1-310/6

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Sénat de Belgique

SESSION DE 1995-1996

24 JUIN 1996


Projet de loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d'aide sociale

(Procédure d'évocation)

Projet de loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE L'INTÉRIEUR ET DES AFFAIRES ADMINISTRATIVES PAR MME de BETHUNE (1)


SOMMAIRE

  1. Procédure
  2. Exposé introductif du vice-Premier ministre et ministre de l'Intérieur
  3. Discussion générale
    1. Le souci d'une politique humaine
    2. Une politique cohérente
    3. Une politique intégrée
    4. Le lien entre coopération au développement et migration
    5. Allongement de la privation de liberté
    6. Sociétés de transport
    7. Raisons d'évocation
    8. Augmentation de la xénophobie
    9. Réponses du ministre
    10. L'étranger clandestin intégré
    11. Expulsion
    12. La prise en charge ­ Compatibilité avec l'accord de Schengen
    13. La prise en charge par une personne physique
    14. La Convention de Dublin
  4. Discussion des articles et votes
    1. Projet de loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d'aide sociale (Doc. nº 1-310/1)
      1. Article 6
      2. Article 7
      3. Article 9
      4. Article 11
      5. Article 11bis (nouveau)
      6. Article 11ter (nouveau)
      7. Article 16bis (nouveau)
      8. Article 19
      9. Article 20
      10. Article 22
      11. Article 22bis (nouveau)
      12. Article 27
      13. Article 29
      14. Article 31
      15. Article 32
      16. Article 37
      17. Article 39
      18. Article 40
      19. Article 41
      20. Article 44
      21. Article 49
      22. Article 51
      23. Article 53bis (nouveau)
      24. Article 54bis (nouveau)
      25. Article 55
      26. Article 58
      27. Article 58bis (nouveau)
      28. Article 59
      29. Article 61
      30. Article 62
      31. Article 65
      32. Article 66
      33. Article 69
      34. Article 70
    2. Projet de loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers (Doc. nº 1-311/1)
      1. Article 1er
      2. Article 2
      3. Article 3
      4. Article 4
      5. Article 5
      6. Article 6
      7. Article 7
      8. Article 8
      9. Article 9
  5. Évaluation par le Parlement

I. PROCÉDURE

1. Le 5 avril 1996, le projet de loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d'aide sociale (doc. Chambre, nº 364/15 ­ 95/96) a été transmis par la Chambre des représentants au Sénat (doc. Sénat, nº 1-310/1). Le 30 avril 1996, le Sénat a évoqué le projet, qui règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Le 5 avril 1996, le projet de loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers (doc. Chambre, nº 513/1 ­ 95/96) a également été transmis par la Chambre des représentants au Sénat (doc. Sénat, nº 1-311/1).

Ce dernier projet de loi contient exclusivement des dispositions qui règlent une matière pour laquelle la Chambre et le Sénat ont même compétence en vertu de l'article 77 de la Constitution.

Les deux projets de loi ont été renvoyés à la Commission de l'Intérieur et des Affaires administratives pour y être discutés.

Étant donné leur connexité, la commission a décidé de les examiner conjointement et de ne rédiger qu'un seul rapport, mais sans porter atteinte au caractère formellement distinct de chaque projet. Le 7 mai 1996, Mme de Bethune a été désignée comme rapporteuse pour la rédaction du présent rapport.

2. Eu égard aux matières qui sont réglés dans les projets de loi, la commission a estimé utile de demander l'avis motivé de la Commission de la Justice et de la Commission des Affaires sociales.

En application de l'article 24 du Règlement, il a été demandé à la Commission de la Justice de donner à la Commission de l'Intérieur et des Affaires administratives un avis motivé sur le projet de loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, et plus particulièrement sur les articles 5, 6 et 7 (cf. doc. Sénat, 1995-1996, nº 1-311/1 et Chambre, 1995-1996, nº 513/1).

La Commission de la Justice a en outre été invitée à fournir un avis motivé au sujet des articles 11, 19, 22, 58, 59 et 69 du projet modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d'aide sociale (cf. doc. Sénat, 1995-1996, nº 1-310/1 et Chambre, 1995-1996, nº 364/15).

Enfin, on a fait une demande similaire à la Commission des Affaires sociales concernant les articles 65, 66 et 67 du projet de loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d'aide sociale (cf. doc. Sénat, 1995-1996, nº 1-310/1 et Chambre, 1995-1996, nº 364/15).

3. Considérant que les articles pour lesquels on avait demandé un avis modifiaient tous des dispositions de la même loi, la Commission de la Justice a émis un avis unique en date du 5 juin 1996 (cf. doc. Sénat, 1995-1996, nos 1-310/3, 1-311/4 et 1-311/5). Dans sa conclusion, ladite commission a énuméré un certain nombre de points et de questions qui peuvent être qualifiés d'importants. Elle estimait que le suivi et l'évaluation de la durée de la privation de liberté, et le contrôle de l'exécution des mesures requises pour la bonne exécution de la loi devaient constituer un élément essentiel de la construction juridique élaborée par le projet de loi.

Au cours de la discussion en Commission de l'Intérieur et des Affaires administratives, le ministre de l'Intérieur a présenté un plan d'évaluation générale concernant l'exécution de la loi.

4. La Commission des Affaires sociales a rendu un avis le 11 juin 1996 (cf. doc. Sénat, 1995-1996, nº 1-310/4). Elle s'est surtout intéressée au problème de l'aide médicale urgente. Une majorité des commissaires a jugé qu'il eût été préférable d'inclure dans le texte de la loi en projet les principes qui ont été énumérés par le secrétaire d'État. Elle a cependant approuvé le maintien, à l'article 65 du projet, de la notion d'aide médicale urgente, telle qu'elle avait été interprétée par le secrétaire d'État au cours de la discussion. Par contre, une minorité des commissaires a estimé qu'il était souhaitable d'inscrire malgré tout ces principes dans le texte de la future loi, compte tenu des difficultés que soulève sur le terrain l'octroi de l'aide médicale à des personnes séjournant illégalement dans le pays et afin de mettre un terme à l'incertitude qui règne à cet égard parmi les dispensateurs de soins.

5. La Commission de l'Intérieur et des Affaires administratives a examiné les deux projets de loi au cours des ses réunions des 7, 14 et 21 mai et 11, 18 et 24 juin 1996.

II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DU VICE-PREMIER MINISTRE ET MINISTRE DE L'INTÉRIEUR

Le ministre signale que les deux projets poursuivent un objectif limité : ils visent à régler, au niveau fédéral, certains aspects de la maîtrise et de la réglementation des flux migratoires.

La politique d'immigration du Gouvernement est fondée sur le choix conscient d'une « troisième » voie.

La fermeture complète des frontières et l'exclusion de toute forme d'immigration seraient intenables et constitueraient un appauvrissement. Elles seraient aussi contraires à la tendance actuelle à l'internationalisation des contacts, à une mobilité plus grande et au développement des moyens de communication.

Le Gouvernement n'opte pas davantage pour une ouverture totale des frontières, parce qu'elle aurait pour effet de rendre l'immigration incontrôlable, ce qui susciterait des réactions au sein de la population et, par conséquent, de la part de l'autorité.

Le Gouvernement a donc opté pour une politique de contrôle et de maîtrise des flux migratoires. Cette option implique que l'on fixe des règles univoques pour déterminer qui est autorisé à immigrer en Belgique et à quelles conditions. Ces règles doivent en outre être appliquées de manière conséquente.

Cela implique en premier lieu que l'autorité est tenue d'appliquer la procédure prévue correctement et dans un délai raisonnable.

Si elle n'y parvient pas, elle doit prévoir des réparations en faveur de l'intéressé.

Si toutefois l'autorité agit correctement et dans un délai raisonnable, la décision prise doit aussi être exécutée, soit que l'on reconnaisse l'immigration, soit que l'on éloigne effectivement l'étranger dont la demande a été rejetée.

Le projet de loi à l'examen s'efforce de mettre en oeuvre de manière correcte et cohérente les principes d'une politique de contrôle et de maîtrise des flux migratoires sans pratiquement modifier les conditions fondamentales de l'immigration. Bien que l'on prétende fréquemment que la politique en ce domaine serait de plus en plus restrictive, les conditions du droit d'asile sont en fait restées inchangées depuis plus de dix ans et elles sont conformes à la convention de Genève.


L'approche, en revanche, devient plus sélective, en ce sens que l'on déterminera plus rapidement quelles sont les personnes qui ont effectivement une chance d'être reconnues comme demandeurs d'asile.

La durée moyenne de la phase de recevabilité s'élève à trois mois et demi et elle doit être réduite de un mois.

Dans cette phase de l'enquête, les pouvoirs fédéraux organisent l'accueil des demandeurs d'asile dans des centres ouverts (Petit-Château, Florennes).

Si la demande d'asile est déclarée irrecevable, le demandeur d'asile débouté est éloigné du territoire. Si toutefois sa demande est déclarée recevable, le demandeur d'asile est renvoyé à un C.P.A.S.

Une deuxième modification est apportée en ce qui concerne le choix de la langue, puisque l'on est confronté à des abus constants de la réglementation actuelle dans le but de créer des arriérés respectivement à l'Office des étrangers, au Commissariat général aux réfugies et aux apatrides, à la Commission permanente de recours ou au Conseil d'État.

En ce qui concerne la politique d'expulsion, le maintien dans un centre fermé n'est plus assorti d'un délai déterminé. Le délai fixe actuel de deux mois est remplacé par la notion de délai raisonnable. Il appartient à la chambre du conseil d'apprécier ce délai. Le juge devra vérifier si les pouvoirs publics ont entrepris les démarches nécessaires en vue de l'éloignement effectif.

Cela ne signifie nullement que le délai de détention soit illimité : la loi prévoit formellement que le juge doit veiller à ce que le délai raisonnable ne soit pas dépassé. Quiconque a l'habitude de la jurisprudence relative à la Convention européenne des droits de l'homme (C.E.D.H.) sait qu'un délai raisonnable n'est jamais illimité.

Il est en outre convaincu qu'un délai maximum fixé dans la loi deviendra pour l'administration la norme à atteindre, en d'autres termes qu'il finira par devenir la norme moyenne. Si toutefois l'on ne fixe aucun délai norme, mais qu'on autorise la chambre du conseil à effectuer un contrôle permanent, l'on devrait normalement procéder plus rapidement à l'éloignement ou à la mise en liberté. Le ministre renvoie à cet égard à la situation aux Pays-Bas, où l'absence de délai a eu pour conséquence que la durée moyenne est descendue à 36 jours.

Le ministre souligne enfin que, si l'on vise à une politique conséquente, il faudra élaborer des lignes de force complémentaires à l'attention des services qui exécuteront la future loi. C'est pour cette raison que l'on a inclus, dans le projet de loi, l'idée des contrats de gestion : les autorités politiques et administratives concluent des accords concernant les moyens, les objectifs à atteindre et les méthodes à appliquer. Par la suite, on peut vérifier l'efficacité de ces accords, de sorte à pouvoir évaluer la politique.

La majeure partie du projet de loi consiste en la mise en oeuvre des accords internationaux de Schengen ainsi que des directives et règlements européens.

En conclusion, le ministre déclare que les projets à l'examen doivent permettre d'atteindre les objectifs de la politique de l'immigration maîtrisée, d'évaluer cette politique et de prévoir les moyens légaux et organisationnels rendant possible la poursuite d'une politique conséquente.


III. DISCUSSION GÉNÉRALE

1. Le souci d'une politique humaine

Un premier intervenant renvoie à l'accord de gouvernement qui, d'une part, met l'accent sur l'importance d'une procédure efficace, tant pour notre ordre public que pour les demandeurs d'asile, et qui souligne, d'autre part, que tous les droits des demandeurs d'asile doivent être préservés pour assurer un accueil satisfaisant sur le plan social. Le ministre lui-même a dit vouloir mener une politique d'asile humaine.

La question est de savoir pourquoi c'est précisément ce projet que l'on présente aujourd'hui aux Chambres, alors qu'il existe une série d'autres problèmes qu'il s'impose davantage d'aborder d'urgence.

Que l'on songe, par exemple, au problème de la qualité de l'accueil dans les centres fermés et ouverts, au sort réservé à certains groupes-cibles spécifiques et vulnérables (mineurs d'âge, ménages, femmes seules avec enfants), et à toute la problématique de la régularisation des étrangers qui se sont « adaptés » et doivent quitter le pays. Quelle philosophie globale sous-tend la politique qui accorde la priorité aux mesures actuellement en discussion ? Le ministre envisage-t-il également d'autres mesures ?

L'on ne peut éluder la question de savoir comment notre société entend faire face à l'avenir aux courants migratoires et aux flux de réfugiés. Maintiendrons-nous le cap actuel en adoptant une attitude nettement plus restrictive ? Si oui, comment pourrons-nous le justifier eu égard aux principes d'un État de droit démocratique ? Quelle vision des choses devons-nous développer en la matière ? Ne faut-il pas procéder à une évaluation à l'échelle internationale de la politique menée dans le domaine en question et quel rôle la Belgique peut-elle jouer en l'espèce ?

Après ces considérations générales, l'intervenant évoque quelques points concrets des projets :

1. Allongement de la privation de liberté

Pour d'autres membres aussi, c'est là une des modifications les plus radicales du projet. Dans son exposé introductif, le ministre a fait référence à la réglementation néerlandaise. Quelle est exactement la réglementation en vigueur aux Pays-Bas ? Son application a-t-elle déjà fait l'objet d'une évaluation ? Quelle est la durée moyenne de la détention aux Pays-Bas ?

Le groupe auquel appartient l'intervenant se veut très circonspect à l'égard de ce point du projet, même si elle sait qu'il n'entre aucunement dans les intentions du ministre d'enfermer inutilement des gens et qu'en pratique, une détention de douze mois sera un maximum absolu.

Dans la réalité, les services chargés d'appliquer la loi ont parfois travaillé de façon très inefficace. Il convient donc de préserver les droits des personnes concernées en prévoyant des garanties dans la procédure.

2. L'accueil dans les centres fermés

La qualité de l'accueil dans les centres fermés revêt une grande importance. À cet égard, on songe particulièrement aux enfants, aux mineurs d'âge et aux familles.

3. L'aide médicale urgente

La question est de savoir sur la base de quels critères on peut faire la distinction entre l'aide médicale et l'aide médicale urgente. D'après les contacts qu'il a eus avec des gens de terrain, un membre estime que la ligne de démarcation est en tout cas très difficle à tracer. Ce qui est certain, c'est que les personnes qui se trouvent dans l'impossibilité de faire appel à l'aide médicale auront besoin tôt ou tard d'une aide médicale urgente. Cette mesure ne fera qu'accroître les coûts, et, surtout, elle aggrave les risques et la souffrance humaine.

La mesure soulève bien des questions, y compris au niveau international.


Un deuxième intervenant fait remarquer que les projets de loi répondent à une nécessité, mais qu'ils doivent également rendre possible une approche humaine.

D'une manière générale, l'orateur s'oppose à la tendance à dissocier l'application d'une réglementation d'avec une approche humaine. L'approche humaine n'est pas le monopole des adversaires de toute réglementation.

2. Une politique cohérente

Nous sommes obligés à réglementer les flux migratoires. Ces problèmes devraient être réglés par des mesures de politique générale : la politique étrangère et la politique de coopération au développement.

Une coopération au développement, même si elle n'est pas en mesure d'arrêter les flux migratoires, peut cependant permettre de les limiter.

Plusieurs membres s'attardent sur le sort des clandestins ou des demandeurs d'asile mineurs.

On constate que pour toute une série de personnes se trouvant dans une situation irrégulière, cela est souvent lié à la durée de séjour dans notre pays.

Ce sont souvent des gens qui vivent en famille et qui ont eu largement le temps d'accroître le nombre de leurs enfants depuis qu'ils se trouvent sur le territoire belge. Ces enfants sont scolarisés et intégrés dans leur quartier.

Le problème important est donc la durée du traitement des dossiers. Ce problème subsiste, malgré les efforts importants qui ont déjà été faits.

La récupération des retards a mené à des situations que l'on ne peut pas accepter humainement. Quelles sont les pistes possibles pour régler ce problème ?

En ce qui concerne la situation de personnes qui ne répondent pas ou pas encore aux conditions de la convention de Genève, il serait intéressant d'avoir un débat. En ce qui concerne les réfugiés de l'ex-Yougoslavie, par exemple, des mesures spécifiques ont été prises. Un membre est d'avis que ces mesures témoignent d'une approche humaine.

Sur les projets précis, l'intervenant pense qu'il faut prendre toutes les mesures pour que la durée de détention administrative ne dure pas huit mois.

En ce qui concerne les conditions de détention, il demande quel est le délai habituel entre un ordre de quitter le territoire et la mise en vigueur.

Il lui paraît également souhaitable que le Parlement soit associé à l'évaluation des mesures prises.

Un autre membre constate que le ministre a eu la prudence de stipuler que le Roi pouvait déterminer ce qu'est l'aide urgente. En fait, ce seront toujours les médecins qui devront déterminer ce qu'est une aide médicale urgente. En dehors de l'appréciation médicale, il ne lui paraît pas possible pour une structure extra-médicale, c'est-à-dire non consultée de manière directe, de déterminer ce que c'est. En tout cas, il ne peut pas s'imaginer un refus de soins par un paticien de l'art de guérir ou de l'art de soigner qui se respecte.

3. Une politique intégrée

Un commissaire trouve assez navrant qu'un ministre socialiste dépose un projet de loi qui menace le droit d'asile politique.

En outre, le projet ne témoigne pas d'une approche intégrée du problème des réfugiés, qui a un caractère transfrontalier. Il serait sans doute intéressant aussi d'entendre le secrétaire à la coopération au développement à propos du projet à l'examen ou de connaître sa réponse à un certain nombre de question.

La dissuasion est devenue le véritable objectif de notre législation. Il en résulte un accroissement du nombre de clandestins, ce qui ne peut pas être vraiment l'objectif d'une bonne loi.

D'autres intervenants demandent que le ministre leur procure une copie du protocole qui a été conclu entre la Sabena et le ministre de l'Intérieur concernant les sanctions prévues à l'encontre des sociétés de transport.

L'intervenant ne souhaite pas encore aborder les problèmes spécifiques, mais formuler dès à présent une série de remarques générales.

Les autorités fédérales usent de l'accueil des demandeurs d'asile comme d'un moyen de contrôle. Il souligne que l'accueil des étrangers relève pourtant de la compétence des Communautés. Il se demande, dès lors, si cette législation ne met pas en péril la compétence de celles-ci.

Quoi qu'il en soit, certains des articles proposés semblent contraires aux principes généraux du droit, aux droits de l'homme et aux droits de la défense.

Un des motifs permettant désormais de refuser l'accès au territoire à une personne est la « raison d'État ». Ce point demande à être approfondi.

4. Le lien entre coopération au développement et migration

Il y a comme une contradiction entre le souci de freiner l'immigration, d'une part, et la constatation que les énormes flux migratoires sont la conséquence des gigantesques inégalités de ce monde, d'autre part. Les riches pays d'Occident ne peuvent prétendre n'avoir aucune responsabilité en la matière.

Selon un commissaire, il existe évidemment un lien direct entre la promesse des Gouvernements successifs, réitérée depuis plus de quinze ans, de consacrer 0,7 p.c. du P.N.B. ­ norme qui a fait l'objet d'un accord international ­ à la coopération au développement, et le fait que des personnes tentent en assez grand nombre d'échapper à leur misère et de bénéficier de notre prospérité. On peut comparer cela à l'émigration qui a vu les Flamands partir massivement pour les États-Unis au siècle dernier.

D'une part, on contribue donc à provoquer la pauvreté dans une partie du monde et, d'autre part, on n'est pas en mesure d'en résorber les conséquences et on est amené à adopter une politique de contrôle et de maîtrise de l'immigration. L'intervenant souligne qu'à l'exception du regroupement familial, le blocage de l'immigration est complet.

C'est donc dans le cadre de cette politique, qui est la même partout en Europe, qu'il convient de situer cette discussion.

5. Allongement de la privation de liberté

Un membre estime que l'emprisonnement est une mesure exceptionnelle, à laquelle on ne recourt en principe que pour certains délits graves. En outre, dans le projet, la durée du maintien est illimitée. C'est contraire à tous les principes fondamentaux de l'État de droit, quelle que soit l'explication invoquée.

Il estime aussi qu'il est préférable de laisser les médecins déterminer ce qui relève de l'aide médicale urgente.

6. Sociétés de transport

Selon un commissaire, les modifications apportées aux obligations des sociétés de transport mettent le droit d'asile en péril. Un membre du personnel d'une compagne aérienne est incapable de déterminer si une personne peut ou non invoquer le droit d'asile. En outre, les demandeurs d'asile disposent rarement de papiers convenables. Les personnes qui pourraient justement prétendre à l'asile au sens de la convention de Genève ne parviennent même pas à rejoindre notre pays parce que les sociétés de transport doivent, sous peine d'amende, leur en interdire l'accès...

L'I.A.T.A. affirme que ces dispositions sont contraires à la Convention de Chicago.

7. Raisons d'évocation

Un autre membre retace brièvement les principes que son groupe défend et pour lesquels il a demandé l'évocation.

