisées dans les techniques undercover.
Elle n'est cependant pas admissible, car elle se heurte à l'exigence de loyauté dans l'administration de la preuve, puisque le juge et la défense ne sont pas informés de ce subterfuge.
Il faut trouver une pratique qui tienne compte des exigences de sécurité et d'efficacité.
Il est indiqué que l'auteur du procès-verbal, qui sera le superviseur de l'opération, ait l'obligation de préciser que les informations consignées lui ont été rapportées par un agent de son service. Le moyen de preuve peut ainsi être apprécié lors de l'audience.
En ce qui concerne la valeur probante, on applique le droit commun : les données ainsi obtenues vaudront à titre de renseignements.
d) L'audition en justice des informateurs ou des agents undercover désirant garder l'anonymat (171)
La notion de témoin anonyme peut recouvrir des réalités foncièrement différentes. Il se peut qu'un citoyen soit le témoin fortuit d'une infraction, mais ne souhaite, pour des raisons diverses, apporter son concours à la justice que sous couvert de l'anonymat, son identité étant uniquement connue des services de police (172). Ce témoin anonyme au sens strict n'aura qu'un rôle tout à fait occasionnel dans le procès pénal, mais il arrive malgré tout que cette situation se présente à l'occasion d'infractions très graves. Il se distingue fondamentalement de l'informateur anonyme codé ou non, appartenant ou non au milieu criminel mais qui est en relation d'affaires avec un service de police et qui n'a peut être fourni ses informations que moyennant le paiement d'une prime ou d'autres compensations. Il se distingue encore de l'agent undercover qui agit dans le cadre de sa profession et désire pour des raisons de sécurité, ou liées à la poursuite d'autres missions, conserver l'anonymat.
On admet que l'informateur qui révèle des informations à la police à condition que son anonymat soit préservé a le droit au respect de cette condition d'anonymat. La jurisprudence belge reconnaît au policier le droit d'invoquer, en justice, le secret professionnel [art. 458 du Code pénal (173)] pour taire l'identité de l'informateur (174).
Ce droit d'invoquer le secret professionnel, s'il est légitime en audience publique, doit-il être absolu ? Selon certains, la réponse doit être négative, puisque le secret professionnel vis-à-vis du procureur du Roi et du juge d'instruction ne s'appliquerait pas (175). Il s'agit, selon cette conception, d'un cas classique de secret professionnel partagé, entre les personnes qui concourent à l'information ou à l'instruction, avec la particularité supplémentaire que le procureur du Roi et le juge d'instruction doivent contrôler la régularité de la procédure et la pertinence des informations fournies; ils doivent dès lors pouvoir disposer de données précises quant à la fiabilité de l'informateur, savoir notamment si l'information a été obtenue moyennant payement d'une prime, quelles sont les motivations de l'informateur, et si nécessaire en connaître l'identité et le convoquer pour vérifier la fiabilité des données. La jurisprudence admet, par ailleurs, que le juge d'instruction peut procéder à l'audition de l'informateur (ou de l'agent infiltrant), sans prestation de serment, à titre de simple renseignement. En effet, l'article 75 du CIC, qui prévoit la prestation de serment et l'obligation d'inscrire l'identité du témoin dans le p.v., n'est pas prescrit à peine de nullité (176) (177).
La question demeure cependant de savoir comment on pourra utiliser ces informations émanant d'un informateur ou d'un agent under-cover à titre de preuve devant le juge du fond, tout en respectant les règles du débat contradictoire et du procès équitable.
La Cour de cassation a considéré qu'on ne pouvait déduire une violation du principe général des droits de la défense de la seule circonstance que le juge a fondé sa conviction notamment sur des témoignages anonymes, qui ont été versés au dossier, dont le prévenu a eu connaissance et qu'il a pu librement contredire (178) (179).
Il arrivera cependant que ces informations constituent des éléments-clefs du dossier et que la défense, se basant sur le droit à la contradiction et sur l'article 6, § 3d, de la CEDH, sollicite légitimement la production immédiate de la preuve devant le juge du fond, à savoir l'audition du « témoin » anonyme, ou le rejet du témoignage.
La jurisprudence développée par la Cour européenne des droits de l'homme en la matière est très riche d'enseignement. Cette jurisprudence (180) peut être synthétisée comme suit (181) :
1º l'utilisation de témoins anonymes n'est pas en soi contraire à la CEDH, mais elle doit reposer sur des motifs pertinents, par exemple des craintes sérieuses de représailles;
2º comme le maintien de l'anonymat confronte la défense à des difficultés qui ne devraient normalement pas s'élever dans le cadre d'un procès pénal, la Cour examine si la procédure suivie devant les instances judiciaires a suffisamment compensé ces difficultés : quand les témoignages anonymes sont utilisés comme preuve à l'audience, il faut que le prévenu puisse utiliser son droit à la contradiction; éventuellement, une confrontation doit être possible, de préférence à l'audience, mais elle peut aussi avoir lieu durant la phase préliminaire;
3º pour utiliser comme preuve un élément issu d'un témoignage anonyme, il faut qu'il soit corroboré par d'autres éléments de preuve; une condamnation fondée uniquement ou à un degré déterminant sur un témoignage anonyme serait contraire à l'article 6 de la CEDH.
En ce qui concerne la première exigence, à savoir l'existence de motifs pertinents justifiant le maintien de l'anonymat, la Cour a considéré dans l'arrêt Van Mechelen/Pays-Bas (182) que les limites à apporter à l'usage de témoins anonymes doivent être plus strictes lorsqu'il s'agit de policiers (undercover) qui veulent garder l'anonymat. La Cour considère que des policiers ne devraient être entendus sous le couvert de l'anonymat que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles : la Cour estime, en effet, que la mise en balance des intérêts de la défense et des arguments militant en faveur du maintien de l'anonymat des témoins pose des problèmes particuliers si les témoins en question appartiennent aux forces de police de l'État. « Si les intérêts de ces derniers comme évidemment ceux de leurs familles méritent eux aussi la protection de la Convention, il faut reconnaître que leur situation, diffère quelque peu de celle d'un témoin désintéressé ou d'une victime. Ils ont un devoir général d'obéissance envers les autorités exécutives de l'État, ainsi d'ordinaire que des liens avec le ministère public; pour ces seules raisons déjà, il ne faut les utiliser comme témoins anonymes que dans des circonstances exceptionnelles, qui doivent être justifiées in concreto et pas uniquement, comme ce fut le cas en l'espèce par les besoins opérationnels de la police. De surcroît, il est dans la nature des choses que parmi leurs devoirs figure, spécialement dans le cas de policiers investis de pouvoirs d'arrestation, celui de témoigner en audience publique » (183).
Il faut conclure de cette jurisprudence que l'audition anonyme d'agents undercover ne sera plus possible que dans des cas tout à fait exceptionnels.
En ce qui concerne la deuxième exigence posée par la Cour, à savoir l'exercice par la défense de son droit à la contradiction, on a imaginé différentes techniques pour y satisfaire.
Première possibilité : le témoin n'est pas réellement anonyme car le prévenu l'a rencontré au cours de l'opération. Dans ce cas, il sera parfois possible d'organiser une confrontation entre l'agent et l'inculpé devant le juge d'instruction (ou éventuellement le procureur du Roi), qui pourra satisfaire l'exigence de contradiction même si l'identité de l'agent n'est pas révélée. Cette solution ne pallie évidemment pas les risques de représailles.
Deuxième possibilité : l'interrogatoire de l'agent ou de l'informateur peut se faire de manière indirecte :
soit par le biais de questions écrites. Mais cette méthode ne sera pas toujours satisfaisante dans la mesure où il y aura refus de répondre à certaines questions qui pourraient être de nature à mettre en péril l'anonymat (184);
soit par l'entremise d'un équipement acoustique (185);
soit par la possibilité d'interroger à l'audience le superviseur de l'agent undercover (186).
Cependant, dans ces trois hypothèses, les prévenus, outre qu'ils ignorent l'identité du témoin, n'auront pas non plus la possibilité d'observer les réactions de ces témoins anonymes à des questions directes, ce qui leur permettrait de se forger leur propre jugement quant à leur attitude et à leur fiabilité. Dès lors, on peut s'interroger sur la compatibilité de ces méthodes avec les exigences posées par la Cour européenne des droits de l'homme.
soit par l'entremise de l'avocat du prévenu : celui-ci aurait la possibilité, à huis clos et en l'absence de son client, d'interroger directement l'agent ou l'informateur anonymes. La Cour européenne des droits de l'homme admet, en effet, l'identification du prévenu avec son avocat aux fins de l'article 6, § 3, d) (187). « L'avocat du prévenu pourrait, au nom de son client, poser toutes les questions paraissant servir les intérêts de la défense, sauf celles portant sur l'identité du témoin. » (188) Il conviendrait cependant que les règles déontologiques qui régissent les relations entre l'avocat et son client soient aménagées afin que l'avocat puisse taire certaines informations à son client (on pourrait peut-être s'inspirer des règles en vigueur en matière de protection de la jeunesse et de défense sociale).
Troisième possibilité : lorsque le juge d'instruction a procédé à l'audition (non anonyme) de l'agent undercover ou de l'informateur, il peut alors être entendu comme témoin, sous serment, par le juge du fond (189). Il pourra fournir des garanties quant à la fiabilité de l'informateur et quant au déroulement de l'opération (190). Il n'est cependant pas certain que cette méthode satisfasse aux exigences de l'article 6, § 3, d) , de la CEDH, tel qu'interprété par la Cour (191).
Quatrième possibilité : audition, à titre de simple renseignement, de l'informateur à l'audience, mais moyennant certains aménagements de nature à préserver son anonymat (voix déformée, visage masqué, vitre teintée, ...) (192). Cette technique est cependant critiquée par la doctrine dans la mesure où elle peut tourner le procès en mascarade. D'autre part, si elle garantit la non-reconnaissance physique, elle ne garantit pas, selon certains auteurs, l'anonymat à proprement parler puisque, devant le juge du fond, l'identité de l'informateur ou de l'agent infiltrant devra en toute hypothèse soit être donnée au prévenu lors de son audition ou en tous cas figurer dans le procès-verbal d'audience ou résulter des autres pièces du dossier (193). Enfin, elle n'est pas sans présenter de danger pour l'informateur [et dans une moindre mesure pour l'agent undercover (194)] qui risque par mégarde de se dévoiler.
L'exposé de ces différentes techniques révèle qu'elles ont chacune leurs limites. Le ministère public devra rechercher dans toute la mesure du possible à permettre au prévenu d'exercer directement ou indirectement son droit à la contradiction pour satisfaire aux exigences de l'article 6, § 3, d) , CEDH, tel qu'il a été interprété par la Cour européenne.
e) Admissibilité de la preuve résultant d'infractions commises par l'agent undercover ou par un tiers soumis à son contrôle lors de l'exécution de la technique spéciale d'enquête
Comme on l'a déjà souligné, les infractions commises par les agents dans le cadre de l'exécution d'une technique spéciale seront couvertes par une cause de justification réelle lorsqu'elles ont été prévues dans le plan de mission soumis à l'approbation préalable du procureur du Roi qui en aura vérifié la proportionnalité et la subsidiarité ou si elles répondent aux critères de l'état de nécessité.
Dans ces hypothèses, les faits litigieux sont couverts par une cause de justification réelle et perdent dès lors leur caractère infractionnel; les preuves qui en découlent, pour autant qu'elles ne soient pas viciées par d'autres causes, pourront être prises en considération.
Malgré l'utilisation de méthodes proactives d'enquête et de techniques spéciales de police, certaines organisations criminelles restent hermétiquement fermées. Elles sont impénétrables, parce qu'elles ont été conçues, soit de manière éminemment professionnelle, soit par des personnes qui entretiennent des liens tellement étroits entre elles (relations familiales, communauté de langue, de race ou de convictions religieuses) qu'elles sont imperméables à toute tentative d'infiltration ou même d'observation.
Dans un tel cas, la justice peut faire appel au public ou aux co-auteurs ou complices d'actes criminels.
L'on peut, par la voie de la radio et de la presse, appeler le public à coopérer. L'on peut inciter les personnes qui ont été les témoins d'un accident ou d'un crime à faire preuve du sens civique qui s'impose, pour contribuer à faire la clarté sur des éléments qui sont restés mystérieux ou à identifier les auteurs de faits délictueux.
L'on a créé, en Belgique, un programme analogue au programme de la télévision allemande « XY Aktenzeichen ungelöst », au programme « Opsporing verzocht » de la télévision néerlandaise et au programme « Crimewatch » de la télévision britannique (195). L'expérience a montré que la justice peut compter sur une collaboration suffisante du public et que l'on a pu résoudre diverses affaires grâce aux renseignements qu'il avait fournis.
En mettant publiquement une récompense à la disposition des personnes qui fournissent des renseignements permettant de résoudre une affaire, l'on crée un stimulus supplémentaire.
Généralement, ce sont des assureurs, des entreprises ou des victimes d'infractions qui promettent ces primes. Mais dans certains cas, l'État peut lui aussi promettre pareille récompense aux personnes qui fournissent des renseignements utiles à la solution d'une affaire.
L'on a tendance à obliger certaines personnes ou certaines institutions à collaborer à la recherche des infractions.
C'est ainsi que les banques et les bureaux de changes belges sont tenus, en application de l'article 12, § 1er , de la loi du 11 janvier 1993, d'informer la cellule de traitement des informations financières de toute opération dont ils savent ou soupçonnent qu'elle est liée au blanchiment de capitaux (196).
Force est de se demander s'il ne faudrait pas dénoncer les ventes ou fournitures de marchandises dont la nature donne à penser que l'on en fera un usage délictueux. C'est ainsi que l'achat de certaines matrices, de papier caractéristique ou d'éléments graphiques spéciaux constituera l'indice de préparatifs en vue de la fabrication de fausses monnaies. C'est ainsi que des commandes de grandes quantités de sucre ou une consommation exceptionnelle d'électricité constitueront des indices de l'existence d'une distillerie secrète, que l'achat de certains produits chimiques permettront de penser que l'on fabrique des pilules d'XTC, et la fourniture d'acide sulfurique, que l'on produit du mazout en fraude.
Il est évident que l'on ne saurait remettre en question le droit du fournisseur de donner avis de crimes et de délits puisqu'il n'est pas tenu au secret. Étant donné l'importance de la fraude, le fait qu'elle perturbe le marché normal et le danger qu'elle représente pour la santé publique (par exemple quand elle concerne la drogue, la production frauduleuse d'alcool ou de stimulants), l'on peut se demander si les fournisseurs de matières premières qui savent ou soupçonnent que l'on utilise celles-ci pour fabriquer ou pour utiliser des produits qui représentent un danger pour la société, peuvent exécuter les commandes en question sans plus.
Il est évident que la coopération entre la justice et certains fournisseurs est souvent déterminante, mais il reste à se demander si une coopération sur des bases purement volontaires est suffisante.
Dans d'autres cas, l'État tente même d'imposer à ses fonctionnaires (par exemple, les facteurs) une obligation de dénoncer certains faits délictueux.
Toutefois, l'extension de l'obligation de dénoncer présente des inconvénients : la société risque de dégénérer en un État policier où les citoyens se dénoncent et se menacent mutuellement.
L'on peut sans doute considérer beaucoup de formes de recherche illimitée du profit, de négligence grave ou de fraude comme des formes de complicité de la criminalité grave.
Celui qui vend à des personnes suspectes, fournit des appareils à des faux-monnayeurs, prête des gilets pare-balles à des délinquants peut être considéré comme complice des infractions commises à l'aide du matériel fourni, même s'il n'a pas été informé au préalable de la nature exacte des infractions préparées.
2. Coopération de co-auteurs ou de complices
Le ministère public, qui, en application du principe d'opportunité, use librement du droit de poursuivre, peut conclure certains accords avec des personnes qui ont participé comme co-auteurs ou comme complices à la perpétration de crimes ou de délits.
Le procureur du Roi dispose en réalité d'un arsenal de moyens lui permettant de conclure un accord avec le coauteur ou complice :
il peut classer l'affaire sans suite;
il peut ne pas poursuivre l'intéressé;
il peut proposer un règlement extrajudiciaire;
il peut, en application de l'article 216ter du Code d'instruction criminelle, proposer une médiation qui entraîne l'extinction de l'action publique lorsque les conditions requises sont remplies;
il peut citer directement le prévenu pour crime devant le tribunal correctionnel en raison d'une cause d'excuse ou de circonstances atténuantes (loi du 11 juillet 1994);
il peut renoncer à son droit d'interjeter appel ou de se pourvoir en cassation;
il peut requérir l'application d'une peine légère.
Tous ces accords concernent l'exercice de l'action publique. Ils nuisent sans aucun doute à la transparence de la politique et provoquent aisément une impression d'arbitraire, de favoritisme, d'inconstance, de « copinage ». L'on attend du ministère public qu'il applique la loi en âme et conscience, sans préjugé, sans distinction de personnes, mais aussi de manière évidente, explicable et défendable. En concluant des accords, le ministère public donne à penser qu'il existe des manigances que l'on ne saurait mettre au grand jour.
Il est frappant de constater que tous les parquets nient avoir jamais conclu des accords avec des prévenus. Seul le procureur du Roi de Liège avoue faire parfois l'impasse sur certaines petites infractions.
S'il appartient au ministère public de juger de l'opportunité des poursuites, il est exclu qu'il puisse conclure avec le juge pénal un accord en vertu duquel celui-ci infligerait une peine plus légère au coauteur ou au complice au cas où celui-ci collaborerait à l'instruction.
Ni les juridictions d'instruction, ni les juridictions de fond ne peuvent se livrer à des négociations avec le prévenu concernant l'application de la loi pénale. Le juge pénal se rendrait coupable de déni de justice s'il acceptait des propositions de négociation.
c) Excuses absolutoires légales
Dans certains cas, le législateur a accordé l'impunité au coauteur ou au complice d'infractions. C'est ainsi que l'article 111 du Code pénal dispose que la personne coupable d'un complot contre le Roi, les membres de la famille royale ou des ministres exerçant les pouvoirs constitutionnels, ou contre la sécurité extérieure de l'État, qui avant tout attentat et avant toutes poursuites en dénonce les auteurs, coauteurs ou complices, sera exempte de peine.
Seront également exemptes de peines les personnes coupables de certains crimes et délits contre la foi publique (articles 160 à 168, 169, deuxième alinéa, 171 à 176, 177, deuxième alinéa, 180, dernier alinéa, 185bis , 186, deuxième et quatrième alinéas, 187bis , 497, deuxième alinéa, et 497bis , premier alinéa, du Code pénal) si, avant toute émission de monnaies contrefaites ou altérées ou de papiers contrefaits ou falsifiés, et avant toutes poursuites, elles en ont donné connaissance et révélé les auteurs à l'autorité (article 192 du Code pénal).
L'article 153 du Code pénal octroie l'impunité aux fonctionnaires prévenus de violation de domicile ou d'actes arbitraires attentatoires aux libertés et aux droits garantis par la Constitution dont la signature a été surprise.
L'article 6 de la loi concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, désinfectantes ou antiseptiques accorde une exemption ou une réduction de peine aux coauteurs ou complices qui donnent à l'autorité connaissance des infractions et de leurs auteurs.
L'article 10, § 5, de la loi du 15 juillet 1985 relative à l'utilisation de substances à effet hormonal prévoit également une exemption ou une réduction de peine pour celui qui révèle aux autorités l'identité de celui qui lui a délivré les substances qui ont servi à commettre les infractions qui lui sont imputées.
Enfin, la législation sur les douanes et accises prévoit en son article 226 une réduction de peine pour les personnes qui ont participé à une importation clandestine, à condition qu'elles collaborent à l'enquête.
Les règles légales en matière d'exemption et de réduction de peine excluent tout arbitraire, puisqu'on les applique ouvertement, sous le contrôle du pouvoir judiciaire.
La liste ci-dessous donne un aperçu succinct de tous les cas d'exemption et de réduction de peine :
1. Article 111 du Code pénal (attentat contre le Roi).
2. Article 136 du Code pénal (dénoncer les auteurs).
3. Articles 148 et 151 du Code pénal (actes arbitraires).
4. Article 153 du Code pénal (dénonciation).
5. Articles 160 à 168, 169, 171 à 176, 177, 180, 185bis , 186, 187bis , 497 et 497bis du Code pénal (fausse monnaie et contrefaçon).
6. Article 192 du Code pénal (révéler les auteurs).
7. Articles 299 et 300 du Code pénal (diffusion d'imprimés).
8. Articles 303 et 304 du Code pénal (loteries).
9. Article 326 du Code pénal (associations de malfaiteurs).
10. Article 490bis du Code pénal (insolvabilité frauduleuse).
11. Article 509 du Code pénal (émission d'effets de complaisance).
12. Article 5 de la loi du 12 mars 1858 portant révision du second livre du Code pénal en ce qui concerne les crimes et délits qui portent atteinte aux relations internationales.
13. Article 226 de la loi générale sur les douanes et accises.
14. Article 6 de la loi du 24 février 1921 (stupéfiants).
15. Article 10 de la loi du 15 juillet 1985 (hormones).
d) Conditions pour obtenir une réduction ou une exemption de peine
Dans certains cas, le législateur exige une révélation, c'est-à-dire la divulgation d'un fait dont les autorités judiciaires n'avaient pas encore connaissance (197), et qu'en outre, la révélation soit sincère et complète (198), de sorte que la dénonciation permette de poursuivre les autres auteurs (199).
La dénonciation doit être faite aux autorités : l'on admet qu'une dénonciation puisse être acceptée comme utile, même si elle est adressée à une autorité incompétente (200).
Pour bénéficier d'une exemption de peine correctionnelle en matière de stupéfiants, le prévenu doit révéler, avant tout acte de poursuite, l'identité des coauteurs. Par « acte de poursuite », l'on entend tant un acte d'instruction qu'un acte d'instruction préparatoire.
Si l'interprétation de la Cour de cassation devait limiter excessivement les possibilités de réduction ou d'exemption de peine, le législateur pourrait permettre pareille réduction ou exemption jusqu'au moment où l'affaire est portée devant la juridiction de fond ou la juridiction d'instruction.
Ni le procureur général d'Anvers ni celui de Bruxelles n'ont mis en doute l'efficacité des révélations telles qu'elles sont régies par la législation en matière de stupéfiants.
e) Projet de réduction de peine aux Pays-Bas
Le but du projet est de régler la manière d'obtenir légalement, en vue de la recherche et de la poursuite d'auteurs d'infractions graves, la déclaration d'un témoin que le ministère public ne peut obtenir que grâce à une promesse.
Il doit par conséquent s'agir de faits de grande criminalité. La personne qui témoigne est elle-même prévenue, soit dans la même affaire, soit dans une autre.
La seule chose que peut promettre le ministère public, c'est qu'il requerra une peine plus légère que celle ordinairement afférente à l'infraction en question. Le juge de l'affaire dans laquelle le témoignage à charge a été produit peut déclarer la réquisition du ministère public irrecevable ou refuser le témoignage en tant que moyen de preuve.
Dans le cadre du procès à charge du prévenu lui-même, le juge pénal peut tenir compte de l'accord que l'officier de justice a passé avec le témoin, et il lui appliquera alors une réduction de peine, mais il peut aussi ne pas tenir compte de cet accord. En d'autres termes, la promesse du ministère public ne fait que créer un espoir.
Le ministère public ne peut passer un accord avec le témoin que dans le cadre de l'instruction préparatoire. Le juge-commissaire a le droit de contrôler l'accord : il examine si celui-ci est justifié et licite. Le juge-commissaire peut faire prêter serment au témoin.
Comme la promesse peut influencer le témoignage, il faut une prudence et une minutie particulières. Aussi le législateur a-t-il prévu une disposition supplémentaire relative à la preuve minimale : la force probante ne peut pas reposer exclusivement sur les déclarations des témoins auxquels l'officier de justice a fait une promesse.
Le législateur néerlandais n'estime pas nécessaire de créer la notion de « témoin principal », à savoir le témoin qui peut compter sur une exemption de peine en échange de ses déclarations.
f) Proposition de loi de M. Boutmans
Le 5 août 1996, le sénateur Boutmans a déposé une proposition de loi au Sénat (201). Il opte pour une exemption de peine temporaire, exceptionnelle, pour les repentis qui passeraient aux aveux dans l'affaire des tueries du Brabant wallon. L'on accepte des causes d'excuse en faveur des coauteurs ou complices qui ont dénoncé des auteurs, complices et receleurs ou, du moins, ont permis l'identification des auteurs et complices des crimes en question.
Cette mesure de faveur n'est accordée que si les trois conditions suivantes sont remplies :
1º la révélation doit être sincère et complète;
2º il doit s'agir d'une révélation; les informations doivent donc concerner des auteurs qui n'étaient pas connus de la justice auparavant ou dont la faute était insuffisamment prouvée pour que l'on puisse les poursuivre;
3º l'on ne peut donner connaissance de la révélation aux autres auteurs dans l'intention de leur permettre de se soustraire à la justice.
Il ne s'agit évidemment que d'une solution provisoire portant sur une affaire criminelle particulière. La proposition constitue un aveu implicite de l'impuissance à résoudre cette affaire par les moyens techniques ordinaires ou par les techniques spéciales d'enquête.
L'on peut se baser sur cette proposition, qu'il faudrait sans doute encore améliorer, notamment en prévoyant que la dénonciation doit être faite à l'autorité), pour élaborer une réglementation plus générale. L'on peut opter soit pour une exemption de peine si la dénonciation a lieu avant toute exécution ou tout commencement d'exécution, soit pour une réduction de peine en cas de dénonciation après exécution, mais avant que l'action ne soit pendante devant la juridiction d'instruction ou la juridiction de fond. Dans ce cas, l'on pourrait envisager une réduction de peine telle qu'elle est prévue à l'article 414 du Code pénal.
Ces dernières années, les services de police ont fondamentalement modifié leur approche des phénomènes criminels. À une approche essentiellement réactive s'est superposée une volonté de saisir le milieu criminel, et plus particulièrement celui des organisations criminelles, dans ses racines, c'est-à-dire à un moment où il n'a pas encore commis des actes criminels, dont on sait qu'ils ne sont souvent que le reflet d'une gangrène bien plus profonde de notre ordre social et économique.
C'est l'ensemble de l'appareil policier et de ses activités qui est touché par ce concept de proactivité. Il s'agit d'une véritable philosophie, d'une politique qui, bien au-delà de sa dimension purement judiciaire, imprime une réforme de l'action policière quant aux moyens d'y parvenir. Quant aux moyens seulement, car les objectifs restent identiques. Il s'agit toujours pour la police de rechercher les infractions et d'en trouver les auteurs. Face à l'échec du modèle policier de « crime fighter », devenue une police insulaire, coupée de la population, la police ne parvenait plus à obtenir l'information tant recherchée. Le développement d'une criminalité consensuelle de plus en plus importante a également contraint la police à mettre en place de nouveaux moyens d'actions, à rechercher l'information à d'autres sources que les victimes.
Plus fondamentalement, la police s'est aussi adaptée à l'essor d'une société qui veut s'assurer contre tous les risques. La criminalité est aujourd'hui considérée comme un de ces risques, au même titre que les accidents, les catastrophes naturelles, les suicides, etc., risques qu'il faut gérer, calculer, prévoir, anticiper. Les développements de la notion de prévention, outil de gestion des risques, en matière policière, ces dernières années, est un signe du développement de la proactivité dans tout l'appareil policier.
Ce changement fondamental dans la conception de l'action policière s'inscrit également dans la volonté plus générale, exprimée ces dernières années par le gouvernement, de développer, à des fins sécuritaires, une politique de prévention renforcée.
L'enquête policière n'a pas pour seul objectif de démasquer les auteurs d'infractions dont la société a déjà souffert, mais aussi de rassembler plus d'informations sur les organisations criminelles, leurs membres et leurs activités, afin de permettre leur démantèlement au moment le plus opportun.
Le commandant du BCR, H. Berkmoes, a déclaré à cet égard : « Au niveau de la recherche, nous promouvons une approche proactive, multidisciplinaire et centrée sur des projets » (202). Celle-ci implique une collaboration entre la police, l'autorité et l'administration. Il faut s'orienter vers une approche globale et intégrée. Il faut une approche centrée sur les auteurs, ce qui suppose une nouvelle culture d'enquête et des modifications législatives (203).
On aperçoit la spécificité de cette forme de recherche nouvelle : la recherche proactive n'a pas une finalité uniquement judiciaire mais s'apparente parfois davantage au travail des services de renseignements : il s'agit plus d'étudier des structures, des organisations, des systèmes financiers, de rassembler des informations sur des organisations criminelles. La recherche proactive ne débouchera pas nécessairement sur une phase judiciaire. L'enquête administrative et l'enquête judiciaire sont plus que jamais étroitement mêlées.
On aperçoit également rapidement les dangers de cette nouvelle approche policière, qui s'est développée de manière empirique en dehors de tout cadre légal précis : dans notre système juridique, c'est au stade judiciaire que la régularité de la preuve est vérifiée; en d'autres termes, c'est à ce stade que l'on vérifiera si la preuve a été recueillie de manière légale et loyale par les policiers. Ce type de contrôle a posteriori n'est nullement adapté à la recherche proactive, dont les éléments n'apparaîtront probablement jamais clairement dans un dossier judiciaire.
La nécessité d'un contrôle adéquat se fait d'autant plus pressante qu'en raison de sa finalité même, la recherche proactive appelle l'utilisation de techniques policières qui menacent les libertés individuelles.
Une plus grande transparence est nécessaire dans la manière dont les informations sont recueillies durant la phase proactive. La recherche proactive, de par les objectifs qu'elle poursuit, a engendré l'utilisation de techniques de plus en plus sophistiquées, qui suscitent des questions d'ordre éthique, et ce d'autant plus que cette recherche ne vise pas nécessairement les suspects potentiels, mais peut concerner tous les citoyens. Il existe un danger que le droit au respect de la vie privée soit mis en péril (art. 8, CEDH) : il est nécessaire de protéger les individus contre d'éventuels abus (notamment par le biais des banques de données informatiques) (204).
Si l'on peut admettre que la recherche proactive constitue une réponse adéquate aux phénomènes de la criminalité organisée, encore s'impose-t-il impérativement de la doter d'un cadre légal qui s'insèrera dans notre procédure pénale et qui, après en avoir tracé les limites, la soumettra à un système de contrôle adéquat.
La gendarmerie donne la définition suivante de la recherche proactive (205) : « La recherche proactive s'appuie sur l'exécution de recherches vers des organisations criminelles ou vers des personnes, plus particulièrement par le recueil, l'enregistrement et le traitement de données ou d'informations sur la base d'une présomption raisonnable de l'existence de faits punissables devant être commis ou déjà commis mais non encore divulgués et qui, en raison de la relation organisée dans le cadre d'une organisation criminelle dans laquelle ces faits sont commis, ou leur nature, constituent une infraction grave à la loi. Son objectif est d'arriver à la poursuite des auteurs. »
Cette définition a, globalement, été reprise par le ministre de la Justice dans une circulaire confidentielle du 4 juin 1997, qui a été rédigée en attendant l'élaboration d'un cadre légal. Elle participe à la mise en oeuvre du plan d'action du gouvernement contre la criminalité organisée adopté le 18 juin 1996, plan qui prévoit, de surcroît, d'examiner dans quelles mesures les techniques particulières de recherche peuvent être appliquées dans le cadre de cette recherche proactive (206).
Une étape décisive a été franchie lors de l'examen, par la Chambre des représentants, du projet Franchimont. Suivant en cela une recommandation de la Commission Dutroux, la recherche proactive a été incorporée dans la définition qui est finalement donnée de l'information.
L'article 5 du projet, introduisant entre autres l'article 28bis dans le Code d'instruction criminelle, tel qu'adopté par la Chambre, contient en effet la disposition suivante :
« Art. 28bis , § 1er , deuxième alinéa. L'information s'étend à l'enquête proactive. Celle-ci, dans le but de permettre la poursuite d'auteurs d'infractions, consiste en la recherche, la collecte, l'enregistrement et le traitement de données et d'informations sur la base d'une suspicion raisonnable que des faits punissables vont être commis ou ont été commis mais ne sont pas encore connus, et qui, en raison de leur nature ou du cadre organisé dans lequel ils sont commis au sein d'une organisation criminelle, constituent une atteinte grave à la loi. Pour entamer une enquête proactive, l'autorisation préalable du procureur du Roi, de l'auditeur du travail, de l'auditeur militaire, ou du magistrat national dans le cadre de leur compétence respective, est requise » (207).
Le texte adopté par la Chambre a été modifié comme suit en commission de la Justice du Sénat (208) :
« Art. 28bis , § 2. L'information s'étend à l'enquête proactive. Celle-ci, dans le but de permettre la poursuite d'auteurs d'infractions, consiste en la recherche, la collecte, l'enregistrement et le traitement de données et d'informations sur la base d'une suspicion raisonnable que des faits punissables vont être commis ou ont été commis mais ne sont pas encore connus, et qui sont ou seraient commis dans le cadre d'une organisation criminelle, telle que définie par la loi, ou constituent ou constitueraient un crime ou un délit tel que visé à l'article 90ter , §§ 2, 3 et 4. Pour entamer une enquête proactive, l'autorisation écrite et préalable du procureur du Roi, de l'auditeur du travail, ou du magistrat national, dans le cadre de leur compétence respective, est requise, sans préjudice du respect des dispositions légales spécifiques réglant les techniques particulières de recherche.
§ 3. Sauf les exceptions prévues par la loi, les actes d'information ne peuvent comporter aucun acte de contrainte ni porter atteinte aux libertés et aux droits individuels. Ces actes peuvent toutefois comprendre la saisie des choses citées à l'article 35.
Le procureur du Roi veille à la légalité des moyens de preuve ainsi qu'à la loyauté avec laquelle ils sont rassemblés. »
L'article 28bis , §§ 2 et 3, a été adopté, dans cette version, en séance plénière du Sénat des 27 et 29 janvier 1998 et en séance plénière de la Chambre des représentants du 5 mars 1998 (209).
Ce texte, même s'il ne constitue qu'une première étape dans la réglementation de la recherche proactive, en fixe clairement les limites. Ces limites étaient auparavant tellement vagues qu'elles ne pouvaient que susciter l'inquiétude.
Le texte précise tout d'abord clairement qu'une recherche proactive ne pourra être mise en oeuvre que :
si elle a une finalité judiciaire : permettre la poursuite d'auteurs d'infractions;
s'il existe des données objectives permettant de créer une suspicion raisonnable que des faits punissables vont être commis ou ont été commis mais ne sont pas encore connus;
s'il s'agit de faits qui sont ou seront éventuellement commis dans le cadre d'une organisation criminelle ou qui concernent la criminalité grave, au sens de l'article 90ter du Code d'instruction criminelle.
Cette définition doit conduire logiquement à l'exclusion de toute forme de recherche purement exploratoire. La législation annoncée par le gouvernement en la matière devrait le préciser explicitement et réprimer la violation de cette règle.
Il faut par ailleurs exclure les distinctions peu transparentes opérées par le passé entre « recherche proactive », « projets » ou encore « approche proactive (210) », et dont on peut craindre qu'elles permettent la réalisation de recherches qui n'ont pas de finalité judiciaire et qui échapperaient de ce fait au contrôle des autorités judiciaires. Tout type de recherche policière qui n'a pas pour objet immédiat l'élucidation d'une infraction commise doit demeurer dans les limites de la recherche proactive telle qu'elle a été définie dans la législation. Il faut éviter qu'il y ait une recherche pré-proactive préalable à la recherche proactive, ce qui serait inacceptable dans notre État de droit.
On ne doit pas pour autant, a priori , exclure que, dans le cadre de la recherche proactive telle qu'elle a été définie, les services de police puissent travailler en collaboration avec des autorités administratives, conférant aux recherches un caractère multidisciplinaire. Mais il s'imposera de réglementer de façon précise cette collaboration et de prévoir que la recherche, dans son intégralité, demeurera sous le contrôle des autorités judiciaires.
L'article 28bis du Code d'instruction criminelle a par ailleurs le mérite d'inscrire la recherche proactive dans notre procédure pénale, réaffirmant par là sa finalité judiciaire. Plus précisément, l'information englobera la recherche proactive qui, de ce fait, sera soumise, d'une part, aux principes qui régissent cette phase du procès pénal et, d'autre part, au contrôle direct du ministère public.
Il conviendra cependant peut-être, à l'avenir, de repenser l'organisation du ministère public, et d'adapter ses moyens et de le doter d'une formation adéquate afin de lui permettre d'assumer effectivement cette mission nouvelle. Ce point sera précisé plus loin.
Le texte précise en outre que toute recherche proactive doit être subordonnée à l'autorisation préalable et écrite du ministère public, jetant les bases du système de direction et de surveillance qui devra être élaboré.
Enfin, la loi Franchimont précise qu'en dehors des exceptions prévues par la loi, les actes d'information dont la recherche proactive fera dorénavant partie, ne pourront comporter aucun acte de contrainte ni porter atteinte aux libertés et aux droits individuels.
1. Le respect de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel
Dans la mesure où la recherche proactive est de nature à porter atteinte à la vie privée puisqu'elle va consister à récolter et à traiter des informations concernant une personne à son insu, il faut soumettre cette recherche proactive au respect de la loi du 8 décembre 1992.
2. La transparence vis-à-vis de l'autorité de contrôle
Une des objections fondamentales que l'on peut soulever à l'encontre de la recherche proactive est son manque de transparence. Or, comme on l'a déjà souligné, la recherche proactive, au contraire de la recherche réactive, ne fera le plus souvent pas l'objet d'un contrôle judiciaire a posteriori, soit qu'elle ne débouche pas sur des poursuites, soit que les éléments recueillis au cours de cette recherche ne figurent pas dans le dossier répressif.
Il s'impose dès lors de prévoir un principe de transparence de la recherche proactive à l'égard de l'autorité qui sera chargée de son contrôle immédiat, à savoir le ministère public.
Cette transparence doit s'appliquer non seulement lors de la mise en oeuvre de la recherche, mais aussi tout au long de son déroulement; elle concerne non seulement le contenu des informations récoltées, mais également les méthodes utilisées. Les services de police ne doivent pas avoir la possibilité d'invoquer le secret professionnel vis-à-vis de l'organe de contrôle.
Le ministère public doit en effet avoir la possibilité effective de contrôler, durant la recherche proactive, que celle-ci s'effectue dans le respect des principes qui gouvernent la procédure pénale, et en particulier les principes de loyauté, de légalité, de subsidiarité et de proportionnalité.
3. La portée du contrôle de la recherche proactive
Toute recherche proactive devra être soumise, non seulement à l'autorisation préalable du ministère public, mais également à sa surveillance et à son contrôle continu.
Il ne s'agit pas de remettre en question la direction opérationnelle des recherches, qui relève de la compétence des services de police.
Par contre, il relève de la compétence de l'autorité de contrôle de vérifier :
1. Lors de la mise en oeuvre de la recherche :
a) l'opportunité de la mesure sollicitée
Le procureur du Roi devra notamment vérifier que la recherche proposée s'inscrit dans le cadre de la politique criminelle telle qu'elle aura été définie par le ministre de la Justice en concertation avec le collège des procureurs généraux.
Il convient de rompre avec la pratique passée selon laquelle les choix opérés de manière autonome par les services de police en matière de recherche ont un impact déterminant sur les options de politique criminelle qui sont prises ultérieurement. Ceci ne doit pas empêcher les services de police d'éclairer les autorités compétentes quant aux choix à opérer, notamment sur la base de l'analyse criminelle.
b) la conformité de la recherche proposée aux principes de légalité, de proportionnalité et de subsidiarité, spécialement quant aux choix des moyens mis en oeuvre.
2. Durant le déroulement de la recherche :
a) le respect constant des principes de légalité, de proportionnalité et de subsidiarité, qui devront s'apprécier notamment au regard des résultats que fournit la recherche, des moyens sollicités et du danger qu'elle fait courir aux agents qui l'exécutent.
b) le respect des principes qui gouvernent l'information, et notamment le principe de loyauté dans la recherche de la preuve.
Les techniques spéciales d'enquête, en raison des atteintes aux droits et libertés individuelles qu'elles peuvent entraîner, devraient en principe être limitées à la phase réactive.
Cependant, le plan d'action du gouvernement contre la criminalité organisée prévoit que l'on doit s'interroger sur la question de savoir dans quelle mesure ces techniques pourront aussi, sous le contrôle de la magistrature, être utilisées dans la phase proactive (211).
La circulaire confidentielle du ministre de la Justice du 4 juin 1997 stipule uniquement à cet égard : « L'utilisation des techniques spéciales d'enquête dont question dans la circulaire confidentielle du 24 avril 1990 est autorisée dans le domaine de la recherche proactive. Les principes et méthodes définis dans ladite circulaire restent entièrement d'application » (traduction ).
Si l'on peut admettre qu'en raison des objectifs qu'elle poursuit, la recherche proactive doit pouvoir s'accompagner de l'utilisation de certaines techniques spéciales, il conviendra cependant de règler cette matière par une législation plus restrictive que pour l'enquête réactive, et toujours moyennant l'autorisation préalable et sous le contrôle constant du procureur du Roi.
Si l'on admet le recours à des techniques qui portent gravement atteinte aux libertés individuelles (comme par exemple les écoutes directes ou l'utilisation de caméras dans un lieu privé), il faudrait prévoir que leur utilisation est subordonnée à l'autorisation et au contrôle d'un magistrat du siège spécialement chargé de cette mission. Le ministère public est en effet trop impliqué dans l'action publique qu'il dirige pour prendre ces décisions. Dans la recherche réactive, cette mission a été confiée au juge d'instruction (212). Parallèlement, on pourrait créer un « juge de la recherche » pour la phase proactive (213).
La criminalité organisée constitue, depuis la fin des années 80, un aspect important des travaux menés au sein des Nations Unies qui se disent « profondément troublées par la menace de plus en plus grave que la criminalité transnationale organisée fait peser sur l'ordre public, la stabilité et la sécurité des États, et qui appelle des mesures urgentes et appropriées » (214). Parmi ces travaux, nous retiendrons la résolution 49/159 du 23 décembre 1994 par laquelle l'Assemblée générale approuvait la Déclaration politique et le Plan mondial d'action contre la criminalité transnationale organisée issu des travaux de la Conférence ministérielle mondiale sur la criminalité transnationale organisée tenue à Naples en novembre 1994 (215). Cette résolution fut notamment suivie par la déclaration de Buenos Aires sur la prévention du crime et la répression de la criminalité transnationale organisée (216) et la résolution du Conseil économique et social intitulée « Application de la Déclaration politique de Naples et du Plan d'action mondial contre la criminalité transnationale organisée » (217).
Le 24 septembre 1996, dans le cadre des travaux de sa cinquante et unième session, l'Assemblée générale des Nations Unies a entendu une allocution du président de la république de Pologne. Le président polonais y estimait que la communauté internationale devait faire face à la menace croissante, et apparemment imparable, du crime transnational organisé et du terrorisme international qui s'attaquent aux fondations matérielles et institutionnelles des sociétés. Seul un large effort à l'échelle mondiale sous les auspices des Nation Unies pourrait, selon le président de la république de Pologne, mettre un terme aux crimes qui menacent les libertés démocratiques et la démocratie elle-même. La Pologne est, par conséquent, convaincue qu'il est temps d'essayer de conclure un instrument juridique international visant à renforcer la coopération interétatique et à faciliter le travail des institutions chargées d'appliquer la loi en matière de lutte contre le crime organisé. Pour ce faire, la Pologne a présenté un projet de convention-cadre contre le crime organisé (218). Cette proposition a trouvé un prolongement institutionnel par la proposition faite par l'Assemblée générale des Nations Unies en novembre 1997 de constituer un groupe d'experts intersessions à participation non limitée afin d'élaborer l'avant-projet d'une éventuelle convention internationale générale contre la criminalité transnationale organisée.
En juillet 1989, lors du quinzième sommet du G7 réuni à Paris, un nouveau dispositif est mis en place pour améliorer la lutte contre la délinquance économique et financière. Le Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux, mieux connu sous le nom de GAFI, constitue un réseau d'experts représentant initialement les États-Unis, le Japon, l'Allemagne, la France, le Royaume-Uni , l'Italie et le Canada, pays auxquels se sont joints la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg, la Suisse, l'Autriche, l'Espagne, la Suède et l'Australie. À ces pays représentés au sein du GAFI sont venus s'ajouter l'Union européenne et le Conseil de coopération du Golfe en tant qu'entité autonome, ainsi que d'autres pays, portant à 28 le nombre de membres. Ce groupe chargé de faire des recommandations sur les actions destinées à améliorer la lutte contre le blanchiment d'argent a, en avril 1990, déposé un rapport contenant 40 recommandations visant à l'amélioration des systèmes juridiques internationaux, le renforcement du rôle du système financier et le renforcement de la coopération.
D'autres initiatives, telles que les 40 recommandations sur la lutte contre la criminalité organisée, formulées par le groupe d'experts sur la criminalité transnationale organisée mis en place par le « G8 » (G7 + la Russie), les 25 recommandations adoptées par la conférence ministérielle sur le terrorisme le 30 juillet 1996 et les 10 principes pour la lutte contre la criminalité exploitant les technologies avancées approuvés par le G8 le 10 décembre 1997 sont également à mettre à l'actif de cette institution (219).
Réuni à Dublin les 13 et 14 décembre 1996, le Conseil européen a lancé les bases d'une approche cohérente et coordonnée de la lutte contre la criminalité organisée au sein de l'Union. Marquant sa volonté de combattre efficacement cette criminalité, le sommet de Dublin a décidé la création d'un groupe de haut niveau chargé d'établir un programme d'action global assorti de recommandations concrètes. Les travaux de ce groupe d'experts ont conduit à l'élaboration de 15 orientations politiques et de 30 recommandations spécifiques qui ont été présentées aux chefs d'État et de gouvernement. Le groupe de haut niveau a par ailleurs souligné « qu'il est convaincu que la lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme est un effort sans fin. La lutte doit être rigoureuse, mais elle doit toujours utiliser des moyens légitimes et respecter pleinement les principes de l'État de droit, de la démocratie et des droits de l'homme, sans perdre de vue le fait que c'est la protection de ces valeurs qui est la raison d'être de la lutte contre la criminalité organisée (220) ».
Le rapport du groupe de haut niveau a été approuvé par le Conseil européen d'Amsterdam les 16 et 17 juin 1997.
1.3.1. Orientations politiques recommandées au Conseil européen par le groupe de haut niveau (221)
1. Le Conseil est invité à adopter rapidement une action commune visant à ériger en infraction, conformément à la législation de chaque État membre, le fait pour une personne, présente sur son territoire, de participer à une organisation criminelle et ce, quel que soit le lieu de l'Union où l'organisation est basée ou où elle exerce ses activités criminelles. (...)
2. Le Conseil européen préconise l'adoption rapide par les États membres des conventions jugées essentielles pour la lutte commune contre la criminalité organisée (voir recommandations 13 et 14). Le groupe de haut niveau recommande en outre aux États membres de prendre au niveau national toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que les demandes d'extradition puissent être traitées aussi simplement et rapidement que possible. (...)
3. Le Conseil est invité à créer un mécanisme, sur la base de l'expérience acquise avec le modèle mis en place dans le cadre du GAFI, permettant d'évaluer mutuellement la manière dont les instruments de coopération internationale en matière pénale sont appliqués et mis en oeuvre dans chacun des États membres.
4. Le Conseil européen réaffirme qu'il attache la plus grande importance à la conclusion prochaine d'un accord sur le projet de convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre les États membres. Le projet doit contenir, entre autres, des dispositions qui visent à rendre superflues, dans les relations entre les États membres, les réserves formulées dans le cadre de la convention d'entraide judiciaire du Conseil de l'Europe et de son protocole. Dans ce contexte, il convient d'accorder une attention particulière au réexamen de l'exigence de la double incrimination.
5. Le Conseil européen encourage le Conseil et la Commission à définir en commun avec les pays d'Europe centrale et orientale candidats à l'adhésion, y compris les États baltes, un pacte de préadhésion sur la coopération dans la lutte contre la criminalité, qui se fonde sur l'acquis de l'Union européenne (...).
6. Le Conseil européen souligne qu'il est important, pour chaque État membre, que les services de répression compétents coordonnent leur action, au niveau national, dans la lutte contre la criminalité organisée, échangent des informations et agissent d'une manière concertée.
7. Chaque État membre veille, pour faciliter les contacts avec les autres États membres, avec Europol et avec la Commission, à disposer d'un point de contact unique donnant accès à tous les services de répression chargés de la lutte contre la criminalité organisée.
8. De même, et sans préjudice de la nécessité d'encourager les contacts directs entre les autorités judiciaires des États membres, il convient de constituer au niveau européen un réseau de coopération judiciaire. Afin de mettre en place ce réseau, chaque État membre crée conformément à son ordre constitutionnel, si un tel dispositif n'existe pas déjà, un point de contact central permettant l'échange d'informations entre les autorités judiciaires nationales.
9. Au sein du Conseil, il est constitué un groupe pluridisciplinaire permanent sur la criminalité organisée composé des autorités compétentes, en vue d'élaborer des politiques de coordination de la lutte contre la criminalité organisée. La création dans chaque État membre d'équipes pluridisciplinaires comparables chargées des mêmes tâches et leur contribution aux travaux du groupe du Conseil favoriseraient une approche coordonnée au niveau européen.
10. Le Conseil européen réaffirme qu'il considère qu'Europol devrait être doté de pouvoirs opérationnels dans le cadre de la coopération avec les autorités nationales. (...)
11. Le Conseil européen souligne l'importance pour chaque État membre de disposer d'une législation élaborée et étendue en matière de confiscation des produits du crime et de blanchiment de ces produits. (...)
12. Le Conseil européen insiste sur la nécessité de développer une coopération plus étroite, au niveau national, entre les services fiscaux et les autorités de répression, dans la lutte contre la criminalité organisée. (...) En outre, la prévention et l'élimination de la fraude fiscale, telle que la fraude organisée à la TVA et aux droits d'accises, y compris en particulier ses aspects transnationaux, devraient être considérablement améliorées tant au niveau national qu'au niveau européen.
13. Le Conseil européen souligne qu'il importe d'accroître la transparence dans l'administration publique et dans les entreprises et d'empêcher la criminalité organisée de recourir à des pratiques de corruption. (...)
14. Il convient de mobiliser les possibilités offertes par les fonds structurels, tels que le Fonds social européen et le programme Urban, pour éviter que les grandes villes de l'Union européenne ne deviennent des terrains d'élection de la criminalité organisée. Il y a lieu d'accorder une attention particulière aux circonstances dans lesquelles les catégories socialement faibles deviennent vulnérables à la perspective d'une carrière criminelle. (...)
15. Il conviendrait de réaliser une étude interpiliers sur la criminalité en matière de haute technologie. (...) En outre, le Conseil et la Commission devraient se pencher sur les problèmes de fraude et de contrefaçon liés à tous les types d'instruments de paiement, y compris les instruments de paiement électroniques.
1.3.2. Programme d'action détaillé
Le groupe de haut niveau a formulé 30 recommandations transposant en termes opérationnels les orientations politiques, en précisant pour chacune d'entre elles à qui incombe la responsabilité de sa mise en oeuvre ainsi qu'une proposition de calendrier. Nous reprenons ci-après les recommandations dont la responsabilité de la mise en oeuvre incombe, au moins, aux États membres. Les autres propositions relèvent de la compétence d'autres entités telles que le Conseil, la Commission ou Europol.
1.3.3. Approche du phénomène de la criminalité organisée
1. Chaque État membre devrait examiner s'il est approprié, conformément à son ordre constitutionnel ou à sa pratique, de désigner un organe au niveau national qui serait chargé de la coordination de la lutte contre la criminalité organisée. Date limite : fin 1997.
2. Les États membres et la Commission devraient instituer, si un tel dispositif n'existe pas encore, ou identifier un système de collecte et d'analyse des données propre à fournir une vue d'ensemble de la situation de la criminalité organisée dans l'État membre et à assister les autorités de répression dans leur lutte contre la criminalité organisée. Les États membres utiliseront des normes communes pour la collecte et l'analyse des données (...). Date limite : mi-1998.
1.3.4. Prévention de la criminalité organisée
3. Il convient d'élaborer une politique globale de lutte contre la corruption, en tenant compte des travaux déjà réalisés également dans d'autres enceintes internationales, afin d'accroître la transparence dans l'administration publique, au niveau tant des États membres que des Communautés (orientation politique nº 13). Cette politique devrait être axée essentiellement sur les éléments de la prévention et aborder des questions telles que l'impact des lacunes de la législation, les relations entre le secteur public et le secteur privé, la transparence de la gestion financière, les règles relatives à la participation aux marchés publics, ainsi que les critères de nomination aux fonctions publiques à responsabilités, etc. Elle devrait également couvrir la question des sanctions, qu'elles soient de nature pénale, administrative ou civile, ainsi que l'incidence de la politique de l'Union européenne sur les relations avec les États tiers. Date limite : mi-1998.
4. Les États membres et la Commission devraient veiller à ce que, dans le cadre d'une procédure d'adjudication publique, la législation en vigueur prévoie la possibilité d'interdire à un candidat qui a commis des infractions ayant un lien avec la criminalité organisée de participer aux procédures d'adjudication menées par les États membres et par la Communauté. Dans ce contexte, il convient également d'examiner si, et dans quelles conditions, des personnes actuellement interrogées ou poursuivies pour implication dans la criminalité organisée pourraient également être exclues de ces procédures. Il convient d'accorder une attention spécifique à l'origine illicite des fonds, qui pourrait être un motif éventuel d'exclusion. La décision interdisant à une personne de participer à la procédure d'adjudication doit pouvoir être contestée en justice.
De même, les États membres et la Commission devraient veiller à ce que la législation applicable prévoie la possibilité de rejeter, sur la base des mêmes critères, les demandes de subventions ou de licences publiques (orientation politique nº 13).
Des actes communautaires appropriés et des actes de l'Union européenne, permettant notamment des échanges d'informations entre États membres et entre les États membres et la Commission et contenant des dispositions particulières quant au rôle de la Commission tant dans la coopération administrative que dans l'établissement de listes noires, devraient être élaborés afin d'assurer que ces engagements puissent être réalisés, tout en garantissant la conformité avec les dispositions pertinentes relatives à la protection des données. Date limite : fin 1998.
5. Les États membres s'efforcent, en ce qui concerne les personnes morales enregistrées sur leur territoire, de recueillir, conformément aux règles pertinentes en matière de protection des données, des informations concernant les personnes physiques participant à la création ou à la direction de ces personnes morales, ainsi qu'à leur financement, afin d'éviter que la criminalité organisée n'infiltre le secteur public et le secteur privé licite. Il convient d'examiner comment ces données pourraient être compilées et analysées de manière systématique et échangées avec d'autres États membres et, le cas échéant, avec des organes chargés, au niveau de l'Union européenne, de la lutte contre la criminalité organisée, sur la base de dispositions appropriées que le Conseil devrait mettre au point (orientation politique nº 3). Date limite : fin 1998.
6. Il convient de mobiliser les possibilités offertes par les fonds structurels, notamment le Fonds social européen dans le cadre des actions visant à soutenir le marché du travail, et le programme Urban pour éviter que les grandes villes de l'Union européenne ne deviennent les terrains d'élection de la criminalité organisée. Ces fonds peuvent aider les personnes les plus directement menacées d'exclusion du marché de l'emploi et dès lors limiter les circonstances susceptibles de contribuer au développement de la criminalité organisée. Il y a lieu d'accorder une attention particulière aux catégories qui ne sont pas pleinement intégrées à la société, car elles peuvent devenir des cibles vulnérables pour les organisations criminelles. Il convient d'améliorer l'échange d'informations sur les projets qui se sont révélés fructueux dans ce domaine. Les résultats des consultations annuelles des responsables de la police des capitales des États membres devraient être pris en compte dans ce contexte (orientation politique nº 14). Date limite : fin 1998.
7. Les États membres devraient consulter régulièrement les services compétents de la Commission en vue d'analyser des cas de fraude au détriment des intérêts financiers de la Communauté, et d'approfondir la connaissance et la compréhension des complexités de ces phénomènes à l'intérieur des dispositifs et des cadres existants. Au besoin, des dispositifs supplémentaires sont mis en place pour organiser ces consultations sur une base régulière. Dans ce contexte, il convient de prendre en considération les relations futures entre Europol et l'unité de coordination de la lutte antifraude (UCLAF) au sein de la Commission. Date limite : fin 1997.
8. Des mesures visant à protéger certaines professions vulnérables des influences de la criminalité organisée devraient être mises en place, par exemple par le biais de l'adoption de codes de conduite. Une étude devrait proposer des mesures spécifiques, y compris une action législative, pour éviter que les notaires, les avocats, les comptables et les commissaires aux comptes ne soient exploités par la criminalité organisée ou n'y soient impliqués et assurer que les organisations professionnelles qui les représentent soient associées à l'établissement et à l'application de ces codes de conduite au niveau européen (orientation politique nº 13). Date limite : mi-1998 et, éventuellement, action commune mi-1999.
1.3.5. Instruments juridiques, champ d'application et mise en oeuvre
9. Les États membres estiment que les conventions citées ci-dessous sont essentielles dans la lutte contre la criminalité organisée. Les États qui ne les ont pas encore ratifiées devraient présenter des propositions à leur Parlement en vue d'en accélérer la ratification dans le délai imparti. Si une convention n'était pas ratifiée à la date limite qui a été fixée, ils avisent le Conseil par écrit, tous les six mois, des motifs de non-ratification, et ce jusqu'à ce que la convention soit ratifiée.(...). Date limite : fin 1998.
1. Convention européenne d'extradition, Paris, 1957 (222).
2. Deuxième protocole additionnel à la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale, Strasbourg, 1978 (223).
3. Protocole additionnel à la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale, Strasbourg, 1978.
4. Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime, Strasbourg, 1990 (224).
5. Convention relative à l'assistance mutuelle entre les administrations douanières et protocole, Naples, 1967 (225).
6. Accord relatif au trafic illicite par mer, mettant en oeuvre l'article 17 de la convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, Strasbourg, 1995.
7. Convention contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, Vienne, 1998 (226).
8. Convention européenne pour la répression du terrorisme, Strasbourg, 1997 (227).
10. Les conventions de l'Union européenne figurant ci-après doivent être ratifiées avant les dates limites indiquées ci-dessous, compte tenu de l'existence des rapports explicatifs le cas échéant.
1. Convention relative à la procédure simplifiée d'extradition entre les États membres de l'Union européenne Fin 1998.
2. Convention Europol Date limite absolue : fin 1997 (228).
3. Convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes Mi-1998.
4. Convention sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes Fin 1998.
5. Convention relative à l'extradition entre États membres de l'Union européenne Fin 1998.
6. Protocoles de la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes Mi-1998.
11. Il conviendrait de mettre en place un dispositif, fondé sur l'expérience acquise avec le modèle mis au point dans le cadre du GAFI, afin d'évaluer mutuellement l'application et la mise en oeuvre au niveau national des actes et engagements de l'Union européenne et des autres actes et engagements internationaux en matière pénale ainsi que de la législation, des politiques et des pratiques qui en résultent sur le plan national (orientation politique nº 3). Une telle évaluation mutuelle réalisée « par des pairs » devrait porter, en priorité, sur la coopération judiciaire et pourrait, si l'expérience s'avérait positive, être étendue à d'autres domaines de mise en oeuvre.
Cette évaluation devrait reposer sur les principes suivants : parité des États membres, confiance mutuelle, détermination préalable de la portée et des critères pour l'évaluation sous forme d'une auto-évaluation et, pour ce qui est de la procédure d'évaluation mutuelle, des listes de contrôle et l'assurance que les experts de tous les États membres participeront, à un moment donné, au processus d'évaluation. Les résultats de l'évaluation restent confidentiels sauf si l'État membre concerné souhaite les rendre publics. Date limite : fin 1997/mi-1998.
12. Afin de rendre plus efficace la coopération judiciaire en matière de lutte contre la criminalité organisée, un point final devrait être mis aux travaux en cours sur le projet de convention d'entraide judiciaire en matière pénale avant la fin de 1997 (orientation politique nº 4). Dès que possible, le contenu de la convention devrait être élargi, en tenant compte de la nécessité d'accélérer les procédures de coopération judiciaire dans les affaires liées à la criminalité organisée et de réduire sensiblement les délais de transmission et de réponse aux demandes.
Il conviendrait également d'examiner les actes adoptés par le Conseil concernant les personnes qui coopèrent à l'action de la justice et la protection des témoins ainsi que les besoins spécifiques en matière de coopération policière dans le cadre des enquêtes préjudiciaires et en matière de coopération judiciaire dans certains pays.
