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Sénat de Belgique

SESSION DE 1995-1996

2 JUILLET 1996


Proposition de résolution sur l'état de l'environnement et le respect des droits de l'homme au Nigéria


RAPPORT COMPLÉMENTAIRE

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES PAR MME SÉMER


SOMMAIRE


  1. Avant-propos
  2. Audition de M. Jan Timmerman, président de Belgian Shell, et de M. Marc Brykman, responsable des affaires européennes au sein du groupe Shell
    1. Exposé de M. Jan Timmerman, président et administrateur délégué de Belgian Shell
    2. Échange de vues
  3. Audition de Mme Montserrat Carreras et de M. Philippe Hensmans d'Amnesty International
    1. Audition de Mme Montserrat Carreras
    2. Audition de M. Philippe Hensmans
    3. Échange de vues
  4. Votes
  5. Texte adopté par la commission après renvoi par la séance plénière
  6. Annexes

1. AVANT-PROPOS

Le 4 avril 1996, l'assemblée plénière du Sénat a renvoyé, sur la proposition du bureau, la proposition de résolution sur l'état de l'environnement et le respect des droits de l'homme au Nigéria à la Commission des Affaires étrangères pour complément d'information.

En vue d'approfondir la matière abordée dans la proposition de résolution, la commission a organisé deux auditions publiques : le 2 mai 1996 avec M. Jan Timmerman, président de Belgian Shell, et avec M. Marc Brykman, responsable des affaires européennes au sein du groupe Shell, ainsi que le 20 juin 1996 avec Mme Montserrat Carreras, responsable des relations internationales au sein d'Amnesty International, et avec M. Philippe Hensmans, directeur d'Amnesty International.

Compte tenu des informations complémentaires qui ont été obtenues et des amendements nouvellement déposés, la commission a consacré une troisième réunion, en date du 2 juillet, à la proposition de résolution.

2. AUDITION DE M. JAN TIMMERMAN, PRÉSIDENT DE BELGIAN SHELL, ET DE M. MARC BRYKMAN, RESPONSABLE DES AFFAIRES EUROPÉENNES AU SEIN DU GROUPE SHELL

2.1. Exposé de M. Jan Timmerman, président et administrateur délégué de Belgian Shell

M. Timmerman remercie la commission de lui donner l'occasion de développer le point de vue de Shell à propos des événements tragiques qui ont eu lieu au Nigéria.

M. Brykman a également participé à une audition organisée par le Parlement européen concernant le même sujet.

M. Timmerman a lui-même été responsable, pendant quatre ans (1976-1980), de la mercatique et de la distribution de Shell sur le continent africain. Il ne possède toutefois pas d'expérience personnelle en ce qui concerne l'exploration et la production.

Quand on mentionne le Nigéria, M. Timmerman se remémore la terrible guerre du Biafra ­ qui fit beaucoup de victimes il y a environ 30 ans ­ et souligne le délicat équilibre ethnique en Afrique, lequel engendre, par trop souvent, des tragédies à une échelle exceptionnelle. La Belgique, qui a des liens avec l'Afrique pour des raisons historiques, est évidemment bien consciente des problèmes auxquels ce continent est confronté.

M. Timmerman déclare que la société Shell est active depuis à peu près cinquante ans au Nigéria et y a investi dans un esprit de développement économique à long terme.

Ces deux derniers mots sont importants dans le contexte de ce que l'on considère et des différentes demandes qui sont faites à Shell aujourd'hui dans le cadre de l'affaire des Ogonis.

Le personnel de Shell est guidé par des principes de conduite.

Shell est tout à fait consciente des problèmes internes du Nigéria comme de ceux des autres pays où Shell opère. Shell est aussi consciente du fait qu'elle est un opérateur économique et non pas un opérateur politique et qu'elle ne devra pas s'immiscer dans le débat politique interne des pays où elle est active. Shell n'a aucune légitimité pour agir sur la scène strictement politique et prendre position sur les revendications de l'un ou de l'autre groupe de chaque pays.

Par contre, ce qui ne prête pas à discussion et ne constitue pas un jugement politique, c'est l'attachement de Shell aux principes de la Déclaration universelle des droits de l'homme reconnus si pas toujours appliqués par la plupart des pays du monde.

Il va aussi de soi que les décisions des Nations unies, qui représentent la volonté de la communauté des nations, se doivent d'être suivies et respectées aussi par les acteurs commerciaux.

Quant à la situation au Nigéria, la société Shell Petroleum Development Company of Nigeria (S.P.D.C.) est l'une des six principales compagnies pétrolières présentes dans ce pays. Elle est l'opérateur de la plus grande association de production pour le compte des sociétés Nigerian National Petroleum Corporation (55 p.c.), Shell (30 p.c.), Elf (10 p.c.) et Agip (5 p.c.)

La S.P.D.C. emploie directement plus de 5 000 personnes (dont 300 non-Nigérians), auxquelles s'ajoutent quelque 20 000 personnes liées par contrat. Plus de la moitié du personnel nigérian vient du Delta du Niger proprement dit et a grandi dans les communautés où se situent les activités de production.

L'apport de la S.P.D.C. au Nigéria au fil des années et triple.

Mentionnons tout d'abord la contribution de Shell à l'ensemble de la nation. Plus de 90 p.c. des revenus nets (après déduction des coûts de production) de chaque baril sont versés au Nigéria. Shell, Elf et Agip se partagent 1 $ par baril. Il ne revient pas à Shell ni aux autres partenaires privés de déterminer comment il convient que le Nigéria utilise leur contribution au budget national : cette décision est de la compétence exclusive du Nigéria et elle est d'ailleurs au coeur de nombreux débats politiques dans ce pays. Shell n'en a pas moins pris publiquement position en ce domaine, en soulignant que la part dévolue aux 6 millions d'habitants des régions productrices de pétrole était insuffisante. Sans doute cette prise de position n'est-elle pas étrangère à la part accrue des recettes dont bénéficient désormais les régions productrices de pétrole, part qui est passée de 1,5 p.c. à 3 p.c. (en 1992) et devrait, selon une déclaration faite en octobre 1995, atteindre 13 p.c.

Ensuite vient une contribution directe à l'économie locale du Delta. Outre les emplois créés par la S.P.D.C. et ses sous-traitants directs, cette contribution locale prend également la forme d'un programme d'aide à la communauté. Depuis un certain temps déjà, ce programme est le plus important de ceux menés par les différentes compagnies Shell dans le monde. En 1995, plus de 20 millions de dollars ont été dépensés dans le cadre de ce programme. Aux projets tels que le programme d'assistance agricole (entamé voici 25 ans en territoire ogoni) sont venus récemment s'ajouter la construction d'hôpitaux et de routes et divers programmes d'adduction d'eau potable.

Enfin, le Nigéria bénéficie d'un transfert de technologie important. Un programme étendu de formation technique est assuré par des formations outre-mer du personnel. Ainsi, quatre-vingt Nigérians travaillent actuellement dans d'autres sociétés du groupe Shell. Malgré les circonstances très difficiles que connaît le Nigéria aujourd'hui, Shell respecte son éthique des affaires qui s'applique partout dans le monde.

La question des Ogonis

Les Ogonis occupent un territoire restreint, mais très peuplé du Delta du Niger, à l'intérieur de l'État de Rivers. Avant le retrait de Shell du territoire ogonis, lié aux circonstances difficiles, au début de l'année 1993, les cinq grands gisements pétrolifères de la région produisaient près de 1,5 p.c. du pétrole nigérian. Il ne s'agit du reste pas là d'un record historique, si l'on considère que ces mêmes gisements ont assuré, en 1973, quelque 5 p.c. de la production nigériane.

Le Movement for Survival of Ogoni People (M.O.S.O.P. ­ Mouvement pour la survie du peuple ogoni) fait campagne, depuis quelques années, pour obtenir une plus large part des recettes fédérales et pour une plus grande autonomie qui permettrait aux Ogonis de décider eux-mêmes de leur sort, notamment dans les domaines politique, économique, culturel, religieux et environnemental. Les revendications du M.O.S.O.P. ont été consignées dans la « Déclaration des Droits des Ogonis », rédigée en 1990. Ces revendications, essentiellement politiques, s'adressent en première instance au gouvernement nigérian. Les accents de la campagne se sont ensuite déplacés vers des demandes de compensations dans le domaine de l'environnement. Ces nouvelles revendications visent explicitement Shell, dans l'espoir de donner un retentissement international au problème. De ce fait, la S.P.D.C. a été contrainte en janvier 1993, face aux menaces qui pesaient sur son personnel, de quitter le territoire ogoni. Depuis lors, le territoire ogoni ne produit plus de pétrole et ne brûle plus de gaz.

Shell déplore vivement les événements récemment survenus en territoire ogoni : les massacres ont atteint le sommet de l'horreur avec les exécutions du 10 novembre 1995 et nous craignons qu'ils n'entravent le processus de réconciliation dans ce territoire.

Un certain nombre d'accusations ont été lancées à l'encontre de Shell, dans le cadre du procès de Ken Saro-Wiwa, et des exécutions qui en ont résulté. Nous nous sommes essentiellement vu reprocher de nous être tus et de n'avoir rien fait pour empêcher ce qui s'est passé. Rien n'est plus faux. En fait, nous avons déclaré publiquement, en dépit des critiques proférées par M. Saro-Wiwa à l'encontre de Shell, qu'il avait le droit de défendre et exprimer librement ses opinions. Au cours du procès, nous n'avons cessé de clamer publiquement que les accusés avaient droit à être jugés d'une manière équitable et dans le respect des lois. Lorsque le verdict du procès a été rendu public, nous avons publiquement dit que l'exécution de la peine de mort entraverait le processus de réconciliation en territoire ogoni. Le président de Shell a aussi envoyé en son nom personnel une lettre au chef du gouvernement nigérian, dans laquelle il implorait ce dernier, pour des raisons humanitaires, de faire preuve de clémence.

Il est vrai que nous n'avons pas essayé de menacer le gouvernement, ni d'user de chantage à son égard. Il n'est pas en notre pouvoir de le faire. Le fait de retirer, par exemple, le personnel non autochtone n'empêcherait pas la compagnie de continuer à fonctionner et à produire du pétrole. Nous avons préféré agir tant en public qu'en privé en attirant clairement l'attention des personnes concernées sur les implications de leurs actes.

Malheureusement, nos efforts et ceux des nombreux autres gouvernements, personnalités et organisations concernés se sont soldés par un échec.

La S.P.D.C. et l'environnement

Indéniablement, le Delta du Niger connaît des problèmes environnementaux. Il est tout aussi évident que la S.P.D.C. et l'industrie pétrolière sont partiellement responsables de ces problèmes. Encore convient-il de relativiser les choses. Il est faux de prétendre que l'ensemble de la région a été « dévastée ». Les activités de Shell, par exemple, n'ont concerné que 0,3 p.c. du territoire du Delta (0,7 p.c. en territoire ogoni). Ces chiffres couvrent les routes, qui sont également utilisées par les communautés locales. Parmi les études récemment consacrées à cette région, la plus complète, financée par le Fonds mondial de l'environnement, aboutit à la conclusion qu'il convient, avant toutes choses, de lutter contre la surexploitation en matière de pêche, le déboisement, l'arriération des pratiques agricoles et la surpopulation. Il convient également d'agir dans les domaines de la combustion des gaz à la torchère et de la pollution pétrolière. Nous ne pouvons, toutefois, nous en tenir là et c'est dans cet esprit que Shell a mis en oeuvre le programme indépendant d'étude environnementale du Delta du Niger, avec l'appui d'un grand nombre d'intervenants, parmi lesquels les communautés elles-mêmes jouent un rôle essentiel.

Malheureusement, il arrive que des fuites de pétrole surviennent accidentellement, et ces accidents sont une réelle source de pollution pour l'environnement, sans que l'on puisse pour autant parler de dévastation. Toutes ces fuites, pourtant, ne sont pas liées à des défaillances : 25 p.c. d'entre elles environ résultent de sabotages, et ce pourcentage atteignait même 60 p.c. dans le territoire ogoni lorsque nous y étions présents. Certains des auteurs de ces sabotages cherchent, par leurs actes, à obtenir des indemnités. Dans d'autres cas, il s'agit d'actions politiques.

Nous faisons toutefois montre de la plus grande rigueur dans l'exercice de nos activités et, depuis quelques années, la S.P.D.C. renouvelle son infrastructure de production. À titre d'exemple, la S.P.D.C. a adapté, à ce jour, la moitié de ses stations de pompage pour les rendre conformes aux normes internationales modernes et, à la fin de l'année 1995, quelque 1 300 km de pipelines avaient été remplacés. Nous poursuivons un programme de mise à jour et de remplacement de grande envergure, qui coûtera plus de 100 millions de dollars pour cette seule année.

En outre, plus de 650 millions de dollars sont consacrés à la mise à niveau de deux terminaux d'exportation de pétrole brut. Ces deux terminaux deviendront ainsi les plus modernes et les plus perfectionnés au monde en termes de technique environnementale.

La combustion des gaz à la torchère constitue un réel défi. Le problème tient à ce que le gaz se présente souvent comme un produit associé à la production du pétrole. Il faut bien en faire quelque chose, mais ce type de gaz est très peu utilisé au Nigéria et dans les pays voisins.

Une des techniques mises en oeuvre pour résoudre ce problème est celle dite de la réinjection de gaz. Le gaz, en d'autres termes, est directement réinjecté dans les structures rocheuses. Nous faisons appel à cette technique chaque fois que nous le pouvons, lorsque les formations rocheuses le permettent. La plupart des réservoirs nigérians, toutefois, ne se prêtent pas techniquement et de façon sûre à ce type de solution.

Il n'est pas possible, pourtant, de se contenter d'interrompre la production de pétrole, sous peine de porter un coup fatal à l'économie nigériane. Que faire ?

Nous allons construire une usine nigériane de gaz naturel liquéfié, destinée à l'exportation, qui sera en mesure d'utiliser ce gaz et permettra, ce faisant, de réduire de 45 p.c. la combustion des gaz à la torchère.

Nous avons été critiqués pour avoir poursuivi nos investissements dans l'usine de gaz naturel liquéfié. D'aucuns considèrent que nous devrions nous retirer, en signe de protestation contre le gouvernement nigérian.

En fait, pourtant, les dividendes de cet investissement ne commenceront à être engrangés qu'à partir de 2007. Dès lors, un retrait ne nuirait en rien au gouvernement nigérian actuel. Par contre, il nuirait directement à l'environnement et aux personnes dont la santé peut être compromise par ce niveau de brûlage, ainsi qu'aux 6 000 personnes employées dans le cadre de ce projet.

Collusion avec les militaires

Shell est résolument opposée à la violence et a fréquemment condamné publiquement le recours à cette dernière par toutes les parties. Il est vrai que le Nigéria connaît un niveau de criminalité élevé et nous sommes hélas contraints, comme dans d'autres régions du monde, de défendre notre personnel en adoptant les mesures de sécurité appropriées.

Il est faux, toutefois, de prétendre que Shell utilise les forces de sécurité pour se faciliter la vie lorsqu'elle est confrontée aux protestations de la communauté locale. Nous en avons fait la démonstration éclatante au cours de la grève de 1994, lorsque notre compagnie, faisant fi du risque qu'elle prenait en ce faisant, a déclaré qu'elle n'était pas disposée à travailler sous la protection des militaires afin de reprendre la production.

Chaque année, nous sommes confrontés à des troubles dans les communautés locales, dont certains sont liés à des revendications dépassant le cadre de nos compétences (par exemple la remise en état des centrales électriques d'État). Face à ces revendications, nous nous efforçons avant toute chose de promouvoir la compréhension et le réalisme par le dialogue. Si nous ne sommes plus en mesure d'exploiter une installation dans des conditions suffisantes de sécurité et de sérénité, nous fermons celle-ci et nous nous en allons. La production, dans ce cas, ne reprend que moyennant l'accord sans réserve des communautés.

Que se passerait-il si Shell partait ?

À la lueur des tragiques événements récents, on peut comprendre que certains soient tentés de « punir » le Nigéria, voire Shell elle-même. Plusieurs appels ont été lancés en vue d'amener Shell à quitter le pays.

