5-34/1 | 5-34/1 |
31 AOÛT 2010
La présente proposition de résolution reprend, moyennant quelques modifications, le texte d'une proposition qui a déjà été déposée au Sénat le 2 février 2009 (doc. Sénat, nº 4-1156/1 - 2008/2009).
Conformément aux conventions de Genève et de Vienne et à des accords bilatéraux, des ressortissants de nombreux pays résidant sur notre territoire pour une période prolongée peuvent échanger leur permis de conduire national contre un permis de conduire belge auprès de l'administration de la commune dans laquelle ils sont domiciliés, pour autant que ce permis de conduire national ait été obtenu avant leur séjour en Belgique. Cet échange a lieu sans beaucoup d'autres formalités et, en réalité, sur la base de la forme extérieure des permis de conduire, comme le prévoient les conventions précitées. Les intéressés ne doivent ainsi pas passer d'examen relatif à leurs connaissances théoriques de notre code de la route ni d'examen pratique leur permettant d'établir effectivement leur aptitude à la conduite.
Ces conventions internationales et bilatérales ont également eu des répercussions dans la législation et la réglementation belges, notamment dans l'article 23, § 2, de la loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière et dans l'arrêté royal du 23 mars 1998 relatif au permis de conduire.
De cette manière, de nombreux permis de conduire belges ont été délivrés ces dernières années à des étrangers en échange de leur permis de conduire national. Pas moins de 81 364 échanges ont eu lieu de 1999 à 2007 inclus. Depuis 2003, l'on procède à plus de 10 000 échanges par an et ce chiffre augmente tous les ans. L'on remarque à cet égard que ces échanges concernent surtout des permis délivrés par des pays situés sur des continents qui posent problème dans la pratique, comme on pourra le constater ci-après dans ces développements. En 2007, 12 088 échanges ont eu lieu; 6 305 concernaient des permis de conduire délivrés par un pays africain et 3 008 des permis délivrés par un pays asiatique.
En principe, cette pratique d'échange de permis de conduire devrait poser peu de problèmes.
La convention de Vienne dispose en effet en son article 41 que les parties contractantes s'engagent à faire en sorte que les permis de conduire ne soient délivrés qu'après vérification par les autorités compétentes que le conducteur détient les connaissances et capacités requises. Les personnes habilitées à effectuer cette vérification doivent détenir les qualifications appropriées. Le contenu et les modalités des épreuves théorique et pratique sont définis par la législation nationale.
En ce qui concerne les accords bilatéraux, la Belgique a carte blanche. En d'autres termes, il est possible de mener une politique consistant à ne conclure des accords en la matière qu'après qu'un examen a établi que le pays en question offre les garanties nécessaires quant à la qualité de la formation et des épreuves pratique et théorique que l'intéressé doit passer avant de se voir délivrer un permis de conduire.
Dans un certain nombre de pays, essentiellement, mais pas uniquement, en Afrique, la situation est cependant tout autre dans la pratique. Les abus sont monnaie courante dans plusieurs pays avec lesquels il existe des accords d'échange. En conséquence, les ressortissants de ces pays qui sont titulaires d'un permis de conduire national sans pour autant disposer des compétences nécessaires constituent plutôt la règle que l'exception. Les causes sont multiples. Du fait d'une corruption à grande échelle dans certains de ces pays, des permis de conduire officiels peuvent être achetés sans la moindre difficulté et sans que les intéressés aient dû prouver qu'ils disposaient d'une quelconque connaissance du code de la route ou d'une quelconque aptitude à la conduite. Dans d'autres pays, le permis de conduire est pour ainsi dire délivré sur simple demande. La procédure d'obtention d'un permis de conduire dans un pays donné n'a en effet guère, voire pas d'incidence sur la reconnaissance et, dès lors, sur l'échange des permis de conduire. Dans certains autres pays, c'est la falsification à grande échelle des permis de conduire qui constitue un gros problème. Compte tenu du fait que l'échange de permis de conduire se fait à la maison communale et que les fonctionnaires communaux ne sont en règle générale pas équipés pour distinguer les faux des vrais, nombre de faux permis de conduire étrangers sont échangés contre de vrais permis de conduire belges dont la validité est illimitée. Il n'est dès lors pas fortuit que l'Office central pour la répression des faux ait intercepté pas moins de 1 982 faux permis de conduire non européens en Belgique en 2007. Lorsque l'on sait que 11 002 permis de conduire étrangers non européens ont été échangés au cours de la même année, l'on se rend compte de l'ampleur du problème, d'autant que ces 1 982 faux permis de conduire interceptés ne sont probablement que la pointe de l'iceberg.
D'ailleurs, il ne s'agit pas en l'espèce d'une situation donnée à un moment précis: interrogé à ce sujet, le secrétaire d'État à la Mobilité (Chambre des représentants, 9 février 2009) a confirmé que pas moins de 2 000 faux permis sont interceptés chaque année. Il a d'autre part souligné que la validité des permis de conduire « authentiques » peut également être remise en cause: « Dans certains cas, nous pouvons aussi présumer que le permis de conduire a carrément été acheté dans le pays d'origine. »
Lorsque l'on permet à ce genre de personnes de conduire en Belgique, qu'elles soient ou non titulaires d'un permis de conduire belge échangé, elles représentent un danger pour la sécurité sur la voie publique. L'auteur de la présente proposition de résolution estime que ce risque est inacceptable et que les avantages des accords en question — à savoir qu'en retour les Belges peuvent échanger leur permis de conduire dans les pays avec lesquels des accords ont été conclus — ne contrebalancent aucunement leurs inconvénients, c'est-à-dire le danger sur nos voies publiques.
