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9 OCTOBRE 1997
Procédure d'évocation
La Commission, préalablement à l'élaboration de l'avis à rendre à la Commission des Affaires sociales, a décidé d'organiser une série d'auditions sur la problématique de l'interdiction de la publicité pour les produits du tabac. Ces auditions ont eu lieu les 4, 18 et 19 février 1997.
La Fédération belgo-luxembourgeoise des industries du tabac est heureuse qu'après le vote à la Chambre des Représentants, beaucoup de responsables politiques, les médias et autres parties ont constaté les effets pervers de ce projet de loi et, plus particulièrement, les effets économiques désastreux qu'il aura sur des secteurs autres que le secteur du tabac.
1. Introduction
· Outre le fait, qu'une interdiction totale de publicité aura, à terme, une influence certaine sur les positions concurrentielles au sein de l'industrie du tabac, ses conséquences socio-économiques auront à court terme surtout un impact très défavorable sur l'industrie publicitaire, la presse écrite et les entreprises impliquées dans l'organisation d'événements sportifs et culturels.
· Cette note synthétique donne une idée chiffrée de l'impact d'une interdiction totale de publicité sur le tabac sur :
le secteur de la publicité;
la sous-traitance;
le secteur du sponsoring, culturel et sportif.
· L'industrie du tabac défend le point de vue selon lequel la loi votée à la Chambre le 9 janvier dernier aura des effets pervers, dépassant de loin la volonté du législateur, sur toute une série de manifestations culturelles et sportives. Ces effets, non limitatifs, sont développés par trois exemples :
le Grand Prix de Formule 1 à Spa-Francorchamps;
les Francofolies;
le Rallye d'Ypres.
· Les chiffres présentés dans cette note proviennent :
d'une étude réalisée le 5 juin 1996 par KPMG Management Consulting, intitulée : « l'Impact économique d'une interdiction de publicité pour le tabac, sponsoring inclus »;
d'une étude du bureau américain InContext réalisée en octobre 1996 sur « l'Impact économique du Grand Prix de Belgique sur la Province de Liège »;
d'une étude du bureau Sports Marketing Service réalisée en décembre 1996 sur « De economische impact van de `24 Uren van Ieper' ».
2. Conséquences socio-économiques d'une interdiction totale de publicité
Perte estimée en chiffres d'affaires (en francs) |
Perte estimée d'emplois |
|
Secteur de la publicité | 1,8 milliard | 260 |
Sous-traitants | 1,2 milliard | 140 |
Secteur du Sponsoring culturel et sportif | 4 milliards | 400 |
Total | 7 milliards | 800 |
Source : KPMG Management Consulting .
2.1. Secteur de la publicité
· Perte estimée C/A : 1,8 milliard de francs.
· Perte estimée d'emplois : 260.
En 1995, l'industrie du tabac a consacré au total plus de 1,8 milliard de francs à l'industrie publicitaire belge. 43 % de ces capitaux étaient destinés aux médias « above the line », 6 % aux agences de publicité et 51 % aux médias « below the line » et à la production de matériel publicitaire.
1. L'interdiction de la publicité pour le tabac entraînerait une baisse de 101 millions de francs du chiffre d'affaires des agences de publicité et la perte de 45 emplois à temps plein dans ce secteur.
2. L'interdiction de la publicité pour le tabac entraînerait une baisse de 270 millions de francs du chiffre d'affaires de la presse écrite et la perte éventuelle de 30 emplois à temps plein dans ce secteur. Cette réduction des recettes pourrait mettre en danger la santé financière de certaines publications. La presse écrite reçoit chaque année environ 95 millions de francs en subventions d'exploitation dans le cadre de l'aide à la presse.
3. L'interdiction de la publicité pour le tabac entraînerait une baisse de 525 millions de francs du chiffre d'affaires des entreprises d'affichage et la perte de 90 emplois à temps plein dans ce secteur. Certaines entreprises d'affichage pourraient connaître des difficultés.
4. L'interdiction de la publicité pour le tabac entraînerait une baisse de 942 millions de francs du chiffre d'affaires des entreprises de production de matériel publicitaire (panneaux lumineux et affiches, imprimeries, matériel pour les points de vente) et la perte éventuelle de 96 emplois à temps plein dans ce secteur.
2.2. Sous-traitants
· Perte estimée C/A : 1,2 milliard de francs.
· Perte estimée d'emplois : 140.
En 1995, la publicité pour le tabac représentait 1,2 milliard de sous-traitance.
1. Du côté des fournisseurs de publicité, on peut prévoir une perte de 558 millions de francs de chiffre d'affaires et de 82 emplois à temps plein.
2. Du côté des fournisseurs des entreprises d'affichage, on peut prévoir une perte de 304 millions de francs de chiffre d'affaires et de 30 emplois à temps plein.
3. Du côté des fournisseurs des entreprises de production, on peut prévoir une perte de 303 millions de francs de chiffre d'affaires et de 30 emplois à temps plein.
2.3. Sponsoring culturel et sportif
· Perte estimée C/A : 4 milliards de francs.
· Perte estimée d'emplois : 400.
En 1995, l'industrie du tabac a consacré plus de 846 millions de francs au sponsoring de manifestations culturelles ou sportives et au mécénat culturel. Plus de 520 millions de francs ont été investis dans le sponsoring de manifestations sportives, dont les principaux événements de sports moteurs organisés en Belgique. Plus de 320 millions de francs ont été investis dans le sponsoring de quelques centaines de manifestations culturelles.
L'impact économique d'une interdiction du sponsoring par l'industrie du tabac dépend du nombre de manifestations qui disparaîtraient ou dont l'intérêt diminuerait en raison de cette interdiction : on peut prévoir au minimum une perte cumulée de 4 milliards de francs en chiffre d'affaires pour les organisateurs de ces manifestations et leurs fournisseurs, ainsi que la perte de 400 emplois à temps plein. Et les entreprises les plus touchées seront les P.M.E. impliquées dans l'organisation de ces événements.
Le sponsor principal d'un événement est souvent une société de l'industrie du tabac, et les organisateurs éprouvent souvent des difficultés à trouver des sponsors de remplacement.
La disparition d'un événement aura des répercussions sur le financement de la vie associative locale, qui verra disparaître une source considérable de ses moyens de fonctionnement.
L'impact économique d'un événement sur une région équivaut généralement à un multiple du chiffre d'affaires de cet événement. Des centaines de milliers de spectateurs consacrent, outre les dépenses relatives à l'événement à proprement parler, des centaines de millions de francs au secteur local des classes moyennes (transports, boissons, alimentation, loisirs, etc.).
3. Exemples
3.1. Grand Prix de Belgique
L'étude « L'impact économique du Grand Prix de Belgique sur la province de Liège » a pour objectif de mesurer l'impact économique local du Grand Prix de Belgique, en particulier sur la région de Spa-Francorchamps et plus généralement pour la province de Liège.
Les principales constatations de l'étude sont :
Chiffre d'affaires annuel | Spectateurs | Emplois régionaux |
1,15 milliard de francs | 201 000 | 5 625 |
Source : InContext.
a. Dépenses des visiteurs
Le Grand Prix de Belgique du 23 au 25 août 1996 a injecté 1,147 milliard de francs dans l'économie locale de la province de Liège. Ce montant tient compte des dépenses directes des visiteurs. Cette étude ne quantifie pas les effets indirects de ces nouveaux apports.
Un grand nombre de commerces locaux, tel que les hôtels, comptent sur une augmentation de leur chiffre d'affaires/ventes de 100 % durant la semaine de l'événement. Les gains de cette semaine compensent les revenus des autres périodes de l'année, qui sont loin en-dessous de la moyenne.
b. Spectateurs
Le Grand Prix de Belgique est un des événements qui rassemble le plus de spectateurs en Belgique. Durant la semaine du Grand Prix il faut compter 201 000 spectateurs. Le jour de la compétition on a compté 80 000 spectateurs dont 93 % venant de l'extérieur de la province de Liège.
Les spectateurs dépensent en moyenne 5 706 francs par personne en tickets, parking, logement, boissons et nourriture. Ces dépenses s'élèvent au total à 1,147 milliard de francs.
c. Emploi
L'impact du Grand Prix sur l'emploi joue avant tout un rôle de maintien de l'emploi dans la région de Liège plutôt que de création de nouveaux emplois. Les 1 626 commerces locaux qui sont directement touchés par le Grand Prix emploient annuellement 5 625 personnes. En outre 2 500 nouveaux emplois sont créés durant la semaine du Grand Prix. Presque tous ces travailleurs sont originaires de la région, de sorte que l'argent qu'ils gagnent sera dépensé dans la région.
3.2. Les Francofolies
Une étude sur l'impact économique du festival de musique « Les Francofolies » (4 jours) démontre que ces festivals ont également un impact important sur leur région.
Chiffre d'affaires annuel | Spectateurs | Emplois régionaux |
30 millions de francs | 40 000 | permanents : 10 |
temporaires : 70 |
Source : Francofolies.
a. Dépenses
Les Francofolies ont généré 30 millions de francs en nouveaux revenus pour la région.
Des revenus allant principalement aux traiteurs locaux, aux exploitants horeca et aux fournisseurs d'installations de son et lumière et d'installations de musique.
b. Spectateurs
Le festival, apogée culturelle de l'année, attire en moyenne 40 000 spectateurs. À côté de cela la vie associative toute entière est présente au festival.
c. Emploi
« Les Francofolies » emploient 10 personnes en permanence toute l'année. À côté de cela 20 emplois temporaires sont créés pour un mois ainsi que 50 emplois temporaires durant les quatre jours du festival.
d. Impact du sponsoring
« Les Francofolies » ne peuvent survivre sans le soutien du secteur privé : celui-ci sponsorise annuellement le festival pour un montant d'environ 23,7 millions de francs.
La Communauté française sponsorise également le festival pour un montant de 10,5 millions de francs.
3.3. 24 Heures d'Ypres
L'étude sur l'impact économique des « 24 Heures d'Ypres » à Ypres et dans la région arrive aux constatations suivantes :
Chiffre d'affaires annuel | Spectateurs | Emplois régionaux |
462 millions de francs | 160 000 | 193 |
Source : Sports Marketing Surveys .
a. Dépenses
Les « 24 Heures d'Ypres » apportent, dans sa totalité 462 millions de francs de nouveaux revenus à l'économie locale.
b. Spectateurs
Les « 24 Heures » attirent incontestablement le plus de public de la saison internationale des rallyes. On comptait en 1996, durant tout l'événement, 160 000 spectateurs. Les jours avant et après la course même, la population s'accroît de 80 000 personnes dans la région. Le jour de la compétition 60 000 à 80 000 spectateurs ont été signalés.
c. Emploi
Les « 24 Heures d'Ypres » ont, grâce aux dépenses des spectateurs, teams et comité organisateur une influence positive sur le chiffre d'affaires réalisé et sur l'emploi dans la région. Aucun des commerces interrogés ne voudrait remplacer le rallye par un autre événement :
le chiffre d'affaires augmente de 34 % en moyenne dans 45 % des commerces;
le chiffre d'affaires augmente de 30 % en moyenne dans 38 % des commerces;
2,4 emplois supplémentaires sont créés dans 11 % des 732 commerces répertoriés.
Il faut également tenir compte des travailleurs qui sont embauchés spécialement pour le rallye. Leur nombre n'a pas été repris dans l'étude.
d. Impact du sponsoring
Des capitaux externes, sous forme de subsides et de sponsoring des entreprises, permettent à un rallye comme celui des « 24 Heures d'Ypres » de s'élever au rang d'événement aux allures internationales. Le rallye est considéré comme tel en grande partie grâce à la participation de top-teams du monde du rallye.
La même constatation vaut pour les événements culturels. La présence de l'industrie du tabac les revêt d'un caractère international (p. ex., vedettes internationales) et contribue de ce fait à leur réussite.
M. Vits conclut son exposé en précisant que les chiffres donnés pour les trois exemples sont des chiffres plutôt conservateurs. Il est en effet extrêmement difficile de calculer l'impact économique précis d'un événement sur une région et une localité. Surtout qu'on doit tenir compte qu'il faut rassembler ces données auprès de petites entreprises et de petits commerces.
Il est également hasardeux de calculer l'effet boule de neige que l'apport d'argent signifie pour tous ceux qui gravitent autour d'un événement de classe internationale.
On pourrait cependant l'estimer à près de 10 milliards serait plus hasardeux.
M. Vits espère que le Sénat amendera le texte du projet de loi, afin de sauver le parrainage d'événements culturels et sportifs.
Un commissaire déclare que les manifestations dont M. Vits a fait état, se déroulent souvent dans des zones de petite densité de population. Par conséquent, la contribution de ces événements est particulièrement importante pour l'économie locale. A-t-on pu chiffrer la part dans le produit local que représentent ces grandes manifestations ?
Il est évident que, en dehors de la contribution de la publicité pour le tabac, d'autres sources de sponsoring contribuent à l'organisation de ces manifestations. Quelles sont ces autres sources ?
Vu l'ensemble des promotions que fait le secteur du tabac, le président souhaite savoir quelle part est touchée par les dispositions du présent projet de loi. Quel pourcentage est éliminé par rapport à ce que le secteur fait actuellement ?
Le sponsoring sur le plan culturel et sur le plan sportif du secteur du tabac représente évidemment un poids considérable. Parmi les principaux médias qui sont mobilisés, l'affiche joue un rôle déterminant.
Un autre commissaire désire connaître les chiffres des dépenses consacrées à la publicité pour les produits du tabac et l'évolution des parts de marché entre ces divers groupes. A-t-on constaté un lien quelconque entre les efforts publicitaires et l'évolution de la part de marché ?
M. Van Schaubroeck (KPMG) commente l'étude effectuée par KPMG à la demande du C.I.D.T. (Centre d'information et de documentation pour le tabac).
L'objectif de l'étude était de donner une estimation de l'incidence économique d'une interdiction frappant la publicité pour le tabac (en ce compris le parrainage), l'industrie de la publicité et les entreprises et organisations associées à la mise sur pied d'événements parrainés.
L'approche suivie par KPMG pour calculer l'incidence du parrainage a été la suivante : on a d'abord calculé les investissements de l'industrie du tabac dans la publicité et le parrainage. Dans le cas du parrainage, ces sommes reviennent aux organisateurs des événements, qui redistribuent l'argent aux sous-traitants, lesquels génèrent du chiffre d'affaires et de l'emploi.
L'information a été récoltée auprès des organisations professionnelles (Fedetab, UBEJ, Fédérations des agences), des entreprises (l'industrie du tabac, les agences de publicité et les bureaux organisant des manifestations), des organisateurs d'événements sportifs et culturels. On a ainsi rassemblé toute une gamme de données.
La première constatation de cette étude est que l'investissement direct de l'industrie du tabac dans le parrainage s'élève en Belgique à 846 millions de francs : 38 % de ce montant vont aux événements culturels, tandis que 62 % sont destinés aux événements sportifs.
Un membre demande comment on trace la ligne de démarcation entre la publicité et le parrainage, qui sont en effet séparés par une zone grise.
M. Van Schaubroeck explique que l'industrie du tabac a été priée de communiquer sa définition du parrainage et de la publicité. On a tranché en se basant sur les données communiquées par l'industrie du tabac. Une petite part du montant de 846 millions affecté aux investissements directs dans le parrainage concerne effectivement de la publicité faite par le biais du parrainage.
Un commissaire souhaite que ces définitions soient communiquées à la commission.
M. Van Schaubroeck poursuit son exposé.
Une deuxième constatation de l'enquête a été que la collaboration de l'industrie du tabac à l'organisation d'événements motorisés comporte d'autres éléments que l'apport financier, tels le support matériel, l'effort publicitaire, le parrainage des participants, l'établissement de contacts internationaux et l'apport de leur savoir-faire dans l'organisation.
Le modèle de base est le suivant :
Les événements sont financés grâce aux recettes provenant des visiteurs (vente de tickets), des concessions, de la sponsorisation par le tabac et autres parainnages. Environ un tiers de toute la sponsorisation de ces événements provient de l'industrie du tabac. Celle-ci initie beaucoup d'événements parce qu'elle est le plus grand sponsor de bon nombre d'événements majeurs : lorsque l'industrie du tabac sponsorise, d'autres sponsorisent également.
Ces recettes reviennent, pour une part importante, à l'industrie sous-traitante, à savoir le secteur de la publicité et les entreprises de support. Ceux-ci utilisent, à leur tour, des sous-traitants. Ceci montre l'effet boule de neige des chiffres d'affaires qui sont générés d'un chaînon à l'autre.
Ces événements ont aussi un impact sur les régions, bien que KPMG n'ait pas étudié cet impact. M. Van Schaubroeck souligne cependant que les chiffres sur l'impact de tels événements sur la région que M. Vits a communiqués dans son exposé (par exemple le rallye d'Ypres) sont confirmés par les organisateurs de ces événements sur la base d'autres études.
Les événements organisés ont, en outre, un impact considérable sur la vie associative. Beaucoup d'organisations sans but lucratif tirent précisément leurs principales ressources de ces événements, ce qui leur permet de survivre.
Un commissaire souhaite savoir en quoi ces événements contribuent au produit intérieur brut local des zones comme le « Westhoek », la région de Spa-Francorchamps, ...
Comme il s'agit des zones assez déshéritées, ces événements doivent y contribuer de façon significative.
M. Vits se réfère à une étude sur l'impact économique du Grand Prix de Belgique sur la province de Liège. Les chiffres d'affaires sont les suivants :
hôtels, motels, campings locaux : 130 millions;
tavernes et restaurants locaux : 224 millions;
magazins de détail locaux : 234 millions;
sociétés de services locales actives dans le transport : 80 millions.
Pour l'événement des 24 Heures d'Ypres, on peut constater que le tabac finance les équipes, ce qui entraîne un effet sur l'économie. Selon une étude, si les équipes internationales n'étaient pas présentes, l'événement aurait 105 millions de revenus en moins.
Enfin M. Vits se réfère à l'étude sur l'impact économique du festival de musique « Francofolies ». Sur un budget total de 30 millions, la part de l'industrie du tabac s'élève à 3 ou 4 millions pour une sponsorisation totale de 23 millions. Pour le reste, ce festival est également parrainé par la Communauté française.
M. Van Schaubroeck explique que, comme tous les flux financiers étaient connus, une hypothèse de travail a été élaborée. Sur la base des données recueillies par le KPMG lors de la phase d'information, il s'avère que si l'on interdisait la sponsorisation des produits du tabac, la moitié des événements disparaîtraient. Dans certains cas, on pourrait trouver un sponsor de remplacement, mais dans la moitié des cas, l'organisateur de l'événement déciderait d'arrêter. Cela signifie que la moitié du flux financier n'existerait plus et ne serait donc plus transférée à la sous-traitance.
En conclusion de son étude, KPMG déclare que la diminution escomptée du chiffre d'affaires qui résulterait d'une interdiction de sponsoring touchant l'industrie du tabac se chiffrerait à 3,9 milliards de francs pour les diverses entreprises allant des événements aux sous-traitants du deuxième niveau. Ce montant ne concerne que la seule perte de chiffres d'affaires économique.
Sur la base de chiffres moyens globaux, on a évalué la diminution de l'emploi à laquelle on peut s'attendre. Elle est estimée à quelque 400 emplois à temps plein. Ces chiffres concernent exclusivement l'impact du sponsoring, non de la publicité.
M. Vits souligne que la publicité directe a suivi une courbe en forme de pic : il y a 10 ans, elle s'élevait à 800 millions; en 1992, elle a grimpé à 1 milliard; en 1996, elle est redescendue à environ 850 millions.
Un commissaire revient sur la question concernant les parts de marchés. Le rapport de la Chambre (Rapport van Kessel, doc. Ch., nº 346/4 - 1995/1996, p. 16) contient déjà une première indication des parts de marché des principales marques. Les deux marques principales (Tabacofina-Vanderelst et Philip Morris) représentent environ 60 % du marché. La part de chacun des deux grands est différente selon la nature du produit : les uns sont plus forts en cigarettes, les autres en tabac. M. Torck pourrait peut-être donner de plus amples explications sur les parts de marchés puisqu'il regarde plus attentivement ce que font ses concurrents.
Un membre relève l'une des exceptions prévues par le projet de loi à l'examen : la publicité faite sur une chaîne de télévision étrangère visible en Belgique grâce au câble.
M. Vits explique que l'on a été d'accord à la Chambre pour considérer qu'il était impossible de couper le câble à de telles émissions. Toutes les émissions des chaînes de télévision étrangères captables par le câble pénètrent dans les foyers. Cela vaut aussi bien pour la publicité directe que pour la publicité indirecte lors d'une manifestation sportive.
Un intervenant renvoie à une expérience des deux télévisions nationales qui, devant l'interdiction de transmettre de la publicité, avaient essayé un système de cache dans certaines émissions. Ceci n'a pas donné de résultats positifs.
M. Vits donne le même exemple dans le cas du cyclisme. Là aussi, on a essayé de masquer certaines publicités, mais ce n'était pas faisable.
Un autre commissaire relève combien sont écrasants les chiffres de l'impact économique global de l'interdiction de la publicité pour le tabac. En a-t-on évalué aussi l'impact sur l'industrie du tabac elle-même ? Après tout, le but de la publicité est précisément de stimuler les ventes.
M. Vits déclare que M. Torck répondra à cette question.
B. Exposé de M. R. Torck, administrateur délégué de Tabacofina. Vander Elst S.A.
Tabacofina-Vander Elst est le premier producteur de tabac en Belgique. Le groupe Tabacofina a réalisé en 1995 un chiffre d'affaires consolidé de plus de 34 milliards de francs, dont 16 milliards ont été versés aux pouvoirs publics. Cette contribution va encore s'accroître suite à l'augmentation récente du prix du tabac.
Source : étude Coopers et Lybrand Septembre 1996.
Tabacofina est incontestablement aussi le plus belge des cinq grands producteurs de tabac actifs en Belgique. La société emploie en Belgique plus de 1 000 personnes, principalement réparties sur les deux usines de Merksem et Louvain, et génère encore indirectement quelque 1 700 emplois supplémentaires.
Les perspectives favorables d'emploi de l'entreprise pourraient néanmoins être compromises à terme par la politique de découragement de la consommation de tabac mise en oeuvre par les pouvoirs publics. Rappelons que le nombre de cigarettes vendues sur le marché belge a diminué de 11 % au cours des six dernières années, tandis que la part de marché de Tabacofina a diminué de presque 25 % pendant cette même période.
