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9 JUILLET 1998
Le 19 novembre 1996, le Comité de ministres du Conseil de l'Europe a adopté la « Convention pour la protection des droits de l'homme et la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine ».
Lors de ce vote, la Belgique s'est abstenue et n'a, jusqu'à présent, ni signé ni ratifié cette convention.
Dans la période allant de décembre 1997 à février 1998, la commission des Affaires sociales a organisé une série d'auditions sur la Convention, avec une délégation du Comité consultatif de la bioéthique et des représentants du monde médico-scientifique.
Il résulte de ces auditions que la controverse idéologique que la convention suscite en Belgique est reflétée dans une grande mesure par les divergences d'opinions qui existent à propos de l'article 18, lequel règle la recherche scientifique sur les embryons in vitro humains. En même temps, la commission a toutefois été convaincue, au cours desdites auditions, du fait que les divergences de vues dans cette matière ne sont pas insurmontables et qu'elles ne peuvent empêcher la ratification de la Convention par la Belgique.
À la suite de ces réflexions, la commission a estimé qu'il était souhaitable, conformément à l'article 22.2 du Règlement du Sénat, de faire au gouvernement, dans le prolongement desdites auditions, un certain nombre de recommandations qui doivent permettre à la Belgique de s'engager dans la voie du mouvement qui s'est fait jour au niveau européen et qui a été enclenchée par la Convention.
La première partie du rapport qui suit fait, sur la base des informations qui ont été fournies au cours des auditions, une présentation générale de la Convention et des conséquences que sa ratification aurait pour la législation belge.
Dans la deuxième partie, on se penche davantage sur le sens de l'article 18 de la Convention et on décrit, à la lumière de celui-ci, l'état de la question en ce qui concerne la procréation médicalement assistée et la recherche sur les embryons in vitro en Belgique.
Dans la troisième partie, on essaie de juxtaposer les divers arguments en faveur ou à l'encontre des recherches sur embryons, qui ont été avancés au cours des auditions.
Dans la quatrième partie, enfin, figurent les notes dans lesquelles les groupes politiques du Sénat, avant le début des discussions en commission, exposent leur point de vue au sujet de la Convention en général et au sujet de la disposition de l'article 18 en particulier.
En 1974 a été créé, au sein du Conseil de l'Europe, le « Comité d'experts sur les problèmes juridiques de la médecine », un organe consultatif chargé d'examiner les conséquences juridiques et éthiques de l'évolution scientifique en médecine. Ce comité a été remplacé en 1985 par le C.A.H.B.I. (Comité ad hoc d'experts sur le progrès des sciences biomédicales), auquel a succédé à son tour, en 1992, le C.D.B.I. (Comité directeur pour la bioéthique). Les questions et les problèmes qui résultaient de l'application de la Convention européenne des droits de l'homme dans le domaine de la médecine et de la biologie et qui n'ont fait que croître au fur et à mesure que ces secteurs progressaient étaient à l'origine de la création de ces organes.
Depuis le milieu des années septante, le désir de donner une réponse commune à ces questions s'est également traduit par une série de résolutions et de recommandations de l'Assemblée parlementaire et du Comité de ministres du Conseil de l'Europe. Celles-ci portent notamment sur la protection des personnes incapables de manifester leur volonté, les droits des malades et des mourants, les malades mentaux, la manipulation génétique, l'utilisation d'embryons humains à des fins diagnostiques, thérapeutiques, scientifiques, industrielles et commerciales, l'ablation et la transplantation de matériels humains et l'examen génétique prénatal. Ils n'ont pas un caractère obligatoire et ne sont pas toujours uniformes, notamment en ce qui concerne les notions utilisées.
Durant la même période, une série d'États membres du Conseil de l'Europe ont également mis au point une législation nationale dans cette matière. Ces règles ont vu le jour indépendamment les unes des autres, et on constate de grandes différences en ce qui concerne le niveau de protection qu'elles offrent.
Au début des années nonante sont prises, au sein du Conseil de l'Europe, les premières initiatives visant à une harmonisation de ces règles nationales et internationales. Lors de leur 17e conférence, du 5 au 7 juin 1990, les ministres de la Justice adoptent la résolution nº 3, dans laquelle ils demandent au Comité de ministres de charger le C.A.H.B.I. d'examiner la possibilité de réaliser une convention établissant des normes générales et communes pour la protection de la personne humaine dans le cadre du développement des sciences biomédicales.
Un an plus tard, en juin 1991, l'Assemblée parlementaire formule la recommandation 1160, qui va dans le même sens. En septembre de la même année, le Comité de ministres charge le C.A.H.B.I. d'élaborer, en étroite collaboration avec les autres organes consultatifs compétents en la matière, une convention-cadre comportant des normes générales et communes pour la protection de la personne humaine dans le cadre des sciences biomédicales, tout en spécifiant que la convention doit pouvoir être soumise pour signature aux États non membres.
En juillet 1994, une première version de la convention a été soumise à l'assemblée parlementaire, qui a formulé un avis à ce sujet au début de 1995 (avis nº 184 du 2 février 1995). Sur la base de cet avis, le texte a été remanié au sein du C.D.B.I. et soumis à nouveau, le 7 juin 1996, à l'assemblée, qui a émis sur cette version l'avis nº 198 du 26 septembre 1996.
Ce texte a été adopté par le Comité de ministres le 19 novembre 1996. Trois États membres, l'Allemagne, la Belgique et la Pologne, se sont abstenus et aucun vote contraire n'a été émis.
La convention a été ouverte à la signature le 4 avril 1997. À l'heure actuelle, 23 pays ont signé la convention, dont dix États membres de l'Union européenne. L'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Autriche, l'Irlande et la Belgique ne l'ont pas encore signée.
En vertu de l'article 33.3, la convention entrera en vigueur le premier jour du mois qui suit l'expiration d'une période de trois mois après la date à laquelle cinq États, incluant au moins quatre États membres, auront ratifié le texte. Actuellement, la Slovaquie et le Saint-Marin ont ratifié la convention.
Les objectifs généraux qui sous-tendent la convention peuvent être résumés en trois points :
la recherche d'une harmonisation des règles existantes en matière de biomédecine. Il s'agit ici tant des résolutions et recommandations non contraignantes qui avaient déjà été promulguées par le Conseil de l'Europe que des réglementations y afférentes en vigueur dans les États membres;
la recherche d'un niveau de protection minimal commun à l'échelon international. Le terme minimal ne peut pas être interprété en l'espèce comme le plus petit dénominateur commun des niveaux de protection assurée dans les États membres.
la recherche d'un débat social permanent consacré aux questions qui découlent des développements de la biologie et de la médecine. L'article 28 de la convention impose aux pays contractants l'obligation de mettre sur pied pareil débat, mais sans prévoir comment celui-ci doit être organisé. Le rapport explicatif du C.D.B.I. au projet de convention dit, entre autres, que, pour les problèmes qui intéressent la collectivité, il faut tenter, dans la mesure du possible, de rassembler les points de vue les concernant dans cette collectivité. En outre, ce rapport renvoie, à titre d'exemple, à la création de comités d'éthique et à l'enseignement, tant pour ce qui est des personnes occupées dans le secteur que pour ce qui est des professeurs et du grand public.
2. La dignité et l'intégrité de l'être humain, fil conducteur de la Convention
L'article 1er , premier alinéa, de la Convention est libellé comme suit : « Les parties à la présente convention protègent l'être humain dans sa dignité et son identité et garantissent à toute personne, sans discrimination, le respect de son intégrité et de ses autres droits et libertés fondamentales à l'égard des applications de la biologie et de la médecine. »
Le fait que la Convention ne définit pas les termes « toute personne », notion qui figure aussi dans la Convention des droits de l'homme, est important, y compris pour l'attitude de la Belgique à l'égard de la Convention. Le rapport explicatif mentionne à propos de cet article qu'en l'absence d'unanimité entre les États membres sur la définition de cette notion, « il a été convenu de laisser au droit interne le soin éventuel d'apporter des précisions pertinentes aux effets de l'application de la présente Convention » .
La Convention ne définit pas davantage la notion d'« être humain ». Le rapport explicatif mentionne seulement, à cet égard, que c'est un principe généralement accepté que la dignité humaine et l'identité de l'espèce humaine doivent être respectées dès le commencement de la vie. Au cours des auditions, M. Nys a souligné que l'article 18 vise à protéger l'embryon, ce qui peut être, selon lui, une indication que le champ d'application de la Convention s'étend à la vie prénatale.
L'article 2 est libellé comme suit : « L'intérêt et le bien de l'être humain doivent prévaloir sur le seul intérêt de la société ou de la science. »
Au cours des auditions, on a demandé si, par « l'être humain », il fallait entendre le patient individuel ou l'ensemble de l'humanité. Les développements futurs de la science qui servent les intérêts de l'humanité ne présentent en effet pas nécessairement un intérêt direct pour le patient individuel.
Il y a deux manières d'interpréter le fait que cet article se situe au début du texte. Soit il s'agit d'un principe général s'appliquant à l'ensemble des dispositions, soit certaines de ces dispositions doivent précisément être considérées comme une exception à ce principe.
On a renvoyé à cet égard au rapport explicatif, qui précise : « La primauté de l'être humain est un principe qui inspire l'ensemble de la Convention, et c'est à sa lumière qu'il conviendra d'interpréter chacune de ses dispositions. »
La primauté de l'être humain sur l'intérêt purement scientifique court donc tel un fil conducteur à travers l'ensemble de la Convention et tous les articles doivent s'interpréter en référence à lui. L'emploi du terme « le seul » est important mais aussi source de confusion. L'intérêt de l'être humain doit prévaloir sur l'intérêt purement social ou scientifique. On pourrait entendre par là qu'il doit y avoir un rapport raisonnable entre le risque couru par le patient dans le cadre de la recherche scientifique et l'intérêt de la société ou de la science.
Les principes de la Convention peuvent être résumés comme suit :
La protection de l'être humain, de la dignité humaine et de l'identité de la personne humaine. La protection de la dignité humaine implique l'interdiction de faire un usage instrumental du corps humain et d'en faire un objet de pratiques commerciales. Le respect de l'identité de l'être humain se traduit entre autres par l'interdiction d'intervenir sur le génome humain;
La protection de l'intégrité physique de l'être humain. On l'a concrétisée grâce aux dispositions relatives au consentement à donner en vue d'un traitement médical normal, d'expériences médicales, de prélèvements d'organes etc.;
La protection d'autres droits et libertés dans le cadre des applications biologiques et médicales. Ce principe, qui est consacré par l'article 1er , fait de la Convention un ensemble ouvert et dynamique. Il s'agit, en effet, en l'espèce, des droits et libertés dont la plupart ne sont pas mentionnés dans le texte et qu'il y a lieu d'expliciter par la voie d'autres canaux. La Convention mentionne toutefois explicitement le droit du patient à l'information et à la protection de sa vie privée;
La protection de personnes n'ayant pas la capacité de consentir. La Convention prévoit un système à la fois très détaillé et très complexe en ce qui concerne la recherche scientifique et le prélèvement d'organes de personnes n'ayant pas la capacité de consentir. La règle générale veut qu'une intervention ne peut être effectuée sur une personne qui n'a pas la capacité de consentir que pour son bénéfice direct, et il n'y a que très peu d'exceptions à cette règle;
L'accès légitime et équitable aux soins de santé. Alors que les principes précités concernent des droits individuels, il est question, en l'espèce, d'un droit social fondamental d'une extrême importance dans le cadre de l'harmonisation des législations nationales;
Le respect des obligations et normes professionnelles lors de toute intervention dans le domaine de la santé. Il s'agit également d'une disposition ouverte selon laquelle des normes qui ne sont pas reprises dans la Convention peuvent quand même devenir des obligations en vertu du droit des traités. Les normes en question sont surtout des normes qui relèvent de la déontologie et de l'éthique médicales, ainsi que des législations nationales (droit de la responsabilité). Cette technique permet de réagir rapidement, sans qu'il ne faille adapter la Convention, lorsque de nouvelles évolutions se produisent.
La reconnaissance de la liberté de la recherche scientifique. Certains membres du Comité consultatif de bioéthique ont regretté que la Convention n'ait pas reconnu, outre ce principe, le devoir de recherche. Ils estiment que la Convention aurait dû consacrer la valeur éthique de la recherche en tant qu'étape indispensable sur la voie d'un plus grand soulagement de la souffrance humaine.
La Convention est singulièrement muette sur certains points. C'est ainsi qu'elle ne contient aucune disposition concernant la reproduction médicalement assistée, l'interruption de grossesse, l'euthanasie, le droit de connaître ou non son ascendance, etc.
1. Possibilités d'introduire dans la législation nationale des dérogations aux dispositions de la Convention
La Convention donne aux États membres la possibilité d'introduire des restrictions à certaines de ses dispositions. Il y a tout d'abord la clause générale de l'article 26.1, laquelle dispose que l'exercice de certains droits peut faire l'objet de restrictions, lorsque celles-ci sont prévues par la loi et lorsque leur objectif est légitime (protection de l'ordre public, prévention des délits, protection des droits et libertés d'autrui ou de la santé publique). Dans l'interprétation qu'elle donne de la Convention européenne des droits de l'homme, la Cour européenne des droits de l'homme est toujours partie du principe que les restrictions qui sont ainsi apportées au niveau de protection doivent satisfaire à trois critères : nécessité, proportionnalité et subsidiarité.
Le point 2 de l'article 26 exclut toutefois expressément certaines dispositions de la Convention, telle l'interdiction d'intervenir sur le génome humain, de la possibilité de dérogation susvisée. Comme l'interdiction de l'article 18.2 ne figure pas dans la liste des dispositions exclues, cela signifie qu'on pourra l'édulcorer dans la législation nationale s'il existe des raisons urgentes pour ce faire.
Par ailleurs, d'autres dispositions de la Convention prévoient une possibilité spécifique de réduire le niveau de protection par le biais de la législation nationale, par exemple dans le domaine du traitement sans consentement des personnes souffrant d'un trouble mental, la possibilité d'effectuer de la recherche non thérapeutique sur des personnes incapables de manifester leur volonté ou la limitation du droit à l'information dont dispose le patient.
Enfin, l'article 36 autorise les États parties à la Convention, au moment de sa signature ou de sa ratification, à formuler des réserves au sujet de dispositions spécifiques, en se basant sur une législation nationale.
On a souligné au cours des auditions que les possibilités de formuler des réserves font à la fois la force et la faiblesse du texte. C'est grâce à elles que la Convention, qui atteint un niveau éthique assez élevé, a pu être signée par un grand nombre de pays, dont les législations sont très différentes. Parce qu'ils savaient qu'ils auraient la possibilité de prévoir, en se fondant sur leur législation nationale, des dérogations, beaucoup d'États membres ont accepté de souscrire aux principes définis par le texte, alors qu'ils n'étaient pas d'accord sur certaines de ses dispositions.
Cependant, les possibilités de dérogation sont tellement larges que, si on devait les exploiter au maximum, on aboutirait à une situation où le texte de la Convention serait en grande partie vidé de sa substance. Le président du Comité consultatif de bio-éthique a mis en garde contre la création, en Europe, de « paradis » où on pourra faire tout ce qui est interdit ailleurs. Ces paradis seraient non seulement néfastes pour la protection des droits de l'homme dans ce domaine; ils nuiraient également à la crédibilité de l'intégration européenne.
En ce qui concerne la situation de la Belgique, il importe de savoir à quel moment on pourra émettre une réserve éventuelle. Les réserves ou les restrictions qui sont apportées au niveau de protection ne sont possibles que si elles sont formulées au moment de la signature de la Convention ou du dépôt de l'instrument de ratification ou d'adhésion. Il s'ensuit que, même si un pays a déjà signé la Convention, il aura, au moment de la ratification, la possibilité d'émettre des réserves fondées sur une loi nationale qui n'est pas conforme à une disposition particulière de la Convention.
Enfin, l'article 27 de la Convention dispose que les parties ont la faculté d'accorder une protection plus étendue à l'égard des applications de la médecine que celle qui est prévue par la Convention.
L'article 32 dispose qu'afin de tenir compte des évolutions scientifiques, la Convention fera l'objet d'un examen au sein du C.D.B.I. dans un délai maximum de cinq années après son entrée en vigueur.
3. Conséquences de la Convention pour la Belgique
a. Attitude adoptée par le Gouvernement belge lors de l'élaboration de la Convention
Les réunions du C.D.B.I., au cours desquelles les experts ont négocié, au sein du Conseil de l'Europe, le texte de la Convention, ont été préparées en Belgique dans le cadre d'un groupe de travail interministériel composé du Premier ministre, des vice-Premiers ministres et des départements fédéraux et régionaux compétents. Or, il est apparu, au cours de cette préparation, que les différents départements ne parvenaient pas à trouver un consensus pour certaines dispositions de la Convention. C'est notamment le cas pour l'interprétation des notions de « personne » et d'« être humain », ainsi que pour l'article 18 de la Convention, qui interdit la constitution d'embryons humains aux fins de recherche. En outre, il n'existe en Belgique pratiquement pas de lois qui règlent cette matière, ce qui fait qu'il est impossible de formuler une réserve quelconque au sujet des dispositions qui posent problème.
Compte tenu de ces constats, les négociateurs ont reçu pour instruction de ne pas intervenir dans la discussion relative aux articles concernés et de s'abstenir au moment du vote. Cette attitude a toutefois fait que les négociateurs ont dû s'abstenir également lors du vote final au sein de la C.D.B.I. et que le ministre des Affaires étrangères s'est abstenu lui aussi lors du vote final sur la Convention, lequel est intervenu en novembre 1996 au sein du Comité de ministres.
Dans l'intervalle, le texte de la Convention a été soumis pour avis au Conseil consultatif de bio-éthique qui devait examiner les possibilités de parvenir à une position unanime du Gouvernement. Le Comité consultatif a émis son avis le 7 juillet 1997.
b. Avis du Comité consultatif de bioéthique
Il ressort de l'avis du Comité consultatif de bio-éthique que les avis sur certaines dispositions sont partagés en son sein également et qu'il est impossible de parvenir à un consensus à leur propos. Certains membres ont estimé que la Convention, dans son ensemble, répond au besoin de préciser un certain nombre de choses dans le domaine de la biomédecine et de renforcer la protection du sujet en la matière. Cependant, un autre groupe a fait part de son inquiétude quant au fait que la Convention soit trop restrictive et que sa ratification ait des répercussions inadmissibles sur l'évolution de la recherche scientifique.
Par ailleurs, cette divergence de points de vue au sein du comité consultatif apparaît peut-être le plus clairement dans l'avis relatif à l'article 18.2. Alors que d'aucuns considèrent que, dans certains cas, il est inéluctable de devoir créer des embryons à des fins scientifiques, d'autres estiment qu'il s'agit là de l'expression d'une approche radicalement utilitariste de la vie humaine.
Dans sa conclusion, le comité consultatif laisse au Gouvernement trois options :
La convention est signée et ratifiée, ce qui signifie que les dispositions produisent leur plein effet;
La convention n'est pas signée et ratifiée, auquel cas elle n'est en rien contraignante pour notre pays;
Avant de signer la convention, l'on règle certains points par la loi (parmi lesquels la recherche sur les embryons), ce qui permettrait à la Belgique d'émettre des réserves sur certaines dispositions.
c. Conséquences du texte de la Convention pour la Belgique
Au cours des auditions, l'on a attiré l'attention sur la disposition de l'article 1er , deuxième alinéa, de la convention, qui oblige les parties à celle-ci à prendre dans leur droit interne les mesures nécessaires pour donner effet aux dispositions de la convention. L'article 30 stipule que les parties fourniront, sur demande du secrétaire général du Conseil de l'Europe, les explications requises sur la manière dont leur droit interne assure l'application effective de toutes les dispositions de la convention. Enfin, les articles 23 à 25 obligent les parties à prendre les initiatives juridiques nécessaires pour rendre les dispositions de la convention contraignantes dans le droit interne.
Par conséquent, si la Belgique signe la convention, il lui faudra réaliser un important travail législatif.Le fossé qui existe entre les dispositions de la convention et la protection qu'offre actuellement la législation belge est en effet très grand. L'énumération qui suit n'est qu'un exemple :
En Belgique, il n'y a pas de régime légal en matière de consentement substitutif aux actes médicaux sur des personnes qui ne peuvent pas manifester leur volonté.
Il n'y a pas non plus en Belgique de régime légal permettant de traiter des malades mentaux sous la contrainte. Il y a bien une disposition relative à l'admission forcée, mais elle ne couvre pas la pratique qui consiste à traiter les patients sous la contrainte.
Il n'existe en Belgique aucune règle légale en matière de recherche scientifique pratiquée sur des êtres humains.
Il n'existe pas davantage en Belgique de régime légal en matière de procréation médicalement assistée ni indépendamment de l'article 18 de la convention, concernant le statut de l'embryon in vitro ou in utero.
Il n'y a en Belgique aucun régime légal en matière d'usage ultérieur, de réutilisation d'une partie du corps humain à des fins de recherche. La loi ne précise pas dans quelle mesure des parties du corps humain prélevées et conservées dans le cadre d'un diagnostic, peuvent être utilisées ultérieurement à des fins de recherche. La convention ne proscrit pas cette pratique, mais elle précise toutefois qu'il doit y avoir une procédure de consentement.
En Belgique, il n'y a pas de régime légal concernant le traitement de plaintes déposées par des personnes qui se sentent lésées à la suite d'un traitement ou d'un examen biomédical.
Le régime légal et la pratique en matière de prélèvement d'organes chez les mineurs d'âge sont nettement plus souples que ce qui est permis en vertu de la convention. Celle-ci n'autorise, chez les personnes n'ayant pas la capacité de manifester leur volonté (catégorie à laquelle ressortissent les mineurs d'âge), que le prélèvement de tissus régénérables (moelle épinière). La législation belge autorise, quant à elle, le prélèvement de tissus non régénérables.
Le travail législatif à accomplir ne se limite dès lors pas à élaborer un régime permettant d'émettre des réserves sur certains articles. Dans cette optique, l'on a suggéré au cours des auditions qu'une solution éventuelle serait que la Belgique prenne d'abord toutes les mesures légales nécessaires et ne ratifie la convention que dans quelques années, ce qui ne l'empêche toutefois pas de signer le texte dès à présent. Elle s'inscrirait ainsi dans un mouvement européen et prendrait un engagement politique clair quant à l'élaboration d'une législation en la matière.
L'article 18 de la convention est libellé comme suit :
1. Lorsque la recherche sur les embryons in vitro est admise par la loi, celle-ci assure une protection adéquate de l'embryon.
2. La constitution d'embryons humains aux fins de recherche est interdite.
Le rapport explicatif du C.D.B.I. est particulièrement concis au sujet de cette disposition. Il ne précise pas les considérations qui sous-tendent l'interdiction ni les raisons de la distinction qui est faite entre la recherche sur les embryons surnuméraires et celle sur des embryons constitués aux fins spécifiques de recherche. Certains orateurs que la commission a entendus ont estimé qu'il s'agit là d'un texte de compromis, qui est le fruit de négociations entre États dont les législations sont très divergentes. D'autres ont toutefois estimé que si ces deux formes de recherche sont très proches l'une de l'autre du point de vue de la technique de laboratoire, elles se distancient très fort d'un point de vue éthique et philosophique.
De même, en ce qui concerne la terminologie, le rapport reste dans le vague. Ainsi n'a-t-on pas défini les concepts d'embryons, de protection adéquate et de recherche. En ce qui concerne le premier terme, il est apparu au cours des auditions que la recherche sur des embryons a généralement lieu jusqu'au troisième jour suivant la fécondation. Certaines législations étrangères fixent la limite à 14 jours. Dans l'état actuel des choses, l'on peut maintenir en vie un embryon in vitro pendant six ou huit jours au maximum et il semble, dans la pratique, que la recherche se pratique rarement sur des embryons ayant plus de trois à quatre jours. Selon une autre conception, l'embryon est un ovule fécondé qui s'est développé durant quelques jours en laboratoire et qui se composerait d'environ 8 à 100 cellules.
Le premier alinéa de l'article 18 dispose que, dès le moment où la loi admet la recherche sur les embryons, elle doit assurer une protection adéquate de l'embryon. La disposition concerne les embryons qui ont été fabriqués en surnombre dans le cadre d'une fertilisation in vitro . Comme il n'existe aucune législation, en Belgique, concernant la recherche sur les embryons en surnombre, l'on a généralement considéré, au cours des auditions, que pareille recherche n'est pas non plus interdite par la loi et que l'article 18.1 de la Convention n'apporterait aucun changement en la matière. La question de savoir si la disposition oblige un pays comme la Belgique à prendre des mesures protectrices concernant l'embryon est moins claire. D'aucuns estiment notamment que cette obligation n'est imposée que si la législation autorise explicitement la recherche sur des embryons.
Le deuxième alinéa de l'article 18 implique l'interdiction formelle de produire des embryons aux fins de recherche. Comme la disposition ne figure pas dans l'énumération de l'article 26.2, l'État qui ratifie la Convention peut affaiblir l'interdiction si la sécurité ou la santé publiques l'exigent.
Au cours des auditions, l'on a souligné que la distinction faite à l'article 18 est moins claire, dans la pratique, qu'il n'y paraît à première vue. L'on peut produire sciemment des embryons en surnombre, dans le cadre de projets in vitro , en vue de leur utilisation aux fins de la recherche scientifique. La différence entre les deux cas qui font l'objet de la distinction qu'opère l'article 18 se situe donc, dans une large mesure, au niveau des intentions des chercheurs, ce qui rend également le contrôle très difficile.
La recherche sur les embryons se fait normalement dans le cadre de deux structures : les centres de génétique humaine et les centres de fécondation in vitro .
La Belgique compte actuellement huit centres de génétique humaine. L'arrêté royal du 14 décembre 1987, qui règle le secteur, dispose que ces centres ne peuvent être exploités qu'après avoir été agréés par le ministre qui a la Santé publique dans ses attributions. Ils ne peuvent être créés et fonctionner que comme des services polycliniques distincts, possédant une infrastructure propre, au sein d'un hôpital universitaire. Il ne peut y avoir qu'un seul centre agréé par université. L'arrêté royal comporte par ailleurs des dispositions relatives aux effectifs du personnel, aux services dispensés aux patients, au niveau scientifique requis et à la collaboration.
Parallèlement, on trouve les centres de fécondation in vitro, un secteur qui n'est quasiment pas réglementé. Au cours des auditions, la commission n'a pas reçu de réponse précise à la question de savoir combien il y a de centres pareils en Belgique actuellement.
Le seul enregistrement qui semble exister actuellement est celui du B.E.L.R.A.P. (Belgian Register for Assisted Procreation), qui résulte d'une initiative privée à laquelle les divers centres qui fournissent des informations sur une base volontaire collaborent.
Le rapport annuel 1995-1996 du B.E.L.R.A.P. mentionne 35 centres. Bien que d'aucuns doutent que cette liste soit exhaustive, les auteurs estiment que les 9 598 cycles dont il est question dans le rapport constituent quelque 90 % de l'ensemble des cycles exécutés en Belgique en 1996.
Number of cycles
1990 | 1991 | 1992 | 1993 | 1994 | 1995 | 1996 | |
IVF | 2 685 | 3 151 | 4 319 | 3 265 | 3 681 | 3 767 | 3 488 |
ICSI | 296 (1 ) | 732 (1 ) | 1 557 | 2 806 | 3 956 | 3 870 | |
MESA/TESE | 531 | ||||||
Total of fresh cycles | 2 685 | 3 447 | 5 051 | 4 822 | 6 487 | 7 723 | 7 889 |
Cryo transfers | 498 | 670 | 1 110 | 1 347 | 1 533 | 1 610 | 1 709 |
Total of all cycles | 3 183 | 4 117 | 6 161 | 6 169 | 8 161 | 9 333 | 9 598 |
(1 ) All types of micromanipulation included.
Source : Rapport du B.E.L.R.A.P. 1995-1996.
Il est en tout cas apparu, au cours des auditions, qu'il y a une demande urgente d'encadrement légal du secteur de la part du monde médico-scientifique, et que cet encadrement devrait concerner notamment les domaines suivants :
1. Une programmation du nombre de centres
Il est indubitable qu'à l'échelon international, la Belgique est en tête pour ce qui est du nombre de centres par habitant. Selon certains orateurs, il en résulte une banalisation de la technique, qui n'en demeure pas moins très complexe, et une aggravation de la surconsommation.
L'on s'est également demandé si le nombre fort élevé de naissances multiples dans notre pays n'est pas lié directement à l'offre abondante en matière de fécondation médicalement assistée. En effet, selon les chiffres du B.E.L.R.A.P. pour 1996, les grossesses à la suite de F.I.V. ont donné lieu, dans 29,4 % des cas, à la naissance de jumeaux, dans 4,5 % des cas, à la naissance de triplés, et, dans 0,4 % des cas, à la naissance de quadruplés. Ces pourcentages sont notablement plus élevés que ceux des grossesses naturelles.
a) Constatations
Des 35 centres qui, selon le rapport B.E.L.R.A.P., étaient actifs en Belgique en 1996, 5 se trouvent en Wallonie, 6 à Bruxelles et 24 en Flandre. Au cours des auditions, l'on a fait remarquer à cet égard qu'un nombre important de centres flamands sont assez récents et que leur dispersion est fort inégale. La province de Limbourg compte deux centres de F.I.V. et la province de Flandre occidentale, trois. Par contre, Gand compte trois centres, et Anvers, cinq.
b) Centres universitaires et centres non universitaires
Pour pouvoir bien fonctionner et être à même d'engager suffisamment de personnel à cet effet, le centre doit atteindre un certain volume. Cela pourrait soulever un risque de surconsommation si trop de centres se mettaient à appliquer la technique.
La distinction qui est parfois faite à cet égard entre les centres universitaires et les centres non universitaires ne correspond, selon certains intervenants, à aucun élément objectif. L'important, à leurs yeux, est de savoir si un hôpital a un champ d'action suffisamment étendu et correspondant à une réalité démographique.
Les auditions ont fait apparaître qu'un certain nombre de centres proposent des services hautement spécialisés, comme la technique I.C.S.I., en collaboration avec un centre universitaire, en vue d'atteindre un volume suffisant pour ce qui est de cette technique très délicate. Les gamètes sont prélevés au sein de l'hôpital régional et amenés pour injection dans un grand centre. C'est également à l'hôpital régional que l'on procède au transfert et que l'on assure le traitement ultérieur à celui-ci.
c) Qualité de la prestation de services
À propos de la qualité également, plusieurs orateurs ont trouvé que la distinction qui est souvent faite entre centres universitaires et centres non universitaires est tout à fait inopportune. Ils ont souligné que les hôpitaux privés ont contribué à l'introduction de la technique de F.I.V. en Belgique.
Ils estiment que, dans la pratique, les hôpitaux, qui doivent prouver en permanence leur raison d'être, sont d'ailleurs obligés plus que d'autres de jouer franc jeu et de prouver la qualité de leurs services.
Les hôpitaux qui ne sont pas situés dans les grandes villes estiment d'ailleurs que leur raison d'être se justifie, dans une large mesure, par le fait qu'ils peuvent offrir un traitement personnalisé aux patients. Pour ce qui est des jeunes patients qui travaillent dans la plupart des cas, la technique de la F.I.V. est une technique qui absorbe beaucoup trop de temps, si bien qu'il importe qu'ils puissent se rendre dans un hôpital relativement proche et pouvant faire preuve de souplesse en tenant compte de leurs heures de travail.
2. Normes qualitatives et contrôle des prestations de services
À l'heure actuelle, les centres de F.I.V. ne sont soumis à aucune norme qualitative concernant le personnel, le niveau scientifique ou la prestation de services.
Les intervenants que la commission a entendus se sont quasiment tous accordés à dire qu'il faudra définir de telles normes et que le contrôle du respect de celles-ci doit être un critère essentiel pour ce qui est de l'agrément des centres. Le contrôle n'est possible que si les centres sont obligés de fonctionner dans la plus grande transparence possible. Il doit porter sur la qualité du traitement en tant que telle et comporter les indications pour ce qui est de l'application de celui-ci.
En ce qui concerne le contrôle, la Belgique pourrait d'ailleurs suivre l'exemple des pays voisins, comme celui des Pays-Bas, où il existe une commission de visite, attachée au département de la Santé publique, qui contrôle la pratique médicale sur place, et sur le plan clinique, et en ce qui concerne la recherche.
3. Le statut des embryons surnuméraires
Dans le cadre d'un traitement in vitro , l'on produit en général plus d'embryons que l'on en implante directement. Il s'ensuit que de grandes quantités d'embryons surnuméraires sont conservées dans nos centres. Il ressort du rapport du B.E.L.R.A.P. que l'on a congelé 15 735 et dégelé 8 437 embryons, rien qu'en 1996.
Cryopreservation of embryos and results of cryotransfer
1990 | 1991 | 1992 | 1993 | 1994 | 1995 | 1996 | |
Embryos frozen | 11 617 | 12 157 | 15 735 | ||||
Embryos thawed | 4 794 | 8 437 | |||||
Embryos replaced | 2 188 | 3 024 | |||||
Transfers | 498 | 670 | 1 110 | 1 347 | 1 533 | 1 626 | 1 709 |
Pregnancies | 73 | 78 | 136 | 148 | 163 | 210 | 268 |
Live births | 55 | 59 | 100 | 121 | 115 | 93 | 198 (1 ) |
(1 ) Ongoing pregnancies.
Source : Rapport du B.E.L.R.A.P. 1995-1996.
La Grande-Bretagne a une législation qui prévoit que pareils embryons sont détruits sous certaines conditions au bout d'une période de cinq ans.
Il n'existe aucune réglementation en la matière en Belgique. En détruisant ces embryons de leur propre initiative, les centres risqueraient des problèmes juridiques au cas où les parents demanderaient encore une implantation. Il y a donc un problème que la plupart des centres résolvent en concluant, avec les parents, des accords, dont la valeur juridique est toutefois mise en doute par certains. Du reste, ces contrats ne permettent pas d'éviter que l'hôpital ait à faire des choix éthiques dans certaines situations.
Lors des auditions, il est apparu que les divers hôpitaux appliquent leurs propres règles en ce qui concerne la gestion de ces embryons. Ainsi, l'hôpital Érasme, à Bruxelles, part du principe que la finalité de chaque embryon doit être déterminée en accord avec les personnes qui fournissent le matériau avant que le projet in vitro ne débute. Un protocole juridique signé par les patients avant le traitement prévoit que les embryons surnuméraires sont conservés pendant les deux ans qui suivent la fécondation en vue d'une réimplantation. Cette période peut être prolongée de trois ans par grossesse faisant suite au traitement. À l'issue de cette période, les embryons sont détruits ou mis anonymement à la disposition d'un autre couple ou de la science, conformément à la volonté des parents.
Le centre considère, en principe, que la réimplantation n'est possible que si les deux partenaires sont présents et qu'ils marquent l'un et l'autre leur accord. Le professeur Englert, chef du centre, est d'accord pour dire que ce choix est contestable, mais a souligné d'autre part qu'il est préférable d'adopter une position claire en la matière plutôt que de s'accommoder d'une ligne de conduite.
Au centre de la V.U.B., l'on suit une ligne de conduite comparable. Le contrat qui est proposé aux couples prévoit que l'on conserve les embryons pendant un délai de cinq ans en vue de leur transfert; celui-ci ne sera possible que si les deux fournisseurs du matériel sont en vie. Le professeur De Vroey a attiré l'attention sur le fait que certains couples ont du mal à accepter pareille règle et qu'ils ont tendance à vouloir amender le contrat sur ce point. Cela conduit à une impasse juridique. Selon lui, l'on ne peut prévenir semblable problème qu'en fixant des règles légales claires.
Dans l'hôpital universitaire de la K.U.L. l'on garantit aux patients qui sont soumis à un traitement in vitro que les embryons seront conservés pendant deux ans. Ce délai peut être prorogé pour une durée illimitée à la demande du patient. En cas de prorogation, celui-ci doit verser une indemnité limitée, ce qui établit sa responsabilité morale et financière vis-à-vis de l'embryon. Le centre n'accepte aucun amendement au protocole qui est présenté au patient pour signature.
Si les personnes qui ont fourni le matériel ne souhaitent plus qu'il soit conservé, elles peuvent le faire savoir par écrit dans un document signé également par le médecin responsable. Dans ce cas, les embryons peuvent simplement être détruits.
Dans le cadre du système en question, l'on s'est demandé quel sens il faut donner au souhait d'une femme de 50 ans, par exemple, de faire conserver des embryons, étant donné qu'on ne peut plus les lui réimplanter.
Les trois centres non universitaires, dont la commission a entendu les représentants, suivent une politique comparable, dans ses grandes lignes, à celle des hôpitaux universitaires. Le statut des embryons restants est défini dans un contrat conclu entre le centre et le couple. Selon ce contrat, les embryons restent la propriété des personnes qui ont fourni les gamètes et sont confiés au centre pour y être conservés. Certains contrats prévoient la possibilité d'un don, mais les embryons ne peuvent être affectés à la recherche scientifique dans aucun des trois centres qui étaient présents au cours des auditions.
4. Le diagnostic pré-implantatoire et la recherche sur les embryons
L'évolution dans le domaine du diagnostic pré-implantatoire est particulièrement rapide, mais, en Belgique, l'application de la technique n'est régie par aucune disposition légale. En France, où il existe une législation en la matière, depuis 1994, elle ne peut être appliquée que dans un nombre limité d'hôpitaux. En Grande-Bretagne, la recherche sur les embryons n'est autorisée que dans les centres agréés qui ont prouvé qu'ils possèdent les connaissances et les compétences nécessaires.
Au cours des auditions, l'on a décrit le diagnostic préimplantatoire comme une technique particulièrement difficile et délicate. Divers intervenants ont estimé que la seule manière d'assurer la qualité du service offert en la matière et de prévenir les abus est de regrouper les centres de fertilisation in vitro et les centres de génétique humaine. Au moment de la création des premiers centres de fertilisation in vitro en Belgique, d'aucuns ont déjà plaidé, au sein du monde médical, pour que l'on agrée seulement les centres qui peuvent collaborer avec un centre de génétique humaine. Si on les avait écoutés, l'on aurait disposé, selon certains, d'un instrument important contre la surconsommation.
Dans un système qui repose sur une médecine de qualité, le couple qui est confronté à un risque élevé de transmettre des anomalies génétiques et qui souhaite subir un traitement in vitro , doit être accueilli par une équipe composée, non seulement d'un gynécologue et d'un biologiste, mais aussi d'un généticien. Il n'est cependant pas impossible actuellement que des ovules ponctionnés à Courtrai soient transférés à Gand, où le diagnostic aura lieu en fonction d'une indication provenant de Courtrai.
En outre, ces intervenants estiment que, comme la technique évolue vite, si on n'organise pas une collaboration structurelle entre les deux types de centres, on verra se développer partout dans le pays des nouvelles techniques qui non seulement seront très coûteuses, mais en outre échapperont une fois de plus à tout contrôle de qualité. Ils estiment donc que les autorités ne peuvent pas laisser passer une telle occasion de mettre sur pied pareille collaboration.
5. Remboursement par l'I.N.A.M.I.
Un intervenant estime qu'actuellement, le remboursement par l'I.N.A.M.I. se fait de manière trop disparate et déséquilibrée, ce qui ne favorise pas la qualité de l'assistance médicale. Il y a une tendance à la surconsommation pour les prestations remboursables au détriment d'autres prestations, comme la biologie par exemple, qui ne sont pas moins importantes dans le cadre du traitement FIV.
La convention ne définit pas la notion de « recherche » employée à l'article 18. Au cours des auditions, on a mentionné une série de techniques médicales qui sont ou pourraient être utilisées sur des embryons et dont on peut se demander si elles sont contraires aux dispositions prohibitives de l'article 18. On peut classer ces techniques en trois groupes : la recherche ayant un but thérapeutique direct, la recherche visant à améliorer les techniques médicales et la recherche fondamentale.
1. La recherche ayant un but thérapeutique direct Le diagnostic préimplantatoire
Le diagnostic préimplantatoire consiste à rechercher des anomalies génétiques et chromosomiques dans l'embryon. Même si elle s'est beaucoup développée ces dernières années, cette technique n'en est encore qu'à ses débuts. Au cours des auditions, une série d'intervenants ont vu dans la complexité de la technique, son évolution rapide et les grands espoirs qu'elle fait naître pour l'avenir, une raison de plaider pour un encadrement et un contrôle légaux.
Dans la perspective d'une éventuelle réglementation, il est important de savoir que la technique s'applique tant dans le cadre de la procréation médicalement assistée, où elle est en première ligne, que dans le cadre génétique où elle constitue une sorte de technique de deuxième ligne.
Concrètement, la professeur Liebaers a distingué au cours des auditions quatre situations dans lesquelles on demande un diagnostic préimplantatoire :
Tout d'abord, il y a la catégorie de patients ayant un problème de fertilité directement lié à une anomalie génétique. C'est le cas par exemple lorsque l'homme est totalement stérile en raison d'une affection génétiquement transmissible telle que la mucoviscidose.
Ces patients ne peuvent avoir un enfant que grâce à la technique de la micro-injection.
Par ailleurs, il y a la catégorie des patientes sous-fertiles, qui ont des difficultés à être enceintes et qui ont dès lors recours à la technique de fécondation in vitro . Ces personnes peuvent avoir en même temps un problème génétique lié ou non à leurs problèmes de fertilité.
En outre, il y a la catégorie des patientes qui n'ont pas de problèmes de fertilité mais qui ont un problème génétique et qui, pour des raisons émotionnelles ou de principe, sont opposées à l'avortement. Ces personnes ont attendu que le diagnostic préimplantatoire soit suffisamment sûr avant de décider d'avoir un enfant.
Enfin, il y a les patientes qui ont subi un ou plusieurs avortements sur la base d'un diagnostic prénatal et qui ne veulent plus vivre une telle expérience.
Certes, dans ces quatre situations, l'objectif est de mettre au monde un enfant sain, mais pour les deux dernières en tout cas, le diagnostic n'a rien à voir avec des problèmes de fertilité.
Bien que, dans ces cas, le diagnostic préimplantatoire soit appliqué dans un contexte médical et émotionnel totalement différent de celui du diagnostic prénatal, leur finalité est comparable. Une série d'intervenants en concluent que si l'on estime que le diagnostic prénatal est acceptable dans certaines circonstances, il doit exister mutatis mutandis un espace pour la recherche préimplantatoire, d'autant plus que celle-ci présente une série d'avantages. Elle permet d'éviter les risques liés à une amniocentèse et de ne pas placer la femme en situation d'opter ou non pour un avortement.
Le gros problème du diagnostic préimplantatoire est son indication. Tous les intervenants se sont accordés à dire que la technique ne peut être appliquée que quand elle est indiquée du point de vue médical. Mais, en ce qui concerne la question de savoir quelles sont ces indications médicales, les choses sont beaucoup moins claires. Peut-on aller jusqu'à prévoir de ne pas réimplanter un embryon parce que la personne qui en résultera présente un risque de développer vers cinquante ans un cancer héréditaire ? Certains intervenants ont estimé que ce sont des questions auxquelles il appartient à la société dans son ensemble de répondre.
Le fait que la technique présente moins de risques que le diagnostic prénatal signifie d'ailleurs que son seuil d'application est plus bas. Même si, au cours des auditions, on a souligné qu'actuellement, on déconseille fortement le diagnostic prénatal s'il n'y a pas d'indications médicales sérieuses, la législation en la matière n'impose aucune restriction. En pratique, l'application de la technique est toujours remboursée par l'assurance maladie-invalidité. Des commissaires se demandent si, dans ces conditions, il est souhaitable d'appliquer à grande échelle une technique de diagnostic qui est nettement plus accessible pour le patient.
À cet égard, on a fait observer que le diagnostic prénatal et le diagnostic préimplantatoire ont intrinsèquement le même objectif : détecter les anomalies héréditaires ou chromosomiques sérieuses. Grâce aux progrès réalisés dans le domaine du diagnostic prénatal, les deux techniques se sont rapprochées. Alors que le diagnostic prénatal implique aujourd'hui encore une agression vis-à-vis du patient, à relativement court terme, l'on pourra, en effectuant une prise de sang sur la mère, isoler suffisamment de cellules pour déceler les anomalies du foetus. Dès lors, l'on passera, pour ce qui est des deux techniques, du contrôle des anomalies graves au contrôle de la qualité du foetus. Quelle que soit la technique choisie, l'on ne pourra pas éviter de répondre à l'avenir à la question de savoir ce qui est normal et ce qui doit être protégé.
Une autre question dans ce contexte est celle d'une réglementation structurelle qui assure aux parents le droit d'accepter un enfant handicapé et de l'élever. Aujourd'hui déjà, après un diagnostic prénatal, les parents subissent une pression morale et émotionnelle importante qui les incite à effectuer une interruption de grossesse. Au centre de la V.U.B., l'on déconseille aux parents potentiels qui courent un risque génétique et qui ont décidé de garder l'enfant quoi qu'il arrive de faire pratiquer une amniocentèse.
Le développement des deux techniques mettra encore davantage ce problème en avant.
En ce qui concerne les dispositions de l'article 18 de la Convention, les intervenants admettaient généralement que le diagnostic préimplantatoire relève de l'application d'une technique médicale et qu'en tant que tel, l'on ne peut pas le considérer comme de la « recherche » au sens de cet article.
La situation est moins claire en ce qui concerne la question de savoir dans quelle mesure certaines vérifications qui sont effectuées dans ce cadre sont contraires à l'interdiction qui figure à l'article 18.2. Ainsi certains intervenants pensent-ils qu'il n'est pas exclu qu'il faille, pour pouvoir dépister certaines maladies, constituer, à partir des parents concernés, des embryons ayant un matériel génétique anormal ou non, en vue de tester les techniques de détection, avant de les appliquer à des embryons susceptibles de réimplantation. Certains intervenants ont estimé qu'il s'agissait en l'occurrence d'une simple activité de vérification qui ne tombe pas, en tant que telle, sous le coup de l'interdiction visée à l'article 18. D'autres ont estimé que la situation est pour le moins confuse en la matière. Dans cette hypothèse, l'on fabriquerait en effet des embryons dans le seul but de faire de la recherche, ce qui est stricto sensu en contradiction avec l'article 18.2 de la Convention.
La recherche médicale n'a pas un objectif directement thérapeutique, mais elle vise à améliorer les techniques médicales qui sont applicables sur le plan thérapeutique et profitent ainsi au patient individuel. Au cours des auditions, l'on a mentionné trois domaines dans lesquels pourrait se poser la question de la recherche sur des embryons :
L'amélioration des techniques en matière de procréation médicalement assistée : par exemple, la recherche visant à améliorer les techniques de congélation du matériel cellulaire ou la technique de micro-injection.
Le développement et l'amélioration des techniques de détection dans le cadre du diagnostic préimplantatoire.
La pathogénie, qui permet d'étudier le développement de certaines maladies congénitales au niveau de l'embryon.
On peut déduire des informations qui ont été fournies au cours des auditions que la recherche médicale sur les embryons excédentaires constitués dans le cadre d'une fécondation in vitro (c'est-à-dire l'hypothèse visée à l'article 18.1) est assez courante et vise surtout à améliorer la technique in vitro.
Moins claire est la réponse à la question de savoir dans quelle mesure on a constitué ou on constitue des embryons dans le cadre de ce type de recherche, une pratique qui est contraire à l'article 18.2 de la convention.
Au cours des auditions, l'on a fourni des précisions concernant deux projets prévoyant la possibilité de créér des embryons non destinés à être réimplantés dans le corps humain.
Le premier concerne un programme expérimental devant permettre l'application de la technique I.C.S.I. en hôpital. Le deuxième concerne un programme expérimental relatif aux modes de congélation d'ovules immatures.
a. Les essais précliniques pour l'application de la technique I.C.S.I.
Le professeur Englert, de l'Hôpital Érasme, a expliqué comment la technique de l'I.C.S.I. a été appliquée dans la pratique clinique à l'Hôpital Érasme (cf. aussi : M. Van den Bergh et consorts « Les essais précliniques à la maîtrise de l'injection intracytoplasmique d'un seul spermatozoïde (I.C.S.I.) pour le traitement de la stérilité masculine, Contracept. Fert. Sex. 1995, Vol. 23, nº 6).
Grâce à cette technique, qui représente un progrès considérable dans la lutte contre la stérilité masculine, on injecte directement un spermatozoïde dans un ovule. La micro-injection a été développée à la fin des années quatre-vingt par la V.U.B. et présente des avantages indéniables. Il ressort des chiffres du B.E.L.R.A.P. (voir la p. 12) qu'en 1996, 3 870 cycles ont été lancés grâce à cette technique, ce qui signifie que la moitié environ de tous les embryons produits l'ont été grâce à l'I.C.S.I. Son application est toutefois extrêmement complexe. Son application clinique à l'Hôpital Érasme a été précédée d'une période d'expérimentation de 1992 à 1994.
On n'a lancé cette période d'expérimentation qu'après avoir élaboré un protocole de recherche, qui a été soumis au comité d'éthique de l'hôpital.
On a utilisé pour les tests des « aged unfertilized ovocytes ». On a demandé par écrit aux couples qui se sont présentés pour une fécondation in vitro de céder les ovules non fécondés le jour suivant la fécondation in vitro . Ces ovules n'ont plus aucune finalité dans le projet du couple en question et, normalement, on les détruit. À cette occasion, on indiquait clairement en quoi consistait précisément la recherche et quel en était l'objectif.
Sur les soixante premiers ovules fécondés, la moitié se sont fragmentés pour diverses raisons techniques. Avec une certaine expérience, on a pu ramener ce chiffre à 20 %. À ce moment-là, on a décidé, en accord avec le comité d'éthique de l'hôpital, de proposer la technique aux patients que l'on ne pourrait aider autrement.
Actuellement, le taux d'ovules fragmentés est inférieur à 1 %. Le taux de fertilisation, qui était de 20 % à l'origine, est passé à 70 % et celui des grossesses de 17 à 64 %.
Le professeur Englert estime que, dans la mesure où ces tests ont été à l'origine d'embryons qui n'ont pas été constitués en vue d'être réimplantés dans le corps humain, ils sont certainement contraires à la disposition de l'article 18.2 de la convention.
Étant donné que divers centres ont lancé, indépendamment les uns des autres, un programme d'expérimentation similaire, un commissaire se demande pourquoi une telle recherche, qui suppose l'utilisation d'un matériel humain, n'est pas centralisée. L'article mentionné plus haut montre par exemple que les tests portaient souvent sur des questions plutôt techniques, comme le format des pipettes utilisées pour l'injection.
La professeur Liebaers fait remarquer à cet égard que, lorsqu'on développe des techniques aussi complexes, il n'est pas possible de tout résoudre d'emblée et que de nouvelles questions au stade de l'application peuvent toujours surgir, nécessitant une recherche complémentaire. À cela s'ajoute qu'une médecine de qualité suppose que les techniques nouvelles soient d'abord expérimentées avant d'être appliquées au niveau clinique.
Elle estime cependant elle aussi que l'article 18.2 de la convention ne permet pas ce type de recherche, étant donné qu'elle conduit à la constitution d'embryons non destinés à être implantés dans le cadre d'un projet de fécondation in vitro.
b. Congélation de matériel cellulaire
Les hommes qui doivent subir un traitement médical qui risque fort de les rendre stériles peuvent faire congeler au préalable du matériel cellulaire qu'on pourra réutiliser plus tard dans le cadre d'une fécondation in vitro . Jusqu'à présent, on était dans l'impossibilité d'offrir, aux femmes qui devaient subir un tel traitement, l'espoir de concevoir un jour. En effet, les ovules parvenus à maturité subissent un processus de division qu'il est impossible de remettre en route après une congélation.
L'hôpital universitaire de Gand a donc lancé, avec l'autorisation du comité d'éthique local, un projet de recherche qui consiste à congeler des cellules non encore parvenues à maturité et à les dégeler par la suite pour étudier les possibilités de poursuivre le processus de maturation in vitro .
Le professeur Dhont, qui a commenté ce projet en commission, a souligné que, dans le cadre de ces travaux de recherche, il était nécessaire de créer une centaine d'embryons au moins pour avoir un aperçu significatif de leurs caractéristiques morphologiques et se faire une idée fiable des risques que pourrait entraîner l'application clinique de la technique étudiée.
Dans ce cas également, il est clair que la création de ces embryons est contraire à l'interdiction portée à l'article 18.2 de la convention.
Le professeur Winkler du Comité consultatif de bioéthique distingue, face à la recherche médicale, la recherche fondamentale, qui est d'ordre plus général et fait passer l'intérêt de la société avant celui du patient individuel. Bien qu'un commissaire considère que la distinction entre les deux est trop vague et trop théorique pour que l'on en fasse en pratique un critère légal, on a cité au cours des auditions certains procédés que l'on peut généralement regrouper sous ce dénominateur commun. C'est notamment le cas des interventions sur le génome humain et de la recherche en matière de clonage d'embryons humains. On admet généralement qu'il n'y a pas d'activités de recherche de ce type en Belgique.
L'article 13 de la convention dispose que des interventions ayant pour objet de modifier le génome humain ne peuvent être entreprises que pour des raisons préventives, diagnostiques ou thérapeutiques. En outre, elles ne peuvent pas avoir pour but d'introduire des modifications dans le génome de la descendance.
Un protocole de la convention interdit en principe le clonage d'êtres humains.
En Belgique, la technique in vitro est appliquée par un grand nombre de centres. Quiconque suit la publication d'ouvrages scientifiques sur le sujet sait que certains de ceux-ci ont joué un rôle précurseur et ont permis de développer des techniques qui sont appliquées dans le monde entier.