Tout d'abord, l'attachement au principe du droit d'asile. En deuxième lieu, la volonté de satisfaire, mais non pas de la manière la plus minimaliste, aux conventions internationales. La notion de réfugié dans la convention de Genève du 25 juillet 1951 (art. 1er ) est plus large que celle dans laquelle nous essayons d'inscrire le demandeur d'asile. Nous réduisons le droit d'asile aux réfugiés politiques uniquement.

En troisième lieu, il faut veiller à ce que toutes les mesures soient prises pour permettre une approche humaine dans toutes les étapes de la procédure.

Enfin, son groupe souscrit à la volonté exprimée de combattre l'immigration clandestine.

Les préoccupations pour lesquelles son groupe a évoqué ce projet sont les suivantes :

1. Est-ce que le projet ne vas pas renforcer l'immigration clandestine ?

On se réjouit de la diminution du nombre des demandes d'asile, mais est-ce qu'on a une idée du nombre de clandestins qui a peut-être augmenté parallèlement ?

2. La notion de détention.

Le projet permet de mettre en détention des personnes qui n'ont pas commis de faits répréhensibles. Cette détention, qui n'est donc pas une punition, est utilisée soit pour faire pression sur les autorités officielles pour qu'elles délivrent les visas en temps voulu, soit pour faire une politique de dissuasion collective.

En ce qui concerne le délai raisonnable, l'intervenant se demande pourquoi on laisse le juge déterminer ce que c'est. Est-ce que le législateur se considère incapable de déterminer cela lui-même ?

Ne faudrait-il pas renverser la logique et se donner un délai pour évaluer si les autres mesures ne suffisent pas en soi, au lieu d'élargir le régime de détention ?

3. Le projet à l'examen traite de manière identique différentes catégories de personnes, alors qu'une approche différenciée serait sans doute préférable, notamment en ce qui concerne les étrangers qui séjournent dans notre pays depuis un certain temps déjà et qui se sont plus ou moins adaptés.

Il en va de même pour les mineurs d'âge, pour lesquels il conviendrait certainement de prévoir une réglementation spécifique.

Les étudiants privés brusquement de leur bourse d'études par le pays d'origine requièrent également un traitement spécifique.

Enfin, il faut prévoir également des dispositions particulières pour les déboutés du droit d'asile dont la vie est menacée s'ils rentrent dans leur pays.

4. Les règles applicables aux sociétés de transport sont renforcées. Cette mesure ne risque-t-elle pas de saper totalement le droit d'asile ? Pourrait-on avoir communication du protocole qui sera conclu avec la Sabena ?

Plusieurs membres soulignent que leur groupe a demandé l'évocation, parce que le projet est intimement lié au projet bicaméral dont il a été dissocié.

8. Augmentation de la xénophobie

Un intervenant souligne que des voix s'élèvent régulièrement, dans le grand public, pour que l'on chasse de notre pays tous les immigrés, et les demandeurs d'asile en particulier. Face à la manipulation de l'opinion qui est visée, nous devons exprimer clairement notre volonté de maintenir les principes de base d'une société démocratique.

La crainte se fait jour que la loi en projet ne soit l'aboutissement d'une politique portant atteinte à l'exercice réel du droit d'asile. Les chiffres du Ministère de l'Intérieur l'indiquent clairement : si 14 000 demandes d'asile avaient encore été déposées en 1994, en 1995, il n'y eut plus que 1 500 demandeurs d'asile reconnus.

L'intervenant ne voit pas comment on peut transiger sur la politique de santé à l'égard des étrangers en séjour illégal, puisque cette politique est fondée sur le principe général de la prévention.

Il est à craindre que cette dixième modification de la loi sur les étrangers ne soit certainement pas la dernière.

Lors de la modification précédente, on avait d'ailleurs déjà invoqué les mêmes arguments généraux : la position générale du Gouvernement actuel est que l'on abuse du droit d'asile et qu'une politique claire et nette en la matière est donc indispensable. On se fait toutefois des illusions si l'on s'imagine pouvoir faire nettement une distinction juridique entre le droit d'asile et la pression migratoire. Cette pression se maintiendra tant que les inégalités structurelles subsisteront dans le monde. Il est clair que les relations économiques et géopolitiques internationales reposent sur cette inégalité. Il est évident aussi que notre politique de coopération au développement ne peut pas y changer grand-chose, surtout si elle reste en-deçà de la norme de 0,7 p.c. du P.N.B.

La politique actuelle résulte de l'aggravation de la xénophobie dans notre pays au cours des dernières années. De là une politique d'asile plus sévère et une interprétation de plus en plus restrictive de la convention de Genève.

On peut difficilement nier que l'on fait pression sur les personnes qui travaillent dans les services chargés de l'examen des demandes d'asile pour qu'elles agréent le moins possible de demandes d'asile. Comment peut-on prétendre que le nombre des demandeurs d'asile diminue, alors que, de toute évidence, la situation ne s'améliore pas dans le monde ? Il est évident que les pays européens interprètent tous la Convention de Genève de manière plus restrictive (cf. la France, l'Allemagne).

Nous devons, dans ce projet, limiter les dégâts et nous efforcer de préserver la tradition humaniste à laquelle nous continuons à nous référer. Le problème est que son groupe n'est pas en mesure de faire pièce à l'interprétation restrictive de la convention de Genève.

Enfin, l'orateur pose encore quelques questions plus spécifiques.

Il souhaite que le ministre soit plus explicite sur le statut des réfugiés « collectifs » (cf. ex-Yougoslavie, rapport Chambre, p. 22). La Belgique aurait eu une politique restrictive par rapport à d'autres pays de l'Union européenne.

À propos du protocole entre le Gouvernement et la Sabena, il demande comment on transpose les dispositions de Schengen sur les autres transporteurs aériens.

Enfin, le membre voudrait savoir quel est l'état de ratification de la convention de Dublin.

9. Réponses du ministre

Le ministre constate que l'on continue à penser que le projet concerne la politique d'asile et vise à limiter le nombre de demandeurs d'asile. Il se demande quelle est la disposition du projet qui permettrait de réduire ce nombre.

Il parcourt les mesures du projet :

1. Dorénavant, les demandeurs d'asile seront d'abord accueillis dans des centres ouverts pendant deux mois et demi; ils y seront encadrés par une commission scientifique composée d'experts indépendants. L'objectif est de leur garantir un accueil qui soit bon et correct à tous égards, ce que les C.P.A.S. ne peuvent évidemment pas toujours faire dans cette première phase. Le ministre ne voit pas comment il pourrait en résulter une diminution du nombre de demandeurs d'asile, à moins que l'on ne considère qu'elle sera automatique, dès lors qu'aucune somme d'argent ne leur sera plus versée durant cette période, ce qui n'est pas son avis.

2. Pour ce qui est de la procédure, on se contente de modifier la législation sur l'emploi des langues. Quant à savoir si l'accélération du traitement réduirait le nombre des demandeurs d'asile, cela ne pourrait se produire qu'au cas où l'on abuserait de la procédure existante.

3. La loi en projet se contente de régler la contribution des sociétés de transport et ne change rien quant au fond. Après un an, on ne constate pas de diminution plus importante du nombre des demandeurs d'asile qui entrent sur le territoire par l'aéroport, par rapport aux demandeurs qui entrent en Belgique par d'autres moyens.

Le ministre ne croit donc pas que la Belgique soit envahie par les demandeurs d'asile et il ne voit pas d'objections à ce que leur nombre augmente. Un État de droit ne peut cependant accepter que l'on abuse du droit d'asile.

Il se demande comment le Gouvernement pourrait décider d'appliquer la convention de Genève dans un sens plus restrictif, alors que les décisions sont prises par deux instances indépendantes, à savoir le Commissariat général aux réfugiés et la Commission permanente de recours. En outre, il ne faut pas oublier que, tant à l'Office des étrangers qu'au Commissariat général, le nombre des reconnaissances est proportionnellement plus important aujourd'hui qu'il y a quelques années.

Bref, le projet de loi ne vise pas à limiter le droit d'asile. Il a uniquement pour objet de l'appliquer, en suivant une procédure correcte dans un délai raisonnable, à ceux qui peuvent réellement y prétendre.

À l'heure actuelle, ce droit à une procédure correcte ne peut être garanti dans un délai raisonnable. L'usage abusif de la législation sur l'emploi des langues, par exemple, allonge de facto la procédure de deux ans. Il s'ensuit que les chambres néerlandophones de la Commission permanente de recours peuvent traiter les recours dans les deux mois, alors qu'en raison du choix de la langue, les chambres francophones mettent un an et demi à le faire. Compte tenu du fait que certains demandeurs d'asile changent parfois de langue dans le seul but de faire traîner la procédure, il n'y a aucune raison d'admettre ce genre de pratiques.

Un commissaire estime que la loi en projet représente un pas vers une solution au problème du choix de la langue. Il signale au passage que 40 p.c. des procédures introduites devant le Conseil d'État concernent des étrangers. Il y a donc manifestement un décalage. L'on affirme à raison que le service doit être autorisé à choisir la langue dans les cas où l'étranger ne maîtrise aucune des deux langues nationales.

L'Office des étrangers lui-même pourrait toutefois travailler beaucoup plus efficacement et être mieux intégré dans la politique générale.

Le ministre poursuit en déclarant que le but est de parvenir, en définitive, à boucler la procédure en un an. Le personnel nécessaire a d'ailleurs été engagé.

Ce n'est pas parce qu'un certain nombre de choses ne sont pas réglées par la loi que l'on n'y accorde pas d'attention. La décision prise par le Conseil des ministres en décembre concernait également les centres fermés. Le projet prévoit que le règlement de ces centres peut être fixé par arrêté royal ­ ce qui offre davantage de garanties.

Le ministre déclare que, pour les groupes cibles, l'on a prévu un traitement spécifique. Toutefois, une réglementation légale aurait immédiatement un effet contraire à l'effet escompté. Va-t-on inscrire dans une réglementation qu'une personne qui n'aura pas atteint un âge déterminé (lequel ?) ne sera pas expulsée et qu'une autre qui l'aura dépassé le sera ? Le ministre veille à ne pas introduire trop de rigidités dans la législation. Il existe toutefois des procédures qui permettent d'examiner ce que l'on peut faire pour chaque personne prise individuellement.

Un membre pense en particulier aux enfants dont chacun des parents a un statut différent.

Le ministre répond que, dans la plupart des cas, ces familles bénéficient du droit au regroupement familial. L'expulsion d'un des parents n'est possible que s'il existe une raison impérative qui prime le droit au regroupement familial. Le Conseil d'État contrôle les décisions en la matière.

La situation la plus courante est celle dans laquelle les enfants sont devenus belges en raison de la durée de leur séjour et de leur naissance, et dont les parents sont des clandestins; ce sont souvent des étudiants zaïrois qui font usage des possibilités qu'offre une telle situation.

Dans ce cas, les parents reçoivent généralement l'autorisation de résider en Belgique.

Le ministre est demandeur d'une coopération avec les communautés pour l'accueil des étrangers mineurs, mais ses propositions de coopération en matière de prévention médicale sont rejetées en raison d'un manque de moyens. Losqu'il s'efforce de placer des mineurs par l'intermédiaire des services de la protection de la jeunesse, on lui dit qu'il n'y a pas d'argent.

Ceux que préoccupe le sort de groupes cibles spécifiques feraient mieux de s'adresser aux communautés, qui sont responsables de l'accueil.

Les communautés ont rejeté sa proposition visant à procéder au dépistage préventif de la tuberculose dans les centres en alléguant le manque de moyens.

Aussi longtemps que les communautés s'abstiendront d'agir, il tentera de trouver une solution pour les mineurs d'âge avec les moyens dont il dispose, c'est-à-dire : contacts avec la famille ou avec des compatriotes de l'intéressé, admission dans des institutions ouvertes ou fermées et, dans certains cas, placement au Petit-Château.

En 1995, il a fallu trouver une solution pour quelque 300 mineurs; 90 p.c. d'entre eux avaient plus de 16 ans et, dans bien des cas, il était même douteux qu'ils soient réellement mineurs. Dans l'ensemble, on relève chaque année une centaine de cas qui sont réellement problématiques et pour lesquels une solution doit être trouvée.

Les services concernés ont élaboré un scénario en vue de trouver un accueil correct et adéquat pour chacun de ces enfants.

Un commissaire est d'avis qu'on ne doit pas compter sur les communautés pour trouver une solution. Les services de protection de la jeunesse sont d'ailleurs déjà débordés.

Un intervenant signale que les communautés ont créé des services spécialisés dans l'accueil des étrangers.

Bien entendu, elles hésitent quelque peu à entrer dans ce système en raison des conséquences financières que cela implique.

Le ministre souligne qu'il a déjà proposé aux communautés de prendre une partie des frais à sa charge ainsi qu'une partie des frais médicaux. Il n'admet donc pas de critiques sur ce plan. Le problème est que la capacité d'accueil est d'ores et déjà insuffisante, particulièrement en Flandre. S'il devait supporter les frais liés au placement des étrangers mineurs, d'autres mineurs se retrouveraient à la rue.

Un commissaire confirme l'existence d'un manque de place chronique dans les institutions de l'aide spéciale à la jeunesse, surtout en Flandre. C'est sans doute en grande partie pour cette raison que les communautés refusent de collaborer.

L'intervenant a entendu le ministre déclarer qu'il voulait éviter autant que possible de placer des mineurs dans des institutions fermées. Est-ce que cela signifie qu'il s'abstiendra aussi de placer leurs parents dans ce type d'institutions ? Ou compte-t-il séparer les membres d'une même famille ?

Le ministre répond que le problème ne se pose que dans les cas de mineurs non accompagnés.

Une commissaire estime qu'il faut surtout éviter que les enfants subissent les conséquences néfastes d'un manque de coordination entre la politique de l'autorité fédérale et celle des communautés. À ce sujet, elle se réfère à une discussion similaire relative au Fonds d'équipement et de services collectifs, où s'est posé le même problème. Quel calendrier le ministre a-t-il adopté pour résoudre ce problème ?

Le ministre répond qu'il est responsable de l'accueil des mineurs d'âge en séjour illégal et qu'il trouvera les moyens pour apporter une solution à ce problème. Si d'autres veulent l'y aider, il ne peut que s'en réjouir.

Pour l'heure, il lui est cependant impossible de placer des enfants dans des institutions des Communautés, même s'il croit qu'ils y seraient davantage à leur place que dans une institution ouverte ou fermée.

En ce qui concerne la détention administrative, le ministre répond que la durée moyenne de la détention administrative aux Pays-Bas est de 36 jours. Au niveau européen, cinq pays ont retenu la durée illimitée dans leur législation.

La détention administrative ne s'applique qu'aux personnes qui ont refusé de donner suite à l'ordre de quitter le territoire. Toutefois, auparavant, les intéressés ont encore la possibilité de quitter volontairement le pays. Il bénéficient donc pendant un mois du minimum de moyens d'existence pour pouvoir préparer leur retour.

Ce n'est que si une personne ne fait pas usage de cette dernière possibilité volontaire que l'on procède à son expulsion forcée et qu'elle fait l'objet d'une détention administrative en vue de cette expulsion.

Le ministre estime qu'il faut presque être aveugle pour ne pas voir que les mouvements migratoires sont liés à l'inégalité économique. Il considère cependant qu'il faut rester prudent quand on établit un lien direct entre l'absence de coopération au développement et l'immigration. Si on liait réellement les deux choses, la Belgique devrait consacrer beaucoup plus de crédits de développement aux pays de l'Europe de l'Est, vu que c'est l'immigration en provenance de ces pays qui est la plus élevée et qu'elle continue à augmenter.

Selon le ministre, c'est une erreur d'associer le droit d'asile et l'immigration clandestine : d'une part, l'immigration clandestine en provenance des pays du Bloc de l'Est augmente, alors que le nombre des demandeurs d'asile issus de ces pays avoisine le zéro, et, d'autre part, le nombre des demandeurs d'asile comme celui des clandestins venant d'Asie et d'Afrique a diminué. L'affirmation selon laquelle une politique d'asile plus sélective entraînerait une augmentation de l'immigration clandestine relève donc du slogan.

En outre, l'immigration en provenance des pays d'Europe de l'Est se fonde exclusivement sur des motifs économiques; il s'agit d'exploiter des immigrés. Tolérer cette immigration, ce n'est donc pas faire preuve de solidarité ni traiter humainement les immigrés.

Si l'on veut que l'immigration se passe bien, si l'on souhaite une société multiculturelle, l'ouverture des frontières n'est pas la voie la plus adéquate. L'Allemagne l'a suffisamment démontré en ne contrôlant pas mais en subissant l'afflux de réfugiés yougoslaves. Le pays a connu une flambée sans précédent de xénophobie. Maintenant que la guerre en Bosnie semble se terminer, on envisage d'expulser du pays 300 000 réfugiés. Voilà donc le résultat de beaucoup de bonne volonté sans le moindre contrôle des flux migratoires.

En ce qui concerne le nombre de réfugiés yougoslaves accueillis, le ministre rappelle que la Belgique occupe la troisième ou la quatrième place en Europe.

Le Gouvernement estime qu'il faut encourager le retour volontaire des Bosniaques. La meilleur chose à faire pour y arriver est de leur garantir qu'ils pourront revenir si la situation ne se stabilise pas en Bosnie. Le ministre souligne que, si l'Allemagne parvient à mettre en oeuvre son projet d'expulsion forcée, il en résultera une série de problèmes dans notre pays et toutes les bonnes intentions seront hypothéquées.

La Belgique occupe la première place en Europe pour ce qui est du nombre des demandes d'asile par rapport à la population. Le ministre communiquera les chiffres à la commission.

Il souligne ensuite sa volonté de continuer à respecter le droit d'asile et qu'on ne l'entendra jamais dire qu'il y a trop de demandeurs d'asile ou qu'ils envahissent notre pays. Il veut toutefois que ce droit soit appliqué correctement.

S'il a officiellement été mis fin à l'immigration, le ministre rappelle que de nombreuses exceptions existent :

­ regroupement familial;

­ étudiants;

­ asile politique;

­ immigration économique, dont l'ampleur est plus importante qu'on ne le croit;

­ le régime « au pair », que le ministre souhaite supprimer le plus rapidement possible parce qu'en réalité, il favorise l'exploitation.

Le ministre souligne que le projet ne règle que le paiement par les sociétés de transports des frais de renvoi des passagers qui ne sont pas en possession des documents d'identification requis. Rien n'est changé aux obligations existantes des transporteurs.

S'agissant de l'aide médiale urgente, le ministre rappelle que c'est la Commission de la Santé publique de la Chambre des représentants qui a estimé que cette notion devait être définie dans un arrêté royal. Le ministre a souligné que cet arrêté ne pouvait porter sur le contenu et que c'était au médecin qu'il appartenait de déterminer le degré d'urgence.

La Chambre des représentants n'avait pas tout à fait tort d'estimer qu'une certaine forme de réglementation est nécessaire. En tant que ministre de l'Intérieur, il s'est adressé aux communautés pour qu'elles autorisent l'enseignement et l'aide médicale urgente. Seule une communauté y a consenti, et pour l'enseignement uniquement.

Il ne dispose d'aucun engagement concret en ce qui concerne les soins de santé. Il constate toutefois que certains directeurs d'hôpitaux évitent autant que possible les étrangers et imposent à leur personnel médical de limiter autant que possible l'aide médicale urgente, de manière à préserver l'image de marque de l'hôpital. Plutôt que de faire la leçon au ministre, le corps médical ferait bien de prendre ses responsabilités. Du reste, ce n'est pas une question d'argent puisque quand un médecin constate qu'il s'agit de soins urgents, c'est l'autorité fédérale qui paie.

À la question de savoir quelle est la réglementation applicable à un demandeur d'asile débouté ou à un étranger clandestin qui refuse de quitter le pays parce que sa vie serait en danger dans son pays d'origine ou parce qu'il ne peut plus y rentrer, le ministre répond que le problème évoqué est l'un des problèmes actuels les plus graves : l'ex-Yougoslavie, par exemple, refuse le retour des personnes qui font partie d'ethnies dont elle ne veut plus.

Dans certains cas, ces personnes bénéficiaient chez nous, soit d'une prolongation du permis de séjour, soit d'une régularisation. Dans d'autres cas, l'on ne fait rien de tout cela, parce que l'on constate l'organisation de filières. Actuellement, les Albanais du Kosovo, par exemple, ne peuvent plus rentrer chez eux. L'on cherche une solution à chacun de ces problèmes.

En ce qui concerne la régularisation, le ministre est opposé à des dispositions légales complémentaires, parce que l'on fait un usage totalement abusif de la procédure particulière prévue à l'article 9 de la loi : 90 p.c. de ceux qui ont reçu l'ordre de quitter le territoire ont recours à cette procédure.

Dès lors, si l'on prévoit encore une autre procédure de régularisation, la procédure d'exception deviendra la règle.

Le ministre souligne qu'un tiers ou plus des demandeurs d'asile en question sont des personnes qui ont épuisé toutes les procédures.

En ce qui concerne le Fonds des Étudiants, le ministre fait remarquer qu'il faut s'adresser au secrétaire d'État à la Coopération au développement si l'on veut augmenter ce fonds.

