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3 AVRIL 2014
I. INTRODUCTION
Le projet de loi qui fait l'objet du présent rapport relève de la procédure bicamérale facultative et a été déposé initialement à la Chambre des représentants par le gouvernement le 12 mars 2014 (doc. Chambre, nº 53-3441/1).
Il a été adopté par la Chambre des représentants le 27 mars 2014, par 79 voix contre 43.
Il a été transmis le 27 mars 2014 au Sénat, qui l'a évoqué le lendemain.
La commission a examiné le projet de loi qui fait l'objet du présent rapport lors de ses réunions des 1er et 3 avril 2014.
II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE M. JEAN-PASCAL LABILLE, MINISTRE DES ENTREPRISES PUBLIQUES ET DE LA COOPÉRATION AU DÉVELOPPEMENT, CHARGÉ DES GRANDES VILLES
Pour atteindre les objectifs en matière d'amélioration de la qualité du service aux voyageurs, de la sécurité du rail belge, de l'efficacité opérationnelle et de la situation financière du groupe SNCB, l'accord de gouvernement prévoyait une réforme des structures et une simplification organisationnelle du groupe SNCB.
La réforme s'articule autour d'une entreprise ferroviaire et d'un gestionnaire d'infrastructure qui seront amenés à travailler ensemble afin de remplir la première mission de service public qui est d'assurer un transport intérieur de voyageurs ponctuel et de qualité, dans de bonnes conditions de sécurité.
Ces deux sociétés géreront ensemble une filiale commune, HR Rail, société anonyme de droit public qui sera l'employeur unique du personnel.
La loi du 30 août 2013 relative à la réforme des chemins de fer belges a habilité le Roi à prendre toutes les mesures nécessaires en vue d'exécuter les grands principes de la réforme du rail belge qu'elle a fixés.
Le ministre ne reviendra pas sur les grands principes exposés dans la loi du 30 août 2013 et qui ont déjà été débattus au sein de cette commission; il se concentrera sur les éléments qui ont été concrétisés dans les arrêtés royaux qu'il revient à la commission de confirmer.
Six arrêtés royaux ont été adoptés. Ils peuvent être regroupés en trois volets:
— les arrêtés qui ont autorisé la SNCB Holding, Infrabel et la SNCB à initier et à réaliser les opérations de structure nécessaires par lesquelles il ne reste que deux entreprises publiques autonomes et qui ont adapté le cadre normatif et le statut organique des entités concernées à cette nouvelle structure et aux nouvelles activités de ces entités;
— l'arrêté qui a procédé à la création et à la fixation du statut de HR Rail, société anonyme de droit public, le nouvel employeur de l'ensemble du personnel mis à disposition d'Infrabel et de la nouvelle SNCB;
— les arrêtés qui ont apporté des modifications à la réglementation ferroviaire.
L'article 2 du projet de loi vise à confirmer les différents arrêtés.
Le 1 vise à confirmer l'arrêté royal du 7 novembre 2013 portant réforme des structures de la SNCB Holding, d'Infrabel et de la SNCB.
Cet arrêté autorise les sociétés à procéder aux opérations du droit des sociétés permettant d'aboutir au nouveau modèle envisagé.
Il s'agit principalement des opérations suivantes:
— la fusion par absorption de la SNCB par la SNCB Holding, qui est devenue la nouvelle entreprise ferroviaire et a adopté la dénomination de « SNCB »;
— le transfert, au moyen d'une scission partielle, de certains actifs et passifs de la SNCB Holding vers Infrabel (en ce compris le transfert de l'unité opérationnelle « ICTRA ») et le découplage de la participation de la SNCB Holding dans Infrabel;
— le transfert par Infrabel à l'entreprise ferroviaire des actifs et passifs attachés aux activités qui relèvent de la nouvelle SNCB;
— l'apport des actifs et passifs de l'activité opérationnelle actuelle « human ressources » de la SNCB Holding à HR Rail.
L'arrêté royal organise aussi le partage de la dette financière de la SNCB Holding entre Infrabel et la nouvelle SNCB, en tenant compte des besoins pour leur viabilité économique et financière, mais aussi d'autres paramètres tels que la réglementation européenne applicable et la neutralité de l'impact sur la dette publique. La répartition de la dette a fait l'objet de discussions approfondies au sein du groupe SNCB qui ont abouti à l'accord sur la répartition de la dette reprise à l'article 5, § 1er, 4º de l'arrêté. Ainsi Infrabel a pris à sa charge l'ensemble des dettes qui lui étaient directement attribuables ainsi que 45 % des dettes non directement attribuables à une des trois entités du groupe.