Par contre, il n'y a, en Belgique, contrairement à ce qui est le cas dans la plupart des autres pays d'Europe occidentale, à peu près aucun cadre légal pour ce qui est de la recherche en matière de fécondation médicalement assistée. Il y a pourtant une demande manifeste d'encadrement et de mécanismes sociaux de contrôle de la pratique médicale et scientifique de la part des milieux médico-scientifiques.
Bien que la mise en place d'un tel cadre ne soit pas chose aisée, elle n'est pas non plus considérée comme une mission impossible. Au cours de l'audition, l'on a fait référence à maintes reprises, à cet égard, au fonctionnement du F.R.S., qui prouve qu'il est possible d'aboutir à un processus décisionnel efficace, y compris en ce qui concerne les implications éthiques des projets de recherche.
Pour ce qui est des conditions auxquelles devrait être subordonné l'encadrement légal de la recherche sur les embryons, les auditions ont mis en lumière les aspects suivants :
1. Les procédures d'agrément et le contrôle doivent valoir pour tous les projets de recherche
En principe, tout projet de recherche doit être soumis actuellement à l'approbation ou à l'avis d'un comité éthique local. En outre, les projets qui sont subventionnés, sont évalués par le F.R.S., qui en examine entre autres les implications éthiques.
Si la plupart des orateurs se sont accordés à dire qu'il serait erroné de prétendre, précisément parce qu'il existe des mécanismes de contrôle, que l'on se livre, sur une large échelle, à des pratiques inadmissibles dans notre pays, ils n'en estiment pas moins que personne ne peut dire exactement quels sont les projets de recherche en cours dans les divers hôpitaux ni ce qui se fait exactement dans le cadre de ces projets.
Un intervenant a souligné qu'il faut veiller à tout prix à ce qu'aucune personne ni aucun organisme ne puissent utiliser des embryons indépendamment de tout contrôle social, sans quoi tous les résultats positifs enregistrés jusqu'à présent dans le secteur en question grâce à la recherche seraient, à son avis, réduits à néant.
2. La réglementation légale à mettre en place doit englober l'agrément et le suivi des projets
La finalité de chaque projet de recherche doit être préalablement définie dans les détails et évaluée compte tenu des conséquences scientifiques et éthiques du projet. Le développement des projets de recherche doit faire l'objet d'un suivi permanent assuré compte tenu de cette finalité.
3. Les personnes dont proviennent les gamètes doivent approuver la recherche
Les orateurs sont tous d'avis que la recherche sur les embryons ne doit être autorisée que si les personnes dont proviennent les gamètes ont été parfaitement informées des objectifs poursuivis et se sont déclarées préalablement et formellement d'accord sur le prélèvement des cellules. C'est une condition sur laquelle on met aussi très fortement l'accent dans les ouvrages internationaux.
Néanmoins, certains orateurs ont déclaré, sans pour autant contester la nécessité de l'accord des intéressés, qu'ils doutaient que tous les patients aient suffisamment de maturité d'esprit pour pouvoir résister à certains souhaits du corps médical. C'est pourquoi il ne suffit pas de disposer de l'accord indispensable des patients et qu'il faut organiser un contrôle démocratique plus général de la recherche.
4. Il y a lieu d'assurer le caractère démocratique du processus décisionnel
Il faut charger une instance suffisamment représentative dans le domaine scientifique et dans les domaines social et juridico-éthique de déterminer ce qui est autorisé et ce qui ne l'est pas en matière de recherche sur les embryons. Certains des orateurs qui sont intervenus en cours de l'audition estimèrent qu'il appartient aux institutions politiques de déterminer de quelle manière l'on peut garantir le caractère démocratique du processus décisionnel sur ce plan.
Il faut non seulement que les décisions soient démocratiques, mais aussi qu'elles puissent être prises avec le recul nécessaire. Un orateur a estimé qu'il était souhaitable, pour un petit pays comme la Belgique, qui connaît une polarisation sur ce genre de questions et où des arguments autres que scientifiques pourraient influencer le processus décisionnel, qu'une série de compétences devraient être transférées au niveau européen.
D'autres ont déclaré qu'ils ne partagaient pas ce point de vue et qu'à leur avis, la manière dont le F.R.S. fonctionne montre qu'à l'échelon national, les décisions en la matière peuvent également être prises avec la sérénité requise.
5. Le caractère démocratique de la procédure d'agrément et de contrôle ne peut pas être un facteur de moindre efficacité
Des représentants du monde médical ont souligné que les procédures d'agrément et de contrôle mises en place doivent bien sûr offrir les garanties nécessaires, mais qu'elles doivent être suffisamment efficaces et ne peuvent pas traîner en longueur. L'écoulement d'un délai d'un an signifie le plus souvent, dans le domaine des sciences exactes, que le but de la recherche est dépassé avant même le lancement du projet en question. À cet égard aussi, le fonctionnement du F.R.S. est cité en exemple. Un orateur a suggéré un système dans lequel les centres agréés auraient à faire rapport à intervalles réguliers, par exemple chaque année, sur les projets en préparation et les recherches en cours.
6. Un cadre légal doit offrir la garantie que la recherche sur les embryons sera limitée à un minimum
Il faut donc avant tout que la recherche soit centralisée autant que possible et que ses résultats soient accessibles à tous. Il faut éviter que la même recherche soit effectuée parrallèlement en divers endroits.
En outre, il convient de garantir que l'on ne procédera à de la recherche sur embryons que si les résultats qu'elle permet d'obtenir et dont on a besoin ne peuvent pas être obtenus par une autre voie (expériences sur animaux ou sur un autre matériel cellulaire). La production d'embryons dans le cadre de la recherche est jugée admissible, mais seulement s'il n'est pas possible d'utiliser des embryons surnuméraires.
7. Il faut garantir le niveau scientifique de la recherche
La recherche sur les embryons doit être confiée uniquement à des centres qui sont à même de garantir un niveau scientifique élevé, tant en ce qui concerne le personnel affecté à la recherche que pour ce qui est de l'infrastructure dont ils disposent.
Conjuguée au constat que la recherche sur les embryons est particulièrement coûteuse, cette considération a amené certains intervenants à plaider pour une concentration maximale de la recherche.
Le professeur Baekelandt de Liège était d'avis que répartir la recherche entre les huit centres universitaires reviendrait à disperser les moyens d'une manière inefficace. Il s'est dit partisan de la création d'un ou de deux instituts qui seraient autorisés à faire de la recherche sérieuse. À son avis, cette solution permettrait également de donner une autre dimension au contrôle éthique sur la recherche.
D'autres intervenants ont toutefois estimé que la création d'un institut supplémentaire de ce type reviendrait à gaspiller inutilement les moyens dont l'on dispose.
En ce qui concerne le premier paragraphe de l'article 18, l'avis du Comité consultatif se contente de constater que les opinions divergent.
Le deuxième paragraphe de cet article, lui, a donné lieu à des divergences d'opinions plus prononcées. Les uns estiment que, dans certains cas, on ne peut pas éviter de créer des embryons humains aux fins de recherches si l'on veut, par exemple, aider les patients qui sont confrontés à des problèmes de fertilité ou qui souffrent de maladies d'origine génétique. Pour d'autres, la constitution d'embryons humains aux fins de recherche participe d'une approche utilitariste radicale : on ne respecte plus la vie humaine; on en fait même un instrument.
Les vues opposées que suscite l'article 18 sont le reflet des divergences d'opinions existant au sein du comité quant à l'ensemble de la convention. Là où certains membres estiment que le texte répond, dans l'ensemble, à la nécessité qu'il y a de préciser un certain nombre de choses sur le plan de la biomédecine et de renforcer la protection du sujet, d'autres sont d'avis que la convention est trop restrictive et craignent que sa ratification ait des répercussions inacceptables sur l'évolution de la recherche scientifique dans notre pays.
Il est apparu, pendant les auditions en commission, que l'article 18 divise également le monde médico-scientifique. Deux éléments semblent surtout conditionner la réponse à la question de savoir dans quelle mesure la loi doit laisser le champ libre à la recherche sur les embryons, si toutefois il y a lieu de lui laisser le champ libre : le statut que le scientifique donne à l'embryon in vitro et les éventuelles solutions de rechange qu'il pense y avoir à une recherche de ce type.
A. Le statut de l'embryon in vitro
Certaines législations étrangères prévoient un délai précis dans lequel la recherche sur les embryons est autorisée. Dans ce cadre, la limite est souvent fixée à deux semaines après la fécondation parce que c'est vers cette période que le système nerveux central commence à se développer. Certains orateurs, que la commission a entendus, estimaient qu'un tel délai est plutôt arbitraire et qu'il faut le considérer comme une convention pragmatique entre scientifiques ou entre les scientifiques et la société. Dans l'état actuel de la science, un embryon in vitro ne pourrait d'ailleurs être maintenu en vie que six à huit jours tout au plus.
L'on ne peut dès lors pas considérer qu'une telle limite apporte une réponse satisfaisante à la question de la nécessité de protéger l'embryon au stade initial de son développement.
Pour répondre à cette question, une première conception veut que l'embryon in vitro emprunte sa valeur à son potentiel immanent de donner un enfant à deux êtres humains qui ont cédé les gamètes dans le cadre d'un projet de parenté. La nécessité de protéger cet embryon doit être évaluée à la lumière d'un tel projet de parenté et est, par conséquent, relative. La création d'embryons dans le cadre de la recherche visant à améliorer les techniques de reproduction médicalement assistée est dès lors justifiée dans cette conception, pour autant que l'on respecte un certain nombre de principes éthiques.
Le professeur Englert a fait remarquer, à cet égard, que tous les problèmes de bioéthique sont liés à des conflits de valeur. Opter pour une meilleure protection d'une valeur donnée implique une régression du degré de protection d'une autre valeur. À son avis, l'article 18 de la Convention du Conseil de l'Europe met trop l'accent sur la protection de l'embryon, et ce au détriment du patient individuel ou du couple qui souhaite un enfant.
Une autre optique s'oppose à cette vision en conférant à l'embryon un degré de protection très élevé, considérant que cet embryon, s'il n'est pas un être humain, porte malgré tout en lui le germe de la vie humaine. Dans cette optique, l'embryon, en tant qu'être humain potentiel, a une valeur intrinsèque et totalement différente d'un embryon animal ou d'autres cellules humaines.
Les orateurs qui ont développé cette vision ont toutefois reconnu que, pour eux, la nécessité de protéger l'embryon n'est pas non plus absolue et doit être située dans le cadre d'un projet de parenté. Ainsi justifient-ils, d'un point de vue éthique, que, dans le cadre d'une fécondation in vitro , l'on perde des embryons lors de la congélation et de la décongélation, que les embryons destinés à l'implantation soient sélectionnés en fonction de leur qualité et que les embryons excédentaires soient détruits à terme.
L'on reste ici cependant dans un contexte clinique. La situation est, selon eux, toute différente lorsque l'on crée des embryons à des fins de recherche. Dès lors, on fait de la vie humaine un instrument, ce qui, dans leur optique, est évidemment un cap à ne pas franchir.
Selon cette conception, la distinction faite à l'article 18 de la Convention est justifiée. Bien que les deux modes de recherche soient fortement apparentés du point de vue de la technique de laboratoire, ils diffèrent essentiellement par l'intention qui y est à la base. Dans l'hypothèse visée au premier alinéa, les embryons excédentaires qui ont été constitués dans le cadre d'un projet de parenté sont utilisés a posteriori à des fins de recherche, tandis que, dans l'hypothèse de l'article 18.2, les embryons sont créés aux seules fins de recherche.
Au cours des auditions, on s'est demandé à de nombreuses reprises dans quelle mesure la recherche sur embryons est nécessaire pour assurer le développement de nouvelles techniques médicales et surtout pour examiner les risques éventuels qu'impliquent de telles techniques avant de pouvoir être transposées dans la pratique clinique.
Selon une première conception, qu'expriment le plus clairement le professeur Englert de l'Hôpital Érasme de Bruxelles et le professeur Dhont de l'Universitair Ziekenhuis de Gand, il ne peut y avoir aucun doute sur la nécessité de créer des embryons à des fins de recherche. Dans cette vision des choses, une interdiction comme celle qui est formulée à l'article 18.2 de la convention place l'homme de science dans une position impossible. Ou bien l'on arrête la recherche de certaines techniques nouvelles qui peuvent être vitales et on freine le développement de la science médicale, ou bien l'on introduit directement ces techniques dans la pratique clinique, sans les recherches préalables requises, avec tous les risques que cela implique pour le patient.
Prendre de tels risques est inacceptable d'un point de vue tant scientifique qu'éthique.
Cette conception s'oppose à celle que défendent, entre autres, les professeurs D'Hooghe et Vanden Berghe, de la K.U. Leuven, selon laquelle, dans l'état actuel de la science, on dispose de suffisamment d'autres matériels de recherche pour justifier l'interdiction de créer des embryons à des fins de recherche. Dans cette vision des choses, la constitution de pareils embryons ne peut jamais être considérée comme une solution de rechange commode à la recherche scientifique à part entière qui n'a pas besoin de faire usage d'embryons. Les solutions de rechange à la recherche sur embryons peuvent être le matériel animal, les gamètes humains et d'autres matériels cellulaires humains ou, si cela s'avère inévitable, les embryons restants d'un projet de fécondation in vitro.
Si ces orateurs conviennent que, dans le cadre de l'évolution scientifique ultérieure en matière de procréation médicalement assistée et de génétique humaine, on ne peut exclure que la recherche sur embryons soit un jour, dans une certaine mesure, une étape nécessaire dans l'approche de problèmes importants du point de vue clinique, ils n'en estiment pas moins que la création d'embryons humains destinés spécifiquement à la recherche n'est actuellement défendable ni scientifiquement, ni sur le plan éthique.
La discussion à ce propos s'est concentrée principalement sur trois domaines : le développement des techniques de micro-injection, la recherche de techniques de congélation des ovules et l'amélioration des techniques de détection dans le cadre du diagnostic préimplantatoire.
1. L'application clinique de la technique I.C.S.I.
Tant le docteur Debry de l'Institut de morphologie pathologique de Loverval que le professeur Dhondt de l'« Universitair Ziekenhuis » de Gand ont sérieusement mis en cause la façon dont la technique I.C.S.I. a été mise en pratique sur le plan clinique. Selon le premier cité, on serait en l'espèce allé trop vite et trop loin.
Déjà dans les années quatre-vingt, on avait tenté, en différents points du globe, d'implanter graduellement et de manière sélective un spermatozoïde dans un ovule, jusqu'au jour où un chercheur américain parvint effectivement, en 1988, à injecter, grâce à une aiguille à injection, un spermatozoïde dans un ovule. On laissa subsister ces ovules fécondés pendant 13 heures, pour vérifier si un nouveau noyau se formait. L'expérience fut ensuite interrompue.
La V.U.B. a déjà appliqué cette technique en 1992 en milieu clinique. Les deux orateurs estiment que l'on a ici passé outre à une série de mesures de précaution et de sécurité auxquelles on peut normalement s'attendre de la part d'un scientifique. Ainsi, ce n'est qu'ultérieurement, durant la période 1992-1994, que l'on a commencé à tester les effets tératogènes de certaines substances.
On a toutefois fait une amniocentèse après 18 à 20 semaines de grossesse aux femmes qui avaient reçu les premiers traitements, pour interrompre la grossesse si l'on constatait des malformations.
Le professeur Dhont a fait l'éloge en commission de la technique qui, entre-temps, s'est révélée être un progrès important pour la science médicale. La façon dont elle a été mise en pratique a toutefois été pour lui un exemple de ce qu'il ne faut pas faire. Une méthode médico-scientifique sérieuse aurait consisté à examiner minutieusement au préalable les embryons pour détecter les éventuelles malformations.
Il posait ici la question de savoir quelle est la voie à laquelle il faut donner priorité : appliquer immédiatement dans le domaine clinique une technique aussi délicate, avec tous les risques que cela comporte pour la femme, ou emprunter la voie intermédiaire vers la pratique clinique en commençant par rechercher d'éventuelles malformations dans les embryons obtenus.
Le professeur D'Hooghe de la K.U. Leuven reconnaît qu'on ne peut mettre en pratique une technique aussi délicate qu'en prenant un maximum de précautions. La technique I.C.S.I. l'incite, lui aussi, à s'interroger par exemple sur les malformations chromosomiques possibles, lesquelles n'ont pas, à son sens, été suffisamment examinées avant que la technique n'ait été appliquée.
Il n'empêche qu'il existe, selon lui, suffisamment de variantes aux tests précliniques sur des embryons. Très récemment l'on a mis au point, en Oregon, un modèle I.C.S.I. fiable, chez des primates, qui permet d'examiner les risques de malformations des embryons de singes rhésus. On n'aurait pas pu attendre pour ce faire que s'écoulent cinq ou six ans après que la technique eut été appliquée à l'homme. Du reste, des expériences sur animaux peuvent fournir des données qui ne sont connues chez l'homme qu'à un stade beaucoup plus tardif. Les singes sont pubères après quelques années, ce qui permet de répondre aux questions relatives à l'éventuelle hérédité de l'infertilité masculine. Ces questions ne sont certainement pas dénuées d'importance dans le cadre des techniques I.C.S.I.
Chacun sait que la recherche sur des primates est très coûteuse, mais le professeur estime que le monde scientifique doit pouvoir y consacrer un plus grand effort, y compris en Belgique et en Europe. Il est à ses yeux inacceptable d'utiliser des embryons humains à des fins de recherche à titre de variante peu coûteuse et commode à la recherche sur animaux.
2. La recherche de meilleures techniques de congélation d'ovules
Au cours des auditions, le professeur Dhont a souligné qu'il considère que la recherche sur des embryons est indispensable, même y compris dans le cadre du projet expérimental qu'il est en train de parachever personnellement à l'Université de Gand (voir p. 22). Il estime que, pour pouvoir appliquer la technique en toute sécurité et pour pouvoir se faire une bonne idée de tous les risques possibles, il est nécessaire de congeler, de décongeler, d'amener à maturité et de féconder un grand nombre d'ovules qui ne sont pas encore arrivés à maturité. Il faudrait produire au moins 100 embryons de cette manière.
Par contre, selon la conception du professeur D'Hooghe, rien ne semble indiquer dans le contexte scientifique actuel qu'il faille produire des embryons en vue de ce type de recherche. Il existe, selon lui, suffisamment de moyens microscopiques et biochimiques pour évaluer la qualité d'un ovule après congélation et décongélation. En fin de compte, l'on peut parfaitement évaluer la fécondabilité d'un ovule dans le cadre d'un programme clinique existant de fertilisation in vitro.
Il estime que l'on aurait pu éviter d'avoir à recourir à des recherches sur des embryons humains dans le cadre du projet gantois, si l'on avait fait davantage d'essais sur des cellules animales. L'affirmation selon laquelle la recherche animale, par exemple sur des primates, est trop onéreuse, n'est pas un argument valable en l'espèce. Dans la mesure où l'on a déjà mené à bien dans d'autres parties du monde des grossesses à partir d'ovules congelés puis décongelés, il est superflu selon lui de faire de la recherche sur embryons à l'aide de cette technique.
Le professeur Dhont a noté, à propos de ce dernier argument, que la littérature relative à un nombre limité d'applications cliniques ne peut absolument pas remplacer un examen approfondi des risques que soulève une telle technique. Si l'on n'a fait aucune recherche à Gand sur des embryons de primates, pour la bonne et simple raison qu'il n'y avait pas d'embryons de primates disponibles, l'on a néanmoins réalisé un programme expérimental sur de petits mammifères. Le professeur Dhont considère toutefois qu'il serait osé d'évaluer les risques d'une telle technique sur la simple base de tests sur animaux.
Il estime qu'il convient toujours de soumettre le matériel que l'on utilise, à savoir l'embryon humain, à un test clinique avant de procéder à des utilisations dans le cadre de la pratique médicale.
3. La pathogénie et la recherche de nouvelles techniques de détection dans le cadre du diagnostic préimplantatoire
Selon la professeur Liebaers de la V.U.B., il pourrait y avoir une demande de recherche sur des embryons dans le domaine de la pathogénie. Il se pourrait que, pour pouvoir comprendre la genèse d'une maladie, l'on doive étudier ce qui se passe au niveau de l'embryon. Actuellement, l'on fait dans l'optique esquissée des recherches sur des embryons excédentaires dont on sait qu'ils sont porteurs de la maladie en question. Il se pourrait toutefois que l'on doive produire des embryons frappés d'une anomalie spécifique pour pouvoir mieux comprendre la maladie et pour pouvoir examiner les possibilités de mettre au point une thérapie.
La question de la demande de recherches sur des embryons se pose toutefois encore davantage pour ce qui est du diagnostic préimplantatoire, une technique extrêmement délicate qui s'applique à une cellule unique et qui peut avoir des conséquences considérables pour le patient. Il est dès lors essentiel que l'on attende de procéder au diagnostic, que les techniques pour le réaliser soient suffisamment fiables.
La professeur Liebaers a reconnu, au cours des auditions, que, grâce aux progrès de la technique médicale, la plupart des tests qui s'imposent dans le cadre en question peuvent être effectués sur des globules blancs ou sur des embryons excédentaires. À son avis, rien ne dit qu'il n'y aura pas de nouvelles questions qui nécessiteraient la production d'embryons destinés à la recherche. Les embryons excédentaires ne sont en effet pas toujours des supports idéaux pour pouvoir dépister des anomalies très spécifiques. En fécondant un ovule au moyen d'un gamète présentant des caractéristiques génétiques spécifiques, l'on pourrait, dans certains cas, développer des techniques de détection plus fiables et offrant plus de certitude au cas où elles seraient appliquées à des embryons destinés à être réimplantés.
La professeur Liebaers estima dès lors que, même s'il convient d'éviter autant que possible de devoir produire des embryons humains à des fins de recherche, il ne faut jamais exclure totalement l'hypothèse où il deviendrait nécessaire d'en produire qui est viseé à l'article 18 de la convention.
Le professeur D'Hooghe a fait référence à cet égard au point de vue du docteur J. Geraerts (Maastricht) et au professeur A. Handyside (Londres), selon lequel la recherche sur les embryons n'est pas nécessaire dans le cadre du développement du diagnostic préimplantatoire. Selon les scientifiques, il existe des techniques de détection d'anomalies génétiques dans les globules blancs de l'homme, dans les fibroblastes humains, dans les ovules humains non fécondés et dans les gamètes de personnes souffrant d'une affection. L'on dispose du savoir nécessaire pour multiplier ces techniques au niveau unicellulaire sans avoir à utiliser des embryons humains.
Reste le stade ultime où il faut prélever une cellule sur l'embryon et examiner, dans les quelques heures qui suivent, si elle est ou non porteuse de la maladie en question. L'on se situe toutefois déjà dans la phase clinique et, dans cette phase, l'on utilise par définition des embryons qui ont été produits par fécondation in vitro pour être réimplantés.
En conclusion des auditions, les différents groupes politiques ont été invités à répondre aux questions suivantes sous forme d'un bref exposé :
« La Convention du Conseil de l'Europe sur les droits de l'homme et la biomédecine impose à la Belgique si celle-ci la ratifie l'obligation de mener à bien un programme législatif impressionnant. En outre, les questions traitées dans le cadre de la Convention doivent faire l'objet d'un large débat de société.
Au cours des auditions, l'attention s'est concentrée sur l'article 18 en question qui, de l'avis du Comité consultatif de bioéthique et selon les déclarations du Gouvernement, constitue actuellement un obstacle de taille à la ratification de la Convention. La liste (non exhaustive) des questions soulevées par l'article 18 est reproduite en annexe.
Comment votre groupe évalue-t-il cette Convention ? Estimez-vous souhaitable/nécessaire que la Belgique s'inscrive dans l'esprit de la Convention et, dès lors, signe et ratifie celle-ci ? Quelles initiatives légales y a-t-il lieu de prendre à cet effet ? »
1. D'une manière générale, la Convention répond à la nécessité générée par le progrès biotechnologique d'ériger en norme dans une société pluraliste la protection de l'être humain contre l'instrumentalisation et la commercialisation. La Convention constitue un stimulant important pour amener la Belgique à finalement légiférer en matière de bioéthique. Comme il n'y a pas de réglementation en la matière en Belgique, la ratification de cette Convention impose la conclusion d'un programme législatif impressionnant. Remarquons par ailleurs que la flexibilité nécessaire pour répondre à l'avenir aux problèmes encore impossibles à prévoir aujourd'hui et pouvant constituer une source potentielle de conflits est présente puisque l'on a explicitement prévu la possibilité de revoir la Convention tous les cinq ans.
2. Bien que bon nombre de dispositions puissent recueillir un large consensus, il ressort de l'avis du Comité consultatif de bioéthique que deux visions des choses se sont développées en Belgique. Certains membres considèrent que la Convention répond dans sa globalité au besoin de préciser une série de points en matière de biomédecine et d'améliorer le niveau de protection du sujet. D'autres craignent que la Convention ne soit trop sévère et que sa ratification n'ait des répercussions inacceptables pour l'avenir de la recherche scientifique. Cette divergence de vues se résume sur le fond à la tension entre, d'une part, le principe de la dignité de la vie humaine « dès le commencement de la vie » et, d'autre part, le principe de la « liberté de la recherche scientifique » et du « devoir de savoir ». Cette divergence de vues apparaît le plus clairement dans l'avis relatif à l'article 18. Si d'aucuns trouvent que produire des embryons aux fins de recherche est inévitable dans certains cas, d'autres estiment qu'aller dans ce sens revient à privilégier une conception radicalement utilitariste de la vie humaine, qui serait contraire aux principes fondamentaux de la Convention.
3. Cette divergence de vues explique l'attitude du Gouvernement belge, qui a chargé ses négociateurs de ne pas intervenir au cours des discussions des articles en question et de s'abstenir lors du vote de ceux-ci. De là l'abstention de la Belgique lors du vote final sur la Convention, en novembre 1996. Comme il n'y a pas de législation qui règle cette matière en Belgique et qu'aucune réserve ne peut donc être formulée à l'encontre des dispositions en question, le Gouvernement belge ne procède pas non plus à la signature de la Convention. Pour le même motif, notre pays n'a pas non plus signé le Protocole interdisant le clonage.
4. Le groupe C.V.P. juge cette situation extrêmement déplorable du fait que, de par son attitude, la Belgique se désolidarise des 22 pays qui ont déjà signé la Convention. En outre, les divergences d'opinions risquent de mener à une impasse, ce qui retarderait (à nouveau) l'élaboration de la réglementation qui s'impose. La situation est d'autant plus regrettable que les auditions ont montré que les divergences de vues pourraient être surmontées au plan politique. Tout le monde s'accorde notamment sur la nécessité de réglementer la biomédecine (et, plus particulièrement, de protéger l'embryon humain) et sur le fait que la recherche doit toujours se situer dans un cadre contrôlable par la collectivité.
Le caractère pluraliste de notre société entraîne cependant des divergences de vues à propos des questions fondamentales, comme celles de savoir quand commence la vie et quelle est la valeur à accorder à l'embryon. Le monde politique doit donc relever le défi de créer un cadre de réflexion commun, dans lequel beaucoup puissent se reconnaître et qui serve de critère de référence à l'ensemble de la société. Il est de notre responsabilité de rapprocher les différents points de vue et d'élaborer le cadre du contrôle qui sera exercé en la matière. Nous devons aussi veiller à ce qu'à l'avenir, le Parlement prépare la position de la Belgique sur une Convention aussi importante que celle-ci avec minutie et dans la transparence.
5. Pour le groupe C.V.P., la protection de la vie humaine est une valeur autonome qui passe avant toutes les autres. Comme il est incontestable que l'embryon n'est rien d'autre qu'un être humain à un stade antérieur de développement, cet embryon mérite une protection très étendue, quoique non absolue.
Là-dessus vient se greffer la constatation que le progrès médical a permis de remédier à de nombreuses maladies, y compris aux problèmes de fertilité rencontrés par certains couples. Il faudra donc que la science médicale puisse continuer à se développer suffisamment à l'avenir. Mais la liberté de la recherche scientifique n'empêche pas que l'on puisse fixer des limites. L'homme n'est pas subordonné à la science ni à la technique : ces dernières doivent servir l'homme et la nature en tant qu'un tout. C'est pourquoi la recherche doit se situer dans un cadre permettant l'exercice d'un contrôle par la collectivité.
6. En ce qui concerne l'article 18 en question, ces deux considérations amènent à la conclusion que la recherche sur embryons ne pourra jamais être considérée comme une variante commode de la véritable recherche scientifique, qui n'a pas besoin, elle, d'utiliser des embryons. Pour le groupe C.V.P. du Sénat, les embryons humains ont une valeur intrinsèque, qui réside dans leur faculté d'évoluer pour donner naissance à un être humain; aussi ne peuvent-ils être utilisés à d'autres fins sans justification expresse. L'utilisation d'embryons ne se justifie que lorsqu'il s'agit d'une recherche obéissant à des intérêts sanitaires majeurs et en l'absence de toute autre solution. Une commission nationale d'éthique médicale à créer (au sein de laquelle seront représentés, outre les médecins, les spécialistes de l'éthique, les juristes et les embryologistes) sera chargée d'évaluer les projets de recherche scientifique dans les sciences biomédicales.
7.1. Vu :
a) l'urgence de disposer d'une réglementation en matière de biomédecine;
b) le mouvement d'harmonisation européenne en la matière;
c) le risque que les divergences d'opinions mènent à une impasse, ce qui retarderait l'élaboration de la réglementation qui s'impose;
d) la possibilité de formuler des réserves avant la ratification au sujet de la disposition en question de l'article 18, § 2, dans la mesure où ces réserves sont dictées par la loi.
7.2. il est recommandé :
a) de signer la Convention sans délai. En signant, les autorités belges s'engageront à oeuvrer rapidement à l'élaboration du texte législatif nécessaire dans le domaine de la biomédecine.
b) avant de procéder à la ratification, de mettre au point une réglementation légale concernant :
b.1. la fixation de critères d'agrément des centres de procréation médicalement assistée, conjointement avec l'élaboration d'un modèle structurel de collaboration entre les centres de F.I.V. et les centres de génétique humaine;
b.2. la protection des embryons humains
b.3. la recherche scientifique sur embryons, à partir des principes suivants :
b.3.1. la recherche sur embryons ne peut jamais être considérée comme une variante de la véritable recherche scientifique qui n'utilise pas d'embryons quant à elle;
b.3.2. si la recherche scientifique sur embryons est vraiment inévitable, il faut alors utiliser d'abord les embryons restants qui ont été cédés spécifiquement à des fins de recherche scientifique par les parents potentiels de ces embryons;
b.3.3. le but de la recherche doit se limiter à une contribution aux connaissances médicales en matière de reproduction humaine.
Sont interdits :
les actes qui sont accomplis à des fins eugéniques;
les actes visant à cloner des embryons;
l'implantation d'un embryon qui a fait l'objet de recherches expérimentales;
b.3.4. il convient de soumettre la recherche sur embryons aux conditions strictes suivantes :
limitation de ce genre de recherche aux centres F.I.V. et génétiques agréés qui travaillent en collaboration;
assentiment préalable des personnes qui ont cédé les gamètes, après une information claire et objective sur le but et le déroulement de la recherche;
avis positif d'une commission nationale d'éthique médicale à créer (au sein de laquelle seront représentés, outre les médecins, les spécialistes de l'éthique, les juristes et les embryologistes) concernant la valeur scientifique et la faisabilité du projet ainsi que l'absence d'autres méthodes de recherche;
avis positif de trois experts étrangers;
rapport obligatoire fixant préalablement la finalité et sur la base duquel le suivi de la recherche doit être assuré;
rapport annuel au Parlement, par la commission nationale susvisée, concernant tous les projets de recherche déposés et la formulation de recommandations sur le plan de la réglementation.
Le Groupe PS considère que la Convention du Conseil de l'Europe sur les droits de l'homme et la biomédecine rappelle de manière satisfaisante, pour quelques questions particulières, les principes minimaux qui doivent être à la base d'une réglementation.
C'est notamment le cas pour ce qui concerne le consentement du patient lors de toute intervention qui le concerne, et le consentement de toute personne qui se prête à une recherche.
C'est également le cas pour l'interdiction de tests génétiques prédictifs à des fins non médicales. Le Groupe PS rappelle qu'un de ses membres a déjà déposé une proposition de loi sur cette question.
Mais la Convention appelle d'autre part une série de réserves.
De manière générale, il faut constater que la Convention est sous-tendue par une philosophie défensive, qui considère que la biomédecine constitue une menace et un danger pour l'homme. Or, la recherche biomédicale est avant tout caractérisée par la volonté de soigner et de faire évoluer la science.
La Convention veut placer la réglementation de la biomédecine dans le sillage des droits de l'homme. L'esprit des droits de l'homme est universaliste. Il ne peut imposer que des règles sur lesquelles existe un consensus suffisamment général.
Dans certains domaines de la médecine et de la recherche biomédicale, la Convention consacre pourtant des positions éthiques qui ne sont pas partagées par l'ensemble de la société. Il ne serait pas acceptable que ces positions donnent naissance à des normes obligatoires, et particulièrement dans une société caractérisée par l'acceptation du pluralisme en matière éthique.
La référence aux droits de l'homme soulève d'autres problèmes. Les droits de l'homme ont pour vocation de protéger la liberté et l'autonomie des individus, tout en affirmant l'égalité de chacun et la solidarité entre tous. Ils ne concernent pas des entités au statut indécis, comme le génome ou l'embryon.
À cet égard, l'article 18 de la Convention, relatif à la recherche sur les embryons in vitro , est un de ceux qui appellent les réserves les plus nettes.
Le premier paragraphe de l'article 18 est manifestement ambigu. L'on peut soit considérer que, lorsque la loi règle la recherche sur les embryons in vitro , elle doit en même temps assurer une protection adéquate de ceux-ci, soit considérer que ce type de recherche ne peut être admis que par une loi protégeant adéquatement l'embryon. Si cette dernière interprétation prévaut, l'absence de loi réglant la question empêcherait toute recherche sur les embryons in vitro .
La recherche sur les embryons in vitro est particulièrement développée en Belgique. Elle peut aider à la connaissance de certaines pathologies graves, comme certaines formes de cancer ou de maladies génétiques, et, très concrètement, elle a permis au cours des vingt dernières années des avancées considérables dans le traitement de la stérilité.
Pour lever les risques liées à l'ambiguïté du premier paragraphe de l'article 18, une éventuelle ratification de la Convention doit donc être précédée par l'adoption d'une loi organisant le cadre de la recherche sur les embryons in vitro .
L'adoption d'une législation spécifique est, pour le Groupe PS, d'autant plus nécessaire que le deuxième paragraphe de l'article 18 interdit la constitution d'embryons humains aux fins de recherche.
Comme l'ont souligné certains membres du Comité consultatif de bioéthique (avis nº 2 du Comité concernant la Convention droits de l'homme et biomédecine du Conseil de l'Europe), « la production d'embryons humains pour la recherche peut s'avérer dans certains cas indispensable dans l'intérêt même des patients souffrant de stérilité ou atteints de maladies génétiques ».
Certaines équipes de recherche travaillent aujourd'hui sur des embryons spécifiquement constitués. Les protocoles de recherche ont fait, préalablement, l'objet de débats et d'avis au sein de comités d'éthique locaux.
L'article 36 de la Convention permet de formuler des réserves au sujet de dispositions particulières, pour autant qu'une loi nationale en vigueur au moment de la ratification règle les matières concernées. Une loi devrait donc autoriser et encadrer la constitution d'embryons aux fins de recherche, avant une éventuelle ratification de la Convention.
À cet égard, le Groupe PS insiste sur la nécessité, pour une loi future, de reconnaître et d'intégrer la pluralité des positions éthiques sur certaines questions, notamment en ce qui concerne le statut de l'embryon.
Le Groupe PS rappelle le rôle important que jouent les comités d'éthique locaux dans le contrôle et la régulation de la recherche, tout en permettant aux diverses sensibilités de s'exprimer. Si la loi organisait un contrôle de la recherche sur les embryons in vitro , les comités d'éthique locaux devraient y avoir une place déterminante.
Par ailleurs, d'autres questions devraient faire l'objet d'un débat et d'une intervention législative susceptible de justifier la formulation de réserves sur certaines dispositions de la Convention. L'on songe, notamment, à l'interdiction radicale et sans nuance de la thérapie génique germinale.
Le Groupe PS ne peut donc accepter que la Convention du Conseil de l'Europe sur les droits de l'homme et la biomédecine soit ratifiée par la Belgique, sans que les questions problématiques n'aient fait l'objet de larges débats.
Si certaines dispositions font manifestement l'objet d'un consensus, l'ensemble du texte ne peut toutefois être considéré comme une base satisfaisante de toute la réglementation future de la biomédecine.
En tout état de cause, le Groupe PS souhaite que toutes les questions relatives à la recherche biomédicale fassent l'objet, pour autant que nécessaire, d'une législation et d'une réglementation nationales, sans que les débats que connaîtront le Parlement et le Gouvernement ne soient orientés par la perspective d'une ratification de la Convention du Conseil de l'Europe.
1. Introduction
Les spécialistes en biotechnologie ont, en peu de temps, enregistré d'énormes progrès dans le démêlage de notre structure génétique. Là où Lourdes se montre impuissante, ils seront bientôt capables d'accomplir des miracles pour les malades incurables. Grâce à la thérapie génétique, les virus ou d'autres vecteurs de matériel génétique seront mis à contribution pour remplacer un gène « malade » ou « indésirable ». La fertilisation in vitro est déjà une technique largement répandue et admise. D'une manière générale, les techniques médicales et la recherche biogénétique se perfectionnent de plus en plus.
La révolution génétique a été incarnée par Dolly, une brebis écossaise. Dolly a relancé le débat sur les questions biogénétiques. Elle a mis en cause les nouveaux docteurs miracles et sa procréation a suscité des questions sur la faculté de maîtriser cette science impétueuse. Il ne s'agissait plus d'une trouvaille purement scientifique, mais d'une découverte qui touchait l'homme au plus profond de son être. On peut le croire en mesure de se dédoubler ou, en intervenant sur son génome, de faire disparaître l'espèce à laquelle il appartient. De telles perspectives ne laissent pas d'inquiéter. La question de la régulation, de la protection est posée. Chacun ne vit, en définitive, que par la grâce de ses gènes.
Le 4 avril 1997, 21 des 40 États membres du Conseil de l'Europe ont signé la Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine. Cette convention répondait au besoin de réglementation et de protection. Elle protège l'être humain (y compris au stade prénatal), la dignité humaine (protection du génome) et l'intégrité (le consentement est expressément requis). L'objectif est de prévenir les abus au niveau des actes médicaux et de la recherche médicale. La convention prévoit par ailleurs, entre autres, l'égalité d'accès de tous les citoyens aux soins de santé, la protection des personnes n'ayant pas la capacité de consentir; elle règle le droit d'être informé ou de ne pas l'être, le respect de la vie privée et le droit à réparation. L'article 4 impose explicitement à tout dispensateur de soins de respecter sa propre déontologie professionnelle. La convention reconnaît la liberté de la recherche, mais limite cette liberté au contexte qu'elle prévoit. Enfin, il est important que la convention puisse être revue tous les cinq ans à la lumière des nouveaux développements scientifiques éventuels.
La Belgique ne l'a pas signée. C'est surtout l'article 18, qui institue l'interdiction de constituer des embryons exclusivement à des fins de recherche scientifique, qui s'est heurté à des réticences. L'incapacité historique de la Belgique d'aboutir à un consensus dans les questions bioéthiques est, une nouvelle fois, apparue au grand jour. Les partisans de la recherche libre et ceux qui imposent une limite au droit à l'autodétermination s'opposent diamétralement. Lorsque le Comité consultatif de bioéthique a été prié de donner son avis, il s'est également montré incapable de transcender la situation belge, et n'est parvenu à aucun consensus...
Bien que la Belgique n'ait pas signé la convention, bon nombre de points réglés par celle-ci faisaient l'unanimité. Elle prévoit également la possibilité, sur la base de l'article 36, de signer le texte avec des réserves et, pour les cas spécifiques, de faire primer la législation nationale. La Belgique n'ayant pas de législation en la matière, cette option était sans objet. Les raisons pour lesquelles notre pays n'a pas signé la convention étaient donc l'absence de consensus et l'impossibilité d'atténuer, par la législation nationale, le caractère par trop restrictif de la convention. Il s'ensuit que nous restons en dehors de tout le travail législatif de la convention. Il en va de même de l'interdiction de cloner des êtres humains, un protocole additionnel à la convention le 12 janvier 1998 par treize pays européens.
Un Code de la déontologie médicale a certes été rédigé en 1975. Ce code comporte également des dispositions régissant les expériences sur des êtres humains, mais il n'a pas force obligatoire. En raison de la réglementation relative à l'avortement thérapeutique, il n'a jamais été confirmé par un arrêté royal délibéré en Conseil des ministres. Depuis lors, l'Ordre des médecins n'a plus insisté pour qu'il soit approuvé. « En résumant et en simplifiant, on peut dire que les dispositions du code correspondent à un avis obligatoire. » (1)
Actuellement, nos laboratoires agissent donc comme ils le jugent bon. Ils déterminent eux-mêmes ce qui « ne peut pas se faire » et ce qui « doit pouvoir se faire ». Les chercheurs et les entreprises actifs dans le domaine se sont rapidement concentrés sur notre pays, ce qui présente des avantages. Nous nous sommes forgé une avance non négligeable sur le plan scientifique, et les répercussions économiques sont également positives. Les entreprises qui commercialisent des produits de la biotechnologie poussent comme des champignons. L'accord sur la protection juridique des inventions biotechnologiques, qui autorise les brevets sur les organismes vivants et le patrimoine génétique et qui n'a certes pas été signé par la Belgique , entraînera à l'échelon mondial une réaction exponentielle.
Rien n'indique pour l'instant que lautorégulation pratiquée par nos laboratoires et universités ait engendré des dérapages déontologiques; mais il s'agit toujours de leurs critères, et non de ceux de la société. Compte tenu de la tentation, propre à la science, d'expérimenter ou de céder à d'éventuels impératifs financiers, un cadre juridique international est tout simplement indispensable. L'absence de normes ou d'instances normatives comporte toujours un risque de dérive des personnes ou des groupes.
Soucieux d'assumer son nouveau rôle de chambre de réflexion, le Sénat s'est saisi du débat. Il doit s'efforcer de donner confiance à la population en créant un cadre dans lequel la science pourra opérer. Une réglementation officielle est tout simplement justifiée par la possibilité réelle qu'a le scientifique de détruire l'individu ou la collectivité. Un large consensus par-delà les controverses éthiques doit limiter la position de force que le savant a conquise et qu'il renforce chaque fois qu'il progresse dans la connaissance, sans toutefois porter atteinte aux droits de l'homme de science. Le législateur ne doit intervenir que là où le droit fondamental de l'homme à la dignité ou à la liberté est menacé. Il n'est par conséquent pas indiqué de signer inconditionnellement. Le débat indiquera quels sont les points de la Convention sur lesquels nous souhaitons émettre des réserves et qui rendront nécessaire l'élaboration d'une législation nationale.
2. Généralités : La conception libérale
de la bioéthique
« Depuis la naissance de Dolly (...), nous savons qu'il est possible d'appliquer cette technique non seulement aux animaux évolués mais aussi aux êtres humains. Mais que faut-il en penser ? J'ai écrit ci-dessus que l'on ne dispose d'aucun fil conducteur externe pour répondre à ces questions. Nous devons trouver la voie nous-mêmes. C'est non pas simplement l'affaire de spécialistes de l'éthique, mais de la société tout entière. » (Traduction.) (2)
« La bioéthique, il faut le reconnaître, s'est affirmée dans un contexte de remise en cause de la notion globale d'un progrès qui serait en soi source de bienfaits. Elle est à cet égard le reflet de notre époque. La bioéthique n'est pas l'éthique de la science biologique. Elle n'est pas synonyme de déontologie. Elle s'intéresse non pas aux pratiques professionnelles en tant que telles, mais à leurs conséquences sur la société. L'idée maîtresse de la bioéthique est le respect de la dignité humaine. C'est le point essentiel. La bioéthique doit s'appuyer sur les droits de l'homme. » (3)
À l'heure actuelle, en pratique, peu de citoyens sont concernés directement par les implications des nouvelles techniques que l'on utilise dans le secteur de la biomédecine. Mais les résultats de l'application de celles-ci auront effectivement des conséquences pour notre société tout entière et il importe, dans cette optique, qu'il y ait un débat de société sur la bioéthique. Ce débat de société doit se dérouler tant à l'échelle internationale qu'au niveau national. Une discussion sur la biomédecine s'impose, parce que les décisions qui sont prises aujourd'hui influenceront les chances de survie et la structure de notre société.
L'opinion publique éprouve, en outre, une certaine anxiété et une certaine insécurité dans la mesure où il existe des risques d'usage abusif (eugénisme, clonage d'êtres humains, etc.) de ces nouvelles technologies de pointe. C'est précisément pour cette raison qu'il est nécessaire que les pouvoirs publics contrôlent d'une manière ou d'une autre le respect de certains principes juridiques. Ils doivent veiller à ce que l'être humain puisse toujours jouir de la liberté fondamentale qui lui est garantie. Chaque être humain a le droit de vivre conformément à ses principes éthiques pour autant qu'il le fasse de manière à ne pas porter atteinte aux droits et aux libertés d'autrui.
À l'occasion d'une journée d'études (Bruxelles, 5 octobre 1996), le V.L.D. a adopté cinq recommandations relatives à la génétique et à la société :
1. Le droit à la vie privée et le droit à l'autodétermination de l'individu doivent être garantis dans le cadre de la recherche génétique et des applications génétiques. Le bien-être de l'individu doit primer les intérêts de la science et les intérêts économiques.
2. Le V.L.D. reconnaît qu'il est socialement et politiquement nécessaire d'organiser un débat sur les applications de la recherche génétique et insiste pour que le Parlement prenne les initiatives qui s'imposent à cet effet.
3. Eu égard au large consensus qui existe actuellement dans les milieux qui s'occupent de bioéthique, le législateur interdira la communication d'informations génétiques.
4. Le génome humain ou certains de ses composants et l'embryon humain ne sont pas des marchandises et ils ne peuvent dès lors faire l'objet d'aucune activité commerciale. Le législateur doit garantir des normes éthiques minimales qui soient le reflet d'un large consensus réalisé dans une société pluraliste. Parallèlement à l'existence de ces normes, il faut que l'individu conserve son libre arbitre. Reste à savoir dans quelle mesure une autorégulation des laboratoires et de la recherche scientifique peut suffire et s'il ne faut pas envisager la création d'une « autorité » ou d'un organe de contrôle indépendant.
5. L'on peut obliger des personnes qui sont suspectées d'avoir commis des délits punissables d'une peine d'emprisonnement de 10 ans ou plus, à se soumettre, au besoin, à un test d'A.D.N. (4).
À l'occasion du débat que le Conseil de l'Europe a consacré à la Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine et, en particulier, à l'article 18 de celle-ci, qui est controversé, le groupe de travail sur la bioéthique, qui a été créé récemment au sein du groupe politique du V.L.D. au Sénat, a estimé qu'il y a lieu de définir un point de vue plus concret sur les problèmes de bioéthique.
Il faut se demander par ailleurs dans quelle mesure il convient que le législateur édicte des règles concernant les divers champs d'application de la bioéthique. L'on a abordé cette question au cours d'un colloque organisé par le sénateur Coveliers (Anvers, 18 octobre 1997). Selon l'optique libérale, une réglementation ne s'impose que dans la mesure où les libertés et les droits fondamentaux sont menacés. L'on est confronté actuellement, en Belgique, à un vide juridique concernant bien des applications de la bioéthique et c'est d'ailleurs notamment parce que notre pays ne dispose pas de la réglementation requise qu'il n'a pas pu apposer sa signature au bas de la convention du Conseil de l'Europe.
Comme on l'a dit, il y a un besoin évident de réglementation de certaines de ces matières par les pouvoirs publics. Dans le cadre du débat sur cette question, nous devons rester vigilants du point de vue éthique face aux nouveaux progrès de la science. Le pouvoir des scientifiques croît à mesure que leurs connaissances en matière de biomédecine se développent. Une réglementation doit dès lors être conçue dans l'optique de la défense des droits de l'homme qui risque de voir sa liberté amputée de par l'accroissement du pouvoir des scientifiques.
Par ailleurs, les pouvoirs publics ne peuvent imposer aucune limite à l'acquisition de connaissances et à l'application des résultats de la recherche scientifique, si celle-ci ne porte pas atteinte à la dignité humaine. « L'autorégulation de la science n'est donc qu'une solution, par définition, temporaire, et il conviendra, à terme, de la remplacer ou de la compléter par des codes éthiques et juridiques acceptés universellement » (5) (Traduction) . Autrement dit, il faudra systématiquement faire la balance entre les intérêts de la recherche scientifique et la nécessité de sauvegarder les droits et libertés fondamentales de l'homme. La recherche scientifique ne peut jamais être gratuite ni dénuée d'aucune finalité sociale et elle doit toujours répondre à des objectifs clairs et acceptables. La recherche scientifique doit rester possible dans ces conditions, l'on doit pouvoir continuer à réaliser des expériences sur les embryons pour autant que le but final est d'aider des couples qui sont confrontés à des problèmes de stérilité ou à des affections génétiques et tant que les choses se passent sous les conditions strictes qui seront définies plus loin dans le texte.
Le paradigme éthique de Kant s'applique parfaitement en l'espèce : « Agis de manière que l'humanité, tant en ta propre personne qu'en la personne d'autrui, soit toujours un but et jamais un moyen ».
Comme il peut y avoir énormément d'opinions diverses, légiférer en matière de bioéthique revient à créer un cadre et à élargir les possibilités de choix et la marge de décision individuels. Il y a lieu de définir les principes de base dans le respect desquels chacun doit pouvoir agir selon ses convictions personnelles sans porter préjudice aux intérêts de personnes ni à ceux de la société et sans porter atteinte aux droits fondamentaux de l'homme.
Les principes essentiels sur lesquels doit reposer la conception libérale de la bioéthique sont celui du respect des droits de l'homme, de la dignité humaine, de la vie privée, de la liberté individuelle et du droit à l'autodétermination. L'on retrouve certaines de ces valeurs fondamentales dans la Convention du Conseil de l'Europe sur les droits de l'homme et la biomédecine.
Toutefois, l'on a élaboré cette convention dans le souci d'harmoniser les réglementations qui sont appliquées à l'échelle internationale et de fixer un degré de protection minimal à assurer à ce niveau-là. L'idée d'une convention internationale témoignant d'un consensus minimal sur une série de questions touchant à la bioéthique est défendable en principe, mais il convient de poser en l'espèce une série de questions fondamentales sur son contenu concret qui participe d'une vision trop rigide des choses (cf. ci-dessous, discussion sur l'article 18 relative à la recherche sur les embryons) et qui peut être sujet à interprétation. Nous devons aussi tenir compte du fait qu'il est particulièrement difficile, sinon impossible, de réaliser un consensus général sur les questions de bioéthique qui sont, de par leur essence, des questions de nature conflictuelle.
Le principe fondamental sur lequel repose la convention est celui du respect de la dignité humaine. Cela signifie, dans un contexte bioéthique, « qu'il est inadmissible que l'on réduise l'être humain à un instrument de recherche scientifique (6). Ce principe est parfaitement justifié, mais il faut quand même se demander s'il y a vraiment lieu de protéger malgré lui ou contre sa volonté un individu contre des atteintes à la dignité humaine. À cette question, M. Herman Nys répond comme suit : « L'on risque de voir une partie de la société ou de l'humanité, comme une communauté religieuse ou un mouvement idéologique, imposer sa conception de la dignité humaine à d'autres. Ce qui importe le plus, ce n'est pas tellement de savoir s'il faut sauvegarder avant tout la liberté ou la dignité humaine, mais d'assurer le respect de l'une et de l'autre : l'être humain doit pouvoir jouir de la liberté dans le respect de la dignité d'autrui et il y a lieu de définir la dignité humaine dans le respect de l'autonomie d'autrui » (7).
3. Recherche sur les embryons
1. Article 18 de la Convention du Conseil de l'Europe sur les droits de l'homme et la biomédecine
« Lorsque la recherche sur les embryons in vitro est admise par la loi, celle-ci assure une protection adéquate de l'embryon.
La constitution d'embryons humains aux fins de recherche est interdite. »
2. Centres de génétique humaine centres de procréaton médicalement assistée
En Belgique, la recherche sur embryons est effectuée dans les centres de génétique humaine et les centres de procréation médicalement assistée, qui sont respectivement au nombre de 9 et 35 dans notre pays. Le secteur des centres de génétique humaine est régi par l'arrêté royal du 14 décembre 1987, tandis qu'il n'existe aucun cadre légal pour les centres de procréation médicalement assistée. Le contrôle de la qualité du service et de la pratique médicale est dès lors inexistant. L'actuelle multiplication sauvage des centres de procréation médicalement assistée engendre des dangers liés aux nouvelles techniques développées qui peuvent être appliquées librement n'importe où. Il s'impose donc de créer un cadre légal. Ce cadre légal doit couvrir les domaines suivants :
1. Une programmation des centres de procréation médicalement assistée, la fixation de normes de qualité et l'organisation du contrôle de la qualité du service.
2. Une collaboration structurelle entre les centres de F.I.V. et les centres de génétique humaine s'impose pour garantir la qualité du service et pour éviter les dérapages dans l'avenir.
3. Il faut définir dans quels cas les prestations des centres de procréation médicalement assistée et des centres de génétique humaine donnent lieu à un remboursement dans le cadre de l'assurance maladie-invalidité.
3. Statut des embryons excédentaires
Il faut concevoir une législation qui définit le sort réservé aux embryons excédentaires constitués dans le cadre d'un traitement in vitro mais qui ne sont pas implantés.