Du reste, ces dernières années, la plupart des autres principaux producteurs de tabac ont déjà fermé leurs unités de production en Belgique, ne cessant de réduire leur responsabilité sociale dans notre pays.
Mais Tabacofina n'est pas seulement le plus belge des producteurs de tabac sur le plan social : il l'est aussi sur le plan commercial. Toutes les marques importantes que nous commercialisons sur le marché belge sont en effet des marques « nationales » : il s'agit de Belga, Johnson et Richmond.
Il convient de rappeler qu'aucune étude ne démontre un lien de cause à effet entre la publicité et la consommation de tabac. Ainsi, la principale finalité de la publicité pour des produits du tabac n'est pas d'augmenter la consommation de tabac mais bien de différencier les marques.
Il est évident que la loi interdisant toute publicité pour les produits du tabac a un effet beaucoup plus défavorable pour les marques belges de tabac que pour les marques étrangères, car ces dernières échappent largement aux restrictions de la nouvelle loi étant donné qu'elles bénéficient de l'influence, sur notre marché, de la publicité faite pour ces marques dans d'autres pays.
En somme, le législateur semble apparemment sous-entendre que, plus une entreprise est « belge », moins il lui est possible de rivaliser sur un pied d'égalité avec ses concurrents internationaux.
Le législateur belge provoque donc une situation de concurrence déloyale. Plus grave encore : les dispositions de l'article 3, 2º, du projet de loi renforcent le caractère discriminatoire de la loi, en autorisant explicitement la publicité pour le tabac :
dans les périodiques étrangers également diffusés en Belgique;
lors de l'annonce de manifestations se déroulant à l'étranger;
dans les reportages T.V. (ou via d'autres médias audiovisuels) relatifs à des événements sportifs ou culturels internationaux.
Si la nouvelle loi n'offre pas la moindre garantie d'un quelconque effet positif va-t-elle véritablement décourager les jeunes de fumer ? , elle ne garantit en revanche que des conséquences négatives pour notre entreprise :
· Tabacofina ne pourra plus lancer avec succès en Belgique de nouveaux produits et marques de tabacs nationaux, notamment des produits légers;
· les marques de Tabacofina ne pourront certainement pas continuer à rivaliser sur pied d'égalité avec les marques de cigarettes internationales dont la publicité dans les médias internationaux ne manquera pas d'entretenir indirectement la visibilité auprès des consommateurs belges;
· le recul de Tabacofina en Belgique conduira à une chute de la production et, en fin de compte, à la fermeture des usines existantes.
En conclusion, M. Torck demande au nom de la S.A. Tabacofina-Vander Elst, de pouvoir encore se défendre de façon minimale sur le marché national, en poursuivant les activités de sponsoring déjà très fortement réglementées.
En d'autres termes, Tabacofina demande avec instance aux pouvoirs publics de laisser jouer les mécanismes libres du marché. La réglementation en matière de publicité pour le tabac est certainement acceptable à condition que toutes les marques de tabac en Belgique soient traitées sur un pied d'égalité.
Un commissaire fait référence aux années qui précédaient la création de la Communauté européenne. À cette époque, certaines marques occupaient 80 % du marché national. La plupart des industries implantées dans un pays avaient en effet des parts gigantesques du marché. Actuellement, ces parts ont fondu à un niveau beaucoup plus bas. La situation de la S.A. Tabacofina-Vander Elst est très comparable.
La chute de leurs parts de marché dans le pays d'origine a été compensée par le fait qu'ils ont pris des parts de marché dans d'autres pays de l'Union européenne. Un exemple est Fiat qui est devenue une marque internationale.
La question est de savoir si Tabacofina a aussi des compensations comparables ? Toutefois, l'intervenant reconnaît que le fait d'avoir une marque dont le nom (Belga) s'exporte difficilement, ne facilite pas la tâche.
M. Torck explique que la chute des parts de marché de Tabacofina est due exclusivement à la compensation par les marques internationales. Il y a peu de marques de cigarettes qui sont vraiment internationales.
En plus, M. Torck n'est nullement d'accord avec la thèse de certains médias qu'un « advertising ban » est très positif puisqu'il va geler toutes les parts de marché actuelles. Vu la législation et vu la possibilité de faire de la publicité à l'étranger, les marques internationales auront 100 % du « share of voice » . Le « share of voice » est la part relative de tous les investissements publicitaires faits par toutes les marques.
Ceci créera une accélération de la tendance, alors que depuis un an, la société Tabacofina fait tout pour renverser cette tendance.
Malheureusement, lancer des marques à l'étranger est devenu impayable et, en plus, impossible pour la Belgique puisqu'il n'y a plus de moyens publicitaires pour les lancer. Le but de la publicité et de la promotion est de se battre, avec la concurrence, pour des parts de marché. Sans moyens publicitaires, il est impossible de lancer une marque.
La publicité pour le tabac est encore possible dans les périodiques étrangers. Pour une marque internationale, ceci est un avantage extraordinaire, mais il est impossible de faire une campagne « Belga » dans une revue étrangère, comme « Der Spiegel », puisque Belga ne se vend pas en Allemagne.
Un commissaire s'intérroge sur la part de la publicité et du sponsoring dans le prix de vente total de la cigarette.
M. Torck déclare que cette part représente 30 % du prix hors taxes.
Une autre intervenante réitère la question relative à l'incidence de l'interdiction de la publicité pour la vente de produits du tabac. Dans son exposé, M. Torck souligne que les ventes de cigarettes sont en baisse et que cette tendance avait été constatée dès avant l'interdiction de faire de la publicité. Il ajoute que Tabacofina espérait voir cette courbe s'infléchir dans un sens positif. La baisse, va-t-elle se poursuivre et, si oui, sera-ce en s'accentuant encore ?
M. Torck déclare que les calculs ont été effectués sur la base de ce qui est autorisé actuellement et de ce qui pourrait être autorisé demain. La projection relative à la part de marché a tenu compte du fait que la courbe en question pourrait à nouveau s'infléchir dans un sens positif.
Tabacofina fait partie d'un groupe international, si bien que M. Torck est un concurrent de ceux de ses collègues qui dirigent également des usines. En tant que chef d'entreprise belge, M. Torck estime qu'il a le devoir de maintenir des niveaux de production et d'emploi maximaux en Belgique. C'est pourquoi il « abuse » parfois, au sein du groupe international, de l'argument selon lequel une cigarette Belga ne peut être produite qu'en Belgique.
L'on a enregistré effectivement une diminution du volume des ventes de la marque Belga. Au cas où la baisse de volume serait trop grande, le groupe international pourrait estimer que le prix de revient relatif de la production des cigarettes est trop élevé en Belgique et qu'il est possible de les fabriquer à moindres frais à l'étranger, dans des usines plus modernes.
Les usines de Tabacofina, en Belgique, sont, en effet, des usines traditionnelles qui ne disposent pas de la technologie de production la plus moderne. M. Torck ajoute que le travailleur belge est néanmoins l'un des meilleurs à l'échelle européenne. Le personnel de Tabacofina s'investit à fond et cela compense l'absence de technologie hyper-moderne.
Bien entendu, la question qui se pose est de savoir pendant combien de temps cette situation sera supportable. La suppression des moyens de publicité aura, évidemment des conséquences, mais il est trop tôt pour se prononcer à propos de celles-ci.
Un intervenant se réfère à la situation en France pour contredire la thèse selon laquelle l'interdiction de publicité n'entraîne pas une réduction de la consommation de tabac.
Quelle est l'efficacité de la mesure d'interdiction de publicité pour le tabac au point de vue de la santé publique ? Quelles conclusions ont-elles été tirées de l'expérience française ?
M. Torck explique qu'à partir du moment où il n'y a plus de moyens publicitaires pour différencier ces marques, il existe un risque important de guerre des prix. On peut prétendre que la guerre des prix peut être compensée par la fiscalité, mais si la fiscalité devient trop importante et que les prix deviennent trop élevés, la vente parallèle augmente. Ceci est déjà le cas dans le port d'Anvers.
La vente parallèle est toujours moins chère, puisque le produit est vendu « en noir », c'est-à-dire sans fiscalité. L'augmentation de la vente parallèle dans un pays signifie que le prix moyen est en baisse. Cela entraîne une spirale de prix à la baisse.
Or, la baisse de volume dans le passé est principalement liée à l'élément prix.
La guerre des prix est un autre moyen de faire de la concurrence entre les différentes marques, mais cette arme de prix met en grand danger la rentabilité d'une société. Comme toute société, le but de Tabacofina est de faire du bénéfice, mais avec une spirale positive en payant mieux ses collaborateurs.
Un commissaire est d'avis que la marque Belga se prête peu à une promotion internationale, puisqu'elle est directement liée à un pays. Au Luxembourg existe la marque « Ducale », qui est plus vendable internationalement.
Pourquoi Tabacofina n'a-t-elle pas développé à temps une marque rentable sur le plan international ?
Une deuxième réflexion concerne la reprise des parts de la famille Vander Elst par le groupe Rupert. Cette reprise a coïncidé avec la reprise des parts de Côte d'Or par Jacobs-Suchard, mais la stratégie était différente.
Si le groupe Rupert avait vraiment voulu développer le potentiel de production et d'exportation du pays, il aurait dû développer une marque plus rentable sur le plan international au profit de la firme qu'il a reprise. À ce moment, la marque Belga aurait peut-être disparu, ou serait devenue une seconde marque moins importante.
Une troisième remarque du membre concerne le maintien du potentiel de l'emploi dans la firme Tabacofina et, en même temps, aussi le sauvetage d'un certain nombre d'initiatives sur le plan local.
Pour répondre aux soucis des intervenants, le président propose de modifier le texte du projet de loi. À l'article 3, 2º (les exemptions à l'interdiction de publicité), il faut ajouter un quatrième tiret pour exempter aussi 5 (ou 6 ou plus) manifestations d'envergure, organisées pendant une période déterminée, connues d'avance et à vocation régionale. De façon à ce que, limitée strictement dans le temps et pour un rayonnement régional, l'interdiction de la publicité pourrait éventuellement être levée.
M. Vits déclare disposer d'un texte modèle. Un projet d'arrêté royal du ministre de la Santé publique stipule que la publicité et le sponsoring pour les événements culturels et sportifs sont autorisés pour autant qu'ils existaient avant le 1er janvier 1996 et qu'ils ne durent pas plus de trois jours.
Un membre fait observer que le projet d'arrêté est en pleine contradiction avec le texte de la loi. Dès lors, l'arrêté sera immédiatement déclaré illégal. Il faut changer la loi et non pas faire un arrêté.
M. Vits propose de reprendre le texte du projet d'arrêté dans les dispositions du projet de loi à l'examen.
M. Torck ajoute que la loi du 22 mars 1989 a donné lieu à la création d'événements sportifs et culturels parce que c'était un des moyens pour l'industrie du tabac de se différencier des autres marques.
Au point de vue socio-, culturel et économique, cette possibilité a eu un effet positif : sans elle, il n'y aurait actuellement pas de Torhout-Werchter, pas de Pukkelpop, pas de Beach-festival, pas de Jazz-festival, ...
Les dispositions du nouveau projet de loi vont tellement loin qu'il ne reste que des éléments négatifs.
En ce qui concerne la diversification dont un membre a fait état, M. Torck admet que le portefeuille de Tabacofina contient quelques marques internationales du groupe (Rothmans, Peter Stuyvesant), mais 68 % du chiffre d'affaires sont réalisés par la marque Belga et 85 % en y ajoutant Johnson et Richmond.
La vision stratégique du groupe est de mettre à la tête de la société Tabacofina un dirigeant belge, parce que le groupe croit à un avenir pour les marques locales. Au niveau international, on peut constater un retour à la source. Ceci ne vaut pas uniquement pour les marques de cigarettes, mais aussi pour les produits alimentaires. Comme la marque Belga fait partie du patrimoine belge profond, le groupe est persuadé qu'il y a encore de l'avenir pour Belga. Il y a une concentration plus importante sur les autres marques, mais la priorité absolue est la marque Belga et les budgets sont plus que proportionnels à la part de marché de Belga. Le « share of voice » est plus important pour Belga que sa part de marché.
Un commissaire propose que M. Vits dépose le texte du projet d'arrêté et que M. Torck dépose également un texte qui ne doit pas être nécessairement le même que le texte de l'organisation professionnelle.
M. Torck souligne que la société Tabacofina et la Fédération Fédétab ont comme objectif d'assurer que toutes les marques puissent se défendre sur un pied d'égalité. La nuance est que pour Tabacofina, il est plus important que pour d'autres marques de cigarettes.
Un commissaire se dit partisan de l'inscription d'une série d'exceptions dans la loi, pour mettre les marques nationales et internationales sur un pied d'égalité et pour ne pas faire obstacle au déroulement d'événements importants en Belgique. L'intervenant n'en plaide pas moins, non pas pour une solution au cas par cas, mais pour une solution « générique ».
Il partage l'avis selon lequel il faut éviter de défavoriser le Grand Prix de Belgique de Formule I à Francorchamps, mais estime qu'il faut également veiller à ne pas défavoriser le circuit de Zolder, où l'on organise chaque année une série d'événements de moyenne importance.
Un sénateur apporte une information aux membres de la commission concernant le cas précis du sponsoring des manifestations culturelles internationales. L'orateur annonce qu'il a déposé une série d'amendements. Il trouve évident que c'est dans la loi que doit figurer l'exception.
Un autre membre demande à M. Torck si la diminution du volume de la consommation de cigarettes et l'importance du lien éventuel avec la hausse des accises que l'on a connue ces dernières années ont été mesurées en fonction d'un degré d'élasticité des prix. Il s'avère que le marché en question diminue de volume et, de plus, que Tabacofina perd des parts de marché. Quelle est la principale cause de la baisse de volume ? Faut-il la chercher dans le fait que Tabacofina accordait déjà une importance relative à la publicité dans le passé, par comparaison avec ses principaux concurrents ?
M. Torck déclare que Tabacofina a tenté de déterminer le degré d'élasticité du prix du tabac en fonction des majorations d'accises et a constaté que la limite se déplace chaque année. Chaque augmentation des prix est suivie, dans un premier temps, d'une diminution de volume, mais il y a très vite compensation. Il y a actuellement une tendance à la baisse du volume, mais on n'a pas encore réussi à calculer l'incidence précise des majorations d'accises.
En ce qui concerne les causes de la diminution de la part de marché, M. Torck estime qu'elles sont dues à l'évolution de l'image de marque. À un moment donné, des marques de réputation internationale dotées d'une nouvelle image forte l'emportant sur l'image classique et sans grande finesse des marques belges ont pénétré notre marché. L'on maniait le slogan « Buy American » non seulement dans le secteur du tabac, mais aussi à propos de toute une série d'autres produits. Tabacofina a alors commis une erreur en omettant de redynamiser dans une mesure suffisante, les marques belges. Il est certain que, si la liberté était absolue en matière de publicité, l'on verrait poindre partout le slogan « Achetez à nouveau belge », car nous avons, nous aussi, de grandes marques, des produits de qualité, un patrimoine riche, etc.
Comme il ne peut pas faire passer le message directement, M. Torck est obligé de choisir une voie indirecte.
Le Royal Automobile Club de Belgique, représentant de la Belgique au sein de la Fédération internationale automobile (FIA) et la Fédération sportive automobile, membre du Comité olympique et interfédéral belge (COIB), souhaitent réagir au projet de loi interdisant la publicité pour les produits du tabac.
Au-delà d'un problème de santé publique qui ne peut laisser insensible aucun citoyen, et sans préjuger de l'efficacité de la loi sur la consommation de tabac, il aimerait faire part de quelques éléments concrets relatifs aux conséquences de ce projet de loi dans sa configuration actuelle.
1. Sponsoring en sport automobile
La disparition d'événements dont la survie actuelle est intimement liée à la présence de cigarettiers auprès des organisateurs et des concurrents entraînerait des pertes financières considérables dans chacune des régions concernées par des événements attirant 100 000 spectateurs ou plus (secteur Horeca, magasins de vente au détail, carburants, clubs organisateurs et sportifs, sociétés événementielles, agences de publicité, etc.).
Voici quelques exemples de retombées économiques évaluées au terme d'études concernant chacun de ces événements :
Grand Prix de Belgique de Formule 1 | 1 146 855 000 F |
24 Heures de Spa-Francorchamps | 520 000 000 F |
Circuit de Zolder | 500 000 000 F |
Rallye des 24 Heures d'Ypres | 462 000 000 F |
Rallye des Boucles de Spa | 380 000 000 F |
Rallye du Condroz | 335 000 000 F |
Ces considérations concernent aussi diverses compétitions internationales sur circuit, championnats nationaux en circuit, le championnat du monde d'endurance motocycliste, le sponsoring privé de jeunes sportifs, de multiples compétitions de moindre importance et la survie même des circuits automobiles, et de certains événements culturels.
Globalement, l'investissement de l'industrie du tabac dans le sponsoring de manifestations sportives et culturelles en Belgique s'est élevé à 846 161 000 francs.
2. Expériences similaires à l'étranger
À l'exception de la France (où des amendements à la loi antitabac, déjà soutenus par 70 députés, vont être proposés à l'Assemblée nationale), de la Finlande et de la Suède, tous les pays où la publicité pour le tabac est interdite (sur base d'une loi ou d'un accord entre le Gouvernement et le secteur du tabac) ont prévu des amendements relatifs aux sports mécaniques. C'est vrai pour l'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Italie, le Portugal, la Hollande, l'Espagne, etc.
3. Expatriation d'événements internationaux
À court terme, l'absence de délai interdit toute solution de rechange pour de grands événements. S'il s'agit de compétitions internationales (Grand Prix de Formule 1, projet d'une manche de championnat du monde des rallyes), la seule solution pour la Fédération internationale et les promoteurs est de prévoir un déplacement vers des pays où la publicité est libre ou autorisée moyennant des amendements. C'est particulièrement vrai pour un Grand Prix de Formule 1 convoité par 17 pays dans le monde, dont la Hollande toute proche.
4. Le temps de la réflexion
Les choix effectués par d'autres pays et les conclusions partielles tirées d'expériences en cours pourraient permettre à la Belgique de jouer un rôle pilote en vue d'une législation européenne en la matière pour laquelle d'autres pays sont demandeurs.
À ce temps de réflexion pourrait être ajouté un délai supplémentaire dans la mise en application de la loi (sept ans au minimum à partir de 1998, c'est-à-dire 2005) permettant une adaptation du sponsoring de manifestations sportives ou culturelles, mais aussi la mise sur pied de nouveaux plans de carrière pour un certain nombre de sportifs soutenus actuellement par l'industrie du tabac. On éviterait ainsi une inévitable fuite des capitaux vers l'étranger et une perte d'emplois, de revenus et de taxes liés à la suppression sur notre sol d'organisations que la Belgique ne reverra pas de sitôt.
Si, enfin, un report du projet de loi semblait impossible aux yeux des assemblées parlementaires, à tout le moins faudrait-il prévoir des amendements relatifs aux sports mécaniques permettant d'espérer une transition viable entre la situation actuelle et l'interdiction telle que formulée dans le projet de loi.
M. Dekens fait remarquer aussi que si le législateur voulait privilégier les événements à caractère international, il est sûr que le Royal Automobile Club de Belgique, qui défend le sport automobile national, attire l'attention sur le fait que vouloir défendre principalement un grand prix de Formule 1, handicaperait fortement des régions comme Zolder qui est le seul circuit permanent en Belgique et qui, lui aussi, pour sa région amène plusieurs centaines de millions de retombées économiques, mais n'a pas, actuellement, d'épreuves internationales. Par contre, le circuit de Zolder a plusieurs épreuves nationales soutenues principalement par des cigarettes nationales.
Il faut savoir qu'en Belgique, 123 rallyes sont organisés. Sur ces 123 rallyes, la moitié se targue d'une participation internationale. Si la participation internationale et le fait qu'ils soient inscrits dans les calendriers internationaux méritent de la part du législateur une certaine bonne volonté vis-à-vis de la publicité sur le tabac, l'on va se retrouver avec le problème d'abord des circuits, puis des rallyes, du karting, des courses de côtes et autres qui, en Belgique, ont également de grosses participations internationales. Environ 1 700 compétitions automobiles et de karting ont lieu en Belgique tous les ans. La Belgique est le plus petit pays qui a le plus grand nombre de licenciés et de manifestations comparativement à nos voisins.
Pour le sport automobile, le délai de mise en application du projet à l'étude, c'est-à-dire fin 1998, est presqu'une mise à mort. En effet, peu de cigarettes investissent d'une façon ponctuelle dans des événements. Préparer une voiture de rallye prend trois voire quatre ans. On engage des pilotes à long terme, on détermine la marque avec laquelle on participera, on choisit un modèle que l'on va développer. Cela représente un budget de dizaines de millions de francs. On fait des essais dans certains rallyes nationaux et puis l'année d'après, l'on montre les dents dans l'espoir de conquérir un titre.
Un certain découragement s'est emparé des organisateurs. Ils se demandent vraiment si la saison 1997 qui commence avec les « Boucles de Spa » va se terminer en 1998 et comment.
À part l'impact des manifestations et de la présence des teams, il faut savoir que le rallye, en Belgique, représente 4 200 participants. S'il y a plus de rallyes en Wallonie qu'en Flandre, c'est certainement dû à une configuration géographique. La Flandre bénéficie d'un autre avantage : la participation au départ de chaque rallye y est beaucoup plus importante qu'en Wallonie.
La FNAC de Belgique a réalisé une étude sur les préparateurs de véhicules de rallye en Belgique. Ceux-ci emploient 415 personnes à temps plein uniquement pour les véhicules de rallyes. Ils ont 860 clients sur l'année avec lesquels ils concluent des contrats, principalement avec les cigarettiers. Et ce, sans compter tous les préparateurs qui s'occupent de véhicules en circuit. Les circuits attirent incontestablement une population importante de spectateurs, développent autour d'eux des centres « high tech » pour permettre aux marques de venir faire des essais ou des développements de sécurité.
Le rôle de l'industrie du tabac est certainement moteur dans le sport automobile de par le fait qu'il est à l'origine de la création des filières pilotes, qu'il en est un partenaire incontournable, vu l'apport financier qu'il fait, sa parfaite connaissance en marketing et dans la recherche, et l'impact publicitaire pour la promotion des différentes épreuves. Dans le rallye il est bien évident que les sponsors nationaux occupent une place prépondérante.