Dans le cadre des travaux en cours sur le projet de convention, il conviendrait de se pencher particulièrement sur les besoins en matière de lutte contre la criminalité organisée. À cette fin, le groupe compétent devrait examiner comment :
a) les réserves formulées dans le cadre de la convention européenne d'entraide judiciaire de 1959 et de son protocole peuvent être rendues superflues entre les États membres de l'Union européenne, par exemple en insérant dans le projet des dispositions prévoyant la sauvegarde du principe non bis in idem , en réexaminant les exigences de double incrimination ou en faisant usage du droit de refus prévu par la convention uniquement lorsque la demande est susceptible de porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public ou à d'autres intérêts essentiels de l'État membre.
b) une base juridique pourrait être créée pour l'application transfrontière de certaines méthodes modernes d'enquêtes telles que les livraisons surveillées, le déploiement d'agents infiltrés et l'interception de diverses formes de télécommuniations.
Date limite : fin 1997/mi-1998.
13. Le Conseil est invité à adopter rapidement une action commune visant à ériger en infraction, conformément à la législation de chaque État membre, le fait pour une personne, présente sur son territoire, de participer à une organisation criminelle et ce, quel que soit le lieu de l'Union où l'organisation est basée ou exerce ses activités criminelles. Cette infraction pourrait consister dans le comportement décrit à l'article 3, paragraphe 4, de la convention d'extradition adoptée par le Conseil le 27 septembre 1996. Les traditions juridiques variant d'un État membre à l'autre, on pourrait envisager d'admettre, pendant une période limitée, que les États membres ne seront pas tous en mesure de s'engager immédiatement à l'égard de la définition arrêtée. Date limite : fin 1997.
14. En outre, il conviendrait de fixer, comme point de départ des discussions futures sur la criminalité organisée, les thèmes ci-après, dont la plupart ont été approuvés par le Conseil dans le rapport sur la criminalité organisée de 1993, en tenant compte des droits des personnes et en particulier de l'auteur présumé de l'infractrion et des tiers de bonne foi; ainsi, il convient :
a) de lutter contre les formes de criminalité qui portent atteinte aux intérêts financiers des Communautés, dans le cadre d'une coopération étroite entre les États membres et la Commission;
b) d'instituer une responsabilité des personnes morales qui sont impliquées dans des faits relevant de la criminalité organisée;
c) de prévoir des délais de prescription assez longs pour la poursuite des infractions graves liées à la criminalité organisée;
d) de s'attaquer au problème de la fraude et de la contrefaçon concernant tous les instruments de paiement, y compris les instruments de paiement électronique (orientation politique nº 15).
Date limite : fin 1998.
1.3.6. Coopération pratique entre la police, les autorités judiciaires et les douanes dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée
15. Il conviendrait de désigner, dans les cas où ils n'existent pas encore et en respectant pleinement la structure constitutionnelle de chaque État membre, des points de contact centraux nationaux afin d'accélérer l'échange d'information et le traitement des demandes de coopération entre les instances de répression chaque fois qu'une autorité nationale d'un État membre estime qu'il serait plus efficace de s'adresser à un point de contact central au lieu d'établir des contacts directs avec l'autorité d'un autre État membre (orientation politique nº 7). En ce qui concerne la convention Europol, l'unité nationale centrale qui y est visée devrait être le point de contact représentant toutes les autorités de répression des États membres. Il est souhaitable que les points de contact existants, tels que les bureaux centraux nationaux (BCN) d'Interpol et les bureaux « SIRENE » (supplément d'information requis à l'entrée nationale) etc. soient rassemblés dans ce point de contact central ou, au moins, que des relations étroites soient établies entre ces unités.
Ces points de contact devraient servir d'interface pour mettre rapidement en relation les autorités compétentes des États membres et la Commission. Ces points de contact pourraient en second lieu faire office de guichet national d'information sur la législation, les compétences et les procédures nationales à l'intention des services de répression. Les informations pertinentes concernant ces points de contact centraux sont conservées par le Secrétariat général du Conseil et sont régulièrement actualisées. Date limite : fin 1997.
16. L'orientation politique nº 6 souligne l'importance d'une coordination entre les autorités de répression compétentes au niveau national. Aussi, tout en tenant compte des structures constitutionnelles et des traditions nationales, ainsi que du fait que chaque État membre décide de ses propres structures internes, il serait souhaitable de constituer des équipes intégrées pluridisciplinaires au niveau national, dans les cas où elles n'existent pas encore, dans le domaine spécifique de la criminalité organisée (orientations politiques nºs 6 et 9). Contrairement aux points de contact visés dans la recommandation nº 19, qui ont surtout pour vocation de faciliter l'établissement de contacts et de relayer l'information à d'autres États membres, ces équipes de coordination devraient avoir une connaissance suffisante des enquêtes criminelles nationales pour être en mesure de contribuer au développement des politiques nationales de lutte contre la criminalité organisée.
Ces équipes pourraient examiner les résultats des analyses d'Europol afin de lancer les enquêtes communes pluridisciplinaires de vaste envergure concernant deux États membres ou plus. Eu égard à l'ampleur de la mission, il convient d'assurer une coordination efficace entre les autorités chargées de l'enquête et les autorités judiciaires. Pour le bon fonctionnement de la coopération, il sera souhaitable que les points de contact nationaux et les équipes intégrées pluridisciplinaires collaborent très étroitement. Date limite : mi-1998.
On se référera également à la proposition d'action commune portant création d'un réseau judiciaire (9 juillet 1997 9804/97).
1.3.7. Mise en place d'Europol à part entière et élargissement de son mandat et de ses fonctions.
17. Les États membres et le Conseil devraient prendre toutes les mesures préparatoires et budgétaires nécessaires pour permettre à Europol de commencer ses activités au plus tard d'ici la mi-1998.
18. Il conviendrait de définir les possibilités pour Europol de coopérer et d'établir des contacts avec les pays tiers et les organisations internationales. À cette fin, le Conseil devrait établir un ou plusieurs instruments juridiques appropriés qui garantissent que des contacts puissent être entretenus avec la Commission et les pays tiers qui sont les partenaires les plus importants des États membres dans la lutte contre la criminalité organisée, ainsi qu'avec les organisations internationales concernées telles qu'Interpol et l'Organisation mondiale des douanes (OMD). Date limite : fin 1999.
19. Sans préjudice des résultats de la CIG, le mandat et les fonctions d'Europol seront étendus, dès que possible, en tenant compte de la décision prise par les chefs d'États ou de gouvernement lors du sommet de Dublin, de manière à inclure les éléments ci-après :
a) Europol doit être autorisé à faciliter et appuyer la préparation, la coordination et la mise en oeuvre d'actions d'investigation spécifiques menées par les autorités compétentes des États membres, y compris des actions opérationnelles d'équipes conjointes comprenant des représentants d'Europol dans un rôle de support. La législation de chaque État membre déterminera quelle est l'autorité compétente, qu'il s'agisse d'autorités policières, douanières ou judiciaires;
b) Europol doit avoir la faculté de demander aux États membres de mener des enquêtes dans des affaires précises. Europol pourrait à ce titre prendre l'initiative d'attirer l'attention des autorités compétentes d'un ou de plusieurs États membres sur l'importance que revêtirait une enquête sur certaines affaires, sans que cette initiative n'oblige les États membres concernés à prendre les mesures demandées;
c) Europol devrait développer des compétences spécialisées spécifiques qui puissent être mises à la disposition des États membres pour les assister dans des enquêtes sur la criminalité organisée transfrontière (orientation politique nº 10);
d) les capacités d'Europol dans les domaines des techniques et du soutien opérationnels, de l'analyse et des fichiers créés à des fins d'analyse des données (par exemple, les registres des voitures ou autres biens volés) devraient être exploitées au maximun. Le développement des techniques opérationnelles pourrait prendre la forme d'études des pratiques au niveau national et de l'Union européenne et de leur efficacité ainsi que de la mise en place de stratégies, politiques et tactiques communes. Le développement du support opérationnel pourrait notamment se traduire par l'organisation de réunions, l'élaboration et l'application de programmes d'action communs, des analyses stratégiques, de soutien aux échanges d'informations et de renseignements, un soutien analytique pour les enquêtes nationales multilatérales, un soutien technique et tactique, un soutien juridique, la mise à disposition de moyens techniques, la mise au point de manuels communs, une aide à la formation, l'évaluation des résultats, et des avis donnés aux autorités compétentes des États membres;
e) Europol pourrait chercher à avoir accès au « Système d'information Schengen » ou à son successeur européen.
Le Conseil devra évaluer, sans préjudice de la ratification et de la mise en oeuvre rapide de la convention Europol, si le développement du rôle d'Europol exige une modification de la convention et, dans l'affirmative, des mesures immédiates devraient être prises. Dans l'intervalle, l'unité « Drogues » Europol (UDE) devrait être en mesure de s'acquitter pleinement de son mandat.
Une étude approfondie devrait être effectuée en vue d'examiner la place et le rôle des autorités judiciaires dans leurs relations avec Europol, au rythme de l'élargissement des compétences d'Europol. Date limite : fin 1998.
1.3.8. Criminalité organisée et argent.
20. Il y a lieu d'explorer, sur la base d'expériences pratiques, dans quelle mesure il conviendrait de renforcer la législation des États membres en matière de poursuites et de procédures pénales, en vue d'une coopération internationale dans la recherche, la saisie et la confiscation des produits du crime, ainsi que les enquêtes menées à cette fin. Date limite : fin 1999.
21. Il serait opportun de développer la législation visant à lutter contre la criminalité organisée liée à la fraude fiscale, dans le respect des règles pertinentes relatives à la protection des données (orientation politique nº 12). À cette fin, les propositions ci-après devraient être examinées :
dans les cas liés à la criminalité organisée, aucun obstacle juridique ne devrait s'opposer à ce que les services fiscaux aient la faculté ou soient tenus d'échanger, au niveau national, des informations avec les autorités compétentes de l'État membre concerné et, en particulier, avec l'appareil judiciaire, tout en respectant pleinement les droits fondamentaux;
la fraude fiscale liée à la criminalité organisée devrait être traitée comme n'importe quelle autre forme de criminalité organisée, même si la législation fiscale contient des règles spéciales en matière de récupération des produits de la fraude fiscale;
les dépenses effectuées à des fins criminelles telles que la corruption ne devraient pas être fiscalement déductibles;
la prévention et la répression de la fraude fiscale organisée telle que la fraude à la TVA et aux droits d'accises, y compris ses aspects transnationaux, devraient être améliorées, tant au niveau national qu'au niveau européen. Date limite : fin 1998.
22. Les États membres devraient examiner les moyens d'agir et de lutter efficacement contre l'utilisation, par la criminalité organisée, des places financières et des avantages extra-territoriaux, notamment lorsqu'ils sont situés dans des endroits relevant de leur juridiction. Pour ce qui est de ceux situés ailleurs, le Conseil devrait élaborer une politique commune compatible avec la politique menée par les États membres au niveau interne, en vue d'empêcher leur utilisation par les organisations criminelles opérant à l'intérieur de l'Union européenne (orientation politique nº 12). Date limite : 1998.
§ 2. Coopération internationale dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée
La criminalité organisée revêt souvent un caractère international.
À l'inverse des autorités chargées de la recherche, des poursuites et du jugement, les organisations criminelles ne sont aucunement gênées par l'existence de frontières nationales pour déployer leurs activités illégales. Dans certains cas, ces organisations utilisent même ces frontières nationales pour entraver ou même paralyser le travail des instances qui font respecter le droit.
La coopération internationale entre les diverses autorités nationales qui intervienent dans la lutte contre la criminalité organisée s'impose dès lors comme une nécessité absolue.
C'est dans ce cadre que la commission d'enquête parlementaire a entendu les personnes suivantes : le colonnel Willy Bruggeman, assistant coordinateur de l'Unité européenne drogue (UNED)/Europol (auditions du 27 juin et du 4 juillet 1997), le lieutenant colonnel Patrick Zanders, chef de la division coopération policière internationale du Service général d'appui policier (SGAP) (auditions du 25 avril 1997), M. Per Brix Knudsen, directeur de l'unité coordination de la lutte antifraude de la Commission des Communautés européennes (UCLAF) (auditions du 4 mars et du 6 juin 1997) et M. Philippe De Koster, substitut du procureur du Roi de Mons, à l'époque détaché auprès de la Commission des Communautés européennes (audition du 6 juin 1997).
Les informations issues de ces auditions et les informations complémentaires dont dispose la commission d'enquête ont permis d'obtenir une vue d'ensemble des principales structures de coopération internationale qui ont été mises en place dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée et que nous mentionnons ci-dessous. Après cette vue d'ensemble, nous examinerons dans quelle mesure la Belgique participe à cette coopération internationale et dispose d'instruments adaptés à celle-ci.
La coopération internationale dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée se développe à divers niveaux. L'on peut établir une première distinction en fonction de la localisation géographique de la coopération. L'on peut distinguer ainsi, pour ce qui est de la Belgique, une coopération au niveau mondial, une coopération à l'échelle européenne et une coopération à l'échelle du Benelux.
L'on peut en outre distinguer, dans le cadre de la coopération internationale, l'entraide policière, l'entraide judiciaire et l'entraide administrative. Comme il y a de nombreuse chevauchements entre elles, la distinction entre ces formes de coopération n'est toutefois pas toujours simple à faire. La chose n'a, néamoins, rien d'étonnant, étant donné que les diverses formes de coopération concernent souvent un même phénomène.
Au niveau mondial, il y a en fait deux institutions qui jouent un rôle de premier plan dans la lutte contre la criminalité organisée : les Nations Unies et Interpol.
Jusqu'à présent, les Nations Unies ont joué un rôle important dans la coopération judiciaire internationale. L'on a, en effet, élaboré à ce niveau toute une série de conventions internationales qui ont été signées et ratifiées par un grand nombre de pays. L'on peut signaler à cet égard, par exemple, la convention contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, faite à Vienne, le 20 décembre 1988 (Moniteur belge du 21 mars 1996) (229).
Les Nations Unies travaillent également depuis quelques années à l'élaboration d'une convention internationale relative à la lutte contre la criminalité internationale (230).
2. Interpol (231)
a) Organisation générale et fonctionnement
Les principes et les procédures issus de la coopération policière internationale ont été situés principalement dans le contexte de l'évolution d'Interpol. Cette organisation a, dès le début du siècle, marqué de son empreinte la coopération. Elle a été remise en question durant la dernière décennie, surtout pour ce qui est des nouvelles initiatives prises au sein de l'Union européenne.
La base juridique du fonctionnement actuel est constituée par le statut du 13 juin 1956, le réglement général du 13 juin 1956 et la doctrine pour les bureaux centraux nationaux (BCN), telle qu'elle a été adoptée au cours de la 34e assemblée d'Interpol, qui s'est tenue en 1965 à Rio de Janeiro (232). Cette doctrine fait partie intégrante du statut.
Les objectifs d'Interpol sont définis à l'article 2 du statut d'Interpol (233) tel qu'il a été modifié au cours de la 33e session de 1964 à Caracas. Interpol est chargé :
* d'assurer et de développer l'assistance réciproque la plus large de toutes les autorités de police criminelle dans le cadre des lois existant dans les différents pays, et dans l'esprit de la déclaration universelle des droits de l'homme;
* d'établir et de développer toutes les institutions capables de contribuer efficacement à la prévention et la répression des infractions de droit commun.
Les activités d'Interpol sont toutefois limitées par l'article 3, qui exclut toutes les activités ou interventions dans des affaires ou des questions présentant un caractère plutôt politique, militaire, religieux ou racial. Comme on le verra plus loin, l'article est, dans la pratique, vidé de sa substance.
En termes d'activités, les choses se résument aux tâches suivantes :
l'échange d'informations liées à des affaires précises (fichier central de données, diffusion d'avis de recherche, ...);
l'analyse criminelle, tant stratégique qu'opérationnelle;
l'échange d'informations, liées ou non à des affaires, et d'expériences, ainsi que la formulation de propositions politiques accordant une importance non négligeable à l'aspect formation.
La définition des tâches est soumise à une série de limitations statutaires et réglementaires :
· Le respect de la souveraineté nationale
La collaboration est basée sur les activités des services de police de chaque État membre sur leur propre territoire et conformément à leur cadre réglementaire national.
· La limitation aux délits de droit commun
Cette organisation limite ses activités à la prévention et à la répression de délits de droit commun.
· Le caractère universel de la coopération
Chaque membre peut collaborer avec n'importe quel autre membre. Aucune barrière linguistique ou géographique ne peut être dressée.
· L'égalité de traitement de tous les membres
Chaque membre obtient de l'organisation le même degré de services et bénéficie des mêmes droits.
· Le caractère extensif de la coopération
Par l'intermédiaire des bureaux centraux nationaux (BCN), la coopération est ouverte à toutes les administrations et à tous les services qui s'occupent de coopération policière.
· La souplesse dans le fonctionnement de l'organisation
c) Structure de l'organisation
c) 1. Généralités
Selon l'article 5, l'OIPC (Interpol) présente la structure suivante :
· L'assemblée générale;
· Le comité exécutif;
· Le secrétariat général;
· Les bureaux centraux nationaux;
· Des conseillers.
L'assemblée générale et le comité exécutif sont les organes délibérants de l'organisation.
c) 2. L'assemblée générale
L'article 6 du statut dispose : « L'Assemblée générale est l'institution suprême de l'organisation. Elle est composée de délégués des membres de l'Organisation ».
Chaque pays a le droit de composer lui-même sa délégation pour autant que les représentants occupent les fonctions suivantes au niveau national :
· de hauts fonctionnaires appartenant aux organismes qui assument des fonctions de police;
· des fonctionnaires dont la mission à l'échelon national est liée à l'organisation;
· des spécialistes dans les questions inscrites à l'ordre du jour de l'assemblée générale (234).
L'assemblée générale fixe chaque année la politique de l'organisation. En réalité cependant, cette assemblée est préparée par le comité exécutif, et surtout par le secrétariat général. L'assemblée générale peut instituer des commissions chargées de l'étude de questions spécifiques (235).
Le statut charge les membres de l'organisation de faire tous les efforts compatibles avec leurs propres nécessités pour mettre à exécution les décisions de l'assemblée générale (236).
Il ressort clairement du texte que la mise en oeuvre des décisions de l'assemblée générale repose sur le principe de la non-contrainte :
· les États membres apprécient librement s'ils font appel ou non à Interpol;
· les États membres apprécient librement si les décisions de l'assemblée générale auront des suites au plan national.
Ce qui précède illustre clairement le caractère non-contraignant du processus décisionnel au sein de la structure Interpol.
En vertu de l'article 31 du statut d'Interpol, les mesures ne peuvent être appliquées au niveau national que dans la mesure où elles sont compatibles avec la réglementation nationale.
c) 3. Le comité exécutif
Le comité exécutif est composé de 13 membres élus par l'assemblée générale en son sein.
Le comité exécutif est composé du président de l'organisation élu pour quatre ans, ainsi que de trois vice-présidents et neuf délégués élus pour trois ans (47).
Les treize membres du comité exécutif sont élus en tenant compte de la répartition géographique et doivent appartenir à des pays différents.
Le comité exécutif, qui se réunit en règle générale trois fois par an, veille à l'exécution des décisions de l'assemblée générale, en prépare l'ordre du jour, approuve le programme de travail et le projet de budget de l'Organisation avant que ceux-ci ne soient soumis à l'assemblée générale.
c) 4. Le secrétariat général
Le secrétariat général d'Interpol est l'organe exécutif permanent de cette organisation (48). Il assure l'administration générale et le fonctionnement quotidien de l'organisation. Nommé pour cinq ans par l'assemblée générale sur proposition du comité exécutif (49), le secrétaire général dirige le secrétariat général et est responsable devant le comité exécutif et l'assemblée générale.
Le SGAP a détaché un officier à Interpol. Ce capitaine-commandant de la gendarmerie est affecté à la cellule « traite des êtres humains » au sein du secrétariat général.
Le secrétariat général se compose du cabinet du secrétaire général et de quatre divisions.
Dépendent directement du cabinet du secrétaire général, le bureau de liaison européen et le contrôleur financier.
c) 4.1. La division administration générale (division 1)
Ce service assure la gestion administrative générale, la gestion logistique, la gestion du personnel et la gestion financière de l'organisation.
c) 4.2. La division de liaison et de l'information criminelle (division 2)
Cette division assure le soutien opérationnel journalier des bureaux nationaux et est chargée de centraliser les informations comme l'étude des dossiers judiciaires importants. Cette division gère le traitement informatisé des informations de police, administre l'archivage électronique, veille à l'application du règlement interne d'épuration des dossiers criminels, rédige les notices internationales et les synthèses sur les affaires criminelles et organise des réunions et des colloques spécialisés.
Cette division se compose de quatre sous-divisions :
· SD 1 : criminalité générale (infractions contre les personnes, infractions contre les biens, criminalité organisée et terrorisme);
· SD 2 : criminalité économique et financière (escroquerie, faux monnayage et faux documents de voyage, fonds provenant d'activités criminelles);
· SD 3 : lutte contre le trafic illicite des stupéfiants;
· SD 4 : « criminal intelligence ».
La sous-division « criminal intelligence » est chargée de traiter les informations destinées au BCN et se compose de cinq services :
1. Le MRRB (Service de réponse aux messages)
Le MRRB a pour mission de fournir au secrétariat général les moyens de :
· traiter et saisir les informations de police conformément à la réglementation d'Interpol en matière de protection de la vie privée;
· répondre aux demandes des BCN;
· collaborer étroitement avec les groupes spécialisés de la division.
2. Le service des notices internationales
Ce service est chargé :
· de préparer et de publier les notices à la demande du BCN, l'accent étant mis sur la rapidité et la précision des informations échangées;
· de scanner les dossiers qui sont à la base des renseignements;
· de veiller au respect des dispositions du règlement sur la destruction et le filtrage des informations enregistrées au secrétariat général.
3. Le service « dactyloscopie et identification »
Ce service exploite et actualise le fichier photographique et des empreintes digitales.
4. La section ASA (Automatic Search and Archives)
Cette section assure l'archivage électronique de tous les renseignements de police communiqués au secrétariat général et assure le fonctionnement du système ASF (automated search facilities).
Cette facilité permet au BCN ainsi qu'aux services ayant une mission de police et à qui l'accès direct a été octroyé de consulter directement le fichier automatisé.
5. Le système ACIU (Analytic Criminal Intelligence Unit)
Ce service a été créé en 1993 pour que l'on puisse disposer, au sein du secrétariat général, d'une cellule centrale chargée de l'analyse de la criminalité.
Le mandat de l'ACIU est de fournir des éléments d'analyse au secrétariat général ainsi qu'aux membres, tant au niveau stratégique que tactique.
L'objectif est d'identifier des criminels et de fournir des éléments devant permettre aux autorités de fixer des priorités et de mettre sur pied les actions adéquates.
c) 4.3. La division « affaires juridiques »
Ce service intervient en tant que service juridique consultatif de l'organisation et est chargé de surcroît de la diffusion d'informations générales sur la criminalité, de statistiques judiciaires et de la publication de la Revue internationale de police judiciaire (bimestrielle). La formation et l'organisation de conférences relèvent de la compétence de cette division.
c) 4.4. La division « supports techniques »
Cette division est chargée de l'étude, du développement et de la mise en place de la technologie de l'information.
c) 5. Les bureaux centraux nationaux
Pour faire face aux difficultés qui surgissent sans cesse dans le cadre de la coopération policière internationale, telles que les différences de structures entre les polices nationales, les barrières linguistiques et les différences de systèmes juridiques entre les États membres, les bureaux centraux nationaux constituent la clé de la coopération.
Les bureaux centraux nationaux assurent la liaison :
· entre les divers services nationaux;
· avec les services étrangers;
· avec le secrétariat général (53).
L'article 32 du statut dispose que la désignation du bureau national incombe au « pays ». L'on peut en déduire que cette désignation revient au gouvernement du pays. Pour ce qui est de la Belgique, cette décision a été inscrite dans l'arrêté royal sur le SGAP (54).
Le rôle du BCN peut être résumé comme suit :
· centraliser les informations judiciaires et la documentation et les diffuser conformément aux procédures en vigueur au sein de l'OIPC;
· préparer des opérations de police sur son territoire;
· recevoir des demande d'information, de vérification, ..., adressées par d'autres BCN;
· transmettre à l'OIPC-Interpol et aux autres BCN les demandes d'aide judiciaire émanant des autorités judiciaires nationales;
· le chef du BCN participe à l'assemblée générale et veille à l'application des résolutions votées par celle-ci.
Les contacts directs entre les BCN constituent l'épine dorsale de la coopération au sein d'Interpol.
d) Limitations des domaines de la coopération policière
Limitations statutaires
Comme on l'a dit plus haut, l'article 3 du statut d'Interpol interdit toute activité dans des matières portant sur des affaires politiques, religieuses, militaires ou raciales. C'est surtout en ce qui concerne les délits politiques qu'un point de vue plutôt nuancé a été adopté lors des assemblées générales de 1951 et 1984. D'après l'interprétation donnée à l'article 3, sont considérées comme des infractions à caractère plutôt politique, « les infractions présentant, en fonction des circonstances et des motifs à l'origine de l'acte, un caractère politique prédominant, même si le pays où l'infraction s'est produite lui a donné une qualification de droit commun ».
Le principe de la prédominance a été approuvé par la résolution de 1951.
Cette notion a encore été vidée de sa substance par une résolution de 1984, inspirée par les actions terroristes commises à la fin des années 70 et au début des années 80 :
« ne sont pas considérées comme infractions politiques, en particulier les infractions perpétrées en dehors d'une « zone de conflit » et dont les victimes sont étrangères à la cause combattue... lorsque des infractions sont commises par des auteurs politiquement motivés, mais lorsque ces actions n'ont plus un rapport direct avec la vie politique du pays, des individus ou la cause qu'ils combattent, les faits commis peuvent ne plus être considérés comme couverts par les immunités de l'article 3. »
En un sens, le principe de la prédominance a modifié les missions d'Interpol. Interpol facilite la collaboration entre les États membres en cas d'actes de terrorisme et de crimes de guerre.
e) Relations avec les autres organisations
L'article 41 du statut règle les relations entre Interpol et d'autres organisations.
Il autorise une collaboration avec des organisations gouvernementales ou non gouvernementales.
Les conventions conclues entre Interpol et d'autres organisations doivent cependant être soumises à l'approbation de l'assemblée générale.
L'organisation est également habilitée à prendre l'avis des organisations internationales non gouvernementales, ou des organisations nationales gouvernementales et non gouvernementales.
Pour l'heure, Interpol collabore avec les organisations suivantes :
· l'OACI (Organisation de l'aviation civile internationale), principalement dans le domaine de la lutte contre les délits perpétrés contre l'aviation civile;
· l'UIT (Organisation internationale de télécommunications) pour ce qui est du réseau de communications Interpol;
· l'Unesco, pour ce qui est des vols de biens culturels et d'objets d'art;
· l'OMPI (Organisation mondiale pour la propriété intellectuelle), dans le cadre de la lutte contre les délits commis contre la propriété intellectuelle, y compris le droit d'auteur;
· l'OMS (Organisation mondiale de la santé) pour tout ce qui touche aux stupéfiants;
· l'OMD (Organisation mondiale des douanes), en matière de collaboration entre la police et la douane, principalement dans le domaine du trafic des stupéfiants;
· le Conseil de l'Europe, à qui Interpol donne, en vertu d'un accord de 1959, des conseils pour la préparation des conventions itnernationales en matière de collaboration policière, d'entraide juridique et d'étude des phénomènes criminels;
· la CITES (Convention sur le commerce international des espèces sauvages de la flore et de la faune menacées d'extinction) pour ce qui est de la protection des animaux et de la flore sauvages.
Sous la présidence néerlandaise, l'Union européenne a récemment entamé un dialogue avec Interpol.
f) Interpol dans la lutte contre la criminalité organisée
f) 1. Groupe spécial au sein du secrétariat général
En exécution du premier colloque international relatif à la criminalité organisée tenu en 1988 à Saint-Cloud (France) et de la résolution adoptée à l'unanimité en 1988, lors de l'assemblée générale de Bangkok (Thaïlande), Interpol a créé, en janvier 1990, au sein du secrétariat général, une division spécialisée.
À terme, cette division devra :
· tenir un fichier automatisé des auteurs et des groupements impliqués dans des faits de criminalité organisée;
· effectuer des analyses criminelles sur la base des données fournies par les États membres;
· transmettre aux BCN les informations jugées utiles pour eux;
· étudier une action coordonnée, réunir les moyens nécessaires, réunir des experts ...
Ce service diffuse également le « bulletin de la criminalité organisée ».
À l'heure actuelle, les questions suivantes sont à l'ordre du jour :
· la définition;
· la législation;
· les problèmes;
· les mesures prises par les différents pays;
· la phénoménologie.
En février 1996, on a effectué pour la première fois, sous le nom de code « Opération Suzuri », une analyse de criminalité portant sur les groupes criminels actifs en Amérique latine et impliqués dans le trafic de la drogue, la falsification, le vol et le blanchiment d'argent. Un projet baptisé Marco Polo a été lancé récemment pour identifier les routes et les réseaux d'immigration illégale de l'Asie vers l'Europe. On n'a pas encore enregistré de résultats concrets, mais les rapports rédigés par Interpol sur la nature, la gravité et l'ampleur de la criminalité organisée à l'échelle mondiale font autorité.
f) 2. Officiers de contact pour la criminalité organisée
On désigne, dans chaque pays, un officier de contact en matière de criminalité organisée, chargé de faciliter la collaboration bilatérale internationale. Ces officiers se réuniront chaque année pour présenter un aperçu du phénomène dans certains pays et régions.
f) 3. Groupe FOPAC et bulletin FOPAC (Fonds provenant d'activités criminelles)
Ce groupe, créé au sein du secrétariat général, est chargé en particulier de fournir des informations dans le domaine du blanchiment des fonds d'origine criminelle à l'échelle internationale. Le groupe publie un bulletin FOPAC qui est diffusé dans les bureaux centraux nationaux. Ce bulletin analyse les affaires élucidées et en tire des leçons pour l'avenir.
f) 4. Notices
Interpol est chargée de diffuser les « fichiers rouges » dans lesquels sont signalées les personnes recherchées internationalement en vue d'une extradition. En 1996, Interpol a diffusé 30 fichiers rouges de personnes soupçonnées d'exercer une fonction dirigeante dans le crime organisé à l'échelle internationale.
Comme on l'a souligné, Interpol ne dispose pas d'une base juridique, ce qui peut poser des problèmes particuliers lorsqu'on transmet des données personnelles par le canal d'Interpol ou lorsqu'on met ce genre de données à la disposition d'Interpol. Lors de son audition du 25 avril 1997 (237), le lieutenant colonel Patrick Zanders a déclaré ce qui suit à ce sujet :
« À la fin de l'année dernière, Interpol s'est vu conférer le statut d'observateur des Nations Unies. Certains pays, dont les Pays-Bas, refusent notamment de mettre des informations douces et des données personnelles à la disposition d'Interpol, estimant, à tort ou à raison, que la protection juridique du citoyen par rapport à l'accessibilité de cette information est plutôt précaire. Interpol a pris conscience du problème et modifié sa structure d'information de sorte que les pays qui fournissent les informations à la banque de données d'Interpol sont en mesure d'en limiter l'accès. S'agissant d'Europol, il a fallu une convention pour structurer l'information au sein de l'Union européenne, comme pour Schengen. En ce qui concerne Interpol, la protection juridique n'est pas garantie par convention. En fait, on continue à travailler sur la base d'accords informels, même si l'étude scientifique relative à la protection juridique et à l'échange de données d'Interpol a débouché sur une évaluation positive. On ne doit pas oublier non plus que la commission Interpol chargée de la protection de la vie privée est actuellement présidée par un Belge, M. Thomas, qui préside également notre Commission de la protection de la vie privée. Il n'empêche que l'absence d'un fondement de droit international pour Interpol a un impact négatif sur les possibilités de ce service. Comme vous l'avez suggéré à raison, on pourrait prendre des initiatives dans le cadre des Nations Unies en vue de remédier à cette situation. Des tentatives ont déjà eu lieu dans ce sens et on discute depuis plusieurs années d'un statut juridique international, mais on comprendra que s'il est déjà difficile de s'accorder à quinze pays, il est d'autant plus malaisé d'y parvenir au niveau mondial, avec les 185 États membres de l'ONU. »
La collaboration internationale dans le cadre européen est particulièrement importante pour la Belgique. Ce cadre européen peut être subdivisé en trois niveaux géographiques distincts : le Conseil de l'Europe, la zone de l'Union européenne et la zone Schengen.
Le Conseil de l'Europe compte 40 États membres et il peut se targuer d'une longue tradition dans le domaine de la collaboration internationale en matière pénale (238). Parmi les principales réalisations du Conseil de l'Europe, l'on peut citer la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 (Moniteur belge du 28 mars 1995), la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 (Moniteur belge du 23 octobre 1975), la convention européenne pour la répression du terrorisme du 27 janvier 1977 (Moniteur belge du 5 février 1986) et la convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime du 8 novembre 1990 (entrée en vigueur en Belgique le 1er mai 1998).
En 1970 naquit, au sein de ce qui était alors la Communauté européenne, l'idée d'un « espace judiciaire européen » et une série de conventions intergouvernementales furent conclues dans le cadre de la Coopération politique européenne (CPE). Dans les années 80, cette coopération a produit une série de conventions concrètes relatives à la coopération internationale en matière pénale (239).
Au cours de la même période (1975) est né le groupe de collaboration TREVI au sein duquel les ministres de l'Intérieur et de la Justice des 12 membres que la Communauté européenne comptait à l'époque se réunissaient à intervalles réguliers en vue de chercher, au niveau politique, des solutions aux problèmes que rencontrent les policiers sur le terrain. La mise en place et le fonctionnement du groupe TREVI n'ont été réglés dans aucun texte. L'on considère que le groupe TREVI a fourni les principaux fondements de la collaboration policière européenne (240).
Par la suite, on a consacré le Titre VI du Traité de Maastricht sur l'Union européenne, du 7 février 1992, à la collaboration intergouvernementale entre États membres dans le domaine de la justice et de l'intérieur. Ce titre, qui comprend l'article K du Traité, constitue le troisième pilier de l'Union européenne. Selon les articles K.1.7 et K.1.9, les États membres considèrent la coopération policière (Europol) et judiciaire en matière pénale comme une matière d'intérêt communautaire. La collaboration judiciaire entre les États membres qui, nous l'avons vu, faisait jusqu'alors l'objet de négociations au sein du groupe de travail « collaboration judiciaire » dans le cadre de la CPE, a ainsi reçu un nouveau cadre institutionnel (241). Le TUE est entré en vigueur le 1er novembre 1993. Depuis l'on a déployé une grande activité dans le cadre du troisième pilier (242) et l'on a créé une série d'instruments juridiques nouveaux (conventions, actions communes, résolutions, ...) dans le domaine de la collaboration judiciaire internationale en matière pénale ou en tout cas, dans l'intérêt de celle-ci; l'on a également engagé des discussions concernant la mise au point de ces instruments.
L'on note également une activité importante sur le plan de la collaboration administrative au sein de l'Union européenne. Outre la coopération internationale entre les administrations douanières (la convention dite de Naples II, Journal officiel des Communautés européennes, 98/C 24/01, 23 janvier 1998), l'activité la plus importante concerne la collaboration dans le cadre de la protection des intérêts financiers des Communautés européennes (convention du 26 juillet 1995, établie sur la base de l'article K.3 du Traité sur l'Union européenne, relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, 95/C 316/03 et protocoles annexes).
En sus des textes de ces conventions, il y a, au sein de l'Union européenne, un grand nombre d'instruments qui pourraient être utiles dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée. Au cours de l'audition du 25 avril 1997, le lieutenant colonel P. Zanders a énuméré, à titre d'exemple, les instruments suivants (243) :
(1) Instruments fondés sur l'article K du Traité sur l'Union européenne
· Acte du Conseil du 27 septembre 1996, établissant la convention relative à l'extradition entre les États membres de l'Union européenne;
· Acte du Conseil du 26 juillet 1995, établissant la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes;
· Acte du Conseil du 26 juillet 1995, portant création d'un Office européen de police (Europol);
· Action commune, du 10 mars 1995 concernant l'unité « Drogues » Europol;
· Action commune du 29 novembre 1996 relative à la coopération entre les autorités douanières et les organisations d'entreprises en matière de lutte contre le trafic de drogue;
· Action commune du 29 novembre 1996 relative à la création et à la tenue d'un répertoire des compétences, des connaissances et des expertises spécialisées en matière de lutte contre la criminalité organisée internationale;
· Action commune du 17 décembre 1996, relative au rapprochement des législations et des pratiques entre les États membres de l'Union européenne en vue de lutter contre la toxicomanie et de prévenir et de lutter contre le trafic illicite de drogue;
· Résolution du Conseil du 20 décembre 1996 relative aux collaborateurs à l'action de la justice dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée;
· Résolution du Conseil du 23 novembre 1995 relative à la protection des témoins dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée internationale;
· Acte du Conseil du 26 juillet 1995, établissant la convention sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes.
Outre cette législation pertinente au sein de l'Union européenne, il y a une trentaine d'initiatives qui peuvent contribuer à la lutte contre la criminalité organisée.
(2) Instruments du premier pilier
Les instruments suivants du premier pilier sont prépondérants dans la lutte contre la criminalité organisée :
· Règlement du Conseil du 13 décembre 1990, relatif aux mesures à prendre afin d'empêcher le détournement de certaines substances pour la fabrication illicite de stupéfiants ou de substances psychotropes;
· Règlement du Conseil du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes;
· Directive du Conseil du 14 décembre 1992, relative à la fabrication et à la mise sur le marché de certaines substances utilisées pour la fabrication illicite de stupéfiants et de substances psychotropes;
· Directive du Conseil du 10 juin 1991, relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux.
Enfin, dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée, le groupe de haut niveau, qui a été créé fin 1996 joue un rôle important. En effet, ce groupe a rédigé un programme d'action relatif à la criminalité organisée. Ce programme d'action a été approuvé par le Conseil le 28 avril 1997 et publié au Journal officiel des Communautés européennes du 15 août 1997 (97/C 251/01). La partie III de ce plan d'action contient un schéma détaillé de 30 recommandations et une date limite pour leur mise en oeuvre.
b) L'unité drogues Europol (UDE) et Europol
À l'article K.1.9. du Titre VI, du Traité de Maastricht, l'on fait référence à un système d'échanges d'information au sein d'un office européen de police baptisé Europol. Cet office européen de police devrait être créé sur la base d'un traité (50).
Le 2 juin 1993, on est parvenu à Copenhague à un accord au niveau ministériel dans lequel les ministres du groupe Trevi ont décidé d'envoyer, à partir du 1er juillet 1993, des officiers de liaison dans un centre qui porterait le nom d'« Unité drogues Europol ». Cette unité devait réunir des agents non opérationnels dont la mission était de se consacrer à l'échange et l'analyse de renseignements concernant le trafic des drogues, les organisations criminelles qui s'y livrent ainsi que les activités de blanchiment qui y sont associées et qui ont une influence sur au moins deux États membres (244). Cet accord ministériel a permis de lancer le prédécesseur d'Europol, l'Unité de drogues Europol. On a installé cette unité à La Haye et, le 1er janvier 1994, l'équipe a commencé ses activités (ce que l'on a appelé la phase préconvention).
L'Unité drogues Europol (UDE) avait initialement un mandat limité. Elle ne pouvait échanger des données que dans le cadre de la lutte contre le trafic de stupéfiants et contre les formes de criminalité liées à celle-ci, il fallait que deux États membres ou plus soient impliqués et l'on ne pouvait pas stocker de données personnalisées. Le 10 mars 1995, le mandat de l'Unité drogues Europol fut élargi une première fois. Sur la base d'une action commune (245), l'Unité est devenue compétente pour : le trafic illicite de stupéfiants, le trafic illicite de matières radioactives et nucléaires, les réseaux illégaux d'immigration et le trafic illicite de véhicules à moteur (article 2). L'équipe n'était toutefois toujours pas opérationnelle et les limitations concernant les données personnalisées étaient toujours en vigueur. À l'occasion de la découverte, en Belgique, en août 1996, d'une série de réseaux pédophiles, l'on décida, au cours du Conseil informel des ministres de l'Intérieur et de la Justice qui se réunit les 28 et 29 novembre 1996 à Dublin, d'étendre une deuxième fois le mandat de l'UDE, cette fois à la traite des êtres humains (56).
Au cours de l'audition du 27 juin 1997, le colonel Willy Bruggeman fit à ce sujet la déclaration suivante (57): (traduction)
« L'Unité drogues Europol a vu le jour par la création d'un réseau d'officiers de liaison. Ces officiers siègent à La Haye, où ils représentent les quinze États membres de l'Union européenne. La Belgique est, par exemple, représentée par un officier de liaison de la gendarmerie, un autre de la police judiciaire et bientôt, probablement aussi par un autre encore de la douane. La police communale n'est pas représentée. Les officiers de liaison devaient tenter provisoirement de collaborer sur la base d'accords de coopération bilatérale. L'accord de Schengen est heureusement venu en sus, qui a permis aux officiers de liaison de travailler plus efficacement. Dans la situation provisoire actuelle, l'on ne peut toutefois faire appel qu'aux accords intergouvernementaux de coopération bilatérale, qui ne concernent que les ramifications de la criminalité organisée que je viens de nommer. Le mode de coopération actuel ne correspond pas aux objectifs de ceux qui ont voulu créer Europol. L'Allemagne, par exemple, était plutôt inspirée par l'exemple du FBI, qui a ses propres compétences exécutives et dont les fonctionnaires peuvent exécuter eux-mêmes des missions policières dans les divers États membres. Il va de soi surtout en Belgique que tous les États membres n'étaient pas disposés à aller aussi loin que les Allemands. La réalisation de la structure que ceux-ci indiquaient fut reportée, dès lors, aux calendes grecques. L'on décida de créer simplement un réseau d'officiers de liaison.
L'Allemagne exprime son désaccord, parce qu'un tel réseau constituerait la forme la plus poussée de coopération intergouvernementale. Or celle-ci forme le troisième pilier du traité de Maastricht, qui prévoit que les pays décident souverainement dans quelle mesure et pour quelles matières ils vont coopérer. Les officiers de liaison sont des instruments idéaux de la coopération intergouvernementale : ils appliquent le droit pénal national et sont dès lors des experts placés sous l'autorité des pouvoirs publics nationaux respectifs et donc aussi des parlements nationaux respectifs, ce qui est une bonne chose pour ce qui est de la démocratie.
À Interpol, la situation est différente : les officiers de liaison se trouvent dans une centrale qui est dissociée des compétences nationales. Par conséquent, l'Unité drogues Europol a adopté, non pas une approche de haut en bas, comme Interpol, mais une approche de bas en haut, ce qui signifie que les États membres envoient leurs représentants à La Haye en vue de la coopération.
J'estime que la coopération au sein de ce réseau d'officiers de liaison est assez bonne. Au sein de l'Unité drogues Europol, travaillent également plusieurs analystes de la criminalité, étant donné que, dans la phase qui précède la ratification de la convention Europol, nous pouvons établir des rapports basés sur des données non personnalisées. Nous sommes en train de rédiger des rapports sur la situation de certains secteurs de la criminalité organisée. L'Unité drogues Europol est chargée en outre de la préparation de la future Europol. »
La convention dite Europol a été approuvée et signée le 26 juillet 1995. Elle définit les objectifs et les tâches d'Europol, énumère les banques de données dont Europol doit disposer et élabore une réglementation pour la protection des données personnalisées qui sont stockées et traitées par Europol. Dès que la convention entrera en vigueur, Europol sera habilitée à prévenir et à combattre le trafic illicite de stupéfiants, de matières nucléaires et radioactives, ainsi que l'immigration clandestine, la traite des êtres humains et le trafic de véhicules volés. Au plus tard deux ans après l'entrée en vigueur de la convention, Europol sera également habilitée à intervenir en cas d'infractions qui auront été commises dans le cadre d'activités de terrorisme. Europol peut également le faire dans le cadre du blanchiment de l'argent lié à ces formes de criminalité ou à leurs aspects spécifiques et des infractions qui leur sont connexes (articles 2.3.1 et 2). Mais Europol ne servira pas uniquement de canal d'information. Elle sera aussi habilitée à exécuter des analyses stratégiques générales et des analyses opérationnelles au cas par cas. Pour exécuter ses missions, Europol disposera de trois types de banques de données :
un système d'information automatisé, qui sera alimenté tant par Europol que par les États membres (article 6 de la convention Europol);
des fichiers de travail à des fins d'analyse, dans lesquels des données personnalisées peuvent également être stockées (article 10 de la convention Europol);
un système d'index (article 11 de la convention Europol).
La Belgique a approuvé la convention Europol par la loi du 12 juin 1998 (58).
Le traité d'Amsterdam (246) qui a été signé le 2 octobre 1997 est la dernière étape en date qui n'en est pas moins essentielle dans le cadre de la formalisation de la coopération policière internationale. En mars 1997 a commencé la conférence intergouvernementale (CIG) qui devait revoir le traité de Maastricht. C'est ainsi qu'un nouveau traité a vu le jour, à savoir le traité d'Amsterdam, qui aborde également la question du troisième pilier. Le rôle d'Europol est fortement développé par ce traité. Outre les tâches définies dans la convention, Europol sera chargé d'intervenir davantage à l'avenir au niveau opérationnel, ce qui signifie qu'elle devra apporter son appui aux grandes enquêtes internationales et pourra demander aux États membres d'ouvrir une enquête sur la base des informations qu'elle aura recueillies (247).
Au cours de l'audition du 27 juin 1997, le colonel Willy Bruggeman a fait la déclaration suivante à ce sujet (248) :
« La future Europol constituera avant tout une perennisation du réseau d'officiers de liaison. C'est dans ce sens que va l'article 5 de la convention Europol. De plus, la mission d'analyse d'Europol sera étendue puisqu'elle pourra stocker des données personnelles. Depuis l'entrée en vigueur du traité de Maastricht et de la convention qui lui a fait suite, Europol est également chargée d'une fonction d'appui, d'une fonction d'expertise au niveau européen et de la formation du personnel de police intervenant dans la lutte contre la criminalité organisée. Je souhaite signaler, pour conclure, que le traité d'Amsterdam a élargi ces ambitions et a consacré, à l'article K.2, la fonction d'appui des task forces dans les États membres de l'Union européenne. Le traité d'Amsterdam confirme également qu'Europol jouit, non pas d'une compétence exécutive, mais d'un droit d'initiative qui lui permet de demander aux États membres d'ouvrir une enquête criminelle. Cette innovation permet d'exploiter au maximum la coopération intergouvernementale. »
c) L'unité de coordination de la lutte antifraude de la Commission des Communautés européennes (UCLAF)
M. Per Brix Knudsen, directeur de l'UCLAF, a présenté son service comme suit lors de l'audition du 6 juin 1997 (249) :
« La structure actuelle de l'UCLAF existe depuis le mois de février 1995. (...) La Commission a décidé, au vu de l'importance qu'attache la Commission à la lutte anti-fraude, de concentrer toutes les activités de la Commission, soit les activités législatives, opérationnelles, administratives et également les activités à la frontière entre l'administratif et le judiciaire, entre les mains de l'UCLAF. Cette organisation a bénéficié, grâce au Parlement européen, de 50 postes complémentaires. Aujourd'hui, nous sommes 125 personnes, réparties en différentes unités. (...) En réalité, nos activités couvrent toutes celles de l'Union européenne et, en particulier, les intérêts financiers de l'Union européenne. L'article 209A est un article-clé en ce qui concerne la protection des intérêts financiers de l'Union. Le premier paragraphe de l'article 209A oblige les États membres à protéger les intérêts financiers de l'Union, dans la même mesure que leurs propres intérêts. Tel est le sens de cet article. Le paragraphe deux exige des États membres qu'ils collaborent étroitement au respect de cette obligation avec l'assistance de la Commission. Cette tâche revient à l'UCLAF. Cette dernière peut prendre des initiatives législatives. Dans ce contexte, j'attire votre attention sur la convention « troisième pilier », autrement dit intergouvernementale. Celle-ci vient d'être complétée la semaine dernière par le deuxième protocole. Cette convention concerne la législation pénale des États membres, depuis une définition de la fraude communautaire jusqu'à une coopération judiciaire. Au nombre des activités, nous avons les « provenus », à savoir les ressources propres de l'Union. Il s'agit essentiellement des ressources propres traditionnelles. Par ressources propres, nous entendons les taux de droit de douane, les prélèvements agricoles... Nous avons également à charge les dépenses, notamment les dépenses agricoles, les fonds structurels, le fonds de cohésion, les programmes de formation et les programmes sociaux.
Nous nous occupons également de toute affaire de corruption ou d'irrégularité grave financière à l'intérieur de la Commission. Ces activités relèvent de différentes unités. Nous avons des experts spécialisés dans différents domaines. Ces experts connaissent très bien le contenu de la gestion des systèmes communautaires nationaux. Ils assistent les États membres ou font les enquêtes sur le terrain. L'UCLAF est probablement unique, car nous sommes la seule structure internationale qui regroupe les douaniers, les enquêteurs agricoles, les auditeurs, les policiers ...
Nous avons les plus grands contingents de gardes des finances et les magistrats. (...) L'organisation n'est pas seulement multinationale, mais est également multidisciplinaire. Nous travaillons sans un pouvoir de police ou judiciaire, pouvoirs qui ne sont pas les nôtres et que nous ne souhaitons pas. Nous assistons les instances judiciaires, policières et administratives des États membres pour exercer leurs tâches en conformité avec l'article 209A du Traité. Nous avons, depuis le premier janvier, le pouvoir de mener des enquêtes de « type administratif » sur le terrain dans les États membres, si nous soupçonnons une fraude ou une irrégularité. Les opérateurs économiques ont l'obligation de mettre à la disposition des enquêteurs, tous les éléments, comptables et autres, afin que ces derniers puissent accomplir leurs tâches. Nous n'avons pas de pouvoir policier mais les États membres sont obligés d'assister, si nécessaire, les contrôleurs de la Commission dans leur tâche. (...)
« Outre nos activités législatives, qui visent à renforcer le cadre législatif au niveau communautaire, du point de vue des obligations des États membres, au niveau de la collaboration et de la coordination, nous avons aussi obtenu des résultats sur le plan opérationnel, surtout en ce qui concerne les fraudes transnationales complexes et le crime organisé. Par la nature même de ces opérations criminelles, il est très difficile aux appareils administratifs nationaux de les détecter. Nous jouons donc un rôle important. Nous avons constaté, dans le contexte agricole et douanier, c'est-à-dire toutes les dépenses agricoles à l'importation et à l'exportation des produits agricoles, ou aux droits de douane ou prélèvements agricoles à l'importation, nous avons environ 6 000 cas « non clos », c'est-à-dire que les conséquences financières, pénales ou administratives ne sont pas encore finalisées. Moins de deux pour cent de ces cas couvrent la moitié des montants en cause, soit un peu moins de 2 milliards d'écus. Ces deux pour cent sont ceux qui nous préoccupent en particulier parce que nous nous trouvons en présence de la fraude sophistiquée ou du crime organisé ou bien organisé, si vous pouvez accepter cette distinction non scientifique. C'est dans ce contexte que nous mettons nos activités et notre expertise à la disposition des États membres. »
Dans une audition à huis clos, M. Per Brix Knudsen a donné quelques exemples de grandes affaires de fraude dans lesquelles une partie importante des activités criminelles se déroule également en Belgique. L'un de ces exemples concerne le problème de la délinquance en matière d'hormones et de la fraude dans le secteur de la viande; il est évoqué dans la discussion relative au secteur de la viande, dans le volet « secteurs économiques » du présent rapport. Un autre exemple porte sur la fraude pétrolière, également abordée dans le volet « secteurs économiques », dans la discussion relative à l'industrie du pétrole.
Un troisième cas concerne une fraude gigantesque à la TVA sur les cigarettes. On estime la fraude commise par l'intermédiaire du commerce illégal des cigarettes à 5 milliards d'écus (20 milliards de francs) par an au total. Ce commerce est entre les mains de plusieurs organisations criminelles qui ont des liens avec des organisations terroristes. Il s'agit de cigarettes mises illégalement sur le marché européen. Les ports d'Anvers et d'Ostende jouent, à côté de celui de Rotterdam par exemple, un rôle important en la matière parce que les cigarettes y sont embarquées pour une destination fictive en dehors de l'Union européenne. À hauteur de l'Espagne toutefois, les cigarettes sont transbordées sur de petits bateaux et mises sur le marché noir européen. Entre-temps, on a également recueilli des indices montrant que l'on se livre également à semblables trafics par avion (250).
d) 1. Schengen et son intégration dans l'Union européenne (251)
La convention d'application du 19 juin 1990 de l'Accord de Schengen, qui a été conclue au départ entre les pays du Benelux, l'Allemagne et la France, a été ratifiée entre-temps également par l'Italie (le 27 novembre 1990), le Portugal et l'Espagne (le 25 juin 1991), la Grèce (le 6 novembre 1992), l'Autriche (le 28 avril 1995) ainsi que le Danemark, la Finlande et la Suède (le 19 décembre 1996). Comme ces trois derniers pays forment avec l'Islande et la Norvège l'Union nordique, qui constitue déjà en soi une union des passeports au sein de laquelle les contrôles sur les personnes ont été supprimés, tous les pays du groupe de Schengen, l'Islande et la Norvège ont également conclu parallèlement à la convention d'exécution de Schengen, le 19 décembre 1996, un accord de coopération concernant la suppression du contrôle des personnes aux frontières communes. Cet accord devait permettre d'éviter que l'adhésion du Danemark, de la Finlande et de la Suède à la convention d'application ait pour effet de rompre l'Union nordique par la mise en place d'un contrôle renforcé aux frontières extérieures du territoire de Schengen. Au demeurant, la frontière de la Finlande et de la Suède avec la Norvège serait très difficile à contrôler en tant que frontière extérieure de Schengen, en raison de sa longueur. En même temps, cette convention parallèle permet de respecter la lettre de la convention d'application, qui prévoit que seuls les États membres de l'Union européenne et donc pas l'Islande ni la Norvège peuvent être partie à la Convention du 19 juin 1990.
En raison notamment des difficultés techniques rencontrées lors du lancement du SIS (le système d'information Schengen), la convention d'application n'a été mise en oeuvre que le 26 mars 1995 entre les pays du Benelux, l'Allemagne, la France, le Portugal et l'Espagne, alors qu'elle avait déjà été ratifiée depuis un certain temps par les pays concernés. Entre-temps, la convention est également entrée en vigueur pour l'Italie, l'Autriche et la Grèce, respectivement le 26 octobre 1997, le 1er décembre 1997 et le 8 décembre 1997. Ce sont surtout l'Italie et la Grèce, toutes deux parties à la convention depuis le début des années 90, qui ont mis énormément de temps à l'appliquer.
Le nouveau traité sur l'Union européenne, signé le 2 octobre 1997 à Amsterdam (Journal officiel des Communautés européennes, C 340, 10 novembre 1997), prévoit en effet d'inclure intégralement l'acquis de Schengen (l'accord de 1985, la convention d'application, les divers protocoles et accords d'adhésion, les décisions et déclarations du comité exécutif) dans le cadre institutionnel et juridique de l'Union européenne. Cela signifie qu'à partir de la date de l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, cet acquis de Schengen y compris les décisions du comité exécutif créé par la convention d'application qui ont été adoptées avant cette date sera applicable immédiatement aux treize pays qui constituent actuellement le groupe de Schengen (les États membres de l'Union sauf l'Irlande et le Royaume-Uni). L'Irlande et le Royaume-Uni ne seront pas liés, comme on l'a dit ci-dessus, par l'acquis de Schengen, mais pourront demander à tout moment à y participer, partiellement ou non. L'Islande et la Norvège seront associées à l'application et au développement de l'acquis de Schengen, sur la base de l'accord parallèle signé le 19 décembre 1996.
d) 2. Schengen et la coopération policière internationale
Les articles 39 à 47 de la convention d'application de Schengen contiennent des dispositions importantes en matière de coopération policière internationale (252).
Les accords de Schengen prévoient une collaboration au niveau de l'échange d'information et réglementent deux formes de coopération opérationnelle, à savoir la poursuite et l'observation transfrontalières. À ce jour, la livraison contrôlée n'a pas encore fait l'objet de normes intergouvernementales.
Il ressort de l'évaluation d'un an de fonctionnement que, du point de vue de la pratique policière, Schengen n'a eu qu'une incidence marginale sur la collaboration pratique entre les services de police.
Le système d'information Schengen produit des résultats appréciables. Schengen a également eu un impact important sur la collaboration au niveau des polices et de l'échange d'informations dans les zones frontalières.
Les conditions et les procédures applicables en matière de collaboration opérationnelle transfrontalière (poursuite et observation transfrontalières) doivent être revues d'urgence. Ces instruments ne correspondent pas à la pratique de terrain et sont difficilement utilisables.
Du fait de la prolifération des possibilités (Interpol, Europol, officiers de liaison, ...), l'échange de données entre les services nationaux chargés de la collaboration policière internationale est limité sur le plan de la quantité comme sur le plan de la qualité.
L'article 39 de la convention d'application de l'accord de Schengen prévoit un échange d'information indépendant entre les services de police, pour autant que le droit national prévoie un tel échange. En Belgique, cet article a amené les autorités judiciaires à remettre les pendules à l'heure et à soumettre les requêtes d'appui policier à leur appréciation préalable. D'autres pays, comme les Pays-Bas, ont quant à eux réagi de manière positive à cette opportunité nouvelle sur le plan international en modifiant leur Code d'instruction criminelle en conséquence.
Le champ d'application de l'observation et de la poursuite transfrontalières est fonction de déclarations bilatérales. On peut donc dire qu'en ce qui concerne la collaboration transfrontalière opérationnelle, Schengen s'analyse en une série d'accords de collaboration bilatéraux. Schengen, un trait d'union possible ?
Mis à part le développement du SIS, Schengen a donc surtout donné une impulsion à la collaboration institutionnelle dans les régions frontalières.
Des structures de coordination ont été mises en place et des accords de collaboration conclus. On a assisté dans les régions frontalières à la naissance d'une culture de collaboration spécifique faite de contacts de travail internationaux, de sessions de formation communes et de programmes d'échange.
Ces structures jouent un rôle de coordination important dans les domaines suivants :
· concertation au niveau de la recherche;
· approche des phénomènes transfrontaliers à grande échelle;
· mise en oeuvre de la collaboration entre les services;
· déploiement de moyens spéciaux pour autant qu'ils ne soient pas réservés aux autorités centrales;
· coordination opérationnelle des actions transfrontalières (observations, poursuite, ...).
ces structures jouent également un rôle d'appui :
· analyse des phénomènes;
· analyse stratégique;
· fonction de conseil à la recherche;
· besoins de formation;
· besoins en matériel et en télécommunications;
elles conseillent :
· les services de police;
· les autorités policières;
· le citoyen (justiciable).
Elles ne sont pas compétentes pour les tâches suivantes :
Les structures ne se substituent pas :
· aux responsables locaux de la police;
· aux autorités policières nationales;
· aux autorités centrales nationales chargées de la collaboration policière internationale.
Ces accords permettent aux services de police de préciser les détails pratiques dans des protocoles de travail.
Modèles d'organisation
De la frontière franco-espagnole à la frontière germano-hollandaise, ces structures sont très différenciées et varient donc d'une région frontalière à l'autre :
· centrales d'alarme pour lesquelles on réalise une liaison point à point entre des centrales d'alarme régionales établies de part et d'autre de la frontière pour assurer le trafic transfrontalier;
· commissariats communs avec du personnel des deux pays pour faciliter la collaboration transfrontalière et
· des centrales de commandement communes au moyen desquelles on élabore une structure de commandement intégrée.
Par ailleurs, les services régionaux d'information sont autorités à contacter les autorités centrales d'un pays (exemple : le LKA vis-à-vis du CRI aux Pays-Bas et du SGAP en Belgique).
L'échange d'informations est primordial pour l'appui aux tâches de maintien de l'ordre, et il débouche en définitive sur un meilleur service à la population. Les évolutions et les possibilités dans le domaine des multimédias sont indispensables pour atteindre cet objectif. Un projet d'échange d'informations eurorégional multimédia a ainsi été mis sur pied dans l'Eurorégion de Maastricht.
Les produits suivants ont d'ores et déjà été réalisés :
· échange électronique de formulaires standard;
· l'infokiosque;
· visioconférence.
Schengen a également harmonisé le cadre notionnel pour l'application de certaines techniques spéciales de police.
Le système d'information Schengen
La première évaluation du système d'information Schengen est positive.