Shell ne peut, matériellement, partir en emportant ses installations de production dans ses soutes, pas davantage qu'elle ne peut retirer du personnel, mis à part les 300 ressortissants étrangers. Elle ne peut non plus contraindre les personnes qu'elle laisserait derrière elle à mettre fin à la production de pétrole, car une telle décision risquerait de mettre ces personnes dans une situation intenable. Le pétrole continuerait à s'écouler aux niveaux actuels, mais le déclin s'amorcerait progressivement si les niveaux d'investissement se réduisaient à la suite du retrait. En considérant la situation sous cet angle, force est de se demander si le départ de Shell serait bénéfique au Nigérian moyen ou contribuerait à un quelconque progrès politique.

Aller de l'avant

À notre avis, la confrontation et l'échange continuel d'accusations et de contre-accusations sont des entreprises stériles, qui n'aident en rien à résoudre les problèmes cruciaux du territoire ogoni et du Delta du Niger. Une telle solution passe nécessairement par le dialogue et la compréhension mutuelle des acteurs de ce conflit. Encore ne suffit-il pas de parler : il importe de coopérer et d'agir.

Shell se montre active et s'engage à poursuivre et améliorer ses programmes en faveur de l'environnement et de la communauté. Nous restons désireux de dialoguer avec quiconque peut contribuer à résoudre de manière pacifique les problèmes auxquels les peuples du Delta du Niger restent confrontés.

M. Timmerman présente un film vidéo intitulé « Shell dans le Delta du Niger » et illustrant son exposé.

2.2. Échange de vues

L'auteur de la proposition de résolution comprend qu'une société comme Shell ne fasse pas de politique. Par ailleurs, lorsqu'une société commerciale exploite des matières premières dans un pays, elle se voit évidemment contrainte à collaborer en permanence avec les pouvoirs publics. La société doit en effet obtenir des licences, discuter des conditions à remplir, créer des co-entreprises, etc. Elle établit une collaboration active avec un régime qui a ses propres caractéristiques.

Il n'appartient pas à Shell de condamner le régime qui existe au Nigéria. D'autre part, la société peut se faire une idée de ce que ce régime représente et de ce qu'il fait de sa population. Il est impossible de scinder la réalité en deux. Quoi qu'il en soit, il y a dès lors une interaction entre, d'une part, l'exploitation et, d'autre part, l'apport de moyens qui permettent au régime actuel de gouverner son pays d'une façon déterminée. Cela ne signifie pas que l'attitude que le régime militaire du Nigéria adopte à l'égard des droits de l'homme doive inciter Shell à éprouver une sorte de sentiment de culpabilité.

L'auteur de la proposition de résolution estime également qu'il importe de faire une distinction entre, d'une part, les éléments qui se rapportent aux droits de l'homme et, d'autre part, ceux qui ont trait à la pollution de l'environnement. De fait, pour n'importe quelle forme d'exploitation, il y a un tribut à payer sur le plan de l'environnement. Les exploitations de pétrole ou de gaz naturel se situent généralement dans des régions à environnement fragile et la nature de l'exploitation même rend l'environnement vulnérable.

L'exploitation de pétrole dans un delta, où il y a, par définition, beaucoup d'eau, rend l'affaire extrêmement délicate, puisqu'en cas de pollution, laquelle est inhérente à la production, le pétrole se répand très rapidement dans l'environnement, franchit de grandes distances et pénètre dans le sol.

Dans son film vidéo, Shell attire l'attention sur le rôle important que la société joue au Nigéria. « Shell is seen as a key partner » (Shell est considérée comme un partenaire essentiel). Cela signifie que Shell a une très grande influence, en raison également des 80 p.c. de recettes qui sont dévolues à l'État.

L'intervenant demande plus d'explications au sujet de l'étude d'incidence sur l'environnement, qui est en cours. A-t-on procédé à une étude similaire avant de commencer l'exploitation ? Quand a-t-on commencé l'étude d'incidence actuelle, et pour quelle raison ? Quelles conséquences Shell donnera-t-elle aux résultats de l'étude ? Shell s'est-elle engagée préalablement en la matière ? L'étude d'incidence représente-t-elle une opération de relations publiques, entreprise à la suite d'un certain nombre de remarques qui ont été formulées ?

L'intervenant peut concevoir que, lorsque Shell travaille dans un pays comme le Nigéria, les conditions et les circonstances d'exploitation sont totalement différentes par rapport à une exploitation qui se ferait en Europe occidentale. Les conditions d'exploitation et les contrôles seront d'une toute autre nature.

Le même intervenant demande des renseignements au sujet d'un procès qui aurait été intenté début mars 1996 dans la capitale, Lagos, et qui aurait été remis au 24 avril; ce procès porterait, du moins selon la partie demanderesse, sur une forme de rupture de contrat concernant la livraison de quelques centaines d'armes. La firme Humanitex Ltd aurait intenté un procès contre Shell. Un porte-parole de Shell dément la chose. Il s'agirait d'armes nécessaires au fonctionnement d'une force de police créée il y a environ quinze ans et chargée de protéger l'exploitation pétrolière de Shell.

Étant donné que 25 p.c. des fuites de pétrole seraient dues à des actes de sabotage, il semble nécessaire que Shell se défende contre ceux-ci. À cet effet, il lui faut une force de police et des armes. Les pouvoirs publics du Nigéria auraient eux-mêmes créé une force de police (connue en tant que « police d'espionnage ») qui doit veiller à prévenir les attentats. Bien entendu, Shell y prend une part.

L'intervenant demande si Shell est formellement concernée par ces transactions portant sur des armes. Shell est-elle au courant de celles-ci ?

Un autre membre estime qu'à l'heure actuelle, importer du gaz du Nigéria vers le marché européen n'est pas une opération rentable compte tenu de la trop grande distance. Est-il envisagé qu'en 2007 à la fois les techniques de transport et peut-être le marché du gaz naturel liquéfié en Europe aient évolué de telle façon que cette opération devienne rentable ? Cela voudrait dire qu'il y aurait un lead time (délai de réalisation) d'environ douze années. Si l'on avait différé l'équipement de ce projet, est-ce que d'emblée tout serait retardé de deux ou trois ans si l'on ne faisait, par exemple, plus rien pendant trois ans ? Les représentants de Shell peuvent-ils esquisser comment ce projet doit progresser ?

Bien que le membre se déclare sensible pour la fragilité écologique des deltas, il souligne que cela n'empêche qu'il y ait d'autres deltas où l'on a exploité du pétrole sans conséquences notables pour l'environnement. Il pense, par exemple, à l'État de Louisiane aux États-Unis et même aux deltas de la Meuse, du Rhin et de l'Escaut où les Pays-Bas ont pompé du pétrole depuis 1945. Il se peut qu'il y ait plus facilement des négligences en Afrique qu'ailleurs.

En ce qui concerne un éventuel boycott du pétrole brut en provenance du Nigéria, le membre demande que le même critère soit appliqué partout. Qu'arriverait-il si l'on devait boycotter tous les pays dont le régime ne correspond pas à notre concept de la démocratie ? Est-ce qu'il n'y aurait pas immédiatement un problème très sérieux en ce qui concerne l'équilibre du marché pétrolier ? Des pays qui aujourd'hui fournissent leur pétrole à l'Europe, il n'en resterait pas beaucoup.

Il y a déjà eu des boycotts de produits pétroliers d'un pays. L'intervenant rappelle le cas de la Rhodésie au moment de la déclaration unilatérale d'indépendance. L'on ne peut pas dire que cela ait été un succès. Les pays arabes ont essayé de boycotter le monde occidental de 1973 à 1974. Cela n'a pas été un succès non plus, bien au contraire. Est-ce que le problème d'un boycott n'est pas celui d'une inefficacité systématique ?

Dans la résolution à l'étude, il est question de la société Distrigaz où l'État ne détient plus qu'une action spécifique (« golden share »).

Le membre souhaite savoir si le Gouvernement, à un moment donné, pourrait interdire à Distrigaz de négocier avec le Nigéria.

Une sénatrice se déclare un peu interloquée à la vision du film vidéo. L'on se demande s'il y a bien des problèmes au Nigéria et si les Ogonis ont des revendications. Le film donne une image tout à fait idyllique. Malheureusement, d'autres sources indiquent qu'il y a pas mal de problèmes.

La même sénatrice dit avoir lu dans des rapports internes de Shell qu'il y a eu entre 1985 et 1993 90 accidents dans la région ogoni. Dans l'ensemble du delta, il y aurait en moyenne 221 accidents par an et l'on n'a vraisemblablement pas connaissance de toutes les avaries.

Il faut se rendre compte qu'en Afrique, l'on tolère sans doute pas mal de négligences et beaucoup plus que l'on ne le tolère en Europe. Les montants des investissements pour remettre à niveau certaines des installations de Shell montrent bien qu'il y a au minimum un problème. La sénatrice aimerait quelques précisions à ce sujet.

L'intervenant rappelle que Shell rejetait, à elle seule, 28 000 000 m3 de gaz dans le Delta, que certains de ces rejets sont expulsés par les raffineries sans aucun filtrage et que certains rejets chimiques se faisaient dans les eaux.

Quelle partie du réseau les 1 300 km de « pipelines » déjà remplacés représentent-ils ?

Selon l'intervenant, il est effectivement vrai que Shell est une société privée qui n'a pas à s'immiscer dans le domaine politique. Toutefois, ceci dit, il est un fait que l'exploitation du pétrole procure des revenus au Gouvernement et que les choses sont immanquablement liées. Le Gouvernement du Nigéria a bien sûr intérêt à ce que l'on exploite puisque le pétrole représente 97 p.c. de ses exportations. La rente du pétrole va à quelques privilégiés. Il est clair que la population n'en bénéficie pas.

La sénatrice conclut que d'une manière ou d'une autre, Shell a une part de responsabilité dans ces problèmes. L'intervenante déclare trouver cette situation intolérable. Elle pense d'ailleurs que Shell réagit à la pression politique de l'Occident.

Un membre demande aux représentants de Shell ce qu'ils penseraient de la création d'un fonds ­ qui serait commun aux compagnies pétrolières ­ de restauration de l'environnement. Un tel fonds pourrait-il avoir une efficacité plus grande du fait que la politique de restauration de l'environnement serait harmonisée ?

Une autre membre déclare que la relation entre une société privée dominante en matière économique et une autorité publique locale est une pratique dont elle a l'expérience depuis 15 ans.

Comment faire participer la société privée aux développements locaux ? Il existe toute une gamme d'actions qui dans le fond n'ont qu'un seul objectif : faire en sorte que les bénéfices reviennent quelque part et sous une forme à définir à la zone locale. À la ville de Huy, par exemple, il est intéressant de voir que l'argument que l'on utilise est l'emploi.

L'intervenante demande si Shell emploie des Ogonis, si elle a, avec l'autorité tribale, une sorte d'accord tacite ou si le Gouvernement nigérien l'en empêche.

L'Afrique étant ce qu'elle est, la lucidité fait qu'il est normal de ne pas utiliser d'arguments politiques. La réalité est que Shell doit traiter avec des gens qui ont des enjeux et que Shell est un enjeu pour eux.

Le commissaire se demande s'il n'est pas possible d'imaginer une pacification par l'emploi ou par un fonds d'économie sociale dans la région.

M. Brykman fait d'abord remarquer que le grand problème qui se pose au Nigéria est que de très loin, l'immense majorité des ressources et des revenus de la production pétrolière va au Gouvernement. Le vrai problème est celui du retour des ressources du Gouvernement central vers les communautés locales. C'est la raison pour laquelle Shell parle d'un problème politique.

D'après M. Brykman, la situation est comparable à la Belgique où Shell récolte quelque 25 milliards de francs de taxes qu'elle paie au Ministère des Finances. Shell ne s'immisce pas dans la façon dont le Ministère des Finances répartit ce montant entre les différents niveaux de pouvoir en Belgique.

Le problème au Nigéria est le même, mais il est beaucoup plus délicat en ce sens que ce qui devrait atteindre les communautés locales ne l'atteint pas de façon satisfaisante.

Shell a suggéré en privé comme méthode que, par exemple, dans un pays comme le Canada, une partie des revenus ne soit pas payée au gouvernement central, mais directement aux gouvernements provinciaux donc aux composantes de la fédération canadienne. Si le Gouvernement nigérian était inspiré par ce genre d'approche, M. Brykman croit qu'il y aurait beaucoup plus de satisfaction dans les populations locales et beaucoup moins de problèmes. Comme un des intervenants dans le film le disait : « le gouvernement, c'est comme Dieu, il est partout, mais personne ne le voit ». Donc, les Ogonis voient la Shell qui est près d'eux et ils essaient par tous les moyens de dire : « puisque le gouvernement ne nous donne pas, prenons-nous en à la personne qui est là ». La Shell est donc un peu coinçée entre tout le monde.

Pour répondre à l'auteur de la proposition de résolution, M. Brykman doute qu'il y a cinquante ans, il y ait déjà eu des visites d'experts. À cette époque, les études d'incidences sur l'environnement ne se faisaient pas.

En ce qui concerne les procédés de Shell, qui différeraient selon que la société opère en Europe ou en Afrique, M. Timmerman déclare que Shell essaie de s'en tenir partout aux mêmes normes. Il paraît toutefois impossible, sur une durée ne dépassant pas une demi-génération, de gérer, au Nigéria, une société de la même façon qu'en Belgique.

En ce qui concerne l'environnement, les normes sont bien entendu plus sévères actuellement qu'il y a cinquante ans, même qu'il y a dix ans. La technique se développe et les normes deviennent plus rigoureuses, grâce notamment à la pression du monde politique et des O.N.G. Dans dix ans, elles seront encore plus strictes. Cela profitera au consommateur, à l'industrie et aux pays producteurs.

M. Brykman déclare qu'il faut se rendre compte que lorsque Shell décide d'améliorer une situation d'environnement, elle ne dispose que de 30 p.c. dans la société de participation. Shell propose alors à l'association de mettre dans le budget des sommes importantes pour améliorer l'environnement. Dans cette association, le gouvernement nigérian est majoritaire à 55 p.c. Il a été reconnu par la Conférence de Rio sur l'environnement que les pays en voie de développement avaient légitimement le droit d'avoir d'autres priorités et d'agir différemment sur l'environnement.

M. Brykman ajoute que lorsque Shell dit au gouvernement du Nigéria qu'elle dépensera une somme dont il lui incombe de mettre sur la table une partie (en tant qu'actionnaire), il est normal que ce gouvernement déclare avoir d'autres projets plus prioritaires. C'est son droit légitime d'avoir des choix qui ne sont pas exactement les choix que l'on ferait dans les pays plus développés.

L'étude actuelle est là pour une raison de bon sens. Puisque l'on parle de l'environnement, il est logique de commencer par faire le point pour voir dans quel état il est réellement. Shell a donc demandé une visite d'experts à un comité indépendant où Shell a 1 voix sur 10.

M. Brykman est conscient des critiques qui disent que c'est Shell qui paie ce comité. M. Brykman reconnaît que c'est bien le cas. Il ajoute toutefois que Shell serait parfaitement heureux de ne pas devoir payer ce comité si quelqu'un d'autre était prêt à prendre la relève. Puisque Shell veut une base objective, elle fait la dépense elle-même.

Quant à l'accusation d'importation d'armes au Nigéria, un article d'il y a un mois dans The Economist disait au sujet des embargos d'armes au Nigéria que cette politique est ridicule puisque le Nigéria a déjà plus d'avions qu'il n'y a de pilotes, plus de bateaux qu'il n'a de marins, qu'il regorge d'armes et qu'en plus les troupes nigériannes se trouvant au Libéria à la demande des Nations unies ont le droit de recevoir des munitions malgré les embargos.

M. Brykman explique que le Nigéria est un des pays qui a la plus grande insécurité au monde et que toutes les entreprises demandent à la police d'assurer une garde autour des installations. La police veut bien monter cette garde mais demande aux entreprises de leur fournir les armes nécessaires. C'est donc à la demande de la police qui déclare ne pas avoir de moyens budgétaires que Shell a effectivement importé exactement 107 révolvers il y a 15 ans. Ces armes sont sous le contrôle de la police suite aux exigences de cette police. C'est une pratique qui est courante au Nigéria, elle n'est pas spécifique à Shell. Sur tous les sites industriels, il y a une garde.