Il est vrai que le fait d'autoriser uniquement des épreuves internationales permettrait certainement au Grand Prix de Francorchamps de Formule 1 de vivre, ce qui est impératif pour cette région et pour l'avenir de ce circuit. M. Dekens croit qu'il faudrait étendre cette possibilité vu que le RAC, détenteur des calendriers internationaux, ne peut garantir à quelqu'un, que telle ou une telle épreuve est plus importante qu'une autre ou que la prochaine épreuve, vu les cotations internationales, ne bénéficiera pas du caractère international.
Les rallyes, comme toutes les courses automobiles, sont en général quotés par les fédérations internationales et les commissaires sportifs internationaux et peuvent bénéficier l'année suivante du caractère international. Quel investissement pour un club de s'être battu depuis 10 ans pour obtenir le caractère international en 1998 et de s'entendre dire qu'il ne le sera jamais et que l'on n'a sélectionné que les rallyes qui sont considérés comme internationaux depuis 1996.
Il est difficile pour le RAC de soutenir une telle organisation plus qu'une autre. M. Dekens revient sur le principe de circuits permanents qui n'ont pas la Formule 1 mais qui, pour leur région, sont vraiment très importants.
M. Dekens estime qu'il serait dommage qu'un circuit comme Francorchamps se voie interdire une certaine promotion alors qu'à quelques kilomètres de ses frontières, au Nürburgring, l'on détournerait facilement la législation. Tous les pays ont fait des exceptions pour le sport automobile dans l'application de cette législation anti-tabac.
La fédération française de sports automobiles a bénéficié de centaines de millions de subsides de la part de l'État. Ces subsides n'ont d'ailleurs pas été payés en 1996, et l'État n'a pas l'intention de les leur payer en 1997. Ils proposent donc de libéraliser une certaine publicité mais de ne plus payer de subsides.
Les dispositions de ce projet de loi sont très handicapantes pour le RAC au point de vue du sport en général et surtout du sport en Belgique. M. Dekens répète que le timing qui a été établi est tout à fait indispensable. Si l'on avait dit que cette législation entrerait en vigueur en l'an 2005, cela aurait permis de trouver d'autres sponsors. Il n'est pas évident de remplacer 40 % du « sponsorship » en un an. À plus forte raison de maintenir les épreuves actuelles en activité sachant que les organisateurs ne pourront plus bénéficier, à partir de 1998, de l'apport du « sponsorship » des cigarettiers. L'an 2005 est donc vraiment un minimum, entre-temps peut-être pourrions-nous nous aligner sur les plus grosses tendances qui vont se destiner à l'étranger, que ce soit pour les événements sportifs ou culturels. Sachons que toute manifestation comme par exemple les 24 heures de Francorchamps, ou les 24 heures de Zolder, se double en général d'un show culturel, qu'il soit groupe orchestral ou autre, dans le but de créer une animation la nuit et ce, principalement à la demande des autorités judiciaires. Il est donc impératif que les sponsors-cigarettiers qui ont la vocation plus culturelle que d'autres automobile, restent pour aider les organisateurs de manifestations nationales. Pour la détermination des épreuves qui devraient être classées et pourraient faire de la part du législateur une certaine différence, le RAC est prêt à communiquer les listes de gens qui bénéficient actuellement du statut international. Les courses véhicules solaires, qui sont rares, le karting « indoor » et autres, sont toutes des manches à caractère international et sont soutenues de plus en plus par les cigarettiers. La limite sera très difficile à faire. Il serait plus sage soit de prendre exemple sur nos voisins et de mettre entre parenthèses le sport automobile si pas tout à fait, en tout cas pour une période qui permette à une industrie qui génère des milliards de chiffres d'affaires, qui met au travail des centaines de personnes, dans des régions en général à démographie peu importante de se reconvertir. Le RAC croit que ce serait une solution de sagesse qui permettrait surtout de voir certains fleurons du sport automobile en Belgique continuer pour le bien de tous les participants et des 12 000 licenciés que comporte le RAC
Un sénateur comprend bien la conclusion de l'exposé de M. Dekens, mais il attire quand même son attention sur le fait que la voie vers laquelle il engage la commission, lui paraît vraiment excessive. L'absence de limites soulève rapidement d'autres propositions, d'autres objections. Dans la mesure où M. Dekens demande une couverture sur l'ensemble du sport automobile, l'on objecterait tout de suite pourquoi ne pas envisager une exception pour l'ensemble des sports moteurs. Il y a, à tout le moins, dans d'autres secteurs que l'automobile, mais dans le domaine des sports moteurs, des départements où la publicité, notamment celle des cigarettiers, n'est pas négligeable. L'intervenant pense par exemple aux courses de « hors-boards », et de choses semblables. Il ajoute comme deuxième objection que l'on s'orienterait vers une espèce de couverture généralisée pour les sports moteurs. L'intervenant exprime sa sympathie pour d'autres sports encore et que ceux-ci seraient en droit très légitimement de considérer qu'ils ont droit aux mêmes avantages. Notamment le secteur du football serait directement concerné.
Le sénateur prévient qu'à vouloir trop, finalement, l'on risque de sortir assez vite du domaine du champs appliqué. L'intervenant pense que cette proposition risque de conduire non seulement d'autres sports à réclamer les mêmes exceptions et en fin de compte d'empêcher que le Sénat soit à même d'être l'élément moteur d'une proposition raisonnable. Le sénateur aurait préféré que le RAC vienne énumérer les manifestations sportives automobiles pour lesquelles des dérogations sont indispensables. Cette méthode serait plus praticable sur le plan parlementaire. Il ne sera pas facile pour le RAC de faire cet arbitrage, mais sinon le Parlement sera confronté avec un problème encore plus difficile à résoudre.
Un commissaire fait remarquer qu'effectivement, il ne faut pas oublier que la Chambre des représentants a trouvé une majorité pour voter le projet tel qu'il se présente actuellement. Si le Sénat renverse le projet à 180 degrés, il est évident que la Chambre ne suivra pas et que tous les efforts du Sénat vont échouer.
M. Dekens rejoint le sénateur, qui veut inclure les événements nationaux de premier ordre à l'exception à prévoir. Il répète que le choix entre les événements internationaux est presqu'impossible à faire puisque l'on devrait partir en même temps, de la Formule 1 jusqu'au karting. À partir du moment où l'on inclut les événements nationaux, il est sûr que le RAC préserve l'investissement fait par le cigarettier national dans son championnat national et par là même préserve l'existence de circuits comme celui de Zolder. En effet, si l'on ne devait prendre que les événements internationaux, il faut savoir qu'à Zolder il n'existe comme événement international que les courses de camions, qui sont un championnat national. Par contre, la plupart des disciplines nationales qui font partie du championnat de Belgique dans lequel investissent beaucoup les cigarettiers belges, se passent à Zolder, puisqu'il est le seul circuit permanent et parce que les organisateurs n'ont pas toujours les moyens de faire fermer le circuit de Francorchamps. Le RAC pourrait faire la liste des événements internationaux telle qu'admise par la Fédération internationale et des événements majeurs nationaux. Si le RAC devait se limiter à faire un choix dans les événements internationaux ignorant ce qui est national, le RAC ne pourra souscrire à ce genre de demande. Il existe déjà un calendrier très précis des événements à caractère national et à caractère international admis. Cette liste existe pour toutes les disciplines. M. Dekens souligne toutefois que c'est le rallye et le circuit qui en sont le fleuron.
Une commissaire se déclare frappée par le fait que la France avait opté pour un système de dérogation pendant une période transitoire.
Tout le monde connaît très bien les dégâts faits par le tabac, en coût humain et en coût pour la sécurité sociale. On ne peut pas les nier. Le fait que les marchands de cigarettes dépensent des sommes aussi considérables dans le sponsoring, prouve que leur publicité fait acheter leurs cigarettes. Cela veut dire qu'ils espèrent conquérir une part du marché des fumeurs. Néanmoins, le commissaire croit que l'on pourrait quand même envisager de laisser aux organisateurs de manifestations, qu'elles soient nationales ou internationales, sportives ou culturelles, moteurs ou pas, le temps de se retourner pour qu'ils s'organisent en vue de trouver un autre sponsoring pour l'avenir. D'où la question de savoir si finalement une solution de dérogation ne pourrait pas être envisagée transitoirement pour ne pas bouleverser complètement l'économie des régions concernées. Que pense M. Dekens du régime adopté en France ?
Un membre considère que cette voie constitue une deuxième approche. L'intervenante précédante souhaite un espacement plus long dans le temps de façon à permettre à ceux qui sinon seront frappés très rapidement par la loi, de trouver d'autres formes de publicité. Il estime que l'on pourrait combiner cette formule avec celle des exceptions.
M. Dekens déclare qu'il est sûr qu'après les différents contacts qu'à pris le RAC avec les principaux organisateurs, le RAC a constaté que la période pour compenser la perte des cigarettiers belges était beaucoup plus importante puisqu'il s'agit chaque fois d'une stratégie à long terme. Dans le milieu du sport automobile, il existe plusieurs espèces de clubs. Il y a le club des sponsors, il y a le club des PR et autres, etc. Dans le club des sponsors déjà maintenant, il y a eu concertation sur le fait qu'en l'absence des cigarettiers, ils vont mettre la pression sur les organisateurs pour réduire le coût de la publicité pour les sponsors restants. Donc, les organisateurs qui veulent se retourner vite vers d'autres sponsors potentiels se retrouvent dans une position affaiblie. Par conséquent, leur perte de revenus ne sera pas facile à remplacer.
Le délai qui devrait être mis à la mise en application de la loi devrait donc être beaucoup plus long qu'on ne le pense. Il faudra plusieurs années de travail pour remplacer les 40 % des budgets des organisateurs. Non seulement l'industrie du tabac apporte des moyens financiers de promotion aux organisateurs, mais elle détient en général les teams de pointe. Les organisateurs attirent leur public à des rallyes en annonçant une participation étrangère avec des voitures puissantes, bien préparées et pilotées par des noms réputés. Une fois que les cigarettiers ne seront plus là, l'organisateur devra non seulement trouver des moyens de promotion pour son rallye, mais n'aura plus cet avantage de l'investissement que faisait le cigarettier belge pour des événements attirant plus de 100 000 spectateurs. Le RAC, étant donné que le remplacement des sponsors de l'industrie du tabac sera un travail de longue haleine, propose un délai de dix ans pour la mise en application de la loi, vu que les investissements en teams sont de quatre à cinq ans.
Contrairement à un intervenant précédent, un membre estime que le législateur ne peut pas être trop sélectif en ce qui concerne les exceptions. En ne prévoyant qu'une dérogation pour ce qui est des manifestations internationales l'on favorise les marques internationales et handicape l'industrie belge.
Le commissaire inclut également les évenements culturels dans la problématique. La législation doit prévoir une exception générique et les spécificités de celle-ci doivent être définies dans un arrêté royal délibéré en Conseil des ministres. Il faudrait également accorder, pour ce qui est de la sponsorisation des événements en question, un délai d'au moins cinq ans. En outre, il convient d'exiger des organisateurs une certaine autorégulation et de prévoir qu'en cas d'utilisation abusive de la possibilité de dérogation par l'industrie du tabac, il y a pénalisation des organisateurs. L'on pourra trouver ainsi le moyen de respecter l'objet de la loi sans défavoriser l'industrie belge face à la concurrence internationale, en veillant à ce que notre pays ne soit pas à la traîne par rapport à l'étranger, pour ce qui est de l'organisation d'événements.
Un intervenant estime que, si l'on opte pour le système de la réglementation par arrêté royal proposé par le préopinant, il faut un arrêté royal valable pour une période de cinq ans et renouvelable avant l'expiration de sa durée d'applicabilité.
M. de Vicq de Cumptich rappelle que l'U.B.A. regroupe environ 120 annonceurs (qui ont investi environ 30 milliards en 1996), parmi lesquels on compte heureusement encore quelques entreprises belges, parmi les plus importantes : Solvay, Interbrew, U.C.B., la B.B.L., la K.B., G.I.B.-Groupe, etc.
M. de Vicq de Cumptich se penche alors sur trois effets négatifs qu'entraînera l'interdiction de la publicité et du sponsoring :
1. sur le « marché de la Communication »
Il déplore l'espèce de « désertification » du marché publicitaire belge alors qu'on voit de plus en plus de décisions stratégiques, en matière de communication entre autres, prises dans les headquarters à Paris, Londres, Frankfort... voire Cincinnati. Ceci affecte surtout les multinationales, et partant leurs agences de publicité qui doivent souvent se contenter d'un rôle de boîte aux lettres.
Une interdiction de la publicité pour le tabac, outre une perte importante de chiffres d'affaires pour les agences de publicité, contribuera à l'appauvrissement créative du pays.
2. sur les événements sponsorisés par l'industrie du tabac
Il sera extrêmement difficile, voire impossible pour les organisateurs d'événements tels que les courses de Formule I ou 24 Heures de Francorchamps, 24 Heures d'Ypres, etc... de trouver des remplaçants aux cigarettiers (qui apportent environ 40 % des recettes au circuit de Francorchamps).
La Commission Sponsoring de l'U.B.A. qui a étudié (dans un tout autre contexte) la problématique du sponsoring des « Sports Moteur » avait conclu sur le refus de la part de gros annonceurs/sponsors potentiels, d'associer leurs noms aux sports mécaniques à cause des retombées négatives pour l'image de l'entreprise en cas d'accident. En outre les Spa, Côte d'Or, Coca-Cola, Mars, G.B., mais aussi les Philips, les I.B.M., ne veulent pas voir leur logo « écrasé contre les murs » !
Hors sports moteur, il ne sera pas évident de trouver des substituts aux cigarettiers pour des événements sportifs de prestige tels que le Jumping International de Bruxelles (voir les déclarations récentes du président du Jumping, Georges Jacobs, au sujet de la viabilité de la manifestation, encore plus précaire si Dunhill devait laisser tomber).
3. sur le marché du tabac lui-même
Les observations que peut faire l'U.B.A. de par sa position centrale non liée à un secteur particulier confirment que dans les marchés en stagnation les actions de communication opèrent des transferts de part de marché (voir des marchés aussi différents que les poudres à lessiver et l'automobile).
Dans ce contexte il faut laisser leur chance aux marques locales/nationales en maintenant des activités culturelles et sportives locales/nationales (et tant mieux si elles ont une renommée internationale et attirent des visiteurs étrangers).
Des exemples montrent que le sponsoring peut être un outil efficace pour la notoriété ou le positionnement de marques belges (voir Stella Artois au tournoi du Queens à Londres, Côte d'Or avec Tabarly et chez nous Spa aux 20 km de Bruxelles, Belga et le Beach Festival, etc.).
Ce projet de « loi antitabac », adopté le 9 janvier dernier en séance plénière à la Chambre des représentants, vise à interdire la publicité directe ou indirecte pour le tabac ou tout produit similaire ainsi que son parrainage, quels que soient l'endroit, le support ou les techniques utilisés.
Si ce projet poursuit un but très louable, il semble cependant qu'il faille mesurer les conséquences qu'une loi, telle qu'elle est rédigée actuellement, pourrait engendrer.
Il ne s'attachera pas à aborder ici le traditionnel débat quant à savoir si la publicité pour le tabac vise à augmenter ou non la consommation de ce produit ou ne vise qu'à conquérir des parts de marché. Son intention est plutôt, d'une part, d'apporter un témoignage sur l'impact économique et les effets réels qu'engendrerait une telle loi, particulièrement au niveau régional et, d'autre part, de proposer des pistes éventuelles de réflexion visant à mieux rencontrer les objectifs en matière de santé publique.
* L'adoption d'une telle loi aurait sur l'économie régionale et le financement de certaines activités sportives et culturelles de graves conséquences.
De nombreuses activités culturelles seraient frappées de plein fouet; des manifestations, telles les Francofolies de Spa, pourraient disparaître purement et simplement.
De la même manière, cette loi mettrait en péril la tenue et l'existence même d'importantes manifestations internationales à caractère sportif. Il apparaît clairement que, dans l'éventualité où ce projet devait être voté dans sa forme actuelle, l'organisation d'épreuves internationales telles que le Grand Prix de Formule 1, la F3000, le championnat du monde moto endurance, les 24 heures de Francorchamps, deviendrait impossible à mettre sur pied. Sans compter le « Rally of Belgium », épreuve qui doit se dérouler en 1998 et qui est destinée à accéder au championnat du monde de la spécialité.
* Pourtant, l'impact économique de telles manifestations sur la région est considérable :
Une étude, réalisée le 2 octobre 1996 par la société « InContext » de Washington, s'est penchée uniquement sur les conséquences économiques du Grand Prix de F1 de Spa et ses conclusions sont édifiantes :
Le Grand Prix de F1 est l'événement qui attire le plus de spectateurs en Belgique (plus de deux cent mille pendant la semaine des courses).
Les retombées directes pour l'économie de la région sont évaluées à 1,15 milliard de francs (dont 1,07 proviennent de spectateurs non locaux), sans compter les effets multiplicateurs engendrés par ces dépenses.
Le Grand Prix crée 5 625 emplois locaux permanents répartis dans 1 626 entreprises différentes. 2 500 nouveaux emplois sont créés pendant la semaine de course. Nombre de commerces attendent 100 % de volume de leur chiffre d'affaires annuel pendant la semaine de course. Certains hôteliers n'hésitent pas à dire que « sans la présence du circuit, la région n'attirerait guère de touristes ». Dans une économie où l'emploi est de plus en plus fragile ou instable, des événements économiques comme le Grand Prix servent à protéger l'emploi.
Cette analyse démontre à souhait les retombées économiques vitales du Grand Prix pour la région, Grand Prix qui disparaîtrait si une telle loi était adoptée.
* Mais, outre cet impact sur l'économie, il faut également ne pas perdre de vue les nombreux investissements qui ont été réalisés sur le circuit par les pouvoirs publics, l'État fédéral d'abord, la Région wallonne ensuite.
L'exploitation du circuit, où le secteur public est majoritaire, a nécessité d'importants efforts financiers, qui seraient réduits à néant au cas où la loi telle qu'elle est proposée actuellement était adoptée. L'intercommunale du circuit a engagé, de 1982 au 31 décembre 1996, un montant de 880 millions dans le projet. La Région wallonne elle-même a consenti d'importants efforts d'investissement (de 1989 à aujourd'hui, la Région wallonne et la Communauté française ont investi environ 380 millions de francs en aide directe) pour garder à ce circuit sa classe internationale et il est resté pour elle un pôle d'attraction essentiel, étant donné l'importance de cet événement pour l'image de la Wallonie.
Ne faudrait-il pas prévoir dès lors des dérogations limitées pour ce genre de manifestation ?
En France, une loi du 10 janvier 1991, dite « Loi Evin », interdit toute opération de parrainage et toute propagande ou publicité, directe ou indirecte, en faveur du tabac ou des produits du tabac (article 3, loi du 10 janvier 1991).
Toutefois, l'interdiction de faire apparaître, à l'occasion d'une manifestation sportive, des publicités relatives au tabac n'est pas applicable aux manifestations sportives réservées aux véhicules à moteur, dont la liste est établie par arrêté.
En outre, une loi datant de décembre 1992 a autorisé les retransmissions par les chaînes de télévision des compétitions de sport mécanique (pour autant qu'elles se déroulent dans des pays où la publicité pour le tabac est autorisée) « jusqu'à ce qu'intervienne une réglementation européenne ».
Le législateur français a donc compris, plus d'un an après l'adoption de la loi Evin, les conséquences perverses engendrées par une loi antitabac trop rigide.
Yves Mamou, dans Le Monde du 4 avril 1995, écrivait ceci :
« En bref, les promoteurs de la loi Evin ont sous-estimé trois séries de phénomènes intrinsèquement liés entre eux : l'internationalisation croissante de la publicité, la mondialisation du sport et celle de la télévision. Il est quasi impossible aujourd'hui, en conséquence, d'élaborer en France, et en France seulement, une législation restrictive qui concerne, « directement ou indirectement », le sport, la télévision ou la publicité. »
Le projet de loi prévoit une dérogation autorisant la publicité offerte aux nombreux lecteurs et téléspectateurs belges des médias étrangers. Notre pays étant un des plus « câblés » d'Europe, l'interdiction n'aura pas ou peu d'effet à l'égard des téléspectateurs puisque le public belge continuera à voir la publicité en regardant la transmission des événements sportifs et culturels sur des chaînes de télévision étrangère. Et l'association du tabac a des événements retentissants se poursuivra via le petit écran.
En réalité, ce projet ne pourrait avoir comme effet que de délocaliser des manifestations de niveau international situées sur le territoire belge vers d'autres pays où la législation est moins rigide. Pour reprendre l'exemple de ce que la plupart des professionnels appellent « le plus beau circuit du monde » (Spa-Francorchamps), environ 45 pays ont posé leur candidature pour accueillir 16 Grands prix prévus pour 1997. Plusieurs pays européens frappent déjà à la porte des instances dirigeantes de la Formule 1 afin que le Grand prix de Belgique se déroule chez eux.
1. Fort de l'expérience française et afin de ne pas mettre en péril certaines manifestations internationales, ne faudrait-il pas prévoir que l'interdiction ne soit pas applicable aux événements sportifs et culturels à caractère international ? Ne faudrait-il pas, dans ce cadre, mettre sur pied une commission (où tous les niveaux de pouvoir seraient représentés) qui octroierait des dérogations au cas par cas, établissant par là même une jurisprudence sur ce qu'il y a lieu d'entendre par « événement sportif et culturel à caractère international » ?
2. Cependant, sensible à la nécessité de promouvoir la santé publique, l'orateur est convaincu qu'une réglementation efficace en la matière passe par une harmonisation européenne. Comme on a pu le voir en France, une telle mesure, aussi généreuse soit-elle mais prise isolément, ne constitue pas un moyen adéquat pour rencontrer le but poursuivi.
C'est pourquoi, il invite la Belgique à mettre sur la table le débat au niveau européen afin de soutenir une réglementation homogène. Elle peut être assurée par l'appui du Gouvernement wallon.
Les raisons d'une réforme du projet de loi sur
l'interdiction de la publicité des produits du tabac
En date du 9 janvier 1997, la Chambre des représentants a adopté la proposition de loi interdisant la publicité pour les produits du tabac. Cette proposition déposée par M. Vanvelthoven, Mme Vanlerberghe et M. Cuyt, a été adoptée par 89 voix, 22 contre et 29 absentions.