10. L'étranger clandestin intégré

Un commissaire demande quel est le point de vue du ministre concernant l'étranger clandestin qui séjourne chez nous depuis pas mal de temps, qui souhaite s'intégrer et qui y est déjà parvenu dans une certaine mesure.

Selon le ministre, pour les personnes attendant depuis longtemps l'examen de leur demande d'asile chez nous, il est de règle générale d'appliquer une procédure de régularisation souple. Toutefois, lorsqu'il s'agit d'un clandestin ou que la demande d'asile a été examinée très rapidement, la régularisation est très exceptionnelle et n'a lieu, en principe, que pour des raisons médicales, par exemple. Dans cette dernière hypothèse, la durée du séjour illégal n'est pas un facteur dont il est tenu compte.

D'autres facteurs peuvent néanmoins jouer un rôle (la famille, la santé, etc.).

L'intervenant demande s'il ne serait pas souhaitable de trouver une solution pour le ménage clandestin dont les enfants fréquentent l'école depuis dix ans.

Le ministre rappelle que le protocole d'accord prévoit que les enfants en séjour illégal ont droit à l'aide médicale et à l'enseignement, mais que ce droit n'a aucune incidence sur l'illégalité du séjour. L'étranger clandestin y a du resté intérêt : si la dispensation de soins médicaux avait une incidence sur l'illégalité du séjour, ou pourrait parfois avoir tendance à refuser cette aide.

Un commissaire annonce qu'il déposera un amendement visant à permettre exceptionnellement aux demandeurs d'asile intégrés, mais déboutés, de rester malgré tout dans le pays.

11. Expulsion

Un membre s'inquiète de la façon dont est pratiquée l'expulsion. Bien que le principe même de l'expulsion effective ne soit pas remis en question, l'on est en droit de s'interroger sur certains points.

En ce qui concerne l'expulsion, le ministre signale qu'il n'existe pas d'expulsion indolore ou « humaine ». Une expulsion, même sans la moindre contrainte, constitue toujours un drame pour l'intéressé. Ceux qui plaident pour une politique d'expulsion « humaine » tentent d'apaiser leur conscience, mais toute décision d'expulsion est dramatique.

La seule chose que l'on puisse faire, c'est d'alléger les problèmes que provoque une expulsion. On peut le faire, notamment, en écourtant au maximum la période de séjour et en prenant des mesures d'accompagnement.

Un commissaire partage l'avis du ministre selon lequel il faut s'efforcer de mener une politique d'expulsion correcte et rapide. Mais il estime aussi que si l'on ne parvient pas à assurer un déroulement correct et rapide de l'ensemble de la procédure, il faut permettre aux demandeurs d'asile de rester chez nous.

Enfin, un membre constate que le projet fait dépendre les décisions d'expulsion ou de non-admission sur le territoire des relations internationales de la Belgique.

Le ministre rappelle que c'est un corollaire de l'Accord de Schengen ­ bien que la Belgique s'y soit fortement opposée lors de l'élaboration de la disposition en question.

En application du droit international, nous sommes tenus d'inscrire cette disposition dans la loi. Mais celle-ci dispose également qu'il faut recueillir l'avis conforme de la Commission consultative des étrangers.

12. La prise en charge ­ Compatibilité avec l'Accord de Schengen

Un membre estime que la critique formulée par le Conseil d'État concernant l'article 3bis (nouveau) proposé par le Gouvernement n'a pas été suffisamment prise en compte.

Il s'agit plus précisément de la généralisation du principe qui permet à l'étranger d'apporter la preuve des moyens de subsistance suffisants par la production d'une attestation de prise en charge (une condition imposée par l'article 3, 4º). Le Conseil d'État a estimé que l'introduction de ce mode de preuve ­ qui repose sur une fiction ­ restreignait les effets de l'article 5, premier alinéa, c) , de la Convention d'application de l'Accord de Schengen et que l'article 3bis était donc contraire à la convention. Les deux arguments avancés par le Gouvernement manquent totalement de pertinence. En effet, dans son premier argument, le Gouvernement tombe dans la casuistique, et dans le second, il se fonde sur une instruction consulaire plutôt que sur le texte, pourtant clair, de la convention.

L'insertion de cet article 3bis est importante parce qu'elle est significative du fait que l'on réclamait déjà aurapavant une prise en charge sans disposer de la base légale pour ce faire.

En outre, l'on invoque un argument curieux, selon lequel l'insertion de cette disposition vise à mettre fin à « un arbitraire inacceptable en ce qui concerne la légalisation de la signature apposée au bas d'un engagement de prise en charge » (doc. Chambre 364/1, p. 14). L'on met fin à une situation arbitraire, mais l'on prévoit en même temps la possibilité de créer une situation doublement arbitraire à un stade ultérieur de la procédure.

D'une part, cet article 3bis prévoit que le bourgmestre peut indiquer, dans un avis adressé au ministre, si la personne qui a signé l'engagement de prise en charge dispose de ressources suffisantes. (Sur la base de quelles informations ?) D'autre part, l'on affirme dans l'exposé des motifs qu'il appartient au ministre ou à son délégué d'évaluer si l'engagement de prise en charge présenté apporte la preuve que l'on dispose de revenus suffisants.

L'on peut se demander si des dispositions aussi larges et aussi vagues renforcent la sécurité juridique et excluent toute possibilité d'arbitraire.

Cependant, il s'agit là en fait d'une question d'opportunité, et le problème concerne finalement davantage la forme de la disposition proposée que son contenu.

Le ministre donne la réponse suivante :

A. Selon l'article 5, § 1er , c) , de la Convention d'application de l'Accord de Schengen, l'une des conditions à l'entrée sur les territoires des parties contractantes pour un séjour n'excédant pas trois mois consiste à « disposer des moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans le pays de provenance ou le transit vers un État tiers dans lequel son admission est garantie, ou être en mesure d'acquérir légalement ces moyens ».

Les dispositions du titre II, chapitre IV, de la convention font également dépendre de la réalisation de cette condition le droit de circuler librement sur le territoire de l'ensemble des parties contractantes.

Le Conseil d'État a dit dans son avis qu'il résulte des articles 5, § 2, 15 et 16, de la convention que l'entrée sur les territoires des parties contractantes doit être refusée à l'étranger qui ne remplit pas cette condition, sauf si la partie contractante estime nécessaire de déroger à ce principe pour des motifs humanitaires ou d'intérêt national ou en raison d'obligations internationales, auquel cas l'admission est limitée à son seul territoire.

Le Conseil d'État a estimé qu'il n'est guère possible de considérer qu'une attestation constatant l'engagement d'un tiers à prendre en charge, à l'égard de l'État et d'un centre public d'aide sociale, le coût des soins de santé ainsi que les frais de séjour et de rapatriement de l'étranger constituerait la preuve qu'il dispose lui-même des moyens de subsistance suffisants, au sens des dispositions précitées de la convention, ou est en mesure de les acquérir légalement.

Selon le Conseil d'État, semblable attestation n'établit la preuve proprement dite que de l'engagement qu'elle constate, non du fait que l'étranger lui-même dispose des moyens de subsistance requis. Le Conseil d'État a estimé qu'admettre comme preuve suffisante de l'existence de ces moyens celle de l'engagement de « prise en charge » par une tierce personne reviendrait en fait, dans bien des cas, à dispenser l'étranger de satisfaire à cette condition d'entrée et de séjour.

Toujours selon le Conseil d'État, la fiction sur laquelle repose l'article en projet est par conséquent de nature à restreindre les effets des dispositions précitées de la convention, avec lesquelles il ne se concilie dès lors pas.

Le Conseil d'État considère donc que l'article 5, alinéa premier, c), de la Convention d'application de l'Accord de Schengen nécessite que l'étranger démontre qu'il dispose, personnellement, des moyens de subsistance suffisants.

Le Gouvernement a choisi de ne pas se rallier à ce point de vue.

Il invoque les arguments suivants pour justifier le recours à l'engagement de prise en charge.

­ Aucune des dispositions de la Convention d'application de l'Accord de Schengen ne prévoit que l'étranger doit disposer personnellement de moyens de subsistance suffisants.

­ Dans la plupart des cas, les étrangers qui se sont vu octroyer un visa Schengen par les autorités belges l'utilisent uniquement pour résider sur le territoire belge et ne font que très rarement usage de la possibilité de circuler librement, munis de leur passeport et de leur visa, sur le territoire des États de Schengen. D'après le Conseil d'État, c'est essentiellement lorsque l'étranger fait usage de la possibilité de circuler librement sur le territoire des États de Schengen que se pose le problème du respect de l'engagement de prise en charge.

­ Par comparaison avec l'article 6 de l'avant-projet de loi soumis à l'avis du Conseil d'État, lequel prévoyait que le garant s'engage pendant un délai de deux ans à l'égard de l'État belge et de tout C.P.A.S. compétent à prendre en charge les soins de santé, les frais de séjour et de rapatriement de l'étranger, l'article 7 du projet de loi [article 3bis (nouveau) de la loi] étend les obligations du garant en ce sens que ce dernier doit également s'engager à l'égard de l'étranger lui-même dans l'attestation de prise en charge. Cela signifie que, si l'État belge ou un C.P.A.S. ou un autre État de Schengen souhaitent agir contre l'étranger, ils peuvent également se retourner contre le garant, qui est, avec l'étranger, solidairement responsable du paiement des frais engagés par celui-ci.

­ Pour pouvoir être garant, il faut remplir des conditions spécifiques; c'est ainsi que le garant doit posséder la nationalité belge ou être autorisé ou admis à séjourner en Belgique pour une durée illimitée. Dans certains cas, il aura versé une somme auprès de la Caisse des dépôts et consignations ou il aura fourni une garantie bancaire [voir article 3bis, dernier alinéa (nouveau), de la loi]. Tout cela signifie que les États de Schengen ne se trouveront pas devant une tâche impossible s'ils veulent se retourner contre le garant qui a signé l'attestation de prise en charge.

­ Le recours à l'engagement de prise en charge n'est rien de plus qu'une possibilité donnée à l'étranger d'indiquer qu'il dispose de moyens de subsistance suffisants, et ce pour autant qu'il ne parvient pas à prouver qu'il dispose lui-même de moyens de subsistance suffisants.

­ L'admission de l'engagement de prise en charge comme preuve que l'on dispose de moyens de subsistance suffisants est un usage déjà consacré en Belgique dans le cadre de la procédure à suivre pour une demande de visa.

­ Le fait qu'à un moment donné, l'étranger apporte la preuve qu'il dispose personnellement des moyens de subsistance suffisants ne prouve pas de manière absolue qu'il disposera de moyens de subsistance suffisants durant toute la période de son séjour.

­ Pour certaines catégories de personnes, il n'est tout simplement pas raisonnable d'exiger qu'elles disposent de moyens de subsistance personnels, par exemple dans le cas de jeunes touristes trouvant à se loger chez des parents ou des amis.

­ Dans l'Instruction consulaire commune des États parties à la Convention d'application de l'Accord de Schengen, il est clairement fait référence, à côté des moyens de preuve classiques pour établir l'existence de moyens de subsistance suffisants, à « tout autre moyen permettant de justifier d'une garantie de ressources en devises ». Dans ce cadre, on se réfère notamment à l'utilisation de certificats d'hébergement et d'autres documents de prise en charge. Cette instruction consulaire commune a été rédigée par le Comité exécutif de l'Accord de Schengen qui, conformément à l'article 17 de la Convention d'application de l'Accord de Schengen, arrête des règles communes pour l'examen des demandes de visa, veille à leur application correcte et les adapte aux nouvelles situations et circonstances.

B. Conférer une base légale explicite à une pratique existant depuis longtemps, et qui est d'ailleurs autorisée conformément à l'instruction consulaire commune précitée, ne peut que profiter à la sécurité juridique.

C. Il n'est absolument pas question d'une double mesure arbitraire.

­ L'article 3bis (nouveau) de la loi impose uniquement, au bourgmestre ou à son délégué, l'obligation de légaliser la signature apposée au bas de l'engagement si les conditions de l'authentification de la signature sont remplies.

Le bourgmestre peut accessoirement adresser un avis à l'Office des étrangers concernant les ressources de la personne qui a signé l'engagement, mais il n'y est pas tenu [voir l'article 3bis , quatrième alinéa, première phrase (nouvelle) de la loi].

Cet avis peut être positif ou négatif.

Dans certains cas, rédiger un avis n'a guère de sens, par exemple lorsqu'il est notoire que le garant dispose de moyens de subsistance suffisants.

Toutefois, lorsque le garant se trouve dans des circonstances particulières, le bourgmestre ou son délégué peut juger nécessaire de rédiger un avis relatif à sa solvabilité.

Tel est le cas, par exemple, lorsque le candidat garant est à charge du C.P.A.S. L'avis peut alors indiquer qu'il existe des doutes sérieux en ce qui concerne la solvabilité du garant.

Un avis similaire peut être établi lorsque l'on constate que le garant s'est déjà engagé à l'égard d'autres étrangers.

Les autorités communales disposent donc d'un large pouvoir d'appréciation dans ce cadre. Pour rédiger leur avis, elles peuvent se baser sur une enquête des services communaux.

­ Quoi qu'il en soit, cet avis n'est pas un avis impératif. Il appartient finalement au ministre ou à son délégué de décider si l'engagement de prise en charge sera accepté ou non comme une preuve que le garant dispose de moyens de subsistance suffisants. Dans ce cadre, l'Office des étrangers peut toujours demander à la commune de procéder à une enquête sur sa solvabilité.

Si le ministre ou son délégué estime que le garant est insolvable, l'attestation de prise en charge ne sera pas retenue comme une preuve.

Enfin, il convient de souligner une nouvelle fois que l'engagement de prise en charge fournit l'une des possibilités de prouver que l'on dispose de moyens de subsistance suffisants [voir l'article 3bis (nouveau), premier alinéa, de la loi : ... la preuve des moyens de subsistance suffisants peut être apportée par la production d'une attestation de prise en charge].

Plusieurs membres maintiennent que cette réponse du ministre ne tient pas compte suffisamment des objections du Conseil d'État.

Toutefois, la majorité des membres souscrivent à la réponse du ministre.

Un commissaire demande pourquoi l'article 3bis définit les conditions de prise en charge par un tiers, alors qu'aucune disposition du projet ne précise comment l'intéressé peut prouver lui-même qu'il dispose de moyens de subsistance suffisants.

Le ministre répond que les intéressés peuvent prouver par tous les moyens qu'ils disposent de ressources suffisantes. Une règlementation légale relative à la preuve des moyens de subsistance ne ferait que limiter cette possibilité. Lorsque cette preuve ne peut être fournie d'aucune manière, la prise en charge peut être acceptée.

Cet article règle la procédure à suivre.

13. La prise en charge par une personne physique

Un membre demande également pour quelle raison il faut que la prise en charge soit assurée par une personne physique. Pourquoi une personne morale ayant un siège en Belgique ne peut-elle pas l'assurer ?

En ce qui concerne la prise en charge par des personnes morales, le ministre estime qu'il est fort difficile de mesurer le degré de fiabilité de ces personnes et de les contrôler. Les personnes morales sont créées, disparaissent, changent de nom, ce qui ne fait qu'aggraver le risque d'abus.

Un membre conteste le refus du ministre de permettre aux personnes morales d'assurer la prise en charge. Il s'agit, en l'espèce, d'a.s.b.l. dont le statut et les comptes sont contrôlés.

Le ministre maintient son refus parce que l'on contrôle uniquement les a.s.b.l. qui reçoivent l'une ou l'autre subvention.

Le commissaire ne comprend pas pourquoi les personnes qui feront effectivement l'objet d'un contrôle ne seraient pas autorisées à prendre un étranger en charge.

Un intervenant signale que, pour la prise en charge, la garantie exigée porte sur un séjour de deux ans, alors qu'en règle générale, le séjour de l'étranger sera beaucoup plus court (comme touriste).

Le ministre fait remarquer que la prise en charge a surtout été conçue pour les situations dans lesquelles un étranger séjourne dans notre pays au-delà du délai légal. Il peut se passer un certain temps avant que l'étranger ne soit effectivement expulsé. C'est cette période qui doit être couverte par le garant.

En effet, l'étranger doit uniquement disposer de moyens de subsistance suffisants pour la durée de son séjour légal dans notre pays.

Il n'y a donc pas lieu de limiter la prise en charge à cette première période.

Un intervenant est d'avis que comme peu de personnes seront disposées à se porter garantes pour deux années, la durée très longue de la période en question contribuera à accroître l'illégalité.

Le ministre ne voit pas le rapport entre le fait de se porter garant et l'accroissement de l'illégalité, à moins que l'on ne parte du principe que le garant sait que l'étranger concerné a l'intention de séjourner illégalement en Belgique pendant un certain temps. Un étranger qui dispose d'un visa de trois mois sans posséder de moyens de subsistance lui permettant de séjourner en Belgique pendant cette période ne sera admis à séjourner sur le territoire qu'à la condition qu'une autre personne se porte garante pour le temps qui serait éventuellement nécessaire pour l'expulser.

L'intervenant pense que, même pour une personne de bonne foi, une période de deux ans implique des risques que nul ne souhaite courir. Par conséquent, l'étranger entrera dans la clandestinité ou tentera de s'introduire illégalement dans le pays.

Le ministre souligne que la prise en charge doit avoir lieu avant la délivrance du visa. On ne voudrait tout de même pas qu'il accorde des visas dans le but d'empêcher des étrangers de tenter de s'introduire illégalement dans le pays ?

Un membre demande ce qu'il advient lorsqu'un étranger en séjour légal tombe gravement malade ou est victime d'un accident. Le garant est-il tenu, dans ce cas, de prendre les frais à sa charge ?

À son tour, le ministre demande à l'intervenant s'il estime que la collectivité, en l'occurrence l'autorité fédérale, n'a qu'à payer en pareil cas.

Lorsque l'intéressé en séjour légal est assuré dans son propre pays et que celui-ci a conclu un accord avec la Belgique, les frais ne posent aucun problème. Le problème n'apparaît que lorsque l'intéressé séjourne illégalement dans notre pays après l'expiration de son visa.

14. La Convention de Dublin

Il est précisé dans l'exposé des motifs que la loi en projet transpose en droit belge, notamment, les dispositions de la Convention de Dublin. Bien qu'ayant déjà été ratifiée par la Belgique, cette convention n'est pas encore entrée en vigueur. On peut se demander si cela ne crée pas un vide juridique : les mesures de cette convention ne supposent-elles pas une réciprocité pour garantir la cohérence du système ?

Le ministre fournit les réponses suivantes :

L'accord de Dublin n'a pas encore été ratifié par les Pays-Bas ­ où la procédure de ratification a été entamée ­, ni par l'Irlande.

La Convention de Dublin n'est pas encore entrée en vigueur, mais la Convention d'application de l'Accord de Schengen comporte, elle aussi, des dispositions relatives à l'examen de la demande d'asile.

Comme l'Accord de Schengen est entré en vigueur avant la Convention de Dublin, les dispositions de la Convention d'application de l'Accord de Schengen relatives à l'asile sont applicables jusqu'à l'entrée en vigueur de la Convention de Dublin, date à laquelle elles cesseront automatiquement d'être applicables (principe général de droit international).

Cela figure d'ailleurs explicitement à l'article premier du protocole relatif aux conséquences de l'entrée en vigueur de la Convention de Dublin pour un certain nombre de dispositions de la Convention d'application de l'Accord de Schengen, fait à Bonn le 26 avril 1994.

Les dispositions relatives à l'asile [voir les articles 33 et 34 (nouveaux) de la loi] utilisent la formule générale « en application des conventions internationales liant la Belgique », ce qui permet d'anticiper sur les conventions internationales en matière d'asile qui entreront en vigueur à l'avenir en Belgique (notamment la Convention de Dublin).

IV. DISCUSSION DES ARTICLES ET VOTES

A. Projet de loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d'aide sociale (S.1-310/1)

Procédure d'évocation

Seuls les articles de ce projet ayant fait l'objet d'un amendement ont été discutés.

Article 6

Cet article définit les conditions d'expulsion. M. Anciaux dépose un amendement (nº 20) visant à supprimer le 6º de l'article 3 proposé.

Par voie d'amendement (nº 54), M. Buelens propose de supprimer, également au 6º, les mots « après avis conforme de la Commission consultative des étrangers ».

Le ministre reconnaît que le 6º de cet article peut être assez dangereux. Mais les obligations découlant de l'Accord de Schengen imposent à la Belgique d'inclure une telle disposition. À la demande de la Chambre des représentants, on a toutefois ajouté la disposition suivante : « ... après avis conforme de la Commission consultative des étrangers... ». Le ministre ne peut donc décider que si ladite commission donne un avis conforme, ce qui est quasiment exclu en pratique. C'est pour cette raison que M. Anciaux propose de supprimer le 6º ­ ce que le ministre ne peut pas faire ­ et que M. Buelens propose de supprimer l'ajout ­ ce que le ministre ne veut pas faire.

L'amendement nº 20 de M. Anciaux est rejeté par 10 voix et 1 abstention.

L'amendement nº 54 de M. Buelens est rejeté par 10 voix contre 1.

Article 7

Quatre amendements sont déposés à cet article.