Quand la police a demandé un renouvellement de cet armement, il y a peu de temps, Shell a décidé, suite à la situation complexe qui règne pour le moment dans ce pays, de ne pas répondre à cette requête de la police.

En ce qui concerne les relations avec l'armée et la police, M. Brykman souligne que Shell ne veut pas travailler sous la protection des forces armées. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle Shell a quitté le territoire ogoni lorsque les troubles ont eu lieu. Mais lorsqu'on se trouve dans une installation et qu'il y a des attaques de cette installation, il est normal que l'on prévienne la police de ce qui se passe et l'on est tenu légalement de le faire. Il y a des cas où la police est intervenue et cela a donné lieu à des incidents regrettables.

À la question concernant la possibilité de différer le projet « L.N.G. » de 2 à 3 ans, M. Brykman confirme qu'effectivement, on a été enclin à le faire à la fin de 1995, au moment de la conclusion du contrat gazier. Il faut toutefois savoir que ce genre de contrat entraîne énormément de partenaires sur place et de partenaires d'importation. Vous avez une fenêtre où vous pouvez conclure. Si vous ne concluez pas à ce moment-là, un projet qui avait déjà mis 20 à 25 ans à être négocié, risque d'avorter.

M. Brykman ajoute qu'il est également intéressant de savoir que le gouvernement nigérian avait mis, sur un compte bloqué, 1 milliard de dollars qui représentait sa participation. Cet investissement ne lui procurera des dividendes que dans 12 ans. Si, par contre, le projet tombe à l'eau, le compte sera débloqué et le gouvernement nigérian se retrouvera avec 1 milliard de dollars en mains dont il pourra faire ce qu'il veut.

À la question de savoir ce qui arriverait si l'on boycottait tous les régimes non démocratiques, M. Brykman constate que le pétrole ne se trouve pas dans des régions démocratiques. D'ailleurs, si l'on boycotte le pétrole, pourquoi pas d'autres matières premières ?

Un pays comme la Belgique qui vit largement du commerce extérieur, aurait de très graves problèmes.

On peut d'ailleurs se poser des questions sur l'efficacité d'un boycott. L'Irak, où le boycott est efficace, est un cas particulier au sens que ses accès sont très limités. Pour un pays comme le Nigéria, pour qu'un boycott soit efficace, il faudrait un blocus naval de la côte nigériane. Si des pays mettaient effectivement les forces nécessaires à faire ce blocus à la disposition des Nations unies, cela mènerait à un chaos total au niveau du Nigéria. Les premières victimes seraient la population et non pas le régime. Le régime s'arrangerait pour prélever ce dont il a besoin. Shell pense que là aussi, c'est le rôle des Nations unies de décider. Shell s'en tiendra strictement aux décisions des organisations internationales.

En ce qui concerne la demande adressée au Gouvernement belge de faire usage de son action spécifique (« golden share ») au sein de Distrigaz pour éviter que le contrat de gaz prévu entre ladite société et Shell Nigéria ne soit conclu aussi longtemps que la démocratie n'y sera pas rétablie, M. Timmerman déclare que Distrigaz ne négocie pas pour le moment avec le Nigéria au sujet de l'importation de gaz naturel en Belgique. Ce pays n'en exporte d'ailleurs pas encore. Tant que le Nigéria ne parviendra pas à condenser le gaz naturel et à le transporter par méthaniers en Europe ­ ce qui, selon les pronostics, ne sera possible qu'à partir de 2007 ­, Distrigaz n'est pas d'avis de procéder à des négociations à ce sujet. Il n'est dès lors pas question que le Gouvernement belge fasse usage de son action spécifique au sein de Distrigaz.

Suite à la remarque concernant l'impression que donne le film sur le Nigéria, projeté par Shell, M. Brykman affirme que les choses ne sont pas idylliques. Shell ne l'a jamais dit. Shell estime que la situation est très difficile. Il y a des problèmes politiques complexes entre le gouvernement et ses populations.

Du point de vue de la pollution, Shell n'est pas plus tolérante en Afrique qu'ailleurs. Pourquoi Shell doit-elle dépenser beaucoup et pourquoi le problème est-il important ? C'est parce que les pipelines sont vieux. Il est évident qu'actuellement, ils sont faits selon les standards d'aujourd'hui et selon les techniques de protection contre la corrosion d'aujourd'hui. Ceux d'il y a 30 ou 40 ans étaient faits selon les standards de l'époque et ont leurs problèmes de corrosion. C'est la raison pour laquelle Shell les remplace. La vitesse à laquelle ce remplacement est effectué, dépend de l'accord du gouvernement nigérian, qui a ses propres priorités.

L'exploitation du pétrole alimente les revenus du gouvernement du Nigéria. C'est d'ailleurs le cas dans tous les pays du monde où Shell est opérationnel. Or, un des drames de l'Afrique est que l'on n'y investit pas assez. Il faudrait y investir plus. Bien sûr, la répartition interne est une question politique. Il est aussi évident que si un partenaire qui détient 30 p.c. dans une association décide de se retirer, 300 expatriés seraient retirés, ce qui ne changerait rien aux revenus du gouvernement nigérian.

Quant à la suggestion d'instaurer un fonds de restauration de l'environnement, M. Brykman déclare que cela se fait autrement, notamment par le biais des budgets de remplacement et d'amélioration de l'environnement décidés en commun par les partenaires de la société en participation (S.P.D.C.).

Les 1 300 km de pipelines remplacés fin 1995 doivent être considérés face à un total de 6 200 km. Les 1 300 km étaient les plus anciens et les plus fragiles. Ces pipelines qui étaient mis en surface à l'époque, sont maintenant enterrés. De ce fait, ils sont beaucoup moins susceptibles de polluer et de provoquer des pollutions sur des territoires beaucoup plus grands.

M. Brykman précise que la S.P.D.C emploi des Ogonis.

M. Timmerman ajoute que 60 p.c. du personnel de la S.P.D.C. est de la région du delta du Niger. À peu près 10 p.c. des gens du delta sont ogonis. Il ne se pose aucun problème sur ce plan.

M. Timmerman souligne que parmi les Ogonis, il n'y a pas qu'une seule tendance politique.

Les Ogonis sont extrêmement divisés au niveau politique. Tous les Ogonis ne pensent pas qu'une sécession constitue la seule et unique solution. C'est d'ailleurs à la suite de l'assassinat d'un certain nombre d'Ogonis modérés qu'a commencé le procès de Ken Saro-Wiwa et que les dix autres opposants au régime militaire ont été exécutés. Les Ogonis ne représentent que 500 000 habitants sur une population totale de quelque 100 millions au Nigéria.

M. Timmerman fait un parallèle avec ce qui s'est passé pendant les années '60 lors de la guerre de sécession du Shaba. Si la province du Shaba était devenue indépendante, elle aurait probablement été un des pays les plus riches du monde. Si les Ogonis ou une des autres tribus du delta du Niger deviennent indépendants, l'on sera confronté au même problème. Les richesses naturelles doivent-elles être exploitées au profit des 100 millions de Nigérians ou seulement au profit des 500 000 Ogonis ? Telle est la complexité du problème.

Un membre avait demandé si le gaz brûlé ne pouvait pas être utilisé pour le bien de la population locale.

M. Brykman déclare qu'évidemment Shell préférerait de très loin utiliser ce gaz plutôt que de le brûler. Toutefois, ce gaz ne peut pas être utilisé simplement parce que le pétrole local est nettement meilleur marché que le gaz. Le pétrole est un liquide qui se transporte facilement dans des camions. Or, si l'on veut livrer du gaz, il faut construire des tuyauteries, d'où, le gaz revenant plus cher, il n'est plus compétitif. Il n'y a donc pas de marché pour ce gaz.

M. Timmerman indique que le gaz brûle à la torchère est très différent du G.P.L. vendu en Europe. Le G.P.L. (butane, propane, etc.) se liquéfie quand la pression est très basse. En revanche, le gaz naturel (le méthane) ne peut se liquéfier que quand la pression est très élevée. Il est donc difficile de le vendre en bouteilles standard à la population locale. Certaines raffineries, dont les entreprises d'État (notamment la National Nigerian Oil and Chemical Marketing Company) vendent beaucoup de gaz en bouteille. Néanmoins, pour la population locale, il est beaucop plus avantageux d'aller abattre des bois, puisque le bois est gratuit. Il est par conséquent très difficile de lutter contre la déforestation.

L'auteur de la proposition de résolution estime que le problème principal posé par le défrichement est la disparition de certaines espèces. La population locale utilise pour préparer ses repas le bois qui n'est pas flotté dans le delta.

En ce qui concerne les armes dont Shell a besoin pour surveiller ses domaines, l'auteur de la proposition de résolution voudrait savoir s'il est exact que M. Watts, le directeur de Shell Nigéria, a envoyé une lettre aux autorités locales de police pour demander une meilleure protection et davantage d'armes. Shell aurait également proposé de payer ces armes. Est-il exact qu'un procès a été engagé contre Shell ? Est-il exact que Humanitex Ltd a fait une offre à Shell Nigéria à propos de ces armes ?

L'auteur de la proposition pense pouvoir conclure que Shell a une grande influence au Nigéria. Malgré les dénégations formelles de Shell, le commissaire estime que celle-ci a des contacts avec certains hommes politiques et leur demande d'user au maximum de leur influence là où c'est possible pour faire tourner la situation à son avantage, tant sur le plan des droits de l'homme que sur celui de l'environnement.

L'auteur estime d'ailleurs que, par leurs explications, les représentants de Shell n'ont fait que confirmer les constatations qui figurent dans la proposition de résolution.

Un membre se range à cet avis. Il rappelle que la commission a approuvé, le 19 mars 1996, une proposition de résolution dans l'intention de renforcer la pression politique sur le régime en place au Nigéria afin qu'il se démocratise. Selon le membre, le fait que de nombreux pays violent les droits de l'homme ne constitue pas un argument justifiant l'absence de démocratisation au Nigéria.

L'intervenant constate que la proposition de résolution mentionne un certain nombre de moyens destinés à renforcer la pression politique sur le régime qui y est en place. L'un de ces moyens est de demander à Shell et aux autres entreprises européennes opérant au Nigéria qu'elles organisent leurs activités d'exploitation dans le respect des droits de l'homme et en ayant le souci de l'environnement. Le commissaire demande aux représentants de Shell si cette requête leur paraît raisonnable et dans quelle mesure Shell se sent concernée par elle. L'intervenant est également convaincu que Shell dispose de moyens économiques et commerciaux suffisants pour exercer une pression énorme sur le régime en place au Nigéria, afin que celui-ci se démocratise et respecte davantage les droits de l'homme.

M. Timmerman répète qu'il n'existe aucun contrat entre Distrigaz et Shell ou S.P.D.C. Il ne saurait donc être question de résilier ce prétendu contrat. Il n'y a même pas de négociations en cours.

M. Timmerman estime qu'il ne lui appartient pas de juger si cette proposition de résolution du Sénat belge sera efficace ou non. « Il ne faut point espérer pour entreprendre. » Personnellement, M. Timmerman déplorerait que son exposé donne à la commission l'impression que Shell ne se sent pas concernée éthiquement et moralement par ces requêtes. Si tel avait été le cas, MM. Timmerman et Brykman ne se seraient pas rendus à l'audition.

Shell en tant que société et M. Timmerman en tant qu'administrateur soutiennent la Déclaration universelle des droits de l'homme.

M. Timmerman appuie la requête adressée aux autorités belges et européennes pour qu'elles agissent contre le Nigéria afin que celui-ci s'engage dans la voie de la démocratisation et permette à un nombre aussi élevé que possible de Nigérians de profiter des richesses naturelles de leur pays.

Shell estime y contribuer directement par ses activités. L'on ne peut résoudre les problèmes au départ d'une salle confortable à Bruxelles. En revanche, les 5 000 collaborateurs de Shell au Nigéria s'y emploient efficacement.

3. AUDITION DE MME MONTSERRAT CARRERAS ET DE M. PHILIPPE HENSMANS D'AMNESTY INTERNATIONAL

3.1. Audition de Mme Montserrat Carreras

3.1.1. Le Nigéria, un État sans droit

3.1.1.a. Détention arbitraire

Depuis 1993, des centaines de militants en faveur de la démocratie, de défenseurs des droits de l'homme, de journalistes, d'hommes politiques d'opposition et de membres de l'ethnie ogoni ont été arrêtés puis incarcérés. Certains ont fait l'objet d'une détention administrative, d'autres ont été détenus au secret pendant des mois ou des années, sans avoir été inculpés ni jugés. D'autres encore ont été détenus pour de courtes périodes, souvent de façon répétée, avant de faire l'objet d'une inculpation à motivation politique et d'être libérés sous caution.

Les détenus administratifs sont apparemment incarcérés en vertu du décret nº 2 de 1984 relatif à la sûreté de l'État et à la détention des personnes, un décret draconien qui permet la détention pour une période déterminée, sans inculpation ni jugement, de toute personne considérée comme constituant une menace pour l'économie ou la sûrete de l'État.

En octobre 1994, le gouvernement a promulgué un amendement qui interdit aux tribunaux d'obliger les autorités à leur présenter les détenus, même par une procédure d'habéas corpus (procédure permettant la comparution immédiate du détenu devant une autorité judiciaire, afin de contester la légalité de la détention et de permettre ainsi une éventuelle remise en liberté).

Des Ogonis ont également été pris pour cibles à cause de la campagne que mènent des militants de cette ethnie sur des problèmes écologiques dans l'État de Rivers. Des centaines de personnes ont été arrêtées sans inculpation à la suite du meurtre de quatre chefs de la communauté, en mai 1994, et plus de 40 autres personnes ont été arrêtées dans les mêmes conditions au début de 1995.

Ces graves violations des droits de l'homme ont eu lieu alors que le gouvernement impose de sévères restrictions à la liberté d'expression, d'association et de réunion, montrant ainsi clairement qu'il ne tolérera pas que sa légitimité soit remise en cause, même de façon pacifique, par des acteurs de la société civile. Les garanties du droit à la liberté d'expression, d'association et de réunion, présentes dans la Constitution nigériane, se sont à certains moments trouvées annulées par une pratique habituelle chez les militaires et qui consiste à promulguer des décrets. Toute activité politique indépendante a été interdite par décret de novembre 1993 à juin 1995.

Revues et journaux indépendants ont subi des interdictions ordonnées par décret : en décembre 1995, par deux fois au moins, les autorités nigérianes ont pris d'assaut l'imprimerie du magazine Tell et confisqué des milliers d'exemplaires de cette publication. Un certain nombre de personnes qui vendaient Tell dans la rue ont été arrêtées et détenues pour une courte durée. Le magazine ne faisait pas l'objet d'une interdiction; les autorités affirment que ces raids et arrestations ont été effectués parce que cette publication n'est pas « patriotique », un délit qui semble n'avoir aucun fondement en droit nigérian. Des agents du gouvernement ont également été soupçonnés d'avoir incendié les bureaux de journaux indépendants, le Guardian et le News , le même mois.

Le gouvernement militaire a régulièrement eu recours à des chefs d'inculpation tels que la réunion illégale pour harceler et maintenir en détention brève les opposants politiques. En décembre 1995 par exemple, quatre militants en faveur de la démocratie ont été arrêtés et inculpés de sédition et de réunion illégale après avoir tenté d'organiser un rassemblement à Abéokuta. Ce rassemblement avait pour but de dénoncer l'emprisonnement des opposants du gouvernement, notamment de Chief Moshood Abiola, de l'ancien chef de l'État Olusegun Obasanjo et de Beko Ransome-Kuti, président du mouvement Campagne pour la démocratie et membre fondateur du Comité nigérian de défense des droits de l'homme.

Pour ceux qui l'auraient oublié, Chief Moshood Abiola est reconnu comme le vainqueur des élections présidentielles organisées en 1993. Devant sa victoire, le processus électoral a été stoppé et il se retrouve en prison depuis juin 1994, en dépit de décisions de plusieurs instances juridictionnelles. Une de ses épouses, qui militait activement pour sa libération, vient d'être assasinée. Tout laisse à croire que ce crime est signé par les escadrons de la mort.