L'interdiction visée ne s'applique pas à :
La publicité pour les produits du tabac faite dans les journaux et périodiques étrangers.
La publicité fortuite pour les produits du tabac faite dans le cadre de la communication au public d'un événement qui se déroule à l'étranger (exemple : diffusion d'images télévisées et d'illustration photographique dans les quotidiens et autres organes de presse de Grands Prix de Formule 1 se déroulant à l'étranger).
L'affichage de la marque d'un produit du tabac à l'intérieur et sur la devanture de magasin de tabac.
En dehors du légitime débat sur la publicité du tabac, et bien que n'étant pas insensible aux arguments de santé publique de ce projet, l'Intercommunale gestionnaire du Circuit de Spa-Francorchamps est intimement persuadée que si les textes tels qu'ils sont actuellement rédigés, ne prévoient aucune dérogation permettant d'assurer l'organisation d'événements sportifs internationaux tels que ceux qui se déroulent sur son tracé, la viabilité de l'Association, mais aussi de l'ensemble des sports mécaniques belges, est plus que compromise, comme le sont les énormes impacts qu'il engendre sur l'économie et l'emploi.
Cette situation inquiète également fortement les instances sportives internationales et plus particulièrement M. Bernie Ecclestone, président de la F.O.C.A. (Formula One Constructors Association), en sa qualité de promoteur de l'ensemble du Championnat du Monde de Formule 1.
À la lecture d'un fax envoyé par M. Ecclestone à l'Intercommunale du circuit de Spa-Francorchamps, il apparaît clairement que dans l'éventualité où cette loi devrait être définitivement votée dans sa forme actuelle c'est-à-dire sans amendement permettant au circuit d'autoriser l'exposition, pendant les manifestations, de marques de fabricants de cigarettes sur les véhicules de compétition et aux abords de la piste l'organisation d'épreuves internationales telles que Grand Prix de Formule 1, F.I.A. G.T. Endurance, F 3000, Championnat du Monde Moto Endurance, 24 Heures de Francorchamps, deviendrait impossible à mettre sur pied dans nos installations et dès lors, provoquerait à très court terme la faillite de notre Association.
Plus grave, cette situation priverait notre pays des énormes retombées économiques qu'engendre chacun de ces événements. Ainsi, à titre indicatif, l'étude de l'impact économique du Grand Prix de Formule 1 de Belgique, réalisée en 1996 par la Société InContext Inc. de Washington, concluait qu'à elle seule, cette manifestation avait rapporté un milliard cent quarante sept millions de francs belges à l'économie locale durant la seule semaine de son organisation.
M. Bernie Ecclestone lui-même, nous a informé que les responsables du Circuit de Zandvoort en Hollande, ayant appris qu'un projet de loi anti-tabac devait être voté prochainement en Belgique, lui proposeraient que notre Grand Prix de Belgique soit remplacé par un Grand Prix de Hollande. En contrepartie, ils lui garantissent qu'il ne serait pas confronté à des problèmes concernant la publicité du tabac dans leur pays.
Contacté à ce sujet, M. Hans Ernst, directeur du Circuit de Zandvoort, nous a confirmé cette information en nous précisant que c'était sur base du code établi entre les manufacturiers du tabac et les autorités hollandaises en matière de publicité pour les produits de tabac qu'il avait pu effectuer cette proposition. Ce document prévoit en effet dans ses articles 20.3 et 28.a que les Circuits de Zandvoort et d'Assen peuvent installer des messages publicitaires pour le tabac.
Si nous répétons notre attachement au bien fondé du projet de loi, nous pensons qu'il est aussi important de souligner que le parrainage des sports mécaniques par le tabac est autorisé dans tous les pays de l'Union européenne, hormis la France qui en 1992 a décidé, par la loi Evin, d'appliquer une législation sur la publicité pour le tabac.
Dans sept pays sur douze, il n'existe pas de disposition particulière concernant « le sponsoring » tabac.
Parmi les cinq autres pays, on peut distinguer trois cas différents :
Italie et Portugal : dans ces deux pays, la publicité pour le tabac est interdite, mais des amendements ont été trouvés.
Les Grands Prix s'y déroulent avec des voitures et des vêtements marqués au nom des cigarettiers et à leurs couleurs et emblèmes. Les panneaux publicitaires placés sur les circuits peuvent, soit comporter les couleurs et emblème et le nom de la marque (Portugal), soit l'emblème et les couleurs seulement (Italie).
Allemagne et Grande-Bretagne : ces deux pays ont conclu des accords volontaires d'organisation de la publicité du tabac avec les industries concernées.
En Grande-Bretagne, les voitures courent sous les couleurs et l'emblème des cigarettiers mais, lorsqu'il s'agit d'événements retransmis par la télévision, elles ne sont pas marquées de leur nom. Il en est de même pour les vêtements des pilotes. En revanche, ce nom peut figurer sur les panneaux publicitaires placés aux abords du circuit; ils doivent alors comporter un avertissement médical.
En Allemagne, dans leurs accords professionnels, les fabricants ont pris l'initiative de ne faire courir les voitures que sous leurs couleurs et leurs emblèmes : toutes les autres formes d'expression publicitaires sont libres.
La France : lors de la discussion de la loi qui porte son nom, M. Claude Evin affirma devant la représentation nationale : « Je n'ai jamais nié que des problèmes économiques risquaient de se poser. »
Dès lors, dans le même temps, le Gouvernement déposait en catastrophe, un amendement (pour 1993 et 1994) créant un « fonds tabac » de quatre cent cinquante millions de francs français (deux milliards sept cents millions de francs belges) destinés au financement des sports qui bénéficiaient de la publicité sur le tabac, dont en large majorité les sports mécaniques.
Toutefois, et il est important de le souligner, dès l'automne 1993, devant le Sénat et l'Assemblée nationale, le ministre des Sports déclarait : « Les modalités de compensations accordées aux organisateurs sportifs depuis la loi Evin me paraissent inadaptées. » On estimait dès lors « concevable » une suspension pure et simple de la loi Evin dans l'attente d'une réglementation européenne. D'autres députés viennent de déposer récemment à l'Assemblée nationale, des projets de réforme de cette loi Evin, notamment par la mise sur pied de mesures en faveur du sport mécanique (aujourd'hui, elles ont déjà reçu la signature de 70 députés).
S'appuyant sur les accords volontaires (on ne parle jamais de loi) existant en Grande-Bretagne et en Allemagne, ces mesures préconisent d'autoriser à nouveau la publicité pour le tabac et les produits du tabac à l'occasion des manifestations sportives réservées aux véhicules à moteur, sous certaines conditions qui résultent de code de bonne conduite négocié entre les autorités publiques et les manufacturiers du tabac.
Le pragmatisme de ces dispositions proposées en France pourraient faire école dans notre pays, d'autant que la consommation de tabac, au moins en Grande-Bretagne, est en très net recul malgré l'autorisation de la publicité.
Dès lors, comme les Français viennent de le faire, nous préconisons d'amender l'actuelle proposition de loi, faite par la Chambre des représentants, de la façon suivante :
« Dans le but de sauvegarder l'immédiat avenir du sport mécanique belge et du Circuit de Spa-Francorchamps en particulier, il est impératif de maintenir le parrainage et la publicité des manifestations sportives réservées aux véhicules à moteur par les producteurs, fabricants et commerçants du tabac ou de produits du tabac. »
En sachant qu'actuellement la Grande-Bretagne, l'Allemagne et les Pays-Bas sont opposés à une interdiction du tabac au plan européen, qu'ils disposent à cet effet, d'une majorité de blocage, notre pays, en adoptant dans sa législation nationale les amendements décrits ci-dessus, pourra jouer un rôle moteur dans l'adoption d'une réglementation européenne, en récoltant les suffrages de toutes les parties concernées.
Il ne faut pas oublier que cette législation ainsi amendée permettra également à nos meilleurs représentants nationaux sur l'échiquier mondial de continuer à exercer leur talents. Il en va ainsi pour Thierry Boutsen (pilote officiel Porsche), du campinois Marc Goossens (troisième du Championnat International de F 3000), des limbourgeois Bas Leinders (champion d'Europe d'Opel Lotus) et Kurt Mollekens (deuxième du Championnat de Grande-Bretagne de F 3), du flandrien David Saelens (deuxième du Championnat d'Europe de Formule Renault), de l'anversois Geoffrey Van Hooydonck (deuxième au Championnat d'Allemagne de Formule Renault) et bien sûr du limbourgeois Freddy Loix, la grande révélation au niveau du Championnat du Monde des rallyes.
M. Teheux, représentant de M. R. Collignon, avait signalé qu'une dérogation au cas par cas pourrait être envisagée. M. Moxhet, par contre, estime qu'il faut faire très attention. Il serait extrêmement dangereux de procéder ainsi.
D'abord, si l'on prend actuellement le calendrier en matière de sport automobile international, il est loin d'être déterminé. cela implique que pour la préparation des épreuves en question, l'on ne dispose pas de beaucoup de temps.
Deuxièmement, les épreuves en question sont précédées d'accords commerciaux entre les différents partenaires dans le cadre des différentes compétitions et aussi dans le cadre des grandes manifestations culturelles. Cette mise au point des accords commerciaux prend généralement des mois. Ce n'est pas quand l'on est à trois mois de l'événement que l'on peut effectivement envisager une dérogation au cas par cas.
Bien que l'idée parte d'une bonne intention, dans la réalité un recul beaucoup plus important est nécessaire. M. Moxhet met donc en garde contre une telle procédure. Les budgets de publicité des annonceurs sont fixés et ils veulent savoir longtemps à l'avance où ils seront dépensés.
M. Moxhet insite sur la nécessité d'adopter des dérogations. L'analyse économique par la société « InContext » précise bien qu'il y a des retombées pour plus d'un milliard de francs à l'occasion de l'organisation du Grand Prix de Formule 1. Il n'y a pas que ce Grand Prix de Formule 1, mais celui-là représente 60 % des recettes du circuit de Francorchamps. Si ce Grand Prix devait disparaître de Belgique, il est clair qu'au niveau du circuit, il faudrait mettre la clé sous le paillasson.
Il faut savoir aussi que dans un pays proche comme la Hollande, il y a un « gentlemen's agreement » avec les cigarettiers. La Hollande n'a pas actuellement des Grands Prix de Formule 1, mais ils ont un championnat du monde de moto qui attire 250 000 personnes sans le moindre problème à Assen. À Zandvoort (Pays-Bas), l'on connaît les retombées économiques positives et l'on serait prêt à investir immédiatement un demi-milliard de francs pour obtenir le Grand Prix de Formule 1 qui ne viendrait plus en Belgique. Assen aussi pourrait, moyennant quelques petites corrections au circuit, accueillir ce Grand Prix.
G. Exposé de M. A. Maes, secrétaire général de l'Intercommunale du circuit Spa-Francorchamps
M. A. Maes fait part de ses inquiétudes au niveau de l'organisation du circuit de Francorchamps, qui est considéré par le monde entier comme un des plus beaux circuits. Sur l'échiquier mondial, la beauté du circuit est le seul atout pour la Belgique. Lorsque les manifestations à caractère international sont négociées auprès des instances internationales, la Belgique n'a malheureusement pas comme les Anglais des arguments du type de pouvoir présenter des teams puissants, avec leur puissance de réalisations au niveau technique extrêmement élaborées. Les Allemands viennent avec les marques Mercedes, B.M.W. et Porsche, qui représentent une industrie extrêmement lourde et très puissante. Les Français viennent avec les marques Renault et Peugeot, avec la nouvelle écurie Prost. Les Italiens ont Ferrari, Fiat, etc., qui font toute la puissance de l'automobile chez eux. La Belgique vient exclusivement avec le circuit de Francorchamps, où de nombreux investissements ont été faits. Depuis 1982, l'Intercommunale du circuit y a investi près d'un milliard de francs pour le mettre en permanence à l'ordre du jour pour suivre les implications et les revendications notamment en matière de sécurité. Toutefois, il faut dire que cet atout seul ne suffit pas à convaincre les instances internationales à garder des événements qui ont au niveau économique des retombées extrêmement importantes. M. Maes croit qu'il importe d'être extrêmement attentif au genre de mesures qui pourraient être prises en Belgique et qui risquent de nous déstabiliser complètement par rapport à l'échiquier mondial sur lequel le circuit de Francorchamps se bat. Il risque de se trouver en position tout à fait inconfortable et instable d'autant plus que l'on sait que dans les pays voisins que sont l'Angleterre, l'Allemagne et la Hollande, il n'y a pas de législation de ce type. Là, il existe des accords volontaires entre les cigarettiers et les gouvernements qui font en sorte que les sports mécaniques puissent continuer à subsister et à avoir lieu dans des conditions raisonnables.
Pourquoi cette absence de publicité « tabac » vat-elle tellement gêner l'organisation des sports mécaniques en Belgique ? Il faut savoir que dans des événements internationaux principalement, les cigarettiers sont les parrains (les pourvoyeurs de fonds principaux) des différents teams. Donc, sur un team de F1, dont le budget de développement et d'évolution technologique qui réclame des investissements de l'ordre de milliards de francs, les cigarettiers interviennent en général pour la moitié. Il est bien clair que si la Belgique interdit à ces parrains qui leur permettent de faire toute cette évolution d'être présents sur le site, les teams refuseront catégoriquement de venir en Belgique. Fatalement, il est évident que les teams insisteront pour aller dans des pays où les conditions pour leurs parrains sont beaucoup plus intéressantes. La Belgique a beau avoir le plus beau circuit et le meilleur « know how » du monde, dans le domaine des compétitions internationales, il n'y a pas de sentiment. Puisque les concurrents eux-mêmes ont besoin de cet argent venant des cigarettiers, et qu'actuellement il n'y a absolument pas de produits de substitution, dans l'état actuel des choses, si au niveau de la législation, nous refusons aux teams d'être accompagnés de leurs pourvoyeurs de fonds principaux, il est clair qu'ils ne viendront plus en Belgique.
La direction du circuit de Francorchamps a été convoquée à cet effet au début de l'année par les instances internationales, aussi bien la FOCA que la FIA, qui gèrent non seulement les problèmes sportifs mais également les problèmes de tourisme. Il a été clairement dit que la FOCA et la FIA sont tout à fait conscientes de l'effet néfaste du tabac sur la santé, mais le problème est qu'il y a des considérations économiques qui entrent en ligne de compte également. Le monde international de l'automobile est à présent dans un tel climat de présence des cigarettiers que la FOCA et la FIA ne peuvent absolument pas s'en passer. Ces organisations déclarent que si la Belgique adopte cette législation, il est clair que pour le calendrier international, la Belgique ne peut plus être proposée comme candidat. Par conséquent, la Belgique perdra tout le bénéfice des investissements réalisés à Francorchamps et des efforts consentis pour obtenir ces épreuves au niveau international. Pour l'organisation des épreuves de F1, il y a 44 candidats pour 16 épreuves organisées.
Il serait dommage de mettre notre position à mal par une législation qui n'est pas suffisamment adaptée aux circonstances économiques.
Un commissaire se déclare très sensible à l'importance de Francorchamps parce qu'au niveau économique, il y a beaucoup de bonnes raisons de continuer les compétitions automobiles, mais l'intervenant demande aux responsables du circuit de Francorchamps de lui donner des arguments pour convaincre la Chambre des représentants de changer sa position.
M. Maes estime qu'il est important de voir ce qui s'est passé dans nos pays voisins et de faire référence à cela pour voir comment faire évoluer le projet de loi à l'étude.
Si l'on prend l'exemple de la France, la loi dite « loi Evin » a créé une interdiction totale de la publicité pour le tabac qui, dans le chef des événements sportifs, a été automatiquement corrigée par la création d'un fonds tabac de 450 millions de francs français par an. M. Maes doute qu'en Belgique, l'on puisse faire passer un amendement de ce genre.
Si l'on prend l'exemple de l'Allemagne, ce pays a instauré des accords volontaires qui interdisent certaines catégories de publicité. En ce qui concerne les circuits automobiles, par exemple, la publicité tabac sur des panneaux publicitaires est interdite mais sur les voitures elle est autorisée.
Si l'on prend l'exemple de l'Angleterre, il y a également des accords volontaires. Là, pas de publicité sur les voitures mais les panneaux publicitaires sont autorisés moyennant des messages à caractère sanitaire ou médical.
Il y a donc différentes possibilités en prenant en compte les accords qui existent dans les pays voisins. Ces pays font d'ailleurs le blocage au niveau européen sur une législation de publicité anti-tabac. Si la Belgique pouvait reprendre un peu de tout ce qui existe dans les pays voisins en matière de conditions et d'amendements à cette législation anti-tabac, elle pourrait au contraire devenir un exemple et servir de référence pour accueillir le suffrage des pays qui actuellement font blocage à cette législation européenne que tout le monde attend depuis très longtemps.
La Belgique pourrait envisager aussi, comme le fait l'Allemagne, d'obliger les annonceurs publicitaires qui continueraient à passer des messages sur les événements à caractère international automobile, à réserver une partie de leurs annonces à des messages sanitaires et médicaux. Les panneaux publicitaires pourraient très bien être assortis d'une surface de 20 ou 30 % disponible pour des messages sanitaires ou médicaux proposés par le ministre de la Santé publique.
La Belgique pourrait aussi envisager un système de taxation supplémentaire puisqu'il existe déjà des taxations en matière de publicité à tous les niveaux du pouvoir. Cette taxe sur les panneaux publicitaires pourrait être multipliée par deux, mais plutôt que d'entrer directement dans les recettes des pouvoirs publics, elle pourrait être attribuée en sens inverse à un fonds tabac dans lequel le ministre de la Santé publique pourrait puiser des fonds pour faire une campagne de promotion contre le tabac et plus particulièrement contre le tabac au détriment des jeunes. Un spot à la RTBF montrait récemment le footballeur Johan Cruyff, qui shottait dans une pile de paquets de cigarettes. M. Maes croit qu'il s'agit là d'une situation qui marque davantage le jeune que de purement et simplement interdire le nom d'une marque de cigarette sur une voiture. Il y a donc moyen de retourner les effets négatifs de la publicité tabac en se servant de la nécessité de la présence des cigarettiers sur le site, en utilisant leurs moyens pour faire de la promotion contre le fait que les jeunes puissent continuer à fumer.
M. Maes ajoute que le secteur du sport mécanique est disposé à la préparation d'éventuels amendements. Il fait référence aussi au dossier remis en commission, qui reprend l'ensemble des accords existants dans les pays voisins.
Un membre rappelle que la commission est seulement chargée de rendre un avis. La discussion du projet ressort de la commission de la Santé publique qui se penchera sur le fond du dossier.
L'intervenant déclare que pendant le temps qu'il était ministre de la Santé publique, il a proposé à ses collègues de l'Union européenne d'introduire une interdiction complète de la publicité pour le tabac. Il s'est vite avéré qu'il n'y aurait pas de consensus là-dessus avant longtemps et, en plus, dans la pratique, c'est souvent la thèse minimaliste qui l'emporte.
Entre l'aspect santé et l'aspect économique, le sens du réalisme au niveau politique s'impose.
Selon le membre, en Belgique, il y a une relance du tabagisme en particulier au niveau des jeunes et des femmes. En plus, en France, malgré les mesures radicales prises par le ministre Evin à l'époque, l'on n'a pas assisté à une réduction de la consommation du tabac. Là, le secteur du tabac est parvenu à faire baisser les prix de façon à ce que les consommateurs n'aient pas du tout été démoralisés.
Le problème du tabagisme est loin d'être un problème facile. On pourrait s'inspirer des expériences dans les autres pays et ne pas considérer que le simple fait d'interdire toute publicité, voire de l'encadrer de façon très draconienne fera de la Belgique un pays de pointe en ce qui concerne la diminution de la consommation du tabac.
L'intervenant ajoute qu'il est clair que les retombées économiques ne sont pas négligeables et en particulier pour la région de Spa-Francorchamps. Jusqu'ici, l'on n'a pas trouvé de sponsors qui pourraient se substituer aux cigarettiers.
D'autre part, le commissaire se demande que feraient les organisateurs dans l'hypothèse où, au niveau européen, une interdiction générale de la publicité pour le tabac était instaurée. Ce serait la fin des dérogations.
M. Moxhet déclare que dans les circonstances actuelles, alors que la Belgique est un petit pays, alors que nous nous trouvons dans une situation où nous ne sommes pas défavorisés par des dispositions législatives qui nous mettraient en difficulté par rapport à d'autres pays européens, nous nous défendons fort bien d'autant mieux que nous n'avons pas de très grandes sociétés pétrolières nationales et que nous ne sommes pas producteurs, que nous n'avons pas de grands constructeurs automobiles nationaux. Au cours de l'année 1996, le circuit de Francorchamps a accueilli 153 000 personnes. Aujourd'hui (le 18 février 1997) le circuit a déjà recueilli 137 000 commandes de billets.
Si demain il y avait une législation européenne qui mettait tous les pays membres de l'Union européenne sur le même pied, d'après M. Moxhet, il est clair que nous ne serions pas désavantagés. À moins que les organisateurs des toutes grandes manifestations comme la FOCA ne décident d'ignorer l'Europe, ce qui n'est pas à exclure, M. Moxhet croit que le circuit de Francorchamps pourrait encore se défendre. Mais il ne faudrait pas demander à un petit pays comme le nôtre de pouvoir se défendre s'il est soumis à la législation la plus restrictive au niveau de l'Union européenne.
Un membre estime par principe qu'il faut éviter toute surréglementation. Il y a déjà trop de clauses prohibitives qui, en fin de compte, ne sont pas respectées. Le monde politique ne peut pas avoir la prétention d'organiser et de réglementer tous les aspects de la vie sociale.
L'intervenant suppose que le projet a été élaboré dans un souci de santé publique. Or, si l'on est réellement convaincu que fumer est néfaste à la santé publique, il convient d'envisager, par exemple, une interdiction de vendre des produits du tabac aux mineurs ou une interdiction de fumer dans les lieux publics. Le même membre estime qu'il est quelque peu ridicule de n'interdire que la publicité pour les produits du tabac. Pourquoi dès lors ne pas interdire la publicité pour les boissons fortement alcoolisées ?