Les catégories de notices suivantes ont été intégrées dans le système :
personnes signalées aux fins d'extradition;
étrangers aux fins d'extradition;
personnes disparues/à protéger;
témoins/personnes convoquées:
contrôle discret ou ciblé des voitures;
objets :
· véhicules à moteur/remorques/caravanes;
· armes à feu;
· documents vierges/documents d'identité et billets de banque.
Chaque pays dispose d'une partie nationale du SIS (NSIS) le fichier national. Ces fichiers sont reliés les uns aux autres au moyen du CSIS (système central d'information Schengen).
Chaque pays signataire de l'accord dispose également d'un bureau Sirène, chargé de surveiller le fichier et d'exécuter les demandes de consultation.
Le bureau Sirène est intégré dans le section de collaboration policière internationale du SGAP.
d) 3. Schengen et la coopération judiciaire internationale
Les articles 48 et 69 de la convention d'application de Schengen contiennent également une série de dispositions relatives à la coopération judiciaire internationale. Ces dispositions visent surtout à compléter les traités qui ont été conclus au niveau du Conseil de l'Europe ou du Benelux dans le cadre de l'assistance judiciaire mutuelle et de l'extradition, ou à faciliter leur application (253).
e) 1. Les officiers de liaison belges à l'étranger
e) 1.1. Généralités
L'analyse des instruments internationaux permet de faire la distinction entre :
les officiers de liaison belges
à l'étranger;
à Europol;
à Interpol;
les fonctionnaires de contact
Schengen (officier);
Interpol;
Europol.
e) 1.2. Réglementation belge
1. Généralités
Le Conseil des ministres du 19 juin 1992 a chargé les ministres de la Justice et de l'Intérieur de déterminer les conditions fonctionnelles communes auxquelles des officiers de liaison pourront être envoyés auprès de services de police étrangers.
Le statut et les règles de fonctionnement figurent dans la circulaire ministérielle du 4 octobre 1993.
La Belgique a été, à l'exception du Luxembourg et du Portugal, le dernier pays de l'Union européenne à prendre pareille initiative.
Contrairement à certains officiers de liaison étrangers, les fonctionnaires de police belges ont une compétence générale. Les services de police étrangers font la plupart du temps la distinction entre les officiers de liaison spécialisés en matière de drogue, ceux qui sont chargés de la lutte contre le terrorisme et les officiers de liaison généraux.
Le principe de l'envoi d'officiers de liaison est affirmé par plusieurs textes internationaux :
la convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants (Vienne, 19 décembre 1988);
les décisions de principe des ministres de la Justice et de l'Intérieur du groupe Trevi en juin 1991;
la déclaration des ministres représentant les pays parties à l'accord de Schengen, le 4 novembre 1992;
la convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990 en son article 47, approuvée par la loi du 18 mars 1993.
Les officiers de liaison belges assurent leurs missions au profit de l'ensemble des services de police belges.
L'officier de liaison exerce ses tâches en respectant la législation du pays d'affectation et les traités internationaux qui sont en vigueur dans ce pays et en Belgique, notamment en ce qui concerne l'entraide judiciaire, et ce sur la base des critères d'exécution de ces traités établis d'un commun accord entre la Belgique et le pays d'affectation.
2. Localisation des officiers de liaison
Ne peuvent être envoyés comme officiers de liaison que les membres des deux services nationaux de police ayant une compétence générale.
L'envoi d'un membre d'un service de police dans un poste déterminé ne signifie pas que le même service doive toujours occuper ce poste.
L'important est que le profil de l'officier de liaison corresponde à la compétence nécessaire lui permettant d'appréhender la problématique locale spécifique.
La police judiciaire près les parquets occupe les postes suivants :
Allemagne : Wiesbaden;
France : Paris;
Italie : Rome;
États-Unis : Washington;
Pologne (date encore à fixer).
La Gendarmerie occupe les postes suivants :
Pays-Bas : La Haye;
Espagne : Madrid;
Autriche : Vienne;
Colombie : Bogota;
Turquie : Istanbul.
Outre ces postes, on détache aussi des officiers de police auprès des organisations internationales (Interpol, Europol, ...).
La circulaire permet également de conclure des accords de coopération avec d'autres pays en vue de l'envoi d'officiers de liaison. On envisage ainsi d'envoyer des officiers de liaison dans le cadre du Benelux (ce qui permettra de faire des économies).
3. Mission des officiers de liaison
Comme cela a été dit ci-dessus, les officiers de liaison ont une compétence générale. Le domaine d'activité se rapporte à la criminalité en général et à la problématique liée à la drogue, en particulier, de même qu'à l'ordre public et à la surveillance des frontières extérieures.
L'objectif de l'envoi d'officiers de liaison à l'étranger est de promouvoir et d'accélérer la coopération policière mutuelle, notamment en accordant une assistance :
sous la forme d'échange d'informations aux fins de la lutte tant préventive que répressive contre la criminalité;
dans l'exécution de demandes d'entraide policière et judiciaire en matière pénale. Cependant, sauf instruction spéciale, l'officier de liaison n'exécute pas lui-même de commission rogatoire;
sous la forme d'échange d'informations concernant le maintien et le rétablissement de l'ordre public;
pour les besoins de l'exercice des missions des autorités chargées de la surveillance des frontières extérieures et de l'accès et du séjour des étrangers.
La mission des officiers de liaison belges à l'étranger est de contribuer à la réalisation des objectifs cités ci-dessus, en fournissant conseils et assistance;
rassembler toutes les informations sur les matières dont il est responsable pendant sa mission dans le pays d'affectation ou, le cas échéant, dans les pays de travail;
échanger des informations sur le sujet en question entre les services de police de ces pays et les services de police belges;
à la demande de la Belgique ou au nom d'un pays tiers bénéficiaire, contribuer à l'évolution des enquêtes en obtenant des informations sur les aspects de ses missions relatives au pays d'affectation ou au pays de travail;
observer le développement du problème de la criminalité dans le pays d'affectation ou de travail dans le but d'avertir la Belgique ou le pays tiers bénéficiaire pour leur donner la possibilité d'adapter leur politique à cet égard.
4. Relation fonctionnelle des officiers de liaison
La division « coopération policière internationale » du SGAP est chargée de la gestion fonctionnelle des officiers de liaison belges et des rapports avec ces derniers à l'étranger et sert de point de contact international pour les officiers de liaison étrangers en Belgique.
Il découle de ce lien de dépendance fonctionnelle que l'officier de liaison n'est pas autorisé à entretenir des contacts directs avec les unités locales en Belgique, même si elles font partie de son propre corps.
Les officiers des liaison n'ont pas de pouvoir d'exécution. Ils se limitent à exercer un rôle de conseil, d'information et d'assistance auprès des services compétents du pays de travail, du pays d'affectation et de la Belgique.
e) 2. Officiers de liaison étrangers en Belgique
Règles de fonctionnement
1. Principes
Il faut entendre par « officiers de liaison » les fonctionnaires de police étrangers ou des services officiels chargés de l'application de la loi (« law enforcement ») opérant en Belgique. Les règles de fonctionnement sont consignées dans la circulaire ministérielle conjointe des ministres de l'Intérieur et de la Justice du 20 septembre 1993.
2. Admission
Les officiers de liaison étrangers sont admis en Belgique sur la base des règles de fonctionnement imposées par les autorités belges et d'un commun accord entre la Belgique et le pays d'envoi.
Les officiers de liaison étrangers affectés en Belgique peuvent exercer leurs missions dans d'autres États à la condition qu'il y ait accord préalable entre l'État d'envoi, la Belgique et le ou les États concernés.
Les ministres de l'Intérieur et de la Justice admettent par décision commune chaque officier de liaison présenté par l'autorité étrangère compétente.
3. Compétences
Les officiers de liaison n'interviendront que dans les affaires qui sont directement liées à l'État d'envoi. Ils ne pourront exécuter aucun acte de police judiciaire ou administrative, à l'exception de l'exécution de commissions rogatoires dans lesquelles ils sont expressément désignés.
Ils devront à tout moment pouvoir justifier les activités ou contacts qu'ils ont établis dans le cadre de leur mission.
Les officiers de liaison ne peuvent pas recruter d'indicateurs à titre onéreux ou gratuit.
En cas de contact par un indicateur, ils devront en référer immédiatement à l'un des deux gestionnaires nationaux des indicateurs (BCR ou commissariat général de la police judiciaire).
Les officiers de liaison étrangers ne pourront, en aucun cas, effectuer eux-mêmes ou par personne interposée, des recherches dans la documentation policière, judiciaire ou administrative belge. Ils adresseront pour ce faire une demande écrite soit à l'État-major général de la gendarmerie, bureau central des recherches (BCR), soit au Commissariat général de la police judiciaire, brigade spéciale (BNB). En cas d'urgence, cette demande sera faite verbalement et confirmée par écrit dans les plus brefs délais.
Les contacts directs entre l'officier de liaison étranger et les services de police belges ne sont autorisés que dans les cas exposés ci-dessous.
Sauf autorisation expresse des autorités compétentes en matière judiciaire et/ou administrative, les officiers de liaison ne pourront pas participer à des interpellations, auditions d'inculpés ou de témoins, consulter des dossiers ou prendre part à des opérations de police.
4. Relation fonctionnelle avec les autorités et services belges
Le point de contact pour les officiers de liaison étrangers est le SGAP/CPI.
Les officiers de liaison étrangers ne sont autorisés à prendre ou à entretenir des contacts et à transmettre des informations qu'avec les services suivants :
l'État-major général de la gendarmerie, Bureau central des recherches (BCR), pour les affaires de police judiciaire ou de police administrative dans lesquelles la gendarmerie est désignée;
le Commissariat général de la police judiciaire, Brigade spéciale (BNB), pour les affaires de police judiciaire dans lesquelles la police judiciaire près les parquets est désignée;
le Groupe interforce antiterroriste (GIA) afin d'y traiter des affaires ressortissant aux attributions de ce service;
le ministère de l'Intérieur, direction générale de la police générale du Royaume (PGR) pour les affaires ressortissant aux missions de police administrative.
f) Un réseau pour magistrats ?
Il apparaît que les autorités policières de plusieurs pays ne se contentent pas de collaborer, mais se regroupent également au niveau supranational pour arriver à une meilleure coordination. Les autorités judiciaires ne disposent pas encore d'un forum international comparable.
Au cours de l'audition du 4 juillet 1997, le colonel Willy Bruggeman a fait à ce sujet (254) la déclaration suivante :
« Actuellement, nous connaissons une collaboration à deux vitesses : celle de la police et celle de la justice. Jusqu'aux années 80, la collaboration internationale était exclusivement judiciaire et elle reposait sur les conventions, (en fait dépassées) du Conseil de l'Europe relatives à la phase finale du processus judiciaire. Certains commissaires connaissent mes écrits à ce sujet. La phase finale est celle des procédures d'extradition, du transfert des poursuites, du transfert de l'exécution des peines,... Comme les conventions ne couvraient pas la phase initiale, elles ne contiennent pas de dispositions relatives à la collaboration entre les parquets. Depuis l'entrée en vigueur de l'accord de Schengen (après le Traité Benelux) et, surtout, des conventions Europol, la collaboration policière est devenue à la fois plus intense et plus flexible. La justice se rend compte de plus en plus qu'elle doit combler un retard les services de police sont d'ailleurs aussi demandeurs en la matière et elle souhaite harmoniser les choses en raprochant les deux vitesses [...].
Il est, tout d'abord, absolument nécessaire de réglementer la collaboration en matière de justice. Je citerai un exemple à cet égard. Il n'existe actuellement aucun critère permettant de confier l'ouverture d'une instruction à un pays donné. Il y a, certes, des critères pour ce qui est de la phase finale, qui concernent le taux des peines, la sécurité juridique en matière de transfert des poursuites et d'exécution des peines... Il n'y a toutefois pas de critères pour déterminer qui, de la France ou de la Belgique, doit être saisie d'une affaire particulière. En définitive, c'est la police seule qui effectue ce choix. Récemment, Europol s'est occupé? d'une grande affaire de fraude liée au trafic de la drogue. Sans ce lien, Europol n'aurait pas pu se saisir du dossier. Les victimes de cette fraude résidaient toutes en Belgique, en Allemagne et au Luxembourg. Les auteurs ont été arrêtés en France, mais on aurait très bien pu les arrêter en Belgique ou en Allemagne. Tout était une question de technique policière, mais il était possible ainsi de résoudre le problème. Pourquoi la police a-t-elle arrêté les criminels en France ? Simplement, parce que la police en avait envie ! Voilà, pour dire les choses crûment.
Le premier critère devrait être l'intérêt de la victime. Dans notre exemple, toutes les victimes doivent se constituer partie civile en France. En l'absence de tout critère, la police et la justice ont, en l'espèce, fait un mauvais choix. Dans le Nord de l'Europe, la police et la justice disposent de critères. Un procureur peut téléphoner à son collègue dans un pays voisin et ils peuvent faire un choix ensemble en se fondant sur une série de critères, parmi lesquels figurent l'intérêt de la victime et la sécurité juridique. Les procureurs belges aussi devraient être associés à ce choix; on ne peut le laisser à la police seule.
Aujourd'hui, on s'intéresse à cette problématique. C'est ce qui ressort notamment des documents du High Level Group qui a été associé à la préparation de la révision du traité de Maastricht, faite à Amsterdam. Ce groupe a oeuvré également à l'amélioration de la collaboration internationale en matière de justice. Ce sont les Pays-Bas qui ont pris l'initiative d'organiser une réunion des procureurs généraux (ou de leurs représentants) des quinze États membres de l'Union européenne, non seulement en vue d'élaborer un cadre juridique, mais aussi pour créer un réseau un Eurojus qui permettrait d'appuyer le réseau Europol. On ignore si les autorités iront jusqu'à déléguer des représentants des parquets à Europol, mais on développera au moins une fonction de réseau. C'est essentiel dès lors que l'on veut éviter que la police fasse trop de choix seule et profite de l'absence de collaboration en matière de justice. Les autorités policières, les autorités judiciaires et d'autres autorités, sont de plus en plus conscientes de la nécessité d'aller au-delà d'une simple collaboration intensive en matière de justice. [...]
À titre d'exemple, je commenterai une instruction pour des faits de blanchiment d'argent provenant du trafic de l'héroïne en Turquie. Cette instruction a été ouverte par trois États membres. Or, à partir du moment où on considère qu'il s'agit d'une affaire de criminalité financière, on se trouve confronté à des législations très divergentes en matière de blanchiment de l'argent issu d'activités criminelles.
La conférence Intellex elle portait sur le partage des informations qui a eu lieu récemment aux Pays-Bas a permis de comprendre qu'il était beaucoup plus important de faire le bon choix au début d'une instruction que de faire de bons choix par la suite.
Tous les États membres se sont penchés sur la question de savoir qui se trouvait dans la meilleure position pour administrer les preuves de manière légitime devant un tribunal. Il faut également prendre en considération les intérêts des auteurs ainsi que ceux de la victime. Si l'on choisit correctement le pays qui administrera la preuve, on pourra éviter bien des commissions rogatoires et des extraditions.
Par conséquent, il y a lieu de créer un cadre juridique et de définir des critères qui tiennent compte de tous les intérêts en jeu. Personnellement, je suis d'avis que l'intérêt de la victime doit primer, mais les autres intérêts que je viens d'évoquer ont eux aussi leur importance. Maintenant que la collaboration internationale dans l'Union européenne devient plus intense, il ne faudrait pas sous-estimer l'importance d'un tel cadre et celle de l'octroi d'une fonction de réseau au moins, à la magistrature.
Je sais que ce que je dis va très loin. On pourrait se demander jusqu'où on doit aller dans ce cadre et dans ces principes. Pour trouver une réponse, on pourrait s'inspirer du droit civil ou de la procédure de finalité en matière de transfert des poursuites, mais je pense que cela vaut la peine de chercher une réponse de la manière la plus approfondie possible. Et je pense qu'il est en tout cas nécessaire d'améliorer la collaboration entre la justice et la police. »
Dans l'intervalle, les choses ont commencé à bouger dans cette matière (255). Signalons l'action commune du 22 avril 1996 créant un cadre d'échange de magistrats de liaison entre les États membres de l'Union européenne. L'encadrement légal des « magistrats nationaux » belges et, par exemple, des « Landelijke Officieren » néerlandais constitue une condition essentielle au développement des contacts judiciaires internationaux, avec la possibilité de créer un point de contact pour l'étranger. L'action commune du 29 juin 1998 (Journal officiel des Communautés européennes du 7 juillet 1998, L 191) a en outre créé, sur la proposition de la Belgique, un réseau judiciaire européen, l'objectif étant de créer dans chaque État membre un ou plusieurs points de contact judiciaires. Ces points de contact sont décrits à l'article 4 comme les intermédiaires actifs qui doivent faciliter l'entraide judiciaire entre les États membres, notamment pour lutter contre les formes graves de criminalité.
Le 27 juin 1962 a été signé le traité d'extradition et d'entraide judiciaire en matière pénale (Moniteur belge du 24 octobre 1967). Ce traité contient des dispositions relatives à l'entraide policière et à l'entraide judiciaire (256).
1. Division « coopération policière internationale » du Service général d'appui policier
La coopération policière internationale est centralisée en Belgique au sein de la division « coopération policière internationale » du Service général d'appui policier (SGAP).
Le lieutenant colonel Patrick Zanders, qui dirige cette division, l'a décrite comme suit lors de l'audition du 25 avril 1997 (257) :
« La division de coopération policière internationale fait partie du SGAP, qui a été créé par arrêté royal du 11 juillet 1994. En vertu de l'article 4 de cet arrêté royal, le SGAP s'est vu confier des missions en matière de coopération policière internationale avec tous les services de police générale, donc tant la gendarmerie que la police judiciaire ou encore la police communale. Les dispositions de l'article 4 ont été précisées dans un protocole d'accord récent conclu le 10 mars entre le ministre de l'Intérieur et le ministre de la Justice. Ces missions y sont définies de manière encore plus pointue.
La division « coopération policière internationale » a deux grandes missions. Nous avons tout d'abord une mission opérationnelle : nous devons surtout faciliter des échanges d'information entre les services belges et étrangers. Nous avons également pour rôle de fournir un appui au politique : nous devons par exemple participer à la préparation des accords internationaux en matière de coopération policière internationale.
Avant de consigner les missions de la division dans un procotole d'accord, nous avons adopté la démarche d'une « Business Unit » stratégique en interrogeant nos trois « clients », à savoir les trois services de police générale, sur leurs besoins. Il s'est avéré que l'on attendait de nous que nous agissions dans deux domaines. D'une part, nous sommes censés nous charger des échanges internationaux d'informations. D'autre part, on attend de nous que nous acquérions une expertise dans ce domaine.
La division a donc été structurée en tenant compte des attentes des services de police. Nous avons créé une structure de piliers, avec des services d'appui, des services opérationnels et des services d'expertise, comme le montre l'organigramme suivant. Le service « logistique » se compose d'un service juridique, d'un service « information broker » chargé de fournir des informations et des études générales. Je pense notamment aux structures policières des services de police en Europe et dans le reste du monde. Il y a aussi un service de traduction. Comme vous le savez, les traductions sont d'une importance capitale dans les échanges internationaux de données. Le service « Traitement des messages » s'occupe de tous les échanges de messages opérationnels. Depuis le 10 mars, nous disposons d'une nouvelle salle opérationnelle pour les informations internationales, d'une permanence qui traite tous les messages 24 heures sur 24, d'un service de suivi qui doit contrôler la qualité des questions et réponses et d'un service chargé de l'archivage, qui remplit également un rôle essentiel au regard de la législation et de la réglementation sur la protection de la vie privée.
Par ailleurs, nous avons plusieurs centres d'expertises dont les membres sont essentiellement des agents de niveau 1 chargés de l'étude politique d'une série de structures liées à la coopération policière internationale. Ce pilier a été provisoirement subdivisé en une cellule Interpol, chargée de l'appui des activités dans le cadre de l'Union européenne moins Europol, et un service qui fait office de bureau de liaison. Ce service est chargé de la gestion des officiers de liaison Europol, des officiers de liaison belges à l'étranger et des officiers de liaison étrangers en Belgique. Il y a également le service « Sirène NSIS », sur lequel je reviendrai lorsque j'évoquerai les possibilités offertes par l'accord de Schengen.
Les centres d'expertise sont chargés de plusieurs missions. J'ai cité ces missions dans le document et ne les énumérerai donc pas toutes ici. Dans les grandes lignes, chacun de ces centres fait office d'expert dans sa spécialité pour ce qui est de la coopération policière internationale. À côté de cela, nous sommes également responsables de la surveillance de plusieurs points de contact dans les zones frontalières. Je reviendrai tout à l'heure sur cette question lorsque j'évoquerai Schengen et la coopération dans les zones frontalières. Un point de contact a été créé dans chaque zone frontalière. La division « coopération policière internationale » du service général d'appui policier est chargée du contrôle de ces services. Les centres d'expertise sont également chargés de la représentation de tous les services de police à l'étranger dans ces matières spécifiques.
Pour ce qui est de l'information opérationnelle, tant l'arrêté royal sur le Service général d'appui policier que le protocole additionnel à celui-ci, mais aussi la législation sur la protection des données à caractère personnel cf. l'arrêté royal nº 8 pris en exécution de la loi relative à la protection de la vie privée chargent la division coopération policière internationale d'une mission assez stricte en imposant ces directives, mais aussi en rendant ces informations accessibles aux autorités compétentes pour qu'elles soient contrôlées.
Ces informations ont été fonctionnellement réparties en trois grandes catégories, qui sont importantes pour la lutte contre la criminalité organisée. Quand on parle d'échange international d'informations, la plupart de ces informations concernent plutôt les formes les plus graves de la criminalité. La classification que l'on a adoptée est fonctionnelle et est principalement axée sur des signalements. Lorsque quelqu'un doit faire l'objet d'un signalement au niveau international, en vue d'une extradition, un service doit assurer le suivi. Par ailleurs, nous disposons d'une masse considérable d'informations opérationnelles. Nous avons fait une extrapolation. À l'époque du commissariat général il y a trois ans , on échangeait chaque année quelque 50 000 messages. Cette année, 140 000 messages auront été échangés au niveau international.
Plus les frontières s'ouvriront, plus le flux international de données entre les divers États s'intensifiera. Non seulement entre les États de l'Union européenne, mais aussi avec les pays de l'Europe de l'Est et avec tous les pays du globe.
D'autres informations sont également capitales. Il s'agit des informations qui ne portent pas directement sur la politique à suivre. Je reviendrai sur la question lorsque nous évoquerons l'éventail toujours plus grand des possibilités. Si nous voulons faire l'inventaire des possibilités en matière d'échange d'informations et de coopération policière internationale, nous constatons que quelque 130 institutions s'occupent de coopération policière internationale. Je doute que l'on ait le temps de les passer toutes en revue. Je me limiterai donc aux principales. En matière de coopération policière internationale, surtout en ce qui concerne le volet opérationnel, il est nécessaire de disposer d'une structure. Il s'est avéré que le policier sur le terrain ne pouvait plus s'y retrouver dans le dédale des possibilités. Voilà pourquoi nous nous sommes mis au service du policier sur le terrain, mais également des autorités judiciaires, pour structurer l'échange international d'informations. Le policier nous pose une question et nous examinons par quel canal nous allons pouvoir obtenir une réponse et par quelles procédures. On peut ainsi offrir un maximum de garanties au niveau de la protection juridique. En ce qui concerne la responsabilité, je tiens à signaler que la division de la coopération policière internationale est responsable de la procédure, et donc de l'archivage et du contrôle. Nous ne donnons plus de garantie d'exclusivité entre certaines structures.
Tout ne se fait plus exclusivement par Interpol ou par Schengen. En nous basant sur la réglementation au niveau international et au niveau national, nous examinons quel est le canal le plus approprié pour transmettre des informations.
Ces informations sont traitées selon le schéma suivant. J'aborde à cet égard le volet opérationnel de notre service. L'opérateur officie dans une salle où parviennent toutes les données à caractère international. Autrefois, il y avait un bureau d'Interpol, un bureau Sirène ainsi qu'un bureau de liaison nouvellement créé tant à la gendarmerie qu'à la police judiciaire. Tous ces organes sont aujourd'hui regroupés dans un seul local technique où toutes les informations sont centralisées, quel que soit le canal par lequel elles arrivent. Comme l'année passée, nous avons consenti cette année des investissements considérables afin que la fonction d'opérateur devienne un exemple pour l'Europe. Nous en sommes fiers.
Les messages sont traités en permanence par une équipe de policiers qui tentent d'y répondre le plus rapidement possible. À mesure que les frontières s'ouvriront, il sera nécessaire d'accélérer le flux des informations entre les différents pays. La nouvelle cellule doit veiller à un traitement rapide et adéquat des messages. Par ailleurs, certains messages ne peuvent pas être traités immédiatement et nécessitent dès lors un suivi et un examen plus approfondis. En ce qui concerne la criminalité organisée, nous avons créé un service : le service Appui Opérationnel dossiers confidentiels. La mission de ce service est de fournir un soutien au niveau international tant aux autorités judiciaires qu'aux services de police pour ce qui est de l'échange des informations touchant à la criminalité organisée. Le service Signalement est aussi d'une importance capitale au niveau international non seulement pour l'efficacité de la police mais aussi pour la protection juridique du citoyen. Le fait qu'un signalement erroné puisse causer des désagréments mais aussi entraîner des abus n'aura pas échappé au président. Je pense au cas où une personne, qui aurait été signalée à tort, pourrait être retenue à Zaventem alors qu'elle souhaite prendre l'avion à destination d'une localité située en dehors de l'espace Schengen. Nous devons offrir les garanties juridiques requises afin d'éviter que des erreurs soient commises. Nous avons également créé un service Suivi des dossiers qui contrôle la qualité des messages et les rédige aussi en grande partie. Ce service est chargé de répondre à la plupart des questions à l'exception de celles qui nécessitent une intervention des services de police sur le terrain, par exemple lorsqu'il faut exécuter une action spécifique. »
En attendant la concrétisation du réseau judiciaire européen susmentionné et la mise en place du point de contact judiciaire belge dans ce cadre, les magistrats nationaux peuvent jouer un rôle important en matière de coopération internationale en matière pénale.
La loi du 4 mars 1997 instituant le collège des procureurs généraux et créant la fonction de magistrat national a inséré un article 144bis, § 3, dans le Code judiciaire, qui dispose, entre autres, que les magistrats nationaux sont chargés, sous la surveillance et la direction d'un membre du collège des procureurs généraux, de faciliter la coopération internationale. Cela signifie concrètement que les magistrats nationaux peuvent jouer un rôle important pour ce qui est de coordonner et de faciliter les commissions rogatoires (258).
Des interventions de ce type ne sont pas superflues en pratique. Après avoir analysé les informations que les procureurs du Roi près les différents parquets lui ont transmises, la commission d'enquête s'est rendu compte qu'une commission rogatoire ne se déroulait pas toujours sans mal.
À cet égard, la commission d'enquête a posé les questions suivantes aux procureurs du Roi :
L'envoi de commissions rogatoires à l'étranger vous paraît-il d'une manière générale être traité avec diligence par les autorités judiciaires étrangères ?
Dans la négative, veuillez nous indiquer les pays avec lesquels vous rencontrez d'éventuelles difficultés. Quelles raisons vous semblent être à la base des problèmes rencontrés ?
On peut résumer comme suit les réponses qu'ils ont données :
Sept procureurs du Roi seulement (Arlon, Dinant, Huy, Mons, Veurne, Verviers et Eupen) répondent par l'affirmative à la première question.
Ces parquets dénoncent cependant des difficultés rencontrées avec le Luxembourg dans le cadre des affaires financières et fiscales d'une part, avec la Hollande qui apparaît souvent jalouse de ses affaires et peu encline à une collaboration si elle n'y a pas elle-même un intérêt majeur ou réel d'autre part.
Le procureur du Roi d'Eupen signale que, pour des raisons qu'il ignore, les autorités judiciaires du Pakistan n'ont, depuis trois ans, donné aucune suite à ses demandes d'aide judiciaire.
Les procureurs du Roi des autres arrondissements dénoncent en grande majorité une réelle lenteur dans l'exécution des commissions rogatoires. Les raisons en sont souvent inexpliquées, indépendamment des difficultés qui peuvent être liées à la langue de la procédure d'une part, à la différence de systèmes juridiques, comme en Angleterre par exemple, d'autre part.
Les procureurs du Roi de Bruges et de Courtrai notent par ailleurs des difficultés rencontrées avec l'État français.
Globalement, on en retient donc que les États ne collaborent entre eux que s'ils y trouvent des avantages respectifs.
Indépendamment des difficultés rencontrées avec les Pays-Bas et le Luxembourg, les pays suivants sont également notés comme réticents à une prompte collaboration : Autriche, Angleterre, Suisse, France, Italie (avec exception), Espagne (avec exception), Turquie, Pakistan et, pour les pays de l'Est, la Pologne.
L'ensemble des procureurs du Roi note cependant que lorsque leurs enquêteurs ou un juge d'instruction peuvent à l'occasion se rendre sur place, la réalisation des devoirs d'enquête est davantage diligentée.
Le procureur du Roi de Dinant souligne que la mise en vigueur des accords de Schengen constitue néanmoins un progrès bien que sur le plan européen, comme il a déjà été précédemment souligné, l'on ne puisse pas encore véritablement parler d'espace judiciaire.
Le procureur du Roi de Charleroi souligne à l'occasion de cette question qu'il se rend compte que la collaboration policière prend davantage le pas sur la collaboration judiciaire. Cette constatation doit attirer l'attention dans la mesure où les garanties d'un État démocratique ne doivent pas permettre l'élaboration d'une collaboration policière qui se ferait sans que le pouvoir judiciaire en assure un contrôle effectif.
Globalement, on se rend donc compte de l'existence de quatre types de difficultés :
la première liée à la souveraineté nationale d'un pays déterminé (exemple récurrent de la mauvaise volonté de la Hollande);
la deuxième liée à la spécificité des matières (obtention de renseignements bancaires dans le cadre d'enquêtes pénales fiscales, au Luxembourg et en Suisse notamment);
la troisième liée à la méconnaissance des systèmes juridiques de certains pays;
la quatrième dont on prend la mesure à l'occasion de la dénonciation catégorique par les procureurs du Roi de la lourdeur de la procédure diplomatique obligatoire, laquelle devrait être supprimée au bénéfice d'un contact direct d'instances judiciaires à instances judiciaires.
La commission d'enquête a également demandé aux procureurs du Roi avec quelle rapidité les instances belges traitaient les commissions rogatoires étrangères.
D'une manière générale, l'ensemble des procureurs du Roi fait état d'une bonne volonté pour traiter les demandes, à tout le moins avec une diligence similaire à celle adoptée pour les dossiers internes.
On soulignera cependant que les problèmes administratifs et de traduction sont dénoncés comme un frein réel. La nature des devoirs à réaliser en sera un deuxième dans la mesure où certains pourront l'être plus rapidement que d'autres (une perquisition pourra être plus rapidement réalisée qu'une expertise).
Le procureur du Roi de Marche-en-Famenne souligne avec courage et honnêteté une tendance de ses services à ne plus collaborer par priorité avec les pays qui ont fait preuve à l'égard de son parquet d'un manque de collaboration (Hollande notamment). On peut imaginer que cette réponse ne soit pas aussi isolée qu'elle le paraît dans la mesure où elle traduit, sinon un état d'esprit, à tout le moins une réaction compréhensible sur le plan humain.
La correction du procureur du Roi de Marche-en-Famenne à répondre franchement à la question doit induire une réflexion, dès lors que la collaboration entre États en matière de crime organisé est une préoccupation majeure.
Des contacts avec les autorités étrangères doivent donc être intensifiés afin d'améliorer les collaborations réciproques.
Dans le courant de l'année 1996, de nombreuses personnalités judiciaires se sont regroupées pour éditer un livre sous l'autorité de Denis Robert, intitulé L'appel de Genève .
Dans cet ouvrage, l'avocat général français Van Ruiymbeke dénonce également la lenteur des commissions rogatoires internationales en soulignant cependant l'exception de la Belgique, laquelle répond généralement aux demandes de commission rogatoire dans un délai exemplaire, soit entre 3 semaines et 3 mois.
Les magistrats nationaux forment également un pendant judiciaire important de la division coopération policière internationale du Service général d'appui policier (259).
La coopération internationale ne peut finalement porter ses fruits que si les différentes parties associées à cette coopération sont suffisamment équipées pour y participer à part entière. Les conventions et les structures internationales n'ont donc de sens que dans la mesure où elles font l'objet d'une mise en oeuvre nationale.
On a récemment vu naître en Belgique un mouvement d'adhésion à une série de conventions importantes d'aide judiciaire, dont la plus surprenante a été la ratification, en tant que dernier État de l'Union européenne, de la convention européenne d'extradition de 1957 (Moniteur belge du 27 novembre 1997).
Cela ne signifie toutefois pas que la législation nationale belge soit suffisamment adaptée pour pouvoir accorder ou demander efficacement une aide judiciaire. La commission d'enquête a constaté d'importantes lacunes en matière de coopération tant policière que judiciaire.
2. Coopération policière internationale
Lors de l'audition du 25 avril 1997, le lieutenant-colonel Patrick Zanders a abordé un point sensible très important (260) :
« Une réglementation conventionnelle internationale ne suffit pas si le droit national n'y est pas adapté. Je me réfère à la lacune qui est apparue lors de l'institution de l'accord de Schengen. L'article 39, § 1er , de celui-ci prévoit un échange plus souple de données policières. Il renvoie simultanément au droit national. Des initiatives législatives ont été prises sur la base de cet article dans la plupart des pays, aux Pays-Bas, par exemple. En Belgique, l'article 39 est resté lettre morte, parce que le droit de disposer de l'information appartient aux autorités judiciaires, alors que la gestion des fichiers est entre les mains de la police. L'assouplissement qu'offre l'article 39 en permettant d'échanger directement certaines catégories de données sans l'assentiment préalable théorique de l'autorité judiciaire n'a pas été transposé en droit belge. Nous nous trouvons actuellement dans une situation impossible, qui, espérons-le, ne s'éternisera plus. »
Dans l'attente d'une réglementation légale, ce problème a été provisoirement résolu par une circulaire du Collège des procureurs généraux du 22 septembre 1997, non publiée au Moniteur belge (261). Cette circulaire introduit de nouvelles règles en matière d'échange de données policières dans l'ordre juridique belge. En effet, elle autorise, dans certains cas, un échange autonome d'informations policières si la mention for police use only figure sur le support de données. Il s'agirait alors d'informations qui ne peuvent pas être utilisées immédiatement comme preuve dans des affaires pénales. Pareil système est difficilement compatible avec les principes actuels de notre Code d'instruction criminelle et l'obligation que celui-ci impose à la police de faire rapport aux autorités judiciaires (262).
3. Coopération judiciaire internationale (263)
En 1833, la Belgique a été un des premiers pays au monde à adopter une loi moderne sur l'extradition, qui pouvait servir de modèle à de nombreuses législations d'autres pays. Avec la loi du 15 mars 1874, cette loi ou, du moins, son article 6 demeure la seule base légale du droit belge en matière d'extradition.
b. Entraide judiciaire en matière pénale (commissions rogatoires, etc.)
Par son caractère étriqué, la législation belge en matière d'aide judiciaire est, sur le plan législatif, encore plus mal en point, à supposer que ce soit possible, que la législation en matière d'extradition. En effet, la Belgique ne dispose toujours pas d'une véritable loi sur l'aide judiciaire précisant la manière dont l'aide judiciaire en matière pénale internationale peut être demandée et accordée par la Belgique. Jusqu'il y a peu, la législation belge ne comportait que trois dispositions d'une certaine importance en la matière (264). Pour les demandes d'aide judiciaire adressées à l'étranger, c'est l'article 11 du Code judiciaire qui s'applique :
« Les juges ne peuvent déléguer leur juridiction. Ils peuvent néanmoins adresser des commissions rogatoires à un autre tribunal ou à un autre juge, et même à des autorités judiciaires étrangères, pour faire procéder à des actes d'instruction. »
Pour les demandes d'aide judiciaire que la Belgique reçoit, on applique l'article 873, deuxième alinéa, du Code judiciaire :
« Toutefois et à moins que les conventions internationales n'en disposent autrement, l'exécution des commissions rogatoires émanant des autorités judiciaires étrangères ne peut avoir lieu qu'après avoir été autorisée par le ministre de la Justice. »
Cette dernière disposition constitue en outre un obstacle à un règlement efficace de demandes étrangères d'extradition. En effet, l'article 873, deuxième alinéa, du Code judiciaire requiert l'intervention du ministère de la Justice avant qu'une demande d'aide judicaire puisse être exécutée. Seule une convention internationale peut déroger à cette règle, ce qu'a fait concrètement l'article 24.1 du traité Benelux d'extradition et d'entraide judiciaire en matière pénale.
On trouvera un troisième fragment de législation dans le droit belge en matière d'aide judiciaire à l'article 11 de la loi susmentionnée du 15 mars 1874 sur les extraditions. Cet article dispose que les commissions rogatoires émanées de l'autorité compétente étrangère et tendant à faire opérer soit une visite domiciliaire, soit la saisie du corps du délit ou de pièces à conviction, ne pourront être exécutées en Belgique que pour l'un des faits pour lesquels la loi sur les extraditions autorise l'extradition. L'article prévoit également la condition d'un exequatur préalable par la chambre du conseil de la demande étrangère d'aide judiciaire.
Avec la loi du 20 mai 1997 sur la coopération internationale en ce qui concerne l'exécution de saisies et de confiscations (265) s'ajoute un quatrième élément. En effet, les articles 9 à 11 de cette loi précisent les conditions et la procédure pour l'exécution en Belgique des demandes étrangères de saisie aux fins de confiscation.
Pour le reste, il n'existe aucune législation concernant l'aide judiciaire mineure. À strictement parler, ce n'est pas un problème insurmontable, puisqu'on peut généralement déterminer, sur la base du texte des conventions d'aide judiciaire ratifiées par la Belgique, si, dans un cas concret, une aide judiciaire peut être accordée ou demandée. Étant donné qu'il faut également vérifier, en l'espèce, les réserves et les déclarations de la Belgique et des autres États concernés, ce n'est généralement pas une tâche facile (266). C'est ainsi qu'apparaît, en fait, une situation inversée. Au lieu de préciser dans une loi-cadre générale un certain nombre de priorités et de lignes de conduites sur la base desquelles on peut décider de ratifier des conventions ou de faire certaines réserves et déclarations, on commence par conclure des conventions internationales et formuler des réserves, pour ne prévoir qu'ultérieurement, si cela s'avère vraiment nécessaire, un encadrement législatif.
c. Transmission de poursuites pénales
La Belgique ne connaît pas non plus de législation prévoyant que des poursuites pénales engagées en Belgique peuvent être transmises à un autre État mieux placé.
Toutefois, le ministère public peut, dans le cadre de la politique menée, considérer qu'il serait préférable que des infractions pour lesquelles la Belgique peut intenter des poursuites mais pour lesquelles il existe également une capacité juridique dans un autre État fassent l'objet de poursuites dans cet État. Dans ce cas, la Belgique peut faire à cet autre État une dénonciation aux fins de poursuites. L'autre État est alors libre de procéder ou non à des poursuites. L'article 42 de la convention Benelux et l'article 21 de la convention européenne d'entraide judiciaire prévoient une réglementation sommaire concernant cette dénonciation aux fins de poursuites, qui demande surtout d'informer l'État qui procède à la dénonciation de la décision qui a été prise concernant les poursuites.
La dénonciation aux fins de poursuites provoque de nombreuses difficultés pour ce qui est d'assurer également une bonne administration de la justice dans les affaires pénales internationales. Mais l'absence de réglementation légale concrète ou de directive uniforme à cet égard, à l'instar de la législation élaborée aux Pays-Bas précédemment (267), engendre une grande insécurité juridique quant à la portée exacte d'un tel instrument. En effet, la dénonciation aux fins de poursuites va beaucoup plus loin qu'une décision du ministère public dans le cadre du principe d'opportunité, car il ne s'agit pas tant de la décision de poursuivre ou non que de la décision relative au lieu des poursuites, pour laquelle il ne faut par exemple pas perdre de vue les intérêts du suspect ni ceux de la victime. À cela s'ajoute qu'à défaut de législation belge en la matière, on ne peut absolument pas établir si cette dénonciation aux fins de poursuites signifie que la Belgique cesse véritablement de poursuivre l'infraction si le pays étranger prend le relais. Pour des pays qui ont bel et bien une législation à cet égard et qui ne peuvent poursuivre que si l'État qui transmet cette capacité ne poursuit pas ou ne poursuit plus, cela peut engendrer des problèmes insolubles.
Outre cette dénonciation aux fins de poursuites, il existe encore une transmission de poursuites pénales qui permet de transmettre également les poursuites à des États qui ne possèdent pas de capacité juridique on parle d'une capacité uniquement « dérivée » ou « secondaire » pour procéder à des poursuites. Pareil système est élaboré d'une manière générale dans les conventions, d'ailleurs signées par la Belgique, de 1972 (268) et de 1990 (269), relatives à la transmission de poursuites pénales.
On oublie souvent que le système de la compétence juridictionnelle dérivée existe déjà en Belgique, quoique sous une forme limitée et subordonnée au principe de non-extradition. Les lois d'exécution de la convention de 1970 pour la répression de la capture d'aéronefs (270), de la convention relative à l'aviation civile de 1971 (271), des conventions européennes de 1977 et de 1979 relatives au terrorisme (272) ainsi que de la convention de 1980 sur la protection physique des matières nucléaires (273) prévoient toutes une disposition dans ce sens.
Ces dispositions sont cependant indépendantes les unes des autres et elles ne s'inscrivent pas dans un cadre juridique structuré. Il n'y a pas de politique en matière de transfert des poursuites, ni de textes clairement accessibles qui déterminent les cas dans lesquels la Belgique décidera de reprendre ou de transférer les poursuites pénales. Par conséquent, la ratification de certaines conventions comme celle de 1972 pourrait constituer un premier pas dans la bonne direction, mais il serait aussi totalement insuffisant.
d. Transmission de l'exécution des jugements répressifs prononcés à l'étranger.
Il y a enfin la forme d'entraide judiciaire internationale qui consiste à transmettre l'exécution des jugements répressifs, c'est-à-dire que l'État où le jugement a été prononcé transmet l'exécution du jugement à un autre État(274). Si cette forme d'entraide judiciaire peut en principe être concrétisée en dehors du cadre d'une convention, dans la plupart des cas, les législations nationales exigent pareille convention. C'est notamment le cas en Belgique, même si notre pays ne dispose pas vraiment d'un cadre législatif précis à cet égard.
d.1. Une convention sans application
Le 30 novembre 1964, le Conseil de l'Europe a adopté la convention européenne pour la surveillance des personnes condamnées ou libérées sous conditions. Cette convention, que la Belgique a signée et ratifiée (275), vise à organiser un contrôle transfrontalier sur les mesures (de probation) que le juge a prises et parvenir ainsi à une collaboration internationale en matière d'exécution des peines (276). L'exposé des motifs de la loi d'approbation de la convention signalait que celle-ci nécessitait des mesures d'application (277), mais la Belgique ne les a jamais adoptées. La convention est donc restée lettre morte jusqu'à ce jour.
d.2. La loi du 23 mai 1990
Depuis le 23 mai 1990, la Belgique dispose d'une loi réglant le transfèrement des personnes condamnées (278). Du fait de cette loi, des personnes qui ont été condamnées à l'étranger peuvent purger leur peine dans leur propre pays. Cette loi, qui a été adoptée en exécution d'une convention du Conseil de l'Europe (279) et d'un accord conclu entre les États membres des Communautés européennes (280), est un excellent instrument qui permet de résoudre en partie les problèmes que pose l'exécution des peines dans une affaire pénale internationale. En la combinant avec, par exemple, l'extradition de ses propres ressortissants, elle permettrait par ailleurs de résoudre un grand nombre de problèmes en suspens (281).
d.3. Une promesse de Schengen qui n'a pas été tenue
La loi du 23 mai 1990 ainsi que la convention qui est à l'origine de cette loi, s'appliquent uniquement aux condamnés incarcérés. Elle ne permet pas de résoudre le problème posé par les personnes en fuite ou les personnes qui se sont soustraites à l'exécution d'une peine. Le cas des condamnés qui se soustraient à l'exécution d'une peine en fuyant vers leur pays est celui qui pose le plus de problèmes. Dans ce cas en effet, en tant que ressortissant de ce pays, le condamné n'aura guère de soucis à se faire car il y a très peu d'États qui extradent leurs propres ressortissants aux fins de l'exécution d'une peine.
C'est précisément pour apporter une solution dans ce cas unique, mais cependant très important, qu'on a prévu un régime, qui est défini dans les articles 68 à 69 de la convention d'application (282). Dans le protocole annexé à la convention d'application, la Belgique a déclaré cependant qu'elle élaborerait une procédure législative particulière pour permettre cette forme de transmission de l'exécution (283). Cette procédure serait élaborée au moment de la ratification de la convention d'application. La circulaire interministérielle du 16 mars 1995 sur l'incidence de la convention de Schengen, confirme cette intention. Elle affirme également que, dans l'attente de ce régime, les articles 67 à 69 de la convention d'application ne sontpas applicables en Belgique (284). Cette disposition de la circulaire va sans doute plus loin que ce qui est juridiquement possible. La décision du gouvernement belge de ne pas appliquer, pour des raisons juridico-techniques, la transmission de l'exécution des peines sur la base des articles 66 à 69 de la convention d'application, signifie en effet que la Belgique ne peut pas transmettre l'exécution des peines à un autre État sur la base de ladite convention (285).
Quoiqu'il en soit, on peut regretter qu'en dépit de la promesse que le gouvernement belge a maintes fois réitérée, la législation annoncée n'a toujours pas été adoptée, ce qui fait que les articles importants de la convention d'application ne peuvent pratiquement pas être appliqués. Il s'agit là pourtant d'un instrument réellement utile dans la pratique.
d.4. La loi du 20 mai 1997
Depuis la loi du 20 mai 1997, la Belgique dispose d'une loi qui a apporté une contribution importante dans le domaine de la coopération internationale en ce qui concerne l'exécution des saisies (286). Grâce à cette loi, la Belgique peut enfin remplir les obligations qu'elle a contractées par traité et exécuter les décisions de confiscation qui ont été prononcées à l'étranger. Pour exercer cette forme de compétence juridictionnelle, il est indispensable de disposer d'un traité et il est donc souhaitable que l'on n'oublie pas d'adopter les dispositions nécessaires au moment de conclure des traités dans cette matière.
d.5. On ne dispose toujours pas d'une loi valable en matière de transmission de l'exécution des peines.
Les lois susvisées de 1990 et de 1997 sont incontestablement importantes pour l'entraide judiciaire en matière de transmission de l'exécution des jugements répressifs. Il n'empêche qu'elles ne règlent qu'une partie de la matière en question. La Belgique n'a pas de législation globale et coordonnée comparable à celle dont disposent les Pays-Bas grâce à la loi « WOTS » (loi relative à l'exécution des jugements répressifs). La Belgique n'a pas davantage ratifié la convention de base du Conseil de l'Europe en la matière (287).
1. La coopération internationale est indispensable pour s'attaquer à la criminalité organisée. En effet, la seule manière d'agir efficacement contre le crime organisé consistera très souvent à coopérer avec les autorités compétentes des autres États.
2. La coopération internationale au niveau des polices, de la justice et des administrations forme un tout. Le phénomène de la criminalité organisée requiert une approche multidisciplinaire qui associe, en sus de la police et la justice, les autorités administratives. Cette approche nécessite une panoplie d'instruments internationaux adéquats qui offrent suffisamment de garanties au niveau de la protection juridique. Il est donc indispensable que les activités internationales de recherche dans le domaine de la criminalité organisée fassent l'objet d'un suivi et d'un contrôle judiciaire suffisants.
3. Il n'y a pas de collaboration internationale sans instruments nationaux adéquats. Sur ce plan, la Belgique doit fournir un effort législatif considérable et ce, à la fois sur le plan de la coopération policière internationale et dans le domaine de la collaboration judiciaire internationale. La Belgique a besoin d'élaborer un régime légal pour l'échange d'informations policières au niveau international et elle a besoin aussi d'adopter une réglementation appropriée au niveau de l'extradition, de l'entraide judiciaire en matière pénale, du transfert des poursuites et de la transmission de l'exécution des jugements répressifs.
L'Europe a pris conscience assez tard du danger que représente la criminalité organisée. Il n'y a toujours aucun aperçu précis des organisations criminelles qui sont actives en Belgique. Aucun criminologue n'a encore décrit le phénomène de manière claire, aucun magistrat ne mène une politique efficace et globalisante, aucun enquêteur ne sait ce qui se passe en marge de la société. Il n'existe pas non plus de moyens appropriés pour lutter efficacement contre les pratiques criminelles en question. Comme nous avons pris conscience du problème plus tardivement que dans les pays voisins, nous avons accumulé dans la connaissance du phénomène un retard que nous devons combler d'urgence pour pouvoir développer une politique énergique contre la criminalité organisée.
Au début de son enquête, la commission a été confrontée à un terrain pratiquement vierge. Il n'y avait pas suffisamment de données fiables concernant cette forme de criminalité, ni d'analyses scientifiquement fondées, ni d'enquêtes systématiques. La commission a dû développer sa propre méthodologie, dresser elle-même des questionnaires et entendre elle-même des personnes compétentes. Il est toutefois apparu aussi, au cours des auditions, que l'on réagissait souvent de manière empirique et expérimentale devant les dangers que génère la criminalité organisée.
L'on peut toutefois noter une évolution dans le bon sens. C'est ainsi que le 28 juin 1996 le gouvernement a fait connaître son plan d'action contre la criminalité organisée et, en octobre 1997, un plan d'action contre la délinquance économique, financière et fiscale. Plusieurs points de ces plans ont déjà été réalisés au niveau législatif ou le seront sous peu (cf. annexes B et C au présent rapport).
En outre, la qualité des rapports annuels de la gendarmerie et du ministère de la Justice sur la criminalité organisée en Belgique s'est améliorée progressivement, si bien que le dernier rapport annuel de 1998 peut servir d'exemple en la matière. La commission a relevé des informations de grande valeur dans ces documents.
En outre, la commission est convaincue que les auditions ont favorisé une meilleure prise de conscience chez tous les acteurs.
Pourtant, les choses laissent encore quelque peu à désirer sur ce point. C'est ainsi que la commission a été surprise de constater que les 27 procureurs du Roi avaient donné des réponses de valeur inégale à ses questions relatives à la criminalité organisée dans leur arrondissement. Les réponses des uns étaient détaillées et clarifiantes, tandis que celles des autres étaient superficielles. Cette constatation soulève des questions au sujet de l'attention qu'ils consacrent audit phénomène. Comment peut-on expliquer qu'un procureur dise ne rencontrer aucune difficulté dans son arrondissement, alors que son collègue d'un arrondissement limitrophe perçoit une menace ?
L'évolution positive et le fait que la justice et l'administration se montrent disposées à s'attaquer à la criminalité organisée n'ont donc pas pu dissiper une impression de flou et de superficiel, confortant la commission dans sa conviction qu'il restait encore beaucoup de travail à accomplir et qu'elle avait là une tâche à mener à bien.
C'est la première fois que l'on organisait une telle enquête en Belgique et il va de soi que l'on n'a pas percé à jour toutes les structures ni dressé la carte de toutes les organisations criminelles.
La commission a néanmoins accompli un travail de pionnier et elle est parvenue à faire des constatations étonnantes, notamment dans bon nombre de secteurs de l'activité économique, en particulier ceux de la viande, du diamant et du pétrole.
Beaucoup de Belges sont convaincus que la criminalité organisée n'existe qu'ailleurs : la maffia en Italie, les triades en Chine, les bandes motorisées au Danemark, etc. La présente enquête a démontré qu'une criminalité similaire sévit aussi en Belgique et que son ampleur, sa dangerosité et la menace sociale qu'elle représente sont gravement sous-estimées.
On a en outre constaté que la criminalité organisée ne se limitait pas à quelques branches du monde économique, mais que tous les secteurs économiques et financiers sont exposés à de telles activités. Certes, cette criminalité différera d'une entreprise à l'autre, son impact variera et la manière de la combattre devra être adaptée. Certaines caractéristiques communes frappent néanmoins : plaintes des secteurs sur la collaboration avec les services de recherche ou la justice, manque de formation convenable des enquêteurs, lenteur de la justice et sanctions insuffisantes pour les malfaiteurs.
Le manque d'information sur les suites données à une plainte est un élément de découragement; l'inadéquation de la législation et l'incompréhension des magistrats pour les conséquences économiques de la criminalité sont les plaintes les plus fréquentes.
La volonté, notamment des milieux économiques, de rechercher des solutions avec les autorités en vue de mieux combattre la criminalité, est généralement présente, mais il y a trop peu de points de contact et la coordination des moyens engagés laisse le plus souvent à désirer.
Tous ces facteurs contribuent à donner l'impression que les organisations criminelles frappent dans les secteurs où le butin est le plus grand et où le contrôle et, par conséquent, le risque d'être pris sont les plus faibles, sans privilégier une activité plutôt qu'une autre.
Si la législation sur les jeux automatiques devient plus efficace, les malfaiteurs reportent leur activité vers les jeux de pyramide. Si on réprime plus durement la traite des femmes, les proxénètes se recyclent dans le transport des immigrés clandestins, le commerce de contrefaçons ou le trafic de faux bijoux.
Les organisations criminelles se comportent donc comme des entreprises multinationales qui recherchent le climat d'investissement le plus favorable et se lancent dans de nouvelles activités quand le risque devient trop grand dans un secteur déterminé. Ce faisant, elles tiennent compte du climat social et en exploitent les faiblesses. Ces faiblesses résident aussi bien dans l'arsenal des lois (par exemple, la diversité des réglementations régionales belges en matière de permis de séjour, la complexité de la procédure en matière d'écoutes téléphoniques, la suppression du contrôle des personnes aux frontières intérieures de l'Europe suite à l'Accord de Schengen), que sur le plan de la recherche et du contrôle.
Les organisations criminelles possèdent trois caractéristiques essentielles qui les distinguent des autres formes de criminalité.
La première est leur caractère d'entreprise et leur capacité à neutraliser l'action des autorités à leur encontre. Elles témoignent à cet égard d'un professionnalisme croissant. En 1997, 180 des 238 organisations criminelles détectées faisaient usage de structures commerciales. Leur préférence va dans une large mesure aux structures légales existantes et elles ne créent que peu d'entreprises fictives. Elles maîtrisent donc la tactique des contre-stratégies jusque dans les détails et ne craignent pas de recourir à l'intimidation et à la violence contre leurs propres membres, les témoins, les autres organisations criminelles, les policiers et les magistrats. Ces deux dernières catégories surtout sont une cible importante sur lesquelles elles exercent influence et corruption.
En second lieu, il y a leur caractère international. La disparition du Rideau de fer et la libre circulation des personnes et des biens dans le cadre de l'Union européenne y ont incontestablement contribué. Nombre d'organisations criminelles de Belgique entretiennent des contacts avec des organisations criminelles étrangères. Cette internationalisation rend les recherches plus difficiles.
Une troisième caractéristique est le facteur ethnique. On peut aisément classer les organisations criminelles en fonction de la nationalité ou de l'origine ethnique de leurs membres. Elles présentent sur ce plan une grande homogénéité (maffias russe et italienne, organisations turques, cartel colombien, triades chinoises et groupements albanais). Tout cela ne doit cependant pas faire oublier qu'en 1997, 43,5 % des suspects avaient la nationalité belge, même s'ils peuvent avoir une origine ethnique autre. La criminalité organisée en Belgique frappe également par son cosmopolitisme.
La lutte contre la criminalité organisée suppose la mise en oeuvre de moyens humains et matériels à la mesure des moyens dont disposent les organisations criminelles. La nécessité de disposer d'effectifs et de moyens suffisants dans cette lutte a été soulignée à de nombreuses reprises lors des auditions auxquelles la commission a procédé.
Il s'agit non pas tellement de « criminaliser » la vie économique ou de multiplier les mesures répressives, mais plutôt d'appliquer la législation pénale existante d'une manière créative. Pour que l'on puisse y arriver, il faut que le ministère public mène une véritable politique pénale, qu'il intervienne avec fermeté, qu'il rédige des réquisitions valables, qu'il interjette appel contre les décisions illégales ou portant des peines inadaptées et qu'il introduise un recours en cassation chaque fois que le juge d'appel a mal interprété la loi pénale.
Il y a lieu de mieux définir la notion de « participation à une organisation criminelle » et de punir plus sévèrement cette participation. Il y a lieu aussi d'adapter les méthodes de recherche, de manière à ce qu'elles permettent de mener une véritable politique de poursuites, c'est-à-dire une politique des poursuites plus efficace. Il y a lieu, enfin, de définir de manière précise la notion de terrorisme et d'élargir la marge de manoeuvre du ministère public en vue d'une répression adaptée.
La lutte contre la criminalité organisée ne peut pas toujours se solder au désavantage des services de police en raison du déséquilibre dont ils souffrent en raison de l'inadéquation de leur armement.
Il ne faut toutefois pas que cette lutte sape les fondements de notre État de droit démocratique, ni qu'elle restreigne outre mesure les droits fondamentaux du citoyen. L'obligation qu'a l'État, en application de l'article 5.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de garantir la sécurité de ses citoyens, implique qu'il doit prendre les mesures que réclame la gravité du danger que soulève la criminalité organisée. D'où, la nécessité de se faire une idée correcte de la criminalité organisée qui sévit dans notre pays et en Europe.
La lutte contre la criminalité organisée ne peut, par ailleurs, pas être considérée comme un simple problème de droit pénal, car il y a évidemment aussi des limites à la fonction sociale de la répression. L'administration (l'administration « armée ») a également un rôle important à jouer. L'on s'en est aperçu surtout dans le cadre de la lutte contre la maffia des hormones, qui n'a pu être couronnée de succès que grâce à l'étroite collaboration entre les services ministériels compétents et la justice. On ne pourra jamais assez souligner combien fut important le rôle que le magistrat d'appui et les fonctionnaires des ministères ont joué dans la réussite de cette lutte. Les criminels exploitent les lacunes et l'inefficacité des réglementations, mais aussi l'insuffisance des contrôles pour frapper notre société à ses points faibles.
Le ministère des Affaires étrangères a pris en 1997 l'initiative en ce qui concerne le droit administratif armé. Il s'agissait de fournir aux divers organes administratifs les moyens nécessaires pour qu'ils puissent lutter contre le crime organisé en collaboration avec le pouvoir judiciaire. Il y a moyen d'améliorer la concertation avec d'autres services au sujet de l'octroi d'autorisations, de licences et de concessions, et d'intégrer mieux qu'aujourd'hui cet octroi dans le cadre d'une politique appropriée : grâce à l'échange de données, l'administration sera mieux armée contre l'organisation criminelle qui tentera d'infiltrer les secteurs sains de la société.
Il convient de prévoir, tant sur le plan judiciaire que sur le plan administratif, un tissu serré de mesures suffisamment différenciées, c'est-à-dire adaptées à la lutte contre le phénomène incriminé, et aussi adaptables. En effet, l'effet de surprise et, partant, l'efficacité diminuent rapidement.
Pour créer un tel tissu, on peut faire usage d'une matrice dont l'axe horizontal serait occupé par les quatre acteurs importants de la criminalité organisée, à savoir les auteurs et les coauteurs, les fournisseurs corvéables, les corrompus et les corruptibles et, enfin, les victimes. Sur l'axe vertical figureraient les quatre phases de la lutte : la phase préventive, la phase proactive, la phase réactive avec l'enquête judiciaire, et la phase post-active, c'est-à-dire la phase qui suit la condamnation pénale et qui comprend, notamment, l'exécution de la peine et la privation de l'avantage.