Olusegun Obasanjo était devenu chef de l'État en 1976, à la suite de l'assassinat du général Murtala Muhammed; en 1979, il avait mis en oeuvre un programme, élaboré par son prédécesseur, et visant à céder le pouvoir à un gouvernement civil élu.

En janvier 1996, 22 personnes au moins (peut-être même 50) ont été arrêtées et placées en détention dans l'Ogoniland, après avoir tenté de tenir un rassemblement pour célébrer la Journée des Ogonis, le 4 janvier. Vingt-deux personnes auraient été inculpées de réunion illégale, puis remise en liberté sous caution.

3.1.1.b. Procès inéquitables

Pour ceux qui ont fini par être inculpés et jugés depuis 1994, le processus judiciaire s'est révélé une pure comédie. Beaucoup de ces tribunaux ont gravement violé les normes internationales relatives à l'équité des procès, notamment celles contenues dans les articles 9 et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Le général Abacha, le chef de l'État, a recours à un système judiciaire organisé par décret.

Le tribunal militaire spécial

Le tribunal militaire spécial a été mis en place en vertu du décret nº 1 de 1986 relatif aux infractions de trahison ou relevant de trahison. Désigné par le chef de l'État, il est composé de membres des forces armées. Ce tribunal a le pouvoir de juger toute personne, qu'elle soit civile ou militaire, pour trahison ou toute autre infraction commise dans le cadre d'une rébellion contre le gouvernement. Il peut prononcer une peine, quelle qu'elle soit, aux termes de la législation pénale ou militaire, mais il n'est pas tenu d'appliquer les procédures des juridictions civiles ou militaires. Ses verdicts et les peines qu'il prononce doivent être confirmés par le gouvernement militaire. Les accusés que comparaissent devant un tel tribunal n'ont pas le droit d'interjeter appel devant une juridiction supérieure ou indépendante.

Des droits essentiels ont été refusés aux accusés : le droit d'être protégés contre la torture, les mauvais traitements, d'être informés des charges retenues contre eux, d'être défendus par un avocat de leur choix et de pouvoir préparer leur défense comme il se doit, d'être jugés en public par un tribunal indépendant et impartial et de pouvoir faire appel des décisions de justice devant une juridiction supérieure indépendante.

En juillet et en août 1995, 43 prisonniers civils et militaires ont été déclarés coupables de trahison et d'infractions relevant de la trahison par le tribunal militaire spécial à la suite d'une tentative présumée de coup d'État qui aurait eu lieu en mars 1995.

Parmi ces prisonniers se trouvaient Olusejun Obasanjo et son ancien adjoint, le général de division à la retraite Shehu Musa Yar'adua. Condamnés respectivement à la détention à perpétuité et à la peine capitale, les deux hommes, sous la pression du mouvement d'indignation suscité par le prononcé de ces peines, se sont vus condamnés respectivement à 15 et 25 années d'emprisonnement. Les amis et les proches des accusés, ainsi que des journalistes et des défenseurs des droits de l'homme qui avaient dénoncé l'injustice de ces arrestations et de ces procès, ont eux mêmes été arrêtés et jugés en secret par ce tribunal; accusés de dissimulation de trahison ou de complicité de trahison, ils ont été condamnés à de lourdes peines d'emprisonnement.

Le Tribunal spécial

Le Tribunal spécial chargé des troubles sociaux, la juridiction fédérale qui a jugé Ken Saro-Wiwa et les autres prisonniers, a été instauré aux termes du décret nº 2 de 1987 relatif aux troubles sociaux.

Il confère au chef de l'État le pouvoir d'instituer un tribunal d'exception distinct du système judiciaire ordinaire, pour juger les affaires liées aux soulèvements et troubles civils. Il doit être présidé par un magistrat et comporter un officier de l'armée en service actif. Ses verdicts et les peines qu'il prononce doivent être confirmés ou infirmés par le gouvernement militaire et il n'existe aucun droit d'interjeter appel devant une juridiction supérieure ou indépendante.

En novembre 1995, l'écrivain de réputation mondiale, Ken Saro-Wiwa et huit autres prisonniers ogonis ont été pendus.

Ces hommes avaient été déclarés coupables du meurtre de quatre chefs ogonis. Malgré la réprobation internationale qu'ont suscitée ces exécutions, 19 autres Ogonis doivent être jugés par le même tribunal d'exception, pour les mêmes chefs d'accusation.

La Haute Cour fédérale a décidé en décembre 1995 que le procès devait être suspendu jusqu'à ce qu'elle même ait statué sur la constitutionnalité de la juridiction d'exception. Amnesty International n'a toujours pas connaissance de l'avis prononcé par la Haute Cour. Il est probable que l'avis ne soit pas encore rendu. Et vous comprendrez tout de suite que tout a été prévu, pour que les instances juridictionnelles ne puissent pas se prononcer sur les décisions prises par le gouvernement. En effet, celui-ci a sorti le décret nº 12.

Décret nº 12

Le règne de l'arbitraire imposé par décret s'est trouvé consolidé par un nouveau texte, relatif au gouvernement militaire fédéral; ce décret enlève aux tribunaux de droit de contester l'autorité ou les actions du gouvernement, contrevenant ainsi à l'article 2-3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et aux normes établies par les Principes fondamentaux relatifs à l'indépendance de la magistrature (O.N.U. 1985).

1.1.1.c. La torture

Bien qu'il ait signé la Convention des Nations unies contre la torture, le gouvernement du général Abacha se caractérise par un recours systématique à la torture et aux mauvais traitements vis-à-vis des détenus politiques. Ces agissements sont contraires à la Constitution du Nigéria et aux obligations internationales que ce pays a contractées en ratifiant la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples et le P.I.D.C.P. En fait, les prisonniers politiques de ce pays n'ont aucune garantie contre la torture, les mauvais traitements ou toute autre forme de contrainte puisqu'ils peuvent être détenus indéfiniment et au secret en vertu du décret nº 2 de 1984 relatif à la sûreté de l'État et à la détention des personnes, qui ne leur laisse aucune possibilité de contester la légalité de leur détention. Ce décret ne prévoit aucun examen médical des détenus par un médecin indépendant, aucun contact avec un interlocuteur indépendant, quel qu'il soit, ni aucun contrôle régulier de la détention par un organisme judiciaire ou indépendant.

Clément Tusima, un Ogoni détenu sans inculpation depuis mai 1994, est mort en août 1995 après des mois de maladie et de privation de soins médicaux. Baribor Bera, coinculpé de Ken Saro-Wiwa, a montré au tribunal spécial les cicatrices résultant des passages à tabac subis pendant sa détention. Il a déclaré avoir été entièrement déshabillé, attaché à un pilier, fouetté avec une cravache et obligé d'avaler ses dents tombées sous les coups.

Tous les prisonniers politiques sont détenus au secret dans des conditions extrêmement difficiles : la nourriture est insuffisante, les cellules sont surpeuplées et insalubres, les installations sanitaires inadéquates et les prisonniers ne peuvent ni faire d'exercice ni passer du temps à l'air libre.

3.1.2. L'action menée par les organisations intergouvernementales

3.1.2.a. Les Nations unies

Le Haut Commissaire aux droits de l'homme a lancé des appels répétés au gouvernement nigérian concernant Ken Saro-Wiwa et d'autres déténus ogonis; les rapporteurs spéciaux de la commission ont lancé plusieurs appels conjoints au gouvernement concernant ces affaires.

Lors de sa dernière session, l'Assemblée générale des Nations unies, dans une résolution qu'elle a adoptée, s'est déclarée gravement préoccupée par la situation des droits de l'homme au Nigéria.

Elle a invité la Commission des droits de l'homme à examiner de toute urgence la situation et a recommandé à cet égard que le rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires et arbitraires, prépare un rapport. Celui-ci estimait très préoccupantes les informations répétées signalant le non-respect du droit à la vie des Ogonis. Il était particulièrement préoccupé par l'instauration d'un tribunal spécial destiné à limiter l'insécurité et les troubles dans la région, ainsi que par l'extension du champ d'application de la peine de mort.

Lors de la 52e session de la Commission des droits de l'homme qui s'est déroulée à Genève du 18 mars au 26 avril 1996, une résolution sur le Nigéria a été adoptée. Cette résolution constitue un progrès par rapport à l'an dernier puisque le projet avait alors été rejeté. Mais les militants des droits de l'homme avaient espéré que la résolution demanderait la nomination d'un rapporteur spécial. Tel était aussi le texte proposé par les pays occidentaux. De longues tractations politiques avec des représentants d'autres continents ont finalement abouti à une résolution qui semble faire confiance au gouvernement du Nigéria, chargé de rétablir la protection des droits fondamentaux et le respect des traités internationaux. Amnesty International regrette que rien ne soit prévu pour vérifier la mise en oeuvre de cette recommandation.

3.1.2.b. Le rôle de la Commission africaine

La Commission afraicaine s'est réunie en séance extraordinaire les 18 et 19 décembre, à Kampala, pour examiner la situation des droits de l'homme au Nigéria. La commission a demandé au secrétaire général de l'O.U.A. de faire savoir aux autorités nigérianes qu'aucun préjudice irréparable ne devait être causé aux 19 détenus ogonis en attente de procès.

Une mission de la Commission africaine aurait dû se rendre dans le pays. Mais il semble que les autorités du Nigéria ne trouvent pas le temps de se libérer pour recevoir cette commission. Bref, un problème d'agenda ? L'Assemblée des chefs d'État et de gouvernement de l'O.U.A. se réunira du 1er au 10 juillet au Cameroun et des prises de positions sont attendues avec beaucoup d'intérêt.

3.1.2.c. Le Commonwealth

Suite à l'exécution de Ken Saro-Wiwa et de 8 autres Ogonis, le Commonwealth a immédiatement suspendu le Nigéria de l'Organisation. Un groupe d'action, composé de 8 ministres des Affaires étrangères a exprimé le souhait de réaliser une mission d'investigation sur le respect des droits fondamentaux dans le pays. Cette mission a été refusée par le général Abacha.

3.1.2.d. L'Union européenne

Ce mois-ci, le Conseil a prorogé jusqu'au 4 décembre 1996 la position commune relative au Nigéria qui avait pris effet le 4 décembre 1995 pour une période renouvelable de 6 mois. Par l'adoption de cette position commune, le Conseil avait élargi les mesures prises à l'encontre du Nigéria au-delà de celles adoptées le 20 novembre 1995.

En conclusion, le Nigéria, l'État le plus peuplé d'Afrique, est un pays d'une grande diversité ethnique, religieuse et linguistique. Si le respect des droits de l'homme n'est pas restauré, les probabilités vont dans le sens d'une aggravation de l'instabilité et des violations des droits de l'homme dans toute l'Afrique occidentale.

La communauté internationale doit continuer de toute urgence à prendre des mesures pour empêcher que la situation se détériore davantage dans ce pays.

3.2. Audition de M. Philippe Hensmans

3.2.1. Rôle et responsabilité de Shell

La section hollandaise d'Amnesty International et Pax Christi ont rédigé un mémorandum centré sur les responsabilités des entreprises multinationales pour contribuer aux engagements pris par la communauté internationale dans le cadre de la Déclaration universelle des droits de l'homme.

Les entreprises multinationales sont invitées à respecter une série de principes cités nommément dans les « Guidelines pour les Entreprises multinationales » de l'O.C.D.E. (1976) ainsi qu'une déclaration tripartite adoptée par l'O.I.T. (1977).

Shell a publié un document qui décrit ses principes de conduite. Si le contenu est plutôt positif, Amnesty International et Pax Christi déplorent vivement le fait qu'aucune référence ne soit faite aux textes des deux organisations internationales citées ci-dessus. La force normative des principes de conduite adoptés par Shell se trouverait considérablement renforcée si ces références étaient précisées.

Par rapport au Nigéria, Amnesty International et Pax Christi ont écrit, dans ce mémorandum, une série de recommandations :

1. Amnesty International et Pax Christi considèrent que Shell doit interpeller les autorités publiquement, par des déclarations orales et écrites, en se prononçant contre l'usage excessif de la force par les troupes de sécurité dans les régions où est produit le pétrole.

2. Amnesty International et Pax Christi insistent pour qu'une enquête indépendante soit rapidement ouverte sur le rôle que Shell a joué dans l'approvisionnement en armes. Actuellement, les deux organisations ne sont pas persuadées que les législations concernant la vente et l'usage de ces armes aient été strictement respectées.

On demande que Shell soit prête à collaborer à une enquête indépendante chargée de faire la lumière sur l'approvisionnement et l'usage des armes.

3. Amnesty International et Pax Christi demandent que Shell contribue à la formation des forces de maintien de l'ordre dans les régions productrices de pétrole. Formation qui serait donnée conformément aux normes et aux standards internationalement reconnus.

4. Les deux organisations insistent pour que Shell intervienne instamment afin d'assurer la libération ou le procès équitable des 19 Ogonis. De plus, Amnesty International et Pax Christi jugent important que Shell se prononce publiquement et travaille de manière active en faveur d'une réforme des tribunaux spéciaux, pour une administration de la justice indépendante et impartiale, pour le droit d'appel à une cour supérieure et pour le droit à la défense et l'aide juridique.

5. On demande également que Shell, éventuellement en compagnie d'autres entreprises, insiste auprès du gouvernement nigérian en vue d'obtenir la libération des syndicalistes ou, s'ils sont accusés d'un crime, pour qu'ils bénéficient d'un procès équitable, dans un délai raisonnable.

L'orateur conclut que tous les acteurs de la société ­ que ce soit le simple citoyen, les organisations non gouvernementales dont l'objet est la défense des droits humains ou la défense du patrimoine écologique, les autorités politiques ou les entreprises ­, ont leur contribution à apporter pour favoriser un monde plus humain, plus juste, sans sacrifier ni la génération présente ni celle à venir.

3.3. Échange de vues

Un membre signale qu'à la fin des années quatre-vingt, l'on a discuté en Commission des Affaires sociales de l'application des directives de l'O.C.D.E. et de la déclaration de principes de l'O.I.T.

Le ministre de l'Emploi et du Travail de l'époque avait déclaré qu'il était d'accord sur les principes et le contenu de la proposition de loi, mais il avait souligné que, jusqu'alors, aucun pays européen n'avait transposé ces deux déclarations de principes dans sa législation. Si la Belgique l'avait fait, elle serait devenue moins attrayante pour les investisseurs étrangers.

Pourquoi les entreprises feraient-elles des déclarations de principes alors que le législateur belge lui-même n'a pas transposé ces principes dans son droit interne ? Ne suffit-il pas d'y faire référence ?

Soulignons en passant que le groupe Shell a lui-même publié une déclaration contenant ses principes de conduite.

Ensuite, le membre rappelle que Shell n'est pas la seule compagnie pétrolière opérant au Nigéria. Shell ne détient que 30 p.c. du capital de S.P.D.C. (Shell Petroleum Development Company of Nigeria). Le reste est détenu par Elf (10 p.c.), Agip (5 p.c.) et la Compagnie pétrolière nationale du Nigéria (55 p.c.).

Les sociétés européennes ont donc des responsabilités au Nigéria, mais elles ne maîtrisent pas du tout le fonctionnement des entreprises pour lesquelles elles agissent. Il ne faut pas oublier que, dans la plupart des pays de l'O.P.E.P., les entreprises européennes et américaines ont perdu totalement leurs participations financières par suite de nationalisations pures et simples.

Le membre condamne les violations des droits de l'homme au Nigéria, mais rappelle que Shell pourrait également faire l'objet d'une nationalisation si les exigences du gouvernement nigérian n'étaient pas satisfaites.

En effet, si Shell, Elf et Agip adoptaient une attitude encore plus ferme, l'on pourrait assister à des nationalisations, comme cela a été le cas en Algérie, en Arabie Saoudite, en Irak et en Libye.

Un autre membre souligne que lorsque la responsabilité de Shell a été mise en cause sur le plan international, le régime du Nigéria a expliqué la survenance d'une série d'événements en invoquant les attentats commis par des mouvements d'opposants au gouvernement.

Le membre ne souhaite pas s'attarder sur le point de vue d'Amnesty International, selon lequel une entreprise étrangère doit intervenir dans le pays où elle exerce ses activités lorsque les droits de l'homme y sont violés. L'éthique n'est pas seule en jeu, l'aspect juridique a lui aussi son importance. La Déclaration universelle des droits de l'homme n'oblige-elle pas une entreprise qui constate des violations graves des droits de l'homme à intervenir non seulement dans le domaine moral et éthique, mais également juridique ?