Il se déclare convaincu que l'on ne commence pas à fumer à cause d'une affiche publicitaire de l'une ou l'autre marque de cigarettes, mais plutôt en raison de circonstances d'ordre familial ou social. Par ailleurs, les adultes doivent être libres de choisir s'ils vont ou non consommer des produits qui pourraient nuire à leur santé. Pour l'intervenant, il est en outre étrange que certains groupes politiques qui plaident ici pour une interdiction de la publicité pour le tabac, plaident, par ailleurs, pour la légalisation de la consommation des drogues douces.
L'interdiction de la publicité pour le tabac en Belgique touchera surtout les producteurs belges. Les marques mondialement connues continueront leurs campagnes de publicité sur toutes les chaînes de télévision internationales que l'on peut capter chez nous grâce au câble. La commission doit se demander si l'on n'ergote et surréglemente pas à nouveau à l'excès.
Un sénateur estime qu'à côté des problèmes relatifs à l'organisation du Grand Prix de Formule 1 sur le circuit de Spa-Francorchamps, il y a lieu de tenir compte d'autres organisations. L'intervenant était particulièrement frappé par l'engouement populaire que représentent par exemple les Boucles de Spa, qu'il considère comme une manifestation de première importance.
L'orateur demande aussi à M. Moxhet ce qu'il penserait d'un amendement qui pourrait peut-être donner quelques raisons aux défenseurs de la santé publique et donc de ceux qui luttent contre la promotion du tabac. Cet amendement pourrait stipuler qu'un franc investi dans la publicité sportive par les firmes productrices de tabac devrait trouver son correspondant dans des opérations équivalentes, qui seraient par exemple attribuées à un fonds pour la santé et/ou pour la prévention. Cet effort équivalent témoignerait en quelque sorte de la bonne volonté de tous. Il s'agit de trouver une solution intelligente pour un problème qui est infiniment complexe.
M. Moxhet ne veut pas plaider uniquement en faveur du Grand Prix de Formule 1 de Francorchamps. Toutefois, il est vrai que si le circuit n'a plus le « F1 », forcément, il n'y aurait plus moyen de défendre aucune épreuve, puisque les recettes du « F1 » représentent 60 % des rentrées du circuit de Francorchamps.
M. Teheux, représentant de M. Collignon, ajoute également qu'il ne faut pas seulement penser aux manifestations sportives mais également aux manifestations culturelles.
M. Maes fait observer qu'actuellement la direction du circuit de Francorchamps est en forte négociation avec les instances internationales que constitue la FIA pout essayer d'obtenir en Belgique une manche du nouveau championnat du monde GT-endurance. Dans l'état actuel des choses, la direction se trouve extrêmement mal positionnée du fait de ce projet de législation qui vise à interdire la publicité pour les produits du tabac chez nous, Si elle donne souvent l'exemple du Grand Prix de Formule 1, c'est parce qu'il est l'exemple le plus représentatif en matière de chiffres. Si cette épreuve rapporte 1,2 milliard de retombées dans la région, il est tout aussi vrai que les 24 Heures de Francorchamps rapportent plus de 500 millions. Il est donc vrai que toutes les épreuves sont importantes.
M. Maes déclare que le Grand Prix de F1 de Belgique amène 54 chaînes de télévision internationales sur le site, ce qui permet de fixer les regards de plus de 2 milliards de téléspectateurs sur la Belgique pendant plus de 2 heures et qui donne toute la notoriété nécessaire à négocier les autres événements. Ces autres manifestations amènent tout autant de retombées économiques.
En ce qui concerne l'amendement proposé en matière d'équivalence où un franc dépensé en publicité pour le tabac devrait être compensé par un franc attribué à la santé publique, M. Maes a déjà expliqué qu'il y a différentes modalités pour pouvoir amener les cigarettiers à dépenser un peu plus au profit du ministre de la Santé publique. Ces montants devraient lui permettre de faire des opérations qui par exemple empêchent les jeunes de fumer. Ceci permettrait d'inverser le problème que connaît la France qui a créé un fonds de tabac pour aider à compenser l'absence des cigarettiers.
Ici, les cigarettiers amèneraient de l'argent à la santé publique pour faire des opérations comme des spots à la télévision qui montrent les effets négatifs du tabac. M. Maes ne pense pas que l'absence de publicité pour les produits du tabac aura un tel impact. De même, M. Maes suggère de consacrer au niveau des panneaux publicitaires par exemple des messages sanitaires obligatoires à concurrence de 10, 20, 30 voire 40 % de la surface. On pourrait aussi envisager un « fonds tabac » alimenté par une taxation qui serait du double de la taxation normale des panneaux publicitaires quand il s'agit de panneaux pour des produits du tabac.
Un équilibre parfait, tel que visé par le projet d'amendement, risque d'être difficile à mettre en application vu qu'il sera très difficile de savoir combien il a été investi en publicité pour les produits du tabac. D'après M. Maes, il vaut mieux trouver des modalités bien précises pour que l'argent soit sûr d'arriver.
Un commissaire résume comme suit les arguments des opposants à la publicité pour les produits du tabac. Appartiennent entre autres à ce camp la Ligue flamande contre le cancer, l'Association contre le cancer, le monde médical, etc. En ce qui concerne les exceptions demandées pour certains événements et pour certains types de publicité, par exemple à l'occasion du Grand Prix de Formule 1 de Francorchamps, ils mettent en garde contre le fait que tout le secteur de la publicité pour le tabac trouvera dans ces exceptions une échappatoire. L'exception sera immédiatement élargie et la loi deviendra inefficace.
En ce qui concerne la création éventuelle d'un « fonds antitabac », les opposants se demandent s'il est possible d'imaginer quelque chose de plus absurde. C'est comme si un médecin inoculait à la fois un microbe et un médicament à un patient.
Les opposants prétendent en outre qu'il existe un lien très marqué entre la publicité pour le tabagisme, surtout à l'adresse des jeunes et surtout lors des manifestations sportives et culturelles où règne une certaine atmosphère d'émancipation, et le fait même de fumer. Ce n'est qu'auprès d'un groupe cible plus âgé que la publicité sert à faire connaître une marque et à faire passer le consommateur d'une marque à une autre. Chez les plus jeunes, au contraire, le but de la publicité est de les inciter à fumer.
L'on a, en effet, prouvé scientifiquement que le risque de développer un cancer du poumon et des maladies pulmonaires et apparentées est 40 fois supérieur chez un fumeur que chez un non-fumeur. D'où le lien que l'on peut établir entre la publicité pour le tabac et la maladie qui en résulte.
En termes économiques, le régime de l'assurance-maladie en vigueur en Belgique doit supporter tant en prestations primaires que dans le cadre d'une invalidité ou dans celui des soins de santé liés au tabagisme, une dépense annuelle de quelque 45 milliards. En comparaison avec les quelques millions de retombées économiques des manifestations sportives sponsorisées par le tabac, c'est énorme et totalement disproportionné.
Un autre membre pense que si l'on applique une telle loi, la Belgique risque d'être un pays de pointe en matière de lutte contre le tabac mais elle risque aussi d'être un pays sans emplois. Le membre pense donc que les retombées économiques telles qu'on les a démontrées ne sont pas négligeables. Du jour au lendemain notre pays, se séparant de cet impact, sera encore plus isolé dans l'espace économique européen. L'intervenant ne pense donc pas que ce serait une bonne solution d'adopter le projet.
Par conséquent, à la fois pour les retombées économiques et à la fois pour l'image que cela donne de la Belgique, le membre pense que la loi telle qu'elle a été votée à la Chambre des représentants est mauvaise.
Il importe donc d'amender ce projet, ce qui ne signifie pas pour autant qu'il faudrait autoriser n'importe quoi. Préserver la santé publique ne signifie pas priver une personne de sa liberté. Or, ce serait le cas si l'on adoptait le projet tel quel parce qu'une publicité, finalement, c'est mettre quelqu'un devant un choix et ce n'est pas imposer. Supprimer la publicité est une entrave à la liberté de choix. Ce serait aussi constater d'ailleurs que toutes les démarches qui ont été faites, toutes les campagnes qui ont été menées pour inciter les jeunes à ne plus fumer, ont échoué. Le commissaire pense qu'il faudrait s'interroger sur tout ce qui a été fait depuis des années pour essayer de dissuader les gens de fumer et se rendre compte que finalement, aujourd'hui, il y a plus de jeunes et de femmes qui fument qu'avant. Ceci veut dire que l'on a mal mené les campagnes de sensibilisation. Parce qu'on constate l'échec de ces campagnes, il ne faut pas pénaliser l'économie régionale, l'image de marque de la Belgique et l'emploi en Belgique, alors que tous les discours vont dans l'autre sens. Il y a donc là une incohérence dans ce genre d'avancées.
Le même commissaire demande quelle est la proportion des cigarettiers dans le total des publicités sur un circuit comme Francorchamps. En Belgique, en 1995, les cigarettiers ont investi 846 millions dans des manifestations culturelles et sportives. Les retombées de toutes les manifestations, rien qu'en sports mécaniques, tant en Wallonie qu'en Flandre (e.a. Zolder, Ypres, etc.) représentent une somme colossale. Le membre pense que les sénateurs des communautés ne peuvent pas être insensibles à cela. Les régions sont pénalisées les premières dans ce projet et c'est un des rôles du Sénat d'y être attentif.
Le représentant du ministre R. Collignon rappelle qu'une étude réalisée par KPMG et qui date du 1er juillet 1996, dit que sur les 550 événements culturels et sportifs effectués en Belgique, il y a en moyenne un tiers du sponsoring financier qui vient de l'industrie du tabac.
M. Maes déclare qu'en ce qui concerne l'exploitation du circuit de Spa-Francorchamps en tant que tel, l'Intercommunale elle-même génère un chiffre d'affaires de l'ordre de 100 millions par an. Dans ce chiffre d'affaires le chiffre de la publicité venant au circuit par les cigarettiers représente 3 à 4 % au maximum. Le gros problème est que pour générer ce chiffre d'affaires et pour amener les milliards de retombées économiques, le circuit a besoin de clients. Ces clients sont les organisateurs de manifestations à caractère national et surtout international. Il faut savoir qu'à ce niveau-là, le rôle des cigarettiers est prépondérant. La moitié des budgets des teams de F1 sont financés par les cigarettiers. Si les teams ne peuvent pas amener leurs parrains en Belgique, il est clair qu'ils ne viendront plus d'autant plus qu'il y a 44 pays demandeurs pour 16 épreuves à organiser. La Belgique est un des derniers pays où l'organisateur paie un coût de location sur le circuit. Partout ailleurs il est payé pour y aller indépendamment de ce que les teams ont déjà payé eux-mêmes. M. Maes croit que c'est un élément dont il faut tenir compte. Ce que rapporte la publicité des cigarettiers pour le circuit ne représente rien par rapport à ce que cela génère au niveau de l'ensemble des compétitions mondiales qui y sont organisées.
Un commissaire croit que cette commission est appelée à s'occuper de ce projet parce que les activités culturelles et sportives auxquelles il a déjà été fait allusion ne pourraient plus être organisées s'il n'y avait plus les retombées du sponsoring et de la publicité du secteur du tabac. En écartant l'hypothèse de la survenance dans les mois qui viennent d'une législation européenne, pour essayer de concilier l'aspect économique et l'aspect santé publique, une période transitoire pourrait être envisagée pour permettre aux organisateurs de se mettre à la recherche d'alternatives au financement de leurs activités.
L'intervenant estime que tout le monde devrait être d'accord sur le fait que l'on ne peut pas dire, parce qu'il s'agit de tel ou de tel genre de manifestations et que celles-ci n'intéressent pas tout le monde, qu'il ne faut plus de publicité pour les produits du tabac et que ces manifestations n'ont qu'à se déplacer à l'étranger. Le membre confirme aussi qu'il appartient aux sénateurs de communauté de relayer les besoins de leur région.
Le commissaire se demande dans quel délai les organisateurs de manifestations qui bénéficient actuellement de la publicité et du sponsoring du secteur du tabac pourraient trouver des secteurs qui pourraient se substituer au cigarettiers.
Il ne faut pas perdre de vue que, primo, l'on ne peut pas faire n'importe quelle publicité dans ce pays puisqu'il existe déjà un code d'éthique publicitaire en particulier pour les produits du tabac. Le membre n'écarte pas qu'il faille peut-être aller au-delà si l'on va vers un certain type de dérogation. Secundo, le texte du projet transmis au Sénat prévoit déjà des dérogations.
Le commissaire estime qu'il faudrait au point de vue résultat pratique de la publicité telle qu'elle est encore autorisée à travers le paragraphe 2bis , 2º, proposé à l'article 3 du projet, que l'on soit capable de mesurer la part respective par rapport aux autres types de publicité pour les produits du tabac.
Un autre membre estime que cette part est minime. Ce qui est encore autorisé, notamment la publicité dans les étalages et sur la façade des magasins qui continuent à vendre du tabac, c'est-à-dire exclusivement les cigarettiers et les marchands de journaux, est peu de chose par rapport au total.
L'intervenant précédent rappelle que l'on ne peut pas couper les câbles de télédistribution et que la publicité peut arriver par cette voie. Il y a donc des dérogations. Pourquoi pas alors une autre dérogation, ne fût-ce qu'à titre transitoire ?
En ce qui concerne l'aspect santé publique, le membre rappelle qu'à la fin du dix-neuvième siècle, début du vingtième, crevant de misère et ne sachant pas très bien à quoi la vie servait, beaucoup de gens en Belgique fumaient et buvaient beaucoup. Ce ne fut pas le résultat d'une campagne publicitaire. Bien que l'on ne puisse pas laisser passer n'importe quel message, il y a aussi une question d'éducation et une question de volonté personnelle. Sinon, l'on peut aller très loin. Pourquoi encore permettre la publicité pour l'alcool, pour les voitures puissantes, etc. ?
M. Dekens du Royal automobile club déclare que son organisation fait souvent des enquêtes lors de diverses manifestations afin de savoir quelle est sa cible, question de bonne gestion et de bon marketing. Le RAC a remarqué que le public qui fréquente le Grand Prix de Formule 1 a à 91 % plus de 18 ans. Pour les 24 Heures de Francorchamps, la moyenne d'âge à 84 % se situe entre 18 et 35 ans. Pour le public des rallyes l'on sait que 77 % de ce public est propriétaire d'une voiture. Les résultats de ces enquêtes permettent de dire que la personne qui vient regarder ces épreuves et qui serait fumeur, à cet âge-là, peut peut-être changer de marque mais ne sera pas influencé pour décider de fumer ou pas. Dans le domaine du karting, le succès de la publicité pour les produits du tabac pourrait être plus grand, mais la popularité de cette discipline est moindre.
M. Dekens ajoute que pour l'organisation des 24 Heures de Spa-Francorchamps, qui est un événement de renommée internationale, la part du budget qui provient de cigarettiers représente environ 30 à 32 %.
M. Maes, quant aux reportages télévisés, rappelle aussi que la télédistribution existe et que le public particulier des sports mécaniques regardera les compétitions à la télévision quel que soit le pays où se déroule le Grand Prix de Belgique et où, de toute façon, la publicité sera présente puisque les chaînes seront autorisées à pouvoir continuer à les diffuser. M. Maes estime qu'il y a là quelque chose d'illogique au départ.
Pour ce qui concerne les produits pour lesquels la publicité pourrait se substituer à celle pour les produits du tabac, pour l'exploitation même du circuit de Francorchamps, il ne s'agit que de 3 à 4 % du chiffre d'affaires. Le problème se situe plutôt au niveau de ces clients internationaux qui eux ont besoin de la publicité et du sponsoring du secteur du tabac et ne trouveront pas de sponsors de substitution. S'il n'y a pas une législation européenne qui met tout le monde au même niveau, M. Maes ne voit pas comment il pourrait convaincre les responsables internationaux, qui ont l'embarras du choix en matière de circuits, de changer leur principal fournisseur de fonds. Si la publicité pour le tabac était interdite partout en Europe et si les teams décidaient d'encore venir en Europe, ils chercheraient eux-mêmes des produits de substitution et ils s'organiseraient peut-être pour réduire leurs coûts, par exemple en matière de recherche et de développement. Il ne faudrait pas oublier que ces recherches permettent aux teams de déposer des brevets qui plus tard sont appliqués sur les voitures ordinaires et qui permettent également de sauver des vies.
M. de Vicq revient aux arguments qui pourraient être avancés pour essayer de faire changer l'opinion de ceux qui sont en faveur du projet. Il est important de dire que personne ne veut mettre en cause la loi qui a été votée concernant l'interdiction de la publicité. M. de Vicq plaide pour une dérogation concernant le sponsoring. Alors que la publicité est une démarche commerciale où, par un message, l'on essaie de vendre quelque chose, le sponsoring ne consiste qu'à mettre une marque ou un logo sur une voiture ou sur un panneau.
M. de Vicq revient aussi à la distinction à faire entre le culturel et le sportif. En matière de sponsoring sportif et en particulier de sports moteurs, il sera effectivement très difficile de trouver des substituts aux cigarettiers. L'U.B.A. a in tempore non suspecto débattu de ce problème au sein de son comité sponsoring. Il est très clair que les annonceurs des autres secteurs (alimentaires, électro-ménager, etc.) ne sponsoriseront pas des sports dits « violents ». À l'inverse, dans le domaine du culturel, il est peut-être possible d'avoir à plus long terme des substituts. Toutefois, il faut signaler qu'actuellement dans ce domaine les cigarettiers interviennent par de l'argent liquide alors que beaucoup d'autres sponsors le font par des transferts en nature. C'est aussi un élément important à prendre en compte.
Un commissaire fait observer que déjà la publicité pour le tabac, ne fût-ce que par le message « Le tabac nuit à la santé », est beaucoup moins agressive qu'avant.
Un autre membre déclare, réagissant à l'intervention de M. de Vicq, qu'il ne voit pas bien quelle est la différence entre la publicité et la sponsorisation qui en est une forme indirecte où le message est transmis de manière un peu plus subtile. Lorsque les entreprises sponsorisent, elles veulent que leur nom apparaisse et que les gens soient indirectement incités à consommer leur produit.
En outre, le même commissaire signale qu'il ne faut pas restreindre le débat à un problème de sponsorisation. Il est beaucoup plus vaste. Le projet de loi à l'examen a deux incidences économiques importantes. L'une d'entre elles est que nos produits nationaux subiront une concurrence déloyale en matière de publicité et de sponsorisation. En effet, la publicité et le sponsoring leur seront interdits, alors que leurs concurrents étrangers pourront continuer à les pratiquer et toucher indirectement le consommateur belge par les magazines, la télévision, etc. Il estime donc que la commission doit trouver une solution au problème.
Le point central du débat est que fumer nuit à la santé et qu'il faut éviter que la jeunesse soit trop tôt confrontée au tabac. Chacun soutient ces objectifs. L'intervenant doute que le projet de loi à l'examen permette de les atteindre. En effet, il ne garantit absolument pas que l'on parviendra à éviter que la jeunesse entre en contact avec les cigarettes. Il y a des manières beaucoup plus efficaces de régler le problème. Il suffit d'interdire la vente de produits du tabac aux mineurs. Le projet de loi témoigne au contraire d'une grande hypocrisie, principalement parce qu'il émane de personnes qui veulent par ailleurs légaliser les drogues douces.
L'intervenant continue à remettre en question l'interdiction de la publicité pour les produits du tabac. L'on pourrait également interdire la publicité pour les boissons alcooliques, les voitures, etc. Dans ce cas, il faut se demander dans quel pays nous vivrions. Il souhaite par conséquent que la discussion soit la plus large possible.
Un autre membre se dit d'accord avec l'intervenant précédent. Il confirme que le projet de loi manquera son but.
Un autre commissaire encore demande s'il ne faudrait pas rédiger un amendement visant à remplacer partiellement le projet par une disposition interdisant la vente des produits du tabac aux mineurs.
Un autre membre ajoute qu'il souhaiterait que l'on alourdisse nettement les peines en cas d'infraction à la réglementation actuelle. En effet, il reconnaît que cette réglementation est trop souvent contournée.
Un commissaire craint qu'une interdiction de la vente de produits du tabac aux mineurs ne soit pas très efficace. Il suffit que les mineurs fassent appel à un adulte pour leur acheter les produits en question.
L'intervenant précédent estime que l'efficacité de l'interdiction dépendra du sens des responsabilités des adultes.
L'intervenant précédent estime que la situation du budget de la Santé publique est connue par tout le monde ainsi que la situation économique. La commission des Affaires économiques devrait aborder l'aspect économique en définissant l'intérêt des épreuves de sports mécaniques organisées partout en Belgique. Ce n'est pas parce que l'on va interdire la publicité sur le tabac que l'on va régler le problème du tabagisme. Si l'on veut s'y attaquer, il faut prendre des sanctions totalement différentes.
Un membre plaide pour que l'on soit réaliste et met en garde contre le parti pris et les attitudes de principe. Quel est le moyen le plus efficace pour
empêcher la population de fumer ? Le fait de fumer dépend-il du fait que la publicité soit autorisée ou non ou du fait que l'on ne puisse plus fumer dans certaines circonstances spécifiques ? Une interdiction de fumer dans les lieux publics serait beaucoup plus efficace qu'une interdiction de la publicité si l'on veut inciter les gens à fumer moins. En cas d'interdiction de la publicité, les fumeurs pourront continuer à fumer où ils voudront et il n'est pas sûr que moins de personnes commenceront à fumer. L'interdiction de la publicité oblige le législateur à prévoir, pour des motifs économiques et autres, une série d'exceptions assorties de conditions compliquées. Limiter directement les possibilités de fumer permet d'éviter un tel détour et est beaucoup plus efficace en termes de santé publique.
Un autre intervenant fait remarquer que les distributeurs de cigarettes constituent un obstacle si l'on veut interdire la vente de cigarettes aux mineurs.
Un commissaire fait observer qu'aux États-Unis, il est interdit de vendre et interdit de fumer dans des endroits publics, etc. N'empêche que les États-Unis sont le pays où l'on fume le plus. Ce n'est donc pas parce que l'on interdit la vente et la publicité que l'on va régler le problème. Il s'agit plutôt d'un problème de comportement de société et d'éducation. Les gens fument parce que l'on fume autour d'eux. Ce n'est donc pas l'interdiction de la publicité qui va les empêcher de fumer et ce n'est pas non plus l'interdiction de la vente aux mineurs.
Un autre membre estime que la majorité des membres de la commission s'oppose à l'interdiction de la publicité pour les produits du tabac et qu'elle estime, en outre, que ce n'est pas le moyen idéal pour réduire la consommation de tabac.