Il convient de définir clairement les conditions éthiques relatives notamment :
à la décongélation de l'embryon;
à l'utilisation anonyme de l'embryon par un autre couple (don);
à l'utilisation de l'embryon à des fins scientifiques.
4. Cadre légal de la recherche sur embryons
Il est primordial d'arrêter un cadre légal pour la recherche dans le domaine de la procréation médicalement assistée. La création de ce cadre légal doit aller de pair avec la mise en place d'un mécanisme permettant de soumettre la pratique médicale et scientifique à un contrôle social.
Tout projet de recherche scientifique sur embryons doit être soumis à une instance chargée d'apprécier l'admissibilité de cette recherche sur le plan éthique. Cette mission pourrait être remplie par une commission nationale d'éthique médicale à créer, composée de médecins, de spécialistes de l'éthique, de juristes et d'embryologistes. L'évaluation et le suivi des projets devront être assurés par une équipe pluridisciplinaire. Les membres de cette commission seront nommés pour une période limitée. Pour pouvoir faire partie de la commission, les candidats devront remplir une série de critères de spécialisation strictement définis. La qualité de membre de la commission est incompatible avec toute charge, fonction et/ou mandat accessible par voie d'élection publique.
Exigences minimales présidant à la conception du cadre légal de la recherche sur embryons :
1. les procédures d'agrément et de contrôle doivent couvrir l'ensemble des projets de recherche afin de prévenir les pratiques inadmissibles. Les informations sur les projets de recherche en cours doivent être centralisées et rendues accessibles;
2. Le cadre légal doit englober à la fois l'agrément et le suivi des projets;
3. Le caractère démocratique des processus décisionnels et des procédures de contrôle doit être garanti mais ne peut faire obstacle à l'efficacité. Les décisions concernant les recherches sur embryons autorisées et celles qui ne le sont pas doivent être prises par une instance suffisamment représentative, non seulement en matière scientifique, mais aussi sur les plans social, juridique et éthique;
4. Le cadre légal doit offrir la garantie que la recherche sur embryons se limitera au strict nécessaire. La recherche sur embryons ne peut être pratiquée que dans un cadre éthique strictement délimité et soumis à un contrôle rigoureux;
5. La recherche sur embryons ne peut être autorisée que si les résultats escomptés ne peuvent pas être obtenus par un autre moyen (expérimentation sur des embryons d'origine animale, expérimentation sur tout autre matériel cellulaire);
6. La constitution d'embryons n'est autorisée que dans la mesure où il n'est pas possible d'utiliser des embryons excédentaires;
7. Les personnes qui fournissent le matériel génétique doivent être totalement informées des objectifs de la recherche et marquer formellement leur accord sur celle-ci (= nécessité de leur consentement);
8. Le lancement du projet in vitro est subordonné à la conclusion, avec les personnes qui ont fourni le matériel génétique, d'un contrat précisant le sort des embryons excédentaires issus du projet in vitro (destruction, don, recherche scientifique). Ce contrat est révisable périodiquement, ce qui revient à dire que la finalité de l'embryon peut être modifiée si les deux partenaires sont présents et marquent leur accord sur la nouvelle utilisation;
9. Les embryons utilisés dans le cadre d'une recherche scientifique ne peuvent en aucun cas entrer en considération pour une implantation;
10. La recherche sur les embryons ne peut s'effectuer dans un but de lucre.
5. Nécessité et opportunité éthique de la recherche sur embryons
Compte tenu de l'évolution rapide de la biomédecine, il est essentiel de doter la recherche sur embryons d'un carde légal qui soit le fruit d'un débat social approfondi.
Cette législation doit autoriser la recherche sur embryons parce que son interdiction risque de freiner l'évolution des connaissances scientifiques. Une interdiction de la recherche sur embryons entraînerait un coup d'arrêt dans une série de secteurs de la médecine ou l'application de traitements à des patients sans que les recherches préalables nécessaires aient été réalisées. Une telle interdiction serait contraire aux intérêts du patient et ne garantirait nullement une médecine de qualité.
La recherche sur embryons n'est cependant acceptable que si les résultats escomptés ne peuvent pas être obtenus par d'autres moyens (embryons d'origine animale, autre matériel cellulaire humain).
Il n'est toutefois pas à exclure que la recherche sur embryons devienne une étape incontournable, nécessaire à la compréhension de certains problèmes cliniques graves. Si, à un stade déterminé d'une recherche, il s'avère indiqué d'avoir recours de manière limitée à la recherche sur embryons, on pourra utiliser d'abord les embryons qui sont en grande partie fragmentés et n'entrent pas en considération pour être implantés ou congelés. Si ces embryons ne répondent pas aux exigences qualitatives et/ou quantitatives de la recherche, il sera envisageable d'en constituer d'autres.
Grâce au progrès des techniques médicales, une grande partie des résultats de recherche escomptés peuvent être obtenus par d'autres moyens. Mais rien ne nous permet d'avoir la certitude que l'avenir n'amènera pas de nouvelles questions requérant la constitution d'embryons.
L'on ne peut par conséquent pas exclure entièrement la nécessité à l'avenir de créer des embryons aux fins de recherche. La possibilité de constituer des embryons dans des situations limitées et strictement définies doit être fixée dans un cadre légal.
Tant qu'il n'existera pas, en Belgique, de législation permettant de remédier aux carences de la Convention, notre pays ne pourra pas apposer sa signature au bas de celle-ci. Si notre pays avait sa propre législation à propos, entre autres, de ce qui fait l'objet des dispositions de l'article 18, il pourrait, en effet, assortir sa signature de nettes réserves qui n'impliqueraient pas le rejet des principes admis mais qui préciseraient les définitions et la terminologie utilisées, pour apporter les nuances indispensables en la matière et pour ne pas s'en tenir à une interdiction trop simpliste (article 18, § 2).
L'on a assisté, au cours des dernières décennies, dans le domaine de la reproduction humaine, à une énorme évolution qui a été rendue possible surtout par un effort de recherche scientifique poussé. La question de savoir si cette recherche est acceptable du point de vue éthique n'a reçu que des réponses individuelles du monde médico-scientifique. Or, il devient de plus en plus nécessaire, pour ce qui est de l'application des techniques en question, que l'on dispose d'un régime légal fixant les responsabilités et garantissant la sécurité juridique. Le droit que l'on va créer devra tenir compte du pluralisme social de manière que l'on puisse disposer d'une règle efficace qui régule les choses dans l'intérêt collectif tout en laissant à chacun une liberté suffisante pour qu'il puisse choisir d'utiliser ou non les possibilités offertes.
En outre, l'on ne peut pas examiner l'article 18 de la Convention, abstraction faite des autres articles qui y sont énumérés ni des principes qui y sont définis.
Depuis que l'on peut traiter médicalement la stérilité, la science médicale n'a pas cessé de progresser sur la voie de la maîtrise de la conception. Or, dans ce domaine, l'encadrement légal reste fort inadapté et l'on tarde assez hypocritement à engager le débat de société sur les règles d'éthique à respecter. La constatation selon laquelle toujours plus de personnes connaissent des problèmes de stérilité doit nous amener tout d'abord à nous interroger sur les causes de la modification de ce phénomène naturel. La reproduction médicalement assistée améliore par contre, à maints égards, pour chacun, l'accès à la parenté.
Cette amélioration, qui est rendue possible par les progrès de la médecine, entraîne quant à elle un élargissement des possibilités juridiques pour tout un chacun avec toutes les conséquences qui en résultent, en ce qui concerne les rapports juridiques qui existent dans l'univers des époux, des couples, des célibataires, des cohabitants, des personnes du même sexe, etc.
Tout le monde doit pouvoir réaliser son voeu d'avoir des enfants en recourant aux techniques de procréation médicalement assistée. Les conditions d'accès ne peuvent être définies que sur la base d'indications médicales. L'appréciation du désir d'enfants ou la valeur qu'on lui attribue sont indépendantes de ces indications. Il est cependant clair que les techniques de reproduction médicalement assistées ne peuvent être appliquées que dans des centres de fécondité agréés qui répondent à des critères de qualité que la loi définit et dont elle contrôle l'application.
La recherche scientifique est nécessaire et il faut la promouvoir. Les pouvoirs publics doivent faire preuve d'une réserve extrême, pour ce qui est de leur immixtion dans le domaine de la recherche scientifique fondamentale, mais ils ne doivent pas pour autant adopter une attitude de laisser-faire. La société doit veiller, au moyen de remarques critiques, à ce que tous les scientifiques utilisent le savoir à bon escient. Il y a lieu de déterminer les circonstances dans lesquelles une intervention dans des processus biologiques est moralement acceptable, de manière à optimaliser la qualité de la vie des individus. La société doit non pas interdire des pratiques scientifiques, mais oeuvrer à définir un ensemble positif de règles. Il faut mettre la technologie au service de l'amélioration de la qualité de la vie.
Pour ce qui est de l'application des techniques biomédicales, il y a lieu de trouver un équilibre entre les intérêts principalement économiques et financiers de la société et les droits et intérêts du citoyen en tant qu'individu. Tout individu peut, à cet égard, faire valoir une série de droits universels, dont beaucoup sont consacrés dans des conventions internationales relatives aux droits de l'homme et c'est le cas d'un seul dans la législation nationale. Le droit à l'autodétermination et le droit au respect de l'intégrité physique priment à cet égard.
Il est essentiel, pour que l'on puisse se prévaloir au maximum de ces droits et pour que ceux-ci rendent possibles des choix responsables, que l'on dispose d'informations précises et objectives. Par ailleurs, l'accès auxdites techniques ouvre aussi un débat financier sur les coûts et les moyens. L'on ne peut évidemment pas sacrifier l'accessibilité financière et la qualité des soins de santé de base sur l'autel du renouveau et de la technologie de pointe, mais on doit veiller à ce que le renouveau et la technologie de pointe restent possibles financièrement.
Il y a d'importantes raisons de faire de la recherche sur les embryons animaux et humains. Les techniques actuelles et les techniques nouvelles de fécondation doivent en grande partie leur développement à la recherche sur les embryons. Les expériences réalisées à partir d'embryons doivent avoir un caractère diagnostique, thérapeutique ou préventif et remplir des conditions préalables strictes, comme celle d'avoir obtenu l'avis favorable d'un comité d'éthique. Dans ces conditions, il y a lieu d'autoriser la création d'embryons à des fins scientifiques pour autant que les expériences visées ne puissent pas être réalisées sur des embryons excédentaires ou au moyen d'autres méthodes, comme celle des cultures cellulaires. Outre les critères auxquels doivent satisfaire les expériences sur les embryons, il doit y avoir interdiction de réimplanter les embryons que l'on a utilisés aux fins d'expériences.
Il faudra définir clairement le sort à réserver aux embryons excédentaires que l'on a créés par l'emploi de techniques de procréation médicalement assistée. Ces embryons devront être conservés par congélation dans des centres de fécondité agréés officiellement et leur conservation devra être limitée dans le temps. Les parents devront confirmer périodiquement leur décision. Au cas où ils ne l'auraient pas fait, le centre de fécondité pourrait décider du sort des embryons en question.
1. Au sujet de la fécondation in vitro
La procréation médicalement assistée s'effectue actuellement en Belgique sans cadre légal particulier.
Or, des questions peuvent se poser, notamment sur l'accord des intéressés, le sort des embryons surnuméraires, le contrôle des établissements effectuant les opérations nécessaires à recueillir et à conserver les gamètes et embryons...
Certes, en l'absence d'incident, aucun problème ne se pose. Mais il paraît utile de fixer les règles minimales, tenant d'ailleurs à la santé publique, qui procureraient une sécurité juridique tant au médecin qu'au patient.
Une loi pourrait prévoir les dispositions suivantes :
1. ni sperme ni ovocyte ne peuvent être recueillis et conservés sans le consentement personnel du donneur.
Ils ne peuvent être utilisés à une fin autre que celle à laquelle le donneur a consenti. Le consentement du donneur doit être manifesté par écrit; il peut être révoqué à tout moment.
L'utilisation de sperme ou d'ovocyte peut avoir lieu après le décès du donneur anonyme, sauf dispositions testamentaires contraires;
2. sperme et ovocyte ne peuvent être utilisés que s'ils ont été recueillis d'un donneur âgé de plus de dix-huit ans, de moins de quarante ans pour l'homme et de moins de trente-cinq ans pour la femme, sain d'esprit, exempt de maladies génétiquement transmissibles connues ou de maladies infectieuses transmissibles par les cellules germinales.
Le Roi fixe les examens et entretiens nécessaires pour assurer le respect des conditions de l'alinéa 1er . Ces examens et entretiens sont en tout cas conduits par un médecin ou un psychologue attachés à un établissement agréé;
3. une insémination artificielle ou tout autre acte ayant la procréation pour but ne peuvent être réalisés sur une femme qui n'en a pas fait la demande écrite.
Si la femme est mariée, son mari doit se joindre à cette demande. La demande de la femme peut être accompagnée de celle d'un homme qui déclare solliciter avec elle une assistance médicale en vue de la procréation.
La demande ne peut être faite que par une femme qui y déclare qu'elle, et, le cas échéant, celui qui s'y est joint, ont été informés de tous les aspects médicaux, génétiques, juridiques et sociaux de la procréation médicalement assistée et des risques encourus par eux-mêmes et les enfants à naître;
4. une demande d'assistance médicale à la procréation ou son approbation peut être à tout moment révoquée. Cette révocation interrompt toutes les opérations entreprises.
Le médecin peut à tout moment refuser d'entreprendre ou de poursuivre les opérations d'une procréation médicalement assistée, s'il estime que des motifs médicaux, psychologiques ou moraux l'exigent. Dans ce cas, le médecin informe la femme et celui qui s'est joint à elle pour solliciter une assistance à la procréation, des motifs de son refus et communique la liste des autres centres agréés qui peuvent leur fournir l'assistance désirée;
5. l'identité du donneur, la mesure de la collaboration au programme de procréation médicalement assistée, l'identité de la demanderesse et éventuellement de celui qui s'y est joint, sont protégés par le secret professionnel.
La divulgation est punie conformément à l'article 458 du Code pénal;
6. le Roi fixe les règles particulières visant le cas où un homme et une femme mariés ensemble recourent à la procréation médicalement assistée sans utiliser des gamètes extérieurs au couple;
7. un médecin ne peut procéder à une insémination artificielle qu'en utilisant du sperme mis à sa disposition par un établissement agréé.
Il doit l'avertir de toute grossesse obtenue grâce à une insémination artificielle réalisée avec du sperme que cet établissement a mis à sa disposition. Il doit aussi l'avertir de l'issue de cette grossesse;
8. les opérations nécessaires à recueillir ou conserver des gamètes ou des embryons pour les mettre à disposition en vue d'une procréation médicalement assistée ne peuvent avoir lieu que dans un établissement agréé par le Roi.
Pour pouvoir être agréé, un établissement doit être effectivement dirigé par un médecin, être soumis au contrôle du ministre qui a la santé dans ses attributions, disposer d'un appareillage et de techniques de contrôle scientifiquement adéquats. Le Roi peut retirer l'agrément, suivant la procédure qu'Il détermine, de tout établissement qui ne respecterait pas les conditions prévues;
9. l'établissement agréé doit s'assurer que :
la procréation médicalement assistée est réalisée uniquement par un médecin;
toutes les informations relatives à chaque procréation médicalement assistée sont conservées pendant 30 ans;
pas plus de huit femmes n'ont accouché d'un enfant vivant né d'une conception réalisée grâce au sperme d'un même donneur. Une grossesse dont l'issue est inconnue doit être considérée comme l'accouchement d'un enfant vivant;
10. l'établissement donne aux embryons non utilisés l'affectation choisie, dans un document écrit et signé, par la donneuse d'ovocyte et, le cas échéant, par celui qui s'est joint à sa demande d'assistance à la procréation.
Les affectations proposées par l'établissement sont, soit de satisfaire aux demandes ultérieures de la donneuse, soit de permettre une assistance médicale à la procréation sollicitée par d'autres personnes, soit de favoriser la recherche et l'expérimentation. Si aucune de ces affectations n'est choisie, les embryons non utilisés ne sont plus conservés et sont tenus à la disposition de la donneuse d'ovocyte;
11. les choix peuvent être modifiés en respectant les mêmes formes.
En tout état de cause, les embryons non utilisés pour une assistance médicale à la procréation ou à la recherche peuvent être détruits après que deux ans se sont écoulés. Ils sont détruits en cas de décès de la donneuse ou de son conjoint ou en cas de séparation de corps ou de divorce;
12. un établissement agréé ne peut conserver du sperme ou des ovules en provenance d'un pays étranger, ou les mettre à la disposition en vue d'une insémination qu'aux conditions fixées par le Roi; celles-ci portent notamment sur l'existence, dans ce pays, de règles analogues à celles prévues par la présente loi et ses arrêtés d'application.
2. Au sujet de la constitution d'embryons aux fins de recherche
L'interdiction de constituer des embryons humains aux fins de recherche.
Il nous paraît que cette interdiction ne tient absolument pas compte de la nécessité de la recherche.
Par ailleurs, l'utilisation d'embryons est essentielle par exemple dans le traitement de la maladie de Parkinson et la maladie de Huntington. Il existe des travaux expérimentaux sur l'animal, démontrant non seulement l'efficacité des greffes de cellules mais également leur rôle protecteur, c'est-à-dire la possibilité d'enrayer l'évolution de la maladie.
Les cellules greffées ne peuvent provenir que d'embryons en bonne santé.
C'est pourquoi les prélèvements à partir de fausses couches ne sont pas utilisables. Les embryons expulsés spontanément sont dans un état de macération qui ne permet pas de les utiliser. De plus, ils sont souvent infectés, d'où le risque d'inoculer au receveur une maladie intercurrente.
Au moment où sont pratiquées les interruptions volontaires de grossesse, les embryons ne sont pas viables et aucun moyen de réanimation ne peut prolonger leur vie. Ils meurent dans les instants suivant l'expulsion.
Nous nous trouvons donc dans une situation identique à celle du prélèvement d'organes chez un individu décédé. L'utilisation de cellules embryonnaires peut donc obéir à des règles similaires à celles qui régissent le don d'organes et les greffes d'organes.
Il serait bon de s'inspirer des règles éthiques élaborées par un groupe de chercheurs européens qui ont constitué une association appelée Nectar (Network of European Central Nervous System Transplantation and Restauration). Ils ont défini les critères cliniques et éthiques d'indication potentielle de greffes cellulaires dans la maladie de Parkinson. Ces règles éthiques pourraient être étendues par analogie à la constitution d'embryons aux fins de recherche.
Ces règles sont :
les tissus pour les transplantations expérimentales ou cliniques ne peuvent être obtenus qu'à partir d'embryons morts. La mort d'un embryon intact est définie par l'absence de respiration et de battements cardiaques;
il n'est pas permis de garder artificiellement des embryons vivants dans le but de faire des prélèvements ultérieurs;
l'avortement ne peut être induit à des fins de greffe, même si les patients qui en bénéficieront sont atteints de maladie dramatique. La décision d'avorter doit précéder toute discussion quant à l'utilisation potentielle de l'embryon. Il ne peut y avoir de lien entre le donneur et le receveur, ni désignation du receveur par le donneur;
la procédure ou le planning de l'avortement ne peuvent être influencés par les nécessités d'une activité de transplantation;
aucun embryon ne peut être utilisé sans le consentement éclairé de la mère, consentement qui doit, dans la mesure du possible, être obtenu avant l'avortement;
une recherche et une détection des maladies transmissibles chez la mère doivent être effectuées avec son consentement;
le tissu nerveux ne peut être utilisé à des fins de transplantation que sous forme de préparation cellulaire ou de fragments de tissu;
tous les membres de l'hôpital ou de l'équipe de recherche directement concernés dans une de ces procédures doivent être complètement informés;
l'obtention d'embryons ou de leurs tissus ne peut engendrer profit ou rémunération;
chaque transplantation ou projet de recherche impliquant l'utilisation d'embryons ou de tissus doit être approuvé par le comité d'éthique de l'institution.
Il est important de préciser que les membres de Nectar se sont engagés à suivre ces règles qu'ils se sont auto-imposées, ceci afin d'éviter que des actes puissent être pratiqués dans des pays où la loi est moins sévère que dans d'autres. À l'inverse, ces règles ne permettent pas de transgresser la loi du pays. Elles débordent le cadre de la maladie de Parkinson et pourraient être appliquées aux greffes dans la maladie de Huntington.
L'application des règles auto-imposées sévères désamorce la nécessité de légiférer en cette matière, donc de figer en une loi rigide des concepts modifiables en fonction des progrès de la science et des questions éthiques.
Par contre, il serait sain que certains prescrits, comme l'interdiction de tirer profit de l'obtention d'embryons, soient codifiés dans un projet de loi.
Quelles que soient les précautions prises et les conditions mises à l'utilisation d'embryons, nous sommes conscients des réticences morales que ces techniques pourraient soulever dans une partie de la population. C'est la raison pour laquelle il nous paraît que si, dans l'immédiat et l'avenir proche, ces techniques doivent être utilisées pour vaincre ces maladies, il conviendra parallèlement de travailler au développement de transplantations autres et de techniques alternatives substitutives ou neurotrophiques (xénogreffes, cellules génétiquement modifiées, ...).
3. Faut-il que la Belgique ratifie cette convention ?
Le mérite de ce texte est d'avoir mis au point un système de protection de la dignité de l'être humain et cela à travers l'affirmation du caractère non commercial du corps humain, la description des critères suivant lesquels des recherches sur le vivant peuvent être menées, l'importance reconnue au consentement du patient, le respect de la vie privée.
À une époque où l'angoisse populaire naît de la révélation presque quotidienne et parfois peu fiable de nouveaux progrès de la science, il est peut-être opportun de préciser un socle minimum des droits de l'être humain, ce qui peut avoir pour effet de désamorcer des demandes de blocage de la recherche ou autres moratoires.
Par ailleurs, et c'est aussi positif, la Convention demande aux États de veiller à ce que les questions fondamentales posées par les applications de la biologie et de la médecine fassent l'objet d'un débat public. En Belgique, le Comité consultatif de bioéthique est aussi chargé de cette mission. Toutefois, ses délibérations ne doivent pas permettre de faire l'économie d'un débat plus large, fondamentalement politique, au Parlement.
Par contre, on peut reprocher au texte d'utiliser des termes souvent vagues, peut-être difficilement évitables dans une convention internationale, et le fait que la protection offerte par cette convention est une protection minimale, chaque État pouvant la renforcer en ce qui le concerne. Ceci démontre clairement que cette convention ne tend pas à donner, notamment à la recherche, un cadre adéquat et dynamique et ne vise pas à permettre mais à empêcher. Cette tendance serait acceptable s'il était interdit aux États de rétrécir encore les limites de la liberté telles que la Convention les trace.
Mais plus gravement, deux points de la Convention nous paraissent inacceptables :
a) l'interdiction de modifier le génome de la descendance
Le spectre de l'eugénisme a plané sur la Convention. Certes, dans l'état actuel de la science, ces interventions peuvent se révéler délicates ou dangereuses. Néanmoins, on peut s'interroger sur une décision politique qui en fait empêche d'éliminer une tare génétique puisque, sans intervention, celle-ci sera inéluctablement transmise aux descendants.
On peut intervenir pour éradiquer la mucoviscidose par intervention sur les cellules somatiques chez un patient, mais comme on ne peut pas intervenir par modification des cellules germinales, l'enfant du patient sera atteint par cette maladie...
Dans la mesure où les risques techniques liés à de telles manipulations sont progressivement réduits par le progrès de la science, cette interdiction va devenir de plus en plus inadéquate.
D'ailleurs, si la Convention européenne de bioéthique a interdit les modifications directes du génome de la descendance, elle ne les a pas interdites indirectement. Ainsi est-il spécifié dans le rapport explicatif que l'interdiction n'exclut pas pour autant des interventions qui, ayant un but somatique, auraient pour effet secondaire non voulu d'affecter la lignée germinale. Tel peut être le cas, par exemple, de certains traitements du cancer par radiothérapie ou chimiothérapie qui peuvent affecter l'appareil reproducteur de la personne soumise à ce traitement.
Quand on voit que, déjà actuellement, la frontière est floue entre les deux techniques et que, par ailleurs, l'interdiction pure et simple conduit à permettre la transmission de maladies, il nous paraît qu'il serait préférable d'autoriser ce type d'intervention, mais en l'entourant d'un système de surveillance et d'information permettant de vérifier que ces manipulations ne s'opèrent que pour des raisons thérapeutiques et n'ont pas d'autre but que de soigner les patients et d'éviter la transmission de maladies.
Ce système serait évidemment beaucoup plus favorable pour le patient que l'interdiction pure et simple.
b) l'interdiction de constituer des embryons aux fins de recherche
Cf. supra (point 2).
Faut-il que la Belgique ratifie la Convention ? En d'autres termes, le positif l'emporte-t-il sur le négatif ?
Les deux interdictions relevées plus haut, à savoir celle visant à interdire la constitution d'embryons aux fins de recherche et l'interdiction de travailler sur les cellules germinales, nous paraissent peser lourd dans la balance.
Évidemment, chaque État peut émettre des réserves juridiques sur certaines dispositions de la Convention.
Mais cette possibilité est suspendue au fait de la présence dans la législation de l'État qui veut faire une réserve d'une règle sur la constitution d'embryons humains aux fins de recherche.
La question est de savoir si la Belgique peut alléguer que sa législation contient une telle règle, alors que celle-ci n'y est assurément qu'implicite. En effet, des constitutions d'embryons sont entreprises depuis déjà longtemps dans des laboratoires belges et les autorités judiciaires du pays n'ont jamais inquiété ceux qui se sont livrés à ces recherches.
On peut donc affirmer que cela atteste la présence d'une règle qui, d'ailleurs, pourrait être affirmée par une haute autorité judiciaire, comme le suggéraient Suzanne et Yves Ochinsky dans un article récemment publié au Journal des Tribunaux .
Cet argument est sérieux et précieux, car il permet de ne pas entraver une négociation politique nécessaire.
En second point, l'interdiction de toute recherche sur les cellules germinales bloque vraiment le chemin vers l'éradication de certaines maladies. Ce n'est pas acceptable. Il faudrait à tout le moins permettre ce type de recherche, en l'entourant naturellement de conditions précises visant à éviter tout dérapage.
En tout cas, si l'on ne peut enregistrer aucune avancée sur les deux points précisés ci-dessus, il nous paraît qu'en son état actuel, la Convention européenne de bioéthique ne devrait pas être approuvée par la Belgique.
1. Principes
1. Statut de l'embryon humain
Il serait vain et arbitraire de tenter de définir un quelconque statut ontologique transcendent de l'embryon humain. Aucune des conceptions sociales tendant à doter l'embryon humain d'un statut déterminé, existant ou sui generis , ne semble pouvoir faire, en Belgique, l'objet d'un consensus social suffisant, pour servir de fondement à une quelconque réglementation. La seule certitude que nous puissons avoir aujourd'hui est que l'une des caractéristiques de l'embryon humain est précisément l'irréductible indétermination de son statut.
Cette inépuisable indétermination légitime un doute et une inquiétude permanents qui, abstraction faite de tout jugement idéologique, exigent de la part des personnes concernées un certain niveau de respect et de protection envers l'embryon in vitro considéré en lui-même, qu'il soit porteur ou non d'un projet parental. Ce respect et cette protection ne doivent pas pour autant revêtir un caractère aussi absolu que celui du respect et de la protection dus à tout être humain dès sa naissance (8).
2. Le débat relatif à la recherche sur l'embryon humain et à la création d'embryons humains à des fins de recherche
Les questions relatives à l'opportunité et à l'acceptabilité des recherches sur l'embryon humain in vitro d'une part, et celles relatives à la création d'embryons humains à des fins de recherche d'autre part (9) concernent l'ensemble de la société et non uniquement les « parents génétiques », les médecins, les scientifiques. Pour cette raison, le débat ne peut être confisqué par le monde médical et scientifique. Les multiples enjeux éthiques, juridiques, culturels, sociaux et économiques doivent être examinés au même titre que les enjeux purement scientifiques. La Convention du Conseil de l'Europe sur les droits de l'homme et la biomédecine engage d'ailleurs les États à initier un large débat démocratique autour des questions délicates qu'elle soulève.
2. Inquiétudes et discussions
3. L'acceptabilité de la recherche sur les embryons in vitro surnuméraires
Remarques préliminaires :
a) Il est une évidence qu'il convient d'avoir toujours à l'esprit ce qui suit : la question du sort des embryons surnuméraires ne se pose qu'en raison de leur existence. Le problème fondamental est que ces techniques ont été appliquées extensivement avant même d'être parfaitement au point. Elles ne le sont toujours pas puisque, précisément, elles impliquent la création d'embryons surnuméraires, qui sont en quelque sorte les « déchets » de la procréation médicalement assistée. À terme, le nombre d'embryons surnuméraires devrait diminuer et, idéalement, se réduire à zéro. La réduction du nombre d'embryons surnuméraires doit être une préoccupation constante. Nous sommes actuellement dans une période « transitoire », et le propre des périodes transitoires est d'être particulièrement inconfortables. Les positions de principe ont ici à composer avec une réalité paradoxale par nature.
b) Par ailleurs, il serait en pratique très difficile de distinguer des embryons surnuméraires d'embryons créés à des fins de recherche. Ainsi, l'on peut créer sciemment des embryons en surnombre, dans le cadre de projets de procréation médicalement assistée, en vue de leur utilisation aux fins de la recherche scientifique. La solution serait sans doute de mettre en place un système de contrôle limitant le nombre d'embryons développés à des fins de procréation médicalement assistée et que l'on tende à limiter très strictement ce nombre.
Il importe, pour se prononcer sur l'acceptabilité de la recherche sur les embryons in vitro , de s'accorder sur ce que l'on entend par « recherche » ... Chaque type de recherche pose la question sous un angle différent.
En fonction de leur finalité, les recherches peuvent être classées en trois « groupes »:
3.1. La recherche ayant un objectif clinique direct : il s'agit d'une part du diagnostic préimplantatoire et des recherches mises en oeuvre après plusieurs tentatives infructueuses de procréation médicalement assistée en vue d'identifier les causes de ces échecs.
Le diagnostic préimplantatoire (diagnostic visant à déceler la présence chez l'embryon de certaines maladies particulièrement graves, avant son implantation dans l'utérus de la femme) peut aboutir à deux situations radicalement différentes suivant qu'il s'agit du diagnostic de maladies curables ou non et suivant qu'il existe ou non des mesures préventives pour éviter à l'enfant à naître d'en souffrir. En tout état de cause, une information complète, précise et compréhensible doit être donnée aux parents sur la nature des tests proposés, sur la nature des maladies ou affectations visées, sur les perspectives préventives ou thérapeutiques existant le cas échéant à l'encontre de ces maladies. C'est en connaissance de cause et librement que les parents doivent accepter ou refuser qu'il soit procédé au diagnostic préimplantatoire. Ils doivent, pour prendre leur décision en toute autonomie, pouvoir bénéficier d'un conseil génétique professionnel multidisciplinaire.
Lorsqu'il est question d'une maladie curable ou contre laquelle existent des mesures préventives à appliquer à l'embryon ou à l'enfant juste après sa naissance, il n'y a pas de différence, du point de vue de l'acceptabilité, entre le diagnostic préimplantatoire et le diagnostic médical « classique ». Ce diagnostic préimplantatoire à visée thérapeutique est donc acceptable, bien qu'il faille constater qu'à l'heure actuelle, les perspectives thérapeutiques sont plutôt rares par rapport aux pathologies décelées chez l'embryon in vitro.
Lorsqu'il est question d'une maladie incurable par contre, et que la maladie est particulièrement grave, un diagnostic préimplantatoire défavorable implique généralement que l'embryon in vitro ne sera pas réimplanté dans l'utérus de la mère. Le diagnostic préimplantatoire permet ainsi de sélectionner les embryons « de bonne qualité ». La technique pose ici certaines questions.
À partir de quand faut-il considérer qu'une affection est particulièrement grave et justifie que l'embryon ne soit pas réimplanté ? Il faut ici souligner aussi que le diagnostic prénatal ne parvient bien souvent qu'à mettre au jour des « prédispositions » à certaines maladies... Parfois encore, il peut s'agir de maladies dont seuls les « garçons » ont un risque d'être porteurs. Le diagnostic préimplantatoire peut-il intervenir dans ce cas pour « éliminer » systématiquement tous les embryons mâles (sélection du sexe) ? La Convention du Conseil de l'Europe sur les droits de l'homme et la biomédecine prévoit à cet égard (article 14) que « L'utilisation des techniques d'assistance médicale à la procréation n'est pas admise pour choisir le sexe de l'enfant à naître, sauf en vue d'éviter une maladie héréditaire grave liée au sexe. » Le texte ne spécifie pas ce qu'il faut entendre par « maladie (...) grave ». Comment éviter dans ce domaine toute dérive eugénique ? Les scientifiques seront-ils responsables de la « qualité » des enfants à naître ? Notons au passage que des techniques sont en train de se développer qui permettent la sélection du sexe de l'enfant non par l'élimination des embryons de l'autre sexe, mais par certaines manipulations des gamètes avant la fécondation.
Les partisans du diagnostic préimplantatoire invoquent l'argument suivant lequel il vaut mieux éliminer avant leur implantation des embryons sévèrement atteints que de recourir ultérieurement au diagnostic prénatal, pratiqué sur l'embryon in utero . L'application des techniques de diagnostic prénatal n'est effectivement pas sans risque pour l'embryon. Certaines de ces techniques risquent de provoquer par elles-mêmes un avortement involontaire. Les tenants du diagnostic préimplantatoire invoquent encore le fait qu'il vaut mieux ne pas réimplanter un embryon malade que de provoquer ultérieurement son avortement. Mais ne risque-t-on pas, à pousser ce raisonnement trop loin, d'inciter tous les couples ne présentant aucun problème de fertilité mais susceptibles de transmettre à leurs descendants certaines maladies héréditaires, à recourir systématiquement à la fécondation in vitro ?
Les multiples questions posées par le diagnostic préimplantatoire doivent être débattues.
Par ailleurs, il peut apparaître justifiable de procéder à certaines recherches sur les embryons in vitro lorsqu'après plusieurs tentatives de P.M.A. infructueuses, l'on souhaite comprendre la cause de ces échecs. Cette hypothèse paraît nettement moins problématique que la première (D.P.I.). Le risque eugénique est ici moins présent.
3.2. La recherche visant à améliorer certaines techniques médicales : il s'agit de recherches visant à améliorer les différentes techniques pouvant intervenir dans le cadre du processus de procréation médicalement assistée, à améliorer aussi la technique du diagnostic préimplantatoire.
Une interrogation préalable devrait consister à se demander si le développement de ces techniques est en lui-même souhaitable. Si oui, il conviendrait de se demander si d'autres développements techniques ne sont pas prioritaires, comme ceux qui ont trait à la lutte contre la fertilité elle-même (les procréations médicalement assistées ne guérissent pas de l'infertilité, elles ne font que pallier au désir d'enfant).
La recherche sur les embryons surnuméraires visant à améliorer les techniques de procréation médicalement assistées et de diagnostic préimplantatoire semble inévitable dans un certain nombre de cas. Mais, d'un point de vue scientifique, il existe de très nombreuses possibilités de contrôler la qualité de la fécondation in vitro , du diagnostic préimplantatoire et de la cryopréservation des ovules non fécondés sans devoir recourir à la recherche sur l'embryon. Il convient d'exploiter au maximum ces alternatives. En vertu de l'inquiétude qui doit subsister quant au statut de l'embryon, la recherche sur l'embryon humain ne doit être tolérée que pour autant que pareille recherche ne puisse s'effectuer sur des animaux ou à partir de gamètes non fécondés. L'impossibilité dont il est ici question ne peut résulter que de données scientifiques, et jamais de données économiques (telles que le coût d'acquisition de certains primates). La recherche sur les embryons humains ne peut être une alternative moins coûteuse ou plus rapide, plus facile, à d'autres types de recherche. Il ne peut y être recouru qu'en dernier recours, d'une manière subsidiaire.
Dans les cas (rares) où la recherche sur les embryons in vitro est nécessaire, elle ne peut s'opérer que dans un cadre très strict.
De telles recherches ne peuvent être pratiquées qu'au sein d'un centre de procréation médicalement assistée agréé, et en coopération avec un centre de génétique humaine.
Le consentement des « parents génétiques » est requis. Ces personnes doivent avoir été préalablement informées de la nature des recherches envisagées, de leur objectif. Leur consentement doit être donné par écrit. Il est révocable à tout moment.
Un programme de recherche précis, explicitant notamment les raisons pour lesquelles l'utilisation d'embryons humains est inévitable doit, être approuvé par le Comité consultatif de bioéthique ou par l'une de ses sous-commissions. Les résultats de ces recherches doivent être communiqués à l'issue de la recherche au Comité consultatif de bioéthique. À l'issue de la recherche, les embryons doivent être détruits.
3.3. La recherche fondamentale : qui vise l'intérêt général et l'intérêt de la science avant celui des personnes individuelles.
Il s'agit ici par exemple des interventions sur le génome humain, ou de recherches en matière de clonage d'embryons.
L'article 13 de la Convention du Conseil de l'Europe sur les droits de l'homme et la biomédecine dispose que des interventions ayant pour objet de modifier le génome humain ne peuvent être entreprises que pour des raisons préventives, diagnostiques ou thérapeutiques. En outre, elles ne peuvent pas avoir pour but d'introduire des modifications dans le génome de la descendance. (à l'égard de cet article, les États ne peuvent formuler aucune réserve).
Par ailleurs, accepter que l'embryon serve à la recherche fondamentale serait consacrer purement et simplement la chosification de l'embryon, lui assigner un statut de matériel biologique d'expérimentation, ce qui nous semble inacceptable.
D'ailleurs, la Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine consacre en son article 2 le principe de la primauté des intérêts et du bien-être humain sur les seuls intérêts de la science et de la société.
4. La création d'embryons à des fins de recherche
D'un point de vue éthique, les techniques de procréation médicalement assistée ne peuvent être mises en oeuvre que dans la perspective, et dans le cadre, d'un projet parental, dans un but de procréation. La procréation médicalement assistée doit rester, en un certain sens, « médicale ». La fécondation in vitro ne peut servir à créer des embryons destinés à être du matériel biologique d'expérimentation. La création d'embryons humains à des fins de recherche est une transgression éthique en tout état de cause (à moins que l'on ne considère l'embryon in vitro comme une « chose », du pur matériel biologique d'expérimentation, ce que nous refusons de faire, comme nous le mentionnons dans notre principe nº 1).
La nécessité scientifique peut-elle justifier certaines transgressions éthiques (comme la création d'embryons à des fins de recherche) ?
La création d'embryons humains « à des fins de recherche », par toute technique (y compris le clonage) ne semble actuellement justifiée ni d'un point de vue scientifique, ni d'un point de vue éthique.
D'un point de vue scientifique, à l'heure actuelle, il semble que les objectifs évoqués pour justifier la création d'embryons humains à des fins de recherche (étude des possibilités de congélation d'ovules non fécondés et de fécondation après décongélation, amélioration des techniques de diagnostic préimplantatoire...) pourraient être atteints le cas échéant par d'autres procédés (notamment l'expérimentation sur des embryons de primates... naturellement plus chers que des embryons humains) n'impliquant pas de créer des embryons humains. Toutes les alternatives n'ont pas été explorées. La création d'embryons humains à des fins de recherche serait une alternative confortable à une recherche scientifique à part entière qui ne nécessite pas l'usage d'embryons humains.
Si la création d'embryons humains à des fins de recherche n'est pas au moins strictement nécessaire ne fût-ce que sur le plan scientifique, la transgression éthique que constituerait cette création ne trouve assurément aucune justification.
Si, dans l'avenir, pour une raison ou pour une autre, cette transgression éthique devait être justifiée (en ce que des recherches d'un intérêt primordial pour la santé publique nécessiteraient absolument la création d'embryons humains, par exemple), il faudrait que cette création d'embryons humains à des fins de recherche réponde aux conditions suivantes :
les bénéfices (en matière de santé publique) attendus de cette recherche devraient être proportionnés à la transgression éthique que constitue la création d'embryons humains à des fins de recherche;
la création d'embryons devrait être utile et strictement nécessaire pour obtenir ces bénéfices. Les bénéfices attendus ne doivent pas pouvoir être obtenus autrement.
Notre préoccupation est aujourd'hui de déterminer s'il est souhaitable que notre droit permette, à la différence des 21 États qui ont déjà signé la Convention du Conseil de l'Europe sur les droits de l'homme et la biomédecine, et avant même que la nécessité sociale s'en fasse ressentir, la création d'embryons à des fins de recherche. S'il est vrai que le législateur doit le moins possible entraver le développement des sciences (la liberté de la science est inscrite dans la Convention européenne des droits de l'homme) et en ce sens anticiper autant que possible les besoins de celle-ci, il n'est pas certain toutefois qu'il lui revienne d'inciter à priori tous ses développements sans avoir concrètement évalué la proportionnalité existant entre les bénéfices humanitaires potentiels de l'expérimentation envisagée et la transgression éthique qu'elle rend inévitable.
L'évolution que connaît la science a ouvert nombre de possibilités concernant la maîtrise de la fécondité humaine. Il va de soi que cela recèle un risque d'aberrations et, finalement, de dérapage du système de normes. C'est pourquoi le Vlaams Blok estime qu'une extrême minutie et un point de vue nettement délimité s'imposent.
La Convention constitue dès lors un bon point de départ. Il faudrait sans plus souscrire à l'article 18, ainsi que préciser et définir clairement la protection de la vie prénatale qui y est visée. Des notions comme « toute personne », « être humain », « embryon », « protection adéquate » et « recherche », par exemple, sont beaucoup trop vagues et doivent être scrupuleusement spécifiées. Pour le Vlaams Blok, une phrase comme celle qui figure au point 2.D.6. du rapport de la commission : « La production d'embryons dans le cadre de la recherche est jugée admissible, mais seulement s'il n'est pas possible d'utiliser des embryons surnuméraires », est inacceptable et sera attaquée.
La possibilité prévue aux articles 26 et 36 de déroger, dans la législation nationale, aux dispositions de la Convention est lourde de conséquences pour celle-ci. On peut lire, au point I.C.1. de ce rapport, ce qui suit : « Cependant, les possibilités de dérogation sont tellement larges que, si on devait les exploiter au maximum, on aboutirait à une situation où le texte de la Convention serait en grande partie vidé de sa substance. Le président du Comité consultatif de bioéthique a mis en garde contre la création, en Europe, de « paradis » où on pourra faire tout ce qui est interdit ailleurs. » C'est à peu près la situation de la Belgique à l'heure actuelle !
La manipulation du matériel génétique en vue d'obtenir une race supérieure, le clonage ou la détermination préalable du sexe sont totalement inadmissibles. Il faut arriver à un consensus concernant le recours à des expériences sur animaux et sur un autre matériel cellulaire, une voie peut-être plus longue mais plus sûre. Le Vlaams Blok s'oppose formellement à ce que, pour des raisons de coût, la préférence soit donnée à la recherche sur embryons humains plutôt qu'à la recherche sur les primates !
Une commission composée de médecins et de magistrats qui coordonnent et supervisent est indispensable et préférable à un comité de bioéthique ne faisant que donner des avis et des informations.
Le groupe Écolo du Sénat estime pouvoir s'inscrire dans l'esprit de la Convention. En effet, la signature et l'ouverture à la ratification de la Convention bioéthique du Conseil de l'Europe nous donne l'occasion de lancer le débat. Or, c'est précisément au Sénat, devenu avec la réforme de l'État une instance de réflexion, qu'incombe la ratification des accords internationaux. Nous avons donc en main toutes les cartes pour initier ces discussions et un débat, qui, s'il doit être mené au Parlement, doit aussi et c'est à notre sens un des rôles que le Sénat peut jouer s'ouvrir à partir des instances parlementaires, pour s'alimenter à la fois des apports de l'expertise, mais aussi de la volonté des citoyens.
Nos concitoyens nous ont démontré à suffisance ces derniers temps qu'ils n'entendaient plus laisser ce genre de décision aux seuls experts, car il s'agit bien de choix de société.
La Convention du Conseil de l'Europe appelle, elle aussi, de ses voeux la tenue de ce débat.
On peut lire à l'article 28 : « Les parties veillent à ce que les questions fondamentales posées par les développements de la biologie et de la médecine fassent l'objet d'un débat public approprié, à la lumière en particulier des implications médicales, sociales, économiques, éthiques et juridiques pertinentes, et que leurs possibles applications fassent l'objet de consultations appropriées. »
Par ailleurs, deux des attendus de la même Convention énoncent eux aussi le principe de reconnaissance de l'importance de promouvoir un débat public sur les questions posées par l'application de la biologie et de la médecine et sur les réponses à y apporter, tout en ajoutant le désir de rappeler à chaque membre du corps social ses droits et ses responsabilités.
Le débat me paraît fondamental car il met en situation des intérêts contradictoires : d'une part, le respect des droits de l'homme, la protection de la dignité de l'être humain, et la nécessité d'une éthique à ces propos (quelle que soit d'ailleurs la morale, ou la confession à laquelle on appartient !) et, d'autre part, les intérêts d'une certaine recherche de pointe, certains processus de marchandisation du vivant et donc des intérêts économiques à terme même si, selon l'article 11 de la Convention, « Le corps humain et ses parties ne doivent pas être, en tant que tels, source de profit. » C'est précisément le « en tant que tel » qui fait et fera question.
Par ailleurs, signer et ensuite ratifier la Convention permettra à la Belgique de disposer d'un cadre législatif minimal bien nécessaire puisqu'actuellement, dans la plupart des cas, nous sommes devant le vide juridique. Ce qui, en fait, autorise toute une série de pratiques dont la société n'a pas évalué les retombées.
Ce cadre voté par le Conseil de l'Europe a l'avantage au moins d'être commun à une série de pays, et d'éviter ainsi les passages de frontières pour pratiquer ailleurs ce qui est interdit chez soi.
La Belgique devra légiférer car la Convention laisse une série de décisions en suspens. En effet, si elle instaure par l'article 26 une série de droits fondamentaux minimaux, dont certains ne peuvent être soumis à restriction, par ailleurs, elle permet au terme de l'article 27 que chaque partie accorde une protection plus étendue à l'égard des applications de la biologie et de la médecine que celle prévue par elle.
La Belgique aura donc l'obligation de légiférer, soit pour préciser des modalités d'application, soit pour établir des protections plus strictes. Cela après un large débat public.
On en vient maintenant aux questions de fond encore ouvertes par le texte de la Convention.
Et nous voudrions les exprimer et les commenter sous forme de questions pour montrer combien l'interprétation peut être possible et combien il est justifié de tenir un débat. Cela sans préjuger de l'aboutissement des discussions, et sans faire valoir un avis personnel sur les problèmes.
L'article 12 limite les tests génétiques prédictifs aux seules fins médicales ou de recherche médicale. Si on peut admettre que l'on procède à un test génétique prédictif, pour les femmes enceintes au-delà d'un certain âge et dans le cas de famille « à risques », on peut s'interroger sur le flou artistique de la formulation de l'article. Quels critères seront applicables et qui déterminera qu'il s'agit bien de fin médicale ou de recherche médicale ?
La question de la finalité de ces recherches se pose encore.
La menace eugénique reste sensible et sujette à controverse.
L'article 16 organise la protection des personnes se prêtant à une recherche. Le point ii de l'article souligne : « Les risques qui peuvent être encourus par la personne ne sont pas disproportionnés par rapport aux bénéfices potentiels de la recherche. »
Qui pourra juger, en toute objectivité, de ce rapport de risque : les chercheurs intéressés par le sujet ? Un comité scientifique lui aussi dominé par le « sens » de la recherche ?
Le concept même de recherche sur des êtres humains est-il acceptable ? Qui se prêtera à cette recherche ? Des malades incurables pour qui c'est le dernier espoir, mais aussi des prisonniers à qui on aura promis des remises de peine, des personnes tellement nécessiteuses qu'elles ne trouveront que ce moyen pour survivre, ... Rien n'est dit de l'existence d'une contrepartie financière ou autre pour un tel service rendu à la science. Peut-on encore parler de consentement libre et éclairé avec de telles interférences ?
L'article 17 définit quant à lui la protection des personnes qui n'ont pas la capacité de consentir à une recherche. Le point 2 de l'article mentionne toutefois que : « À titre exceptionnel et dans les conditions de protection prévues par la loi, une recherche dont les résultats attendus ne comportent pas de bénéfice direct pour la santé de la personne peut être autorisée si outre les conditions énoncées préalablement la recherche a pour objet de contribuer ... à l'obtention à terme de résultats permettant un bénéfice pour la personne concernée ou pour d'autres personnes dans la même catégorie d'âge ou souffrant de la même maladie ou trouble ou présentant les mêmes caractéristiques. »
Cet article de la Convention permet la pratique d'interventions sur des sujets incapables sans bénéfice direct pour eux et sans leur consentement lorsque la contrainte est minimale pour les personnes concernées et qu'un bénéfice significatif (pour qui ?) peut en découler.
Le prélèvement de tissu à des fins de transplantation pourrait également s'opérer sans leur consentement, si le destinataire est « un frère ou une soeur » du donneur !
Cependant, même dans ce cas admis, des questions restent posées : que l'on songe à l'exemple vécu aux U.S.A. de cette femme qui a conçu et mis au monde un enfant pour en soigner un autre. Même si l'on peut admettre à la démarche un but louable, est-il acceptable que l'on en arrive à une telle « rectification » de l'être humain qui est, à la limite, ramené au rôle de réservoir de pièces de rechange !
On ose à peine imaginer les interprétations qui pourraient découler de ces mesures dites « exceptionnelles ».
Jusqu'où peut-on aller dans l'assouplissement des exigences en matière de droits de l'homme ?
Une telle réduction de la protection à l'égard de ceux qui sont dans l'incapacité de donner un consentement libre et éclairé est-elle soutenable ? La question est posée.
La Convention est ici en retrait par rapport au code de Nuremberg. En effet, horrifiés par ce qu'ils découvraient des capacités d'invention de l'être humain en cette matière, les juges du procès de Nuremberg en 1947 avaient formulé le fameux « code de Nuremberg », code juridique strict réglementant les expériences médicales à venir sur l'être humain. Ce code prévoyait l'interdiction des expériences sur les mineurs, les handicapés mentaux, et les personnes incapables de donner leur consentement.
L'article 18/1 qui porte sur la recherche sur les embryons in vitro ne prend, en fait, pas position. Il s'en réfère à ce qui est prévu dans chaque législation nationale, tolérant donc en fait ce type de recherche puisque certains pays l'admettent.
En l'absence de législation, devons-nous conclure que ce qui n'est pas interdit est autorisé ?
La Convention aurait pu prendre une interdiction claire. En effet, certaines législations nationales sont très nettes à ce sujet.
Ainsi, en Allemagne, la loi sur la protection de l'embryon interdit ce genre de recherche.
Par ailleurs, l'article 18/2 interdit la constitution d'embryons aux seules fins de recherche. Néanmoins cette restriction peut être aisément contournée si les embryons ont effectivement été créés dans le but d'une fécondation in vitro , mais qu'ils se sont avérés inutiles par la suite. C'est toute la question des embryons surnuméraires qui, elle aussi, n'est ni tranchée, ni résolue.
L'article 21 prévoit que : « Le corps humain et ses parties ne doivent pas être, en tant que tels, source de profit ».
Les gènes humains que l'on soumet au brevetage sont-ils ou non des parties du corps humain « en tant que tel » ? Ne se trouve-t-on pas face à un article de pure rhétorique ?
Le projet de Convention n'envisage pas l'interdiction de clonage des embryons humains. Or, des expériences controversées menées aux U.S.A. auraient exigé qu'il prenne position à ce sujet.
L'article 31 pose la question des protocoles à venir. Là aussi, nous devons exiger que le débat démocratique soit mené.
Voilà quelques-uns des points qui, à notre sens, posent de très graves interrogations. Si on a voulu ici quelque peu développer quelques-unes des questions fondamentales que soulève la bioéthique, c'est parce que nous pensons que la simple énonciation de certaines mesures que l'on tend à considérer comme des garde-fous suffit à faire comprendre quelles conséquences elles peuvent avoir et de quelle manière on peut les utiliser, voire les détourner.
Dans quelles mesures, dans quelles limites des termes comme « protéger l'individu » et « garantir la recherche » sont-ils compatibles ?
Ne devrait-on pas se fixer comme un critère de référence les éventuelles dérives (même si ce n'est pas l'intention) que certaines recherches ouvrent dans l'organisation de nos sociétés ?
En effet, au-delà de chaque morale individuelle, il existe une éthique collective qui donne ses orientations à toute société. Ce n'est donc pas aux seuls chercheurs et comités d'éthique qu'il incombe de la déterminer, mais à la société elle-même.
À propos de l'article 18 plus précisément
Quant à moi, je suis opposée à la recherche sur l'embryon et à fortiori à la création d'embryons à des fins de recherche. C'est un avis personnel. Le mouvement Écolo n'a pas encore pris position et doit le faire incessamment. Ceci dit, en ce domaine, chaque parlementaire est libre de ses options.
Je pense qu'aucune confusion n'est possible avec la question de l'avortement (c'est souvent une des objections avancées). En effet, on se situe à des niveaux différents. La question de l'avortement est une question d'ordre privé. C'est bien ainsi qu'a été conçue la législation de dépénalisation (que j'ai votée) : chacun peut à l'intérieur d'un cadre exercer son libre arbitre, mais, en aucun cas, l'avortement n'est présenté comme une méthode de contraception. La loi ne banalise pas l'avortement, elle dépénalise l'acte médical.