Enfin, le membre s'informe sur l'attitude de Shell Nigéria. Dans le cadre de la dernière assemblée annuelle du groupe Shell, M. Anderson, le P.D.G. de S.P.D.C.-Nigéria, a déclaré que Shell avait eu recours à la police quand la situation avait complètement dégénéré.

À la suite de la réaction violente de la police nigériane, Shell a tité les conclusions qui s'imposaient.

Un sénateur souligne qu'il est utile qu'un pays comme la Belgique exerce des pressions politiques sur un pays qui connaît des violations flagrantes des droits de l'homme. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle lui-même a déposé un amendement demandant au Gouvernement belge d'utiliser l'action spécifique qu'il détient dans la société Distrigaz pour empêcher la signature du contrat prévue entre cette dernière et Shell Nigéria, du moins tant qu'un régime démocratique n'est pas en place au Nigéria. Cet amendement a d'ailleurs été adopté par la commission.

Même si S.P.D.C. était nationalisée, Shell ne quitterait probablement pas le Nigéria.

Enfin, le sénateur souligne qu'une série d'accords conclus dans le cadre de l'Organisation internationale du travail n'ont pas encore été ratifiés par la Belgique. La Convention nº 87 de l'O.I.T. concernant la liberté syndicale n'a jamais été ratifiée par les États-Unis.

Il est quand même curieux qu'un pays où de nombreuses entreprises multinationales ont installé leur siège n'ait pas ratifié la Convention internationale concernant la liberté syndicale. Dans ces conditions, comment ce pays pourrait-il faire respecter les droits de l'homme et les droits sociaux ailleurs dans le monde ?

Et l'intervenant de terminer par un plaidoyer en faveur de la ratification, du respect et de l'application des conventions de l'O.I.T. par tous les pays, et tout d'abord par les plus riches, tels les membres du G.7.

M. Hensmans, le représentant d'Amnesty International, tient à apporter quelques précisions :

1. Shell n'est pas la seule responsable des violations des droits de l'homme qui se déroulent au Nigéria;

2. La déclaration de principes de l'O.I.T. ne s'adresse pas seulement aux États, mais également aux entreprises.

L'enquête judiciaire n'a recueilli aucune preuve de menace de violences. La police mobile est accusée de manque de respect pour la vie et pour la propriété. La commission d'enquête a recommandé que les officiers de police, mentionnés nommément, soient poursuivis et les victime indemnisées.

L'on peut conclure de cette enquête qu'il est impensable que Shell, qui est fière d'être implantée depuis bien des années au Nigéria, ne se rende pas compte de la manière d'agir et des méthodes de la police nigériane.

Par ailleurs l'on parle de livraisons d'armes à la police. Qui livre des armes à des autorités connues pour leurs actions violentes et dangereuses ? En outre, il y a le témoignage d'un colonel qui a déclaré avoir été payé par Shell.

Il y a donc clairement une interaction entre Shell et la police nigériane.

C'est pourquoi Amnesty International demande, d'une part, que l'on cesse de soutenir ceux qui agissent avec brutalité et violent les droits de l'homme, et, d'autre part, que l'on intervienne en vue de combattre et de condamner des pratiques telles que la pendaison et la torture de personnes pacifiques.

Pour la population des régions où l'entreprise exerce ses activités, il importe beaucoup que celle-ci fasse figurer dans une sorte de déclaration générale de principes les textes reconnus par la communauté internationale et dont la portée est universelle.

Il est évident que la Déclaration universelle des droits de l'homme n'a pas un caractère normatif, mais elle constitue bel et bien un cadre de référence important.

M. Hensmans cite un passage d'une importance capitale dans les « Principes de conduite » des sociétés du Groupe Royal Dutch/Shell :

« Les sociétés Shell s'efforcent d'agir de façon commerciale dans le cadre des législations nationales existantes et de façon socialement responsable. Elles s'abstiennent de participer aux activités des partis politiques et de s'ingérer dans les affaires politiques.

Toutefois, elles ont le droit légitime et la responsabilité de se prononcer sur les questions affectant les intérêts de leur personnel, de leurs clients et de leurs actionnaires, ainsi que sur des questions d'intérêt général lorsqu'elles peuvent apporter une contribution sur la base de connaissances particulières. »

Le droit de grève et le droit de s'associer librement à un syndicat concernent directement le personnel de l'entreprise.

Shell a le droit et le devoir d'agir lorsque ces droits fondamentaux sont foulés aux pieds, tout comme Shell a le droit de défendre ses intérêts en cas de nationalisation éventuelle du secteur pétrolier par les autorités nigérianes.

Un membre déplore que la communauté internationale n'appelle pas l'attention sur les responsabilités concrètes de la collectivité quant à l'application de la Déclaration universelle des droits de l'homme et de la Convention européenne des droits de l'homme.

Lors de la Conférence internationale sur les droits de l'homme, qui s'est tenue à Vienne en 1993, l'on a déployé de gros efforts pour concrétiser la responsabilité de la communauté internationale. Qu'en est-il aujourd'hui ?

Le membre insiste pour que, lors d'une prochaine étape du processus de décision et d'évaluation, l'on s'occupe de donner un contenu concret aux reponsabilités des entreprises multinationales.

Un autre membre constate que l'on demande à Shell d'intervenir dans les affaires intérieures du Nigéria.

Un membre constate que l'on demande à Shell d'intervenir dans la politique interne du Nigéria en ce qui concerne les droits de l'homme, le fonctionnement de la police, etc. L'on peut toutefois se demander s'il n'est pas quelque peu naïf de croire que Shell abordera à l'avenir ces problèmes avec le gouvernement nigérian.

M. Hensmans répond qu'Amnesty International n'a pas de préjugés défavorables envers les entreprises qui sont présentes dans des pays où les droits de l'homme sont violés, et a tendance à faire confiance à ceux avec qui l'organisation est en discussion.

Amnesty International propose à Shell une série de lignes de conduite.

M. Hensmans déclare en conclusion que toute forme de pression sur le gouvernement nigérian et sur les acteurs de la société nigériane est extrêmement importante. Il ne souhaite pas se prononce sur l'embargo. Il estime cependant que la résolution à l'examen constitue un instrument utile nous permettant d'exercer une pression internationale sur le Nigéria.

La Conférence de Vienne s'est essentiellement consacrée aux activités du F.M.I. et de la Banque mondiale, et non à celles d'entreprises multinationales. La Conférence a souligné la nécessité de faire rapport des conséquences que les interventions du F.M.I. et de la Banque mondiale ont sur la situation des droits de l'homme.

Mme Carreras rappelle que la Déclaration universelle des droits de l'homme est destinée en premier lieu aux États. C'est l'État qui est responsable de la politique, de la gestion et de l'application de la législation et du respect des droits de tout citoyen. Ce serait une erreur de rendre les entreprises multinationales responsables de l'application et du respect des réglementations nationale et internationales.

Les autorités nigérianes ont déjà démontré à suffisance qu'elles ne respectent absolument pas les droits de l'homme. L'exécution de l'écrivain nigérian Ken Saro-Wiwa et de huit autres détenus politiques au moment même où se tenait une réunion du Commonwealth en est une nouvelle preuve. C'est pourquoi Amnesty International s'est adressé à Shell qui, parce qu'elle exerce encore des activités au Nigéria, est de ce fait en mesure d'exercer l'influence positive nécessaire sur le régime.

Un membre désire savoir si Amnesty International a l'intention de mener des actions similaires auprès des autres entreprises multinationales qui investissent au Nigéria.

Les multinationales pétrolières (1), principalement américaines, Mobil et Chevron en tête, vont investir, d'ici à l'an 2000, plus de 8 milliards de dollars, principalement dans le Delta du Niger. Auxquels il faut ajouter les 4,2 milliards de l'usine de gaz liquéfié de Bonny (Shell, Elf et Agip), qui devrait rapporter au pays 1 milliard de dollars de recettes supplémentaires.

Des « contrats de partage de production » plus avantageux ont attiré au Nigéria de nouveaux partenaires ­ entre autres, Total, B.P. et Statoil ­, qui explorent les zones prometteuses en mer profonde situées à une centaine de kilomètres des côtes.

Avant de planifier une action, Amnesty International évalue toujours le poids des divers acteurs.

Amnesty International souhaiterait que Shell, avec d'autres entreprises étrangères, puisse faire pression sur le gouvernement afin de faire respecter le droit syndical et de faire libérer les syndicalistes.

L'organisation mène, par exemple, des actions de même nature au Myanmar.

4. VOTES

L'amendement nº 3-A de MM. Hatry et Devolder (doc. Sénat nº 1-194/5) est adopté par 5 voix contre 4 et 1 abstention.


Les amendements nºs 3-B et 3-C sont adoptés par un vote identique.

L'amendement nº 3-D est adopté par 5 voix contre 2 et 3 abstentions.

L'amendement nº 4 de Mme Bribosia-Picard et consorts (doc. Sénat nº 1-194/6) est adopté par 11 voix et 1 abstention.

La proposition de résolution, ainsi amendée, a été adoptée par 11 voix et 1 abstention.


Confiance a été faite à la rapporteuse pour la rédaction du présent rapport.

La Rapporteuse,
Paula SÉMER.
Le Président,
Valère VAUTMANS.
5. Texte adopté par la commission Texte adopté par la commission
après renvoi par la séance plénière
Le Sénat, Le Sénat,
Étant donné la situation qui règne au Nigéria, où malgré de vigoureuses protestations internationales, l'on a récemment pendu neuf opposants au régime militaire, parmi lesquels l'écrivain Ken Saro-Wiwa, actif défenseur de l'environnement et des droits de l'homme; Étant donné la situation qui règne au Nigéria, où malgré de vigoureuses protestations internationales, l'on a récemment pendu neuf opposants au régime militaire, parmi lesquels l'écrivain Ken Saro-Wiwa, actif défenseur de l'environnement et des droits de l'homme;
Étant donné que les opposants se sont heurtés au régime parce qu'ils plaidaient pour la défense du peuple ogoni, qui compte un demi-million de personnes, et pour la protection de leur environnement, qui est menacé depuis déjà bien des années par l'exploitation sauvage du pétrole; Étant donné que les opposants se sont heurtés au régime parce qu'ils plaidaient pour la défense du peuple ogoni, qui compte un demi-million de personnes, et pour la protection de leur environnement, qui est menacé depuis déjà bien des années par l'exploitation sauvage du pétrole;
Étant donné qu'au sein de l'U.E., l'Angleterre est le principal acheteur de pétrole nigérian, ce qui résulte du fait que l'exploitation du pétrole nigérian est notamment assurée par la firme Shell, qui est aussi en partie aux mains de Néerlandais; Étant donné que l'Union européenne est à la fois l'entité qui constitue le principal acheteur de pétrole nigérian et celle qui comporte les principaux actionnaires des sociétés qui opèrent au Nigéria;
Étant donné la manière dont la captivité des opposants s'est déroulée, après leur arrestation en mai 1994, leur détention de neuf mois avant d'être mis en accusation et, ensuite, leur condamnation comme responsables de la mort, survenue au cours d'échauffourées, de quatre fonctionnaires, et ce, sans preuves cohérentes ni aucun respect des droits de la défense; Étant donné la manière dont la captivité des opposants s'est déroulée, après leur arrestation en mai 1994, leur détention de neuf mois avant d'être mis en accusation et, ensuite, leur condamnation comme responsables de la mort, survenue au cours d'échauffourées, de quatre fonctionnaires, et ce, sans preuves cohérentes ni aucun respect des droits de la défense;
Se référant aux vigoureuses protestations internationales qui furent lancées avant et après l'exécution de la sentence de mort, et qui s'accompagnèrent notamment du rappel d'un très grand nombre d'ambassadeurs; Se référant aux vigoureuses protestations internationales qui furent lancées avant et après l'exécution de la sentence de mort, et qui s'accompagnèrent notamment du rappel d'un très grand nombre d'ambassadeurs;
Se référant à la procédure en cours au sein du Conseil de sécurité de l'O.N.U., où la question sera prochainement mise à l'ordre du jour; Se référant à la procédure en cours au sein du Conseil de sécurité de l'O.N.U., où la question sera prochainement mise à l'ordre du jour;
Constatant que la Belgique n'a actuellement aucun ambassadeur au Nigéria; Constatant que la Belgique n'a actuellement aucun ambassadeur au Nigéria;
Étant donné que, depuis le coup d'État de 1993, tous ceux qui critiquent le régime ont été emprisonnés à l'intervention du régime militaire en place; Étant donné que, depuis le coup d'État de 1993, tous ceux qui critiquent le régime ont été emprisonnés à l'intervention du régime militaire en place;
Étant donné le traitement inhumain qui est infligé à certains prisonniers et qui les prive régulièrement des soins requis; Étant donné le traitement inhumain qui est infligé à certains prisonniers et qui les prive régulièrement des soins requis;
Se référant aux protestations lancées contre le Nigéria dans le cadre de la réunion des pays du Commonwealth; Se référant aux protestations lancées contre le Nigéria dans le cadre de la réunion des pays du Commonwealth;
Étant donné qu'un conflit de grande envergure risque d'éclater au Nigéria, conflit qui ferait de nombreuses victimes et qui pourrait entraîner des flots de réfugiés et la famine, Étant donné qu'un conflit de grande envergure risque d'éclater au Nigéria, conflit qui ferait de nombreuses victimes et qui pourrait entraîner des flots de réfugiés et la famine,
Invite le ministre des Affaires étrangères et le ministre des Affaires économiques à plaider, au niveau du Conseil européen des ministres des Affaires étrangères et des Affaires économiques, pour que l'on prenne des mesures draconiennes contre le Nigéria dont un embargo sur son pétrole, qui resteraient applicables tant que la démocratie ne serait pas rétablie dans ce pays; Invite le ministre des Affaires étrangères et le ministre des Affaires économiques à plaider, au niveau du Conseil européen des ministres des Affaires étrangères et des Affaires économiques, pour que l'Union européenne ne s'approvisionne en pétrole qu'auprès de pays respectant les principes démocratiques et les droits de l'homme.
Invite le Gouvernement belge à user de son « action privilégiée » (golden share) au sein de Distrigaz pour renoncer au contrat de gaz prévu entre cette société et Shell Nigéria, tout au moins tant qu'un régime démocratique ne sera pas en place au Nigéria; [...]
Invite le conseil de direction et le conseil d'administration de Shell et des autres sociétés européennes qui exercent des activités au Nigéria à organiser leur exploitation dans ce pays d'une manière qui ne porte pas atteinte aux droits des populations autochtones, en se souciant de préserver l'environnement et en refusant d'accepter que leurs activités commerciales avec le Nigéria et à l'intérieur de ce pays se développent en méconnaissance totale des dispositions de la Déclaration universelle des droits de l'homme; Invite les instances dirigeantes de l'industrie pétrolière et des autres sociétés européennes qui exercent des activités au Nigéria à organiser leur exploitation dans ce pays d'une manière qui ne porte pas atteinte aux droits des populations autochtones, en se souciant de préserver l'environnement et en refusant d'accepter que leurs activités commerciales avec le Nigéria et à l'intérieur de ce pays se développent en méconnaissance totale des dispositions de la Déclaration universelle des droits de l'homme;
Invite la société Shell à utiliser sa position de force économique afin d'exercer une pression sur le Gouvernement nigérian pour que celui-ci adopte une attitude plus démocratique et plus respectueuse des droits de l'homme;
Invite le Gouvernement à interpeller le Conseil de sécurité des Nations unies pour que soit créée une commission d'enquête indépendante et impartiale chargée d'enquêter sur les crimes perpétrés par l'actuel gouvernement militaire du Nigéria; Invite le Gouvernement à interpeller le Conseil de sécurité des Nations unies pour que soit créée une commission d'enquête indépendante et impartiale chargée d'enquêter sur les crimes perpétrés par l'actuel gouvernement militaire du Nigéria;
Invite la Commission européenne à suspendre le Nigéria en tant que partie à la Convention de Lomé jusqu'au moment où la démocratie, en particulier en ce qui concerne l'action de la justice, aura été restaurée dans le pays. Invite la Commission européenne à suspendre le Nigéria en tant que partie à la Convention de Lomé jusqu'au moment où la démocratie, en particulier en ce qui concerne l'action de la justice, aura été restaurée dans le pays.