Il propose que la commission rende d'abord un avis négatif concernant le projet de loi à l'examen parce qu'il contient une série de non-sens économiques qui sont préjudiciables à notre économie et à l'organisation d'événements culturels et sportifs dans notre pays. Ensuite, l'on peut y ajouter que si l'on veut vraiment favoriser la santé publique, d'autres méthodes plus efficaces sont concevables.
M. Schepers affirme qu'avec M. Christian Vanbesien, il représente l'entreprise Worldwide Brands, Inc., qui possède les produits Camel. La formulation actuelle du dernier alinéa de l'article 3 du projet leur pose des problèmes pratiques.
M. Vanbesien fournit à la commission une série de données commerciales confidentielles censées illustrer la signification économique et l'évolution des marques.
Worldwide Brands, Inc. rassemble en Belgique les activités de marketing de trois fabricants de vêtements, d'un fabricant de bagages et d'un fabricant suisse de montres, « Melco ».
M. Vanbesien expose le cas des « Camel Boots ». Selon lui, les marques sont l'atout le plus important d'une entreprise. La valeur d'une marque s'acquiert grâce à des communications pendant plusieurs années et à des investissements dans le sens du profil de son image. Dans certaines circonstances, on peut utiliser la valeur de la marque pour développer de nouvelles activités économiques par le biais de la diversification. Il s'agit alors simplement d'un transfert de l'image centrale de la marque vers d'autres segments de produits.
Les avantages économiques et les économies de coûts qui caractérisent une telle stratégie sont considérables. Il ne faut pas faire de gros investissements supplémentaires pour créer l'image d'une nouvelle marque dans les nouveaux segments de produits.
Tel a été également le cas pour la marque Camel, qui avait un profil et donnait l'image d'un style de vie qui attirait même davantage les non-fumeurs, bien qu'on ne pût pas leur proposer d'autres produits. Cette lacune a amené le groupe RJR Nabisco à réfléchir au cours des années 70 à la diversification de la marque Camel dans des secteurs nouveaux et différents.
L'expérience et l'analyse ont montré que la marque avait un profil très masculin et « décontracté » aventure, indépendance, et dans une certaine mesure, un style macho. Comme pour beaucoup d'autres marques à image, la mode était une diversification logique : c'est pourquoi il fallait trouver des accessoires de mode qui étaient en harmonie avec ce type particulier de virilité « décontractée ».
En 1977, l'on a accordé une licence à un fabricant de vêtements pour qu'il introduise la collection Camel sur le marché allemand. Un an plus tard, Salamander, l'un des plus grands fabricants de chaussures européens a reçu une licence pour produire des chaussures de loisirs pour hommes et les vendre sous le nom « Camel Boots ». En 1986, l'on a commencé à produire des montres Camel et en 1988, des bagages Camel.
L'expérience que le développement des activités « Camel Boots » a permis d'accumuler illustre bien le phénomène de diversification d'une marque. Les « Camel Boots » ont été d'abord lancées en tant que marque de chaussures sur le marché allemand en 1978 avec, pour titulaire de la licence Salamander AG, l'un des fabricants de chaussures européens les plus importants. Salamander a une image de qualité et de confort et voulait percer dans le segment des consommateurs masculins plus modernes et plus sportifs. Dès lors, ce fabricant a opté pour l'image que Camel avait déjà.
En 1981, M. Vanbesien a été chargé par Salamander AG d'examiner si l'on pouvait mettre la collection de chaussures Camel Boots sur le marché belge, vu que la Belgique avait déjà, à l'époque, une législation en matière de publicité pour le tabac.
M. Vanbesien a obtenu de M. Califice, le ministre de la Santé publique de l'époque, une autorisation écrite de mettre la collection Camel Boots sur le marché belge, à la seule condition de ne pas établir de lien direct avec les cigarettes Camel. Grâce à des campagnes de publicité ciblées, l'on a offert au consommateur un assortiment plus large de « Camel Boots ». En 1995, environ 200 commerçants occupant environ 600 personnes vendaient ces chaussures.
Il s'agit d'un chiffre d'affaires représentant des dizaines de milliers de paires de chaussures et plusieurs centaines de millions de francs.
Outre les chaussures Camel, l'on commercialise en Belgique également les vêtements Camel dans environ 60 commerces de détail qui occupent ensemble 150 personnes. En 1989, l'on a introduit en Belgique les montres Camel et, en 1993, les valises Camel.
Un commissaire estime que la Commission a bien compris le message que M. Vanbesien a essayé de transmettre. La Commission voit bien de quelle façon Worldwide Brands, Inc. risque d'être frappé par le § 2bis, 3º, proposé à l'article 3 du projet. La société a fait des années d'efforts pour introduire cette marque qui vont être anéantis par cette disposition puisque d'une part, la marque Camel n'a pas été déposée à l'origine pour des produits qui ne sont pas des produits du tabac et, d'autre part, le chiffre d'affaires pour ces produits est de loin inférieur à celui pour les produits du tabac.
L'intervenant demande aux représentants de la société EPPA s.p.r.l. s'ils ont une proposition qui permettrait d'amender la disposition et d'éviter que tous les investissements dans cette marque ne soient perdus.
M. S. Schepers souligne que pour lui le 3º mentionné ci-dessus, implique tout d'abord une forme de discrimination car ce 3º touche certaines entreprises qui ont diversifié leur gamme de produits utilisant leur marque de tabac pour d'autres produits et ne touche pas les autres entreprises. Il y a certaines entreprises qui pourront continuer à vendre leurs produits et à faire de la publicité tout simplement par le jeu de la composition de leur chiffre d'affaires.
Deuxièmement, cet article constitue une forme d'expropriation suivant le Traité de Paris de 1967 sur la propriété industrielle et la directive CEE/1988 sur le même sujet. La formulation actuelle du projet touche à la fois l'article 6/5, l'article 7 et l'article 10 du Traité de Paris. Ce Traité de Paris a été appliqué en Belgique depuis de nombreuses années. Les mêmes principes sont repris dans le Traité Bénélux sur les marques. C'est pourquoi l'article 2bis , 3º, est tellement contesté par les gouvernements des Pays-Bas et de l'Allemagne. Cette disposition ne touche pas seulement les chaussures Salamander sous le nom de la marque Camel, mais aussi par exemple le café et le thé sous le nom de Douwe Egberts puisqu'à l'origine Douwe Egberts est aussi une marque de tabac. Pour cette société, il est tout à fait impossible de faire la distinction fine que fait la loi, parce que c'est une ancienne firme coloniale hollandaise qui ne peut pas prouver que leur marque a été déposée pour le café avant le tabac. Le fait que leur chiffre d'affaires pour le café soit supérieur à celui du tabac, ne les aidera pas.
D'après M. Schepers, les gouvernements hollandais et allemand ont déjà protesté auprès du gouvernement belge et auprès de la Commission européenne contre cette violation du Traité de Paris.
M. Schepers pense donc que cette violation de quelques principes fondamentaux ne crée pas seulement des problèmes économiques mais également des problèmes juridiques évidents. M. Schepers pense aussi que tous ces problèmes peuvent être évités en remplaçant le texte proposé par le texte suivant :
« 3º Il est interdit d'utiliser une marque, qui doit principalement sa notoriété à un produit de tabac, à des fins publicitaires dans d'autres domaines, si le projet de publicité n'a pas eu l'autorisation préalable d'une commission de contrôle, à constituer par arrêté royal.
Cette commission, de composition équilibrée, statuera de manière indépendante et dans un délai raisonnable sur les projets qui lui sont soumis en fonction des critères suivants :
· ni les produits ou services ni les messages publicitaires ne peuvent spécifiquement s'adresser à des mineurs d'âge ou présenter des produits de tabacs ou des produits ou services apparentés;
· le produit ou service pour lequel la publicité est faite, sera identifié de manière claire, de sorte qu'aucune confusion n'apparaisse chez le consommateur moyen. »
Ce texte respecte les objectifs du projet qui, en fait, ne concernent pas les produits Camel autres que le tabac. M. Schepers fait remarquer que la société Camel a toujours respecté le principe de ne pas faire de publicité directe, et certainement pas indirecte non plus, pour le tabac.
Le texte du projet d'amendement instaure un contrôle préventif sur la publicité pour des produits qui, à l'origine, ont un nom de marque de tabac, qui peut se faire sur la base de critères objectifs.
D'abord, il ne peut pas y avoir de référence au tabagisme. Deuxièmement, il faut qu'il y ait une proportionnalité dans la publicité pour les chaussures, les vêtements, etc. dans le chiffre d'affaires afin que le législateur puisse éviter que des produits artificiels soient mis sur le marché pour promouvoir quand même une marque de produits de tabac.
Un membre croit comprendre que la première condition vise à introduire une forme de modération dans la publicité, en ce sens qu'il n'y aurait aucun encouragement à fumer.
M. Vanbesien souligne que depuis quinze ans déjà, Camel, dans sa publicité pour la Belgique, ne fait plus référence au tabagisme. Afin de rassurer les parlementaires pour qui le tabagisme semble poser un problème, la solution la plus simple est de permettre la publicité pour des marques de tabac utilisées pour d'autres produits, à condition d'une autorisation préalable par une commission de contrôle qui jugerait sur la base de la proportionnalité de la publicité. Selon M. Schepers, cette notion de proportionnalité est un phénomène tout à fait reconnu en matière de publicité dans le monde économique en Europe. Le deuxième critère serait que la publicité (le texte et l'image, etc.) n'incite pas ou ne fasse pas référence à l'usage du tabac.
Sur la base de ces deux critères objectifs, des produits, comme ceux de la marque Camel ou les vêtements Marlboro, pourraient rester sur le marché sans que la concurrence soit falsifiée et sans que la Belgique ait des problèmes juridiques au niveau européen à cause des dispositions du Traité Bénélux ou du Traité de Paris sur le droit des marques.
M. Schepers explique que si, il y a quinze ans, la société Worldwide Brands, Inc. a pris la marque Camel pour ses chaussures, vêtements et autres articles, c'était une façon facile de vendre ses produits sur le marché des consommateurs. La société WBI peut prouver que les chaussures Salamander ont, d'une façon significative, augmenté leur chiffre d'affaires en Belgique grâce au nom de marque Camel. De même pour les autres articles, il s'agit là d'une évolution économique tout à fait normale dans le marché des consommateurs. Si une entreprise possède une marque connue, célèbre, cela a une valeur en soi que l'on peut utiliser pour la diversification vers d'autres produits. Finalement, cette marque commence à mener une vie autonome pour l'autre produit. Une enquête en Belgique a démontré que pas plus de 7 % de la clientèle de Camel Boots ou de Camel vêtements pense aux cigarettes Camel. Les marques se sont donc diversifiées complètement comme c'est le cas aussi avec les montres Cartier, les parfums Cartier, etc.
M. Schepers plaide pour que la commission tienne compte de cette réalité de la propriété des marques, de la diversification des marques et pour un respect des engagements juridiques pris aux niveaux Bénélux, européen et international.
Un commissaire présume que le système que préconise la société Worldwilde Brands, Inc. consiste à sauvegarder plus ou moins la philosophie de l'article 2bis , 3º, tout en soumettant la publicité à l'autorisation préalable d'une commission de contrôle, à constituer par arrêté royal. D'après l'intervenant, ce système comporte aussi certains inconvénients parce que l'autorisation préalable, sur le plan du principe, c'est de la censure. Ce qu'on entend par délai « raisonnable » n'est pas clair non plus.
Un commissaire déclare comprendre la préoccupation de la société Worldwide Brands, Inc. et la trouver légitime. Il ne comprend pas pourquoi la Chambre des représentants n'en a pas tenu compte.
M. Schepers explique que les deux marques qui sont touchées par la formulation actuelle sont Marlboro et Camel. Par contre, il y a des marques qui y échappent complètement. Ce sont les marques qui appartiennent au groupe Rothmans, comme Cartier et Dunhill. Cela s'explique par le jeu des chiffres d'affaires qui diffère d'un groupe à l'autre, d'où une concurrence déloyale. Il y a donc une falsification de la concurrence parce que Cartier et Dunhill pourront continuer à faire ce qu'ils font actuellement tandis que faire la moindre publicité sera défendu pour Camel.
Une troisième victime du projet serait le groupe hollandais Douwe Egberts-Van Nelle, qui représente café, thé et tabac. Cette société n'est pas en mesure de prouver que le nom de la marque a été déposé d'abord pour le café et le thé et ensuite pour le tabac, puisqu'il a été déposé simultanément.
(Mme De Smedt parle également au nom de la Fondation pour la promotion des Arts)
L'objectif de ces deux fondations consiste à essayer de rapprocher économie et culture. Elles s'y emploient en appliquant certaines pratiques économiques au monde de la culture. L'on dit clairement au secteur de la culture que s'il veut survivre, il lui faut appliquer, avec professionnalisme, certains principes de stratégie de promotion et de communication comme le fait le secteur industriel. Ces fondations tentent de créer des interactions à cet effet. Par ailleurs, l'on dit aux entreprises que si elles collaboraient plus étroitement avec les arts et la culture, elles augmenteraient leur créativité et la rendraient plus intéressante qu'elle ne l'est actuellement. Les fondations invitent aussi les entreprises à sponsoriser très discrètement les arts et soutiennent le phénomène du « mécénat ».
Le budget de la Communauté flamande pour le secteur des beaux-arts est de deux milliards, si l'on exclut le montant prévu pour la BRTN et celui accordé à l'opéra (qui sont les deux postes de dépenses les plus importants). Cette somme ne comprend pas les montants alloués par les autorités provinciales, urbaines et communales aux secteurs culturels.
En ce qui concerne les moyens que les firmes privées consacrent aux arts, Mme S. De Smedt déclare qu'en 1990, le ministre de la Culture de l'époque a commandé une enquête qui a révélé qu'en 1990, les institutions artistiques ont bénéficié d'un milliard de francs émanant des entreprises. Il s'agit de projets en cours comme, par exemple, des expositions organisées par le Palais des Beaux-Arts.
En 1995, la « Stichting voor Kunstpromotie » a effectué une petite enquête qui a révélé que les entreprises privées ont versé 3,4 milliards de francs au secteur culturel en Belgique. Il convient toutefois de faire remarquer que la manière dont les entreprises affectent ces moyens aux arts a changé. Alors qu'en 1990, les entreprises essayaient encore de développer des projets en cours, elles élaborent aujourd'hui plutôt elles-mêmes des projets à l'échelle de l'entreprise.
Les moyens financiers réels que les entreprises ont injectés dans des projets ont quasiment stagné à un milliard. En termes réels, l'on peut dès lors parler d'un recul du phénomène de la sponsorisation et du mécénat artistiques.
De ce milliard de francs affecté au secteur artistique pour des projets en cours, le secteur du tabac s'arroge une part s'élevant à 350 millions, soit 35 %. Il est clair que le secteur du tabac sponsorise ou rend possibles des projets en cours, comme par exemple le « MUHKA » à Anvers, qui organise des expositions d'art contemporain difficilement accessibles, qui constituent pour ainsi dire « l'expérimentation et l'évolution » du secteur artistique parce qu'il s'agit, pour le moment, d'installations et de personnes moins connues et d'oeuvres moins bien comprises. Or, ces projets bénéficient d'un soutien non négligeable de la part du secteur du tabac. Le Musée d'art contemporain de Gand, les festivals et certains projets à l'étude dont la notoriété est vraiment très faible, ne peuvent eux aussi être réalisés que grâce au soutien du secteur du tabac. Il est particulièrement remarquable, à cet égard, que le secteur du tabac fournisse des moyens en espèces alors que de plus en plus d'entreprises apportent leur contribution en nature. Le secteur artistique a précisément besoin de ces liquidités pour pouvoir payer les honoraires et autres frais.
En ce qui concerne ces contributions, Mme S. De Smedt a eu un contact téléphonique avec les célébrités suivantes du monde artistique : Eric Anthonis, Jan Hoet, Flor Beckx, un des organisateurs du « Suikerrockfestival », ainsi qu'avec des personnes du festival du film. Elle leur a demandé leur avis sur la sponsorisation des arts par le secteur du tabac. Les personnes contactées ont déclaré, à l'unanimité, que ce phénomène ne leur posait aucun problème déonotologique, surtout au regard du caractère plus ou moins hypocrite de la législation et des nécessités auxquelles elles doivent faire face et auxquelles les pouvoirs publics ne peuvent pourvoir. Le secteur artistique requiert des moyens nettement supérieurs à ceux que les pouvoirs publics peuvent actuellement lui octroyer. Ces personnes demandent au Parlement d'éviter qu'en 22 mois de temps, elles voient disparaître tous leurs sponsors. Il leur est impossible d'en trouver de nouveaux en si peu de temps. Elles font la proposition créative suivante : laisser le secteur du tabac continuer à sponsoriser les arts, étant donné que les institutions artistiques ont un besoin considérable de liquidités et que le secteur du tabac y pourvoit; affecter à la sponsorisation des arts les moyens qui, auparavant, l'étaient aux affiches publicitaires. On pourrait ainsi demander au secteur du tabac d'être discret. Ces personnes partagent, par conséquent, le point de vue de la Fondation pour la promotion des arts et de la plupart des personnes du monde des arts, à savoir une sponsorisation discrète permettant au secteur du tabac de montrer son « good citizenship » et d'assumer une sorte de responsabilité sociale à l'égard d'un autre secteur.
La Fondation pour la promotion des arts insiste une fois de plus sur le fait qu'il est inconcevable qu'en un laps de temps de 22 mois, nombre d'événements, qui existent à l'heure actuelle, viendraient à disparaître, faute d'avoir pu rechercher, en si peu de temps, des moyens auprès d'autres entreprises.
Une commissaire revient sur le fait que le budget de la Communauté flamande, après déduction des subsides alloués à la BRTN et à l'opéra, s'élève à 2 milliards de francs et qu'en outre, la sponsorisation des firmes privées s'élève à un milliard de francs. Les 350 millions provenant du secteur du tabac représentent-ils exclusivement de la sponsorisation ou incluent-ils aussi de la publicité ?
Mme S. De Smedt déclare que la distinction entre sponsorisation et publicité n'est pas toujours si facile à faire, d'autant plus qu'il existe une zone d'ombre entre les deux. Les grandes pancartes que l'on voit aux festivals ne sont, par exemple, pas comprises dans les montants précités. Dans certains cas, les firmes qui sponsorisent demandent, par exemple, en échange d'un certain montant, une mention sur des T-shirts, ce qui est inclus dans les chiffres. Il est donc difficile de faire une nette distinction entre sponsorisation et publicité.
La même membre demande s'il est tellement impensable que l'on puisse trouver, dans les 22 prochains mois, auprès d'autres entreprises, les fonds provenant de la sponsorisation, qui s'avèrent indispensables à l'organisation de certains événements artistiques.
Mme S. De Smedt déclare que pour trouver, aujourd'hui, dans le secteur privé, des montants si importants, les institutions artistiques doivent fournir un travail considérable et de très longue haleine. Seules les institutions qui ont grandi et sont devenues célèbres à force d'efforts peuvent s'adresser à de grandes entreprises pour obtenir certains montants. Le cercle des entreprises qui sponsorisent est assez restreint. À cet égard, le secteur du tabac joue un rôle important. Cela fait déjà dix ans que la Fondation pour la promotion des arts est présente dans ce milieu et elle estime vraiment que l'on ne pourra pas compenser cette perte.
Une sénatrice fait observer que certains pays appliquent déjà une interdiction de la publicité sur le tabac. Mme De Smedt a-t-elle une idée de la manière dont l'on sponsorise certaines manifestations culturelles et artistiques ? Malgré cette interdiction, des Grands Prix de F1 ont lieu dans ces pays. Il doit donc y avoir des solutions alternatives.
Mme S. De Smedt concède qu'elle n'a pas examiné ce phénomène dans les autres pays et qu'elle ne peut répondre à cette question. Il serait par ailleurs difficile de comparer les chiffres d'un grand pays comme la France à ceux de la Belgique.
L'intervenante précédente pense toutefois qu'il serait intéressant pour la Commission de savoir ce qui se passe dans d'autres pays.
Un membre rappelle qu'en France, lors de la mise en oeuvre de la loi Évin, les pouvoirs publics ont débloqué 2,7 milliards de francs pour compenser la disparition de la sponsorisation provenant de l'industrie du tabac. Ce « fonds du tabac » était toutefois limité dans le temps (2 ou 3 ans). L'on se concerte aujourd'hui, en France, pour savoir s'il faut appliquer la loi Évin et s'il faut prévoir des exceptions pour la sponsorisation puisqu'il n'y aura plus d'aides publiques.
Une commissaire estime que les amendements de M. Coveliers (nºs 1 à 5) (doc. Sénat, nº 1-520/2) ne concernent que des dispositions pénales. Elle se demande s'il est bien indiqué de discuter de ces amendements dans la présente commission.
Un autre membre estime que cette remarque est fondée et qu'effectivement il ne s'agit que de modifications aux dispositions pénales. Il se demande si la commission des Affaires sociales ne devrait pas renvoyer ces amendements à la commission de la Justice pour voir si l'on peut continuer à insérer dans toutes les lois spéciales une série de dispositions pénales de façon systématique et continue, au lieu de se référer simplement à des peines déjà prévues à l'heure actuelle.
Il déclare être un adversaire résolu de ce genre d'insertion qui pour finir nous donnera plusieurs codes pénaux puisque les dispositions adoptées par les parlements régionaux comportent aussi des dispositions pénales qui vont faire dans quelques années du Code pénal belge une véritable jungle dans laquelle plus personne ne se retrouvera. Les peines pour une même infraction différeront d'une région à l'autre. Cela mènera à des incohérences totales, ce qui est extrêmement inquiétant.
Et l'intervenant d'ajouter que les dispositions pénales prévues sont ridicules, en raison de la lourdeur des peines relativement à la philosophie générale de notre Code pénal.
La commission des Finances et des Affaires économiques, tout en ayant un préjugé favorable à l'égard de ces amendements nºs 1 à 5, ne se prononce pas par un vote à cet égard compte tenu de ce que cela ne ressort pas de ses compétences habituelles.
M. Ph. Charlier commente son amendement nº 6 (doc. Senat, nº 1-520/4, 1996-1997). Il explique que maintenant tout le monde aura compris que si l'on interdit la publicité pour le tabac, l'on met en difficulté tous les sports mécaniques. Les chiffres disponibles montrent que, rien que pour le Grand Prix de Formule 1 de Spa-Francorchamps, les retombées économiques représentent 1,2 milliard. Si l'on ajoute le rallye d'Ypres, Zolder, les Boucles de Spa, les rallyes du Condroz, l'on dépasse largement les 3 milliards.