La question de la recherche est une question d'éthique collective posée à une société à propos des orientations qu'elle souhaite prendre. Il me paraît qu'accepter une telle recherche ouvre la porte à toute une série de dérives eugéniques, même si on s'en défend actuellement. C'est aussi la porte ouverte à la recherche pour la recherche (puisque, dans la plupart des cas, on peut faire autrement), sans en référer ni à l'utilité, ni à l'équité sociale.
Je pense que la question de la fécondation in vitro est liée à ce débat par le biais des embryons surnuméraires et en devenir. Accepter la recherche sur les embryons surnuméraires, n'est-ce pas aussi ouvrir la porte aux dérives ?
Pour ma part, j'en vois au moins deux :
n'abusera-t-on pas de ce genre de technique puisque ce sera une manière d'obtenir des embryons ? N'en créera-t-on pas plus que nécessaire ?
de quel droit certains parents pourront-ils se prévaloir de diagnostics préimplantatoires pour éviter telle ou telle maladie alors que « l'ordre naturel des choses » ne permet pas une telle démarche ? Permettez-moi de faire un peu de science-fiction. On peut imaginer le scénario suivant : on finirait par majoritairement « fabriquer » des embryons in vitro pour des raisons de salubrité publique. Les parents, souhaitant encore procéder autrement, le feraient à « leurs risques et périls » et en cas de problèmes seraient pénalisés : plus d'allocations pour handicapés, plus de sécurité sociale, etc. Science-fiction, me direz-vous ? Eh bien, sachez que dans un domaine parallèle, celui des manipulations génétiques appliquées à l'agriculture et aux produits alimentaires, l'Union européenne envisage (sans rire) de créer une filière « O.G.M. free » (exempte d'organismes génétiquement manipulés) pour tous ceux qui voudraient manger une nourriture exempte d'O.G.M. Vous voulez manger « normalement », vous devrez prendre deux filières de « luxe » : soit les produits de l'agriculture biologique, soit les produits O.G.M. free. C'est vraiment le monde à l'envers ! Mais, ce n'est pas la réalité de demain, c'est celle d'aujourd'hui et de là à ce que l'on fasse de même pour l'être humain, il n'y a qu'un pas, ... car on assiste de plus en plus et dans tous les domaines à un « estompement de la norme » (voir Commission Dutroux).
Dernier argument pour moi : ne faudrait-il pas prioritairement s'interroger et proposer une recherche importante sur les causes de l'augmentation de la stérilité ? En effet, les moyens de la recherche étant ce qu'ils sont, on doit choisir correctement les investissements :
soigner l'origine des problèmes ou leur conséquence;
opérer les choix en fonction de l'équité sociale.
Nous nous rallions à la note déposée par Écolo.
Nous souhaitons faire un ajout en ce qui concerne les expériences effectuées sur les personnes civilement incapables (art. 17); le texte proposé semble contraire à l'article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (une convention des Nations unies que la Belgique a ratifiée et qui prime donc, à première vue, une convention conclue au sein du Conseil de l'Europe).
Ledit pacte dit textuellement qu'« il est interdit de soumettre une personne sans son libre consentement à une expérience médicale ou scientifique. »
À propos des expérimentations sur les embryons, nous nous opposons à la constitution d'embryons à des fins de recherche. Nous estimons que les embryons surnuméraires peuvent servir à des expériences bien déterminées et soumises à une réglementation stricte, à condition que les « parents » concernés aient donné leur accord.
Enfin, nous regrettons que la Convention n'ait pas résolu le problème du droit qu'a chacun de connaître son ascendance. Nous estimons que la possibilité de connaître l'identité du donateur pour l'« enfant » qui le demande constitue un droit de l'homme fondamental. La loi peut éventuellement prévoir que le donateur n'a pas d'obligation alimentaire ni de droits en matière d'éducation, mais elle ne peut priver personne du droit de connaître ses « racines ». Ce principe a été inscrit dans la Constitution suisse et la législation suédoise. La Belgique devrait, elle aussi, légiférer en la matière.
La proposition de résolution a été adoptée par 8 voix contre 1.
Le présent rapport à été approuvé à l'unanimité des 9 membres présents.
Les rapporteurs, | Le président, |
Bea CANTILLON. Jacques SANTKIN. |
Lydia MAXIMUS. |
(1) De Groot, E., « Leven tot in de dood » , p. 52.
(2) Vermeersch, E., Van Antigone tot Dolly, 1997.
(3) Lenoir, N., Le courrier de l'Unesco , 7-8 septembre 1994.
(4) Il convient de faire remarquer que le point de vue du V.L.D. sur cette recommandation a évolué depuis 1996. L'expérience des dernières années nous a toutefois appris qu'imposer un test d'A.D.N. obligatoire aux personnes qui sont suspectées de délits punissables d'une peine d'emprisonnement de 10 ans ou plus serait une mesure trop sévère. S'il apparaissait qu'un test d'A.D.N. est indispensable et nécessaire à l'enquête, il faudrait y soumettre tous les suspects de délits sous réserve qu'ils aient reçu l'assurance qu'il se déroule de manière correcte. Le prélèvement d'un échantillon nécessaire à la réalisation d'un test d'A.D.N. (un poil ou un peu de salive suffisent) présente d'ailleurs peu d'inconvénients, de sorte que l'on peut difficilement parler d'atteinte à la vie privée ou à l'intégrité physique.
(5) Gogen, M., « Genetica en het menselijk genoom : ethische keuzen voor morgen », Liberalisme , 1996, p. 17.
(6) Nys, H., « Het verdrag Mensenrechten en Biogeneeskunde van de Raad van Europa, Rechtskundig weekblad , 1998, p. 20.
(7) Nys, H., op. cit .
(8) Invoquer le contraire impliquerait que l'on ait reconnu à l'embryon humain le statut de personne humaine.
(9) L'article 18 de la Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine prévoit que :
« 1. Lorsque la recherche sur les embryons in vitro
est admise par la loi, celle-ci assure une protection adéquate de l'embryon.
2. La constitution d'embryons humains aux fins de recherche est interdite. »
Cet article est de ceux à propos desquels la délégation belge au Conseil de l'Europe s'était abstenue de prendre position, à défaut de consensus suffisant chez nous sur ces questions délicates.
Le 16 novembre 1996, le Comité de ministres du Conseil de l'Europe a adopté la Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine. Cette Convention est inspirée par la volonté de protéger l'être humain, à la fois comme individu et dans son appartenance à la société et à l'espèce humaine sur, le plan de la biomédecine, l'intérêt et le bien de l'être humain devant prévaloir sur le seul intérêt de la société ou de la science. Elle vise également à promouvoir l'harmonisation des législations nationales et européenne en la matière.
D'une manière générale, la Convention entend répondre à la nécessité d'ériger en norme, dans une société pluraliste, la protection de l'être humain contre l'instrumentalisation et la commercialisation. La référence aux « droits et libertés » à l'article 1er de la Convention établit un lien avec une autre Convention importante du Conseil de l'Europe, à savoir la Convention européenne des droits de l'homme de 1950 que la Belgique a ratifiée en 1955. L'on peut considérer que la présente convention est la mise en oeuvre plus précise d'un certain nombre de dispositions de la convention de 1950.
La préoccupation principale de la Convention est de protéger l'être humain, la dignité humaine et l'identité de la personne humaine à l'égard des applications médicales et biologiques. En même temps, la Convention reconnaît explicitement la liberté de la recherche scientifique en matière de médecine et de biologie. Compte tenu de l'évolution rapide de la médecine, l'article 32 de la Convention prévoit l'obligation d'évaluer et de modifier, éventuellement le texte dans un délai de cinq ans.
Si certaines dispositions de la Convention rappellent de manière satisfaisante les principes minimaux qui doivent être à la base d'une réglementation, la commission des Affaires sociales constate cependant que dans certains domaines de la médecine et de la recherche scientifique, le texte consacre des positions éthiques qui ne sont pas nécessairement partagées par l'ensemble de la société. Dans une société caractérisée par l'acceptation du pluralisme en matière éthique il ne serait pas acceptable que ces positions donnent automatiquement naissance à des normes obligatoires sans qu'un large débat public n'ait eu lieu à ce propos.
Les divergences de vues fondamentales exprimées à l'égard de la Convention ont été clairement formulées dans l'avis que le Comité consultatif de bioéthique a rendu à la demande du Gouvernement. Certains membres ont estimé que la Convention répond globalement à la nécessité de préciser un certain nombre de choses sur le plan de la biomédecine et de renforcer la protection de l'individu. D'autres membres en revanche ont exprimé la crainte que la Convention ne soit trop stricte et n'ait des répercussions inacceptables sur l'évolution de la recherche scientifique. C'est notamment dans l'avis du comité consultatif sur l'article 18, qui régit la recherche sur l'embryon in vitro que cette discordance s'est manifestée. Alors que pour certains membres du Comité consultatif, il est indispensable dans certains cas de créer des embryons à des fins de recherche scientifique, d'autres y voient l'expression d'une approche radicalement utilitariste de la vie humaine.
La commission des Affaires sociales du Sénat estime que cette divergence de vues se résume sur le fond à la tension entre, d'une part, le principe de la dignité de la vie humaine « dès le commencement de la vie » et, d'autre part, le principe de la « liberté de la recherche scientifique » et du « devoir de savoir ».
Après s'être largement informée auprès de représentants des disciplines scientifiques concernées, la commission pense qu'il est possible et nécessaire de faire cesser cette tension. En effet, il ne s'agit pas de principes qui sont contradictoires l'un à l'autre.
Comme la recherche sur l'embryon n'est actuellement l'objet d'aucun encadrement légal en Belgique, le Gouvernement belge estimait qu'il était impossible de formuler une réserve sur la disposition en question en se fondant sur l'article 36 de la Convention. Aux termes de cet article, il est possible d'émettre une réserve au sujet d'une disposition particulière de la Convention dans la mesure où une législation nationale en vigueur n'est pas conforme à cette disposition. Cette réserve peut être formulée soit au moment de la signature, soit au moment de la ratification de la Convention.
L'absence de consensus et l'impossibilité de formuler une réponse, dans la législation nationale, au caractère trop restrictif, selon certains, de la Convention, sont donc les motifs invoqués par le Gouvernement belge pour ne pas la signer et pour lesquels la Belgique ne fait pas partie du groupe des 23 pays qui ont signé la Convention à ce jour. Par conséquent, notre pays n'a pas signé non plus le protocole interdisant le clonage et qui est lié à cette Convention.
À cela s'ajoute que de nombreux autres matières traitées dans la Convention ne sont réglées en Belgique par aucune loi. C'est par exemple le cas du consentement supplétif pour les soins dispensés aux incapables et ceux dispensés sous la contrainte aux malades mentaux, pour la recherche scientifique sur la personne humaine, l'utilisation de matériel corporel à la fin de recherche et pour le traitement des plaintes des personnes qui s'estiment lésées par un traitement médical. La ratification de la Convention par notre pays requiert en tout état de cause que soit mené à bien un programme législatif important. Les débats qui se dérouleront ne peuvent pas être limités à la perspective d'une ratification de la Convention du Conseil de l'Europe.
Ces dernières années, la procréation médicalement assistée a connu une évolution importante grâce à la recherche scientifique. Un certain nombre de chercheurs belges ont joué à cet égard un rôle de premier plan. La commission des Affaires sociales a pu constater au cours des auditions consacrées à la Convention que la plupart de nos centres respectent des normes éthiques élevées, mais que, le secteur ne bénéficiant pas d'un cadre légal, le risque d'abus ne peut pas être écarté. Les réponses apportées aujourd'hui dans le monde médico-scientifique à la question de l'acceptabilité éthique de la recherche sont, en effet, individuelles. En l'absence de critères légaux, le risque n'est pas exclu de verser dans l'arbitraire et, éventuellement, de céder à des intérêts financiers. Les pouvoirs publics doivent cependant toujours faire preuve de circonspection voulue lorsqu'il s'agit de réglementer la science. Ils ne peuvent imposer de limites à l'acquisition des connaissances et aux applications des résultats de la recherche scientifique que dans la mesure où celles-ci portent atteinte à la dignité humaine et/ou aux droits et libertés fondamentales de l'être humain.
Un cadre légal de la recherche sur l'embryon suppose que l'on contrôle également les structures au sein desquelles cette recherche a lieu. Les centres de génétique humaine sont régis par l'arrêté royal du 14 décembre 1987. En ce qui concerne les centres de procréation médicalement assistée, par contre, il n'existe actuellement aucune réglementation officielle concernant la qualité du service et la pratique médicale. L'absence d'une réglementation des centres FIV peut impliquer des risques sérieux pour la santé publique lorsque de nouvelles techniques peuvent être développées de façon incontrôlée et peuvent être appliquées librement partout.
La commission des Affaires sociales du Sénat estime que la Belgique ne saurait rester indifférente aux principes contenus dans la Convention. Elle a en outre pu constater que de nombreux milieux médico-scientifiques insistent eux aussi sur la nécessité d'un cadre juridique concernant la procréation médicalement assistée et la recherche sur l'embryon in vitro. La Commission considère par conséquent qu'il faut sortir de l'impasse actuelle et, dans le respect du caractère pluraliste de notre société, élaborer des règles légales qui garantissent la qualité des services médicaux dans ce secteur, assurent la protection de l'embryon et permettent le développement de la recherche médico-scientifique dans des limites socialement acceptables.
Le Sénat,
A. en ce qui concerne la Convention du Conseil de l'Europe sur les droits de l'homme et la biomédecine :
vu la nécessité de protéger l'être humain dans sa dignité et son identité et de garantir à toute personne, sans discrimination, le respect de son intégrité et de ses autres droits et libertés fondamentales à l'égard des applications de la biologie et de la médecine;
vu l'adoption par le Comité des ministres du Conseil de l'Europe, le 16 novembre 1996, de cette Convention, dont le but est d'harmoniser le cadre de protection de l'individu, comme tel et dans son appartenance à la société et à l'espèce humaine, à l'égard des applications de la médecine et de la biologie;
constatant qu'une partie des dispositions de la Convention ne font pas l'unanimité, tant en Belgique qu'au sein du Conseil de l'Europe;
considérant qu'au cours des négociations, la Belgique n'a pas soutenu une série de dispositions de la Convention, en particulier l'article 18 réglant la recherche sur les embryons in vitro;
constatant qu'à défaut d'une législation propre dans une série de domaines, notamment en matière de recherche sur l'embryon in vitro, le Gouvernement belge a considéré qu'il était dans l'impossibilité d'émettre des réserves à l'égard des dispositions problématiques et qu'en conséquence notre pays n'a pas à ce jour signé la Convention;
considérant que des questions importantes comme celles traitées dans la Convention doivent faire l'objet d'un large débat de société sur les implications médicales, sociales, économiques, éthiques et juridiques des développements de la biomédecine et qu'il est par conséquent souhaitable d'associer notamment le Parlement à la préparation de pareilles conventions;
considérant que la Belgique, compte tenu des évolutions dans le domaine de la biologie et de la médecine et compte tenu du mouvement d'harmonisation au niveau européen concrétisé dans la Convention, est tenue de prendre les mesures nécessaires en droit interne en vue de mettre en oeuvre les principes contenus dans la Convention;
considérant qu'afin de protéger la dignité humaine, dans l'intérêt de la société et principalement dans l'intérêt des patients, les pouvoirs publics se doivent d'assurer la poursuite du développement de la recherche scientifique médicale dans les limites définies et admises par la collectivité dans le respect des diverses convictions philosophiques;
compte tenu de la possibilité de formuler des réserves avant la signature ou la ratification au sujet de la disposition en question de l'article 18, § 2, dans la mesure où ces réserves sont fixées par la loi;
B. en ce qui concerne l'article 18 de cette Convention sur la recherche sur l'embryon in vitro :
considérant que la concrétisation des principes généraux du chapitre premier de la Convention sur le plan de la recherche sur les embryons in vitro implique l'interdiction de principe de la constitution d'embryons humains aux fins de recherche, interdiction à laquelle on ne peut déroger que conformément à la disposition de l'article 36 de la Convention;
considérant que la recherche sur l'embryon in vitro et la création d'embryons à des fins de recherche soulèvent des divergences d'appréciation au niveau de l'éthique qui doivent faire l'objet d'un large débat public;
considérant que de nombreux milieux médico-scientifiques demandent aussi un cadre juridique de la procréation médicalement assistée et de la recherche sur les embryons in vitro;
considérant qu'un cadre légal de la recherche sur les embryons doit être accompagné d'un cadre légal ou réglementaire fixant le statut et le fonctionnement des centres de reproduction médicalement assistée, dans le but d'assurer la qualité et l'accessibilité des soins et des services fournis;
considérant qu'il est incontestable qu'un embryon humain, s'il se développe, ne peut devenir qu'un être humain et que pour cette raison il mérite une protection très étendue, sans qu'elle soit absolue;
considérant que dès lors la recherche sur l'embryon in vitro exige un cadre légal qui garantit un contrôle démocratique et pluraliste;
considérant que les progrès réalisés dans le domaine de la procréation médicalement assistée ne peuvent porter préjudice à la nécessité de poursuivre les travaux de recherche sur les causes de la stérilité humaine;
Invite le Gouvernement,
à prendre toutes les mesures légales nécessaires en vue de permettre à la Belgique de ratifier dans les meilleurs délais la Convention du Conseil de l'Europe sur les droits de l'homme et la biomédecine, en tenant compte des réserves contenues dans cette résolution ou qui apparaîtraient dans le processus de ratification, et ce conformément à l'article 36 de la Convention;
à garantir que le corps humain, ses parties et ses produits ne soient pas sources de profit;
en ce qui concerne la protection de l'embryon in vitro :
à fixer des règles claires concernant la durée et les modalités de conservation des embryons surnuméraires;
à fixer des règles et conditions claires concernant le sort des embryons surnuméraires, à savoir la conservation, la destruction, le don en vue de procréation ou le don à la science;
à tenir compte des principes selon lesquels :
- les personnes qui fournissent les gamètes, doivent donner, après avoir été dûment informées sur la question, leur consentement formel à propos de l'utilisation qui en sera faite;
- les personnes qui ont recours à cette technique, doivent recevoir, avant le début du traitement FIV, une information claire sur les conséquences potentielles de ce traitement sur les plans psychosocial, médical et juridique et ce, tant pour elles-mêmes que pour leurs descendants;
à faire en sorte qu'à chaque cycle FIV ne soient pas produits plus d'embryons qu'il n'est nécessaire pour obtenir une grossesse et la mener à terme, compte tenu de l'état de la science médicale et de l'expérience en la matière;
en ce qui concerne la recherche sur les embryons in vitro :
celle-ci ne peut être admise que si elle respecte les conditions cumulatives suivantes :
la recherche doit avoir un objectif thérapeutique, concerner des problèmes de fertilité ou viser l'avancement des connaissances en matière des graves maladies génétiques;
la recherche sur embryons à des fins de lucre ne peut être autorisée;
ne sont pas admises :
- les actes qui sont accomplis à des fins eugéniques. Une intervention ayant pour objet de modifier le génome humain ne peut être entreprise que pour des raisons préventives, diagnostiques ou thérapeutiques et seulement si elle n'a pas pour but d'introduire une modification dans le génome de la descendance;
- le clonage : c'est-à-dire toute intervention ayant pour but de créer un être humain identique à un autre être humain vivant ou mort;
la recherche sur embryons n'est autorisée que si les résultats escomptés ne peuvent pas être obtenus par un autre moyen d'efficacité comparable (expérimentation sur des embryons d'animaux ou sur tout autre matériel cellulaire);
la constitution d'embryons aux fins de recherche est interdite sauf s'il n'est pas possible d'utiliser des embryons surnuméraires;
afin d'éviter des recherches superflues, l'information relative aux projets de recherche doit être centralisée à l'échelon national et les résultats de chaque recherche doivent être rendus accessibles à tous;
les personnes dont proviennent les gamètes et/ou qui font appel à la technique FIV dans le cadre d'un projet parental doivent recevoir des informations complètes sur les objectifs et les conséquences potentielles de la recherche. Elles doivent marquer leur accord par écrit sur l'utilisation du matériel cellulaire et/ou les embryons dans le cadre d'un projet de recherche et peuvent retirer celui-ci tant que la recherche n'a pas été entreprise;
les embryons qui ont fait l'objet d'une recherche scientifique, ne peuvent être implantés dans l'organisme, sauf si les recherches ont un objectif clinique direct qui profite à l'embryon lui-même;
la recherche ne peut être effectuée que dans des centres agréés de reproduction médicalement assistée répondant à des normes de qualité précises en terme d'équipement et de personnel;
tous les projets de recherche doivent être soumis à un contrôle éthique et démocratique, qui doit englober à la fois l'agrément et le suivi de la recherche. Les objectifs de la recherche doivent être clairement définis au préalable;
l'agrément et le suivi des projets doivent être confiés aux comités d'éthique locaux et à une commission nationale représentative, qui est composée de façon multidisciplinaire et pluraliste. La loi établit la relation entre les instances précitées, leur composition, leurs compétences respectives et les procédures de décision à l'égard des différents types de recherche.
Le Sénat invite également le Gouvernement :
à veiller que les questions fondamentales posées par les développements de la biologie et de la médecine fassent l'objet d'un débat public approprié;
à prendre des initiatives nationales et internationales afin de promouvoir et de coordonner la recherche sur les causes de l'infertilité chez l'être humain;
à mettre tout en oeuvre pour que ces recommandations trouvent une traduction dans une loi avant le 31 décembre 1998;
à procéder à la signature de la Convention le jour où sera publié au Moniteur belge la loi qui intègre les principes de la présente résolution.
La présidente souhaite la bienvenue à la délégation du Comité consultatif de bioéthique. Elle signale que la commission a récemment été confrontée au texte de la Convention du Conseil de l'Europe sur les droits de l'homme et la biomédecine. Cette convention règle une matière extrêmement importante, mais n'a pas pu être signée par la Belgique, notamment parce que la réglementation légale en la matière est pratiquement inexistante dans notre pays, ce qui montre une fois encore que les institutions démocratiquement élues ne sauraient différer plus longtemps le débat sur les questions abordées dans ladite convention.
Il a semblé logique à la commission, pour un premier échange d'idées en la matière, de faire appel au comité consultatif, qui a récemment émis un avis sur la convention.
M. Van Orshoven explique que le comité consultatif a été invité à se prononcer sur cette convention par les ministres de la Justice et de la Santé publique. Lorsqu'une telle demande est adressée au comité, on commence par examiner si l'instance dont elle émane est habilitée à solliciter l'avis du comité et si l'objet de la demande cadre bien avec la mission du comité consultatif. Dans le présent dossier, la réponse à ces deux questions était positive.
Ensuite, le problème est confié pour une première étude approfondie à une commission restreinte composée de 10 à 15 membres issus des différents groupes linguistiques et courants philosophiques. Dans le cas qui nous occupe, la commission restreinte était placée sous la présidence des professeurs Winkler et Nys et elle a désigné comme rapporteurs les professeurs André et Schotsmans.
Lorsque la commission restreinte arrive à une conclusion, celle-ci est communiquée au comité plénier, qui y consacre deux discussions et approuve le texte final.
Il importe de noter que, d'une manière générale et en particulier dans le présent dossier, les avis ne sont pas des textes consensuels. Ils reflètent les différentes opinions formulées au sein du comité. Il n'est donc pas étonnant que le présent avis fasse apparaître des vues qui sont parfois opposées.
M. Nys souligne qu'une double demande a été formulée au comité consultatif. On a demandé d'abord une analyse de la convention, ce que le comité a interprété comme une analyse des fondements éthiques et philosophiques du texte. Cette analyse a été effectuée de façon approfondie dans l'avis. D'autre part, on a demandé d'examiner les conséquences de la signature de la convention pour le législateur belge. Pour diverses raisons, cette demande a été traitée de façon moins détaillée dans l'avis.
Il évoque ensuite les motifs qui sont à la base de la convention. Ils peuvent se résumer en trois objectifs :
harmoniser les règles existantes en matière de biomédecine. Il s'agit tant des règles non contraignantes déjà adoptées par le Conseil de l'Europe sous forme de résolutions ou de recommandations que des règlements existants en la matière au niveau des États membres;
un niveau minimal commun de protection sur le plan international. Ce terme minimal ne peut s'entendre ici comme le plus petit commun dénominateur du niveau de protection existant dans les États membres. La protection offerte par la convention est comparable, dans les grandes lignes, à celle apportée par la loi dans des pays tels que les Pays-Bas, l'Allemagne et la Grande-Bretagne;
ouvrir un débat de société permanent sur l'évolution de la biomédecine. La convention contient un article dans lequel les États signataires s'y engagent.
Les grandes lignes de la convention peuvent se résumer comme suit :
la protection de l'être humain. D'emblée se pose la question de savoir ce que l'on entend par là. Le texte n'en apporte aucune définition. Le fait que l'article 18 traite de la protection de l'embryon tend cependant à indiquer que le champ d'application s'étend à la vie prénatale;
la protection de la dignité humaine et de l'identité de l'être humain. Ce principe s'exprime dans différents articles. La protection de la dignité humaine suppose que le corps humain ne peut pas être utilisé comme un instrument ni faire l'objet de transactions commerciales. Le respect de l'identité de l'être humain se traduit dans l'interdiction d'intervenir sur le génome humain;
la protection de l'intégrité physique de l'être humain. Elle apparaît dans les dispositions concernant l'exigence de consentement pour le traitement médical normal, les expériences médicales, le prélèvement d'organes, etc.;
la protection des autres droits et libertés à l'égard des applications de la biologie et de la médecine. Ce principe, contenu à l'article 1er , confère à la convention un caractère ouvert et dynamique. Il s'agit en effet de droits et de libertés qui, pour une bonne part, ne sont pas mentionnés dans le texte, mais qui doivent être explicités par le biais d'autres canaux. La convention mentionne toutefois explicitement le droit à l'information ainsi que le droit à la vie privée du patient;
la protection des incapables. La convention prévoit un système très détaillé et aussi très complexe, pour ce qui est de la recherche scientifique et du prélèvement d'organes impliquant les incapables. La règle générale prévoit que l'incapable peut uniquement être soumis à des interventions pour son bénéfice direct. Seul un nombre limité d'exceptions sont admises;
l'accès équitable aux soins de santé. Alors que les principes précités portaient sur des droits individuels, il s'agit ici d'un droit social fondamental qui revêt une extrême importance dans le cadre de l'harmonisation des législations nationales;
le respect des obligations professionnelles et des règles de conduite lors de toute intervention médicale. Il s'agit également d'une disposition ouverte, en vertu de laquelle des normes non reprises dans la convention peuvent néanmoins devenir des obligations du droit des traités. Il s'agit principalement ici de normes procédant de la déontologie et de l'éthique médicales et des législations nationales (droit de la responsabilité). Cette technique permet de répandre rapidement ces nouvelles évolutions sans devoir adapter la convention;
la reconnaissance de la liberté de la recherche scientifique.
La convention permet aux États membres de mettre des restrictions à plusieurs de ces principes. Citons en premier lieu la clause générale stipulant que la protection peut être limitée à certains niveaux :
lorsque la loi le prévoit expressément;
lorsque cette limitation sert un but légitime (la protection des intérêts d'autrui ou de la santé publique) et
lorsqu'il existe un rapport raisonnable entre la limitation du droit et le but que l'on entend atteindre.
Certaines dispositions, comme l'interdiction de modifier le génome humain, sont toutefois exclues expressément de cette possibilité d'exception.
Par ailleurs, la convention prévoit certaines possibilités spécifiques pour atténuer la protection, par exemple en ce qui concerne le traitement sans autorisation des malades mentaux, la possibilité d'une recherche non thérapeutique impliquant des personnes incapables de consentir ou la limitation du droit à l'information du patient.
Enfin, les États signataires peuvent formuler des réserves au sujet de certaines dispositions, sur la base d'une législation nationale.
Mme Winkler fournit un complément d'information sur l'avis du Comité consultatif.
Le point 2.2.1 de l'avis mentionne un certain nombre de dispositions qui font l'unanimité parmi les membres du comité, tant au niveau des options retenues que de leur formulation. Ces dispositions ont trait à :
l'accord du patient pour une intervention médicale;
l'accord de la personne se prêtant à une recherche scientifique médicale, en ce compris les incapables et
le prélèvement d'organes et de tissus chez des donneurs vivants à des fins de transplantation.
Par ailleurs, le comité est d'avis que d'autres dispositions contiennent d'intéressantes pistes de réflexion même si, pour certains membres, celles-ci sont bien trop vagues et si générales qu'elles ne peuvent avoir aucune incidence concrète. Il s'agit de la primauté de l'être humain, de l'accès équitable aux soins de santé, des obligations professionnelles et des règles de conduite, de la vie privée et du droit à l'information, de la non-discrimination et de l'utilisation de tests prédictifs ainsi que l'interdiction de réaliser du profit avec le corps humain ou une partie du corps humain.
Plusieurs autres dispositions, énumérées au point 2.2.2 de l'avis, ne font pas l'unanimité au sein du comité consultatif et l'avis formule parfois des opinions diamétralement opposées. Les deux matières les plus frappantes à cet égard sont la limitation de la recherche sur les embryons et la condamnation sans nuance de la thérapie génique germinale.
Le fait que la convention ne reconnaisse nulle part le devoir d'expérimenter a posé aussi problème à certains membres. Le texte impose un certain nombre de limitations aux recherches, mais ne souligne pas que les scientifiques ont le devoir de faire de la recherche en vue de promouvoir la santé publique.
Certains membres ont critiqué la mise sur un pied d'égalité, dans la convention, du droit de savoir et du droit de ne pas savoir. Ils étaient en outre d'avis que le droit de savoir aurait dû être confirmé dans le texte.
D'autres sujets ont également été discutés, à savoir le poids excessif mis sur l'autodétermination du patient, l'interdiction sans nuance de l'utilisation rétrospective de matériel pour la recherche ainsi que la notion de protection plus étendue, qui reconnaît le conflit de valeurs et le caractère conflictuel de la bioéthique.
M. André déclare qu'il a collaboré à la préparation de la convention en sa qualité de membre de la délégation belge. Diverses instances, mais aussi certains membres du comité consultatif, ont souligné que plusieurs problèmes n'avaient pas été abordés dans le texte ou l'avaient été de façon insuffisante. Cela a été voulu en partie pour les auteurs du texte qui espéraient qu'un maximum de pays signeraient la convention. Cette dernière énonce en effet plusieurs principes essentiels, qu'il est crucial de faire reconnaître le plus largement possible en Europe.
Entre-temps, plusieurs lacunes de la convention ont été comblées par les trois protocoles additionnels, qui peuvent également être signés par les États membres. Ces protocoles portent sur le prélèvement d'organes, la recherche sur le corps humain et le clonage des êtres humains.
À cet égard, il est important aussi que la convention puisse être révisée tous les cinq ans. Cette technique permet de vérifier régulièrement si le niveau de protection est trop élevé ou trop faible.
M. André souligne que Paul Schotsmans, le corapporteur, et lui-même se sont efforcés d'intégrer dans l'avis tous les points de vue et toutes les opinions concernant la convention qui ont été exprimés au sein du comité consultatif. Plusieurs membres espéraient que la convention répondrait globalement à la nécessité de préciser un certain nombre de choses en matière de biomédecine et de renforcer la protection du sujet. Un autre groupe redoutait toutefois que la convention ne soit trop stricte et que sa ratification n'entraîne des répercussions inacceptables pour l'évolution de la recherche scientifique dans notre pays.
C'est vis-à-vis de l'article 18.2 de la convention que cette divergence d'opinion se manifeste peut-être le plus clairement. Alors que d'aucuns estiment inéluctable, dans certains cas, la création d'embryons humains à des fins de recherche, il s'agit pour d'autres de l'expression d'une approche radicalement utilitariste de la vie humaine.
Un membre retient de l'exposé du premier intervenant que la convention n'est pas le plus grand commun diviseur des réglementations en vigueur dans les différents États membres, mais qu'on s'est efforcé de définir une plate-forme éthique minimale de niveau raisonnable. Même abstraction faite du fameux article 18, un pays comme la Belgique, caractérisé par l'absence de règles légales dans cette matière, est d'emblée confronté à la question de savoir si le texte pose des jalons incompatibles avec la pratique existante.
M. Nys reconnaît que la convention offre un niveau de protection relativement élevé par rapport aux techniques médicales. Le fossé par rapport à la protection légale qui existe actuellement en Belgique est assez impressionnant. Il cite quelques exemples :
La Belgique ne connaît pas de règlement légal relatif au consentement de substitution pour ce qui est du traitement médical des personnes qui sont incapables de manifester leur volonté. L'on pourrait régler ce problème en désignant comme représentant légal de ces personnes une autre personne, un parent direct par exemple. L'on pourrait également travailler au moyen de déclarations d'intention dans lesquelles les personnes en question indiqueraient elles-mêmes quelles dispositions il y aurait lieu de prendre au cas où elles deviendraient incapables. La convention reconnaît la valeur juridique d'une telle déclaration dans son article 9. Toutefois, aucune des deux solutions n'est applicable actuellement en Belgique. L'on recourt à des solutions d'urgence et, notamment, à la théorie des protecteurs naturels qui permet à la famille d'avoir voix au chapitre, mais qui peut entraîner des difficultés en cas de discorde familiale.
La Belgique ne dispose d'aucun régime légal qui permette d'exercer des contraintes sur des aliénés en vue de les soumettre à un traitement. Il existe certes un régime d'internement forcé, mais celui-ci ne couvre pas la pratique du traitement sous la contrainte.
La Belgique ne dispose d'aucun règlement légal relatif à la recherche scientifique sur du matériel humain.
La Belgique ne dispose d'aucun règlement légal relatif à la procréation médicalement assistée ni, indépendamment de l'article 18 de la convention, au statut de l'embryon in vitro ou in utero .
Le règlement légal relatif aux prélèvements d'organes chez les mineurs et la pratique en la matière sont nettement plus souples que la convention. Cette dernière ne permet que le prélèvement de tissus qui peuvent se reconstituer (moelle osseuse) chez les personnes qui sont incapables d'exprimer leur volonté (dont font partie les mineurs). La législation belge permet par contre le prélèvement de tissus dont la régénération est impossible (un rein par exemple).
La Belgique ne dispose d'aucun règlement légal relatif à la réutilisation de matériel humain aux fins de recherche. La loi ne précise pas dans quelle mesure le matériel humain prélevé dans le cadre d'un diagnostic, et conservé, peut être réutilisé par la suite aux fins de recherche. La convention n'interdit pas sa réutilisation mais elle dispose qu'il faut prévoir un système d'autorisation. Comme rien n'est précisé à cet égard, l'on peut veiller à une certaine souplesse pour ce qui est de l'aspect formel que devrait avoir une telle autorisation.
La Belgique ne dispose d'aucun règlement légal relatif au traitement des plaintes des personnes qui estiment avoir subi un préjudice dans le cadre d'un traitement ou d'un examen biomédical.
Un membre souligne que le Conseil de l'Europe a réalisé un travail important ces dernières années dans ce secteur délicat. Il faut l'en remercier mais il est d'autant plus étrange qu'aucun débat approfondi sur le sujet n'ait eu lieu au Parlement belge avant que des négociations ne s'engagent à ce propos au niveau européen. Le texte est soumis maintenant à ratification, ce qui signifie qu'il est à prendre ou à laisser par les États membres. Il serait toutefois utile que le Sénat engage la discussion c'est même indispensable et il devrait se rendre compte que le texte actuel ne lui laisse pratiquement aucune marge de manoeuvre.
D'emblée se pose la question de savoir quel était le mandat des représentants de notre pays qui ont négocié cette convention à Strasbourg. Ils ont dû se trouver dans une position fort délicate et il serait intéressant de savoir quels furent ces éléments de référence lors de la formulation de leurs points de vue.
Mme Winkler se range à l'avis selon lequel les organes politiques démocratiquement élus doivent avoir le dernier mot dans cette matière. Ce sont les élus qui doivent mener le débat quant au fond. Cette considération constitue le fondement du mode de travail choisi par le comité consultatif. Il est en effet parti du principe que c'est non pas à lui mais au Parlement qu'incombe la tâche de réaliser un consensus sur les questions éthiques que soulève l'évolution de la biomédecine. Le comité a estimé qu'il devait avant tout confronter les diverses opinions qui existent à ce sujet et fournir au Parlement des arguments susceptibles d'étayer le débat.
Un membre estime que le comité consultatif a pleinement rempli sa mission en la matière et que les politiques doivent, eux, faire leur examen de conscience. Ils ont, en effet, mené une politique de tolérance et ont laissé évoluer les choses librement, notamment par crainte d'une surréglementation. Mais, maintenant, le débat est devenu inéluctable.
Le Conseil de l'Europe a incontestablement pris plusieurs sages décisions dont celle de prévoir une clause de révision dans la convention. Ce faisant, il a reconnu que la matière en question est mouvante et qu'il est impossible d'arrêter l'évolution en la matière, ce qui n'enlève rien à la nécessité d'une intervention des pouvoirs publics.
M. André esquisse la manière dont la convention a vu le jour. Le texte a été négocié au sein du C.D.B.I., le successeur du C.A.H.B.I., qui a remplacé, lui, le Comité d'experts sur les problèmes juridiques de la médecine, lequel fut créé en 1974 au sein du Conseil de l'Europe et fut chargé d'examiner les problèmes bioéthiques en rapport avec la médecine.
Au sein du C.D.B.I., tous les États membres sont représentés par deux ou trois délégués qui sont mandatés par les ministres de la Justice et de la Santé publique. Au cours des réunions, ces représentants traduisent l'avis des gouvernements nationaux et, inversement, font rapport à ces gouvernements à propos des débats, qui ont lieu au sein du comité. Ces dernières années, les dossiers importants ont été préparés, en Belgique, au sein d'un groupe de travail intercabinets du département des Affaires étrangères, au sein duquel sont représentés tous les ministres concernés.
Le ministre de la Santé publique confirme que chaque réunion du C.D.B.I. a été préparée au sein de ce groupe de travail intercabinets. L'on a constaté, au cours des négociations, qu'aucun consensus n'était possible entre les divers départements à propos de plusieurs dispositions de la convention. Les représentants siégeant au sein du C.D.B.I. ont reçu l'ordre de ne pas intervenir au cours des négociations relatives aux articles et de s'abstenir au cours du vote. Ils ont aussi dû s'abstenir en conséquence au cours du vote final au sein du C.D.B.I. et le ministre des Affaires étrangères a dû lui aussi s'abstenir au cours du vote final de la convention au sein du comité ministériel en novembre 1996.
En attendant, l'on a présenté le texte de la convention pour avis au Comité consultatif de bioéthique, pour qu'il examine la possibilité pour le gouvernement belge de définir un point de vue unanime. Le 4 avril 1997, la convention a été soumise à la signature. Elle a déjà été signée par 21 pays.
À ce jour (3 décembre 1997), l'on n'a toutefois terminé la procédure de ratification dans aucun des États membres. Pour ce qui est des pays qui ont ratifié ladite convention, elle entrera en vigueur trois mois après qu'elle aura été ratifiée effectivement par cinq États membres.
Il est évident que la convention entrera en vigueur pour notre pays lorsqu'il l'aura signée et ratifiée, ce qu'il pourra faire effectivement sans aucun doute lorsqu'une série de points auront été clarifiés.
En ce qui concerne le contenu, le Comité consultatif confirme dans son avis qu'il n'y a aucun consensus en Belgique sur certains articles de la convention. Le Comité consultatif présente, dans le cadre de ses conclusions, les trois options possibles suivantes :
La convention est signée et ratifiée, et les dispositions entrent, dès lors, en vigueur sans réserve.
La convention n'est pas signée et n'est dès lors en rien obligatoire en Belgique.
Avant la signature de la convention, l'on règle plusieurs points dans la loi, de manière que la Belgique puisse émettre des réserves à propos de certaines dispositions (article 18 par exemple).
Le ministre de la Santé publique espère pouvoir présenter dans les plus brefs délais, au Parlement, un projet de loi réglant le problème de la recherche sur les embryons.
M. Nys précise qu'à l'heure actuelle, dix États membres de l'Union européenne ont signé la convention. Les pays qui ne l'ont pas encore fait sont la Grande-Bretagne, l'Allemagne, l'Autriche, l'Irlande et la Belgique.
Un sénateur demande comment interpréter l'article 2 de la convention, qui dispose : « L'intérêt et le bien de l'être humain doivent prévaloir sur le seul intérêt de la société ou de la science ». Entend-on, par « l'être humain », le patient individuel ou l'humanité dans son ensemble ? Le patient individuel sur lequel on effectue des recherches n'a pas nécessairement un intérêt direct aux développements futurs de la science.
La disposition de l'article 2 ne figure sans doute pas par hasard au début du texte, mais deux interprétations sont possibles. S'agit-il d'un principe général applicable à toutes les dispositions ou certaines de ces dispositions doivent-elles précisément être considérées comme faisant exception à ce principe ?
L'intervenant fait remarquer par ailleurs que plusieurs constitutions européennes garantissent le droit de toute personne à connaître sa filiation. Dans d'autres pays, par contre, la législation interdit précisément que, dans le cadre de certaines techniques de fécondation, on dévoile l'identité des parents naturels. En l'absence de disposition sur ce point dans la convention, doit-on en conclure que les auteurs du texte ont voulu éluder le problème ? Cette question a-t-elle été abordée au Comité consultatif ?
Dans sa réponse à la première question, M. Nys renvoie au paragraphe 21 du rapport explicatif du C.D.B.I. relatif à la convention : « La primauté de l'être humain est un principe qui inspire l'ensemble de la convention, et c'est à sa lumière qu'il conviendra d'interpréter chacune de ses dispositions ».
La primauté de l'intérêt de l'être humain sur le seul intérêt de la société et de la science constitue donc le fil rouge de la convention et conditionne l'interprétation de tous ses articles. L'utilisation du terme « le seul » dans l'article 2 revêt une grande importance, mais est aussi une source de confusion. L'intérêt de l'être humain doit donc primer sur l'intérêt pur et simple de la société ou de la science. On peut interpréter cela en ce sens qu'il doit y avoir un rapport raisonnable entre le risque encouru par le patient du fait de la recherche et l'intérêt de la société ou de la science.
Le fait de garantir ou non le droit d'une personne à connaître sa filiation est effectivement un exemple caractéristique des thèmes non traités dans la convention en l'absence de consensus possible. La Suisse et la Suède garantissent ce droit à leurs ressortissants. Les Pays-Bas sont particulièrement hésitants sur ce point et la Belgique n'a pas encore arrêté de position.
D'autres thèmes qui ne sont pas abordés dans la convention en raison de l'impossibilité d'arriver à un consensus sont l'interruption volontaire de grossesse et l'euthanasie.
M. André souligne que le droit de connaître sa filiation est bel et bien inscrit dans la convention de l'O.N.U. sur les Droits de l'enfant.
M. Van Orshoven ajoute que le Comité consultatif prépare actuellement un avis concernant ce thème parmi d'autres.
À la question d'une membre de savoir si les arguments en faveur de l'article 18 ou contre celui-ci peuvent être expliqués par le Comité consultatif, Mme Winkler répond que les grandes divergences de vues ont trait surtout au point 2 dudit article. Plusieurs membres ont estimé que la production d'embryons dans le cadre de la recherche médico-scientifique est indispensable si l'on veut améliorer l'état des connaissances en matière de lutte contre les problèmes de fécondité et les affections génétiques. Il va de soi que ces recherches doivent répondre à un objectif médical direct et que la recherche fondamentale abstraite est considérée comme interdite. Les connaissances accumulées grâce à la recherche doivent pouvoir contribuer directement à la solution d'un problème médical. Les membres qui sont de cet avis estiment toutefois que la production d'embryons pour la recherche scientifique ne peut se faire que dans un cadre légal strictement défini.
D'autres membres partent de la philosophie selon laquelle la vie humaine commence dès le moment de la fécondation. La production d'embryons dans le cadre de la recherche scientifique n'est pas conciliable avec cette conception.
M. Nys ajoute que les membres qui plaident pour que notre pays signe la convention sans aucune réserve pour ce qui est de l'article 18 avancent deux grands arguments. Selon le premier, qui est plutôt d'ordre pratique, la Belgique ne peut pas se désolidariser des autres États membres, à propos d'un principe aussi important que le principe en question, qui est formulé au niveau européen. Selon le second, ce type de recherche en question témoigne d'une conception purement utilitariste de la vie que l'on en vient, en quelque sorte, à instrumentaliser.
Ce dernier argument met précisément en lumière la distinction à établir entre la recherche sur les embryons conçus dans le cadre de la procréation naturelle et la production d'embryons aux seules fins de la recherche. Dans la perspective de travail de laboratoire, ces deux types de recherche sont très semblables, mais, du point de vue philosophique et éthique, il y a un fossé considérable entre les deux. C'est précisément pourquoi la convention a doté l'un et l'autre de ces deux types de recherche d'un statut différent.
M. André souligne que les personnes qui participent à de tels débats partent toutes de plusieurs à priori. Aux arguments du dernier intervenant d'autres membres opposent la ferme conviction qu'il faut absolument produire des embryons pour pouvoir atteindre certains objectifs thérapeutiques.
Il estime toutefois que l'on peut aussi arriver à un accord dans des matières aussi délicates, si on le veut. C'est la conclusion à laquelle est parvenu, entre autres, le comité éthique qui existe au sein du Fonds de la recherche scientifique (F.R.S.). Ce comité dans lequel tous les courants philosophiques sont représentés, a établi un code relatif aux embryons surnuméraires conçus dans le cadre de la fécondation in vitro , qui peut servir d'exemple pour ce qui est d'autres matières.
Il y a lieu, en substance, de créer au plus tôt un cadre légal à respecter par toutes les parties et d'empêcher toute recherche incontrôlée.
Mme Winkler souligne à cet égard que toutes les recherches biomédicales qui sont menées en Belgique ont été agréées, encadrées et contrôlées d'une manière ou d'une autre, fût-ce par un comité d'éthique local. En cas de sollicitation de moyens financiers, l'agrément par la commission d'éthique du F.R.S. est nécessaire. Il serait dès lors faux de prétendre que l'on assiste à une prolifération incontrôlée dans ce domaine.
Toute personne active dans ce domaine accepte les contrôles et respecte une série de limites. C'est essentiellement à propos du contenu qu'il y a des divergences de vues. La question est de savoir si l'on va accepter ou non, dans certaines limites, la production d'embryons à des fins de recherche.
Une membre établit une comparaison avec la recherche qui est menée dans le secteur des sciences humaines. La législation sur la protection de la vie privée impose, pour ce qui est de la réalisation d'un sondage au sein de la population, une procédure très lourde dont le déroulement peut durer toute une année. L'autorisation d'un tel sondage doit être donnée par arrêté royal.
Pourtant, le secteur en question est moins délicat que celui de la biomédecine, dans lequel toute recherche peut uniquement être autorisée par un comité d'éthique local, pour autant que l'on respecte encore cette obligation. Elle émet certains doutes à propos de l'affirmation de l'intervenante précédente, selon laquelle toute recherche biomédicale est présentée pour approbation à au moins un comité d'éthique.
Si l'on voulait autoriser des dérogations au principe général qui est défini à l'article 18 de la convention, on ne pourrait le faire, selon elle, qu'au terme d'une lourde procédure fortement marquée par le souci démocratique. L'on ne peut pas se contenter d'un agrément préalable d'un projet. Le contrôle doit porter sur l'ensemble de la recherche.
Mme Winkler répond qu'il est de pratique normale que toutes les recherches effectuées en biomédecine, donc pas uniquement les recherches portant sur l'organisme humain, soient soumises à l'agrément préalable des comités d'éthique dans les hôpitaux.
M. Nys souligne qu'il n'existe, quoi qu'il en soit, aucune obligation légale en la matière. En outre, il n'est pas difficile de citer des projets de recherche qui n'étaient pas soumis à un tel agrément.
Mme Winkler explique ensuite que le secteur est unanimement en faveur de la création d'un cadre légal dans lequel la recherche devra avoir lieu. À quoi doit ressembler ce cadre et de quoi doivent se composer précisément les contrôles ? Ces questions doivent faire l'objet d'un débat de société. Le fait est qu'il est insensé d'instaurer des procédures d'agrément qui durent un an, voire plus. En effet, dans le domaine des sciences exactes, pareil laps de temps signifie bien souvent que l'utilité de la recherche est obsolète avant même d'avoir débuté.
M. André reconnaît qu'une durée d'une année est particulièrement longue dans ce secteur. Il est personnellement d'avis qu'il est possible de mettre au point des procédures d'agrément et de contrôle moins « chronophages ».
Il souligne ensuite que, quel que soit le thème abordé en Belgique, il y aura toujours au moins deux groupes à avoir des avis différents. Il est toutefois important que les discussions relatives à certains articles spécifiques n'aient pas pour effet d'en arriver à perdre de vue l'importance de l'ensemble. C'est pourquoi un groupe au sein du Comité consultatif espère que, grâce à un propre règlement légal permettant de formuler une réserve sur un nombre limité de points, notre pays sera toutefois en mesure de s'inscrire dans une mouvance internationale.
Un membre estime qu'en la matière, la Belgique a galvaudé de nombreuses opportunités, parce que chacun, par le passé, campait trop sur ses positions. Si la Belgique ne veut pas rater le coche, il lui faudra rapprocher les différentes opinions. La commission est confrontée soudainement à ce texte et s'efforce à présent de faire un tour d'horizon de la situation, entre autres par le biais d'auditions de spécialistes en la matière. Il serait bon, au terme de ces auditions, de réexaminer à la loupe chacune des dispositions de la convention et d'examiner comment d'éventuelles divergences d'opinion peuvent être gommées.
Un sénateur fait observer qu'en Belgique, ce secteur est très faiblement réglementé. Les intervenants ont-ils connaissance de pratiques utilisées chez nous qui seraient manifestement contraires aux dispositions de la convention ?
M. Nys rappelle l'énumération qu'il a communiquée au début de la discussion. Cette liste, non exhaustive, ne signifie toutefois pas que la Belgique recourt à grande échelle à des pratiques interdites par la convention. L'un des rares exemples pouvant être cités à cet égard est le prélèvement de tissus non régénérables chez des mineurs d'âge.
L'énumération met bel et bien en exergue le fossé existant entre notre législation et les dispositions de la convention. Cela signifie que, si la Belgique adhère à la convention, il faudra élaborer un impressionnant programme législatif. L'article 1er oblige en effet les pays ratifiant la convention à inscrire dans leur droit interne les mesures nécessaires pour assurer l'exécution des dispositions de la convention.
Il y a donc beaucoup plus à faire qu'instaurer une réglementation permettant d'émettre une réserve à l'article 18. Toutefois, rien n'empêche la Belgique de prendre d'abord les mesures légales nécessaires et de ratifier la convention seulement dans quelques années. D'ailleurs, notre pays n'a ratifié la Convention européenne sur les droits de l'homme qu'après cinq ans.
Dans un tel cas, la Belgique pourrait certes prendre un engagement politique clairement défini en signant le texte dès à présent.
M. Van Orshoven souligne l'importance que revêt la signature de la convention d'un point de vue européen. L'un des aspects désagréables de l'Europe actuelle est qu'il existe dans pratiquement tous les domaines des « paradis » qui permettent de façon illimitée ce qui ailleurs est prohibé ou réglementé. Ceci n'est pas seulement négatif pour la crédibilité de l'Europe mais aussi pour la politique dans chacun de ces domaines.
Il serait particulièrement regrettable que pareilles « îles » puissent subsister au niveau de la biomédecine. La convention elle-même comporte un certain risque en la matière puisqu'elle permet de formuler des réserves au niveau de plusieurs articles. On peut dès lors se demander si chacun ne devrait pas faire un pas en avant et revoir ses propres opinions afin de pouvoir garantir un niveau de protection général.
Un sénateur attire l'attention sur l'article 10 qui garantit au patient la possibilité de connaître les informations relatives à son état de santé. L'on peut à tout le moins se demander si ce droit est actuellement garanti en Belgique. En effet, il est particulièrement difficile de pouvoir consulter son propre dossier médical.
La convention contient-elle des dispositions concernant les mères porteuses ?
M. Nys répond à cette dernière question par la négative. Le domaine de la procréation médicalement assistée n'est pas inclu dans la convention car aucun consensus ne s'est avéré possible à ce sujet.
M. Van Orshoven souligne que l'article 10.2 pose non seulement le droit à l'information du patient, admis par chacun, mais aussi le droit à la non-information. En raison de ce dernier volet également, la disposition ne peut pas être interprétée, selon lui, comme la reconnaissance du droit de consulter le dossier médical. Toutefois, le patient a le droit de prendre connaissance de ce qu'il contient.
À une question d'un membre portant sur ce sujet, M. Nys répond que la problématique du brevetage du matériel humain est indirectement abordée par l'article 21 de la convention : « Le corps humain et ses parties ne doivent pas être, en tant que tels, source de profit. » Le passage « en tant que tels », principalement, suscite quelques questions. En effet, quelle est la différence entre le matériel humain dans sa forme naturelle et le matériel reproduit dans l'une ou l'autre matière ? Cela reste du matériel humain.
Les auteurs de la convention demeurent quelque peu dans le vague, sachant que ce problème est aussi à l'ordre du jour au sein de l'Union européenne. En outre, cette disposition est semblable à celle de l'article 5 du projet de directive sur la protection légale des inventions biotechnologiques, actuellement en préparation par l'Union européenne.
Un membre évoque l'intervention de Mme Winkler, dans laquelle elle opérait une distinction entre la recherche sur les embryons à finalité médicale directe et la recherche fondamentale. La première serait autorisée d'un point de vue éthique, mais ce serait bien moins le cas pour la recherche fondamentale. Sur quels arguments éthiques ou scientifiques se fonde ce raisonnement ? Est-il si simple de délimiter ces deux types de recherche ? Cette distinction n'est pas toujours aussi claire dans les sciences humaines.