Ces aspects de la réforme concernent des opérations auxquelles certains délais étaient attachés, entre les sociétés et à l'égard de tiers intéressés. Celles-ci ont dès lors été isolées dans ce premier arrêté pour permettre aux sociétés de prendre les actes nécessaires à l'entrée en vigueur de la réforme au 1er janvier 2014.
L'article 2, 2º du projet de loi a pour objet de confirmer l'arrêté royal du 11 décembre 2013 portant réforme des structures de la SNCB Holding, d'Infrabel et de la SNCB.
Cet arrêté entend assurer que le statut organique d'Infrabel et de la nouvelle SNCB ainsi que les autres dispositions légales et réglementaires qui leur sont applicables soient alignés sur la nouvelle structure, composée de deux entreprises publiques autonomes, la SNCB et Infrabel, et sur les nouvelles activités des deux entreprises publiques. Les principales modifications concernent la loi du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises publiques économiques.
L'arrêté royal reprend l'objet social et les missions de service public des deux nouvelles entités, tels qu'énoncés dans la loi d'habilitation. Il précise, en outre, le contenu de la mission de service public relative à la sécurité et vise à garantir que la sécurité dans le domaine des chemins de fer continue à être exercée par les agents de la nouvelle SNCB selon une approche globale, et cela également sur l'infrastructure ferroviaire gérée par Infrabel.
Il crée, par ailleurs, différentes servitudes afin d'assurer tant à Infrabel qu'à la SNCB la continuité de leurs activités opérationnelles. Ainsi, Infrabel disposera d'une servitude dans les gares appartenant à la (nouvelle) SNCB pour faire passer tous les cábles, notamment ceux liés à la haute tension et à la signalisation, tandis que la SNCB disposera d'une servitude sur certains éléments d'infrastructure, comme les quais ou les couloirs sous voies et cela afin de lui permettre d'exercer sa mission d'accueil aux voyageurs.
Des dispositions sont également prévues pour assurer une bonne coordination des investissements dans le cadre de l'élaboration des plans pluriannuels d'investissement et pour garantir une bonne collaboration pour les aspects opérationnels du transport intérieur de voyageurs, par le biais de la convention de transport.
Enfin, des dispositions sont prises afin de permettre la représentation des Régions au sein des conseils d'administration de la nouvelle SNCB et d'Infrabel.
Ce dispositif doit être complété par un arrêté royal pris de l'accord des Régions afin de pouvoir procéder aux désignations effectives et d'exécuter ainsi un élément de la réforme institutionnelle.
Le deuxième volet des arrêtés à confirmer porte sur le personnel des Chemins de fer belges et la création de la SA de droit public HR Rail.
L'article 2, 3º, du projet de loi vise ainsi à confirmer l'arrêté royal du 11 décembre 2013 relatif au personnel des Chemins de fer belges.
Cet arrêté règle:
— la création et le statut organique de HR Rail;
— le transfert du personnel de la SNCB Holding à HR Rail;
— et les règles de base relatives au personnel (la mise à disposition du personnel par HR Rail, le statut du personnel, le statut syndical, les affaires du personnel et le dialogue social).
Cet arrêté royal garantit l'unicité du statut du personnel des chemins de fer qui relève de la Commission paritaire nationale. HR Rail est l'employeur unique de l'ensemble du personnel et la SNCB et Infrabel sont tenues de faire exclusivement appel à HR Rail pour la sélection, le recrutement et la mise à disposition du personnel. Cet arrêté organise également la répartition des compétences RH entre les sociétés et aligne les organes de négociation et de concertation sociale sur la nouvelle structure. Les Chemins de fer auront également la faculté de faire appel au SPF Emploi, Travail et Concertation sociale en vue de prévenir et d'assurer une mission de conciliation en cas de conflits sociaux.
Le dernier volet des arrêtés à confirmer porte sur trois arrêtés. Ces textes sont repris à l'article 2, 4º à 6º, du projet de loi.
Le premier arrêté à confirmer est l'arrêté royal du 21 décembre 2013 modifiant le Code ferroviaire, en vue de l'extension des compétences de l'organe de contrôle, notamment en termes de contrôle de la convention de transport.