Pour chaque élément figurant en coordonnée, il convient d'examiner quelle est la mesure la plus appropriée. Étant donné la complexité et le caractère international du phénomène, la lutte doit emprunter plusieurs voies et s'inscrire dans un cadre international. Les consignes sont, en l'espèce, la cohérence, la multidisciplinarité et l'intégration au sein de l'Union européenne.
a. Cohérence
Un phénomène comme la traite des êtres humains ne peut être combattu efficacement que si on l'envisage dans une perspective plus large que celle de la politique criminelle. Comme cette forme de criminalité est principalement le fait de groupements criminels organisés ethniquement, entre autres de groupes d'origine kosovare albanaise, nigériane ou chinoise, la priorité de la politique criminelle à l'égard de ces nationalités devrait être étendue à d'autres domaines, comme la politique des visas, la politique économique étrangère, l'aide au développement, les permis de travail, les bourses d'études et le refoulement des clandestins. Cela nécessite non seulement une harmonisation de la politique dans tous ces domaines, mais aussi une application coordonnée de celle-ci. L'on pourra ainsi envoyer un signal clair à certains pays, en leur indiquant qu'ils ne peuvent pas exporter leur criminalité sans en supporter les conséquences avec les pays touchés.
b. Multidisciplinarité
Comme on l'a souligné ci-avant, le droit commun n'est pas le seul moyen dont disposent les pouvoirs publics pour lutter contre les organisations criminelles. Parfois, le droit pénal social et fiscal s'avère plus efficace pour décourager les criminels : l'on pense ici à la poursuite de la fraude à la TVA, à la confiscation spéciale, à la confiscation d'avantages patrimoniaux, aux contrôles visant à déceler des opérations de blanchiment et aux mesures administratives relatives à la cessation d'activités, aux permis de bâtir et aux autorisations environnementales, dont on a vu qu'ils peuvent être utilisés d'une manière ciblée contre les organisations criminelles à condition d'avoir été harmonisés.
Si l'on organisait sur le terrain, sous la direction d'un magistrat d'appui, une coopération multidisciplinaire ciblée de toutes les instances compétentes, comme on le fait pour la lutte contre la criminalité liée aux hormones, on enregistrerait bel et bien des résultats. Une telle manière de procéder qui consiste à réagir rapidement aux événements contraste violemment avec la manière de lutter contre la criminalité dans les secteurs du diamant et du pétrole, laquelle laisse à désirer.
c. Intégration à l'intérieur de l'Union européenne
Lors de l'élaboration de la réglementation nationale, par exemple en matière de recherche proactive et de techniques spéciales d'enquête, il faut chercher autant que possible une base commune au sein de l'UE.
On constate néanmoins à regret que la Belgique ne recourt pas toujours aux instruments qui sont mis à sa disposition au niveau de l'UE ou qu'elle ne les utilise pas sur le terrain.
C'est ainsi que l'article 39 de la Convention d'application de l'Accord de Schengen (288) est resté lettre morte en Belgique parce que le droit de disposer de l'information est attribué à l'autorité judiciaire, tandis que la gestion des fichiers de données est aux mains des services de police.
L'enquête à propos de la criminalité organisée dans les secteurs de la viande, du diamant et du pétrole fournit un échantillon tant des lacunes dans la lutte contre la criminalité organisée qu'au niveau des mesures positives prises ou à prendre contre cette criminalité.
Les conclusions formulés à cet égard par la commission l'illustrent à suffisance.
2.1.1. La criminalité liée aux hormones
La délinquance liée aux hormones menace sérieusement le fonctionnement normal de l'engraissement. Les instruments législatifs qui ont été développés jusqu'à présent en Belgique dans la lutte contre cette délinquance ont déjà donné de bons résultats même s'ils n'ont pas encore permis une percée fondamentale. Il semble que l'on aborde parfois le phénomène de manière trop réactive, si bien que l'on ne pourra sans doute obtenir des résultats qu'en ce qui concerne les échelons les plus bas des formes de criminalité en question. Le fait que les services concernés connaissent le noyau de la criminalité organisée, qu'il reste actif en Belgique et que l'on ne puisse qu'exceptionnellement s'y attaquer avec succès, malgré le développement des efforts de recherche (voir par exemple l'introduction de la « liste noire ») indique qu'il faut des mesures supplémentaires. Il convient de consacrer une attention particulière, à cet égard, à la recherche proactive et financière, dans le cadre de laquelle il faut donner d'urgence un contenu concret à la fois à la responsabilité pénale des personnes morales et à l'enquête financière (incluant une privation de l'avantage après la condamnation).
Comme on a pu le constater à propos des mesures qui ont été prises jusqu'à présent, l'on ne peut pas s'attaquer au phénomène d'une manière multidisciplinaire, en accordant aux services d'inspection concernés une place propre, à côté des autorités policières et judiciaires. Le secteur lui-même est demandeur. Cependant, il faut situer la lutte dans un cadre structurel suffisant pour que chaque partenaire puisse jouer pleinement son rôle dans l'ensemble. Outre un cadre réglementaire uniforme et clair, il faudrait également d'autres mesures concrètes pour que l'on puisse échanger des données (secret professionnel) dans le cadre d'une collaboration multidisciplinaire, et pour que l'on puisse disposer d'une base juridique solide pour ce qui est de cette collaboration.
2.1.2. La fraude dans le secteur de la viande
On peut affirmer que le secteur de la viande est particulièrement sensible à certaines forme de fraude, consistant notamment en l'obtention de subventions énormes de l'Union européenne pour la vente de viande à des pays tiers ou en des opérations de falsification de l'origine de la viande. La commission d'enquête constate à cet égard qu'une grande part de cette criminalité se déroule en tout ou en partie sur le territoire belge. Il est préoccupant de constater qu'il existe des liens évidents avec la criminalité organisée liée aux hormones et que, dans ces dossiers, les suspects sont souvent des récidivistes notoires.
Le contrôle et la prévention de la fraude à la viande soulève un double problème. Il s'agit tout d'abord d'un phénomène revêtant un caractère international par excellence et qui relève du droit européen et du droit national. À cet égard, il est capital que les mesures prises dans les divers États membres de l'Union européenne soient les plus uniformes possibles et que l'on organise la coopération la plus vaste entre les États membres et dans les relations entre les États membres et l'Union européenne. Cette coopération ne saurait se limiter à la coopération judiciaire ou administrative traditionnelle et doit revêtir une forme aussi intégrée que possible.
Au niveau national également, il faut chercher la réponse principalement dans ce sens. Il est nécessaire d'adapter les instruments répressifs et administratifs aux besoins actuels en matière de prévention et de répression (recherche financière, responsabilité des personnes morales) de la fraude à la viande, mais il importe aussi de développer une approche multidisciplinaire. Ce n'est que lorsque l'on aura fait tout cela que les secteurs concernés par le problème en question pourront accomplir pleinement leur tâche et que l'on pourra agir de manière cohérente. Les mesures précitées, qui ont été décidées l'année passée par le Conseil des ministres, pourront avoir plein effet et l'on pourra agir de manière cohérente. Les mesures précitées, qui ont été édictées l'année passée par le Conseil des ministres, prouvent qu'il est nécessaire de développer une approche transversale, et doivent dès lors être concrétisées.
La commission constate qu'aucune analyse criminelle n'a été réalisée dans le secteur diamantaire. On réagit au cas par cas. Il n'y a en outre pas de coordination et les différents services conservent jalousement leurs propres informations. Un timide début de coopération a été observé en matière de politique des étrangers. Et c'est précisément dans ce domaine que l'exécution de la concertation reste lettre morte.
Le commerce de gros de diamants, dans la mesure où il est contrôlé par les quatre bourses du diamant, est plus ou moins structuré, et un contrôle est exercé sur leurs membres. Ces associations professionnelles n'ont cependant aucun statut légal et il serait souhaitable que l'accès à la profession de diamantaire soit réglementé, comme le demande d'ailleurs le secteur lui-même. Cela permettrait d'éliminer de nombreux éléments suspects. C'est principalement le commerce des diamants qui ne passe pas par les bourses qui est vulnérable face à la criminalité organisée.
Le manque de transparence favorise cette criminalité. Comme celle-ci est presque exclusivement le fait d'étrangers, une politique sévère à leur égard paraît indispensable.
Nous ne pouvons toutefois pas nous hypnotiser sur la criminalité dans le secteur du diamant ou dans le secteur de l'or ou des bijoux. Il existe des organisations criminelles qui opèrent dans ces secteurs, mais il s'agit de malfaiteurs qui sont prêts à exploiter demain une autre activité si celle-ci rapporte davantage ou comporte moins de risques. En d'autres termes, nous avons affaire à des organisations criminelles potentielles qui sont prêtes à faire du trafic de drogues, de fausse monnaie, d'hormones, de contrefaçons, de cigarettes ou d'alcool si l'occasion se présente.
Sans collaboration entre les différents services, sans investissement accru en effectifs et en moyens et surtout sans personnel spécialisé, aucune amélioration ne doit être attendue dans ce domaine.
Mais plus encore que d'effectifs et de moyens supplémentaires, il y a un besoin de volonté, d'énergie et d'enthousiasme de la part des hauts magistrats.
La commission a constaté que la criminalité organisée était particulièrement active dans le secteur pétrolier. On est confronté, dans ce secteur qui est intrinsèquement très vulnérable à la fraude, à une criminalité génératrice d'infractions consensuelles c'est-à-dire, qui ne produisent pas de victimes directes et dont les bénéfices colossaux sont sans commune mesure avec les risques mineurs encourus : les mécanismes frauduleux assez complexes sont malaisés à prouver et les peines encourues sont dérisoires. La fraude se perpétue et s'amplifie depuis l'ouverture des frontières et génère des profits illicites, réalisés au détriment du Trésor belge, et évalués à plusieurs milliards par an.
La commission a cependant constaté que contrairement au secteur des hormones, le secteur pétrolier n'a à ce jour fait l'objet d'aucune attention particulière de la part des autorités politiques, judiciaires et administratives concernées.
Les organisations criminelles ont dès lors pu investir ce secteur et y développer en toute impunité des mécanismes de fraude performants, auquel le système désuet de contrôle administratif ne peut faire face.
Les organisations criminelles ont en outre largement bénéficié de l'absence de collaboration entre les autorités administratives concernées, d'une part, et entre ces autorités et les autorités judiciaires, d'autre part. Enfin, il manque un système d'assistance mutuelle entre les différentes autorités administratives des États membres de l'Union, qui permettrait de fournir une réponse appropriée aux mécanismes des fraudes, essentiellement intracommunautaires, qui sont développés.
La commission considère que la lutte contre la fraude organisée dans le secteur pétrolier doit à l'avenir être considérée comme prioritaire et qu'en conséquence, les autorités concernées doivent recevoir les moyens de mener cette politique. À cet égard, il est impératif que la lutte soit menée avec vigueur, tant sur le plan administratif que judiciaire, ce qui suppose la mise sur pied d'une collaboration étroite entre les autorités administratives et judiciaires concernées, tant au niveau interne qu'au niveau intra-communautaire.
La collecte classique d'informations par les services de police sur le terrain doit être maintenue sans que l'on doive obtenir l'autorisation préalable du ministère public. Cette information doit toutefois être enregistrée, de telle manière qu'un contrôle a posteriori soit possible. En revanche, si l'information est recherchée de manière ciblée dans le cadre d'un programme ou d'une recherche proactive, l'autorisation du ministère public est requise (cf. article 28bis du Code d'instruction criminelle). Dans la lutte contre la criminalité organisée, la justice ne peut se permettre d'adopter une attitude attentiste. Elle doit dès lors renoncer à une approche incidente et se mettre proactivement à la recherche d'informations lui permettant de se forger une image de la criminalité organisée. Étant donné la menace qu'une telle approche implique pour la vie privée, on peut envisager de créer (par exemple au sein du parquet fédéral) un comité d'accompagnement pour les matières sensibles, voire éventuellement de prévoir un contrôle parlementaire par une commission spéciale de suivi.
Les organisations criminelles opèrent à l'échelle internationale. La collecte et l'échange d'informations, par exemple sur leurs moyens financiers, doivent refléter cette situation (par exemple au niveau du système d'information Schengen, d'Interpol et d'Europol).
Pour pouvoir détecter les sociétés dont la constitution pourrait apparaître suspecte, il convient que les parquets puissent être avisés, par le greffe des tribunaux de commerce, de la constitution des nouvelles sociétés et des sociétés qui ne sont pas valablement inscrites au registre de commerce et qui sont néanmoins en activité. Pour ce faire, outre la mise à disposition des moyens matériels et humains nécessaires, il convient de définir des critères objectifs permettant un examen fiable.
La problématique de l'accès à l'information a souvent été évoquée devant la commission. Cette problématique recouvre divers aspects qui sont liés à l'éparpillement de l'information dans des banques de données, des services, des lieux épars. Cette situation est d'autant plus préoccupante que la coordination et la collaboration entre les différents services et acteurs, qu'ils soient administratifs, policiers ou judiciaires, en possession chacun d'une partie fragmentaire de l'information, sont déficientes et ne débouchent en aucun cas sur un échange d'informations suffisant pour permettre une lutte efficace contre la criminalité organisée. Si un échange systématique de toute l'information entre les services est de nature à paralyser le fonctionnement des institutions, un échange minimum répondant à des besoins précis ou ponctuels doit être assuré, pour permettre de répondre aux exigences d'une lutte efficace contre les organisations criminelles.
Une approche multidisciplinaire suppose un échange effectif d'informations. Le principal obstacle réside dans la restriction qui apparaît dès que les informations font l'objet d'un procès-verbal dont la communication (fût-ce d'une partie du contenu) est soumise à l'autorisation du magistrat (instructeur) concerné. Concrètement, cela signifie qu'une autorisation doit être demandée pour toute communication à une inspection, une administration ou un service extérieur (Europol). Tout cela n'est pas très efficace, notamment parce que le « détenteur » de l'information n'est pas toujours suffisamment au courant de l'usage utile qu'un autre service pourrait en faire. Une plus large délégation aux services de police pour apprécier si une information donnée serait utilement transmise à une autre instance publique, pourrait remédier à cet inconvénient. Il suffirait de communiquer l'information à toute instance publique autorisée à la posséder; d'autres conditions, comme la fixation de critères, de procédures (par exemple, en matière de feedback) et de limitations, sont à étudier.
Pour répondre à ces exigences, la commission recommande d'une part que l'échange d'informations entre services policiers, administratifs et judiciaires soit amélioré, et d'autre part que soit mise en place une centralisation de l'information nécessaire à la lutte contre la criminalité organisée.
La centralisation d'une partie de l'information ne peut conduire pour autant à étouffer la spécialisation des services qui les collectent initialement. Le maître-mot en la matière doit être la complémentarité entre services. Cette complémentarité doit passer par une certaine uniformisation des systèmes informatiques, afin de rendre matériellement possibles l'échange et, si nécessaire, la centralisation de l'information.
Au niveau des polices locales, l'optimisation des systèmes informatiques ne semble cependant pas être chose aisée, vu la situation budgétaire de certaines communes.
Les contrats de sécurité du ministère de l'Intérieur ont permis à certaines villes de se procurer un meilleur équipement et d'améliorer la sécurité des citoyens, mais l'échange d'informations, la collaboration entre les différents services et la compatibilité des réseaux informatiques exigent pas mal d'argent. Le ministère de la Justice s'est montré plutôt parcimonieux dans le financement de cette forme de collaboration entre les services de police et les officiers du ministère public (magistrats nationaux et parquets généraux).
À plusieurs reprises, la police locale a insisté elle aussi sur un meilleur « feedback » de la part des autorités judiciaires.
Outre le décloisonnement entre administrations et institutions au niveau de l'échange d'informations, l'accès à certaines informations comme les numéros de téléphones « privés », les numéros de GSM ou les données financières doit être facilité. Il est effectivement inouï que les enquêteurs belges ne puissent exercer aucun contrôle des communications se faisant par téléphone portable, et que l'on doive faire appel chaque fois à des experts étrangers et à leurs appareils, alors que l'insertion d'une puce permettrait à la justice d'écouter les communications téléphoniques en cas de criminalité organisée.
Si elle existe déjà à des degrés divers au sein de la plupart des institutions administratives ou judiciaires, la centralisation de l'information n'est pas suivie de recoupements plus larges permettant d'avoir une vue d'ensemble d'un phénomène. La commission garde à l'esprit que cette centralisation de l'information doit s'entourer d'un certain nombre de garanties. Par le fait même d'une concentration de l'information entre les mains d'une structure, des risques de déstabilisation de l'enquête peuvent surgir.
Certains acteurs économiques revendiquent également que soit constitué rapidement un dispositif permettant de centraliser l'enregistrement des informations concernant les pratiques frauduleuses existant dans leur secteur. La mise en place d'un point de contact unique permettrait une meilleure coordination entre les services répressifs et les services de contrôle administratif agissant selon une politique concertée, en supprimant les doubles emplois, voire la concurrence entre ces services.
La nouvelle loi sur les services de police, qui place la collecte de l'information sous l'autorité et la direction d'un magistrat fédéral, contribuera indubitablement à résoudre ces difficultés.
Les échanges d'informations douces (c'est-à-dire provenant d'une source à protéger dont on n'a pas pu vérifier parfaitement la fiabilité, qui n'ont pas été confirmées et qui ne font pas l'objet de poursuites pénales) soulèvent de sérieux problèmes. En effet, si de telles informations sont transmises à Europol et qu'elles soient enregistrées dans une banque de données ne faisant aucune distinction entre informations douces et informations dures, il sera impossible de retrouver la provenance de ces données.
Ces informations douces constituent donc une menace pour la vie privée, du fait qu'elles sont mélangées avec des données dures et fiables. Il faut par conséquent insister pour que l'on manipule ces informations douces avec la plus extrême prudence.
D'une manière unanime, les procureurs du Roi réclament un meilleur accès aux banques de données et une meilleure circulation des informations. Un meilleur réseau informatique et un échange d'informations plus performant apparaissent comme une priorité. On a par ailleurs dénoncé l'incohérence du réseau informatique développé par le ministère de la Justice, et notamment l'incompatibilité des systèmes locaux avec celui du ministère, lequel contient entre autres le programme Justel, accessible en principe aux parquets sans mot de passe.
Recueillir et échanger des informations est une chose, les traiter et les analyser en est une autre. Il y a encore un problème dans notre pays dans ce domaine, mais des progrès se dessinent. On forme des analystes criminels, qui sont engagés dans les services centraux et déconcentrés comme dans les unités locales. On ne soulignera jamais assez l'importance de l'analyse. L'analyse criminelle peut mener à une approche par projets (proactive) de certains phénomènes de criminalité. Elle constitue la base de la prise de décision politique et opérationnelle.
L'analyse dite stratégique doit se faire de manière multidisciplinaire. Dès lors, ils faut confier cette mission à un organe central défini par la loi, auquel soient associés à la fois les services de police, la Sûreté de l'État et le ministère public et les autres autorités publiques ainsi que des représentants du secteur privé. On garantira ainsi que toutes les informations utiles, par exemple concernant les secteurs économiques, seront prises en considération pour obtenir une analyse effectuée sous plusieurs angles. La politique criminelle et administrative que l'on élaborera ainsi en sera d'autant plus cohérente. Qui plus est, elle constitue le critère qui permettra de vérifier si, dans la pratique, si on a bel et bien mis les priorités en oeuvre.
Toutefois, il reste des problèmes. La criminalité organisée est en grande partie une criminalité en col blanc. C'est pourquoi il faut donner la priorité à la découverte des mécanismes de blanchiment, de la fraude financière et fiscale (la recherche financière). Cela requiert notamment de recourir à des experts tels que des comptables, des réviseurs d'entreprises, des fiscalistes, etc. Le problème est que les pouvoirs publics font souvent appel à ces experts, mais qu'ils n'ont pas suffisamment de moyens pour les rémunérer aux tarifs du marché. La conséquence en est que les rapports des experts se font attendre, ce qui provoque des retards dans le traitement des dossiers. En outre, on risque que les pouvoirs publics s'adressent à des experts moins qualifiés. Dès lors, ne serait-il pas souhaitable de faire de l'Institut national de criminalistique et de criminologie un centre d'expertise en matière de criminalité organisée et de le charger notamment d'agréer les experts ?
3.4. Spécialisation du ministère public
Actuellement, les entreprises ne savent pas à qui elles doivent soumettre leurs problèmes, les magistrats du parquet n'ont pas une vue suffisante de la criminalité typique de chaque secteur et ils sont menacés par une cécité professionnelle qui les empêche de regarder au-delà des murs qui sont élevés autour d'eux. L'on a l'impression que les magistrats du parquet ne disposent que d'une seule pièce d'un grand puzzle et qu'ils ne sont plus capables de deviner quel est le paysage à reconstituer.
Il faudrait que chaque procureur général près la cour d'appel charge, dans son ressort, certains magistrats de se familiariser avec les particularités de tel ou tel secteur économique et avec la criminalité liée à celles-ci. Ils serviraient de personnes de contact avec ces secteurs et feraient régulièrement rapport au procureur général sur la politique pénale. Conformément à la loi proposée sur l'intégration verticale du ministère public, le parquet fédéral et le conseil des procureurs du Roi, le ministre de la Justice et le procureur fédéral peuvent éventuellement faire appel à ces magistrats spécialisés dans le cadre de l'article 144bis , § 1er , du Code d'instruction criminelle.
Il importe qu'il y ait, pour chaque secteur économique ou financier au niveau national, un seul magistrat fédéral responsable de la criminalité sectorielle, à qui l'on puisse également faire appel en ce qui concerne la problématique pénale dans ces secteurs.
La surcharge de travail de certains parquets empêche pas mal de magistrats de se former, de suivre des colloques et des cours de perfectionnement. Il est certain que le ministre de la Justice a déployé bien des efforts, au cours des dernières années, pour remédier au problème, mais il y a toujours trop peu de magistrats qui bénéficient d'une formation continue adaptée.
Le problème se fait surtout sentir au niveau des petits parquets : en effet, il n'y a pas assez d'effectifs pour qu'une spécialisation soit possible. Dès lors, chaque magistrat doit combattre une criminalité grave sans avoir reçu la formation suffisante pour ce faire. Il faudra sans doute veiller plus souvent à ce que les parquets locaux soient aidés par des magistrats supplémentaires. À cet égard, le parquet fédéral pourra jouer un rôle important dans l'évaluation précise de la situation.
Ce qui précède ne signifie pas qu'il n'y ait pas de difficultés dans les grands parquets. Ils sont surtout confrontés à un problème quantitatif, à savoir celui de l'afflux massif de dossiers. Par conséquent, les chefs de corps devront développer des systèmes de gestion permettant d'éviter un arriéré systématique.
3.5. Les moyens de lutter contre la criminalité organisée
3.5.1. Le délit spécifique d'organisation criminelle
Dans son premier rapport intermédiaire, la commission a souligné que pour respecter les principes de l'État de droit, il faut faire une distinction entre la définition criminologique et la définition pénale de la criminalité organisée. Le définition criminologique vise à dresser la carte du problème de société qu'est la criminalité et à en constater la nature, la gravité et l'ampleur. L'image ainsi obtenue peut permettre de réagir par une politique appropriée. On ne peut cependant pas utiliser cette définition pour l'incrimination. Celle-ci doit être suffisamment délimitée et satisfaire au principe de légalité (lex certa) (doc. Sénat, nº 1-326/7, nºs 5, 74 et 76).
À cet égard, la commission constate que le texte du projet de loi relative aux organisations criminelles adopté en séance plénière par la Chambre des représentants répond aux exigences qu'elle a fixées, et renvoie à ce sujet à son premier rapport intermédiaire (Doc. Sénat, nº 1-326/7; voir également le rapport fait au nom de la commission de la Justice par M. Vandenberghe, le 24 mars 1998, doc. Sénat, 1997-1998, nº 1-662/4).
3.5.2. Les techniques spéciales d'enquête
Dans son deuxième rapport intermédiaire, la commission a souligné la nécessité qu'il y avait de doter d'un cadre légal l'utilisation des techniques spéciales d'enquête, sans que ce cadre puisse être source de rigidité ou d'immobilisme. Il est renvoyé aux conclusions du rapport susvisé.
La commission souligne que ces méthodes ne doivent pas être appliquées sans plus à toutes les formes de criminalité. Ainsi, certaines d'entre elles n'ont pas été conçues pour être utilisées dans le cadre de la lutte contre la traite des êtres humains. Cette question soulève des réserves d'ordre éthique qui ont trait à la fois à la terminologie (par exemple un pseudo-achat de prostitués) et à l'opportunité de l'utilisation de certaines méthodes (par exemple une livraison contrôlée d'immigrés illégaux).
L'interdiction faite aux services de police d'utiliser la provocation constitue un point particulièrement sensible. Certaines des personnes entendues par la commission ont demandé s'il fallait attribuer à cette interdiction une valeur absolue ou s'il était possible d'y déroger dans certains cas bien définis (par exemple en vue de protéger l'intégrité physique et morale des enfants). La commission renvoie à ses conclusions spécifiques à ce sujet (doc. Sénat, nº 1-326/8, pp. 55-59).
La violence développée par les organisations criminelles à l'encontre, notamment, des témoins, rend nécessaire la mise en place d'un système de protection de ceux-ci. Des menaces, proférées contre des témoins capitaux, dans des affaires instruites dans divers pays européens qui ne sont pas dotés d'un tel dispositif, ont déjà conduit à plusieurs reprises à l'impunité.
Cette protection pourrait se faire via l'utilisation des nouvelles technologies, pour permettre de déposer des témoignages dans un semi-anonymat. La séparation physique entre le témoin et les autres parties lors du procès (tel que cela a été pratiqué en Angleterre), l'utilisation d'images et de sons brouillés sont autant de pistes qui doivent être envisagées, pour autant que ces mesures s'accompagnent de garanties visant à se protéger de toute possibilité de manipulation, à préserver le caractère contradictoire des débats, bref, à assurer la validité du témoignage (voir le deuxième rapport intermédiaire, doc. Sénat, nº 1-326/8, pp. 64-70).
La commission n'ignore pas que la problématique de l'audition des témoins est régie par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme à Strasbourg et que la force probante des témoignages est liée à de strictes conditions.
C'est la raison pour laquelle, dans son deuxième rapport intermédiaire, elle a fait explicitement référence à cette jurisprudence, qui offre certaines possibilités tout en respectant l'égalité des armes entre les parties au procès (doc. Sénat, nº 1-326/8, pp. 64-70, et plus particulièrement 66-67).
Il n'empêche que la menace qui émane des organisations criminelles est un obstacle important à l'administration de la preuve par témoins et que l'action pénale est fréquemment entravée par cette forme de contre-stratégie pratiquée par les criminels.
Notre pays est trop exigu pour offrir une nouvelle identité aux témoins ou les protéger efficacement contre les représailles des organisations criminelles. Il faut donc chercher une autre forme de protection des témoins et, pour cela, le seul moyen est de préserver l'anonymat du témoin ou, en tout cas, d'empêcher son identification, dans les limites fixées par la Cour européenne des droits de l'homme.
L'idée d'introduire une législation relative aux repentis a ses partisans et ses détracteurs. À condition d'utiliser cette méthodes avec prudence, d'aucuns estiment que le traitement préférentiel des criminels « repentis » est un moindre mal, voire un mal nécessaire, si on veut combattre avec succès les organisations criminelles.
D'autres sont d'avis que notre arsenal juridique est suffisant et qu'il est possible, par exemple, d'accorder une grâce ou d'alléger l'exécution de la peine. D'autres encore estiment que le problème des repentis relève de la compétence du juge qui veillera à l'exécution des peines.
Une large majorité des procureurs du Roi qui ont été entendus par la commission estiment pourtant que le ministère public ne peut pas conclure des accords avec le prévenu : il faut prévoir un régime légal qui associe également le juge pénal. Les « accords » que l'on peut conclure nuisent à la transparence de la politique pénale et peuvent très vite créer une impression d'arbitraire, de traitement préférentiel, d'inconstance et de copinage. Dans la plupart des cas, il faut donner la préférence à une remise ou une réduction de la peine des personnes qui dévoilent sincèrement et intégralement des faits et l'identitié d'auteurs, de manière que l'on puisse poursuivre aussi les autres auteurs et empêcher la continuation de l'organisation criminelle. Ces remises ou réductions de peine devraient être réglées par la loi, de préférence dans un contexte européen, sous la surveillance du juge pénal (289).
3.5.5. Lutte contre la corruption et les autres contre-stratégies
Vu l'ampleur des bénéfices en jeu, il est quasi-inévitable que les organisations criminelles se livrent à des tentatives de corruption à grande échelle sur la personne de dirigeants, de magistrats et surtout d'enquêteurs. Cette corruption, qui peut revêtir des formes diverses, est parfois fort subtile.
Il est donc capital que les fonctionnaires concernés soient bien armés pour résister à la tentation et qu'ils connaissent les mécanismes utilisés par les corrupteurs.
La hiérarchie doit être informée de toute tentative de corruption, que ce soit sous forme de cadeaux, de promesses ou d'invitations. Dans certains cas, il est même nécessaire que le fonctionnaire concerné soit dessaisi de l'enquête afin de le protéger contre des criminels trop insistants.
Les magistrats du parquet souhaitent en outre que la notion de corruption soit élargie de manière à inclure la tentative de corruption, la corruption de fonctionnaires internationaux et la corruption de particuliers. Dans ce cas, il conviendra d'avancer davantage d'éléments pour arriver à une définition précise (290).
La corruption n'est qu'une des nombreuses contre-stratégies auxquelles les organisations criminelles ont recours pour se protéger de la police et de la justice. Lorsqu'elles ne parviennent pas à contrecarrer par la corruption l'enquête dirigée contre elles, elles ont recours à d'autres méthodes pour déstabiliser les enquêteurs, par exemple en arguant de l'illégalité de leur action, en les plaçant à leur tour sous surveillance, et en manipulant la presse, notamment par une médiatisation de l'enquête.
La parade des autorités hiérarchiques doit donc consister à mener une politique adaptée en matière de personnel (formation et encadrement) afin de rendre les enquêteurs vigilants face à cette menace et, lorsqu'ils sont d'une intégrité à toute épreuve, à leur offrir la protection nécessaire.
Les autres secteurs de notre société doivent se rendre compte qu'ils peuvent eux aussi être victimes de contre-stratégies. Les autorités et la presse ont le devoir de dévoiler ces stratégies au grand jour en diffusant des informations objectives.
3.5.6. Lutte contre le blanchiment
Le but essentiel de la criminalité organisée est de générer du profit. Il paraît dès lors essentiel d'axer la lutte contre cette criminalité sur l'aspect financier du phénomène.
En matière de lutte contre la délinquance économique et fiscale ainsi qu'en matière de blanchiment, une définition plus stricte des infractions s'impose. En effet, ces infractions sont souvent trop vagues et cela crée des problèmes au niveau de la coopération internationale et en matière de double incrimination.
Les demandes d'entraide judiciaire sont souvent bloquées par crainte de les voir utiliser dans des procédures fiscales. Cela amène le parquet à exclure tout fait relatif à une infraction fiscale de son réquisitoire adressé au juge d'instruction. Ainsi, le parquet pourra rassurer les autorités judiciaires étrangères. Il n'empêche que certaines infractions mixtes ne pourront être poursuivies suite à la réticence de certains pays étrangers.
Les réserves de certains pays à collaborer lorsque les faits poursuivis peuvent avoir des conséquences fiscales constituent souvent une entrave, ou à tout le moins un facteur de retard pour le bon déroulement des enquêtes dans le domaine de la criminalité organisée et de ses implications financières.
À cet égard, certains ont insisté sur la nécessité de relativiser le secret bancaire. Les banquiers ont, certes, un devoir de discrétion, mais il est destiné à protéger les intérêts légitimes de leurs clients. Or, il est inadmissible que le secret bancaire soit invoqué à l'étranger pour contrecarrer les commissions rogatoires.
La Commission européenne propose d'élargir la notion de blanchiment à toute source de revenus de la criminalité organisée. Cette proposition, reprise dans le rapport du groupe de haut niveau sur la criminalité organisée, s'applique « surtout en ce qui concerne la fraude fiscale, la TVA et les accises en particulier ». Le rapport du groupe de haut niveau stipule par ailleurs que « l'existence d'un lien avec une fraude fiscale ne justifie pas un refus de coopération dans le contexte du crime organisé, à tout le moins en ce qui concerne les taxes indirectes, la TVA et les accises ».
Parallèlement, il serait souhaitable de supprimer les « zones d'ombre » géographiques et de mettre en évidence, comme le fait à juste titre le programme, la nécessité d'une action volontariste à l'égard des places offshore. C'est une nécessité qui s'impose d'autant plus que certaines places offshore se trouvent sur des territoires contrôlés par des pays avec lesquels la Belgique a conclu des accords d'entraide judiciaire et que beaucoup de banques présentes sur les places offshore sont des filiales ou succursales de banques dont le siège principal se trouve dans de tels pays. Cette volonté politique peut s'exprimer tant dans les rapports bilatéraux ou internationaux avec ces pays que par des mesures internes.
Si des mesures concrètes ne sont pas prises dans le domaine des places offshore, du secret bancaire et de l'incidence fiscale sur la coopération internationale, il est à craindre que toutes les actions entreprises soient inefficaces à l'endroit d'une criminalité disposant d'un minimum d'encadrement juridique et financier. Cette préoccupation rejoint « l'appel de Genève », lancé par des magistrats européens qui ont pu mesurer l'ampleur de ces problèmes à l'aune de leur pratique (291).
Par ailleurs, les sanctions prévues, spécialement en matière de carrousels TVA, s'avèrent insuffisamment dissuasives. De façon plus générale se pose la question du caractère dissuasif et de l'exécution effective des sanctions administratives, mais celles-ci n'offrent pas les mêmes garanties que le système pénal et risquent d'entraîner une certaine perte de maîtrise d'une politique criminelle cohérente (comme c'est déjà le cas actuellement).
En matière de criminalité économique et financière organisée, il serait opportun :
1. de proposer la révision de la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale, signée à Strasbourg le 20 avril 1959 et dont l'article 2A entraîne l'exclusion de son application en matière fiscale;
2. de lever le secret bancaire dans les pays où ce secret peut encore être invoqué à l'encontre des autorités judiciaires en matière de criminalité organisée;
3. d'accélérer la réalisation du titre VI du traité de l'Union européenne du 7 février 1992 qui tend à renforcer la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures et ouvre à la lutte anti-fraude de nouvelles possibilités d'action;
4. de poursuivre la mise en oeuvre concrète de l'article 209A du traité sur l'Union européenne disposant que « les États membres prennent les mêmes mesures pour combattre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de la Communauté que celles qu'ils prennent pour combattre la fraude portant atteinte à leurs propres intérêts financiers », en vue de réprimer efficacement les fraudes en matière de subvention et en particulier la fraude au budget communautaire dans le domaine de la TVA;
5. de créer une nouvelle incrimination d'escroquerie en matière d'impôts pour les cas où la fraude porte sur un montant significatif d'impôt et a été commise par l'emploi systématique de manoeuvres frauduleuses tendant à dissimuler la réalité, comme les carrousels TVA;
6. de désigner un magistrat fédéral spécialement chargé de la lutte contre le blanchiment;
7. d'élaborer une législation de confiscation. Cela suppose l'introduction d'une distinction entre la recherche de l'auteur et la recherche du butin et la constatation de l'avantage illégalement obtenu. Il se pourrait, dans ce cas, que cette dernière procédure soit séparée de l'affaire principale. Cela signifierait que l'on devrait abandonner le règle de l'unité de la peine consacrée en droit belge.
Cette législation de confiscation entre dans le cadre d'une stratégie préventive visant à atteindre les criminels au talon d'Achille, à savoir leur portefeuille. On pourrait dès lors fixer comme règle de base que quiconque serait poursuivi pénalement dans le cadre de la criminalité organisée subirait également un contrôle fiscal et financier. Tout ceci devrait entraîner une exécution plus efficace de la peine;
8. d'examiner si on ne pourrait pas introduire la technique de l'« assetsharing », selon laquelle les États qui ont contribué à démanteler un mécanisme de blanchiment ou à la saisie d'avantages patrimoniaux se partagent les avoirs confisqués. La pratique a révélé que certains États sont sensibles à cette forme de coopération;
9. d'exercer un contrôle strict des marchés publics importants, surtout lorsqu'un cahier des charges remis présente un montant sensiblement moins élevé que le montant que les pouvoirs publics considéraient comme raisonnable. Naturellement, il n'est pas exclu qu'une entreprise soit dirigée si efficacement qu'elle puisse travailler avec des marges bénéficiaires minimales. Pourtant, il faudrait instaurer, pour les adjudications publiques dont la valeur excède un montant déterminé, un système de signaux permettant de détecter les sociétés dont le but est de blanchir les capitaux d'une organisation criminelle.
On considère que les peines applicables à la gamme des délits perpétrés d'ordinaire par les organisations criminelles ne sont pas assez sévères. Elles perdent par conséquent leur effet dissuasif. Par ailleurs, l'exécution de la peine n'est pas assez énergique. Force est assez paradoxalement de constater que l'on se garde bien souvent d'infliger des amendes importantes parce que l'on ne peut de toute manière pas les percevoir ou parce qu'elles risquent d'entraîner la faillite d'une entreprise.
3.5.8. La responsabilité pénale de la personne morale
Cela fait longtemps que l'on considère comme une lacune le fait qu'il ne soit pas possible de poursuivre pénalement les organisations qui, sous le couvert d'une constitution légale, tirent les ficelles de la criminalité organisée.
3.5.9. La législation sur le terrorisme
Afin de financer leurs activités, des groupements terroristes commettent (parfois) des délits de droit commun, dans le cadre desquels ils se comportent comme des organisations criminelles. Inversement, certaines organisations criminelles tentent, sous le couvert d'une organisation politique, de légitimer un tant soit peu leurs activités criminelles.
À cet égard, il faut consacrer une attention particulière au risque d'infiltration des services de police par des partisans d'organisations extrémistes.
Le fait que notre pays, contrairement à la France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne, ne dispose pas d'une loi antiterrorisme est ressenti, sous un certain angle, comme un obstacle à l'efficacité des poursuites pénales.
3.6. Politique administrative contrôle
3.6.1. Droit administratif « armé »
Cette expression, qui nous vient des Pays-Bas, implique que si les pouvoirs publics veulent mettre le couteau sous la gorge à la criminalité organisée, ils doivent non seulement agir de manière réactive par le biais du droit pénal, mais aussi créer un environnement administratif que la criminalité organisée pourra difficilement infiltrer ou dont elle pourra difficilement abuser. Une administration active veille à ce que les organisations criminelles n'appliquent pas la réglementation selon leurs propres vues et ne désorganisent pas de la sorte les relations sociales et économiques.
La fraude aux documents est le fil rouge de la criminalité organisée. Il s'agit ici tant de la contrefaçon que du vol de documents administratifs vierges tels que visas, passeports, permis de séjour, permis de conduire, cartes de travail et permis d'exploitation. L'arrêté royal du 28 octobre 1993 relatif à la protection des commissariats est à la base d'investissements structurels qui contribuent à une protection efficace des locaux, mais 3 % des commissariats supplémentaires dans les grandes villes et 11 % dans les autres villes ne disposent toujours pas d'un coffre-fort. Un commissariat de police sur cinq ne dispose pas d'un local bien protégé pour y stocker armes et munitions.
Le plus souvent, l'action des pouvoirs publics est réactive : c'est seulement lorsque les vols de passeports sont devenus un vrai fléau et que des puissances étrangères ont protesté contre l'apathie des autorités belges que l'on a décidé de tenir désormais ces documents en un lieu centralisé. À cet égard, les nouvelles mesures en matière de remise de passeports ont été jugées positives.
Une autre constante est l'absence de coordination et de collaboration entre les services qui délivrent ces documents. En outre, leur contrôle n'est pas étanche. La facilité avec laquelle des étrangers peuvent obtenir en Belgique divers documents et permis de séjour est déconcertante.
Une évaluation de la façon dont ces documents sont fabriqués et délivrés est donc souhaitable. Il convient également de réflechir aux conséquences qu'il faut attribuer aux cas de fraude et de vol (par exemple le signalement international de documents vierges volés).
La commission a été interpellée par le fait que des membres biens connus d'organisations criminelles étrangères actives en Belgique séjournent sans obstacle sur le territoire national. Elle a dès lors cherché à savoir sur base de quels critères et en fonction de quels renseignements l'Office des étrangers délivre les visa et comment il assure l'éloignement du territoire des étrangers indésirables.
La commission a dû se rendre à l'évidence que le système actuel de délivrance des visa ne permet pas d'effectuer un contrôle réel sur les demandes introduites. L'éparpillement des compétences en matière d'octroi de permis de travail et de cartes professionnelles, l'absence de flux d'informations en provenance des autorités administratives, telles que les Douanes, les Finances ou encore les Affaires économiques, la réticence de la police à fournir des informations à l'Office, qui est actuellement soumis à la loi relative à la publicité des documents administratifs, constituent autant de facteurs qui empêchent l'Office des étrangers de développer une politique adéquate en matière de délivrance de visa. Dans l'état actuel des choses, tant que les demandeurs ne sont pas fichés, à la suite d'une condamnation définitive, ou signalés par la Sûreté de l'État, ils peuvent très bien, même s'ils font l'objet de poursuites, recevoir un visa d'affaires, et ce d'autant plus que tout refus doit être motivé, ce qui est parfois impossible en raison du manque d'informations.
Sur le plan réactif, la commission a également dû constater que souvent, l'Office ne parvient pas à faire exécuter les décisions d'éloignement du territoire, notamment en raison du manque de place dans les prisons et les centres pour illégaux, et du fait que l'exécution de telles décisions est contrôlée quand elle l'est par d'autres autorités.
La commission considère qu'il faut repenser le statut de l'Office des étrangers, qui ne doit pas être purement et simplement assimilé à une administration. Elle est également d'avis qu'il est urgent de mettre en place un système d'échange d'informations entre la police, les différentes administrations et l'Office, d'une part, et entre les autorités compétentes en matière d'octroi de permis de travail et de cartes professionnelles et l'Office, d'autre part.
Le système douanier, en matière d'accises, repose encore à l'heure actuelle essentiellement sur le système archaïque du document administratif d'accompagnement (DAA) : la seule garantie que la marchandise est arrivée à destination et y est déclarée consiste dans le retour après plusieurs semaines d'un document portant le cachet des autorités de destination. Le système est faible sur le plan de la fiabilité (dans certains secteurs, on a relevé un taux de documents falsifiés de l'ordre des 2/3), mais également sur le plan du contrôle.
En effet, depuis l'ouverture des frontières, les États membres n'ont pu se mettre d'accord pour adopter des mesures compensatoires à l'ouverture des frontières, et notamment pour développer un système d'assistance mutuelle des administrations des États membres de l'Union en vue de faciliter les recherches, dans la mesure où le système ne peut faire face aux crimes sophistiqués.
Les mêmes carences ont été constatées en matière de contrôle de la TVA.
Comme le souligne le groupe de haut niveau sur le crime organisé, il est impératif que les États membres de l'Union s'engagent dans une modernisation de la procédure douanière, en informatisant notamment l'échange de données, et qu'ils développent à brève échéance une politique d'assistance mutuelle.
En outre, la commission a constaté, au niveau interne, que les services douaniers souffraient cruellement de l'absence totale d'échange d'informations et de collaboration entre les différentes autorités administratives concernées, et ce même au sein d'un seul ministère; chaque administration poursuit ses objectifs propres sans tenter d'avoir une vision globale de la fraude organisée.
Enfin, les services de lutte contre la fraude en matière douanière souffrent d'un manque réel d'effectifs et de moyens matériels pour mener à bien leur mission.
De manière plus générale, on doit relever, à cet égard, que la réduction du nombre de douaniers opérée par la Belgique, contrairement à la politique menée à cet égard par d'autres États membres, lors de l'ouverture des frontières, ne permet pas d'assurer une surveillance régulière des transporteurs, et ce d'autant plus qu'aucune trajectoire ou poste de passage obligatoires ne leur est imposé.
Le droit pénal formel comme le droit pénal matériel doivent tenir compte du caractère international du crime organisé. L'on doit aussi développer, en particulier au sein de l'Union européenne, une coopération internationale et y réaliser une harmonisation des législations nationales.
Les traités d'extradition que nous avons conclus au 19e siècle avec la plupart des pays européens sont totalement dépassés aujourd'hui. Dans ce domaine, l'Union européenne a fait oeuvre de pionnier et nous devrions nous efforcer de conclure des traités d'extradition adéquats et efficaces avec les autres pays du monde, et de mettre en place avec eux une entraide judiciaire réciproque.
Une réforme du système des commissions rogatoires tout à fait vétuste aujourd'hui ainsi qu'une collaborat on transfrontalière plus étroite, tant policière que judiciaire, s'imposent. Cette nécessité a notamment été évoquée eu égard aux moyens de lutte contre les fraudes diverses qui touchent le commerce mondial (fraudes à la TVA, fraudes fiscales, fraudes aux intérêts financiers des Communautés européennes, etc.). La vitesse des échanges commerciaux, le volume de ceux-ci, la nécessité de ne pas bloquer le commerce outre mesure et le caractère international quasi-systématique de ces échanges, imposent que des dispositions soient prises pour remédier aux carences actuelles. Les procédures sont lourdes et inadaptées, il y a un manque de rapidité de réaction et d'échange d'informations, etc. Il est souhaitable de faciliter la transmission de juge à juge des demandes et des résultats des commissions rogatoires internationales.
En matière de coopération judiciaire, il importe tout particulièrement de mettre en place, toujours sur la base d'un traité, un système simplifié de collaboration directe entre les magistrats et entre les appareils judiciaires, sans devoir passer par la voie diplomatique. Cette réforme doit également tenir compte des difficultés qui résultent aujourd'hui du caractère bilatéral du système des commissions rogatoires. Les dispositions actuelles rendent très compliquée la mise en place d'une collaboration simultanée entre des magistrats ressortissants de plus de deux pays différents. En outre, pour rendre cette collaboration optimale, il convient de fournir aux magistrats un appareil de soutien capable de préparer la mise en place de toute collaboration dans le respect du droit et des procédures des États dont la coopération est souhaitée.
De plus, une organisation des polices à l'échelle européenne fait défaut. Plutôt que de mettre sur pied une imposante organisation administrative, il suffirait d'autoriser les polices locales à prendre contact avec les polices locales à l'étranger, sans devoir accomplir des formalités administratives. Actuellement, la police locale ne dispose pas de crédits permettant ces contacts directs et ce manque de fonds empêche souvent une intervention efficace.
3.8. Commission parlementaire de suivi
Au point 3.1 est évoquée l'idée d'un contrôle parlementaire sur la collecte des informations.
La commission estime toutefois qu'il n'est pas souhaitable de limiter le rôle du Parlement à ce point spécifique. C'est pourquoi elle propose de créer une commission parlementaire de suivi chargée de suivre de près l'évolution de la criminalité organisée, de contrôler systématiquement, en concertation avec le pouvoir exécutif, l'efficacité des mesures qui ont été prises et de formuler des propositions en vue d'améliorer l'approche.
Il ne faut pas interpréter le ton parfois critique du présent rapport comme une réprimande mais plutôt comme une exhortation à donner la priorité à la lutte contre la criminalité organisée.
À ce sujet, la commission a pris acte des plans d'action que le gouvernement a définis en vue de combattre la criminalité organisée et la délinquance économique, financière et fiscale. Elle a pris acte également du début d'exécution que le gouvernement a donné à ses plans (cf. annexes B et C au présent rapport). Elle a apprécié la note d'orientation du ministre de la Justice concernant la lutte contre la criminalité organisée (292), et constate que l'Union européenne a, elle aussi, formulé à ce sujet des recommandations urgentes aux États membres.
La commission se réjouit de la réforme en profondeur à laquelle l'on soumet la justice et les services de police, notamment par la création d'une police fédérale et d'un parquet fédéral, lesquels constituent les premiers éléments d'une politique efficace de lutte contre le crime organisé.
Elle plaide pour une approche intégrée et multidisciplinaire du crime organisé, à laquelle la justice, la police et l'administration et, éventuellement, les entreprises, devraient être activement associées.
Pour pouvoir être couronnée de succès, la lutte contre le crime organisé requiert une prise de conscience plus approfondie et une meilleure compréhension de cette problématique que ce n'est actuellement le cas. Cela suppose une vigilance et une efficacité plus grandes de la part des services publics. On ne pourra atteindre cet objectif qu'en élaborant un cadre judiciaire, policier et administratif qui soit à la mesure de la menace criminelle qui occasionne des dégâts considérables dans la société.
Le présent rapport vise à apporter une contribution dans ce but.
Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 8 membres présents.
Les rapporteurs,
Hugo COVELIERS. Claude DESMEDT. |
Les présidents,
Hugo VANDENBERGHE. Roger LALLEMAND. |
La commission a entamé ses travaux en octobre 1996. Elle a d'emblée été confrontée à la problématique du Comité supérieur de contrôle. En effet, deux fonctionnaires du Comité faisaient état, à coup de déclarations largement médiatisées, de graves dysfonctionnements au sein de leur institution, et lui reprochaient notamment d'étouffer systématiquement des affaires, spécialement lorsqu'elles mettaient en cause des hommes politiques ou des magistrats. Ils annonçaient des révélations plus précises, documents à l'appui, devant la commission.
Eu égard au rôle majeur du Comité supérieur de contrôle dans la lutte contre la corruption dans la fonction publique et en matière de marchés publics, et aux liens que ce mécanisme peut avoir avec la criminalité organisée, la commission a considéré qu'il lui incombait d'instruire ce dossier.
La commission a, dès lors, procédé aux investigations suivantes :
A. Auditions, sous serment, de :
M. J. Depret, inspecteur principal, en interruption de carrière, du Comité supérieur de contrôle, le 25 octobre 1996;
M. W. Vermeulen, adjoint linguistique de l'administrateur général du Comité supérieur de contrôle, le 25 octobre 1996;
M. W. De Smet, président du Comité supérieur de contrôle, le 8 novembre 1996;
M. R. Charles, président honoraire du Comité supérieur de contrôle, le 8 novembre 1996;
M. A. Canneel, administrateur général du Comité supérieur de contrôle, les 20 et 29 novembre 1996.
Le 21 février 1997, la commission a également entendu M. le juge d'instruction Bulthé, qui a traité de nombreux dossiers avec le CSC.
Le 24 janvier 1997, la commission a, par ailleurs, entendu à titre d'information, et à sa demande, le colonel Bauwens, inculpé dans l'affaire dite des obus.
B. Quelques semaines après son audition, M. Vermeulen a transmis un document circonstancié d'une trentaine de pages reprenant les dossiers dans lesquels, selon lui, il y a eu des anomalies. À ce document étaient jointes une cinquantaine d'annexes.
M. Depret, qui avait lui aussi annoncé le dépôt d'un dossier, n'a par contre rien transmis à la commission.
C. En ce qui concerne les enquêtes administratives énumérées dans le document Vermeulen, la commission a demandé au Comité P d'en contrôler le déroulement et d'en faire rapport. Après avoir procédé à l'examen des dossiers litigieux et aux auditions nécessaires, le Comité P a déposé son rapport dans le courant du mois de décembre 1996.
Parallèlement, et à la requête du ministre de la Fonction publique, le Comité P a procédé à une enquête de contrôle du Comité supérieur de contrôle. Le rapport qui en résulte a été transmis à la commission par le ministre de la Fonction publique.
En ce qui concerne les enquêtes judiciaires, la commission a demandé aux différents procureurs généraux de lui faire rapport quant au déroulement des affaires mentionnées dans la note Vermeulen.
La commission a accusé réception de ces rapports dans le courant du mois de janvier 1997.
D. La commission a procédé à un examen attentif de tous les éléments recueillis. Elle a notamment confronté les arguments développés par M. Vermeulen aux informations fournies par les autorités compétentes et par les témoins.
Il en résulte des constatations de deux ordres :
d'une part, des constatations relatives à des dysfonctionnements d'ordre structurel et organisationnel. Cet examen fera l'objet du chapitre II.
d'autre part, des constatations relatives aux dossiers épinglés par M. Vermeulen. Cet examen fera l'objet du chapitre III.
Avant d'entrer dans cet examen, la commission se doit de préciser qu'au cours de ses investigations, elle s'était très vite aperçue que les affaires dont il était question ne touchaient pas à la criminalité organisée ni même ne révélaient d'éléments de corruption. Dès lors la commission a décidé de ne pas s'écarter de sa mission et de livrer ses constatations dans son rapport final. Cette décision s'imposait d'autant plus qu'il résulte déjà des éléments rassemblés par la commission que la plupart des griefs formulés par M. Vermeulen ne sont pas fondés.
Compte tenu de l'intégration du service d'enquête du Comité supérieur de contrôle à la police judiciaire (loi du 6 mars 1998, Moniteur belge du 31 mars 1998, p. 9759), ainsi que des réformes législatives en cours en matière de police et de justice, le présent rapport de synthèse n'a plus qu'un intérêt historique. Il a été établi en vue de répondre aux critiques formulées par M. Vermeulen, mais le problème politique structurel qui existait à propos du Comité supérieur de contrôle ne se pose plus aujourd'hui.
Ce statut était fixé par l'arrêté royal du 29 juillet 1970 (Moniteur belge du 18 septembre 1970). En vertu de cet arrêté royal, l'activité du Comité s'exerçait à l'intervention de deux organes distincts, le Collège et l'Administration, sous l'autorité d'un président.
La composition du Collège était déterminée par l'article 4 de l'arrêté royal du 29 juillet 1970 et comprenait :
1º quatre magistrats de la Cour de cassation ou de l'une des cours d'appel, parmi lesquels était nommé le président.
2º des représentants des divers ministères.
3º des représentants des organisations professionnelles des entrepreneurs et des industriels. Le président et les membres étaient nommés par le Roi sur proposition du ministre qui avait le Comité supérieur de contrôle dans ses attributions.
En vertu de l'article 11 de l'arrêté royal du 29 juillet 1970, le Collège avait pour mission :
1º d'émettre un avis sur les contestations ou litiges qui lui sont déférés par l'une ou l'autre des parties et relatifs aux marchés et à tous actes et conventions qui s'y rattachent, passés par les services auxquels le Collège étend son action;
2º de rechercher, par voie de conciliation, un règlement amiable des contestations ou litiges surgissant à l'occasion de l'exécution de ces mêmes marchés, actes et conventions;
3º d'émettre un avis sur toute question qui lui serait soumise par l'autorité compétente en relation avec l'activité du Comité.
Le Collège exerçait ses attributions sous l'autorité du président.
L'Administration comprenait un service administratif et un service d'enquêtes placés sous la direction du chef de l'administration (article 34) et sous l'autorité du président.
Le service administratif assumait les tâches inhérentes au fonctionnement du Comité supérieur de contrôle, tant du Collège que du service d'enquêtes (article 35, § 1er ).
Le service administratif se divisait en deux branches : une unité logistique (personnel, équipements, locaux, etc.) et une unité « fourre-tout » (293) comprenant le greffe, la bibliothèque et le service de dactylographie.
Pour une composition détaillée du service administratif, voyez l'enquête de contrôle du Comité P, p. 13.
Les missions du service d'enquêtes étaient définies par l'article 35, § 2, de l'arrêté royal du 29 juillet 1970. Il s'agissait :
1º de rechercher les fraudes ou infractions commises soit par les préposés de l'administration, soit par des tiers, dans les locaux occupés par les services auxquels s'étendait la compétence du service d'enquêtes ou à l'occasion du fonctionnement de ses services (294). Il étendait son action à tous les domaines où l'intérêt de ces services était engagé à un titre quelconque;
2º d'effectuer des contrôles à l'occasion de l'exécution des marchés de travaux, de fournitures et de services, soit conclus par ces mêmes administrations, soit subventionnés directement ou indirectement par l'État;
3º de procéder aux vérifications prévues par l'arrêté royal du 26 avril 1968 réglant l'organisation et la coordination des contrôles de l'octroi et de l'emploi des subventions.
Il convenait donc de distinguer trois types de missions :
les missions de nature administrative de contrôle administratif et budgétaire;
les missions de nature administrative de police répressive;
les missions de police judiciaire.
a) Les attributions de nature administrative de contrôle administratif et budgétaire.
Il s'agissait du contrôle de la régularité de l'exécution des marchés de travaux, de fournitures ou de services conclus par les pouvoirs publics qui relevaient de la compétence du Comité supérieur de contrôle.
b) Les attributions de nature administrative de police répressive.
Pour l'exercice de cette mission de « recherche des fraudes et infractions » les enquêteurs s'étaient vu conférer la qualité d'officier de police judiciaire auxiliaire du procureur du Roi et de l'auditeur militaire, sans pour autant porter atteinte aux attributions administratives, mais « pour faciliter ainsi la recherche de certaines infractions par ses enquêteurs, tout en permettant aux autorités judiciaires, en cas d'indices de telles infractions, de confier des devoirs corrélatifs d'enquête à ces mêmes enquêteurs » (295). La compétence administrative de police concernait donc la recherche d'infractions définies par la loi et punies de peines fixées par celle-ci, mais également la recherche de fraudes, c'est à dire les « tromperies commises au préjudice du service public concerné mais non susceptibles de répression pénale » (296).
Cette compétence s'exercait au seul bénéfice des autorités administratives habilitées à sanctionner de telles fraudes dans le chef d'agents ou d'usagers du service public et auxquelles il était fait rapport s'il y avait lieu (297).
c) Les attributions de nature judiciaire.
En vertu de l'article 1er de la loi du 26 avril 1962 modifiée par la loi du 8 juillet 1969 conférant des attributions de police judiciaire à certains agents du Comité supérieur de contrôle, les agents du service d'enquêtes du Comité supérieur de contrôle étaient compétents concurremment avec les officiers de police judiciare pour rechercher les infractions commises, soit par les préposés de l'administration, soit par des tiers, à l'occasion du fonctionnement des services publics..., et pour constater ces infractions par des procès verbaux faisant foi jusqu'à preuve du contraire.
En pratique, le service d'enquêtes « s'est affirmé comme un service national spécialisé de police répressive, développant ses activités dans le domaine spécifique de la recherche et de la constatation d'infractions graves ou complexes typiques du fonctionnement des services de police : fiscales ou « parafiscales », mais aussi faux, usage de faux, escroquerie, tromperie, extorsion, détournement, violation du secret professionnel, etc., en privilégiant les synergies avec les autres services de police répressive (en particulier les brigades de police judiciaire des parquets et les B.S.R. de la gendarmerie), sous la forme d'actions concertées, voire de cellules d'enquêtes mixtes, où les enquêteurs de l'Administration du Comité supérieur de contrôle apportent leur know-how » (298).
Les problèmes soulevés à propos du Comité supérieur de contrôle, et plus particulièrement de son administration, ont suscité un débat sur ses compétences et sur la raison d'être de ce service.
Si les problèmes soulevés concernaient principalement l'Administration du Comité supérieur de contrôle, il est opportun de replacer ceux-ci dans la problématique plus générale des missions confiées au Comité supérieur de contrôle.
Organe supérieur et spécialisé de contrôle administratif et budgétaire, mais également service spécialisé de police administrative, l'Administration du Comité supérieur de contrôle s'était progressivement mue, sous l'impulsion de son administrateur général et avec l'assentiment du gouvernement jusqu'en juillet 1993, en un service national spécialisé de police judiciaire.
Le premier pas vers la transformation en un service de police fut la reconnaissance de la qualité d'officier de police judiciaire auxiliaire du procureur du Roi et de l'auditeur militaire, par la loi du 26 avril 1962, modifiée par la loi du 8 juillet 1969, à certains agents du service d'enquêtes et au chef de l'Administration. Si cette attribution avait pour but de donner aux enquêteurs les pouvoirs d'investigations les plus larges pour l'accomplissement de leur mission, elle eut aussi « pour conséquence d'entraver l'exercice de la mission administrative de ceux-ci » (299). Non pas que cette mission administrative allait souffrir du secret de l'instruction comme le prévoyait M. Charles, mais bien que l'une se fasse au détriment de l'autre, que les enquêtes judiciaires prennent le pas sur les enquêtes administratives.
La volonté de faire du Comité supérieur de contrôle un service national spécialisé de police judiciaire répondait à un besoin impérieux d'avoir en Belgique un organe spécialisé dans la lutte contre des infractions de plus en plus complexes. Cette spécialisation, au même titre que celle qui prévaut au sein des différents services de polices, vise à adapter l'appareil judiciaire à l'évolution de la criminalité.
Cependant, cette évolution des missions fut à l'origine des principaux dysfonctionnements, étant donné que les structures du Comité supérieur de contrôle étaient demeurées inchangées. Ces dysfonctionnements étaient inéluctables, eu égard à l'imprécision des textes sur certains aspects (définition des compétences, rôles, fonctions et pouvoirs précis de chacun des acteurs) et à la nature même du système mis en place par les textes légaux. Sous la dénomination unique de Comité supérieur de contrôle et sous l'autorité de son président, coexistaient en réalité « deux organes ayant peu de choses en commun : le collège et l'Administration, dont les attributions, la composition, l'organisation et le fonctionnement diffèrent radicalement » (300).
Cette évolution en un service national de police judiciaire, dans une structure inadaptée, était d'autant plus problématique qu'« en ce qui concerne les enquêtes judiciaires, aucune disposition législative ou réglementaire ne réglait explicitement le rôle du président » (301).
De cette lacune découlent les dysfonctionnements institutionnels du Comité supérieur de contrôle, mais aussi les conflits auxquels se livrèrent les différents acteurs (principalement entre le président et l'administrateur général) qui tentaient de s'arroger les diverses compétences (judiciaires) non réglementées, si ce n'est par eux-mêmes.