Mme Winkler estime qu'une distinction marquée peut être faite entre les deux types de recherche. La recherche médicale a pour but de développer ou de perfectionner des techniques directement applicables à la médecine. Au niveau de la fécondation in vitro , par exemple, il peut s'agir de rechercher de meilleures techniques de congélation. Il va de soi que les embryons conçus ou utilisés dans ce cadre ne peuvent pas entrer en ligne de compte pour un transfert dans l'utérus.
La problématique de la recherche fondamentale est d'ordre plus général. Pour illustrer ce type de recherche, l'on pourrait citer la recherche sur le génome et ses possibilités de manipulations diverses.
Elle explique qu'elle se consacre elle-même à la recherche scientifique fondamentale dans le domaine de la médecine moléculaire, mais sans implication d'embryon. Toutefois, elle estime que ce n'est pas à elle à déterminer ce qui est autorisé ou non en matière de recherche embryonnaire. Il s'agit là d'une question éthique à laquelle la société doit fournir une réponse.
Personnellement, elle est convaincue que la création d'embryons pour la recherche scientifique devrait être permise dans certains cas précis. La majeure partie du matériel requis peut également être obtenu par d'autres voies, à utiliser en premier lieu, bien qu'elles n'apportent pas une solution à tous les problèmes. Elle insiste sur le fait qu'il s'agit là de son opinion personnelle, qui a autant ou aussi peu de valeur que celle de n'importe quel autre citoyen de notre pays.
Elle est d'avis que les deux types de recherche doivent en effet bénéficier d'un statut distinct d'un point de vue socio-éthique. La recherche médicale profite directement au patient. Un couple ayant recours à la fécondation in vitro a déjà connu un long calvaire. Chacun a intérêt à ce que le traitement se déroule dans les meilleures conditions possibles, et la recherche qui y contribue ne peut dès lors pas être exclue sans plus.
Dans la recherche fondamentale, ce n'est pas l'intérêt individuel qui prime, mais celui de la société dans son ensemble. L'utilisation d'embryons dans ce cadre est d'un ordre tout à fait différent.
La préopinante souligne que l'on pourrait également inverser ce raisonnement en affirmant qu'à terme, la recherche fondamentale profite à l'ensemble de la société et justifie par conséquent certaines techniques qui seraient jugées éthiquement inacceptables dans un autre cadre.
Mme Winkler répond qu'elle ne souhaite en aucune façon nuire ni à la nécessité ni à l'intérêt de la recherche fondamentale. À ce niveau, se pose également la question de savoir si un embryon peut également être utilisé pour atteindre un objectif social général. Les individus peuvent diverger d'opinions sur le sujet mais c'est la société dans son ensemble qui devra apporter une réponse à cette question.
Un sénateur se réfère à l'article 18.2 de la convention stipulant que la création d'embryons aux fins de recherche est interdite. Cela signifie littéralement qu'aucun embryon ne peut être créé dans le but de l'utiliser ultérieurement pour la recherche. Stricto sensu, l'expérience prévue à Gand ne tomberait pas sous cette disposition d'interdiction. Cette recherche a en effet pour but de tester les techniques de congélation des ovules. Les embryons sont le fruit de ces travaux de recherche et n'en constituent nullement l'objet. La convention opère-t-elle cette distinction ?
Mme Winkler répond que si des embryons devaient résulter de ces travaux de recherche, ils n'ont pas été créés pour être transférés dans l'utérus, mais ils s'inscrivent intégralement dans le cadre d'un projet scientifique. Dans ce sens, le projet peut être interprété comme contraire à l'article 18.2 de la convention. Elle aimerait une fois de plus souligner la nécessité médicale qui, dans certains cas, sous-tend pareils travaux de recherche. Ainsi, de meilleures techniques de congélation peuvent-elles par exemple augmenter les chances de fécondation tout en diminuant le nombre d'embryons à créer dans le cadre de la fécondation in vitro.
À une seconde question de l'intervenant précédent, elle répond qu'elle n'a jamais eu vent d'embryons créés dans le but de tester certains médicaments. Toutefois, il n'est pas exclu que tôt ou tard il sera demandé de pouvoir tester des produits destinés à accroître les chances de réussite d'un traitement in vitro.
Mme Winkler souligne enfin que les propos qu'elle a tenus dans ce cadre traduisent purement et simplement son opinion personnelle. Ces sujets n'ont pas été abordés en Comité consultatif.
M. Van Orshoven abonde dans ce sens. Il souligne par ailleurs que les travaux de recherche menés à Gand ne portent pas directement sur l'embryon mais sur les techniques de congélation des ovules.
M. Nys fait observer que, d'après ce qu'il a pu comprendre de ce qui a été publié dans la presse, il n'empêche que des embryons non destinés à la transplantation seront générés par ces travaux de recherche.
La distinction entre les deux n'est pas toujours évidente. Un embryon peut être conçu dans le but d'être implanté, mais l'on peut y renoncer au terme d'un diagnostic préimplantatoire. La distinction réside au niveau des intentions, ce qui ne facilite pas les contrôles. Selon certains, l'interdiction prévue à l'article 18.2 de la convention peut facilement être contournée dans le cadre de la procréation médicalement assistée en concevant sciemment des embryons surnuméraires pouvant être utilisés par la suite pour la recherche.
La présidente souhaite la bienvenue aux professeurs Devroey et D'Hooghe. Elle souligne que cette audition s'inscrit dans le cadre d'un débat amorcé au sein du Sénat dans le contexte de la Convention du Conseil de l'Europe sur les droits de l'homme et la biomédecine, lors du vote de laquelle la Belgique s'est abstenue. La commission des Affaires sociales est notamment d'avis que la Belgique ne peut pas rester sur la touche dans de telles matières importantes sur le plan international, purement et simplement parce que cette matière n'a fait l'objet d'aucun débat au sein des organes démocratiquement élus.
M. Devroey explique que les embryons à l'origine du premier bébé éprouvette ont été créés en 1978. Il étudie personnellement cette technique depuis 1980, époque à laquelle elle n'était encore qu'à ses premiers balbutiements.
Lorsque l'on crée des embryons en dehors de l'organisme féminin, l'objectif est de les transférer dans l'utérus. Chez certaines femmes, la communication entre les ovaires et l'utérus est inexistante. La technique in vitro a pour but de remédier à cette absence de communication en procédant à une fécondation extra-corporelle suivie d'un transfert. Toutefois, depuis 1978, époque à laquelle les premiers embryons ont été conçus par le biais de cette technique, des recherches scientifiques ont été menées pour s'assurer que ces embryons présentaient une activité chromosomique normale.
En Belgique, de nombreux centres appliquent cette technique. Qui suit les publications scientifiques en la matière n'ignore pas que quelques-uns de ces centres ont joué un rôle de premier plan et ont mis au point des techniques utilisées dans le monde entier.
Toutefois, contrairement aux pays voisins, la Belgique ne connaît aucun cadre légal en matière de contrôle de la qualité de ces techniques. La France, l'Allemagne, les Pays-Bas, la Grande-Bretagne bénéficient d'un dispositif assurant le contrôle de la qualité des soins administrés aux embryons. En Belgique, le contrôle exercé sur la pratique médicale est inexistant.
Sous un angle médico-scientifique, d'aucuns souhaitent clairement l'instauration d'un tel mécanisme de contrôle. Celui-ci devrait entre autres prévoir l'établissement de rapports, ce qui implique que la finalité de chaque traitement soit d'emblée définie et que l'intervention soit suivie pas à pas à la lumière de cette finalité.
L'absence de toute forme de régulation ne va pas sans soulever plusieurs questions préoccupantes. L'une d'entre elles porte sur le statut des embryons surnuméraires, des milliers d'entre eux étant conservés dans nos centres. En Angleterre, une disposition légale prévoit la destruction de ces embryons au bout de cinq ans. Comme rien n'est réglé en Belgique, certains centres universitaires concluent, avec les parents, des accords dont la valeur juridique peut sérieusement être mise en doute. D'autres centres détruisent les embryons après plusieurs années, mais ils n'ont aucune défense juridique au cas où les parents exprimeraient par la suite le désir de transférer ces embryons. Sur un plan purement administratif, il s'avère déjà parfois très difficile de retrouver les parents après plusieurs années.
L'évolution du diagnostic préimplantatoire requiert également quelques mesures d'accompagnement. Au vu des développements en la matière, une chance unique se présente de coupler les centres de fécondation in vitro aux huit centres pour l'hérédité humaine existant en Belgique, lesquels sont parfaitement réglementés. Au cas où le monde politique négligerait cette chance, on court le risque de voir se développer partout dans le pays de nouvelles techniques onéreuses, échappant une fois de plus à tout contrôle raisonnable.
La technique permettant d'identifier des maladies héréditaires dont l'embryon serait porteur peut contribuer à la prévention des interruptions de grossesse. Le Comité consultatif de bioéthique prépare actuellement un avis sur les « gender clinics » abordant ce thème. C'est ici une chance unique d'assurer la qualité des embryons en relation avec le diagnostic préimplantatoire.
M. Devroey conclut que notre pays, contrairement à plusieurs autres, a négligé plusieurs opportunités permettant de régler cette matière aussi complexe que passionnante. Il regretterait que la Belgique souscrive à des actes internationaux en la matière avant même d'avoir développé une législation propre, étayée par un débat de société approfondi. Il formule l'espoir que le monde politique aura la volonté requise pour ce faire.
M. D'Hooghe abonde largement dans le sens du précédent intervenant. Selon lui, une telle réglementation devrait inclure trois domaines :
le nombre de centres F.I.V. agréés et les normes de qualité qu'ils doivent respecter. Sur ce plan, des mesures restrictives s'avèrent nécessaires dans les plus brefs délais. Le cabinet de la Santé publique a récemment déjà fourni un précieux travail en la matière et il est à espérer qu'il pourra être mené à bonne fin;
la recherche sur les embryons et le diagnostic préimplantatoire;
le remboursement de (nouveaux) médicaments dans le cadre de la procréation médicalement assistée.
Les accords conclus entre les centres et les patients au niveau des embryons cryopréservés sont en effet contestables sur le plan juridique. Il n'empêche que le centre où il travaille est parvenu, par ce biais, à contrôler la situation. De nouveaux embryons sont créés, mais d'autres disparaissent.
Toutefois, il est indispensable qu'un cadre légal clairement défini soit instauré en la matière. Plusieurs centres se refusent à conclure des accords avec les patients en raison des inconvénients juridiques précités ou des complications administratives que cela entraîne. Cela engendre une insécurité juridique plus grande encore.
M. D'Hooghe souligne ensuite que les médias avancent généralement trois arguments en faveur de la recherche sur les embryons :
l'amélioration des techniques existantes de fécondation in vitro ;
la possibilité d'un diagnostic génétique pré-implantatoire;
la recherche sur la capacité de fécondation d'ovules déjà congelés.
Il approfondit chacun de ces arguments.
1. La recherche sur les embryons est-elle nécessaire pour améliorer les techniques existantes de fécondation in vitro ?
C'est une argumentation particulièrement vague, qui, à son avis, ne comporte aucune justification pour la recherche sur les embryons. Ainsi est-il possible d'optimaliser les techniques de fécondation in vitro par le biais d'autres moyens de culture in vitro, de la coculture avec d'autres cellules, du maintien en culture des embryons pendant de plus longues périodes et d'autres applications possibles. Les activités scientifiques de cette nature peuvent être intégrées dans un programme clinique de fécondation in vitro existant et être réalisées sous la forme d'une étude prospective après approbation d'une commission locale d'éthique. Pour ce faire, aucune recherche distincte sur les embryons n'est requise.
2. La recherche sur les embryons est-elle nécessaire dans le cadre de la réalisation d'un diagnostic génétique préimplantatoire ?
Le professeur Joep Geraedts (Maastricht, Pays-Bas) et le professeur A. Handyside (Londres, R.U.) ont tous deux déclaré récemment, lors d'un colloque scientifique, que la recherche sur les embryons n'était pas nécessaire dans le cadre du développement du diagnostic préimplantatoire. En effet, l'on peut utiliser dans une large mesure des globules blancs humains, des fibroblastes humains et éventuellement des ovules humains non fécondés et des spermatozoïdes humains pour le développement du diagnostic génétique. Si des recherches sur des embryons sont indispensables, l'on peut essayer, autant que possible, d'utiliser, par exemple, des embryons de souris. L'on ne peut cependant pas exclure qu'une certaine forme de recherche sur des embryons, fût-elle limitée, ne soit indiquée en dernier recours. Si cette forme de recherche pratiquée dans le cadre en question se justifie du point de vue éthique et scientifique, on pourrait utiliser par priorité des embryons fragmentés en grande partie et qui ne sont plus destinés à être implantés dans la matrice d'une patiente ou à être congelés. Normalement, ces embryons ne sont plus conservés et ils pourraient dès lors être utilisés éventuellement à des fins de recherche.
Une deuxième possibilité serait que des couples qui disposent d'embryons congelés et qui ne souhaitent plus les conserver en vue de concrétiser leur propre souhait de fertilité, mais qui préfèrent par ailleurs ne pas les voir détruire, cédent ces embryons aux fins d'une recherche cliniquement justifiée, qui aiderait en fin de compte les couples qui connaissent des problèmes de fertilité.
Il faudrait que cela se fasse dans la plus grande transparence possible et que le couple sache exactement ce qu'il adviendra de l'embryon. Il faudrait également que tout projet scientifique de recherche sur des embryons soit soumis à une Commission nationale d'éthique médicale à créer, au sein de laquelle siégeraient des représentants, non seulement des médecins mais aussi des spécialistes des questions d'éthique, des juristes, des embryologues ainsi que des représentants d'autres professions. Les membres de cette commission devraient être chargés d'examiner la valeur scientifique de chaque projet et devraient s'entourer d'avis d'experts étrangers en la matière. L'on ne peut laisser à des commissions d'éthique locales le soin de se prononcer sur la valeur de telle ou telle recherche scientifique sur des embryons, car il n'existe aucun moyen de contrôler le fonctionnement de ces commissions parce qu'elles risquent de toute évidence de subir l'influence de groupes de pression.
3. La recherche scientifique sur les embryons est-elle nécessaire pour contrôler la fécondabilité des ovules cryoconservés ?
Actuellement, on congèle des ovules fécondés ou des embryons parce que la congélation d'ovules non fécondés n'a jusqu'ici guère donné de bons résultats. On a cependant déjà rapporté quelques cas de grossesse pour lesquels on a implanté des embryons obtenus en fécondant des ovules qui ont été congelés et décongelés par la suite. Cette opération ayant déjà été pratiquée avec succès, il ne paraît pas nécessaire de faire de la recherche spécifique sur l'embryon à propos de ce problème. Dans ce domaine, l'activité scientifique doit avant tout être axée sur de meilleurs protocoles de congélation et de décongélation des ovules non fécondés et sur une meilleure protection de l'ovule au cours de ces phases de congélation et de décongélation. D'autre part, il existe suffisamment de moyens microscopiques et biochimiques pour évaluer la qualité d'un ovule après congélation et décongélation. La fécondabilité d'un tel ovule peut parfaitement être évaluée dans le cadre d'un programme clinique de fécondation in vitro existant. Dans le contexte scientifique actuel, il ne semble pas y avoir d'indication justifiant la constitution d'embryons pour ce type de recherche.
Conclusion
1. D'un point de vue scientifique, il existe de très nombreuses possibilités de contrôler la qualité de la fécondation in vitro, du diagnostic préimplantatoire et de la cryoconservation des ovules non fécondés sans devoir pour ce faire effectuer des recherches sur l'embryon. Il convient d'exploiter ces alternatives au maximum. La recherche sur l'embryon ne peut jamais être considérée comme une alternative confortable à une recherche scientifique à part entière, qui ne nécessite pas l'usage d'embryons.
2. Dans le cadre des futurs développements scientifiques en matière de fécondation médicalement assistée et de génétique humaine, on ne peut toutefois pas exclure que la recherche sur l'embryon puisse un jour constituer, dans une certaine mesure, une étape nécessaire en vue de résoudre des problèmes cliniques importants. Mais cela devra alors toujours se faire en fonction d'une indication médicale et uniquement après avoir envisagé toutes les autres alternatives. Tout protocole scientifique proposant une recherche sur l'embryon doit être soumis à une Commission nationale d'éthique médicale, qu'il faudra créer, et qui jugera sous un angle multidisciplinaire et avec une participation importante d'experts internationaux de l'utilité scientifique et médicale et de la faisabilité éthique de la recherche scientifique proposée. Si la recherche scientifique sur des embryons s'avère réellement inéluctable, il conviendra d'utiliser d'abord les embryons cryopréservés qui seront spécifiquement cédés pour la recherche scientifique par les parents potentiels de ces embryons. En aucun cas, les médecins ou scientifiques ne pourront exercer la moindre pression sur des parents potentiels pour les contraindre à céder des embryons, ni les rémunérer à ce titre.
3. La création d'embryons spécifiquement à des fins de recherche n'est actuellement défendable ni d'un point de vue scientifique ni d'un point de vue éthique.
Un membre constate que c'est pour cette raison qu'au centre de Louvain, un accord est conclu avec le patient, sur la destruction des embryons surnuméraires. Que doit-on en penser ?
M. D'Hooghe explique que tout patient subissant un traitement in vitro est assuré que les embryons seront conservés pendant deux ans. Ce délai peut éventuellement être prolongé de façon illimitée à la demande du patient. Pour ce faire, une indemnisation de 2 000 francs par mois lui sera portée en compte, laquelle crée une responsabilité morale et financière envers l'embryon.
Au cas où le couple arriverait à la conclusion qu'il n'est plus souhaitable de conserver l'embryon, il peut le notifier par écrit. Le document signé est également signé par le médecin responsable. Il s'agit bien souvent d'un moment particulièrement émouvant, ce qui prouve que les patients considèrent bel et bien l'embryon comme un enfant potentiel.
Au centre de Louvain, les embryons qui ne sont plus conservés ne peuvent qu'être détruits. Cette destruction est toujours effectuée en présence du coordinateur du centre. Les embryons sont conservés à une température de - 100º Celsius, un état réversible d'inactivité. Ils sont plongés dans un état irréversible d'inactivité en étant placés dans une solution hautement alcoolisée où ils sont fixés.
M. Devroey ajoute que le centre dans lequel il travaille signe lui aussi des accords avec les patients. Il estime qu'un système dans lequel les embryons sont conservés à l'infini à la demande des patients n'apporte toutefois pas la solution à certains problèmes. Quelle signification doit-on attribuer au fait qu'une femme de 50 ans ne souhaite pas que les embryons soient détruits ?
Il estime que la possibilité de procéder à des travaux de recherche sur des embryons ne devrait pas pouvoir être exclue dans certaines circonstances. Comme le soulignait M. D'Hooghe, la plus grande transparence est de rigueur. De même, cette possibilité ne devrait être proposée que dans un cadre strictement défini. Le seul cadre offrant les garanties requises en la matière serait celui résultant du regroupement des centres de fécondation in vitro et des centres de génétique. Enfin, de tels travaux de recherche peuvent uniquement être effectués dans le cadre d'un projet scientifique agréé par une instance externe. Le Fonds de la recherche scientifique pourrait, à ce niveau, jouer un rôle important.
Un membre de la commission ayant demandé si les centres tiennent compte, lors de l'application de la technique de la fertilisation in vitro , d'un âge maximal chez la femme, il répond que sur ce point aussi tout est possible en Belgique et que des limites précises devraient être instaurées par la loi. Après 40 ans, les chances de grossesse diminuent sensiblement et elles sont inexistantes à partir de 44 ans environ. Les centres en Belgique semblent se baser sur de telles limites d'âge. Le grand danger de l'absence de réglementation légale réside également au niveau des dons d'ovules. Des exemples rapportés de l'étranger, où des embryons sont transférés chez des femmes pouvant être âgées de 60 ans, montrent à quelles situations cela peut mener.
Personne ne pourra, sur la base de données scientifiques, contester la fixation légale d'une limite d'âge à 45 ans.
Un membre souligne que, dans son témoignage, M. D'Hooghe a fortement affaibli les arguments en faveur de la recherche scientifique sur les embryons. Il n'empêche que plusieurs techniques ne semblant pas indispensables à l'heure actuelle pourraient bien le devenir à l'avenir ou l'avoir été par le passé. Lorsque les premiers embryons ont été créés à l'extérieur de l'organisme voici 20 ans, on ignorait également s'ils seraient viables. L'on peut partir du principe que les premiers essais réalisés en matière de fécondation in vitro n'avaient pas d'emblée pour but la création d'embryons destinés à être transférés. Les travaux de recherche que le centre gantois souhaite réaliser ne différeront fondamentalement que peu des essais ayant permis la création du premier bébé éprouvette.
Cela ne va pas sans soulever des questions en rapport avec l'article 18 de la Convention du Conseil de l'Europe sur la biomédecine. Si cet article entrait en vigueur, l'on ne disposerait plus d'aucune marge de manoeuvre.
M. D'Hooghe répond que l'on ne peut pas exclure complètement la recherche sur les embryons pour l'avenir, ni même pour l'heure actuelle, à la condition que celle-ci s'inscrive dans le cadre d'une indication médicale (diagnostic préimplantatoire) et qu'aucune alternative ne soit possible.
Il s'agit ici des embryons conçus dans le cadre de la procréation médicalement assistée et cédés par les parents. Pour rappel, de tels travaux de recherche doivent se dérouler dans la plus grande transparence et dans un cadre éthique et scientifique strictement contrôlé.
L'on va toutefois bien plus loin lorsque les embryons sont spécifiquement conçus pour la recherche. Une telle pratique, prohibée par l'article 18 de la convention, serait quoi qu'il en soit tout à fait prématurée dans les circonstances actuelles, car les alternatives sont à peine étudiées, voire appliquées.
Pour autant qu'il sache, aucun programme d'expérimentation avec des embryons n'a précédé les premières fécondations en éprouvette. Cela ne devait d'ailleurs pas forcément être le cas. La technique développée à Bruxelles, dans laquelle le spermatozoïde est directement incorporé dans l'ovule, a également été mise en pratique au niveau clinique sans avoir été précédée par d'amples expériences sur les embryons.
M. Devroey estime qu'il est important de prévoir dans les textes légaux une certaine marge pour la recherche, sinon, les progrès des scientifiques pourraient être freinés. De telles recherches doivent cependant être rigoureusement contrôlées et entièrement transparentes. Avant d'entamer d'éventuelles expérimentations, leur finalité doit être clairement définie et les expériences suivies pas à pas à la lumière de cette finalité. Un récent article consacré à ce thème dans une revue américaine faisant autorité souligne par ailleurs la nécessité de l'accord des personnes dont provient le matériel de recherche.
Un membre se demande si les intéressés peuvent être considérés comme étant suffisamment adultes pour donner cet accord en toute liberté.
M. D'Hooghe souligne que l'on touche ici à un aspect particulièrement important de la relation médecin-patient. Il estime que si l'on est suffisamment persuasif, on peut toujours obtenir l'accord de certains patients, y compris pour des techniques à rejeter d'un point de vue éthique. Voilà pourquoi il souhaite, sans vouloir exclure la nécessité de cet accord, plaider pour que la décision à propos du bien-fondé éthique et scientifique de la recherche soit prise à un niveau supérieur. Pour un petit pays comme la Belgique, fortement polarisé autour de tels sujets, où existe le risque que des intérêts autres que purement scientifiques ou éthiques puissent influencer le processus décisionnel, il est même souhaitable que de telles compétences soient portées au niveau européen.
Un membre se demande si le risque que des intérêts particuliers soient prépondérants n'existe pas aussi au niveau européen, avec, pour conséquence, une certaine pression exercée sur les plus petits États membres.
M. Devroey est de cet avis. Selon lui, la Belgique aussi peut développer des structures fiables. Il existe d'ores et déjà le Fonds de la recherche scientifique (fédéralisé) ainsi que le Comité consultatif de bioéthique.
Il estime en outre que l'immaturité du patient sur ce point ne doit pas être exagérée. Les patients se présentant avec un problème sont bien souvent parfaitement au fait de leur situation. Au niveau de la fécondation in vitro , il n'est pas rare que certains patients proposent des amendements aux contrats présentés par le centre. Il va de soi qu'une bonne relation médecin-patient présuppose toujours que l'hôpital fasse preuve d'honnêteté envers le patient.
Un autre membre s'étonne des positions adoptées par les deux intervenants. On pourrait s'attendre à ce que des scientifiques plaident en faveur de la plus grande marge de manoeuvre possible pour ce qui est de la recherche, accompagnée du contrôle le plus restreint possible. Ce qu'il advient ensuite des résultats de la recherche concerne naturellement l'ensemble de la société.
En partant du principe qu'un ovule ou un spermatozoïde est une vie humaine en puissance, on adopte une position éthique bien déterminée. On pourrait affirmer avec autant de raison qu'il s'agit ici de matériel organique mais en aucune façon d'une vie individuelle.
M. Devroey rétorque qu'il suit de très près les développements scientifiques en la matière depuis 1980 et qu'il les soutient entièrement en sa qualité de scientifique. Il est également indispensable que les travaux scientifiques soient réalisés dans un cadre prédéfini, avec une finalité clairement précisée au préalable. Dans ce secteur, on ne se contente pas de faire « simplement » de la recherche. La science n'a que faire de chercheurs qui ne respectent pas strictement ce principe.
La question de savoir si un embryon est une personne ou non relève de la philosophie. Pour lui, l'embryon n'est pas une personne mais peut le devenir. Cela suppose qu'on le traite avec tout le respect voulu, y compris en matière de recherche scientifique, ce qui signifie nullement qu'il faille exclure totalement de tels travaux de recherche.
M. D'Hooghe ajoute qu'il incombe peut-être au scientifique de faire progresser les connaissances dans son domaine, mais que la science n'est jamais dénuée de toute norme. C'est pourquoi la recherche sur les embryons, pour autant qu'elle s'avère nécessaire, peut uniquement s'effectuer dans un cadre éthique clairement défini.
Autre question tout aussi importante pour le scientifique : quelle est la position du non-scientifique face à ce type de recherche ? Les études en la matière sont rares, mais, quoi qu'il en soit, il semblerait que les personnes dont provient le matériel considèrent l'embryon comme un enfant potentiel. Il s'agit là d'une réalité émotionnelle dont il convient de tenir compte. Elle met également en lumière la sensibilité particulière de la société par rapport à ce type de recherche.
Un membre estime que, si les intervenants plaident en faveur d'un cadre contrôlé pour ce type de recherche, ils partent également du principe que les procédures d'agrément doivent être traitées dans un délai raisonnable et non s'enliser dans des méandres bureaucratiques.
M. D'Hooghe est également d'avis que de telles procédures doivent pouvoir se dérouler de façon efficace. Le fonctionnement des instances universitaires et non universitaires actuelles atteste que c'est possible. Il réaffirme que plus les discussions portant sur ce qui est permis ou non se déroulent à un niveau élevé, plus elles seront empreintes de sérénité.
M. Devroey indique que tous les projets subventionnés en rapport avec les embryons humains sont actuellement soumis à l'approbation du Fonds pour la recherche scientifique. On ne peut que constater que cet organisme fonctionne à la plus grande satisfaction de tous, ce qui prouve qu'il est également possible de développer des structures efficaces au niveau national.
Il convient d'éviter à tout prix que des personnes ou des organismes se mettent à travailler sur des embryons en dehors de tout contrôle de la société. Cela balayerait d'un revers de la main toutes les réalisations positives de ce secteur.
Un membre estime que le scientifique a aussi une mission éthique, indépendamment de ses propres convictions philosophiques. S'il ne considère pas personnellement un embryon comme une personne, force lui est de reconnaître que les personnes desquelles provient le matériel héréditaire le considèrent comme un enfant en devenir. Ce seul fait impose le plus grand respect pour l'embryon.
Un sénateur constate que l'on aboutit, une fois de plus, sur un plan juridique. Si les personnes ayant cédé le matériel génétique considèrent véritablement l'embryon comme leur propre enfant, elles voudront également que cela se traduise dans l'accord conclu avec l'hôpital.
M. Devroey rappelle qu'une réglementation légale est absolument nécessaire en la matière. Le contrat proposé par le centre de la V.U.B. stipule que les embryons sont encore conservés pendant cinq ans. Ils ne seront transférés que si les personnes ayant cédé le matériel sont mariées et toutes deux en vie. Ce contrat exclut donc que les embryons soient implantés chez la femme après le décès du mari. Cela pose problème à certains parents, lesquels souhaitent amender ledit contrat. Dès lors, on se trouve dans une impasse juridique.
M. D'Hooghe précise qu'aucun amendement aux contrats n'est accepté dans le centre où il travaille.
Un sénateur demande en quoi consistent exactement les recherches effectuées par le F.R.S. sur les projets faisant l'objet de demandes de subvention. L'agrément se fonde-t-il simplement sur des critères scientifiques ou est-il examiné aussi en fonction de normes éthiques ?
Le regroupement des centres de fécondation et des centres de génétique pourrait peut-être résoudre un certain nombre de problèmes en rapport avec le diagnostic préimplantatoire, mais ne crée-t-on pas ainsi une confusion d'intérêts ? N'y a-t-il pas un risque que ce soient les centres de génétique qui déterminent, sur la base de leur propre logique, ce qui est permis et ce qui est interdit ?
M. Devroey répond que, dans la situation actuelle, les ovules sont ponctionnés à Courtrai, transférés ensuite à Gand où est effectué le diagnostic suivant des indications déterminées à Courtrai. Dans de telles circonstances, l'on peut à tout le moins se poser certaines questions.
Lorsqu'il plaide en faveur d'une collaboration structurelle entre les centres de génétique et les centres de procréation médicalement assistée, c'est en premier lieu en raison de sa préoccupation pour la qualité de l'assistance apportée aux patients. Un couple présentant un risque élevé d'anomalie héréditaire et qui souhaite un traitement in vitro doit pouvoir être accueilli par une équipe composée d'un psychologue, mais aussi d'un gynécologue, d'un biologiste et d'un généticien.
Au niveau de son processus décisionnel, le F.R.S. se fonde sur un cadre de référence éthique développé en Grande-Bretagne (rapport Warnock). Toutes les universités y ont un représentant de haut niveau, ce qui constitue également une garantie sur le plan éthique.
Une membre constate que les deux orateurs ont mis l'accent sur le contrôle et la transparence des recherches éventuelles sur des embryons. Il est évident que l'autorisation des parents doit être une composante essentielle, mais, pour le reste, on semble n'avoir qu'une faible idée des procédures devant être mises en oeuvre en la matière. En effet, ce contrôle ne doit pas devenir un écheveau administratif, mais, dans une matière d'une telle importance, il ne peut pas davantage être conçu à la légère.
Une approbation formelle du F.R.S. et du Comité consultatif de bioéthique ne peut suffire, selon elle, car l'aspect démocratique et social est insuffisamment exprimé. Intégrer cet aspect dans le processus décisionnel suppose qu'un certain temps s'écoule toutefois entre la demande de pouvoir effectuer la recherche et l'autorisation définitive.
L'intervenante souligne que Mme Winkler, membre du Comité consultatif de bioéthique, a établi, lors d'une précédente audition, une distinction entre l'utilisation d'embryons à des fins de recherche scientifique, d'une part, et, d'autre part, la recherche fondamentale sur des embryons. Dans le premier cas, la recherche serait autorisée car elle profite directement au patient. Le second type de recherche, par contre, se justifie plus difficilement. On peut se demander s'il est possible de trouver une nette ligne de démarcation entre ces deux types de recherche. Dans l'affirmative, les orateurs estiment également que ces deux types de recherche doivent faire l'objet d'une approche distincte.
M. D'Hooghe est d'avis que l'agrément et le suivi de la recherche sur des embryons peuvent uniquement être octroyés à un organe suffisamment représentatif, sur le plan tant scientifique que juridique et éthique. Il ne souhaite pas se prononcer sur la question de savoir si les structures existantes répondent à cette exigence. La réponse à cette question relève entre autres de la mission d'une institution comme le Sénat.
Il estime personnellement qu'il y a une nette distinction entre la recherche effectuée sur la base d'une indication médicale, par exemple dans le cadre d'un diagnostic préimplantatoire, et la recherche scientifique fondamentale, laquelle pourrait inclure la manipulation du génome au niveau embryonnaire. Une telle recherche n'est pas directement axée sur un besoin médical direct mais s'inscrit dans le cadre d'un intérêt scientifique ayant ou non pour but l'amélioration du genre humain.
Il est intimement convaincu que toute recherche en rapport avec des embryons doit demeurer très proche d'un besoin médical, se démarquant ainsi de la recherche fondamentale abstraite. Si la différence entre les deux types de recherche ne semble pas importante en laboratoire, tout leur cadre présente, d'un point de vue éthique et médical, des différences marquées.
M. Devroey souligne que la recherche sur des embryons doit, à ses yeux, être planifiée à long terme, par exemple par le biais d'un système de demandes annuelles, afin de disposer de suffisamment de temps pour une réflexion et une évaluation permanentes. Idéalement, seule une recherche subventionnée devrait être autorisée. Ainsi, le contrôle pourrait-il s'effectuer par le biais des organes existants.
Des exemples provenant de l'étranger peuvent s'avérer riches en enseignements. La France élabore une nouvelle législation prévoyant un suivi minutieux du diagnostic préimplantatoire. Il semblerait que seuls deux centres seront agréés pour appliquer cette technique.
Aux Pays-Bas, les centres agréés de F.I.V. sont tenus d'accepter régulièrement la visite et le contrôle d'une commission de contrôle et de visite, faisant partie intégrante du ministère de la Santé publique. En Belgique, un tel contrôle est pour l'heure inexistant mais cette situation ne peut pas continuer.
Il embraye ensuite sur la question du rapport entre la recherche fondamentale et la recherche médicale. Pour ce qui est de la recherche médicale, il est probablement important de pouvoir réaliser certains essais sur des cellules humaines pour le diagnostic pré-implantatoire. Certaines maladies musculaires qui ne touchent que les garçons peuvent ainsi être évitées en opérant une sélection des embryons sur la base du sexe. Cette technique, jugée acceptable dans ce cadre, a pour inconvénient que les embryons de sexe masculin non porteurs de cette maladie se sont pas transférés. En examinant le matériel génétique de l'embryon dans le but de détecter la maladie, cet inconvénient pourrait être évité.
L'on pourrait sous le dénominateur « recherche fondamentale » placer deux techniques pouvant parfaitement être appliquées à l'heure actuelle. La première consiste à identifier le matériel génétique d'une cellule responsable du développement de certaines maladies et à modifier le génome par manipulation génétique. Il va de soi que, dans ce cas, se pose la question des mesures de contrôle légales.
La seconde technique est celle du clonage. Le monde médical s'accorde à dire que l'application de cette technique à du matériel humain est inacceptable. La European Society for human reproduction s'est clairement prononcée contre la pratique du clonage humain. S'agissant d'une technique relativement simple, des mécanismes de contrôle légaux doivent ici aussi être instaurés dans les plus brefs délais.
M. D'Hooghe ajoute que le monde médical part du principe qu'aucun centre en Belgique n'applique cette technique.
Toutefois, voici quelques jours encore, chacun s'accordait à dire que, dans notre pays, aucun embryon n'était créé dans le cadre de la recherche scientifique.
Un membre explique qu'il frémit lorsque l'un des intervenants parle de contrôle de la « qualité ». Si l'on entend par là le contrôle de la qualité de l'embryon, cela pourrait signifier que la société souhaite assumer la responsabilité de certains handicaps ou que les parents peuvent être contraints en douceur d'interrompre une grossesse parce que l'enfant présente un risque génétique de développer certaines maladies. La situation aux États-Unis, où les assurances refusent de conclure des polices sur la base de recherche génétique, prouve que de telles situations ne sont pas illusoires. Le terme handicap est par ailleurs très vaste et peut englober tant le daltonisme que la spina bifida.
M. Devroey répond que le concept de qualité embryonnaire porte, dans ce contexte, sur les chances de grossesse. Lorsque, sur 100 cycles réalisés, le centre A compte 40 grossesses, pour 5 seulement dans le centre B, ce dernier connaît certainement un problème au niveau de la qualité des soins apportés aux embryons.
Il n'empêche que la problématique de la prévisibilité des handicaps constitue un volet extrêmement important du débat de société sur ce sujet. Il a lui-même le plus grand respect pour les parents qui prennent une décision, quelle qu'elle soit.
L'ensemble des centres belges appliquent la technique de l'amniocentèse, particulièrement douloureuse pour les femmes concernées parce qu'elle comporte déjà en soi certains risques et peut en outre entraîner une interruption de grossesse. Si tel était le cas, mieux vaudrait, sans doute, réimplanter uniquement des embryons non porteurs d'une maladie génétique. Il n'empêche que les parents décidant de porter à terme un enfant handicapé méritent le plus grand respect.
Lui-même conseille aux parents qui ont décidé quoi qu'il en soit de ne pas interrompre la grossesse de ne pas procéder à un examen du liquide amniotique. Parallèlement, certains parents expriment parfois le souhait de pouvoir se préparer à la naissance d'un enfant handicapé.
Le diagnostic préimplantatoire permet d'éviter le mal causé par le diagnostic prénatal. Toutefois, la principale pierre d'achoppement est constituée par l'indication à poser. Chacun s'accorde à dire que cette technique peut uniquement être appliquée dans le cadre d'indications médicales. Mais les choses sont bien moins claires lorsqu'il s'agit de savoir quelles sont ces indications. Ici aussi, il est indispensable que le législateur crée une institution où siègeront des gynécologues et des généticiens et qui fixera des normes claires.
Il convient de s'imaginer les implications concrètes de cette problématique. Peut-on ainsi régler les choses de façon telle qu'un embryon ne soit pas réimplanté parce que l'homme qu'il va devenir risque génétiquement, à l'âge mûr, de développer un cancer ou qu'il soit atteint de la maladie de Huntington ? Les centres de génétique existent et le diagnostic préimplantatoire est en plein essor. Si l'on ne prend pas les mesures qui s'imposent, nous arriverons à coup sûr d'ici quelques années dans des situations dignes du Far-West.
Un autre aspect de cette problématique est l'utilisation effrénée de médicaments dans le cadre de la procréation assistée médicalement. Les médias américains se réjouissaient récemment de la naissance de septuplés, un événement dramatique en soi. Il ne faut pas perdre de vue que la Belgique est en tête du nombre de naissances multiples. Une régulation s'impose aussi dans ce domaine.
L'intervenante précédente souhaite ajouter à ce propos qu'au niveau de la législation sociale aussi, les choses risquent d'échapper à tout contrôle. Quid si l'assurance sociale, les services d'aide médicale et les assurances rejettent sur l'individu la responsabilité pour les anomalies prévisibles et refusent dans ce cas d'appliquer le principe de solidarité ?
M. D'Hooghe souligne qu'au niveau du diagnostic prénatal, un règlement structurel garantissant aux parents le droit de porter à terme un enfant handicapé s'impose. On constate d'ores et déjà dans certains centres que des parents subissent des pressions pour procéder à une interruption de grossesse. Avec le développement du diagnostic préimplantatoire, cela ne risque certainement pas de s'améliorer.
Le législateur a pour mission de créer un cadre dans lequel la science peut se développer dans des conditions optimales. Toutefois, il doit aussi garantir à chacun le droit d'accepter et d'élever un enfant handicapé. Cela semble plus facile que ce ne l'est en réalité.
Le diagnostic préimplantatoire permet en effet de procéder au dépistage génétique de certaines maladies musculaires chez les garçons, rendant superflue la sélection sur la base du sexe. Ici aussi, la majeure partie de la recherche scientifique peut s'effectuer en dehors de l'embryon, en ce compris l'utilisation de certains tests génétiques. Une affection génétique peut aussi être isolée à partir de cellules provenant de personnes porteuses de la maladie.
Un membre estime que l'on insiste à juste titre sur le droit de chaque couple à mettre au monde et à élever un enfant handicapé. Toutefois, l'on peut craindre que garantir ce droit ne soit pas chose aisée. La nécessité d'une réglementation permettant de garantir ce droit est évoquée ici dans le cadre de la technique du diagnostic préimplantatoire qui en est encore à ses premiers développements. Les amniocentèses, généralement répandues et remboursées par l'I.N.A.M.I., s'avèrent tout aussi importantes, même si elles ne bénéficient pas davantage d'un règlement protégeant les droits des parents.
M. Devroey fait observer qu'il n'a pas plaidé pour une limitation de l'examen prénatal. Il souhaite toutefois souligner que, si l'on accepte ce type de recherche, il convient mutatis mutandis de prévoir une certaine marge pour l'examen préimplantatoire. Dans cette dernière technique, la finalité est la même mais, comparée à l'examen prénatal, elle présente plusieurs avantages pour la femme.
Il a également plaidé pour un contrôle rigoureux de cette pratique car l'on travaille avec une matière particulièrement délicate : l'embryon. Le diagnostic pré-implantatoire constitue également une technique très délicate. Aussi des contrôles poussés s'avèrent-ils nécessaires pour éviter que des embryons malades ne soient reimplantés.
Un membre fait observer que les amniocentèses sont uniquement remboursables si elles répondent à un besoin médical. Celui qui connaît un tant soit peu le secteur n'ignore cependant pas que ce concept est particulièrement élastique dans la terminologie de l'I.N.A.M.I. Certaines interventions médicales remboursées répondent davantage à un phénomène de mode qu'à un besoin médical.
Une autre intervenante ajoute que le fait que les amniocentèses soient remboursées signifie qu'elles sont acceptées par la société. Au cas où celles-ci seraient pratiquées sans nécessité médicale, cela ne va pas sans poser de sérieuses questions. Qui plus est, la technique est appliquée à un âge où le risque de fausse couche suite à la ponction est supérieur au risque de mettre au monde un enfant handicapé.
C'est pourquoi le législateur est d'ores et déjà confronté à un problème considérable, qu'il ne résout pas (ou ne peut pas résoudre), alors que la technique préimplantatoire va déjà plus loin.
M. Devroey rappelle que l'on a aujourd'hui une chance unique de mettre cette dernière technique sur de bonnes voies. Les centres de génétique offrent un cadre contrôlable et sûr permettant d'appliquer la technique préimplantatoire dans des limites imposées par la société. Si l'on néglige cette chance, les problèmes concernant le diagnostic prénatal risquent de se répéter.
Un membre constate qu'il semble exister, dans le monde scientifique, un consensus quant à l'âge maximum pour la fertilisation in vitro . Les centres appliquent-ils également un âge minimum ? Elle connaît personnellement une femme chez qui, à 19 ans, l'on a transféré quatre embryons par le biais de cette technique et qui a mis au monde plusieurs enfants non viables. Toutefois, cette femme eut encore par la suite une grossesse ordinaire. Cela ne pose-t-il pas certaines questions ?
M. Devroey répond que c'est précisément l'une des raisons qui plaident en faveur d'une limitation du nombre de centres. En Belgique, la technique est appliquée dans plus de 35 endroits, ce qui nous place incontestablement en tête, au niveau international, quant au nombre de centres par habitant. Il est évident que cela favorise la surconsommation et, en particulier, la surconsommation chez les jeunes femmes. De plus, cette technique est de la sorte banalisée. Il existe, dans notre pays, des centres où la fécondation in vitro a lieu sans aucune mise au point préalable.
Cette technique demeure certes complexe. Pour bien pouvoir fonctionner et être en mesure d'engager suffisamment de personnel, le centre doit atteindre un certain volume. C'est là que réside la base de la surconsommation, lorsqu'un nombre trop important de centres appliquent cette technique.
S'ajoute à cela le fait que le remboursement par l'I.N.A.M.I. est très disparate. La surconsommation survient naturellement au niveau des fournitures entrant en ligne de compte pour le remboursement. La biologie et certains médicaments n'en font pas partie. C'est ainsi qu'apparaissent des situations particulièrement confuses.
Le monde politique ne peut pas se rendre suffisamment compte des conséquences d'une telle situation. Il n'est pas permis de transferer quatre embryons chez une femme de 19 ans.
M. D'Hooghe abonde dans ce sens. Il est en outre d'avis que la mesure évoquée à plusieurs reprises par l'intervenant précédent, à savoir le regroupement des centres de médecine reproductive et des centres de génétique humaine, pourrait également constituer un instrument important pour éviter la pléthore en la matière. Cette mesure a déjà été proposée voici plusieurs années par le professeur Vandenberghe, à l'époque où les centres de génétique ont été développés. On a alors négligé cette opportunité et il ne sera pas facile, avec plus de trente centres de fécondation, de faire marche arrière. D'un point de vue scientifique, éthique et qualitatif, une telle chose est cependant absolument souhaitable et c'est au monde politique qu'il incombe de juger si elle est réalisable.
Un membre souhaite savoir si le monde scientifique s'évertue autant à rechercher les causes de la diminution de la fertilité qu'à développer la procréation médicalement assistée. En tant qu'observateur, on a parfois l'impression que la fécondation in vitro est en passe de devenir la technique de procréation normale.
M. Devroey observe qu'une première donnée importante à ce sujet est le fait que les femmes ont leur premier enfant à un âge de plus en plus tardif. L'âge de 33 ans n'est plus une exception. Les premières malformations chromosomiques se produisent vers l'âge de 36 ans.
Deuxièmement, on constate que, dans plusieurs pays, la fertilité masculine est en nette régression. Mais rares sont les études scientifiques (subventionnées) réalisées sur le sujet. L'on risque donc de passer trop rapidement aux techniques de fécondation artificielle à grande échelle sans s'être arrêté en premier lieu sur les causes de la stérilité.
Il convient de garder à l'esprit qu'à l'heure actuelle, 20 % des couples connaissent des problèmes de fécondité.
M. D'Hooghe ajoute que l'une des raisons pour lesquelles peu de moyens sont traditionnellement débloqués pour la recherche sur la fécondité réside incontestablement dans le fait que la stérilité n'est pas considérée comme une maladie mais comme un problème périphérique par rapport au cancer, par exemple, ou aux maladies cardio-vasculaires. Il serait bon que les choses changent et que le monde politique prenne conscience de l'importance de ces problèmes.
D'autre part, il convient également de se méfier de certains personnages profitant de ces problèmes pour lancer des messages alarmistes dans les médias. Il peut en effet s'agir de tentatives visant à bénéficier de fonds pour la recherche scientifique dont la nécessité n'est pas toujours évidente.
Un intervenant constate que, jusqu'ici, on a uniquement traité des activités réalisées par le monde médical et universitaire dans ce secteur. Les intervenants ont-ils eu vent d'initiatives prises par des entreprises privées portant, par exemple, sur la recherche génétique humaine ? La science pure, dénuée de tout intérêt économique, existe-t-elle encore ?
M. Devroey fait observer que notre pays compte peu, voire pas d'entreprises travaillant dans ce domaine. C'est cependant le cas aux Pays-Bas où plusieurs entreprises fabriquent en effet des produits de haute qualité qu'elles développent elles-mêmes.
Le monde académique reçoit à l'heure actuelle des volées de bois vert de toutes parts, mais il bénéficie d'un atout de taille. La recherche ne doit poursuivre aucun but lucratif de sorte qu'elle peut avoir lieu en toute sérénité. Le centre dans lequel il travaille n'est en aucune façon financé par les entreprises.
La présidente remercie les deux orateurs pour la clarté et la franchise de leurs exposés.
Le professeur Englert a une longue expérience clinique en matière de la fécondation in vitro en tant que directeur de la Clinique de fertilité. Parallèlement à ses activités cliniques, il préside un groupe d'experts indépendants au sein d'un groupe (human embryo and foetus protection group ) qui conseille la Communauté européenne dans le domaine de l'embryon et du foetus pour deux aspects, c'est-à-dire qu'il donne des avis, d'une part, sur des protocoles de recherche qui sont soumis à la Communauté européenne pour financement et où des problèmes touchant un embryon ou un foetus se posent et, d'autre part, sur les travaux du Conseil de l'Europe.
Le professeur Englert a, en tant qu'observateur de la Communauté européenne, suivi les travaux relatifs à la Convention pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine.
L'exposé du professeur Englert portera essentiellement sur un des aspects les plus controversés de cette convention, à savoir l'article 18 sur la recherche sur les embryons in vitro. Il expliquera comment se fait la gestion des embryons surnuméraires dans la pratique de tous les jours et donnera un exemple concret vécu, c'est-à-dire une situation dans laquelle, à la clinique Erasme, on a été amené à créer des embryons dans le cadre d'une recherche. Cette situation était en contradiction avec ce que serait la loi si l'article 18.2 de la convention devait passer dans le droit belge.
Dès l'ouverture de la Clinique de fertilité à l'Hôpital Erasme, on a voulu adopter une attitude claire et cohérente par rapport à la problématique des embryons surnuméraires. Cette stratégie a été basée sur cinq principes éthiques, qui sont contestables et qui sont d'ailleurs contestés, mais qui ont été choisis et à partir desquels découle la pratique clinique.
Les embryons obtenus doivent être protégés parce qu'ils sont inclus dans un projet parental. Derrière ces embryons se trouvent des couples qui espèrent obtenir un enfant. Cela donne la valeur à ces embryons et c'est sur cette base que le professeur Englert trouve qu'il est légitime de congeler les embryons surnuméraires et de préserver la chance de donner un enfant aux futurs parents.
S'il n'y a plus de projet parental, ce qui fait que les embryons ne conduiront jamais à une grossesse, les médecins de la clinique estiment que la destruction ou l'expérimentation sont acceptables dans les conditions éthiques précisées ci-après.
Il est à noter que 80 % des embryons fécondés ne donneront jamais d'enfant. La destinée « normale », c'est-à-dire la plus fréquente, de l'embryon humain est d'arrêter de se développer et de ne pas conduire à une naissance. L'espèce humaine est une espèce qui se reproduit très mal parce que l'embryon se développe très mal, aussi bien in vivo qu'in vitro .
La gestion des embryons surnuméraires doit être organisée en responsabilité conjointe entre les couples et le centre. Elle doit être discutée et précisée avant que le traitement ne commence. Il faut éviter d'avoir généré des embryons et de ne pas savoir ce qu'ils vont devenir. La conséquence de ce qui précède est que tous les embryons congelés doivent avoir une destination qui est prévue.
En ce qui concerne l'expérimentation, le centre s'aligne sur des critères développés par le Fonds national de la recherche scientifique au début des années 80. L'expérimentation sur les embryons n'est légitime que :
s'il y a un intérêt thérapeutique majeur;
s'il n'y a pas d'alternative possible;
si les deux membres du couple ont donné leur consentement;
si, après l'expérimentation, les embryons sont détruits, sauf si l'expérimentation avait un but thérapeutique direct pour l'embryon lui-même.
Il faut donc aborder le problème de la destruction des embryons; on ne peut pas se mettre la tête dans le sable et faire comme si ce problème n'existait pas. Dans toutes les cliniques de fertilisation in vitro on est amené à devoir affronter le problème de la destruction.
Comment se fait la gestion ?
Préalablement au traitement, les couples sont informés de la problématique des embryons surnuméraires et de la congélation. Ils reçoivent un protocole qui reprend notamment la question suivante :
Voulez-vous oui ou non, s'il y a des embryons surnuméraires de qualité suffisante, qu'ils soient congelés ?
Si la réponse est oui, les embryons sont gardés pour leur traitement pendant une période déterminée (deux ans pour les couples qui n'ont pas obtenu une naissance; s'il y a une naissance on prolonge la période de garde de trois ans). On s'attend à ce que les couples, pendant cette période, viennent reprendre les embryons surnuméraires afin de les replacer. Si, au bout de la période de garde, il n'en reste plus, il n'y a pas de problème. Si les couples ne sont pas venus reprendre les embryons, le document signé par eux prévoit les instructions à suivre par le centre (don anonyme à un couple qui ne peut pas lui-même produire des embryons, destruction ou autorisation de l'expérimentation avant la destruction).
Une étude sur 200 couples successifs montre comment ces derniers vivent la question du statut de l'embryon (2). De ces couples, 60 % s'identifiait comme appartenant à la religion catholique, 40 % comme n'ayant pas de religion, 1 % comme ayant une religion autre. La très grande majorité des couples demande la congélation des embryons surnuméraires pour préserver leurs chances. Le petit groupe qui refuse, garde une grande méfiance par rapport soit à l'équipe, soit à la technique.
Dans les destinations que les couples choisissent, le don représente 40 %, la destruction 30 %, l'expérimentation avant destruction 11 %; 12 % des couples laissent le choix, soit donation, soit expérimentation, au centre.
Avant de procéder à cette étude, le professeur Englert avait l'impression que la perception du statut de l'embryon s'agit-il d'un individu ? déterminait le choix entre les différentes options.
Or, il s'avère qu'il n'y a aucun lien entre la perception que les couples se font du statut de l'embryon et le fait qu'ils demandent la destruction ou non.
Par contre, on trouve un lien avec l'autorisation pour l'expérimentation qui est significativement moins acceptée par ceux qui donnent un statut « d'enfant » à l'embryon.
Le facteur qui détermine de manière majeure la destinée donnée à l'embryon par les couples, est le statut qu'ils donnent à la filiation. S'ils considèrent que la filiation est un phénomène purement génétique, purement biologique, ils demandent la destruction des embryons parce qu'ils estiment qu'on ne peut pas donner ses enfants à un autre couple. Par contre, les couples qui considèrent la filiation comme étant purement social, relationnel, en très grande majorité, donnent les embryons à un autre couple. Pour eux, si l'embryon est transféré dans une autre famille, il devient l'enfant de cette autre famille parce que c'est la relation qui crée le lien de filiation.
Les couples qui considèrent que la filiation est un mélange de génétique et de relationnel, se trouvent entre les deux groupes.