L'intervenant répète que l'économie belge ne peut pas se passer de telles retombées qui, dans 22 mois, devraient disparaître et être remplacées par autre chose. Il paraît qu'il n'y a pas d'alternatives pour le sponsoring par le secteur du tabac. Il semble au commissaire que, quand l'on parle d'emploi et de retombées économiques, une telle loi qui ne permettrait pas une exception au moins pour les sports mécaniques, serait dangereuse pour notre économie et nuirait à l'image de marque de la Belgique. Et des activités internationales, comme le Grand Prix de F1, seraient délocalisées dans d'autres pays.
L'amendement nº 6 prévoit toutefois que c'est le ministre de la Santé publique qui doit octroyer les dérogations sur la base de critères prévus par un arrêté royal. Les auteurs de l'amendement croient qu'une définition précise de ces critères permettra d'éviter une dérogation trop large.
Mme Lizin donne la justification de son amendement nº 7 (doc. Sénat, nº 1-520/4, 1996-1997). Elle déclare qu'elle n'a pas voulu étendre l'exception aux événements culturels. Elle ajoute que le débat en commission devrait porter sur ce choix. Mme Lizin souligne aussi l'importance qu'ont les manifestations liées aux sports mécaniques à caractère national.
Un commissaire commente les amendements nºs 8 à 13 de M. Foret (doc. Sénat, nº 1-520/4, 1996-1997). Les amendements nºs 9 et 10 constituent des amendements subsidiaires à l'amendement nº 8. Ils ajoutent des restrictions à l'amendement nº 8. L'amendement nº 11 vise à limiter la dérogation aux seuls événements de renommée internationale liés aux sports mécaniques. L'amendement nº 12 ajoute à l'amendement précédent déjà fort restrictif, une restriction additionnelle à la publicité pour les produits du tabac aux abords immédiats de circuits utilisés pour les compétitions de sport mécanique. Le dernier amendement (nº 13) de cette série vise à limiter cette publicité non seulement aux abords immédiats mais aussi à la durée des épreuves.
Par son amendement nº 15, M. Delcroix souhaite à la fois élargir et restreindre la portée des amendements nºs 6 et 7. L'élargissement concerne la sponsorisation d'événements culturels. À côté des manifestations importantes qui sont sponsorisées par le secteur du tabac dans chaque communauté culturelle, l'auteur de l'amendement souligne également l'intérêt des nombreuses petites manifestations qui n'ont pas de portée internationale, ni même nationale, et qui risquent tout autant de disparaître si la sponsorisation par les firmes de tabac venait à être supprimée. Un autre élargissement serait d'inclure l'ensemble des événements sportifs, au lieu de se limiter aux seuls sports mécaniques.
Par ailleurs, l'auteur de l'amendement prévoit également une restriction. Les manifestations qui ont pu être organisées jusqu'à présent sans l'intervention de la publicité pour le tabac ne sauraient trouver dans la présente loi de nouveaux éléments pour en élargir le champ d'application. À côté de cela, l'amendement prévoit également que le ministre de la Santé publique pourrait arrêter, sur la base de critères prévus dans un arrêté royal délibéré en Conseil des ministres, les modalités précises selon lesquelles la sponsorisation par le tabac et la publicité pour celui-ci seraient quand même autorisées. Outre les aspects de santé publique, il faut également prendre en compte l'aspect économique et les sensibilités des régions concernées.
M. Hatry propose les amendements nºs 16 à 27. L'amendement nº 16 vise à compléter le § 2bis proposé, 2º, par une disposition qui, de nouveau, concerne la sponsorisation d'événements culturels ou sportifs. Toutefois, il y est introduit des contraintes supplémentaires : l'autorisation ne pourra être accordée que pour une durée de trois ans et en plus, le ministre de la Santé publique reste celui qui peut accorder la dérogation mais après avis du ministre des Affaires économiques. D'autre part, des amendements subsidiaires apportent de légères nuances à l'amendement principal.
L'amendement nº 20 à nouveau limite la dérogation non plus à la culture, non plus aux sports en général, mais aux sports mécaniques et ce pour une durée de trois ans moyennant l'accord du ministre de la Santé publique après avis du ministre des Affaires économiques. L'amendement nº 21, en premier ordre subsidiaire à l'amendement nº 20, élimine l'intervention du ministre des Affaires économiques. L'amendement subsidiaire nº 22 ne parle plus d'événements de renommée internationale, par contre il introduit la limitation « aux abords immédiats des circuits ».
L'amendement subsidiaire nº 23 vise à accorder la dérogation pour une durée limitée de trois ans et omet l'avis du ministre des Affaires économiques. L'amendement nº 24, en quatrième ordre subsidiaire à l'amendement nº 20, réintroduit cet avis du ministre des Affaires économiques.
L'amendement nº 25, en plus, limite la publicité pour les produits du tabac à la durée des épreuves. Une fois l'épreuve terminée, l'on serait alors obligé de démonter les panneaux publicitaires. Par contre, cet amendement ne comprend pas l'avis du ministre des Affaires économiques, qui est réintroduit à l'amendement nº 26.
D'après l'intervenant, il serait de plus opportun de ne pas parler d'événements culturels ou sportifs ni de sports mécaniques. Quand la Belgique organisera « l'Euro 2000 » pour le football, l'on sera bien obligé de laisser une place à la publicité des produits du tabac si nous constatons que sinon le budget ne serait pas équilibré et qu'il faut bien le rééquilibrer d'une façon ou d'une autre.
Personnellement, le membre croit qu'une restriction aux sports mécaniques va trop loin.
Plutôt que de voter sur tous ces amendements, un commissaire suggère que toutes les restrictions mentionnées fassent l'objet d'une délibération.
Après ce premier tour d'horizon des amendements, un débat de fond pourrait porter sur la liste suivante des conditions d'exemption susceptibles d'être l'objet d'amendements :
1. Clauses pénales (avis - appréciation - pas de commentaire)
2. Nature des dérogations à l'interdiction :
a) Nature des événements :
1. Sports mécaniques
2. Sports en général
3. Culturel
4. Sportif et culturel
5. Toute manifestation faisant l'objet d'une autorisation par les pouvoirs habilités à cette fin.
b) À rayonnement ou à effet économique :
1. local
2. national
3. international
3. Champ d'application du rayonnement ou de l'information
1. Restrictions géographiques
2. Restrictions dans le temps
4. Autorité de décision :
1. le ministre ayant la Santé publique dans ses attributions
2. le ministre de la Santé publique sur avis du ministre des Affaires économiques
3. le ministre de la Santé publique après avis du ministre des Affaires économiques
4. avis conjoint des deux ministres
5. arrêté royal délibéré en Conseil des ministres
5. Instauration éventuelle d'un fonds
1. pour compenser les pertes de recettes pour les organisateurs d'événements
2. pour la protection de la Santé (alimenté par les bénéficiaires de dérogations, par exemple)
6. Conditions à modifier pour les marques conjointes aux produits du tabac et à d'autres produits (problèmes Camel, Douwe Egberts, Dunhill)
7. Compléments au projet, poursuivant les mêmes buts :
Interdiction de vente de tabac aux mineurs
8. Éventuellement, conditions relatives au caractère indispensable de l'apport de la publicité et du sponsoring par le secteur du tabac pour l'organisation de l'événement.
9. Modification des canaux de distribution des produits du tabac autorisés à procéder à une publicité localisée.
Un membre invite les autres commissaires à prendre en considération, outre les éléments précités, l'objectif du projet de loi à l'examen et donc la question de savoir s'il faut prévoir des exceptions. À cet égard, il convient de tenir compte de l'aspect économique d'une série de problèmes. Même si une série de manifestations sportives ont une incidence économique, la direction du circuit de Spa-Francorchamps a relativisé nettement cette incidence, selon l'intervenante, en affirmant que du moins, la part de la publicité pour le tabac ne représenterait que 3 % de l'ensemble du budget.
Un autre commissaire souligne que les 3 % ne portent que sur la publicité permanente nécessaire à l'entretien du circuit lui-même. En outre, une grande partie du budget est consacrée à la publicité, par exemple à l'occasion de l'organisation d'un Grand Prix, où la participation de l'industrie du tabac oscille entre 40 et 50 %.
L'intervenante précédente tient néanmoins à évaluer le poids des deux éléments d'un point de vue économique. D'une part, il y a les manifestations et leur incidence économique, ainsi que la question de savoir si elles pourraient continuer à avoir lieu sans cette contribution de l'industrie du tabac et, d'autre part, il y a l'objectif du projet de loi, que l'on ne saurait oublier, ainsi que l'intérêt de l'industrie du tabac pour la sponsorisation.
Selon l'intervenant, il s'agit en l'occurrence de publicité en faveur d'un produit qui entraîne un comportement nocif pour la santé et il est essentiel que l'interdiction de la publicité soit axée sur ce point. Le but n'est absolument pas de provoquer de grands drames économiques et d'empêcher l'organisation de certaines manifestations culturelles et sportives. Il s'agit de concilier l'intérêt de l'industrie du tabac (qui n'investit pas sans raison de l'argent dans ces manifestations) et celui de ces manifestations. Le projet de loi vise uniquement à réduire la consommation de tabac.
Un autre membre estime le débat quelque peu irréel. Selon lui, une grande partie des arguments sont peu pertinents. Les répercussions économiques de la présente loi en projet seraient négligeables et subsidiaires. L'on compare l'incidence économique de manifestations sportives avec l'ensemble des dépenses dans le secteur médical pour traiter les maladies provoquées par le tabac. Selon l'intervenant, ce n'est pas une comparaison valable. Il faudrait comparer, d'une part, l'incidence économique et, d'autre part, les plus-values que l'on réaliserait dans le secteur médical si l'on parvenait à réduire la consommation de tabac grâce à une interdiction totale de la publicité pour les produits du tabac. Ce rapport sera tout à fait différent et le « bénéfice » ne sera que minime. Il n'est pas du tout sûr qu'une interdiction réduira la consommation de tabac. Ceci montre que le débat est devenu un peu irréel et que l'on brandit des principes généraux sans examiner de quoi il s'agit réellement.
Le commissaire estime que le premier objectif du projet est de réduire la propension à fumer. Quasi tout le monde y souscrit. Quelle est la manière la plus efficace de l'atteindre ? L'intervenant estime que le débat commence à « dérailler » sur ce point. Il ne croit pas que l'interdiction de faire de la publicité permettra d'atteindre l'objectif poursuivi. À son avis, 80 % des dépenses de publicité visent à amener le consommateur à changer de marque et 20 % à inciter les gens à fumer. Il apparaît donc que l'effet potentiel d'une interdiction de faire de la publicité pour le tabac est donc d'importance minime et marginale par rapport au montant total que l'assurance-maladie débourse pour combattre les conséquences du tabagisme.
Le membre estime que les objectifs peuvent être poursuivis d'une manière beaucoup plus efficace. Si l'on entend réduire la consommation de tabac des jeunes, on peut le faire beaucoup plus efficacement en interdisant par exemple la vente de produits du tabac à ces derniers. L'intervenant estime que l'argument selon lequel les choses seraient incontrôlables, parce que les jeunes demanderaient à des adultes d'acheter des cigarettes, etc., n'est pas valable. En effet, il y a toujours de gens qui tournent les interdictions. La chose est inévitable. La vente de stupéfiants est interdite, mais on ne peut pas non plus l'empêcher dans la pratique.
Le deuxième argument, celui selon lequel les jeunes peuvent s'approvisionner en cigarettes sans aucune limitation aux distributeurs automatiques, est, lui aussi, facile à réfuter. L'on a déjà expérimenté certaines mesures à l'étranger. Les distributeurs automatiques ne fonctionnent qu'à l'aide de jetons à acheter dans un magasin ou au comptoir où l'âge des acheteurs peut être contrôlé.
L'incidence de cette interdiction de vente serait en tout cas beaucoup plus effective que celle des mesures inscrites dans le projet, lesquelles engendreraient des situations chaotiques s'il était adopté.
Un second moyen de faire obstacle efficacement au tabagisme, car tel est quand même l'objet du projet de loi, pourrait consister à limiter de manière draconienne les lieux où l'on peut fumer. Ce serait une mesure facilement applicable et dont l'application serait facile à contrôler.
En outre, les messages publicitaires relatifs à des produits de tabac sont déjà soumis à tellement de contrôles dans notre pays qu'une bonne partie de ceux d'entre eux qui sont trompeurs sont déjà exclus.
Enfin, il est également assez irréaliste et hypocrite de prétendre que fumer nuit à la santé, alors que l'on autorise la fabrication et la vente de produits du tabac. S'il est vraiment si nuisible de fumer, il faut rester logique jusqu'au bout et interdire la fabrication et la vente de produits du tabac. C'est ainsi que l'on procède pour les stupéfiants.
Le même intervenant fait observer que la Belgique vit, non pas isolée, mais imbriquée dans la Communauté européenne, au sein de laquelle aucune interdiction générale de faire de la publicité pour les produits du tabac n'est imposée et où sont applicables d'autres règles que chez nous.
L'intervenant estime que pour pouvoir atteindre les objectifs sans faire subir une concurrence déloyale aux pays voisins, il y a lieu de s'inspirer de la suggestion qu'il a faite d'interdire la vente aux mineurs et d'interdire que l'on fume dans les lieux publics.
Dans sa forme actuelle, le projet de loi en discussion introduit une concurrence déloyale, étant donné que les marques étrangères peuvent parfaitement continuer de faire de la publicité à l'étranger, par le biais d'événements organisés à l'étranger et, dans notre pays, par une voie indirecte, grâce aux médias. Par contre, les producteurs de tabac belges sont tout à fait désarmés. Dans la pratique, ils ne peuvent pas se mettre à faire de la publicité à l'étranger, parce que leur marque y est totalement inconnue.
L'intervenant trouve que le projet de loi est typiquement un de ces projets apparemment bien conçu, mais qui a été rédigé en des termes si éloignés de la réalité qu'il finira surtout par créer des inconvénients et des distorsions plutôt que de permettre d'atteindre son objectif final.
L'intervenant préconise d'examiner si la commission pourrait formuler une proposition parallèle qui soit nettement plus efficace que la proposition en discussion, et qui n'engendrerait pas les complications qui résulteraient de celle-ci.
Il se dit également prêt à examiner d'autres variantes (comme une majoration des accises) permettant d'aboutir à la réduction visée de la consommation de tabac.
Le commissaire craint par ailleurs qu'en cas d'adoption du projet de loi tel quel, la Belgique ne risque de se retrouver au centre d'une série de litiges, dans la mesure où les dispositions prévues présentent manifestement des lacunes en ce qui concerne la protection des marques et le respect de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle.
Un membre tient à faire une double réflexion. Primo, les médias d'origine étrangère (télévision, radio) pourront pénétrer en Belgique, mais, en ce qui concerne la presse, il existe des éditions belges de certains hebdomadaires ou mensuels étrangers. Ces éditions belges risquent d'être remplies de publicité pour le tabac sans que leurs homologues imprimés en Belgique puissent en faire autant. Les publications étrangères pourront être imprimées à un jet de pierre de nos frontières et la Belgique ne pourra s'opposer à leur importation. Est-ce que nous n'allons pas chasser purement et simplement du domaine de l'édition toute une série d'activités ?
Secundo, il faut aussi se rendre compte que ce monde est un monde tout à fait incohérent puisque dans l'appui donné dans le cadre de la politique agricole commune, l'Union européenne subsidie largement la production de tabac, y compris en Belgique. D'un côté, le contribuable va continuer à subsidier, surtout dans les pays du sud, des kilomètres carrés de production de feuilles de tabac et, de l'autre côté, la Belgique va se mettre à interdire la consommation d'une production que nous avons subsidiée. Est-que cela ne constitue pas le sommet de l'absurde ?
Une sénatrice croit qu'effectivement, le projet n'est qu'un moyen parmi d'autres pour arriver à réduire le tabagisme. Elle voudrait aussi appliquer le calcul en termes de coûts évités aux activités économiques menacées par l'interdiction de la publicité pour les produits du tabac.
Un sénateur apporte le message de MM. Michel Hahn, le nouveau président de l'Union wallonne des entreprises, et Pierre Beaussart, administrateur délégué et directeur général de l'UWE et nouveau président du Conseil économique et social de la Région wallonne, qui ont démandé aux sénateurs membres de la Commission des Affaires économiques du Parlement wallon d'être particulièrement attentifs aux dangers et risques que représente le projet de loi à la fois pour l'industrie et pour une série d'infrastructures culturelles et économiques. Ils attirent l'attention des sénateurs de communauté sur les conséquences de ces dispositions qu'ils considèrent comme graves et importantes pour l'économie wallonne. L'intervenant souhaite que les sénateurs de communauté jouent ici leur rôle de relais entre les organes fédérés et les organes fédéraux. Les arguments de MM. Hahn et Beaussart le rapprochent très largement de ceux développés lors des précédentes auditions dans cette commission.
Un commissaire souligne qu'il souscrit aux objectifs de la loi en projet, qui consistent à tenter de diminuer le tabagisme. L'interdiction de la publicité pour les produits du tabac est effectivement un des moyens qui permettraient d'atteindre cet objectif. L'intervenant ne voit pas d'objection à l'interdiction en soi. La question qui se pose est de savoir si, en appliquant cette interdiction, il faut pousser le cynisme au point d'entraver le développement de nos entreprises et de nos activités économiques.
Il attire lui aussi l'attention sur le caractère hypocrite de la loi en projet. Ou bien on considère que la consommation de tabac nuit à la santé, auquel cas on doit logiquement proscrire la production et la vente des produits du tabac, ou bien on considère que ce n'est pas le cas et il faut alors continuer à autoriser la publicité pour ces produits.
Pour l'intervenant, interdire totalement la vente constituerait une atteinte à la liberté individuelle.
Le commissaire souligne qu'un paquet de cigarettes ordinaire coûte actuellement 128 francs. Sur ce montant, les prélèvements fiscaux représentent 95,13 francs. Le produit même ne coûte donc que 32,87 francs.
Par conséquent, dès lors que l'État autorise la vente des produits du tabac et prélève 95,13 francs sur chaque paquet de cigarettes alors que le produit même ne coûte qu'un tiers de ce montant, on ne peut pas être hypocrite au point d'interdire en plus la publicité pour ce produit afin d'en freiner les ventes.
Dans sa rédaction actuelle, la loi en projet nuira en premier lieu aux entreprises belges. Comme la Belgique est le pays le plus câblé d'Europe, la publicité pour les produits du tabac continuera à toucher notre pays par ce canal. La loi en projet n'aura donc pratiquement aucun effet sur les grandes entreprises internationales. Ce sont les entreprises belges, de taille plus modeste, qui en subiront les conséquences défavorables.
Ensuite, la loi en projet aura simplement pour effet de déplacer un certain nombre d'événements qui ont une certaine importance économique de 30 à 40 km, au-delà de nos frontières.
Si l'intervenant est d'accord avec le principe de l'interdiction de la publicité, il estime, pour les raisons qu'il vient évoquer, qu'il faut prévoir des possibilités de dérogation.
Il constate qu'un grand nombre des amendements relatifs à cette question ont trait exclusivement au sport automobile, et que certains amendements visent uniquement les manifestations à rayonnement international. C'est pourquoi il soutient l'amendement nº 15 où il est question de « parrainage de manifestations culturelles et sportives... ». Des modalités sont prévues pour éviter qu'on permette tout et n'importe quoi.
Enfin, le membre souscrit à l'idée suivant laquelle le noeud du problème réside dans le fait que la consommation de tabac est dangereuse en ce qu'elle peut créer une accoutumance chez les jeunes. C'est pour cela qu'il est plutôt favorable à une interdiction de la vente de tabac aux mineurs d'âge. Il pense lui aussi qu'une telle mesure permettrait de traiter le problème beaucoup plus efficacement. Quant à l'adulte, il doit déterminer lui-même si sa conduite constitue ou non un danger. On ne peut pas tout interdire.
Le président suggère que la commission puisse faire un équilibre entre d'une part, accorder certaines exceptions à l'interdiction de la publicité, et, d'autre, part, instaurer une restriction plus grande que ce qu'il existe actuellement quant à la vente des produits du tabac aux jeunes.
Point 1 : Clauses pénales
Un membre demande à la commission de se prononcer sur le point des clauses pénales specifiques prévues par le projet et qui font l'objet des amendements nºs 1 à 5 de M. Coveliers (voir doc. Sénat, nº 1-520/2, 1996-1997).
Un membre répète qu'il importe ici de ne pas prévoir d'emprisonnement. Les amendements en question n'apportent d'ailleurs pas de modifications significatives à la loi en projet.
Pour ce qui est des dispositions pénales, il propose de conseiller à la commission des Affaires sociales de recueillir l'avis de la commission de la Justice. Il se dit personnellement opposé aux peines de réclusion pour les infractions aux dispositions de la loi en projet. Il estime toutefois qu'il n'est pas compétent pour se prononcer sur le fond de cette question.
Un sénateur se dit tout à fait contre les peines de prison en cette matière. Le projet de loi constitue un exemple de l'absence d'échelle de valeurs dans la hiérarchie des peines dans notre pays. Il a relevé quelques peines qui sont actuellement en vigueur et qui démontrent combien les peines prévues par le projet à l'étude sont disproportionnées.
Premier exemple : l'abandon de famille : toute personne qui ne satisfait pas à ses obligations de paiement d'une pension alimentaire peut être punie d'un emprisonnement de huit jours à six mois et d'une amende de 50 à 500 francs, c'est-à-dire moins que ce qui est prévu dans le présent projet de loi.
Deuxième exemple : non-assistance à autrui : celui qui refuse de venir en aide à une personne exposée à un péril grave peut être puni d'un emprisonnement de huit jours à six mois et d'une amende de 50 à 500 francs, donc moins que ce qui est prévu dans ce projet.
Troisième exemple : le défaut d'entretien d'un enfant ou d'une personne handicapée est puni d'un emprisonnement de huit jours à deux mois ou d'une amende de 10 000 à 100 000 francs, c'est-à-dire moins que ce qui est prévu dans le présent projet.
Un membre rappelle qu'il est pour la prévention et non pour la répression. Il considère qu'une telle loi est l'échec de tout ce qui a été enclenché comme mesure pour essayer de décourager les gens de fumer. Les peines de prison cadrent dans des mesures de répression. L'intervenant est donc contre.