Un certain nombre de pays voisins sont déjà arrivés à une conclusion semblable. Le gouvernement néerlandais ne conclut d'accord en matière d'échange de permis de conduire avec pour ainsi dire aucun pays. Le permis de conduire national des étrangers qui résident aux Pays-Bas est valide durant 185 jours à compter de leur inscription dans une commune. S'ils veulent encore conduire un véhicule aux Pays-Bas par la suite, ils doivent disposer d'un permis de conduire néerlandais qu'ils ne peuvent obtenir qu'après avoir passé les examens pratique et théorique, conformément à la réglementation néerlandaise en vigueur. Jusqu'à présent, un accord bilatéral permettant d'échanger des permis de conduire n'a été conclu qu'avec sept pays, après un examen approfondi. Ces pays sont Taiwan, Israël, le Japon, Singapour, Andorre, la Corée du Sud et la province canadienne de Québec.
L'auteur de la présente proposition de résolution considère en tout cas que la politique belge actuelle permettant d'échanger des permis de conduire étrangers contre un permis de conduire belge sans le moindre contrôle complémentaire de l'aptitude à la conduite et des connaissances de l'intéressé ne se justifie plus. Elle propose dès lors que l'administration, après avoir, si nécessaire, effectué les recherches qui s'imposent, dresse une liste de pays avec lesquels la Belgique a un accord d'échange de permis de conduire mais dont le permis national ne garantit manifestement pas ou pas suffisamment que son titulaire possède les capacités théoriques et pratiques de conduite nécessaires pour pouvoir circuler de façon responsable sur nos routes. Par la suite, les accords avec les pays concernés devront être rompus ou revus, en ce sens que l'échange ne puisse plus avoir lieu que si les intéressés ont passé une épreuve théorique et pratique conformément à la réglementation du pays dont ils souhaitent obtenir le permis de conduire.
Dans le passé, la Belgique a déjà résilié de tels accords bilatéraux avec le Bangladesh, le Pakistan et l'Inde. Cela n'a pas automatiquement mené à des représailles. Dans le cas de l'Inde, les autorités étaient parfaitement conscientes qu'elles étaient elles-mêmes à l'origine du problème. Du reste, notre proposition va beaucoup moins loin que celle de la ministre flamande de la Mobilité de l'époque, Kathleen Van Brempt (sp.a), qui a demandé « d'annuler tous les traités en la matière, et de résilier sans hésiter les accords bilatéraux ».
Anke VAN DERMEERSCH. |
Le Sénat,
A. Vu la convention sur la circulation routière du 8 novembre 1968 (convention de Vienne, remplaçant la convention de Genève du 19 septembre 1949);
B. Vu les accords bilatéraux avec un certain nombre de pays en matière de reconnaissance mutuelle de permis de conduire nationaux;
C. Vu l'article 23, § 2, de la loi relative à la police de la circulation routière;
D. Vu l'arrêté royal du 23 mars 1998 relatif au permis de conduire;
E. Considérant que, pour plusieurs pays avec lesquels il existe des accords d'échange de permis de conduire, le fait d'avoir un permis de conduire national ne garantit pas suffisamment que son titulaire dispose de l'aptitude théorique et pratique de conduite;
F. Considérant que cela représente un grand danger pour la sécurité dans la circulation routière;
G. Considérant qu'il est par conséquent nécessaire d'identifier les pays qui posent problème à cet égard;
H. Considérant qu'il est nécessaire de revoir ces accords d'échange en ce sens qu'il ne puisse plus être procédé à l'échange des permis de conduire que si les intéressés ont passé un examen théorique et pratique au préalable, tel qu'imposé aux Belges qui souhaitent se voir délivrer un permis de conduire,
Demande au gouvernement fédéral:
1. De faire établir par l'administration une liste des pays avec lesquels un accord bilatéral a été conclu en matière d'échange de permis de conduire et pour lesquels il s'avère toutefois dans les faits 1) que les permis de conduire sont délivrés à des personnes ne disposant pas des connaissances théoriques et pratiques requises pour conduire une voiture ou 2) que de nombreux faux permis sont en circulation;
2. De rompre, sur la base de cette liste, les accords bilatéraux existants avec ces pays;
3. De négocier avec ces pays de nouveaux accords bilatéraux prévoyant que l'échange des permis de conduire dépend de la réussite préalable par les demandeurs d'une épreuve théorique et pratique leur permettant d'établir leur connaissance du code de la route du pays dont ils souhaitent obtenir un permis de conduire ainsi que leur aptitude à la conduite;
4. Dans le cadre des conventions de Genève et de Vienne, de ne plus procéder automatiquement à l'échange des permis de conduire, mais de conditionner cet échange à la réussite préalable par les demandeurs d'une épreuve théorique et pratique adaptée leur permettant d'établir leur connaissance du code de la route du pays dont ils souhaitent obtenir un permis de conduire ainsi que leur aptitude à la conduite;
5. D'adapter la législation et la réglementation belges de sorte 1) que les permis de conduire des ressortissants de pays ne faisant pas partie de l'Espace économique européen ne soient valides que pour une période limitée et 2) que, dans ces cas, l'échange des permis de conduire étrangers dépende de la réussite par les intéressés des épreuves théoriques et pratiques imposées aux Belges qui souhaitent se voir délivrer un permis de conduire belge.
3 août 2010.
Anke VAN DERMEERSCH. |