Contrairement à l'idée que le centre avait avant de procéder à l'étude, ce n'est pas le statut de l'embryon, mais le statut donné à la filiation qui détermine l'attitude des couples.
Il est aussi impressionnant de constater que le fait qu'il y a déjà un enfant dans la famille et l'attitude par rapport à l'adoption ne donnent aucun impact significatif sur les choix. Les couples qui ont eux-mêmes besoin de gamètes sont ceux qui veulent donner les embryons le plus à d'autres couples (sentiment de dette envers ceux qui les ont aidés).
Il est intéressant aussi de se demander ce que pensent les couples des choix qu'ils n'ont pas faits. Ceux qui demandent la destruction sont clairement des couples qui ne peuvent pas donner des embryons pour des raisons philosophiques. Ceux qui donnent, ne sont pas opposés à la destruction, mais ils trouvent qu'il serait regrettable de ne pas valoriser les embryons sur le plan social. On peut conclure que 92 % des couples n'ont pas d'objection éthique à la destruction embryonnaire.
La clinique de fertilité traite toutes les situations de fécondation in vitro depuis 9 ans sans avoir rencontré d'obstacles majeurs.
Pour ce qui est plus particulièrement de l'article 18.2 de la Convention du Conseil de l'Europe, le professeur Englert fait remarquer que le centre qu'il dirige a procédé à une expérimentation en 1992-1994 où incontestablement des embryons ont été créés pour la recherche. Il pense que ce procédé a été légitime.
Début des années 90, la V.U.B. a publié, pour la première fois dans le monde, une nouvelle technique de fécondation qui consiste à injecter directement le spermatozoïde dans l'oeuf pour traiter les stérilités masculines sévères.
Confronté aux échecs de la fécondation, le centre était très intéressé à développer la micro-injection. Le développement s'est fait entre 1992 et 1994.
Il s'avère maintenant que les résultats de fécondation sont les meilleurs lorsque ce procédé est appliqué (54 % des oeufs fécondés en fécondation in vitro classique et 66 % en I.C.S.I.; ce qui donne 26 % de naissances par prélèvement en fécondation in vitro classique et 34 % en I.C.S.I.). On se pose actuellement la question de savoir s'il ne faudrait pas faire l'injection directe à tout le monde.
En termes de résultats globaux dans la clinique, on a gagné 10 % de grossesses depuis le moment où la micro-injection est devenue efficace.
Un membre souhaite savoir si on n'a pas constaté une augmentation de naissances multiples.
Le professeur Englert répond que le taux des naissances multiples dépend du nombre d'embryons replacés. Il n'a aucun lien avec la méthode de fécondation utilisée.
Le professeur poursuit que la valeur de la technique I.C.S.I. est incontestable, mais cette technique n'est pas simple. Le centre a donc dû commencer la pratique de cette technique par un protocole expérimental soumis au comité d'éthique et pour lequel chaque couple individuellement a signé un document écrit de consentement.
Aux couples qui se présentaient pour une fécondation in vitro classique, on demandait l'autorisation de récupérer, le lendemain, les oeufs non fécondés et qui, pour ces couples, n'avaient plus d'avenir. L'autorisation était également demandée pour injecter un spermatozoïde afin d'apprendre la technique d'injection. Dans ce protocole on a donc créé des embryons pour la recherche de façon à mettre la technique au point.
Des 60 premiers ovocytes utilisés, la moitié a été cassée pour toutes sortes de raisons techniques. Après avoir acquis une certaine expérience, la casse est tombée en dessous de 20 %.
À ce moment, en accord avec le comité d'éthique de l'hôpital, on a considéré qu'on pouvait proposer la technique aux patients qui en avaient besoin.
Actuellement on est en dessous de 1 % d'ovocytes cassés. Le taux de fécondation a augmenté de 20 % au début jusqu'à 70 % des ovocytes et le taux de grossesse de 17 % à 64 %.
Cet exemple illustre bien la difficulté de l'article 18.2 de la convention.
Il y a et il y aura des situations où on n'a pas la possibilité d'utiliser des embryons surnuméraires pour la recherche.
De deux choses l'une, soit on refuse l'expérimentation et on accepte que de nouveaux développements ne se feront pas dans une série de domaines de la médecine, soit on oblige avec l'article 18.2 les équipes médicales à prendre des patients immédiatement en traitement sans avoir fait les études préalables nécessaires. Dans l'un et l'autre cas, le choix est au détriment des patients qui ont besoin d'un traitement.
Tous les problèmes de bioéthique sont des problèmes de conflits de valeurs. Il s'agit toujours de valeurs qui ont chacune leur raison d'être et qui entrent en conflit. Faire un choix signifie toujours rechercher un équilibre entre valeurs en conflit. Faire un choix qui protège plus une certaine valeur protège moins l'autre.
Dans la Convention du Conseil de l'Europe, l'équilibre a été mis trop sur l'embryon au détriment des individus, des couples ou d'autres malades, alors que la convention dit dans un de ses articles que les protections sont minimales et qu'on peut toujours prendre des protections plus importantes. Plus importantes pour qui, pour quelles valeurs ? Une telle disposition nie l'équilibre entre les valeurs.
Un membre demande quel est la destinée des embryons congelés, lorsqu'un des partenaires vient à décéder.
Le professeur Englert observe tout d'abord qu'une telle situation pose le problème le plus délicat. Personnellement, il reste mal à l'aise avec le choix qui a été fait. Ce choix consiste à dire que le replacement n'est possible que si les deux membres du couple sont présents et d'accord.
Le professeur reconnaît que cette solution est contestable. Si l'homme décède, la femme peut reprendre ses embryons et être enceinte.
Si la femme décède, il serait socialement plus difficilement acceptable que l'homme reprenne les embryons pour sa nouvelle compagne. D'une part, il s'agit de mettre en route une grossesse post mortem, situation à l'égard de laquelle le professeur a toujours éprouvé beaucoup de réticence; d'autre part, il est difficile de garder dans une telle situation un équilibre entre les deux partenaires. Il faut surtout éviter de se trouver dans une telle situation. C'est la raison pour laquelle une limite de temps relativement courte a été fixée.
En cas de divorce, l'attitude du centre est de dire que la situation juridique des couples n'est pas son problème. Ce qui est important, c'est que les décisions soient prises de commun accord. Le protocole prévoit d'ailleurs que les décisions de replacement nécessitent la « présence physique et l'accord » des deux membres du couple.
Un membre réfère aux propos du professeur Englert concernant les normes éthiques suivis par le centre de l'hôpital Érasme. La fécondation in vitro doit cadrer dans un projet parental. D'autre part, il a dit que 80 % des embryons sont destinés à la recherche scientifique.
Le professeur Englert réplique qu'il s'est sans doute mal exprimé. Il a souligné que la situation biologique de l'espèce humaine est que 80 % des embryons ne se développent pas. Un couple jeune qui n'a pas de problèmes et qui a des relations sexuelles régulières a des chances de grossesse de 20 à 25 %.
Le concept actuellement le plus plausible est qu'il y a pratiquement une fécondation à chaque cycle et que 8 fois sur 10 l'embryon arrête de se développer, même avant les 15 jours. Les fausses couches cliniques (15 % des grossesses) sont la partie émergée de l'iceberg. La destinée normale de l'embryon est que 80 % de ceux-ci ne donnent pas d'enfant. Le statut que certaines personnes veulent donner à l'embryon est donc relatif.
Le protocole conclu avec les parents concerne tous les embryons viables. Il faudra encore des années d'études afin de pouvoir déterminer quels embryons sont viables et lesquels ne le sont pas.
Une sénatrice demande dans quel domaine la recherche sur les embryons est particulièrement indispensable. Est-ce qu'on est obligé d'avoir autant d'embryons surnuméraires pour réimplanter ?
Elle se demande par ailleurs jusqu'où l'instrumentalisation peut mener.
Le professeur Englert observe que la lutte contre la nature constitue le fondement de la médecine. La nature est d'avoir un enfant tous les ans et d'en voir mourir la moitié avant l'âge de 15 ans. La nature est aussi d'avoir une espérance de vie d'environ 50 ans. La médecine lutte contre cette nature. La médecine ira jusqu'où il est possible d'aller en évaluant, du point de vue éthique, chaque développement.
Que peut-on envisager dans le proche avenir ?
Dans le domaine de la fécondité il faut essayer de réaliser des progrès :
dans les programmes de recherche sur les embryons surnuméraires;
dans les techniques de congélation.
En outre, on procède à des recherches pour mieux identifier quel embryon a le plus de chances de donner une grossesse. Il est important de pouvoir disposer de beaucoup d'embryons, d'en congeler beaucoup et d'en replacer peu. D'où l'intérêt de savoir quels sont les bons embryons.
Une dernière oratrice demande si la technique I.C.S.I. est également appliquée dans d'autres instituts. Elle se demande ensuite si toutes les cliniques doivent procéder aux mêmes expérimentations pour résoudre les mêmes problèmes techniques.
Le professeur Englert répond par l'affirmative à la première question.
Mme Verellen observe tout d'abord que la génétique a fortement évolué pendant les vingt dernières années.
Dans le passé, les problèmes génétiques étaient considérés comme des affections relativement rares, relativement graves et relativement peu fréquentes pour lesquelles des centres de génétique avaient été créés par arrêté royal et pour lesquelles il y avait un certain consensus au niveau de la population sur les choses à faire et à ne pas faire.
Tout a été révolutionné ces dernières années par les progrès de la biologie moléculaire. Anciennement, on faisait le diagnostic des maladies chromosomiques, c'est-à-dire des anomalies du nombre des chromosomes, qui sont d'ailleurs la cause la plus fréquente des fausses couches, et on connaissait le devenir de ces enfants et on prenait des décisions en connaissance de cause; le problème maintenant est que les progrès de la biologie moléculaire permettent de diagnostiquer toute une série de maladies à n'importe quel âge de la vie avant qu'il n'y ait aucun symptôme de cette maladie. Ceci est le thème de la médecine prédictive.
On est capable maintenant, sur une fécondation in vitro, c'est-à-dire sur un petit embryon de quelques cellules, de prélever une cellule et de savoir par exemple qu'il va développer vers l'âge de 45 à 50 ans une maladie neuro-dégénérative qui va lui donner une démence.
On est capable de faire ce diagnostic en prénatal à 10-12 semaines de grossesse et décider d'interrompre la grossesse à ce moment. D'après la loi belge, on peut faire un diagnostic prénatal à n'importe quel âge de la vie foetale (à 10 semaines, à 16 semaines, à 25 semaines l'âge de viabilité habituel du foetus mais aussi 30, 35 semaines et à la veille de la naissance d'un foetus).
Cela entraîne pour les patients des questions qui ne sont pas toujours faciles à résoudre.
On peut faire un diagnostic prédictif à la naissance et savoir si l'enfant va développer une maladie qui va paraître à l'âge de 5 ans, ou l'âge de 10 ... 30 ans, ou une maladie d'Alzheimer à l'âge de 60 ans.
Ce qui pose également problème, c'est que, de plus en plus, à côté des maladies génétiques pures, on parvient à connaître toutes les variantes du gène normal et aussi l'association de tels ou tels gènes qui vont prédisposer un sujet à la plupart des maladies de l'âge adulte (hypertension artérielle, cancer, démences, psychoses maniaco-dépressives, ...).
Progressivement, on est capable de faire toute une série de diagnostics et on est dans un stade où, à part pour quelques maladies précises pour lesquelles il y a un traitement préventif comme par exemple certains cancers de la thyroïde , pour la grande majorité de ces maladies il n'y a pas de traitement.
La question qui se pose est de savoir si on doit faire ces analyses ou pas.
Les généticiens, depuis longtemps, réfléchissent à cette question et ont établi entre eux des critères sur ce qu'on peut faire et ce qu'on ne devrait pas faire. Ce consensus vaut pour quelques maladies bien spécifiques comme par exemple la maladie d'Huntington, qui est une maladie grave dégénérative pour laquelle il n'y a pas de traitement possible. Pour cette maladie, on ne fait pas de test prédictif chez un enfant avant l'âge de 18 ans. On le fait seulement si une personne majeure en fait la demande et moyennant une consultation et un protocole bien précis.
Le médecin doit être sûr que la personne qui demande le test se rend compte de toutes les conséquences d'un test positif ou négatif. À côté de la maladie précitée, il y a de plus en plus de maladies et on ne pourra développer les consultations pour toutes les maladies possibles et imaginables.
Un autre problème est le suivant : les personnes qui consciemment et bien informées demandent un test prédictif, risquent à l'heure actuelle d'être discriminées. Cette discrimination se situe à divers niveaux et entre autres à celui des assurances.
La législation belge prévoit que les données génétiques ne peuvent pas être communiquées aux assurances. Ceci est très bien, mais il faut se rendre compte de ce qui se passe dans la pratique. Les généticiens sont au courant de la législation, les patients ne le sont pas. Ces derniers pensent qu'ils doivent tout dire et un certain nombre le fait.
Les patients demandent aux généticiens de certifier qu'ils ne sont pas atteints de l'une ou l'autre maladie afin d'éviter de devoir payer une prime plus élevée que la normale.
Cette situation est difficile.
D'autre part, les généticiens sont également dans une situation difficile, parce que, chaque fois qu'ils font un test prédictif, ils demandent au centre génétique de voir les patients pour un conseil génétique préalable.
Les médecins de famille qui font des prélèvements de sang peuvent, à l'insu du patient, demander d'ajouter aux tests habituels quelques tests génétiques. Rien dans la loi oblige le médecin d'en informer le patient.
Cela se fait notamment dans le domaine de la gynécologie (triple-test).
Mme Verellen croit que l'un des dangers consiste à ce que l'on fasse des dépistages systématiques sans que les personnes ne soient au courant de ce qui se fait et des implications pour elles.
La Convention du Conseil de l'Europe précise que des analyses génétiques ne sont admises qu'après information de la personne et après un conseil génétique approprié. Ce point est important. La personne doit pouvoir refuser le test génétique.
Une sénatrice demande si le médecin-conseil d'une société d'assurances peut demander une analyse de type génétique sans que le patient soit prévenu. Le Code de déontologie permet-il au médecin de refuser éventuellement ?
Mme Verellen répond qu'elle n'a jamais eu le cas d'un médecin-conseil qui lui a demandé de faire une analyse génétique pour un patient. La plupart des généticiens refuseraient d'ailleurs de faire une telle analyse pour le compte d'une assurance. La situation actuelle présente aussi des risques en ce qui concerne les demandeurs d'emploi. À l'heure actuelle, la protection n'est pas totale en Belgique.
Même au niveau européen, la situation est critiquable. L'Europe interdit de faire des analyses génétiques, sauf avec l'accord de celui qui fait la demande. Or, dans une période de crise économique, qui refuserait de subir un examen médical ?
Les dangers se situent donc au niveau de l'emploi, des assurances et aussi éventuellement d'une certaine dérive eugénique.
Jusqu'à maintenant, tout ce qui a été fait dans le domaine prénatal l'a été pour des maladies graves et sérieuses.
De plus en plus, on sera capable de diagnostiquer toute une série de maladies avec lesquelles « tout le monde vit ».
Quels sont les parents qui vont encore oser parfois mettre au monde un enfant qui aura tel ou tel problème à l'âge de 40-45 ans ? Ce cas s'est déjà présenté aux États-Unis.
Il y a donc un problème de normes. Il faut craindre les effets pervers de mesures systématiques.
Il y a aussi un problème de société. Si on veut une société où on diminue les coûts (soins de santé), la génétique est un très bon moyen.
Tout ce qui a été proposé, au point de vue de la génétique, dans la convention, respecte dans l'ensemble les personnes. Mme Verellen se dit donc favorable à la convention pour ce qui concerne la génétique et le génome humain.
Le professeur Englert fait observer que les médecins-conseils des sociétés d'assurance ne peuvent pas demander des tests génétiques sous peine d'être en infraction avec la loi sur les assurances terrestres.
Pour ce qui est de la médecine du travail, les choses sont moins claires. La littérature est néanmoins très importante à ce sujet; l'examen de la médecine du travail ne peut porter que sur l'aptitude à l'emploi. On ne peut pas tester les caractéristiques générales de la personne.
La présidente souligne que la commission compte également examiner ce problème.
Mme Verellen observe qu'il n'est par exemple pas recommandé qu'une personne qui est prédisposée à des problèmes pulmonaires travaille dans une usine où il y a beaucoup de poussière. On peut se demander s'il faut écarter cette personne ou la laisser travailler dans de telles circonstances.
Une sénatrice y ajoute qu'on devrait plutôt soigner les industries polluantes au lieu de soigner les gens.
Une commissaire pose la question de savoir si les centres de génétique médicale devraient ou non être liés directement aux centres de fertilité.
Mme Verellen estime que l'évolution de la génétique est telle que les collaborateurs des généticiens, qui étaient auparavant des gynécologues et des pédiatres, sont maintenant essentiellement des internistes, des chirurgiens, des neurologues, c'est-à-dire la médecine d'adultes.
Les centres de génétique devraient pouvoir collaborer avec les centres de fécondation in vitro , mais il ne faut pas les assimiler à ces centres.
Mme Verellen se demande si on est en droit de faire un diagnostic prédictif chez un enfant si on n'a pas de traitement à lui proposer pour une maladie qu'il aura à l'âge adulte. Cette question se pose régulièrement. Des pédiatres, des parents demandent de poser des diagnostics chez des enfants, par exemple, pour une maladie rhénale qui apparaîtra à l'âge de 35 ans.
L'attitude des généticiens, en général, est de protéger l'enfant contre un désir de connaissance des parents qui leur semble être une intrusion dans la future vie privée de l'enfant.
Cette question se pose de plus en plus régulièrement. S'il y avait une convention sur laquelle les généticiens pourraient s'appuyer, les discussions avec les confrères, les parents ... seraient plus faciles.
Le professeur Englert abonde dans le même sens. Il n'y a aucune raison de ne pas laisser la personne faire son chemin et décider lorsqu'elle sera majeure.
Mme Verellen y ajoute encore qu'il y a à ce sujet un consensus entre les généticiens, mais, pour le public, la société, la situation n'est pas claire.
La population ne réalise pas les implications qu'un test génétique peut avoir. Il faut leur donner des explications.
Un membre de la commission trouve également qu'un des gros problèmes en matière médicale est qu'on n'explique pas assez. Il faut expliquer ce que la médecine peut mettre à la disposition des gens, pour les aider, pour les guérir.
Pour ce qui est des tests prédictifs, le membre estime que, s'ils sont seulement fait pour les traduire en statistiques, il serait dommage de les faire. Par contre, chaque fois qu'on peut prévenir plus tôt, il faut le faire. Chaque adulte a le droit de savoir dans quelle situation il se trouve ou peut se trouver à l'avenir.
Le commissaire renvoie à la maladie d'Alzheimer, pour laquelle il n'existe pas de traitement; il faut néanmoins parier sur des avancées en cette matière.
On a intérêt à utiliser au mieux les connaissances actuelles, d'abord pour informer les personnes à risque et, ce qui est mieux encore, pour s'y prendre plus tôt et donner plus de chances à la guérison.
Mme Verellen réplique que les adultes qui veulent savoir, peuvent avoir les informations. L'attitude des généticiens est aussi de dire qu'il ne faut pas obliger de savoir ceux qui ne le veulent pas. Quand il n'y a pas de traitement, les personnes qui risquent d'encourir une maladie héréditaire, doivent avoir le choix.
Une membre demande à Mme Verellen d'expliquer plus en détail l'idée qu'elle a lancée de pouvoir s'appuyer sur une convention.
Mme Verellen répond qu'il faudrait d'abord distinguer les examens de biologie moléculaire, qui sont des analyses génétiques, des examens de biologie courante. Une des façons d'arriver à cette distinction est de dire que les examens de biologie moléculaire ne sont faits qu'après un entretien de la personne soit avec un généticien, soit avec un autre médecin.
Une sénatrice observe que la sécurité sociale (remboursements) doit suivre l'évolution de la médecine génétique. D'autre part, elle demande, par rapport au coût d'une série de recherches, qui sont des recherches aboutissant sur la médecine curative, si on fait la balance entre ce qui serait une bonne politique de prévention et le coût de la recherche et la répartition ensuite.
Mme Verellen répond qu'on se rend compte de plus en plus que, dans les maladies génétiques classiques, toutes les maladies de l'âge adulte sont vraisemblablement le résultat d'une prédisposition génétique et des facteurs de l'environnement. Le mode de vie modifie, précipite également la maladie. La recherche en ce domaine est importante; on procède actuellement au « décodage » de toutes ces interactions (prédisposition, milieu ...) qui sont encore mal connues.
Malheureusement, la recherche n'est pas privilégiée en Belgique.
Une sénatrice l'admet; la recherche est à la solde de certaines industries qui ont d'autres intérêts que la recherche fondamentale.
Le professeur Englert intervient pour renforcer ce que Mme Verellen vient de dire au sujet de la sous-évaluation de l'importance du conseil génétique, c'est-à-dire au sujet de l'information. Il faut que l'information préalable soit faite. À Érasme, il y a un programme de dépistage systématique de la mucoviscidose chez les femmes enceintes. Ce dépistage est précédé du consentement des femmes, ce qui prend énormément de temps. Le fait que ces consultations ne sont pas remboursées et donc pas rentables pour la clinique, pose un problème.
Pour ce qui est des maladies à composantes génétiques et environnementales, il ne faut pas sous-estimer le bénéfice social très important du dépistage génétique.
On pourrait très bien se retrouver, d'ici dix ans, dans une situation où on puisse définir des populations à risque réduit qui soient les seules chez qui les dépistages précoces ne soient nécessaires et permettre de focaliser les moyens sur une population qui en a réellement besoin. Il y a des aspects bénéficiaires si on maintient la décision individuelle et la possibilité pour chacun de décider s'il veut ou non qu'on procède à un examen génétique.
En ce qui concerne la convention, la partie relative à la génétique (articles 11, 12) est très bien mais trop générale par rapport à tout ce qui vient d'être dit. Il s'agit de grands principes sur lesquels tout le monde est d'accord.
Par contre, l'article 13 constitue une erreur. Le professeur Englert dit qu'il n'y a pas de raison éthique fondamentale pour interdire toute intervention qui aurait pour conséquence de modifier la lignée germinale. Ainsi, on ne voit pas pourquoi chez un couple dont les deux membres seraient porteurs de la mucoviscidose, un traitement soit fait qui corrige dans leur lignée germinale la maladie et qui fait qu'ils n'auront pas d'enfant atteint par cette maladie.
Mme Verellen rejoint ce point de vue.
Le ministre de la Santé publique s'attend à ce qu'un pays ou l'autre formule une réserve au niveau de l'un des articles de la convention. On verra à ce moment-là si le Conseil de l'Europe accepte ou non cette réserve. Ceci vaut plus précisément pour l'article 13, auquel il ne peut être dérogé en vertu de l'article 26 de la convention.
Il formule encore les remarques suivantes à propos de la convention :
L'article 10.2 stipule clairement que la personne a, pour ce qui concerne la recherche génétique, le droit de savoir et de ne pas savoir.
Dans le cadre de l'article 14, la question de savoir ce que l'on entendait par « anomalie héréditaire grave » a fait l'objet de nombreuses discussions lors des travaux préparatoires de la convention. D'aucuns étaient partisans d'une liste limitative, ce qui n'a pas été accepté. Les discussions en la matière portaient également sur l'article 12 (tests génétiques prédictifs).
Le projet de texte comportait à l'origine un article consacré aux données génétiques et aux assurances. Aux Pays-Bas, une personne souhaitant souscrire une assurance pour un montant déterminé et qui a connaissance de son patrimoine génétique est tenue de le porter à la connaissance de l'assureur. La compagnie d'assurance n'est pas autorisée à exiger qu'un test soit effectué. En Belgique, une telle communication est absolument interdite par la loi.
Selon un membre, la société est face à un choix entre les tests génétiques dans un but préventif et la manipulation pure et simple.
La présidente demande aux experts s'ils seraient disposés, à un stade ultérieur, à conseiller la commission sur le travail législatif indispensable à propos de cette problématique.
La plupart des pays sont confrontés à la convention du Conseil de l'Europe sans avoir adopté de position clairement définie sur plusieurs matières abordées dans cette convention. Aussi devrait-il être possible d'apporter l'une ou l'autre correction. Lors du vote au Conseil de l'Europe, il a par ailleurs été convenu que la convention serait évaluée en temps opportun. Quoi qu'il en soit, le mérite de la convention est d'avoir amorcé le débat dans les différents pays.
Mme Liebaers souligne que la fécondation in vitro et la recherche génétique constituent deux domaines distincts. Toutefois, de nombreux points communs ont été relevés ces dernières années. Les embryons conçus in vitro peuvent faire l'objet d'examens destinés à détecter les anomalies génétiques transmissibles aux générations futures et seuls les embryons ne présentant pas la maladie entrent en ligne de compte pour être transférés dans l'organisme.
Le diagnostic pré-implantatoire pourrait être considéré comme une forme particulièrement précoce de diagnostic prénatal et présente plusieurs avantages sur ce dernier. L'un des principaux est peut-être que les personnes ayant cédé le matériel ne sont pas placées devant le choix de devoir procéder à une interruption de grossesse. Toutefois, il convient de garder à l'esprit que ces deux types de recherche différent profondément, tant sur le plan technique qu'au niveau du contexte dans lequel ces travaux de recherche sont effectués.
Un autre lien entre la fécondation in vitro et la génétique réside dans la stérilité elle-même. Les problèmes de procréation peuvent avoir une origine génétique. Aussi, les recherches génétiques peuvent-elles contribuer à la prévision des risques au niveau de la fécondation in vitro.
Mme Liebaers souligne que l'amélioration des techniques de fécondation in vitro et de diagnostic pré-implantatoire nécessite des travaux de recherche scientifique. Une bonne partie de ceux-ci peut être effectuée en dehors de l'embryon et le nombre de possibilités en la matière a encore sensiblement augmenté ces dernières années. Toutefois, la recherche sur les embryons ne peut à son avis, être totalement exclue. Dans certains cas, la création d'embryons demeurera indispensable pour améliorer les techniques. Il va de soi que de tels travaux de recherche ne sont possibles qu'en l'absence d'autres techniques et pour autant que leur finalité soit clairement définie à l'avance. L'« embryon » est pour elle un ovule fécondé qui s'est développé pendant quelques jours en laboratoire et pourrait compter de 8 à 100 cellules.
M. VandenBerghe estime que le fait de donner un enfant, par le biais de la procréation médicalement assistée, à un couple qui sinon n'aurait pas pu en avoir doit être considéré comme positif du point de vue éthique. Chaque fécondation in vitro est un projet axé sur cet objectif et, dans un tel contexte, il est indispensable que plusieurs embryons puissent être conçus en laboratoire. Deux à trois embryons doivent ainsi être implantés pour avoir une chance de réussite de 20 % lors du premier traitement.
Au cas où le traitement serait couronné de succès, les embryons surnuméraires n'ont plus aucune finalité dans le cadre de ce projet. Bien souvent, ils sont conservés durant une certaine période pour ensuite être détruits.
Il estime que des travaux de recherche sur les embryons surnuméraires devraient être possibles dans certaines limites bien définies. Au cas où la fécondation in vitro ne réussirait pas après plusieurs tentatives, il se pourrait que des travaux de recherche sur les embryons en mettent les causes en lumière et apportent une solution. Il convient de garder à l'esprit que de nombreuses inconnues subsistent au niveau des causes de la stérilité, en dépit des importants progrès médicaux réalisés. Des couples peuvent ainsi rester dix ans sans enfant, en adopter un et puis malgré tout avoir naturellement leur propre enfant quelque temps plus tard.
Il n'empêche que, pour l'instant, il n'est pas en faveur de la création d'embryons à des fins de recherche au point de vue auquel se range entre autres la Commission européenne.
D'un point de vue médical et technique, la différence entre les deux types de recherche est minime, mais l'intention est totalement différente dans les deux cas et on ne peut pas ne pas en tenir compte.
Un membre fait observer que cette distinction est toujours opérée et ressort également à l'article 18 de la Convention. Il est également apparu des auditions précédentes qu'il existe un consensus raisonnable au sein du monde médical quant au fait que la recherche sur les embryons surnuméraires devrait être autorisée dans un cadre clairement défini et moyennant tout le contrôle requis. De nombreuses réserves sont par contre formulées au niveau de la conception d'embryons à des fins de recherche.
Toutefois, cela ne répond toujours pas à la question de savoir où se situe la limite entre les deux types de recherche. Au cas où cette distinction procéderait uniquement des intentions des chercheurs, il est incontestable que des difficultés se présenteront au niveau des contrôles.
Une autre question restée en suspens lors des précédentes auditions et qui n'a pas davantage été traitée au cours de la présente audition est de savoir où situer la recherche qui a finalement abouti au premier bébé éprouvette. En effet, personne ne peut croire que la technique in vitro a d'emblée été pratiquée au niveau clinique. Il y a dû avoir certains tests impliquant la création d'embryons pour lesquels l'objectif n'était pas d'être transférés dans le corps humain.
Mme Liebaers confirme que la technique in vitro peut actuellement être pratiquée de façon sûre et dans de bonnes conditions, notamment en raison du fait que des travaux de recherche ont été effectués sur des embryons sans que leur finalité n'ait été de les implanter dans l'organisme. Il est certes vrai que grâce aux progrès techniques enregistrés ces dernières années, de nombreux travaux de recherche ont pu être entrepris sur des animaux ou d'autres cellules humaines. Selon elle, il devrait toutefois demeurer possible de concevoir des embryons dans le cadre de la recherche, tout en respectant des limites clairement définies. Cette recherche n'a pas pour but l'implantation des embryons. Elle est exclusivement axée sur la création d'embryons à des fins d'implantation dans une phase ultérieure.
Le diagnostic préimplantatoire par exemple est une technique particulièrement délicate en raison du fait que l'on travaille sur une cellule. Les erreurs peuvent être lourdes de conséquences. Jusqu'ici, les techniques en la matière ont été testées sur des embryons surnuméraires, lesquels ne sont pas toujours idéaux pour ce type de recherche. En fécondant un ovule spécifique avec un spermatozoïde présentant des caractéristiques génétiques particulières, il serait possible de développer dans certains cas des techniques de dépistage fournissant une meilleure garantie lorsqu'elles sont appliquées sur des embryons destinés à être implantés. Il y a une demande pour ce type de recherche.
Une autre question qui pourrait être posée porte sur la pathogénèse des maladies. Pour ce faire, l'on utilise déjà des embryons surnuméraires qui sont malades. Ici aussi, il pourrait s'avérer nécessaire de créer des embryons présentant une anomalie spécifique, ce qui permettrait de mieux comprendre la maladie et d'examiner les possibilités de développement d'une thérapie appropriée.
Elle concède que de telles questions ne se rencontrent pas tous les jours. Quoi qu'il en soit, les embryons constituent une matière particulièrement précieuse et il convient d'éviter tant que faire se peut des travaux de recherche sur ces derniers. Toutefois, de pareils travaux ne peuvent pas être totalement exclus. Personnellement, effectuer de telles recherches ayant une finalité scientifique ne lui pose aucun problème, pour autant que ladite finalité soit clairement définie et qu'il n'y ait aucune alternative possible.
Un membre souhaite savoir si les orateurs ont une quelconque idée de la situation en Belgique pour ce qui est de la pratique de ces deux types de recherche.
Mme Liebaers répond que la recherche sur les embryons surnuméraires est très répandue dans le centres pratiquant la F.I.V. La recherche y a principalement pour objectif d'améliorer les techniques de la F.I.V. Ces centres sont connus et, en principe les projets de recherche devraient également l'être. En effet, chaque projet devrait au moins être soumis à l'approbation du comité d'éthique de l'hôpital. Au cas où des subventions seraient demandées, la commission d'éthique du F.R.S. devrait également se prononcer.
M. Vanden Berghe est d'avis que notre pays compte un nombre trop important de centres F.I.V. Un centre d'hérédité n'a pas besoin, en tant que tel, d'un centre F.I.V. mais l'inverse est bel et bien le cas. Voilà pourquoi le monde médical a proposé , voici plusieurs années déjà, d'autoriser uniquement les centres F.I.V. pouvant collaborer avec un centre de génétique. Le monde politique n'a pas pu suivre cette proposition, ce qui a donné lieu à la prolifération que nous connaissons aujourd'hui. Cela comporte de grands dangers liés aux nouvelles techniques développées et simultanément appliquées partout.
En outre, personne ne peut dire avec certitude ce qui se passe ou non dans ces centres, même pas lorsque l'accord des comités d'éthiques des hôpitaux locaux est sollicité.
Une intervenante suivante souligne que la demande de regroupement des centres de génétique médicale et des centres F.I.V. a été formulée à plusieurs reprises lors des auditions précédentes. Le monde politique a incontestablement failli et la prolifération subséquente dans ce domaine ne sera pas facile à enrayer.
Il semblerait que l'on ait besoin d'un organe de coordination qui dresserait un état d'avancement de la recherche et diffuserait les résultats de celle-ci. Il n'est absolument pas invraisemblable que des mêmes techniques fassent l'objet de travaux de recherche à plusieurs endroits sans la moindre coordination. C'est non seulement peu pratique, mais aussi injustifié sous l'angle de respect que mérite le matériel humain.
Un membre constate une certaine appréhension dans le chef de la quasi-totalité des orateurs pour ce qui est de la recherche sur du matériel humain. La terminologie utilisée dans ce domaine est particulièrement large : cellules haploïdes ou diploïdes, enbryons, foetus ... Il y a-t-il aussi, au sein du monde scientifique, un consensus quant à la question de savoir quand l'on peut parler d'un être ou d'une personne humaine ?
M. Vanden Berghe est d'avis qu'une seule chose est incontestable : un embryon humain qui se développe peut uniquement, à terme, produire un être humain. Le fait que plus l'embryon se développe, plus il mérite d'être protégé, fait également l'unanimité.
Mais c'est ici que les conceptions divergent selon le point de vue idéologique ou éthique adopté. Aucune norme généralement admise ne définit ce qui mérite d'être protégé, pas plus qu'il n'existe une norme générale définissant la normalité.
Un membre évoque l'audition précédente, qui a fait apparaître que l'hôpital Erasme produit 120 embryons dans l'unique but de développer la technique de l'I.C.S.I. Il a été choqué d'apprendre que ces mêmes travaux de recherche, portant parfois sur des points d'une banalité rare comme des tests visant à déterminer la pipette appropriée, ont été effectués parallèlement à différents endroits. Même lorsqu'on part du principe qu'une telle recherche s'avère indispensable, il s'agit quand même de situations inacceptables.
Mme Liebaers explique qu'elle ignore naturellement ce qui s'est dit exactement lors de cette audition. Toutefois, elle aimerait préciser que lors du développement d'une technique, il est impossible de répondre d'emblée à toutes les questions et qu'au stade de l'application, de nouvelles données peuvent faire leur apparition, qui nécessitent des recherches complémentaires. Il convient encore de mentionner l'aspect « apprentissage par l'exercice ». Pour garantir une médecine de qualité, il est bien souvent nécessaire de s'exercer à utiliser les nouvelles techniques avant de les mettre en pratique.
Il va sans dire qu'à ce niveau aussi, des limites clairement définies doivent être prises en compte. En premier lieu, il convient d'utiliser du matériel animal ou des cellules humaines non viables.
Elle est personnellement d'avis que le cadre créé en Grande-Bretagne pourrait servir d'exemple. Là, tant les centres administratifs des soins cliniques que les laboratoires de recherche doivent être agréés par un organe central. Un centre ne peut être agréé que s'il a pu faire état des connaissances et du savoir-faire requis par le biais d'épreuves imposées.
Un autre membre indique que quoi qu'il en soit, ce type de recherche est interdit par la Convention du Conseil de l'Europe.
Mme Liebaers rejoint ce point de vue, mais trouve que c'est particulièrement regrettable. La convention comporte toute une série de dispositions aussi bonnes qu'indispensables. En vertu de l'article 18.1, la recherche sur les embryons surnuméraires n'est possible que si elle est autorisée par la législation du pays ratifiant la convention et si cette législation assure une protection appropriée de l'embryon. La signification concrète d'une telle disposition n'est pas du tout claire pour un pays comme la Belgique, où il n'existe aucune législation en la matière. L'article 18.2 interdit la création d'embryons à des fins de recherche scientifique. C'est regrettable, car de tels travaux de recherche, aussi limités soient-ils, demeurent dans certains cas indispensables pour pouvoir garantir une médecine de qualité.
Le ministre de la Santé publique précise que le professeur Englebert n'a pas affirmé la semaine dernière que 120 embryons ont été créés dans le cadre du développement de la technique I.C.S.I., mais que l'on s'est efforcé de féconder 120 ovules, ce qui avait été réussi dans un tiers des cas environ. L'application de cette technique est en effet précédée d'une période « d'apprentissage par l'exercice » avant que le centre ne l'applique au niveau clinique.
Il explique par ailleurs que le département de la Santé publique prépare un arrêt royal prévoyant une programmation du nombre de centres F.I.V. Selon une liste semi-officielle établie sur la base d'un rapport volontairement transmis par l'a.s.b.l. « B.E.L.R.A.P. », cette technique serait actuellement appliquée dans 35 centres en Belgique. Selon d'autres rumeurs, la Flandre à elle seule compterait 40 centres de fécondation in vitro.
L'arrêté royal en cours d'élaboration prévoit également une normalisation établie sur la base de critères de qualité que le programme de soins en matière de médecine reproductive est tenu de respecter pour être et demeurer agréé. Ainsi, des règles strictes seront-elles établies au niveau du staff médical.
À ce niveau, l'accent mis par le professeur Devroey revêt également une importance particulière. Il faut prévoir un système d'enregistrement continu permettant de suivre et de contrôler chaque étape de la procédure.
Enfin, il sera exigé que, pour être agréé, chaque centre F.I.V. collabore, sur le plan structurel avec un centre de génétique humaine. Cette mesure a déjà été sollicitée ici par toute une série d'intervenants.
Le ministre explique ensuite que, d'après lui, la création d'embryons dans le cadre de la recherche scientifique devrait dans certains cas être autorisée. L'essentiel est que ces travaux de recherche puissent bénéficier d'une finalité acceptable et clairement définie.
Le projet de loi actuellement en préparation se basera vraisemblablement sur un système graduel. La recherche sur des embryons surnuméraires est uniquement admissible au cas où les résultats qu'elle permet d'obtenir ne pourraient pas être obtenus d'une autre manière. À son tour, la création d'embryons à des fins de recherche est uniquement admissible dans la mesure où l'objectif poursuivi ne peut être atteint par le biais de la recherche sur des embryons surnuméraires.
Il est primordial, à ce niveau, que la loi précise les objectifs pouvant être considérés comme admissibles dans ce cadre. La législation brittannique, autorisant la création d'embryons à des fins de recherche, pourrait constituer une source d'inspiration. En Grande-Bretagne, la recherche sur les embryons est possible lorsqu'elle s'inscrit dans le cadre de la procréation humaine et porte, plus précisément, sur :
des problèmes de stérilité;
les origines des fausses couches;
les origines des maladies congénitales;
le dévelopopement de méthodes permettant de déceler les anomales génétiques et/ou chromosomiques chez les embryons avant leur transfert.
Dans un tel système, le diagnostic préimplantatoire serait par conséquent possible pour autant que sa finalité soit d'éviter l'implantation d'embryons présentant des anomalies. La recherche eugénique n'est pas autorisée étant donné qu'elle a pour but l'amélioration de la race humaine et qu'elle ne cadre pas dans un objectif de procréation médicalement assistée.
M. Vanden Berghe souhaite savoir si, dans cette option, le diagnostic pré-implantatoire n'est possible que dans le cadre de la procréation médicalement assistée ou s'il peut également s'inscrire dans le cadre de la recherche génétique. Ces deux points doivent être clairement définis et différenciés. Dans le premier cas, la technique est en « première ligne » et a pour objectif la résolution des problèmes de stérilité. Dans le second cas, le but est de prévenir les maladies génétiquement transmissibles. Dans ce cas, la recherche ne s'inscrit pas dans le cadre de la procréation mais dans un cadre génétique.
Mme Liebaers abonde dans ce sens. Parmi les personnes ayant recours à la technique, se trouve un groupe relativement important, mais toutefois inférieur à la moitié du nombre total de patients qui présente à la fois des problèmes d'oredre génétique et de fertilité. Il peut y avoir un lien entre les deux, par exemple lorsqu'un homme est complètement stérile à la suite d'une maladie génétique transmissible comme la mucoviscidose. Ces personnes peuvent uniquement avoir un enfant par le biais de la technique de micro-injection.
Par ailleurs, certaines patientes sont sous-fécondes, elles sont difficilement enceintes et font pour cela appel à la technique in vitro. Elles peuvent simultanément présenter un problème génétique lié ou non à des problèmes de fertilité.
En outre, on trouve également un groupe de patientes ne présentant aucun problème de fertilité mais ayant toutefois un problème génétique et qui sont contre l'avortement pour des raisons émotionnelles ou par principe. Ces personnes ont souvent attendu que le diagnostic pré-implantatoire leur offre suffisamment de certitude avant de décider d'avoir un enfant. Cette dernière catégorie représente la moitié des patients.
Enfin, il y a aussi des personnes qui ont vécu un diagnostic prénatal ainsi qu'une interruption de grossesse et ne veulent plus revivre cette expérience même si elles veulent mettre au monde un enfant sain. Il est important de savoir comment ce groupe ressentira la procédure de F.I.V. qui doit être suivie dans son intégralité. Il est toutefois encore prématuré de se prononcer à ce sujet.
Elle souligne que les situations décrites ici ont toutes pour but, d'une façon ou d'une autre, de mettre au monde un enfant sain mais, quoi qu'il en soit, les deux derniers cas de figure ne s'inscrivent pas d'un point de vue strictement médical dans le cadre de la procréation.
Le ministre répond que ces situations s'inscrivent bel et bien dans le cadre de ce qui est permis par la législation britannique, faisant par exemple clairement référence à la recherche en matière d'anomalies génétiques et/ou chromosomiques.
Un sénateur fait observer que les auteurs de la convention ont explicitement opté pour l'interdiction de la création d'embryons à des fins de recherche. Se sont-ils donc basés sur d'autres données scientifiques que l'intervenante ou est-on présentement confronté à un cas de fondamentalisme éthique ? Cette dernière hypothèse semble invraisemblable étant donné le contexte international dans lequel la convention a été mise sur pied.
Mme Liebaers explique qu'elle ne peut que confirmer ses propos sur la base de considérations scientifiques. Elle a personnellement assisté à une discussion à Strasbourg alors que la convention avait déjà en grande partie pris forme. Il est ressorti des discussions que celles-ci impliquaient des considérations autres que purement scientifiques. Des divergences d'opinion marquées existaient entre les pays participants quant au statut de l'embryon.
Fort de son expérience acquise voici plusieurs années au sein de la commission pour la recherche embryonnaire dans l'Union européenne, M. Vanden berghe est en mesure de confirmer ces propos. Les législations des États membres étaient très différentes. À une extrémité se trouvait l'Espagne, avec une absence totale de régulation. De l'autre, l'Allemagne, où la recherche sur l'embryon est uniquement autorisée si elle a pour seule finalité l'amélioration de ce même embryon. Une chercheuse britannique expliquait qu'elle créait des embryons in vitro lorsqu'elle en avait besoin pour ses recherches.
On a l'impression que le texte élaboré par le Conseil de l'Europe constitue un compromis. La recherche sur les embryons surnuméraires est autorisée, mais la création d'embryons à des fins de recherche est interdite.
M. Vanden Berghe déclare qu'il peut marquer son accord sur cette réglementation.
Mme Liebaers, par contre, regretterait vivement que la Belgique ratifie la convention et y adapte notre législation. Elle est d'avis qu'il devrait rester possible de créer des embryons à des fins de recherche, mais bien évidemment dans un cadre strictement défini. Les avis en la matière peuvent diverger, mais rien n'empêche qu'ils coexistent et que chacun travaille en fonction de ses propres normes éthiques.
Elle n'en veut pour preuve que le fait que la Grande-Bretagne a signé la convention, contrairement à l'Allemagne. Pour cette dernière, le texte n'est en effet pas suffisamment strict. L'Angleterre peut faire abstraction de la disposition concernée dans la convention parce qu'elle dispose d'une législation progressiste donnant priorité au texte de la convention. Toutefois, en signant la convention, un pays peut tirer parti de toute une série de dispositions très précieuses.
Un membre se demande si la distinction établie par l'article 18 n'est pas induite par la crainte de voir la situation échapper à tout contrôle. Chacun reconnaît que la production d'embryons à des fins de recherche, pour autant qu'elle soit autorisée, peut uniquement se faire dans un cadre clairement défini et dans un but bien précis. Dans la pratique toutefois, il s'avère particulièrement difficile de définir des critères précis. Autant dire que l'application de ces critères, avec la prolifération actuelle, s'avère extrêmement difficile à contrôler. Les milieux médicaux se sont-ils déjà demandé où il convenait de placer les limites d'une telle recherche ?
Mme Liebaers reconnaît qu'il n'est guère aisé de définir de tels critères, mais que ce n'est pas impossible. Il convient de garder à l'esprit qu'à l'heure actuelle, en Belgique, tout est théoriquement possible.
Quoi qu'il en soit, il est important que l'on mette sur pied une structure permettant d'étudier, de définir et de contrôler la finalité des projets. Une telle chose n'est possible que par le biais d'une limitation du nombre de centres pratiquant la technique de la F.I.V., d'une collaboration entre les centres F.I.V. et les centres de génétique humaine et de la création d'un organe au sein duquel une équipe multidisciplinaire juge et assure le suivi de ces projets.
Une autre intervenante estime avoir compris que la demande porte principalement sur deux types de recherche. Le premier a principalement pour objectif l'amélioration des techniques de procréation médicalement assistée. Sa valeur thérapeutique ne ressort qu'à un stade ultérieur, lorsque la technique est appliquée. Le second type poursuit un objectif thérapeutique direct : aider un couple à mettre au monde un enfant sain.
Mme Liebaers fait observer que cette dernière recherche n'est pas considérée comme une recherche scientifique, mais comme l'application d'une technique existante. Par le passé, certaines maladies héréditaires ont déjà pu être dépistées à partir de la dixième semaine de grossesse. Ces tests sont à présent effectués au stade embryonnaire. Étant donné que l'on travaille sur une seule cellule, des recherches complémentaires s'imposent, une bonne partie de ces travaux est effectuée sur des globules blancs ou des embryons surnuméraires. Pour pouvoir dépister certaines maladies, il pourrait toutefois s'avérer indispensable que l'on ait à créer des embryons provenant des parents afin de tester la technique, avant de l'appliquer sur les embryons appelés à être implantés.
Elle tient à préciser que cela ne s'est pas encore produit dans le centre où elle travaille actuellement. Il serait toutefois regrettable que cette possibilité soit totalement exclue.
À la question d'un membre désireux de savoir si une telle pratique ne doit pas être considérée comme de la recherche, M. Vanden Berghe répond par la négative. Selon lui, il s'agit là d'une activité de vérification qui, en tant que telle, n'est pas visée par l'interdiction de l'article 18.
Mme Liebaers estime que la plus grande confusion règne en la matière. On pourrait en effet défendre la thèse selon laquelle un embryon est créé pour la recherche, ce qui est en contradiction par rapport à la disposition précitée de la convention.
Un membre souligne que la prochaine étape pourrait consister à produire des embryons dans un but médico-thérapeutique plus général. Au niveau des intentions du moins, une telle recherche ne différerait pas de la recherche médicale ordinaire, en matière de cardiologie par exemple. Dans ce cas, l'article 19 de la convention ne doit-il pas être considéré comme trop strict ?
Mme Liebaers est d'avis que c'est bel et bien le cas. Comme elle l'a déjà fait observer, il peut être indispensable de mieux connaître le mécanisme d'apparition de certaines maladies, d'étudier ce qui se passe au niveau embryonnaire. Dans ce cadre, la création d'embryons à des fins de recherche ne peut, selon elle, être exclue pour autant que les données nécessaires ne puissent pas être obtenues d'une autre manière.
M. Vanden Berghe estime que c'est précisément à ce sujet que plusieurs pays fixent une limite et affirment que ces travaux de recherche doivent porter sur des embryons surnuméraires. C'est également cette conception qui se reflète dans la convention. Une donnée d'importance en la matière est incontestablement le fait que la population redoute que les scientifiques se mettent à produire des embryons « pour n'importe quelle raison ». Si, en sa qualité de scientifique, il juge cette crainte exagérée, on ne peut toutefois pas la négliger.
Par ailleurs, il convient de garder à l'esprit que pour une bonne partie de l'opinion publique, la recherche sur des embryons surnuméraires va déjà trop loin. Il répète son point de vue selon lequel, s'agissant d'embryons qui n'ont plus de finalité, ils devraient pouvoir faire l'objet de travaux de recherche mais dans des limites clairement définies.
Mme Liebaers redoute qu'on en arrive à des questions auxquelles l'on ne pourra pas apporter de réponse. Force est, en effet, de travailler avec le matériel disponible.
M. Vanden Berghe reconnaît que ces questions se poseront à l'avenir, mais souligne également que ce n'est pas encore actuellement le cas.
Mme Liebaers aborde la technique du diagnostic pré-implantatoire. Dans ce cadre, il peut s'avérer indispensable qu'un ovule soit fécondé par un spermatozoïde dont on sait qu'il présente un défaut génétique. La technique de diagnostic peut dès lors être testée sur l'embryon ainsi créé. Ce type de recherche a déjà été mené par le passé, mais il a depuis lors été largement compensé par l'amélioration des techniques de recherche sur les globules blancs. Il pourrait toutefois s'avérer indispensable à l'avenir de travailler à nouveau suivant ce principe. Mais, l'article 18 de la convention l'interdit.
M. Vanden Berghe constate que dans cette hypothèse, l'on produit à dessein un embryon présentant une anomalie, ce qui est bien plus que la simple vérification d'une technique.
Mme Liebaers n'est pas de cet avis. Le seul but de l'expérience consiste à savoir avec certitude si les techniques de diagnostic permettent de dépister un défaut génétique dans un blastomère.
Un membre fait observer que si de telles expériences étaient autorisées, elles devraient, quoi qu'il en soit, avoir lieu dans un cadre clairement défini et structuré par le législateur. Il n'existe aucun raison de tester de la sorte ces techniques de diagnostic dans plusieurs centres en même temps.
M. Vanden Berghe souligne que c'est entre autres l'une des raisons pour lesquelles la technique de l'I.C.S.I. n'a jamais été testée à Louvain. Les patients ne pouvant être aidés que par le biais de cette technique ont été confiés à la V.U.B.
Une autre intervenante estime pouvoir conclure à juste titre, sur la base des auditions tenues jusqu'ici, que tous les médecins entendus respectent des normes éthiques particulièrement rigoureuses. Sous cet angle, l'on pourrait affirmer que la crainte d'une escalade, présente dans l'opinion publique, n'est pas du tout justifiée. Face à cela, il est clair que tout est possible sans une régulation et un contrôle stricts exercés par la société. L'expérience nous apprend jusqu'où les dérives peuvent aller. Il est indubitable que les travaux de recherche portant sur la technique I.C.S.I., tels qu'ils ont été décrits dans l'audition précédente, se sont déroulés dans des conditions correctes. Ce qui l'a toutefois choquée est le fait que ces travaux de recherche puissent se faire aussi facilement, sans aucune concertation ni contrôle extérieurs. Les médecins de Flandre travaillant dans le même domaine semblent ignorer que dans le cadre du développement de cette technique il est nécessaire de produire toute une série d'embryons.
Mme Liebaers déduit de l'article que l'on a utilisé des « aged unfertilized ovocytes ». Il s'agit d'ovules qui n'ont pas été fécondés à la première tentative lors d'une fécondation in vitro ordinaire. Ces ovules ne sont plus utilisés dans le projet des patientes concernées. Ils doivent être éliminés, mais il arrive qu'avant leur destruction, ils reçoivent une injection de spermatozoïdes dans le but d'affiner la technique ou de contrôler son fonctionnement.
Selon elle, ce n'est pas comparable à la situation dans laquelle des ovules sont spécialement prélevés à des fins de recherche.
M. Vanden Berghe précise que pour lui aussi, il s'agit d'une vérification et non d'une technique de recherche. Il comprend qu'il est difficile d'expliquer les différences à l'opinion publique. En Belgique, la situation en la matière ne s'est guère trouvée facilitée par la croissance effrénée du secteur. Il serait injuste de prétendre que l'ensemble des hôpitaux périphériques fournissent un travail de mauvaise qualité, mais l'on ne peut guère nier qu'il existe une certaine propension à se démarquer des grands centres universitaires. Il arrive, qu'un gynécologue veuille être une « primadonna » pour ses patientes.
Il fonde l'espoir que cette situation puisse servir de leçon pour le Gouvernement, afin que celui-ci maintienne les centres de génétique dans des limites clairement définies. Les institutions existantes peuvent répondre à la demande. Pourtant, de nombreuses voix s'élèvent pour que de nouveaux centres soient créés.
Un membre aimerait savoir où l'on compte placer la limite entre ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas en matière de diagnostic préimplantatoire. Ne risque-t-on pas d'arriver, à terme, à une sorte de catalogue des maladies possibles à éviter ?
M. Vanden Berghe est d'avis que c'est à la société de répondre à cette question.
Mme Liebaers souligne que cette question se pose déjà, dans une certaine mesure, dans le cadre du diagnostic préimplantatoire. Il serait illusoire de croire qu'actuellement, mais aussi dans un proche avenir, l'on peut arriver à une situation dans laquelle seuls des embryons entièrement sains pourront être implantés. Le génome humain n'a pas encore été identifié dans son intégralité, loin s'en faut.