6. ANNEXES


Annexe 1


Extrait des principes de conduite de Shell

(...)

3. Principes économiques

La rentabilité est essentielle pour permettre aux sociétés d'assumer ces responsabilités et de poursuivre leur activité. Elle mesure à la fois l'efficacité et la valeur que les clients attribuent aux produits et services Shell. Elle est indispensable à une bonne affectation des ressources de l'entreprise et nécessaire pour continuer à investir dans le développement et la production des énergies de demain qui puissent satisfaire aux besoins des consommateurs. Des sociétés qui ne réaliseraient pas de bénéfices et n'auraient pas une assise financière solide ne pourraient pas assumer pleinement les responsabilités décrites ci-dessus.

Les sociétés Shell exercent leurs activités dans des environnements sociaux, politiques et économiques très divers qu'elles ne peuvent guère influencer, mais en règle générale elles estiment que c'est dans le cadre d'une économie de marché que l'intérêt collectif peut être le mieux servi.

Les critères de décision en matière d'investissement sont essentiellement économiques, mais ils prennent également en compte des considérations d'ordre social et environnemental et l'évaluation des risques qui pourraient affecter l'investissement.

4. L'éthique d'entreprise

Les sociétés Shell insistent sur les principes d'honnêteté, d'intégrité et d'équité dans tous les domaines de leurs activités et attendent de leurs fournisseurs et contractants des comportements analogues. L'offre directe ou indirecte, le paiement, la sollicitation et l'acceptation de pots-de-vin sous une forme ou sous une autre sont des pratiques inacceptables. Tous les membres du personnel sont tenus d'éviter les conflits d'intérêts entre leurs activités financières privées et leur rôle au sein de leur société. Toutes les transactions effectuées au nom d'une société Shell doivent être dûment enregistrées dans les comptes de l'entreprise conformément aux procédures établies. Elles feront également l'objet d'audits.

5. Activités politiques

a) Les sociétés

Les sociétés Shell s'efforcent toujours d'agir de façon commerciale dans le cadre des législations nationales existantes et de façon socialement responsable. Elles s'abstiennent de participer aux activités des partis politiques et de s'ingérer dans les affaires politiques. Toutefois, elles ont le droit légitime et la responsabilité de se prononcer sur les questions affectant les intérêts de leur personnel, de leurs clients et de leurs actionnaires, ainsi que sur des questions d'intérêt général lorsqu'elles peuvent apporter une contribution sur la base de connaissances particulières.

b) Financement des partis politiques

Les sociétés Shell ne financent aucun parti ni aucune organisation politique et n'effectuent aucun paiement au profit de leurs représentants.

c) Personnel

Lorsque des membres du personnel souhaitent, en leur qualité de citoyens, s'engager dans des activités liées à la vie de la collectivité, notamment briguer des fonctions d'intérêt public, leur initiative est envisagée favorablement dès lors qu'elle est appropriée au contexte local.

6. Santé, sécurité et environnement

Les sociétés Shell ont pour politique de conduire leurs activités en tenant compte au plus haut point de la santé et de la sécurité de leur personnel ainsi que des tiers, et de veiller à la protection de l'environnement. Elles poursuivent une politique d'amélioration continue des mesures prises pour protéger la santé, la sécurité et l'environnement des personnes pouvant être affectées par leurs activités.

Les sociétés Shell mettent en oeuvre des politiques, des programmes et des pratiques relatives à la santé, la sécurité et l'environnement et les intègrent, d'une manière commercialement sensée, dans chaque activité en tant qu'élément essentiel de gestion.

7. La collectivité

C'est en exerçant leurs métiers de base de la manière la plus professionnelle possible que les sociétés Shell contribueront le mieux au progrès social et matériel des pays dans lesquels elles opèrent. De plus, elles reconnaissent la nécessité de s'intéresser de façon constructive aux questions d'intérêt collectif qui peuvent n'être pas directement liées à leurs activités. Les éventuelles participations, par exemple à des programmes sociaux, éducatifs ou caritatifs, varieront selon la taille de la société Shell concernée, la nature de la collectivité locale et les possibilités d'initiatives privées d'utilité publique.

(...)

Document directement traduit du texte original « Business Principles » du Groupe R.D./Shell.

Décembre 1994.


Annexe 2

xpli

Memorandum van Amnesty International en Pax Christi gericht aan Shell ­ 11 april 1996

STATEMENT OF GENERAL BUSINESS PRINCIPLES

In the public debate about the specific responsibility of Shell with regard to human rights (and the environment) Shell often makes reference to its code of conduct, (2) entitled « Statement of General Business Principles. » This code, according to Shell, constitutes the standard of conduct of the multinational corporation.

1. Shell acknowledges its moral responsibility

Amnesty International and Pax Christi attach special importance to the introduction of the Shell code, because there the corporation indicates that it considers itself a moral subject with the concomitant ethical standards and social responsibility.

The Business Principles can be viewed as moral rules, principles and concepts, in short as the ethics which Shell seeks to uphold, and does in fact uphold. In the opinion of Amnesty International and Pax Christi it is important to identify certain characteristics of morality (3) which carry weight in evaluating the activities of Shell.

2. Morality

A first characteristic of morality is that freedom is a necessary condition for moral choices. Shell can only be addressed about actions which it carried out intentionally, consciously and freely. However, consciously and intentionally failing to act is also a form of action for which Shell can be addressed.

A second relevant characteristic is that morality relates to matters of fundamental concern, to issues which promote the humane nature of action, such as justice, freedom and equality. Shell's Business Principles make mention of some of these values, such as fairness and integrity. Fair business practices are of the greatest importance because they form the basis for a lasting trust between all interested parties, not only the corporation itself and the governments, but also broad public opinion, in other words the eventual consumers.

A third characteristic is the universal and reciprocal character of morality. In comparable situations rules of morality must be applied in the same way. The same moral rules in every state and for every person, even if the acceptance of moral responsibility is not always in the corporation's own interest. Upholding the Business Principles implies that Shell is prepared, if necessary, to place its moral responsibility above its economic interests. « Moral standards are supposed to override self-interest. » (4)

Finally, a fourth characteristic of morality is that the enterprise which employs a code of conduct and thus indicates that it assumes moral responsibility must be prepared to argue and communicate openly with the interested parties. Without this willingness there can be no substantive review of the actions of the corporation. In its statement of principles Shell acknowledges the « need for open communication » and commits itself to supplying « full information » about its activities.

Amnesty International and Pax Christi proceed from the assumption that Shell is prepared to put the theory of morality into practice in its concrete policy. The will to do so was explicitly stated by Shell when it voluntarily accepted the « Statement of General Business Principles. »

3. Legal force of the Statement of General Business Principles

Amnesty International and Pax Christi realize that Shell's « Statement of General Business Principles » is of limited legal value. They are also aware, however, that the statement is not totally devoid of legal significance. If a corporation expressly formulates its policy, the interested parties, including employees and shareholders, may in good faith proceed from assumptions based on these Business Principles.

The legal significance of the « Statement of Business Principles » could be strengthened by an explicit reference to international codes of conduct concerning multinational enterprises as accepted by States. Particularly the Declaration and Resolutions of the Organization for Economic Cooperation and Development regarding International Investment and Multinational Enterprises of 1976 and the Tripartite Declaration of Principles of the International Labour Organisation of 1977.

Amnesty International and Pax Christi consider it extremely regrettable that Shell eliminated the explicit reference to these two codes from its « Statement of Business Principles » of 1994 (5) and would welcome the reinsertion of such a passage since this would emphasize Shell's commitment to an effective observance of the Business Principles.

Despite the voluntary character of international codes of conduct they should be viewed as a joint recommendation of the States which have accepted the code. The States express in these codes the importance which they attach to the fact that multinational enterprises act in accordance with the guidelines at issue (6). This results in moral pressure for both governments and multinationals to act in conformity to the norms.

4. Normative Force of the « Statement of Business Principles »

Because of the limited legal value of Shell's « Statement of Business Principles » Amnesty International and Pax Christi attach special importance to the normative force of the Business Principles. The Business Principles are a form of self-regulation. A code of this kind only has value if there is an optimalization of its normative force. In this connection normative force should be understood as the effect which the standards as laid down in the Business Principles has on the conduct of Shell. The Business Principles have normative force if and to the extent that Shell is prepared to accept these principles as a guideline for its policy (6).

The normative force of the Business Principles is dependent on several criteria :

­ Especially important is a precise formulation of such norms. If a norm is to influence behaviour it must be worded in such a way that the addressee can clearly deduce the desired conduct from the formulation.

­ It is also of decisive importance that the observance of the norms be subjected to effective supervision.

­ Finally the presence of a sanction mechanism to correct conduct which deviates from the norm is crucial.

On the basis of these criteria the two organizations will evaluate the Business Principles and formulate proposals for improvement.

4.1. Precise formulation of the « Statement of General Business Principles »

Amnesty International and Pax Christi, in view of their mandate, wish to focus their evaluation of the normative force of the Business Principles on the aspect of human rights.

The Business Principles of Shell include no direct statements concerning human rights. In addition, the formulation of those points in the Business Principles which relate to human rights leaves much to be desired in terms of precision.

For Amnesty International and Pax Christi the following passages from the « Statement of General Business Principles » are of importance :

Responsabilities

Shell states that it considers its companies responsible members of society and that they will observe applicable laws of the countries in which they operate.

Economic principles

On the matter of investments Shell states that criteria for investment decisions are assentially economic but also take into account social and environmental considerations and an appraisal of the security of the investment.

Political activities

For the two organizations the following passage is especially important : Shell companies endeavour always to act commercially, operating within existing national laws in an socially responsible manner, abstaining from participation in party politics and interference in political matters. It is however their legitimate right and responsibility to speak out on matters which affect the interests of their employees, customers and shareholders, and on matters of general interest where they can have a contribution to make based on particular knowledge.

The community

Finally Shell acknowledges the need... to take a constuctive interest in societal matters which may not be directly related to the business.

What characterizes all of these passages is that a precise norm cannot be distilled from the formulations. These Business Principles sketch only the vague contours of the desired conduct. This has a negative impact on the normative force of the Business Principles in question. In order to optimalize their normative force, the norms should be brought into sharper focus, and a more detailed formulation is desirable, if not necessary.

A number of crucial terms are used without further explanation. Thus it remains unclear what exactly is meant by social considerations and how they carry weight in investment decisions. There is no lack of clarity, however, when Shell states that the companies can exert little influence on the social, political and economic environments in which they operate, and when Shell states that the interests of the community are best served by a market economy.

It is laudable that Shell will not become involved in party politics and that it will act in accordance with national law. Equally laudable is Shell's declaration that it reserves the right to stand up for the interests of its employees, customers and sharholders, if they should come under pressure. What is not clear, however, is which intersts are intended here, whether the circle of interested parties extends beyond the borders of the state in which the conflict takes place, and what steps will be taken to weigh the interests before Shell resolves to take action. Nor is there any clear identification of the social issues in which Shell shows a contructive interest.

Amnesty International and Pax Christi would like to comment on the Business Principles. It is especially important that Shell feels called upon, that it considers it their companies' responsibility to speak out on matters which affect the interests of their employees, customers and shareholders and on matters of general interest where they have a contribution to make based on particular knowledge. As already stated above, the contours of terms like « general interest » are extremely vague, and it is not clear which figurative boundaries would have to be crosses before Shell felt obliged to take action. Amnesty International and Pax Christi are aware of the existence of a grey zone separating that which is permissible from that which is not permissible. The organizations wonder, however, whether flagrant and systematic violations of human rights, such as those taking place in Nigeria, do not exceed the bounds of that which is permissible and touch on fundamental interests or a moral nature.

Precisely for the sake of open communication it is of great importance to gain insight into the way in which Shell acts in Nigeria, and into the active steps taken by Shell to prevent the execution of persons who oppose the Nigerian regime and the presence of Shell in Ogoniland. The situation in Ogoniland and Shell's attitude towards it have been closely followed not only interested parties, but also by the larger public, and have led to a great deal of unrest. It is here that the organizations see a point of immediate relevance when Shell states that its reputation depends on the existence and knowledge of clearly understood principles and responsibilities and on their observance in day to day practice in widely different environments.

Amnesty International and Pax Christi are of the opinion that there is room for greater precision in the formulation of norms relating to human rights. The two organizations point out that in earlier talks Mr. C.A.J. Herkströter stated that « ...I shall see if they (the Business Principles, ed. ) can be changed in the sense that human rights will be included in them. I'll see to that. » (7)

It is of great importance to include precisely formulated norms regarding the protection of human rights in the « Statement of General Business Principles ». The combination of precise formulation, supervision and sanction mechanism will increase the normative force of these stipulations. Examples can be cited of statements on the subject of human rights which meet none of the criteria for normative force. Vague wording all too often leads to empty promises in practice (8).

Concretization of the human rights standards

Before presenting proposals for increasing the normative force of the passages cited in the preceding paragraph, Amnesty International and Pax Christi wish to give a summary definition of the role of a multinational enterprise in the protection of human rights.

As laid down in the Universal Declaration of Human Rights and in many other national and international documents, every individual has a number of fundamental rights. These rights have to be realized at all times. It is primarily the State which is addressed for the realization of these rights.

On the international level certain procedures have been developed for the protection of human rights. In certain cases it is also possible for the individual to request on the international level that his rights be observed. These procedures apply to violations by States.

It is wrong, however, to focus solely on the « State » and its responsibility in matters of human rights protection. A human being has rights which must be respected by everyone, not only by the State but also by opposition groups, guerrilla movements, natural persons and legal persons such as multinational enterprises. The fact that there are procedural impediments to the effectuation of human rights in international law, namely the fact that an individual can only « take legal action » against the State, does not detract from the broader merits of human rights. The essence is still that human rights must be respected at all times and by everyone, whether it be the State or another entity. The Yugoslavia Tribunal shows that in international law, too, there is increasing acceptance of the responsibility of non-State entities. If a natural person can be called to account for violations of human rights, the same is in principle also possible if the violation was committed by a legal person.

Amnesty International and Pax Christi herewith present some proposals to Shell for increasing the normative force of the passage from the « Statement of General Business Principles » cited above.

Responsibilities

Shell ought to observe not only the laws applicable in the countries in which they operate but also the rules of international law to the extent that they include requirements which must be met not only by States but also by other entities. Human rights in particular come to mind here, for example the Universal Declaration of Human Rights (1948); the International Covenant on Civil and Political Rights (1966); the International Covenant on Economic, Social and Cultural Rights (1966); the Convention on the Elimination of All Forms of Racial Discrimination (1966); the Convention on the Elimination of All Forms of Discrimination against Women (1979); the Convention against Torture and Other Cruel, Inhuman or Degrading Treatment or Punishment (1984); The Convention on the Rights of the Child (1989).

These conventions have by now been ratified by two thirds of the community of States. As mentioned above, the fact that the obligations included in these conventions are directed at the State does not detract from the essence of the rights mentioned there which are to be respected by everyone. Effectuating this protection on the national level is the taks of the State. Multinational enterprises should also realize that the governments of their home or host countries have usually signed these conventions. This shows that the State in question subscribes to these rights. If a State violates its national and international obligations, this does not mean that a multinational enterprise is free to violate rights as well, or even to witness such wrongs in silence. It is precisely here that multinational enterprises can perform a crucial ethical task, by bearing moral responsibility and by not only propagating human rights but also fulfilling an exemplary function. This amounts to the kind of moral responsibility referred to by Shell in its Business Principles.

Economic principles

In making investment decisions Shell should indicate clearly that the general human rights situation in a State is taken into account. Shell should investigate whether it might become directly or indirectly involved in human rights violations as a result of its investments.