N'étant « ni un service de police générale, ni un service de police spéciale, mais un service public dont les fonctionnaires disposent de compétences de police » (302), comme le rappelait le ministre de l'Intérieur lors des débats sur la loi relative à la fonction de police, il est singulier que l'Administration du Comité supérieur de contrôle se soit « auto-transformée » en un service de police judiciaire, même avec le feu vert du gouvernement.
En vertu de l'article 1er de l'arrêté royal, le Comité supérieur de contrôle, Collège et Administration, exercait ses attributions sous l'autorité du président. Selon le président qui dit « autorité » dit « responsabilité » (non partagée) l'autorité du président n'était limitée que par l'application des articles 9 du Code d'instruction criminelle et 148 du Code judiciaire (303).
Magistrat du siège, le président n'avait pas la qualité d'officier de police judiciaire, et son activité au sein du Comité supérieur de contrôle ne constituait qu'une activité accessoire et à temps partiel.
Les compétences du président en matière d'enquêtes administratives ne semblant pas avoir donné lieu à controverse, nous ne nous attarderons que sur les enquêtes judiciaires. Seuls l'avis rendu par le collège des procureurs généraux le 4 mars 1992, et la circulaire nº 1/92 du 17 janvier 1992 émise par le président du Comité supérieur de contrôle traitent de ses compétences en matière judiciaire (303).
Il en résulte que le président assurait la charge de présidence du collège, de maître des enquêtes et des contrôles administratifs (cette compétence pouvait être déléguée, à titre temporaire, par le président à l'administrateur général), et de « superviseur des devoirs judiciaires confiés au service d'enquêtes, sauf en ce qui concerne les enquêtes effectuées par la section centrale » (304).
En vertu de l'article 34 de l'arrêté royal du 29 juillet 1970, l'administrateur général, chef de l'Administration, dirigait l'Administration du Comité supérieur de contrôle (service administratif et service d'enquête). Officier de police judiciaire, auxiliaire du procureur du Roi et de l'auditeur militaire, l'administrateur général se devait « d'assurer durablement le bon fonctionnement de l'Administration »; il lui appartenait, comme au premier ministre (depuis 1996, c'est au ministre de la Fonction publique qu'il fallait faire référence), « de maintenir à la disposition du président un outil administratif pleinement capable d'assumer les missions qui lui sont confiées » (305).
Selon l'administrateur général, la fonction de chef d'administration était difficile à définir, car les textes n'avaient pas changé, mais la pratique bien (306).
L'administrateur général, sous l'autorité du président, assurait la direction opérationnelle du Comité supérieur de contrôle, sous la surveillance du ministre qui avait le Comité dans ses attributions, et était donc responsable de l'organisation et du fonctionnement interne, en ce compris la gestion du personnel, leurs carrières, leurs affectations internes et la discipline (sauf en ce qui concerne les interventions judiciaires). Il était également responsable de la gestion des moyens tant financiers que matériels mis à disposition du Comité supérieur de contrôle.
Agents de l'État, officiers de police judiciaire auxiliaires du procureur du Roi et de l'auditeur militaire, dans l'accomplissement de leurs missions administratives de contrôle ou de police, les enquêteurs relevaient, en vertu du statut des agents de l'État, de l'autorité disciplinaire de l'administrateur général.
Dans l'accomplissement de leurs missions de police judiciaire, ils relevaient de la surveillance des procureurs généraux et de la direction des procureurs du Roi.
Fonctionnant sous l'autorité du président et la direction de l'administrateur général et, en ce qui concerne les enquêtes judiciaires, des parquets, le Comité supérieur de contrôle et son service d'enquêtes ne faisaient plus l'objet d'aucun contrôle effectif.
S'il est déjà difficile de distinguer la nuance entre « autorité » et « direction », le fait même d'avoir institué une responsabilité partagée pour présider aux destinées du Comité supérieur de contrôle a conduit à une segmentation des activités, faisant disparaître du même coup le contrôle réciproque qui aurait dû normalement être opéré par le partage de compétences initialement prévu. Outre une fonction de contrôle réciproque, le partage des compétences devait avoir pour objet de mener à bien, de concert, les missions administratives d'une part et les missions judiciaires d'autre part. Cependant, nous constatons que, même en privilégiant l'exercice des missions judiciaires comme ce fut le cas jusqu'en 1991, ou l'inverse à partir de 1991, le Comité supérieur de contrôle fut incapable de s'organiser de façon cohérente et homogène.
La nouvelle politique visant à privilégier les enquêtes administratives, telle qu'initiée par le président en 1991, politique confirmée par une note du Premier ministre en juin 1991 et par le Conseil des ministres du 29 juillet 1993, ne s'est pas traduite dans la réalité (307). Cette politique de recentrage des activités sur les contrôles administratifs fut également imprimée par la note de politique du ministre de la Fonction publique (308).
L'évolution du Comité supérieur de contrôle et de son service d'enquêtes en un service de police spécialisée contraignit les différents acteurs à adapter leur mode de fonctionnement et la répartition de leurs compétences, non sans heurts.
La délimitation des pouvoirs, telle que définie lorsque la Commission d'enquête s'intéressa au Comité supérieur de contrôle, conférait à l'administrateur général la direction opérationnelle du Comité; par conséquent, il pouvait interférer dans la mise en oeuvre de l'autorité fonctionnelle détenue par le président. Ce dernier s'est pourtant positionné ces dernières années comme titulaire de l'autorité opérationnelle (309), en ce compris dans le cadre des enquêtes judiciaires, par l'entremise notamment de la tenue d'un collège officieux qui décide des suites à donner aux plaintes et enquêtes. Ce collège officieux, qui se réunit à partir du 3 mars 1994 était formé du président, de son secrétaire, de l'administrateur entretemps pensionné et des deux commissaires en chef du service d'enquêtes, tous portant, selon l'administrateur, à une seule exception, l'étiquette d'un même parti (310). L'administrateur et son adjoint linguistique étaient « exclus » (311) ou tenus à l'écart « de façon explicite, non cachée » (312) de cet organe de décision.
Il apparaît néanmoins que l'administrateur général se retira lui-même des réunions du président (auxquelles il avait initialement assisté), et ce en raison du désaccord continuel qui l'opposait au président (313).
Selon le président, la tenue de ce collège participait d'une « politique de la porte ouverte » (314), afin de recueillir l'avis de ses commissaires avant de prendre une décision.
La tenue de ce collège officieux doit sans doute s'expliquer comme une réaction à la structure mise en place depuis 1989 sous la forme d'un service parallèle, secret, d'enquêtes et de relations particulières avec certains juges d'instructions. Cette cellule spéciale d'enquêtes (la section centrale) fut elle même créée par l'administrateur et son adjoint linguistique à la demande de certains magistrats instructeurs qu désiraient voir certains dossiers traités dans la confidentialité la plus absolue (315). De plus, à l'instar des initiatives prises par le président en matière judiciaire, l'administrateur général prenait, lui, des initiatives dans certaines enquêtes administratives (316) et a tout mis en oeuvre pour saper l'autorité du président et se substituer à lui (317).
Tous ces « aménagements » organisationnels ont notamment eu pour effet que les dossiers envoyés au Comité suivaient des procédures différentes selon qu'ils étaient adressés à l'un ou l'autre des responsables (318). Ces différences ont encore été renforcées par les pratiques de « parquet shopping » des enquêteurs, et d'« enquêteurs shopping » de certains magistrats instructeurs.
Dans sa note, M. Vermeulen met en cause « l'attribution du pouvoir indivisible et de la direction des enquêtes au président De Smet, magistrat assis, sans la qualité d'officier de police judiciaire... » (319).
Selon l'avis rendu par le Comité P, « si la compétence et le pouvoir du président du Comité supérieur de contrôle peuvent faire l'objet de discussions, ils se fondent en tous points sur une solide base légale et ne sont pas contestés par les autorités administratives et judiciaires » (320). Cette base juridique, selon le Comité P, résidait dans les articles 36 et 38 de l'arrêté royal du 29 juillet 1970, ainsi que dans l'avis rendu par le Conseil d'État en date du 13 mai 1970 sur le projet d'arrêté royal.
Il nous faut néanmoins nuancer la réponse apportée par le Comité P dans son avis, dans lequel la distinction entre les compétences en matière d'enquêtes administratives et d'enquêtes judiciaires, n'est pas claire. C'est pourtant sur ce point précis des compétences du président à l'égard des enquêtes judiciaires que porte la critique de M. Vermeulen.
Nous pouvons lire par ailleurs, dans l'enquête de contrôle réalisée également par le Comité P, qu'en « ce qui concerne les enquêtes judiciaires, aucune disposition législative ou réglementaire ne règle le rôle du président, sauf les compétences énumérées dans les articles 1er et 34 de l'arrêté royal du 29 juillet 1970. L'interprétation de l'article 34 a d'ailleurs provoqué une divergence de vue entre le président et l'administrateur général » (321).
Ce conflit fut réglé par le Collège des procureurs généraux près les cours d'appel dans un avis rendu le 4 mars 1992, dont il ressortait que les prescriptions de l'arrêté royal du 29 juillet 1970 valaient « mutatis mutandis pour les enquêtes judiciaires, que les devoirs d'enquêtes confiés es qualité aux agents de l'Administration du Comité supérieur de contrôle ayant qualité d'officier de police judiciaire devaient l'être par l'intermédiaire du président du Comité supérieur de contrôle... » (322). Cet avis était conforme à la circulaire 1/92, dans laquelle le président du Comité supérieur de contrôle (premier président émérite d'une cour d'appel) définissait ses compétences, mais était contraire à l'avis rendu par le Conseil d'État à propos du projet d'arrêté royal, ou en constituait à tout le moins une interprétation extensive. Cet avis concluait bien que le président du Comité supérieur de contrôle est le « maître des enquêtes », mais des enquêtes administratives (323), le Conseil d'État ne se prononçant pas sur les enquêtes judiciaires.
Cet avis du Collège des procureurs généraux n'a pas permis de mettre un terme au conflit mais l'a, au contraire, attisé puisque la pratique quotidienne de l'Administration du Comité supérieur de contrôle révéla l'existence d'une section centrale dépendant exclusivement de l'administrateur général, d'un collège officieux, de juges d'instruction qui, selon le président De Smet, ne tenaient pas compte de l'avis rendu par le Collège des procureurs généraux (324).
En vertu de l'article 2 de l'arrêté royal du 29 juillet 1970, la compétence du Comité supérieur de contrôle s'étendait, dans la limite des articles 11 et 35 :
1º à tous les départements ministériels;
2º à certains organismes d'intérêt public repris dans la loi du 16 mars 1954, ainsi qu'aux sociétés agréées par la Société nationale de logement et par la Société nationale de la petite propriété terrienne;
3º aux personnes de droit public à qui sont concédés la construction, l'équipement, et l'exploitation d'autoroutes; (325)
4º aux allocataires de subventions accordées soit par l'État, soit par une personne morale que l'État subventionne directement ou indirectement.
Par conséquent, par application des articles 2 et 35 de l'arrêté royal du 29 juillet 1970, ainsi qu'en vertu des diverses lois de réformes institutionnelles, les missions de contrôle administratif et budgétaire et de police administrative répressive s'étendaient :
aux départements ministériels de l'État, des communautés et des régions;
aux services publics nationaux, communautaires et régionaux et ceux dotés d'une personnalité juridique distincte de celle de l'État, des communautés ou des régions et soumis à la loi du 16 mars 1954, pour autant que l'intervention du Comité supérieur de contrôle ait été demandée par le ministre dont l'organisme relève, et pour autant que le législateur communautaire ou régional n'en ait pas disposé autrement par décret ou ordonnance à l'égard des services relevant de sa compétence;
aux sociétés privées agréées pour promouvoir le logement social;
aux allocataires de subventions accordées par l'État, une communauté ou une région ou par une personne morale elle-même subventionnée directement ou indirectement par l'État, une communauté ou une région.
En application de l'article 1er de la loi du 26 avril 1962 conférant des attributions de police judiciaire à certains agents du Comité supérieur de contrôle, modifiée par la loi du 8 juillet 1969, et en vertu des diverses lois de réformes institutionnelles, les missions judiciaires s'étendaient à la recherche des infractions commises à l'occasion du fonctionnement des services publics gérés par l'État, les communautés, les régions, les provinces, les communes et les organismes d'intérêt publics visés par la loi du 16 mars 1954 dans les limites précisées supra .
Si la Régie des postes, la Régie des télégraphes et des téléphones et la Société nationale des chemins de fer belges relevaient de la compétence du Comité supérieur de contrôle en vertu de la loi du 16 mars 1954, depuis la loi du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises publiques économiques, cette compétence était discutée à l'égard de ces entreprises devenues respectivement La Poste, Belgacom et la SNCB.
Le Comité P écrivait à ce propos :
« Selon l'avis du collège des procureurs généraux, exprimé par le procureur général près la cour d'appel de Bruxelles (326) et se fondant sur un arrêt de cassation du 16 mai 1989 (327), l'administration du Comité supérieur de contrôle est compétente pour ouvrir des enquêtes sur les entreprises publiques autonomes de même que pour les organismes d'intérêt public.
L'avis du Collège des procureurs généraux ne tient pas compte d'un avis de la section d'administration du Conseil d'État.
Il ressort de cet avis que la compétence du Comité supérieur de contrôle à l'égard des organismes d'intérêt public reste définie par la loi du 16 mars 1954, une loi dont on sait qu'elle contient une liste limitative d'organismes (328).
Selon la loi du 21 mars 1991, les entreprises publiques autonomes sont supprimées de la liste visée en vertu d'un arrêté royal délibéré en Conseil des ministres, avec prise d'effet à la date d'entrée en vigueur de leur contrat de gestion.
Pour La Poste, il s'agit de l'arrêté royal du 14 septembre 1992 (329).
Pour Belgacom, il s'agit de l'arrêté royal du 19 août 1992 (330).
Pour la SNCB, il s'agit de l'arrêté royal du 30 septembre 1992 (331). » (332)
Le document Vermeulen dit à ce propos : « ...Néanmoins, le président De Smet a fait mener, entre mars 1993 et janvier 1996, plus de 30 enquêtes (visant principalement La Poste) » (333).
Lors de son audition par le Comité P, M. De Smet a déclaré qu'aucune enquête administrative n'avait été menée au sein des entreprises publiques autonomes depuis l'entrée en vigueur de la loi du 21 mars 1991.
Le président a également déclaré « qu'il est possible que les autorités judiciaires aient donné raison de poser des actes d'enquêtes dans le cadre des enquêtes judiciaires relatives aux entreprises visées. Pour l'exécution de ces missions, le président se fonde sur le point de vue des procureurs généraux.
Le Comité permanent P a constaté qu'entre mars 1993 et novembre 1996, les trois entreprises publiques autonomes représentent encore 38 dossiers, dont 35 pour La Poste, 1 pour Belgacom et 2 pour la SNCB. À une seule exception près, tous ces dossiers résultent des missions confiées par les autorités judiciaires » (334).
Les règles de compétences étant de stricte interprétation, et la liste des organismes d'intérêt public soumis à la compétence du Comité supérieur de contrôle par la loi du 16 mars 1954 étant limitative, le Comité supérieur de contrôle ne disposait que des compétences que la loi lui attribuait. Par conséquent, le seul avis du Collège des procureurs généraux, en totale contradiction avec l'avis du Conseil d'État, ne pouvait étendre les compétences du Comité.
La question des compétences du Comité supérieur de contrôle à l'égard des entreprises publiques autonomes est dépassée à l'heure actuelle, en raison notamment de la loi du 6 mars 1998 (voir supra , p. 539).
En conclusion, il convient de rappeler que les considérations émises par la commission sont actuellement dépassées par les réformes législatives déjà acquises et celles encore en cours (voyez notamment le projet de loi organisant un service de police intégré, structuré à deux niveaux, adopté par la Chambre des représentants le 22 octobre, et non évoqué par le Sénat, doc. Chambre, nºs 1676/1 à 11, 1997/1998 et doc. Sénat, nº 1-1127/1 et 2; voyez également l'accord Octopus et les résolutions adoptées par le Parlement le 28 mai 1998, doc. Sénat, nº 1-994/1 à 5 et doc. Chambre, nº 1568/1 à 4, 1997-1998).
Dans ce document, après avoir formulé des griefs d'ordre structurel et organisationnel qui ont été rencontrés au chapitre II, M. Vermeulen fait état de ce qu'une cinquantaine de dossiers traités par le Comité supérieur de contrôle n'auraient pas reçu un traitement adéquat. Nombre d'affaires auraient été étouffées, spécialement lorsqu'elles mettaient en cause des membres de « l'establishment », tels des hommes politiques ou des magistrats. Le Comité aurait, par ailleurs, été encombré d'affaires qualifiées de « broutilles » et l'empêchant de mener à bien sa mission de lutte contre la criminalité en col blanc.
Plus particulièrement, M. Vermeulen formule, exemples à l'appui, les griefs suivants :
1. L'absence de politique d'enquête au sein du C.S.C. a eu pour conséquence que le service a dû mener des enquêtes administratives sur des bagatelles;
2. Tentatives, ayant réussi ou non, en vue d'entraver le cours d'enquêtes judiciaires à charge de membres bien connus de l'« establishment » et principalement d'hommes politiques;
3. On a fait preuve d'inertie pour entamer des enquêtes contre des membres de l'« establishment »;
4. Fuites;
5. Falsification du contenu d'un procès-verbal;
6. Des enquêteurs respectueux de la loi ont été écartés d'une affaire délicate et politiquement sensible et remplacés par des hommes acquis au pouvoir; évincement de la hiérarchie normale au sein du service;
7. Fidélité au pouvoir lors de l'accomplissement d'actes d'enquête concrets sur le terrain;
8. On a évité de recourir à la technique des procès-verbaux pour lui préférer la rédaction de notes et de rapports;
9. Manipulation du timing d'une instruction;
10. Absence de compte rendu ou manipulation des rapports quant à leur contenu ou leur timing ;
11. Espionnage politique par des enquêteurs acquis au pouvoir;
12. Tentatives en vue d'intimider et de discréditer des enquêteurs respectueux de la loi;
13. Abandon de l'anonymat du plaignant ou de l'indicateur;
14. Manque de réaction adéquate face aux agissements répréhensibles et aux délits imputables à des membres des services de police;
15. Règlement de comptes partisans par le biais d'enquêtes.
1. L'absence de politique d'enquête au sein du CSC a eu pour conséquence que le service a dû mener des enquêtes administratives sur des bagatelles
« L'absence de toute politique d'enquête digne de ce nom, en ce sens qu'aucune priorité claire n'a encore été définie en matière de missions administratives ou judiciaires, ni de critères de sélection objectifs, et où bon nombre des effectifs, déjà beaucoup trop limités, sont utilisés pour des enquêtes administratives et des bagatelles... (335) »
Ce grief est de nature essentiellement structurel et, comme tel, a été examiné dans le chapitre II.
M. Vermeulen illustre ce grief par quatre enquêtes administratives (dossiers 94/0091, 94/0171, 94/0238, 95/0016) entreprises en 1994-1995, à l'initiative du président De Smet.
Ces enquêtes ont été soumises, par la commission, au contrôle du Comité P. Celui-ci a considéré que les enquêtes avaient à chaque fois été menées correctement et que les décisions prises à leur issue n'étaient pas critiquables. Leur mise en oeuvre n'est pas non plus critiquable en soi, même si pour l'une d'entre elles au moins, d'autres services tel le service d'inspection du pouvoir organisateur (il s'agissait d'une enquête dans un établissement scolaire) auraient éventuellement pu mener cette enquête.
Par ailleurs, la qualification de « bagatelles » procède d'une vision très partiale des faits.
Ce grief, même s'il s'avère non fondé, illustre parfaitement le malaise qui régnait au sein du CSC en raison du manque de clarté quant aux missions prioritaires de ce service spécialisé : dans les faits, les enquêtes judiciaires avaient pris le pas sur les enquêtes administratives, alors pourtant que celles-ci avaient été déclarées prioritaires par le gouvernement en juillet 1993.
Dans ce contexte, on peut difficilement reprocher au président du CSC d'avoir initié des enquêtes administratives, dont il avait la responsabilité mais dont l'intérêt pouvait paraître relatif à des enquêteurs par ailleurs submergés de devoirs prescrits par les autorités judiciaires.
2. Tentatives ayant réussi ou non en vue d'entraver le cours d'enquêtes judiciaires à charge de membres bien connus de l'« establishement » et principalement d'hommes politiques :
« La déclaration conjointe du 24 février 1994, faite par M. Canneel et moi-même au Comité permanent P, dénonce déjà plusieurs tentatives du président De Smet visant à empêcher le déroulement de certaines enquêtes précises. En l'occurrence, je renvoie expressément aux passages de cette déclaration :
« En vertu de cette circulaire, toutes les plaintes adressées à l'ACSC et aux membres de ce service de police doivent être soumises immédiatement au président. À plusieurs reprises déjà, des plaintes contenant des indices de faits répréhensibles ont été classées sans suite par le président lui-même, au greffe de l'ACSC ou même dans son bureau personnel. À cet égard, il est également frappant de constater que l'on a utilisé des papillons « Post-it », que l'on peut facilement ôter des dossiers. »
« Lorsque, dans certaines des affaires citées ci-dessus, des enquêteurs de l'ACSC ont quand même entamé d'office une enquête, les faits se sont généralement avérés être exacts et accablants pour des hommes politiques appartenant à la famille politique du président. »
« Ainsi a-t-il décidé unilatéralement de classer sans suite « faute d'éléments précis » une plainte adressée au « Comité supérieur de contrôle », selon laquelle un membre d'un cabinet s'est laissé acheter par un entrepreneur déterminé, alors qu'un enquêteur expérimenté aurait pu lui signaler que l'entrepreneur en question était déjà connu depuis longtemps de l'ACSC comme étant un corrupteur. Lorsque, plus tard, la direction a ressorti le dossier qui avait été classé au greffe et que l'on a enquêté sur les éléments allégués, ces derniers se sont avérés exacts (335). »
M. Vermeulen cite quatre dossiers (dossiers 92/0207, 94/0014, 94/0261, 95/0415) à l'appui de ce grief.
Deux de ces affaires ont fait l'objet d'enquêtes administratives et ont débouché sur un classement sans suite interne au CSC, les deux autres ont fait l'objet d'une dénonciation au procureur du Roi.
La commission a soumis le contrôle de ces enquêtes aux autorités compétentes, à savoir respectivement le Comité P et les procureurs généraux compétents.
Il résulte de ces examens que les dossiers avaient été traités correctement.
Pour un dossier (dossier 94/0014) cependant, le Comité P relève qu'il a fait l'objet d'un classement sans suite au sein du CSC, qui était sans doute prématuré puisque tous les éléments de l'enquête n'étaient pas encore disponibles à l'époque. Cependant, aucun élément concret n'indique qu'une influence politique ait joué dans la prise de décision.
Remarque : en ce qui concerne le dossier 94/0261, qui était qualifié par M. Vermeulen d'exemple type d'étouffement d'affaire, la commission n'a pas reçu de réponse du procureur général de Bruxelles.
3. On a fait preuve d'inertie pour entamer des enquêtes contre des membres de l'« establishment ».
« Ces dernières années, le président, M. De Smet, a souvent traité de nouvelles plaintes adressées à l'ACSC, ou des faits nouveaux apparus au cours d'enquêtes déjà entamées, de telle manière qu'il y avait particulièrement peu de chances qu'une enquêtes soit menée à leur sujet, du moins par l'ACSC.
Le plus grand commun dénominateur dans toutes ces affaires (qui sont énumérées ci-après) est qu'il s'agit de membres de l'establishment et, dans la plupart des cas, de magistrats ou d'hommes politiques. » (336)
Une première liste de dossiers (dossiers 91/0323, 93/0417, 93/3330, 94/0058, 94/0410, 94/0433, 91/090) cités par M. Vermeulen concerne des magistrats.
« Le président, M. De Smet, a affirmé qu'il était possible que des faits constitutifs d'infractions commis par les personnes en question aient été portés à la connaissance du procureur général non pas par procès-verbal, mais par téléphone ou par lettre personnelle et confidentielle. » (337)
Il résulte des rapports transmis par les procureurs généraux et des informations complémentaires fournies par le président De Smet que toutes les plaintes ou dénonciations adressées au CSC ont été communiquées, sans retard, au procureur général compétent par simple courrier (et non par procès-verbal) et ont par la suite fait l'objet d'une enquête qui a suivi un cours normal.
On ne constate rien d'anormal dans le traitement de ces affaires. La seule question est de savoir s'il est normal qu'une plainte, anonyme ou non, adressée au CSC soit transmise par voie de simple courrier et non par procès-verbal au parquet. On peut, en effet, se demander si un tel procédé, guidé certainement par des considérations de discrétion, présente les mêmes garanties que la transmission par procès-verbal pour les plaignants (notamment parce que le dossier n'est pas identifié par un numéro de notice). Notons d'ailleurs que deux de ces dossiers n'ont pu être retrouvés aux parquets concernés sur la base des informations qui étaient en possession de la commission.
Lors de son audition par la commission, le 8 novembre 1996, le président De Smet a expliqué que si les plaintes étaient transmises au parquet par simple lettre et non par procès-verbal, c'est qu'il estimait, contrairement à M. Vermeulen, qu'il ne lui appartenait pas d'initier l'enquête judiciaire.
De même, lors de son audition par la commission le 20 novembre 1996, M. Canneel a précisé qu'il faut parfois préférer l'envoi au procureur du Roi d'une lettre plutôt que d'un procès-verbal pour que cette pièce ne constitue pas la première pièce d'un dossier judiciaire.
Une seconde série de dossiers (dossiers 91/0790, 92/0552, 92/0967, 94/0041, 95/0275, 93/0107) concerne des politiciens locaux :
« il y a eu en l'occurrence également des coups de téléphone et des lettres, mais aucun procès-verbal; chaque fois, l'on a présenté les choses de manière intellectuellement malhonnête, en arguant que les enquêteurs de l'ACSC n'auraient pas le pouvoir d'instruire l'affaire, en affirmant que le comité n'a aucune compétence administrative dans le domaine communal et provincial, même lorsqu'il était plus qu'évident que les accusations portaient sur des infractions pénales. » (338)
Ces dossiers, dont M. Vermeulen se contente de donner les références, sans plus de précision quant aux griefs, ont été portés à la connaissance des autorités judiciaires par les plaignants et, pour l'un d'eux, par courrier adressé par le président De Smet au parquet. Dans un cas seulement, le plaignant s'était initialement adressé au CSC où il lui a été répondu qu'il pouvait déposer sa plainte au parquet.
Ces dossiers ont connu une suite judiciaire normale. Notons cependant que le dossier dénoncé par simple courrier par le président De Smet au parquet concerné n'a pas été identifié par le procureur général concerné sur la base des informations dont disposait la commission.
Seul un dossier a été classé sans suite par le président De Smet en raison de l'incompétence du CSC.
Ce classement, qui était justifié sur le plan administratif, aurait peut-être dû s'accompagner, d'un point de vue judiciaire, d'une dénonciation des faits au procureur du Roi, dès lors que le devoir d'enquête ne permettait pas d'infirmer la plainte qui mentionnait des faits de nature pénale, et que la prescription des faits était proche.
4. Il y a eu des fuites dans certains dossiers
M. Vermeulen dénonce, en réalité, à travers ce grief, la politisation de son corps qui aurait, selon lui, conduit des membres du CSC à permettre des fuites en vue de protéger un parti politique ou de pouvoir bénéficier d'un appui politique pour obtenir une promotion.
Dans les exemples qu'il cite (dossiers 91/0894, 92/0508, 94/0213, dossier des obus, dossiers SCK de Mol et Transnuklear), M. Vermeulen s'en tient à des allégations qui ne sont pas étayées par des éléments objectifs.
Dans un seul cas, l'existence de fuites semble réelle ou a en tout cas fait l'objet d'une dénonciation du procureur du Roi au président du CSC de l'époque.
Il résulte des éléments recueillis par la commission que tous ces dossiers ont, par ailleurs, connu une suite judiciaire normale.
Notons que lors de son audition par la commission le 29 novembre 1996, M. Canneel a précisé que dans un de ces dossiers, une instruction judiciaire parallèle avait cependant été ouverte pour violation du secret professionnel. Il y a eu des fuites non pas concernant le dossier mais concernant un fax qui avait été saisi. Il a été publié dans la presse. M. Vermeulen détient la copie greffe de ce dossier mis à l'instruction.
5. Falsification du contenu d'un procès-verbal
La commission a demandé au procureur général de vérifier la régularité de la procédure dans le dossier (dossier 95/7) cité par M. Vermeulen.
Ce dossier fait l'objet d'une instruction judiciaire toujours en cours.
Les informations recueillies par la commission ne permettent pas de vérifier la pertinence de ce grief précis. Notons cependant que le fait a été dénoncé par M. Vermeulen dans un procès-verbal transmis au président De Smet, pour que ce dernier le transmette avec son visa au procureur du Roi. Il convient d'attendre l'issue de cette information.
6. Des enquêteurs respectueux de la loi sont écartés d'une affaire délicate et politiquement sensible et remplacés par des hommes acquis au pouvoir; évincement de la hiérarchie normale au sein du service
En réalité, M. Vermeulen reproche à M. A. Canneel ou au président De Smet de ne pas lui avoir permis de diriger lui-même l'équipe d'enquêteurs qui était chargée de procéder à des perquisitions ou à d'autres devoirs dans des dossiers (dossiers 91/0894, 90/w001, 93/0354, 93/0163, 91/0800, 93/0326, 93/0894) dont il avait été personnellement chargé par le juge d'instruction ou dont il avait enregistré la plainte, et de les avoir confiés à des enquêteurs qui, selon lui, seraient politiquement plus asservis ou seraient moins performants.
Il résulte des informations recueillies par la commission auprès des procureurs généraux que ces dossiers connaissent des suites judiciaires normales.
Il n'est nullement démontré que les perquisitions ou devoirs litigieux n'ont pas été menés correctement et qu'ils auraient été entravés en raison des convictions politiques des enquêteurs.
Dans un cas cependant (dossier 91/0894), la perquisition ne semble pas avoir été menée avec toute la diligence requise, sans qu'on puisse l'attribuer avec certitude à de la complaisance politique.
Il s'est par ailleurs avéré que dans un autre dossier (dossier 91/0800), des pressions politiques ont été exercées, mais il s'agissait de pressions exercées par l'inculpé sur un témoin.
Enfin, les tensions existantes au sein du CSC quant à savoir qui, du président ou de l'administrateur général, était responsable des enquêtes judiciaires ont contraint, dans un dossier, les autorités judiciaires à confier l'enquête à un autre corps de police.
7. Loyalisme envers le pouvoir ou l'autorité dans l'accomplissement d'actes concrets d'instruction sur le terrain
Ce grief, illustré par deux dossiers (dossiers 90/w001, 91/0894), ne révèle pas d'élément nouveau par rapport à ceux invoqués sous le 6. Il convient de s'y référer.
8. On a évité de recourir à la technique des PV, pour lui préférer la rédaction de notes et de rapports qui ne se retrouvent pas dans les dossiers judiciaires
M. Vermeulen fait état de ce que dans un dossier (dossier 93/0354), des constatations faites au cours d'une perquisition n'auraient pas été consignées dans un procès-verbal, mais dans une note qui, à sa connaissance, a disparu dans le coffre-fort de M. A. Canneel.
Cette allégation n'est étayée par aucun élément objectif.
9. Manipulation du timing d'une instruction
Dans un dossier (dossier 94/0219), M. Vermeulen fait grief, document à l'appui, à un commissaire principal d'avoir demandé qu'on attende les élections communales pour dresser le procès-verbal initial.
Il résulte des informations communiquées par le procureur général à la commission, que les faits litigieux ont été découverts dans le cadre d'une autre enquête qui a été traitée par priorité. Par la suite, le procureur du Roi a demandé au CSC de conduire l'information dans ce dossier plus précis. La procédure s'est alors déroulée normalement.
10. Absence de compte rendu ou manipulation des rapports quant à leur contenu ou leur timing
M. Vermeulen écrit : « Selon moi, la présente partie est d'une utilité directe pour les travaux de votre commission. À mon avis, le comité peut notamment combattre les tentatives du « milieu » visant à se faire une place par exemple, par le chantage, dans le monde « honnête », en faisant rapport de manière efficace aux hommes politiques qui doivent assumer leurs responsabilités politiques en ce qui concerne les personnes de leur entourage que l'on pourrait faire chanter. Ces dernières années, à ma connaissance, le président De Smet a toujours choisi, dans les dossiers où un tel rapport s'imposait notamment pour préserver éventuellement les intérêts du Trésor , de ne pas mettre les hommes politiques concernés devant leurs responsabilités (339). »
Par ailleurs, M. Vermeulen considère que lorsque des rapports étaient rédigés, ils ne l'étaient pas dans l'intérêt général, mais pour servir un intérêt particulier ou un parti politique.
Les griefs formulés par M. Vermeulen ne sont guère étayés par des éléments objectifs.
Il résulte des renseignements fournis à la commission par les procureurs généraux concernés que les dossiers cités par M. Vermeulen (dossiers 93/0389, 95/0048, 90/0556, 92/0587, 94/0195) ont eu une suite judiciaire normale.
Il semble, en outre, que le président De Smet ait pris les décisions appropriées; les rapports rédigés ne comportent aucune anomalie.
Remarque : concernant le dossier 95/0048, le procureur général compétent n'a pas informé la commission.
11. Espionnage politique par des enquêteurs acquis au pouvoir
« Il s'agit ici de la violation du secret professionnel en vue de fournir des renseignements utiles à des politiciens. Ceux-ci peuvent être les politiciens impliqués dans les enquêtes. Dans ce cas, j'oserais parler d'un sabotage pur et simple de l'enquête en question. On en a déjà discuté ci-dessus. Il peut toutefois s'agir aussi d'informations données aux adversaires politiques des politiciens impliqués dans l'enquête. Il s'agit cependant toujours d'agissements contre-productifs (340). »
Ce grief a déjà été examiné au point 4. À une exception près, il procède d'allégations qui ne sont pas étayées par des éléments objectifs.
Il semble effectivement que M. Vermeulen ait, à une reprise, été approché, par l'entremise d'un enquêteur, par un homme politique. Ces faits ont été immédiatement dénoncés aux autorités judiciaires.
12. Tentatives en vue d'intimider et de discréditer des enquêteurs respectueux de la loi
Ces griefs tirés de divers incidents mineurs dans des dossiers ou dans le quotidien du CSC sont largement montés en épingle. Ils sont surtout révélateurs d'inimitiés entre le plaignant et d'autres membres du CSC.
Aucune tentative sérieuse d'intimider ou de discréditer les enquêteurs n'a été relevée.
13. L'abandon de l'anonymat du plaignant ou de l'indicateur
Selon M. Vermeulen, « ce dysfonctionnement, qui est dû à l'intervention du président De Smet, nuit gravement au fonctionnement de l'ACST en tant que service de police : dans bien des cas en effet, le service doit s'appuyer sur des agents subordonnés qui n'acceptent de parler qu'à la condition que le service leur garantisse, pour des raisons évidentes, l'anonymat (341) ».
M. Vermeulen relève deux cas (dossiers 92/0587, 93/0300) où l'identité du plaignant aurait été divulguée.
Les documents produits par M. Vermeulen ne permettent pas d'établir le grief. Quoiqu'il en soit, on ne voit pas qu'il y ait volonté de nuire à l'enquête dans un comportement, peut-être imprudent, mais tout à fait accidentel.
Ces dossiers ont par ailleurs connu une suite judiciaire normale.
14. Un manque de réaction adéquate face aux agissements répréhensibles et aux délits imputables à des membres des services de police
M. Vermeulen reproche essentiellement au président De Smet de ne pas avoir communiqué les plaintes qu'il aurait reçues contre des fonctionnaires de police au comité P, alors que cette communication est prévue par l'article 26 de la loi organique du 18 juillet 1991 réglant le contrôle des services de police et de renseignement.
Interrogé à ce sujet par le Service d'enquête du Comité P, le président De Smet a déclaré que ses services n'avaient jamais, à sa connaissance, mené d'office une enquête à la suite d'une plainte à charge de fonctionnaires de police. Par contre, il arrive plus souvent que les autorités judiciaires confient des missions à ses services dans des dossiers judiciaires à charge de fonctionnaires de police.
Or, selon le Comité P, l'application de l'article 26 de la loi précitée ne porte que sur les délits et les crimes constatés par un membre d'un service de police et non, par conséquent, sur les missions données à l'un ou l'autre service de police par les autorités judiciaires.
M. Vermeulen reproche par ailleurs au président De Smet d'avoir préféré la dénonciation au procureur du Roi par simple courrier et non par procès-verbal. Ce grief a déjà été rencontré supra.
15. Règlement de comptes partisans par le biais d'enquêtes
« dans lesquelles des politiciens tâchent d'influencer l'activité du service, par des agissements étrangers, voire contraires à un fonctionnement efficace du service (342). »
Ce grief n'est nullement étayé par des éléments objectifs.
À l'issue de cet examen, la commission considère que la plupart des griefs formulés par M. W. Vermeulen ne sont pas fondés ou ont été très largement exagérés.
En particulier, la commission considère qu'il n'y a pas eu d'étouffement des dossiers dits sensibles en raison de leur connotation politique ou à raison de la mise en cause de magistrats. Ces dossiers ont connu ou connaissent des suites judiciaires normales.
La commission a cependant relevé quelques irrégularités. La plupart ont été dénoncées par M. Vermeulen aux autorités judiciaires afin qu'elles reçoivent une suite adéquate.
Enfin, la commission relève que si le CSC a connu des tensions importantes en son sein, générées par les difficultés structurelles et organisationnelles que l'on a constatées, il a néanmoins, dans la plupart des dossiers, continué à accomplir un travail de qualité apprécié par les magistrats instructeurs.
Ce plan d'action contre la criminalité organisée est, selon le ministre de la Justice, « basé sur une analyse stratégique du phénomène de la criminalité organisée (343) ». Il distingue huit terrains d'action sur lesquels la lutte contre cette forme de criminalité peut être engagée (344) :
1. le droit pénal matériel, avec la définition de la criminalité organisée, le problème des actes préparatoires, la responsabilité pénale des personnes morales, la pénalisation des personnes impliquées de mauvaise foi dans la création de personnes morales fictives, les sanctions pénales d'administrateurs de sociétés commerciales et civiles et d'ASBL, l'élargissement rationae personae de la loi du 11 janvier 1993 (loi anti-blanchiment), les casinos, la législation sur les faillites frauduleuses;
2. la politique de recherche, avec la recherche proactive, les techniques spéciales de recherche, la loi du 30 juin 1994 relative aux écoutes téléphoniques, les personnes qui collaborent avec la justice, les techniques d'investigation financières, le rôle de l'administration des Douanes et Accises;
3. la politique des poursuites, avec le rôle du juge d'instruction, le collège des procureurs généraux et les magistrats fédéraux, la continuation des enquêtes patrimoniales après condamnation des personnes, le renversement de la charge de la preuve;
4. l'appréciation et l'exécution des peines;
5. des mesures préventives, avec la concertation avec la Plate-forme de concertation permanente pour la sécurité des entreprises, les mesures administratives préventives;
6. les mesures en matière de corruption;
7. les mesures concernant le secteur des télécommunications dans le domaine d'internet et de la cryptographie;
8. les mesures en matière de réseaux d'immigration clandestine.
Le plan d'action contre la criminalité organisée déposé par le gouvernement envisage en outre de mettre en valeur la collaboration entre les services de police et de se pencher sur l'analyse opérationnelle et sur les opérations effectivement menées sur le terrain. Le plan d'action prévoit également d'entreprendre des mesures visant la (re)valorisation de la magistrature, et ce dans le cadre plus large de la modernisation de la politique criminelle. Enfin, une attention particulière doit être portée à la collaboration internationale en matière policière et judiciaire ainsi qu'aux divers travaux sur la criminalité organisée qui ont cours au sein des diverses institutions internationales.
Le Conseil des ministres, qui a approuvé le plan d'action le 28 juin 1996, a décidé qu'une priorité serait accordée aux aspects suivants :
1. une analyse du phénomène de la criminalité organisée en vue de l'élaboration d'une politique;
2. l'élaboration de mesures en matière de techniques d'investigation particulières (voir second volet de la réforme « Franchimont », et spécialement l'avant-projet de loi relative aux techniques particulières de recherche en matière pénale et à la recherche proactive en matière pénale, examiné lors du colloque « Réforme du droit pénal » tenu au Sénat les 8 et 9 octobre 1998);
3. l'avant-projet de loi incriminant la participation à une organisation criminelle (voir supra );
4. l'avant-projet de loi concernant l'identification et le repérage des numéros de postes de communication ou de télécommunication et portant modification des articles 90ter , 90quater , 90sexies et 90septies du Code d'instruction criminelle (devenu la loi du 10 juin 1998 modifiant la loi du 30 juin 1994 relative à la protection de la vie privée contre les écoutes, la prise de connaissance et l'enregistrement de communications et de télécommunications privées, Moniteur belge du 22 septembre 1998);
5. le projet de loi portant institutionnalisation du collège des procureurs généraux et de la fonction de magistrat national (devenu la loi du 4 mars 1997, Moniteur belge du 30 avril 1997);
6. l'avant-projet de loi concernant la responsabilité pénale des personnes morales;
7. l'avant-projet de loi en matière de corruption (inséré par voie d'amendements dans la proposition de loi relative à la répression de la corruption (doc. Sénat, nº 1-107/1), adoptée par le Sénat et transmise à la Chambre des représentants le 9 juillet 1998);
8. l'avant-projet de loi en matière de renversement de la charge de la preuve (voir le second volet de la réforme « Franchimont », et spécialement le rapport de recherche de l'Université de Gand, élaboré sous la direction du professeur Philip Traest, et présenté lors du colloque « Réforme du droit pénal » tenu au Sénat les 8 et 9 octobre 1998);
9. l'élaboration de mesures en matière de recherche proactive (voir le second volet de la réforme « Franchimont », et spécialement l'avant-projet de loi relative aux techniques particulières de recherche en matière pénale et à la recherche proactive en matière pénale, et l'avant-projet de loi autorisant certains fonctionnaires du ministère des Finances à mettre en oeuvre des techniques particulières de recherche en matière pénale ainsi que la recherche proactive en matière pénale, présentés par le professeur Henri Bosly lors du colloque « Réforme du droit pénal » tenu au Sénat les 8 et 9 octobre 1998);
10. l'élaboration de mesures en faveur de personnes collaborant avec la justice (repentis et autres collaborateurs) (voir le second volet de la réforme Franchimont, et spécialement le rapport de recherche du professeur Philip Traest, mentionné sub. 8);
Dans le cadre de la mise en oeuvre de son plan d'action contre la criminalité organisée, le gouvernement a déposé, en octobre 1997, en même temps que sa déclaration de politique générale pour l'année parlementaire 1997-1998, un plan d'action contre la délinquance économique, financière et fiscale. Outre un état des lieux de la mise en oeuvre de son plan d'action contre la criminalité organisée et un « tour d'horizon » de la situation au niveau des cabinets d'instruction, des parquets et de la police judiciaire, ce plan d'action constitue la transposition, en propositions de politique criminelle, des conclusions formulées par le Forum national sur la délinquance économique, financière et fiscale qui s'est tenu en avril 1997. Ce forum, deuxième du genre après celui qui s'est tenu en octobre 1995, était organisé par le Service de la politique criminelle.
Sur la base, d'une part, des propositions et recommandations formulées lors de ce forum, et des propositions formulées par l'OCDEFO, d'autre part, le ministre de la Justice a décidé de prendre les initiatives suivantes :
1. l'examen, par le Service de la politique criminelle, de l'opportunité et de la faisabilité du projet de création d'une cellule financière, économique et fiscale interdépartementale;
2. l'élaboration, par le collège des procureurs généraux, d'une circulaire commune concernant les possibilités actuelles de collaboration entre, d'une part, les autorités judiciaires et les services de police, et, d'autre part, les fonctionnaires des administrations fiscales;
3. l'évaluation, par l'Administration de la Législation pénale et des droits de l'homme, de propositions issues du rapport d'activités de l'OCDEFO.
1. Introduction
1.1. Le rapport annuel 1997 concernant la criminalité organisée 1996
Dans l'accord gouvernemental, le gouvernement s'est engagé à « élaborer des mesures en matière de lutte contre la criminalité organisée, parmi lesquelles la mise au point d'une recherche plus scientifique afin de comprendre le phénomène lui-même ».
Cette intention du gouvernement a été concrétisée dans son plan d'action contre la criminalité organisée du 28 juin 1996. Le chapitre III concernant l'« analyse du crime organisé » en vue de déterminer la politique à suivre a été considéré par le gouvernement comme point d'action à réaliser en priorité.
Le 17 octobre 1997, le ministre de la Justice a présenté son plan d'action contre la délinquance financière, économique et fiscale.
En exécution du plan d'action contre la criminalité organisée, le rapport annuel 1997 concernant la criminalité organisée 1996 a été communiqué par les ministres de la Justice et de l'Intérieur au Parlement le 13 octobre 1997, après approbation par le collège des procureurs généraux.
La présente note fait l'analyse de ce rapport annuel et développe principalement certaines orientations à partir de cette analyse.
Il convient également de lire la note à la lumière de la note d'orientation concernant la politique criminelle qui a été déposée au Parlement par le ministre de la Justice le 15 octobre 1997.
Enfin, le rapport annuel du collège des procureurs généraux au ministre de la Justice, présenté pour la première fois cette année, est également d'importance. Ce rapport contient, conformément à l'article 143bis , § 7, du Code judiciaire, la description de ses activités, l'analyse et évaluation de la politique des recherches et de poursuites pour l'année écoulée et les priorités pour l'année à venir. Il est étroitement lié à la présente note.
1.2. Le rapport de la commission d'enquête parlementaire sur la criminalité organisée en Belgique et de la commission d'enquête parlementaire bis sur les Tueurs du Brabant wallon
Le ministre de la Justice, conjointement avec le collège des procureurs généraux, réalisera également l'analyse des recommandations des commissions d'enquête parlementaires suivantes :
la commission d'enquête parlementaire sur la criminalité organisée en Belgique;
la commission d'enquête parlementaire sur les adaptations nécessaires à apporter à l'organisation et au fonctionnement de la justice et de la police sur la base des difficultés rencontrées au cours de l'enquête sur les Tueurs du Brabant wallon;
la commission d'enquête parlementaire sur la manière dont l'enquête, dans ses volets policiers et judiciaires, a été menée dans l'affaire « Dutroux-Nihoul et consorts ».
2. Le rapport annuel 1997 sur la criminalité organisée 1996
Du rapport annuel ont été déduites les grandes lignes directrices autour desquelles le ministre de la Justice souhaite, après avoir recueilli l'avis du collège des procureurs généraux, développer la politique criminelle en matière de lutte contre la criminalité organisée ainsi que les objectifs prioritaires dans ce domaine pour les années à venir.
2.1.1. Mesures destinées à obtenir une idée plus précise : nature, ampleur et facteurs d'influence
2.1.1.1. Une plus grande précision au niveau des questionnaires et de la collecte des données (pp. 25-26 : 83-84) (345).
(Par exemple la justesse des données, les règles de calcul, le caractère permanent de l'organisation, la distinction entre criminalité d'organisation et criminalité organisée...).
2.1.1.2. « Inventarisation » automatique (p. 84).
Au niveau fédéral, l'« inventarisation » se déroule aujourd'hui sur la base d'un formulaire d'enquête. Lors du traitement au niveau fédéral, des erreurs peuvent se produire au cours de l'intégration des données et les éléments imprécis des réponses ne peuvent pas toujours être corrigés. C'est la raison pour laquelle l'idéal serait, dans la mesure du possible, de parvenir à une « inventarisation » locale dans un fichier local. Ceci offrirait en outre des possibilités d'analyse aux procureurs du Roi, et le traitement au niveau fédéral s'en trouverait amélioré et facilité (voir également point 2.1.1.5).
2.1.1.3. Assurer la contribution de la police communale (p. 22).
2.1.1.4. Évaluation de l'utilisation de l'information douce (pp. 19-23).
L'utilisation et la définition de l'information douce doivent être réglementées de manière plus claire.
2.1.1.5. Analyse stratégique des phénomènes (pp. 18 et 86).
Élaboration et application d'analyse par la police judiciaire et la gendarmerie dans les domaines pour lesquels ils se spécialisent en priorité conformément à la directive du ministre de la Justice du 21 février 1997.
2.1.1.6. Augmentation du nombre de cas signalés en offrant aux enquêteurs et aux magistrats un cadre référentiel avec des indicateurs pour leur permettre d'identifier rapidement une organisation criminelle au cours d'une enquête (p. 86).
2.1.1.7. Évaluer dans quelle mesure l'image spatiale actuelle (Bruxelles, Anvers et Liège étant considérées comme zones stratégiques) est la conséquence de l'intensification des efforts de la police et de la justice, et voir si cette image correspond à la menace/au degré de risque réel(le) (p. 28).
2.1.1.8. Améliorer l'image qualitative qui sert à déterminer la nécessité d'une analyse opérationnelle (du groupe auteur) :
meilleure exploitation, grâce à des analystes stratégiques, des constatations des magistrats et des policiers (entretiens avec des figures clés) (p. 26);
comparaison internationale (pays voisins, Europol, Interpol).
Le recrutement de deux analystes statistiques pour le collège des procureurs généraux et l'installation d'un statisticien dans chaque ressort (cf . plan d'action contre la délinquance économique, financière et fiscale) contribueront également à améliorer cette image qualitative.
2.1.1.9. Optimaliser les sources d'information et les étendre autant que possible vers : (pp. 20-21)
les parquets et les juges d'instruction;
le SGAP-les ZIP;
la CTIF;
les autres services publics, administrations et services de contrôle concernés;
les administrations ou services de police et de sécurité étrangers;
le monde scientifique et autres sources.
2.1.1.10. Assurer que les procureurs du Roi soient associés à la collecte des données, notamment par le biais de la plateforme de recherche (pp. 17-19).
2.1.2. Mesures destinées à obtenir une meilleure perspective : la gravité
Quelle que soit l'importance de la criminalité organisée, il convient de la replacer dans son contexte global. Une politique intégrale en matière de maintien de l'ordre et du droit requiert en effet une répartition justifiée de la capacité disponible en hommes et en moyens entre les priorités et les impératifs (enquêtes réactives) de tous les problèmes à résoudre.
Afin de tirer des conclusions en terme d'affectation des hommes et des moyens (par exemple, combien pour la recherche proactive et combien pour la recherche réactive, quelle capacité affecter à quels groupements criminels, avec quels pays développer nos contacts), il convient donc d'évaluer :
la part des activités des différents groupements criminels dans l'ensemble de la problématique du maintien de l'ordre et du droit;
la gravité de cette part (par exemple, atteinte aux droits et aux libertés fondamentales; menace pour l'ordre social; nombre de victimes, coût social, ...).
C'est la raison pour laquelle il est utile et nécessaire de réaliser une première évaluation de la capacité totale en hommes et en moyens qu'il convient d'affecter à la lutte contre le phénomène du crime organisé. Cet exercice sera également important dans l'optique de l'attribution des capacités aux et entre les missions judiciaires, conformément à ce que proposent les actuels avant-projets de loi sur la réforme des polices (dans le cadre du plan de sécurité nationale et des plans de sécurité zonale).
2.2.1. Il convient de combattre la criminalité organisée de manière réactive et proactive.
2.2.2. La recherche réactive
L'approche réactive consiste principalement à accorder une attention constante à la criminalité organisée, y compris dans le cadre de l'information et de l'instruction judiciaire classique. Ceci signifie que dans le cadre du traitement de ce genre de dossiers réactifs, les magistrats instructeurs doivent être de plus en plus attentifs aux véritables organisateurs des réseaux et des groupements criminels. À cet effet, il faut avant tout essayer de poursuivre dans la voie de la détection et du démantèlement de ces structures criminelles, plutôt que de se concentrer exclusivement sur la résolution de délits spécifiques et sur la poursuite de suspects déterminés.
Pour ce faire, les enquêteurs et les magistrats se verront offrir un cadre référentiel avec des indicateurs afin de leur permettre d'identifier rapidement une organisation criminelle au cours d'une enquête (voir point 2.1.1.6).
2.2.3. La recherche proactive
Parallèlement à cette approche réactive, il convient d'investir également de manière importante dans la recherche proactive sur la criminalité organisée.
Dans ce cadre, la directive du ministre de la Justice du 21 décembre 1996 concernant la recherche proactive, qui se voit actuellement également conférer une assise légale par le biais de la loi visant à améliorer la procédure au stade de l'information et de l'instruction du 12 mars 1998, est intégralement applicable.
Étant donné la caractère « transfrontalier » de la criminalité organisée (dépasse les limites de l'arrondissement et du pays), ce sont les enquêtes proactives nationales qui sont les plus importantes. Le choix des enquêtes proactives locales, devra tenir compte au maximum des priorités établies au niveau national.
2.2.4. Les organisations criminelles à combattre
À la lecture du rapport annuel, il semble indispensable :
2.2.4.1. De continuer à prêter attention aux diverses organisations criminelles qui sont actuellement déjà actives en Belgique. Ces groupements criminels sont principalement suivis d'une manière réactive et font l'objet d'une surveillance assidue.
2.2.4.2. D'intensifier prioritairement les enquêtes sur les groupements criminels retenus comme tels dans les conclusions générales du rapport annuel 1997, d'une part en fonction de leur origine et de leur nature et ce, en raison de leurs ramifications internationales et d'autre part, en fonction des secteurs à risque (pp. 92-93).
2.2.4.3. En outre, les rapports des commissions d'enquête parlementaires désignent également d'importants groupes cibles, par exemple en matière de trafic de voitures.
2.2.5. Manière d'aborder les recherches proactives nationales.
2.2.5.1. La gendarmerie et la police judiciaire près les parquets élaborent un plan commun d'approche, avant le début de toute étude préliminaire proprement dite. Ce plan fait l'objet d'une discussion au sein de la plate-forme de concertation fédérale et sera ensuite soumis à l'approbation du Collège des procureurs généraux.
2.2.5.2. Après approbation de ce plan, chaque corps procède aux études préliminaires qui lui ont été attribuées, dans les limites fixées par la directive ministérielle concernant la recherche proactive. Ces études préliminaires sont présentées aux magistrats nationaux.
2.2.5.3 L'engagement de toute recherche proactive nationale proprement dite est soumis à l'approbation préalable, formelle et écrite des magistrats nationaux (conformément à la directive précitée).
2.2.5.4. L'exécution ultérieure de ces recherches proactives nationales se déroule conformément à la directive ministérielle en la matière : elle a pour objectif de poursuivre les auteurs et doit déboucher sur une recherche réactive.
2.2.6. Une approche axée sur les différents phénomènes.
L'approche axée sur le phénomène va plus loin que l'approche axée sur l'auteur (groupe d'auteurs) et touche l'ensemble de la politique intégrée en matière de maintien d'ordre et du droit.
Le rapport annuel 1997 mentionne également une série de phénomènes où les organisations criminelles se montrent particulièrement actives, ainsi qu'une série de nouvelles tendances (pp. 35-53).
Des initiatives sont uniquement développées vis-à-vis des phénomènes pour lesquels il est clairement apparu nécessaire de modifier l'approche, à savoir :
l'élaboration de contre-stratégies développées en matière de corruption (p. 43);
la mise au point d'une analyse stratégique du phénomène du trafic d'armes (p. 49);
l'élaboration de mesures concernant les jeux dits « pyramides » (p. 52).
3. Amélioration de la capacité d'intervention
3.1. D'un point de vue structurel-légal
3.1.1. Analyse des rapports disponibles (techniques particulièrement de recherche, repentis, témoins anonymes et mesures de protection des témoins, renversement de la charge de la preuve) élaborés dans le cadre du plan d'action du gouvernement contre la criminalité organisée, ainsi que l'élaboration de projets de loi en la matière (pp. 59-62-63-87).
3.1.2. Traitement au Parlement des projets de loi relatifs à la corruption et à la responsabilité pénale de personnes juridiques (pp. 61-70-90).
3.1.3. Finalisation des projets de loi sur les organisations criminelles et « les écoutes téléphoniques » (pp. 60-88).
3.1.4. Mise en oeuvre des mesures de collaboration internationale : extradition, entraide juridique, fraude communautaire, instauration d'un réseau judiciaire au niveau de l'Union européenne (pp. 66-69 et 90).
3.1.5. Optimalisation de la formation des magistrats et des services de police dans les matières précitées.
3.1.6. Poursuite de l'étude sur la possibilité d'effectuer encore des enquêtes patrimoniales après condamnation pénale des personnes.
3.2. D'un point de vue fonctionnel
3.2.1. Développement d'une approche financière au niveau des enquêtes (par exemple enquêtes axées sur le butin, enquêtes dites patrimoniales et lutte contre le blanchiment), y compris l'évaluation de la nécessité de renforcer encore l'expertise financière au sein des services de police (p. 89).
3.2.2. Poursuite de la mise en oeuvre de la directive du ministre de la Justice du 21 février 1997 organisant la collaboration et la coordination entre les services de police en ce qui concerne les missions de police judiciaire.
3.2.3. Optimalisation de l'échange d'information entre les différents services de police ainsi qu'entre les services de police et les autres administrations (p. 91).
3.2.4. Évaluation de l'application de la directive du ministre de la Justice du 31 décembre 1996 concernant la recherche proactive et, au besoin, peaufinement de cette directive.
3.2.5. Détermination de la capacité policière en matière de recherche proactive afin de se faire une meilleure idée du phénomène de la criminalité organisée (p. 71).
3.2.6. Mise en oeuvre du plan d'action du ministre de la Justice du 17 octobre 1997 contre la délinquance financière, économique et fiscale.
3.2.7. Adoption de mesures afin d'endiguer le rôle croissant des ports belges dans le trafic international de drogues (p. 46).
3.2.8. Participation active au groupe de travail multidisciplinaire (police/douane/justice) pour l'exécution du plan d'action du Conseil de l'Europe contre la criminalité organisée (16 et 17 juin 1997) (p. 68).
3.2.9. Extension des tâches de l'INCC, notamment développement des banques de données nationales sur l'ADN, la drogue et la balistique.
4. Recherche et développement : recherche scientifique
4.1. Analyse de la politique de recherches, de poursuites et d'exécution pénale (y compris l'analyse des jugements et arrêts prononcés) afin de tirer des conclusions en termes de législation, en termes de fonctionnement et de moyens au niveau de la police et de la magistrature ainsi qu'en termes d'exécution pénale.
4.2. Examen de l'opportunité d'obtenir également un aperçu de la criminalité d'organisation présente en Belgique, et ce par le biais de la méthodologie développée à long terme (pp. 14 et 93).
4.3. Élaboration d'une méthodologie destinée à détecter plus efficacement les secteurs à risque.
4.4. Résolution de la problématique du GSM, « inventarisation » et résolution des problèmes de collaboration entre la police/magistrature et les services de télécommunication.
4.5. « Inventarisation » des éventuelles anti-stratégies développées par les criminels et de leur application en Belgique.
4.6. Préparation de la méthode à long terme (voir supra point 2.1). Ce faisant, il convient de peaufiner la participation et le contrôle par le ministère public ainsi que le suivi scientifique et l'accompagnement de la méthodologie suivie pour la réalisation du rapport annuel du comité d'accompagnement scientifique sur la criminalité organisée.
(1) Doc. Sénat, 1995-1996, nºs 1-326/1 à 6, et Compte rendu analytique du 18 juillet 1996.
(2) Voir les références citées aux notes (1) et (2) de la page 4 du premier rapport intermédiaire, doc. Sénat, 1997-1998, nº 1-326/7.
(3) Proposition instituant une commission parlementaire chargée d'enquêter sur la criminalité organisée en Belgique, déposée par M. Vandenberghe et consorts, doc. Sénat, 6 mai 1996, 1995-1996, nº 1-326/1, p. 1.
(4) Voir rapport final « Inzake opsporing », Tweede Kamer der Staten-generaal, session 1995-1996, 24 072, nºs 10 et 11, 484 p., ainsi que les XI annexes, notamment les annexes VII à XI qui dressent un état de la situation de la criminalité organisée aux Pays-Bas.
(5) Rapport de la commission d'enquête sur les moyens de lutter contre les tentatives de pénétration de la mafia en France, 27 janvier 1993, Assemblée nationale, nº 3251, 128 p.
(6) Proposition instituant une commission parlementaire chargée d'enquêter sur la criminalité organisée en Belgique, déposée par M. Vandenberghe et consorts, doc. Sénat, 6 mai 1996, nº 1-326/1, p. 3.