M. Vanden Berghe souligne qu'à l'heure actuelle, le diagnostic prénatal est généralement accepté pour détecter d'importantes maladies chromosomiques ou héréditaires. Le diagnostic préimplantatoire poursuit en substance le même objectif. Toutefois, il a lieu à un stade plus avancé et dans un contexte émotionnel totalement différent.
Les connaissances progressent également très vite en matière de diagnostic préimplantatoire. Alors que la technique est aujourd'hui encore synonyme d'agression, il sera bientôt possible d'isoler un nombre suffisant de cellules par un prélèvement sanguin effectué chez la mère, pour détecter les anomalies chromosomiques ou génétiques de l'embryon. Pour ce faire, l'on passe par conséquent d'un paradigme dans lequel quelques anomalies graves sont contrôlées, à un paradigme de contrôle de la qualité de l'embryon. Il s'ensuit une situation totalement nouvelle. Nous serons submergés de questions pour déterminer ce qui est normal et ce qui mérite d'être protégé. C'est un problème immense qui n'est pas uniquement lié au diagnostic pré-implantatoire.
Un membre constate que le diagnostic prénatal connaît plusieurs écueils. Ainsi, est-il uniquement possible avec l'approbation des parents. Il convient également de mentionner le risque lié à la ponction et celui que l'on sait amené à se faire avorter. Grâce aux nouvelles techniques d'examen prénatal, seul le second de ces écueils disparaît. Au niveau de la recherche préimplantatoire, c'est bien moins le cas. Là, le troisième écueil disparaît également.
M. Vanden Berghe répond qu'actuellement, le diagnostic prénatal est en effet appliqué uniquement avec l'autorisation des parents et pour autant qu'il existe de sérieuses indications, comme le risque d'anomalie chromosomique en raison de l'âge avancé des parents. L'application de cette technique est, pour cette raison, résolument rejetée, au niveau de la détermination du sexe par exemple.
Mme Liebaers confirme que c'est également le cas à Bruxelles et que, pour autant qu'elle sache, cela vaut pour l'ensemble des centres belges. Cette question se pose aussi parfois dans le cadre du diagnostic pré-implantatoire, mais dans ce cas également, on n'y donne guère suite à moins qu'il n'y ait un risque de maladie liée au sexe.
M. Vanden Berghe souligne qu'au niveau de ce dernier, l'on est actuellement encore limité quant à la différenciation des spermatozoïdes contenant un gène anormal responsable des affections musculaires, car plusieurs centaines de mutations sont possibles. C'est pourquoi il convient de travailler avec la propre constellation génétique des parents, avec les propres « primers » pour étudier l'A.D.N. spécifique des familles concernées. Pour l'instant, cette mission est impossible. Voilà pourquoi dans ces cas, et dans ces cas uniquement, on procède à une sélection pour que seuls des embryons féminins soient créés.
À une question sur la recherche génétique prédictive, M. Vanden Berghe répond que les informations en la matière sont uniquement portées à la connaissance du patient même, et non aux membres de sa famille, à l'employeur ou à la compagnie d'assurances. En ce qui concerne cette dernière, une loi impose, en outre, clairement, une interdiction. Il n'empêche que ce point demeure délicat et que les compagnies d'assurances s'efforcent de collecter les informations requises par le biais d'autres canaux, comme les formulaires à compléter sur l'état de santé des membres de la famille ou sur la réalisation d'un test génétique.
Par ailleurs, il convient de garder à l'esprit qu'il est aisé de prélever un petit échantillon de sang lors d'une procédure d'embauche. On peut en déduire de plus en plus d'informations en ce qui concerne la constellation génétique de l'individu. À l'heure actuelle, de tels travaux de recherche peuvent uniquement être effectués dans l'un des neuf centres pour l'hérédité humaine agréés qui, lors de telles demandes, procèdent à des contrôles rigoureux quant aux raisons motivant l'examen.
Se rangeant à l'avis de Mme Liebaers, il souligne qu'une proposition formulée voici plusieurs mois à l'attention du ministre des Affaires sociales consistant à inclure de tels tests dans la nomenclature des interventions médicales est heureusement restée lettre morte. Une telle mesure aurait été d'ouvrir la porte à tous les excès.
Un membre insiste une fois de plus sur l'importance du débat social sur ce sujet. Les patients confrontés à de tels problèmes ont à faire des choix cornéliens. Ils doivent se sentir particulièrement seuls dans une société qui les prend à peine en considération.
Les orateurs acquiescent. Ils acceptent, dans la mesure du possible, d'aborder cette problématique et prennent eux-mêmes des initiatives en la matière, mais constatent également que l'intérêt dont fait preuve le public n'est que très moyen. Voilà pourquoi ils apprécient à sa juste valeur l'initiative de la commission. Ils estiment qu'il est indispensable que le monde politique, pouvant à ce niveau servir de passerelle, engage pleinement le débat.
Par ailleurs, elle estime que c'est une des raisons pour lesquelles ces auditions devraient être rendues publiques.
À une question sur le sujet, Mme Liebaers répond que la recherche sur les embryons se déroule généralement jusqu'au troisième jour après la fécondation. La législation anglaise l'autorise jusqu'à quatorze jours, mais en pratique, c'est généralement trop long et les travaux de recherche se déroulent jusqu'au quatrième ou cinquième jour maximum. De nombreuses histoires non conformes à la réalité circulent à ce sujet. La limite de quatorze jours se fonde entre autres sur la constatation que l'embryon peut déboucher jusqu'à ce stade sur une grossesse multiple et qu'après ce stade, les cellules du système nerveux central commencent à se former. Somme toute, il s'agit d'une limite assez arbitraire.
M. Vanden Berghe souligne qu'il n'existe aucune entrave de nature financière ou autre en Belgique empêchant quelqu'un d'obtenir le service complet dans un centre de génétique. C'est une situation assez unique en Europe.
Un membre estime qu'il s'agit précisément là de l'un des problèmes majeurs de notre pays. On parle de diagnostic préimplantatoire alors que le diagnostic prénatal n'est même pas encore réglementé et que chacun peut y avoir recours.
M. Vanden Berghe réplique que cela ne signifie pas pour autant que le diagnostic prénatal soit pratiqué de façon incontrôlée. Il reconnaît que certains problèmes se posent. Ainsi, la commercialisation d'un triple test (très rudimentaire) par une entreprise commerciale a-t-elle entraîné une hausse sensible du nombre de diagnostics prénatale, mais cela ne signifie pas que tout se déroule de façon incontrôlée.
Mme Liebaers ne nie pas qu'une femme de trente ans souhaitant un diagnostic prénatal peut l'obtenir. Toutefois, ce diagnostic est toujours établi au terme d'un entretien approfondi au cours duquel tous les aspects du problème sont abordés. La décision est toujours bien encadrée.
M. Vanden Berghe ajoute que le risque supplémentaire entraîné par la ponction est de 0,3 %. L'on dissuade toujours les patientes de procéder au test si le risque d'anomalie lors de la naissance est inférieur au risque global qui existe à priori à ce moment-là. Dans la plupart des cas, les patientes marquent leur accord. L'on ne peut guère sous-estimer l'influence régulatrice de tels entretiens.
Le commissaire répond que les hôpitaux raisonnent de la sorte, mais que ce n'est pas le cas de la société. Chacun peut se faire rembourser une ponction par l'I.N.A.M.I., quel que soit le risque d'anomalie à la naissance.
Mme Liebaers est d'avis que les centres de génétique sont actuellement bien réglementés dans notre pays et qu'ils coopèrent entre eux. On peut également se demander ce qui se passerait si le secteur privé se manifestait dans ce domaine.
M. Vanden Berghe reconnaît que la réglementation en matière de centres de génétique a permis d'éviter de nombreuses catastrophes dans notre pays. Jusqu'ici, ces centres sont parvenus à maintenir le secteur privé à l'écart. Ce secteur est toutefois développé dans des pays comme l'Allemagne et la France, avec toutes les conséquences que cela entraîne.
La présidente remercie les deux orateurs pour leurs explications particulièrement intéressantes et rassurantes quant aux pratiques de la recherche actuellement menées dans les centres universitaires.
A. Exposé du professeur Baekelandt
M. Baekelandt souligne que plusieurs centres de procréation médicalement assistée exercent leurs activités en Belgique. Certains d'entre eux travaillent dans le cadre d'un hôpital universitaire, les autres étant, dans la majeure partie des cas, liés à une autre clinique. En Wallonie, l'on trouve un seul centre universitaire à Liège, et quatre autres à Liège, Libramont, Namur et Charleroi.
Il est personnellement d'avis qu'en Wallonie, l'offre n'excède pas la demande pour cette forme d'assistance. Tous les centres affichent un taux d'occupation suffisant pour pouvoir travailler de façon convenable. Ce n'est pas partout le cas. Dans certaines autres régions du pays, l'on peut, selon lui, parler d'une véritable pléthore.
Il explique que le Centre liégeois pour l'étude et le traitement de la stérilité est lié à la Clinique Saint-Vincent de Rocourt, qui est la plus importante maternité de Wallonie pour ce qui est du nombre d'accouchements. Il serait illogique que les patientes ne puissent pas s'adresser à de tels centres pour une fécondation in vitro.
M. Baekelandt estime qu'il est essentiel que les patients se voyant dans l'obligation d'avoir recours à cette technique puissent avoir le choix entre un centre universitaire et un hôpital privé. Dans ces derniers, le contact avec la patiente est bien souvent plus étroit et les rapports médecin-patiente, souvent plus harmonieux.
En sa qualité de professeur d'embryologie aux universités de Mons et de Liège, il a ressenti le besoin, au début des années quatre-vingt, de prolonger ses études théoriques par des applications cliniques pratiques. Des tentatives visant à développer un centre de fécondation in vitro dans un cadre universitaire ont échoué pour différentes raisons. Voilà pourquoi les auteurs du projet se sont adressés à la Clinique Saint-Vincent de Rocourt pour développer un tel service.
Fondé en 1985 sous la forme d'une société coopérative, le centre de Rocourt, pouvant se prévaloir de 13 années de fonctionnement stable dans ce secteur, peut être qualifié de relativement ancien. Le laboratoire emploie douze médecins, dont onze gynécologues et lui-même, professeur d'embryologie aux universités de Liège et de Mons.
Le centre a prouvé qu'il était en mesure de fournir une assistance médicale de très haut niveau. La collaboration avec les gynécologues et entre ceux-ci, dont plusieurs se sont spécialisés dans cette technique, fonctionne à merveille et la gestion quotidienne du centre a été confiée à deux médecins féminins pouvant se targuer d'une spécialisation poussée en la matière.
Le C.L.E.T.S. est autorisé à travailler au sein de la clinique Saint-Vincent, mais il doit toutefois respecter certaines conditions. L'une d'entre elles est que le centre doit respecter les recommandations du comité d'éthique local de l'hôpital. Aussi, n'est-il pas exact que le centre applique des normes éthiques moins rigoureuses parce qu'il est lié à un hôpital privé.
Au contraire, le comité d'éthique, dont les membres sont presque tous de confession catholique, fait preuve d'une activité débordante et d'une approche rigoureuse des problèmes rencontrés dans de tels hôpitaux. Ainsi, ce comité n'a-t-il par exemple jamais accepté qu'un hôpital dispose en son sein d'une banque de sperme ni même qu'une collaboration soit entamée avec une telle banque.
Il va de soi que toute intervention sur un embryon doit être soumise à l'approbation du comité d'éthique qui a, du reste, d'ores et déjà fait savoir qu'il n'accepterait jamais pareille chose.
M. Baekelandt conclut qu'un centre privé n'est en aucune façon synonyme de laxisme. En raison du profil idéologique marqué des institutions, les normes respectées sont bien souvent supérieures à celles des grands centres universitaires.
Il embraie ensuite sur l'article 18 de la convention, particulièrement succinct, trop succinct peut-être pour un pays comme la Belgique ne disposant d'aucune législation en matière de recherche sur des embryons.
Personnellement, il approuve la règle prévue au premier paragraphe de l'article à la condition toutefois que la Belgique instaure bel et bien une loi réglant la protection de l'embryon et définissant clairement la notion de « protection adéquate. »
Le second paragraphe de l'article 18 prévoit l'interdiction de créer des embryons à des fins de recherche scientifique.
Le centre de Rocourt part du principe qu'aucune intervention sur un embryon ne peut être qualifiée d'« innovante ». Certes, certaines techniques comme l'I.C.S.I. ou la congélation d'embryons sont appliquées avec l'approbation du comité d'éthique, mais celles-ci font partie des interventions normales en usage dans le cadre de la fécondation in vitro. Le comité d'éthique de l'hôpital impose toutefois une stricte interdiction sur tout autre intervention et sur toute autre forme d'expérience sur des embryons vivants. Cette règle ne peut être enfreinte sous aucune prétexte.
Il explique qu'il a été un scientifique durant toute sa vie et qu'il a déjà effectué des travaux de recherche fondamentale. Ses recherches embryologiques ont toujours porté sur de petits mammifères et non sur des embryons humains. Toutefois, cela ne signifie pas qu'il désapprouve ce type de recherche. Au contraire, ce genre de recherche est souhaitable dans la mesure où elle profite à l'humanité. Qui plus est, c'est grâce à ce type de recherche que la technique de la fécondation in vitro a pu atteindre un tel degré de perfection dans notre pays et que plusieurs de nos centres ont pu développer des techniques, comme l'I.C.S.I., utilisées dans le monde entier.
M. Baekelandt est personnellement convaincu, pour cette raison, que le législateur commettrait une grave erreur en prohibant toute forme de recherche ou de manipulation sur des embryons. Toutefois, il va de soi que de tels travaux de recherche peuvent uniquement se dérouler dans un cadre strictement contrôlé.
La problématique de la recherche sur des embryons est peut-être la plus préoccupante dans le secteur de la génétique. Ces dernières années, les chances de survie des diabétiques ont augmenté de façon spectaculaire. La maladie elle-même, qui est en bonne partie de nature génétique, est toutefois et toujours transmise aux descendants. D'aucuns pensent que cette affection progresse au sein de la population et qu'il est souhaitable qu'une étude épidémiologique approfondie soit réalisée en la matière. Si tel était le cas, il faudrait se demander si une thérapie génique permettant d'éviter la transmission de la maladie est possible. Le développement d'une telle thérapie et l'adaptation du matériel génétique requiert nécessairement des recherches et des interventions sur des embryons humains.
L'intervention ici décrite est, en bonne partie, théorique. La transplantation de matériel génétique est une technique extrêmement délicate et onéreuse, qui en est encore à ses premiers balbutiements. Néanmoins, l'on ne peut entièrement fermer la porte à ce genre de recherche.
Pour ce qui est de la problématique du clonage, M. Baekelandt fait observer que cette technique est généralement utilisée dans trois domaines. Le premier est le secteur de la procréation. Selon lui, avec les alternatives disponibles, il n'est ni nécessaire ni souhaitable d'appliquer la technique du clonage dans la lutte contre la stérilité.
Le second domaine est celui de la recherche. Pour les raisons invoquées, il est d'avis que certaines techniques de clonage ne doivent pas au préalable être totalement exclues dans le cadre de la recherche scientifique. Au cas où des possibilités seraient prévues en la matière, il convient toutefois d'éviter à tout prix que les embryons faisant l'objet des recherches puissent être transférés.
Enfin, il convient de mentionner l'eugénique. Il existe un large consensus en vertu duquel la technique du clonage est totalement intolérable dans ce cadre. Le genre humain est caractérisé par sa diversité et on ne peut y déroger.
B. Exposé de M. Debry, docteur en biologie, Laboratoire de F.I.V.-Institut de morphologie pathologie, Loverval
M. Debry souligne avant toute chose que la distinction souvent établie entre les « petits » et les « grands » centre de fécondation in vitro ne repose sur aucune donnée objective, tant pour ce qui est du nombre des prestations que de la qualité du traitement. Le hasard veut qu'il soit ici présent en même temps que le professeur Baekelandt. Voici seize ans, ils ont tous deux participé à un colloque à Vilvorde où étaient présents les fondateurs de la technique de fécondation in vitro dans la partie francophone du pays.
Autre distinction régulièrement opérée : celle distinguant les centres universitaires des laboratoires privés. Les premiers seraient synonymes de qualité et d'ouverture, tandis que des doutes pourraient survenir en la matière pour ce qui est du second groupe.
Dans la pratique toutefois, les centres privés, devant constamment prouver leur droit à l'existence, se voient plus que quiconque obligés de jouer cartes sur table et de démontrer ouvertement la qualité de leurs services. C'est d'ailleurs ce qu'ils font par le biais d'organismes tels que BELRAP ou par leurs propres publications.
Pour ce qui est de la situation en Belgique, M. Debry explique qu'il a été surpris par l'ampleur de la liste des centres reprise dans le récent rapport BELRAP. Même s'il travaille depuis de nombreuses années dans le secteur, l'existence de certains laboratoires mentionnés dans ladite liste lui était totalement inconnue.
La liste fait état de 35 centres, dont six à Bruxelles et cinq en Wallonie. Tous les autres se situant en Région flamande. Le nombre de centres en Wallonie est limité et ne présente aucune signe de prolifération. L'un des centres les plus récents est celui de Libramont, qui existe à présent depuis six à huit ans. Les autres centres existent depuis 12 à 14 ans. Aussi, existaient-ils dès les premiers pas de la technique in vitro dans notre pays.
De nombreux centres en Flandre sont plus récents. Leur apparition doit probablement être envisagée dans le contexte d'une initiative gouvernementale de 1989 visant à réglementer le secteur.
Lors de la création d'un nouveau centre, l'on évoque bien souvent l'argument selon lequel un tel service doit être proche de la population et que les laboratoires doivent, pour cette raison, être géographiquement répartis de façon équilibrée. Sous cet angle aussi, l'on peut se poser certaines questions quant à la répartition actuelle des centres dans le pays. La Wallonie compte environ 3,5 millions d'habitants, soit près d'un tiers de la population totale de la Belgique. Sur la base de ce raisonnement, l'on pourrait s'attendre à ce que cette région puisse disposer d'un tiers des trente-cinq centres, soit douze environ.
M. Debry tient à préciser que son intention n'est en aucune façon de nier le droit à l'existence de centres dans certaines régions du pays. Il souhaite uniquement démontrer que, si d'aucuns estiment que notre pays compte un nombre trop important de centres actifs, ce n'est certainement pas le cas pour la Wallonie.
Il travaille lui-même en qualité de biologiste dans trois centres à Charleroi et Namur. Le centre namurois travaillait récemment encore de façon autonome. Toutefois, à la lumière du règlement en cours d'élaboration, il a rejoint le giron d'un centre hospitalier régional. Les centres carolorégiens dépendent des deux plus grands hôpitaux de la ville, à savoir l'hôpital civil et la Clinique Notre-Dame. Dans un rayon de 50 kilomètres autour de ces établissements, c'est un véritable désert pour ce qui est de la fécondation in vitro. Toutefois, il se peut que cette situation corresponde à une réalité démographique. Les grandes villes exercent chacune leur influence sur les régions environnantes.
Ensuite, il esquisse la structure du Centre de Loverval. Naguère, on y trouvait, outre un centre de génétique humaine (l'un des neufs centres agréés en Belgique), un laboratoire de procréation médicalement assistée. Ce dernier pratiquait l'ensemble des techniques in vitro pour plusieurs hôpitaux périphériques. À la lumière des initiatives légales annoncées, chacun de ces hôpitaux a souhaité disposer de son propre centre. Il en résulte que le laboratoire de Loverval a dû mettre un terme à ses activités en matière de F.I.V.
Le biologiste actif à Loverval répartit à présent ses activités dans les trois hôpitaux précités à Namur et Charleroi, lesquels présentent des orientations philosophiques différentes. Chacun de ces hôpitaux dispose de son propre comité d'éthique apportant une réponse aux questions pouvant survenir en rapport avec l'application de cette technique, en fonction de leurs propres convictions.
C. Exposé de M. Vandervoort, chef du service de gynécologie de l'hôpital du Sacré-Coeur, Roulers
M. Vandervoort souligne que l'hôpital du Sacré-Coeur de Roulers est un établissement régional comptant 680 lits et quelque 85 membres du personnel. L'hôpital dispose de plusieurs grands services comme la R.M.N. pour les diagnostics, la neurochirurgie, la cardiochirurgie, l'endoscopie, un service d'oncologie et depuis plusieurs années, un centre de F.I.V. Pour l'heure, l'hôpital conclut des accords avec de petits établissements de la région pour l'utilisation des services de haute technologie.
Pour ce qui est de la médecine reproductive, l'hôpital dispose d'une banque de sperme depuis 1980. À ce jour, quelque neuf cents fécondations D.I.A. ont été réalisées. La première demande de création d'un centre de F.I.V. en 1988 s'est heurtée à des difficultés au niveau du conseil d'administration de l'hôpital. Toutefois, l'initiative a été approuvée en 1992.
Le centre a réellement commencé ses activités en 1994. Un andrologue et un gynécologue spécialisés dans cette technique sont venus y travailler. De ce fait, une exploration multidisciplinaire est possible et tous les traitements alternatifs sont épuisés avant de recourir à la technique de la F.I.V., onéreuse et nécessitant un travail important.
Au cas où il serait décidé d'y avoir recours, la patiente est prise en charge par une équipe multidisciplinaire responsable tant de l'information et de l'accompagnement que du traitement à proprement parler. Ainsi, une approche véritablement personnalisée est possible.
Un contrat est conclu avec l'ensemble des couples optant pour ce traitement. Ce dernier détermine entre autres le statut des embryons surnuméraires. Ceux-ci sont conservés à la demande du couple. Si tel n'est pas le cas, ils ne peuvent qu'être détruits. L'hôpital a clairement stipulé que de tels embryons ne peuvent pas être utilisés à des fins de recherche. Il se peut également que le couple soit disposé à céder les embryons pour que d'autres personnes bénéficient d'une implantation. Toutefois, une telle pratique doit en premier lieu avoir l'approbation du comité d'éthique de l'hôpital.
M. Vandervoort est d'avis qu'un centre régional ou périphérique peut incontestablement se prévaloir de plusieurs atouts légitimant son existence. Les patientes, généralement jeunes et en plein vie active, peuvent ainsi être accueillis de façon personnalisée. Les consultations avant et après les heures de bureau et la proximité de l'hôpital leur permettent de ne pas trop devoir s'absenter du travail.
La qualité du service est aussi bonne que dans les grands hôpitaux universitaires. Il suffit d'examiner, à cet égard, les résultats du récent rapport BELRAP. Le service y est en outre moins onéreux que dans les grands centres.
Il constate enfin que l'arrêté royal en cours d'élaboration au ministère de la Santé publique prévoit que pour être agréés, les centres doivent fonctionner depuis cinq ans. Il est personnellement d'avis que ce critère est des plus arbitraires. Les éléments déterminants pour l'agréation devraient être, en premier lieu, la qualité du service et du staff médical, ainsi que la transparence du fonctionnement.
Une législation encadrant le secteur devrait par conséquent être axée sur le contrôle de la qualité du service, le fonctionnement des centres et les indications. Ces contrôles sont uniquement possibles si les centres ont l'obligation de faire preuve de la plus grande transparence.
D. Échange de vues
Une membre souhaite connaître la stratégie adoptée par le Centre de Rocourt en matière d'embryons surnuméraires. Elle constate par ailleurs que le professeur Baekelandt est le premier intervenant estimant que la recherche fondamentale sur les embryons devrait être possible. D'autres scientifiques qui se sont prononcés contre une interdiction totale de la recherche sur des embryons étaient d'avis qu'une telle recherche devait être limitée au domaine des applications cliniques. Où se situe la limite entre la recherche clinique et la recherche fondamentale ?
Elle constate enfin que le professeur Baekelandt s'est prononcé en des termes sentis contre l'eugénique tout en ne voyant aucun obstacle à la manipulation du génome humain pour prévenir la propagation de certaines formes de diabète. Où doit-on situer la limite ?
À la première question, M. Baekelandt répond qu'à la Clinique Saint-Vincent, tous les dossiers des candidates au traitement de F.I.V. doivent en premier lieu être soumis à un comité scientifique appelé à se prononcer sur la nécessité, les alternatives possibles et les chances de réussite du traitement. Ce comité se compose pour ce faire d'un andrologue, d'un généticien et d'un psychologue devant étudier, chacun dans leur domaine, les complications éventuelles et les façons d'en venir à bout le cas échéant.
Au cas où ce comité scientifique marquerait son accord pour le traitement, le couple est informé en profondeur et invité à signer plusieurs contrats. L'un d'entre eux porte sur les embryons surnuméraires. La première alternative s'offrant au couple est la congélation ou non de l'ovule une fois la fécondation réussie. Au cas où le couple ne souhaiterait plus conserver pour lui-même les embryons, ceux-ci doivent être détruits, à moins qu'ils ne soient cédés à des fins de donation. Il n'existe aucune autre alternative.
Il est également d'avis que l'espèce humaine ne peut pas être utilisée pour la recherche fondamentale. Il convient de savoir de quoi l'on parle. Au cas où des travaux de recherche fondamentale sur des petits mammifères déboucheraient à un moment donné sur des résultats médicalement applicables à l'homme le développement de la technique I.C.S.I. en est la parfaite illustration ceux-ci devraient être transposés sur le genre humain. De telles transpositions doivent rester possibles, même si ce genre d'activités est expressément réprouvé dans un hôpital tel que celui avec lequel il collabore. De plus, ce type de « recherche » peut uniquement se dérouler dans un cadre strictement contrôlé.
Pour rappel, l'hôpital Saint-Vincent ne procède pas à des travaux de recherche sur les embryons. Il n'empêche que certaines études y sont réalisées, comme des études morphologiques sur les ovules (pour déterminer l'épaisseur de la paroi cellulaire par exemple). Un hôpital est également tenu de pratiquer en permanence des études rétrospectives et statistiques sur les résultats du traitement. C'est seulement ainsi que l'on peut assurer et améliorer la qualité du service. Il ne s'agit toutefois pas de nouvelles formes de recherche sur des embryons vivants.
M. Baekelandt souligne enfin que l'amélioration d'un défaut génique ne peut en aucune façon être comparé à de l'eugénique. Certains esprits malades pourraient avoir l'idée d'isoler [...] le noyau d'une cellule disposant selon eux des bonnes caractéristiques [à partir du matériel génétique d'un individu], pour ensuite implanter ce noyau dans des ovules. Il serait ainsi théoriquement possible de créer toute une série de personnes présentant les caractéristiques génétiques d'un individu qui alors serait considéré comme une norme pour chacun.
Une telle pratique, absolument intolérable, diffère totalement d'une technique dans laquelle l'on s'efforce de réparer les défauts génétiques en transplantant du matériel génétique. Il est certes vrai que de telles techniques sont encore loin d'être au point et impliquent de ce fait toute une série de dangers. C'est toutefois fondamentalement différent d'une intervention dans laquelle toutes les caractéristiques génétiques d'un individu sont transmises à une série d'autres individus.
M. Debry explique qu'en ce qui concerne la gestion des embryons surnuméraires, la règle générale veut que ceux-ci soient conservés six mois en l'absence de grossesse, ce délai était de deux ans dans le cas contraire. Ces délais sont modulables au cas par cas.
Dans la pratique, le centre dans lequel il travaille tient compte d'un moratoire de cinq ans durant lequel le couple peut communiquer ses souhaits par écrit. Contrairement à ce qui se passe en France, par exemple, où une telle chose est interdite par la loi de 1994, le couple peut céder les embryons a titre de donation. Au cas où le couple n'aurait pas donné de ses nouvelles pendant ce délai de cinq ans, le centre peut, après avoir tenu compte d'un délai supplémentaire de deux ans, donner lui-même les embryons à un autre couple.
Il explique que lorsqu'un couple souhaite que les embryons soient détruits, le centre leur demande s'ils veulent effectuer eux-mêmes cette opération. Ce procédé est inspiré par la philosophie du célèbre cancérologue Israël, considérant qu'il est de son devoir de soigner ou de guérir les patients atteints du cancer, mais pas de pratiquer l'euthanasie. De même, il estime qu'il est de son devoir d'aider les patients présentant des problèmes de fertilité, mais pas de détruire les embryons. De plus, les parents invités à détruire leurs embryons sont ainsi amenés à reconsidérer leur situation.
Pour ce qui est du développement de la technique d'I.C.S.I., il estime que l'on a été trop loin et trop vite. Celle-ci a d'abord été appliquée sur l'être humain et ce n'est qu'ensuite que certaines substances ont été testées sur des animaux.
Au cours des années quatre-vingt déjà, d'aucuns se sont efforcés, en divers lieux, d'introduire de façon progressive et sélective un spermatozoïde dans un ovule. Ces expériences ont soulevé d'importantes questions éthiques. La dernière expérience en 1988, avant la grande étape réalisée par le professeur Palermo de la V.U.B., fut celle d'un scientifique aux États-Unis qui est parvenu à introduire un spermatozoïde dans un ovule au moyen d'une aiguille à injection. L'on a laissé subsister ces ovules fécondés pendant 13 heures pour vérifier si de nouveaux noyaux se formaient. Ensuite, l'expérience, parfaite illustration d'un test sur des embryons vivants, a été interrompue.
À la V.U.B., on a directement appliqué cette technique dans un environnement clinique. Toute une série de précuations et de mesures de sécurité, que l'on peut normalement attendre d'un scientifique, ont été négligées. Ce n'est qu'ensuite, en 1992-1994, que l'on a commencé à tester certaines substances comme le polyvinyl pyrrolidone et le Percoll pour en examiner les effets thératogènes.
Par ailleurs, un chercheur italien a démontré que la membrane d'un spermatozoïde pouvait porter un génome viral. À cette époque, l'on ne connaissait donc pas avec certitude les conséquences d'une micro-injection, par laquelle, contrairement à la fécondation ordinaire, on introduisait non seulement le noyau mais aussi la membrane dans l'ovule. Entre-temps, la pratique a démontré que le risque d'anomalie chromosomique au niveau de l'I.C.S.I. est trois fois supérieur à celui d'une fécondation naturelle. Le fait que cette technique a été appliquée sans qu'aucune réponse claire n'ait été apportée à cette question est choquant et l'a amené à ne pas pratiquer cette technique pendant cinq ans.
M. Debry souligne à ce niveau que la seule préoccupation du médecin peut être de mettre au monde des enfants normaux et sains. La médecine fait fausse route si elle prend des risques en la matière pour étonner le monde à coups de réalisations spectaculaires.
Pour lui, tout cela ne peut être qu'un avertissement pour qui souhaite tester la technique du clonage, certainement dans le cadre de la procréation. Indépendamment des excès possibles en la matière, il est indéniable que la valeur d'un individu repose sur son unicité. Un bon exemple du risque que l'on peut courir sur ce plan : le vieillissement rapide de la brebis « Dolly ». Elle a l'âge programmé dans le matériel génétique à partir duquel elle a été créée.
M. Coucke fait observer qu'en sa qualité de clinicien, il voit naturellement les choses sous un autre angle. Le centre où il travaille n'applique pas la technique de l'I.C.S.I. Leur principale préoccupation est de transférer dans l'utérus des embryons normaux et sains. Voilà pourquoi il suit de près les développements du diagnostic préimplantatoire, qui permet de détecter les maladies génétiques et de sélectionner les embryons sur cette base.
M. Vandervoort ajoute qu'une telle sélection peut éviter des ponctions durant la grossesse. Ainsi, l'impact moral et psychique est-il moins lourd pour la femme.
Un sénateur constate que, dans le centre de M. Debry, les embryons ne sont pas détruits par le centre lui-même. Étant donné qu'ils ne peuvent pas être conservés à l'infini si les parents ne se manifestent pas, il convient malgré tout d'en faire quelque chose.
Lui aussi a été choqué par la remarque du professeur Baekelandt, selon laquelle une manipulation du génome dans le but de lutter contre des maladies telles que le diabète devrait être possible. On peut en effet se demander où cela s'arrêtera-t-il. Sur la base d'un tel raisonnement, ne pourrait-on pas agir sur le génome pour n'importe quelle maladie ayant une origine génétique, comme certaines formes de cancer par exemple ?
On n'est guère loin d'éventuels déraillements. Sur la base d'un tel raisonnement, on pourrait conclure que la F.I.V. constitue la technique de fécondation ordinaire et que chaque embryon doit être passé au crible afin de détecter les anomalies éventuelles avant de pouvoir être transféré.
Par ailleurs, de nombreuses zones d'ombre subsistent quant à la façon dont les maladies génétiques se manifestent. Selon certains, il se pourrait qu'un gène malade soit présent mais qu'il soit neutralisé par le fonctionnement d'un autre gène.
L'on peut en effet définir l'eugénique comme étant la transplantation d'un ensemble de caractéristique génétiques. Fondamentalement, la différence est minime entre cette technique de clonage et la transmission de caractéristiques par le biais de transplantation distinctes de matériel génétique.
Un membre estime qu'il est insensé d'établir une distinction entre les « petits » et les « grands » centres de F.I.V. L'important, pour le législateur, c'est la qualité du service et des normes éthiques devant être respectées. Il a lui-même eu vent d'un cas où 28 ovules ont été prélevés; 19 d'entre eux ont été fécondés et trois implantés. Lorsque l'on a demandé à la patiente ce qu'elle comptait faire des embryons surnuméraires, elle n'en avait pas la moindre idée et cela ne semblait pas l'intéresser.
C'est pourquoi, le législateur ne peut pas se contenter de l'exigence que les centres soient soumis au contrôle d'un comité d'éthique local. En effet, ces derniers déterminent eux-mêmes leurs normes.
Il souligne ensuite qu'il convient d'établir une distinction entre la recherche menée dans le cadre de la thérapie génique et la recherche génétique fondamentale. La thérapie implique que l'on guérisse ce qui est malade, ce qui est la mission essentielle du médecin. La recherche fondamentale, sous sa forme la plus extrême, a pour but la création d'un nouvel être. Au cas où une telle chose serait permise, qui déterminera ce qui est autorisé et ce qui ne l'est pas, et qui exercera le contrôle, avec quelle autorité ?
Il souhaite connaître l'attitude des différents centres pour ce qui est des parents homosexuels souhaitant un enfant par le biais de la F.I.V., des femmes célibataires ou plus âgées, et des femmes dont le mari est décédé.
Enfin, il souhaite que les médecins de Roulers précisent ce qu'ils entendent par embryons « normaux » lorsqu'ils parlent de diagnostic préimplantatoire.
Un membre constate que d'éminents professeurs débattent ni plus ni moins de l'opportunité du clonage d'être humains dans le but de vaincre la stérilité alors qu'en Asie, l'avortement est favorisé de la façon la plus scandaleuse qui soit pour combattre la surpopulation.
Il souhaite encore savoir comment les orateurs, manifestement tous liés à des institutions catholiques, peuvent concilier la manipulation et la destruction d'embryons avec la position de l'Église, selon laquelle la vie commence dès la conception.
Le président fait observer que les personnes invitées à une audition au Sénat ne sont pas tenues de justifier leurs actes sur un plan moral ou religieux. C'est un sujet personnel sortant du cadre du débat de société. Aussi, les orateurs sont-ils libres de répondre à ces questions.
Une sénatrice souhaite savoir si les représentants de la clinique du Sacré-Coeur peuvent expliquer le nombre important de centres en Flandre. Est-ce vraiment un élément purement administratif ou y a-t-il des causes plus profondes ?
Il se pourrait en effet qu'à la suite de facteurs environnementaux comme la présence de dioxines par exemple, cette partie du pays connaisse davantage de problèmes en matière de fertilité. Bien sûr, il se pourrait également que le corps médical ait plus vite recours à la technique de la F.I.V.
M. Coucke répond que les chiffres mentionnés à propos du nombre de centres se doivent d'être nuancés. Loverval n'est mentionné qu'une seule fois dans le rapport BELRAP, mais d'après les explications de M. Debry, il s'agirait en réalité de trois centres totalement indépendants.
Le rapport BELRAP mentionne le nombre de cycles réalisés par le centre, mais il est difficile de tirer à partir de ces données des conclusions concernant la répartition des patientes à travers le pays. Pour commencer, certains centres comptent un nombre élevé de patientes étrangères. En outre, ces chiffres ne permettent pas de déduire la région d'origine des patientes.
Il est incontestable que l'on trouve à la base de la baisse de la fertilité certains facteurs environnementaux, mais ceux-ci sont à ce point multifactoriels qu'il s'avère dangereux d'en tirer des conclusions quant à leur impact sur les différentes régions d'un pays comme la Belgique.
L'on peut naturellement se réjouir que la technique de la F.I.V. se perfectionne. Toutefois, l'objectif final de la science doit être la prévention ou la guérison de la stérilité. La technique de la F.I.V. a constitué une avancée, car elle a, dans bien des cas, rendu superflue l'insémination par donneur. La prochaine étape devrait consister à rendre également superflue la fécondation in vitro en étudiant les causes de la stérilité.
Pour ce qui est de la thérapie génique des diabétiques, M. Coucke souligne qu'il s'agit d'une matière particulièrement hétérogène comportant une foule d'inconnues. En marge de cela, la recherche non génétique progresse à grands pas et, à court terme, ces patientes pourront bénéficier de la même espérance de vie que toute autre personne. Selon lui, il est souhaitable que l'on progresse sur cette voie et que l'on ne se lance pas tête baissée dans des aventures inutiles.
M. Vandervoort souligne encore que les embryons surnuméraires demeurent la propriété des personnes qui ont fourni les gamètes et qu'ils sont conservés dans le centre. Après plusieurs années, on écrit aux parents en leur demandant s'ils estiment souhaitable de conserver plus longtemps ledit matériel (moyennant une somme modique). Si tel n'est pas le cas, le couple peut, soit les laisser dépérir, soit les céder à titre de donation.
M. Baekelandt explique qu'en ce qui concerne la gestion des embryons, le centre de Rocourt suit la même politique.
Pour ce qui est de la recherche sur les embryons, il persiste à croire qu'il ne faut pas fermer définitivement la porte en la matière. Il va sans dire que de telles recherches doivent être strictement encadrées. Pour commencer, de tels travaux de recherche n'incombent pas aux hôpitaux privés. Les centres universitaires devraient en théorie entrer bien plus en ligne de compte. Toutefois, cela pourrait entraîner une répartition inefficace des moyens disponibles.
Voilà pourquoi il serait favorable à ce qu'une seule, ou si une telle chose s'avérait impossible pour des raisons communautaires deux institutions pour toute la Belgique soi(en)t agréé(s) pour procéder à des recherches sur des embryons. Cela aurait comme premier avantage de concentrer au maximum les moyens disponibles pour ces travaux de recherche particulièrement onéreux. De ce fait, l'encadrement éthique de ces recherches aurait une dimension totalement différente. Dans un tel système, il serait plus aisé de confier le contrôle à un seul organe remplissant des conditions particulièrement strictes en matière de représentativité. Cet organe pourrait être, par exemple, le Comité consultatif de bioéthique.
M. Baekelandt explique que le centre de Rocourt refuse catégoriquement d'appliquer la technique de la F.I.V. pour les couples homosexuels. Les patientes dont l'époux est décédé ne bénéficient pas davantage d'une implantation embryonnaire. Le comité d'éthique de l'hôpital est également très réservé et, s'il en octroyait l'autorisation, ce serait à titre exceptionnel.
En ce qui concerne les patientes plus âgées, le comité scientifique de l'hôpital a pris pour limite l'âge normal de la ménopause. L'hôpital n'a pas recours à des stimulants compensatoires anormaux pour favoriser la grossesse.
L'hôpital permet la donation d'embryons pour autant que les personnes desquelles provient le matériel aient notifié leur approbation par écrit. De nombreux autres aspects éthiques sont liés à cette pratique. Aussi, un suivi permanent est-il assuré par le comité d'éthique de l'hôpital. De la sorte, la donation s'effectue-t-elle dans l'anonymat le plus complet.
M. Coucke ne voit pas l'utilité de la création d'un nouvel organe fédéral coûteux en plus des organes existants.
Pour ce qui est de l'encadrement éthique de la recherche, il fait observer que le vide le plus complet existe actuellement en la matière. Si chaque hôpital dispose d'un comité d'éthique, ce dernier suit sa propre politique en fonction de son orientation philosophique.
Personnellement, il préférerait que les différents centres universitaires se réunissent autour d'une table et mettent au point des normes éthiques, comme cela se fait aux États-Unis.
Un tel procédé empêcherait, d'une part, l'apparition de situations inadmissibles et, d'autre part, s'avérerait plus souple que des initiatives législatives portant sur le recours aux nouveaux développements scientifiques.
M. Baekelandt abonde dans ce sens. Un certain nombre de normes éthiques communes, adaptées à notre contexte culturel, doivent être couchées sur papier. À ce niveau, mieux vaut instaurer un code de déontologie pouvant être constamment adapté.
Une membre souhaite tout d'abord savoir si les différents centres représentés appliquent la technique de l'I.C.S.I. Elle peut faire preuve de compréhension pour les arguments précédemment avancés en faveur du maintien d'un centre régional. Tout le monde ne peut pas se rendre durant une période déterminée de Roulers à Gand pour suivre le traitement. Elle a également remarqué, à juste titre, que le critère selon lequel le centre doit fonctionner depuis cinq ans est également arbitraire.
Parallèlement, il convient de constater que la Belgique compte actuellement un nombre important de centres et que d'aucuns établissent un lien direct entre cette donnée et le nombre excessivement élevé de grossesses multiples enregistré dans notre pays. Le législateur doit également tenir compte de cet élément.
M. Vandervoort estime que l'appréciation du nombre de centres doit tenir compte de différents facteurs. Ainsi, certains centres reçoivent-ils de nombreuses patientes venant de l'étranger.
Il souligne que la province de Limbourg et la Flandre occidentale comptent respectivement deux et trois centres particulièrement bien répartis. Face à cela, Gand compte quatre centres et Anvers, cinq.
Il ne peut que répéter qu'à son avis, il y a suffisamment de place pour les centres régionaux en plus des cliniques universitaires pour autant qu'ils offrent un service de grande qualité et qu'ils travaillent dans la plus grande transparence. Il est convaincu que les trois centres de Flandre occidentale remplissent ces conditions.
En outre, le centre de Roulers ne travaille pas uniquement avec la clinique du Sacré-Coeur. Il fournit des services de pointe à d'autres cliniques de la région prenant eux-mêmes en charge une partie des soins.
M. Vandervoort explique ensuite que le centre propose la technique de la F.I.V. à ses patientes mais en collaboration avec un grand centre universitaire. Les cellules sont acheminées vers ce centre où a lieu l'injection à proprement parler. Le centre régional assure ensuite le traitement ultérieur et l'implantation des embryons.
M. Debry souligne que son objectif n'est en aucune façon de lancer une croisade contre les centres flamands. Pour lui, l'essentiel est qu'outre le fait de pouvoir offrir un service de la plus haute qualité, l'hôpital concerné dispose d'une sphère d'influence régionale suffisamment large pour pouvoir appliquer la technique. Tenant compte de cet élément, il est en effet dénué de sens de se baser sur l'âge du centre comme critère.
Le centre dans lequel il travaille propose lui aussi la technique de l'I.C.S.I., mais, comme pour les autres services de haute technologie, en collaboration avec un centre plus important. Cette technique est extrêmement complexe et l'on ne peut obtenir de bons résultats que si le volume est suffisamment important. Selon lui, la coopération est la voie qu'il convient de suivre en Belgique.
Un membre constate que M. Debry juge que l'on a été trop loin et trop vite à propos de l'application de la technique de l'I.C.S.I. Peut-on en conclure qu'il estime que les recherches sur les embryons ont été insuffisantes en la matière ? C'est une question importante à la lumière de l'article 18 de la convention.
M. Debry répond tout d'abord que les membres de la commission auront bel et bien compris de ce qui précède qu'il n'est pas partisan de la recherche scientifique sur les embryons. En tant que scientifique, l'on peut, toute sa vie, mener des recherches utiles et indispensables dans le domaine de la procréation médicalement assistée sans toucher à un seul embryon et ces recherches permettent de résoudre de nombreux problèmes. Ainsi, la recherche sur la membrane des spermatozoïdes a permis de collecter des données très importantes.
Ceci dit, il n'oserait pas se prononcer à priori en faveur d'une interdiction absolue de la création d'embryons dans un cadre scientifique. Tout dépend des objectifs poursuivis. Si de tels travaux de recherche s'avèrent nécessaires pour développer des techniques directement applicables et s'il s'agit, surtout, de la seule possibilité permettant d'éviter des risques au niveau de l'application clinique d'une nouvelle technique, il convient d'en laisser, selon lui, la possibilité ouverte.
À titre d'exemple hypothétique, il cite les recherches menées en matière de conservation des cellules. Les hommes devant subir un traitement médical présentant un risque élevé de stérilité peuvent faire congeler au préalable des cellules pouvant être utilisées par la suite lors d'un traitement in vitro . Une telle chose est impossible pour les ovules arrivés à maturité. Il n'est pas impossible que des tests soient effectués dans ce but, dans lesquels des ovules congelés non mûrs sont décongelés, portés à maturité et fécondés. Un autre exemple est la recherche portant sur l'activité chromosomique des embryons créés, effectuée durant la phase initiale de la technique de F.I.V.
M. Debry conclut que l'essentiel est qu'une telle recherche se déroule dans un cadre clairement défini. Si tel est bel et bien le cas, pareils travaux de recherche pourraient concerner chaque année plusieurs dizaines voire plusieurs centaines d'embryons. La seule approbation des instances de tutelle ne suffit pas. Il convient également de trouver les personnes qui, en parfaite connaissance de cause, sont disposées à céder les cellules. Quand bien même une comparaison pourrait s'avérer dangereuse sur ce plan, les chiffres précités peuvent être relativisés lorsqu'on les compare aux 15 000 interruptions de grossesse effectuées chaque année dans notre pays selon les sources officielles.
Le président remercie les orateurs pour leurs explications qui ont incontestablement contribué de façon importante au débat actuellement en cours au sein de la commission.
La présidente accueille les professeurs D'Hooghe et Dhont. Elle fait observer que la commission a déjà procédé à toute une série d'auditions. L'une des questions centrales du débat demeure celle de la nécessité de la recherche scientifique sur les embryons. Le professeur D'Hooghe s'est déjà prononcé de façon très claire sur le sujet lors d'une précédente audition. Il a été invité en même temps que le professeur Dhont qui, selon de récents commentaires dans les médias, est convaincu de la nécessité de la recherche embryonnaire.
M. Dhont explique que, pour lui, il ne peut évidemment subsister aucun doute quant à la nécessité de la recherche sur des embryons. Il souhaite étayer ses dires au moyen de deux exemples. Au début des années 1990, la technique de l'I.C.S.I. a été développée en Belgique et immédiatement appliquée au niveau clinique sans que l'on ait une quelconque idée des conséquences pour l'embryon. En effet, l'on n'avait procédé à aucun travail de recherche préalable sur des embryons provenant de la technique d'injection.
La seule précaution prise en la matière consistait à procéder à une amniocentèse après 18 à 20 semaines de grossesse chez les femmes qui subissaient leur premier traitement afin de procéder à une interruption de grossesse en cas de complications.
Avec tous les honneurs dus à cette technique, qui s'est entre-temps avérée un progrès important, force est de constater que la façon dont elle a été mise en oeuvre illustre parfaitement ce qu'il ne faut pas faire. Une méthode médico-scientifique sérieuse aurait requis que les embryons fassent l'objet d'études approfondies visant à déceler les anomalies éventuelles avant que cette technique ne soit mise en pratique. Au lieu de cela, on a pris le risque que les femmes concernées se voient contraintes de procéder à un avortement.
Le second exemple est la technique, également développée en Belgique, dans laquelle, en cas de stérilité masculine, des spermatozoïdes sont prélevés directement des testicules pour être utilisés dans le cadre d'une fécondation in vitro . Là aussi, les embryons obtenus n'ont pas fait l'objet d'études approfondies visant à détecter les anomalies éventuelles avant d'être utilisés au niveau clinique. Heureusement, cela ne s'est pas avéré nécessaire.
Pour conclure, M. Dhont pose la question de savoir quelle est la meilleure voie à choisir à la lumière de ces deux exemples : appliquer directement des techniques aussi délicates avec tous les risques que cela implique pour la femme ou, comme étape intermédiaire avant de procéder aux essais cliniques, étudier en premier lieu les embryons obtenus afin d'en détecter les anomalies éventuelles. Il souligne que les recherches sur des embryons menées dans cette hypothèse constituent une étape intermédiaire entre le développement d'une nouvelle technique et son application clinique. Aussi, ces recherches ont-elles un but bien défini.
Il explique ensuite qu'il a introduit voici un an, auprès du comité d'éthique de l'hôpital auquel il est lié, un projet de recherche visant à tester les techniques de congélation des ovules. Contrairement aux spermatozoïdes, les ovules arrivés à maturité ne peuvent plus être décongelés et fécondés après congélation, car le processus de division cellulaire qu'ils subissent est définitivement stoppé lors de la congélation. C'est pourquoi la finalité du projet consistait à congeler des ovules non mûrs pour ensuite les décongeler et étudier les possibilités permettant de les porter par la suite à maturation in vitro.
Cela pourrait par exemple s'avérer particulièrement utile pour les patientes atteintes de cancer et devant subir un traitement lourd pouvant entraîner leur stérilité. Ici aussi, toutefois, cette technique peut uniquement être proposée de façon sûre si la méthodologie a fait l'objet d'études préalables. Cette méthodologie consiste à créer un embryon, précisément ce qui se fera au niveau clinique.
M. Dhont estime que ces exemples prouvent à suffisance que, dans certaines circonstances, la création et la recherche sur des embryons peuvent s'avérer nécessaires et justifées d'un point de vue éthique pour les progrès au niveau des techniques de procréation avant que certaines ne puissent être mises en pratique au niveau clinique.
M. D'Hooghe reconnaît que, dans certaines circonstances, la recherche sur des embryons peut s'avérer nécessaire pour faire progresser la science médicale. La question cruciale, à ce niveau, est toutefois de savoir si la recherche sur des embryons peut être considérée comme une alternative confortable alors qu'il existe d'autres méthodes devant tout d'abord être étudiées de façon maximale.
En ce qui concerne le diagnostic préimplantatoire par exemple, deux scientifiques de renom international ont récemment déclaré que 99,9 % de la technique peuvent être développés sans que des recherches sur des embryons soient nécessaires. Il est possible de perfectionner ces techniques en focalisant les recherches entre autres sur les cellules cutanées, les ovules et spermatozoïdes de personnes porteuses des maladies que l'on souhaite dépister.
Au tout dernier stade précédant l'application clinique, une phase limitée de recherche sur l'embryon peut s'avérer nécessaire, mais celle-ci peut être intégrée dans la pratique clinique. Ces tests peuvent être effectués sur des embryons surnuméraires et il n'est pas indispensable de créer spécifiquement des embryons à cette fin.
Il mentionne, parmi les principales alternatives à la recherche sur des embryons, l'utilisation de gamètes humains et la recherche expérimentale sur des animaux. Pour ce qui est de cette dernière surtout, l'homme est lui-même trop souvent utilisé comme cobaye. Très récemment, de bonnes nouvelles sont venues d'Oregon selon lesquelles un modèle d'I.C.S.I. fiable, développé chez les primates, permet de détecter les anomalies éventuelles, alors que le précédent orateur a déclaré effectuer des recherches sur des embryons de macaques rhésus. L'on n'aurait pas pu attendre cinq à six ans après que la technique a été appliquée à l'homme.
La recherche sur les animaux permet par ailleurs d'obtenir des données qui n'auraient pas pu être obtenues sinon beaucoup plus tard par la recherche sur du matériel humain. Les singes atteignent leur maturité sexuelle en quelques années et peuvent, de ce fait, faire plus rapidement l'objet de tests, ce qui revêt une importance particulière, surtout dans le cadre de la technique de l'I.C.S.I.
Chacun sait que la recherche sur les primates est très onéreuse mais le monde scientifique, y compris en Europe et en Belgique, doit pouvoir fournir un effort important sur ce plan. L'utilisation d'embryons humains à des fins de recherche, en tant qu'alternative bon marché et facile, constitue clairement un pas trop loin.
À la question de savoir pourquoi la recherche sur les primates est aussi onéreuse comparée à celle sur des embryons humains, M. D'Hooghe répond que les singes doivent être achetés, nourris et que, pour ce type de recherche aussi, le contrôle éthique peut parfois s'avérer plus strict que celui pour la recherche sur l'être humain.
Un membre explique que l'exposé de M. Dhont lui rappelle la remarque d'un orateur la semaine dernière qui estimait que l'on avait été trop loin et trop vite pour introduire la technique I.C.S.I. Cet orateur considérait lui aussi que l'on aurait dû procéder à davantage de recherches avant d'appliquer cette technique au niveau clinique. Alors que M. D'Hooghe souhaite également que ces travaux de recherche portent sur les primates, M. Dhont plaide plutôt en faveur de la recherche embryonnaire.
M. Dhont répond qu'il ne souhaite nullement promouvoir la recherche sur les embryons. Selon lui, cette discussion se situe essentiellement au niveau de la vision que l'on a du statut de l'embryon. Lorsqu'on considère ce dernier comme un être humain méritant d'être à tout prix protégé, il va de soi qu'il ne peut faire l'objet d'aucune recherche. Par contre, lorsqu'on considère l'embryon comme quelque chose de relatif, comme le début d'une étape intermédiaire débouchant sur une vie humaine, et non comme un être autonome, il s'agit dans ce cas de la forme la plus évidente pour contrôler l'application finale des techniques de procréation dans certaines conditions, avant de les mettre en pratique au niveau clinique.