Multinational corporations like Shell show a strong tendency to relativize their influence on the social, political and economic environment. Shell has repeatedly done so in the debate about its role in Nigeria. Amnesty International and Pax Christi fully endorse the remark made by (the Dutch) Minister Pronk of Development Cooperation during an interview about the « Conference on the Global Coalition for Africa » : « companies which exercise power ­ just as governments ­ have to abide by certain norms and values and cannot comfortably withdraw behind a self-designated boundary defining their own influence. » (9) It is with good reason that the international codes of conduct include statements concerning the influence of multinational enterprises on the welfare and living standards of the local population in developing countries in particular. (10)

In addition to a plea for the market economy Shell should formulate a clear Business Principle concerning human rights, which are similarly important for society. Although the relation between economic development and respect for human rights cannot be delineated in simple terms, a general statemen can be made to effect that a repressive human rights climate is usually not conducive to the development of a market economy.

Political activities

Amnesty International and Pax Christi believe taht the term interest should be further specified, in the sense that Shell indicates that respect for human rights is of fundamental importance and that Shell reserves the right and even considers it its responsibility to speak out openly about flagrant and systematic violations of human rights.

Shell ought to indicate that it its legitimate right to speak out about matters of general interest as soon as there are flagrant or systematic violations of fundamental human rights which can affect the interests of its employees, customers, shareholders and society as a whole. In terms of the principles of universality and reciprocity which characterize morality, however, limiting the legitimate right to speak out to matters relating only to the interests of employees, customers and shareholders cannot be justified. A fair, independent trial, for example, is a fundamental right to which every suspect is entitled.

The community

With regard to the constructive interest which Shell considers necessary in societal matters which may not be directly related to the business, Amnesty International and Pax Christi propose that Shell investigate the possibilities for promoting human rights education and human rights awareness. The organizations believe that a scholarship arrangement could give students the opportunity to take post-academic courses in the area of human rights.

4.2. Supervision of the observance of the « Statement of General Business Principles »

The second criterion for increasing the normative force of the Business Principles is the effective supervision of the observance. On the matter of observance the « Statement of General Business Principles » states only that it is the responsibility of management to ensure that their staff are aware of the principles on which their activities are based and that they comply with them.

In a publication of the Netherlands Christian Employers Union more concrete questions have been formulated about the supervision of the observance (11) :

­ Who is finally responsible for enforcing the code of conduct ?

­ How and to whom should infringements be reported ?

­ What procedures will be used to evaluate and resolve infringements ?

Increasing the supervision

To none of the above questions does the « Statement of General Business Principles » give an answer. Amnesty International and Pax Christi do not know whether procedures have been developed within Shell to ensure the observance of the Business Principles. If such procedures exist, the two organisations would appreciate being informed of this. If Shell has not set up a procedure to promote observance, the two organizations request Shell to develop this procedure, to let them know that they are doing so, and to keep them informated about it.

Amnesty International and Pax Christi also urgently recommend a procedure which provides for independent and regular review of Shell policy as practiced. Important in this connection is that the final conclusions be made public.

Supervision of international codes of conduct or codes drawn up by multinational corporations themselves or by interest groups generally have the great disadvantage that there is absolutely no supervision mechanism.

The American multinational corporation GAP signed an agreement with the National Labor Committee on December 15, 1995 (12). Shell could also enter into an agreement of this kind, which would promote independent supervision and open communication and contribute to the protection of their reputation which is of fundamental importance.

Amnesty International and Pax Christi believe that in the training of management attention should be devoted to the human rights situation in the country to which the personnel in question are being sent.

Amnesty International and Pax Christi also propose that Shell appoint a special « Director for Human Rights ». This person could fulfill a crucial function in the supervision mechanism. There are already examples of multinational enterprises which have appointed a manager of this type. It is important, however, that this function be taken very seriously and that such a manager actively works to improve the human rights situation and that he advises Shell on these matters. There should be a direct line of mutual communication between the local management and the director for human rights. The director for human rights should, in turn, be in constant contact with the Board of Directors. The director should have at his disposal a staff consisting of experts in the area of human right (13).

Finally, the « Statement of General Business Principles » should itself be subjected to regular review in terms of everyday practice, partly with a view to ongoing developments in values and norms. The suggestion has been made that « challenge meetings » be convened for the purpose of adapting the Business Principles (14). Amnesty International and Pax Christi welcome this suggestion. They propose that Shell organize such meetings periodically in the various countries where it operates. The challenge meetings could take the form of « round table discussion, » in which interested parties both inside and outside the company take part. As far as participants outside the company are concerned, Shell could invite non-governmental organizations, churches, universities, etc.

4.3. Sanctions

The last relevant criterion for normative force concerns the presence of sanctions in the event that the Business Principles are infringed. The « Statement of General Business Principles » does not touch on the subject of sanctions. It is unknown to Amnesty International and Pax Christi whether provision has been made for such a mechanism. We would appreciate being informed on this matter.

5. Conclusion

On the bases of the three criteria discussed above Amnesty International and Pax Christi conclude that the normative force of the stipulations of Shell's « Statement of general Business Principles » leaves much to be desired. As far as references to human rights are concerned, they conclude that the normative foce is nil.

The two organizations assume that Shell is prepared to increse the normative force of the Business Principles in the near future. In the area of human rights in particular this is of crucial importance.

If this strengthening should not take place, the « Statement of General Business Principles » is in danger of being nothing more than a collection of vague terms which serve no apparent purpose beyond that of influencing public opinion.

The recent publicity surrounding Shell's role in the human rights crisis in Nigeria seems to confirm that a single failure, whether it be wilful or due to misplaced zeal or short term expediency, can have very serious effects on the Group as a whole.

OECD GUIDELINES AND ILO DECLARATION OF PRINCIPLES

In addition to the « Statement of General Business Principles » there are also international codes which aim to condition the behaviour of multinational enterprises. Amnesty International and Pax Christi would like to discuss two codes (15) in particular in its review of Shell's activities in Nigeria :

1. The « Guidelines for Multinational Enterprises » of the Organization for Economic Cooperation and Development (OECD) of 1976 (with later amendments) and

2. The « Tripartite Declaration of Principles concerning Multinational Enterprises and Social Policy » of the International Labour Organisation (ILO) of 1977.

It is known that Shell wishes to abide by both of these codes, as this was expressly stated in the June 1990 version of Shell's « General Business Principles » (16).

The internationally recognized human rights are laid down, as is well known, in the Universal Declaration of Human Rights of 1948 and have been further specified in international conventions.

These conventions belong to the domain of States, for they regulate the relation between governments and citizens and make no provision for a special role to be played by (international) business. As previously stated, it is primarily the State which is addressed for the realization of these individual and collective human rights.

The OECD Guidelines and the ILO Declaration of Principles can be viewed as a suplement to the existing set of convention instruments. The codes explicitly state the intention of member states of the OECD and ILO respectively to bind the policy of multinational enterprises tot guidelines. The fact that these codes have been adopted by governments naturally increases the normative force exerted by the codes (17).

The primary orientation of both codes is an economic one, but they also contain explicit references to both civil and political and social human rights. It is therefore not surprising that the Foreign Policy Advisory Committee for Human Rights (Dutch), for exemple, concludes that « the code of the International Labour Organisation (ILO) must be considered one of the most important positive measures in the socio-economic sphere for promoting human rights » (18).

Amnesty International and Pax Christi wish to indicate which stipulations of the ILO Declaration of Principles and the OECD Guidelines they believe to be relevant for the responsability of multinational corporations in matters of human rights.

ILO Tripartite Declaration of Principles concerning

Multinational Enterprises and Social Policy

The ILO Declaration of Principles states under :

point 1 : « Within the framework of development policies established by governements, they [multinational enterprises] can also make an important contribution... to the enjoyment of basic human rights, including freedom of association, throughout the world. »

point 4 : « The principles set out in this Declaration are commended to the governments, the employers' and workers' organisations of home and host counties and to the multinational enterprises themselves. »

point 8 : « The [all parties concerned by this Declaration] should respect the Universal Declaration of Human Rights and the corresponding International Covenants adopted by the General Assembly of the United Nations as well as the Constitution of the International Labour Organisation and its principles according to which freedom of expression and association are essential to sustained progress. They should also honour commitments which they have freely entered into, in conformity with the national law and accepted international obligations. »

point 12 : « Governments of home countries should promote good social practice in accordance with this Declaration of Principles, having regard to the social and labour law, regulations and practices in host countries as well as to relevant international standards. Both host and home country governments should be prepared to have consultations with each other, whenever the need arises, on the initiative of either. »

point 41 : « Workers employed by multinational enterprises as well as those employed by national enterprises should, without distinction whatsoever, have the right to establish and, subject only to the rules of the organisation concerned, to join organisations of their own choosing without previous authorization. »

OECD Guidlines for Multinational Enterprises

The OECD code also contains paragraphs relevant to human rights. Amnesty International and Pax Christi wish to point out the following paragraphs in particular :

Guidlines for multinational enterprises :

§ 2. « The common aim of the Member countries is to encourage the positive contributions which multinational enterprises can make to economic and social progress and to minimise and resolve the difficulties to which their various operations may give rise. »

§ 3. « Since the operations of multinational enterprises extend throughout the world, including countries that are not Members of the Organisation, international co-operation in this field should extend to all States. Member countries will give their full support to efforts undertaken in co-operation with non-member countries, and in particular with developing countries, with a view to improving the welfare and living standards of all people both by encouraging the positive contributions which multinational enterprises can make and by minimising and resolving the problems which may arise in connection with their activities. »

Employment and industrial relations :

« Enterprises should ... respect the right of their employees to be represented by trade unions and other bona fide organisations of employees... »

Amnesty International and Pax Christi are well aware that both codes are voluntary in nature and are not legally binding. This is not to say, however, that these codes are free of all obligation.

By accepting these codes the States have placed multinational enterprises under great moral pressure to operate in conformity to norms. The home states of Shell, namely the United Kingdom and the Netherlands, have a special responsibility in this connection.

The intense involvement of employees and employees in drawing up the codes (in the case of the ILO Declaration of Principles) adds to the self-regulating effect which can be expected of these codes.

Also, the fact that Shell has bound itself in writing to both codes, as evidenced in the verdict of the Commerce Chamber of the Court of Amsterdam in the Batco case (1979), (19) is not without significance.

In any case the two organizations believe that the ILO and the OECD confirm that Shell as a multinational enterprise can be addressed on its behaviour (20) and that the codes can be viewed as a norm for morally responsible and proper business conduct.

SHELL IN NIGERIA: INVOLVEMENT IN AND REACTION TO A HUMAN RIGHTS CRISIS

On the basis of the normative force which in the judgement of Amnesty International and Pax Christi should be ascribed to Shell's « Statement of General Business Principles », and on the basis of the Guidelines and Resolutions of the Organisation for Economic Cooperation and Development concerning Investments and Multinational Enterprises and of the Tripartite Declaration of Principles of the International Labour Organisation a review can take place of Shell's policy concerning the human rights violations in Nigeria.

The two organizations proceed from the assumption that the scope and severity of the violation of human rights in Nigeria, as extensively documented in reports by authoritative human rights organizations (21), is not under discussion.

The following sketches illustrate recent developments in Nigeria and show that where Shell has been involved, it is an involvement which sould result in actively taking a stand.

1. Protecting the security of Shell property

On October 29, 1990 the division manager of SPDC (22) in Umuechem, ten miles east of Ogoniland, submitted a written request to the River State Commissioner of Police for « security protection », preferably by the « mobile police » (23), because of an attack on SPDC property in Umuechem which was expected to occur the following day (24).

In reaction to protests by young people on the grounds of the SPDC on October 30 the SPDC drew up a written report for the military governor of River State with a copy for the Commissioner of Police.

On October 31 the mobile police drove out peaceful protesters with tear gas and gunfire. At 5 a.m. the following day the mobile police returned to conduct a search for three suspects (25). In the process 80 people were killed and 495 houses destroyed or seriously damaged (26). Legal investigation has produced no evidence whatsoever of a threat of violence. The mobile police were accused of a lack of respect for life and property. The investigative commission advised that police officials mentioned by name should be prosecuted and that the victims be compensated. To the knowledge of Amnesty International and Pax Christi this advice has not been followed up till now.

Shell has declared in its contacts with human rights organizations that the company is legally bound (27) to warn the military administrator, the police commissioner, the Department of Petroleum Resources as well as its joint-venture partners.

Amnesty International and Pax Christi believe that Shell, given the poor reputation of the « mobile police », could have known that disproportional use of force was likely. Shell should « respect the sovereign rights of States, obey the national laws and regulations », states article 8 of the ILO Declaration of Principles. This article also states, however, that multinational enterprises, as parties to whom the declaration of principles applies, « should respect the Universal Declaration of Human Rights and the corresponding International Covenants adopted by the General Assembly of the United Nations as well as the Constitution of the International Labour Organisation and its principles according to which freedom of expression and association are essential to sustained progress. »

Shell's appeal to national law does not absolve it from its moral duty to assess the (foreseeable) results in terms of the Universal Declaration of Human Rights.

Shell's ow Business Principles state that it has the « right and responsability to speak out...on matters of general interest. »

This responsibility is even greater since the protests of the local population originated in and were directed at (the consequences of) Shell's operations in the region. According to the OECD Guidelines Shell has an obligation to take steps « to minimise and resolve the difficulties to which their various operations may give rise. »

The need for Shell to speak out clearly against excessive force in the protection of its installations is further underlined by reports which indicate the direct involvement of Shell in various security services. This involvement can in certain instances lead to a form of co-responsibility.

Shell is said to have supplied communications equipment (28) and weapons (29) to various of the security troops involved (see below), and to have had regular contact with the Rivers State Security Task Force and its commander Lieutenant Colonel Paul Okuntimo (30), who has maintained that he was paid by Shell (31). There also sources (32) which state that indepedent « auditors » have investigated Shell's operations in Nigeria and found evidence of corruption in the form of bribes paid to chiefs, community leaders and military figures in Ogoniland.

Amnesty International and Pax Christi believe that it is in the interest of Shell, which has « particular knowledge » about this matter, to speak out publicly and in written statements directed at the autorities against the use of excessive force by security troops in oil-producing regions.

Amnesty International and Pax Christi do not know whether Shell has lodged a written protest with the authorities about the way in which the security troops protected its installations in Umuechem and other locations. The two organizations would appreciate further information on this matter (in the form of copies of correspondence) as well as on the reaction of the Nigerian authorities.

The two organizations also request confirmation of the existence of the report by « auditors » mentioned in « The Australian », and access to this report.

Amnesty International and Pax Christi understand that the tragic events in Umuechem have resulted in the intention on the part of Shell to draw up their own « rules of engagement » which security troops are required to observe in keeping order in the oil-producing regions and in protecting Shell's property.

Amnesty International and Pax Christi would applaud such a step if these « rules of engagement » meet the international norms. Amnesty International and Pax Christi would appreciate being informed of these regulations and hearing whether there is complete agreement about the « rules of engagement » between Shell and the Nigerian authorities.

The training of order-keeping troops in Nigeria could, in the opinion of the two organizations, contribute to the respect for internationally recognized standards concerning the maintaining of order by security services active in oil-producing regions. Is Shell prepared, possibly together with other multinational enterprises, to point out the importance of this training to the Nigerian authorities and to cultivate willinggness on their part to cooperate in these measures ?

2. Shell's responsibility in human rights violations

In November 1995 nine Ogoni prisoners, including Ken Saro-Wiwa, were executed after a federal « Civil Disturbances Special Tribunal » convicted them of the murder of four Ogoni leaders in May 1994. Nineteen other Ogonis are awaiting a similar trial. Their case has been postponed until the Federal Supreme Court has investigated the constitutionality of the Special Tribunals. (33)

Shell has stated that as a commercial enterprise it does not want to intervene in legal proceedings in a sovereign state like Nigeria. Repeatedly Shell has stated that it does not want to become involved in politics » (34) and that it should abide by the laws of the host country.

That multinational corporations should abide by the law of the host country is indeed a generally accepted principle. This presupposes, however, that the host country has incorporated covenant obligations into their national law.

The trial by Special Tribunals is completely at odds with generally accepted principles of justice. Moreover research has shown that the Special Tribunals have no constitutional basis. (34)

In the opinion of Amnesty International Shell cannot appeal to the argument that it does not want to involve itself in politics to justify a conscious and wilful non-intervention. The « General Business Principles » underline Shell's policy of abstaining from participation in party politics but also its right and responsibility to speak out on matters which affect the interests of their employees, customers and shareholders.