Un premier amendement (nº 1), déposé par MM. Boutmans et Jonckheer, est libellé comme suit :

« Au premier alinéa de l'article 3bis proposé, insérer, après les mots « qui dispose de ressources suffisantes », les mots « ou qui a un bien suffisant. »

Le ministre convient que les termes « voldoende inkomsten » figurant dans le texte néerlandais ne traduisent pas correctement les termes français « ressources suffisantes ». Il estime qu'il s'agit d'une erreur de traduction, et propose dès lors de demander à la Chambre des représentants si elle est d'accord de remplacer le mot « inkomsten » par le mot « middelen » dans le texte néerlandais du projet.

Un membre soulève à nouveau le problème de la prise en charge par une personne morale.

MM. Boutmans et Jonckheer ont déposé à ce propos un amendement (nº 3), libellé comme suit :

« Insérer, entre le premier et le deuxième alinéa de l'article 3bis proposé, la disposition suivante :

« L'engagement de prise en charge peut également être signé par une société, par une association sans but lucratif ou par un établissement d'intérêt public visé dans la loi du 27 juin 1921.

Le Roi précise les conditions que ces personnes morales doivent remplir et peut également autoriser des personnes morales de droit public, qu'Il désigne, à signer un engagement de prise en charge. »

Le ministre estime qu'il est bien plus difficile d'agir directement contre des sociétés ou des A.S.B.L. que contre des personnes physiques. Rien n'empêche cependant une personne physique de conclure un accord avec une A.S.B.L. spécialisée dans l'accueil des étrangers. Il faut cependant que les pouvoirs publics puissent toujours agir contre une personne physique, les personnes morales pouvant toutefois jouer un rôle indirect.

En ce qui concerne la durée de la prise en charge, MM. Boutmans et Jonckheer déposent un troisième amendement (nº 2), libellé comme suit :

« Au premier alinéa de l'article 3bis proposé, remplacer les mots « deux ans » par les mots « six mois. »

M. Anciaux dépose également un amendement (nº 21) à cet article, visant à limiter la durée de la prise en charge.

« À l'article 3bis, premier alinéa, proposé, remplacer les mots « pendant un délai de deux ans » par les mots « pendant un délai d'un an. »

Un des auteurs de l'amendement nº 2 croit pouvoir déduire de la discussion générale que cette prise en charge ne concerne que la période suivant le moment où le séjour cesse d'être légal.

Le ministre répond que la garantie couvre également la période du séjour légal dans notre pays, mais que l'on n'y fera jamais ou quasiment jamais appel, parce que des conventions internationales en matière de sécurité sociale sont généralement applicables à ce stade-là. L'on fera donc le plus souvent appel à la garantie après la période de séjour légal, étant donné que les conventions internationales ne sont plus applicables au-delà de celle-ci.

Le commissaire demande si les étrangers ne sont pas souvent originaires de pays avec lesquels l'on n'a pas conclu de conventions internationales de ce type.

L'amendement repose essentiellement sur l'idée qu'il n'est pas raisonnable de demander à un hôte d'être responsable pendant deux ans des personnes qu'il est disposé à prendre en charge. C'est pour cela que l'intervenant propose de limiter la durée de la prise en charge à six mois.

Le ministre répond qu'il faut souvent beaucoup plus de temps pour appréhender un étranger clandestin. Le délai de six mois ou, même, un délai d'un an, est donc bien trop court pour une personne qui souhaite entrer dans le pays et qui ne peut pas démontrer qu'elle dispose de ressources suffisantes.

Il rappelle également que l'on exige seulement une garantie complémentaire lorsque l'on a des doutes justifiés au sujet de la nature de la demande de séjour, parce que les personnes concernées ne disposent pas de ressources suffisantes pour celui-ci.

Un commissaire demande pour quels étrangers l'on réclame cette garantie complémentaire.

Le ministre répond que les ambassades doivent vérifier, au moment d'octroyer un visa, si l'intéressé dispose des moyens nécessaires pour pouvoir séjourner dans notre pays. Cette appréciation se fait sur la base du statut de l'intéressé (profession, etc.). C'est seulement si des problèmes peuvent surgir que l'on réclame une garantie complémentaire.

Il n'y a donc pas de règle générale : chaque cas est examiné séparément, mais il est vrai que l'on est un peu plus sévère à l'égard des ressortissants de certains pays qu'à l'égard d'autres. Les mêmes règles valent d'ailleurs pour les Belges qui souhaitent aller à l'étranger ­ bien que l'on considère généralement que nous sommes suffisamment riches.

L'on peut toutefois constater qu'il y a actuellement des abus en matière de prise en charge : c'est ainsi que l'on introduit des femmes nigérianes dans le milieu de la prostitution anversois, et l'on constate, à Bruxelles, que des personnes qui vivent du minimum de moyens d'existence se portent garant.

Pour lutter contre ces abus, il convient donc de rendre plus sévères les dispositions actuelles.

Les auteurs de l'amendement nº 2 ne sont pas hostiles à une réglementation plus sévère, mais ils s'opposent à une prolongation de la durée de la période de prise en charge.

Le ministre reste d'avis qu'il faut prolonger la durée. Il ajoute que la loi indique explicitement que l'énumération des preuves de moyens de subsistance suffisants n'est pas limitative (« ... la preuve des moyens de subsistance suffisants peut être apportée ... »). C'est ainsi qu'un Belge qui prend une personne en charge peut, à l'instar des nombreux Belges qui concluent une assurance-voyage pour eux-mêmes, conclure une assurance contre la maladie ou les accidents éventuels dont ladite personne pourrait être victime.

L'amendement nº 1 de MM. Boutmans et Daras est rejeté à l'unanimité des 11 membres présents.

Les amendements nºs 2 et 3 sont rejetés chacun par un vote identique.

L'amendement nº 21 de M. Anciaux est rejeté par 10 voix et 1 abstention.

Article 9

M. Anciaux dépose un amendement (nº 22) à cet article, qui vise à le supprimer, parce que la période de trois jours ouvrables est trop courte pour permettre l'inscription dans une commune. Le ministre demande que l'article soit maintenu.

L'amendement est rejeté par 10 voix et 1 abstention.

Article 11

Neuf amendements sont déposés à cet article.

MM. Boutmans et Jonckheer déposent un amendement (nº 4), visant à supprimer les trois derniers alinéas de l'article 7 proposé. Si cet amendement est adopté, la durée actuelle de la détention, à savoir deux mois, sera maintenue. Le ministre a fourni trop peu de données concrètes pouvant justifier un prolongement de la détention.

Le ministre passe une nouvelle fois brièvement en revue les raisons pour lesquelles il convient de prolonger la durée de la détention.

Tout d'abord, la loi actuelle ne produit pas les résultats escomptés : après deux mois de détention, 45 p.c. des clandestins sont libérés sans être expulsés. Cette proportion est même encore plus élevée dans les centres fermés (à l'exclusion de celui de Steenokkerzeel). D'une part, les étrangers sont détenus inutilement pendant deux mois et, d'autre part, l'on constate que l'administration a besoin de davantage de temps pour les expulser effectivement.

Le ministre réplique qu'en principe, il est préférable de ne pas inscrire dans la loi un délai maximum, mais plutôt un « délai raisonnable », soumis au contrôle d'un tribunal. Par conséquent, le délai de la détention correspondra beaucoup mieux au délai nécessaire à l'expulsion.

Toute limitation prévue par la loi en la matière deviendra de facto la norme moyenne au lieu de constituer la norme maximale.

En raison de la méfiance exprimée à la Chambre des représentants envers le défaut de fixation d'un délai, une procédure d'évaluation a cependant été insérée dans la loi. Si le ministre ne parvient pas à convaincre le Parlement, le délai de détention illimité sera réduit à huit mois à partir du 1er janvier 1998.

Il lui semble néanmoins que l'idéal est de prévoir que la possibilité de prolonger la détention pour une durée indéterminée devra être confirmée chaque année par le Parlement, pour inciter en permanence le ministre à maintenir le délai de détention aussi court que possible.

Une membre affirme que son groupe émet de sérieuses réserves concernant les dispositions de cet article. Personnellement, elle préférerait que l'on procède à l'inverse de ce qu'a proposé la Chambre des représentants et qu'on limite à six mois, par exemple, la durée du maintien pendant la période d'évaluation.

En ce qui concerne le 7º du premier alinéa ­ l'expulsion en cas de maladie ­, la membre se demande également si cette disposition est conforme à diverses conventions européennes.

Un membre demande si le ministre pourrait s'engager à permettre au Parlement d'exercer un contrôle minimal, avant l'évaluation visée à l'article 69 du projet de loi nº 310. Le ministre sera-t-il en mesure de fournir régulièrement des chiffres concernant le nombre de détentions, leur durée moyenne, leur prolongation et le nombre de personnes expulsées sur la base du 7º ? Plusieurs membres s'associent à ces questions (cf. Chapitre V. ­ Évaluation par le Parlement).

Un membre constate que le fait de détenir des gens qui n'ont commis aucun délit, sauf à se trouver illicitement dans notre pays, pose pas mal de problèmes, même juridiques. Il a constaté, en relisant l'avis de la Commission de la Justice de la Chambre des représentants, que pas mal de juristes se posent des questions sur l'applicabilité de l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Mais il y a un autre domaine qu'il voudrait aborder dans le cadre de l'harmonisation des législations européennes pour les procédures d'expulsion. Celle-ci s'impose de toute évidence en vue de l'élaboration d'une convention européenne sur le franchissement des frontières extérieures.

Le ministre a-t-il déjà appliqué de fait ce qui a été élaboré informellement ou formellement comme projet de directive au sein du Conseil des ministres européens ?

En d'autres mots, existe-t-il déjà des dispositions similaires dans d'autres pays, ou est-ce que la Belgique fait preuve en la matière d'innovation, en insérant une détention de durée qualifiée de raisonnable ?

Le ministre souligne tout d'abord que le délai de huit mois à insérer dans la loi peut selon lui être qualifié de raisonnable, et c'est un progrès important.

La Belgique n'est pas innovatrice, et la situation varie fortement d'un pays à l'autre. La législation française contient des dispositions légales sur les étrangers qui nous heurtent, mais prévoit par contre une période très courte pour la détention, de l'ordre de huit jours.

L'Autriche quant à elle a un délai d'environ six mois, la Belgique soixante jours pour l'instant, l'Espagne quarante jours, la Finlande n'a pas de centre fermé, ni l'Irlande; la Grèce n'a pas de durée limitée, le Luxembourg trois à quatre mois, les Pays-Bas n'ont pas de durée maximale, mais avec un contrôle judiciaire assez serré, le Royaume-Uni n'a pas de limite, ni la Suède.

Certains pays ont donc déjà des délais illimités comme il est proposé dans le projet à l'examen.

D'autres encore ont de longs délais, avec cette circonstance qu'il n'existe quasi pas de possibilités de recours.

Au niveau du Conseil européen, il se déclare très déçu du travail fourni. Cela fait deux ans qu'aucune décision n'a été prise. Il cite comme exemple une étude de six pays sur la notion de réfugié qui se termine par un constat de carence, en disant qu'aucun État n'est d'aucune façon lié à une quelconque définition. Il y a par contre de bons contacts entre fonctionnaires pour l'élaboration de mesures concrètes.

Le même membre en conclut qu'il n'y a pas de volonté actuelle d'harmonisation.

Le ministre admet qu'il y a une volonté officielle, mais qui n'est jamais traduite dans les faits.

Une autre membre souligne qu'en tout cas, un délai de huit mois est bien long et éprouvant sur le plan humain et social. Elle s'inquiète donc beaucoup des réponses que le ministre fournit.

Une détention effective de huit mois, c'est, compte tenu de la loi Lejeune, une peine plus lourde que celles infligées par la loi pénale pour n'importe quel délit.

En outre, elle déplore que la commission ne soit pas complètement informée, notamment sur ce qu'est la situation dans les autres pays.

De plus, quelles seront les répercussions financières de cette prolongation du délai de détention ?

Enfin, quelle sera la qualité de l'accueil ? Quel est le contenu de l'arrêté royal en projet ? Quels seront la formation et l'accompagnement offerts dans ces centres ?

Le ministre répond qu'il est ouvert à toutes les suggestions en ce qui concerne l'emploi et le travail. Le travail pose moins de problèmes que la formation, la population des centres étant trop diversifiée pour que l'on puisse organiser une formation homogène.

Le ministre estime qu'il convient également d'associer le secrétaire d'État à la Coopération au développement à la concertation en la matière.

L'amendement nº 4 de MM. Boutmans et Jonckheer est rejeté par 9 voix et 3 abstentions.

MM. Boutmans et Jonckheer déposent un amendement (nº 5), rédigé comme suit :

« Compléter l'article 7 proposé par la disposition suivante :

« L'étranger qui est détenu sur la base de cette disposition doit être informé dans les vingt-quatre heures, dans une langue qu'il comprend, des raisons de son arrestation et du contenu de l'ordre de quitter le territoire si un tel ordre lui a été signifié. »

L'un des auteurs de l'amendement renvoie à la justification qu'il a donnée à des amendements similaires déposés à des articles du projet bicaméral (1-311/1). Il s'agit d'appliquer l'article 5.2 de la C.E.D.H.

L'amendement est rejeté par 9 voix et 3 abstentions.

MM. Boutmans et Jonckheer déposent un amendement (nº 10), libellé comme suit :

« Remplacer, à l'article 7 proposé, le troisième alinéa (« L'étranger peut être détenu... dépasser deux mois ») par la disposition suivante : « L'étranger peut être détenu si cela s'avère strictement nécessaire pour l'exécution de la mesure et pour autant que la durée de la détention ne soit pas plus longue qu'il n'est strictement nécessaire. La durée de cette détention ne peut dépasser deux mois. »

L'un des auteurs de l'amendement explique que celui-ci recentre la disposition relative à la nécessité de la détention sur le principe même de celle-ci; non seulement la durée ne peut excéder ce qui est strictement nécessaire, mais l'incarcération elle-même n'est autorisée que si elle s'avère strictement nécessaire.

Il souhaite dès lors que la chambre du conseil puisse apprécier l'opportunité de la détention même.

Cet amendement est rejeté par 9 voix et 3 abstentions.

M. Anciaux dépose quatre amendements à cet article.

L'amendement nº 23 est libellé comme suit :

« À l'article 7 proposé, remplacer le 3º de l'alinéa 1er par ce qui suit :

« 3º si, par son comportement, il a porté atteinte à l'ordre public ou à la sécurité nationale. »

Il est rejeté par 11 voix et 1 abstention.

L'amendement nº 24 est libellé comme suit :

« À l'article 7 proposé, supprimer le 4º de l'alinéa 1er . »

L'amendement est rejeté par 11 voix et 1 abstention.

L'amendement nº 25 est libellé comme suit :

« À l'article 7 proposé, supprimer les alinéas 4, 5 et 6. »

Il est rejeté par 11 voix et 1 abstention.

L'amendement nº 26 est libellé comme suit :

« Compléter l'article 7 proposé par ce qui suit :

« Le Roi arrête un régime particulier pour les catégories de personnes spécifiques ou vulnérables. »

Il est rejeté par 11 voix et 1 abstention.

M. Buelens dépose un amendement (nº 55) libellé comme suit :

« À l'article 7 proposé :

« A. au 4º, supprimer les mots « après avis conforme de la Commission consultative des étrangers »;

B. supprimer le dernier alinéa. »

Par son amendement, M. Buelens entend supprimer les modifications intervenues au cours de l'examen du projet à la Chambre des représentants.

Le ministre déclare qu'il préfère maintenir la procédure adoptée par la Chambre.

L'amendement est rejeté par 11 voix contre 1.

L'amendement nº 68 de M. Coveliers est retiré.

Article 11bis (nouveau)

M. Anciaux dépose l'amendement suivant (nº 27) :

« Insérer un article 11bis (nouveau), libellé comme suit :

« À l'article 9, troisième alinéa, de la même loi sont ajoutés les mots suivants :

« Le ministre se prononce compte tenu de la durée du séjour, de la situation personnelle et familiale ou médicale de l'intéressé et de la nature de l'intégration dans la collectivité. »

Le ministre signale qu'il doit toujours motiver sa décision.

Si l'on adopte cet amendement, l'on restreint plutôt ce devoir de motivation, puisque le ministre peut se limiter alors aux éléments contenus dans l'amendement.

En outre, dans la pratique actuelle, on en tient déjà compte, sauf de la durée du séjour.

Ceci est matière à intégrer dans le contrat de gestion, et pourra être contrôlé par les Chambres.

Le changement du règlement interne a été initié par les débats au Parlement. Ce n'est pas le Conseil d'État qui a fait modifier les choses.

Le même sénateur demande ce qui empêche le ministre d'intégrer les critères contenus dans l'amendement, puisqu'on en tient déjà compte en pratique.

Le ministre répond que l'amendement est superflu en égard à l'obligation de motivation. Le fait d'arrêter des critères dans la loi peut en outre restreindre le nombre d'éléments dont on tient compte puisqu'il s'agit d'une énumération limitative.

En plus, on risque d'avoir des effets pervers. Ainsi constate-t-on actuellement qu'il y a une chasse aux médecins, puisqu'il y a un critère de l'état médical du réfugié. Il s'agit ici d'une procédure d'exception dont presque 90 p.c. des cas veulent profiter.

Le sénateur constate que les propos du ministre ne doivent pas faire oublier qu'on se trouve dans une ambiance de durcissement des attitudes et dans une pratique de plus en plus restrictive, à considérer certaines situations déplorables qui ont vu des familles intégrées depuis longtemps se faire expulser.

Le ministre rétorque que ce ne sont pas les autorités qui créent le climat.

Il y a entre autres les associations de défense des étrangers qui protestent, alors que les chiffres démontrent qu'il y a plus d'octrois d'asile et plus de permis de séjour. C'est à cause de ce climat qu'il est difficile d'aborder ces problèmes sereinement.

L'amendement nº 27 de M. Anciaux est rejeté par 10 voix et 2 abstentions.

Article 11ter (nouveau)

M. Anciaux dépose l'amendement suivant (nº 28) :

« Insérer un article 11ter (nouveau), libellé comme suit :

« L'article 9 de la même loi est complété par un quatrième alinéa, rédigé comme suit :

« Lorsqu'il refuse l'autorisation de séjour provisoire en vertu de l'article 9, troisième alinéa, le ministre indique dans la décision de refus à quel point de vue l'étranger ne répond pas aux conditions requises, compte tenu des éléments qui ont été invoqués à l'alinéa précédent. »

L'amendement est rejeté par 10 voix et 2 abstentions.

Article 16bis (nouveau)

M. Anciaux dépose l'amendement (nº 29) :

« Insérer un article 16bis (nouveau), libellé comme suit :

« L'article 18bis de la même loi est abrogé. »

L'amendement est rejeté par 10 voix et 2 abstentions.

Article 19

MM. Boutmans et Jonckheer déposent un amendement (nº 11) tendant à limiter le texte proposé à sa première phrase.

Un des auteurs souligne que cet amendement doit être rapproché de la question du délai de 24 heures dans lequel l'étranger doit être informé des raisons de sa détention, et qu'il a encore déposé plusieurs autres amendements qui ont trait à cette question. Il n'y a évidemment pas lieu de recommencer chaque fois la discussion sur ce point.

L'amendement nº 11 est rejeté par 9 voix et 3 abstentions.

M. Anciaux dépose l'amendement suivant (nº 30) :

« Libeller cet article comme suit :

« 1º L'article 25, alinéa 4, de la même loi, modifié par la loi du 6 mai 1993, est remplacé par ce qui suit :

« À cet effet, l'étranger est mis à la disposition du Gouvernement pendant le temps strictement nécessaire pour l'exécution de la mesure, sans que cette mise à la disposition puisse dépasser la durée de deux mois, augmentée éventuellement de la durée de l'examen de la demande en révision. »

2º L'article 25 de la même loi, modifié par la loi du 6 mai 1993, est complété par un cinquième alinéa, libellé comme suit :

« La décision du ministre mettant à la disposition du Gouvernement un étranger renvoyé ou expulsé, afin qu'il soit reconduit à la frontière, doit faire mention des circonstances exceptionnelles graves qui justifient cette décision. »

3º L'article 25 de la même loi, modifié par la loi du 6 mai 1993, est complété par un sixième alinéa, libellé comme suit :

« Le Roi arrête un régime particulier pour les catégories de personnes spécifiques ou vulnérables. »

Les 1º et 2º de cet amendement sont rejetés par 10 voix et 2 abstentions.

Le 3º de cet amendement est également rejeté par 10 voix et 2 abstentions.

M. Buelens dépose un amendement libellé comme suit (nº 56) :

« Supprimer la dernière phrase de l'article 25, alinéa 4, proposé. »

Par cet amendement, M. Buelens vise à rétablir le texte initial du projet à l'examen, qui prévoyait une période de deux mois au lieu de huit.

Cet amendement est rejeté par 11 voix contre 1.

L'amendement nº 69 de M. Coveliers est retiré.

Article 20

M. Anciaux dépose un amendement (nº 31), libellé comme suit :

« Compléter l'article 27 proposé par ce qui suit :

« Le Roi arrête un régime particulier pour les catégories de personnes spécifiques ou vulnérables. »

Un sénateur est d'avis qu'il faudrait ajouter une quatrième condition, à savoir le contrôle par l'autorité de l'élément en raison duquel la situation de fait nécessite la détention de l'étranger.