L'idée de la recherche sur les primates est très précieuse mais elle se limite à quelques centres. De plus, les primates sont très proches de l'homme et des aspects éthiques sont également liés à ce type de recherche. Qui plus est, l'application clinique de la recherche requiert du matériel avec lequel l'on travaillera dans la pratique pour pouvoir obtenir une vue d'ensemble complète de toutes les conséquences de l'application de cette technique. Dans le projet qu'il développe actuellement, il s'agit d'ovules immatures provenant d'une femme.
M. Dhont craint en outre que peu nombreux sont les centres qui peuvent se permettre de mener des recherches sur des primates, d'autant que, pour les raisons précitées, la recherche sur les embryons constitue une alternative tout à fait valable.
Un membre résume donc que, selon l'orateur, les embryons humains constituent une alternative aux embryons de primates, qui sont plus difficiles à obtenir.
M. Dhont se range à cet avis.
Un autre membre estime que le débat s'est ainsi porté sur la question clé, à savoir le statut de l'embryon. La notion d'âge joue-t-elle un rôle pour les scientifiques ? Quand considèrent-ils qu'un embryon est un être humain ?
M. Dhont répond qu'il n'existe aucune délimitation absolue en la matière. Toute personne entrant en contact avec l'apparition de la vie sent toutefois d'instinct qu'une telle limite existe bel et bien. À son premier stade, un embryon n'est pas un individu, car chaque cellule qu'il contient peut se développer en un individu différent.
Dans la pratique toutefois, chacun sent qu'il existe bel et bien une différence entre, d'une part, un embryon encore entouré de son enveloppe, qui n'est pas implanté dans un organisme et qui donc n'a aucun avenir en tant que tel, et un embryon qui a déjà été transféré et qui se développe dans l'organisme. Au cours du développement, l'on sent également qu'il existe une différence entre un embryon de huit à dix semaines et un embryon de 24 semaines, déjà viable. Enfin, chacun sent bien aussi qu'il existe également une différence entre un embryon viable et un enfant à la naissance.
M. D'Hooghe reconnaît que personne n'est en mesure d'apporter une réponse absolue et générale à la question : « Quand commence la vie ? » Il aimerait toutefois préciser qu'il ne s'agit pas d'une discussion dans laquelle certains seraient en faveur d'une protection absolue et incontestable de l'embryon tandis que d'autres n'accorderaient aucune valeur à ce même embryon.
La fécondation in vitro implique par définition que quiconque l'utilise n'accorde pas à l'embryon la protection absolue qui conviendrait. Qui congèle des embryons dans les conditions actuelles sait que lors de la décongélation, plusieurs d'entre eux seront perdus. Pour le transfert, les embryons font l'objet d'une sélection et les plus intacts sont les premiers à entrer en ligne de compte. Bien qu'il accorde aux embryons la protection qui leur est due, elle n'est pas absolue et, dans ce cadre, il estime que la recherche sur des embryons provenant d'une activité clinique devrait pouvoir être jugée admissible dans certaines limites.
Il s'agit là toutefois de tout autre chose que la création d'embryons à des fins de recherche. En effet, ce procédé instrumentalise l'apparition de la vie. L'embryon ne provient pas d'une pratique clinique.
Un membre souhaite savoir s'il y a un déficit d'embryons surnuméraires pour réaliser des recherches.
M. Dhont répond qu'au contraire, il convient d'instaurer dans les plus brefs délais une réglementation générale stipulant clairement ce qu'il convient de faire des milliers d'embryons actuellement congelés, à propos desquels les personnes dont ils proviennent ne se sont pas prononcées. Dans certains cas toutefois, seuls les embryons spécifiquement conçus pour certains types de recherche entrent en ligne de compte. Pour ce qui est du projet à Gand par exemple, les travaux de recherche doivent porter sur des embryons créés à partir d'ovules non mûrs congelés, décongelés puis portés à maturité. L'information sur les conséquences de cette technique pour l'embryon ne peut pas être obtenue d'une autre façon, ce qui constitue également la restriction pour ce type de recherche. Ces informations exclusives ne peuvent guère être obtenues par la recherche sur des animaux, sur les cellules ou par quelqu'autre moyen que ce soit.
Il va de soi que le centre gantois aurait pu mettre directement cette technique en application. Si celle-ci avait été couronnée de succès, chacun se serait incliné devant le progrès marquant enregistré par la communauté scientifique et médicale. Un tel risque aurait toutefois été inacceptable du point de vue éthique.
Une membre peut comprendre l'argument selon lequel, durant la phase finale de la recherche, juste avant l'application clinique, des vérifications sur les embryons humains peuvent s'avérer nécessaires pour exclure d'éventuels risques de dernière minute. Toutefois, cela ne répond pas à la question de savoir si de telles recherches étaient également nécessaires durant les phases antérieures du projet, où des alternatives étaient ou sont disponibles sous la forme d'embryons d'origine animale. Selon elle, le fait que de telles alternatives sont trop onéreuses ou insuffisamment disponibles ne peut guère être considéré comme un argument valable.
M. Dhont explique que cette conception est liée à la vision que l'on a de l'embryon.
Un autre membre fait observer que plusieurs législations étrangères stipulent explicitement le nombre de jours devant s'écouler après la fécondation avant que la recherche sur les embryons ne puisse débuter. Il s'agit bien souvent d'un délai de 14 jours. Les chercheurs belges respectent-ils également cette limite ?
M. Dhont répond que, dans la situation actuelle, les embryons peuvent être maintenus en vie environ cinq et tout au plus sept à huit jours in vitro. C'est pourquoi dans la pratique l'on reste quoi qu'il en soit en deçà des 14 jours, limite en effet inscrite dans certaines législations étrangères.
M. D'Hooghe ajoute qu'une telle limite résulte d'un accord pragmatique entre les scientifiques ou entre les scientifiques et la société. Le délai de quatorze jours est appliqué car c'est vers cette période que le système nerveux central commence à se former.
Il souligne que la fixation d'une telle limite ne peut pas être considérée comme une réponse à la question de savoir quand commence la vie humaine, ni à celle de savoir si l'embryon mérite d'être protégé durant la première phase de son développement. Lorsqu'il estime qu'un tel embryon mérite certainement d'être protégé, il fonde cette conception sur le fait que cet embryon porte en lui les germes d'une vie humaine. Il existe une différence fondamentale entre un tel embryon et, par exemple, un globule blanc.
Un sénateur constate que, selon M. Dhont, la technique qu'il développe actuellement ne peut pas être appliquée en toute sécurité sans devoir créer des embryons humains à des fins de recherche. Quels sont les critères appliqués pour évaluer l'utilité sociale du développement de telles techniques ? Au cas où, sur la base de ces critères, l'on avait décidé de lancer le projet, n'y avait-il aucune alternative aux travaux de recherche sur des embryons ?
M. Dhont répond que le projet est jugé valable d'un point de vue tant médical que sociétal parce que les femmes devant subir des traitements médicaux lourds entraînant la stérilité peuvent ainsi concrétiser leur souhait d'avoir un enfant. Aucun problème ne se pose chez les hommes, car, depuis longtemps, les spermatozoïdes peuvent être congelés.
Dans le cadre de la recherche, des expériences ont déjà été réalisées sur des souris, mais, comme on l'a déjà souligné, il est d'avis qu'avant d'appliquer de telles techniques au niveau clinique, il convient de détecter les risques éventuels en procédant à des recherches sur le matériel, en l'occurrence l'embryon humain.
Il cite l'exemple des Pays-Bas, où les fécondations effectuées avec du sperme humain étaient interdites jusqu'à ce que l'on ait procédé à un programme-test sur des souris. Selon lui, ce serait une erreur d'évaluer les risques éventuels de la technique sur la simple base de ces expériences sans procéder à des essais sur des embryons humains.
M. D'Hooghe déclare qu'il ne souhaite pas se prononcer sur le projet actuellement mené à Gand. Il croit toutefois savoir que ces recherches ont été approuvées à la plus petite majorité par le comité d'éthique local. En outre, il se demande encore et toujours si, avant de créer des embryons, l'on a été jusqu'au bout de la recherche sur l'état d'ovules décongelés et portés à maturité. Enfin, il persiste à croire que de nombreuses données auraient pu être obtenues en procédant à un programme-test sur des primates.
M. Dhont répond à cette dernière question qu'aucun primate n'est disponible à des fins de recherche.
Un membre souhaite recevoir d'avantage d'informations sur le projet actuellement en cours à Gand. Combien d'embryons ont été créés ? Combien de temps sont-ils maintenus en vie ? De combien de temps le centre aura-t-il besoin avant de pouvoir appliquer la technique au niveau clinique ? Au vu de l'objectif poursuivi, certainement louable, n'est-il pas invraisemblable que des projets de recherche comparables aient été arrêtés à l'étranger ? Ne pourrait-on pas se baser sur quelques-unes de ces données ?
M. Dhont souligne qu'il existe une littérature scientifique étrangère portant sur des grossesses découlant d'ovules portés à maturité in vitro. Il existe également des données portant sur des projets dans lesquels des ovules portés à maturité ont été congelés, décongelés et implantés. Le nombre de cas est toutefois très limité et concerne des techniques directement appliquées sans recherche préalable sur les embryons. Aucune recherche connue n'a permis d'obtenir les mêmes résultats que le projet gantois.
L'un des principaux avantages de la recherche en laboratoire est précisément de pouvoir travailler sur des quantités suffisamment importantes pour obtenir des résultats significatifs. Dans la recherche gantoise, entre 100 et 200 ovules ont été congelés, décongelés et portés à maturité. Dans de tels travaux de recherche, il convient de créer au moins 100 embryons pour obtenir des résultats fiables. La recherche porte entre autres sur les caractéristiques morphologiques des embryons. Ces derniers sont également comparés aux embryons obtenus par la fécondation in vitro ordinaire.
Une intervenante ne nie pas que les propos de M. Dhont, selon lequel des embryons humains constituent une alternative valable pour les embryons de primates, l'ont choquée. Quoi qu'il en soit, un embryon humain est un être humain en puissance, tandis qu'un embryon de primate est un singe en puissance. D'un point de vue éthique, la différence est de taille, le premier ayant une plus-value par rapport au second.
M. Dhont estime qu'il ne s'est pas exprimé en ces termes. L'embryon humain doit sa valeur au potentiel qu'il porte en lui pour donner un enfant aux deux personnes desquelles proviennent les gamètes. L'implication d'embryons dans des recherches effectuées dans ce but s'avère donc justifié. Pour lui, un chimpanzé (dans le cas ou l'on sacrifie un chimpanzé dans un but de recherches qui aurait pu être atteint de façon meilleure et plus efficace si l'on avait créé des embryons humains dans le cadre du diagnostic préimplantatoire) a plus de valeur qu'un embryon dans une éprouvette, fût-il humain. On débouche toutefois ici sur un plan religieux et philosophique.
Une autre intervenante est d'avis que la discussion n'est pas uniquement d'ordre religieux ou philosophique. Elle porte sur l'échelle de valeur générale qu'utilise la société.
Elle souhaite ensuite savoir si M. D'Hooghe peut fournir un complément d'informations lorsqu'il prétend que la recherche au niveau du diagnostic préimplantatoire peut être effectuée à 99,9 % en dehors de l'embryon.
M. D'Hooghe abonde dans le sens de la première remarque de l'intervenante précédente. La disposition de l'article 18 ne figure pas dans la convention parce que l'une ou l'autre tendance religieuse prédominait au sein du Conseil de l'Europe. Le texte repose toutefois clairement sur une échelle de valeurs généralement reconnues dans les pays ayant participé aux négociations.
Le développement et la vérification des nouvelles techniques de dépistage dans le cadre du diagnostic préimplantatoire sont en effet fréquemment invoqués comme un argument plaidant en faveur de la recherche sur des embryons. Actuellement toutefois, certaines techniques permettent de détecter des anomalies héréditaires dans des cellules (cellules cutanées, ovules, spermatozoïdes, ...) provenant de personnes porteuses de la maladie. On possède les connaissances permettant de multiplier ces techniques au niveau unicellulaire sans devoir recourir à des embryons.
Reste le tout dernier stade où force est de prélever une cellule de l'embryon pour examiner dans les heures qui suivent s'il est atteint par la maladie mais, là, nous nous trouvons déjà dans la phase clinique où l'on utilise des embryons créés dans le cadre de la fécondation in vitro.
La présidente remercie les deux orateurs de leurs exposés empreints de franchise.
CONVENTION POUR LA PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME ET DE LA DIGNITÉ DE L'ÊTRE HUMAIN À L'ÉGARD DES APPLICATIONS DE LA BIOLOGIE ET DE LA MÉDECINE :
Convention sur les Droits de l'Homme et la biomédecine
Oviedo, 4 avril 1997
Préambule
Les États membres du Conseil de l'Europe, les autres États et la Communauté européenne signataires de la présente Convention.
Considérant la Déclaration universelle des Droits de l'Homme, proclamée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1948;
Considérant la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales du 4 novembre 1950;
Considérant la Charte sociale européenne du 18 octobre 1961;
Considérant le Pacte international sur les Droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966.
Considérant la Convention pour la protection de l'individu à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel du 28 janvier 1981;
Considérant également la Convention relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989;
Considérant que le but du Conseil de l'Europe est de réaliser une union plus étroite entre ses membres, et que l'un des moyens d'atteindre ce but est la sauvegarde et le développement des droits de l'homme et des libertés fondamentales;
Conscients des rapides développements de la biologie et de la médecine;
Convaincus de la nécessité de respecter l'être humain à la fois comme individu et dans son appartenance à l'espèce humaine et reconnaissant l'importance d'assurer sa dignité;
Conscients des actes qui pourraient mettre en danger la dignité humaine par un usage impropre de la biologie et de la médecine;
Affirmant que les progrès de la biologie et de la médecine doivent être utilisés pour le bénéfice des générations présentes et futures;
Soulignant la nécessité d'une coopération internationale pour que l'Humanité tout entière bénéficie de l'apport de la biologie et de la médecine;
Reconnaissant l'importance de promouvoir un débat public sur les questions posées par l'application de la biologie et de la médecine et sur les réponses à y apporter;
Désireux de rappeler à chaque membre du corps social ses droits et ses responsabilités;
Prenant en considération les travaux de l'Assemblée parlementaire dans ce domaine, y compris la Recommandation 1160 (1991) sur l'élaboration d'une Convention de bioéthique;
Résolus à prendre, dans le domaine des applications de la biologie et de la médecine, les mesures propres à garantir la dignité de l'être humain et les droits et libertés fondamentaux de la personne;
Sont convenus de ce qui suit :
Chapitre I Dispositions générales
Article 1 Objet et finalité
Les Parties à la présente Convention protègent l'être humain dans sa dignité et son identité et garantissent à toute personne, sans discrimination, le respect de son intégrité et de ses autres droits et libertés fondamentales à l'égard des applications de la biologie et de la médecine.
Chaque Partie prend dans son droit interne les mesures nécessaires pour donner effet aux dispositions de la présente Convention.
Article 2 Primauté de l'être humain
L'intérêt et le bien de l'être humain doivent prévaloir sur le seul intérêt de la société ou de la science.
Article 3 Accès équitable aux soins de santé
Les Parties prennent, compte tenu des besoins de santé et des ressources disponibles, les mesures appropriées en vue d'assurer, dans leur sphère de juridiction, un accès équitable à des soins de santé de qualité appropriée.
Article 4 Obligations professionnelles et règles de conduite
Toute intervention dans le domaine de la santé, y compris la recherche, doit être effectuée dans le respect des normes et obligations professionnelles, ainsi que des règles de conduite applicables en l'espèce.
Chapitre II Consentement
Article 5 Règle générale
Une intervention dans le domaine de la santé ne peut être effectuée qu'après que la personne concernée y a donné son consentement libre et éclairé.
Cette personne reçoit préalablement une information adéquate quant au but et à la nature de l'intervention ainsi que quant à ses conséquences et ses risques.
La personne concernée peut, à tout moment, librement retirer son consentement.
Article 6 Protection des personnes n'ayant pas la capacité de consentir
1. Sous réserve des articles 17 et 20, une intervention ne peut être effectuée sur une personne n'ayant pas la capacité de consentir, que pour son bénéfice direct.
2. Lorsque, selon la loi, un mineur n'a pas la capacité de consentir à une intervention, celle-ci ne peut être effectuée sans l'autorisation de son représentant, d'une autorité ou d'une personne ou instance désignée par la loi.
L'avis du mineur est pris en considération comme un facteur de plus en plus déterminant, en fonction de son âge et de son degré de maturité.
3. Lorsque, selon la loi, un majeur n'a pas, en raison d'un handicap mental, d'une maladie ou pour un motif similaire, la capacité de consentir à une intervention, celle-ci ne peut être effectuée sans l'autorisation de son représentant, d'une autorité ou d'une personne ou instance désignée par la loi.
La personne concernée doit dans la mesure du possible être associée à la procédure d'autorisation.
4. Le représentant, l'autorité, la personne ou l'instance mentionnés aux paragraphes 2 et 3 reçoivent, dans les mêmes conditions, l'information visée à l'article 5.
5. L'autorisation visée aux paragraphes 2 et 3 peut, à tout moment, être retirée dans l'intérêt de la personne concernée.
Article 7 Protection des personnes souffrant d'un trouble mental
La personne qui souffre d'un trouble mental grave ne peut être soumise, sans son consentement, à une intervention ayant pour objet de traiter ce trouble que lorsque l'absence d'un tel traitement risque d'être gravement préjudiciable à sa santé et sous réserve des conditions de protection prévues par la loi comprenant des procédures de surveillance et de contrôle ainsi que des voies de recours.
Article 8 Situations d'urgence
Lorsqu'en raison d'une situation d'urgence, le consentement approprié ne peut être obtenu, il pourra être procédé immédiatement à toute intervention médicalement indispensable pour le bénéfice de la santé de la personne concernée.
Article 9 Souhaits précédemment exprimés
Les souhaits précédemment exprimés au sujet d'une intervention médicale par un patient qui, au moment de l'intervention, n'est pas en état d'exprimer sa volonté seront pris en compte.
Chapitre III Vie privée et droit à l'information
Article 10 Vie privée et droit à l'information
1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée s'agissant des informations relatives à sa santé.
2. Toute personne a le droit de connaître toute information recueillie sur sa santé. Cependant, la volonté d'une personne de ne pas être informée doit être respectée.
3. À titre exceptionnel, la loi peut prévoir, dans l'intérêt du patient, des restrictions à l'exercice des droits mentionnés au paragraphe 2.
Chapitre IV Génome humain
Article 11 Non-discrimination
Toute forme de discrimination à l'encontre d'une personne en raison de son patrimoine génétique est interdite.
Article 12 Tests génétiques prédictifs
Il ne pourra être procédé à des tests prédictifs de maladies génétiques ou permettant soit d'identifier le sujet comme porteur d'un gène responsable d'une maladie soit de dé tecter une prédisposition ou une susceptibilité génétique à une maladie qu'à des fins médicales ou de recherche médicale, et sous réserve d'un conseil génétique approprié.
Article 13 Interventions sur le génome humain
Une intervention ayant pour objet de modifier le génome humain ne peut être entreprise que pour des raisons préventives, diagnostiques ou thérapeutiques et seulement si elle n'a pas pour but d'introduire une modification dans le génome de la descendance.
Article 14 Non-sélection du sexe
L'utilisation des techniques d'assistance médicale à la procréation n'est pas admise pour choisir le sexe de l'enfant à naître, sauf en vue d'éviter une maladie héréditaire grave liée au sexe.
Chapitre V Recherche scientifique
Article 15 Règle générale
La recherche scientifique dans le domaine de la biologie et de la médecine s'exerce librement sous réserve des dispositions de la présente Convention et des autres dispositions juridiques qui assurent la protection de l'être humain.
Article 16 Protection des personnes se prêtant à une recherche
Aucune recherche ne peut être entreprise sur une personne à moins que les conditions suivantes ne soient réunies :
i) il n'existe pas de méthode alternative à la recherche sur des êtres humains, d'efficacité comparable,
ii) les risques qui peuvent être encourus par la personne ne sont pas disproportionnés par rapport aux bénéfices potentiels de la recherche,
iii) le projet de recherche a été approuvé par l'instance compétente, après avoir fait l'objet d'un examen indépendant sur le plan de sa pertinence scientifique, y compris une évaluation de l'importance de l'objectif de la recherche, ainsi que d'un examen pluridisciplinaire de son acceptabilité sur le plan éthique,
iv) la personne se prêtant à une recherche est informée de ses droits et des garanties prévues par la loi pour sa protection,
v) le consentement visé à l'article 5 a été donné expressément, spécifiquement et est consigné par écrit. Ce consentement peut, à tout moment, être librement retiré.
Article 17 Protection des personnes qui n'ont pas la capacité de consentir à une recherche
1. Une recherche ne peut être entreprise sur une personne n'ayant pas, conformément à l'article 5, la capacité d'y consentir que si les conditions suivantes sont réunies :
i) les conditions énoncées à l'article 16, alinéas i à iv, sont remplies;
ii) les résultats attendus de la recherche comportent un bénéfice réel et direct pour sa santé;
iii) la recherche ne peut s'effectuer avec une efficacité comparable sur des sujets capables d'y consentir;
iv) l'autorisation prévue à l'article 6 a été donnée spécifiquement et par écrit, et
v) la personne n'y oppose pas de refus.
2. A titre exceptionnel et dans les conditions de protection prévues par la loi, une recherche dont les résultats attendus ne comportent pas de bénéfice direct pour la santé de la personne peut être autorisée si les conditions énoncées aux alinéas i, iii, iv et v du paragraphe 1 ci-dessus ainsi que les conditions supplémentaires suivantes sont réunies :
i) la recherche a pour objet de contribuer, par une amélioration significative de la connaissance scientifique de l'état de la personne, de sa maladie ou de son trouble, à l'obtention, à terme, de résultats permettant un bénéfice pour la personne concernée ou pour d'autres personnes dans la même catégorie d'âge ou souffrant de la même maladie ou trouble ou présentant les mêmes caractéristiques,
ii) la recherche ne présente pour la personne qu'un risque minimal et une contrainte minimale.
Article 18 Recherche sur les embryons in vitro
1. Lorsque la recherche sur les embryons in vitro est admise par la loi, celle-ci assure une protection adéquate de l'embryon.
2. La constitution d'embryons humains aux fins de recherche est interdite.
Chapitre VI Prélèvement d'organes et de tissus sur des donneurs vivants à des fins de transplantation
Article 19 Règle générale
1. Le prélèvement d'organes ou de tissus aux fins de transplantation ne peut être effectué sur un donneur vivant que dans l'intérêt thérapeutique du receveur et lorsque l'on ne dispose pas d'organe ou de tissu appropriés d'une personne décédée ni de méthode thérapeutique alternative d'efficacité comparable.
2. Le consentement visé à l'article 5 doit avoir été donné expressément et spécifiquement, soit par écrit soit devant une instance officielle.
Article 20 Protection des personnes qui n'ont pas la capacité de consentir au prélèvement d'organe
1. Aucun prélèvement d'organe ou de tissu ne peut être effectué sur une personne n'ayant pas la capacité de consentir conformément à l'article 5.
2. À titre exceptionnel et dans les conditions de protection prévues par la loi, le prélèvement de tissus régénérables sur une personne qui n'a pas la capacité de consentir peut être autorisé si les conditions suivantes sont réunies :
i) on ne dispose pas d'un donneur compatible jouissant de la capacité de consentir,
ii) le receveur est un frère ou une soeur du donneur,
iii) le don doit être de nature à préserver la vie du receveur,
iv) l'autorisation prévue aux paragraphes 2 et 3 de l'article 6 a été donnée spécifiquement et par écrit, selon la loi et en accord avec l'instance compétente,
v) le donneur potentiel n'y oppose pas de refus.
Chapitre VII Interdiction du profit et utilisation d'une partie du corps humain
Article 21 Interdiction du profit
Le corps humain et ses parties ne doivent pas être, en tant que tels, source de profit.
Article 22 Utilisation d'une partie du corps humain prélevée
Lorsqu'une partie du corps humain a été prélevée au cours d'une intervention, elle ne peut être conservée et utilisée dans un but autre que celui pour lequel elle a été prélevée que conformément aux procédures d'information et de consentement appropriées.
Chapitre VIII Atteinte aux dispositions de la Convention
Article 23 Atteinte aux droits ou principes
Les Parties assurent une protection juridictionnelle appropriée afin d'empêcher ou faire cesser à bref délai une atteinte illicite aux droits et principes reconnus dans la présente Convention.
Article 24 Réparation d'un dommage injustifié
La personne ayant subi un dommage injustifié résultant d'une intervention a droit à une réparation équitable dans les conditions et selon les modalités prévues par la loi.
Article 25 Sanctions
Les Parties prévoient des sanctions appropriées dans les cas de manquement aux dispositions de la présente Convention.
Chapitre IX Relation de la présente Convention avec d'autres dispositions
Article 26 Restrictions à l'exercice des droits
1. L'exercice des droits et les dispositions de protection contenus dans la présente Convention ne peuvent faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sûreté publique, à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé publique ou à la protection des droits et libertés d'autrui.
2. Les restrictions visées à l'alinéa précédent ne peuvent être appliquées aux articles 11, 13, 14, 16, 17, 19, 20 et 21.
Article 27 Protection plus étendue
Aucune des dispositions de la présente Convention ne sera interprétée comme limitant ou portant atteinte à la faculté pour chaque Partie d'accorder une protection plus étendue à l'égard des applications de la biologie et de la médecine que celle prévue par la présente Convention.
Chapitre X Débat public
Article 28 Débat public
Les Parties à la présente Convention veillent à ce que les questions fondamentales posées par les développements de la biologie et de la médecine fassent l'objet d'un débat public approprié à la lumière, en particulier, des implications médicales, sociales, économiques, éthiques et juridiques pertinentes, et que leurs possibles applications fassent l'objet de consultations appropriées.
Chapitre XI Interprétation et suivi de la Convention
Article 29 Interprétation de la Convention
La Cour européenne des droits de l'homme peut donner, en dehors de tout litige concret se déroulant devant une juridiction, des avis consultatifs sur des questions juridiques concernant l'interprétation de la présente Convention à la demande :
du Gouvernement d'une Partie, après en avoir informé les autres Parties,
du Comité institué par l'article 32, dans sa composition restreinte aux Représentants des Parties à la présente Convention, par décision prise à la majorité des deux tiers des voix exprimées.
Article 30 Rapports sur l'application de la Convention
Toute Partie fournira, sur demande du Secrétaire Général du Conseil de l'Europe, les explications requises sur la manière dont son droit interne assure l'application effective de toutes les dispositions de cette Convention.
Chapitre XII Protocoles
Article 31 Protocoles
Des Protocoles peuvent être élaborés conformément aux dispositions de l'article 32, en vue de développer, dans des domaines spécifiques, les principes contenus dans la présente Convention.
Les Protocoles sont ouverts à la signature des Signataires de la Convention. Ils seront soumis à ratification, acceptation ou approbation. Un signataire ne peut ratifier, accepter ou approuver les protocoles sans avoir antérieurement ou simultanément ratifié accepté ou approuvé la Convention.
Chapitre XIII Amendements à la Convention
Article 32 Amendements à la Convention
1. Les tâches confiées au « Comité » dans le présent article et dans l'article 29 sont effectuées par le Comité Directeur pour la bioéthique (CDBI), ou par tout autre comité désigné à cette fin par le Comité des Ministres.
2. Sans préjudice des dispositions spécifiques de l'article 29, tout État membre du Conseil de l'Europe ainsi que toute Partie à la présente Convention qui n'est pas membre du Conseil de l'Europe peut se faire représenter au sein du Comité, lorsque celui-ci accomplit les tâches confiées par la présente Convention, et y dispose d'une voix.
3. Tout État visé à l'article 33 ou invité à adhérer à la Convention conformément aux dispositions de l'article 34, qui n'est pas Partie à la présente Convention, peut désigner un observateur auprès du Comité. Si la Communauté européenne n'est pas Partie, elle peut désigner un observateur auprès du Comité.
4. Afin de tenir compte des évolutions scientifiques, la présente Convention fera l'objet d'un examen au sein du Comité dans un délai maximum de cinq ans après son entrée en vigueur, et par la suite à des intervalles que le Comité pourra déterminer.
5. Toute proposition d'amendement à la présente Convention ainsi que toute proposition de protocole ou d'amendement à un Protocole, présentée par une Partie, par le Comité ou le Comité des Ministres, est communiquée au Secrétaire général du Conseil de l'Europe et transmise par ses soins aux États membres du Conseil de l'Europe, à la Communauté européenne, à tout signataire, à toute Partie, à tout État invité à signer la présente Convention conformément aux dispositions de l'article 33, et à tout État invité à y adhérer conformément aux dispositions de l'article 34.
6. Le Comité examine la proposition au plus tôt deux mois après qu'elle a été transmise par le Secrétaire général conformément au paragraphe 5. Le Comité soumet le texte adopté à la majorité des deux tiers des voix exprimées à l'approbation du Comité des Ministres. Après son approbation, ce texte est communiqué aux Parties en vue de sa ratification, son acceptation ou son approbation.
7. Tout amendement entrera en vigueur, à l'égard des Parties qui l'ont accepté, le premier jour du mois qui suit l'expiration d'une période d'un mois après la date à laquelle cinq Parties, y compris au moins quatre États membres du Conseil de l'Europe, auront informé le Secrétaire général qu'elles l'ont accepté.
Pour toute Partie qui l'aura accepté ultérieurement, l'amendement entrera en vigueur le premier jour du mois qui suit l'expiration d'une période d'un mois après la date à laquelle ladite Partie aura informé le Secrétaire général de son acceptation.
Chapitre XIV Clauses finales
Article 33 Signature, ratification et entrée en vigueur
1. La présente Convention est ouverte à la signature des États membres du Conseil de l'Europe, des États non membres qui ont participé à son élaboration et de la Communauté européenne.
2. La présente Convention sera soumise à ratification, acceptation ou approbation. Les instruments de ratification, d'acceptation ou d'approbation seront déposés près le Secrétaire général du Conseil de l'Europe.
3. La présente Convention entrera en vigueur le premier jour du mois qui suit l'expiration d'une période de trois mois après la date à laquelle cinq États, incluant au moins quatre États membres du Conseil de l'Europe, auront exprimé leur consentement à être liés par la Convention, conformément aux dispositions du paragraphe précédent.
4. Pour tout signataire qui exprimera ultérieurement son consentement à être lié par la Convention, celle-ci entrera en vigueur le premier jour du mois qui suit l'expiration d'une période de trois mois après la date du dépôt de son instrument de ratification, d'acceptation ou d'approbation.
Article 34 États non membres
1. Après l'entrée en vigueur de la présente Convention, le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe pourra, après consultation des Parties, inviter tout État non membre du Conseil de l'Europe à adhérer à la présente Convention par une décision prise à la majorité prévue à l'article 20, alinéa d, du Statut du Conseil de l'Europe et à l'unanimité des voix des représentants des États contractants ayant le droit de siéger au Comité des Ministres.
2. Pour tout État adhérent, la Convention entrera en vigueur le premier jour du mois qui suit l'expiration d'une période de trois mois après la date du dépôt de l'instrument d'adhésion près le Secrétaire général du Conseil de l'Europe.
Article 35 Application territoriale
1. Tout signataire peut, au moment de la signature ou au moment du dépôt de son instrument de ratification, d'acceptation ou d'approbation, désigner le territoire ou les territoires auxquels s'appliquera la présente Convention. Tout autre État peut formuler la même déclaration au moment du dépôt de son instrument d'adhésion.
2. Toute Partie peut, à tout moment par la suite, par une déclaration adressée au Secrétaire général du Conseil de l'Europe, étendre l'application de la présente Convention à tout autre territoire désigné dans la déclaration et dont elle assure les relations internationales ou pour lequel elle est habilitée à stipuler. La Convention entrera en vigueur à l'égard de ce territoire le premier jour du mois qui suit l'expiration d'une période de trois mois après la date de réception de la déclaration par le Secrétaire Général.
3. Toute déclaration faite en vertu des deux paragraphes précédents pourra être retirée, en ce qui concerne tout territoire désigné dans cette déclaration, par notification adressée au Secrétaire Général. Le retrait prendra effet le premier jour du mois qui suit l'expiration d'une période de trois mois après la date de réception de la notification par le Secrétaire général.
Article 36 Réserves
1. Tout État et la Communauté européenne peuvent, au moment de la signature de la présente Convention ou du dépôt de l'instrument de ratification, d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion, formuler une réserve au sujet d'une disposition particulière de la Convention, dans la mesure où une loi alors en vigueur sur son territoire n'est pas conforme à cette disposition. Les réserves de caractère général ne sont pas autorisées aux termes du présent article.
2. Toute réserve émise conformément au présent article comporte un bref exposé de la loi pertinente.
3. Toute Partie qui étend l'application de la présente Convention à un territoire désigné par une déclaration prévue en application du paragraphe 2 de l'article 35 peut, pour le territoire concerné, formuler une réserve, conformément aux dispositions des paragraphes précédents.
4. Toute Partie qui a formulé la réserve visée dans le présent article peut la retirer au moyen d'une déclaration adressée au Secrétaire général du Conseil de l'Europe. Le retrait prendra effet le premier jour du mois qui suit l'expiration d'une période d'un mois après la date de réception par le Secrétaire général.
Article 37 Dénonciation
1. Toute Partie peut, à tout moment, dénoncer la présente Convention en adressant une notification au Secrétaire général du Conseil de l'Europe.
2. La dénonciation prendra effet le premier jour du mois qui suit l'expiration d'une période de trois mois après la date de réception de la notification par le Secrétaire général.
Article 38 Notifications
Le Secrétaire général du Conseil de l'Europe notifiera aux États membres du Conseil, à la Communauté européenne, à tout signataire, à toute Partie et à tout autre État qui a été invité à adhérer à la présente Convention :
a) toute signature;
b) le dépôt de tout instrument de ratification, d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion;
c) toute date d'entrée en vigueur de la présente Convention, conformément à ses articles 33 ou 34;
d) tout amendement ou protocole adopté conformément à l'article 32, et la date à laquelle cet amendement ou protocole entre en vigueur;
e) toute déclaration formulée en vertu des dispositions de l'article 35;
f) toute réserve et tout retrait de réserve formulés conformément aux dispositions de l'article 36;
g) tout autre acte, notification ou communication ayant trait à la présente Convention.
En foi de quoi, les soussignés, dûment autorisés à cet effet, ont signé la présente Convention.
Fait à Oviedo (Asturies), le 4 avril 1997, en français et en anglais, les deux textes faisant également foi, en un seul exemplaire qui sera déposé dans les archives du Conseil de l'Europe. Le Secrétaire général du Conseil de l'Europe en communiquera copie certifiée conforme à chacun des États membres du Conseil de l'Europe, à la Communauté européenne, aux États non membres qui ont participé à l'élaboration de la présente Convention, à tout État invité à adhérer à la présente Convention.
PROJET DE RAPPORT EXPLICATIF AU PROJET DE CONVENTION SUR LES DROITS DE L'HOMME ET LA BIOMÉDECINE
Cette annexe est uniquement disponible sur support papier.
COMITÉ CONSULTATIF DE BIOÉTIQUE : AVIS Nº 2 CONCERNANT LA CONVENTION DE L'HOMME ET BIOMÉDECINE DU CONSEIL DE L'EUROPE
Demande d'avis des ministres Colla et De Clerck concernant le projet de Convention Bioéthique du Conseil de l'Europe ainsi qu'une analyse des suites de la signature de ce texte pour la législation belge.
Remarques préalables
Le Comité n'a pas pu arriver à un consensus concernant la façon dont la mission des ministres Colla et De Clerck serait interprétée et mise en oeuvre.
Deux groupes se sont constitués, qui ont bien conscience que ni la Convention ni le Rapport Explicatif ne peuvent être amendés. Les deux groupes sont préoccupés par les suites de la signature et de la ratification. Mais un groupe est assez satisfait et en accord, dans l'ensemble, avec le texte de la Convention. Il a estimé dès lors qu'il y avait lieu principalement de se concentrer sur l'analyse des suites d'une éventuelle signature et ratification de la Convention par rapport au droit belge. L'autre groupe a estimé nécessaire d'analyser d'un point de vue éthique et philosophique le texte de la Convention préalablement, car il avait des réserves concernant certaines dispositions de la Convention quant aux suites d'une éventuelle signature et ratification.
Bien qu'en désaccord avec la façon d'appréhender le problème de ce dernier groupe, les remarques y formulées ont été examinées par les autres membres qui, les prenant en considération, ont veillé à rendre compréhensibles les différentes approches idéologiques du texte de la Convention.
Tout ceci nous mène à trois approches. La première se limite à une analyse des suites de la signature de la Convention pour la législation belge. Les deux autres se situent davantage dans le contexte philosophique et éthique.
Le Comité s'est aussi inquiété du sort à réserver au rapport explicatif (RE) qui, en droit, ne fait pas partie intégrante de la Convention et n'est donc pas ratifié en tant que tel. Néanmoins, il est d'usage de s'y référer pour éclairer l'interprétation de la Convention. Or le texte du RE comporte un tel nombre de points soulevant débat qu'il a été décidé de ne pas y faire référence dans l'avis. Tout au plus, un certain nombre de remarques seront faites dans le rapport à l'occasion de l'examen de certains articles.
1. Une analyse des suites de la signature de la Convention pour la législation belge (demande d'avis des ministres le 6 août 1996)
Les membres qui ont focalisé leur attention sur l'analyse des conséquences juridiques estiment que, comme mentionné par les ministres dans leur deuxième lettre (le 28 novembre 1996), cette convention peut servir de base pour une législation éventuelle concernant les domaines qu'elle touchera.
Ces membres estiment que la Convention reflète et confirme la volonté, existant déjà depuis longtemps, de trouver la formulation du consensus minimal au-delà des frontières étatiques et philosophiques dans les divers États membres du Conseil de l'Europe à propos des diverses questions que pose la bioéthique. Dans une large mesure, la Convention est (et n'est pas plus qu') une codification de convictions déjà existantes. Pour les États membres où la réflexion sur ces questions n'a jusqu'à présent pas été approfondie ou à peine (par exemple, les nouveaux États membres issus du Bloc de l'Est et dans une certaine mesure la Belgique), cette Convention peut être considérée comme un stimulant à cette réflexion sur le plan national.
Sous ces deux angles (codification et stimulant en vue de la poursuite de la discussion), la Convention répond à une nécessité à laquelle a souscrit l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.
À l'instar de la Convention européenne des Droits de l'Homme du Conseil de l'Europe, cette Convention sera un instrument « vivant », c'est-à-dire que ses dispositions pourront être interprétées et appliquées à des situations qui n'existaient pas au moment de l'adoption de la Convention. On peut indiquer l'incidence d'une éventuelle ratification de la Convention sur la législation belge. Une telle analyse article par article se trouve dans le rapport annexé au présent avis.
2. Une analyse ethico-philosophique :un avis éthique en divergences
2.1. Les orientations de fond de la Convention
Bien que personne ne remette le principe de la Convention en question, l'étude de son contenu peut faire apparaître d'une part des différences d'interprétations mais aussi de profondes divergences quant au bien fondé des orientations éthiques fondamentales de la Convention.
2.1.1. Droits de l'Homme, Liberté, Dignité Humaine
Les uns affirment qu'il faut rappeler que l'esprit de la Déclaration des Droits de l'Homme (DH) au nom duquel la Convention est déclarée, peut protéger des personnes au sens d'individus, sinon adultes, du moins nés : protéger l'embryon ou des entités encore plus éloignées de l'individu (ou des collectifs d'individus vulnérables), tel le génome humain, n'a jamais été à l'ordre du jour des textes fondamentaux des DH. La valeur fondamentale des textes DH de base est d'abord la liberté de l'individu (spécialement, Déclarations de 1789 et 1948 : Art. 1); la valeur fondatrice de la Convention est la dignité de l'être humain. Si l'on postule qu'il revient à chaque individu de décider de ce qui relève de sa dignité, la continuité est assurée. Mais si l'on estime qu'il convient de protéger les individus et les collectivités contre des atteintes à la « dignité » de l'être humain malgré eux et même contre leur propre volonté, toutes les limitations deviennent possibles au nom des « vraies valeurs ». Le danger est qu'une fraction de la société (ou de l'humanité, par exemple une communauté religieuse ou une tendance idéologique) définisse et impose aux autres sa conception de la dignité de l'être humain. L'important est moins la priorité entre la dignité que leur respect réciproque : l'exercice de la liberté dans le respect de l'autonomie d'autrui.
D'autres membres sont d'avis que le concept de « dignité humaine » correspond à des tendances dans le cadre de la cooperation internationale à promouvoir la personne humaine dans toutes ses dimensions et ses relations. Quoique l'éthique définisse ces dimensions d'une façon large, on peut en référer aux valeurs fondamentales de la personne humaine, par exemple sa subjectivité, son intersubjectivité et sa solidarité. Ces valeurs fondamentales nous aident à juger si une législation ou une loi est moralement acceptable, c'est-à-dire si elle a pour but la promotion de la personne humaine dans son intégralité. Le concept « dignité humaine » est donc par excellence un concept éthique. Il implique une mise en garde contre les tendances parfois excessives de l'autodétermination de l'individu. Il est aussi très clair que la Convention qui a pour but l'épanouissement de la personne humaine tant morale que physique, fait parfois des restrictions lorsque cet épanouissement pourrait nuire à d'autres personnes. Ces membres du Comité soulignent que dans les textes de base concernant les Droits de l'Homme, plus particulièrement dans le Début de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme (1948) et des Pactes internationaux concernant les droits civils et politiques ainsi que les droits économiques, sociaux et culturels (tous les deux datent de 1966), le concept « dignité de la personne » est proposé comme principe fondateur de « la liberté, la justice et la paix dans le monde ». La doctrine des Droits de l'Homme exprime dans le concept « dignité » l'unique, irremplaçable caractère de l'être humain. À cause de l'unique et de l'irremplaçable de chaque homme, la dignité est ainsi fondation du principe d'inviolabilité (important pour l'intégrité physique) et du principe que l'être humain doit ête considéré dans la société toujours comme but et jamais seulement comme objet de quelque instrumentalisation (et commercialisation).
2.1.2. L'application des principes généraux
Certains membres soulignent que la Convention déclare s'inscrire dans la ligne de la Déclaration des Droits de l'Homme, c'est-à-dire dans une vision universaliste, cherchant à dégager des principes faisant l'objet d'un large consensus à l'échelle de la culture européenne tout au moins, à celle de la planète si possible. Cet objectif même est estimé comme une gageure tant il est inhérent aux questions bioéthiques d'être conflictuelles, de générer des conflits de valeurs. En effet, la bioéthique est une activité de réflexion destinée à dégager des solutions concrètes à des problèmes conflictuels nés du développement des sciences de la vie et des techniques y afférant. Le moins que l'on puisse dire, à la lecture générale du document, est qu'il n'a pas été fait de travail de cette ampleur. Le texte touche à une série de domaines, très importants certes mais ne donne pas une impression de dégager une ligne structurée et universaliste. Concrètement, des pans entiers et très importants sont, soit inexistants, soit évoqués d'une manière tellement vague qu'elle permet des interprétations si larges que la Convention n'indique pas de voie claire et qu'elle n'aura probablement aucun impact réel sur la réalité du terrain. À d'autres endroits par contre, la Convention prend parti de manière très précise alors que le consensus n'existe pas.
D'autres membres confirment que la Convention contient une série de sujets dont la cohérence et la logique ne sont pas toujours claires. Si la recherche médicale et le génome humain sont abordés d'une manière plus ou moins approfondie, d'autres sujets (le prélèvement d'organes du donneur décédé et d'autres domaines comme les décisions médicales en fin de vie) ne sont pas mentionnés. Ils estiment néanmoins que ceci est compréhensible dans l'approche d'une éthique dynamique qui essaie de réaliser au mieux le bonheur de l'homme. Une éthique normative s'intéresse en effet à l'épanouissement de la personne humaine en décrivant celle-ci dans ses dimensions et relations les plus larges. La réalité est néanmoins limitée et relative, ce qui provoque que l'on ne peut essayer que réaliser « le meilleur humain possible ». Ils estiment que cette dynamique est présente dans la Convention, notamment par le fait qu'elle peut être réexaminée tous les cinq ans.
2.2. Remarques générales sur les chapitres et articles de la Convention
Sans reprendre l'ensemble des commentaires article par article que le lecteur retrouvera dans le rapport du groupe de travail, on peut regrouper les articles de la Convention sous deux constats, les constats consensuels et les constats non consensuels.
2.2.1. Constats consensuels
La Convention a largement développé et d'une manière heureuse :
le consentement du patient à une intervention dans le domaine de la santé (chapitre II), y compris dans le cas des incapables et dans les situations d'urgence;
le consentement du sujet qui se prête à une recherche dans le domaine de la santé (chap. V), y compris dans le cas des incapables;
le prélèvement d'organes et de tissus sur des donneurs vivants à des fins de transplantation.
Tant le niveau de développement de ces questions que les options qui ont été prises ont été jugés opportuns et ont fait l'objet d'une approbation du Comité.
Il a également été considéré que la Convention a ébauché des pistes intéressantes, mais pour certains membres d'une manière trop vague et tellement générale qu'elles n'auraient aucune efficacité concrète. Il s'agit des articles portant sur :la primauté de l'être humain (article 2), l'accès équitable aux soins de santé (article 3), les obligations professionnelles et les règles de conduite médicales (article 4), la vie privée et le droit à l'information (chapitre III), la non discrimination et l'utilisation de tests prédictifs articles 11 & 12), l'interdiction du profit à partir du corps humain et de ses parties (article 21).
2.2.2. Constats non consensuels
Certains membres du Comité sont d'avis que la Convention a pris sur quelques points une position qui ne peut être jugée acceptable dans une société plurliste et qui ne correspond certainement pas à des positions consensuelles dans nos sociétés occidentales. D'autres membres ne partagent pas cet avis et estiment que la Convention prend des positions très claires et nettes, qui mettent en évidence un consensus minimal pour les sociétés pluralistes dans lesquelles nous visons. Pour eux, il est certain que la Convention a cherché à dégager un large consensus sur les problèmes de valeur que pose la bioéthique.
Les points de désaccord les plus importants sont les suivants :
L'absence de reconnaissance du devoir d'expérimenter (chapitre 5)
Pour les uns, la Convention aurait du souligner la valeur éthique de l'expérimentation comme étape obligatoire vers un meilleur soulagement de la souffrance humaine. Pour les autres, elle incite à développer en Belgique une loi sur l'expérimentation médicale et la recherche scientifique.
L'égalité du droit de savoir et du droit de ne pas savoir (article 10)
Pour les uns, il serait éthique d'affirmer un « devoir de savoir » et de tirer du savoir disponible toutes les informations utiles à la santé du sujet et des tiers concernés. Dans cette vision, le droit de ne pas savoir qu'on entend proclamer depuis quelque temps en bioéthique ne peut être qu'une « exception revendiquée au nom de l'autonomie de chacun », parce que légitimant l'obscurantisme et l'irresponsabilité.
Pour les autres, parler en termes de droits en matière éthique est l'expression d'une approche rationaliste et individualiste. Pour eux, la valeur de l'autonomie n'est pas la seule valeur; il y a aussi l'intersubjectivité et la solidarité comme valeurs fondamentales. Chaque législation doit être évaluée du point de vue de la promotion de la personne humaine dans toutes ses dimensions et relations. Ils estiment d'ailleurs qu'une approche individualiste n'a pas d'arguments pour faire une distinction entre le droit de savoir et le droit de non-savoir, étant tous les deux légitimes du point de vue du respect de l'autonomie de l'individu.
Le poids excessif mis sur l'auto-détermination du patient (articles 5 à 10, 16, 17, 19 et 22)
Pour les uns, la valeur fondamentale est le respect de l'autonomie de l'individu. La Convention tend à couvrir des entités qui ne sont pas des personnes au sens d'individus déjà nés; elle utilise un vocabulaire particulièrement vague et problématique lorsqu'elle parle, sans définir, de la « personne ou de l'individu ou de l'être humain ».
Pour les autres, le risque existe d'exalter l'autonomie du sujet, pour très vite lui substituer des régimes dérogatoires (exception du principe du consentement) où le mécanisme traditionnel de protection du patient, en l'occurrence l'inviolabilité du corps humain qui postule que seule une intervention profitable à la santé du sujet justifie une atteinte à son intégrité, risque à son tour d'être gommé.
La condamnation sans nuance de la thérapie génique germinale (article 13)
Pour les uns le consensus très large de ne pas entreprendre actuellement de thérapie génique germinale est du à une motivation de sécurité sanitaire et pourrait disparaître dans le futur. Pour les autres, tout ceci est pris en considération par la Convention. Le fait que la Convention puisse être réexaminée tous les cinq ans, laisse la possibilité de revoir cet article.
La limitation de la recherche sur les embryons (article 18)
Le Comité n'a pu que constater des divergences d'interprétations du premier paragraphe.
Le deuxième paragraphe (interdiction de création d'embryons pour la recherche) a suscité de plus grandes divergences. Pour les uns, la production d'embryons humains pour la recherche peut s'avérer dans certains cas indispensable dans l'intérêt même des patients souffrant de stérilité ou atteints de maladies génétiques par exemple. Pour les autres, la création d'embryons humains pour la recherche serait l'expression d'une attitude radicalement utilitariste : la vie humaine ne serait plus respectée, voire même totalement instrumentalisée.
L'interdiction sans nuance de l'utilisation rétrospective de matériel pour le recherche (article 22)
Pour les uns, cet article 22, heureux dans son principe, est trop catégorique et pourrait mener à des absurdités. Cet article pourrait empêcher la recherche rétrospective. Les autres estiment qu'une régulation dans notre pays de la recherche scientifique pourra facilement intégrer cette possibilité.
La notion de protection plus étendue qui nie le caractère de conflit de valeurs et d'intérêts de la bioéthique (article 27)
Les uns rejettent l'esprit protectionniste de cet article, car il suggère qu'une protection accrue contre la biomédecine, vue trop souvent comme dangereuse, est toujours éthiquement justifiée, voire souhaitable. Pour les autres, des limitations sont nécessaires pour promouvoir la possibilité de réflexion afin de mieux pouvoir intégrer le progrès biomédical dans nos civilisations occidentales.
L'article 14 (sélection du sexe) n'a été que peu débattu puisqu'une Commission restreinte lui est consacrée par ailleurs. Le Comité demande le renvoi à l'avis concernant les Gender Clinics.
3. Conclusions
3.1. Avant toute chose, il faut souligner que certains membres ont estimé ne pas avoir à se prononcer sur l'opportunité pour la Belgique de signer la Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine, estimant qu'il s'agit d'une question juridico-politique pour laquelle le Comité n'est pas compétent. Ils soulignent que les ministres ne le demandent d'ailleurs pas.
3.2. Pour les autres, le désaccord sur le fond présenté ci-dessus se traduit logiquement par un désaccord quant à savoir quel serait l'impact d'une signature par notre pays de la Convention : pour certains, l'absence de consensus, les critiques à l'égard de certaines dispositions importantes contenues dans la Convention, les amènent à considérer que l'impact de la signature de celle-ci pourrait présenter des conséquences négatives quant à la recherche et au développement des sciences et des techniques biomédicales en Belgique. De ce fait, les intérêts de certains groupes de malades seraient menacés. Ils plaident plutôt pour l'intégration dans notre droit des éléments intéressants et consensuels relevés au point 2.2.1 en votant des lois spécifiques au niveau approprié.
D'autres membres sont d'avis que le gouvernement belge par sa signature de la Convention donnerait la preuve qu'il comprend l'importance de cette Convention pour les développements internationaux et humanitaires dans le domaine de la bioéthique. Ils plaident pour l'intégration de la Convention dans la législation belge. Il n'existe en effet dans notre pays presqu'aucune législation concernant les sujets bioéthiques à partir de laquelle on pourrait prendre une quelconque réserve concernant l'un ou l'autre article de la Convention. Il leur semble donc approprié d'insister auprès du législateur d'élaborer des lois concernant des sujets comme « l'expérimentation humaine », les « droits des patients », les « critères de qualité pour les centres de fécondation in vitro » et une actualisation de la régulation de l'expérimentation sur les animaux ».
Il faut néanmoins souligner qu'il existe une troisième voie utilisant l'article 36 de la Convention. Le législateur pourrait chercher des compromis acceptables sur les points de discorde et, ayant approuvé des textes préalablement à la signature de la Convention, il serait dans la situation de signer en prenant des réserves sur les points litigieux.
L'avis a été préparé en commission restreinte 96/6 constituée par Mmes M. Bonduelle, Ch. Hennau-Hublet, I. Kristoffersen, I. Liebaers, R. Winkler (co-présidente). M. A. André (co-rapporteur), G. Binamé, P.-Ph. Druet (décédé le 20.01.97), P.Y. Duchesne, E. Eggermont, Y Englert (membre du Bureau), G. Hottois, J.-L. Legat, H. Nys (co-président), R. Rega, P. Schotsmans (co-rapporteur), G. Storme.
L'avis a été rendu par le Comité lors de sa séance du 7 juillet 1997.
Les documents de travail de la Commission restreinte (compte rendus, réponses des membres concernant la question préalable, textes de discussion etc.) sont conservés sous forme d'Annexes nº 96/6 au centre de documentation du Comité, et peuvent y être consultés et copiés.
(1) Le Comité consultatif de bioéthique était représenté devant la commission par le professeur Van Orshoven, président; le professeur André, rapporteur, et les professeurs Winkler et Nys, coprésidents de la commission restreinte.
(2) Ch. Laruelle et Yvan Englert : Psychological study of in vitro fertilisation embryo transfer participants'attitudes toward the destiny of their supernumerary embryos , Fertility and Sterility, Vol. 63, No. 5, May 1995.