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5 JUILLET 1995
Les manifestations et contre-manifestations sont inévitables dans la vie d'une démocratie et tout citoyen peut, un jour, avoir à descendre dans la rue pour exercer sa liberté d'expression sur un sujet qui lui paraît important.
Les grèves sont un mode de revendication ou de protestation dont nul ne peut dire qu'il n'estimera jamais devoir y recourir, contre une mesure de son employeur, public ou privé, du gouvernement ou du législateur.
Pour dissuader quelqu'un de faire une démarche qui ne paraît pas opportune, il est efficace d'être plusieurs à la fois à lui montrer une attitude réprobatrice. Pour entretenir un mouvement de grève, les piquets sont bien souvent nécessaires et un homme respectable peut donc fort bien juger, dans certaines circonstances, que sa place est parmi eux.
Les attroupements suscités par un événement ou par un orateur n'ont en soi rien d'illicite.
Mais, si justifiés que puissent être ces comportements en eux-mêmes, ils ne placent pas ceux qui s'y livrent au-dessus des institutions, quoiqu'un certain nombre d'entre eux puissent avoir l'impression du contraire, par un effet de psychologie des groupes. La liberté individuelle, et notamment la liberté de principe d'aller et venir, est sans conteste une des institutions essentielles de notre régime, même si sa valeur est parfois moins sensible à ses bénéficiaires qu'aux habitants de nombreux pays où cette liberté n'est nullement garantie.
L'infraction à l'article 438bis, telle qu'elle est conçue ici, se situe dans un chapitre du Code pénal qui protège la liberté individuelle.
Les mots « sans ordre des autorités constituées et hors les cas où la loi le permet » sont textuellement repris des textes, voisins de cet article 438bis. Ces textes, ainsi que ledit article, prennent place dans le chapitre des « attentats à la liberté individuelle et à l'inviolabilité du domicile commis par des particuliers ». Les valeurs protégées par ce chapitre sont l'objet d'un respect plus général que la valeur qu'on peut définir comme étant la liberté du travail; c'est pourquoi le texte mentionne la liberté « d'aller et venir ».
Les violences et les menaces graves étant punies par d'autres dispositions du Code pénal, il n'est pas nécessaire de les viser ici. Quant aux menaces qui ne sont pas punissables en soi, il ne serait pas indiqué non plus d'en faire des circonstances aggravantes légales de ce délit nouveau d'obstruction intentionnelle. Il ne faut pas perdre de vue que le juge a un pouvoir d'appréciation de la gravité de l'infraction. De plus, les menaces peuvent, ainsi que d'autres indices, aider à faire la preuve de l'intention d'opposer un obstacle matériel au passage; or, cette preuve est requise pour que le délit soit établi.
Il n'a pas paru indiqué de prévoir une peine d'emprisonnement, car on s'accorde aujourd'hui à reconnaître que les courtes peines de prison sont souvent plus nuisibles qu'utiles.
Michel FORET. |
Article premier
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
Un article 438bis, rédigé comme suit, est inséré dans le Code pénal :
« Article 438 bis. Seront punis d'une amende de vingt-six francs à deux cents francs, ceux qui auront, sans ordre des autorités constituées et hors les cas où la loi le permet, fait obstruction au passage d'une autre personne en un lieu où celle-ci avait le droit d'aller et venir, avec l'intention de l'empêcher de passer alors qu'elle en manifestait le désir.
Si l'obstruction intentionnelle, visée à l'alinéa précédent, se commet alors que l'auteur est accompagné d'une ou plusieurs personnes, le maximum de l'amende est porté à cinq cents francs.
Si, dans la circonstance visée à l'alinéa précédent, un ou plusieurs membres du groupe sont visiblement armés, le maximum de l'amende est porté à mille francs. »
Michel FORET. Paul HATRY. Jean BOCK. |