1-540/4

1-540/4

Sénat de Belgique

SESSION DE 1997-1998

3 JUIN 1998


Proposition de loi modifiant la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation


AVIS DU CONSEIL D'ÉTAT

L. 27.526/1 L. 27.527/1


Le CONSEIL D'ÉTAT, section de législation, première chambre, saisi par le Président du Sénat, le 17 mars 1998, d'une demande d'avis sur :

1º un proposition de loi « modifiant la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation » avec des amendements (L. 27.526/1);

2º un proposition de loi « modifiant la procédure d'octroi de facilités de paiement en matière de crédit à la consommation » (L. 27.527/1),

a donné le 30 avril 1998 l'avis suivant :

PORTEE DES PROPOSITIONS

1. La proposition de loi L. 27 526/1 soumis pour avis vise essentiellement à insérer dans la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation des dispositions concernant le cas où l'emprunteur n'est pas en mesure de respecter les obligations qui lui incombent et où le prêteur lui réclame en conséquence diverses sommes alourdissant souvent (1), avec un effet de type « boule de neige », les obligations contractuelles du consommateur emprunteur.

À l'exception de l'article 1er , les dispositions de la proposition de loi ont été « remplacées intégralement » par les amendements nºs 1, 2, 3 et 9 émanant de l'auteur de la proposition de loi. Le gouvernement a introduit les amendements nºs 4, 5, 6, 7 et 8 dans le but de compléter la proposition de loi (2).

2. La proposition de loi L. 27.527/1 se limite à assouplir la procédure d'octroi des facilités de paiement prévue par l'article 38 de la loi relative au crédit à la consommation et par les articles 1337bis à 1337octies du Code judiciaire, en mettant fin à l'obligation qui incombait au débiteur de demander préalablement des facilités de paiement au créancier, alors que le débiteur ne pouvait saisir le juge qu'en cas de refus ou d'absence de réaction du créancier (modification de l'article 1337bis par l'arti cle 2 de la proposition) ainsi qu'à la peine de nullité qui frappait la requête en l'absence de certaines mentions, mais en prévoyant une simple suspension de la procédure jusqu'à la communciation de ces informations (modification des articles 1337ter et 1337quater du Code judiciaire par les articles 3 et 4 de la proposition) (3).

EXAMEN DES TEXTES

L. 27.526/1

Amendement nº 1

1. Cet amendement vise à introduire dans la loi précitée du 12 juin 1991 une nouvelle sous-section intitulée « Des conséquences de la non-exécution du contrat de crédit par le consommateur ». Cette section consiste en un nouvel article 27bis .

La disposition proposée comprend une énumération limitative des paiements que le prêteur peut exiger du consommateur lorsque celui-ci ne respecte pas ses obligations.

Les versions française et néerlandaise de l'article 27bis proposé diffèrent tellement quant à leur contenu qu'il convient de déterminer dans un premier temps les intentions présumées de l'auteur de l'amendement.

En résumé, le texte français dispose que :

« En cas de résolution du contrat ou de déchéance du terme ... ou en cas de simple retard de paiement, aucun paiement autre que ceux indiqués ci-dessous ne peut être réclamé au consommateur. »

Ce texte envisage donc trois hypothèses : la résolution du contrat (y compris la résolution judiciaire en vertu de l'article 1184 du Code civil), la déchéance du terme et le simple retard de paiement.

Le texte néerlandais n'envisage que deux hypothèses : la résolution et la déchéance du terme. Dans cette version, le simple retard de paiement (« gewone wanbetaling » dans le texte néerlandais) est simplement considéré comme l'une des raisons donnant lieu à la résolution ou à la déchéance du terme.

Le texte néerlandais dispose en effet que :

« Bij de ontbinding of opeisbaar worden van de overeenkomst wegens de niet-uitvoering door de consument van zijn verbintenissen of wegens een gewone wanbetaling mag aan de consument geen andere betaling gevraagd worden dan ... ».

Le texte néerlandais de l'article 27bis proposé n'est pas compatible avec l'article 29 de la loi, même après modification de cette disposition par l'amendement nº 8 émanant du gouvernement.

Selon l'article 29, toute clause qui autorise le prêteur à exiger le paiement immédiat des versements à échoir ou qui prévoit une condition résolutoire expresse est « interdite » et réputée « non écrite ». Conformément à l'article 4, ces stipulations sont nulles puisqu'elles aggravent les obligations du consommateur.

Cette interdiction ne souffre que deux exceptions, précisées aux 1º et 2º de l'article 29 : la non-exécution grave de ses obligations (défaut de paiement de deux échéances ou d'une somme équivalente à 20 % du montant total à rembourser après mise en demeure formelle de l'emprunteur) et l'aliénation ou l'usage illicite d'un bien meuble corporel dont le prêteur s'est réservé la propriété. La déchéance du terme ou la résolution du contrat ne peuvent être prévus légalement que dans ces deux cas.

Tel qu'il est libellé dans l'amendement nº 1, le texte néerlandais du nouvel article 27bis proposé implique cependant que la résolution ou la déchéance du terme peuvent résulter de :

­ la « non-exécution de ses obligations par le consommateur » et du

­ « simple retard de paiement ».