Cette remarque vaut également pour les articles 58 et 59 de la loi en projet.

L'amendement nº 31 de M. Anciaux est rejeté par 8 voix et 4 abstentions.

Article 22

MM. Boutmans et Jonckheer déposent un amendement (nº 6), libellé comme suit :

« Compléter l'article 29 proposé par la disposition suivante :

« L'étranger qui est détenu sur la base de cette disposition doit être informé dans les vingt-quatre heures, dans une langue qu'il comprend, des raisons de son arrestation et du contenu de l'ordre de quitter le territoire si un tel ordre lui a été signifié. »

Cet amendement prévoit l'obligation de signifier, dans les 24 heures, la décision d'éloigner l'étranger.

L'amendement est rejeté par 9 voix et 3 abstentions.

MM. Boutmans et Jonckheer déposent à cet article un deuxième amendement (nº 12), tendant à le supprimer.

Cet amendement est lui aussi rejeté par 9 voix et 3 abstentions.

M. Buelens dépose un amendement (nº 57) tendant à supprimer la dernière phrase de l'article proposé.

M. Buelens entend revenir ainsi au texte initial du projet.

L'amendement est rejeté par 11 voix contre 1.

M. Anciaux dépose un amendement (nº 32), tendant à supprimer cet article.

Il est rejeté par 9 voix et 3 abstentions.

L'amendement de M. Coveliers (nº 70) est retiré.

Article 22bis (nouveau)

M. Anciaux dépose un amendement (nº 33), libellé comme suit :

« Insérer un nouvel article 22bis (nouveau), rédigé comme suit :

« Compléter l'article 32 de la même loi par la disposition suivante :

« La Commission est tenue de rendre un avis concernant la demande d'autorisation exceptionnelle de séjour sur le territoire. Cet avis est rendu au plus tard dans le mois qui suit le dépôt de la demande d'avis. »

Cet amendement est rejeté par 8 voix et 4 abstentions.

Article 27

M. Anciaux dépose un amendement (nº 34) visant à supprimer cet article.

Le ministre rappelle qu'il a déjà répondu à cette problématique.

L'amendement est rejeté par 8 voix et 4 abstentions.

Article 29

MM. Boutmans et Daras déposent un amendement (nº 49), visant à supprimer le 1º de cet article.

Le ministre justifie la limitation à huit jours du délai dans lequel une demande d'asile doit être introduite par l'étranger entré régulièrement en Belgique, en faisant une distinction entre ceux qui, étant légalement chez nous, attendent de voir la suite des événements pendant un certain temps dans leur pays, d'une part, et ceux qui, ne se doutant de rien, arrivent chez nous et sont confrontés à un événement imprévu, d'autre part.

D'après l'intervenant, dans ce dernier cas, il existe bel et bien une possibilité (cf. art. 52) de demander asile après être entré dans le Royaume. Du point de vue de la recevabilité, l'examen de la demande sera facile. Tout dépend de la justification prévue à l'article 52, § 3, de la loi actuelle. Le demandeur d'asile qui n'introduit pas immédiatement une demande devra expliquer pourquoi il a attendu.

L'amendement est rejeté par 9 voix et 3 abstentions.

Article 31

M. Buelens dépose un amendement (nº 58), visant à supprimer le § 5 de l'article 51/3 proposé.

L'auteur de l'amendement déclare qu'il souhaite rétablir le texte dans sa version originelle.

Le ministre ne voit pas sur quelle base légale il se fonderait pour conserver les empreintes digitales d'une personne dont la demande d'asile a abouti, puisqu'il s'agit uniquement d'une mesure destinée à dépister la fraude au stade de la demande.

L'amendement est rejeté par 11 voix contre 1.

Article 32

MM. Boutmans et Jonckheer déposent un amendement (nº 7), libellé comme suit :

« Compléter l'article 51/5 proposé par la disposition suivante :

« L'étranger qui est détenu sur la base de cette disposition doit être informé dans les vingt-quatre heures, dans une langue qu'il comprend, des raisons de son arrestation et du contenu de l'ordre de quitter le territoire si un tel ordre lui a été signifié. »

Un des auteurs de l'amendement renvoie aux justifications jointes aux amendements précédents en ce qui concerne le délai de 24 heures et la notification (cf. amendement nº 5).

L'amendement est rejeté par 9 voix et 3 abstentions.

L'amendement nº 71 de M. Coveliers est retiré.

Article 37

MM. Boutmans et Jonckheer déposent l'amendement suivant (nº 13) :

« Remplacer l'article 54, § 3, proposé par ce qui suit :

« § 3. Le ministre de la Justice ou son délégué peut enjoindre à l'étranger entré dans le Royaume sans satisfaire aux conditions fixées par l'article 2 et qui a demandé la qualité de réfugié, de résider en un lieu déterminé pendant que sa demande est à l'examen.

Dans des circonstances exceptionnellement graves, le ministre ou son délégué, s'il l'estime nécessaire pour la sauvegarde de l'ordre public ou la sécurité nationale, peut mettre l'intéressé à titre provisoire à la disposition du Gouvernement. »

Un des auteurs de l'amendement déclare qu'il souhaite, par le biais de celui-ci, rétablir le texte de la loi du 15 décembre 1980, ce qui permettrait la suppression, dans la législation, du plan de répartition et la domiciliation dans le lieu de résidence effectif.

Le ministre espère que, si ses intentions se concrétisent, la nouvelle loi atteindra exactement ces objectifs, tout d'abord parce que l'accueil se fait dans des centres ouverts et, ensuite, parce qu'il faudra moins souvent procéder à la répartition des candidats réfugiés.

L'amendement est rejeté par 9 voix et 3 abstentions.

Article 39

M. Buelens dépose un amendement (nº 59), libellé comme suit :

« À l'article 57 proposé, supprimer les mots « qui n'est pas établi dans le Royaume et. »

L'objectif de M. Buelens est de permettre au ministre d'ordonner l'expulsion, que l'étranger soit inscrit ou non dans le Royaume.

Le ministre estime que cette disposition est trop radicale et superflue.

L'amendement est rejeté par 11 voix contre 1.

Article 40

M. Anciaux dépose l'amendement suivant (nº 35) :

« Au point 2ºbis de l'article 57/6, premier alinéa, proposé, supprimer les mots « ainsi qu'à l'étranger dont le comportement personnel démontre ultérieurement l'absence de craintes de persécution. »

L'amendement est rejeté par 8 voix et 4 abstentions.

Article 41

M. Buelens dépose un amendement (nº 60), qui est rédigé comme suit :

« Au premier alinéa du texte proposé, supprimer les mots « ou par un assesseur permanent faisant partie de l'autre rôle linguistique et qui justifie de la connaissance de la langue de la procédure conformément à l'article 43quinquies de la loi du 15 juin 1935 concernant l'emploi des langues en matière judiciaire ou conformément à l'article 43, § 3, alinéa 3, des lois coordonnées du 18 juillet 1966 sur l'emploi des langues en matière administrative. »

L'auteur de cet amendement veut exclure la présence d'assesseurs bilingues, parce que celle-ci a donné lieu à de mauvaises expériences dues à des traductions trop souples.

Le ministre réplique qu'il répond en l'espèce à la proposition des assesseurs bilingues eux-mêmes de pouvoir intervenir dans une langue autre que celle de leur rôle linguistique.

L'amendement est rejeté par 11 voix contre 1.

Article 44

M. Anciaux dépose un amendement (nº 36) visant à supprimer cet article.

L'amendement est rejeté par 8 voix et 4 abstentions.

Article 49

MM. Boutmans et Jonckheer déposent un amendement (nº 14) visant à supprimer le 2º du § 2 de l'article proposé.

Les mêmes auteurs déposent un second amendement (nº 15) tendant à supprimer également le 3º du § 2 de l'article proposé.

Ces deux amendements visent à fournir à l'étudiant la garantie qu'il pourra continuer à séjourner dans le pays, même s'il est privé de moyens de subsistance.

Le ministre estime que la réglementation prévue est bonne et cohérente. En cas d'interruption du « flux de moyens », une intervention limitée au C.P.A.S. est prévue en faveur de l'intéressé. Par la suite, il lui est possible d'obtenir une allocation complémentaire par l'intermédiaire du service social des universités. Cela ne porte donc pas préjudice à l'étudiant.

Les amendements 14 et 15 sont tous deux rejetés par 9 voix et 3 abstentions.

M. Anciaux dépose l'amendement suivant (nº 37) :

« Compléter le § 2 de l'article 61 proposé par les dispositions suivantes :

« Dans les cas visés aux 2º et 3º, le ministre est tenu de demander l'avis du ministre de la Coopération au développement dans ses attributions. Le ministre peut se fonder sur cet avis pour accorder des dérogations. »

Un membre fait observer qu'en ce qui concerne les étudiants du tiers-monde, l'on n'a aucune garantie que, s'il leur arrive, pour des raisons indépendantes de leur volonté, d'être sans ressources, ils puissent continuer leurs études. Les explications données par le ministre ne lui suffisent pas à cet égard.

Le ministre répète que ces étudiants peuvent faire appel au C.P.A.S., et qu'un arrêté royal leur assurera un droit réglementaire. Cet arrêté royal est actuellement préparé au cabinet du secrétaire d'État au Développement, M. Moreels.

La pratique confirme en outre que les étudiants ne sont presque jamais expulsés, à moins que les universités refusent elles-mêmes de les inscrire.

Par ailleurs, il y a quelques écoles supérieures qui abusent de cet état de choses, et qui sont manifestement fondées par certains régimes, afin de leur permettre de « caser » leurs protégés.

Les tentatives du Gouvernement de leur retirer l'agrément ont buté malheureusement sur un arrêt du Conseil d'État qui considérait que chaque école a un droit de subsistance en vertu de la liberté de l'enseignement.

Un membre maintient que puisque le texte du projet va à l'encontre des explications du ministre.

Le ministre répond que la garantie de trois mois d'aide accordée par le C.P.A.S. suffit dans 80 p.c. des cas.

Dans les cas des boursiers des pays les plus pauvres, le problème ne se pose même pas, puisque c'est la Belgique qui leur paie directement leur bourse. Ces cas ne se produisent bien entendu que dans les disciplines qui ont fait l'objet d'un accord préalable avec le pays concerné.

Un autre membres essaie de savoir si l'aide prévue par cet arrêté royal viendra se substituer complètement à celle des C.P.A.S. ?

Le ministre répond que le passage par le C.P.A.S. subsistera toujours. Le membre demande quel est alors la logique de cette solution duale. Pourquoi ne pas faire intervenir l'A.G.C.D. d'emblée ?

Le ministre souligne que dans ce cas, l'on exclura tous ceux qui ne rentrent pas dans les catégories prévues par l'A.G.C.D., alors qu'ils ont actuellement la possibilité de régler leurs problèmes passagers par une aide du C.P.A.S. durant 3 mois.

Le ministre estime que le secrétaire d'État à la Coopération devra veiller à ce que sa politique ne soit pas compromise par certaines pratiques abusives.

Un membre déclare que le ministre réduit le problème aux étudiants sans bourse au départ. Sa question portait par contre sur les étudiants qui perdent leur bourse en cours de route.

Le ministre préfère les renvoyer en un premier temps au C.P.A.S., parce que c'est un échelon qui est plus près de la personne et qu'il s'agit d'un droit subjectif, octroyé sans trop de conditions, alors que dans l'arrêté royal, les paiements seront soumis à un contrôle plus complexe, puisque l'on vérifiera si l'étudiant en question remplit toutes les conditions.

Il y a en outre la situation de la famille de l'étudiant dont il faut tenir compte et qui, le cas échéant, peut donner droit à une intervention du C.P.A.S.

Du fait de leur compétence en matière de logement, les services sociaux des universités jouent également un rôle.

Le ministre souligne que le plus souvent, les faux étudiants seront expulsés en application des nouvelles dispositions de l'article 61, en vertu desquelles il suffira de constater qu'ils sont inscrits depuis plusieurs années sans avoir jamais participé à aucun examen.

Un membre se dit préoccupé de la situation déplorable que pourrait provoquer cette disposition à l'égard de certains étudiants, et voudrait que M. Moreels s'explique devant la commission au sujet des mesures qu'il compte prendre dans ce secteur.

Une sénatrice comprend que le ministre souhaite refouler autant que possible les étudiants fictifs. Elle constate toutefois que l'article 61 actuel de la loi permet lui aussi d'expulser ces individus.

Pourquoi proposer des dispositions plus restrictives ?

Le ministre réplique qu'en fait, la nouvelle disposition limite plutôt que d'élargir les pouvoirs du ministre en ce domaine vis-à-vis des vrais étudiants. Elle permet toutefois d'être plus expéditif vis-à-vis des « fraudeurs ».

Selon le texte proposé, le ministre aura moins de pouvoirs, puisqu'il devra prendre l'avis des universités.

L'amendement nº 37 de M. Anciaux est rejeté par 8 voix et 4 abstentions.

Article 51

M. Anciaux dépose un amendement (nº 38) libellé comme suit :

« Au § 2 de l'article 63/3 proposé, après les mots « ... confirmer la décision », ajouter les mots « ou décider qu'un complément d'enquête est nécessaire. »

Justification

Le fait que l'étranger ait quitté le lieu où il était maintenu ne peut exercer aucune influence sur la liberté de décision du commissaire général ou de ses adjoints.

Cet amendement est rejeté par 8 voix et 4 abstentions.

Article 53bis (nouveau)

M. Anciaux dépose un amendement (nº 39), libellé comme suit :

« Insérer un article 53bis (nouveau), libellé comme suit :

« Un chapitre 2bis (nouveau) est inséré après le chapitre 2 du titre III de la même loi, intitulé comme suit : « Demande d'autorisation exceptionnelle de séjour sur le territoire », comprenant les articles suivants :

Article 67/2. ­ La décision du commissaire général aux réfugiés et aux apatrides de rejeter le recours urgent prévu au chapitre 1er bis du titre III de la même loi et le refus de la Commission permanente de recours des réfugiés de reconnaître la qualité de réfugié prévu à la section 3 du chapitre 2 du titre II de la même loi peuvent donner lieu à une demande d'autorisation exceptionnelle de séjour sur le territoire, aux conditions fixées à l'article 67/3.

Article 67/3. ­ § 1er . La demande d'autorisation exceptionnelle de séjour sur le territoire est adressée à la Commission consultative des étrangers mentionnée à l'article 32. Cette demande est introduite dans les trois jours suivant la notification des décisions mentionnées à l'article 67/2.

§ 2. La Commission consultative des étrangers donne un avis au ministre qui a l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers dans ses attributions. Cet avis doit être rendu dans le mois suivant la réception de la demande d'autorisation exceptionnelle de séjour sur le territoire.

§ 3. La Commission consultative des étrangers ne peut donner un avis favorable sur la demande d'autorisation exceptionnelle de séjour que dans les cas où l'etranger remplit simultanément les conditions suivantes :

1º L'étranger doit avoir introduit la demande de reconnaissance de la qualité de réfugié avant le 1er janvier 1995;

2º Un délai de deux ans au moins doit s'être écoulé entre la date de reconnaissance de la qualité de réfugié et les décisions définies à l'article 67/2;

3º L'étranger doit, à l'aide de documents officiels, démontrer qu'il a exercé, au moins dans une occupation à mi-temps, une activité professionnelle légale pendant un minimum de 12 mois;

4º L'étranger doit démontrer une connaissance raisonnable de la langue de sa région.

§ 4. La Commission consultative des étrangers transmet son avis au ministre qui a l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers dans ses attributions.

Article 67/4. ­ En cas d'avis défavorable de la Commission consultative des étrangers, le ministre qui a l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers dans ses attributions confirme la décision mentionnée à l'article 67/2 du commissaire général aux réfugiés et aux apatrides ou de la Commission permanente de recours des réfugiés.

Article 67/5. ­ § 1er . En cas d'avis favorable de la Commission, le ministre qui à l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers dans ses attributions dispose, à partir de la réception de l'avis, d'un délai de 5 jours ouvrables pour se prononcer sur la demande d'autorisation exceptionnelle de séjour sur le territoire.

§ 2. La décision mentionnée au § 1er doit être motivée et doit être notifiée à la Commission consultative des étrangers et au demandeur, qui en reçoit une copie, soit par lettre recommandée à la poste, soit par porteur contre accusé de réception, dans le délai de cinq jours ouvrables défini au § 1er .

La notification de la décision peut s'effectuer valablement par télécopie dans les cas où l'étranger a élu domicile chez son conseil.

Article 67/6. ­ § 1er . La décision du ministre ayant l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers dans ses attributions, qui confirme l'avis défavorable de la Commission consultative des étrangers, ainsi que la décision par laquelle il déroge à un avis favorable, entraînent éventuellement la poursuite de la procédure de reconduction de l'étranger à la frontière du pays qu'il a fui et où, selon sa déclaration, sa vie, son intégrité physique ou sa liberté seraient menacées.

§ 2. La décision du ministre ayant l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers dans ses attributions, qui confirme un avis favorable de la Commission consultative des étrangers, a pour effet d'assimiler l'intéressé aux étrangers autorisés à séjourner pendant plus de 3 mois dans le pays.

Les dispositions du titre Ier , chapitre 3, de la présente loi, lui sont également applicables.

Article 67/7. ­ Entre l'introduction de la demande d'autorisation exceptionnelle de séjour sur le territoire et la notification au demandeur de la décision du ministre ayant l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers dans ses attributions, aucune mesure d'éloignement du territoire ne peut être exécutée et aucune mesure de cette nature ne peut être prise à son égard en raison des faits qui ont motivé la décision contre laquelle cette demande est introduite. »

Cet amendement est rejeté par 8 voix et 4 abstentions.

Article 54bis (nouveau)

M. Anciaux dépose un amendement (nº 40) libellé comme suit :

« Insérer un article 54bis (nouveau), rédigé comme suit :

« Remplacer le deuxième alinéa de l'article 69 de la même loi par la disposition suivante :

« Si toutefois il a également introduit une demande en révision au sens de l'article 63 et du chapitre 2 du présent titre, ou une demande d'autorisation exceptionnelle de séjour au sens de l'article 32 du chapitre 2bis du présent titre, l'examen du recours en nullité est suspendue jusqu'à ce que le ministre ayant l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers dans ses attributions se soit prononcé sur le recours ou la demande. »

L'amendement est rejeté par 8 voix et 4 abstentions.

Article 55

MM. Boutmans et Jonckheer déposent un amendement (nº 16), libellé comme suit :

« A. Supprimer l'article 74/4 proposé. »

« B. Rédiger cet article comme suit :

« L'article 74/4 de la même loi, inséré par la loi du 14 juillet 1987, est complété par la disposition suivante :

« Les dispositions de l'article 74/2 et du présent article ne sont pas applicables si le transporteur, compte tenu des données dont il dispose, pouvait estimer de bonne foi que le passager souhaitait que lui soit reconnu, en Belgique, ou dans le pays tiers où il se rendait, le statut de réfugié au sens de la Convention de Genève, visée à l'article 49, et qu'il invoquait apparemment des arguments sérieux pur obtenir ce statut. »

Un des auteurs des amendements déclare que ceux-ci ont le même objectif. L'amendement A est déposé à titre principal; l'amendement B est subsidiaire.

Il n'est pas justifié d'imposer aux membres du personnel d'un transporteur, même public, de contrôler les documents d'identité et de transport des personnes. Ce sont là des compétences de police spécifiques pour l'exercice desquelles ces membres du personnel ne sont ni formés, ni équipés. Il peut être confronté à des litiges juridiques qu'ils sont incapables de trancher et, comme les contestations ont lieu le plus souvent à l'étranger, leurs décisions ne sont pas contraignantes.

La loi en projet leur attribue même directement le droit de décider si le demandeur d'asile invoque à juste titre ou non la Convention de Genève. Un membre du personnel d'un transporteur qui estime en son âme et conscience se trouver confronté à un demandeur d'asile doit avoir le droit d'admettre la personne en question en tant que passager, même si celle-ci ne dispose pas des documents nécessaires.

Par conséquent, l'auteur de l'amendement insiste pour que l'on ne sanctionne pas les transporteurs qui agissent de bonne foi.

Le ministre estime que, tel qu'il a été commenté, l'amendement attribue encore davantage de compétences aux sociétés de transport que le texte actuel de la loi.

La réglementation actuelle existe depuis fort longtemps et impose aux transporteurs de vérifier si leurs passagers détiennent une pièce d'identité. L'introduction d'une sanction pécuniaire constitue l'unique innovation.

De plus, cette sanction n'est pas absolue, puisque le transporteur peut l'éviter en concluant un protocole. Un protocole similaire vient d'être conclu avec la Sabena (voir annexe 3).

Le protocole a pour effet que l'obligation de payer une amende administrative est supprimée, qu'une demande d'asile ait été introduite ou non. L'on peut réintroduire l'obligation de payer si les pouvoirs publics constatent que la compagnie aérienne ne prend plus les mesures préventives nécessaires.

Pour apprécier la faisabilité de la mesure, il faut tenir compte du fait que le régime actuel de rapatriement forcé est appliqué depuis plus d'un an déjà et ne pose pas de problèmes considérables.