L'organe de contrôle sera également compétent pour garantir l'accès non discriminatoire aux installations de service gérées par l'entreprise ferroviaire et pour s'assurer que la servitude dont bénéficie la SNCB sur certains éléments de l'infrastructure ferroviaire ne porte pas atteinte à ce droit d'accès non discriminatoire.
Le deuxième arrêté à confirmer est l'arrêté royal du 21 décembre 2013 modifiant le Code ferroviaire en ce qui concerne les services à fournir aux entreprises ferroviaires. Cet arrêté édicte, d'une part, les règles qui accordent aux entreprises ferroviaires, de manière non discriminatoire, l'accès aux gares, aux points d'arrêt non gardés et aux emplacements convenables prévus dans les gares pour les services de billetterie ainsi que les règles relatives à l'accès aux installations fixes de communication avec les voyageurs, comme les afficheurs de quai et la sonorisation.
Le dernier texte à confirmer est l'arrêté royal du 21 décembre 2013 modifiant le Code ferroviaire en ce qui concerne l'accès au traffic control et aux cabines de signalisation du gestionnaire de l'infrastructure. Cet arrêté permet à toutes les entreprises ferroviaires de disposer d'un personnel de sécurité qualifié dans le traffic control et les principales cabines de signalisation d'Infrabel afin de proposer au gestionnaire d'infrastructure un ordre de priorité pour leurs propres trains en cas de perturbations.
III. DISCUSSION
Mme Maes déclare se rallier aux observations formulées par M. Vandeput au sein de la commission compétente de la Chambre (voir doc. Chambre, nº 53 3441/2, pp. 7 et suiv.). La critique émise par Mme Maes porte sur les trois points suivants:
1º la création de HR Rail n'a pas été une réussite; il aurait été préférable qu'Infrabel et la SNCB gèrent toutes deux elles-mêmes la politique de leur personnel, avec les garanties offertes par la conclusion de CCT;
2º le fait que la SNCB reste en partie responsable de l'infrastructure n'est pas une bonne chose: la gestion mixte de l'infrastructure nuit à une gestion efficace;
3º avec le projet de loi à l'examen, le ministre a manqué une occasion de préparer administrativement la libéralisation du marché du transport des voyageurs; cela aurait pourtant pu contribuer à améliorer la qualité du service.
M. Schouppe rappelle que le projet de loi à l'examen a pour but de confirmer une série d'arrêtés royaux déjà appliqués.
Sur le fond, M. Schouppe est d'avis que la nouvelle structure constitue d'ores et déjà une avancée par rapport à l'ancienne structure à trois entités. Dans le passé, la collaboration entre les structures n'a pas été bonne. On a récemment compris pourquoi. Des responsables qui expliquent a posteriori comment les chemins de fer auraient dû être gérés, cela ne sert à rien. Les structures, on peut en user et en abuser. Ce qui compte, c'est le résultat, tant pour les usagers que pour les responsables politiques et le contribuable. L'intervenant espère que les nouveaux responsables sauront tirer les leçons du passé: la structure tricéphale a été une bévue monumentale. Le plus important est d'optimiser la relation entre le gestionnaire de l'infrastructure et son principal client, la SNCB. Il ne faut pas oublier que les autorités belges investissent des sommes considérables dans ces chemins de fer, tant au niveau de l'infrastructures que de l'exploitation. Les arrêtés royaux à confirmer doivent contribuer à cette optimalisation.
Réagissant à l'intervention de Mme Maes, M. Schouppe considère comme un élément positif la création de HR Rail. Pas tant pour des raisons économiques, mais surtout parce que c'est la meilleure garantie d'une bonne collaboration entre la SNCB et Infrabel. Aujourd'hui, tous les cheminots n'ont plus qu'un seul employeur et sont collègues. Ce changement doit contribuer à améliorer la coopération. HR Rail doit ici jouer un rôle de passerelle. Pour l'intervenant, cette formule n'est pas la meilleure que l'on puisse concevoir, mais c'est sans doute le meilleur compromis possible, et elle représente en tout cas une amélioration par rapport au passé.
M. Bellot rappelle qu'à la Chambre, la commission « Buizingen » avait identifié différents écueils, imputables en grande partie à une dispersion des responsabilités, notamment en matière de politique du personnel. L'intervenant illustre ensuite son propos à l'appui de quelques exemples.