Il en résulte une incompatibilité manifeste avec l'article 29, en vertu duquel une clause de résolution ou de déchéance du terme ne peut être prévue que dans deux cas.

Il y a lieu de conclure de la lecture de la justification de cet amendement que c'est la version française qui correspond le mieux aux intentions de l'auteur, c'est-à-dire que toutes les conséquences de l'inexécution du contrat de crédit sont traitées de la même façon, « qu'il s'agisse de la résolution du contrat, de la déchéance du terme ou d'un simple retard de paiement ».

2. Les termes « het opeisbaar worden van de overeenkomst » figurant dans le texte néerlandais se conçoivent avec difficulté en droit. Il y a lieu de traduire l'expression française « déchéance du terme » par « verval van de termijnbepaling » ou « termijnverval ».

De même, il serait préférable de traduire « simple retard de paiement » par « eenvoudige betalingsachterstand ».

3. Si l'hypothèse développée au sujet des intentions de l'auteur de l'amendement s'avérait exacte, il conviendrait de rédiger comme suit le texte néerlandais de l'article 27bis en projet :

« Bij de ontbinding van de overeenkomst of bij het verval van de termijnbepaling wegens de niet-uitvoering door de consument van zijn verbintenissen, of bij een eenvoudige betalingsachterstand, mag aan de consument geen andere betaling gevraagd worden dan die hieronder vermeld : ... ».

Amendement nº 2

Il convient de réécrire comme suit la phrase introductive du texte néerlandais : « Verboden is en als niet geschreven wordt beschouwd, elk beding dat ... ».

En cas d'adoption de l'amendement nº 4 émanant du gouvernement, il y aura lieu de modifier le nouvel article 28 en conséquence, et les mots « et frais » devront être insérés entre les mots « intérêts de retard » et « supérieurs à ».

Amendement nº 3

Cette disposition traite de la résolution ou de la déchéance du terme (à traduire par « verval van tijdsbepaling » dans le texte néerlandais et non par « vervroegde opeisbaarheid ») « en raison de la non-exécution de ses obligations par le consommateur ».

Pour les raisons exposées au cours de l'examen de l'amendement nº 1, cette disposition a uniquement trait aux cas suivants :

­ résolution en application d'une clause explicite conformément à l'article 29;

­ résolution judiciaire en vertu de l'article 1184 du Code civil;

­ déchéance du terme conformément à l'article 29.

Amendement nº 4

En cas d'adoption de cet amendement, il conviendra d'adapter les amendements nºs 1 et 2 en conséquence en insérant, où il se doit, les mots « et frais ».

Amendement nº 5

Aucune observation.

Amendement nº 6

En cas d'adoption de cet amendement, le texte du paragraphe 2, alinéa 2, du nouvel article 27bis devra être modifié comme suit :

« L'intérêt de retard ne peut s'appliquer que sur le solde restant dû et, le cas échéant, sur le montant des intérêts échus et non payés, capitalisés en application de l'article 1154 du Code civil. »

Amendement nº 7

Dans le texte néerlandais du paragraphe 4bis proposé, on écrira « verschuldigd blijvende saldo ».

Amendement nº 8

Ainsi qu'il a été relevé ci-dessus dans l'observation nº 2 au sujet de l'amendement nº 1, il y a lieu de traduire l'expression française « déchéance du terme » par « verval van de termijnbepaling » ou « termijnverval ».

En cas d'adoption de cet amendement, il y aura lieu de ce fait de rédiger comme suit l'article 29 :

« Toute clause qui prévoit une déchéance du terme ou une condition résolutoire expresse est interdite et réputée non écrite, à moins d'être stipulée : ... ».

Amendement nº 9

Aucune observation.

Application dans le temps

Ni la proposition de loi, ni les amendements ne règlent l'application dans le temps des nouvelles dispositions.

Il revient au législateur de préciser si le nouveau régime s'appliquera ­ en tout ou partie ­ exclusivement aux nouveaux contrats, ou s'il s'appliquera immédiatement aux contrats en cours.

L. 27.527/1

Cette proposition n'appelle pas d'observation.

La chambre était composée de :

M. J. DE BRABANDERE, président de chambre;

MM. M. VAN DAMME, et D. ALBRECHT, conseillers d'État;

MM. G. SCHRANS, et E. WYMEERSCH, assesseurs de la section de législation;

Mme A. BECKERS, greffier.

La concordance entre la version néerlandaise et la version française a été vérifiée sous le contrôle de M. D. ALBRECHT.

Le rapport a été présenté par M. P. DEPUYDT, auditeur. La note du Bureau de coordination a été rédigée et exposée par M. E. VANHERCK, référendaire.

Le Greffier, Le Président,
A. BECKERS. J. DE BRABANDERE.

(1) Doc. parl. Sénat, 1997-1998, nº 540/1.

(2) Doc. parl. Sénat, 1997-1998, nº 540/2 et nº 540/3.

(3) Doc. parl. Sénat, SE 1995, nº 27/1.