Un membre persiste à penser qu'il faut maintenir à la législation actuelle. La légère différence entre le régime existant et celui qu'on projette d'introduire, qui est contraire à la possibilité d'exercer ses droits dans le chef des étrangers, ne justifie pas cette modification. Un transporteur n'est pas à même d'exercer tous ces contrôles.

Elle rappelle au ministre sa promesse de participer aux travaux d'une sous-commission de suivi et est curieuse de voir dans quelques mois combien de sanctions ont été appliquées. Cela permettra de voir dans quelle mesure la nouvelle loi aura été dissuasive.

Le cas échéant, ces données permettront aux sénateurs de réagir.

Le ministre voudrait-il bien rajouter ces données à la liste sur laquelle il s'est déjà engagé au niveau de la communication de données ?

Le ministre est d'accord sur cet ajout, mais dit qu'il ne faut pas se leurrer : ce que le membre propose a pour résultat de protéger en fait les intérêts des compagnies aériennes.

Le ministre répète que la seule différence entre la réglementation actuelle et la loi en projet est que cette dernière impose aux compagnies aériennes de rapatrier le passager dans tous les cas où l'accès au territoire a été refusé, alors que la réglementation actuelle n'impose l'obligation de rapatrier l'étranger que lorsque celui-ci ne peut avoir accès au territoire parce qu'il ne possède pas les documents de voyage requis. Ce rapatriement ne constitue pas en soi une obligation lourde à assumer pour une compagnie aérienne, qui organise quand même des vols réguliers.

Les compagnies aériennes ne doivent cependant pas vérifier si les documents présentés sont vrais ou faux.

Un membre rappelle que le but de ces mesures est en fait de réagir contre les réseaux internationaux. Il est donc légitime de se poser des questions quant à l'effet que les mesures proposées pourraient avoir sur ce plan-là, plutôt que de localiser tout le débat sur la Sabena, qui n'est tout de même pas le principal canal d'immigration clandestine.

La loi actuelle permet-elle de lutter contre les réseaux clandestins ? Ces gens-là ne doivent-ils pas être ciblés ?

Le ministre explique qu'environ 2 000 personnes sont interceptées à l'aéroport suite à des problèmes d'immigration. La moitié d'entre elles introduit une demande d'asile. L'autre moitié déchante déjà quand on leur dit qu'ils ont été leurrés et partent par le vol retour. La plupart d'entre eux étaient convaincus qu'ils pourraient être autorisés à entrer en Belgique grâce aux documents qu'ils possédaient.

Bien que l'on soit sûr, dans un certain nombre de cas, qu'il s'agit de trafic organisé d'êtres humains, il est apparu difficile d'intenter des poursuites pénales.

La chambre du conseil a souvent prononcé un non-lieu, parce que, selon la jurisprudence en matière de poursuites pénales lancées contre des sociétés, l'on devait trouver le responsable personnel pour pouvoir poursuivre.

C'est la raison pour laquelle l'on a proposé d'infliger des amendes administratives.

Le ministre signale une fois de plus que les compagnies qui agissent de bonne foi dans le cadre du protocole ne sont pas visées par la nouvelle réglementation.

Il y a toutefois lieu de dire que même les agents locaux de la Sabena ont parfois été tentés de contrevenir aux règlements pour des raisons commerciales.

Ainsi a-t-on surpris une voyageuse qui était montée à bord en Italie, sans documents valables, avec le Canada comme destination. Son billet lui avait été vendu par l'agent local de la Sabena, malgré les avertissements des services centraux. L'agent a préféré vendre un billet plutôt que fournir les renseignements exacts.

Il n'y a souvent, pour les transporteurs, que l'incitant financier qui compte.

Un membre constate que le ministre parle des abus. Le contrôle des documents d'identité, dont on charge le personnel privé de ces sociétés, continue cependant à faire problème lorsqu'il s'agit de véritables réfugiés.

Le ministre estime que ce n'est pas un problème, parce que, dans la plupart des cas, le demandeur d'asile ne transite pas par l'aéroport, la surveillance y étant trop poussée. En général, le demandeur d'asile fuit dans un pays voisin.

Une membre déclare que la réponse du ministre n'est absolument pas pertinente. Il ne faut pas banaliser le cas de certains réfugiés en prétendant qu'il s'agit uniquement d'exceptions.

Elle se demande en outre comment l'on peut vérifier quels sont les moyens financiers dont dispose un étranger.

Un membre se demande pourquoi l'on concentre la discussion sur le transport aérien, s'il est vrai que la majorité des étrangers entrent dans le Royaume par voie terrestre.

Le ministre répond que l'on applique la même réglementation aux ports et aux sociétés qui organisent des transports par autobus.

Le même intervenant demande si les dispositions de l'Accord de Schengen contribuent à réduire l'immigration clandestine par autocar.

Le ministre répond que c'est exact en théorie. Limiter l'immigration illégale suppose cependant un contrôle sans faille aux frontières extérieures de la zone Schengen. Il est en contact avec les autorités allemandes au sujet de ce problème.

Le ministre signale que, ces derniers temps, un nombre croissant de réfugiés bosniaques immigrent en Belgique. L'on sait que l'Allemagne a annoncé son intention d'expulser 130 000 réfugiés bosniaques. Le Gouvernement belge a déclaré que la situation en ex-Yougoslavie était encore trop incertaine pour prendre des mesures en ce sens.

La réaction des réfugiés bosniaques est, dès lors, compréhensible. C'est pourquoi la Belgique a demandé instamment à l'Allemagne de ne pas encore procéder à l'expulsion.

L'amendement nº 16 de MM. Boutmans et Jonckheer est rejeté par 9 voix et 3 abstentions.

M. Anciaux dépose un amendement (nº 41) visant à supprimer cet article.

L'amendement est rejeté par 8 voix et 4 abstentions.

M. Buelens dépose un amendement (nº 61) rédigé comme suit :

« Remplacer l'article 74/4 proposé par le texte suivant :

« Art. 74/4. ­ Le transporteur public ou privé qui a amené dans le Royaume un passager dépourvu des documents requis par l'article 2 ou se trouvant dans un des cas visés à l'article 3, doit le transporter ou le faire transporter dans le pays d'où il vient ou dans tout autre pays où il peut être admis.

Le transporteur visé à l'alinéa 1er est tenu de reprendre en charge le passager sans délai. Il est, en outre, solidairement tenu avec ce dernier de payer les frais d'hébergement, de séjour, de soins de santé et de rapatriement du passager. »

Cet amendement est rejeté par 11 voix contre 1.

Article 58

MM. Boutmans et Jonckheer déposent un amendement (nº 8) pour lequel l'un des auteurs renvoie à la justification de l'amendement nº 5. L'amendement nº 8 est rédigé comme suit :

« Compléter le § 3 proposé de l'article 74/5 par la disposition suivante :

« L'étranger qui est détenu sur la base de cette disposition doit être informé dans les vingt-quatre heures, dans une langue qu'il comprend, des raisons de son arrestation et du contenu de l'ordre de quitter le territoire si un tel ordre lui a été signifié. »

Cet amendement est rejeté par 7 voix contre 1 et 4 abstentions.

Les mêmes auteurs déposent également un autre amendement (nº 17) qui vise à supprimer cet article. L'un des auteurs renvoie à ce qui a été dit à ce sujet à un stade précédent de la discussion.

Cet amendement est rejeté par 9 voix et 3 abstentions.

M. Anciaux dépose également un amendement (nº 42) visant à supprimer cet article.

Il est également rejeté par 8 voix et 4 abstentions.

M. Buelens dépose un amendement (nº 62) visant à supprimer la dernière phrase de l'article 74/5, § 3, proposé.

Cet amendement est rejeté par 11 voix contre 1.

L'amendement de M. Coveliers (nº 72) est retiré.

Article 58bis (nouveau)

M. Anciaux dépose un amendement (nº 43), rédigé comme suit :

« Insérer un article 58bis (nouveau), libellé comme suit :

« L'article 74/5 de la même loi est complété par un § 6, libellé comme suit :

« Le Roi arrête un régime particulier pour les catégories de personnes spécifiques ou vulnérables. »

L'amendement est rejeté par 10 voix et 2 abstentions.

Article 59

MM. Boutmans et Jonckheer déposent deux amendements (nºs 9 et 18).

Pour ce qui est de la justification, l'un des auteurs renvoie à une discussion précédente.

L'amendement nº 9 est rédigé comme suit :

« Compléter le § 2 proposé de l'article 74/6 par la disposition suivante :

« L'étranger qui est détenu sur la base de cette disposition doit être informé dans les vingt-quatre heures, dans une langue qu'il comprend, des raisons de son arrestation et du contenu de l'ordre de quitter le territoire si un tel ordre lui a été signifié. »

L'amendement est rejeté par 8 voix contre 1 et 4 abstentions.

L'amendement nº 18 vise à supprimer cet article.

M. Anciaux dépose un troisième amendement à cet article (nº 44) qui, comme l'amendement nº 18, vise à supprimer cet article.

Ces deux amendements sont rejetés par 10 voix et 3 abstentions.

Un amendement (nº 63) de M. Buelens vise à supprimer la dernière phrase de l'article 74/6, § 2, proposé.

Cet amendement est rejeté par 12 voix contre 1.

L'amendement de M. Coveliers (nº 73) est retiré.

Article 61

M. Anciaux dépose un amendement (nº 45) tendant à supprimer le dernier alinéa de l'article 74/8 proposé.

Il est rejeté par 10 voix et 2 abstentions.

Article 62

M. Buelens dépose un amendement (nº 64), tendant à réétablir le texte initial de la loi en projet.

Cet amendement est libellé comme suit :

« Remplacer cet article par ce qui suit :

« À l'article 77, premier alinéa, de la même loi, modifié par la loi du 1er juin 1993, sont insérés après les mots « dans les faits qui les ont consommés » les mots suivants :

« ou quiconque sciemment aide ou tente d'aider un étranger à pénétrer ou à séjourner sur le territoire d'un État partie à une convention internationale relative au franchissement des frontières extérieures, liant la Belgique, en violation de la législation de cet État relative à l'entrée et au séjour des étrangers. »

L'amendement est rejeté par 12 voix contre 1.

Article 65

M. Anciaux dépose trois amendements (nºs 46, 47 et 48).

L'amendement nº 46 tend à supprimer cet article.

L'amendement nº 47 tend à supprimer le deuxième alinéa de l'article 57, § 2, proposé.

L'amendement nº 48 est libellé comme suit :

« Au § 2 proposé, à la fin de l'alinéa 4, remplacer les mots « un mois » par les mots « deux mois ».

Chacun de ces trois amendements est rejeté par 11 voix et 2 abstentions.

MM. Boutmans et Daras déposent un amendement (nº 50), libellé comme suit :

« Au troisième alinéa de l'article 57, § 2, proposé, ajouter, in fine, la disposition suivante :

« La présente disposition ne s'applique toutefois pas à l'étranger visé à l'article 63/5, quatrième alinéa, de la loi du 15 décembre 1980, au sujet duquel le commissaire général aux réfugiés et aux apatrides a confirmé qu'il ne peut pas être renvoyés dans le pays qu'il a fui parce que sa vie, son intégrité physique ou sa liberté y serait menacée. »

L'un des auteurs de l'amendement demande que la limitation de la mission du C.P.A.S. à l'octroi de l'aide médicale urgente ne s'étende pas aux personnes qui, pour des raisons de sécurité, ne peuvent pas rentrer dans leur pays mais ne sont pas reconnues comme réfugiés. Il se réfère au débat qui a eu lieu à ce sujet en Commission des Affaires sociales.

En effet, la limitation de l'aide sociale à l'aide médicale urgente s'applique également à cette catégorie particulière de personnes, qui vont se retrouver ainsi dans une situation intenable, contraire à la dignité humaine.

Chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine. Cette garantie a même été inscrite à l'article 23 de notre Constitution. Si cette disposition n'est pas d'application, elle n'en est pas pour autant dépourvue de toute portée. À tout le moins, interdit-elle que l'on confine dans un isolement invivable des personnes qui résident en Belgique et ne peuvent être éloignées du territoire.

Lors de l'examen du projet de loi relatif à l'insertion de cet article dans la Constitution, la commission compétente du Sénat avait d'ailleurs émis l'opinion suivante :

« Ce droit est accordé non seulement à ceux qui ont leur domicile en Belgique, mais aussi à ceux qui y séjournent temporairement. Tout individu a droit à un traitement humain. Le caractère illégal du séjour ne peut avoir d'autres conséquences qui l'extradition de l'intéressé. »

L'amendement nº 50 concerne toutefois des personnes qui ne peuvent être expulsées.

Le ministre se réfère lui aussi à l'examen en Commission des Affaires sociales. Il souligne une nouvelle fois que le C.P.A.S. peut bel et bien accorder une aide, mais que celle-ci ne sera pas remboursée par le ministère de la Santé publique.

L'un des auteurs de l'amendement en conclut que le droit à l'aide sociale disparaît.

Le ministre précise que ce droit est lié à la légalité du séjour.

Une commissaire estime qu'une limitation du droit à l'aide sociale est difficilement compatible avec les principes généraux du droit et les fondements de notre système juridique.

Elle demande quelles sont concrètement les intentions du ministre au sujet de l'arrêté royal dont question à l'article 65, § 2, deuxième alinéa, du projet. Certaines lignes de force en ont déjà été esquissées en Commission des Affaires sociales. Le ministre peut-il les confirmer ? Le Sénat pourrait-il encore en prendre connaissance avant le vote final sur le projet ?

Le ministre déclare que l'avant-projet d'arrêté royal sera prochainement soumis au Conseil des ministres, après quoi le Sénat pourra en prendre connaissance, et ce avant le vote final.

Il ajoute que la Chambre a rejeté l'idée de définir la notion d'« aide médicale urgente ». Sur l'insistance de la Commission des Affaires sociales du Sénat, une telle définition sera cependant prévue dans l'arrêté royal, même si le ministre estime que ce n'est pas souhaitable.

L'amendement nº 50 de MM. Boutmans et Daras est rejeté par 10 voix et 3 abstentions.

MM. Boutmans et Daras déposent un amendement (nº 52) tendant à réintroduire le texte de l'article 57, § 2, tel qu'il était en vigueur avant la modification apportée par la loi-programme du 30 décembre 1992. Cette modification est en effet à la base de toute la discussion sur l'aide médicale urgente.

MM. Boutmans et Daras déposent en outre un amendement (nº 53) tendant à lever la limitation de l'aide sociale pour les mineurs d'âge.

Un sénateur estime que l'article 65 comporte des dispositions inacceptables. Il en résulte que des personnes dont la demande d'asile a été rejetée et des mineurs sont privés d'aide sociale.

Il souligne également que certains centres se sont spécialisés dans l'accueil de candidats-réfugiés mineurs ou indigents. Les dispositions de la loi en projet priveraient ces centres de la possibilité d'accueillir ces personnes.

Le ministre signale que la loi relative aux centres publics d'aide sociale ne s'applique pas aux mineurs d'âge, même pas à ceux qui ont la nationalité belge. Ils ne peuvent pas prétendre au minimum de moyens d'existence, même pas en application de cette loi.

Un sénateur estime que les mineurs d'âge doivent bel et bien avoir droit à l'aide sociale.

Le ministre déclare que les mineurs d'âge sont soumis aux dispositions spécifiques du droit concernant la protection de la jeunesse. Pour ce qui est des mineurs étrangers, il attire l'attention sur le fait que les services essaient de prévoir un accueil spécifique et adéquat en concertation avec le plus possible d'autres instances.

D'ailleurs, l'on n'a pas demandé concrètement, jusqu'ici, au ministre, si un C.P.A.S. peut accorder de l'aide, mais bien s'il faudra rembourser cette aide. Un C.P.A.S. peut accorder de l'aide et celle-ci ne devra pas être remboursée.

Pour ce qui est des étrangers malades, l'Administration essaie également toujours de trouver une solution individuelle qui tienne compte des circonstances concrètes. Cette solution peut consister, par exemple, en une prolongation de l'autorisation de séjour. Il faut toutefois se garder d'établir des règles générales et, par exemple, d'accorder un droit absolu, parce qu'il en résulterait des abus.

Un sénateur se préoccupe davantage de savoir quelle est la marge de manoeuvre qui est laissée au ministre. Les étrangers mineurs et malades sont en effet livrés à son bon vouloir.

Le ministre répond que le droit de contrôle du Parlement entre en jeu en l'espèce. Mais, si l'on décide d'instaurer un droit général à l'aide sociale, l'on doit finalement à nouveau l'abolir en raison de ses conséquences financières. Il suffit, pour s'en convaincre, de se référer aux chiffres d'il y a quelques années, c'est-à-dire de l'époque où ce droit général existait encore.

Un membre demande des précisions au sujet de la situation juridique des personnes « tolérées », c'est-à-dire, des étrangers dont la demande d'asile a été refusée, mais que l'on ne peut éloigner, parce que leur vie serait menacée dans leur pays d'origine ou parce que celui-ci ne délivre pas de laissez-passer au moment où il devrait le faire.

L'article 65 proposé priverait ces étrangers de l'aide sociale. Or, la loi ne leur accorde aucun statut provisoire, si bien qu'ils risquent de se retrouver dans une situation invivable et criminogène. L'on s'est rendu compte, au cours de la discussion au sein de la Commission de la Justice, que c'était l'une des éléments les plus prégnants et les plus dramatiques de tout le projet.

Le ministre déclare que les personnes dont il s'agit en l'espèce sont des personnes déplacées. Il plaide une nouvelle fois pour une réglementation au cas par cas, plutôt que pour une réglementation générale. En effet, chaque cas est différent. Beaucoup dépend de la raison pour laquelle la décision d'éloignement reste sans suite : refus de l'intéressé ou de son pays d'origine, refus provisoire ou définitif de délivrer un laissez-passer, ...

L'exemple ds étrangers en provenance du Kosovo le montre de manière frappante. Lorsque leur demande d'asile est refusée, l'on ne peut pas les expulser vers leurs pays d'origine. En effet, l'ex-Yougoslavie refuse d'accorder des laissez-passer aux natifs du Kosovo. Or, actuellement, ces personnes peuvent solliciter une aide sociale. Elles pourront probablement continuer à en bénéficier tant que les négociations en cours avec les autorités serbes concernant une réglementation générale pour ce qui est de l'octroi de laissez-passer aux natifs du Kosovo auront une chance de réussir. Toutefois, si les Serbes se montrent intransigeants, nous devrons peut-être modifier notre attitude.

Le ministre relativise d'ailleurs l'affirmation selon laquelle les étrangers en question finissent par sombrer dans une situation criminogène. Il ressort d'analyses, certes limitées, que nombre d'entre eux trouvent à se loger auprès de familles belges, qui se portent garantes pour ce qui est de leur subsistance.

Il constate enfin que l'on entend de nombreux plaidoyers pour un accueil structurel de catégories toujours plus larges d'étrangers, mais que l'on omet de se demander combien de moyens financiers il faudrait pour pouvoir assurer un tel accueil.

Les amendements nos 52 et 53 de MM. Boutmans et Daras sont rejetés par 10 voix et 3 abstentions.

M. Buelens dépose un amendement (nº 65) visant à supprimer le deuxième alinéa de l'article 57, § 2, proposé. Il souhaite, en fait, rétablir le texte initial du projet.

L'amendement est rejeté par 12 voix contre 1.

L'amendement de M. Coveliers (nº 74) est retiré.

Article 66

M. Buelens dépose un amendement (nº 66), rédigé comme suit :

« Au 2º de cet article, supprimer le dernier alinéa du texte proposé. »

L'auteur de l'amendement estime que l'aide sociale doit être dispensée par l'État et non par un organisme privé.

Un membre constate qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 57ter proposé, complétant la loi du 8 juillet 1976, le Roi peut rendre cette disposition applicable à d'autres catégories de demandeurs d'asile. Quelles sont les catégories visées ?

Le ministre précise que l'on vise en l'occurrence les personnes déplacées, notamment parce qu'il n'est en général pas possible de prévoir le moment où elles vont affluer ni leur nombre. On demande déjà à l'heure actuelle à la Croix-Rouge d'organiser leur accueil. On les place dans un centre ouvert, mais elles ne peuvent recevoir l'aide sociale que dans ce centre.

L'amendement nº 66 de M. Buelens est rejeté par 12 voix contre 1.

Article 69

MM. Boutmans et Jonckheer déposent un amendement (nº 19), de même que M. Buelens (nº 67), visant à supprimer le § 3 de cet article.

L'auteur de l'amendement nº 19 renvoie à la justification.

Les deux amendements sont rejetés par 9 voix et 4 abstentions.

Article 70

MM. Boutmans et Daras déposent un amendement (nº 51), rédigé comme suit :

« Remplacer cet article par ce qui suit :

« À l'exception du présent article, les dispositions de la présente loi entrent en vigueur aux dates à fixer par le Roi. Elles n'entrent pas en vigueur avant qu'une réglementation ne soit mise en oeuvre en collaboration avec les Communautés, là où cela s'avère nécessaire, en vue d'un logement et d'un accueil décents des étrangers mineurs d'âge non accompagnés. »

Un sénateur renvoie à un commetaire précédent.

Cet amendement est rejeté par 9 voix et 4 abstentions.


L'ensemble du projet de loi évoqué a été adopté par 9 voix contre 1 et 3 abstentions.