(7) Proposition instituant une commission parlementaire chargée d'enquêter sur la criminalité organisée en Belgique, rapport fait au nom de la commission de la Justice par MM. Erdman et Coveliers, doc. Sénat, 10 juillet 1996, nº 1-326/5, 1995-1996, p. 2.
(8) Proposition instituant une commission parlementaire chargée d'enquêter sur la criminalité organisée en Belgique, déposée par M. Vandenberghe et consorts, doc. Sénat, 1995-1996, nº 1-326/1, p. 1.
(9) Le gouvernement motive par ailleurs son plan d'action contre la délinquance économique, financière et fiscale, notamment par le motif suivant : « Si l'angle d'attaque financier se justifie donc à la fois par des considérations tenant aux objectifs fondamentaux de la politique criminelle, à l'efficacité de l'action contre le crime organisé et à la nature de la menace, il est sans doute aussi un moyen permettant de frapper les organisations criminelles sans s'enfermer dans une logique d'escalade qui conduit à mettre en oeuvre des techniques spéciales d'investigation ou procédures d'exception de plus en plus audacieuses qui ne sont pas sans effet sur le système pénal, notamment sur le plan de la protection de la vie privée », Plan d'action contre la délinquance économique, financière et fiscale, Bruxelles, 7 octobre 1997, p. 1.
(10) Proposition instituant une commission parlementaire chargée d'enquêter sur la criminalité organisée en Belgique, déposée par M. Vandenberghe et consorts, doc. Sénat, 1995-1996, nº 1-326/1, p. 3.
(11) Proposition instituant une commission parlementaire chargée d'enquêter sur la criminalité organisée en Belgique, doc. Sénat, 1995-1996, nº 1-326/6 et Annales Sénat, 1995-1996, 18 juillet 1996, pp. 1433-1441 et 1446.
(12) Annales , Sénat, 1996-1997, 8 octobre 1996, p. 1746.
(13) Moniteur belge du 21 août 1998.
(14) Voir premier rapport intermédiaire sur la notion de criminalité organisée, doc. Sénat, nº 1-326/7.
(15) Voir deuxième rapport intermédiaire, doc. Sénat, nº 1-326/8.
(16) Nouwynck, audition, 18 octobre 1996, p. 3/20.
(17) Nouwynck, audition, 18 octobre 1996, p. 3/22.
(18) Sénat, Annales parlementaires , séance du jeudi 18 juillet 1996, p. 1434.
(19) a)
Par analyse criminelle, l'on entend la recherche et l'établissement de liens entre des données relatives à la criminalité et de liens entre ces données et d'autres données éventuellement pertinentes, pour les besoins de la police et de la justice;
b)
lorsque l'analyse criminelle vise à l'obtention de résultats directement utilisables dans le cadre des activités de recherche et des poursuites, on parle d'analyse criminelle opérationnelle;
c)
lorsque l'analyse criminelle s'inscrit dans le cadre de la politique à mener, on parle d'analyse criminelle stratégique.
(20) Major B. Frans (BCR), audition, 26 juin 1998, matin, pp. 92/4 et 6.
(21) Major B. Frans (BCR), audition, 26 juin 1998, matin, pp. 92/11.
(22) C. De Vroom, commissaire général chargé de missions judiciaires, et J. Belmans, commissaire principal de première classe, audition du 11 décembre 1966, matin, pp. 14/10 et 12.
(23) M. F.-X. de Donnéa, bourgmestre de Bruxelles, audition du 7 mars 1997, matin, p. 26/12.
(24) M. F.-X. de Donnéa, bourgmestre de Bruxelles, audition du 7 mars 1997, matin, p. 26/20 et M. Van Reusel, commissaire en chef de la police de Bruxelles, audition du 7 mars 1997, matin, p. 26/25.
(25) M. T. Dyck, commissaire en chef f.f. de la police d'Anvers, audition du 7 février 1997, après-midi, p. 21/25.
(26) Mme L. Detiège, bourgmestre d'Anvers, audition du 7 février 1997, après-midi, p. 21/9-10.
(27) Mme L. Detiège, bourgmestre d'Anvers, audition du 7 février 1997, après-midi, p. 21/6.
(28) Mme L. Detiège, bourgmestre d'Anvers, audition du 7 février 1997, après-midi, p. 21/8.
(29) Mme L. Detiège, bourgmestre d'Anvers et M. T. Dyck, commissaire en chef f.f., audition du 7 février 1997, après-midi, pp. 21/10 et 21/26.
(30) M. J. Delrez, commissaire en chef de la police de Liège, audition du 7 février 1997, matin, p. 20/17.
(31) M. J.-M. Dehousse, bourgmestre de la ville de Liège, audition du 16 mai 1997, matin, p. 36/14.
(32) Voir deuxième rapport intermédiaire sur l'impact de la lutte contre la criminalité organisée, entre autres par l'utilisation de techniques spéciales d'enquête, sur l'organisation des services de police et du ministère public, doc. Sénat, 1997-1998, nº 1-326/8.
(33) Berkmoes, H., Bollarts, R., Frans, A., « Organisations criminelles en Belgique. Ni science, ni fiction, Politeia , nº 4, 1995.
(34) Voir deuxième rapport intermédiaire, doc. Sénat, nº 1-326/8, p. 130.
(35) Voir le rapport de MM. Erdman et Coveliers fait au nom de la commission de la Justice sur la proposition instituant une commission parlementaire chargée d'enquêter sur la criminalité organisée en Belgique, doc. Sénat, 1995-1996, nº 1-326/5, pp. 3-7 et annexe 1.
(36) Op. cit., p. 5.
(37) Op. cit., p. 8.
(38) Op. cit., p. 11.
(39) Annales, Sénat, 18 juillet 1996, p. 1434.
(40) Doc. Chambre, 1996-1997, nº 954/1.
(41) Doc. Chambre, 1996-1997,nº 954/9. Pour un aperçu des débats en commission de la Justice de la Chambre, voir le rapport de M. Vandeurzen, doc. Chambre, 1996-1997, nº 954/6.
(42) Doc. Sénat, 1997-1998, nos 1-662/1-6.
(43) Au cours de la discussion du projet de loi en commission de la Justice de la Chambre, le ministre de la Justice avait déjà suggéré cette manière de procéder. Voir le rapport de M. Vandeurzen, doc. Chambre, 1996-1997, nº 954-6, p. 3.
(44) Premier rapport intermédiaire sur la notion de criminalité organisée, fait au nom de la commission d'enquête par M. Coveliers et Mme Milquet, doc. Sénat, 1997-1998, nº 1-326/7, également publié en annexe du rapport de M. Vandenberghe, fait au nom de la commission de la Justice du Sénat, sur le projet de loi relative aux organisations criminelles, doc. Sénat, 1997-1998, nº 1-662/4.
(45) Premier rapport intermédiaire, p. 11.
(46) Premier rapport intermédiaire, p. 12.
(47) Premier rapport intermédiaire, pp. 13-24.
(48) Premier rapport intermédiaire, p. 29.
(49) Premier rapport intermédiaire, p. 30.
(50) Premier rapport intermédiaire, pp. 31-36.
(51) Premier rapport intermédiaire, p. 47.
(52) Premier rapport intermédiaire, p. 47.
(53) Premier rapport intermédiaire, p. 47.
(54) Premier rapport intermédiaire, p. 50.
(55) Premier rapport intermédiaire, p. 56.
(56) Premier rapport intermédiaire, p. 61.
(57) Premier rapport intermédiaire, p. 62.
(58) Doc. Sénat, nº 1-326/7, le texte reproduit ci-après ne reprend pas l'introduction au premier rapport intermédiaire (nºs 1 à 4).
(59) Van Camp, R., Georganiseerde criminaliteit. Te veel rechtsstaat of te veel Fouché ? Discours prononcé au cours de la séance d'ouverture solennelle de la cour d'appel d'Anvers, le 2 septembre 1996, RW , 1996-1997, 668.
(60) Fijnaut, audition, 22 novembre 1996 p.m., p. 10/7.
(61) Voir notamment Van Duyne, P.C., Definitie en kompaswerking , in Bovenkerk, F. (red.), De georganiseerde criminaliteit in Nederland. Het criminologisch onderzoek voor de parlementaire enquêtecommissie opsporingsmethoden in discussie, Deventer, Gouda Quint, 1996, pp. 47-60. Voir aussi Zanders, audition, 25 avril 1997 a.m., p. 34/13 : « Conformément à sa propre définition, chaque pays vise donc un certain nombre d'organisations criminelles nationales ».
(62) Voir également, à ce sujet, Van Duyne, P.C., Het spook en de dreiging van de georganiseerde misdaad , La Haye, SDU, 1995, p. 216.
(63) Voir aussi à ce sujet Naeyè, J. et Schalken, T., Commissie Van Traa en de crisis in de opsporing ? , Nederlands Juristenblad, 9 février 1996, p. 205.
(64) Voir la discussion à ce sujet aux nºs 45, 46 et 47.
(65) Voir, à cet égard, la discussion à propos de l'extradition de suspects et de criminels d'un État de l'Union européenne vers un autre; dans une série de cas, qu'il faut placer sous le dénominateur commun de terrorisme et de criminalité organisée, il ne sera même plus nécessaire, pour pouvoir extrader une personne, que les faits qu'elle a commis puissent aussi être qualifiés de délit dans le pays qui demande l'extradition : Vermeulen, G. et Vander Beken, T., « Eenvoudiger en ook beter ? Nieuwe ontwikkelingen inzake uitlevering in de Europese Unie geëvalueerd », Panopticon , 1997, pp. 111-140, et, particulièrement les pp. 128-132.
(66) Voir l'incident qui a opposé l'Espagne et la Belgique en 1996 au sujet de l'extradition du couple basque Moreno-Garcia : Vermeulen, G. et Vander Beken, T., Uitlevering van Basken aan Spanje : juridische bedenkingen bij een politieke zaak, Recente Arresten van de Raad van State, 1995, pp. 221-227; Verbruggen, F., « Ook zonder Madrid en Dublin blijft de uitlevering van Moreno en Garcia mogelijk, als Spanje een degelijk dossier heeft », Panopticon, 1997, pp. 162-168.
(67) Vandoren, A., La lutte contre le crime organisé, combats d'arrière-garde ou attaque de front, Discours prononcé lors de la séance d'ouverture solennelle de la Cour d'appel de Bruxelles, le 2 septembre 1996, p. 4.
(68) Annexe A, 10555/2/96 Enfopol 155.
(69) Vandoren, A., o.c. , pp. 5-6, Voir également la note de la présidence italienne au groupe de travail « drogue et criminalité organisée, du 4 janvier 1996, Enfopol 161, Annexe C.
(70) Selon la lettre envoyée à la Commission par M. Bruggeman, assistant coordinateur chez Europol, les quatre critères à retenir pour le crime organisé sont les critères 1, 5, 6 et 11. Il précise qu'« il est toujours recommandé de s'orienter vers six des onze critères, mais quatre (dont trois obligatoires) devraient suffire. Ceci est une décision qui reste à confirmer dans les plus brefs délais. » Voir aussi Bruggeman, audition, 27 juin 1997 p.m., p. 45/12.
(71) Voir à propos du conflit des définitions en Italie : Cesoni, M., « L'économie mafieuse en Italie : à la recherche d'un paradigme... », Déviance et société,1995, vol. 19, nº 1, pp. 51-83.
(72) Inzake opsporing, Enquêtecommissie opsporingsmethoden , Den Haag, SDU 1996, p. 25. Voir aussi Fijnaut, audition, 22 novembre 1996 p.m., p. 10/8.
(73) Assemblée nationale, Rapport de la Commission d'enquête sur les moyens de lutter contre les tentatives de pénétration de la mafia en France , 27 janvier 1993, Doc. nº 3251, p. 13; cf. aussi Van Camp, R., o.c., RW, 1996-1997, p. 665 et suivantes.
(74) Information reprise de : Tak, P.J.P. (red), De normering van bijzondere opsporingsmethoden in buitenlandse rechtsstelsels , Ministerie van Justitie (Nederland) Directie Beleid, Sector Onderzoek & Analyse 1996, 360 p., en l'espèce 39-40.
(75) Plan d'action du gouvernement contre le crime organisé, 28 juin 1996, p. 2.
(76) Rapport annuel 1997 Criminalité organisée, ministère de la Justice, pp. 96 et 99.
(77) Vandoren, A., o.c., p. 5.
(78) Van Camp, audition, 21 février 1997 a.m., p. 22/3.
(79) Vanhaecke, audition, 16 mai 1997 p.m., p. 37/3, voir également, Nouwynck et Reynders, audition, 18 octobre 1996, p. 3/5.
(80) Inzake Opsporing, Bijlage VII, Eindrapport onderzoeksgroep Fijnaut, Den Haag, SDU, 1996, pp. 21-22.
(81) Audition du 22 novembre 1996 p.m., pp. 10/9-10.
(82) FIOD : Services de l'information et de la recherche en matière de fiscalité (Pays-Bas).
(83) ISI : Inspection spéciale des impôts.
(84) Van Duyne, P.C., Definitie en kompaswerking, 50.
(85) Ibidem , 54.
(86) Ibidem , 57-58.
(87) Voir plus loin, les numéros 58 et 59.
(88) Proposition instituant une commission parlementaire chargée d'enquêter sur la criminalité organisée en Belgique, rapport fait au nom de la Commission de la Justice par MM. Erdman et Coveliers, doc. Sénat, 1995-1996, nº 1-326/5, p. 5.
(89) Ibidem , p. 2.
(90) Ibidem , p. 2.
(91) Ibidem , p. 3.
(92) Ibidem , p. 8.
(93) Les prétendues lacunes du droit pénal général (participation et tentative) et d'une série de dispositions apparentées du droit pénal spécial (notamment sur l'association de malfaiteurs) sont analysées dans : Verbruggen, F., The General Part of Criminal Law and Organised Crime, Belgium (XVIe Congrès de droit pénal, Louvain, Institut de droit pénal, 1997, 45 pages (paraîtra dans la Revue internationale de droit pénal ).
(94) Doc. Chambre, 1996-1997, nºs 954/1-9 et Annales des 4 et 5 juin 1997.
(95) Doc. Sénat, 1996-1997, nº 662/1 et Bulletin du greffe nº 102 du 10 juin 1997.
(96) Recommandation 17, Council of the European Union, Action Plan to combat organized crime, 7421/97, JAI 14, Bruxelles, 21 avril 1997, 30. Publiée également au JO C 251/11, 15 août 1997.
(97) Convention établie sur la base de l'article K.3 du traité sur l'Union européenne, relative à l'extradition entre les États membres de l'Union européenne, JO C 313/12-23, 23 octobre 1996.
(98) Gallisai Pilo, Maria G., 1990, Le associazioni segrete, profili penali , Padova, Cedam, 96 p.; Ingroia, Antonio, 1993, L'asociazione di tipo mafioso, Milano, Giuffré, 154 p.; Montanara, Giuseppe, 1985, Aspetti problematici dei reati associativi, Latina, Bucalo, 190 p.; Spagnolo, Giuseppe, 1993, L'asociazione di tipo mafioso , (quarta edizione aggiornata), Padova, Cedam, 191 p.; Turone, Giuliano, 1984, Le associazione di tipo mafioso, Milano, Giuffré; Valiante, Mario, 1990, Il reato associativo, Milano, Giuffré, XXII + 330 p.; De Koster Ph., Le cadre légal de la lutte contre le crime organisé international. Avis pour le Séminaire sur « les formes de coopération européenne dans la lutte contre le crime organisé international », organisé par le Conseil de l'Europe, Sibiu (Roumanie), 14-20 octobre 1996, pp. 12-13; Tak, P.J.P. (red.), De normering van bijzondere opsporingsmethoden in buitenlandse rechtsstelsels, Ministerie van Justitie (Nederland), Directie Beleid, Sector Onderzoek & Analyse, 1996, p. 287-297; Pradel, J., Droit pénal comparé , Paris, Dalloz, 1995, p. 120.
(99) De Vries-Leemans, M.J.H.J., Artikel 140 Wetboek van strafrecht, een onderzoek naar de strafbaarstelling van deelneming aan misdaadorganisaties, Gouda Quint, Arnhem, 1994, 367 p.
(100) Pradel, J., o.c., p. 121., Pradel, J. et Danti-Juan, M., Droit pénal spécial, Paris, Cujas, 1995, III, p. 773-777; De Koster, Ph., o.c.; Tak, P.J.P., o.c., p. 227-228.
(101) Information fournie par le ministère de la Justice, Administration de la législation pénale et des droits de l'homme .
(102) Fabian Caparros, E., « Criminalidad organizada » dans : Gutierrez Frances, M. et Sanchez Lopez, V., El Nuevo Código Penal, primeros problemas de aplicación , Salamanca, Asociación de estudios penales Pedro Dorado Montero, 1997, p. 179-180.
(103) Information fournie par le Ministère de la Justice, Administration de la législation pénale et des droits de l'homme .
(104) Information fournie par le ministère de la Justice, Administration de la législation pénale et des droits de l'homme .
(105) Information fournie par le ministère de la Justice, Administration de la législation pénale et des droits de l'homme .
(106) « Le projet a deux objectifs. Le premier est de fournir un critère juridique solide pour l'action contre la criminalité organisée. Si l'on veut se doter d'instruments adéquats, sur le plan de l'exercice des recherches et des poursuites, du jugement et de l'exécution des peines, il s'impose de définir juridiquement le phénomène qu'on entend combattre : l'existence d'organisations criminelles. Le premier objectif du projet est de fournir une telle définition. En tant que telle, cette définition permettra à l'avenir d'identifier les hypothèses qui relèvent du domaine de la criminalité organisée et pourra servir de critère pour l'utilisation de mesures législatives ou opérationnelles spécifiques. » (Projet de loi relatif aux organisations criminelles, exposé des motifs, Doc. Chambre, 1996-1997, nº 954/1, p. 1).
(107) « La définition légale des organisations criminelles est également, dans la même conception, une condition nécessaire pour donner aux services de police sous le contrôle de la magistrature, la possibilité de mener des investigations judiciaires à l'égard de l'organisation criminelle elle-même, indépendamment de l'indication concrète d'infractions déjà commises. De telles mesures s'inscrivent dans la perspective du plan d'action précité du gouvernement. L'objet des recherches qu'on appelle « proactives » est bien en première instance de mettre en lumière la structure et le fonctionnement de la criminalité organisée (...), » (Doc. Chambre, 1996-1997, nº 954/1, p. 2 et 3).
(108) Verbruggen, F., « Un fer de lance trop émoussé : réflexions au sujet du projet de loi relatif aux organisations criminelles
», Vigiles-Revue du droit de police,
1997, nº 2, pp. 7-25; « Van verenigde criminelen en criminele verenigingen, Is een criminele organisatie meer dan zo maar een moderne bende
? » dans Vrancken, P. (réd.), Privilegium Tabellionatus
, Genk, 1997, pp. 461-477.
Parti du travail de Belgique, Halte à la loi fasciste « relative aux organisations criminelles », Bruxelles, 1997; Geys, F., « Wetsontwerp op de criminele organisaties
», Liga voor de Mensenrechten, Nieuwsbrief,
septembre 1997, pp. 3-8; De Stoop, C., « Het kaliber is te groot
», Knack Magazine,
27 août 1997, pp. 17-19; Deltour, P., « Actiegroepen beducht voor wet op criminele organisaties
», De Morgen,
27 juin 1995, p. 5, « Justitie moet populistische neigingen onderdrukken
», De Morgen,
2 août 1997, p. 5; « Wetsontwerp op criminele organisaties zet deur open voor misbruiken
», De Morgen,
26 septembre 1997, p. 1.
(109) Réunion du mardi 15 juillet 1997, p. 48/7.
(110) Réunion du vendredi 20 juin 1997, p. 44/3-4, réunion du mardi 15 juillet 1997, p. 48/10 : « L'orateur précédent déclare que le problème se situe aussi au niveau des conséquences de l'application du texte, entre autres en ce qui concerne l'usage de techniques policières spécifiques »; l'ambiguïté ressort aussi de la discussion en p. 48/16.
(111) Réunion du vendredi 20 juin 1997, p. 43/6.
(112) Réunion du vendredi 20 juin 1997, p. 43/6.
(113) Réunion du vendredi 20 juin 1997, p. 43/8.
(114) Réunion du vendredi 20 juin 1997, p. 43/6.
(115) Réunion du vendredi 20 juin 1997, p. 43/7.
(116) Dans son Rapport d'activités 1994, Bruxelles, 1995, III, 25, l'OCDEFO considère aussi cette distinction comme l'un des mécanismes envisageables.
(117) Réunion du mardi 15 juillet 1997, p. 48/2.
(118) Réunion du mardi 15 juillet 1997, p. 48/3.
(119) Devries-Leemans, J., op. cit. ; Noyon, T., Langemeijer, G. et Remmelink, J., Het wetboek van Strafrecht, Deventer, Gouda Quint, Tweede boek, 251-256; Swart, A., « Verboden organisaties en verboden rechtspersonen », Liber Amicorum Remmelink, Arnhem, Gouda Quint, 1987, 607-624; Strijards, G., Criminele organisaties, preadvies voor de Vereniging voor de vergelijkende studie van het recht van België en Nederland, 1991.
(120) Plusieurs membres ont fait référence à l'arrestation de manifestants sur la base de l'article 140 du Code pénal lors du Sommet d'Amsterdam (réunion du vendredi 20 juin 1997, p. 44/2). Voir également à ce sujet De Korte, R., « Artikel 140, Algemeen Politieblad, 19 juillet 1997, p. 7.
(121) Article 342 du Code néerlandais d'instruction criminelle.
(122) On utilise par exemple le critère suivant : « Lorsque les faits ou les circonstances permettent de présumer raisonnablement que des infractions (pour lesquelles la détention préventive est autorisée) sont concertées ou commises dans un cadre organisé et qu'eu égard à leur nature ou à leur connexité avec d'autres infractions concertées ou commises dans ce cadre organisé, elles constituent une violation grave de l'ordre public » (p. ex. article 1260 du projet de loi relatif aux techniques spéciales d'enquête, Tweede Kamer, 1996-1997, 25 403, 6).
(123) Article 7 de la loi du 7 avril 1995, Moniteur belge du 10 mai 1995, 12379.
(124) Article 3, § 2, de la loi du 11 janvier 1993, Moniteur belge du 9 février 1993.
(125) Réunion du mardi 15 juillet 1997, 48/3; voir les observations comparables d'un autre membre, 48/4.
(126) Réunion du mercredi 1er octobre 1997, p. 52/4.
(127) Réunion du vendredi 20 juin 1997, p. 43/16.
(128) Van Camp, R., « Georganiseerde criminaliteit. Te veel rechtstaat of te veel Fouché ? », Discours prononcé au cours de la séance d'ouverture solennelle de la cour d'appel d'Anvers, le 2 septembre 1996, RW , 1996-1997, p. 698-699.
(129) Voir à ce sujet, le deuxième rapport intermédiaire, Doc. Sénat, nº 1-326/8.
(130) Réunion du mercredi 1er octobre 1997, p. 52/8.
(131) Voir le rapport annuel 1997 Crime organisé 1996, ministère de la Justice.
(132) Déclaration du représentant du ministre de la Justice. Réunion du mardi 15 juillet 1997, p. 48/7.
(133) Ibidem.
(134) Sur les articles 322 et suivants, voir De Swaef, M., Bendevorming, Comm. Sr. Sv., 1994, 12 pages; Berkvens, J., Criminele organisaties, een preadvies, Vereniging voor de vergelijkende studie van het recht van België en Nederland, Belgische sectie, 1991, 18 pages; Verbruggen, F., The General Part of Criminal Law and Organised Crime, Belgium (XVIth International Congress of Penal Law), Leuven, Instituut voor Strafrecht, 1997, pp. 16-20; Rigaux, M. et Trousse, P.-Em., « Les crimes et les délits du Code pénal , Bruxelles, Bruylant, 1968, V, pp. 9-21.
(135) « Le représentant du ministre souligne que même si l'on se réfère à la doctrine et à la jurisprudence existantes pour préciser certaines notions, la finalité du projet diffère de celle de l'article 322 » (Réunion du mardi, 15 juillet 1997, p. 48/13).
(136) « Un membre fait également remarquer que, d'une part, le représentant du ministre déclare que l'article 322 est insuffisant et qu'il faut quelque chose de nouveau pour combattre le crime organisé, et que, d'autre part, il se réfère à la doctrine relative à l'article 322 pour interpréter l'article 342 » (Réunion du mardi, 15 juillet 1997, p. 48/13).
(137) Comparez : projet de loi relatif aux organisations criminelles, exposé des motifs, Doc. Chambre, 1996-1997, nº 954/1, p. 2.
(138) Réunion du mardi 15 juillet 1997, p. 48/8.
(139) Dans l'expression de l'article 322 du Code pénal « toute association formée dans le but d'attenter aux personnes ou aux propriétés », « formée dans le but... » peut porter tant sur le but de chaque individu qui s'associe à d'autres que sur un but qui s'est transmué en but de l'association, de l'organisation en tant que telle, indépendamment des motifs individuels de chacun de ses membres.
(140) Réunion du mercredi 16 juillet 1997, p. 49/6.
(141) Cassation, 4 décembre 1984, nº 8290, Arr. Cass., 1984-1985, 466, RDP, 1985, 580; Bruxelles, 2 novembre 1987, Journal des Tribunaux, 1988, 29; Corr. Br., 3 octobre 1995, Journal des Procès, 1995, nº 290, 26. Comme Berkvens l'écrit : « l'appartenance à une bande doit être consciente et délibérée, mais cette volonté délibérée ne concerne que l'existence d'une association et son but d'attenter aux personnes et aux propriétés. Il n'est donc pas nécessaire que le membre cherche à commettre quelque infraction ou qu'il l'envisage : il n'est même pas nécessaire qu'il soit informé de l'ensemble des plans actuels et futurs de l'association, ni qu'il sache si une quelconque infraction sera véritablement commise. Une certaine doctrine considère que l'élément moral de l'infraction est le fait de prendre consciemment un risque en ralliant une telle association et en se soumettant donc volontairement à une volonté criminelle collective qui mène à une responsabilité de groupe constitutive d'infractions. » Berkvens, J., Criminele organisaties, een preadvies, Vereniging voor de vergelijkende studie van het recht van België en Nederland, Belgische sectie, 1991, 9; Rigaux, M. et Trousse, P.-Em., « Les crimes et les délits du Code pénal » , Bruxelles, Bruylant, 1968, V, p. 16; De Nauw, A., Inleiding tot het bijzonder strafrecht , Antwerpen, Kluwer, 1992, pp. 61-63.
(142) Projet de loi relatif aux organisations criminelles, Exposé des motifs, Doc. Chambre, 1996-1997, nº 954/1, 4-5.
(143) Réunion du mardi 15 juillet 1997, p. 48/8.
(144) Un membre propose de remplacer dans la définition le mot « ou » par le mot « et », ce qui réduirait considérablement son champ d'application. Le texte approuvé par la Chambre ne constitue pas une évolution, mais bien une révolution, dans l'approche criminologique et pénale (réunion du mardi 15 juillet 1997, p. 48/10).
(145) Réunion du mercredi 1er octobre 1997, p. 52/5.
(146) Réunion du mardi 15 juillet 1997, p. 48/8.
(147) Cass., 4 décembre 1984, nº 8290, Arr. Cas., 1984-1985, 466; RDP , 1985, 580; De Nauw, A., o.c., 61 : « Quand l'association constitue un groupe organisé de personnes qui a pour but de commettre des attentats contre les personnes et les propriétés, ses membres tombent sous le coup de la loi pénale, même s'ils ne se mettent pas effectivement à en commettre. Le texte originel de la loi était rédigé ainsi : ''quand même il n'aurait été accompagné ni suivi d'aucune infraction''. Les ayants estimés inutiles, l'on a supprimé ces mots. »; Marchal, A., et Jaspar, J.-P., « Droit criminel. Traité théorique et pratique » , Bruxelles, Larcier, 1982, III, pp. 32-55.
(148) Doc. Chambre, 1996-1997, nº 954/1, pp. 13-17.
(149) Certains commentateurs ont suggéré de mettre davantage en évidence la distinction entre l'association de malfaiteurs et l'organisation criminelle, car les articles 322 et suivants ont été interprétés de manière très extensive et l'on peut douter de leurs limites : Verbruggen, F., « Een te botte speerpunt : (...) », op. cit. , 21-25.
(150) Surtout en ce qui concerne évidemment la complicité : De Swaef, op. cit. , 7, Rigaux-Trousse, Crimes et délits , V, 18.
(151) Il y a là une différence avec les conditions constitutives de l'association de malfaiteurs, mais une certaine ressemblance avec la législation sur la drogue. Le collaborateur du ministre souligne que ce n'est pas là l'objectif du projet de loi, au contraire : il estime que l'intention de commettre des délits doit suffire (réunion du mardi 15 juillet 1997, p. 48/13).
(152) Cassation, 23 octobre 1963, Pas., 1964, I, 183.
(153) Réunion du mercredi 1er octobre 1997, p. 52/8-9.
(154) Réunion du mercredi 1er octobre 1997, p. 52/7-9.
(155) Réunion du mercredi 1er octobre 1997, p. 52/8.
(156) Réunion du mercredi 1er octobre 1997, p. 52/7.
(157) Voir la déclaration du représentant du ministre, réunion du mercredi 16 juillet 1997, p. 49/10.
(158) À l'article 344, par exemple, le projet de loi omet, à dessein, de faire une distinction entre les membres et les tiers ou entre les collaborateurs permanents et les collaborateurs occasionnels (« les personnes qui sont impliquées dans la prise de décision, même de façon occasionnelle ou exceptionnelle, même à l'égard d'activités licites de l'organisation ») (Doc. Chambre, 1996-1997, nº 954/1, p. 8).
(159) Audition du 4 juillet 1997, pp. 20/9-20/10.
(160) Exposé des motifs du projet de loi relatif aux organisations criminelles, doc. Chambre, 1996-1997, nº 954/1, p. 6.
(161) « Le problème est de définir appartenance. Le Gouvernement résout la question en ne définissant pas cette notion » (réunion du mercredi 1er octobre 1997, p. 52/11.
(162) « Un membre estime que les critères d'appartenance à l'organisation doivent être des actes (et non résider dans l'existence d'opinions) qui contribuent à l'entreprise durable évoquée plus haut. Ces actes peuvent consister dans le simple fait de donner des instructions ou des missions, ou dans des activités légales » (réunion du mercredi 1er octobre 1997, p. 52/9).
(163) Notamment l'intention de commettre une infraction dans le cadre de cette organisation ou de s'y associer d'une des manières prévues par les articles 66 et suivants (article 343, § 1er ).
(164) Doc. Chambre, 1996-1997, nº 954/1, p. 7.
(165) En ce qui concerne la négligence, voir entre autres Dupont, L. et Verstraeten, R., Handboek Belgisch Strafrecht , Leuven, Acco, 1990, pp. 257 et suivantes.
(166) Réunion du vendredi 20 juin 1997, p. 43/11-13.
(167) Réunion du mercredi 1er octobre 1997, p. 52/10-11.
(168) Réunion du mardi 15 juillet 1997, p. 48/3, voir les observations comparables d'un autre membre, p. 48/4.
(169) Réunion du mercredi 1er octobre 1997, p. 52/12.
(170) Voir De Swaef, op. cit. , p. 7; Rigaux-Trousse, Crimes et délits , V, p. 16-18. La Cour de cassation italienne a admis elle aussi que la participation (au sens du Livre Ier de notre Code pénal) de personnes extérieures au délit d'association (et non donc aux délits commis par l'organisation ou ses membres) était effectivement possible. Il s'agit du « concorso esterno nei reati associativi ». La majorité de la doctrine condamne vivement cette décision parce qu'elle s'engage dans la voie des abstractions successives et qu'elle s'éloigne vraiment beaucoup des faits proprement dits. Cette conception pourrait conduire à une sorte de technique de la terre brûlée qui consisterait à sacrifier tout et quiconque a le moindre lien avec une organisation criminelle. Le projet belge va plus loin encore en incluant d'emblée les personnes extérieures dans la répression, avec, pour couronner le tout, un élément moral que l'on pourrait interpréter comme l'indice d'un délit de négligence. Le projet omet pudiquement de préciser si l'on pourrait appliquer en outre en l'espèce la participation au sens du Livre Ier du Code pénal. C'est pourquoi d'aucuns préconisent que les nouveaux délits soient insérés dans une loi spéciale plutôt que dans le Code pénal (réunion du mercredi 1er octobre 1997, p. 52/13).
(171) Réunion du mercredi 1er octobre 1997, 52/9.
(172) Réunion du mercredi 1er octobre 1997, 52/10.
(173) Cela implique que quelqu'un qui sait ce qu'il fait (le comportement qu'on lui reproche et la connaissance de l'existence d'une organisation criminelle existe), qui prévoit quelles pourraient être les conséquences de cet acte (l'avantage pour l'organisation), qui sait que les conséquences découleront probablement de cet acte et qui veut malgré tout le faire, satisfait à la condition du dol. Le fait qu'il ne veut peut-être pas les conséquences est sans incidence, parce qu'il les prend « par-dessus le marché », en décidant consciemment de poser l'acte en question. La jurisprudence n'a pas encore souvent examiné mot pour mot la question de savoir si l'on peut appliquer la construction juridique du dol éventuel à l'intention de participer.
(174) Bosly H. et Traest, P., Thème de la procédure pénale, Rapport belge, Les systèmes pénaux à l'épreuve du crime organisé , XVIe Congrès de l'AIDP, 1997, 9.
(175) Réunion du mercredi 1er octobre 1997, p. 52/12. Lors de la discussion relative à l'incrimination de la simple appartenance à une organisation criminelle, comme le proposait le projet du gouvernement, la Commission a pu se rendre compte à quel point il est difficile de définir avec précision l'appartenance. Il en va de même pour la participation. Cela revient à définir l'élément moral de telle sorte que les intéressés ne puissent pas trop facilement invoquer leur ignorance au sujet de leur rôle au sein d'une organisation criminelle ou de leur association à celle-ci. Voir l'exemple du personnel domestique (le chauffeur) du dirigeant d'une organisation criminelle que le Conseil d'État a développé dans son avis, Doc. Chambre, 1996-1997, nº 954/1, p. 16.
(176) Par exemple, la personne qui fournit un logement, des armes, etc., à des personnes dont elle sait qu'elles font partie d'une organisation criminelle, et qui a pour intention de protéger l'organisation ou de réaliser ses objectifs. L'avantage en est qu'une personne qui, en raison de considérations purement humanitaires ou sur la base de ses obligations professionnelles normales, pose des actes qui contribuent de facto au succès de l'organisation criminelle, n'est pas concernée. Des directives déontologiques ou des codes de conduite s'adressant aux personnes qui travaillent dans les secteurs à risque peuvent jouer un rôle important. Une violation de ces règles n'est pas du tout suffisante, mais elle peut être un indice de « mauvaise foi ».
Un exemple : lorsqu'un médecin reçoit chez lui une personne qui a subi une blessure par balle, il ne peut refuser de la soigner parce qu'il soupçonne qu'il s'agit d'un membre d'une organisation criminelle. S'il demande une rétribution normale, il ne peut pas être puni, même s'il aide ainsi l'organisation.
(1)177 La participation emprunte son caractère criminel au fait principal et est conditionnée par celui-ci. Un emprunt relatif de criminalité implique que l'incrimination du participant est déterminée par la qualification qui devrait être donnée au délit si le participant en avait été l'auteur principal. Un emprunt absolu de criminalité signifie que l'incrimination du participant est déterminée par la qualification du fait dans le chef de l'auteur (Dupont, L. et Verstraeten, R., Handboek Belgisch Strafrecht , Leuven, Acco, 1990, pp. 314-315; Van den Wyngaert, Chr., Strafrecht en strafprocesrecht in hoofdlijnen , Antwerpen, Maklu 1994, pp. 292-293).
(178) Réunion du mercredi 1er octobre 1997, p. 52/6.
(179) Programme d'action relatif à la criminalité organisée, Conseil européen, 28 avril 1997, Journal officiel des Communautés européennes, 15 août 1997, nº C 251, 4 et 11.
(180) Pour un compte-rendu détaillé des débats en commission de la Justice, voir le rapport de M. Vandenberghe, doc. Sénat, 1997-1998, nº 1-662/4, et plus particulièrement les pages 32 et suivantes.
(181) Council, Justice and Home Affairs, Press release Information : Brussels (19 mars 1998), Document 6889/98 (Presse 73).
(182) Compte-rendu analytique du Sénat, 2 avril 1998, p. 5259.
(183) Doc. Sénat, 1997-1998, nº 1-662/6. Les passages soulignés représentent les modifications apportées par le Sénat.
(184) Cf. le rapport de M. Vandenberghe, doc. Sénat, 1997-1998, nº 1-662/4, pp. 33, 36 et 52.
(185) Cf. le rapport de M. Vandeurzen, doc. Chambre, nr. 954/17, entre autres les pp. 3, 9, 27 et 43.
(186) Amendement nº 35, doc. Chambre, 1996-1997, nº 954/15, 96-97; voir également les amendements nos 26 et 27, doc. Chambre, nº 954-12, 96-97.
(187) Rapport de M. Vandeurzen, doc. Chambre, 1996-1997, nº 954-17, pp. 43-44.
(188) Op. cit. pp. 58-59.
(189) Op. cit. , pp. 46-52 et 55.
(190) Amendement nº 40 et sous-amendement nº 42, doc. Chambre, 1996-1997, nos 954/20-21.
(191) Voir également le « contre-amendement » nº 41, doc. Chambre, 1996-1997, nº 954/21.
(192) Voir le rapport complémentaire de M. Vandeurzen, doc. Chambre, 1996-1997, nº 954/22, pp. 3-8.
(193) Avis du Conseil d'État, 14 juillet 1998, doc. Chambre, 1996-1997, nº 954/24.
(194) Fijnaut, audition du 22 novembre 1996, p. 10/3.
(195) Zanders, audition du 25 avril 1997, p. 35/12.
(196) Bruggeman, audition du 4 juillet 1997, p. 46/2.
(197) Bruggeman, audition du 27 juin 1997, p. 45/21.
(198) Fijnhaut, audition du 22 novembre 1996, p. 10/4.
(199) Il s'agit des rapports annuels 1994 et 1995 de la gendarmerie. La contribution belge au rapport annuel européen ainsi que les rapports annuels du ministre de la Justice 1997 et 1998 ont été rédigés sur la base de données fournies par la police communale la gendarmerie et la police judiciaire.
(200) Bruggeman (Europol), audition, 27 juin 1997 p.m., pp. 45/16 et 17.
(201) Bruggeman (Europol), audition du 27 juin 1997 p.m., pp. 45/16 et 17.
(202) Zanders (SGAP), audition du 25 avril 1997 a.m., p. 34/13.
(203) La commission sait que le nombre de dossiers est plus grand et elle renvoie à ce sujet à son enquête sur le secteur diamantaire (cf. infra ).
(204) Moniteur belge du 5 décembre 1872.
(205) Zanders (SGAP), audition du 25 avril 1997 a.m., p. 34/13.
(206) PJP (police judiciaire près les parquets), Réponses écrites aux questions de la commission parlementaire chargée d'enquêter sur la criminalité organisée en Belgique, 11 décembre 1996, p. 31.
(207) Gendarmerie, Criminalité organisée en Belgique, Rapport établi à l'occasion de l'audition du commandant de la gendarmerie par la commission d'enquête sur la criminalité organisée, décembre 1996, p. 4.
(208) Gendarmerie, Criminalité organisée en Belgique, rapport établi à l'occasion de l'audition du commandant de la gendarmerie par la commission d'enquête sur la criminalité organisée, décembre 1996, p. 15 et suivantes.
(209) Berkmoes (BCR), audition, 6 décembre 1996 p.m., p. 13/3.
(210) Gendarmerie, Criminalité organisée en Belgique, Rapport établi à l'occasion de l'audition du commandant de la gendarmerie par la commission d'enquête sur la criminalité organisée, décembre 1996, p. 35.
(211) Zanders (SGAP), audition, 25 avril 1997, p. 35/9.
(212) De Vroom, audition, 11 décembre 1996, p. 14/10.
(213) De Vroom, audition, 11 décembre 1996, p. 14/24.
(214) Directive ministérielle du 21 février 1997 organisant la collaboration et la coordination entre les services de police en ce qui concerne les missions de police judiciaire.
(215) Van Reusel, réponses écrites, p. 4.
(216) W. Deridder, commandant de la gendarmerie, audition du 6 décembre 1996 a.m., p. 12/5.
(217) W. Deridder, commandant de la gendarmerie, audition du 6 décembre 1996 a.m., p. 12/6-7. Voir également au sujet de l'évaluation des informations, Boorsma, J., Niet met bier en bitterballen. Het evalueren van een opsporingsonderzoek. Modus (Pays-Bas), février 1997, p. 4-6.
(218) W. Deridder, commandant de la gendarmerie, audition, 6 décembre 1996 a.m., p. 12/6-7.
(219) Major B. Frans (BCR), audition, 26 juin 1998 a.m., pp. 92/4 et 6.
(220) Major B. Frans (BCR), audition, 26 juin 1998 a.m., p. 92/11.
(221) C. De Vroom, commissaire général aux délégations judiciaires, audition, 11 décembre 1996 a.m., p. 14/10.
(222) C. De Vroom, commissaire général aux délégations judiciaires, audition, 11 décembre 1996 p.m., p. 15/3.
(223) Audition police judiciaire, 11 décembre 1996 a.m., p. 14/12.
(224) Audition police judiciaire, 11 décembre 1996 a.m., p. 14/13.
(225) M. J. Delrez, commissaire en chef de la ville de Liège, audition du 7 février 1997 a.m., p. 20/16.
(226) M. J. Delrez, commissaire en chef de la ville de Liège, audition du 7 février 1997 a.m., p. 20/17.
(227) Audition de M. J.-M. Dehousse, bourgmestre de la ville de Liège, 16 mai 1997, a.m., p. 36/13.
(228) M. J.-M. Dehousse, bourgmestre de la ville de Liège, audition, 16 mai 1997 a.m., p. 36/14.
(229) M. Van Espen, audition du 14 mars 1997, p. 28/9.
(230) M. Van Espen, audition du 14 mars 1997, II, p. 28/24.
(231) M. Van Espen, audition du 14 mars 1997, p. 28/12 à 16.
(232) M. Vanhaecke, audition du 16 mai 1997, p. 37/2 à 4.
(233) Mme Coninsx, audition du 16 mai 1997, pp. 37/4-6.
(234) Mme Coninsx, audition du 16 mai 1997, p. 37/6-8.
(235) M. Berkmoes, audition du 6 décembre 1996, p. 13/3.
(236) Lettre du procureur du Roi Van Walle du 22 mai 1997; Mme Detiège, bourgmestre, audition, 7 février 1997 p.m., pp. 21/3 et 9.
(237) Lettre du procureur du Roi Van Walle du 22 mai 1997; M. Dyck, commissaire principal de la police d'Anvers, audition, 7 février 1997 p.m., p. 21/22-25.
(238) M. Dyck, commissaire principal, audition, 7 février 1997 p.m., p. 21/35.
(239) Mme Detiège, bourgmestre, audition, 7 février 1997 p.m., pp. 21/6, 7 et 9; M. Dyck, commissaire principal, audition, 7 février 1997 p.m., pp. 21/26-28.
(240) Mme Detiège, bourgmestre, audition, 7 février 1997 p.m., pp. 21/11-13.
(241) M. Van Camp, audition du 21 février 1997, II, p. 22/5.
(242) Lettre du procureur du Roi Van Walle du 22 mai 1997.
(243) M. Belmans, audition du 11 décembre 1996, II, p. 14/18.
(244) PJP, réponses écrites aux questions de la Commission parlementaire chargée d'enquêter sur la criminalité organisée en Belgique, 11 décembre 1996, annexe 10.
(245) M. Vandoren, audition du 28 février 1997, II, p. 25/17.
(246) Rapport fait au nom de la commission spéciale par M. Didier Reynders et M. Daniël Vanpoucke, Examen des rapports sur la traite des êtres humains, Doc. Chambre, nº 1399-1, 97/98, 30 janvier 1998.
(247) M. Schewebach, audition du 5 juin 1998, p. 85/11.
(248) M. Van Camp, audition du 21 février 1997, p. 22/12. Dans le même sens, Mme Detiège, bourgmestre, audition du 7 février 1997 p.m., p. 21/13.
(249) M. Van Camp, audition du 21 février 1997, p. 22/10.
(250) M. Schewebach, audition du 5 juin 1998, II, p. 85/8.
(251) M. Van Camp, audition du 21 février 1997, p. 22/22.
(252) M. Van Camp, audition du 21 février 1997, p. 22/14.
(253) M. Van Lijsebeth, audition du 17 décembre 1996, p. 16/25.
(254) M. Van Camp, audition du 21 février 1997, p. 22/10-11.
(255) M. Knudsen, audition du 6 juin 1997, p. 41/19 et suivantes.
(256) Voir à cet égard : Perduca, A., et Ramael, P., Le crime international et la justice , Dominos, Flammarion, Paris, 1998, pp. 19-28, expliquant en détail le circuit frauduleux des cigarettes.
(257) M. Bulthé, audition du 21 février 1997, p. 23/12.
(258) M. Bulthé, audition du 21 février 1997, p. 23/12.
(259) M. Bulthé, audition du 21 février 1997, p. 23/13.
(260) M. Godbille, audition du 21 mai 1997, p. 38/5.
(261) M. Godbille, audition du 21 mai 1997, p. 38/17.
(262) M. de Donnéa, audition du 7 mars 1997, p. 26/6.
(263) M. de Donnéa, audition du 7 mars 1997, p. 26/13.
(264) M. Allaert, audition du 3 juillet 1998, p. 95/15.
(265) M. Allaert, audition du 3 juillet 1998, p. 95/16.
(266) M. Allaert, audition du 3 juillet 1998, p. 95/17.
(267) M. de Donnéa, audition du 7 mars 1997, p. 26/7.
(268) M. Godbille, audition du 21 mai 1997, p. 38/5.
(269) M. de Donnéa, audition du 7 mars 1997, p. 26/12.
(270) M. de Donnéa, audition du 7 mars 1997, p. 26/15.
(271) M. Van Reusel, audition du 7 mars 1997, pp. 26/26-27.
(272) M. de Donnéa, audition du 7 mars 1997, p. 26/16.
(273) M. Bulthé, audition du 21 février 1997, p. 23/26.
(274) M. Vandoren, audition du 28 février 1997, p. 25/17.
(275) M. Van Reusel, audition du 7 mars 1997, p. 26/23.
(276) M. Van Reusel, réponses écrites.
(277) M. De Vroom, audition du 11 décembre 1996, p. 14/27.
(278) M. Vandoren, audition du 28 février 1997, p. 25/3.
(279) M. Vandoren, audition du 28 février 1997, p. 25/17.
(280) M. Delrez, audition du 7 février 1997, p. 20/3.
(281) M. Vandoren, audition du 28 février 1997, p. 25/18.
(282) M. Delrez, audition du 7 février 1997, p. 20/4.
(283) Rapport fait au nom de la commission spéciale par M. Didier Reynders et M. Daniël Vanpoucke, Examen des rapports sur la traite des êtres humains, Doc. Chambre, 30 janvier 1998, 1997-1998, nº 1399/1, p. 64.
(284) M. Delrez, audition du 7 février 1997, p. 20/6.
(285) M. Delrez, audition du 7 février 1997, p. 20/5.
(286) M. Dehousse, audition du 16 mai 1997, p. 36/9.
(287) M. Dehousse, audition du 16 mai 1997, p. 36/8.
(288) M. Delrez, audition du 7 février 1997, p. 20/7.
(289) M. Delrez, audition du 7 février 1997, p. 20/5.
(290) M. Dehousse, audition du 16 mai 1997, p. 36/12.
(291) M. Delrez, audition du 7 février 1997, p. 20/6.
(292) M. Elise, audition du 11 décembre 1996, pp. 14/26.
(293) M. Vandoren, audition du 28 février 1997, p. 25/5.
(294) Mme Coninsx, audition du 16 mai 1997, p. 37/32.
(295) M. Duinslaeger, audition du 28 février 1997, p. 24/16.
(296) M. Duinslaeger, audition du 28 février 1997, p. 24/26.
(297) M. Duinslaeger, audition du 28 février 1997, p. 24/18.
(298) M. Duinslaeger, audition du 28 février 1997, p. 24/20.
(299) Analyse de la criminalité organisée en Belgique en 1994, gendarmerie
Analyse de la criminalité organisée en Belgique en 1995, gendarmerie.
(300) Rapport annuel 1997 sur le crime organisé en Belgique en 1996.
Rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997.
(301) Rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997, p. 21.
(302) Rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997, p. 29.
(303) Rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997, p. 24.
(304) L'homogénéité de l'organisation a été déterminée sur la base de la nationalité des suspects. Lorsqu'une organisation ne se compose que d'une seule nationalité, elle est homogène par définition. Certains réseaux criminels ont également été inclus dans cette catégorie lorsque l'ensemble de leurs membres chargés de l'exécution ou les organisateurs ainsi que leurs collaborateurs directs ont tous la même nationalité. De cette façon, une organisation criminelle est considérée comme homogène du point de vue de la nationalité, lorsqu'au moins 80 % de ses membres sont de la même origine ethnique et occupent la majorité des fonctions dirigeantes. Il arrive ainsi que deux nationalités se distinguent clairement. Une organisation est hétérogène lorsqu'aucune nationalité principale ne ressort.
(305) Rapport annuel 1998 sur le crime organisé en 1997, p. 24.
(306) OCDEFO, 2e rapport d'activités, années 1994-1995-1996, p. 5.
(1)307 OCDEFO, 2e rapport d'activités. Années 1994-1995-1996, p. 53.
(2)308 Spreutels, audition du 18 avril 1997 a.m., p. 32/6.
(3)309 CTIF, 4e rapport d'activités, 1996/1997, p. 50.
(3)310 CTIF, 4e rapport d'activités, 1996/1997, p. 67.
(311) Rapport annuel 1997 sur le crime organisé en Belgique en 1996, p. 28.
(312) Rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997, p. 7.
(313) Rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997, p. 25.
(314) Rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997, p. 25.
(315) M. De Vroom, audition, 11 décembre 1996 a.m., p. 14/27.
(316) Rapport annuel 1997 sur le crime organisé en Belgique en 1996, p. 45.
(317) Rapport annuel 1997 sur le crime organisé en Belgique en 1996, p. 46.
(318) M. Vandoren, audition du 28 février 1997, p. 25/17.
(319) Rapport annuel 1997 sur le crime organisé en Belgique en 1996, p. 47.
(320) Rapport annuel 1997 sur le crime organisé en Belgique en 1996, p. 39.
(321) Rapport annuel 1997 sur le crime organisé en Belgique en 1996, p. 47.
(322) M. Vandoren, audition, 28 février 1997, p. 25/18.
(323) Rapport annuel 1997 sur le crime organisé en Belgique en 1996, p. 48.
(324) Rapport annuel 1997 sur le crime organisé en Belgique en 1996, p. 48.
(325) M. De Vroom, audition, 11 décembre 1996 a.m.
(326) M. Vandoren, audition, 28 février 1997, p. 25/17.
(327) Rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997, p. 40.
(328) Rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997, p. 40.
(329) M. Vandoren, audition, 28 février 1997, p. 25/15.
(330) M. De Vroom, audition, 11 décembre 1996-a.m., p. 14/14.
(331) Rapport annuel 1997 sur le crime organisé en Belgique en 1996, p. 49.
(332) Rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997, p. 20.
(333) Rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997, p. 22.
(334) Rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997, pp. 22-23.
(335) Rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997, p. 23.
(336) Rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997, p. 28.
(337) Il faut entendre par contre-mesure (ou contre-stratégies), des moyens utilisés par une organisation criminelle pour faciliter ses activités criminelles et permettre sa survie propre. Elle est passive lorsque l'organisation criminelle développe des méthodes de camouflage de ses activités et de sa structure, dans le but de se dissimuler vis-à-vis des autorités ou des concurrents potentiels (emploi de langage codé, usage de sociétés-écrans, ...). Elle est active lorsqu'il s'agit d'acquérir des connaissances ou d'influer sur les personnes ou autorités (et les moyens dont elles disposent) qui peuvent faciliter ou nuire aux activités et/ou à l'existence même de l'organisation (écoutes des services de police, intimidation de magistrats, influence par les médias, ...).
(338) Voir supra.
(339) Rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997, p. 29 et suivantes.
(340) Sur base du rapport annuel 1998 sur le crime organisé en 1997.
(341) M. De Vroom, audition du 11 décembre 1996, p. 14/10.
(342) Rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997, p. 51.
(343) Rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997, p. 52.
(344) Rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997, p. 50.
(345) Rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997, pp. 50-51.
(346) Rapport annuel 1997 sur le crime organisé en Belgique en 1996, p. 39.
(347) Cellule de traitement des informations financières, 4e Rapport d'activités 1996/1997, p. 68.
(348) Rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997, pp. 43 et suivantes.
(349) Rapport annuel 1998 sur la crime organisée en Belgique en 1997, pp. 65-67.
(350) Rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997, p. 54.
(351) Rapport annuel 1997 sur le crime organisé en Belgique en 1996, p. 42.
(352) Rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997, p. 54.
(353) Rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997, pp. 48 et 49.
(354) Rapport annuel 1997 sur le crime organisé en Belgique en 1996, p. 42.
(355) Rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997, p. 49.
(356) Rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997, pp. 55-56.
(357) M. Van Camp, audition du 21 février 1997, p. 22/15.
(358) Mme Coninsx, audition du 16 mai 1997, p. 37/12.
(359) M. Vanhaecke, audition du 16 mai 1997, p. 37/4.
(360) Rapport annuel 1998 sur le crime organisé en 1997, pp. 39-40.
(361) De Vroom, audition du 11 décembre 1996, p. 14/12.
(362) J.-C. Van Espen, La pratique judiciaire devant la délinquance de groupe : de l'intuition à l'analyse, document déposé à la Commission parlementaire chargée d'enquêter sur la criminalité organisée en Belgique, 14 mars 1997.
(363) Duinslaeger, audition du 28 février 1997, pp. 25/18.
(364) Van Camp, audition du 21 février 1997, pp. 22/13-14.
(365) Rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997, p. 55.
(366) Rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997, p. 38.
(367) Rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997, p. 38-39.
(368) Rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997, p. 39.
(369) Rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997, p. 36.
(370) Dans les dossiers qui ne traitent que de l'information douce, les enquêteurs se sont basés sur des éléments/indications sérieux, mais qui, pour des raisons juridiques/pratiques et/ou techniques n'ont pas (encore) abouti à une procédure judiciaire. Le contrôle et la validation de ces éléments par les magistrats locaux constituent une garantie de la fiabilité de ces données.
(371) Rapport annuel 1998 sur la criminalité organisée en Belgique en 1997, p. 36-37.
(372) Rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997, p. 37-38.
(373) M. Bruggeman, audition du 27 juin 1997, p. 45/17.
(374) M. Bruggeman, audition du 27 juin 1997, p. 45/21.
(375) Rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997, p. 35.
(376) M. Vandoren, audition du 13 mars 1998, p. 73/9.
(377) Rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997, p. 33.
(378) Note des rapporteurs : on vise ici l'année 1997.
(379) Note des rapporteurs : on vise ici l'année 1996.
(380) Rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997, p. 34.
(381) Rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997, p. 34.
(382) De Koster, audition du 6 juin 1997, p. 41/8.
(383) Van Walleghem, audition du 10 janvier 1997, p. 17/5.
(384) OCDEFO, 2e rapport d'activités. Années 1994-1995-1996, pp. 16-17.
(385) Doraene, audition, pp. 33/14 et suivantes.
(386) OCDEFO, 2e rapport d'activités. Années 1994-1995-1996, p. 29.
(387) OCDEFO, 2e rapport d'activités. Années 1994-1995-1996, p. 133.
(388) OCDEFO, 2e rapport d'activités. Années 1994-1995-1996, p. 147.
(389) M. Nouwynck, audition du 18 octobre 1996, p. 3/9.
(390) M. Van Espen, audition du 14 mars 1997, p. 28/16.
(391) M. Bulthé, audition du 21 février 1997, p. 23/27.
(392) Rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997, p. 32.
(393) Cellule de traitement des informations financières, 4e rapport d'activités 1996/1997, p. 49.
(394) CTIF, 4e rapport d'activités 1996/1997, p. 59.
(395) Rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997, p. 32.
(396) CTIF, 4e rapport d'activités 1996/1997, p. 68. Il s'agit ici de chiffres cumulés pour la période du 1er décembre 1993 au 30 juin 1997.
(397) CTIF, 4e rapport d'activités 1996/1997, p. 62.
(398) OCDEFO, 2e rapport d'activités. Années 1994-1995-1996, p. 21.
(399) M. Doraene, audition, p. 33/24.
(400) Nations unies, AG/SHC/251.
(401) M. Van Lijsebeth, audition du 17 décembre 1996, p. 16/12.
(402) M. Godbille, audition du 21 mai 1997, p. 38/6.
(403) M. Van Lijsebeth, audition du 17 décembre 1996, p. 16/12.
(404) M. De Vroom, audition du 11 décembre 1996, p. 14/10.
(405) M. De Vroom, audition du 11 décembre 1996, p. 14/14.
(406) M. De Vroom, audition du 11 décembre 1996, p. 14/14.
(407) Thony, J.-F. et Laborde, J.-P. Criminalité organisée et blanchiment. Chronique des Nations-Unies, Revue internationale de Droit pénal, Vol. 68, 1997, p. 412.
(408) Rapport du Secrétaire général de l'ONU, Naples 21 mai 1996, cité dans Auteur inconnu, Coopération judiciaire en matière de criminalité organisée : bilan et perspectives..., p. 18.
(409) M. Godbille, audition du 21 mai 1997, p. 38/8.
(410) Van de Bunt, H.G., « De verlokkingen van de georganiseerde misdaad », dans Criminele Inlichtingen. De rol van de Criminele Inlichtingdiensten bij de aanpak van de georganiseerde misdaad, Van Der Heijden, A.W.M., La Haye, VUGA, 1993, 13. D'autres identifient uniquement la relation parasitaire et la relation en symbiose. Voir p.e. Martens, F.T., « Organized Crime Control » The Limits of Government Intervention », Journal of Criminal Justice, 1986, 239-247 et, plus particulièrement, Inzake Opsporing, Enquêtecommissie, opsporingsmethoden, bijlage. IX, deel II, onderzoeksgroep Fijnaut, Branches, 1996, p. 2.
(411) Inzake Opsporing, o.c., p. 2.
(412) Ibidem
(413) Van de Bunt, H.G., l.c., p. 13.
(414) Inzake Opsporing, o.c., p. 4. Voir également, par exemple, Passas, N. et Nelken, D., « The Thin Line between Legitimate and Criminal Entreprises : Subsidy Frauds in the European Community », Crime, Law and Social Change, 1993, p. 223-243; De Ruyver, B. et Vander Beken, T., « Corruption and Organized Crime », dans Corruption : The Enemy within, Rider, B., (ed.), La Haye-Londres-Boston, Kluwer Law International, 1997, p. 81.
(415) Vers un espace judiciaire européen, Corpus Juris portant des dispositions pénales pour la protection des intérêts financiers de la Communauté, Mireille Delmas-Marty (étude commandée par le Parlement européen), p. 1. Le Corpus Juris proposé constitue un ensemble de règles pénales visant à protéger les intérêts financiers de l'Union européenne et à simplifier la lutte contre le crime organisé tout en rendant celle-ci plus équitable et plus efficace, dans un espace judiciaire européen largement unifié (l.c., p. 19).
(416) Certaines personnes adoptent à ce sujet des thèses qui vont très loin. Voir par exemple Ziegler, J., « Le crime organisé, stade ultime du capitalisme, Paris, Éd. Du Seuil, 1998, 298 p.
(417) Voir Commission parlementaire chargée d'enquêter sur la criminalité organisée en Belgique. Premier rapport intermédiaire sur la notion de criminalité organisée, doc. Sénat, 1997-1998, nº 1-326/7, p. 20-26.
(418) Cette notion est usitée principalement par P.C. Van Duyne (voir par exemple Van Duyne, P,C., Kouwenberg, R.F. et Romeijn, G., Misdaadondernemingen. Ondernemende misdadigers in Nederland, Arnhem, Gouda Quint, 1990, 159 p., et Van Duyne P.C., Het spook en de dreiging van de georganiseerde misdaad, La Haye, SDU, 1995, 216 p.) pour souligner que la criminalité organisée n'est pas limitée à la criminalité « grave » mais que (en raison précisément de son caractère organisé), ses structures sont fortement apparentées à celle d'une entreprise et qu'elle exerce dès lors, d'une manière ou d'une autre (légalement ou non) une influence sur le marché commercial.
