2-1303/1

2-1303/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2002-2003

11 OCTOBRE 2002


Proposition de loi abrogeant l'article 335, § 3, alinéa 2, du Code civil

(Déposée par Mmes Meryem Kaçar et Marie Nagy)


DÉVELOPPEMENTS


Dans un arrêt du 19 mai 1993 (Moniteur belge du 9 juin 1993), la Cour d'arbitrage a répondu, à une question préjudicielle posée par le tribunal de première instance d'Anvers, que la disposition suivant laquelle l'épouse du père biologique d'un enfant doit donner son accord à l'attribution du nom du père à l'enfant adultérin a patre constitue une violation des articles 6 et 6bis (actuellement 10 et 11) de la Constitution. La disposition en question (article 335, § 3, alinéa 2, du Code civil) fait en effet une distinction entre les enfants issus de l'adultère a patre et les autres enfants conçus hors mariage dont la filiation maternelle a été établie avant la filiation paternelle.

La Cour d'arbitrage n'a pas considéré que la protection de la famille légitime était une justification raisonnable pour l'exercice d'un droit de veto par l'épouse, sans contrôle du juge, d'autant que ce constat n'a pas de conséquences sur le lien de filiation

même. En effet, le législateur n'a pas subordonné l'établissement de la filiation d'un enfant adultérin a patre aux intérêts de la famille légitime. Il a considéré que le droit fondamental de l'enfant primait le respect de la vie familiale (de fait) (l'article 319bis du Code civil dispose que l'opposition de l'épouse à la reconnaissance n'est valable que s'il est établi que celui qui reconnaît l'enfant n'est pas le père biologique) (1).

L'officier de l'état civil n'est pas lié par les arrêts de la Cour d'arbitrage, lesquels ne sont contraignants que pour la juridiction qui a posé la question préjudicielle, ainsi que toute autre juridiction appelée à statuer dans la même affaire (article 28 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage) (2). Il s'ensuit que la disposition litigieuse continue à avoir des conséquences inéquitables pour les enfants et leurs mères lorsque le père biologique néglige de dissoudre son mariage à temps, dans l'intérêt de sa nouvelle famille, ou lorsque la dissolution tarde du fait de la durée (encore) relativement longue des procédures de divorce et des manoeuvres éventuelles de l'épouse non encore divorcée.

Une modification de la loi est nécessaire pour éliminer du Code civil cette inégalité. La présente proposition de loi vise à abroger la disposition discriminatoire.

Meryem KAÇAR.
Marie NAGY.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

L'article 335, §3, alinéa 2, du Code civil, remplacé par la loi du 31 mars 1978, est abrogé.

27 juin 2002.

Meryem KAÇAR.
Marie NAGY.

(1) Voir par exemple G. Baeteman, « De juridische staat van de persoon » dans G. Baeteman, J. Gerlo, E. Guldix, A. Wylleman, G. Verschelden et S. Brouwers, « Overzicht van rechtspraak personen- en familierecht 1995-2000 », TPR 2001, nº 240.

(2) Les juridictions inférieures qui sont saisies dans une affaire distincte mais similaire, portant sur la même question, ne doivent plus se tourner vers la Cour d'arbitrage si les parties soulèvent la même question de droit, sauf si elles souhaitent remettre en cause l'interprétation de la Cour d'arbitrage. Voir à ce sujet A. Alen, Handboek van het Belgisch Staatsrecht, Kluwer, 1995, p. 293. Pour des applications de l'arrêt, voir : Namur, 25 novembre 1996, JLMB 1997, 516, et Liège, 19 mai 1998, JT 1998, 811.