B. Projet de loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers (Doc. nº 1-311/1)

Article premier

Cet article est adopté à l'unanimité des 9 membres présents.

Article 2

À cet article, M. Anciaux dépose un amendement (nº 5) visant à atténuer la disproportion existant dans la répartition des dossiers entre les rôles linguistiques néerlandais et français.

À l'article 51/4, § 2, proposé, remplacer l'alinéa 3 par ce qui suit :

« Si l'étranger n'a pas choisi l'une de ces langues ou a déclaré requérir l'assistance d'un interprète, le ministre ou son délégué détermine la langue de l'examen, en fonction d'une répartition en nombre égal de l'ensemble des examens entre les rôles linguistiques néerlandais et français.

Cette décision n'est susceptible d'aucun recours distinct. »

Le ministre répond que l'avant-projet contenait un article poursuivant le même objectif et proposant une répartition égale.

Cela ne s'est toutefois pas avéré tenable, parce qu'on aurait dû prévoir alors également une égalité absolue dans les cadres linguistiques. Pour l'instant, la proportion au sein de l'Office des étrangers varie selon le service. Elle est de 60 N/40 F pour l'Office pris globalement, parce que les centres fermés sont situés principalement en Flandre.

Dans d'autres services, la proportion est plus proche de 50 N/50 F. Le Gouvernement n'a toutefois pas l'intention de modifier la répartition linguistique existante, mais il autorise des différences en fonction des nécessités du service.

Le texte actuel du projet permet donc une plus grande souplesse. L'exposé des motifs explique clairement pourquoi.

L'auteur de l'amendement fait remarquer que celui-ci vise uniquement à une répartition paritaire des dossiers où l'étranger n'a pas choisi de langue.

Le ministre répond que cela l'obligerait à fixer des cadres linguistiques tout à fait égaux, alors qu'on ne peut jamais fixer définitivement un cadre parce qu'on ne sait pas à l'avance combien de personnes choisiront telle langue.

À l'heure actuelle, on opte beaucoup plus souvent pour le français que pour le néerlandais. On compense ce déséquilibre en attribuant davantage de demandeurs au rôle néerlandais parmi ceux qui n'ont pas opéré de choix.

Toutefois, si, comme le propose l'amendement, on doit prévoir une répartition égale pour ceux qui n'ont pas choisi de langue, on ne pourra jamais maintenir la quasi-égalité actuelle des cadres linguistiques. Il faudrait alors engager plus de francophones.

À la demande d'un membre, le ministre fournit quelques explications supplémentaires sur la façon dont il déterminera la langue de l'examen « en fonction des besoins des services et instances ».

L'on tente tout d'abord, dans la mesure du possible, de faire traiter le dossier des personnes qui parlent la même langue par un seul service. Cela permet aux divers services de se spécialiser dans les dossiers relatifs à un pays en particulier. Pour ce qui est de la répartition des dossiers, l'on tente de parvenir à un équilibre entre les deux langues nationales, tout en tenant compte des dossiers de ceux qui ont choisi une langue d'examen. Une telle répartition en nombre égal des examens a également une importance pour la Commission permanente de recours des réfugiés et pour le Conseil d'État, car la loi impose à l'une et à l'autre une parité dans le nombre des chambres et au niveau du personnel.

Le ministre souligne une nouvelle fois que l'intention est de maintenir la quasi-égalité qui existe à présent.

Un autre membre fait remarquer que le § 2 de l'article proposé n'est apparemment pas très logique : en effet, l'étranger doit indiquer irrévocablement, avant même d'avoir choisi une langue d'examen, s'il a besoin de l'assistance d'un interprète.

Ne serait-il pas de loin préférable, si l'on veut lutter contre les abus de procédure, de demander d'abord à l'intéressé de choisir irrévocablement la langue d'examen ?

Que se passera-t-il, par ailleurs, lorsqu'une personne qui a choisi irrévocablement de ne pas requérir l'assistance d'un interprète se perd totalement dans la procédure et n'arrive absolument pas à se faire comprendre ?

Le ministre répond qu'il faut envisager le § 2 au travers de l'application qui en est faite dans la pratique. Lorsqu'un demandeur d'asile entre pour la première fois en contact avec l'Office des étrangers, on lui demande s'il requiert l'assistance d'un interprète. S'il souhaite bénéficier d'une telle assistance, on lui attribue un interprète et, par la suite, l'examen du dossier se fait dans une des deux langues nationales. Si l'étranger refuse catégoriquement l'assistance d'un interprète, et choisit l'une des deux langues nationales, son dossier sera traité par la suite dans cette langue.

Le ministre ne peut décider de la langue d'examen que si le demandeur d'asile n'a pas requis l'assistance d'un interprète et n'a pas fait choix d'une langue. Une fois que le ministre a décidé, l'intéressé a le droit de requérir l'assistance d'un interprète.

Le seul problème possible viendrait de ce que le choix de la langue par le demandeur d'asile entraîne certaines conséquences. Les services compétents en informent explicitement le demandeur d'asile. D'ailleurs, ces services sont très réticents à laisser un demandeur d'asile choisir une langue qu'il ne connaît pas ou qu'il connaît à peine.

Dès que le demandeur d'asile sait qu'il ne tirera aucun bénéfice du choix d'une certaine langue ­ une procédure d'examen plus longue ­, ce problème disparaîtra progressivement.

Un membre fait remarquer que l'on avait de toute évidence repris, au § 2, les mots « de la déclaration ou de la demande » qui figurent déjà au § 1er , alors qu'à présent, l'on n'y trouve plus que le mot « de la demande ».

En outre, l'on trouve, dans le texte néerlandais, « verklaring en aanvraag », alors que dans le texte français, l'on trouve de la « déclaration ou de la demande ».

Le ministre souligne que c'est le Conseil d'État qui a estimé qu'il convient d'utiliser le mot « en » dans le texte néerlandais.

Selon le ministre, le mot « demande » a une portée générale, et le terme « demande » a le même sens que le terme « déclaration ». D'ailleurs, ces deux termes sont utilisés indistinctement dans la loi.

L'amendement nº 5 est rejeté par 8 voix et 3 abstentions. L'article est adopté par 8 voix contre 1.

Un membre constate qu'actuellement, 40 p.c. des affaires examinées par le Conseil d'État ont trait au problème des réfugiés. L'on peut se demander s'il est normal que l'instance administrative suprême de notre pays doive consacrer autant d'attention à ce problème.

Le ministre souscrit à cette constatation. En outre, il ne faut pas oublier que la majorité de ces affaires ont déjà connu deux instances. C'est pourquoi on a proposé de supprimer l'effet suspensif de ce recours. Cette solution avait été adoptée par le Parlement lors d'une précédente modification de la loi, mais la Cour d'arbitrage a annulé cette décision (voir annexe).

Ces affaires sont presque toutes examinées en référé. C'est notamment pour cette raison que le projet propose que les affaires en référé soient traitées par un juge unique.

Le ministre estime qu'au fond, cette remarque touche au débat sur les tribunaux administratifs. Un groupe d'experts a rédigé à ce sujet un rapport dont les conclusions sont plutôt ambivalentes : un certain nombre de chambres devraient se spécialiser dans les affaires relatives à la fonction publique et aux étrangers. Toutefois, le problème est que ces affaires ne sont pas décentralisées territorialement, et que 80 p.c. du volume de travail est concentré à Bruxelles, et qu'il faudrait donc organiser dans cette ville une sorte de tribunal administratif de première instance. Le ministre n'exclut pas cette solution, mais le but de la réforme actuelle est de moderniser le Conseil d'État et de résorber l'arriéré.

S'il ne rejette pas a priori l'idée d'une première instance, il souligne que cette formule pourrait aussi avoir pour effet de doubler purement et simplement le volume de travail. Quant à la dispersion territoriale, il ne l'estime pas souhaitable, si l'on ne retient pas le critère du domicile ou du lieu de résidence du défendeur pour désigner le tribunal compétent.

Une autre solution consisterait à faire du commissariat général un tribunal, le Conseil d'État ne conservant que le recours en cassation. En outre, un tel recours n'est jamais suspensif. Il se peut que ce soit là la meilleure solution, mais ce débat n'est pas à l'ordre du jour ici.

Un commissaire craint que tel qu'il est formulé, l'article 69 proposé ne donne l'impression que la compétence générale du Conseil d'État se limite aux recours formés contre une décision refusant le bénéfice d'un droit prévu par la présente loi.

Le ministre se réfère à l'arrêt du 17 novembre 1994 dans lequel la Cour de cassation a estimé que l'inscription au registre de la population ainsi que les contestations y relatives portaient sur des droits subjectifs et relevaient par conséquent de la compétence des tribunaux ordinaires et non de celle du Conseil d'État. Le Conseil d'État semble suggérer qu'il serait souhaitable de confirmer dans la loi que tout litige relatif aux étrangers ressortit à sa compétence. Le ministre estime que cela est impossible pour les litiges portant sur des droits subjectifs. Il a toutefois tenu à confirmer explicitement que le Conseil d'État était compétent pour toutes les contestations découlant de la présente loi.

L'article 69 proposé est donc, en tout cas, plus clair que le texte existant, tellement vague que la Cour de cassation en a déduit que les droits subjectifs relevaient de sa compétence. L'article proposé précise et confirme la compétence du Conseil d'État à l'égard de tout recours portant sur l'un des droits définis par la présente loi.

Un commissaire ne comprend pas pourquoi la disposition spécifique proposée n'est pas insérée en complément à la règle générale existante.

Le ministre souligne que c'est précisément la règle générale qui a conduit à une interprétation de la compétence par la Cour de cassation. Il ne lui paraît pas souhaitable d'ajouter une règle « interprétative » à la règle générale. Pour la loi en projet, il juge préférable de fixer les compétences spécifiques avec précision.

Un intervenant partage le point de vue du ministre. Il vaut mieux ne pas laisser au pouvoir judiciaire le soin de définir sa propre compétence. Toute organisation a en effet tendance à justifier son existence en élargissant ses compétences alors même qu'elle accumule les retards dans ce qui constitue proprement son travail. Ce serait toutefois une erreur fondamentale que de laisser subsister un doute sur la répartition des compétences, car cela ne ferait qu'allonger inutilement la procédure.

Un commissaire demande pourquoi il n'est pas possible de préciser la compétence sans la limiter. L'article se limite en effet aux recours en annulation contre une décision refusant le bénéfice d'un droit.

Le ministre répond qu'il n'y a pas d'autre recours possible : le Conseil d'État n'aurait de toute façon à traiter que des recours formés contre le refus d'octroyer le bénéfice d'un droit. Qui songerait à introduire un recours contre une décision lui octroyant le bénéfice d'un droit ? Le Conseil d'État lui-même le signale d'ailleurs dans son avis (Chambre, doc. 364/1, p. 140).

Un commissaire demande s'il arrive que l'on procède à un refoulement en l'absence d'un ordre de quitter le territoire, c'est-à-dire sans que l'on ait refusé le bénéfice du droit, refus contre lequel un recours est ouvert.

Le ministre répond que c'est impossible. Il peut cependant arriver qu'une personne se voit refuser l'accès au territoire.

L'article est adopté à l'unanimité des 8 membres présents.

Article 3

Cet article est adopté sans autre discussion à l'unanimité des 8 membres présents.

Article 4

Un commissaire demande pourquoi le dernier alinéa de l'article 70 proposé dispose que l'arrêt n'est susceptible ni d'opposition, ni de tierce opposition, ni de révision.

Le ministre rappelle que ce texte a été proposé par le Conseil d'État lui-même. La règle générale, dans les affaires concernant des étrangers, est que l'on doit être présent. Celui qui est absent est censé ne pas avoir d'intérêt; le recours sera alors rejeté en tant que demande irrecevable. Ces voies de recours ne sont pas applicables en cas de demande irrecevable.

Un membre demande s'il ne faut pas faire une exception pour les personnes empêchées pour cause de « force majeure ».

Le ministre répond que le Conseil d'État admet la force majeure. On peut alors demander une réouverture des débats.

L'article est adopté à l'unanimité des 8 membres présents.

Article 5

Cet article règle le recours devant la chambre du conseil contre une mesure privative de liberté. L'étranger retenu aux frontières et auquel l'accès au Royaume est refusé peut, s'il n'a pas introduit de demande d'asile ou si la demande a été déclarée irrecevable, être maintenu pendant deux mois dans un lieu déterminé situé aux frontières, sans que cela puisse faire l'objet d'un recours.

Dans son avis, la Commission de la Justice s'est penchée sur la question de savoir si cette disposition violait l'article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (voir doc. Sénat 1-311/4, pp. 7-16).

Il semble que l'on puisse conclure provisoirement que la Cour européenne des droits de l'homme n'a pas (encore) décidé que l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme était applicable à ce maintien. Même si la Cour européenne devait décider que l'article 5 est applicable, le ministre estime que le délai prévu est raisonnable et répond, dès lors, aux conditions de la Convention susvisée.

Dans sa conclusion, la Commission de la Justice dit (p. 47) que le suivi de cette discussion est un élément essentiel de la construction juridique élaborée par le projet de loi.

Un commissaire fait observer que, sur le plan du droit, la distinction entre les personnes maintenues à la frontière et celles qui sont privées de leur liberté alors qu'elles se trouvent dans le pays est purement technique, alors qu'en fait, ces personnes se trouvent dans une situation identique. Elles devraient donc avoir la même possibilité de recours. Une discussion a eu lieu sur ce point en Commission de la Justice, mais sans qu'un avis soit donné.

Le ministre répond que la différence de fait est que l'étranger retenu aux frontières peut partir plus facilement.

Le choix entre quitter immédiatement le pays et être maintenu est beaucoup plus évident à la frontière. La Commission de la Justice fait état des considérations qui ont été évoquées au cours de la discussion, mais considère que c'est à la présente commission qu'il appartient de statuer en la matière.

Une autre commissaire signale que ce point occupe près de la moitié du rapport de la Commission de la Justice.

Elle souligne en outre qu'il s'agit d'un point important. Les personnes retenues aux frontières doivent également avoir une possibilité réelle de retour. Souvent, elles ne peuvent pas rejoindre leur pays d'origine. Procède-t-on à une vérification concrète sur ce point ? L'intervenante estime qu'un contrôle judiciaire est souhaitable et nécessaire en la matière.

Elle signale toutefois que le problème n'est pas nouveau : cette réglementation est déjà prévue par la loi actuelle sur les étrangers depuis 1991.

Le ministre reconnaît qu'il faut vérifier si la possibilité de retour est réelle. Cela dépend toutefois en partie de l'intéressé lui-même : ou bien il demande immédiatement asile et il ne relève pas de cette disposition, ou bien il ne demande pas asile et il peut alors repartir. Si l'intéressé lui-même n'objecte pas dans ce cas qu'il court un danger dans son pays d'origine, on peut raisonnablement supposer qu'il n'y a aucun problème. En outre, on sait dès le moment où l'étranger pénètre chez nous quel est son pays d'origine, alors qu'il n'en est pas ainsi de l'étranger qui se trouve déjà sur le territoire ­ l'origine peut alors être contestée.

Ces deux situations sont donc vraiment différentes. Ce n'est que lorsque le rapatriement au départ des frontières dure plus de deux mois qu'un recours est possible devant la chambre du conseil contre la prolongation du maintien.

Dans la pratique, toutefois, la plupart des étrangers sont placés dans le premier vol de retour.

Un troisième intervenant peut difficilement se rallier au principe selon lequel une personne peut être maintenue pendant deux mois sans qu'il existe la moindre possibilité de recours. Il demande si ce problème spécifique ne doit pas être évalué sur une base régulière (nombre de personnes, durée moyenne du maintien, problèmes relatifs au retour) par le Parlement.

Le ministre se rend compte que l'application de la loi projetée doit faire l'objet d'une évaluation. Ces derniers temps, la situation de ces personnes a changé partout en Europe. Alors que, dans la plupart des aéroports, elles ne pouvaient séjourner que dans la zone de transit, la B.A.T.C. (Brussels Airport Terminal Company) veille maintenant à ce qu'elles soient accueillies au centre I.N.A.D.S. (Inadmissible passengers). À partir du 1er juillet, les autorités administreront elles-mêmes ce centre, tandis que la B.A.T.C. restera chargée de l'approvisionnement en nourriture. Le ministre communiquera régulièrement au Parlement les données chiffrées exactes y afférentes.

Un commissaire déplore que la commission ne dispose pas encore actuellement de chiffres précis et que le ministre se contente d'affirmer que la plupart des personnes retenues aux frontières peuvent être renvoyées immédiatement ou partir volontairement. Mais de combien de personnes s'agit-il ? Quelle est la durée moyenne du maintien ?

Le ministre répond que toutes ces données figurent dans le rapport de la Chambre des représentants (doc. Ch. 364/8 - 95/96). Il ne manquera pas de communiquer ces chiffres à la commission.

Un membre demande si et comment une personne maintenue est informée des possibilités de recours dont elle dispose. Le ministre a fait référence à ce propos au règlement du centre. L'intervenant estime toutefois que cela n'offre pas de garanties formelles suffisantes.

En outre, la loi ­ et plus particulièrement l'article 63 ­ contient des dispositions qui énumèrent les cas dans lesquels les intéressés doivent être informés des possibilités de recours. Comme, dans certains cas, cette obligation n'est pas explicitement prévue, l'on pourrait conclure a contrario que l'intéressé ne doit pas être informé.

Le ministre estime que la législation actuelle offre suffisamment de garanties. La loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs prévoit que l'acte juridique unilatéral de portée individuelle ­ par exemple, la prolongation du maintien ­ doit faire l'objet d'une motivation formelle. En pratique, cela signifie que l'acte administratif doit faire mention des considérations juridiques et des faits.

L'article 63 de la loi du 15 décembre 1980 dispose expressément que la notification des décisions prévues à certains articles indique les recours prévus par la loi et le délai dans lequel ceux-ci peuvent être exercés.

L'article 12 du règlement interne du centre prévoit que l'occupant reçoit un exemplaire du règlement interne du centre concerné et est avisé des dispositions réglementaires et légales auxquelles il est assujetti; il est aussi informé des raisons de son maintien et des possibilités de recours. Le fonctionnaire qui ne respecte pas ce règlement peut évidemment encourir une sanction.

En outre, ce règlement permet un accès plus aisé au centre pour la famille ou les avocats. Un contrôle extérieur assure donc également le respect du règlement.

Enfin, citons encore la circulaire et la Charte de l'utilisateur des services publics du 12 janvier 1993. Ces directives formelles répètent elles aussi que les actes administratifs de portée individuelle doivent être motivés.

Il existe donc différentes dispositions qui contiennent des garanties légales et formelles d'information. Selon le Conseil d'État, la sanction prévue en cas de violation de l'obligation légale d'indiquer les possibilités de recours consiste à adapter le délai de recours. La même sanction est d'ailleurs appliquée quand une décision est insuffisamment motivée.

Enfin, citons également la loi relative à la publicité de l'administration, dont une disposition prévoit que tout acte administratif à portée individuelle indique les voies éventuelles de recours. Il s'agit d'une loi générale, applicable à tous les actes administratifs à portée individuelle.

La loi relative à la publicité de l'administration complète donc l'article 63 de la loi du 15 décembre 1980 et en élargit la portée.

Un membre fait remarquer que l'on pourrait supprimer, à l'article 63, la disposition concernant la notification des possibilités de recours puisqu'elle s'avère superflue.

Le ministre s'y refuse : en effet, cela reviendrait à supprimer, dans la loi sur les étrangers, la confirmation d'un principe de portée générale. Aussi pourrait-on conclure a contrario que le but recherché est de limiter l'obligation de notifier des possibilités de recours aux étrangers.

Le ministre confirme donc explicitement que la loi relative à la publicité de l'administration est applicable sans aucune restriction aux décisions relatives aux étrangers, ce qui concerne tant l'obligation de motiver les décisions que l'obligation de notifier des possibilités de recours.

M. Boutmans dépose un amendement (nº 4) tendant à lever l'ambiguïté dans la loi sur les étrangers, et libellé comme suit :

« Compléter l'article 71 proposé par un nouvel alinéa rédigé comme suit :

« L'étranger qui, sur la base des dispositions visées au présent article, fait l'objet d'une mesure privative de liberté, doit être informé dans les vingt-quatre heures, dans une langue qu'il comprend, des raisons de son arrestation et, le cas échéant, du contenu de l'ordre de quitter le territoire. »

Le ministre fait remarquer que l'article 5.2 de la C.E.D.H. ne s'applique pas au maintien à la frontière. Lorsqu'il s'agit, comme dans le cas présent, d'un acte administratif, c'est la loi sur la publicité de l'administration qui est applicable. Cette loi ne contient toutefois pas de dispositions relatives à l'exigence linguistique ou au délai de 24 heures qui sont prévus dans l'amendement. Le ministre est d'avis qu'une telle disposition serait difficilement applicable dans la pratique. Elle est superflue dans les cas auxquels l'article 5 de la C.E.D.H. est applicable.

MM. Boutmans et Jonckheer déposent un autre amendement (amendement nº 1; voir aussi l'avis de la Commission de la Justice 1-311/4, p. 24).