Plusieurs commissaires estiment qu'effectivement, il est indiqué de demander à la Commission de la Justice de se prononcer sur les clauses pénales. Un membre souhaite que cette dernière commission s'exprime une fois pour toute sur le fond du problème de la hiérarchie des peines. Il est partisan de règles qui sont acceptées de part et d'autre et que l'on applique quelles que soient les circonstances.
La majorité des membres présents se déclare opposée d'une manière ou d'une autre à des peines de réclusion dans le cadre de la législation à l'examen. D'autres membres déclarent qu'ils ne sont pas compétents pour se prononcer et d'autres encore refusent d'exprimer une opinion quelconque sur le sujet. Plusieurs membres jugent préférable de laisser la commission de la Justice juger en la matière.
Un membre estime qu'il existe au sein de la commission un consensus pour considérer qu'il y a effectivement un problème au niveau de la hiérarchie des peines.
Point 2 : La nature des dérogations à l'interdiction
Un membre explique que les dérogations peuvent avoir trait soit à la nature des événements, soit à leur rayonnement ou à leurs effets économiques.
Il y a toute une série d'amendements qui visent à introduire une dérogation pour les sports mécaniques. D'après l'intervenant, il est clair que ces amendements concernent soit des problèmes objectivement identifiables à cause de la nature même de la manifestation, soit pour une partie de ces manifestations, il est clair qu'elles ont un impact économique considérable dans certaines parties du pays et une autre partie de ces manifestations a un impact économique considérable dans d'autres parties du pays. D'où le fait que la plupart des amendements concernant les sports mécaniques ont été introduits par des sénateurs francophones et que la plupart des amendements qui visent au contraire, à la fois, à faire référence aux événements sportifs et culturels, sont introduits par des membres des deux côtés de la frontière linguistique étant donné que les manifestations culturelles sont plus fréquemment susceptibles de subir des préjudices du côté néerlandophone.
Un commissaire considère pour sa part que la formule « toute manifestation faisant l'objet d'autorisation par les pouvoirs habilités à cette fin » présente le plus de souplesse pour l'ensemble de ces événements. Il ajoute que, dans la mesure où la commission ne peut pas se prononcer par un vote, il est assez important que la commission se concentre sur l'une ou l'autre disposition qui rejoint le maximum de consensus.
M. Ph. Charlier déclare que le texte de son amendement nº 6 se trouve à l'amendement nº 32 (doc. Sénat, nº 1-520/8, 1996-1997, p. 3) et qu'il retire ce premier amendement de la discussion. Il propose de continuer la discussion à partir de l'amendement nº 32 qui est signé par trois groupes politiques et reprend un certain nombre de points dont l'on a parlé dans d'autres amendements.
M. Foret aussi se déclare prêt à retirer tous ses amendements en faveur de l'amendement nº 32 dans la mesure où il considère que ce dernier est l'amendement essentiel. Il n'a été rédigé qu'après avoir entendu les différents intervenants et intéressés dans cette commission, tandis que les autres amendements ont souvent précédé les interventions.
L'option choisie dans le projet de loi à l'examen pose problème à M. Coene parce qu'elle entraîne une série d'observations telles qu'une distorsion de la concurrence entre les marques de tabac nationales et internationales. Accepter des dérogations à l'interdiction de la publicité, comme le propose notamment l'amendement nº 32, n'éliminera pas ces distorsions. L'intervenant propose par ses amendements nºs 28 et 29 (voir doc. Sénat, nº 1-520/8, 1996-1997, pp. 1 et 2) une solution de rechange qui vise les mêmes objecitfs en matière de santé publique sans provoquer de distorsions économiques et déclare ne pas être d'accord avec des amendements qui prévoient des dérogations.
Un autre membre estime que l'amendement nº 32 vise justement à éviter des distorsions entre les marques nationales et internationales. Toutes sortes de manifestations resteraient possibles.
L'intervenant précédent reconnaît que l'amendement nº 32 atténue les discriminations que le projet de loi provoquerait. En dehors des manifestations autos, motos et culturelles et en dehors des six semaines précédant celles-ci et de leur déroulement, les producteurs nationaux subiront néanmoins un désavantage par rapport aux producteurs internationaux parce que leurs marques sont totalement inconnues à l'étranger et que, pour eux, cela n'a donc aucun sens de faire de la publicité lors de ces manifestations.
Un membre est d'accord, quant au fond, avec l'intervenant précédent, mais il plaide pour que l'on adopte un point de vue politiquement réaliste. Il estime qu'il serait impossible d'autoriser à nouveau totalement la publicité pour les produits du tabac. L'amendement nº 32 vise à trouver une possiblité de continuer à organiser une série de manifestations auxquelles les marques locales peuvent participer.
M. Delcroix est disposé à retirer son amendement nº 15 (voir doc. Sénat, nº 1-520/6, 1996-1997) pour se rallier à l'amendement nº 32 qui reflète un consensus.
Un autre commissaire soutient également l'amendement nº 32.
Le président demande aux membres de se prononcer, « à titre indicatif », sur l'orientation décrite par l'amendement nº 32.
Le résultat du vote « indicatif » est de 5 voix pour, 2 voix contre 1 abstention et 1 membre qui refuse de se prononcer.
Points 3 à 6 de la liste des conditions d'exemption éventuelles
Un membre constate que la commission s'oriente vers un avis qui va dans le sens de l'amendement nº 32. Il fait observer que cet amendement ne mentionne pas le rayonnement ni l'effet économique (point 2 b) ) que les évenements devraient éventuellement avoir. L'amendement nº 32 ne vise pas à limiter la publicité à certains endroits (point 3.1). Par contre, il prévoit bien une restriction du temps pendant lequel la publicité pourrait être autorisée (point 3.2).
L'autorité de décision (point 4) est aussi définie à l'amendement nº 32 puisque le ministre de la Santé publique est indiqué comme autorité décidante. Toutefois, la dérogation doit se baser sur des critères prévus par arrêté royal et après avis du ministre des Affaires économiques.
Un commissaire préfère ne pas ajouter l'avis du ministre ayant les petites et moyennes entreprises dans ses attributions parce qu'il considère que sinon la procédure risque de devenir trop lourde.
Un membre constate qu'en vertu de l'amendement nº 32 l'arrêté royal prévoyant les critères ne doit pas être délibéré en Conseil des ministres.
Le même membre s'aperçoit que personne ne demande l'instauration d'un fonds, ni pour compenser les pertes de recettes pour les organisateurs d'événements, ni pour la protection de la santé (point 5).
En ce qui concerne le point 6 sur lequel la commission devrait se prononcer (à savoir les conditions à modifier pour les marques conjointes aux produits de tabac et pour d'autres produits, seul M. Coene a déposé un amendement nº 34 (Sénat, nº 1-520/9, 1996-1997).
L'auteur déclare prévoir également l'accord du ministre de la Santé publique. Ce dernier doit respecter deux critères à cet égard. Tout d'abord, la publicité ne doit pas s'adresser aux mineurs et elle ne peut contenir aucune référence à des articles qui on un lien avec le tabac. Désormais, l'on ne pourra en aucune manière faire référence au tabac ou aux produits du tabac en semant la confusion dans l'esprit du consommateur.
La publicité doit donc être univoque, certes avec une marque dont le nom est également utilisé pour les produits du tabac. Le fait que le ministre compétent doive donner son accord permet d'éviter tous les abus en la matière. L'on évitera en même temps que la Belgique ait des problèmes devant la Cour de justice européenne en raison des limitations que notre pays risque d'imposer à l'utilisation des marques.
L'auteur préfère ne pas impliquer un deuxième ministre dans la procédure d'approbation afin de ne pas la compliquer inutilement.
Les trois autres membres disent approuver l'amendement nº 34.
Un membre constate qu'à la lumière de cet échange de vues au sein de la commission, il existe une tendance en faveur de l'adoption de l'amendement nº 34.
Point 7 : Interdiction de vente de tabac aux mineurs
Un membre rappelle que les amendements nºs 28 et 29 de M. Coene (voir doc. Sénat, nº 1-520/8, 1996-1997, pp. 1 et 2) envisagent en quelque sorte une alternative à l'interdiction de la publicité sur le tabac.
Un commissaire n'est pas défavorable à ces amendements. Toutefois, il rejette l'idée que l'on applique des peines de prison en cas de vente de tabac à des mineurs.
L'auteur répète que selon lui, ces amendements offrent une solution de rechange permettant d'atteindre plus efficacement des objectifs que chacun cherche manifestement à atteindre. Il regrette que les autres commissaires, bien que n'étant pas opposés à ces amendements, ne les considèrent pourtant pas comme des mesures alternatives à celles prévues dans le projet de loi. Ce groupe de mesures n'a pas pour effet pervers de fausser la concurrence, au contraire des mesures prévues dans le projet.
Une autre membre confirme qu'elle est d'accord avec le contenu des amendements nºs 28 et 29 et reconnaît que ces dispositions influenceraient efficacement la lutte contre le tabagisme des jeunes.
Néanmoins, elle doute qu'il soit nécessaire d'imposer une interdiction de vente absolue. Ensuite, elle considère qu'il est difficile de faire le lien entre ces dispositions et un projet de loi sur l'interdiction de la publicité pour les produits du tabac. Seul l'amendement nº 29, qui interdit la distribution gratuite de produits du tabac, peut être mis en relation avec l'interdiction de la publicité. Elle plaide pour que ces amendements soient déposés sous la forme d'une proposition de loi.
Un autre intervenant se rallie au point de vue qui vient d'être exprimé. En ce qui concerne la distribution gratuite de cigarettes, par exemple, il pense savoir qu'elle est actuellement interdite par un arrêté royal.
Une sénatrice, par rapport à ces deux amendements, considère qu'interdire la vente de tabac aux mineurs est une idée intéressante mais toutefois irréaliste. Elle ne voit pas du tout l'intérêt de ce genre de mesure. L'amendement nº 29 par contre est plus réaliste et remporte le support de l'intervenante.
Un membre fait remarquer que toute la législation « anti-tabac » n'a jamais fait l'objet d'une législation de base, ni d'une discussion au Parlement. À l'époque, le secrétaire d'État à l'Environnement a pris un arrêté royal sur base d'une vieille législation sur la santé publique, qui interdit de fumer dans les lieux publics, qui oblige les restaurants à aménager des endroits où l'on peut fumer et d'autres où l'on ne peut pas, etc.
Un autre commissaire trouve aussi que l'amendement nº 28 de M. Coene, qui vise à interdire la vente à des mineurs d'âge de produits du tabac, est quelque peu irréaliste parce qu'une interdiction qui n'est pas assortie de véritables moyens de contrôle, est inutile.
Le membre signale qu'il y a des initiatives qui sont prises dans certaines régions du pays pour amener les distributeurs, sur une base volontaire, à ne plus vendre aux mineurs. Cette mesure paraît plus constructive surtout si elle est accompagnée d'un programme d'éducation au niveau de l'enseignement.
L'intervenant estime également que les amendements nºs 28 et 29 se situent en dehors de l'objet de ce projet.
Un autre commissaire considère qu'au moins l'amendement nº 29 échappe à cette critique. L'amendement nº 28 vise aussi à limiter l'accoutumance au tabac et de ce fait n'est pas tellement étranger au projet à l'étude. Ces amendements ont le mérite que, pour la première fois, le Parlement puisse se pencher sur le problème du tabagisme de façon approfondie.
M. Coene s'étonne de la critique selon laquelle ses amendements nºs 28 et 29 n'auraient rien à voir avec le projet de loi à l'examen. En effet, les objectifs correspondent clairement. La question est uniquement de savoir quels instruments l'on utilisera pour les atteindre. L'un de ces instruments que l'on souhaite utiliser actuellement consiste à interdire en grande partie la publicité. Selon l'intervenant, cet instrument a toute une série d'inconvénients. Dès lors, il a cherché un autre instrument qui permettrait d'éviter que des mineurs achètent des produits du tabac. L'auteur de ces amendements est néanmoins conscient que la méthode qu'il propose n'est pas parfaite, pas plus que l'interdiction de la publicité. En effet, il est un fait qu'il continuera d'y avoir de la publicité sur les canaux de télévisions étrangers ainsi que lors des manifestations qui pourront continuer à être organisées, etc.
L'intervenant estime que les remarques relatives à ses amendements nºs 28 et 29 ne sont par conséquent pas pertinentes. On peut dire que les dispositions figurant dans le projet présentent au moins les mêmes defauts. En outre, les amendements n'ont pas l'inconvénient de l'hypocrisie, contrairement au projet.
Un membre constate qu'il n'a pas entendu de voix discordantes à l'égard de l'amendement nº 29. Pour ce qui concerne l'amendement nº 28 par contre, il y a un certain nombre de collègues qui estiment qu'il ne trouve pas sa place dans ce projet de loi.
Un sénateur considère pour sa part que l'amendement nº 29 rentre bien dans le cadre du projet de loi et qu'il est donc acceptable. Il lui paraît même souhaitable. Le membre regrette toutefois que la justification se limite à la protection de la jeunesse. Il croit que l'objet même de ce dispositif est d'interdire la propagation du tabagisme dans toutes les catégories d'âge.
En ce qui concerne l'amendement nº 28, l'intervenant croit que, non seulement il ne rentre pas dans l'objet du débat, mais qu'il risque d'établir de réels risques. À l'époque, l'on a vu les résultats de la prohibition en matière d'alcool. Déjà le tabac, est un des produits qui fait le plus l'objet de la contrebande, de distribution par des réseaux parallèles, etc. Le simple fait d'interdire la vente du tabac aux mineurs revient presque automatiquement à créer, dans les écoles et dans les locaux de distraction et autres, toute une série de ventes parallèles qui, outre les méfaits du tabac, viendront ajouter le méfait de l'argent noir, le méfait du risque, etc.
En ce qui concerne l'amendement nº 28, un membre estime difficilement concevable que des parents qui envoient leurs enfants acheter des produits du tabac doivent leur donner une quelconque forme de procuration. Selon lui, c'est un cas de surprotection.
En ce qui concerne l'amendement nº 29, l'intervenant estime que celui-ci ne tient pas compte des dispositions du § 2bis, 1º, deuxième alinéa, de l'article 7 de la loi du 24 janvier 1977, proposé à l'article 3, qui sont tellement larges qu'elles recouvrent certainement l'offre gratuite de produits du tabac.
Un autre commissaire estime que les dispositions précitées ont sans doute un champ d'application trop large.
Un autre membre fait remarquer qu'offrir gratuitement des produits du tabac se situe souvent dans le cadre de l'une ou l'autre étude de marché plutôt que dans celui de la stimulation des ventes. Dès lors, l'amendement nº 29 prévoit expressément que l'offre gratuite de tabac est interdite « pour quelque raison que ce soit ». Cet amendement va donc plus loin que l'arrêté royal du 20 novembre 1982 qui est supprimé dans sa totalité par l'article 5 de la présente loi en projet. M. Coene a d'ailleurs déposé un amendement nº 31 (voir doc. Sénat, nº 1-520/8, 1996/1997, p. 2) qui vise précisément à maintenir cet arrêté royal.
Un membre estime qu'une étude de marché est également une action qui vise à favoriser la vente.
Point 8 : Caractère indispensable de l'apport de la publicité et du sponsoring par le secteur du tabac pour l'organisation d'événements
Puisque ce point n'a fait l'objet que de l'amendement nº 15 qui a été retiré au profit de l'amendement nº 32 où cette condition n'a pas été retenue, la commission ne se prononce pas sur ce point.
Point 9 : Modification des canaux de distribution des produits du tabac autorisés à procéder à une publicité localisée
Un commissaire considère que l'amendement nº 14 (doc. Sénat, nº 1-520/5, 1996-1997) est important parce qu'à l'heure actuelle le texte du projet ne permet la publicité sur le lieu de vente que pour deux catégories de distributeurs, notamment les magasins de tabac et les magasins de journaux. Or, ces deux catégories représentent une part fondamentale de l'ensemble des canaux de distribution. Dès lors, les auteurs de l'amendement suggèrent de remplacer le texte actuel par la disposition « à l'intérieur et sur la devanture des locaux où ces produits sont habituellement mis en vente ».
D'après l'intervenant, cette formulation couvre les actuels canaux de distribution mais ne s'applique pas exclusivement à deux catégories d'entre eux.
Un membre demande si cette disposition vise également le secteur horeca, par exemple.
Un autre membre déclare que sont visés clairement : les magasins de nuit, les « convenience shops » des stations service, les petites supérettes où l'on vend du tabac à la caisse, etc. Il considère que le secteur horeca n'est pas inclu dans cette exception.
Une commissaire fait observer que lors des événements sportifs, quinze jours avant et pendant la durée de l'événement, toute une série de lieux publics dont les cafés, les restaurants, etc. affichent systématiquement le logo de l'événement qui est presque toujours assimilé à une très grande publicité pour l'une ou l'autre marque de tabac. Comment est-ce que l'on compte rencontrer ce phénomène particulier ? Il ne s'agit pas de publicité sur le circuit, ni sur un autre endroit où peut se dérouler l'événement, mais de publicité dans la région où l'événement est organisé.
M. Coene signale que le texte qui figure dans son amendement nº 14 est le texte de l'article 2, 10º, de l'arrêté royal du 20 décembre 1982 relatif à la publicité pour le tabac, les produits à base de tabac et les produits similaires.
Un membre signale que l'arrêté royal en question autorise la publicité pour le tabac, par exemple à l'occasion de soirées d'étudiants, où elle prend des proportions phénoménales.
L'intervenant précédent réplique que ce ne sera plus le cas.
Un autre commissaire ajoute que la loi sur les pratiques de commerce interdit la vente des produits du tabac à un prix nettement inférieur au prix courant.
Un membre constate que l'amendement nº 14 fait l'objet d'un consensus plutôt positif au sein de la commission.
M. Coene déclare que son amendement nº 30 (doc. Sénat, nº 1-520/8, 1996-1997, p. 2) vise uniquement à apporter des corrections légistiques. L'amendement nº 31, par contre, vise à empêcher l'abrogation de l'arrêté royal du 20 décembre 1982. S'il est vrai que la loi en projet interdit la publicité pour les produits du tabac, le texte initial et plusieurs amendements prévoient un certain nombre d'exceptions. Or, ces exceptions ne sont manifestement plus assorties d'aucune limite, alors que l'arrêté royal en question, par exemple, en prévoyait. L'intervenant s'interroge dès lors sur l'opportunité d'abroger sans plus l'arrêté royal sans vérifier s'il ne faudrait pas conserver certaines des modalités qu'il contient.
À ce stade des débats, les amendements suivants emportent l'approbation d'une majorité des membres de la Commission des Finances et des Affaires économiques : amendements nºs 1 à 5, 14, 29 à 32 et 34.
La commission souhaite par conséquent que la Commission des Affaires sociales adopte les amendements en question.
Le 13 mars 1997, 24 sénateurs ont demandé au Président du Sénat de soumettre l'amendement nº 32, qui constituait la synthèse des amendements discutés en commission des Finances et des Affaires économiques, à l'avis du Conseil d'État.
En effet, la commission estimant que les événements affectés par le projet de loi étaient de nature culturelle et sportive, ce qui pouvait les ranger dans les matières à compétence communautaire, jugeait nécessaire de soumettre l'amendement clé nº 32 à l'avis du Conseil d'État.
Le 17 mars 1997, le Président du Sénat, a demandé l'avis motivé de la section de législation du Conseil d'État sur ledit amendement nº 32 de MM. Foret et consorts à l'article 3 du projet de loi.
Le 1er septembre 1997, le Conseil d'État a rendu son avis (doc. Sénat, nº 1-520/10, 1996-1997).
Le Conseil d'État dans son avis « n'aperçoit aucun motif pour revenir sur cette jurisprudence constante. En d'autres termes, l'autorité fédérale doit être réputée compétente pour interdire la publicité en faveur des produits du tabac. »
Il considère que « l'amendement ne tend pas à réglementer les événements visés eux-mêmes, mais uniquement la publicité faite à l'occasion de tels événements ».
Le Conseil d'État a également formulé quatre remarques sur le texte même de l'amendement nº 32.
MM. Foret, Charlier, Happart et Hatry déposent le 7 octobre 1997 l'amendement nº 35 (doc. Sénat, nº 1-520/11) suite aux observations formulées par le Conseil d'État.
Selon les auteurs, il n'y a pas lieu de contester l'avis du Conseil d'État concernant la compétence. Les auteurs de l'amendement nº 35 ont voulu tenir compte de ses observations et l'amendement tend à répondre aux différentes questions qui ont été formulées.
Les auteurs se réfèrent à la justification de leur amendement. Quant aux critères à prendre en compte par le ministre de la Santé publique dans son arrêté royal pour l'octroi des dérogations, ils soulignent que la dimension internationale de l'événement doit être établie, que la renommée qui ressort de l'événement pour une Région ou pour une Communauté ou même pour le pays doit être aussi bien présente, que des critères comme ceux du tourisme ou de l'économie doivent être formulés, etc.
Les dérogations ne pourront donc pas être accordées au grand choix mais doivent reposer sur des principes permanents, sérieux et identifiables.
Une membre souligne que son groupe émet des réserves de principe à l'encontre de l'amendement nº 35 nouveau, même si celui-ci tient compte des observations que le Conseil d'État a émises au sujet de l'amendement nº 32.
Le fait de prévoir, pour certains événements sportifs ou culturels, une dérogation à l'interdiction de la publicité pour les produits du tabac, vide la loi en projet de sa substance et ce, quels que soient les critères fixés pour obtenir lesdites dérogations.
La majorité de la commission des Finances et des Affaires économiques approuve les amendements nºs 1 à 5, 14, 29 à 31, 34 et 35.
Il y a toutefois un avis minoritaire qui ne se rallie pas quant au fond aux exceptions proposées.
Il est à signaler pourtant que ce dernier groupe ne s'oppose pas à l'amendement nº 34. Le texte actuel soulève en effet un certain nombre de problèmes pour certaines firmes d'utiliser une marque déposée, ce qui est contraire aux dispositions de la Convention de Paris en la matière. Pour résoudre ce problème, l'amendement nº 34 tend à permettre au ministre ayant la Santé publique dans ses attributions d'accepter cette publicité s'il a été satisfait à certains critères.
Les rapporteurs, | Le président, |
Francy VAN DER WILDT. Philippe CHARLIER. |
Paul HATRY. |