The fact that Mr. Ken Saro-Wiwa was not an employee, customer or shareholder of Shell does not give Shell the right to abstain from action. This is not only contrary to the reciprocal and universal character of morality but is also inconsistent with the stipulations of the ILO Declaration of Principles in which multinational entreprises are requested to respect the Universal Declaration of Human Rights and to make a contribution to the enjoyment of fundamental human rights.

Amnesty International and Pax Christi cannot and do not wish to pass judgement on the complaints concerning the environmental consequences of Shell's operations in Nigeria. The two organisations do believe, however, that the protests of Ken Saro-Wiwa and others, if conducted non-violently, fall within the freedom of expression.

The trial and execution of Ken Saro-Wiwa is a flagrant violation of human rights which, according to Amnesty International and Pax Christi, creates for Shell the responsibility to speak out on matters...of general interest. In view of the fact that Ken Saro-Wiwa and his companions oppose both the Nigerian Government and the activities of Shell, the question arises as to whether in this case there was not even particular knowledge on the part of Shell which would have enabled it to make an important contribution to a humane resolution of this situation.

§ 2 of the OECD guidelines also advocates a more active stand when it encourages enterprises like Shell « to minimise and resolve the difficulties to which their various operations give rise. »

The request for clemency on humanitarian grounds which Shell submitted at a late stage (35) confirms that Shell wished to speak out on the basis of particular knowledge and indicates the acceptance of moral responsibility and the duty to speak out.

On the basis of this commitment, the two organizations wish to plead for a more timely intervention to bring about either the speedy release or the fair trial of the 19 Ogonis. Amnesty International and Pax Christi also consider it important for Shell to speak out openly and to work actively for a reform of the Special Tribunals and for an independent and impartial administration of justice and for the right to higher appeal, defense and legal aid.

Shell, possibly together with other multinationals, could also impress upon the Nigerian authorities the need for improvement of prison conditions, of allowing visits by family members, lawyers and providers of pastoral and medical care.

3. Shell's contribution to the freedom of association

Nigerian law limits the freedom of association. The law allow for only one system of trade unions and prescribes that only one trade union may be formed per sector of industry. The 41 existing trade unions are required to affiliate themselves with the Nigerian Labour Congress. Certain categories of employees are not allowed to organize. The right to strike can be curtailed by the forced appointment of an arbiter.

The measures against the Nigeria Labour Congress, the oil employees union Nupeng and the association of higher personnel in the oil sector Pengassan after the strike of August 1994 are, to our knowledge, still in effect. Board members of the NLC, Nupeng and Pengassen have, by decree, been relieved of their duties, been denied access to the trade union buildings and been replaced by government officals. The bank accounts of the trade unions have been blocked. Various trade union leaders were arrested during the strike and are still being detained without official charges and without any form of trial.

Elections within Nupeng and Pengassen are influenced or cancelled by government representatives. The two unions have reported that employees of the Warri and Port Harcourt Refineries were dismissed because they took part in the strikes of August 1994.

Amnesty International and Pax Christi do not know what contribution Shell has made to « the enjoyment of basis human rights, including freedom of association » in Nigeria, as stated in article 1 of the ILO Declaration of Principles. In addition Article 41 states that « Workers employed by multinational enterprises as well as those employed by national enterprises should, without distinction whatsoever, have the right to establish, and, subject only to the rules of the organisation concerned, to join organisations of their own choosing without previous authorization. »

The OECD states in the paragraphe `Employment and Industrial Relations' that « Enterprises should ... respect the right of their employees to be represented by trade unions and other bona fide organisations of employees. »

Again the point can be made that on the basis of the ILO Declaration of Principles and the OECD Guidelines and in the interest of its own employees Shell can make an important contribution to the freedom of association in Nigeria.

Amnesty International and Pax Christi want to request that Shell, if necessary in consultation with other oil companies, actively work for the release of trade union members or, if they are accused of criminal activities, for an early and fair trial.

Shell should also further investigate whether its employees can organise freely and without interference from the government, whether they can take part in contract negotiations and can make use of the right to strike without consequences.

4. Shell imports weapons

Shell has admitted that it buys « pistols for the Nigerian Police Force. Members of this force protect buildings and personnel of Shell against crime. The supply of these weapons is a condition set by the police which applies to all oil companies ... The weapons bought by Shell remain the property of the Nigerian Police Force. This organization supervises the storage and use of them in accordance with strict laws and regulations. » The above was reported in the Shell Post. This publication for Shell employees further reports that the most recent delivery took place 15 years ago when 107 handguns were purchased.

Amnesty International and Pax Christi would like to join Prof. Claude Ake in encouraging further independent investigation into these weapons deliveries. The two organisations are not at this point convinced that the regulations concerning the use of these weapons have been strictly observed, and they wonder whether the regulations include adequate guarantees that these weapons will not be used in human rights violations. The investigation should focus on the nature and scope of the actual deliveries, on the legitimacy of and need for these deliveries, on the laws and regulations regarding use and on the observance of these regulations.

The two organisations have understood that there is no objection on the part of Shell to such an investigation. Is Shell prepared to open up these matters completely and to cooperate in an independent investigation ?

5. Conclusion

Amnesty International and Pax Christi conclude from the above review that in cases where Shell has to appeal to the Nigerian authorities to protect its property it should be guided not only by Nigerian law but also by international principles of justice. This can, in some cases, lead to some strain in the unavoidable cooperation with these authorities, but that is the price which Shell has to pay if it takes its social and moral responsibility seriously.

Shell cannot remain silent about serious violations of human rights, certainly not if these violations are related to protests against the consequences of Shell' activities in Nigeria. Amnesty International and Pax Christi fear for the lives of the Ogonis who could also be sentenced to death by a Special Tribunal. The two organizations urgently request Shell to do everything possible to bring about a fair trial or a speedy release, keeping in mind the disappointing reaction of the Nigerian government to the request for clemency which was submitted at too late a point.

Also in cases of serious curtailment of the freedom of association, Shell has a special responsibility to work actively for the release of trade union members and for the guarantee of the right to free association.

Amnesty International and Pax Christi find that the purchase of weapons by Shell gives rise to many questions. It is unclear whether there are sufficient guarantees that these weapons have not been and will not be used in violations of human rights. Speedy independent investigation is therefore necessary.

Amnesty International and Pax Christi realize that a review of Shell's policy relating to human rights on the basis of its own code and that of the ILO and OECD is no ordinary procedure and that it is also a delicate undertaking in a period in which Shell is very much in the public eye. Nevertheless Amnesty International and Pax Christi urgently request that this review take place. Legal experts from Shell and from Amnesty International and Pax Christi could play a role in this review. A first step will have to be Shell's reaction to this memorandum.

SUMMARY OF QUESTIONS AND PROPOSALS TO SHELL

1. « Statement of General Business Principles »

The legal significance of the Statement can be strengthened by an explicit reference to the international codes of conduct concerning multinational enterprises (ILO Declaration of Principles and OECD Guidelines). Amnesty International and Pax Christi advocate that a passage to this effect be reinserted.

The normative force of the Statement should be increased by formulating the Statement in more precise terms, by effectively supervising the observance of the Business Principles, and by setting up a sanction mechanism in the event that the Policy Principles are infringed.

Both organizations, in view of their mandate, consider it a matter of great importance to include precisely formulated norms concerning human rights in the Statement and advocate explicit reference to the Universal Declaration of Human Rights as well as certain conventions identified by name.

Shell should also indicate that the human rights situation carries weight in investment decisions and that research into the effects of its investments on human rights is conducted prior to these decisions.

Amnesty International and Pax Christi ask Shell to indicate that respect for human rights is of fundamental importance to society and that Shell reserves the right and even considers it its duty to speak out openly about flagrant and systematic violations.

If a supervision mechanism to promote observance has not yet been set up, Shell ought to develop a procedure of this kind. The procedure should provide for an independent and regular review of Shell policy as practised. Important in this connection is that the final conclusions of such a review be made public.

Amnesty International and Pax Christi suggest that Shell appoint a « Director for Human Rights ». This person could fulfil a crucial function in the supervision mechanism.

Amnesty International and Pax Christi also propose that Shell regularly organize « challenge meetings » in the host countries for the purpose of reviewing its code of conduct.

2. An active stand by Shell on the human rights crisis in Nigeria

In the judgment of Amnesty International and Pax Christi it is important that Shell speaks out publicly and in written statements directed at the authorities against the excessive use of force by security troops in oil-producing regions.

Amnesty International and Pax Christi would like to know from Shell whether written protest was lodged with the authorities about the way in which the security troops protected its installations in Umuechem and other locations. Both organizations would like further information on this matter (by means of copies of correspondence) as well as on the response of the Nigerian authorities.

The two organizations also would like a confirmation of the existence of the report by « auditors » mentioned in The Australian, and request access to this report.

Amnesty International and Pax Christi would applaud any past or future efforts by Shell to develop for the security troops « rules of engagement » which meet international norms. Amnesty International and Pax Christi would appreciate hearing from Shell whether there are already regulations of this kind or whether they are being drawn up. The two organizations would like to receive a copy of these « rules of engagement » and to hear from Shell whether there is complete agreement about these regulations between Shell and the Nigerian authorities.

Amnesty International and Pax Christi request that Shell contribute to the training of order-keeping forces active in oil-producing regions, and that this training be based on respect for internationally recognized norms for the maintaining of order by security services. Shell is also requested to point out, possibly together with other multinational corporations, the importance of this training to the Nigerian authorities and to cultivate willingness on their part to cooperate in these measures.

Both organizations urgently request Shell to intervene in good time in order to bring about either the speedy release or the fair trial of the 19 Ogoni. Amnesty International and Pax Christi also consider it important for Shell to speak out openly and to work actively for a reform of the Special Tribunals, for an independent and impartial administration of justice, for the right to higher appeal, defense and legal aid.

Shell is also requested to impress upon the Nigerian authorities, possibly together with other multinational corporations, the need for improvement of prison conditions, to allow visits of family members, lawyers and providers of pastoral and medical care.

Amnesty International and Pax Christi request that Shell, in consultation with other oil companies if necessary, actively work for the release of trade union members or, if they are accused of criminal activities, for an early and fair trial.

Shell should also further investigate whether its employees can organize freely and without interference from the government, whether they can take part in contract negotiations and can make use of the right to strike without consequences. Shell should work for the freedom of association of its employees.

Amnesty International and Pax Christi urge a speedy independent investigation into Shell's role in supplying weapons. The two organizations are not at this point convinced that the rules concerning the use of these weapons have been strictly observed, and they wonder whether the regulations include adequate guarantees that these weapons will not be used in human rights violations. Shell is requested to open up these matter completely and to cooperate in the independent investigation.

April 11, 1996


Annexe 3

Cette annexe est uniquement disponible sur support papier


(1) Le Monde du 13 juin 1996.

(2) Royal Dutch/Shell Group of Companies, « Statement of General Business Principles », 1994.

(3) J. Wempe and K. Melis, Management en Moraal , Erasmus University, Rotterdam, 1988.

(4) M.G. Velasquez, Business Ethics : Concepts and Cases , Englewood Cliffs, New York, 1982.

(5) « The policy of Shell companies is in keeping with the existing, voluntary codes of conduct for multinational enterprises which have been agreed on internationally, namely the Declaration of Guidelines of the OECD for International Investment and Multinational Enterprises and the Tripartite Declaration of Principles of the International Labour Office. » Royal Dutch/Shell Group of Companies, « Statement of General Business Principles », June 1990.

(6) OECD, International Investment and Multinational Enterprises, Mid-Term Report on the 1976 Declaration and Decisions, Paris, 1982, p. 57.

(7) London, January 22, 1996.

(8) Reebok's devotion to human rights worldwide is a hallmark of our corporate culture. As a corporation in an ever-more global economy we will not be indifferent to the standards of our business partners around the world. We believe that the incorporation of internationally recognized human rights standards into our business practice improves worker morale and results in a higher quality working environment and higher quality products. In developing this policy, we have sought to use standards that are fair, that are appropriate to diverse cultures and that encourage workers to take pride in their wordk. » Reebok, Human Rights Production Standards.

(9) Volkskrant, November 25, 1995.

(10) See for example the third Preliminary Consideration of the O.E.C.D. Guidelines for Multinational Enterprises : « Since the operations of multinational enterprises extend throughout the world, including countries that are not Members of the Organization, international co-operation in this field should extend to all States. Member countries will give their full support to efforts undertaken in co-operation with non-member countries, and in particular with developing countries, with a view to improving the welfare and living standards of all people both by encouraging the positive contributions which multinational enterprises can make and by minimizing and resolving the problems which may arise in connection with their activities. »

(11) S.P. Kaptein and H.K. Klamer, « Ethische bedrijfscodes in Nederlandse Bedrijven », NCW-Monografie 2, The Hatsue, July 1991, p. 24.

(12) National Labor Committee, Statement of Resolution, December 15, 1995, Brooklyn Heights, New York. « Gap has agreed to work with groups such as the Interfaith Center for Corporate Responsability and Business for Social Responsibility to explore the validity of an independent industry monitoring program in El Salvador. »

(13) Reebok, for example, has a Director of Human Rights (Mr. Cahn). During a visit to one of their manufacturing plants in Indonesia he spoke with two of the 7,800 employees for only 5 minutes. Boston Sunday Globe, July 10, 1994. Amnesty International and Pax Christi are not advocating this approach to the directorship.

(14) J. Verstraeten, Bedrijfscodes in theorie en praktijk , Centrum voor Economie en Ethiek, Katholieke Universiteit Leuven, 1990.

(15) Other important codes of conduct are the « Guidelines for International Investment » of the « International Chamber of Commerce » (1972) and the draft « Code of Conduct on Transnational Corporations » of the United Nations (first draft 1978).

(16) See footnote 4.

(17) See footnote 5.

(18) Adviescommissie Mensenrechten Buitenlands Beleid, De Rechten van de Mens en de Internationale Economische Betrekkingen, Advice number 12, The Hague, May 29, 1991, p. 76.

(19) Cited in NJ 1980/71.

(20) « there is an overwhelming evidence that the four international organizations which promulgated these codes have substantial agreement regarding many of the moral duties of the MNEs [Multi National Enterprises]. The all affirm that MNEs are moral agents... MNEs, then, should be held morally accountable for their behavior. When governments, publics or persons are harmed bij MNE behavior, retribution should be exacted. » Kathleen A. Getz, International Codes of Conduct : An Analysis of Ethical Reasoning, Journal of Business Ethics, 1990, p. 575.

(21) See, for example, The Ogoni Crisis, A Case-Study of Military Repression in Southeastern Nigeria, Human Rights Watch Africa, July 1995; Nigeria, the Ogoni Trials and Detentions, Amnesty International, London 15 September 1995.

(22) Shell Petroleum Development Company, SPDC is the Nigerian subsidiary of Royal Dutch Shell. The joint venture consists of the Nigerian National Petroleum Company (NNPC) (share 55 %), Shell (30 %), Elf (10 %) and Agip (5 %).

(23) « Mobile Police » is a military police unit responsible for order under the command of the Federal Government. This unit has a poor reputation in Nigeria and is known as the « kill-and-go-mob ».

(24) Letter by J.R. Udofia, SPDC Divisional Manager (East) to the Commissioner of Police of River State, 29 October 1990.

(25) Report of the judicial investigative committee for the Umuechem disturbances, chaired by Judge Opubo Inko-Tariah, River State, January 1991.

(26) Amnesty International, Fear of extrajudicial execution/death penalty: Members of the Ogoni ethnic group. Urgent Action, UA 176/94, London, May 4, 1994.

(27) Letter by A.J.C. Brak, Shell Group Public Affairs Coordinator to Human Rights Watch, 15 February 1995.

(28) Richard Boele, Ogoni, Report of the UNPO Mission to investigate the situation of the Ogoni in Nigeria, UNPO, The Hague, May 1, 1995.

(29) Volkskrant, 5 March 1996.

(30) Human Rights Watch report.

(31) Independent on Sunday, December 12, 1995.

(32) Australian, December 18, 1995.

(33) « Nigeria, A summary of Human Rights Concerns », Amnesty International, London, March 1996.

(34) « Shell, surely, has never hesitated to use its influence on matters of Nigerian tax policy, environmental rules, labor laws and trade policies », International Herald Tribune , December 4, 1995.

(35) Press report Shell International Petroleum Company Ltd., 8 November 1995.