M. Bellot souligne par ailleurs que l'Europe connaît deux modèles d'exploitation des chemins de fer: le modèle unitaire, qui s'inspire de l'exemple allemand, et le modèle à deux entités, qui sépare les volets infrastructure et exploitation. La Commission européenne a une préférence marquée pour le modèle à deux entités. Pour que les chemins de fer belges fonctionnent bien, trois conditions essentielles doivent être remplies:
1º l'exploitant et le gestionnaire de l'infrastructure doivent tendre ensemble vers les mêmes objectifs en termes de services;
2º il est absolument indispensable de simplifier l'organisation structurelle, mais c'est loin d'être une sinécure; la SNCB compte une centaine de filiales dont le fonctionnement manque parfois de transparence; cette opacité a déjà été épinglée dans plusieurs rapports de la Cour des comptes;
3º il convient de séparer l'infrastructure de l'exploitation, non seulement sur le plan comptable, mais aussi sur le plan juridique.
Le groupe MR soutiendra le projet de loi, mais M. Bellot conclut en soulignant qu'il reste un énorme travail à accomplir pour organiser les chemins de fer belges de manière plus efficace, sachant que les pouvoirs publics belges investissent environ 3 milliards d'euros par an dans cette entreprise publique. Les efforts doivent viser à garantir l'efficacité, la sécurité et la ponctualité de tous les trains de voyageurs et de navetteurs.
Le ministre répond à Mme Maes que la réforme entreprise a bel et bien donné naissance à une structure composée de deux entités, et non de trois. HR Rail n'en fait pas partie, elle soutient le fonctionnement d'Infrabel et de la SNCB.
En ce qui concerne le partage entre Infrabel et la SNCB, on est allé le plus loin possible, précisément parce que le ministre a compris, en tirant les leçons du passé, que des accords manquant de clarté sont une source de conflits permanents.
S'agissant du débat sur la libéralisation, le ministre demande instamment de ne pas verser dans le dogmatisme. Si la libéralisation du marché de l'électricité avait été une réussite, cela se saurait, mais la Belgique est au contraire passée d'un marché de l'électricité caractérisé par une surproduction d'électricité bon marché à un marché de l'électricité dépendant d'une production étrangère plus chère. Le ministre demande instamment aux deux parties de cesser tout dogmatisme. Il a récemment participé à une concertation avec ses collègues néerlandais et luxembourgeois, et fera bientôt de même avec ses homologues français et allemand. Le ministre demande d'attendre les résultats de cette concertation. Il tient également à souligner le travail remarquable accompli dans ce dossier par les membres belges du Parlement européen.
Pour le reste, le ministre juge très prometteurs les premiers actes de gestion accomplis par M. Cornu, nouvel administrateur délégué de la SNCB.
S'agissant de l'observation de M. Bellot au sujet du nombre de filiales de la SNCB, le ministre souligne qu'en sa qualité d'ancien réviseur d'entreprises, il ne connaît que trop bien les tenants et aboutissants de la création de ces filiales et sait qu'elles peuvent parfois mettre le ministre dans l'impossibilité juridique d'intervenir de manière adéquate. Pour le ministre, il ne faut pas tomber dans le fétichisme des chiffres. Ce n'est pas le nombre de filiales qui importe, mais bien leur bon fonctionnement, qui est un gage d'efficacité et de transparence.
M. Bellot revient sur les propos du ministre concernant la libéralisation du marché de l'électricité et répond que le choix radical de la libéralisation de la production d'électricité et des chemins de fer au Royaume-Uni a conduit à la fois à une baisse des tarifs de l'électricité et à une augmentation de la fiabilité du réseau, avec un marché ouvert et des transports ferroviaires fonctionnant de manière optimale.
Le ministre, Mme Talhaoui et M. Laaouej contestent la thèse soutenue par M. Bellot.
MM. Bellot et Daems soulignent en outre que les tarifs élevés de l'électricité sur le marché belge sont dus aux frais de distribution et non au prix d'achat de l'électricité. Ces frais de distribution élevés ont été imposés par les autorités régionales.
Enfin, M. Schouppe rejoint le ministre en appelant à son tour les membres de la commission à cesser tout dogmatisme.
IV. VOTES
L'ensemble du projet de loi a été adopté sans modification par 10 voix contre 1.
Le rapport a été approuvé à l'unanimité des 10 membres présents.
Le rapporteur, | La présidente, |
Etienne SCHOUPPE. | Fauzaya TALHAOUI. |
Le texte adopté par la commission est identique au texte du projet de loi transmis par la Chambre des représentants (voir le doc. Chambre, nº 53-3441/3).