(419) Aux Pays-Bas, il faut évidemment renvoyer à Inzake Opsporing, o.c. , 358 p.
(420) Audition du colonel Willy Bruggeman, coordinateur adjoint à Europol, 27 juin 1997 p.m., p. 45/16-17; audition de membres du Bureau central de recherches de la gendarmerie, 26 juin 1998, a.m., p. 92/4. Le rapport annuel Crime organisé 1995 de la gendarmerie mentionne toutefois un certain nombre de secteurs dans lesquels des organisations criminelles se servent de structures commerciales. Le rapport annuel Crime organisé en Belgique 1996 du ministre de la Justice (p. 75) indique à nouveau un certain nombre de secteurs et fait état de la nécessité de créer un groupe de projet pluridisciplinaire qui pourrait sélectionner et examiner une série de secteurs. Le rapport annuel Crime organisé en Belgique en 1997 confirme la vulnérabilité des secteurs déjà détectés précédemment comme tels (p. 25) et insiste une nouvelle fois sur une radioscopie approfondie (p. 56). Il existe bien entendu des publications qui abordent des aspects partiels de cette problématique (voir par exemple Fijnaut, C., « De Italiaanse Mafia in België : een analyse van de zaak Bongiorno-Steinier » , in Liber Amicorum Jules D'Haenens, Gand, Mys & Breesch, 1993, 147-163, et Van Duyne, P.C., o.c. , 1995, pp. 110-116) ou qui se prononcent en termes très généraux (voir par exemple, récemment encore, Bottamedi, C., « Mannen van eer. De Mafia in België : inplanting en mogelijkheden tot aanpak » , Politeia, juin 1998, pp. 19-21).
(421) Inzake Opsporing, o.c. , p. 5.
(422) Delehertz, H. et Overcast, T.D., The Business of Organized Crime. An Assessment of Organized Crime Business-Type Activities and Their Implications for law Enforcement, Loomis, Palmer Press.
(423) Inzake Opsporing, o.c. , pp. 5-6.
(424) Rapport annuel de la gendarmerie sur la criminalité organisée 1995, p. 32.
(425) Rapport annuel 1997 sur la criminalité organisée en Belgique en 1996, ministre de la Justice, p. 92.
(426) Rapport annuel 1998 sur la criminalité organisée en Belgique en 1997, p. 34.
(427) Rapport annuel 1997 sur la criminalité organisée en Belgique en 1996, pp. 9 et 40.
(428) Rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997, pp. 9-16.
(429) Rapport annuel 1998 sur le crime organisé en Belgique en 1997, p. 89.
(430) Audition de membres du BCR (gendarmerie), 26 juin 1998 a.m. C'est ainsi que le major B. Frans a déclaré que jusqu'à présent, aucune enquête scientifique n'a été menée en Belgique pour donner une représentation globale d'un secteur à risques.(...) Il est toutefois prématuré de prétendre aujourd'hui que l'information récoltée nous donne un aperçu des secteurs touchés par la criminalité organisée (pp. 92/4 et 6).
(431) Doc. Sénat, 1995-1996, nº 1-326/6.
(432) Lettre de M. G. Ravoet, directeur général, du 28 mai 1997.
(433) Lettre de M. Baecker, administrateur délégué, 13 juin 1997.
(434) Lettre du président de l'ABAM du 29 mai 1997.
(435) Lettre du vice-président de l'ABMB du 3 juillet 1997.
(436) Lettre du président de la BAF du 12 mai 1997.
(437) Lettre de M. Y. De Clercq, président, du 8 août 1997.
(438) Lettre de M. R. De Muelenaere, administrateur délégué, du 7 juillet 1997.
(439) Lettre de M. Fr. Boogaerts, directeur, du 1er juillet 1997.
(440) Lettre de G. Lang, président, 14 mai 1997.
(441) Lettre de M. F. Lambrechts, président, 25 juin 1997.
(442) Lettre du 6 mai 1997 de M. R. Ansoms, directeur général.
(443) Lettre de M. Heymans, directeur, du 24 juin 1997.
(1) Notamment The Guardian du 8 août 1998, The Sunday Telegraph du 6 septembre 1992, Le Monde des 7 février 1995 et 19 septembre 1997, Der Spiegel du 4 août 1997 et en Belgique : Trends des 20 février, 6 novembre et 11 décembre 1997; De Standaard du 15 octobre 1998 et surtout le livre de Chris De Stroop intitulé Ik ben makelaar in hasj, Bruxelles, 1998.
(2) Financieel Ekonomische Tijd du 26 novembre 1997.
(3) De Morgen du 26 novembre 1997; De Financieel Ekonomische Tijd du 26 novembre 1997.
(4) Déclaration de M. Katz, trésorier du Hoge Raad, audition du 27 mars 1998 (doc. 75/7).
(5) Mémorandum du Hoge Raad voor Diamant, mai 1998, p. 3.
(6) Déclaration de M. Denckens, président du Hoge Raad voor Diamant, audition du 3 juillet 1998 (doc. nº 94/4).
(7) Déclaration de M. Kausse, commissaire principal à l'Administration de la Sûreté de l'État, audition du 27 mars 1998 (doc. nº 76/13).
(8) Déclaration de M. B. Van Lijsebeth, audition du 17 décembre 1996 (doc. nº 16/12).
(9) Déclaration de T. Debacker, capitaine-commandant de la gendarmerie à Anvers, audition du 1er octobre 1998 (doc. 101/12).
(10) Trends online du 7 octobre 1998.
(11) « Déclaration du premier substitut Verhelst, audition du 1er octobre 1998 (doc. 102/18).
(12) Le Soir du 13 janvier 1996.
(13) Déclaration de M. J. Kausse, commissaire principal à l'Administration de la Sûreté de l'État, audition du 27 mars 1998 (doc. 76/11 et 15).
(14) Trends online du 7 octobre 1998.
(15) Déclaration de M. Kausse, commissaire principal à l'Administration de la Sûreté de l'État, audition du 27 mars 1998 (doc. 76/19).
(16) Déclaration du major Frans (CBO), audition du 26 juin 1998.
(17) Le Soir des 17 mai et 31 août 1996.
(18) Déclaration du commissaire de la police judiciaire F. Van Saelen, audition du 1er octobre 1998 (doc. 102/12).
(19) Le Soir du 29 octobre 1997.
(20) Déclaration de M. Debacker, capitaine-commandant de la gendarmerie à Anvers, audition du 1er octobre 1998 (doc. 101/7).
(21) Gazet van Antwerpen du 26 septembre 1998.
(22) Déclaration de l'avocat général Y. Liégeois, audition du 20 mars 1998 (doc. 74/9).
(23) Moniteur belge du 28 mai 1991.
(24) Lettre de la Régie des Voies aériennes du 14 mai 1998.
(25) Déclaration du commissaire de la police judiciaire G. Janssens, audition du 1er octobre 1998 (doc. 102/26).
(26) Lettre de la Régie des Voies aériennes du 14 mai 1998.
(27) Déclaration de M. Bornstein, vice-président du Hoge Raad, du 27 mars 1998 (doc. 75/19).
(28) Déclaration de M. Denckens, président du Hoge Raad voor Diamant, audition du 3 juillet 1998 (doc. 94/2).
(29) Arrêt de la 6e Chambre de la cour d'appel d'Anvers, 20 février 1996, dans l'affaire SA Antwerpse Diamantbank contre Bulwijk. Un pourvoi en cassation a été introduit contre cet arrêt, mais la Cour de cassation ne s'est pas encore prononcée.
(30) Audition du 27 mars 1998 (St. 76/2). La police judiciaire estime qu'une importante partie des diamants traités à Anvers a été importée illégalement. [(Déclaration du commissaire de la police judiciaire G. Janssens, audition du 1er octobre 1998 (doc. 102/25)].
(31) Déclaration de M. Denckens, audition du 3 juillet 1998 (doc. 94/9).
(32) Déclaration de M. Bernstein, audition du 27 mars 1998 (doc. 75/14).
(33) Financial Times du 12 avril 1996; Trends-Tendances du 6 novembre 1997.
(34) Déclaration de Mme Chr. Dekkers, procureur général d'Anvers, audition du 20 mars 1998 (doc. 74/6).
(35) Financial Times du 14 mars 1997
(36) Déclaration de M. T. Debacker, capitaine-commandant de la gendarmerie à Anvers, audition du 1er octobre 1998 (doc. 101/3-4).
(37) Déclaration de M. Liégeois, avocat général, audition du 20 mars 1998 (doc. 74/10).
(38) Sous le régime de Mobutu, des armes et des camions ont été achetés avec le produit de la vente de diamants à Anvers (Déclaration de M. J. Kausse, commissaire principal auprès de l'administration de la Sûreté de l'État, audition du 27 mars 1998 (doc. 76/4). En Angola, le mouvement Unita a également commercialisé des diamants pour pouvoir acheter des armes (Déclaration de M. R. Libert, conseiller adjoint auprès de l'administration de la Sûreté de l'État, audition du 27 mars 1998 (doc. 76/21). Voir aussi Le Monde du 21 mai 1997.
(39) Déclaration de M. Liégeois, audition du 20 mars 1998 (doc. 74/11).
(40) Déclaration du procureur général Dekkers, audition du 20 mars 1998 (doc. 74/13).
(41) Antwerp Facts , mars 1998, 14.
(42) Déclaration de M. Liégeois, idem (doc. 74/18); déclaration de M. Kausse, audition du 27 mars 1998 (doc. 76/19).
(43) Gazet van Antwerpen du 19 mars 1998; De Morgen du 19 mars 1998; De Financieel Ekonomische Tijd du 19 mars 1998.
(44) Déclaration du procureur général Dekkers (doc. 74/15).
(45) Déclarations de M. Liégeois, idem (doc. 74/18) et de M. Van Lijsebeth (doc. 16/17).
(46) Déclaration du procureur général Dekkers (doc. 74/20).
(47) Déclaration du procureur général Dekkers (doc. 74/23).
(48) Déclaration du procureur général Chr. Dekkers, audition du 20 mars 1998 (doc. 74/23). Déclaration de M. Lijsebeth, audition du 27 mars 1998 (doc. 76/24).
(49) Déclaration de M. Kausse, commissaire principal de l'administration de la Sûreté de l'État, audition du 27 mars 1998 (doc. 76/4).
(50) Déclaration de M. Hausse, audition du 27 mars 1998 (doc. 76/7 et St. 76/9).
(51) Déclaration du major B. Frans, membre du BCR, audition du 26 juin 1998 (doc. 93/10). Déclaration de M. Hausse, audition du 27 mars 1998 (doc. 76/11).
(52) Déclaration de M. Hausse, audition du 27 mars 1998 (doc. 76/13). Déclaration du major Frans, audition du 26 juin 1998 (doc. 93/14).
(53) Déclaration de M. Hausse, audition du 27 mars 1998 (doc. 76/19).
(54) Déclaration de M. Hausse, audition du 27 mars 1998 (doc. 76/20).
(55) Déclaration de la bourgmestre Detiège, audition du 7 février 1997 (doc. 21/14).
(56) Le Soir du 3 septembre 1996.
(57) Déclaration de M. Van Lijsebeth, audition du 27 mars 1998 (doc. 76/24).
(58) Idem (doc. 76/23). Déclaration du major Frans, audition du 26 juin 1998 (doc. 92/2). Déclaration du capitaine De Bie, audition du 26 juin 1998, (doc. 92/15).
(59) Déclaration du capitaine-commandant T. Debacker, audition du 1er octobre 1998 (doc. 101/24).
(60) Déclaration du capitaine-commandant T. Debacker (doc. 101/11).
(61) Déclaration du capitaine-commandant T. Debacker, audition du 1er octobre 1998 (doc. 101/3).
(62) Déclaration du major Frans, audition du 26 juin 1998 (doc. 93/16).
(63) Déclaration du capitaine De Bie, audition du 26 juin 1998 (doc. 93/19).
(64) Déclaration du major Decraene, audition du 26 juin 1998 (doc. 93/20).
(65) Déclaration du capitaine De Bie, audition du 26 juin 1998 (doc. 93/22).
(66) Déclaration du capitaine-commandant T. Debacker, audition du 1er octobre 1996 (doc. 101/10).
(67) Audition du 1 octobre 1998 (doc. 102/5).
(68) Déclaration du commissaire de la police judiciaire G. Janssens, audition du 1er octobre 1998 (doc. 102/9).
(69) Déclaration du capitaine De Bie, audition du 20 juin 1998 (doc. 93/22).
(70) Déclaration de M. Verhelst, premier substitut du procureur du Roi, audition du 1 octobre 1998 (doc. 102/5).
(71) Déclaration du lieutenant Smets, membre du BCR, audition du 3 juillet 1998 (doc. 95/8).
(72) Déclaration du lieutenant-colonel J. Allaert, audition du 3 juillet 1998 (doc. 95/4).
(73) Le Soir du 10 avril 1997.
(74) Déclaration du premier substitut Verhelst, audition du 1er octobre 1998 (doc. 102/16).
(75) Déclaration du lieutenant-colonel J. Allaert, audition du 3 juillet 1998 (doc. 95/7).
(76) L'audition de M. Schewebach, directeur général de l'Office des étrangers, a révélé que les permis de séjour sont délivrés en fait sans aucun contrôle sérieux.
(77) Déclaration du lieutenant-colonel J. Allaert, audition du 3 juillet 1998 (doc. 95/13).
(78) Audition du 1er octobre 1998 (doc. 102/21)
(79) Déclaration de M. Denckens, président du Hoge Raad voor Diamant, audition du 3 juillet 1998 (doc. 94/17). Déclaration de M. Bornstein, vice-président du Hoge Raad, audition du 27 mars 1998 (doc. 75/22).
(80) Déclaration du procureur-général Chr. Dekkers, audition du 20 mars 1998 (doc. 74/13).
(81) Le Soir du 13 janvier 1996.
(82) Déclaration du commissaire en chef Dyck, audition du 7 février 1997 (doc. 21/37).
(83) Déclaration du commissaire de la police judiciaire F. Van Saelen, audition du 1er octobre 1998 (doc. 102/8).
(84) Der Spiegel du 4 août 1997.
(85) Le journal Le Monde et la revue Der Spiegel ont décrit en détail les irrégularités. Ces informations ont été reprises par de nombreux autres journaux sans donner toujours pour autant une image exacte du secteur du diamant.
(86) Le Soir du 4 mai 1996; R. Lesnik, L'empire de toutes les mafias, éd. Presses de la Cité, 1996, p. 104.
(87) Déclaration du lieutenant-colonel J. Allaert, audition du 3 juillet 1998 (doc. 95/13).
(88) Déclaration du lieutenant-colonel J. Allaert (doc. 95/12). Déclaration de M. Schewebach, audition du 5 juin 1998 (doc. 85/12).
(89) Déclaration de M. Kausse, audition du 27 mars 1998 (doc. 76/27).
(90) Audition du 1er octobre 1998 (doc. 101/20).
(91) Audition du 7 février 1997 (doc. 21/37).
(92) Audition du 1er octobre 1998 (doc. 102/34).
(93) Fiscale inlichtingen- en opsporingsdienst du ministère néerlandais des Finances.
(94) Lettre de Mme Dekkers, procureur général d'Anvers, du 28 septembre 1998.
(95) BHTK 1989-1990, 21 504, nº 3, MvT, p. 38.
(96) Ontneming van voordeel in het strafrecht , p. 155-156 (Deventer, Gouda Quint, 1997).
(97) Gazet van Antwerpen du 28 octobre 1998.
(98) Voir à ce propos « L'impact de la lutte contre la criminalité organisée, entre autres par l'utilisation de techniques spéciales d'enquête, sur l'organisation des services de police et du ministère public », Deuxième rapport intermédiaire fait par MM. Coveliers et Desmedt au nom de la Commission parlementaire chargée d'enquêter sur la criminalité organisée en Belgique, session 1997-1998, doc. Sénat nº 1-326/8, p. 4.
(99) Toutes les informations et chiffres exposés ci-après résultent des auditions auxquelles la Commission a procédé.
(100) Les dispositions légales applicables en la matière sond les suivants :
la directive 92/81/CEE du Conseil du 19 octobre 1992 concernant l'harmonisation de la structure des droits d'accises sur les huiles minérales (Journal officiel , nº L 316 du 31 octobre 1992);
la directive 92/82/CEE du Conseil du 19 octobre 1992 concernant le rapprochement des taux d'accises sur les huiles minérales (Journal officiel , nº L 316 du 31 octobre 1992);
la directive 94/74/CE du Conseil du 22 décembre 1994 modifiant la directive 92/12/CEE, la directive 92/81/CEE et la directive 92/82/CEE (Journal officiel , nº L 365 du 31 décembre 1994);
la directive 95/60/CE du Conseil du 27 novembre 1995 concernant le marquage fiscal du gazole et du pétrole lampant (Journal officiel , nº L 291 du 6 décembre 1995);
la décision 97/425/CE du Conseil du 30 juin 1997 autorisant les États membres à appliquer ou à continuer à appliquer à certaines huiles minérales utilisées à des fins spécifiques les réductions de taux d'accise ou les exonérations d'accises existantes, conformément à la procédure de la directive 92/81/CEE (Journal officiel , nº L 182 du 10 juillet 1997) [Cette décision abroge les décisions du 19 octobre 1992 (nº 92/510/CEE), du 13 décembre 1993 (nº 93/697/CE), du 22 décembre 1995 (nº 95/585/CE), du 22 avril 1996 (nº 96/273/CE), et du 17 février 1997 (nº 97/136/CE)];
la loi du 22 octobre 1997 relative à la structure et aux taux des droits d'accise sur les huiles minérales (Moniteur belge du 20 novembre 1997) (Cette loi confirme l'arrêté royal du 29 décembre 1992 concernant la structure et les taux des droits d'accise sur les huiles minérales, modifié par les arrêtés royaux des 29 décembre 1992, 27 août 1993, 26 novembre 1993, 21 décembre 1993, 30 mai 1994, 23 décembre 1994, 30 juin 1995, 16 octobre 1995, 22 décembre 1995, et 27 septembre 1996);
l'arrêté royal du 8 février 1995 fixant les modalités de fonctionnement du Fond d'analyse des produits pétroliers (Moniteur belge du 16 mars 1995);
(Suite101 note page précédente)
l'arrêté royal du 15 janvier 1997 modifiant l'arrêté royal du 8 février 1995 fixant les modalités de fonctionnement du Fond d'analyse des produits pétroliers (Moniteur belge du 21 mars 1997);
l'arrêté ministériel du 28 décembre 1993 relatif au régime d'accise des huiles minérales (Moniteur belge du 7 janvier 1994);
l'arrêté ministériel du 18 mars 1994 réglant l'exécution de l'arrêté royal du 21 décembre 1993 concernant le régime d'accise des huiles minérales (Moniteur belge du 25 mars 1994);
l'arrêté ministériel du 12 septembre 1996 modifiant l'arrêté ministériel du 28 décembre 1993 relatif au régime d'accise des huiles minérales (Moniteur belge du 20 septembre 1996);
l'arrêté ministériel du 24 décembre 1996 modifiant l'arrêté ministériel du 28 décembre 1993 relatif au régime d'accise des huiles minérales (Moniteur belge du 31 décembre 1996).
(1)102 De même certains produits pétroliers peuvent-ils être mis à la consommation en exemption de droits ou avec de fortes réductions de droits lorsqu'ils sont utilisés par exemple dans l'agriculture ou dans l'industrie.
(103) Les dispositions légales applicables en la matière sont les suivantes :
la directive 92/12/CEE du Conseil du 25 février 1992 relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise (Journal officiel , nº L 76 du 23 mars 1992);
la directive 92/108/CEE du Conseil du 14 décembre 1992 modifiant la directive 92/12/CEE et la directive 92/81/CEE (Journal officiel , nº L 390 du 31 décembre 1992);
la directive 94/74/CE du Conseil du 22 décembre 1994 modifiant la directive 92/12/CEE, la directive 92/81/CEE et la directive 92/82/CEE (Journal officiel , nº L 365 du 31 décembre 1994);
la directive 96/99/CE du Conseil du 30 décembre 1996 modifiant la directive 92/12/CEE relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise (Journal officiel , nº L 8 du 11 janvier 1997);
la loi du 10 juin 1997 relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise (Moniteur belge du 1er août 1997);
l'arrêté royal du 11 octobre 1997 concernant les accises (Moniteur belge du 30 octobre 1997);
l'arrêté ministériel du 23 décembre 1993 relatif au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accises (Moniteur belge du 7 janvier 1994);
l'arrêté ministériel du 5 mars 1996 modifiant l'arrêté ministériel du 23 décembre 1993 relatif au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise (Moniteur belge du 19 mars 1996);
l'arrêté ministériel du 29 décembre 1992 accordant des délais pour le paiement de l'accise (Moniteur belge du 31 décembre 1992);
l'arrêté ministériel du 5 avril 1995 relatif aux conditions de reconnaissance en qualité d'entrepositaire agréé (Moniteur belge du 20 avril 1995).
En dehors des dispositions communautaires qui doivent faire l'objet d'une transposition en droit national, la Commission européenne a adopté trois règlements européens qui sont directement applicables dans chaque État membre :
le règlement (CEE) nº 2719/92 de la Commission du 11 septembre 1992 relatif au document administratif d'accompagnement lors de la circulation en régime de suspension des produits soumis à accises (Journal officiel , nº L 276 du 19 septembre 1992), modifié par le règlement (CEE) nº 2225/93 de la Commission du 27 juillet 1993;
le règlement (CEE) nº 3649/92 de la Commission du 17 décembre 1992 relatif au document simplifié pour la circulation intra-communautaire de produits soumis à accises, qui ont été mis à la consommation dans l'État membre de départ (Journal officiel , nº L 369 du 18 décembre 1992);
le règlement (CE) nº 31/96 de la Commission du 10 janvier 1996 relatif au certificat d'exonération des droits d'accise (Journal officiel, nº L 8 du 11 janvier 1996).
(104) On peut définir l'entrepôt fiscal comme étant tout lieu où des produits d'accises sont fabriqués, entreposés, détenus, reçus ou expédiés par l'« entrepositaire agréé » dans l'exercice de sa profession en suspension de l'accise, aux conditions fixées par le ministère des Finances. L'« entrepositaire agréé » est une personne physique ou morale qui, conformément aux dispositions de la loi du 10 juin 1997, est autorisée, dans l'exercice de sa profession, à fabriquer, transformer, détenir, recevoir et expédier des produits d'accises en suspension de l'accise en entrepôt fiscal. L'agréation est délivrée par le ministère des Finances.
(105) Voir notamment De Standaard du 23 octobre 1997 « Abnormaal goedkope diesel wekt aandacht van fiscus »; Het Nieuwsblad du 23 octobre 1997 « Hier is internationale maffia aan het werk »; Het Volk du 24 octobre 1997 « Brandstoffenhandel klaagt fraude aan »; Het Nieuwsblad du 20 juin 1997 « Miljoenenboete voor brandstofenfraude » ...
(106) Contrairement à ce que prévoit la réglementation en la matière, on constate que l'octroi de l'agréation n'est bien souvent plus subordonné à l'exigence d'un stockage minimal.
(107) La possibilité de procéder à l'adjonction manuelle de colorant devrait en outre être supprimée; en effet, le contrôle de cette pratique n'est pas très efficace notamment, mais pas uniquement, en raison d'un manque de personnel.
(108) Plan d'action du gouvernement pour lutter contre la délinquance économique et financière établi par le ministre de la Justice le 18 juillet 1997, spec. pp. 19 à 21.
(109) Programme d'action relatif à la criminalité organisée, mis au point par le High Level Group, recommandation.
(110) Programme d'action relatif à la criminalité organisée, mis au point par le High Level Group, Partie II, Orientations politiques, nº 8 (11), et Partie III, Programme d'action détaillé, chapitre VI, Criminalité organisée et argent, recommandation 26, b).
(111) Lutte contre la fraude, Programme de travail 1997-1998, présenté par la Commission des Communautés européennes, le 6 mai 1997, spéc. 4 et 5.
(112) Voir par exemple Vandemeulebroucke, J., De Hormonenmaffia, Hadewijch, Antwerpen, 1993, 173 p.; Keysers, P., Moord op een veearts. Het testament van Karel Van Noppen, Antwerpen, Icarus, 1996, 124 p. en Vandemeulebroucke, J. en Staes, B., Het vlees is zwak, Antwerpen, Hadewijch, 1996, 247 p.
(113) Voir par exemple De Coninck, D., « Milliardenzwendel met ingewanden. Zaak West-Vlaamse vleesbende heeft raakpunten met IVK-intimidaties en onderzoek moord Van Noppen », De Morgen du 23 février 1996; Ilegems, D. et Sauwiller, R., « Het Vlaamse misdaadsyndicaat. Ene met hesp en ene met lood » Humo du 12 mars 1996; Sauviller, R. et Ilegems, D., « SOS Noodslachtingen. Allemaal rottigheid, allemaal ellende », Humo du 9 avril 1996; Vandemeulebroucke, J. et Staes, B., o.c. , p. 112-133; Vermeersch, P., Stroman van de vleesmaffia, Leuven, Van Halewyck, 96 p.; Vermeersch, P., « Op bezoek bij Jean-Marie Henauw, stroman van de vleesmaffia. En toch was het een wreed schoon systeem » De Morgen du 4 mars 1996; Vermeersch, P., « Leven en lijden van een spijtoptant », De Morgen du 16 mars 1996.
(114) Chiffres communiqués par l'Institut d'expertise vétérinaire (IEV).
(115) Chiffres en provenance du ministère des Classes moyennes et de l'Agriculture DG 6 et communiqués par la Fédération nationale des abattoirs et des ateliers de découpe. Dans une lettre adressée à la commission d'enquête du 26 mai 1997, cette organisation professionnelle déclare qu'« elle représente des abattoirs (porcs, bovidés, veaux, moutons et ateliers de découpe) et que les abattoirs affiliés prennent globalement à leur compte 75 % du nombre d'abattages en Belgique. Dans le secteur de la viande, les abattoirs occupent une position stratégique, puisqu'ils constituent le « goulet d'étranglement » entre le stade de production (élevage et commerce d'animaux vivants) et le stade de la commercialisation (ateliers de découpe et commerce de gros, distribution avec, entre autres, les boucheries). L'intégration (production et abattoir-découpe de viande) est très limitée (environ 20 %), sauf dans le secteur des veaux) environ 98 %). Des ateliers de découpe sont attachés à la plupart des abattoirs ».
(116) C. Decoster, fonctionnaire dirigeant à l'IEV, audition, 12 juin 1998 a.m., p. 87/16. Voir également M. Timperman, avocat général, magistrat d'assistance pour ce qui est de la problématique des hormones, audition, 5 juin 1998 p.m., p. 86/2-3.
(117) Timperman, M., Over de bestrijding van hormonencriminaliteit : een stand van zaken (of hoe Assepoester het glazen muiltje paste maar toch blootsvoets liep), discours prononcé lors de la séance de rentrée oficielle de la cour d'appel de Gand le 1er septembre 1998, p. 1.
(118) En 1981, les instances européennes ont adopté une règlementation interdisant d'administrer des DES, des anti-hormones ainsi que certaines hormones sexuelles à des fins d'engraissement (Directive 88/146/EEG du 7 mars 1988 interdisant l'utilisation de certaines substances à effet hormonal dans les spéculations animales Journal officiel des Communautés européennes, L 70, 16 mars 1988. Voir concernant les aspects procéduraux y afférents Vandemeulebroucke, J., o.c., p. 57.). L'on a instauré, depuis le 1er janvier 1988, en Europe, de manière non absolue, en application de plusieurs directives, une interdiction de principe d'utiliser des boissons à des fins d'engraissement (Directive 81/602/CEE du Conseil du 31 juillet 1981 concernant l'interdiction de certaines substances à effet hormonal et des substances à effet thyréostatique, Journal Officiel des Communautés européennes, L 222, 7 août 1981. Voir sur le genèse de cette directive, Vandemeulebroucke, I., o.c. pp; 52-57).
(119) Loi du 15 juillet 1985 relative à l'utilisation de substances à effet hormonal, à effet anti-hormonal, à effet beta-adrénergique ou à effet stimulateur de production chez les animaux, Moniteur belge du 4 septembre 1985, errata 16 janvier 1986 et 13 mars 1986. Il y avait déjà eu précédemment l'arrêté royal du 12 avril 1974 relatif à certaines opérations concernant les substances à action hormonale, anti-hormonale, anabolisante, anti-infectieuse, antiparasitaire et anti-inflammatoire, pris en exécution de l'article 2.2º de la loi du 24 février 1921 concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, désinfectantes ou antiseptiques.
(120) Arrêté royal du 17 février 1992 modifiant la loi du 15 juillet 1985 relative à l'utilisation de substances à effet hormonal ou à effet anti-hormonal chez les animaux, Moniteur belge du 11 avril 1992.
(121) Loi du 6 août 1993 modifiant la loi du 15 juillet 1985 relative à l'utilisation de substances à effet hormonal ou à effet anti-hormonal chez les animaux, Moniteur belge du 28 septembre 1993.
(122) Loi du 11 juillet 1994 modifiant la loi du 5 juillet 1985 relative à l'utilisation de substances à effet hormonal ou à effet anti-hormonal chez les animaux.
(123) Loi du 17 mars 1997 modifiant la loi du 15 juillet 1985 relative à l'utilisation de substances à effet hormonal, à effet anti-hormonal, à effet beta-adrénergique ou à effet stimulateur de production chez les animaux, Moniteur belge du 15 août 1977.
(124) L'éventail des instruments législatifs dont on dispose dans le cadre de la lutte contre la délinquance liée aux hormones ne se limite toutefois pas à cette réglementation. Le problème fondamental, c'est que les divers textes réglementaires constituant la législation relative aux hormones coexistent sans avoir été (suffisamment) harmonisés.
(125) Arrêté royal du 8 septembre 1997 relatif aux mesures en matière de commercialisation des animaux d'exploitation en ce qui concerne certaines substances ou résidus de substances pharmacologiquement actives, Moniteur belge du 7 octobre 1997 et arrêté ministériel du 10 septembre 1997 portant exécution de l'arrêté royal relatif aux mesures en matières de commercialisation des animaux d'exploitation en ce qui concerne certaines substances ou résidus de substances pharmacologiquement actives, Moniteur belge du 10 octobre 1997.
(126) M. Timperman, avocat général, audition, 5 juin, p.m., pp. 86/23-24. Voir également l'allocution qu'il a prononcée lors de la mercuriale de la cour d'appel de Gand, le 1er septembre 1998, p. 15.
(127) Malysse, « Rijkswachtteam tegen hormonenzwendel » , Revue van de Rijkswacht, octobre 1992, p. 20.
(128) Voir à ce propos Vandemeulebroucke, J. et Staes, B., o.c., pp. 91-92.
(129) Selon certains, cette cellule interdépartementale était peu efficace au départ et s'est à peine réunie au cours du deuxième semestre de 1994 (Vandenmeulebroucke, J. et Staes, B., o.c., p. 94.) Le magistrat d'assistance Timperman estime que la cellule, mène une vie fictive (Timperman, M., o.c., p. 7). Pour un aperçu des missions de cette cellule, voir Cellule multidisciplinaire hormones, Rapport annuel 1997, p. 12.
(130) Cellule multidisciplinaire Hormones, rapport annuel 1997, p. 12.
(131) Timperman, M., Over de bestrijding van hormonencriminaliteit: een stand van zaken (of hoe Assepoester het glazen muiltje paste maar toch blootsvoets liep), allocution prononcée lors de la mercuriale de la cour d'appel de Gand, le 1er septembre 1998, p. 5.
(132) Timperman, M., o.c., p. 5
(133) Cellule multidisciplinaire Hormones, rapport annuel 1997, p. 13.
(134) Pour des explications supplémentaires sur les activités de la Celllule hormones multidisciplinaire, le rôle que le magistrat d'assistance y joue, sa composition, la collaboration et les responsables des différents services concernés, voir Cellule multidisciplinaire Hormones, rapport annuel 1997, pp. 15-18.
(135) Timperman, M., o.c., p. 6.
(136) Cellule nationale Hormones, rapport annuel 1996, p. 27.
(137) Cellule multidisciplinaire Hormones, rapport annuel 1997, p. 45.
(138) Cellule multidisciplinaire Hormones, Rapport annuel 1997 , p. 10.
(139) Major D. Decraene (BCR), audition, 26 juin 1998 a.m., p. 92/22.
(140) Capitaine P. Boel (BCR), audition, 26 juin 1998, a.m., p. 92/23.
(141) Il s'agit de substances agissant sur les récepteurs bêta-adrénergine, à savoir les endroits du système nerveux autonome qui sont particulièrement sensibles à l'action des substances bêta-adrénergiques. Les conséquences sont fonction de la dose administrée. Si elle est élevée, elle aura un effet anabolisant (accumulation d'albumine), ce qui permet d'obtenir davantage de viande et moins de graisse. L'effet de ces substances est similaire à celui des hormones sexuelles.
(142) Lettre du 26 mai 1997 de la Fédération nationale des abattoirs et des ateliers de découpe.
(143) Cellule multidisciplinaire Hormones, Rapport annuel 1997 , p. 11.
(144) M. Timperman, avocat général, audition du 5 juin 1998, p.m., pp. 86/5 et 18-19.
(145) Major D.Decraene (BCR), audition, 26 juin 1998 p.m., p. 93/6.
(146) M. Timperman, avocat géneral, audition, 5 juin 1998 p.m., p. 86/8.
(147) Cellule multidisciplinaire Hormones, Rapport annuel 1997, p. 19.
(148) Cellule multidisciplinaire Hormones, Rapport annuel 1997, pp. 23-24.
(149) Cellule multidisciplinaire Hormones, Rapport annuel 1997, p. 18. En 1996 on a effectué des contrôles par coup de sonde dans 1 529 exploitations, qui se sont révélés positifs dans 22 cas (1,4 %) (Cellule nationale hormones, Rapport annuel 1996, p. 4).
(150) Cellule multidisciplinaire hormones, Rapport annuel 1997, p. 19. En 1996 on a prélevé 5 578 échantillons, dont 38 se sont avérés positifs (0,7 %) (Cellule nationale Hormones, Rapport annuel 1996, p. 4).
(151) Cellule multidisciplinaire Hormones, Rapport annuel 1997, p. 19. En 1996 on a soumis 249 exploitations à un contrôle orienté, dans 126 d'entre elles, on a trouvé des preuves matérielles (51 %) (Cellule nationale Hormones, Rapport annuel 1996, p. 5).
(152) Cellule multidisciplinaire Hormones, Rapport annuel 1997, p. 19.
(153) Cellule multidisciplinaire Hormones, Rapport annuel 1997, p. 21.
(154) Cellule nationale Hormones, Rapport annuel 1996, p. 6.
(155) Cellule nationale Hormones, Rapport annuel 1996, p. 22.
(156) Cellule multidisciplinaire Hormones, Rapport annuel 1997, p. 5.
(157) M. Timperman, avocat-général, audition 5 juin 1998 p.m., pp. 86/17 et 10.
(158) J.M. Dochy, détaché au cabinet du ministre des Classes Moyennes et de l'Agriculture, audition, 19 juin 1998 p.m., blz. 91/21.
(159) Timperman, M., Over de bestrijding van hormonencriminaliteit : een stand van zaken (of hoe Assepoester het glazen muiltje paste maar toch blootsvoets liep), Mercuriale de la session de la cour d'appel de Gand, le 1er septembre 1998, p. 11.
(160) M. Timperman, avocat général, audition du 5 juin 1998 p.-m., p. 86/14.
(161) Voir la citation du magistrat d'assistance M. Timperman.
(162) M. Timperman, avocat général, audition, 5 juin 1998 p.m., p. 86/18.
(163) M. Timperman, avocat général, audition, 5 juin 1998 p.m., p. 86/3-4; C. Decoster, fonctionnaire dirigeant de l'IEV, auditions, 12 juin 1998, a.m., pp. 87/7-8 et 19 juin 1998 a.m., p. 90/14; P. Vanthemsche, chef de cabinet du ministre des Classes moyennes et de l'Agriculture, audition, 19 juin 1998 p.m., pp. 91/15-16 et major D. Decraene (BCR), audition, 26 juin 1998 a.m., pp. 92/21-22. Le ministre de la Justice, M. Wathelet, a également affirmé, en 1995, qu'il y existait un lien entre la criminalité liée aux hormones et la criminalité organisée (Wathelet, M., « Réponse à l'interpellation du sénateur Loones relative à l'organisation judiciaire de la lutte contre la criminalité liée aux hormones », Sénat, Annales , 1er mars 1995, p. 1337).
(164) Pour plus de précisions sur ce terme, voir commission parlementaire chargée d'enquêter sur la criminalité organisée en Belgique. Premier rapport intermédiaire sur la notion de criminalité organisée, doc. Sénat, 1997-1998, nº 1-326/7, 26 et Vandemeulebroucke, J. et Staes, B., o.c. , nº 135.
(165) Major D. Decraene (BCR), audition, 26 juin 1998 a.m., p. 92/23.
(166) Major D. Decraene (BCR), audition, 26 juin 1998 a.m., pp. 92/25-26.
(167) Commission parlementaire chargée d'enquêter sur la criminalité organisée en Belgique. Premier rapport intermédiaire sur la notion de criminalité organisée, doc. Sénat, 1-326/7, 1997-1998, pp. 20-21.
(168) Ce terme ne vise pas nécessairement la corruption au sens pénal du terme, pas plus que la définition de BKA allemand. Il est question, dans la définition, d'« exercer une influence sur la vie politique, les médias, l'administration publique, la justice ou l'industrie » (Commission parlementaire chargée d'enquêter sur la criminalité organisée en Belgique. Premier rapport intermédiaire sur la notion de criminalité organisée, doc. Sénat, 1-326/7, 1997-1998, p. 21).
(169) M. Timperman, avocat général, audition, 5 juin 1998 p.m., p. 86/15.
(170) Cellule multidisciplinaire hormones, rapport annuel 1997, p. 30.
(171) Cellule multidisciplinaire hormones, rapport annuel 1996, pp. 12-13.
(172) À la question de savoir s'il est possible de mieux structurer la participation des entreprises et personnes sérieuses à la lutte des pouvoirs publics contre ces entreprises douteuses, l'asbl Nationaal Verbond van slachthuizen en vleesuitsnijderijen a répondu dans sa lettre du 26 mei 1997 que les entreprises qui disposent de ces informations ne sont pas enclines à en faire part par crainte de représailles.
(173) M. Timperman, magistrat d'assistance, audition, 5 juin 1998 p.m., p. 86/16.
(174) Le 28 septembre 1998 la 14e chambre correctionnelle du tribunal de première instance de Bruges a condamné les deux suspects dans cette affaire pour faits de corruption à une peine de prison effective de respectivement 6 mois et 3 mois et à une amende de respectivement 1 000 francs (× 100) et 500 francs (× 90). Les deux condamnés n'ont pas interjeté appel.
(175) C. Decoster, fonctionnaire dirigeant de l'IEV, audition, 19 juin 1997, a.m., pp. 90/6-7.
(176) M. Timperman, magistrat d'assistance, audition, 5 juin 1998, p.m., p. 86/29.
(177) Cf. la lettre de la Fédération nationale des abattoirs et des ateliers de découpe du 26 mai 1997.
(178) Le 15 octobre 1997, une sous-commission de la commission de la Chambre de la Santé publique, de l'Environnement et du renouveau social, a été chargée du suivi du problème de fraude en matière de viande. Cette sous-commission a entendu toute une série de responsables du secteur de la viande à propos du problème de la fraude en matière de viande. Le rapport de cette sous-commission n'est pas encore disponible.
(179) M. Timperman, magistrat d'assistance, audition, 5 juin 1998 p.m., pp. 86/2-3 et 14-15 et C. Decoster, fonctionnaire directeur de l'IEV, audition, 12 juin 1998, a.m., pp. 87/19-20.
(180) Timperman, M. et Carmeliet, J., Verslag aan de Ministerraad. Voorstellen inzake de preventie en bestrijding van de vleesfraude, 23 septembre 1997, p. 2.
(181) C. Decoster, audition, 12 juin 1998 a.m., p. 87/20.
(182) Le contrôle des flux financiers entre l'UE et la Belgique. Lutte contre la fraude européenne. Rapport fait au nom du comité d'avis chargé de questions européennes de la Chambre et du Sénat, doc. Chambre 1127/1, 96/97, Sénat nº 1-708/1, p. 49.
(183) Ibidem , p. 63.
(184) Pour une description des manquements, voir, entre autres, Vandemeulebroucke, J. et Staes, B., o.c., p. 122.
(185) Vandemeulebroucke, J. et Staes, B., o.c., p. 122.
(186) P. Vanthemsche, chef de cabinet du ministre des Classes moyennes et de l'Agriculture, audition, 19 juin 1998 a.m., pp. 91/2-7.
(187) Auditions : M. Timperman, magistrat d'appui, 5 juin 1998 p.m., pp. 86/3-4; C. Decoster, fonctionnaire dirigeants de l'IEV, 19 juin 1998 a.m., p. 90/14 et P. Vanthemsche, chef de cabinet du ministre des Classes moyennes et de l'Agriculture, 19 juin 1998 p.m., p. 91/15-16.
(188) Commission des Communautés européennes, Protection des intérêts financiers des communautés. Lutte contre la fraude. Rapport annuel 1997, 6 mai 1998, pp. 18-23.
(189) Commission des Communautés européennes, o.c. p. 18.
(190) Commission des Communautés européennes, o.c., p. 22.
(191) Per Brix Knudsen, directeur de l'UCLAF, audition du 6 juin 1997 p.m., pp. 42/10-11.
(192) C. Decoster, fonctionnaire dirigeant de l'IEV, audition du 12 juin 1998 a.m., p. 87/21.
(193) Le contrôle des flux financiers entre l'UE et la Belgique. Lutte contre la fraude européenne. Rapport fait au nom du comité d'avis chargé de questions européennes de la Chambre et du Sénat, doc. Chambre, nº 1127/1, 96/97, Sénat, nº 1-708/1, p. 60.
(194) Commission des Communautés européennes, Protection des intéréts financiers des communautés. Lutte contre la fraude. Rapport annuel 1997, 6 mai 1998, p. 23. D'après les statistiques globales de ce rapport (p. 58), la fraude agricole en Belgique ne représenterait que 1 672 000 écus comparé à un total de 164 490 000 écus pour l'ensemble de l'Union européenne. Il y a cependant des raisons de soupçonner que les chiffres sont plus élevées en réalité (P. Vanthemsche, chef de cabinet du ministre des Classes moyennes et de l'Agriculture, audition du 19 juin 1998 a.m., pp. 91/10-12).
(195) Commission des Communautés européennes, Protection des intéréts financiers des communautés. Lutte contre la fraude. Rapport annuel 1997, 6 mai 1998, p. 23. Il faut d'ailleurs signaler que le phénomène n'est pas limité aux affaires récentes qui ont été évoquées. Depuis quelque temps, la fraude belge dans le secteur de la viande apparaît aussi dans des enquêtes aux Pays-Bas. Voir à ce sujet Van Duyne, P.C., Kouwenberg, R.F. et Romeijn, G., o.c., pp. 98-100 et Van Duyne, P.C., o.c., pp. 117-122.
(196) « Dans une émission télévisée du 13 mai 1991, la journaliste Susan O'Keeffe affirmait que l'industrie irlandaise de la viande était totalement gangrénée par les situations intolérables et les fraudes qui affectaient la transformation et les exportations de viande. L'Irlande s'est finalement dotée d'une commission parlementaire d'enquête qui a été chargée pendant trois ans de vérifier toute une série de ces allégations. La Commission européenne a réclamé 4,5 milliards de francs à l'Irlande. Voir à ce propos Vandemeulebrouck, J. et Staes, B., o.c. , p. 121.
(197) Auditions : M. Timperman, 5 juin 1998 p.m., p. 86/8 et C. Decoster, 19 juin 1998 a.m., p. 90/14.
(198) P. Vanthemsche, directeur de cabinet du ministre des Classes moyennes et de l'Agriculture, audition, 19 juin 1998 p.m., p. 91/16.
(199) M. Timperman, magistrat d'appui, audition, 5 juin 1998 p.m., pp. 86/6, 14 en 15.
(1) Voir le rapport fait au nom de la commission d'enquête par M. Landuyt et Mme de T'Serclaes, doc. Chambre, 1996-1997, nº 713/6, pp.164-171 et 178-179.
(2) Voir, entre autres : Évaluation des services de police, fait au nom de la commission de l'Intérieur et des Affaires administratives par MM. Caluwé et Happart, doc. Sénat, 1996-1997, nºs 1-700/1-3; Commission pour une structure policière plus efficace, Rapport final, (rapport de la commission Huybrechts), Bruxelles, 1997, p. 116; enquête parlementaire sur les adaptations nécessaires en matière d'organisation et de fonctionnement de l'appareil policier et judiciaire, en fonction des difficultés surgies lors de l'enquête sur les « tueurs du Brabant », rapport fait au nom de la commission d'enquête par MM. Landuyt et Viseur, doc. Chambre, 1997-1998, nºs 573/10, 1995-1996, pp. 56-60, 74-76 et 83-85; Fijnaut, C., « Het fundament, een analyse van de regeringsnota van 7 oktober 1997 », Politeia, 1998, nº 3, pp. 12-17 et « Maar toch !, over de hervorming van het politiebestel », Vigiles-Tijdschrift voor Politierecht, 1998, pp. 1-3; Lybaert, D., « Er komt beweging in de hervorming van de politiediensten : een stand van zaken », Politeia, 1998, nº 3, pp. 6-11; Eliaerts, C., « Naar een (gewapende) vrede ?, de hervorming van het Belgisch politiewezen voor en na de zaak Dutroux », Justitiele verkenningen, Politie en Justitie in België, 1997, nº 8, pp. 120-135.
(3) L'impact de la lutte contre la criminalité organisée, entre autres par l'utilisation de techniques spéciales d'enquête, sur l'organisation des services de police et du ministère public, deuxième rapport intermédiaire fait par MM. Coveliers et Desmedt, doc. Sénat, nº 1-326/8, 1997-1998.
(4) Rapport intermédiaire, pp.9-10.
(5) Cf. la proposition de loi de M. Coveliers du 22 juin 1992, (doc. Chambre, session extraordinaire, nº 540/1, 1991-1992); plan d'action du gouvernement contre le crime organisé, 28 juin 1996, p. 9; Deuxième rapport intermédiaire.
(6) Deuxième rapport intermédiaire, p. 18.
(7) Deuxième rapport intermédiaire, p. 28.
(8) Deuxième rapport intermédiaire, pp. 30-40.
(9) Deuxième rapport intermédiaire, pp. 41-46
(10) Deuxième rapport intermédiaire, pp. 47-49.
(11) Deuxième rapport intermédiaire, p. 53.
(12) Deuxième rapport intermédiaire, pp. 53-54.
(13) Deuxième rapport intermédiaire, pp. 57-58.
(14) Deuxième rapport intermédiaire, pp. 64-70.
(15) Deuxième rapport intermédiaire, p. 71.
(16) Deuxième rapport intermédiaire, p. 72.
(17) Deuxième rapport intermédiaire, p. 73.
(18) Deuxième rapport intermédiaire, p. 75.
(19) Deuxième rapport intermédiaire, p. 77.
(20) Deuxième rapport intermédiaire, p. 80.
(21) Plan d'action du gouvernement contre le crime organisé, 18 juin 1996, pp. 8 et 9.
(22) Moniteur belge , 2 avril 1998, p. 10027.
(23) Deuxième rapport intermédiaire, p. 82.
(24) Deuxième rapport intermédiaire, p. 84.
(25) Deuxième rapport intermédiaire, pp. 87-88.
(26) Deuxième rapport intermédiaire, p. 89.
(27) Deuxième rapport intermédiaire, p. 91.
(28) Deuxième rapport intermédiaire, p. 92.
(29) Deuxième rapport intermédiaire, p. 98.
(30) Deuxième rapport intermédiaire, pp. 99-100.
(31) Deuxième rapport intermédiaire, p. 109.
(32) Deuxième rapport intermédiaire, p. 110.
(33) Deuxième rapport intermédiaire, p. 112.
(34) Deuxième rapport intermédiaire, p. 116.
(35) Deuxième rapport intermédiaire, pp. 118-119.
(36) Deuxième rapport intermédiaire, pp. 126-127.
(37) Deuxième rapport intermédiaire, p. 128.
(38) Deuxième rapport intermédiaire, pp. 129-136.
(39) Ch. De Valkeneer, Le droit de la police, De Boeck, 1991, p. 148 et suiv.; V. Dias Ferreira, Problèmes posés par la mise en oeuvre des opérations undercover dans le domaine de la lutte contre le trafic de stupéfiants, RDPC, 1996, p. 557.
(40) Ch. De Valkeneer, op. cit., p. 148 et 149.
(41) Approuvée par la loi du 18 mars 1993 (Moniteur belge du 15 octobre 1993), article 73.
(42) Convention de Vienne, approuvée par la loi belge du 5 août 1993 (Moniteur belge du 21 mars 1996) et ratifiée par la Belgique le 25 octobre 1995 (entrée en vigueur à l'égard de la Belgique le 23 janvier 1996), articles 1g) et 11.
(43) Voir encore en ce sens la déclaration des ministres de la Justice et de l'Intérieur de la Communauté européenne lors de leur réunion du 8 septembre 1994 à Berlin (Déclaration de Berlin sur une coopération renforcée dans la lutte contre la criminalité en matière de drogue et de crime organisé en Europe. Communiqué de presse, 9345/94, p. 3); voir encore la réunion de Trévi des ministres de la Justice et de l'Intérieur de la Communauté européenne, Programme d'action relatif au renforcement de la coopération en matière de police et de lutte contre le terrorisme et d'autres formes de criminalité organisée, Dublin, 14 et 15 juin 1990, communiqué de presse, § 3, point 3.5.
(44) Notons que si l'article 11 de la Convention de Vienne et l'article 73 de la Convention d'application de l'Accord de Schengen parlent de « livraisons surveillées », dans leur version en langue française, le texte néerlandais publié au Moniteur belge parle de « livraison contrôlée » (« gecontroleerde aflevering ») : voir à ce propos Ch. De Valkeneer, Les opérations sous couverture et la recherche proactive dans les instruments internationaux , dans La justice pénale et l'Europe, Bruxelles, Bruylant, 1996, pp. 359-372.
(45) Article 40. Cette observation pourra se poursuivre à la condition que la personne soit suspectée d'une infraction pouvant justifier une demande d'extradition, que l'autorisation de l'État sur le territoire duquel l'observation va se poursuivre ait été obtenue et que celle-ci se déroule dans le respect des règles en vigueur dans cet État. Cette disposition doit inciter les États membres à adopter une réglementation précise de cette technique puisque l'opération transfrontalière devra être menée dans le respect des règles en vigueur dans l'État où l'opération se poursuit. Elle contient, en outre, une indication visant à y inclure la recherche proactive. Voir en ce sens B. De Ruyver, G. Vermeulen et T. Vander Beken, Schengen and Undercover Policing Methods : Schould National Laws Follow Suit ? dans Undercover Policing and Accountability from an International Perspective, Ed. M. Den Boer, 1997, p. 143 et Vermeulen, G., Vander Beken, T., Zanders, P. et De Ruyver, B., Internationale samenwerking in strafzaken en rechtsbescherming , Bruxelles, Politeia, 1995, pp. 75-85.
(46) Projet de Convention de l'Union européenne sur l'assistance mutuelle entre les administrations douanières, Naples, II Titre IV : Special forms of cooperation , du 27 février 1996.
(47) Professeur P.J.P. Tak, De normering van bijzondere opsporingsmethoden in buitenlandse rechtsstelsels : een onderzoek naar de regeling en het gebruik van bijzondere opsporingsmethoden in de pro-actieve en re-actieve fase in Denemarken, Duitsland, Frankrijk, Italië en Noorwegen, ministerie van Justitie (Nederland), Directie Beleid, Sector onderzoek & analyse, 1996. Tel est encore le cas de l'ouvrage de Ch. Joubert et H. Bevers, Schengen Investigated, A Comparative Interpretation of the Schengen Provisions on International Police Cooperation in the Light of the European Convention on Human Rights, Kluwer Law international, 1996.
(48) Projet de loi modifiant la loi du 30 juin 1994 relative à la protection de la vie privée contre les écoutes, la prise de connaissance et l'enregistrement de communications et de télécommunications privées (doc. Chambre, 1996-1997, nºs 1075/1-14 et Annales des 9, 11 et 18 décembre 1997; doc. Sénat, 1997-1998, nºs 1-828/1-7 et Annales des 31 mars et 2 avril 1998). À cette dernière date, le projet de loi amendé par le Sénat a été renvoyé à la Chambre.
(49) M. Coveliers a repris cette circulaire dans sa proposition de la loi du 22 juin 1992 relative aux techniques particulières de recherche (doc. Chambre, SE 1991-1992, nº 540/1).
(50) Plan d'action du gouvernement contre le crime organisé, 28 juin 1996, p. 9.
(51) Circulaire du ministre de la Justice du 24 avril 1990 sur les techniques particulières de recherche pour combattre la criminalité grave ou organisée, telle que modifiée par la circulaire du 5 mars 1992; voir aussi article 31 de la proposition de loi relative aux techniques particulières de recherche, déposée par M. Coveliers, le 22 juin 1992, doc. Chambre, SE 1991-1992, nº 540/1.
(52) L'agent infiltrant travaille toujours sous couvert d'une fausse identité, mais il n'en va pas nécessairement de même pour le civil infiltrant (Opsporingsmethoden en opsporingsmiddelen . Voorlopige uitgangspunten van het (Nederlandse) college van procureurs-generaal met betrekking tot de inzet van (bijzondere) opsporingsmethoden en -middelen, Arnhem, décembre 1996, p. 14).
(53) L'agent infiltrant pénètre toujours le milieu tandis que le civil infiltrant peut le pénétrer ou déjà en faire partie (Opsporingsmethoden en opsporingsmiddelen, ibidem , p. 14).
(54) « Par « actes ad hoc », on entend les actes pertinents, à savoir ceux qui peuvent influencer le comportement criminel au sein du milieu. En effet, en substance, l'arrêt Tallon marque toujours la limite stricte entre ce qui est autorisé et ce qui ne l'est pas. Par la force des choses, il peut s'agir d'actes délictueux. En raison de l'importance de la recherche des faits en cause, l'on peut accepter pareils actes, si la perpétration de faits délictueux a un lien direct avec la mission de l'infiltrant » (traduction ) (ibidem , p. 14).
Le Hoge Raad néerlandais (Cour de cassation) a estimé, le 4 décembre 1979, dans l'arrêt Tallon, que l'infiltrant ne peut pas amener le suspect à commettre d'autres actes que ceux qu'il avait l'intention de commettre. L'affirmation selon laquelle si des fonctionnaires chargés de l'enquête, couverts par le ministère public, provoquent le fait poursuivi et participent à sa perpétration, l'action du ministère public n'est pas recevable, n'est pas, dans sa globalité, consacrée par le droit (NJ, 80356).
L'avocat général Leijten a fait valoir à ce sujet que si le ministère public n'a pas couvert les actes d'enquête et n'est donc pas « complice », il n'y a pas lieu de le sanctionner par une déclaration d'irrecevabilité.
La Cour de cassation de Belgique adopte le même point de vue (Cass., 5 février 1985, Pas. , 1985, I, nº 337, p. 690).
Le même principe s'applique en Allemagne : on distingue la « Beweiserhebungsverbot » de la « Beweiserwertungsverbot » (Roxin, Cl., Strafverfahrensrecht, 23e édition, Munchen, 1993, p. 156).
Voir également la proposition de loi néerlandaise modifiant le Code d'instruction criminelle en ce qui concerne le règlement de certaines compétences et modifiant d'autres dispositions (compétences spéciales d'enquête), doc. Tweede Kamer, 1996-1997, nºs 25403/1-8 et en particulier l'exposé des motifs, doc. nº 25403/3, p. 31.
(55) L'infiltration est dès lors autorisée également en matière de recherche proactive, telle qu'elle est définie aux Pays-Bas (Opsporingsmethoden en opsporingsmiddelen, op. cit. , pp. 13 et 15).
(56) Rapport annuel 1997, crime organisé 1996, p. 64.
(57) Opsporingsmethoden en opsporingsmiddelen, op. cit. , p. 15.
(58) « L'on risque fortement, en travaillant avec un infiltrant civil criminel, d'en arriver à ce que la procédure soit interrompue. L'on peut en général difficilement contrôler ses actes. Vu les agendas souvent doubles de ces personnes, l'on est confronté, plus particulièrement, au problème qu'il est difficile de contrôler si leurs actes satisfont au critère contenu dans l'arrêt Tallon » (Opsporingsmethoden en opsporingsmiddelen, op. cit. , p. 16). (Techniques et moyens de recherche). (Traduction.) En ce qui concerne le critère Tallon : voir note nº 3 en bas de la p. 14.
(59) Opsporingsmethoden en opsporingsmiddelen, op. cit , p. 15-16.
(60) Circulaire du ministre de la Justice du 24 avril 1990 sur les techniques particulières de recherche pour combattre la criminalité grave ou organisée, telle que modifiée par la circulaire du 5 mars 1992; voir aussi article 21 de la proposition de loi relative aux techniques particulières de recherche, déposée par M. Coveliers le 22 juin 1992, doc. Chambre, SE de 1991-1992, nº 540/1.
(61) Rapport annuel 1997, crime organisé 1996, p. 64.
(62) Appareils permettant de suivre très précisément les déplacements d'une personne.
(63) V. Dias Ferreira, op. cit., p. 559.
(64) Rapport annuel 1997, crime organisé 1996, p. 64.
(65) Ch. De Valkeneer, Limites et importance de la provocation en droit pénal , note sous Bruxelles 7 septembre 1994, Journal des procès , nº 268, 14 octobre 1994, p. 25.
(66) Circulaire du ministre de la Justice du 24 avril 1990 sur les techniques particulières de recherche pour combattre la criminalité grave ou organisée, telle que modifiée par la circulaire du 5 mars 1992; voir aussi l'article 26 de la proposition de loi relative aux techniques particulières de recherche, déposée par M. Coveliers le 22 juin 1992, Doc. Chambre, session extraordinaire de 1991-1992, nº 540/1.
(67) Ch. De Valkeneer, Les opérations sous couverture et la recherche proactive dans les instruments internationaux, op. cit. , p. 362; voir encore Ch. Joubert, Undercover policing. A comparative study, European Journal of Crime, Criminal Law and Criminal Justice, 1994-1, p. 20; Vermeulen, G., Vander Beken, T., Zanders, P. et De Ruyver, B., op. cit. , pp. 85-88.
(68) Ch. De Valkeneer, Les opérations sous couverture et la recherche proactive dans les instruments internationaux, op. cit., p. 362.
(69) Voir l'article 73 de la Convention d'application des Accords de Schengen du 19 juin 1990 :
« 1. Conformément à leur Constitution et à leur ordre juridique national, les parties contractantes s'engagent à prendre des mesures aux fins de permettre les livraisons surveillées dans le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes.
2. La décision de recourir à des livraisons surveillées sera prise dans chaque cas d'espèce sur la base d'une autorisation préalable de chaque partie contractante concernée.
3. Chaque partie contractante garde la direction et le contrôle de l'opération sur son territoire et est habilitée à intervenir. »
Notons que, si la version française du texte utilise le terme de « livraison surveillée », la version néerlandaise, qui semble refléter la volonté réelle des États contractants, parle de « gecontroleerde aflevering ». La circulaire interministérielle du 16 mars 1995 des ministres de la Justice et de l'Intérieur sur l'incidence de la Convention de Schengen en matière de contrôle frontalier et de coopération policière et judiciaire (Moniteur belge
du 28 mars 1995) utilise dans sa version française le terme de « livraison contrôlée » et dans sa version néerlandaise le terme correspondant de « gecontroleerde aflevering ». (Voir sur ce problème, Ch. De Valkeneer, Les opérations sous couverture et la recherche proactive dans les instruments internationaux,
dans La justice pénale et l'Europe,
Bruxelles, Bruylant, 1996, pp. 359-372).