« Remplacer cet article par le texte suivant :

« L'article 71 de la même loi, modifié par la loi du 6 mai 1993, est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. 71. ­ L'étranger qui fait l'objet d'une mesure privative de liberté prise en application des articles 7, 25, 27, 29, deuxième alinéa, 51/3, § 3, quatrième alinéa, 52bis, quatrième alinéa, 54, 63/5, troisième alinéa, 67 et 74/6 peut introduire un recours contre cette mesure en déposant requête à la chambre du conseil du tribunal de première instance du lieu de sa résidence, du lieu où il a été trouvé ou du lieu où il est détenu.

L'étranger dont le maintien dans un lieu déterminé situé aux frontières est prolongé conformément à l'article 74/5, § 3, peut introduire un recours contre cette mesure en déposant requête à la chambre du conseil du tribunal de première instance du lieu où il est maintenu. Le recours est introduit par requête, signée par lui-même ou son avocat et déposée ou envoyée au greffe.

L'intéressé peut réintroduire le recours visé aux alinéas précédents de mois en mois.

Toutefois, lorsque, conformément à l'article 74, le ministre a saisi la chambre du conseil, l'étranger ne peut introduire le recours visé aux alinéas précédents contre la décision de prolongation du délai de la détention ou du maintien qu'à partir du trentième jour qui suit la prolongation. »

L'auteur de l'amendement veut surtout permettre à l'avocat de l'étranger de signer le recours contre la mesure de maintien. En effet, plusieurs chambres du conseil estiment que la requête doit être signée par l'intéressé lui-même.

Le ministre ne conteste pas que telle n'a jamais été l'intention du législateur. Même dans sa forme actuelle, l'article 71 permet à un avocat de signer au nom de l'étranger qu'il défend. Dans la pratique, des requêtes sont rejetées parce qu'elles n'ont pas été signées par l'étranger même.

C'est pourquoi l'auteur de l'amendement propose d'inscrire explicitement cette possibilité dans la loi.

L'amendement permet en outre d'envoyer simplement la requête par la poste.

Le ministre répond que cet amendement est superflu. La Commission de la Justice est en train d'examiner la loi sur la détention préventive. Il estime que, au besoin, le problème pourra être réglé par le biais de cette loi-là. Il confirme cependant à nouveau que la requête peut être signée par un avocat. La jurisprudence de la Cour de cassation le confirme d'ailleurs.

À la demande du président, un sénateur confirme que M. Coveliers retire tous ses amendements aux lois en projet.

Par conséquent, l'amendement nº 11 est retiré.

MM. Boutmans et Daras déposent un troisième amendement (amendement nº 7), libellé comme suit :

« Compléter l'article 71 proposé, qui deviendra le § 1er , par un § 2 (nouveau), libellé comme suit :

« § 2. La mesure privative de liberté attaquée prend fin soit lorsque l'étranger a effectivement quitté le territoire, soit par la décision judiciaire définitive ordonnant sa mise en liberté. Si une nouvelle mesure privative de liberté est prise au cours de la procédure, l'appréciation de cette dernière est déférée de plein droit à la juridiction qui a été saisie de l'affaire, et qui rouvrira le débat s'il y a lieu. »

Cet amendement vise avant tout à mettre fin aux procédures en cascade que l'étranger doit suivre lorsque la chambre du conseil estime qu'un recours contre une mesure privative de liberté n'a plus de raison d'être parce que l'intéressé fait l'objet d'une nouvelle mesure privative de liberté. Il s'ensuit que l'étranger doit recommencer toute la procédure de mise en liberté.

Les auteurs proposent donc de joindre les nouvelles mesures privatives de liberté à la procédure en cours. L'on évite ainsi, à l'étranger comme à l'administration, une bataille de procédure inutile.

Le ministre tient d'abord à souligner que la procédure actuelle offre en tout cas suffisamment de sécurité juridique. De plus, la procédure devant la chambre du conseil est brève et comporte peu de formalités. À son avis, joindre une nouvelle décision à la procédure en cours comporte certains risques pour les droits de la défense. L'intéressé disposera-t-il d'un laps de temps suffisant pour se préparer à une nouvelle mesure de l'administration ?

D'après le ministre, cela pourrait rapidement aboutir à une situation qui compromettrait les droits de défense de l'étranger.

En outre, lorsque l'administration prend une nouvelle décision, elle ne peut en aucune manière vider de sa substance la requête de mise en liberté qui, en vertu de la loi, peut être introduite de mois en mois. Les chambres du conseil ne peuvent accepter une telle atteinte au droit de recours qui est consacrée par la loi.

Il admet que, dans le système actuel, il n'est pas exclu qu'une nouvelle décision oblige l'étranger à entamer une nouvelle procédure, mais il est certain que l'administration ne fait pas un usage systématique de cette possibilité.

Le ministre cite à cet égard un arrêt de cassation relatif à une personne qui avait introduit, le 23 avril 1990, une demande d'asile. Celle-ci fut rejetée et cette personne reçut l'ordre de quitter le territoire le 20 avril 1994. À trois reprises, la demande d'asile a été renouvelée, mais elle fut à chaque fois rejetée. L'étranger fut contrôlé le 1er février 1996 et l'on constata son refus manifeste de quitter le pays. Un renvoi aux frontières lui fut notifié le 1er février 1996 et il fut détenu dans ce but.

L'Office des étrangers organisa le rapatriement le 25 février, à 23 h 10. Lorsqu'il arriva à l'aéroport, il manifesta soudain son opposition, alors que rien ne le laissait présumer, et on le ramena au centre fermé. On a mis fin à sa détention au moment où il est arrivé à Zaventem. Une seconde décision de détention a ensuite été prise. Il a introduit un recours contre la première décision, mais pas contre la deuxième.

Compte tenu de cette situation, la Cour de cassation a déclaré sans objet le recours contre la première décision.

Ce cas démontre clairement que l'on ne recourt pas systématiquement à ce moyen.

Il conclut en répétant que, dans son état actuel, le texte de la loi offre davantage de garanties d'équilibre entre les parties. Il préfère que pour une nouvelle décision de l'administration, l'on soit tenu d'engager une nouvelle procédure afin de garantir les droits de l'étranger. Il dément l'affirmation selon laquelle on abuserait systématiquement de cette procédure pour vider le droit de recours de sa substance.

Enfin, un commissaire demande si, dans la disposition contenue au dernier alinéa de cet article, « à partir du trentième jour qui suit la prolongation » signifie à partir du début de la prolongation.

Le ministre confirme que le délai prend cours à partir du premier jour de la nouvelle prolongation.

L'amendement nº 1 de MM. Boutmans et Jonckheer est rejeté à l'unanimité par les 13 membres présents.

L'amendement nº 4 de M. Boutmans est rejeté par 12 voix et 1 abstention.

L'amendement nº 7 de MM. Boutmans et Daras est rejeté par 12 voix et 1 abstention.

L'amendement nº 11 de M. Coveliers est retiré.

L'article est adopté par 10 voix contre 1 et 2 abstentions.

Article 6

Cet article règle les modalités à respecter pour déposer une requête à la chambre du conseil. Il dispose également que celle-ci doit statuer dans les cinq jours ouvrables. Si elle ne respecte pas ce délai, l'étranger est mis en liberté. Contrairement à ce qui est le cas dans la loi sur la détention provisoire, il est question de jours ouvrables et non pas de jours civils, si bien que la chambre du conseil, qui ne gère pas le dossier, dispose d'un peu plus de temps pour l'examiner.

Cet article règle également les modalités d'exercice du droit de recours.

Un commissaire déplore que la chambre du conseil ne puisse pas apprécier l'opportunité de la décision de prolongation de la détention. Pourtant, si elle le pouvait, cela serait conforme à la philosophie générale de la loi en projet : soit l'on opte pour une période de détention très courte et la chambre du conseil se contente d'apprécier la légalité de la décision, soit l'on prévoit la possibilité d'une détention très longue, auquel cas il serait souhaitable que la chambre du conseil puisse également apprécier l'opportunité de celle-ci. La loi en projet élargit considérablement la possibilité de maintenir quelqu'un en détention. Dans ces conditions, l'on ne peut pas admettre que la chambre du conseil ne puisse pas se prononcer sur l'opportunité de cette détention.

L'intervenant estime d'ailleurs qu'il faudrait inscrire, dans la loi en projet, un quatrième critère, justifiant l'exercice d'un pouvoir d'appréciation par la chambre du conseil, à savoir l'existence d'indications sérieuses que l'étranger tentera de se soustraire à l'application de la mesure en question.

M. Anciaux considère que son amendement (nº 6) répond au moins en partie à ces objections :

« Compléter cet article par un 3º, rédigé comme suit :

« 3º le deuxième alinéa est remplacé par la disposition suivante :

« La chambre du conseil vérifie si les mesures privatives de liberté et d'éloignement du territoire sont conformes à la loi. L'ordonnance de la chambre du conseil précise quelles sont les raisons qui rendent la détention nécessaire et indique notamment si la procédure d'éloignement qui peut entraîner un éloignement effectif a été engagée sans délai et avec le soin nécessaire. »

M. Boutmans estime que l'amendement (nº 8) qu'il a déposé à cet article résout également le problème :

« Insérer à cet article un 1ºbis (nouveau), rédigé comme suit :

« 1ºbis le deuxième alinéa est supprimé. »

En effet, cet amendement supprime la disposition interdisant à la chambre du conseil de se prononcer sur « l'opportunité » de la mesure privative de liberté.

Le ministre estime qu'il n'appartient pas au juge d'apprécier les raisons pour lesquelles une personne est maintenue en détention.

En ce qui concerne le quatrième critère d'appréciation de la mesure de détention, le ministre déclare qu'en règle générale, les étrangers qui font l'objet d'une telle mesure sont des personnes qui n'ont pas donné suite à un ordre de quitter le territoire. Il existe donc bel et bien des cas dans lesquels l'administration dispose de motifs sérieux justifiant la détention d'une personne, en vue de son éloignement : l'étranger indique par ses actes qu'il ne donnera pas suite volontairement à l'ordre de quitter le territoire.

C'est donc à l'autorité politique qu'il revient de décider de la détention et de constater qu'une personne qui a reçu l'ordre de quitter le territoire ne s'exécute pas. Le ministre souligne que la loi en projet prévoit un renforcement du contrôle de la chambre du conseil en ce sens :

­ que l'autorité doit démontrer qu'elle fait tout pour permettre l'expulsion;

­ que l'expulsion doit pouvoir se faire dans un délai raisonnable.

Ces critères constituent donc une garantie supplémentaire en ce qui concerne le contrôle de la légalité de la détention.

D'après un sénateur, cela signifie que l'on se sert de la détention comme d'une sorte de sanction contre ceux qui ont réfusé de donner suite à un ordre de quitter le territoire, alors qu'il faudrait l'utiliser uniquement pour permettre une expulsion effective. Il trouve choquant l'argument du ministre selon lequel le fait qu'une personne n'a pas donné suite à un ordre de quitter le territoire constitue une raison suffisante pour la mettre en détention.

Pour éviter que l'on ne se serve de la détention comme d'une sanction, l'on devrait permettre à la chambre du conseil d'en apprécier l'opportunité.

Le ministre répond que les conditions prévues par la loi empêchent de recourir au maintien comme sanction. Si quelqu'un refuse de donner suite à l'ordre de quitter le territoire, le maintien constitue néanmoins une mesure nécessaire pour que l'on puisse procéder à l'éloignement. Mais l'administration devra prouver que l'éloignement est effectivement possible dans un délai raisonnable.

Toutefois, le juge ne peut pas se prononcer sur le bien-fondé de la décision privative de liberté dans un cas individuel.

Le ministre n'est donc pas d'accord avec le conseiller Gillardyn lorsque ce dernier dit que la chambre du conseil devrait également contrôler l'opportunité du maintien. Le juge apprécie bien la légalité, mais non l'opportunité d'une décision prise par une autorité politique.

MM. Boutmans et Jonckheer déposent à cet article un troisième amendement (nº 8), libellé comme suit :

« Au premier alinéa de l'article 72 proposé, remplacer :

A. les mots « du dépôt de la requête » par les mots « de la réception de la requête au greffe »;

B. dans le texte néerlandais, les mots « de raadkamer gevat heeft » par les mots « de zaak bij de raadkamer aangebracht heeft ».

Le ministre demande le rejet de cet amendement : la réglementation actuelle est identique à celle de la détention préventive. Il n'est pas souhaitable de prévoir deux procédures différentes.

MM. Boutmans et Daras déposent un quatrième amendement (nº 9), rédigé comme suit :

« Compléter cet article par un 3º (nouveau), rédigé comme suit :

« 3º au quatrième alinéa, les mots « y compris celles de l'article 31, § 1er à 4 », sont insérés entre les mots « détention préventive » et « sauf celles ».

Le ministre estime que l'arrêt de cassation unique invoqué par l'un des auteurs de l'amendement n'est pas conforme à l'intention du législateur (voir également l'avis de la Commission de la Justice 311/4, p. 29).

Un cinquième amendement (nº 10) déposé par MM. Boutmans et Daras est libellé comme suit :

« Compléter le premier alinéa de l'article 72, proposé au 1º de cet article, par la phrase suivante :

« À moins que la publicité ne soit dangereuse pour l'ordre ou les moeurs, l'affaire est examinée en audience publique et la décision est rendue publiquement. »

Le ministre conteste que cet amendement soit nécessaire pour conformer la loi projetée à notre Constitution et à la Convention européenne des droits de l'homme. Il ne sait pas pourquoi la publicité devrait être de règle. Il n'y a pas seulement la conformité formelle à la procédure en matière de détention préventive, ce qui en soi est un gage de bonne procédure. Il y a aussi que le maintien n'est pas une condamnation pénale, mais l'application d'une décision administrative suivant des règles précises. La publicité n'offre aucun avantage à l'étranger.

L'amendement nº 12 de M. Coveliers a été retiré.

L'amendement nº 2 de MM. Boutmans et Jonckheer est rejeté par 12 voix et 1 abstention.

L'amendement nº 6 de M. Anciaux est rejeté à l'unanimité des 13 membres présents.

L'amendement nº 8 de MM. Boutmans et Daras est rejeté par 11 voix et 2 abstentions.

L'amendement nº 9 des mêmes auteurs est rejeté par 10 voix et 3 abstentions.

L'amendement nº 10 des mêmes auteurs est rejeté à l'unanimité des 13 membres présents.

L'article est adopté par 11 voix contre 1 et 1 abstention.

Article 7

À cet article, MM. Boutmans et Jonckheer déposent un premier amendement (nº 3), libellé comme suit :

« Dans le texte néerlandais de l'article 74 proposé, remplacer les mots « bij verzoekschrift de raadkamer te vatten » jusqu'à « werd aangetroffen » par les mots « een verzoekschrift in bij de raadkamer van de verblijfplaats van de vreemdeling in het Rijk of van de plaats waar hij werd aangetroffen » et les mots « Indien de raadkamer » jusqu'à « gevat werd » par les mots « Indien het verzoekschrift niet binnen de gestelde termijn is ingediend. »

Le ministre renvoie à sa réponse concernant l'amendement nº 1 à l'article 5.

L'amendement est rejeté par 10 voix et 3 abstentions.

L'amendement nº 13 de M. Coveliers a été retiré.

L'article est adopté par 11 voix contre 1 et 1 abstention.

Article 8

Le ministre signale que les dispositions transitoires prévoient que la réglementation linguistique prévue peut déjà être appliquée à certains niveaux.

L'article est adopté à l'unanimité des 8 membres présents.

Article 9

L'article est adopté à l'unanimité des 8 membres présents.

L'ensemble du projet de loi a été adopté par 10 voix contre 1 et 2 abstentions.

V. Évaluation par le Parlement

En conclusion, une sénatrice demande que le ministre confirme sa volonté de fournir tous les trois mois, dans une sous-commission spéciale de la Commission de l'Intérieur, un rapport et une évaluation portant sur les éléments suivants :

­ la politique de détention (notamment la durée moyenne, le nombre de l'ensemble des privations de liberté, en ce compris le maintien à la frontière prévu à l'article 74/5, § 3, en application du projet de loi précité, nombre des mises en liberté, etc.);

­ la politique de régularisation (nombre et raisons des régularisations intervenues);

­ la politique de sanctions à l'égard des transporteurs (nombre et motifs des sanctions à l'égard des transporteurs);

­ la politique d'éloignement (nombre de personnes éloignées, méthode d'éloignement);

­ la situation des étrangers qui ont fait l'objet d'une décision de refus de statut de réfugié mais qui, pour des raisons de politique interne, ne peuvent retourner dans leur pays d'origine (nombre et type d'aide octroyée, etc.);

­ le nombre de cas d'ordre de quitter le territoire sur base de l'article 7, 7º, et le type de maladies invoquées.

Tous ces points sont ceux qui ont fait l'objet de la crainte et des objections manifestés par les membres de la commission (voir aussi p. 35).

Plusieurs membres s'associent à cette question. Cette forme de contrôle permanent permettrait au Parlement de vérifier si les règles en matière de détention sont strictement respectées et de suivre de près l'évolution de ces dossiers.

Le ministre dit constater que le Parlement souhaite suivre de près l'application de la loi en projet. Il s'en réjouit et estime même souhaitable que le Parlement continue à le faire.

C'est pourquoi le projet de loi prévoit que les règlements devront être fixés par arrêté royal et que des contrats de gestion, qui permettront d'établir des directives claires, devront être conclus avec les différents services concernés.

En outre, il ne voit aucune objection à informer régulièrement les commissions compétentes de la Chambre et du Sénat sur l'ensemble des aspects de la politique des étrangers.

Un sénateur estime que l'évaluation n'est qu'un pis-aller pour une loi qui, par essence, est mauvaise. Du reste, il incombe au Parlement de contrôler et d'évaluer en permanence les interventions des pouvoirs publics.

Le ministre craint que la commission ne veuille donner une interprétation trop large de l'évaluation. Si l'évaluation trimestrielle doit être aussi circonstanciée qu'on le précise ci-dessus, le service d'études de l'Office des étrangers risque de ne plus pouvoir s'occuper d'autre chose.

En outre, une évaluation aussi large et continue peut être ressentie par l'administration comme un signe de méfiance.

Un commissaire nie l'existence d'une quelconque méfiance à l'égard de l'administration. Il n'est pas exagéré, par ailleurs, de demander des informations sur le déroulement effectif de procédures susceptibles d'agir aussi fortement sur les libertés et les droits fondamentaux. Du reste, l'évaluation proposée n'est pas une évaluation des services, elle porte sur les options politiques prises par le Gouvernement et le Parlement.

En outre, on ne s'attend pas non plus à ce que le ministre présente un ouvrage volumineux chaque trimestre. De nombreux points peuvent déjà être évalués sur la base de quelques données chiffrées qui, avec un minimum d'organisation et d'informatisation, sont faciles à rassembler.

Un autre membre demande si le ministre voit une variante à l'évaluation trimestrielle telle que la commission la propose.

Le ministre ne s'oppose pas à la fréquence proposée de l'évaluation. Si néanmoins l'administration doit chaque fois réunir toutes les données susvisées, cela représente en tout cas une somme de travail impressionnante, quel que soit le mode d'organisation de la collecte d'informations.

En outre, noyé dans le flot de données détaillées, on risque de négliger les évolutions fondamentales.

Plusieurs commissaires se rallient à la thèse selon laquelle l'évaluation doit concerner non pas les faits divers, mais les grandes tendances.

Le ministre propose le plan d'évaluation suivant :

1. Il faudra, en exécution de la loi en projet, élaborer une série de contrats de gestion (notamment avec l'Office des étrangers, la Commission de recours, le Commissaire général, la gendarmerie, etc.). En outre, un arrêté royal relatif à la détention dans les centres fermés devra également être pris. Ces documents pourront être soumis à évaluation début octobre 1996.

2. Vers la fin de l'année, une première analyse complète et chiffrée sera présentée.

3. En mai 1997 sera présentée une deuxième analyse chiffrée.

4. En septembre 1997, les résultats de l'évaluation prévue à l'article 69 seront présentés aux Chambres fédérales.

L'intervenant propose de rédiger à l'intention du Parlement aux mois d'octobre, de janvier et de mai, par exemple, un rapport sur l'application de la loi.

Les Commissions de l'Intérieur de la Chambre et du Sénat pourront alors décider de la manière dont elles organiseront la discussion de ce rapport.

Le même membre se réjouit de la réponse du ministre, mais il se demande s'il ne serait pas souhaitable de créer, au sein de la Commission de l'Intérieur, un groupe de travail qui assurerait un suivi structuré de ces problèmes.

Un deuxième intervenant partage les idées du préopinant et renvoie à l'avis de la commission, où il est très explicitement dit :

« Le suivi et l'évaluation de la durée de la privation de liberté, et le contrôle de l'exécution des mesures qui sont requises pour la bonne exécution de la loi, doivent constituer un élément essentiel de la construction juridique élaborée par le projet de loi » (voir doc. parl. Sénat 311/4, p. 47).

La commission se réjouit que l'évocation ait mené à un résultat tangible, sur ce point en tout cas. En effet, le rapport de la Chambre indique (à la page 27) que le ministre ne ferait qu'une seule fois rapport au Parlement.

Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 8 membres présents.

La Rapporteuse,
Sabine de BETHUNE.
Le Président,
Charles-Ferdinand NOTHOMB.

(1) En remplacement du doc. 1-310/6 distribué précédemment.