Voir encore l'article 1, g)
et l'article 11 de la Convention de Vienne, approuvée par la loi belge du 5 août 1993 (Moniteur belge
du 21 mars 1996) et ratifiée par la Belgique le 25 octobre 1995 (entrée en vigueur à l'égard de la Belgique le 23 janvier 1996) :
Article 1, g)
: « L'expression « livraison surveillée » désigne les méthodes consistant à permettre le passage par le territoire d'un ou de plusieurs pays de stupéfiants ou de substances psychotropes, de substances inscrites au Tableau I ou II annexé à la présente Convention, ou de substances qui leurs sont substituées, expédiées illicitement ou suspectées de l'être, au su et sous le contrôle des autorités compétentes desdits pays, en vue d'identifier les personnes impliquées dans la commission des infractions établies conformément au paragraphe 1 de l'article 3 de la Convention. »
Article 11 : Livraisons surveillées :
« 1. Si les principes fondamentaux de leurs systèmes juridiques le permettent, les parties prennent les mesures nécessaires, compte tenu de leurs possibilités, pour permettre le recours approprié aux livraisons surveillées à l'échelon international, sur la base d'accords ou d'arrangements qu'elles auront conclus, en vue d'identifier les individus impliqués dans des infractions établies conformément au § 1 de l'article 3 et d'engager les poursuites à leur encontre.
2. La décision de recourir à des livraisons surveillées est prise dans chaque cas d'espèce et peut, le cas échéant, tenir compte d'arrangements et d'ententes financiers quant à l'exercice de leur compétence par les parties intéressées.
3. Les expéditions illicites dont il est convenu de surveiller la livraison peuvent, avec le consentement des parties intéressées, être interceptées et autorisées à poursuivre leur acheminement soit telles quelles, soit après que les stupéfiants ou leur substances psychotropes en aient été soustraits ou aient été remplacés en tout ou en partie par d'autres produits. »
(70) Rapport annuel 1997, crime organisé 1996, p. 64.
(71) Rapport annuel 1997, crime organisé 1996, p. 64.
(72) Rapport annuel 1997, crime organisé 1996, p. 71.
(73) Opsporingsmethoden en opsporingsmiddelen. Voorlopige uitgangspunten van het (Nederlandse) college van procureurs-generaal met betrekking tot de inzet van (bijzondere) opsporingsmethoden en -middelen, Arnhem, décembre 1996, p. 29.
(74) J.P. Doraene, directeur de l'OCDEFO, audition, 18 avril 1997-pm, p. 33/30.
(75) Circulaire du ministre de la Justice du 24 avril 1990 sur les techniques particulières de recherche pour combattre la criminalité grave ou organisée, telle que modifiée par la circulaire du 5 mars 1992; voir aussi article 35 de la proposition de loi relative aux techniques particulières de recherche, déposée par M. Coveliers le 22 juin 1992, doc. Chambre, session extraordinaire de 1991-1992, nº 540/1.
(76) Opsporingsmethoden en opsporingsmiddelen, op. cit. , p. 32.
(77) Qui permettent de surveiller très précisément les déplacements d'une personne.
(78) Mesure consistant à passer un endroit au peigne fin en vue de détecter la présence d'explosifs. Cette opération est effectuée à l'aide de chiens dressés spécialement et d'appareils capables de détecter armes et munitions.
(79) Escadron spécial d'intervention.
(80) Peloton d'observation, de surveillance et d'arrestation.
(81) Groupe de surveillance et d'observation.
(82) Regionaal observatieteam/team d'observation régional.
(83) Rapport annuel 1997, crime organisé 1996, p. 79.
(84) Peloton d'observation, de surveillance et d'arrestation.
(85) Groupe de surveillance et d'observation.
(86) Opsporingsmethoden en opsporingsmiddelen, op. cit ., p. 28.
(87) Ibidem , p. 28.
(88) Rapport de M. Erdman, doc. Sénat, nº 843-1, 1992-1993, exposé introductif du ministre de la Justice, pp. 8 et 10 et discussion générale, spéc. pp. 37 et 38.
(89) Rapport Erdman, p. 15.
(90) Rapport Erdman, p. 64.
(91) Rapport Erdman, p. 64.
(92) Rapport d'évaluation concernant la loi du 30 juin 1994 relative à la protection de la vie privée contre les écoutes, la prise de connaissance et l'enregistrement de communications et de télécommunications privées année 1996, établi par le Service de politique criminelle, le 3 novembre 1997, Doc. Chambre, 1996-1997, nº 1075-9, p. 56.
(93) « The use of audio equipment by law enforcement agencies can be for evidential purposes, under the same conditions as the interception of communications. » (Europol, Operational practices and techniques relating to drugs matters in the European Union, 12 août 1996, p. 13).
(94) Rapport annuel 1997, crime organisé 1996, p. 64.
(95) Les appareils Zoller et Malicieux permettent de connaître le nombre d'appels téléphoniques, l'heure et la durée des appels, ainsi que le numéro des abonnés qui appellent un numéro donné (Malicieux) et des abonnés que l'on appelle à partir de ce numéro (Zoller). Ils ne permettent cependant pas de connaître le contenu des conversations téléphoniques. Cette technique a été utilisée à 70 reprises en 1996, dans la lutte contre la criminalité organisée (Rapport annuel 1996, crime organisé, p. 64). Actuellement, l'on utilise l'appareil baptisé ELMI, qui combine les possibilités du Zoller et du Malicieux.
(96) Cette technique a été utilisée à 26 reprises en 1996, dans la lutte contre la criminalité organisée (Rapport annuel 1996, crime organisé, p. 64).
(97) Projet de loi modifiant la loi du 30 juin 1994 relative à la protection de la vie privée contre les écoutes, la prise de connaissance et l'enregistrement de communications et de télécommunications privées, déposé à la Chambre des représentants le 12 juin 1997, Doc. Chambre, 1996/1997, nºs 1075/1 à 14 et Annales des 9, 11 et 18 décembre 1997; doc. Sénat, 1997-1998, nºs 1-828/1 à 7 et Annales des 31 mars et 2 avril 1998. Le projet de loi amendé par le Sénat a été transmis à la Chambre pour nouvel examen le 2 avril 1998.
(98) Aux Pays-Bas non plus, les comptes rendus des écoutes ne doivent pas contenir l'intégralité des conversations (Hoge Raad, 17 septembre 1979, NJ, 1980, 22; Hoge Raad, 23 mars 1982, NJ, 1982, 632). Ce que l'on estime dénué de pertinence pour l'enquête doit être détruit au plus vite, ou effacé s'il s'agit de bandes sonores (Hoge Raad, 20 avril 1993, NJ, 1994, 33).
(99) Doc. Chambre, 1996-1997, nºs 954/1 à 9 et Annales des 4 et 5 juin 1997, doc. Sénat, 1996-1997, nº 1-662/1 et 1997-1998, nºs 1-662/2 à 6 et Annales des 31 mars et 2 avril 1998.
(100) Article 2 du projet : « Art. 46bis
. § 1er
. En recherchant les crimes et les délits, le procureur du Roi peut par une décision motivée et écrite requérir l'opérateur d'un réseau de télécommunication ou le fournisseur d'un service de télécommunication :
1º d'identifier l'abonné ou l'utilisateur habituel d'un service de télécommunication;
2º de communiquer les données d'identification relatives aux services de télécommunication auxquels une personne déterminée est abonnée ou qui sont habituellement utilisés par une personne déterminée.
En cas d'extrême urgence, chaque officier de police judiciaire peut, avec l'accord oral et préalable du procureur du Roi, et par une décision motivée et écrite requérir ces données. L'officier de police judiciaire communique cette décision motivée et écrite ainsi que les informations recueillies dans les 24 heures au procureur du Roi et motive par ailleurs l'extrême urgence.
§ 2 (...) » (doc. Sénat, nº 1-828/7).
(101) Rapport annuel 1997, crime organisé 1996, p. 64.
(102) Rapport annuel 1997, crime organisé 1996, p. 74.
(103) Europol, Operational practices and techniques relating to drugs matters in the European Union , The Hague, 12 août 1996, p. 13.
(104) Dans ce cas, la nécessité de la mesure doit au préalable être soumise à l'appréciation du ministère public (Opsporingsmethoden en opsporingsmiddelen, op. cit., p. 19).
(105) Dans ce cas, en plus des critères de proportionnalité et de subsidiarité, le ministère public doit vérifier la conformité de la mesure avec le prescrit de l'article 441, b), du Code pénal (ibidem , p. 19).
(106) « En ce qui concerne la possibilité de recueillir des informations sensibles par rapport au respect de la vie privée, le ministère public doit ici préalablement vérifier s'il est question d'un intérêt légitime au sens de l'art. 139, f), d) du Code pénal néerlandais. Si l'on suspecte l'existence d'une ou plusieurs infractions graves (à commettre) et qu'il n'y a aucune autre possibilité raisonnable pour enquêter (subsidiarité), la violation de (son) intérêt légitime ne saurait raisonnablement être invoquée (avec succès) » (ibidem , p. 19).
(107) Cette technique n'est autorisée que lorsque la loi le prévoit (par exemple, article 9, Opiumwet) et moyennant le respect des dispositions prévues en matière de « kijkoperaties » (ibidem , p. 19).
(108) Cette technique doit être soumise au contrôle préalable du ministère public (ibidem , p. 19).
(109) « Cette méthode doit être appliquée avec la plus grande réserve, en égard au risque accru de violation du respect de la vie privée. Outre la vie privée et l'intérêt légitime, la proportionnalité et la subsidiarité jouent ici fortement. » (ibidem , p. 20).
(110) Les vestiaires du personnel ne sont pas publics (Cour d'Amsterdam, 27 mars 1994, NJ , 1994, p. 478).
(111) Opsporingsmethoden en opsporingsmiddelen. Voorlopige uitgangspunten van het (Nederlandse) college van procureurs-generaal met betrekking tot de inzet van (bijzondere) opsporingsmethoden en -middelen, Arnhem, december 1996, p. 28.
(112) Opsporingsmethoden en opsporingsmiddelen, op. cit. , p. 22.
(113) Ibidem , p. 22.
(114) Ibidem , p. 22.
(115) Ibidem , p. 23. L'« OT-baken » est un terme générique désignant un récepteur fixé à une voiture. L'équipe d'observation peut alors suivre à distance cette voiture à l'aide d'un récepteur. L'« OT-baken » diffère donc du « Kermitbaken », qui enregistre passivement qu'une voiture a dépassé la balise, ce qui ne nécessite pas le recours à une « OT-team ».
(116) Opsporingsmethoden en opsporingsmiddelen, op. cit., p. 25.
(117) Van den Wyngaert, Chr., Strafrecht en strafprocesrecht in hoofdlijnen, Anvers, Maklu, 1994, pp. 653-654. Voir également Frowein, J.A., et Peukert, W., Europäische Menschenrechtskonvention : EMRK-Kommentar, 2. Auflage, Kehl am Rhein, N.P. Engel Verlag, 1996, pp. 362-364.
(118) Opsporingsmethoden en opsporingsmiddelen, op. cit. , p. 32.
(119) Voir supra , p. 24.
(120) Opsporingsmethoden en opsporingsmiddelen, op. cit. , p. 31.
(121) Les deux termes sont utilisés de façon équivalente, même si, dans certains cas, ils ne se réfèrent pas nécessairement aux mêmes personnes.
(122) Puisque l'anonymat de l'informateur ne peut, selon une jurisprudence bien établie aux Pays-Bas, être abandonné, le collège des procureurs généraux néerlandais considère que les informations ainsi fournies ne pourront pas être utilisées pour établir la culpabilité du prévenu (Opsporingsmethoden en opsporingsmiddelen . Voorlopige uitgangspunten van het college van procureurs-generaal met betrekking tot de inzet van (bijzondere) opsporingsmethoden en -middelen, Arnhem, december 1996, pp. 11-12). Sur le problème de la valeur probatoire des déclarations d'un informateur, voir développements infra .
(123) Ibidem , p. 11.
(124) Dans ce cas, le ministère public doit donner son accord pour que l'on puisse inscrire l'informateur, et appréciera annuellement si l'on peut poursuivre les contacts avec cet informateur : il vérifiera notamment si cet informateur n'a pas commis d'infraction dans l'affaire en question (ibidem , p. 13).
(125) Dans ce cas, on considère qu'il y a plus de risques que l'informateur soit un infiltrant; dès lors, cette méthode ne pourra être utilisée qu'après la mise au courant du ministère public qui appréciera tous les mois si l'on peut poursuivre avec cet informateur (ibidem , p. 13).
(126) Police judiciaire, Réponses écrites aux questions de la commission parlementaire chargée d'enquêter sur la criminalité organisée en Belgique, 11 décembre 1996, p. 35.
(127) C'est-à-dire la liste des informateurs considérés comme non fiables.
(128) Voir l'audition de M. De Vroom, commissaire général de la police judiciaire, 11 décembre 1996, p. 15/7.
(129) Rapport annuel 1997, crime organisé 1996, p. 64.
(130) Réponse collective adressée le 30 janvier 1998 à la commission par le collège des procureurs généraux, la gendarmerie et la police judiciaire.
(131) Cette technique a été utilisée à 37 reprises en 1996, dans la lutte contre la criminalité organisée (Rapport annuel 1997, crime organisé 1996, p. 64).
(132) Audition du ministre de la Justice par la commission, le 21 octobre 1997, p.m., p. 55/17.
(133) Rapport annuel 1997, crime organisé 1996, p. 72.
(134) Reprise dans le Rapport annuel dans la catégorie « autres »; voir Rapport annuel 1997, crime organisé 1996, p. 64 (catégorie « autres »).
(135) Voir en ce sens H. D. Bosly et Ph. Traest, Les systèmes pénaux à l'épreuve du crime organisé , Rapport belge.
(136) Même si ce terme est pris par la Cour au sens large, une circulaire ministérielle confidentielle ne peut certainement pas satisfaire aux exigences de la Convention puisqu'elle ne constitue pas une base légale accessible.
(137) Voir notamment les arrêts Klass, Malone, Huvig et Kruslin : il faut : une base légale suffisamment accessible; prévoir avec suffisamment de précision dans quelles circonstances et sous quelles conditions les autorités peuvent recourir à ce genre de techniques; en outre, ce recours doit être nécessaire et proportionné aux objectifs poursuivis.
(138) Ch. De Valkeneer, L'infiltration et la CEDH , note sous l'arrêt Lüdi/Suisse du 15 juin 1992, RTDH, 1993, p. 313.
(139) Voir Cass., 16 novembre 1994, Pas., 1994, I, 945 : « il n'existe en matière répressive aucun principe général du droit dit « de proportionnalité »; en ce qui concerne le principe de subsidiarité, voir Cass. 17 janvier 1996, RDP, 1996, 1110 : « Il n'existe pas de principe général du droit suivant lequel la technique de `pseudo-achat' ou `undercover ' intervient à titre subsidiaire après épuisement des autres moyens de recherche des infractions. » Notons que le nouvel avant-projet de loi de la commission Franchimont prévoit dans sa partie générale la disposition suivante : « Article 1er . Disposition introductive : Le code de procédure pénale s'applique dans le respect des droits fondamentaux consacrés par la Constitution, les conventions internationales et, notamment, la légalité de la procédure pénale, les droits à l'égalité de traitement et à la non-discrimination, le respect de la vie privée, l'inviolabilité du domicile et le secret de la correspondance, les droits de la défense, le droit à un procès équitable et à un jugement rendu dans un délai raisonnable. En conformité avec ces droits, les dispositions du présent code sont appliquées en observant les principes de proportionnalité et de subsidiarité... »
(140) Selon C. Van den Wyngaert (Strafrecht en strafprocesrecht , Antwerpen, Maklu, 1994, blz. 621), ils pourraient bénéficier des articles 152 et 260 du Code pénal. De manière plus générale, l'état de nécessité pourrait également être invoqué, voir Bruxelles, 30 novembre 1984, RDPC, 1985, 688.
(141) Voir infra, point 5 de la présente section.
(142) Voir A. De Nauw, De toelaatbaarheid van de politie-infiltratie in België, in Liber amicorum J. Remelink , Arnhem, Gouda Quint, 1987, p. 453; Ch. De Valkeneer, Le droit de la police, op. cit. , pp. 155-156; voir encore Bruxelles, 19 novembre 1984, Journal des procès, nº 60, 5 avril 1985, p. 28.
(143) Voir Ch. De Valkeneer, L'exécution des opérations undercover , RDP, 1992, p. 896.
(144) Voir Ch. De Valkeneer, L'infiltration et la CEDH , RTDH, 1993, pp. 321-322, note sous l'arrêt LÜDI (voir références aux législations française, italienne et danoise).
(145) C'est l'option retenue par la loi hollandaise.
(146) Voir Ch. De Valkeneer, L'exécution des opérations undercover, RDP, 1992, p. 896; P.M. Frielink, Infiltratie in het strafrecht. Een onderzoek naar de materieelrechtelijke aspecten van het opsporen van strafbare feiten door middel van infiltratie, Politiestudies, Gouda Quint bv, Arnhem, Kluwer rechtswetenschappen, Anvers, 1990, pp. 122-123 : cet auteur considère qu'il doit également y avoir proportionnalité entre l'efficacité des recherches et les risques personnels encourus par l'agent.
(147) Voir L. De Wilde, Anonimiteit in het strafproces , dans Actuele problemen van strafrecht , Anvers, Kluwer, 1988, p. 75; voir par exemple Mons, 5 mai 1992, RDP , 1992, p. 890.
(148) Voir en ce sens Ch. De Valkeneer, L'exécution des opérations undercover, op. cit. , p. 898.
(149) Cass. 7 février 1979, RDP, 1979, 394, RW 1979-1980, col. 902 et note; Cass. 5 février 1985, Arr. Cass., 1984-1985, nº 337; H.D. Bosly, La régularité de la preuve en matière pénale, JT , 1992, p. 122.
(150) V. Ch. De Valkeneer, Limites et importance de la provocation en droit pénal, note sous Bruxelles, 7 septembre 1994, Journal des procès, nº 268, 14 octobre 1994, p. 25; pour Ph. Traest (Het bewijs in strafzaken , Gent, Mys & Breesch, 1992, nº 629), le principe de loyauté est une notion trop subjective, relevant plutôt de la déontologie que du droit, et trop limitative dans la mesure où elle ne concerne que la police et pas les particuliers.
(151) A. De Nauw, La provocation à l'infraction par un agent de l'autorité, RDPC , 1980, p. 325.
(152) Par contre, il n'y a pas de provocation policière lorsque l'intervention de la police n'a pas suscité l'infraction mais a consisté uniquement à s'infiltrer dans l'association de malfaiteurs, déjà décidée à délinquer, pour faire échouer ces derniers (Cass., 5 février 1985, Pas., 1985, I, 690, 8 janvier 1986, JL , 1986, p. 231; Mons, 5 mai 1992, RDP, 1992, p. 890 et la note de Ch. De Valkeneer L'exécution des opérations undercover ).
(153) Voir Mons, 5 mai 1992, RDP, 1992, p. 890 et la note de Ch. De Valkeneer, L'exécution des opérations undercover .
(154) À cet égard, Ch. De Valkeneer dans L'infiltration et la Convention européenne des droits de l'homme, op. cit. , spécialement p. 328, après s'être livré à un examen des décisions de la Commission, conclut : « La Commission semble condamner implicitement, dans ces différentes décisions, la provocation à commettre une infraction ou à faire un aveu. Ce type de manoeuvre enlèverait au procès son caractère équitable. On voit mal, en effet, comment une procédure respectant en tout point le prescrit de l'article 6, CEDH pourrait couvrir une telle irrégularité. Étant à l'origine de l'infraction, la provocation vicie l'action pénale dans son principe même. Il serait, dès lors, absurde d'en faire abstraction, et de se contenter d'examiner si, au cours de la procédure, le prévenu a bénéficié d'un procès équitable. » Pour une opinion plus nuancée, tirée d'un examen de droit comparé, voir Ch. Van den Wyngaert, Strafrecht en strafprocesrecht , Maklu, 1994, pp. 759 à 765.
(155) Cf. interview de H. Berkmoes, commandant du BCR, in Politeia avril 1996, pp. 29 et suivantes, qui prône plus d'autonomie des polices, notamment en ce qui concerne la mise en oeuvre et l'exécution des opérations undercover. Le parquet ne devrait s'occuper que des aspects juridiques de certaines opérations; voir Rapport établi par la gendarmerie à l'occasion de l'audition du commandant de la gendarmerie par la commission d'enquête sur la criminalité organisée, décembre 1996, p. 28; voir encore le rapport de la commission d'enquête parlementaire sur la manière dont la lutte contre le banditisme et le terrorisme est organisée, doc. Chambre, 1989-1990, nº 59/8, pp. 204 à 209.
(156) Article 22 du CIC; voir encore l'article 28bis , § 1er , alinéa 3, du CIC introduit par la loi du 12 mars 1998 relative à l'amélioration de la procédure pénale au stade de l'information et de l'instruction (Moniteur belge ) du 2 avril 1998, p. 10027) : « Indépendamment de ce qui est prévu aux alinéas précédents, l'information est conduite sous la direction et l'autorité du procureur du Roi compétent. Il en assume la responsabilité. »
(157) Voir en ce sens les législations française et italienne autorisant des pratiques sous couverture en matière de trafic de stupéfiants :
loi nº 91-1264 du 19 décembre 1991 relative au renforcement de la lutte contre le trafic de stupéfiants, Journal officiel de la République française
, 20 décembre 1991, p. 16593.
loi du 26 juni 1990, nº 162 « Legge 26 giugno 1990, n. 162. Aggiornamento, modifiche ed integrazioni della legge 22 dicembre 1975, n. 685, recante disciplina degli stupefacenti e sostanze psicotrope, prevenzione, cura e riabilitazione dei relativi stati di tossicodipendenza. Gazzetta Ufficiale della repubblica italiana
, supplemento ordinario alla Gazzetta Ufficiale
, n. 147 del 26 giugno 1990, Serie generale.
(158) Voir article 144bis , § 3, du Code judiciaire et article 47bis du Code d'instruction criminelle.
(159) Audition du 22 novembre 1996-am, p. 9/27.
(160) Audition du 11 décembre 1996, pp. 14/16 et 17.
(161) Audition de J.F. Godbille, premier substitut du procureur du Roi de Bruxelles, 21 mai 1997, a.m., pp. 39/28 à 32.
(162) V. notamment B. De Smet, Het recht op een eerlijk proces versus de bescherming van bedreigde getuigen en politieambtenaren, RW, 1997-1998, 241; L. De Wilde, Anonimiteit in het strafproces, dans Actuele problemen van strafrecht, Kluwer 1988, p. 57; A. De Nauw, De anonieme getuige, RW, 1985-1986, col. 1873.
(163) Il convient de distinguer le témoin anonyme du dénonciateur anonyme; en effet, si la dénonciation anonyme est possible en droit belge puisque l'article 31 du Code d'instruction criminelle qui oblige la personne qui fait une dénonciation à signer chaque page de la dénonciation, n'est pas prévu à peine de nullité (Cass., 2 septembre 1954, Pas., 1954, I, 1023), elle n'a aucune valeur probante; elle ne constitue que le point de départ de l'information ou de l'instruction pendant laquelle les preuves doivent être rassemblées.
(164) L'article 28quinquies, § 1er , du Code d'instruction criminelle, inséré par la loi du 12 mars 1998, consacre cette jurisprudence en stipulant que : « Sauf les exceptions prévues par la loi, l'information est secrète. Toute personne qui est appelée à prêter son concours professionnel à l'information est tenue au secret. Celui qui viole ce secret est puni des peines prévues à l'article 458 du Code pénal. »
(165) Cass., 10 janvier 1987, Pas., 1978, I, 515; Cass., 26 février 1986, RDP, 1986, p. 619-621; Mons (mis. acc.), 4 mai 1990, JLMB, 1990, p. 1129 et note Fr. Piedboeuf.
(166) V. en sens contraire Mons (mis. acc.), 4 mai 1990, JLMB, 1990, p. 1129 et obs. critiques de Fr. Piedboeuf, qui fait observer qu'il est alors impossible au juge d'instruction de vérifier l'absence de provocation.
(167) Ch. De Valkeneer, L'exécution des opérations under-cover, op. cit. , spéc. p. 897; Ch. Van Den Wyngaert, op. cit ., p. 642.
(168) De même, la jurisprudence admet que le manque de signature des témoins entendus, sans prestation de serment pendant l'information n'entraîne pas la nullité du procès-verbal (v. en ce sens H.D. Bosly et Ph. Traest, Les systèmes pénaux à l'épreuve du crime organisé, rapport belge, p. 12).
(169) Cass., 2 mai 1990, RDPC, 1990, p. 974 et note de J. Sace; Cass., 7 janvier 1986, Pas., 1986, I, 565; v. H.D. Bosly, La régularité de la preuve en matière pénale, JT, 1992, p. 121 et s.v.
(170) V. encore Cass. 15 juillet 1997, RW, 1997-1998, 640 et les conclusions de l'avocat général De Riemacker.
(171) Arrêts Kostovski/Pays-Bas, 20 novembre 1989, série A, vol. 166; Windisch/Autriche, 27 septembre 1990, série A, vol. 186; Delta/France, 19 décembre 1990, série A, vol. 191; Isgro/Italie, 19 février 1991, série A, vol. 194-A; Asche/Autriche, 26 avril 1991, série A, vol. 203; Lüdi/Suisse, 15 juin 1992, série A, vol. 238A; Saïdi/France, 20 septembre 1993; Doorson/Pays-Bas, 26 mars 1996, recueil des arrêts et décisions, 1996, II, 6, 471, nº 74; Van Mechelen/Pays-Bas, 23 avril 1997, RDP , 1997, p. 1226.
(172) Ch. Van den Wyngaert, Strafrecht en strafprocesrecht, p. 622; M. A. Beernaert, Témoignage anonyme : un vent nouveau venu de Strasbourg , RDP, 1997, p. 1229.
(173) Van Mechelen/Pays-Bas, 23 avril 1997, RDP , 1997, p. 1226.
(174) Note des rapporteurs : il conviendra dès lors d'expliquer concrètement pourquoi des limitations aux droits de l'accusé étaient impératives et notamment en quoi l'agent ou ses proches étaient particulièrement susceptibles de faire l'objet de représailles; il convient de se livrer a un examen approfondi des risques réellement encourus, ce qui n'avait pas été effectué en l'espèce. (Pour un exemple où cet examen in concreto avait été opéré, mais où les témoins anonymes étaient des civils v. aff. Doorson/Pays-Bas, 26 mars 1996, RDP , 1997, p. 1221).
(175) Voir en ce sens l'affaire Kostovski.
(176) Voir affaire Van Mechelen/Pays-Bas, CEDH, 23 avril 1997 : le juge d'instruction avait entendu au total 11 policiers ? La défense se trouvait dans une pièce séparée, reliée avec le cabinet du juge par un équipement acoustique et pouvait poser des questions aux témoins. Quelques-unes de ces questions sont demeurées sans réponse par crainte de révéler l'identité du témoin. La Cour conclut, en l'espèce, à la violation de l'article 6 en raison du fait que la condamnation reposait essentiellement sur ces témoignages et que ceux-ci émanaient en outre d'officiers de police.
(177) Ch. De Valkeneer, L'exécution d'opérations undercover, op. cit. , spéc. p. 897.
(178) Arrêt Doorson/Pays-Bas du 26 mars 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996, II, 6, p. 471, nº 74 : en cette affaire, six témoins avaient été entendus par la police et deux d'entre eux furent entendus par un juge d'instruction hors la présence du prévenu ou de son avocat. À la demande de la cour d'appel, l'avocat du requérant a été autorisé à poser des questions aux deux témoins en présence du juge d'instruction mais sans que ces témoins ne soient confrontés avec le requérant personnellement. La cour conclut à la non-violation de l'article 6 de la Convention, dans la mesure où la procédure suivie par les autorités judiciaires pour obtenir les témoignages doit être considéré comme faisant suffisamment contrepoids aux handicaps subis par la défense pour contredire les dépositions des témoins anonymes et que la condamnation reposaient encore sur d'autres témoignages.
(179) M. A. Beernaert, op. cit., p. 1233 qui précise que cette possibilité est expressément prévue pour la cour d'assises par l'article 327 du Code d'instruction criminelle et pourrait, par analogie, être appliqué aux juridictions siégeant sans jury.
(180) Il a ainsi été jugé suffisant d'entendre le juge d'instruction qui avait entendu le gendarme infiltrant en préservant son anonymat et l'officier dirigeant du gendarme en question (Mons, 16 septembre 1993, RDP , 1995, p. 284).
(181) Ainsi dans l'arrêt Van Mechelen/Pays-Bas, la cour a considéré que cette manière de procéder n'assurait pas une compensation adéquate aux obstacles mis à l'exercice des droits de la défense.
(182) Voir en ce sens Ph. Traest, De rol van de politiediensten bij de opsporing en de bewijslevering in strafzaken : vandaag en morgen, Vigiles, 1997, nº 3.
(183) Corr. Liège, 18 juin 1993, RDP , 1994, p. 122.
(184) Pour des développements quant à cette exigence incontournable lorsque l'audition a lieu devant le juge du fond, voir H.D. Bosly et Ph. Traest, op. cit., p. 14. Ces auteurs relèvent par contre que l'omission de mentionner le domicile du témoin serait par contre acceptable en droit belge mais devrait être insérée dans la loi; voir cependant en sens contraire M.A. Beernaert, op. cit., p. 1233.
(185) L'agent undercover est en effet de par sa formation rompu à la technique de la dissimulation; il est donc a priori mieux armé que l'informateur dans ce domaine. Dans l'affaire Van Mechelen du 23 avril 1997 (RDP , 1997, p. 1226), la CEDH s'est montrée beaucoup plus sévère dans l'appréciation de la légitimité de l'anonymat par rapport aux nécessités d'un procès équitable parce qu'en l'espèce les témoins anonymes étaient des officiers de police; elle a considéré que les besoins opérationnels ne sauraient constituer une justification suffisante pour garder l'anonymat des policiers; ces policiers ont en effet « un devoir général d'obéissance envers les autorités exécutives de l'État, ainsi que des liens avec le ministère public ». Ce ne sont pas des témoins désintéressés; dès lors, il ne faut utiliser les policiers comme témoins anonymes que dans des circonstances exceptionnelles.
(186) W. Calewaert, Opsporing verzocht
, Antwerpen, Kluwer Rechtswetenschappen, 1984.
Ainsi nous avons en Belgique « Appel à témoins » et « Oproep 20.20. ».
(187) G. Stessens, De nationale en internationale bestrijding van het witwassen , Anvers, Intersentia, 1997.
(188) Anvers, 2 décembre 1977, RW , 1978-1979, 875; Cass., 7 mars 1978, RW , 1978-1979 avec note de A. De Nauw.
(189) Anvers, 25 mars 1982, RW , 1982-1983, 2145, Cass., 8 février 1984, RDP , 1984, 598.
(190) Cass., 8 septembre 1987, Arr. Cass. , 1987-1988, nº 14.
(191) C. J. Vanhoudt et W. Calewaert, Belgisch Strafrecht , II, nº 921.
(192) Doc. Sénat, 1995-1996, nº 1-403/1.
(193) Interview de H. Berkmoes, commandant du BCR, dans Politeia, avril 1996, p. 30.
(194) Idem, p. 29 et suiv.
(195) Voir en ce sens Ch. Van den Wyngaert, « Organized Crime, proactive policing and International Cooperation in Criminal Matters : Who Controls the Police in a Transnational context ? », in Undercover Policing and Accountability from an International Perspective, Edited by M. den Boer, 1997, pp. 163 à 177 et spécialement p. 170.
(196) Gendarmerie, Criminalité organisée en Belgique, Rapport établi à l'occasion de l'audition du commandant de la gendarmerie par la Commission d'enquête sur la criminalité organisée, décembre 1996, p. 17.
(197) Plan d'action du gouvernement contre le crime organisé, juin 1996, pp. 8 et 9.
(198) Doc. Chambre, 1996-1997, nº 857/21.
(199) Doc. Sénat, nº 1-704/5.
(200) Doc. Sénat, nº 1-704/9 et Chambre, 1996-1997, nº 857/28. La loi Franchimont du 12 mars 1998 relative à l'amélioration de la procédure pénale au stade de l'information et de l'instruction a été publiée au Moniteur belge du 2 avril 1998, p. 10027; elle entrera en vigueur à la date fixée par le Roi et au plus tard six mois après sa publication au Moniteur belge (article 49).
(201) Les éléments essentiels d'une approche proactive selon la gendarmerie sont (Gendarmerie, Criminalité organisée en Belgique, Rapport établi à l'occasion de l'audition du commandant de la gendarmerie par la Commission d'enquête sur la criminalité organisée, décembre 1996, p. 18 et suivantes).
le suivi de l'ampleur, de la nature et de la gravité d'un phénomène;
l'amélioration continue de l'efficacité de la réponse des autorités et de la police à ce phénomène;
coordination...;
exécution d'une approche thématique et préventive d'un phénomène;
l'exécution d'une recherche proactive.
(202) Plan d'action du gouvernement contre le crime organisée, juin 1996, p. 8-9.
(203) En maintenant l'institution de juge d'instruction par opposition au « juge de l'instruction », la loi Franchimont tend non seulement à conserver intactes les prérogatives actuelles de ce magistrat, mais encore à les renforcer (voir exposé des motifs précédant le projet de loi relatif à l'amélioration de la procédure pénale au stade de l'information et de l'instruction, doc. Chambre, 1996-1997, nº 857/1, p. 39).
(204) Voir en ce sens les recommandations de M. Van Traa, Inzake opsporing , Enquêtecommissie opsporingsmethoden, Sdu uitgever, Den Haag, 1996, p. 451 et suiv.; voir encore dans le même sens B. De Ruyver, T. Van Der Beken et G. Vermeulen, The Desirability of legally Regulating the Proactive Phase, in Undercover Policing and Accountability from an International Perspective, Edited by M. den Boer, 1997, spéc., p. 111, Ph. Traest, De rol van politiediensten bij de opsporing en de bewijslevering in strafzaken : Vandaag en morgen, Vigiles 1997, nº 3, p. 11; Ch. Van den Wyngaert, Organized Crime, Proactive Policing and International Cooperation in Criminal Matters : Who Controls the Police in a Transnational context ? , in Undercover Policing and Accountability from an International Perspective , Edited by M. den Boer, 1997.
(205) Nations Unies, Assemblée générale, 12 décembre 1996, 51/120.
(206) A/49/748, annexe.
(207) Résolution adoptée par la réunion de travail ministérielle sur la suite donnée à la déclaration politique de Naples et au plan d'action mondial contre la criminalité transnationale organisée, tenue à Buenos Aires du 27 au 30 novembre 1995, E/CN. 15/1996/2/Add. 1, annexe.
(208) Résolution 1996/27 du Conseil économique et social, 24 juillet 1996.
(209) A/C.3/51/7, annexe.
(210) Recommandations of the Senior experts Group on Transnational Organized Crime, Paris, 12 avril 1996.
(211) Programme d'action relatif à la criminalité organisée, actes adoptés en application du titre VI du traité sur l'Union européenne, Journal officiel des Communautés européennes, C 251, 15 août 1997, p. 1.
(212) Programme d'action relatif à la criminalité organisée, actes adoptés en application du titre VI du traité sur l'Union européenne, Journal officiel des Communautés européennes, C 251, 15 août 1997, pp. 41 et suivantes.
(213) Ratifiée par la Belgique le 29 août 1997 entrée en vigueur le 27 novembre 1997.
(214) Ratifié par la Belgique le 18 novembre 1997 entré en vigueur le 16 février 1998.
(215) Ratifiée par la Belgique le 28 janvier 1998 entrée en vigueur le 1er mai 1998.
(216) Loi d'approbation du 13 juin 1969, publication au Moniteur belge du 16 avril 1970 et entrée en vigueur à cette date.
(217) Loi d'approbation publiée au Moniteur belge du 21 mars 1996, en vigueur depuis le 23 janvier 1996.
(218) Ratifiée par la Belgique le 31 octobre 1985 entrée en vigueur le 1er février 1986.
(219) Ratifiée en juin 1997 entrée en vigueur le 1er octobre 1998.
(220) Thomas, F., Internationale rechtshulp in strafzaken , Anvers, Story-Scientia, 1998, p. 81-85.
(221) Lieutenant colonel P. Zanders (SGAP), audition, 25 avril 1997, a.m., p. 34/20.
(222) Réponse écrite du lieutenant colonel P. Zanders (SGAP) au questionnaire de la commission d'enquête en vue de l'audition du 25 avril 1997, p. 19-25. Voir aussi Thomas, F., o.c. , p. 75/76.
(223) Résolution AGN/34/Res/5.
(224) Le statut et le règlement général d'OIPC-Interpol ont été adoptés par l'assemblée générale de l'organisation au cours de la 25e session à Vienne, 1956, et modifiés par l'assemblée générale de 1962, à Madrid, et l'assemblée générale de 1964, à Caracas.
(225) Article 7 du Statut d'Interpol.
(226) Article 35 du Règlement général d'Interpol.
(227) Article 9 du Statut d'Interpol.
(228) Article 15 du Statut d'Interpol.
(229) Article 26 du Statut d'Interpol.
(230) Article 42 du Règlement général.
(231) Article 32 du Statut d'Interpol.
(232) Arrêté royal du 11 juillet 1994 Moniteur belge du 30 juillet 1994 : article 4, § 2, 1º. Le BCN est intégré dans la division « coopération policière internationale ». Le protocole du 10 mars 1997 relatif au fonctionnement, à l'organisation et aux missions de la division « coopération policière internationale » prévoit que le chef de la division est également le chef belge du BCN.
(233) Lieutenant colonel P. Zanders (APSD), audition, 25 avril 1997, a.m., p. 34/20.
(234) Pour une étude approfondie, voir Thomas, F., De Europese rechtshulpverdragen in strafzaken, Gand, Story-Scientia, 1980, 520 p. et Thomas, F., Internationale rechtshulp in strafzaken, Anvers, Story-Scientia, 1998, pp. 7-14, 56-62 en 64-74.
(235) Accord relatif à l'application entre les États membres des Communautés européennes de la convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement des personnes condamnées, fait à Bruxelles le 25 mai 1987, Moniteur belge du 15 décembre 1990; accord entre les États membres des Communautés européennes concernant l'application du principe ne bis in idem, fait à Bruxelles, le 25 mai 1987, Trb. , 1987, nº 167; accord entre les États membres des Communautés européennes relatif à la simplification et à la modernisation du mode de transmission des demandes d'extradition, fait à San Sebastian le 26 mai 1989, Moniteur belge du 22 novembre 1997; accord entre les États membres des Communautés européennes relatif au transfert des poursuites, fait à Rome le 6 novembre 1990, G. Vermeulen et T. Vander Beken,Compendium Internationaal Strafrecht/Droit Pénal International , Bruges, Vanden Broele, 1997, III.C.-6 novembre 1990-1/5; convention entre les États membres des Communautés européennes relative à l'exécution des condamnations pénales étrangères, faite à Bruxelles le 13 novembre 1991, Tractatenblad , 1992, nº 39.
(236) De Ruyver, B., « Internationale politiesamenwerking », dans Strafrecht. Wie is er bang van het strafrecht ? . Traest, P. et De Nauw, A., (eds.), 1998, pp. 71-72.
(237) J. Schutte, « Europese samenwerking inzake justitie en veiligheid. De wordingsgeschiedenis en betekenis van de bepalingen inzake justitie en binnenlandse zaken in het Unieverdrag van Maastricht », Panopticon, 1992, pp. 540-542.
(238) Voir Vermeulen, G., « Nieuwe ontwikkelingen inzake internationale justitiële samenwerking in strafzaken in Europa, in Internationaal Strafrecht. Actuele ontwikkelingen in België en in Europa, Vermeulen, G. et Vander Beken, T., (eds.), Bruges, Vanden Broele, 1998, pp. 7 et suivantes
(239) Réponse écrite du lieutenant colonel P. Zanders (SGAP) au questionnaire de la commission d'enquête en vue de l'audition du 25 avril 1997, pp. 28-29.
(240) Lieutenant-colonel P. Zanders (SGAP), audition, 25 avril 1997, a.m., pp. 34/26-30 et De Ruyver, B., l.c. , 78-81.
(241) Woodward, W., Establishing Europol, European Journal on Criminal Policy and Research , Vol. 1-4, 1; Zachert, H., Europol : Mehr Schlagkraft gegen das Verbrechen in Europa, Kriminalistik, Heft 1, 1992, 7-11; Poerting, R. et Storzer, H., Kleine Schritte Grosses Ziel : Verbrechungsbekämpfung in Europäischer Dimension, Kriminalistik, Heft 1 , 1992, 2-6; Fijnaut, C., Om de toekomst van Europol, Delikt en Delinkwent , 1994, nr. 24, 443; Wilzing, J. et Mangelaars, F., Where does politics meet practice in establishing Europol ?, European Journal on Criminal Policy and Research , Vol. 1, nº 4, 73-74.
(242) Action commune du 10 mars 1995, adoptée par le Conseil sur la base de l'article K.3 du traité sur l'Union européenne, concernant l'Unité drogues Europol, Journal officiel , 20 mars 1995, L62/1.
(243) De Hert, P., Europols databanken. Vigiles, tijdschrift voor politierecht , 1996, nº 3, p. 36-37; Europol 42, 9665/96; Europol 56, 11083/96; X. 1996, 1.
(244) Colonel W. Bruggeman (Europol), audition, 27 juin 1997 p.m., pp. 45/4-5.
(245) Loi du 12 juin 1998 portant assentiment aux actes internationaux suivants : a) la convention sur la base de l'article K.3 du Traité sur l'Union européenne portant création d'un Office européen de police (Convention Europol), annexe, et déclarations, faites à Bruxelles le 26 juillet 1995; b) le protocole, établi sur la base de l'article K.3 du traité sur l'Union européenne, concernant l'interprétation, à titre préjudiciel, par la Cour de Justice des Communautés européennes de la convention portant création d'un Office européen de police, et déclarations, faits à Bruxelles le 24 juillet 1996; c) et le protocole établissant, sur la base de l'article K.3 du traité sur l'Union européenne et de l'article 41, paragraphe 3, de la convention Europol, les privilèges et immunités d'Europol, des membres de ses organes, de ses directeurs-adjoints et de ses agents, fait à Bruxelles le 19 juin 1997 (Moniteur belge du 16 septembre 1998, deuxième édition).
(246) De Ruyver, B., l.c. , 78-81; pour une description détaillée, voir Bruggeman, W., « Amsterdam : verwijd de diepte » in, Panopticon, 1997, nº 4, pp. 313-316.
(247) X., « Vrijheid, veiligheid en rechtvaardigheid. Hoofdpunten van het Verdrag van Amsterdam », Algemeen Politieblad, 1997, nº 14, pp. 4-6; Storbeck, J., « Welke rol krijgt Europol. Verdrag van Amsterdam voorziet in operationele ondersteuning bij internationale opsporing », Algemeen Politieblad, 1997, nº 18, pp. 4-6.
(248) Colonel W. Bruggeman (Europol), audition, 27 juin 1997, p.m., p. 45/5.
(249) Per Brix Knudsen (UCLAF), audition, 6 juin 1997, a.m., pp. 41/2-4.
(250) Voir également Perduca, A. et Ramael, P., Le crime international et la justice , Paris, Flammarion, 1998, pp. 17-28.
(251) Vermeulen, G. et Vander Beken, T., « Schengen en de opneming van het Schengen-acquis in het kader van de Europese Unie », Panopticon , 1998, pp. 268-269.
(252) Réponse écrite du lieutenant colonel P. Zanders (SGAP) au questionnaire de la commission d'enquête en vue de l'audition du 25 avril 1997, pp. 40-42.
(253) Réponse écrite du lieutenant colonel P. Zanders (SGAP) à la liste des questions de la commission d'enquête, en vue de l'audition du 25 avril 1997, pp. 43-46.
(254) Colonel W. Bruggeman (Europol), audition, 4 juillet 1997, a.m., pp. 46/9-12.
(255) Voir à ce propos Debrulle, C., « Le réseau judiciaire européen et point de contact judiciaire national », dans Internationaal Strafrecht. Actuele ontwikkelingen in België en in Europa , Vermeulen, G., et Vander Beken, T., Bruges, Politeia, 1998, pp. 54 et suivantes.
(256) Thomas, F., Internationale rechtshulp in strafzaken , Anvers, Story-Scientia, 1998, pp. 15-19 et 62-64.
(257) Lieutenant colonel P. Zanders (SGAP), audition, 25 avril 1997, a.m., pp. 34/3-6.
(258) Aux termes de la proposition de loi sur l'intégration verticale du ministère public, le parquet fédéral et le conseil des procureurs du Roi (doc. Sénat, nºs 1-1066/1-6, 1997-1998), les magistrats fédéraux feront partie du parquet fédéral qui, en vertu de l'article 144bis proposé du Code judiciaire, sera chargé des missions suivantes, dans les cas et selon les modalités déterminés par la loi : (1) exercer l'action publique; (2) veiller à la coordination de l'exercice de l'action publique; (3) faciliter la coopération internationale; (4) exercer la surveillance sur le fonctionnement général et particulier de la police fédérale, comme prévue dans la loi organisant un service de police intégré, structuré à deux niveaux (article 6 de la proposition de loi). La proposition de loi amendée a été adoptée par le Sénat, et transmise le 26 novembre 1998 à la Chambre des représentants, où son examen est en cours.
(259) Voir à ce propos Vandoren, A., « Internationale justitiële samenwerking in de praktijk », in Internationaal strafrecht. Actuele ontwikkelingen in België en in Europa , Vermeulen, G., et Vander Beken, T., Bruges, Politeia, 1998, pp. 103 et suivantes.
(260) Lieutenant colonel P. Zanders, audition, 25 avril 1997, a.m., pp. 34/33.
(261) Circulaire du collège des procureurs généraux du 22 septembre 1997 (col. 7/97), concernant l'échange international de données à finalité judiciaire entre des services de police belges et l'étranger.
(262) Voir, à ce propos, Vander Beken, T., « Internationaal strafrecht in België : stand van zaken » in « Internationaal strafrecht. Actuele ontwikkelingen in België en in Europa » , Vermeulen, G., et Vander Beken, T., Bruges, Politeia, 1998, p. 40.
(263) Les développements qui suivent s'inspirent, dans une large mesure, de Vanderbeken, T., l.c. , 1998, pp. 37 et suivantes.
(264) Thomas, F., Internationale rechtshulp in strafzaken, Anvers, Story-Scientia, 1998, pp. 92-93.
(265) Moniteur belge du 3 juillet 1997.
(266) Il faut remarquer que la vérification de ces conventions et réserves et déclarations peut, en Belgique, être particulièrement ardue. En effet, il arrive que la convention entre en vigueur avant d'avoir été publiée au Moniteur belge (c'est ainsi que l'importante convention de l'ONU du 20 décembre 1988 sur la lutte contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes est entrée en vigueur en Belgique le 23 janvier 1996, alors que le texte de celle-ci n'a paru au Moniteur belge que le 21 mars 1996). En règle générale, les réserves et déclarations relatives à des conventions émises par d'autres pays que la Belgique ne sont même jamais publiées, surtout si elles ont été faites après la ratification par la Belgique.
(267) Directive arrêtée par les procureurs généraux près les cours d'appel pour le ministère public en matière de poursuites pénales du 8 décembre 1982, Staatcourant , 1983, p. 1.
(268) Convention européenne sur la transmission des procédures répressives, Strasbourg, 15 mai 1972, non publiée en Belgique (pour le texte, voir Vermeulen, G., et Vander Beken, T., o.c. , Partie III.D). Voir également Thomas, F., o.c. , p. 10-12.
(269) Accord entre les États membres des Communautés européennes sur la transmission des procédures répressives, Rome, 6 novembre 1990, non publiée en Belgique (pour le texte, voir Vermeulen, G., et Vander Beken, T., o.c. , Partie III.C).
(270) Article 2 de la loi du 2 juin 1973 portant approbation de la convention pour la répression de la capture illicite d'aéronefs, faite à la Haye, le 16 décembre 1970, Moniteur belge du 25 septembre 1973.
(271) Article 2 de la loi du 20 juillet 1976 portant approbation de la convention pour la répression des actes illicites dirigés contre la sécurité de l'aviation civile, faite à Montréal le 23 septembre 1971 et modifiant la loi du 27 juin 1937 portant révision de la loi du 16 novembre 1919 relative à la réglementatin de la navigation aérienne, Moniteur belge du 1er septembre 1976.
(272) Article 2 de la loi du 2 septembre 1985 portant approbation de la convention européenne pour la répression du terrorisme, faite à Strasbourg le 27 janvier 1977 et de l'accord entre les États membres de la Communauté européenne concernant l'application de la convention européenne pour la répression du terrorisme, fait à Dublin le 4 décembre 1979, Moniteur belge du 5 février 1986.
(273) Article 12bis du titre préliminaire du Code d'instruction criminelle.
(274) Paridaens, DJMW., De overdracht van de tenuitvoerlegging van strafvonnissen , Arnhem-Utrecht, Gouda Quint-Willem Pompe Instituut, 1994, p. 1.
(275) Moniteur belge du 31 octobre 1970.
(276) Voir, entre autres, Thomas, F., De Europese rechtshulpverdragen in strafzaken , Gent, Story-Scientia, 1980, nº 408.
(277) Exposé des motifs, doc. Chambre, 1968-1969, nº 461/1, 8.
(278) Loi du 23 mai 1990 sur le transfèrement inter-étatique des personnes condamnées, Moniteur belge du 20 juillet 1990. Voir également Thomas, F., Internationale rechtshulp in strafzaken , Anvers, Story-Scientia, 1998, pp. 70-74.
(279) Convention du 21 mars 1983 sur le transfèrement des personnes condamnées, Moniteur belge du 15 décembre 1990.
(280) Accord relatif à l'application entre les États membres des Communautés européennes de la convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement des personnes condamnées, fait à Bruxelles le 25 mai 1987, Moniteur belge du 15 décembre 1990.
(281) Voir notamment la déclaration faite par les Pays-Bas au sujet de la convention européenne relative à l'extradition : « [...] Toutefois, les ressortissants néerlandais pourront être extradés aux fins de poursuites si l'État requérant fournit la garantie que la personne reclamée peut être rendue aux Pays-Bas pour y purger sa peine dans le cas où, à la suite de son extradition, une peine de détention non assortie de sursis ou une mesure privative de liberté est prononcée à son encontre [...] . »
(282) Le principe de base de ce régime est décrit à l'article 68.1 de la convention d'application : « La Partie Contractante sur le territoire de laquelle une peine privative de liberté ou une mesure de sûreté restreignant la liberté a été prononcée par le jugement passé en force de chose jugée à l'égard d'un ressortissant d'une autre Partie Contractante, qui s'est soustrait, en s'enfuyant vers son pays, à l'exécution de cette peine ou mesure de sûreté, peut demander à cette dernière Partie Contractante, si la personne évadée est trouvée sur son territoire, de reprendre l'exécution de la peine ou de la mesure de sûreté. »
(283) Moniteur belge du 15 octobre 1993, p. 22692.
(284) « Les articles 67 à 69 prévoient une procédure d'exécution de peines privatives de liberté prononcées à l'étranger, à l'égard de personnes qui se sont soustraites à l'exécution de ces peines en s'enfuyant vers le pays dont elles sont ressortissantes. Ces articles renvoient à la procédure de transfèrement des personnes condamnées et à la convention européenne ayant cet objet, ce que le gouvernement belge juge inapproprié, compte tenu des différences importantes entre les deux types d'hypothèses. Le gouvernement belge a par conséquent fait une déclaration à ce sujet, lors de la signature de cette convention, par laquelle il indique que la procédure qui sera appliquée sur le plan interne pour la reprise de l'exécution d'un jugement étranger ne sera pas celle qui est prévue par la loi belge relative au transfèrement inter-étatique des personnes condamnées, mais une procédure spéciale. Le gouvernement belge va déposer un projet de loi destiné à apporter une solution spécifique à cette question. En attendant cette législation, les articles 67 à 69 de la convention ne sont pas applicables » (Moniteur belge du 28 mars 1995, p. 7773).
(285) Il va de soi que cela pose des problèmes de réciprocité, puisque la Belgique demande à un État ce qu'elle même ne peut lui accorder. En outre, il appert que tous les États n'interprètent pas la notion « personnes évadées » de la même manière. D'aucuns exigent qu'il s'agisse de personnes qui se sont effectivement échappées d'une prison et non pas de personnes condamnées qui n'ont pas pu être arrêtées et ce, même si l'article 68 de la convention d'application parle de se soustraire à « l'exécution de cette peine » tout court.
(286) Voir Thomas, F., Internationale rechtshulp in strafzaken , Anvers, Story-Scientia, 1998, pp. 246-250.
(287) Convention européenne relative à la validité internationale des jugements répressifs, faite à Strasbourg, le 15 mai 1972, non publiée en Belgique. Voir également l'accord entre les États membres de la Communauté européenne sur l'exécution des jugements répressifs prononcés à l'étranger, fait à Bruxelles, le 13 novembre 1991, que la Belgique a également signé, mais non publié.
(288) Article 39. 1. Les Parties Contractantes s'engagent à ce que leurs services de police s'accordent, dans le respect de la législation nationale et dans les limites de leurs compétences, l'assistance aux fins de la prévention et de la recherche de faits punissables, pour autant que le droit national ne réserve pas la demande aux autorités judiciaires et que la demande ou son exécution n'implique pas l'application de mesures de contrainte par la Partie Contractante requise. Lorsque les autorités de police requises ne sont pas compétentes pour exécuter une demande, elle la transmettent aux autorités compétentes.
2. Les informations écrites qui sont fournies par la Partie Contractante requise en vertu de la disposition du paragraphe 1er
ne peuvent être utilisées par la Partie Contractante requérante aux fins d'apporter la preuve des faits incriminés qu'avec l'accord des autorités judiciaires compétentes de la Partie Contractante requise.
3. Les demandes d'assistance visées au paragraphe 1er
et les réponses à ces demandes peuvent être échangées entre les organes centraux chargés, par chaque Partie Contractante, de la coopération policière internationale. Lorsque la demande ne peut être faite en temps utile par la voie susvisée, elle peut être adressée par les autorités de police de la Partie Contractante requérante directement aux autorités compétentes de la Partie requise et celles-ci peuvent y répondre directement. Dans ces cas, l'autorité de police requérante avise dans les meilleurs délais l'organe central chargé, dans la Partie Contractante requise, de la coopération policière internationale, de sa demande directe.
4. Dans les régions frontalières, la coopération peut être réglée par des arrangements entre les ministres compétents des Parties Contractantes.
5. Les dispositions du présent article ne font pas obstacle aux accords bilatéraux plus complets présents et futurs entre Parties Contractantes ayant une frontière commune. Les Parties Contractantes s'informent mutuellement de ces accords.
(289) Voir à ce sujet l'article 6 de la loi du 24 février 1921 concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, désinfectantes ou antiseptiques, qui est libellé comme suit : « Les dispositions du Livre Ier du Code pénal, sans exceptions du chapitre VII et de l'article 85, auxquelles il n'est pas dérogé par la présente loi, sont applicables aux infractions prévues par celle-ci.
Sont exemptés des peines correctionnelles prévues par les articles 2bis et 3, ceux des coupables qui, avant toute poursuite, ont révélé à l'autorité l'identité des auteurs des infractions visées par ces articles ou, si ceux-ci ne sont pas connus, l'existence de ces infractions.
Dans les mêmes cas, les peines criminelles prévues par ces mêmes articles, sont réduites dans la mesure déterminée par l'article 414, alinéas 2 et 3, du Code pénal.
Les peines correctionnelles prévues par les articles 2bis et 3 sont réduites dans la mesure déterminée par l'article 414, alinéa 4, du Code pénal, à l'égard des coupables qui, après le commencement des poursuites, ont révélé à l'autorité l'identité des auteurs restés inconnus. »
Malheureusement il n'existe aucune statistique relative à l'application de cet article. Voir également le deuxième rapport intermédiaire de la commission (doc. Sénat, nº 1-326/8, pp. 73 et suivantes).
(290) Voir la proposition de loi relative à la répression de la corruption, déposée par M. Lallemand et consorts (doc. Sénat, nos 1-107/1 à 11). Cette proposition a été amendée, puis transmise le 9 juillet 1998 à la Chambre (doc. Chambre, 1997-1998, nº 1664-1).
(291) Robert, D., La justice ou le chaos , Paris, Stock, 1996, pp. 331-334.
(292) Cette note est reprise en annexe du rapport annuel 1998 du ministre de la Justice sur le crime organisé en Belgique en 1997, pp. 181 et suivantes; elle est publiée comme annexe D au présent rapport.
(293) Audition Canneel, 29 novembre 1996, p. 11/2.
(294) Cf. infra, p. 9 et suiv.
(295) Canneel, A., Comité supérieur de contrôle, vade-mecum, droit financier, nº 7, p. 15.
(296) Canneel, A., l'Administration du Comité supérieur de contrôle, Les Cahiers Constitutionnels, nº 1, 1990, p. 21.
(297) Canneel, A., Comité supérieur de contrôle, op. cit., p. 16.
(298) Comité P, Enquête de contrôle, p. 15; concernant le cadre du service d'enquêtes, voyez l'enquête de contrôle, pp. 15 et suivantes.
(299) R. Charles, le Comité supérieur de contrôle, RPDB, p. 133.
(300) Canneel, A., Comité supérieur de contrôle, op. cit., p. 5.; voyez également Conseil d'État, section de législation, avis du 13 mai 1970 sur le projet d'arrêté royal portant règlement organique du Comité supérieur de contrôle, Moniteur belge , 18 septembre 1970.
(301) Comité P, Enquête de contrôle , p. 7.
(302) Comité P, Avis , p. 13.
(303) Sur le contenu de cette circulaire, voyez l'enquête de contrôle, pp. 10 et 11.
(304) Comité P, Enquête de contrôle , p. 11.
(305) Canneel, A., Les Cahiers constitutionnels, op. cit., pp. 14-15.
(306) Audition Canneel, 20 novembre 1996, p. 8/7.
(307) Comité P, Enquête de contrôle, pp. 30 et suivantes.
(308) Sénat de Belgique, Annales des réunions publiques de commission, 30 janvier 1996, pp. 142-145.
(309) Comité P, Avis , p. 26.
(310) Audition Canneel, 20 novembre 1996, p. 8/21.
(311) Doc. Vermeulen, p. 9.
(312) Audition Canneel, 20 novembre 1996, p. 8/21.
(313) Comité P, Avis , p. 26.
(314) Audition De Smet, 8 novembre 1996, p. 6/5.
(315) Audition Canneel, 20 novembre 1996, p. 8/11.
(316) Audition De Smet, 8 novembre 1996, p. 6/11.
(317) Audition De Smet, 8 novembre 1996, p. 6/6.
(318) Audition De Smet, 8 novembre 1996, pp. 6/5 et 6/11.
(319) Doc. Vermeulen, point 1, p. 5.
(320) Comité P, Avis , p. 11.
(321) Comité P, Enquête de contrôle , p. 5.
(322) Doc. Sénat, Questions et Réponses , 27 décembre 1995 (nºs 1-7).
(323) Comité P, Enquête de contrôle , pp. 6 et 7.
(324) Audition De Smet, 8 novembre 1996, p. 6/17.
(325) Devenu sans portée (Charles, R., op. cit. , p. 40).
(326) Parquet de la cour d'appel de Bruxelles, Lettre adressé à l'administration du CSC, 10 mars 1993.
(327) Cass., 16 mai 1989, Pas. , 1989, pp. 977-979.
(328) Conseil d'État, avis de la section d'administration, VIe Chambre, sur une demande formulée le 23 janvier 1991 par le premier ministre (...), 4 septembre 1991, non publié.
(329) Arrêté royal du 14 septembre 1992, Moniteur belge du 1er octobre 1992.
(330) Arrêté royal du 19 août 1992, Moniteur belge du 4 septembre 1992.
(331) Arrêté royal du 30 septembre 1992, Moniteur belge du 14 octobre 1992.
(332) Comité P, Avis , p. 21.
(333) Doc. Vermeulen, p. 6.
(334) Comité P, Avis , p. 22.
(335) Doc. Vermeulen, p. 6
(336) Doc. Vermeulen, p. 16.
(337) Doc. Vermeulen, p. 16.
(338) Doc. Vermeulen, p. 17.
(339) Doc. Vermeulen, p. 26.
(340) Doc. Vermeulen, p. 27.
(341) Doc. Vermeulen, p. 29.
(342) Doc. Vermeulen, p. 30.
(343) Doc. Sénat, nº 1-326/5, 1995-1996, p. 2.
(344) Doc. Sénat, nº 1-326/5, 1995-1996, p. 2, et Plan d'action du gouvernement contre le crime organisé, pp. 5 et suivantes (publié en annexe du doc. Sénat, nº 1-326/5).
(345) Pour la bonne lisibilité du texte et pour éviter de surcharger le document, l'on a préféré indiquer les références du rapport annuel 1997 sur la criminalité organisée 1996, plutôt que de reproduire le texte de ce rapport dans son intégralité.